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SOC/645

Travail décent dans l’économie des plateformes

AVIS

Comité économique et social européen


Des emplois équitables dans l’économie des plateformes
(avis exploratoire à la demande de la présidence allemande)

Rapporteur: Carlos Manuel TRINDADE

Demande de la présidence allemande du Conseil

Lettre du 18/02/2020

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Décision du Bureau

02/04/2020

Compétence

Section «Emploi affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

09/07/2020

Adoption en session plénière

18/09/2020

Session plénière nº

Résultat du vote
(pour/contre/abstentions)

182/23/8



1.Conclusions et recommandations

1.1Le Comité économique et social européen (CESE) fait valoir que le présent avis, élaboré à la demande de la présidence allemande du Conseil de l’UE, a pour objectif de tracer, dans une perspective globale, le cadre général nécessaire pour un travail décent dans l’économie des plateformes.

1.2Le CESE défend l’idée que les questions que suscite le travail sur plateformes doivent être abordées et résolues à la lumière, notamment, des objectifs de développement durable, de la stratégie numérique pour l’Europe et du socle européen des droits sociaux.

1.3Le CESE constate que l’économie des plateformes n’occupe encore qu’une place modeste, mais qu’elle recèle des potentialités de croissance.

1.4Le CESE note que les plateformes «ont généralement une incidence positive sur l’économie» 1 , en ce qu’elles contribuent tant à créer de l’emploi, stimuler l’innovation et offrir souplesse et autonomie aux travailleurs qu’à leur assurer des revenus, souvent à titre complémentaire, et à donner à des personnes vulnérables la possibilité d’accéder à l’emploi.

1.5Le CESE relève que le travail sur plateformes recèle des risques qu’on ne peut minimiser, à savoir i) qu’il dénie certains droits fondamentaux au travailleur qui l’exécute, dont celui de s’organiser et de mener des négociations collectives, génère de la précarité, ne lui procure que de maigres revenus et lui impose une intensification des cadences et une parcellisation aiguë des tâches, à travers le monde entier, sans qu’il soit affilié à la sécurité sociale, et ii) que, pour la société, il aggrave le risque d’une concurrence reposant sur une dévalorisation des normes sociales, laquelle a des conséquences néfastes tant pour les employeurs, qui sont soumis à une pression concurrentielle intenable, que pour les États membres, privés de certaines recettes fiscales et cotisations de sécurité sociale.

1.6Le CESE relève que les concepts en rapport avec les plateformes prêtent à controverse, notamment la notion de plateforme envisagée comme un «employeur», et non comme un «intermédiaire entre l’offre et la demande», ainsi que celles de «travailleurs salariés» et d’«indépendants», car elles ont des conséquences sur les droits des personnes concernées.

1.7Le CESE presse la Commission et les États membres de déployer des efforts pour clarifier ces concepts, étant donné leurs implications en ce qui concerne la possibilité d’appliquer les dispositions de la législation du travail et un ensemble de droits destinés à le protéger.

1.8Le CESE recommande que l’UE et ses États membres s’engagent sur la voie d’une uniformisation des notions, afin que le travail sur plateformes acquière un caractère décent. À cette fin, il préconise que la Commission et les États membres soient guidés par les impératifs suivants: i) il y a lieu de prendre en considération la dépendance économique et le travail effectué dans un rapport de subordination, étant donné qu’un travailleur qui, pour subsister, dépend principalement de la rémunération qu’il perçoit de cette activité est un salarié et non un indépendant, ii) il est nécessaire d’étudier soigneusement, sous toutes ses facettes, l’application du principe voulant que jusqu’à preuve du contraire, les personnes travaillant sur des plateformes sont présumées en être des employés, et, enfin, iii) les algorithmes qu’elles utilisent doivent être assimilés aux instructions, orales ou écrites, en usage dans les formes classiques de travail.

1.9Le CESE préconise que, compte tenu de la compétence souveraine des États membres en ce qui concerne les questions sociales, l’on entreprenne d’élaborer des lignes directrices pour aider à éclaircir le statut des employés des plateformes. Le CESE considère que s’agissant de l’économie des plateformes, il convient de s’assurer que les travailleurs aient tous accès à un ensemble de droits et de protections, quels que soient leur statut ou type de contrat, en veillant à ce que certains opérateurs ne s’arrogent pas un avantage concurrentiel du fait de ne pas respecter leurs obligations et assumer leurs responsabilités.

