|
AVIS
|
|
Comité économique et social européen
|
|
Autonomie stratégique et semi-conducteurs
|
|
_____________
|
|
Remédier aux pénuries structurelles et renforcer l’autonomie stratégique dans l’écosystème des semi-conducteurs
|
|
|
|
CCMI/192
|
|
|
|
Rapporteur: Anastasis YIAPANIS
|
|
Corapporteur: Guido NELISSEN
|
|
Décision de l’assemblée plénière
|
20/01/2022
|
|
Base juridique
|
Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur
|
|
|
Avis d’initiative
|
|
Compétence
|
Commission consultative des mutations industrielles (CCMI)
|
|
Adoption en section
|
09/12/2022
|
|
Adoption en session plénière
|
24/01/2023
|
|
Session plénière nº
|
575
|
|
Résultat du vote
(pour/contre/abstentions)
|
179/0/4
|
1.Conclusions et recommandations
1.1Le CESE préconise une transparence accrue ainsi qu’un suivi et une gestion plus stratégiques tout au long des chaînes d’approvisionnement des puces électroniques, une meilleure prévision de leur disponibilité et des partenariats plus étroits, en coordination avec les pouvoirs publics à l’échelon européen.
1.2Le Comité estime que la stratégie européenne sur les semi-conducteurs devrait soutenir toutes les étapes de leur chaîne de valeur, en accordant une attention particulière à la conception et à la fabrication de puces ainsi qu’à la production finale. La mise en œuvre du règlement sur les semi-conducteurs doit être soigneusement évaluée et suivie au moyen d’indicateurs clairs (ICP) établis en collaboration avec les acteurs du secteur et le conseil européen des semi-conducteurs.
1.3Le CESE est particulièrement préoccupé par la dépendance actuelle de l’Union à l’égard de la fabrication finale, spécialement en ce qui concerne la Chine. La coopération internationale entre les gouvernements, les pôles existant dans le domaine des semi-conducteurs et les institutions de recherche et de développement est essentielle pour remédier aux pénuries actuelles, garantir des conditions de concurrence équitables et répondre aux besoins de la société dans son ensemble.
1.4Le Comité accueille favorablement les 43 milliards d’EUR annoncés dans le règlement européen sur les semi-conducteurs ainsi que la future création du fonds «Semi-conducteurs», et plaide en faveur de la pleine exploitation des plans européens pour la reprise et la résilience.
1.5Toutefois, le Comité constate que la Commission européenne n’a pas suffisamment insisté sur l’importance des matières premières, la circularité des processus de production et la dépendance actuelle à l’égard des pays tiers, et demande que la garantie d’accès aux matières premières essentielles utilisées dans la production des semi-conducteurs bénéficie d’une attention accrue.
1.6Le CESE appelle de ses vœux un réexamen minutieux des accords de libre-échange et des partenariats internationaux existants, l’objectif étant clairement de parvenir à une autonomie stratégique ouverte et d’accroître la résilience de l’Europe.
1.7Les investissements devraient être orientés vers les domaines où la dépendance de l’Europe à l’égard des fournisseurs de technologies étrangers est très élevée. Tout en évitant les subventions excessives, il s’avère nécessaire d’assurer un soutien public au niveau de l’Union et des États membres en faveur d’investissements dans des technologies transformatrices, des plateformes virtuelles de conception, des capacités de conception de puces de pointe et des installations pionnières, en mettant l’accent sur les puces avancées, pour réduire les risques et améliorer les délais de retour sur investissement.
1.8Le Comité souhaite une répartition économiquement efficace mais équilibrée des fonds de l’UE entre les États membres et les régions, ainsi qu’entre les grandes entreprises, les jeunes pousses et les PME. Le CESE plaide également en faveur d’un plan d’action solide pour attirer les investissements étrangers des grandes entreprises internationales de semi-conducteurs.
1.9Le Comité est d’avis que toute politique en matière de compétences devrait prendre en compte l’incidence de l’accélération de l’innovation sur le rythme des créations et des destructions d’emplois, tout en associant les partenaires sociaux de l’écosystème des semi-conducteurs, le monde universitaire et les centres de recherche concernés. Des efforts considérables sont nécessaires pour assurer le perfectionnement et la reconversion de la main-d’œuvre, et les programmes d’apprentissage tout au long de la vie et d’enseignement et de formation professionnels doivent aider les travailleurs du marché européen de l’emploi, en particulier dans le domaine des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques, à acquérir des compétences spécifiques essentielles.
