NAT/951
Ancrer la politique environnementale au sein de la société — 8e programme d’action pour l’environnement
AVIS
Section «Agriculture, développement rural et environnement»
Horizon 2030 — Évaluation des actions clés en faveur de l’environnement à inclure dans l’annexe du 8e programme d’action pour l’environnement afin de mieux ancrer la politique environnementale au sein de la société
(avis exploratoire à la demande de la présidence danoise)
Rapporteur: Lutz RIBBE
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Consultation
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Lettre de la présidence danoise du Conseil, 7/2/2025
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Base juridique
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Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
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Compétence
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Section «Agriculture, développement rural et environnement»
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Adoption en section
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25/6/2025
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Résultat du vote
(pour/contre/abstentions)
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48/0/2
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Adoption en session plénière
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J/M/AAAA
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Session plénière nº
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598
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Résultat du vote
(pour/contre/abstentions)
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…/…/…
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1.Conclusions et recommandations
1.1Dans le cadre de l’examen à mi-parcours du 8e programme d’action pour l’environnement (PAE), la Commission européenne doit examiner s’il y a lieu de présenter une proposition législative visant à ajouter au 8e PAE une annexe contenant «une liste d’actions en vue d’atteindre ces objectifs, ainsi qu’un calendrier de ces actions respectives», de manière à faire progresser la politique environnementale. La présidence danoise du Conseil a demandé l’avis du Comité économique et social européen (CESE) à ce sujet.
1.2Le CESE estime qu’une proposition législative visant à joindre une nouvelle annexe au PAE n’est pas indispensable. Il ne suffit pas d’ajouter d’éventuelles questions supplémentaires à la liste déjà longue des problèmes de détail à traiter. Il conviendrait plutôt de mener une réflexion approfondie sur certains principes généraux de la future politique environnementale, ou plus précisément, de la politique de durabilité, qui, comme chacun sait, représente la symbiose des politiques environnementale, sociale et économique.
1.3Le présent avis recense donc quelques domaines clés que le CESE a souvent décrits comme incontournables, sans toutefois que ses propositions aient été dûment prises en compte par les décideurs politiques. À cet égard, chacun devrait avoir compris qu’une protection renforcée de l’environnement est un élément important de la solution pour l’avenir, et non un problème, comme le pensent toujours de nombreux États membres.
1.4La politique environnementale reste une «affaire d’écolos». Bien qu’elle apporte des réponses adéquates à de nombreux problèmes, celles-ci sont formulées de façon incompréhensible pour de nombreux citoyens — et manifestement aussi pour la plupart des profanes en matière de politique de l’environnement — et apparaissent ainsi coupées de la réalité. Par exemple, lorsqu’il est question d’un «changement systémique nécessaire» ou de «dépassement des limites planétaires», il convient de fournir des explications. Il y a lieu de préciser beaucoup plus clairement ce que cela signifie concrètement, comment la vie quotidienne et les conditions de travail des personnes et des entreprises seront affectées et quelles en seront les conséquences pour d’autres domaines d’action. Ce n’est qu’ainsi que l’on pourra susciter une prise de conscience de la population et faire en sorte qu’elle se sente concernée. Malheureusement, ni le 8e PAE, ni la politique de l’environnement dans son intégralité ne parviennent à ce résultat.
1.5Le CESE considère toujours que la Commission Barroso, en particulier, a commis une grave erreur politique en décidant de ne pas poursuivre la stratégie de développement durable qui existait à l’époque. Par la suite, l’Union a certes tenté de combler au moins une partie de ce manque avec le pacte vert, mais pour le CESE, celui-ci néglige encore largement les implications sociales, et ne saurait dès lors remplacer une stratégie de développement durable. Il réitère donc son appel en faveur d’une stratégie de développement durable de l’Union à l’horizon 2050 qui aborde et intègre également de manière adéquate la dimension sociale de la transformation qui s’impose.
1.6La nécessité, décrite dans le PAE, d’élaborer un nouvel indicateur de notre prospérité («au-delà du PIB») n’est pas abordée en dehors des discussions plutôt théoriques et scientifiques qui se déroulent au sein des milieux écologistes. Le CESE souhaiterait que la présidence danoise réussisse à amener les ministres chargés des finances et de l’économie à s’engager dans ce débat et à présenter des propositions concrètes.