1.10Le CESE recommande de clarifier les responsabilités que toutes les parties prenantes doivent assumer dans des domaines tels que la santé et la sécurité, la protection des données, les assurances ou la responsabilité juridique, dans le sens d’une évaluation d’un ajustement et d’une harmonisation des réglementations existantes.

1.11Le CESE souligne que si l’on veut qu’un travail de qualité puisse se développer sur les plateformes, il s’impose que le dialogue social et la négociation collective y jouent un rôle de premier plan, à tous les niveaux appropriés et dans le plein respect de l’autonomie des partenaires sociaux.

1.12Le CESE préconise d’élaborer, avec la participation des plateformes, des travailleurs et des consommateurs, des codes de conduite qui reprennent les principes et orientations les meilleurs en matière de rémunérations, de conditions de travail et de qualité du service fourni.

1.13Le CESE demande à la Commission de tenir compte des recommandations que la plateforme européenne de lutte contre le travail non déclaré a formulées concernant la fiscalité de l’économie des plateformes.

1.14Le CESE réitère la recommandation qu’il avait déjà émise, demandant que «la Commission européenne, l’OCDE et l’OIT travaillent avec les partenaires sociaux à tous les niveaux appropriés et avec les organisations de la société civile, plus largement, afin de développer des dispositions appropriées concernant les conditions de travail décentes et la protection requise» 2 . Dans ce cadre, il souhaite que cette action commune puisse déboucher, le cas échéant, sur une convention de l’OIT pour les plateformes.

1.15Le CESE estime qu’il convient de garantir que les plateformes fournissent des informations qui offrent transparence et prévisibilité à toutes les parties intéressées. À cette fin, il y a lieu de procéder à leur enregistrement dans tous les États membres et il est par ailleurs nécessaire de créer une base de données au niveau de l’UE afin de suivre l’évolution de l’économie des plateformes.

1.16Le CESE soutient les efforts que déploie la Commission pour étudier l’économie des plateformes. Un important déficit d’informations cohérentes et systématiques n’en subsiste pas moins au niveau national et à celui de l’UE. Le CESE invite instamment la Commission et les États membres à travailler de concert pour améliorer ces données statistiques.

2.Contexte

2.1Le présent avis s’efforce de répondre aux questions que le ministère allemand du travail a posées à propos de l’activité exercée par l’intermédiaire de plateformes, s’agissant d’en cerner les principaux défis et perspectives, en menant une réflexion sur le statut de leurs travailleurs, sur les instruments politiques permettant d’améliorer leurs conditions de travail et sur les bonnes pratiques en matière de réglementation.

2.2Les évolutions en cours à l’origine des plateformes numériques sont liées à des innovations récentes, à savoir Internet, qui est la plus importante de toutes, les grandes bases de données, ou «mégadonnées», qui ouvrent la possibilité de gérer de gros volumes d’informations, et, enfin, les appareils de communication mobiles, grâce auxquels les consommateurs, les travailleurs et les prestataires de services peuvent accéder à la Toile à tout instant et en tout lieu 3 .

2.3Les questions que suscite le travail sur plateformes doivent être abordées et résolues à la lumière, notamment, des objectifs de développement durable, de la stratégie numérique pour l’Europe et du socle européen des droits sociaux.

2.4Le CESE réitère le contenu de ses différents avis 4 consacrés à la transformation numérique de l’économie et à l’émergence de nouvelles formes de travail.

2.5Il est difficile d’estimer la taille de l’économie des plateformes et sa dynamique de croissance, du fait qu’elles présentent une grande complexité, que la terminologie les concernant n’est pas normalisée et que l’on ne dispose pas de données statistiques à leur sujet. L’OCDE 5 signale que, suivant toutes les études, le travail sur plateformes occupe un pourcentage de la main-d’œuvre compris entre 0,5 et 3 %. Dans un groupe de 16 pays européens, on ne trouve que 1,4 % de la population de 16 à 74 ans qui y exercent leur activité principale, ce pourcentage allant de 0,6 % en Finlande à 2,7 % aux Pays-Bas 6 . Quelque 11 % de la population adulte y ont déjà fourni des prestations, quelles qu’elles soient 7 .