1.10Le CESE souligne que bon nombre des innovations conçues par les organismes de recherche et de technologie de l’UE sont reprises dans d’autres régions du monde et estime qu’il convient de rapprocher les secteurs de consommation finale de la base de recherche européenne sur les semi-conducteurs.
1.11Le Comité demande un soutien accru en faveur des pôles dans le domaine des technologies numériques et une meilleure exploitation du potentiel d’innovation des PME de haute technologie. En outre, le CESE préconise une législation cohérente en ce qui concerne les incitations fiscales qui stimulent les investissements dans la recherche-développement, tout particulièrement celle portant sur la conception des puces.
1.12Le Comité plaide pour un renforcement de l’innovation et de la protection contre les cyberattaques et une meilleure préparation à de nouvelles menaces inédites pour la cybersécurité.
2.Enjeux pour la stratégie européenne sur les semi-conducteurs
2.1La révolution numérique et la recherche continue de technologies transformatrices ont entraîné une augmentation significative de la demande de semi-conducteurs. La pandémie de COVID-19 et la période de reprise qui a suivi se caractérisent par des pénuries généralisées de la chaîne d’approvisionnement qui, associées à l’augmentation des prix de l’énergie et aux goulets d’étranglement dans l’approvisionnement en matières premières essentielles, entravent la relance économique et freinent la production industrielle dans l’Union européenne.
2.2Le secteur européen de la microélectronique (455 000 emplois directs) occupe une position de premier plan au niveau mondial dans le domaine des processeurs pour systèmes embarqués, des capteurs, des puces à radiofréquence, du matériel électronique de puissance, des plaquettes de silicium, des produits chimiques et des équipements avancés de production de puces. L’UE dispose également d’une solide base de recherche grâce à ses centres de recherche et à ses initiatives ambitieuses en matière de recherche et de développement.
2.3La demande de semi-conducteurs dans l’industrie automobile devrait augmenter de 300 % d’ici à 2030, tandis que les besoins en puces du secteur industriel électronique devraient doubler sur la même période, alimentés par certaines grandes tendances telles que les technologies de production haut de gamme de l’Industrie 4.0. Le secteur des communications représente 15 % de la demande européenne de puces, les composants de puces critiques destinés aux équipements de communication pour la 5G étant principalement conçus et produits en dehors de l’Union. Les secteurs des soins de santé, de l’énergie, de l’aérospatial, de la défense et du jeu, entre autres, évoluent tous sur le plan technologique et connaissent une augmentation de la demande de semi-conducteurs avancés et matures pour leurs processus de production et leurs produits. Les semi-conducteurs sont également essentiels au développement d’applications industrielles émergentes de l’intelligence artificielle et de l’internet des objets, un marché qui connaît une croissance annuelle de 50 %. La mise en place d’une stratégie dans le domaine des semi-conducteurs sur ces solides marchés finaux existants et émergents créera un cercle vertueux en rendant les principales industries manufacturières européennes plus compétitives, tout en renforçant les capacités de fabrication de semi-conducteurs au sein de l’Union.
2.4Par ailleurs, l’industrie européenne est moins bien représentée sur plusieurs marchés finaux importants pour les semi-conducteurs, tels que l’informatique en nuage et le stockage de données, l’informatique individuelle, les communications sans fil (smartphones) et les appareils grand public (jeux). En outre, avec seulement 50 usines de fabrication de semi-conducteurs sur le sol européen, la base de fabrication est plutôt faible. L’Union n’est pas en mesure de produire des puces de taille inférieure à 22 nm et elle occupe une position défavorable en matière de conception et d’outils d’automatisation de la conception. En conséquence, l’UE affichait un déficit commercial de 19,5 milliards d’EUR pour les semi-conducteurs en 2021 (51 milliards d’EUR d’importations contre 31,5 milliards d’EUR d’exportations).
2.5Dans la mesure où la demande et l’utilisation de puces électroniques ne feront qu’augmenter à l’avenir, le CESE plaide en faveur de programmes ambitieux visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur et fondés sur l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables et les technologies de pointe.
