AVIS
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Comité économique et social européen
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La situation socio-économique en Amérique latine à la suite de la crise de la COVID-19 — Le rôle de la société civile
dans le processus de relance
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La situation socio-économique en Amérique latine à la suite de la crise de la COVID-19 —
Le rôle de la société civile dans le processus de relance
(avis d’initiative)
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REX/552
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Rapporteur: Josep PUXEU ROCAMORA
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Décision de l’assemblée plénière
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20/01/2022
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Base juridique
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Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur
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Avis d’initiative
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Compétence
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Section «Relations extérieures»
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Adoption en section
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16/11/2022
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Adoption en session plénière
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15/12/2022
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Session plénière nº
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574
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Résultat du vote
(pour/contre/abstentions)
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159/2/0
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1.Conclusions et recommandations
1.1Il convient de concentrer les efforts sur l’amélioration du dialogue entre les deux régions et le renforcement de leur coopération, dans une perspective d’horizontalité et de dialogue à plusieurs niveaux.
1.2La relation birégionale doit se renforcer autour de valeurs et d’objectifs communs. Toutefois, elle se doit également d’être attrayante sur le plan des ressources, du transfert de technologies et des résultats, ainsi que dans sa dimension sociale.
1.3S’agissant des compétences géopolitiques de l’Union européenne et de l’Amérique latine, la mise en place d’une autonomie stratégique permet de renforcer la coopération birégionale, de s’engager en faveur du multilatéralisme et de consolider la présence et l’importance des deux régions sur la scène internationale pour ce qui est des questions stratégiques.
1.4L’une des principales caractéristiques de la vulnérabilité en Amérique latine est la faible qualité des emplois. La reprise devrait viser prioritairement à promouvoir la création d’un nombre accru d’emplois formels et décents, à améliorer la formation professionnelle et les politiques sectorielles, et à promouvoir un salaire minimum ainsi que la négociation collective, dans le cadre du dialogue social.
1.5L’Europe et l’Amérique latine s’engagent en faveur de la démocratie, de l’état de droit et de la durabilité environnementale, ce qui suppose d’assurer que la société civile dispose de la protection et des garanties pour pouvoir jouer un rôle prépondérant en matière de développement et de remédiation aux crises, et pour que soit favorisé le dialogue nécessaire à la mise en place d’un nouveau contrat social.
1.6Il est indispensable de maintenir le principe de «ne laisser personne de côté», en repensant le concept de vulnérabilité, non seulement sur le plan des revenus, mais aussi sur celui de son impact sur différents groupes de population, comme les femmes, les personnes handicapées, les personnes âgées et les enfants. Les sociétés civiles librement et démocratiquement organisées sont le meilleur instrument pour faire en sorte que cette affirmation cesse d’être un vœu pieux et devienne réalité.
1.7Les tensions sociales qui prévalent en Amérique latine et les menaces qui, dans le monde entier, pèsent sur la démocratie mettent en évidence la nécessité de repenser le développement au moyen de politiques plus nombreuses et de meilleure qualité, avec davantage d’inclusion et de pluralisme et en appréhendant les causes profondes du mécontentement pour les transformer en sources de bien-être social. L’Europe et l’Amérique latine peuvent être des partenaires dans le cadre d’une alliance pour la démocratie, la durabilité, la justice sociale et le multilatéralisme.
1.8L’Europe et l’Amérique latine devraient être des partenaires dans le cadre d’une alliance pour la défense de la démocratie et pour des économies et des sociétés plus équitables et plus égalitaires, propre à renforcer le multilatéralisme et à assumer pleinement la protection de l’environnement. Une telle alliance requiert la pleine reconnaissance et la pleine participation de ses sociétés civiles organisées respectives, à savoir, entre autres, des organisations de défense des droits de l’homme, des organisations syndicales et professionnelles et des associations environnementales.
2.Observations générales
2.1Depuis la fin du cycle d’expansion des matières premières, l’Amérique latine fait face à un ralentissement économique graduel. Avant la crise du coronavirus, sa croissance moyenne n’était que de 0,3 %. En effet, la période 2014-2020 a été marquée par la croissance économique la plus faible en sept décennies, tandis que la dette publique a atteint des niveaux record.