2.6Une certaine incertitude règne quant à l’essor que le travail sur plateformes 8 connaîtra à l’avenir, étant donné que sa croissance est tributaire des évolutions de la technologie, des nouveaux modèles d’activité, de la protection des données et de la politique de protection des consommateurs. Certains auteurs ont calculé qu’entre 2013 et 2015, on a assisté à un quasi-triplement de la valeur des transactions ou des revenus générés par les plateformes en Europe 9 . Le CESE estime qu’il est nécessaire de procéder à un enregistrement des plateformes, en particulier dans leurs dimensions qui ont trait à l’économie, au travail et aux aspects sociaux, de manière qu’il soit possible de mieux cerner les contours du phénomène.

2.7Le travail sur les plateformes a pour caractéristique d’établir une relation entre la plateforme concernée, le travailleur et l’utilisateur. Cette intermédiation s’effectue pour une large part au moyen de technologies et d’algorithmes qui sont souvent opaques et influent sur les conditions de travail du fait de leur impact concernant la répartition et l’organisation du travail, ainsi que l’évaluation des travailleurs. Cette «boîte noire de l’intermédiation» constitue un trait distinctif du travail sur plateformes 10 .

2.8Selon la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound) 11 , le travail sur plateforme se définit comme une forme d’emploi qui utilise une plateforme en ligne grâce à laquelle des organisations ou des particuliers peuvent avoir accès à d’autres organisations ou particuliers pour résoudre des problèmes ou fournir des services contre rémunération. Les principales caractéristiques du travail sur plateforme sont les suivantes:

-l’organisation du travail rémunéré s’effectue par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne;

-les parties prenantes sont au nombre de trois, à savoir la plateforme en ligne, le client et le travailleur;

-le but est d’exécuter des tâches spécifiques ou de résoudre des problèmes particuliers;

-le travail est externalisé ou sous-traité;

-les travaux sont divisés en tâches;

-les prestations sont effectuées à la demande.

2.9Le statut des travailleurs constitue un élément-clé du travail sur plateformes. D’une manière générale, la plateforme se présente comme un intermédiaire entre l’offre et la demande et, par conséquent, elle n’estime pas être un employeur, vu l’inexistence d’une relation de travail subordonné. Dans cet environnement, les personnes qui y travaillent sont censées être des «indépendants», et non des salariés, de sorte que ne leur sont applicables ni la législation du travail afférente, y compris en matière de santé et de sécurité, ni celle concernant la protection sociale ou la fiscalité. Tout en reconnaissant l’existence de véritables travailleurs indépendants, le CESE est d’avis qu’il y a lieu d’étudier soigneusement, sous toutes ses facettes, le principe que jusqu’à preuve du contraire, un travailleur qui exerce son activité sur une plateforme est présumé en être un employé. Ce postulat garantit la protection des intérêts des personnes qui tirent l’essentiel de leurs revenus du travail sur les plateformes. Le Comité considère cependant que les travailleurs réellement indépendants qui le souhaitent doivent être autorisés à pouvoir continuer à bénéficier de ce statut.

2.10Le CESE relève que les plateformes existantes forment un spectre très hétérogène et varié. Les critères à utiliser pour classer leurs différents types sont le degré de qualification requis pour les tâches demandées, selon qu’elles demandent des compétences plus ou moins élevées, l’espace ou le lieu concret où s’effectue la prestation de services, en ligne ou hors ligne, et l’intervenant qui a le pouvoir de décider du processus de sélection, en l’occurrence la plateforme, le travailleur sur plateforme ou le client. D’aucuns envisagent encore d’autres paramètres, comme les différences concernant la division du travail, ou encore l’autonomie des travailleurs 12 .

2.11L’Organisation internationale du travail (OIT) 13 estime que les plateformes posent des problèmes particuliers en matière de réglementation et fait état de plusieurs points préoccupants, concernant notamment la faiblesse des rémunérations, qui sont pour une bonne part d’un montant inférieur aux salaires minimums, l’absence d’affiliation à la sécurité sociale, laquelle concerne pas moins de 91 % des personnes travaillant sur la plateforme Amazon Mechanical Turk, le rejet de prestations, qui a touché neuf travailleurs sur dix, l’obligation de verser des commissions pour travailler, en violation des conventions de l’OIT protégeant les rémunérations, ou encore la non-syndicalisation et l’absence de convention collective.