3.Compétitivité et autonomie stratégique
3.1Les nombreux risques pesant sur le secteur des semi-conducteurs (pénuries structurelles, risques liés à la chaîne d’approvisionnement, monopole dans certains maillons clés de la chaîne de valeur, risques géopolitiques) et leur incidence sur un large éventail de domaines ont fait prendre conscience de la nécessité de renforcer la souveraineté technologique de l’Europe à cet égard.
3.2Les ruptures d’approvisionnement en semi-conducteurs ont des effets très négatifs sur l’économie et la société européennes. En raison de la complexité de la chaîne d’approvisionnement des semi-conducteurs, il est difficile de déceler et d’évaluer les risques liés aux perturbations et de prendre les mesures d’atténuation adéquates. Le CESE est d’avis qu’il est possible de renforcer la chaîne de valeur des semi-conducteurs en augmentant sa transparence et sa visibilité, en assurant un suivi et une gestion plus stratégiques de la chaîne d’approvisionnement, en améliorant les prévisions en matière de disponibilité des puces et en établissant des partenariats plus étroits à tous les niveaux de la chaîne d’approvisionnement, en coordination avec les pouvoirs publics à l’échelon européen.
3.3Pour répondre aux préoccupations relatives à l’approvisionnement à long terme et pour faire face à la concurrence mondiale en ce qui concerne la conception et la production de composants de semi-conducteurs de plus en plus complexes, le CESE est d’avis que la stratégie européenne sur les semi-conducteurs devrait soutenir toutes les étapes de la chaîne de valeur des semi-conducteurs, y compris la recherche sur les semi-conducteurs, la conception, la fabrication de puces électroniques, l’assemblage, les essais et le conditionnement.
3.4Le CESE estime notamment que l’UE doit investir dans des domaines, tels que la conception et l’automatisation de la conception électronique, les capacités de fabrication et le conditionnement avancé, où la dépendance européenne à l’égard des fournisseurs étrangers de technologies est très élevée.
3.5Étant donné que les semi-conducteurs sont clairement devenus un domaine technologique stratégique et que l’Union ne dispose pas de capacités de fabrication pour les puces matures et avancées, elle doit soutenir les investissements dans la production de puces électroniques, car ils sont essentiels pour rendre la production plus résiliente dans des secteurs clés. En effet, dans les secteurs industriels européens, la demande déjà élevée de puces matures, avec une technologie de 12 à 40 nm, continue d’augmenter. Dans le même temps, la demande de puces avancées, avec des nœuds de moins de 10 nm, devrait augmenter beaucoup plus rapidement en raison de la transition vers l’informatique de périphérie, l’informatique quantique, l’internet des objets, la conduite automatisée et l’intelligence artificielle. Ces technologies entraînent des changements drastiques dans de nombreux secteurs industriels, tels que l’ingénierie, l’industrie automobile, l’électronique, la santé, la défense et les énergies renouvelables. Ces secteurs pourraient de toute évidence permettre de créer un marché européen en vue de soutenir la production européenne de nœuds avancés à plus long terme.
3.6Toutefois, afin de donner la priorité aux investissements, le Comité estime qu’avant tout, ceux-ci devraient être orientés vers les capacités de conception pour les puces de pointe, sachant que l’Europe ne dispose pas de telles capacités pour les semi-conducteurs logiques avancés.
3.7Il convient également d’accorder une attention particulière à la fabrication finale (y compris l’assemblage, les essais et le conditionnement), qui nécessite davantage de main-d’œuvre et qui pourrait être concentrée de manière stratégique en Europe du Sud-Est, où les coûts du travail sont plus compétitifs. Le CESE s’inquiète des différents risques auxquels l’UE est exposée en raison de sa dépendance actuelle à l’égard de la fabrication finale, spécialement en ce qui concerne la Chine.
3.8Il est primordial de garantir l’accès aux matières premières essentielles utilisées dans la production de semi-conducteurs, telles que des produits chimiques de grande pureté (germanium, bore, indium), des gaz spéciaux (néon, hélium, argon) et des substituts du silicium (par exemple, le carbure de silicium pour une meilleure gestion de l’énergie). En raison de leur complexité croissante, la demande de ces matériaux n’augmentera qu’à mesure que la demande de puces s’amplifie.
