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AVIS
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Comité économique et social européen
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Instrumentalisation des migrants
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Communication conjointe au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Réagir à l’instrumentalisation étatique des migrants à la frontière extérieure de l’UE
[JOIN(2021) 32 final]
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REX/554
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Rapporteur: Stefano PALMIERI
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Corapporteur: Pietro Vittorio BARBIERI
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Consultation
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Commission européenne, 02/05/2022
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Base juridique
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Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
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Décision de l’assemblée plénière
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18/01/2022
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Compétence
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Section «Relations extérieures»
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Adoption en section
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12/05/2022
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Adoption en session plénière
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15/06/2022
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Session plénière nº
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570
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Résultat du vote
(pour/contre/abstentions)
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142/2/5
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1.Conclusions et recommandations
1.1Le Comité économique et social européen (CESE) estime que la réaction de l’Union européenne à l’instrumentalisation des migrants doit s’inscrire dans une politique migratoire commune, partagée et dont les différents éléments soient cohérents. À la lumière de la crise à la frontière biélorusse et de l’agression russe contre l’Ukraine, il est nécessaire de réévaluer l’adéquation du pacte sur la migration et l’asile (PMA) afin de ne pas segmenter la politique migratoire en fonction des situations d’urgence mais, au contraire, de placer tant les politiques et que la protection des personnes concernées dans un cadre stratégique et juridique unique.
1.2Le CESE estime que l’instrumentalisation des migrants constitue une menace — potentiellement toujours d’actualité — pour l’ensemble de l’Union européenne, et pas uniquement pour les États membres concernés. Par conséquent, il souligne que les seules solutions efficaces et à la hauteur du défi seront celles qui permettront d’intégrer à la fois le niveau des initiatives (politiques, législatives, administratives, humanitaires), la portée des actions entreprises (européennes, nationales, locales et internationales) et les acteurs concernés (institutionnels, organisations de la société civile, partenaires sociaux, citoyens, etc.) en s’inspirant des normes les plus strictes du droit européen et international.
1.3Le CESE juge essentiel que l’UE fournisse aux États membres un soutien rapide, coordonné et efficace, tant sur le plan concret (budget et personnel des agences de l’Union) que sur celui de l’assistance administrative, législative et politique. À cette fin, il conviendra de prévoir une action conjointe sur le terrain et au niveau interinstitutionnel, ainsi que d’assurer la plus grande transparence des initiatives, tout en garantissant en outre la liberté d’action des organismes humanitaires et des médias indépendants présents dans les régions concernées par l’instrumentalisation des migrants.
1.4En particulier, le CESE considère qu’il est indispensable de définir un cadre intégré pour l’intervention humanitaire, à même de combiner les ressources et les structures des institutions et agences nationales et de l’UE et d’assurer la participation des agences internationales (HCR, OIM), ainsi que la contribution des ONG et de la société civile, de manière à favoriser une bonne coordination des interventions et à garantir la reconnaissance des actions humanitaires en tant qu’instrument de renforcement des principes de l’Union.
1.5À cet égard, le CESE juge essentielle la reconnaissance pleine et entière et en temps utile des droits des migrants instrumentalisés, en évitant les zones grises ou les situations d’incertitude administrative, pour neutraliser et désamorcer sur le terrain la menace portée à la sécurité et à la stabilité de l’UE et des États membres concernés, afin de rendre inefficaces les actions d’instrumentalisation.
1.6La réaction de l’Union doit sans aucun doute cibler les sources des flux de migrants instrumentalisés, en associant les pays tiers et en soutenant leurs efforts d’information de la population dans un cadre de coopération fondé sur les principes de démocratie et de protection des droits de l’homme. Il sera ainsi possible de réduire les ressources des acteurs étatiques qui promeuvent l’instrumentalisation des migrants.
1.7S’agissant des États qui sont à l’origine de l’instrumentalisation des migrants ou qui y participent, le CESE est favorable à une action multilatérale de l’ensemble de l’Union, des institutions internationales et des pays partenaires, en mesure de condamner ces actions et d’isoler leurs auteurs, notamment par l’instauration de sanctions économiques et diplomatiques appropriées.