2.12Le travail sur plateformes présente des aspects liés au genre et à l’âge. Généralement parlant, les hommes y sont majoritaires dans les services liés au développement de logiciels et à la prestation de services de transport, tandis que les femmes y occupent une place prédominante pour les tâches en rapport avec la traduction ou les services à l’échelon local; les jeunes y sont relativement surreprésentés, notamment parmi les personnes qui en tirent plus de 50 % de leur revenus ou qui y travaillent plus de vingt heures par semaine; dans certains cas, des personnes âgées ont également entrepris d’investir ce type de travail. Le CESE estime qu’il y a lieu d’étudier ces aspects plus avant, afin de mieux en appréhender les réalités et de définir des politiques publiques adéquates.

3.Défis, perspectives et risques liés aux économies des plateformes

3.1Les plateformes «ont généralement une incidence positive sur l’économie» 14 , en ce qu’elles contribuent tant à créer de l’emploi, stimuler l’innovation et offrir souplesse et autonomie aux travailleurs qu’à leur assurer des revenus, souvent à titre complémentaire, et à donner à des personnes vulnérables la possibilité d’accéder à l’emploi 15 . La Commission fait observer que «l’économie collaborative offre de nouvelles possibilités d’emploi générant des recettes, en plus de celles générées par les relations de travail linéaires traditionnelles, et permet de travailler selon des formules souples. Elle permet à certaines personnes de devenir économiquement actives dans des cas où des formes plus traditionnelles d’emploi ne sont pas adaptées à leur situation ou ne leur sont pas accessibles» 16 . Quelles que soient les nouvelles perspectives ainsi ouvertes, le CESE juge qu’il reste nécessaire d’étudier plus avant l’incidence macroéconomique de l’économie des plateformes.

3.2De plus, si l’on excepte le cas des personnes hautement qualifiées, ce type d’économie expose les travailleurs à des risques qu’on ne peut minimiser: le travail qu’ils y effectuent leur dénie certains droits fondamentaux, dont celui de s’organiser et de mener des négociations collectives, génère de la précarité, ne leur procure que de maigres revenus, d’autant qu’ils sont souvent surqualifiés, et leur impose une intensification des cadences et une parcellisation aiguë des tâches, à travers le monde entier, sans qu’ils ne soient affiliés à la sécurité sociale.

3.3Une étude de l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA) 17 fait observer que le travail sur plateformes induit des risques accrus, sur le plan physique comme d’un point de vue social, notamment en ce qui concerne la précarité de l’emploi, l’exposition à divers dangers, comme les accidents de la circulation ou le contact avec des produits chimiques, ou encore les menaces propres à l’activité en ligne, tels que le cyberharcèlement, les troubles dus à de mauvaises postures, la fatigue oculaire ou le stress découlant de divers facteurs. Le CESE recommande de clarifier les responsabilités que les parties prenantes doivent assumer en matière de santé et de sécurité, de protection des données, ainsi que d’assurance et de responsabilité juridique, dans le sens d’une évaluation d’un ajustement et d’une harmonisation des réglementations existantes.

3.4La société court également des risques. Comme le CESE l’a déjà évoqué, en relevant que la Commission estime que cette complexité aggrave ainsi «le risque d’une concurrence reposant sur une dévalorisation des normes sociales, laquelle a des conséquences néfastes tant pour les employeurs, qui sont soumis à une pression concurrentielle intenable, que pour les États membres, privés de certaines recettes fiscales et cotisations de sécurité sociale» 18 .

3.5Des périls guettent aussi le consommateur en ce qui concerne la qualité des prestations qui lui sont fournies, puisqu’en cas d’accident ou de problèmes liés au service, il lui est difficile de détecter où se situent les responsabilités. Le CESE considère qu’améliorer la protection juridique des travailleurs apporte un gain qualitatif pour les consommateurs.