3.9Le Comité constate que la Commission européenne n’a pas suffisamment insisté sur l’importance des matières premières, la circularité des processus de production et la dépendance actuelle à l’égard des pays tiers. Le CESE a souligné qu’il conviendrait que «la Commission et l’industrie examinent de concert avec les États membres les pistes envisageables pour diversifier les sources d’approvisionnement et, plus particulièrement, pour mieux recycler les matières premières critiques, dans la logique d’une économie circulaire industrialisée en matière de microélectronique».
3.10Le Comité est d’avis que la mise en œuvre du règlement sur les semi-conducteurs doit faire l’objet d’une évaluation et d’un suivi minutieux et demande que des indicateurs clés de performance clairs permettent d’évaluer les progrès accomplis. Ces indicateurs doivent être établis en collaboration avec les acteurs du secteur et le conseil européen des semi-conducteurs.
4.Participation des parties prenantes de l’UE, coopération internationale et partenariats stratégiques
4.1Le Comité considère que l’alliance industrielle pour les processeurs et les technologies des semi-conducteurs, lancée par la Commission en juillet 2021, a un rôle très important à jouer pour recenser les lacunes existantes dans le processus de production et adopter les technologies dans l’UE. Cette alliance devrait aborder en détail le renforcement de la résilience de l’UE et la garantie de la sécurité des chaînes d’approvisionnement, en associant les partenaires sociaux de l’écosystème des semi-conducteurs, le monde universitaire et les centres de recherche concernés.
4.2Le CESE estime que la coopération internationale entre les gouvernements, les pôles existant dans le domaine des semi-conducteurs et les institutions de recherche et de développement est essentielle pour remédier aux pénuries actuelles et garantir une confiance mutuelle en vue de parvenir à des conditions de concurrence équitables. Par ailleurs, le renforcement de l’écosystème européen des semi-conducteurs conduira à des dépendances mutuelles entre les chaînes de valeur mondiales, qui, à leur tour, influenceront les négociations internationales et augmenteront la résilience générale de l’ensemble du secteur. Néanmoins, le CESE a déjà exprimé une position claire selon laquelle «[il] s’impose d’éviter une course aux subventions et d’allouer les fonds de manière efficace sans créer de surcapacités ni de distorsions du marché».
4.3Le CESE appelle de ses vœux un réexamen minutieux des accords de libre-échange et des partenariats industriels internationaux existants, l’objectif étant clairement de parvenir à une autonomie stratégique ouverte et d’accroître la résilience de l’Europe dans un contexte géopolitique toujours plus complexe. Les discussions devraient être intensifiées au sein du conseil européen des semi-conducteurs, qui devrait accroître le nombre de ses membres en invitant les acteurs du secteur et les partenaires sociaux représentatifs de l’UE, ainsi que les centres de recherche les plus importants.
4.4Les débats dans les enceintes européennes doivent également se concentrer sur la mise en œuvre de la proposition d’accélérer les procédures d’autorisation pour de nouvelles installations, ce qui pourrait constituer une incitation majeure à la négociation d’investissements étrangers substantiels et créerait une demande immédiate. Plus important encore, la réduction de la charge administrative et la mise en œuvre de mécanismes réglementaires dans l’ensemble des États membres réduiront la fragmentation et garantiront la prévisibilité des futurs investissements.
5.Financement
5.1Le CESE accueille favorablement les 43 milliards d’EUR annoncés dans le règlement européen sur les semi-conducteurs et la future création du fonds «Semi-conducteurs», mais demande des précisions sur la manière dont ces fonds publics et privés seront levés et alloués. De plus, le Comité souligne qu’il convient d’exploiter pleinement les plans européens pour la reprise et la résilience, qui visent à consacrer 20 % de leur budget à la transformation numérique des États membres.
5.2Le CESE estime nécessaire d’assurer un soutien public au niveau de l’Union et des États membres en faveur d’investissements dans des technologies de pointe, des plateformes virtuelles de conception et des installations pionnières, en mettant l’accent sur les puces avancées, afin de réduire les risques et d’améliorer les délais de retour sur investissement pour les installations qui doivent être construites ex nihilo.
