NAT/885
Le droit à un environnement sain
dans l’Union européenne
AVIS
Section «Agriculture, développement rural et environnement»
Le droit à un environnement sain dans l’Union européenne,
en particulier dans le contexte de la guerre en Ukraine
(avis d’initiative)
Rapporteure: Ozlem YILDIRIM
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Décision de l’assemblée plénière
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27/10/2022
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Base juridique
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Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur
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Avis d’initiative
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Compétence
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Section «Agriculture, développement rural et environnement»
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Adoption en section
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13/04/2023
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Résultat du vote
(pour/contre/abstentions)
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61/0/0
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Adoption en session plénière
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JJ/MM/AAAA
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Session plénière nº
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…
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Résultat du vote
(pour/contre/abstentions)
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…/…/…
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1.Conclusions et recommandations
1.1Le 23 juin 2022, l’Ukraine est devenue pays candidat à l’adhésion à l’Union européenne. Lorsqu’elle adhérera, elle deviendra le premier ou le deuxième État membre de l’Union en superficie. Le vaste territoire ukrainien abrite des écosystèmes variés. En effet, selon le secrétariat de la convention des Nations unies sur la diversité biologique, l’Ukraine représente 6 % du territoire européen, mais abrite 35 % de l’ensemble de sa diversité biologique.
1.2Les dommages environnementaux occasionnés par la guerre comprennent la dégradation des écosystèmes, la pollution de l’air et de l’eau, ainsi que la contamination des terres arables et des pâturages. Plusieurs rapports indiquent que, depuis le début de la guerre, 200 000 hectares de forêt ont été touchés par des incendies, 680 000 tonnes de combustibles fossiles sont parties en fumée et 180 000 m3 de sol ont été contaminés par des munitions. La guerre a dégradé des zones protégées et détruit des stations d’épuration des eaux. Plus de 100 incendies de forêt ont été déclenchés par le conflit, qui ont émis 33 millions de tonnes de CO2.
1.3Les actes de la Russie s’apparentent à un écocide, selon la définition proposée par le groupe d’experts indépendants pour la définition juridique de l’écocide en juin 2021. Le CESE demande que cet «écocide» soit officiellement inclus en tant qu’infraction pénale dans le droit de l’Union. La reconnaissance du crime d’écocide dans la directive révisée relative à la protection de l’environnement par le droit pénal entraînera une évolution de la législation hors des frontières de l’Union et, en particulier, au sein de la Cour pénale internationale, ce qui pourrait permettre de contraindre la Russie à rendre des comptes dans une certaine mesure pour les dommages environnementaux et écologiques qu’elle aura causés.
Le CESE:
1.4souligne qu’il s’impose d’urgence d’améliorer la protection de l’environnement dans une perspective de sauvegarde des droits fondamentaux dans l’Union européenne et au-delà; que cette nécessité se trouve exacerbée par les dommages environnementaux engendrés par la guerre en Ukraine, notamment les préjudices à la santé humaine mentale et physique, la dégradation des écosystèmes, la pollution atmosphérique et aquatique et la contamination des terres arables et des pâturages, qui menacent directement la production agricole et mettent en évidence la fragilité de la sécurité alimentaire au niveau mondial;
1.5attire l’attention sur les répercussions sociales et environnementales de l’invasion russe et insiste sur le fait qu’il n’est pas seulement important, mais indispensable de documenter, de cartographier et de mesurer ces répercussions afin de protéger juridiquement l’environnement, de s’assurer que des comptes seront rendus et de jeter les bases d’une reprise écologique et durable après-guerre, ainsi que de faciliter l’évaluation des besoins financiers pour la réaffectation des fonds destinés à la relance verte;
