AVIS

Comité économique et social européen

Passage à un réseau de données sur la durabilité agricole (RIDEA)

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Passage à un réseau de données sur la durabilité agricole (RIDEA)

[COM(2022) 296 final — 2022/0192 (COD)]

NAT/870

Rapporteur: Florian MARIN

FR

Consultation

Parlement européen, 04/07/2022

Conseil, 11/07/2022

Décision de l’assemblée plénière

17/05/2022

Base juridique

Article 43, paragraphe 2, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section

05/10/2022

Adoption en session plénière

26/10/2022

Session plénière nº

573

Résultat du vote
(pour/contre/abstentions)

188/0/1

1.Conclusions et recommandations

1.1Exprimant son soutien à l’initiative à l’examen, le CESE se félicite que dans le cadre de la stratégie «De la ferme à la table», il soit prévu de convertir le réseau d’information comptable agricole (RICA) en un «réseau d’information sur la durabilité des exploitations agricoles» (RIDEA), qui aura pour mission de collecter des données sur la durabilité, d’améliorer les services de conseil aux agriculteurs et de leur fournir un retour d’information.

1.2Le CESE estime que le RIDEA constitue un instrument important pour mener des politiques fondées sur des données probantes et émet les recommandations suivantes:

§il convient de considérer les données portant sur le changement climatique, la qualité des sols, la séquestration du carbone, l’utilisation des pesticides, la qualité de l’eau, celle de l’air, l’énergie et la biodiversité comme des données d’ordre environnemental qui devront être collectées par les agriculteurs ou par l’intermédiaire d’autres outils présentant une interopérabilité avec le RIDEA. Il y a lieu de ventiler les éléments collectés par mode de production, comme l’agriculture de type biologique ou autre. Si l’on veut qu’elles soient utilisées comme outil pour les politiques, les variables relatives à la durabilité doivent faire l’objet d’une évaluation approfondie de leur validité, de leur qualité et de leur comparabilité afin d’être incluses dans le réseau;

§les informations concernant les conditions de travail, les types de contrat, les questions ressortissant à la santé et à la sécurité, qu’il s’agisse de l’existence d’un plan en la matière au niveau de l’exploitation ou du nombre d’accidents, y compris pour les travailleurs indépendants, les compétences et les salaires, les liens de conditionnalité sociale en rapport avec la politique agricole commune, ainsi que le nombre d’indépendants et de personnes travaillant à titre temporaire ou saisonnier, devraient être traitées comme des données d’ordre social dont il conviendrait que les agriculteurs ou d’autres instruments interopérables avec le RIDEA assurent la collecte. Une attention particulière doit être accordée aux femmes et aux jeunes;

§il importerait que les données environnementales et sociales bénéficient du même niveau d’importance que celles d’ordre économique. Dans la mesure où durant ces dernières décennies, le RICA a principalement évalué la situation économique des agriculteurs, il doit conserver à cette dimension une place centrale, aux côtés des enjeux relatifs à l’environnement et aux aspects sociaux;

§il y a lieu d’assurer, en particulier pour les données d’ordre social et environnemental, une approche croisée avec le système intégré de gestion et de contrôle (SIGC) et les informations provenant de la mise en œuvre de la politique agricole commune (PAC), ainsi que d’Eurostat;

§tous les agriculteurs qui le souhaitent et en ont la capacité devraient pouvoir contribuer au RIDEA, sur la base d’une méthodologie spécifique et moyennant prise en compte de la question de la représentativité et des contraintes budgétaires; il convient qu’aucune sanction ne soit prévue à leur encontre s’ils font partie de l’échantillon retenu pour le réseau mais ne veulent pas y apporter une contribution. La fourniture de données par les agriculteurs doit continuer à s’effectuer sur une base volontaire. Toutefois, les États membres devraient définir des mesures d’incitation et moyens adéquats pour les encourager à participer au RIDEA;

§la réduction des lourdeurs administratives devrait être une préoccupation constante, de même qu’il conviendrait également de recourir à des technologies modernes en matière de données, comme l’intelligence artificielle, l’internet des objets, la validation automatique ou les dispositifs qui collectent ces éléments à distance;