1.7Quant à la croissance future des besoins de financement liés aux mesures de durabilité dans un contexte de concurrence budgétaire accrue (politique de défense), il convient à la fois d’améliorer l’efficacité des dépenses actuelles et d’éliminer rapidement toutes les subventions préjudiciables à la santé et à l’environnement.
1.8Le monde politique doit prendre beaucoup plus au sérieux les conclusions et mises en garde des scientifiques, mais aussi les initiatives de terrain tournées vers l’avenir. L’on ne saurait construire l’avenir en fixant des objectifs politiques qui se situent au-delà des limites de la planète, à l’instar de l’objectif de 1,5 °C dans le domaine de la politique climatique.
1.9Il y a lieu de renforcer la sensibilisation aux questions de durabilité, tant au sein de la population que dans le monde politique et l’administration. À cet égard, la difficulté réside dans le fait que la politique d’information est torpillée, parfois avec succès, par des milieux poursuivant d’autres intérêts.
1.10Le CESE plaide en faveur d’une participation accrue de la société civile afin de renforcer l’adhésion du public aux politiques de l’Union en matière d’environnement et de durabilité. Il est indispensable de les intégrer systématiquement dans tous les domaines possibles de la vie quotidienne, y compris le monde du travail. C’est le seul moyen de faire en sorte que les changements nécessaires soient compréhensibles et socialement équitables.
2.Contexte de l’avis
2.1Par leur décision du 6 avril 2022, le Parlement européen et le Conseil ont adopté le 8e programme d’action pour l’environnement (PAE) à l’horizon 2030. Le CESE avait auparavant fait part de ses observations sur la proposition de la Commission dans son avis du 27 janvier 2021; il avait à cette occasion formulé de vives critiques sur le contenu et les incidences du PAE, comme cela avait déjà été le cas dans son avis sur le 7e PAE.
2.2Le CESE avait indiqué qu’il ne voyait dans la proposition «qu’une valeur ajoutée tout au plus marginale», car «la proposition se contente de décrire la situation en termes généraux et de formuler des déclarations d’intention, sans offrir de véritable contenu ni d’actions concrètes», et «aucun instrument ou mesure concret [...] n’est mentionné». Il estimait donc être conforté «dans la position qu’il a rappelée à de nombreuses reprises depuis des années, à savoir que ce qui fait défaut n’est pas la connaissance de ce qu’il conviendrait de faire, mais la mise en œuvre de mesures bien connues, souvent décidées depuis longtemps, et la volonté politique».
2.3Le CESE préconisait par conséquent «un débat de fond sur le sens et l’utilité des programmes d’action pour l’environnement» et réitérait «son appel en faveur de l’élaboration d’un “programme de développement durable de l’UE à l’horizon 2050”». Le Comité a formulé des orientations sur la manière de mieux intégrer la société civile à cet égard dans deux avis clés: «La transition vers un avenir plus durable pour l’Europe — Une stratégie pour 2050» et «Ne laisser personne de côté lors de la mise en œuvre du programme de développement durable à l’horizon 2030». Toutefois, les idées développées et les mesures proposées dans ces documents n’ont guère été prises en compte par la Commission, le Conseil et le Parlement européen.
2.4La décision susmentionnée du Parlement européen et du Conseil n’a pas tenu compte des principales critiques émises par le CESE. Cependant, contrairement à la proposition de la Commission, le texte adopté prévoit en son article 5 un examen à mi-parcours, à la lumière duquel la Commission pourrait présenter, le cas échéant, une proposition législative visant à ajouter une annexe au 8e PAE pour la période postérieure à 2025, contenant «une liste d’actions en vue d’atteindre ces objectifs, ainsi qu’un calendrier de ces actions respectives».
2.5La future présidence danoise du Conseil est disposée à accompagner activement ce débat, et a dès lors invité le CESE à élaborer le présent avis exploratoire. Cet avis pourrait «évaluer les mesures de politique environnementale que le Comité économique et social européen juge essentielles pour l’UE entre 2025 et 2030» et qu’il considère comme nécessaires pour «garantir que l’action environnementale à venir soit fermement ancrée dans la société au sens large».