2.2La crise sanitaire causée par le coronavirus a eu de graves conséquences dans la région, qui a dépassé la moyenne mondiale pour le nombre de cas et de décès. Cette situation a pesé lourdement sur les systèmes de santé, qui se trouvaient déjà en difficulté pour traiter les maladies endémiques, et même pour faire face aux soins de santé primaires
. La crise de la COVID-19 n’a fait que mettre en évidence les effets négatifs des politiques mises en œuvre pendant des décennies (entre autres, coupes budgétaires dans le domaine de la santé, réduction des effectifs, désinvestissement dans les infrastructures), qui se sont avérées inefficaces pour affronter la somme des problèmes posés par le virus.
2.3Face à la crise pandémique, la plupart des pays ont agi avec anticipation, en imposant des restrictions à la mobilité et en élaborant des dispositifs d’aide et de transfert pour les secteurs vulnérables. Par surcroît, ils ont mis en œuvre des politiques budgétaires et monétaires contracycliques sans précédent
. Malgré cela, les pertes ont été importantes, tant sur le plan des vies humaines que sur celui de l’économie et de l’inclusion sociale, en raison des faiblesses structurelles et de la limite des moyens budgétaires alloués aux mesures de riposte.
2.4L’inflation moyenne dans la région est en hausse: elle a atteint 9,8 % en 2021 et devrait être portée à 11,2 % en 2022, aggravée par l’effet de la guerre. Cet état de fait creuse les écarts qui limitent le développement.
2.5L’Amérique latine confrontée aux «pièges du développement»
2.5.1Surmonter le piège de la productivité suppose de disposer de structures économiques diversifiées et de produits et services plus sophistiqués. Le retour à une production fondée sur le secteur primaire ne garantit pas une intégration appropriée dans les chaînes de valeur mondiales et produit peu d’incitations à investir. De plus, la pandémie a particulièrement touché les micro, petites et moyennes entreprises (MPME), qui éprouvent plus de difficultés à adopter les nouvelles technologies, tandis que le secteur agricole se trouve affaibli par la guerre en Ukraine.
2.5.2Surmonter le piège de la vulnérabilité sociale suppose d’améliorer les institutions du travail et de la protection sociale dans les domaines où il est nécessaire de créer davantage d’emplois formels qui soient de meilleure qualité et inclusifs afin de briser le cercle vicieux de la vulnérabilité, de la volatilité des revenus et de la faible protection sociale.
2.5.3Pour résoudre le piège institutionnel, de meilleures institutions et politiques d’inclusion sont nécessaires afin de rétablir la confiance, d’améliorer la qualité des services publics, de répondre aux aspirations d’une vaste classe moyenne, et de disposer d’une solidité suffisante pour résister aux poussées populistes et autoritaires.
2.5.4Le piège de la vulnérabilité environnementale repose sur un biais productif qui privilégie des secteurs à forte intensité de ressources naturelles, et en sortir implique de supporter les coûts élevés liés à l’ajustement du modèle fondé sur une forte intensité de carbone et l’exploitation de ressources non renouvelables.
2.6Les problèmes structurels et les pièges de développement
ont une incidence sur la reprise de l’économie et de l’emploi. Le PIB de la région s’est contracté de 6,8 % en 2020
. En 2021, sa croissance moyenne était de 6,1 %, et sa perspective de croissance pour 2022 n’est que de 2,1 %, ce qui est jugé insuffisant pour compenser l’aggravation des problèmes structurels. La situation s’aggrave encore actuellement du fait de la crise provoquée par l’invasion russe de l’Ukraine, avec l’augmentation du prix des combustibles fossiles, des intrants agricoles et des denrées alimentaires, même si certains pays ont renforcé leur offre de biens primaires destinés à l’exportation.
3.Conséquences sociales et économiques de la pandémie et de la guerre
3.1Sur les 22 millions d’emplois perdus en 2020, 4,5 millions restent encore à récupérer, principalement les emplois les moins qualifiés, ceux des femmes et des jeunes et les emplois informels. De 2019 à 2020, le taux de participation des femmes à l’emploi est passé de 51,4 % à 46,9 %. La perte d’emplois dans le secteur domestique (20,9 %) a touché entre 11 et 13 millions de femmes en 2019
.
3.2Pour ce qui est de la réduction de la pauvreté, la région a perdu plus d’une décennie, et elle pourrait bien être à l’aube d’une nouvelle décennie perdue
. En 2021, le taux de pauvreté s’élevait à 32,1 % et celui d’extrême pauvreté à 13,8 %. Le nombre de personnes pauvres s’élève à 201 millions et le nombre de celles en situation d’extrême pauvreté est passé de 81 à 86 millions.