1.8La guerre en cours en Ukraine, déclenchée par la Fédération de Russie, a engendré au moins 3,9 millions de réfugiés, aujourd’hui accueillis principalement dans les pays voisins et dans d’autres pays de l’UE, ainsi que plusieurs millions de déplacés internes. Un flux d’une telle ampleur est sans comparaison, du moins en Europe, avec ceux enregistrés au cours des décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale. L’Union a géré cette question avec diligence, notamment en activant la directive de 2001 sur la protection temporaire et la proposition relative à une «action de cohésion pour les réfugiés en Europe» (CARE). Le CESE estime que des instruments similaires, axés sur la cohésion, la solidarité et le partage des responsabilités entre les États membres, sont également essentiels pour faire face aux crises d’instrumentalisation des migrants.
1.9L’UE est actuellement un lieu sûr d’asile et de protection pour des millions de citoyens et de citoyennes ukrainiens, mais la charge de l’accueil et de l’assistance est répartie de manière inégale par rapport aux capacités et aux ressources des États membres concernés. Si l’ouverture des frontières intérieures de l’UE a jusqu’à présent permis le déplacement spontané des réfugiés ukrainiens vers les destinations souhaitées, il reste une disproportion objective entre le poids supporté par les pays voisins et les autres États membres. Bien qu’à une échelle non comparable, l’instrumentalisation des migrants à la frontière biélorusse et dans des cas antérieurs fait ressortir la nécessité d’une révision en profondeur des mécanismes de solidarité et de coopération entre l’UE et ses États membres, qui devrait se traduire notamment par la répartition des migrants bénéficiant d’une assistance, sans aucun doute indispensable en situation de crise.
1.10Le CESE entend également s’attarder sur l’esprit de la «proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil visant à faire face aux situations d’instrumentalisation dans le domaine de la migration et de l’asile». Le mécanisme complexe prévu pour définir le cadre juridique et les procédures administratives à appliquer en cas d’instrumentalisation des migrants ne tient pas compte, à notre avis, du niveau de crise interétatique qui pourrait être constaté dans ce contexte et qui ne saurait être dissocié de l’approche à suivre à l’égard des migrants eux-mêmes.
1.11Le CESE estime en effet que, même si des instruments ad hoc sont nécessaires pour gérer l’instrumentalisation des migrants, il est essentiel d’envisager une protection rapide et intégrale, y compris au moyen de la directive sur la protection temporaire, en particulier dans les cas où la gestion des entrées aux frontières, le contrôle des mouvements secondaires, ou les reports ou dérogations envisagés pour les procédures d’asile ordinaires sont dysfonctionnels et contre-productifs par rapport à l’objectif de protection des migrants instrumentalisés. En tout état de cause, le niveau de protection des migrants devrait être relevé en fonction du niveau de crise interétatique constaté dans le cadre de l’instrumentalisation des migrants.
2.La proposition à l’examen
2.1La communication souligne que la crise migratoire qui a éclaté aux frontières entre la Biélorussie et l’Union européenne (Lituanie, Lettonie, Pologne) constitue une tentative résolue de créer une crise continue et prolongée, dans le cadre d’un effort concerté plus large visant à déstabiliser l’Union européenne, en mettant à l’épreuve son unité et sa détermination. Il s’agit d’une «menace hybride» qui se traduit par l’instrumentalisation de migrants par un État tiers.
2.2Les termes «crise» et «menace» utilisés dans le présent document, loin d’avoir une valeur descriptive du phénomène migratoire spécifique et complexe, sont employés pour souligner l’ampleur des tensions politiques et des facteurs d’instabilité qui résultent du contexte géopolitique dont il est question.