1.6invite la Commission et le Conseil à prendre des mesures afin de recenser les incidences environnementales néfastes de la guerre illégale menée par la Russie à l’encontre de l’Ukraine ainsi que leurs implications sur le plan des droits de l’homme; indique que la Commission et le Conseil doivent soutenir les efforts de la société civile visant à documenter les dommages environnementaux causés par la Russie, y compris les crimes environnementaux commis, et soutenir le rôle de la société civile dans la reconstruction de l’Ukraine;
1.7insiste fortement sur le fait que l’Union doit aider à protéger l’environnement en Ukraine et à réparer les dommages subis du fait de la guerre; réaffirme qu’il conviendra de mener tous les efforts de reconstruction dans le respect des normes internationales de l’Organisation internationale du travail (OIT) et des principes de conditionnalité sociale;
1.8souligne que la santé humaine et la qualité de l’environnement ne peuvent être dissociées, car la santé des écosystèmes, des animaux et des humains forme un tout indivisible, et qu’il incombe à l’Union de préserver ce droit; que la dégradation de l’environnement est la principale source de mauvaise santé; que la pollution sonore, par exemple, entraîne 12 000 décès par an; et que l’interconnexion entre environnement et santé humaine est tout aussi manifeste dans le domaine de la sécurité alimentaire;
1.9invite la Commission et le Conseil à renforcer les méthodes d’inspection alimentaire et agricole à l’entrée sur le marché unique, en s’attachant tout spécialement à détecter la pollution environnementale causée par la guerre en Ukraine afin de garantir la santé de tous les citoyens européens et de protéger notre environnement;
1.10insiste sur le fait que le droit à un environnement sain est essentiel au bien-être social et économique des personnes en Europe et dans le monde — on estime qu’environ 40 % des emplois sur la planète dépendent d’un climat et d’un écosystème sains — et que, compte tenu du cadre juridique international et de cette dure réalité, il n’est pas surprenant que l’Union ait adopté de nombreux actes législatifs pour donner effet à son obligation de garantir le respect du droit à un environnement sain;
1.11encourage l’ensemble des États membres et des institutions européennes à redoubler d’efforts pour améliorer l’efficacité des instruments juridiques existants, sachant que celle-ci leur fait souvent défaut en pratique; fait observer que les nombreuses actions en justice intentées contre des États membres ou l’Union même pour des carences dans des domaines tels que la qualité de l’air, le climat, la pêche, ou encore l’eau témoignent de l’ampleur de l’échec des pouvoirs publics à garantir ce droit.
2.Observations générales
2.1Le droit à un environnement sain dans le contexte de la guerre menée par la Russie en Ukraine et de l’adhésion de l’Ukraine à l’Union
2.1.1Le 16 mars 2022, le comité des ministres du Conseil de l’Europe a exclu la Russie du Conseil de l’Europe, avec effet immédiat. C’est ainsi que, tandis que l’Union négociait son adhésion à la convention européenne des droits de l’homme, la Russie a cessé d’être liée par celle-ci à compter du 16 septembre 2022. L’étendue de la protection des droits de l’homme sur le continent européen s’en est trouvée sensiblement rétrécie. Toutefois, au moment de l’invasion et jusqu’au 16 septembre 2022, la Russie restait liée par cette convention et, malgré sa mise en retrait dans plusieurs organisations internationales, elle était par ailleurs et reste soumise à un large éventail d’obligations internationales. Ces obligations portent non seulement sur les droits de l’homme, mais aussi sur l’environnement: la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et la convention sur la diversité biologique font partie de celles que la Russie a bafouées dans le contexte de son agression.
2.1.2Il est essentiel de veiller à ce que les droits de l’homme et l’environnement soient protégés dans toute l’Europe — non seulement dans les 27 États membres de l’Union, où la protection des droits de l’homme sera renforcée par l’adhésion de l’Union à la convention européenne des droits de l’homme, mais aussi dans les 19 autres États membres du Conseil de l’Europe, dont l’Ukraine.
2.1.3Cela est d’autant plus important que, le 23 juin 2022, l’Ukraine est devenue un pays candidat à l’adhésion à l’Union. Lorsque l’Ukraine adhérera, elle deviendra le premier ou le deuxième État membre de l’Union en superficie. Le vaste territoire ukrainien abrite des écosystèmes variés. En effet, selon le secrétariat de la convention des Nations unies sur la diversité biologique, l’Ukraine représente 6 % du territoire européen, mais abrite 35 % de l’ensemble de sa diversité biologique. En outre, les terres agricoles du pays, cruciales pour l’approvisionnement alimentaire au niveau mondial, et ses vastes infrastructures liées aux combustibles fossiles, dont certains États membres voisins sont particulièrement dépendants pour l’énergie, ont été soumises à une pression exceptionnelle au cours de l’année écoulée.