§le RIDEA devrait contribuer à une meilleure compréhension de l’ensemble de l’écosystème des exploitations et, à cette fin, il s’impose de veiller à ce qu’il soit interopérable avec différentes bases de données; il convient également de veiller à ce que les ensembles de données distincts couvrant d’autres segments de la chaîne d’approvisionnement fassent l’objet d’une analyse d’ensemble;

§les fermes pratiquant l’agriculture de subsistance ou de semi-subsistance devraient également être reprises dans l’échantillon constitué aux fins du RIDEA;

§le RIDEA doit prendre en compte la diversité que les données présentent d’un État membre à l’autre du point de vue de leurs caractéristiques, de leurs sources, de leurs formats, de leurs dimensions et de leurs niveaux de granularité;

§il y a lieu d’assurer des échanges constants de bonnes pratiques agricoles entre États membres comme entre agriculteurs, et des instruments spéciaux devraient être mis au point à cette fin;

§il conviendrait d’en faire davantage pour renforcer les capacités à collecter, partager, gérer et utiliser des données afin d’améliorer l’efficacité et les processus décisionnels au niveau de l’exploitation, en particulier dans le cas des petites fermes;

§le RIDEA devrait contribuer à améliorer la gestion des exploitations et il y aurait lieu de fournir des prestations de conseil taillées à leur mesure, y compris en faisant clairement le lien avec les données concernant les variables exogènes qui influent sur le processus de production agricole, comme les prévisions météorologiques;

§il serait opportun d’établir des critères spécifiques concernant la durabilité des processus requis par le RIDEA et les conditions de travail de ses collecteurs de données.

1.3Le CESE estime qu’il s’impose de garantir en tout état de cause la protection des données, les questions relatives à leur propriété, le respect de la vie privée et la confidentialité, en assurant une anonymisation complète, et de veiller à ce que les agriculteurs gardent en permanence le contrôle sur les informations fournies. En outre, il convient de protéger les intérêts des agriculteurs, dont le consentement doit être sollicité chaque fois qu’il est envisagé de partager leurs données, quelles que soient la destination ou l’utilisation qui sont visées.

1.4Le CESE recommande de prévoir des mesures qui incitent les agriculteurs à contribuer au réseau et leur offrent, lorsqu’ils partagent leurs données, des avantages bien visibles et directs qui aillent au-delà des services de conseil, prenant par exemple la forme de prestations financières ou de la possibilité d’avoir accès à des appels à propositions spécifiques financés par des fonds de l’Union européenne.

1.5Les données collectées pour le RIDEA ne doivent en aucun cas être utilisées pour contrôler et sanctionner les agriculteurs. Si ce principe est mis en cause, ils doivent avoir la possibilité de s’abstenir de les fournir, mais l’utilisation du RIDEA comme outil d’élaboration des politiques s’en trouvera alors largement compromise.

1.6Étant donné que la démarche générale régissant le RIDEA consiste à recourir aux technologies numériques, le CESE recommande de déployer davantage d’efforts pour bâtir un espace commun des données du domaine agricole, en encourageant la copropriété des données et les coopératives de données. Le CESE est d’avis que le secteur agroalimentaire pâtit de l’absence d’une méthodologie partagée garantissant que les données puissent être comparées et se prêtent à une utilisation commune.

1.7Le CESE suggère de mettre en place un programme intégré spécifiquement consacré à la numérisation du secteur agroalimentaire, étant donné que certains agriculteurs sont déjà tenus de collecter des données environnementales pour vendre leurs produits et que, par ailleurs, les machines ou capteurs autonomes et intelligents constituent des sources qui génèrent des informations. Il y a lieu de prêter attention à l’inclusion numérique et à la familiarité avec le numérique, tout en facilitant l’accès aux outils technologiques concernant les données, pour les matériels comme pour les logiciels.

1.8Le CESE recommande de redoubler d’efforts pour réduire les «zones blanches» et fournir des connexions téléphoniques et le haut débit dans les régions rurales.

1.9Enfin, le CESE préconise que la Commission et les États membres garantissent les fonds nécessaires à la mise en œuvre du RIDEA et que les données collectées prennent en considération la question de l’instabilité des prix et des différentes crises affectant la chaîne d’approvisionnement agroalimentaire.