3.Observations générales
3.1Tant les différents rapports de l’Agence européenne pour l’environnement que les analyses effectuées dans le cadre du programme des Nations unies à l’horizon 2030 afin d’évaluer la réalisation des objectifs de développement durable, ainsi que le rapport sur l’examen à mi-parcours du huitième programme d’action pour l’environnement, indiquent clairement que les mesures prises ont effectivement permis d’enregistrer des progrès, mais que ceux-ci ne sont toutefois pas suffisants dans la plupart des domaines de la politique environnementale. Ainsi, l’examen à mi-parcours du 8e PAE aboutit notamment aux conclusions suivantes:
·le rythme de réduction des émissions doit s’accélérer pour atteindre près du triple du taux de réduction annuel moyen atteint au cours de la dernière décennie;
·il convient de redoubler d’efforts pour atteindre l’objectif en matière d’absorptions nettes de gaz à effet de serre par les puits de carbone dans le secteur de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie (UTCATF);
·d’importants problèmes subsistent en matière de biodiversité, les populations d’oiseaux communs continuant de diminuer et celles d’oiseaux en milieu agricole déclinant même fortement; il est donc nécessaire d’investir davantage dans la nature, et pourtant, l’objectif de financement fixé pour 2026 et 2027 pourrait ne pas être atteint;
·l’empreinte de consommation de l’Union a dépassé les limites planétaires et a encore augmenté de 4 % entre 2010 et 2021, tandis que la pression sur l’artificialisation des terres n’a pas diminué, ce qui s’explique par les modes de consommation actuels dans les domaines de l’alimentation, du logement et des transports;
·la pénurie de l’eau touche désormais près d’un tiers de l’Union;
·souvent, ce n’est pas la législation qui fait défaut, mais sa mise en œuvre (quelque 20 % des cas d’infraction traités par la Commission concernent encore la politique environnementale).
3.2Dès lors, les doutes exprimés à plusieurs reprises par le CESE quant à 1) la volonté politique et 2) l’efficacité des PAE demeurent. Des programmes d’action sans mesures ni instruments ne sauraient constituer une politique environnementale. Toutefois, le 8e PAE énumère et décrit les domaines thématiques ouverts et à traiter, ainsi que la situation parfois dramatique dans laquelle se trouve encore la politique environnementale.
3.3Parallèlement à l’évaluation à mi-parcours du 8e PAE, l’examen 2025 de la mise en œuvre de la politique environnementale (EIR) révèle également les lacunes majeures en matière de politique environnementale. Le CESE voit dans l’EIR 2025 une bonne occasion de recenser les principaux défis et les bonnes pratiques. Les résultats de cet examen représentent une contribution importante à la proposition d’annexe au 8e PAE. Les conclusions récurrentes des différents EIR ne doivent pas se transformer en «pétard mouillé»: il convient de mieux les utiliser pour actualiser les politiques stratégiques et combler les lacunes existantes en matière de mise en œuvre.
3.4Le CESE soutient particulièrement toute déclaration, dans le PAE et les documents qui l’accompagnent, indiquant clairement qu’«un changement radical est nécessaire» dans de nombreux domaines de notre politique actuelle. L’examen à mi-parcours précise à très juste titre que de tels «changements systémiques comportent une forme de changement fondamentale, transformatrice et transversale qui implique des transformations majeures et une réorientation des objectifs du système, des incitations, des technologies, des pratiques et des normes sociales, ainsi que des systèmes de connaissance et des approches de la gouvernance».
3.5De telles affirmations ne sont pas neuves. Il était déjà question de «faire évoluer en profondeur les systèmes énergétiques, industriels et agricoles, ainsi que les systèmes de transport» dans l’initiative phare «Une Europe efficace dans l’utilisation des ressources» (relevant de la stratégie Europe 2020 alors en vigueur) et dans le 7e PAE. Selon le CESE, la principale lacune de la politique (environnementale) menée jusqu’à présent réside dans l’absence, à ce jour, de la moindre indication concernant la manière de concrétiser ce changement systémique radical, les effets de ce dernier sur la réalité de toutes les personnes concernées et la façon de garantir leur adhésion, indispensable à cette fin. Le Comité avait déjà exigé, voici plus de vingt ans, cette approche qu’il jugeait indispensable.
4.Observations particulières
4.1Le CESE estime qu’une proposition législative visant à joindre une nouvelle annexe au PAE n’est pas indispensable. Il ne suffit pas d’ajouter d’éventuelles questions supplémentaires à la liste déjà longue des problèmes de détail à traiter. Il conviendrait plutôt de mener une réflexion approfondie sur certains principes généraux de la future politique environnementale, ou plus précisément, de la politique de durabilité, qui, comme chacun sait, représente la symbiose des politiques environnementale, sociale et économique.