3.6De l’avis du CESE, c’est une réflexion importante et novatrice 19 qui, à propos des problèmes rencontrés par les travailleurs des plateformes, a été menée récemment grâce à l’élaboration d’un modèle d’analyse qui repose sur trois grands axes: le travail, l’emploi et les relations sociales. S’agissant des plateformes, les défis les plus importants sont les suivants:

3.6.1pour l’axe du «travail»: l’autorité, le contrôle, l’évaluation, au moyen d’algorithmes, l’autonomie dans la division du travail et l’environnement physique, en particulier pour les plateformes qui assument des tâches peu qualifiées, effectuées sur place ou déterminées par le client;

3.6.2pour l’axe de l’«emploi»: le statut, sans doute l’enjeu le plus important, l’identification de l’employeur et le contrat, tout particulièrement pour les plateformes qui réalisent des tâches faiblement qualifiées et ne ménagent guère d’autonomie. La protection sociale, les revenus et le temps de travail constituent également des défis, même s’ils sont communs à toutes les formes de travail atypiques;

3.6.3pour l’axe des «relations sociales»: la représentation constitue également un problème, qui se retrouve cependant aussi dans les autres catégories de travail atypique. Du fait de la flexibilité et de la compartimentation de leur activité, il s’avère très difficile de recenser, d’organiser et de représenter les travailleurs qui exercent leur activité sous une forme non conventionnelle. Cette mission est d’autant plus ardue que, par sa nature même, le travail sur plateforme s’exerce sur un mode solitaire, se caractérise par son éparpillement géographique, une anonymité marquée et un fort taux de rotation des travailleurs, lesquels sont placés en situation de concurrence mutuelle et peuvent exercer leur activité sur d’autres plateformes. En règle générale, les plateformes n’assument pas la fonction d’employeur et n’adhèrent pas aux fédérations patronales, de sorte que leurs travailleurs, les syndicats et les responsables politiques n’ont pas d’interlocuteurs avec qui négocier.

3.6.4Les comportements sociaux néfastes et les traitements discriminatoires posent également des problèmes considérables sur les plateformes où le travail est faiblement qualifié, étant donné que les travailleurs y sont généralement des jeunes ou des personnes issues de minorités défavorisées. L’utilisation d’algorithmes et les situations où le client peut exercer une influence en ce qui concerne l’attribution du travail et son exécution représentent des facteurs qui renforcent ces comportements dommageables et la discrimination.

3.6.1La question de la protection des données, du point de vue de leur propriété et de leur utilisation, représente aussi un défi majeur et particulier pour les travailleurs des plateformes et les consommateurs.

4.Le statut du travailleur dans l’économie des plateformes

4.1Le CESE estime que si l’on veut aider le dispositif de l’économie des plateformes à fonctionner de manière efficace et juste, il y a lieu de déployer des efforts, au niveau de l’UE comme des États membres, afin de clarifier le statut de leur main-d’œuvre et tendre à le réglementer, ainsi que de les obliger à fournir des informations qui garantissent que, pour toutes les parties intéressées, elles fonctionnent de manière transparente et prévisible et assurent l’égalité de traitement.

4.2Respectueux de la souveraineté des États membres en matière sociale tout en ayant le souci de préserver le principe d’une harmonisation par le haut, le CESE recommande de tracer des orientations pour définir sous quel statut l’activité sur plateformes s’exerce au regard de la législation du travail, afin que leurs travailleurs bénéficient de leurs droits et d’une protection.

4.3Selon une enquête européenne 20 , les travailleurs concernés que l’on interroge à propos de la relation de travail dans laquelle ils effectuent leurs activités répondent à 68,1 % qu’ils travaillent pour le compte d’autrui, tandis que 7,6 % affirment qu’ils le font pour leur propre compte. Une majorité des sondés se considèrent donc comme des salariés, quelle que soit la catégorie à laquelle les plateformes les rattachent.

4.4La Commission a abordé cette question du statut 21 , en estimant que la distinction entre le travailleur indépendant et le salarié peut être établie au moyen de trois critères: l’existence d’un lien de subordination, la nature du travail et la présence d’une rémunération. Ces conditions sont définies aux fins de l’application de la notion de travailleur dans l’UE mais la communication ajoute que dans leur sphère de compétence, les juridictions des États membres ont tendance à utiliser le même jeu de critères. 

4.5Le CESE a émis un avis dans lequel il souligne que «concrètement, il convient d’établir, dans le respect des compétences nationales, un cadre juridique pour les travailleurs qui définisse de manière précise les statuts professionnels correspondants: un salaire décent et le droit à participer à la négociation collective, en passant par la protection contre les comportements arbitraires et le droit de se déconnecter afin de maintenir le temps de travail numérique dans les limites des différents paramètres de dignité, etc.» 22 .

