AVIS

Comité économique et social européen

Mesures visant à réduire l’obésité infantile

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Mesures visant à réduire l’obésité infantile

(avis exploratoire à la demande de la présidence espagnole)

NAT/890

Rapporteur: Josep PUXEU ROCAMORA

Corapporteure: Isabel CAÑO AGUILAR

FR

Consultation

Lettre de la présidence espagnole du Conseil, 08/12/2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section

01/06/2023

Adoption en session plénière

13/07/2023

Session plénière nº

580

Résultat du vote
(pour/contre/abstentions)

197/0/0

1.Conclusions et recommandations

1.1La santé est un droit fondamental. En ce qui concerne plus particulièrement les enfants, la convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant leur reconnaît en outre le droit à grandir heureux et en bonne santé, de manière à pouvoir réaliser leur plein potentiel.

1.2Le surpoids et l’obésité infantiles restent, à l’heure actuelle, l’un des principaux problèmes de santé publique auxquels les États membres de l’Union sont confrontés, aux sources duquel convergent de multiples facteurs, d’ordre environnemental, social et économique. L’obésité infantile est associée à des problèmes de santé physique, mentale et sociale, de l’enfance à l’âge adulte.

1.3Le CESE pointe du doigt la nécessité de réduire les inégalités socio-économiques observées chez les enfants, car elles sont directement corrélées à l’excès de poids dans cette population, avec un taux d’obésité qui peut parfois doubler chez les enfants et les adolescents issus des foyers modestes.

1.4Le CESE constate la disparité des critères qui sont retenus, dans les différents États membres, pour traiter la question de l’obésité infantile (en ce qui concerne divers aspects, tels que la communication, les labels nutritionnels, la promotion de l’exercice physique et de régimes alimentaires durables, mais aussi la prise en compte d’enjeux plus actuels, comme une utilisation saine des écrans ou la promotion de la santé psychologique et émotionnelle), et il demande à la Commission et au Parlement européen de faire preuve de plus d’initiative dans ce domaine et d’avancer dans le sens d’une normalisation accrue et d’un cadre plus efficace.

1.5Le CESE constate avec inquiétude que les restrictions encadrant, au niveau national, la promotion et la publicité pour les produits alimentaires et boissons non alcoolisées qui ciblent les enfants sont pour la plupart d’entre elles trop laxistes, et que les démarches volontaires existantes ne sont pas suffisantes pour protéger enfants et adolescents. Il estime que l’on pourrait se baser sur le modèle de profil nutritionnel de l’OMS afin de limiter la publicité pour les produits riches en sucres, en graisses ou en sel, et qu’il est important d’apprendre des bonnes mesures et pratiques déployées par des pays où différentes politiques se sont avérées efficaces, y compris par la voie réglementaire, pour limiter l’exposition des enfants aux communications commerciales audiovisuelles relatives à des denrées alimentaires et des boissons qui présentent une forte teneur en sel, en sucres, en matières grasses, en graisses saturées ou en acides gras trans, toujours dans le respect des dispositions relatives aux horaires d’écoute des enfants et en veillant à ce que toute publicité soit conforme au principe de véracité. Il est utile de rappeler que l’OMS est favorable à ce que des restrictions s’appliquent aux publicités pour des produits alimentaires qui, sous quelque forme que ce soit, ciblent les enfants.

1.6Le CESE préconise en outre le renouvellement du plan d’action de l’Union européenne relatif à l’obésité infantile pour la période 2014-2020, à la lumière des propositions formulées dans le présent avis.

1.7Pour atteindre ces objectifs, le CESE tient pour indispensable, entre autres mesures, que les institutions fassent progresser la consommation des produits considérés comme des composantes essentielles d’une alimentation saine et durable, à savoir les fruits et légumes frais, de saison et produits localement, les légumineuses, les céréales complètes et des protéines animales telles que le poisson, par exemple en mettant l’accent sur des politiques visant à promouvoir les produits agricoles de l’Union, en développant des marchés publics qui mettent en avant des régimes sains et durables, ou en recourant au levier des incitations fiscales (comme des taux de TVA réduits) pour soutenir l’achat et la consommation de ces aliments. Qui plus est, dans un contexte inflationniste qui fait grimper les prix, ces différentes mesures pourraient contribuer à faciliter l’accès à une alimentation nourrissante et de qualité pour un nombre bien plus grand de ménages, et en premier lieu les plus défavorisés. Le CESE recommande aussi de poursuivre les démarches de reformulation et d’amélioration de la composition des aliments et boissons commercialisés en Europe.