3.3La double crise sanitaire et inflationniste met en évidence la vulnérabilité de la population à revenus moyens, caractérisée par de faibles cotisations à la protection sociale contributive et une faible couverture sociale non contributive
. Bien qu’elle ait diminué, l’économie informelle génère encore 140 millions d’emplois et concerne particulièrement les travailleurs agricoles, les femmes et les jeunes. Cela signifie une vulnérabilité accrue, une réduction de la mobilité sociale et une capacité de recouvrement de l’impôt moindre de la part de l’État, soit moins de protection sociale.
3.4La pandémie a durement touché les enfants et les jeunes en raison de la limite portée à la protection offerte par l’éducation en présentiel: 114 millions d’enfants se sont trouvés privés d’école et, dans certains pays, cette situation a perduré jusqu’à deux ans. Le fossé en matière de connectivité, de compétences numériques et de compétences familiales, nécessaires pour faire face à la numérisation forcée, a créé un décalage entre les étudiants de familles à revenu élevé et ceux de familles à faibles revenus, équivalant à deux ans d’études. En outre, les tâches familiales se sont accrues pour les femmes. Les personnes handicapées, au nombre d’environ 85 millions, ont également été touchées. Le manque d’informations disponibles et la discrimination en matière de soins de santé aggravent l’inclusion sociale, déjà fragile, qui est également menacée par l’inflation.
3.5Compte tenu des limites de l’offre, concentrée dans la partie septentrionale du monde, les pays d’Amérique latine ont accédé aux vaccins dans le cadre de négociations bilatérales et ont reçu 93 millions de doses au titre du programme COVAX; l’UE a exporté plus de 130 millions de doses de vaccin dans la région, et ses États membres ont fait don de 10 millions de doses supplémentaires
. Malgré ces difficultés, la région a atteint une moyenne de 63,3 % de la population vaccinée à deux doses. Mais si ce taux de vaccination atteint 89 % dans certains pays, il est d’à peine 1 % dans d’autres
.
4.Aggravation des troubles sociaux
4.1Les mobilisations sociales qui ont agité plusieurs pays en 2019 n’ont pas été entièrement résolues. Certaines tensions se sont aggravées et sont appelées à s’exacerber encore davantage en raison de la hausse des prix des denrées alimentaires. Cette colère citoyenne est liée à la mauvaise qualité des politiques publiques, à la corruption, à la vulnérabilité des classes moyennes, à l’exclusion sociale et à l’insécurité. Les aspirations sociales suscitées au cours de la première décennie du XXIe siècle n’ont pas été satisfaites, ce qui a creusé le fossé entre les citoyens et les institutions. Les résultats du cycle électoral de la région pour la période 2020-2022 tendent à montrer une volonté de changement, ce qui pose de grands défis aux présidents élus.
4.2La région est l’une des plus inégalitaires du monde. Entre 2019 et 2020, alors que les catégories de population à revenu élevé et moyen-élevé se sont contractées de 1 %, les catégories à revenu moyen-intermédiaire et moyen-faible ont diminué de 3,5 %. Dans le même temps, les secteurs à faibles revenus (c’est-à-dire dont le revenu est inférieur à 1,8 fois le seuil de pauvreté) ont augmenté de 4,7 %, et la population en situation de pauvreté ou d’extrême pauvreté a augmenté de 3,3 %
.
4.3Un autre facteur de mécontentement est l’insécurité à laquelle sont confrontés les citoyens d’Amérique latine, en particulier dans les villes. La violence pourrait très bien être liée à la criminalité organisée, aux trafics illicites et à l’incapacité des États à les combattre
. Mais ce n’est pas seulement une question d’ordre criminel: il existe également une violence sociale, liée aux taux de pauvreté extrême, qui nécessite des politiques publiques en faveur de la création d’emplois décents et des changements visant une éducation de qualité pour tous; il y a aussi une violence politique, qui consiste à encourager la disqualification des adversaires pour tenter de garder le pouvoir. La violence très inquiétante qui s’exerce à l’encontre des syndicalistes, des journalistes, des défenseurs de l’environnement, des militants des droits de l’homme et des entrepreneurs a également progressé pendant la pandémie et les cycles de protestations qui l’ont accompagnée.
4.4Dans le sillage de la dernière réunion d’EuroLat, au cours de laquelle il a été souligné qu’il serait nécessaire d’assurer une meilleure protection des professionnels de la justice, il serait utile de procéder à l’évaluation du projet de Cour pénale latino-américaine et caribéenne pour la lutte contre la criminalité transnationale organisée (COPLA).