2.Introduction

2.1Dans le cadre de la stratégie «De la ferme à la table» 1 , la Commission européenne a prévu de transformer le réseau d’information comptable agricole (RICA) en un «réseau d’information sur la durabilité des exploitations agricoles» (RIDEA), le but étant de collecter des données sur la durabilité, d’améliorer les services de conseil aux agriculteurs et de leur fournir un retour d’information. La collecte de ces éléments s’effectuera au niveau des exploitations, suivant des critères et une périodicité spécifiques, qui seront applicables dans tous les États membres. Le RICA sera adapté, de manière à garantir que cette récolte d’informations s’effectue efficacement en concomitance avec le RIDEA.

2.2Pour la sélection des exploitations comptables, chaque État membre établira un plan spécifique qui garantira que l’échantillon constitué soit représentatif. Les exploitations agricoles seront classées de manière uniforme et les collecteurs de données, par exemple les offices comptables, seront associés au processus, qui sera coordonné par un bureau de liaison au niveau de chaque État membre.

2.3Les données fournies par les fermes serviront à cerner leurs caractéristiques, à évaluer les revenus qu’elles génèrent et leur durabilité économique, environnementale et sociale et à vérifier, par des contrôles sur place, la véracité des informations fournies.

3.Mode de fonctionnement du RIDEA

3.1Le CESE est favorable à la conversion du RICA en RIDEA et estime qu’étant donné que certains États membres procèdent déjà à la collecte d’éléments d’ordre social et environnemental, il convient de ne pas collecter les mêmes données à de multiples reprises, et qu’il y a lieu d’assurer, en particulier pour lesdits éléments socio-environnementaux, une approche croisée avec le système intégré de gestion et de contrôle (SIGC) et les informations provenant de la mise en œuvre de la politique agricole commune (PAC), ainsi que d’Eurostat.

3.2Le partage des données entre le RIDEA et les différents intervenants, comme les administrations, les autorités statistiques et les organismes privés, doit s’effectuer d’une manière contrôlée et bien adaptée. La promotion des technologies numériques que l’Union a déjà développées et financées, comme FAIRshare 2 ou les projets relevant du programme Horizon, peut contribuer à améliorer la gestion des exploitations et l’utilisation des technologies numériques à leur niveau.

3.3Le décalage chronologique entre la collecte des données et leur traitement ne devrait pas avoir de conséquences sur la qualité du RIDEA et les services de conseil fournis aux agriculteurs. Il conviendrait que si leurs données sont utilisées à des fins supplémentaires en rapport avec le RIDEA, comme la recherche, l’innovation ou la formation, entre autres exemples, ceux-ci en soient avertis et aient à y accorder leur consentement.

3.4La protection des données, les règles du RGPD en la matière, les données émanant des capteurs, la confiance à l’égard de l’utilisation des données, les procédures de freins et de contrepoids, la propriété des données, le respect de la vie privée, les droits de production et la transparence doivent faire partie intégrante des intérêts des agriculteurs, et il convient qu’ils bénéficient des informations qui auront été ainsi collectées. La réduction des formalités administratives devrait avoir rang de priorité permanente. Il est nécessaire de disposer, au niveau de l’Union, d’une méthodologie claire qui soutienne les exploitants agricoles à cet égard. Il conviendrait d’envisager que les associations d’agriculteurs soient associées à la démarche.

3.5Le CESE estime qu’il s’impose de veiller à ce que le système soit appliqué de manière durable et de prêter attention aux conditions de travail des personnels qui mettent le RIDEA en œuvre, en ce qui concerne la collecte, la gestion, le stockage et le traitement des données. Il renvoie à son avis sur la numérisation et la durabilité 3 , dans lequel il demande qu’une efficacité énergétique optimale soit de mise pour les centres de données et que le fonctionnement de ceux qui sont nouvellement créés soit assuré à 100 % par des énergies renouvelables. Sur ce point, il conviendrait que des critères concernant spécifiquement la durabilité des processus requis par le RIDEA et les conditions de travail de ses collecteurs de données soient établis par la Commission et pris en considération dans tous les États membres.