La prise de conscience comme fondement de l’action politique
4.2Il est dans la nature de l’être humain de percevoir comme moins menaçantes ou moins importantes les choses dont il ne ressent pas personnellement la gravité dans l’immédiat, voire de les refouler. Cette attitude complique l’action politique. Deux exemples permettent d’illustrer ce point:
·les décès causés par les accidents de la route font — à très juste titre — l’objet d’intenses débats dans notre société. Plus de 20 000 personnes meurent chaque année sur les routes européennes et rares sont les citoyens qui ne connaissent pas quelqu’un ayant été directement ou indirectement impliqué dans un tel accident. Chacun se sent dès lors concerné, ce qui favorise l’adhésion aux mesures mises en œuvre pour contrer ce phénomène. Or, en Europe, les vagues de chaleur sont responsables de trois fois plus de pertes humaines, et en 2021, 253 000 décès étaient imputables aux particules fines, soit douze fois plus que les décès liés à la circulation. Cependant, il s’agit là de décès pour ainsi dire «anonymes», puisque personne ne connaît dans son entourage quelqu’un dont la mort aurait été attribuée à une telle cause, ce qui n’est pas sans conséquences sur la capacité des autorités à appliquer des mesures politiques en la matière, d’autant plus que la question n’est largement débattue que par les responsables politiques compétents en matière d’environnement et non, par exemple, par ceux chargés de la santé ou de l’économie;
·l’actuelle situation sécuritaire et militaire menaçante, à la suite de l’invasion brutale de l’Ukraine par la Russie, aura de graves répercussions sur les budgets publics. Des centaines de milliards d’euros sont dégagés pour y réagir. Cette situation est largement acceptée car le danger apparaît clairement. La menace que représentent pour l’humanité le changement climatique ou la perte de biodiversité est tout aussi urgente et importante, mais moins «tangible». Il est donc plus difficile d’y réagir politiquement par des mesures «dures».
4.3Ce constat est d’autant plus vrai lorsque le monde politique lui-même n’évalue pas correctement la gravité du problème. Citons à cet égard un autre exemple en lien avec le 8e PAE, où il est rappelé à plusieurs reprises que «certaines limites planétaires» continuent d’être dépassées. Le CESE a maintes fois souligné l’importance d’une description aussi précise que possible de ces limites planétaires, d’une communication claire sur les conséquences du dépassement et de l’élaboration d’indicateurs qui serviraient de boussole pour l’action politique et qui devraient faire l’objet d’un suivi concret. À ce jour, aucun de ces éléments n’a été mis en place, et nous en payons les frais.
4.4Il importe de préciser à cet égard que les limites planétaires ne sauraient pas être définies par la politique. C’est tout d’abord à la communauté scientifique qu’il incombe de les déterminer, comme le fait par exemple le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) dans le domaine de la lutte contre le changement climatique. Le monde politique devrait en tirer les conséquences qui s’imposent.
4.5L’article 2 de la convention-cadre des Nations unies de 1992 sur les changements climatiques dispose que «[l]’objectif ultime de la présente Convention [...] est de stabiliser [...] les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique». L’accord de Paris s’écarte de cet objectif qualitatif (le respect des limites planétaires) pour adopter à la place un objectif politique quantitatif (1,5 °C). C’est à cet objectif que se réfèrent désormais les politiques et la communication sur leur réussite ou leur échec.
4.6À vrai dire, l’objectif de 1,5 °C se situe clairement en dehors des limites planétaires: la fonte de tous les glaciers d’Europe et des calottes polaires ainsi que l’augmentation des phénomènes climatiques extrêmes (tempêtes, sécheresses, inondations, etc.) ont lieu sans que la barre de 1,5 °C ait été franchie. Annoncer à la population que l’objectif de 1,5 °C est déjà (ou sera bientôt) respecté revient à envoyer un signe catastrophique, puisqu’une telle affirmation réduit le sentiment d’urgence qui doit inciter à agir et qu’elle donne une impression de sécurité totalement fausse. À cet égard, il convient de noter que les effets directs sur l’environnement et les conséquences économiques qui en découleront ne seront pas les seules incidences funestes. Jusqu’à présent, les implications éventuelles, pour nos sociétés, des flux migratoires mondiaux n’ont guère suscité le débat.