4.5Un autre défi structurel est la vulnérabilité au changement climatique: la région est l’une des plus touchées, avec un impact économique pouvant atteindre 85,852 milliards d’EUR par an. Cet impact doit être pris en compte dans ses dimensions sociales, y compris l’insécurité alimentaire et les catastrophes de plus en plus récurrentes.
4.6L’insécurité, la pauvreté et la présence de régimes autoritaires ont provoqué un flux important de personnes déplacées sur le continent. La vulnérabilité associée à ces processus de migration et d’asile a entraîné une crise humanitaire qui n’a pas fait l’objet d’une réponse suffisante et exige une approche régionale.
4.7Les démocraties se trouvent dans une situation de vulnérabilité. Les élites, les partis politiques et les parlements sont confrontés à une crise de légitimité et de confiance qui, conjuguée à la perception de la corruption et à des niveaux élevés de fragmentation et de polarisation, a rendu insuffisants les mécanismes de prise de décisions collectives et de négociation
. La situation mondiale actuelle, marquée par l’instabilité, met encore davantage l’accent sur la menace de l’autoritarisme et sur la nécessité de renforcer les démocraties.
5.Vers un nouveau pacte social
5.1Malgré leur mécontentement et leur peu de confiance envers le système, les citoyens sont prêts, dans la rue comme dans les urnes, à envisager des changements politiques. Dans ces processus de mobilisation, le rôle joué par les jeunes et les femmes revêt une haute importance: leur engagement dans l’espace politique constitue un atout précieux. Il est indispensable de promouvoir un modèle de dialogue social institutionnalisé, comme celui qui existe déjà en Europe, et de consolider la coopération existante avec le Comité économique et social européen et l’Association internationale des conseils économiques et sociaux et institutions similaires.
5.2Les citoyens doivent être au cœur des transformations, ce qui suppose de renforcer les mécanismes de délibération et de participation, en garantissant leur accessibilité et leur protection. Il est nécessaire de rétablir la confiance grâce à l’élaboration de politiques ouvertes et inclusives, de susciter des stratégies de communication claires et de disposer de systèmes de compensation au niveau social. Il s’impose également de renforcer la responsabilisation, ainsi que l’évaluation des politiques et de leurs incidences.
5.3Un nouveau contrat social peut être conclu: par le biais d’accords transversaux entre groupes socio-économiques, entre territoires et entre générations; en promouvant des stratégies productives résilientes et durables qui créent des emplois de qualité et favorisent la transition verte et numérique. De même, il est primordial de développer des systèmes de protection sociale étendus et efficaces ainsi qu’un modèle plus durable de financement du développement. Ce faisant, il conviendrait de garantir que les droits soient respectés et que les emplois soient décents, assortis d’un salaire minimum vital et de négociations collectives, que la protection sociale soit universelle et que le dialogue social soit à même d’assurer des mesures de transition juste pour le climat et la technologie.
5.4Un tel pacte social nécessite une politique de dépenses publiques stable et viable sur le plan budgétaire. À court terme, il importe de développer les actions de coopération internationale, d’augmenter les liquidités et de les canaliser vers les pays à revenu intermédiaire, et d’alléger la dette des pays à revenu faible et intermédiaire. Cela s’ajoute au renforcement des recettes publiques par l’amélioration de l’efficacité de la perception des impôts. À moyen terme, il convient de renforcer l’imposition progressive et son efficacité, afin de couvrir les dépenses permanentes liées à une politique sociale active. Un consensus international sera également nécessaire pour mettre en place la restructuration de la dette publique. À long terme, il y a lieu d’accroître la part de la fiscalité, la perception numérique des impôts et la fiscalité verte. Une coopération internationale est également nécessaire pour réduire la fraude et l’évasion fiscales
.
5.5Dans ce contexte, il est crucial de développer l’économie sociale de marché dans la région, compte tenu de son rôle important dans le développement d’un système de production et d’emploi inclusif et résilient; il est nécessaire, à cette fin, de créer des marchés et des canaux de distribution justes. Il importe de reconnaître et de renforcer le rôle des groupes consultatifs internes dans le suivi des accords de libre-échange.