3.6Plutôt que de constituer un instrument à l’usage exclusif des pouvoirs publics aux fins de l’élaboration de leurs politiques, le RIDEA devrait également prendre en compte les besoins des partenaires sociaux, des instituts de recherche, des universités, des agriculteurs et des organisations non gouvernementales. Il pourrait contribuer à ce que les exploitants agricoles soient mieux intégrés dans le système financier, en ce qui concerne le crédit, par exemple. Il serait opportun que le RIDEA fournisse à intervalles régulier un panorama de l’activité agricole au niveau européen, national et régional, ainsi que des différentes formes qu’elle peut prendre.

3.7Il conviendrait de donner à tout agriculteur de l’Union européenne qui le souhaite la possibilité de contribuer au RIDEA, tout en tenant compte des impératifs de représentativité, des contraintes budgétaires et des objectifs du dispositif. Il serait bienvenu que les exploitations qui ne font pas partie de l’échantillon choisi aient la faculté d’apporter volontairement une contribution au réseau, sur la base de critères et de méthodologies spécifiques et adaptés. Les exploitants devraient ne pas être obligés de fournir leurs données au RIDEA, ni encourir de sanction s’ils s’y refusent. Il serait judicieux que les fermes pratiquant l’agriculture de subsistance ou de semi-subsistance entrent également en ligne de compte. Il y a lieu de ventiler les données collectées par mode de production, comme l’agriculture de type biologique ou autre.

3.8Pour que le RIDEA gagne en efficacité, il serait indiqué de prendre en considération des méthodes modernes et novatrices de collecte et de traitement des données, fondées sur l’intelligence artificielle, l’internet des objets, la validation automatique, les logiciels de reconnaissance optique de caractères ou les dispositifs qui collectent ces éléments à distance, ainsi que de tenir compte des informations géospatiales dégagées par le programme spatial européen. Il conviendrait d’établir une articulation claire entre le RIDEA, la politique agricole commune et le nuage européen pour la science ouverte.

3.9Le RIDEA devrait tenir compte des disparités entre les législations des États membres, en particulier pour ce qui concerne les aspects environnementaux et sociaux, et présenter la souplesse voulue pour l’intégration de nouveaux indicateurs. Pour que le RIDEA assume sa mission avec succès, il est nécessaire que les bureaux de liaison, les offices des États membres et la direction générale de l’agriculture de la Commission mènent une coopération efficace. Les données environnementales et sociales devraient bénéficier du même niveau d’importance que celles d’ordre économique, et il convient que cette égalité s’applique aux petits exploitants comme aux grands, ainsi qu’à chaque région. L’ouverture d’esprit concernant le RIDEA et la propension à y contribuer varient d’un État membre à l’autre, et il conviendrait de tenir compte du degré de sensibilité et de la valeur particulière que présentent certains éléments recueillis.

3.10Le CESE recommande de faire clairement le départ entre les données à collecter sur une base annuelle et celles qui doivent l’être périodiquement. La diversité que ces informations présentent du point de vue de leurs caractéristiques, de leurs sources, de leurs formats, de leurs dimensions et de leurs niveaux de granularité représente un défi pour le RIDEA, dès lors qu’un même élément ne devrait pas être collecté à plusieurs reprises. Étant donné que de fortes disparités existent entre les États membres pour ce qui est des structures de coûts que présente la collecte des données, il s’impose de ménager davantage de souplesse.

3.11Dans la collecte des données, il convient de tenir compte des différentes crises et de la fluctuabilité des prix, qui devient un paramètre permanent dans les chaînes agroalimentaires. La guerre en Ukraine contribue à alimenter cette instabilité, tandis que la spéculation sur les denrées alimentaires met les chaînes d’approvisionnement à rude épreuve. Les ressources financières allouées au RIDEA devraient être garanties par la Commission et les États membres.

3.12Le CESE formule la suggestion de mettre en place un organe consultatif européen, dont la société civile serait partie prenante et les membres auraient été choisis sur la base de critères transparents et qui aurait pour mission de surveiller la collecte des données et de trancher en ce qui concerne leur utilisation et les modifications stratégiques dans les exigences les concernant, en prenant en compte les enjeux de société et la dynamique de la demande relative à ces informations.