2.1.4Les actes de la Russie s’apparentent à un écocide, selon la définition proposée par des experts juridiques et publiée en juin 2021. Depuis 2001, le code pénal ukrainien comprend le crime d’écocide. Le CESE demande que l’«écocide», tel que défini par le groupe d’experts indépendants pour la définition juridique de l’écocide, soit formellement inclus en tant qu’infraction pénale dans le droit de l’Union. La reconnaissance du crime d’écocide dans la directive révisée relative à la protection de l’environnement par le droit pénal entraînera une évolution de la législation hors des frontières de l’Union et, en particulier, au sein de la Cour pénale internationale, ce qui pourrait permettre de contraindre la Russie à rendre des comptes dans une certaine mesure pour les dommages environnementaux et écologiques qu’elle aura causés.
2.1.5Le 19 janvier 2023, le Parlement européen a adopté une résolution demandant la création d’un tribunal pour le crime d’agression contre l’Ukraine, à laquelle le CESE a apporté son appui lors de sa session plénière de février. Cette résolution fait référence aux questions environnementales à deux reprises. Premièrement, elle prend acte du lien entre guerre et dommages à long terme à l’environnement naturel et au climat; deuxièmement, elle demande la création d’un registre international des dommages qui servira notamment à établir les futures réparations pour les dommages graves à long terme et à grande échelle causés à l’environnement naturel et au climat. Il est essentiel, à cet égard, de souligner que les dommages environnementaux peuvent être utilisés comme armes de guerre et de mettre l’accent sur ce fait pour pouvoir mieux poursuivre ces crimes.
2.1.6Les dommages environnementaux occasionnés par la guerre comprennent la dégradation des écosystèmes, la pollution de l’air et de l’eau, ainsi que la contamination des terres arables et des pâturages. Par exemple, les fuites récentes dans deux gazoducs russes en mer Baltique pourraient avoir une incidence sans précédent sur notre climat et sur d’autres aspects de l’environnement. Depuis le début de la guerre, 200 000 hectares de forêt ont été touchés par des incendies, 680 000 tonnes de combustibles fossiles sont parties en fumée et 180 000 m3 de sol ont été contaminés par des munitions. La guerre a dégradé des zones protégées et détruit des stations d’épuration des eaux. Plus de 100 incendies de forêt ont été déclenchés par le conflit, qui ont émis 33 millions de tonnes de CO2. Les bombardements russes sont en train de détruire la diversité biologique ukrainienne. Les experts ukrainiens estiment les dommages environnementaux causés par la Russie à 24 milliards d’euros.
2.1.7La guerre en Ukraine inflige des destructions durables et sans précédent à l’environnement. Elle porte également atteinte à la santé physique et mentale, à l’intégrité et au bien-être du peuple ukrainien et des générations futures du pays. Les groupes vulnérables sont tout particulièrement touchés; il convient d’accorder une attention particulière aux répercussions psychologiques de la guerre ainsi qu’aux problèmes de santé mentale associés. La guerre entraîne une contamination de l’air, de l’eau et des sols, ainsi qu’une pollution sonore, qui auront des répercussions sur toutes ses victimes pendant des générations. Il est en effet démontré que les dégradations de l’environnement — notamment la contamination de l’air, des sols et de l’eau —, tout comme la guerre, ont des répercussions plurigénérationnelles sur la santé mentale et physique. Il ne s’agit pas seulement des enfants qui vivent actuellement en Ukraine ou ont fui le pays; les générations à venir en pâtiront également.
2.1.8Les efforts déployés par la jeunesse ukrainienne pour faire entendre sa voix par l’intermédiaire de ses divers mouvements et organisations sont donc particulièrement touchants. Les efforts de reconstruction devront impérativement tenir compte des avis et des idées qu’elle aura exprimés.
2.1.9Les dommages causés à notre écosystème commun, tels que la dégradation des sols, menacent directement la production agricole future et mettent en relief la précarité de la sécurité alimentaire mondiale. En particulier, la structure actuelle du marché des matières premières n’est pas à la hauteur de l’«économie durable dont nous avons besoin». Elle ne permettra pas d’atteindre les objectifs liés au développement durable, à l’ambition climatique et à la transition juste inscrits dans le programme des Nations unies à l’horizon 2030 et le pacte vert pour l’Europe, et joue de fait activement en leur défaveur.