6.Alliance avec l’Union européenne
6.1La politique de coopération au développement de l’UE reconnaît la nécessité d’appliquer de nouvelles modalités allant au-delà des paradigmes nord-sud et de l’aide publique au développement (APD), en adoptant de nouvelles formes de partenariat multi-acteurs et à plusieurs niveaux
. L’instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale (IVCDCI) répond à la nécessité d’améliorer la flexibilité de la répartition géographique et thématique des fonds, et de relever les défis mondiaux et la feuille de route autour des ODD. Ainsi, la stratégie «Global Gateway» vise à relier le monde de manière intelligente, propre et sûre dans les secteurs du numérique, de l’énergie et des transports, ainsi qu’à renforcer les systèmes de santé, d’éducation et de recherche. Ces changements visent à doter l’UE des ressources et des outils nécessaires pour concilier ses valeurs et ses intérêts dans un environnement international plus complexe, plus contesté et plus interconnecté.
6.2Pour articuler les stratégies a été lancée l’initiative «Équipe Europe» (Team Europe), qui vise à conjuguer les efforts des institutions européennes, des États membres et de leurs agences de mise en œuvre, aux côtés des institutions financières de développement.
6.3Dans le cadre de sa coopération, l’Union européenne s’est employée à dépasser le système de classification fondé uniquement sur le revenu par habitant et souscrit au concept de «développement en transition», mieux adapté aux besoins de la région. Toutefois, il lui reste à relever le défi de l’amélioration du dialogue et de la capacité à communiquer sur la solidité de ses relations et leurs avantages.
6.4Dans la conjoncture actuelle, qui présente de nombreux défis extrêmement graves au niveau mondial, national et régional, il est important de souligner que l’Europe et l’Amérique latine pourraient être des partenaires idéaux dans le cadre d’une alliance pour la défense de la démocratie et pour des économies et des sociétés plus équitables et plus égalitaires, propre à renforcer le multilatéralisme et à assumer pleinement la protection de l’environnement. Il convient aussi de souligner qu’une telle alliance ne serait pas viable sans la pleine reconnaissance et la pleine participation de ses sociétés civiles organisées respectives, à savoir, entre autres, des organisations de défense des droits de l’homme, des organisations syndicales et professionnelles et des associations environnementales.
7.Soutenir la reprise avec l’aide de la société civile
7.1En 2020, des changements sont apparus quant à la structure de l’origine des investissements directs étrangers (IDE). Jusqu’en 2019, les entreprises européennes ont été les principaux investisseurs dans la région: elles représentaient 55 % des IDE. En 2020, ce pourcentage a chuté de 49 %, et les investissements intrarégionaux de 35 %, contre une baisse de 4 % des investissements provenant des États-Unis
et une hausse des investissements chinois.
7.2La stratégie européenne de sortie de crise repose sur l’amélioration de son modèle économique au moyen du pacte vert pour l’Europe et des fonds Next Generation EU. Ces aspects sont essentiels pour la stratégie birégionale, et la mise en place d’instruments pour favoriser la quadruple transition énergétique, numérique, écologique et sociale aura de larges avantages pour les deux régions.
7.3Il est indispensable de renforcer les relations commerciales avec l’Europe grâce aux accords déjà signés ou à ceux avec le Mercosur, le Chili et le Mexique. Ces accords consolident non seulement les échanges commerciaux, mais ont également un impact sur la qualité de l’emploi et sa fonction sociale, le transfert de technologies et la transition vers la durabilité. Il s’agit de promouvoir un partenariat commercial qui se distingue de celui avec d’autres partenaires, par sa qualité et sa durabilité à long terme, mais aussi par sa rentabilité, par opposition à d’autres modèles de relations internationales prédateurs et irresponsables. Toutefois, les accords commerciaux doivent mettre l’accent sur les personnes et leurs droits fondamentaux, le travail décent et la solidarité avec les plus vulnérables, le respect de l’environnement et la défense de la démocratie, et être en mesure de faire respecter efficacement les droits. Les principaux aspects sont les suivants:
7.4Attirer des investissements propres à soutenir la réalisation des ODD, en s’appuyant sur un cadre réglementaire multilatéral qui contribuera à les atteindre, en mettant l’accent sur la qualité de vie des personnes, leurs droits, l’emploi décent, l’inclusion, la durabilité et la défense de la démocratie. Pour atteindre des objectifs communs, il est également souhaitable d’accroître la coopération, dans le cadre de projets et d’une mise en œuvre positive de la boussole stratégique européenne.