4.6Pour ce qui est de définir la notion de travailleur, les critères principaux qu’utilise la jurisprudence européenne sont l’existence d’un lien de subordination, le caractère économique et réel du service et la présence d’une rémunération 23 .

4.7Le CESE souligne l’importance de deux arrêts de la Cour de justice de l’UE: le premier (C–67/96, Albany) établit une exception de grande importance pour l’application de la législation européenne en matière de concurrence, en affirmant reconnaître que quand le principe de la concurrence entre en contradiction avec la politique sociale, la convention collective couvrant le travailleur ne relève pas du champ d’application du droit de la concurrence; le second (C‑413/13, FNV Kunsten Informatie) a posé que le droit européen de la concurrence est compatible avec la négociation collective, estimant que les travailleurs indépendants concernés étaient de «faux indépendants». L’avis ainsi exprimé revêt une grande portée pour le travail sur plateformes, en ce qu’il ouvre la possibilité que les faux indépendants qui y travaillent soient considérés comme des salariés 24 .

4.8Certains États membres, comme l’Italie et la France, possèdent déjà une jurisprudence qui s’inscrit dans la ligne ainsi définie par la Cour de justice de l’Union européenne 25 .

4.9Bon nombre des travailleurs des plateformes ne sont pas affiliés à la sécurité sociale et ne bénéficient pas de conditions de travail adéquates du point de vue de la santé et de la sécurité, alors qu’il s’agit là de droits qui sont tenus pour essentiels et sont consacrés par les législations nationales, les traités, le droit européen et les normes internationales de l’OIT 26 . L’actuelle crise pandémique montre à l’évidence toute l’importance que la sécurité sociale revêt dans les sociétés démocratiques, si l’on considère que ces systèmes ont apporté un soutien au revenu d’une grande partie de la population et que, parallèlement, les personnes qu’ils ne couvrent pas sont devenues encore plus vulnérables du point de vue de la protection sociale et de la santé.

5.Instruments d’intervention pour améliorer les conditions de travail sur les plateformes numériques

5.1Le CESE prend acte de la réflexion qui vient d’être lancée à propos de toute la gamme d’instruments nationaux qui sont destinés à relever les défis posés par les plateformes 27 . Une partie de ces outils est de nature plutôt administrative et «dure», faisant intervenir la législation, les tribunaux et l’inspection du travail, tandis qu’une autre est de type plus «doux», empruntant la voie de la négociation collective 28 , d’initiatives émanant des plateformes elles-mêmes et d’actions des travailleurs.

5.1.1En ce qui concerne la législation, on relèvera qu’elle est rarement utilisée et vise moins à améliorer les conditions de travail et de protection sociale qu’à résoudre les problèmes de concurrence, même si beaucoup de pays ont étendu le régime de protection sociale aux travailleurs indépendants, tandis que du côté des organes de justice, on constate une certaine indécision quant à la manière de résoudre les litiges portant sur le statut des travailleurs concernés et que, s’agissant des actions d’inspection, même si les États se sont efforcés de se montrer plus énergiques en la matière, on se heurte à des difficultés de notification dans le cas de bon nombre de plateformes, notamment en ligne. Le CESE estime que la législation sur les plateformes doit centrer son attention sur les problèmes les plus pertinents de réglementation de l’économie, du travail et des enjeux sociaux.

5.1.2Dès lors que la législation sur la concurrence elle-même pose des obstacles à ce qu’elle soit menée, la négociation collective entre les «travailleurs indépendants» et les plateformes se trouve être des plus réduite, bien que des conventions collectives aient été conclues dans certains pays, pour le secteur du transport et des livraisons; les initiatives prises par des plateformes, pour leur part, sont guidées par le souci de répondre aux critiques qui leur sont adressées, ou consistent essentiellement en ce qu’elles adhèrent à des fédérations d’employeurs, pratiquent l’autoréglementation, souscrivent des codes de conduite, remanient leur mode de fonctionnement ou mettent un terme à certaines de leurs activités; enfin, les actions que mènent les travailleurs sont variées et incluent notamment des protestations et des grèves, lesquelles ont eu lieu non seulement sur les plateformes qui proposent des travaux qualifiés effectués sur site, mais également sur celles d’autres types, comme dans le cas d’un projet qui a été lancé par IG Metall en 2016 et, avec la collaboration de syndicats suédois et autrichiens, a abouti, la même année, à la «déclaration de Francfort» sur le travail participatif équitable.