2.1.10La société civile a joué un rôle central dans la défense de l’environnement en Ukraine avant la guerre. Cette dernière a cependant considérablement amoindri sa capacité à mener ses activités. De nombreux défenseurs de l’environnement ont dû fuir, ou contribuent actuellement à l’effort de guerre. Ceux qui sont encore en mesure d’exercer leurs activités s’attachent désormais à documenter les conséquences sur l’environnement de la guerre d’agression menée par la Russie. Leur participation sera essentielle pour restaurer l’environnement en Ukraine et faire en sorte que celle-ci adopte le droit de l’Union en matière d’environnement pour rendre possible son adhésion.
2.1.11La protection de l’environnement et les incidences sur la vie et la santé au quotidien restent importantes pour les Ukrainiens. En outre, selon une enquête publique, 95,2 % des personnes interrogées estiment que la restauration de la nature sera importante pour la reconstruction de l’Ukraine après-guerre.
2.1.12À condition de disposer d’un soutien international adéquat, il sera possible de faire de la destruction par la Russie des infrastructures d’industrie lourde de l’Ukraine une occasion de libérer le potentiel du pays en matière de solaire et d’éolien, pour une reconstruction en mieux et en plus écologique adossée à des sources d’électricité renouvelables, au bénéfice non seulement des citoyens ukrainiens, mais aussi de ceux qui vivent par-delà ses frontières — ce qui placerait l’Ukraine dans une position privilégiée pour ses négociations d’adhésion à l’Union.
2.1.13La situation actuelle reste instable. L’avenir est incertain et préoccupant. Au-delà de la terrible catastrophe humaine et humanitaire, des questions se poseront sur le coût final de la reconstruction de l’Ukraine et sur la mesure dans laquelle la Russie peut être tenue pour responsable de sa prise en charge. L’Union européenne a un rôle important à jouer à cet égard. Dans sa résolution sur
«La guerre en Ukraine et ses conséquences économiques, sociales et environnementales»
, le CESE souligne non seulement les répercussions de la guerre sur les populations, mais aussi le fait que les conséquences environnementales du conflit, dues aux bombardements, à des fuites de pétrole et de gaz et à des accidents dans des usines chimiques et des centrales nucléaires, constituent des préoccupations majeures, tant pour les Ukrainiens que pour l’Union, et au-delà. Ces incidences environnementales auront inévitablement des conséquences durables pour la santé humaine et les écosystèmes. D’après les experts des Nations unies, elles constituent une réelle menace pour les populations: il faudra sans doute des années pour dépolluer la région, alors que le risque de cancers, de maladies respiratoires et de retards de développement chez les enfants se sera accru en parallèle. La santé génésique est une autre source de préoccupation. Le CESE insiste sur le fait que l’Union devra aider à protéger l’environnement en Ukraine et à réparer les dommages subis du fait de la guerre. Il réaffirme qu’il conviendra de mener tous les efforts de reconstruction dans le respect des normes internationales de l’OIT et des principes de conditionnalité sociale. Le CESE propose que l’Union réagisse au moyen de programmes tels que RescEU et le programme LIFE, en coordination avec les mécanismes nationaux, régionaux et locaux ainsi qu’avec le secteur privé et les ONG.
2.1.14Alors que la guerre se poursuit, il est essentiel que les organisations de la société civile, les gouvernements et les organisations internationales coopèrent par-delà les frontières pour cartographier et surveiller les dommages environnementaux à caractère transfrontalier afin d’évaluer l’ampleur des dommages et des besoins financiers, de stimuler l’investissement et de réaffecter des ressources à la reconstruction durable et socialement juste de l’Ukraine. En ce qui concerne la cartographie, l’Agence européenne pour l’environnement intervient en soutien aux efforts d’amélioration de la capacité de collecte d’informations sur l’état de l’environnement avant-guerre, qui pourraient servir de référence dans les processus de suivi.
2.1.15La Commission et le Conseil doivent soutenir les efforts de la société civile visant à documenter les dommages environnementaux causés par la Russie, y compris les crimes environnementaux. L’Union doit également veiller à ce que les efforts qu’elle déploie pour soutenir la reconstruction de l’Ukraine préviennent et atténuent les conséquences écologiques et environnementales désastreuses de la guerre de sorte à garantir la sauvegarde des droits de l’homme.