3.13Le CESE préconise en outre que le RIDEA reprenne des données sur les pratiques agricoles, portant plus précisément sur la gestion des terres, la protection des végétaux et les apports nutritifs qu’elles reçoivent, ainsi que la santé et le bien-être des animaux. Le RIDEA devrait se charger de collecter et diffuser les meilleures pratiques agricoles, en particulier dans le domaine environnemental et social, qu’il s’agisse de formation, d’outils concernant des modèles, de bonnes pratiques ou d’échanges entre conseillers, pour ne citer que ces exemples.

3.14Il convient de considérer les données portant sur le changement climatique, la qualité des sols, la séquestration du carbone, l’utilisation des pesticides, la qualité de l’eau, celle de l’air, l’énergie et la biodiversité comme des données d’ordre environnemental qui devront être collectées par les agriculteurs ou par l’intermédiaire d’autres outils présentant une interopérabilité avec le RIDEA.

3.15Les conditions de travail, les types de contrat, les questions ressortissant à la santé et à la sécurité, qu’il s’agisse de l’existence d’un plan en la matière au niveau de l’exploitation ou du nombre d’accidents, y compris pour les travailleurs indépendants, les liens de conditionnalité sociale en rapport avec la politique agricole commune, le nombre d’indépendants et celui des personnes travaillant à titre temporaire ou saisonnier, ainsi que les compétences et les salaires devraient être considérés comme des données d’ordre social dont il conviendrait que les agriculteurs ou d’autres instruments interopérables avec le RIDEA assurent la collecte. Il s’impose également de veiller constamment à ce que les données récoltées soient utilisées afin d’aider à suivre les progrès accomplis pour la réalisation des objectifs de développement durable.

3.16Le CESE recommande d’accorder une attention particulière aux femmes et aux jeunes, en ce qu’ils sont au cœur même du développement rural de demain. Un accès facilité aux possibilités offertes, des contrats de travail stables, des services publics adaptés et une bonne qualité de vie sont autant d’aspects que le RIDEA est susceptible d’encourager de manière indirecte. En outre, dans la mesure où l’organisation des exploitations devient plus complexe et que certaines d’entre elles assurent également une production à l’extérieur des frontières de l’Union européenne, il conviendrait d’accorder une attention spécifique aux données de celles qui fonctionnent à une échelle internationale.

3.17Pour ce qui est de la mise en œuvre de la législation relative au RIDEA, le CESE se déclare préoccupé par la proposition de conférer à la Commission le pouvoir d’adopter un nombre important d’actes délégués, concernant, par exemple, la gestion des données, l’identifiant d’exploitation agricole, l’utilisation des données, ou encore l’accès aux données primaires et leur transmission, et il considère que ce pouvoir devrait se limiter à un périmètre minimum, et s’exercer de préférence au moyen d’actes d’exécution.

4.Contribution du RIDEA à l’amélioration des performances environnementales, économiques et sociales des exploitations agricoles, ainsi qu’à la transparence et l’équité de la chaîne d’approvisionnement alimentaire

4.1Le RIDEA pourrait s’avérer être un instrument qui concourt à une meilleure gestion des exploitations agricoles, grâce au développement des outils d’aide à la décision qui visent, en collectant et analysant leurs données, à améliorer leurs performances, y compris par la promotion de l’agriculture de précision, et il conviendrait de fournir aux États membres des orientations sur cette voie. Pour les prestations de conseil assurées par le RIDEA, il serait profitable que les jeux de données soient mieux intégrés, de manière à fournir des recommandations solidement fondées qui couvrent la durabilité dans toutes ses facettes, économique, environnementale et sociale.

4.2Pour une part, les données collectées au niveau de chaque exploitation serviront à en augmenter le potentiel et les performances à caractère durable. Il importe que l’agriculteur ait le contrôle sur ses données et bénéficie d’une assistance et de conseils, de manière à pouvoir les utiliser pour travailler d’une manière plus ciblée, efficace et durable, favorisant ainsi des pratiques agricoles durables. Les données doivent être utilisées aux fins spécifiques pour lesquelles elles ont été collectées: il convient que les États membres prennent des engagements en bonne et due forme à cet égard, et la Commission devrait formuler des recommandations claires et proposer, sur la base de logiciels ouverts, des processus adaptés à l’écosystème des exploitations agricoles.