1.8Le CESE demande que des outils simples soient mis à la disposition des familles afin de porter à leur connaissance les informations nécessaires pour comprendre l’origine multifactorielle de l’obésité infantile et ses conséquences pour la santé durant l’enfance et à l’âge adulte. De la même manière, le CESE juge indispensable que la société dans son ensemble agisse dans le sens d’une utilisation saine des technologies de la relation, de l’information et de la communication (TRIC) et des recommandations qui existent déjà en la matière. L’usage excessif des écrans entraîne la sédentarité et une exposition accrue à la publicité pour des aliments et boissons riches en sucres, en graisses ou en sel, et présente des risques pour la santé mentale des enfants et des adolescents.

1.9Le CESE défend l’idée que le milieu scolaire doit être un pôle de promotion de l’activité physique, d’une alimentation saine et d’une bonne santé psychologique et émotionnelle. Les établissements d’enseignement sont des espaces propices pour promouvoir des modes de vie sains et une approche positive de l’obésité infantile, sans susciter ni stigmatisation sociale ni rejet de certaines morphologies. Le CESE estime par conséquent que l’une des mesures à prendre consiste à revoir les programmes d’études actuels, pour y augmenter le temps consacré à l’activité physique, ainsi que d’investir dans l’éducation à l’alimentation et à la gastronomie. Les cantines scolaires sont un vecteur clé pour la promotion d’habitudes alimentaires saines auprès des enfants et des adolescents, et il apparaît dès lors très important d’en favoriser la disponibilité à tous les niveaux d’enseignement et de veiller à ce que les menus proposés soient sains, équilibrés et de bonne qualité. Le CESE rappelle également que l’on pourrait s’employer avec plus de vigueur à renforcer la mise en œuvre du programme de l’Union européenne en faveur de la consommation de fruits, de légumes et de lait à l’école, et promouvoir des bourses de cantine à destination des enfants désavantagés.

1.10Le CESE demande aux États membres de développer et d’améliorer leurs infrastructures et espaces publics de manière à ce qu’ils favorisent et facilitent une mobilité active, notamment à proximité des écoles et sur les trajets qui y mènent. Il juge aussi nécessaire de créer des espaces urbains comportant des terrains de sport, des aires de jeux ainsi que des espaces verts accessibles, sûrs et accueillants pour les enfants et les adolescents.

1.11Le CESE suggère d’utiliser l’environnement numérique pour promouvoir des modes de vie, des relations et des comportements sains. À cette fin, le Comité réitère la demande qu’il avait déjà formulée pour que soient organisées des campagnes publicitaires visuelles en faveur de régimes et d’aliments plus sains, d’une vie active et d’une utilisation saine des écrans, en s’inspirant des campagnes positives de publicité sociale ciblant les enfants.

1.12Le CESE rappelle les recommandations qu’il avait formulées dans son évaluation du programme de l’Union en matière d’alimentation dans les écoles 1 ainsi que dans ses avis sur des régimes alimentaires sains et durables et sur la stratégie «De la ferme à la table», et il demande à la Commission d’inclure, dans le prochain cadre pour des systèmes alimentaires durables, des mesures visant à lutter contre l’obésité infantile, en lien par exemple avec l’étiquetage et les marchés publics.

1.13Le CESE est par ailleurs convaincu, comme il l’a déjà indiqué dans d’autres avis, que les innovations démocratiques que sont par exemple les conseils de la politique alimentaire mais aussi la promotion d’approches participatives contribuent à une mise en avant de la qualité et de la légitimité dans l’élaboration des politiques alimentaires. Le CESE préconise la mise en place, au niveau européen, d’un instrument tel que le Conseil européen de la politique alimentaire.

1.14En dernière analyse, le CESE est partisan d’aborder l’obésité à travers un prisme global, consistant à envisager une transformation des modes de vie pour les rendre plus sains tout en prenant en compte l’ensemble de ses déterminants sociaux, et il recommande d’engager des stratégies publiques visant à garantir l’accès de tous à une alimentation saine, à l’activité physique et sportive, à un repos suffisant et au bien-être psychologique et émotionnel, sans discrimination aucune.

2.La santé comme axe central de toutes les politiques

2.1La santé est un droit fondamental 2 et une condition préalable au bon fonctionnement de notre société et de notre économie. En ce qui concerne plus particulièrement les enfants, la convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant leur reconnaît en outre le droit à grandir heureux et en bonne santé, de manière à pouvoir réaliser leur plein potentiel 3 . Le CESE souscrit au concept «One health» ou «Une seule santé» mis en avant par la Commission européenne comme une approche intégrée visant à équilibrer et optimiser dans une démarche durable la santé des personnes.