7.4.1La numérisation en tant qu’opportunité pour le développement. L’Amérique latine se trouve à un niveau de développement intermédiaire pour le passage au numérique, mais son taux de croissance en la matière est le plus faible parmi les pays émergents. En matière numérique, il y a une convergence entre l’Alliance numérique UE-ALC, liée à la pose du câble transatlantique à fibres optiques (EllaLink), et la stratégie de connectivité de l’Union européenne «Global Gateway». Un soutien résolu aux processus de numérisation doit conforter leur dimension sociale et appuyer le renforcement des entreprises.
7.4.2Promouvoir l’économie formelle et éviter le travail informel
. Les accords multipartites contiennent des clauses spécifiques qui exigent le respect des accords de l’OIT ainsi que la garantie des droits, la prévention du travail des enfants et le renforcement de l’inspection du travail. Ces clauses ont un effet positif sur le renforcement des capacités dans les pays andins avec lesquels des accords ont été signés
.
7.4.3Soutenir directement l’éducation à tous ses niveaux, en veillant à l’amélioration de sa qualité et de sa couverture, et soutenir le renforcement des réseaux en matière d’enseignement et de science avec l’Europe. Le programme Erasmus Mundus est un atout qui peut être davantage exploité pour relier les universités.
7.4.4Depuis 2021, l’UE s’est engagée dans un processus de révision de sa politique commerciale et de renforcement de son approche en matière de commerce et de développement durable. Elle a affirmé que son objectif est une politique commerciale ouverte, durable et ferme, qui doit aller de pair avec l’intégration du développement durable. Cette démarche, tout en promouvant la compétitivité entre les secteurs productifs et les acteurs économiques (qu’ils soient de grande, moyenne ou petite dimension), doit aller de pair avec la promotion de valeurs et de principes tels que la démocratie et l’ensemble des droits — humains, culturels, de genre, environnementaux, syndicaux et du travail. La société civile organisée respective des deux régions devrait participer activement au renforcement de leurs relations au moyen de réunions thématiques virtuelles et/ou en présentiel, avec un calendrier plus ambitieux et une feuille de route pour sa mise en œuvre.
7.4.5L’Union européenne s’est engagée à atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050 et à jouer un rôle de premier plan dans les efforts déployés à l’échelle mondiale pour protéger la planète et promouvoir la relance écologique
. Promouvoir ces objectifs dans le cadre de la politique commerciale européenne vers une coopération plus ambitieuse en matière d’environnement
est particulièrement important dans le cadre des relations commerciales avec l’Amérique latine et en vue de renforcer une société civile confrontée à de nombreuses menaces, tant en raison de la vulnérabilité au changement climatique que de sa confrontation avec des acteurs violents. Il est essentiel de protéger les personnes concernées ainsi que les défenseurs des droits de l’homme, les syndicalistes et les journalistes, et d’exhorter les gouvernements latino-américains à s’engager à garantir leur intégrité.
7.4.6L’initiative «Équipe Europe» soutient les efforts de lutte contre la déforestation de l’Amazonie, et la nouvelle phase du programme EUROCLIMA+ consacrera 140 millions d’EUR à l’appui des engagements pris au titre de l’accord de Paris. Toutefois, l’Amérique latine n’a affecté que 15 % des investissements budgétaires à la reprise économique après la pandémie, dont moins de 6,9 % sont axés sur la reprise verte. Il est indispensable d’aider la région à générer une fiscalité, des dépenses publiques et des investissements privés qui soient verts. Il est également souhaitable de renforcer une alliance pour une gestion responsable des matières premières stratégiques et pour assurer un transfert technologique durable à partir de l’expérience et des connaissances européennes.
7.4.7Pour asseoir le partenariat de l’Union européenne avec l’Amérique latine, il est fondamental de finaliser l’accord avec le Mercosur, un marché commun de 780 millions de consommateurs, qui pourrait susciter une augmentation de 1,5 % du PIB au Brésil ou de jusqu’à 10 % dans le cas du Paraguay. Les aspects liés à la protection de l’environnement doivent constituer une avancée qui ouvre la voie aux partenariats birégionaux de nouvelle génération. Des progrès doivent être réalisés dans la recherche de systèmes viables visant à inclure les certificats de protection de l’environnement pour certaines productions, ainsi que les clauses miroirs. Si l’UE met en œuvre cette dimension avec succès, elle renforcera sa vision du développement global et son potentiel stratégique.
Bruxelles, le 15 décembre 2022
Christa SCHWENG
Présidente du Comité économique et social européen
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