2.3En plus d’une menace pour la sécurité de l’UE, ces circonstances ont donné lieu à une situation critique sur le terrain, en premier lieu pour les migrants concernés, avec des conséquences humanitaires dramatiques de chaque côté de la frontière, tant en Biélorussie que dans l’Union. Par ailleurs, de nombreux rapports font état de traitements inhumains et dégradants subis par les migrants du côté biélorusse de la frontière, notamment pour faire pression sur l’UE, ce risque étant aggravé par la prolongation de leur séjour dans la région et l’inaccessibilité de la zone frontalière de l’Union.
2.4L’UE, par l’intermédiaire de l’ensemble de ses institutions, a immédiatement condamné avec fermeté l’instrumentalisation des migrants et des réfugiés vulnérables. L’action qui a suivi au niveau international a permis de stimuler l’engagement et la coopération entre l’UE et les États partenaires, en particulier les pays d’origine des migrants.
2.5Dans le contexte d’une nouvelle situation de crise, l’UE est intervenue pour soutenir les États membres concernés, en prenant acte des mesures de réaction spécifiques mises en œuvre par les gouvernements et les parlements nationaux, en particulier la déclaration d’état d’urgence dans les régions frontalières. À cet égard, la Commission s’est employée à fournir une assistance adéquate afin de garantir la cohérence de ces législations avec le droit de l’Union.
2.6La communication rend compte de l’intervention politique, technique et logistique en soutien aux États membres concernés. Depuis les visites de la commissaire Johansson et les réunions qui ont suivi entre la Commission et les États membres, l’accord politique s’est également traduit par un soutien technique aux frontières de la part des agences de l’UE (Frontex, Europol, EASO, aide d’urgence au titre du Fonds «Asile, migration et intégration»).
2.7Sur le plan des interventions internationales, et en particulier à l’égard des États d’origine et de transit des migrants, la Commission a agi au plus haut niveau en améliorant la coopération avec l’Iraq, le Liban, la Turquie, les Émirats arabes unis et l’Ouzbékistan. Une telle démarche est essentielle pour lutter contre l’infrastructure criminelle du trafic de migrants qui alimente l’instrumentalisation menée par la Biélorussie.
2.8Dans un contexte de crise interétatique, il existe un risque élevé de «brouillard de guerre», vecteur de désinformation, de fausses informations et de distorsion des faits, lié à l’instrumentalisation politique des migrants. La communication attire l’attention sur la présence de ce risque du côté biélorusse de la frontière, en particulier du fait des médias contrôlés par les gouvernements biélorusse et russe. Elle souligne l’importance et le rôle concret de la presse libre, bien qu’elle n’insiste pas sur ce point en ce qui concerne les zones de crise situées du côté européen de la frontière.
2.9La Commission souligne que les instruments financiers actuels peuvent être renforcés en situation de crise grâce au Fonds «Asile, migration et intégration» (FAMI) et à l’instrument relatif à la gestion des frontières et aux visas (IGFV). En ce qui concerne les retours (volontaires assistés et non volontaires), la communication évoque la collaboration entre la Commission, Frontex et l’OIM, tout en soulignant que la coopération avec les pays d’origine des migrants est essentielle.
3.Observations
Instrumentalisation des migrants et gestion des politiques migratoires
3.1Le CESE estime que la réaction à l’instrumentalisation des migrants doit s’inscrire dans le cadre d’une politique migratoire européenne commune, partagée et dont les différents éléments soient cohérents.
3.1.1Afin de pouvoir gérer correctement les migrations, l’UE doit être consciente du fait que les processus migratoires n’ont jamais pour seul élément déclencheur les initiatives d’un État (bien que certaines d’entre elles puissent parfois avoir une influence, potentiellement importante, sur le volume des flux), même lorsque cet État instrumentalise les migrants à des fins politiques.
3.1.2Dans sa réaction aux crises les plus aiguës (dans lesquelles un État tiers est activement impliqué, ou qui sont la conséquence d’une guerre ou d’une intervention militaire), l’UE doit être guidée par une approche solidaire, avant tout à l’égard des personnes concernées.