2.2Il est indispensable de traiter la problématique de l’obésité infantile si l’on veut atteindre les objectifs de développement durable (ODD), notamment l’ODD nº 3 qui vise à permettre à tous de vivre en bonne santé et à promouvoir le bien-être de tous à tout âge, et améliorer la santé de tous les Européens à l’avenir. La recherche montre que c’est probablement quand elle intervient à certaines phases critiques de l’existence, comme les premières années de vie et l’adolescence, que la prévention de l’obésité procure le plus d’avantages en termes de santé et de réduction des coûts associés, et qu’il s’agit là de la meilleure chance de rompre le cycle de transmission de l’obésité d’une génération à l’autre et de rectifier les inégalités face à l’alimentation.

2.3À la lumière de ces éléments, le CESE se félicite que la future présidence espagnole de l’Union l’ait saisi d’une demande d’avis exploratoire sur les mesures envisageables pour réduire l’obésité infantile. Cette démarche s’inscrit dans le prolongement de celles engagées par les institutions de l’Union et les gouvernements de ses États membres pour formuler et mettre en œuvre des stratégies visant à endiguer et prévenir l’obésité et le surpoids infantiles:

I)La stratégie de l’Union sur les droits de l’enfant 4 reconnaît qu’une alimentation saine, combinée à une activité physique régulière, est vitale pour le plein épanouissement physique et mental des enfants.

II)L’obésité infantile fait partie des aspects qu’il faudrait inclure dans les plans nationaux au titre de l’initiative de la «garantie européenne pour l’enfance», laquelle doit contribuer à placer les droits des enfants et des adolescents au cœur de l’élaboration des politiques de l’Union.

III)Le présent avis s’inscrit aussi dans le prolongement de la stratégie européenne pour les problèmes de santé liés à la nutrition, la surcharge pondérale et l’obésité de 2007, du livre blanc sur l’obésité de 2017 et du plan d’action de l’Union européenne relatif à l’obésité infantile pour la période 2014-2020 5 , autant d’initiatives qui, au même titre que le présent document, avaient pour objectif d’enrayer la progression du surpoids et de l’obésité chez les enfants et les adolescents, soit la tranche d’âge de 0 à 18 ans. À cet égard, le CESE préconise le renouvellement du plan d’action de l’Union européenne relatif à l’obésité infantile pour la période 2014-2020.

3.L’obésité infantile en Europe: état des lieux

3.1L’Organisation mondiale de la santé (OMS) 6 décrit l’obésité comme une maladie non transmissible multifactorielle et complexe, définie par un excès d’adiposité susceptible de nuire à la santé. L’obésité est aussi un facteur de risque dans le développement d’autres maladies non transmissibles (MNT), telles que les maladies cardiovasculaires, métaboliques, ostéo-articulaires, ou encore le cancer 7 , les troubles de la santé mentale et la baisse de la qualité de vie, autant de facteurs qui réduisent l’espérance de vie et augmentent le risque de décès prématuré. Ces conséquences se traduisent en définitive par une augmentation considérable des dépenses de santé des États, en plus de leurs autres coûts individuels, sociaux et économiques.

3.2Le surpoids et l’obésité infantiles restent, à l’heure actuelle, l’un des principaux problèmes de santé publique auxquels les États membres de l’Union sont confrontés. D’après le cinquième cycle de l’étude COSI de l’OMS, sur la période considérée (2018-2020) 8 , 29 % des enfants âgés de 7 à 9 ans dans les 33 pays participants présentaient un excès de poids 9 et 12 % étaient obèses. Les chiffres ventilés par sexe montrent que ces taux sont plus élevés chez les garçons que chez les filles (31 % contre 28 % dans le cas du surpoids et 14 % contre 10 % dans le cas de l’obésité).

3.3Le CESE fait observer que la pandémie de COVID-19 a pu exacerber le problème de l’obésité infantile. Des éléments toujours plus nombreux semblent en effet indiquer que la pandémie de COVID-19 a pu aggraver les chiffres de l’obésité chez les enfants, notamment dans les situations de plus grande vulnérabilité 10 .

3.4Le CESE constate la disparité des critères qui sont retenus, dans les différents États membres, pour traiter la question de l’obésité infantile (en ce qui concerne divers aspects, tels que la communication, les labels nutritionnels, la promotion de l’exercice physique et de régimes alimentaires durables, mais aussi la prise en compte d’enjeux plus actuels, comme une utilisation saine des écrans ou la promotion de la santé psychologique et émotionnelle), et il demande à la Commission et au Parlement européen de faire preuve de plus d’initiative dans ce domaine et d’avancer dans le sens d’une normalisation accrue et d’un cadre plus efficace.

4.Les déterminants de l’obésité infantile

11 12 L’apparition de l’obésité ne peut être imputée à une seule cause et résulte au contraire d’une interaction complexe entre divers facteurs. Les facteurs qui entrent en jeu sont aussi bien individuels (biologiques/génétiques, physiologiques, liés au mode de vie) qu’environnementaux (influence des différents milieux dans lesquels évolue la personne: famille, école, quartier), mais aussi psychosociaux (niveau d’études ou classe sociale) ou encore économiques (niveau de revenu du foyer).