4.3Le CESE suggère qu’il y a lieu de développer un espace commun des données, fondé sur un label public de confiance en matière de données pour l’agroalimentaire dans l’Union européenne, afin de mettre en place une approche améliorée et plus efficace en ce qui concerne les chaînes d’approvisionnement. Des cibles concrètes devraient être définies dans chaque État membre. La copropriété des données, les coopératives de données destinées à l’agriculture et le développement de partenariats pour l’«élevage de données» nécessitent des ressources financières et une stratégie qui leur soient spécifiques.

4.4Le secteur agroalimentaire pâtit du manque de normes et d’une méthodologie partagée qui garantissent que les données puissent être comparées et se prêtent à une utilisation commune. Il conviendrait de poser des jalons concrets en ce sens, en associant les États membres à la démarche, car certains agriculteurs sont obligés de collecter des données pour vendre leurs produits à des détaillants.

4.5Le CESE préconise que le RIDEA s’attache à contribuer à une meilleure compréhension de l’ensemble de l’écosystème des exploitations et soit interopérable avec d’autres bases de données reprenant des informations sur la chaîne d’approvisionnement ou analyse des ensembles de données distincts, de manière à ce qu’il devienne possible de contrôler la répartition de la valeur ajoutée et de donner à tous les acteurs qui y sont présents la garantie d’être traités de manière équitable. Le RIDEA devrait fournir des indicateurs de performance clés qui soient en rapport avec les performances des exploitations mais aussi avec la situation propre à chaque région et à chaque produit.

4.6Il s’impose que le RIDEA contribue à assurer une gestion des exploitations agricoles qui soit intelligente, novatrice et durable, en améliorant leur administration et leur production et en faisant le lien avec les variables exogènes qui influent sur le rendement agricole, comme les conditions météorologiques. Il conviendrait que les agriculteurs et les coopératives soient davantage associés aux projets de recherche, et l’Union européenne pourrait consacrer des fonds spécifiques à la numérisation du secteur agroalimentaire. Eu égard à la nature particulière de cette branche d’activité, il y aurait lieu de lancer un appel à propositions particulier, auquel les États membres soient associés.

5.Contribution du RIDEA à la numérisation de l’agriculture et du secteur agroalimentaire

5.1L’implantation des technologies de l’information constitue un processus lent: il n’est que de constater que l’agriculture reste l’un des domaines d’activité les moins numérisés et qu’il existe sur ce point de fortes disparités entre les pays, les régions ou les exploitations. L’inclusion numérique représente un énorme problème, sur lequel il convient de se concentrer, afin de réduire les inégalités. Un secteur agroalimentaire qui sera plus numérisé contribuera à conférer davantage de transparence à la chaîne d’approvisionnement et réduira autant que faire se peut les risques de spéculation sur les denrées alimentaires. Le CESE propose que la Commission, les États membres et la société civile, œuvrant en partenariat, mettent en place un programme intégré spécifiquement consacré à la numérisation du secteur agroalimentaire. La transition numérique ayant valeur de priorité, il conviendrait que des programmes spéciaux aient parmi leurs missions de faciliter l’accès aux technologies dans les États membres, tant pour les matériels que pour les logiciels, et ce, en prêtant une attention particulière aux petits agriculteurs. Des crédits devraient prévus, à intervalles réguliers, pour couvrir le renouvellement des licences des logiciels utilisés aux fins de la collecte et du partage des données. S’il est possible d’utiliser les fonds de l’Union européenne pour ce faire, une participation des États membres à la démarche constitue un facteur important.

5.2Des dispositifs ou capteurs autonomes et intelligents génèrent des informations qui peuvent aider au processus de prise de décision au niveau des exploitations et conforter la gestion des données au niveau de la chaîne d’approvisionnement. Combinées avec les données géospatiales, l’interconnectivité et l’interopérabilité entre les acteurs de la chaîne d’approvisionnement devraient contribuer à donner aux petits agriculteurs la garantie de pouvoir se connecter aux marchés et à consolider les filières de l’offre.

5.3Pour mieux intégrer les agriculteurs dans les chaînes d’approvisionnement et accroître l’efficacité des exploitations, il importe de renforcer la capacité à collecter, partager, gérer et exploiter des données au niveau de chaque ferme. Les coûts afférents devraient être supportés par la politique agricole commune et il conviendrait que les plans stratégiques des États membres reprennent des mesures spécifiques à cet égard. La question du déficit de connaissances qui affecte les petits agriculteurs en matière de processus numériques doit être traitée avec soin, et il conviendrait que dans l’ensemble de la politique agricole commune et des domaines d’intervention connexes, les efforts se concentrent clairement, et de manière permanente, sur le développement des connaissances numériques.