5.3Étant donné que le conseil européen des semi-conducteurs proposé sera composé de représentants des États membres, le CESE craint que ces pays en viennent à se battre les uns contre les autres pour obtenir une plus grande part des fonds. Par conséquent, le Comité souhaite une répartition économiquement efficace mais équilibrée des fonds de l’UE entre les États membres et les régions, ainsi qu’entre les grandes entreprises, les jeunes pousses et les PME, afin que personne ne soit laissé pour compte. En outre, en ce qui concerne l’entreprise commune «Semi-conducteurs», le CESE a déjà indiqué qu’il convenait de définir des critères spécifiques et que «[sur] ce point, un rôle pourrait être joué par d’autres facteurs d’évaluation, relevant de la politique sociale, qu’il s’agisse, entre autres exemples, de l’attitude de l’entreprise concernée vis-à-vis du dialogue social et des négociations collectives et de la priorité donnée à la coopération avec des fournisseurs établis dans l’Union européenne, mais aussi du nombre d’emplois additionnels, à caractère durable, qui résultent des investissements concernés, ou encore de la qualité des conditions de travail».
5.4Le fonds «Semi-conducteurs» proposé augmentera la disponibilité des prêts et du financement par le capital-risque et facilitera la poursuite de la croissance des petites entreprises innovantes dans le domaine des semi-conducteurs. Cependant, il est nécessaire de disposer d’un marché européen du capital-risque à part entière pour aider ces entreprises à franchir la «vallée de la mort» qui mène de la démonstration à l’introduction sur le marché. Le CESE appelle de ses vœux des orientations pratiques, en particulier pour les jeunes pousses et les PME, sur la manière d’accéder à ces fonds.
5.5Enfin, le Comité souhaite que soit élaboré un plan d’action solide pour attirer également les investissements étrangers, notamment de la part d’entreprises internationales de premier plan dans le domaine des semi-conducteurs, afin d’attirer à la fois des capitaux et des savoir-faire sur le sol européen.
6.Compétences
6.1Les compétences numériques sont devenues un atout immatériel essentiel de la révolution industrielle numérique et la disponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée constitue désormais un élément important pour les décisions en matière d’investissement, tandis que le manque de compétences ralentit gravement le déploiement des capacités numériques. L’éducation au numérique et la sensibilisation du grand public aux conséquences sociétales des applications numériques, comme les avantages et les risques liés à la concentration du pouvoir ou au respect de la vie privée, sont des outils essentiels pour permettre aux consommateurs et à la société civile de contribuer de manière responsable aux évolutions futures de l’écosystème des semi-conducteurs et pour attirer la jeune génération. Le CESE demande également qu’une attention particulière soit accordée à la nécessité de protéger la santé des travailleurs du secteur de la fabrication de puces qui sont exposés à des substances dangereuses.
6.2À l’heure actuelle, les vacances de postes d’ingénieurs, de spécialistes en conception et de techniciens augmentent à un rythme alarmant. Le CESE se félicite de la création récente du partenariat pour les compétences dans l’écosystème numérique. Dans le cadre de la stratégie européenne en matière de compétences, en plus d’atteindre les objectifs visés par celle-ci ainsi que par le socle européen des droits sociaux (assurer la participation d’au moins 60 % des adultes à des actions de formation), ce partenariat devrait contribuer à réaliser ceux du programme pour la décennie numérique (doter 80 % des citoyens de compétences numériques de base, réduire les déséquilibres entre les hommes et les femmes et avoir 20 millions de spécialistes des technologies de l’information et de la communication d’ici à 2030).
6.3Toute politique en matière de compétences devrait prendre en compte l’incidence de l’accélération de l’innovation sur le rythme des créations et des destructions d’emplois, y compris la transformation du marché du travail causée par les évolutions technologiques dans le domaine de l’intelligence artificielle. Les emplois peu ou moyennement qualifiés risquent tout particulièrement de disparaître, en étant remplacés par des outils numériques et l’automatisation, tandis que la demande de compétences numériques avancées ne fera que croître. Le CESE estime que pour s’attaquer à ces problèmes, il faudra déployer des efforts considérables en faveur du perfectionnement et de la reconversion de la main-d’œuvre, surtout pour les travailleurs touchés par l’obsolescence des compétences technologiques. En outre, les programmes d’apprentissage tout au long de la vie et d’enseignement et de formation professionnels doivent aider les travailleurs du marché européen de l’emploi à se spécialiser en acquérant des compétences spécifiques essentielles. Par conséquent, il sera essentiel que les étudiants puissent accéder à des équipements de conception et de fabrication de pointe ainsi qu’à une expérience de formation concrète.