3.1.3Sans préjudice de la nécessité de venir en aide à tous ceux dont la vie est menacée dans l’immédiat (réfugiés et victimes de guerre), la distinction selon le statut légal — par exemple entre les personnes pouvant prétendre à des formes de protection et les autres migrants — ne peut se faire qu’à l’issue de procédures d’asile transparentes et soumises au droit de l’UE et aux normes internationales, et non sur la base d’une définition a priori du phénomène ou de la crise en cours («menace hybride», «instrumentalisation des migrants», «migration économique», etc.).
Menaces hybrides et instrumentalisation des migrants
3.2Le CESE partage l’avis de la Commission en ce qui concerne la nature et le niveau de menace que représente l’instrumentalisation des migrants par la Biélorussie. Le CESE reconnaît le danger que représente pour l’UE la «menace hybride», c’est-à-dire «l’instrumentalisation étatique d’êtres humains à des fins politiques».
3.2.1La menace hybride peut également être définie comme étant une menace émanant d’un «acteur étatique ou non étatique». Les menaces hybrides peuvent être le fait de différents acteurs et viser diverses cibles (entités publiques, institutions, organisations sociales, individus). Toutefois, il convient d’établir une distinction entre cette interprétation large, qui apporte certes des éléments de compréhension générale, et le recensement des situations pertinentes pour les politiques en question. Le CESE souligne par conséquent que la présence d’un acteur étatique doit être considérée comme une condition sine qua non pour que soit caractérisée l’instrumentalisation des migrants, y compris aux fins de mesures réglementaires ultérieures, en particulier en ce qui concerne le traitement juridique des migrants et l’aide humanitaire qui leur est apportée dans de telles situations d’urgence.
3.2.2Compte tenu de la validité de la définition de la «menace hybride» proposée dans la communication, le CESE espère une réaction multidimensionnelle et intégrée, c’est-à-dire ne se situant pas seulement au niveau des relations internationales (entre les États membres, l’Union et les États partenaires), mais s’inscrivant dans le cadre des politiques et des engagements de l’Union en matière de promotion des droits de l’homme, de protection des migrants et de droit d’asile. Le CESE estime dès lors qu’il convient de renforcer tous les instruments de collaboration entre les États membres, les institutions et les agences de l’UE dans une perspective de gestion conjointe des crises.
Solidarité, coordination et gestion conjointe des crises
3.3Le CESE convient que «ces actions représentent un danger réel et actuel pour la sécurité de l’UE» et pas seulement pour les États membres directement concernés. Les faits exposés dans la communication et la grave crise ukrainienne confortent le CESE dans sa conviction qu’il est certainement nécessaire de mettre en place un cadre politique, réglementaire et procédural pour une réaction commune et une gestion conjointe des crises par les États membres et les institutions de l’Union.
3.3.1Par conséquent, le CESE estime, dans le prolongement de ses avis sur les propositions de modification des règlements relatifs à la gestion de l’immigration et de l’asile, qu’il est essentiel de poursuivre sur la voie d’une approche solidaire et coopérative entre les États membres, étant donné que la situation en question n’est certainement pas la seule à faire peser sur les pays de première entrée une charge accrue en matière de responsabilités et de difficultés, précisément à la lumière de l’importance qu’attache le pacte sur la migration et l’asile au contrôle des frontières et à la prévention des mouvements secondaires.
3.3.2Dans le cadre de la réglementation spécifique souhaitable pour lutter contre l’instrumentalisation des migrants par un État, il conviendrait donc de prévoir des mécanismes de partage solidaire des responsabilités entre les États membres, y compris la possibilité d’interventions de relocalisation rapides et proportionnelles à la gravité de la crise.
3.3.3Les caractéristiques de la crise à la frontière biélorusse font apparaître des différences mais aussi des similitudes avec d’autres stratégies étatiques d’instrumentalisation des mouvements migratoires en Méditerranée centrale, aux frontières entre la Grèce et la Turquie, l’Espagne et le Maroc, la Bosnie et la Croatie, ou la Serbie et la Hongrie (pour la seule année 2021). Le CESE estime que l’Union devra dépasser les limites de sa réaction qui sont apparues lors des crises précédentes, notamment en évitant de créer des situations de dépendance à l’égard des stratégies politiques de pays tiers qui ne sont pas compatibles avec les politiques et les principes de l’UE.