2.1.16Il convient par ailleurs de mettre un terme à la dépendance de l’économie ukrainienne et de celle de l’Union à l’égard des combustibles fossiles et de veiller à ce que les efforts de reconstruction ne s’appuient pas sur les infrastructures liées aux combustibles fossiles. Ces efforts doivent également garantir que l’Ukraine soit en mesure de jouer son rôle dans le système alimentaire mondial et, dans la perspective de l’adhésion de cette dernière, de permettre à l’Union de respecter ses engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris et de l’accord de Kunming-Montréal. L’Union devrait en outre veiller à ce que ses trains de sanctions aient une incidence positive sur l’environnement. Certaines ONG ont demandé, par exemple, l’adoption de sanctions qui entraveraient non seulement la capacité de la Russie à poursuivre sa guerre illégale, mais aussi sa capacité à tirer profit de la pêche illicite, non déclarée et non réglementée.
2.2L’obligation légale de l’Union de protéger le droit à un environnement sain
2.2.1Le 28 juillet 2022, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution historique plaçant le «droit à un environnement propre, sain et durable» au rang des droits de l’homme
, qui engage les États, les organisations internationales, les entreprises et les autres acteurs concernés à intensifier leurs efforts visant à garantir un environnement propre, sain et durable pour tous. Les 27 États membres de l’Union ont voté en faveur de la résolution, comme l’écrasante majorité des autres États. Faisant écho au rapport d’information 2021 du CESE sur «La protection de l’environnement comme condition préalable au respect des droits fondamentaux», la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies prend acte du fait que «la dégradation de l’environnement, les changements climatiques, la perte de biodiversité, la désertification et le développement non durable font partie des menaces les plus urgentes et les plus graves qui pèsent sur la capacité des générations actuelles et futures d’exercer tous les droits de l’homme de manière effective». La résolution invite notamment les organisations internationales telles que l’Union «à améliorer la coopération internationale, à renforcer les capacités et à continuer de mettre en commun les bonnes pratiques afin d’intensifier les efforts visant à garantir un environnement propre, sain et durable pour tous».
2.2.2Le droit à un environnement sain prend acte du lien fondamental entre environnement et santé humaine. La santé humaine et la qualité de l’environnement ne peuvent être dissociées: la santé des écosystèmes, des animaux et des humains forme un tout indivisible, qu’il appartient à l’Union de préserver. La dégradation de l’environnement est la principale source de mauvaise santé. Par exemple, en 2019, 307 000 décès prématurés ont été attribués aux particules fines, 40 400 au dioxyde d’azote et 16 800 à l’exposition aiguë à l’ozone. Bien entendu, le problème va au-delà de la qualité de l’air. La pollution sonore, par exemple, entraîne 12 000 décès par an. L’interconnexion entre environnement et santé humaine est tout aussi évidente dans le domaine de la sécurité alimentaire.
2.2.3L’ordre juridique de l’Union est à la pointe au niveau mondial en ce qui concerne la reconnaissance, au niveau supranational, du droit à un environnement sain. Les dispositions des traités [article 37 de la charte des droits fondamentaux et article 11 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE)] s’ajoutent à d’autres, notamment l’article 3, paragraphe 3, et l’article 21, paragraphe 2, du traité sur l’Union européenne ainsi que l’article 191 du TFUE, et à diverses autres dispositions de la charte qui, prises ensemble, équivalent à une reconnaissance du droit à un environnement propre, sain et durable. En vertu de l’article 51, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, les institutions de l’Union sont soumises à cette obligation à tout moment et les États membres sont tenus de la respecter lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. Le Parlement européen a demandé que «le droit à un environnement sain soit reconnu dans la charte et que l’Union [plaide également] la cause d’un droit similaire au niveau international».
2.2.4En vertu de l’article 52, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux, l’Union est également tenue de respecter les dispositions de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la mesure où les dispositions de la charte correspondent aux dispositions de cette convention. On peut avancer que la Cour européenne des droits de l’homme a en pratique reconnu le droit à un environnement sûr et sain, notamment par la voie du droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile (article 7 de la charte, article 8 de la convention). En découlent non seulement des obligations négatives (ne pas porter atteinte au droit à un environnement sain), mais aussi des obligations positives, à savoir prendre des mesures, par exemple en ce qui concerne la qualité de l’air, afin de garantir le respect de ce droit. Ces obligations seront d’autant plus exécutoires quand l’Union aura adhéré à la convention, comme elle est tenue de le faire en vertu de l’article 6, paragraphe 2, du TUE. À la suite du Parlement européen, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a demandé l’adoption d’un protocole à la convention qui reconnaîtrait explicitement «le droit à un environnement sûr, propre, sain et durable». Cela créerait un droit exécutoire dans les 27 États membres de l’Union et dans les 19 pays tiers qui sont également membres du Conseil de l’Europe.