6.4Le Comité estime également que l’Union européenne a besoin d’un cadre législatif cohérent pour attirer une main-d’œuvre étrangère spécialisée dans les semi-conducteurs. Le CESE accueille favorablement la communication de la Commission intitulée «Attirer des compétences et des talents dans l’UE» et estime qu’elle doit être complétée par des programmes de perfectionnement et de reconversion professionnels, y compris pour les travailleurs du domaine des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques.
6.5D’autre part, le CESE craint que le manque de compétences dans le monde entier ne conduise à une guerre des talents, qui se traduira par une fuite des cerveaux au sein de l’UE ou au niveau international. Le CESE attend donc avec intérêt la prochaine communication intitulée «Fuite des cerveaux — atténuer les problèmes liés au déclin de la population».
7.Recherche, développement et innovation
7.1Le CESE souligne que, malheureusement, nombre des innovations qu’ils conçoivent sont reprises dans d’autres régions du monde et n’ont pas permis de renforcer la base manufacturière de l’Union. Par conséquent, le CESE estime que ces organismes européens doivent rassembler l’ensemble de la base industrielle et le savoir-faire existant en matière de semi-conducteurs, moderniser et construire des lignes pilotes de semi-conducteurs et explorer et exploiter les perspectives d’avenir dans des domaines clés tels que l’informatique de périphérie, l’intelligence artificielle et la cybersécurité. À cet égard, il s’avérera essentiel de rapprocher les secteurs de consommation finale de la base de recherche européenne.
7.2Le Comité demande des feuilles de route à long terme en ce qui concerne l’innovation afin de soutenir la transition numérique, étant donné qu’elles permettent une approche proactive pour orienter les investissements en matière de recherche et de développement en faveur d’objectifs stratégiques à plus long terme et pour combler les lacunes de l’écosystème des semi-conducteurs. Par ailleurs, le Comité préconise que le potentiel d’innovation des PME de haute technologie soit mieux exploité, ces entreprises étant souvent très spécialisées, agiles et actives sur des marchés de niche de grande valeur.
7.3Le CESE souligne qu’il convient de mieux protéger la précieuse propriété intellectuelle des entreprises intégrée dans les puces électroniques et se félicite des règles claires annoncées dans le règlement sur les semi-conducteurs. Les futures activités du conseil européen des semi-conducteurs doivent comprendre des consultations en temps utile avec les acteurs du secteur sur la protection efficace des droits de propriété intellectuelle de l’Union.
7.4Le Comité est d’avis que des investissements spéciaux devraient être consacrés à la recherche et au développement dans le domaine de la conception de puces, car cette branche représente la part la plus importante de la valeur ajoutée et peut également renforcer les arguments économiques en faveur de capacités de fabrication plus avancées. Dans ce contexte, il convient également de tenir compte de la bioéconomie, en plein essor, et de ses nombreuses applications futures. La Commission devrait analyser les possibilités d’adopter une législation cohérente en ce qui concerne les incitations fiscales qui stimulent les investissements en faveur de la recherche et du développement, en particulier en ce qui concerne les futurs consortiums comprenant de grandes entreprises, des PME, des jeunes pousses et des entreprises dérivées d’organismes de recherche.
7.5La cybersécurité est devenue un sujet majeur pour de nombreux secteurs industriels tels que l’automobile, l’ingénierie, les communications, les soins de santé, l’aérospatial et la défense. Le CESE plaide pour le renforcement de l’innovation et de la protection contre les cyberattaques et souligne la nécessité d’une meilleure préparation à de nouvelles menaces inédites pour la cybersécurité. Le Comité soutient la proposition de législation européenne sur la cyberrésilience, qui introduira de nouvelles exigences en matière de cybersécurité et permettra aux producteurs et aux consommateurs de mieux comprendre les cybermenaces. Il demande également que le rôle de l’Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité soit encore renforcé.
Bruxelles, le 24 janvier 2023
Christa SCHWENG
Présidente du Comité économique et social européen
_____________