Défense et protection des migrants dans un contexte d’instrumentalisation
3.4Le CESE est d’avis que l’Union, pour définir sa réaction, doit mener des actions conjointes de lutte contre la menace, en étant pleinement consciente que, dans ces situations spécifiques, les migrants concernés sont en soi très vulnérables et ont besoin d’une protection, compte tenu précisément du contexte de crise interétatique.
3.4.1Le CESE partage la préoccupation exprimée dans la communication à propos de la situation humanitaire aux frontières entre les États membres et la Biélorussie. La difficulté d’agir du côté biélorusse de la frontière constitue une limite objective de l’intervention humanitaire dans les situations de crise et de conflit interétatique, mais devrait inciter à mettre tout en œuvre pour faire en sorte qu’à l’intérieur des frontières des États membres, l’aide humanitaire destinée aux migrants soit adaptée aux normes du droit de l’Union et aux pratiques établies en matière de soutien aux personnes vulnérables.
3.4.2Le CESE souhaite que les organisations humanitaires de la société civile puissent accéder plus facilement de part et d’autre de la frontière entre l’Union et la Biélorussie afin d’apporter une aide humanitaire (aide sanitaire, aide alimentaire, assistance juridique).
3.4.3Dans ce cadre, les institutions de l’UE doivent contrer toute velléité d’action ou de représentation visant à pénaliser l’intervention solidaire de la société civile nationale et internationale, comme l’a déjà souligné le CESE dans un précédent avis.
3.4.4La communication souligne l’existence d’importants mouvements secondaires de migrants (du moins par rapport au nombre de migrants arrivés aux frontières de l’UE au cours de la crise), et évoque la mise en place de patrouilles communes de la police des frontières des États membres concernés par la première entrée et les mouvements secondaires de migrants. Le CESE considère que dans une situation d’instrumentalisation des migrants, il y a lieu d’aborder la question des mouvements secondaires avec la participation des États membres de destination, tout en accordant l’attention nécessaire aux migrants les plus vulnérables, en particulier au cours des phases aiguës de la crise, afin d’éviter de nouveaux risques pour leur sécurité.
3.4.5Le CESE souligne également le risque que constitue, pour une protection digne, équitable et étendue des migrants vulnérables, la prolifération des statuts légaux et des procédures d’exception définies par les États membres et l’UE elle-même, même dans le contexte d’une crise nécessitant des réactions spécifiques. À cet égard, il y a lieu de veiller à ce que toute dérogation aux procédures standard d’accueil et d’asile soit conforme aux mesures spécifiques de défense et de protection liées à la gravité de la situation de risque, tout en préservant le principe de non-refoulement.
Lutte contre la désinformation, rôle des médias et protection des personnes vulnérables
3.5Le CESE se félicite de l’accent mis par la communication sur la lutte contre la désinformation, les fausses informations et la manipulation des faits, y compris au moyen de campagnes d’information ciblées dans les pays d’origine des flux migratoires et par le recours aux outils électroniques d’information et de communication destinés à fournir aux migrants des informations correctes et vérifiables (par exemple InfoMigrants).
3.5.1Dans le même temps, le CESE relève l’importance, conformément aux valeurs de l’UE, de la libre production d’informations et du libre accès aux faits et aux données pertinents pour le public. À cet égard, la mise en œuvre de mesures d’urgence doit toujours être mise en balance avec la garantie, par les États membres et les agences de l’UE, d’une liberté maximale d’action et de communication pour les médias indépendants présents dans les zones où les migrants sont instrumentalisés, et doit être assortie de règles claires et transparentes pour l’accès aux installations d’accueil des migrants et le contact avec ces derniers.