2.2.5Il est par ailleurs généralement accepté que l’Union influe très fortement sur la réglementation environnementale au niveau mondial. Les nombreux domaines du droit de l’Union qui ont une incidence sur le droit à un environnement sain — notamment la réglementation des substances toxiques au titre du règlement REACH — sont des exemples typiques de l’«effet Bruxelles», par lequel les règles de l’Union deviennent des normes mondiales.
2.2.6Le droit à un environnement sain est essentiel au bien-être social et économique des personnes en Europe et dans le monde. On estime qu’environ 40 % des emplois dans le monde dépendent d’un climat et d’un écosystème sains. Compte tenu du cadre juridique international et de cette dure réalité, il n’est pas surprenant que l’Union ait adopté de nombreux actes législatifs pour donner effet à son obligation de garantir le respect du droit à un environnement sain. La réglementation de l’Union relative à la qualité de l’air ambiant (directive 2008/50/CE) en est un exemple clair. L’avocate générale Kokott a ainsi estimé, dans l’affaire Craeynest c. Brussels Hoofdstedelijk Gewest, que «les règles sur la qualité de l’air ambiant sont donc la concrétisation des obligations de protection qui pèsent sur l’Union, découlant du droit fondamental à la vie consacré à l’article 2, paragraphe 1, de la charte et du niveau élevé de protection qu’exigent l’article 3, paragraphe 3, du TUE, l’article 37 de la charte et l’article 191, paragraphe 2, du TFUE». Pour une protection maximale de la santé humaine, le CESE recommande de mettre pleinement en correspondance les normes de l’Union en matière de qualité de l’air avec les lignes directrices mises à jour de l’Organisation mondiale de la santé relatives à la qualité de l’air pour 2030.
2.2.7Les programmes d’action pour l’environnement de l’Union — mis en œuvre au titre de l’article 192, paragraphe 3, du TFUE — considèrent de plus en plus l’environnement sain comme un droit. Le 8e programme d’action pour l’environnement affirme explicitement que «progresser vers la reconnaissance du droit à un environnement propre, sain et durable, tel qu’énoncé dans la résolution 48/13 du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, est une condition de facilitation aux fins de la réalisation [de ses] objectifs prioritaires».
2.2.8Toutefois, la mise en pratique reste souvent lacunaire, et c’est pourquoi le CESE encourage l’ensemble des États membres et des institutions européennes à redoubler d’efforts pour améliorer l’efficacité des instruments juridiques existants. Les nombreuses actions en justice intentées contre des États membres ou l’Union même pour des carences dans des domaines tels que la qualité de l’air, le climat, la pêche, ou encore l’eau témoignent de l’ampleur de l’échec des pouvoirs publics à garantir ce droit.
2.2.9Dans le contexte de la guerre menée par la Russie en Ukraine et de la future adhésion de cette dernière à l’Union, il est plus important que jamais que l’Union et ses États membres donnent effet au droit à un environnement sain. Cela implique d’accorder à la protection de l’environnement la même priorité qu’à d’autres domaines du droit, tels que la concurrence ou la protection des données, pour lesquels l’Union donne l’exemple à l’échelle mondiale, tant pour son droit que pour les mesures de mise en œuvre qu’elle adopte.
2.2.10C’est ainsi que l’Union a aujourd’hui la possibilité de reconnaître le caractère intergénérationnel du droit à un environnement sain.
2.2.11Il n’est pas surprenant que les mouvements de jeunesse soient particulièrement mobilisés pour réclamer la protection de l’environnement. En raison des effets négatifs de la dégradation de l’environnement sur la santé génésique, l’existence même des générations futures est menacée. L’Union devrait suivre l’exemple des États membres qui ont mis en place des institutions conçues pour protéger les intérêts des générations futures. Une telle institution, au niveau de l’Union, contribuerait à garantir que les générations futures pourront jouir des avantages sociaux et économiques que leur procurera demain l’action menée aujourd’hui pour protéger l’environnement.
Bruxelles, le 13 avril 2023
Peter SCHMIDT
Président de la section «Agriculture, développement rural et environnement»
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