5.1.3Le CESE considère que dans l’économie des plateformes, il est important de promouvoir des codes de conduite, élaborés avec la participation des plateformes, des travailleurs et des consommateurs.

5.2Le CESE relève que malgré la multiplicité des moyens utilisés pour l’instauration et la défense de conditions de travail dignes sur les plateformes, aucune solution appropriée n’a été dégagée. C’est au niveau national que se situent la majeure partie des initiatives qui ont été relevées, consistant en des changements résultant soit de l’adoption d’une législation spécifique, soit de modifications au droit du travail, avec, dans certains cas, la création d’une nouvelle notion, celle d’une catégorie à mi-chemin entre le travail salarié et indépendant, le premier étant effectué par un travailleur pour le compte d’autrui, et le second par une personne travaillant pour son propre compte 29 . De l’avis du CESE, cette solution n’est pas satisfaisante.

5.3Le recours aux inspections du travail et aux tribunaux est attesté selon une fréquence qui varie d’un État membre à l’autre. Les actions en justice ont débouché sur des décisions qui ne sont pas de nature uniforme, établissant dans certains cas que la relation de travail présente un caractère de subordination et dans d’autres, que les travailleurs sur plateformes sont des indépendants.

5.4Le concept qui devrait guider l’UE et les États membres est celui de la dépendance économique et de la subordination. Le travailleur sur plateforme qui, pour assurer sa subsistance, dépend principalement de la rémunération qu’il tire du travail qu’il y accomplit et qui travaille dans une relation de subordination est un salarié et non un indépendant. De la même manière, il conviendrait que les algorithmes utilisés par les plateformes soient assimilés aux instructions, orales ou écrites, qui ont cours dans les formes classiques de travail. Le CESE a déjà exprimé un avis favorable sur ces concepts 30 .

5.5L’inspection du travail doit accorder une attention particulière aux travailleurs des plateformes, pour éviter qu’ils ne restent sans protection et que ne se perpétuent des formes de concurrence déloyale vis-à-vis des autres entreprises 31 .

5.6Le CESE est d’avis que ces travailleurs devraient être inscrits à la sécurité sociale et bénéficier dans leur travail de conditions adéquates du point de vue de la santé et de la sécurité. Les institutions européennes ont pour position que tout travailleur doit avoir accès à la protection sociale, quelle que soit la nature de son contrat. Plusieurs pays ont instauré des régimes particuliers pour les travailleurs indépendants, afin de tenir compte des conditions spécifiques dans lesquelles ils exercent leur activité.

5.7Le rapport de la Commission mondiale sur l’avenir du travail 32 a proposé de développer un système de gouvernance internationale pour les plateformes 33 . À cet égard, le CESE a déjà recommandé que «la Commission européenne, l’OCDE et l’OIT travaillent avec les partenaires sociaux à tous les niveaux appropriés et avec les organisations de la société civile, plus largement, afin de développer des dispositions appropriées concernant les conditions de travail décentes et la protection requise 34 ».

5.8En ce qui concerne la fiscalité, le CESE est d’avis que tous les acteurs de l’économie numérique doivent payer des impôts. Il souscrit sur ce point aux recommandations de la plateforme européenne de lutte contre le travail non déclaré 35 quand elle préconise que l’UE établisse un instrument juridique contraignant, aux termes duquel les plateformes seraient tenues de déclarer l’ensemble de leurs transactions aux autorités fiscales des pays dans lesquels elles opèrent, de fournir à ces instances toutes les informations voulues pour garantir qu’elles se conforment à la législation en matière d’impôt, de communiquer à leurs travailleurs les données relatives à leurs gains et à leurs obligations en matière d’imposition et de les prémunir du risque d’être rangés à tort dans la catégories des indépendants.

6.Bonnes pratiques de réglementation du travail sur plateformes

6.1Le CESE estime, en concordance avec des études internationales 36 , que la Commission et les États membres doivent engager des politiques adéquates pour réglementer le marché du travail, stimuler le dialogue social et la conclusion de conventions collectives et encourager l’acquisition de qualifications.

6.1.1Dans la réglementation du marché du travail, il convient de s’assurer que les travailleurs, conformément aux systèmes et pratiques nationaux, aient tous accès à un ensemble de droits et de protections, quels que soient leur statut ou type de contrat, en veillant à ce que certains opérateurs ne s’arrogent pas un avantage concurrentiel du fait de ne pas respecter leurs obligations et assumer leurs responsabilités.