3.5.2En ce qui concerne la lutte contre les réseaux logistiques de trafic de migrants présents sur les plateformes informatiques et les médias sociaux, la Commission, avec le soutien des agences de l’Union (ENISA), devrait intervenir pour faire la distinction entre les outils directement utilisés par les passeurs de migrants et les moyens de communication entre migrants, de manière à dégager les responsabilités et à ne pas porter atteinte aux droits au respect de la confidentialité des données, ni à compromettre, même indirectement et involontairement, la sécurité même des migrants victimes d’instrumentalisation.
La coopération internationale pour lutter contre l’instrumentalisation des migrants
3.6Le CESE apprécie l’action des institutions de l’Union visant à renforcer la collaboration avec les pays d’origine des migrants instrumentalisés, dans le but de leur présenter les risques qu’ils courent et d’améliorer la coopération internationale en matière de migrations.
3.6.1Afin que l’action conjointe de l’UE et des pays tiers concernés soit efficace, cette coopération devrait également être intégrée au mécanisme de coopération internationale pour le développement et aux accords de régulation des migrations.
3.6.2Il y a lieu de veiller, lors de la conclusion éventuelle d’accords et de la définition de procédures avec des pays tiers, à la cohérence de ces relations avec le principe du respect des droits de l’homme et des engagements juridiques internationaux de ces pays.
3.6.3Cette coopération consoliderait également les efforts des services de police et de renseignement pour lutter contre les organisations criminelles impliquées dans le trafic de migrants et les empêcher d’agir, tout en tenant pleinement compte du droit d’asile et du droit des migrants à la protection, tant dans le cas d’activités liées à l’instrumentalisation des migrants que de manière générale.
Soutien aux États membres
3.7Le CESE se félicite du soutien apporté aux États membres menacés, notamment par l’intermédiaire des agences de l’UE chargées des affaires intérieures (Frontex, AEUA, EASO, mécanisme de protection civile), et estime que celles-ci devraient agir selon une procédure équilibrée et transparente dans tous les cas où une situation d’urgence est reconnue.
3.7.1Le CESE estime qu’il conviendra de prévoir, à l’avenir, un niveau adéquat d’assistance aux États membres confrontés à ces menaces, parallèlement à un niveau tout aussi élevé de protection et d’assistance aux victimes de l’instrumentalisation, en premier lieu les personnes les plus vulnérables.
3.7.2Le CESE affirme avec force que les mesures prises par les États membres en ce qui concerne le retour, tant volontaire que non volontaire, des migrants qui ne bénéficient pas du droit d’asile doivent également être appliquées dans les situations d’urgence, dans le plein respect des droits fondamentaux et des obligations internationales, ainsi qu’avec le concours des agences de l’UE.
Instruments et réglementations pour la gestion future des crises
3.8Le CESE souligne que le présent avis tient compte des mesures en cours d’examen et d’élaboration au moment de sa rédaction, et en particulier de la «proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil visant à faire face aux situations d’instrumentalisation dans le domaine de la migration et de l’asile». Cette proposition contient des éléments réglementaires concernant le statut des migrants et les procédures de demande d’asile et de protection internationale dans de telles situations.
3.8.1Le CESE espère à cet égard que le règlement tiendra compte des besoins des États membres en matière de sécurité et prévoira parallèlement des engagements juridiques pour faire face à l’urgence et garantir aux migrants des droits à la protection inspirés des obligations internationales et du droit européen.
3.8.2En particulier, la Commission et les organes délégués devront également vérifier la cohérence des législations adoptées ou en cours d’adoption dans les États membres avec les droits fondamentaux et les droits de l’Union afin de lutter contre la crise actuelle et d’éviter toute crise future.
3.8.3Le CESE examinera attentivement, dans ce règlement, les exceptions et dérogations au traitement des procédures standard d’entrée et d’asile, la possibilité effective de contester les rejets des demandes d’asile, les procédures de retour, ainsi que la pleine transparence et la coopération totale entre les États membres en situation d’urgence et les institutions et agences de l’UE.
Bruxelles, le 15 juin 2022
Christa SCHWENG
Présidente du Comité économique et social européen
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