4.1Les facteurs psychosociaux et les ressources économiques suivent les schémas sociaux et peuvent se traduire par une plus grande vulnérabilité des foyers à bas revenu et par leur plus forte exposition aux influences nocives de l’environnement tout au long de la vie, avec au fil du temps un effet d’accumulation.

4.2Il existe suffisamment de preuves et de données indiquant que l’exposition, avant la conception et durant la grossesse, à certains facteurs délétères sur le plan de la nutrition et de la charge pondérale influent beaucoup sur la programmation de la composition corporelle durant les premières années de vie, et sur la propension à l’obésité.

4.3De même, les inégalités socio-économiques observées chez les enfants, qui ont été aggravées par la pandémie, la flambée de l’inflation et la crise économique, sont directement corrélées à l’excès de poids dans cette tranche d’âge, avec un taux d’obésité qui peut parfois doubler chez les enfants issus des foyers modestes, où l’on n’a pas le même mode de vie que dans les ménages plus aisés.

4.4L’activité physique est une composante fondamentale d’une bonne santé tout au long de la vie. Elle est par ailleurs un déterminant important de la prévention et du traitement de l’obésité infantile ainsi que des facteurs conduisant à l’apparition précoce de risques métaboliques 13 , mais aussi un ingrédient fondamental pour développer des capacités cognitives, motrices et sociales élémentaires. Pourtant, 81 % des enfants de 11 à 17 ans n’ont pas une activité physique suffisante 14 . Avant la pandémie, seul un adolescent de 15 ans sur sept (14 %) dans la région Europe telle que définie par l’OMS déclarait pratiquer une activité physique modérée à intense au moins une heure par jour 15 . De même, en 2014, seuls 25 % des garçons de cet âge, et 15 % des filles, atteignaient les niveaux recommandés d’activité physique 16 .

4.5Les régimes déséquilibrés, caractérisés par une consommation importante d’aliments et de boissons riches en graisses, en sucres ou en sel, sont associés à des niveaux plus élevés d’adiposité et, de manière générale, à un moins bon état de santé. À l’inverse, les habitudes qui se rapprochent de modèles tels que les régimes méditerranéen, atlantique ou nordique, ou tout simplement de régimes où prédominent des aliments frais et d’origine végétale, sont associées à un meilleur état de santé 17 , 18 . Il ressort du dernier cycle de l’étude COSI 19 que moins de la moitié (43 %) des enfants âgés de 6 à 9 ans dans la région Europe consomment des fruits frais quotidiennement. Ils sont même 7 % à ne jamais consommer de fruits, ou moins d’une fois par semaine. En ce qui concerne la consommation de légumes, seul un tiers (34 %) des enfants de 6 à 9 ans en mangent tous les jours.

4.6Du point de vue économique et social, le CESE signale aussi que la hausse des prix des matières premières alimentaires que l’on observe au niveau mondial se répercute sur les prix à la consommation dans l’Union, influant ainsi sur les comportements d’achat et les habitudes alimentaires des familles, des enfants et des adolescents en Europe, et en premier lieu des plus vulnérables d’entre eux.

4.7Il existe un lien étroit entre bien-être émotionnel et obésité, d’une part parce que le bien-être émotionnel est fondamental pour prévenir l’obésité infantile, et d’autre part car l’obésité infantile accroît le risque de souffrir de discrimination, de stigmatisation et de harcèlement à l’école, ce qui a bien sûr une incidence sur le bien-être émotionnel des enfants concernés.

4.8Il a été mis en évidence qu’une durée d’exposition excessive aux écrans constitue l’un des facteurs déterminants dans l’apparition d’un surpoids/de l’obésité, une corrélation étant observée à cet égard 20 , 21 ; or, bien que les organismes internationaux et les agences publiques recommandent de ne pas passer plus de 120 minutes par jour devant les écrans, les enfants et les adolescents en Europe ne semblent pas se conformer à cette préconisation 22 .

5.Les mesures concrètes à prendre

5.1On doit, pour lutter contre l’obésité infantile, envisager ce phénomène tel qu’il se manifeste tout au long de la vie et s’attaquer de front à ses multiples causes. Le CESE propose pour ce faire d’adopter une approche globale et participative. Réussir à faire baisser les chiffres de l’obésité et du surpoids chez les enfants et les adolescents en Europe nécessite la collaboration et l’engagement de tous les acteurs 23 : pouvoirs publics, secteur privé/entreprises, médias, établissements d’enseignement et de santé, familles. On doit en outre construire cette réponse intégrée dans une démarche positive, sans stigmatiser.