4.7Il est donc essentiel d’investir davantage dans la sensibilisation de la population comme du monde politique à l’environnement, et il est recommandé de mener, dans le contexte des initiatives de formation correspondantes et de la communication à leur sujet, une coopération stratégique avec les scientifiques, les organisations de défense de l’environnement, les syndicats et d’autres forces de la société civile. Cette approche est d’autant plus nécessaire que l’on constate l’organisation d’une contre-propagande, par exemple sur les médias dits «sociaux», notamment par certains milieux politiques (citons la Russie, qui veut continuer à écouler ses ressources fossiles et créer des dépendances), mais aussi par des secteurs qui souhaitent continuer à gagner de l’argent avec des productions plutôt problématiques pour l’environnement.
Aspects économiques et financiers
4.8Les «stratégies de croissance» figurent toujours au premier rang des priorités politiques, et le PIB reste un baromètre de la santé de l’économie. La croissance économique a cependant joué un rôle important dans les tendances négatives concernant, par exemple, l’empreinte sur les matières premières et la production totale de déchets, comme le montrent, entre autres, les rapports de l’Agence européenne pour l’environnement. Certes, le découplage de la croissance économique et de la pression sur l’environnement se poursuit, mais il n’est pas encore total. Il serait d’autant plus important de débattre de la manière dont notre prospérité est évaluée, c’est-à-dire d’une mesure «au-delà du PIB», qui aurait dû être promue dans le 8e PAE; cependant, pour l’essentiel, celui-ci n’a offert aucune avancée significative pouvant être intégrée dans les stratégies politiques (de croissance). Il est urgent que cela change, faute de quoi nous risquons de continuer à prendre de mauvaises décisions de politique économique et de nous éloigner d’une économie du bien-être. La présidence danoise pourrait par exemple lancer un débat stratégique à ce sujet lors d’une réunion des ministres de l’économie et/ou des finances.
4.9Le rapport sur l’examen à mi-parcours du 8e PAE montre également que de nombreuses actions dans le domaine de la protection de l’environnement ne bénéficient pas d’un financement suffisant, ce qui est source de mécontentement et de méfiance chez les personnes concernées. Ainsi, les agriculteurs sont souvent soumis à des obligations liées à la protection de la nature (comme le réseau Natura 2000), et le monde politique leur avait promis de compenser les contraintes, dommages, pertes de revenus, etc. qui pourraient en découler. Cela n’a pas été le cas, seule une petite partie des fonds nécessaires ayant été prévue à cet effet dans les budgets publics.
4.10Aussi le CESE réitère-t-il sa demande, formulée à plusieurs reprises, concernant la mise à disposition de moyens budgétaires clairement affectés et suffisants. L’argument récurrent de la Commission selon lequel il est possible, en théorie, de puiser des ressources dans un «grand pot» (comme le Fonds de développement régional) pour financer également des mesures de petite envergure n’est pas crédible.
4.11Les exigences environnementales posées par les fonds de l’UE sont plutôt formelles et déficientes. Pour aller plus loin, il faudrait réformer la structure du principe horizontal que constitue le développement durable dans la politique de cohésion. Dans l’ensemble, il est essentiel d’accroître l’efficacité des fonds déjà disponibles, entre autres en octroyant plus directement les fonds aux acteurs qui produisent des résultats. Il convient également d’assurer une répartition territoriale équilibrée des fonds.
4.12Des instruments mieux coordonnés et des mécanismes de sanction plus stricts sont nécessaires pour encourager les États membres à utiliser plus efficacement les moyens de protection de l’environnement déjà mis à leur disposition par la Commission et à accélérer la mise en œuvre de la législation en vigueur.
4.13En outre, les besoins financiers augmenteront à l’avenir pour éviter des dommages et des dépenses encore plus importants ou pour encourager les initiatives écologiques. Par exemple, si l’on veut créer des puits de carbone naturels et/ou restaurer des habitats perdus pour les espèces animales et végétales, on peut s’attendre à une concurrence évidente avec l’utilisation actuelle des terres agricoles.
4.14Les mesures de lutte contre le changement climatique et de protection de la biodiversité concernent, dans les deux cas, des «biens publics», pour lesquels il n’existe toutefois pas de marché. Cela signifie que l’État doit créer les «marchés de biens publics» correspondants, en confiant ensuite aux agriculteurs, par exemple, le soin de pourvoir aux besoins qui s’y rapportent. Cependant, il ne sera guère aisé de convaincre les agriculteurs d’entreprendre des reconversions productives appropriées s’ils ne reçoivent des compensations financières que pour leur manque à gagner ou leurs charges supplémentaires. Le CESE a souvent plaidé pour la transformation desdits «biens publics» en une nouvelle source de revenus à long terme et clairement prévisible pour les agriculteurs. Il est absolument indispensable d’introduire une «composante d’incitation» pour susciter la participation économique à une politique fondée sur des critères de durabilité.