5.4La collecte des données sociales et environnementales ne devrait pas être un processus qui se déroule isolément, ni une simple activité additionnelle, mais bien plutôt une démarche menée en continu au niveau de chaque exploitation, quelle que soit sa taille ou la catégorie à laquelle elle se rattache, et il convient que les États membres soutiennent cette activité continue.

5.5Le CESE relève avec inquiétude que dans le secteur agroalimentaire, la demande relative aux données et à la numérisation pourrait déboucher sur des discriminations en matière de prix et provoquer des opérations de spéculation sur le marché des produits de base. La concentration du marché des données entre les mains d’un petit nombre d’entreprises doit être gérée d’une manière qui préserve la souveraineté concernant ces informations. En outre, il convient que le partage des données entre les acteurs de la chaîne d’approvisionnement s’effectue sur un mode équitable, transparent et non discriminatoire, de telle façon que le RIDEA puisse contribuer à rendre cette chaîne plus juste et que les émissions indirectes s’en trouvent réduites.

5.6Il s’impose de s’attacher en permanence à créer un cadre en faveur d’une démocratie des données et d’un équilibre dans le pouvoir de négociation pour ce qui est des avantages qu’elles génèrent dans les secteurs agroalimentaires. Le CESE se félicite de la création d’un identifiant d’exploitation agricole et fait observer qu’il est nécessaire d’apporter, concernant les données dans le domaine de l’agriculture, des clarifications quant à leur confidentialité, à leur propriété, à leurs enjeux de responsabilité et à leur portabilité. En plus de garantir que les données du RIDEA soient aisément repérables, une problématique à laquelle il conviendrait de prêter attention est le partage équitable des avantages découlant de ces informations, sur une base de réciprocité, entre les acteurs qui les fournissent et ceux qui les agrègent.

5.7Afin de renforcer la confiance et de mieux faire saisir la contribution que les données apportent pour que les politiques publiques de demain soient pertinentes et efficaces, il est nécessaire de mener des campagnes de sensibilisation qui soulignent l’importance de ces informations pour les performances économiques, sociales et environnementales des exploitations et, en particulier, pour les petits agriculteurs. Les intervenants des chaînes d’approvisionnement agroalimentaires devraient avoir accès à des plateformes de données ouvertes, afin de garantir la comparabilité et la transparence dans ces filières de fourniture de produits. Le RIDEA pourrait inciter les agriculteurs à utiliser les plateformes numériques afin de s’intégrer plus facilement dans les chaînes d’approvisionnement et d’échanger de bonnes pratiques.

5.8En plus de prévoir des formations pour les collecteurs de données, il conviendrait de développer une offre permanente en matière de compétences numériques, en particulier pour les petites exploitations et les agriculteurs plus âgés. Dans le domaine de la cybersécurité, il y a lieu d’agir de manière continue pour former, diffuser les pratiques et mener des campagnes. Malgré les progrès relevés en matière de numérisation et dans le domaine des données, il est nécessaire de pouvoir disposer de systèmes plus conviviaux. Le CESE souligne qu’il y a lieu d’assurer la couverture en haut débit et la numérisation, qui constituent le préalable obligé à la mise en œuvre de l’agriculture de précision et à la robotique, ainsi que de soutenir les investissements dans les techniques durables. Un lien clair devrait être établi entre le RIDEA et le mécanisme pour l’interconnexion en Europe, mais aussi le Fonds pour la connectivité à haut débit en Europe.

Bruxelles, le 26 octobre 2022

Christa SCHWENG

Présidente du Comité économique et social européen

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(1)    Avis du CESE sur «Une stratégie alimentaire durable “de la ferme à la table”», JO C 429 du 11.12.2020, p. 268 .
(2)     https://www.h2020fairshare.eu/ .
(3)    Avis exploratoire du CESE sur le thème «Numérisation et durabilité — état de la question et nécessité d’une action du point de vue de la société civile», JO C 429 du 11.12.2020, p. 187.