5.2Le CESE préconise le renouvellement du plan d’action de l’Union européenne relatif à l’obésité infantile pour la période 2014-2020, dont les objectifs devraient être les suivants: favoriser une alimentation adéquate, l’activité physique et des environnements scolaires et sociaux sains, garantir une prise en charge médicale, protéger les groupes les plus vulnérables, encourager et promouvoir la responsabilité sociale des entreprises et de la publicité en matière de santé, et encourager un travail en synergie des différentes administrations publiques. Le CESE recommande de mettre en place des mesures afin de favoriser, dans une logique globale et intersectorielle, une transformation des environnements où vivent et grandissent enfants et adolescents afin de les rendre plus sains.

5.3Le CESE rappelle les recommandations qu’il avait formulées dans son évaluation du programme de l’Union en matière d’alimentation dans les écoles 24 ainsi que dans ses avis sur des régimes alimentaires sains et durables et sur la stratégie «De la ferme à la table», et il demande à la Commission d’inclure, dans le prochain cadre pour des systèmes alimentaires durables, des mesures visant à lutter contre l’obésité infantile, en lien par exemple avec l’étiquetage et les marchés publics.

5.4Le CESE rappelle aussi l’importance de renforcer la démocratie dans le domaine de l’alimentation et, comme il l’a déjà indiqué dans d’autres avis, il est convaincu que les innovations démocratiques que sont par exemple les conseils de la politique alimentaire mais aussi la promotion d’approches participatives contribuent à une mise en avant de la qualité et de la légitimité dans l’élaboration des politiques alimentaires. Le CESE préconise la mise en place, au niveau européen, d’un instrument tel que le Conseil européen de la politique alimentaire.

5.5L’environnement macrosocial

5.5.1Dans cet environnement, le CESE est d’avis qu’il faut faire converger les mesures déployées par tous les acteurs afin de créer un écosystème social propice à un changement culturel, qui contribue à réduire les inégalités et favorise des modes de vie plus sains.

5.5.2Le CESE demande une fois encore que l’on prenne des mesures afin de renforcer la capacité des systèmes publics à prévenir et prendre en charge les situations de vulnérabilité particulière qui compliquent l’adoption de modes de vie sains.

5.5.3Le CESE souligne la nécessité de progresser sur le terrain de mesures sociales qui favorisent l’équilibre au sein du foyer et une responsabilité partagée des familles, et qui permettent à ces dernières de pouvoir accéder à des activités bonnes pour la santé et d’y consacrer davantage de temps.

5.5.4Le CESE recommande d’engager des stratégies publiques visant à garantir l’accès aux infrastructures sportives sans discrimination, et de favoriser une pratique de l’exercice physique dans de bonnes conditions. Il préconise de réduire les écarts constatés entre les sexes et entre les catégories sociales dans la pratique de l’exercice et des activités physiques, en garantissant des espaces ouverts à tous et en encourageant la diversité de l’offre.

5.5.5Le CESE estime que, dans tous les domaines d’action, les administrations publiques devraient prendre davantage en considération la lutte contre l’obésité dans l’élaboration, l’application et le suivi de leurs réglementations et politiques, en tenant compte des facteurs déterminants qui prédisposent au surpoids et à l’obésité.

5.5.6Le CESE constate avec inquiétude que les restrictions encadrant, au niveau national, la promotion et la publicité pour les produits alimentaires et boissons non alcoolisées qui ciblent les enfants sont pour la plupart d’entre elles trop laxistes, et que les démarches volontaires existantes ne sont pas suffisantes pour protéger enfants et adolescents. Il estime que l’on pourrait se baser sur le modèle de profil nutritionnel de l’OMS afin de limiter la publicité pour les produits riches en sucres, en graisses ou en sel, et qu’il est important d’apprendre des bonnes mesures et pratiques déployées par des pays où différentes politiques se sont avérées efficaces, y compris par la voie réglementaire, pour limiter l’exposition des enfants aux communications commerciales audiovisuelles relatives à des denrées alimentaires et des boissons qui présentent une forte teneur en sel, en sucres, en matières grasses, en graisses saturées ou en acides gras trans, toujours dans le respect des dispositions relatives aux horaires d’écoute des enfants et en veillant à ce que toute publicité soit conforme au principe de véracité. Il est utile de rappeler que l’OMS est favorable à ce que des restrictions s’appliquent aux publicités pour des produits alimentaires qui, sous quelque forme que ce soit, ciblent les enfants.