4.15La future programmation financière à moyen terme de l’Union servira ainsi de pierre de touche. Dans un contexte de restrictions budgétaires, parallèlement à des dépenses militaires et à l’augmentation des besoins de financement dans le cadre de la transition vers une plus grande durabilité, il y a lieu d’accorder une priorité élevée à la réduction de toutes les subventions préjudiciables à l’environnement et à la santé. C’est ce que demande le CESE depuis des années, le monde politique en parle lui aussi depuis longtemps, mais les progrès restent largement insuffisants. Des décisions irrévocables doivent impérativement être prises pour la période restante du 8e PAE.
Améliorer la participation des citoyens
4.16Pour assurer un meilleur ancrage de la politique environnementale de l’UE dans la société, il convient de mieux prendre en compte les craintes et les besoins des citoyens. Le CESE renvoie une nouvelle fois aux observations qu’il a formulées à ce sujet dans ses avis SC/47 et SC/53. Il y plaide pour une participation systématique dans tous les domaines possibles de la vie quotidienne: c’est là le seul moyen de garantir que la transformation nécessaire soit socialement équitable.
4.17Mais là encore, les politiques évoluent beaucoup trop lentement. En 2015, l’union européenne de l’énergie a vu le jour, avec pour objectif l’abandon progressif des énergies fossiles. La Commission expliquait alors vouloir développer une politique «focalisée sur le citoyen — dans laquelle ce dernier prend à son compte la transition énergétique, tire avantage des nouvelles technologies pour réduire sa facture et prend une part active au marché — et qui permette aussi de protéger les consommateurs les plus vulnérables». Dans de nombreux avis, le CESE s’est félicité de cette approche participative, mais il a aussi souvent critiqué la quasi-absence, à ce jour, de mesures pour la soutenir. Les nombreuses propositions du CESE en la matière n’ont pas trouvé d’écho politique. Il n’est donc pas étonnant qu’en dépit du large soutien dont bénéficient globalement les énergies renouvelables, leur mise en œuvre suscite souvent d’importants conflits sur le terrain, par exemple pour ce qui est de la planification de l’énergie éolienne. Lorsque les citoyens bénéficient effectivement de ces installations (c’est-à-dire lorsqu’il est question d’énergie citoyenne), il y a beaucoup moins de résistance.
4.18Après dix ans d’union de l’énergie, la Commission présentera un «train de mesures sur l’énergie citoyenne», qui devrait concrétiser l’approche adoptée à l’époque. Le CESE s’en réjouit et élaborera un avis distinct à ce sujet. Force est toutefois de constater que ces dix dernières années, une bonne dose d’engagement citoyen et de confiance dans le monde politique a été gâchée par des promesses politiques non tenues.
4.19D’une manière générale, les décideurs devraient procéder à une analyse critique des stratégies et canaux qu’ils emploient pour communiquer avec la société civile. Il s’agit bien trop souvent d’une communication unilatérale descendante qui tente de justifier les décisions politiques ayant été prises. Si cette approche n’est pas mauvaise en soi, elle n’est jamais suffisante. La communication n’est pas à sens unique. L’Union devrait simultanément tirer des enseignements stratégiques des nombreuses approches ascendantes et les intégrer davantage dans ses politiques.
4.20L’une des principales missions du CESE consiste à contribuer à définir de telles approches et à élaborer des compromis sociétaux, comme l’illustre bien la plateforme sur l’économie circulaire, mise en place à son initiative.
4.21De nombreux autres exemples montrent qu’un dialogue civil structurel peut produire des résultats que les responsables politiques ne sont souvent pas en mesure d’obtenir. C’est notamment le cas de la «commission pour l’avenir de l’agriculture» en Allemagne ou de son équivalent européen, le «dialogue stratégique sur l’avenir de l’agriculture dans l’UE». Le CESE recommande de recourir beaucoup plus largement à cette forme de participation. Dans ce contexte toutefois, il convient toujours d’indiquer clairement quelles sont les recommandations qui seront prises en compte et mises en œuvre et quelles sont celles qui ne le seront pas (et pourquoi), sous peine de compromettre l’engagement et l’adhésion de la société.
Bruxelles, le 26 juin 2025
Le président de la section «Agriculture, développement rural et environnement»
Peter SCHMIDT
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