5.5.7Le CESE tient pour indispensable que les institutions fassent progresser la consommation des produits considérés comme des composantes essentielles d’une alimentation saine et durable, à savoir les fruits et légumes frais, de saison et produits localement, les légumineuses, les céréales complètes et des protéines animales telles que le poisson, par exemple en mettant l’accent sur des politiques visant à promouvoir les produits agricoles de l’Union, en développant des marchés publics qui mettent en avant des régimes sains et durables, ou en recourant au levier des incitations fiscales (comme des taux de TVA réduits) pour soutenir l’achat et la consommation de ces aliments.

5.5.8Le CESE demande également aux États membres et aux exploitants du secteur alimentaire d’encourager les améliorations apportées à la composition des produits, comme mécanisme permettant de favoriser une alimentation plus saine. Faute de pouvoir obtenir une réduction volontaire de certains nutriments critiques, il conviendrait d’envisager des incitations et des mesures supplémentaires de la part des pouvoirs publics, y compris une fiscalité progressive en fonction de la teneur en nutriments concernés.

5.5.9Le CESE juge nécessaire que, dans le respect de leurs compétences respectives, les administrations publiques assurent la disponibilité d’une eau potable gratuite, en mettant en place des sources, avec une signalisation adéquate, dans les espaces publics, les établissements d’enseignement et les zones consacrées au divertissement, aux loisirs, au sport et au jeu.

5.5.10Le CESE considère qu’un élément stratégique pour une action coordonnée dans le domaine de la santé doit consister à encourager la recherche sur les causes du surpoids et de l’obésité, ainsi que la compilation et la diffusion des connaissances ainsi obtenues.

5.5.11Du côté de la demande, le CESE réaffirme que les politiques publiques devraient donner aux consommateurs les moyens de choisir des régimes alimentaires plus sains, et qu’il convient à cet effet de les former et de les informer dans le cadre de campagnes de sensibilisation claires et directes, ou encore de diffuser des conseils nutritionnels à visée pédagogique.

5.5.12Le CESE défend une approche incluant l’ensemble de la société, et se dit par conséquent favorable à la mise en place d’un instrument tel que le Conseil européen de la politique alimentaire auquel il a déjà fait référence dans plusieurs de ses avis, qui serait chargé de la lutte contre l’obésité infantile.

5.6L’environnement familial

5.6.1Conscient que la famille est un vecteur de transmission de connaissances et d’habitudes, et le premier modèle à partir duquel on perçoit la réalité quotidienne et l’on acquiert les premiers schémas comportementaux 25 , le CESE demande que soient portées à la connaissance du public des informations exactes et utiles sur l’importance de réduire la sédentarité numérique, sur les habitudes de sommeil favorisant une bonne santé, sur les besoins nutritionnels propres à chaque âge et sur la promotion de l’activité physique.

5.6.2Concrètement, le CESE considère qu’il faut mettre en place des programmes et des actions de renforcement des capacités et des connaissances pour gérer l’excès de poids chez les mineurs tout en évitant la stigmatisation et les rapports négatifs au corps. De même, le CESE juge indispensable de former les familles à une utilisation saine des TRIC 26 , en ce qui concerne notamment le temps d’utilisation et les contenus.

5.6.3Il serait important aussi d’encourager des mesures telles que la promotion de l’allaitement maternel, d’élaborer des lignes directrices sur l’alimentation complémentaire du nourrisson, d’améliorer les compétences parentales ou encore d’organiser et de démocratiser des cours de cuisine saine et accessible à l’intention des foyers à bas revenus.

5.7L’environnement scolaire

5.7.1Les enfants passent une grande partie de leur temps dans le milieu scolaire, pas seulement dans le cadre strictement éducatif, mais aussi pendant leur temps de récréation ou dans le contexte d’activités périscolaires.

5.7.2Dès lors, il est impératif que l’approche adoptée dans le milieu scolaire vis-à-vis de l’obésité infantile soit positive, et qu’elle ne suscite pas de stigmatisation sociale ni de rejet quant à l’image qui peut être associée à certaines morphologies. Le CESE considère qu’il est fondamental de promouvoir une perception positive du corps, et d’être particulièrement vigilant face à tout comportement discriminatoire ou évoquant l’apparition d’un trouble alimentaire.

5.7.3De même, le CESE défend l’idée que l’environnement scolaire doit promouvoir l’activité physique et une alimentation saine. Il estime par conséquent que l’une des principales mesures à prendre serait la refonte des programmes d’études actuels, dans lesquels il est nécessaire d’augmenter le temps consacré à l’activité physique, de promouvoir la diversité des activités sportives, ainsi que d’investir dans l’éducation à la nutrition, à l’alimentation et à la gastronomie.

5.7.4Le CESE considère que les cantines scolaires sont un vecteur clé pour la promotion d’habitudes alimentaires saines auprès des enfants et des adolescents, et il apparaît dès lors très important d’en favoriser la disponibilité à tous les niveaux d’enseignement et de veiller à ce que les menus proposés soient sains, équilibrés et de bonne qualité.

5.8Les espaces de loisirs. La conception d’environnements urbains sains

5.8.1Le CESE considère que la conception et l’utilisation de l’environnement physique (y compris l’école, les systèmes de transport, l’environnement résidentiel ou les centres sportifs) doivent servir à ouvrir des possibilités sûres et adéquates pour les loisirs et le jeu actif, ainsi que pour la pratique de l’exercice physique en tant que tel 27 .

5.8.2À la lumière de ce qui précède, le CESE demande aux États membres de développer et d’améliorer leurs infrastructures et espaces publics de manière à ce qu’ils favorisent et encouragent une mobilité active, en y intégrant davantage de zones piétonnes et en y facilitant la circulation à vélo, notamment à proximité des écoles et sur les trajets qui y mènent. Il juge aussi nécessaire de créer des espaces urbains comportant des terrains de sport, des aires de jeux ainsi que des espaces verts accessibles, sûrs et accueillants pour les enfants et les adolescents.

5.8.3Le CESE juge fondamentale l’extension des espaces verts, des parcs et des aires de jeux pour pouvoir y pratiquer une activité physique, et considère qu’il faut promouvoir l’usage des escaliers plutôt que des ascenseurs ou des escalators dans les espaces de loisirs, et faciliter également l’accès gratuit à l’eau potable.

5.9L’environnement numérique et audiovisuel

5.9.1Le CESE rappelle qu’il est important que la directive «Services de médias audiovisuels» soit correctement transposée et propose de se servir de l’environnement numérique, aussi bien des programmes de la radio et de la télévision que de formes de médias plus nouvelles comme les réseaux sociaux, Instagram ou TikTok, pour mettre en avant des modes de vie, des relations et des comportements sains. À cette fin, le CESE renouvelle la demande qu’il a déjà eu l’occasion de formuler auparavant 28 , pour que soient organisées des campagnes publicitaires visuelles s’inspirant des publicités en faveur d’aliments et de régimes sains, d’une vie active et d’une utilisation saine des écrans.

5.10L’environnement de la santé

5.10.1Le CESE juge fondamental que les administrations compétentes en matière de santé tiennent à jour, sur la base de données scientifiques probantes, leurs recommandations concernant les activités et les interventions qui ont apporté la preuve de leur efficacité en matière de prévention du surpoids et de l’obésité et pour la prise en charge et le suivi des personnes concernées.

5.10.2Un accès équitable à des services intégrés de santé, d’assistance et de conseil systématique et personnalisé pour promouvoir l’activité physique et une alimentation équilibrée, dispensés par le personnel de santé aux personnes en surpoids ou obèses, ou qui risquent de le devenir, doit également être garanti dans le cadre de la couverture santé universelle. Il serait utile, à cet égard, de promouvoir un suivi de l’état de santé des enfants depuis leur naissance jusqu’à l’adolescence, en y intégrant un contrôle du surpoids et de l’obésité et en encourageant l’éducation à la santé et la sensibilisation des enfants, des adolescents et de leurs familles aux modes de vie sains.

5.10.3Il est crucial que les familles vulnérables sur le plan socio-économique reçoivent un soutien spécifique des professionnels de la santé, qui soit respectueux de leur culture, pragmatique, émancipateur et propice à une parentalité positive au regard de l’obésité, du surpoids et des modes de vie associés.

5.10.4Dans la même logique, et sur la base de la littérature existante, le CESE juge nécessaire d’engager par anticipation un dialogue avec les femmes et les couples qui envisagent une grossesse, et de leur apporter un soutien adéquat et respectueux de leur culture pour promouvoir des modes de vie sains pendant la grossesse et l’allaitement, combiné à des messages publics visant à promouvoir une meilleure alimentation et la pratique d’une activité physique avant la conception, ainsi que de prévoir des aménagements et un soutien pour faciliter l’allaitement maternel.

Bruxelles, le 13 juillet 2023

Oliver RÖPKE

Président du Comité économique et social européen

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(1)    Rapport du CESE portant « Évaluation du programme de l’UE à destination des écoles ».
(2)    Le droit à la santé a été formulé pour la première fois dans un texte de 1946, celui de la constitution de l’OMS, qui dispose que «[l]a possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain […]». La santé est définie en préambule de cette constitution comme «un état de complet bien-être physique, mental et social, [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité». La santé est décrite, à l’article 25 de la déclaration universelle des droits de l’homme, comme une composante du droit à un niveau de vie suffisant. Elle a été à nouveau reconnue comme un droit humain en 1966, à l’article 12 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
(3)     Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant , 1989.
(4)    Commission européenne, 2021, Stratégie de l’UE sur les droits de l’enfant, COM(2021) 142 final: https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:52021DC0142 .
(5)     https://health.ec.europa.eu/system/files/2016-11/childhoodobesity_actionplan_2014_2020_en_0.pdf .
(6)    «Recommandations et cibles potentielles relatives à la prévention et à la prise en charge de l’obésité tout au long de la vie», document de synthèse de l’OMS, 2021. Disponible à l’adresse https://cdn.who.int/media/docs/default-source/obesity/who-discussion-paper-on-obesity---final190821-fr.pdf?sfvrsn=4cd6710a_24&download=true .
(7)    Weihrauch-Blüher, S., Wiegand, S., «Risk Factors and Implications of Childhood Obesity», Curr Obes Rep. 2018 Dec;7(4):254-259.
(8)    Report on the fifth round of data collection, 2018-2020, initiative de l’OMS pour la surveillance de l’obésité infantile en Europe (COSI), Copenhague: bureau régional de l’OMS pour l’Europe, 2022.
(9)    Le terme «excès de poids» englobe à la fois le surpoids et l’obésité.
(10)    Voir Rapport 2022 de l’OMS sur l’obésité dans la région Europe et https://www.who.int/europe/fr/news/item/11-05-2021-high-rates-of-childhood-obesity-alarming-given-anticipated-impact-of-covid-19-pandemic .
(11)    Organisation mondiale de la santé (2012), Approches de la prévention de l’obésité de l’enfant dans la population, Genève, OMS.
(12)    Kansra, A.R., Lakkunarajah, S., Jay, M.S., «Childhood and Adolescent Obesity: A Review». Front Pediatr. 2021;8:581461.
(13)    Whiting, S., et al., «Physical Activity, Screen Time, and Sleep Duration of Children Aged 6-9 Years in 25 Countries: An Analysis within the WHO European Childhood Obesity Surveillance Initiative (COSI) 2015-2017», Obes Facts. 2021;14(1):32-44.
(14)    Guthold, R., Stevens, G.A., Riley, L.M., Bull, F.C., «Global trends in insufficient physical activity among adolescents: a pooled analysis of 298 population-based surveys with 1·6 million participants», Lancet Child Adolesc Heal. 2020;4(1):23-35.
(15)    OCDE/Union européenne (2022), Health at a Glance: Europe 2022 — State of Health in the EU Cycle [Panorama de la santé: Europe 2022 — Cycle sur l’état de la santé dans l’UE], Éditions de l’OCDE, Paris.
(16)    Adolescent obesity and related behaviours: trends and inequalities in the WHO European Region, 2002–2014, Copenhague: bureau régional de l’OMS pour l’Europe, 2017.
(17)    Willett, W., et al., «Food in the Anthropocene: the EAT-Lancet Commission on healthy diets from sustainable food systems», 2019, The Lancet, vol. 393, pp. 447-492.
(18)    Afshin Ashkan, et al., «Health effects of dietary risks in 195 countries, 1990–2017: a systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2017», The Lancet, Volume 393, Issue 10184, 1958-1972.
(19)    Report on the fifth round of data collection, 2018-2020, initiative de l’OMS pour la surveillance de l’obésité infantile en Europe (COSI), Copenhague: bureau régional de l’OMS pour l’Europe, 2022.
(20)    Fang, K., Mu, M., Liu, K., He, Y., «Screen time and childhood overweight/obesity: A systematic review and meta-analysis», Child Care Health Dev. 2019 Sep;45(5):744-753.
(21)    Haghjoo, P., Siri, G., Soleimani, E., Farhangi, M.A., Alesaeidi, S., «Screen time increases overweight and obesity risk among adolescents: a systematic review and dose-response meta-analysis», BMC Prim Care. 2022;23(1):161.
(22)    Report on the fifth round of data collection, 2018-2020, initiative de l’OMS pour la surveillance de l’obésité infantile en Europe (COSI), Copenhague: bureau régional de l’OMS pour l’Europe, 2022.
(23)    Dobbs, R., Sawers, C., Thompson, F., Manyika, J., Woetzel, J.R., Child, P., et al., Overcoming obesity: an initial economic analysis, McKinsey Global Institute, 2014.
(24)    Rapport du CESE portant « Évaluation du programme de l’UE à destination des écoles ».
(25)    Hebestreit, A., Intemann, T., Siani, A., et al., «Dietary Patterns of European Children and Their Parents in Association with Family Food Environment: Results from the I.Family Study», Nutrients, 2017;9(2):126.
(26)    Technologies de la relation, de l’information et de la communication.
(27)    Tackling obesity by creating healthy residential environments, OMS, 2007.
(28)     JO C 190 du 5.6.2019, p. 9 .