6.1.1.1Il y a lieu de limiter au maximum la zone de flou entre le travail salarié et indépendant, en uniformisant et en clarifiant dans toute la mesure du possible la définition de ces notions, de manière à réduire les incertitudes pour les travailleurs comme pour les employeurs.

6.1.1.2Il s’impose de combattre le faux travail indépendant, en entreprenant de renforcer les moyens d’inspection, de réduire les facteurs qui incitent les entreprises à inscrire «par erreur» la relation de travail concernée dans telle ou telle catégorie et de prévoir des sanctions pour ces classifications indues.

6.1.1.3Au niveau international, la Commission européenne, l’OCDE et l’Organisation internationale du travail se doivent de lancer un processus de travail commun, susceptible d’aboutir à une convention de l’OIT pour les plateformes.

6.1.2Par le dialogue social et la négociation collective, il y a lieu de s’attaquer au déséquilibre qui existe dans le rapport de forces entre les plateformes et les travailleurs. Il est nécessaire de lutter contre les pratiques abusives sur le marché en augmentant la transparence en matière de rémunérations, ainsi que l’information, les droits, les devoirs et les responsabilités.

6.1.2.1La nécessité s’impose de renforcer le dialogue social au niveau de l’UE et des États membres, lesquels doivent par ailleurs avoir recours à la négociation collective, de manière à concourir ainsi à l’amélioration des conditions de travail, en empruntant également, s’il y a lieu, la voie législative.

6.1.2.2Les organisations de travailleurs et d’employeurs jouent un rôle essentiel pour assurer la représentation des intérêts en jeu, dans le cadre du modèle social européen.

6.1.3Il convient d’élaborer, avec la participation des plateformes, des travailleurs et des consommateurs, des codes de conduite qui reprennent les principes et orientations qui sont les meilleurs en matière de rémunérations, de conditions de travail et de qualité du service fourni.

6.1.4Les États membres doivent apporter la garantie que les travailleurs disposent de possibilités de formation et de carrière, étant donné qu’ils font généralement partie de groupes défavorisés, migrants ou autres, et sont confrontés à des problèmes fondamentaux en matière de formation.

Bruxelles, le 18 septembre 2020

Luca JAHIER

Président du Comité économique et social européen

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NB: Les annexes au présent document figurent ci-après.



ANNEXE 1 – PLATEFORMES NUMÉRIQUES: PRATIQUES

Le bref tour d’horizon ci-après a pour objectif de repérer les «bonnes pratiques» dans le domaine des plateformes numériques. Sa principale source d’information consiste en une publication de l’Institut syndical européen (ETUI): Isabelle Daugareilh et al., Économie de plateforme et droit social: enjeux prospectifs et approche juridique comparative, ETUI, 2019 37 .

PN = plateforme numérique

PAYS

PRATIQUE

1

Allemagne

En 2017, le syndicat IG Metall, une association allemande du travail participatif et huit plateformes numériques ont créé un service de médiation pour l’application du code de conduite concernant cette activité 38 .

2

Autriche

En 2019, a été conclue une convention collective, applicable à partir de janvier 2020, qui couvre une entreprise de restauration et ses travailleurs, en l’occurrence ses livreurs. Leur statut au regard du droit du travail n’est pas clair 39 .

3

Belgique

Le pays possède une «Commission administrative de règlement de la relation de travail» qui arrête des décisions quant à la catégorie dans laquelle il faut verser telle ou telle relation de travail 40 .

4

Danemark

Une convention collective a été conclue en juillet 2018 entre Hilfr, une plateforme numérique de services de nettoyage, et un syndicat. Les travailleurs commencent à y travailler comme indépendants mais, après 100 heures de prestations, ils passent sous un régime de contrat de travail 41 .

5

Espagne

En 2017, les travailleurs de la plateforme numérique Deliveroo ont lancé, sous la dénomination de «Riders X Derechos», une plateforme Internet pour la défense de leurs droits. En 2017 également, le syndicat UGT a créé le portail Turespuestasindical 42 .

6

Espagne

Un accord interprofessionnel catalan, applicable pour la période 2018‑2020, a été conclu en 2020 entre des confédérations patronales (Fomento del Trabajo, PIMEC et Fepime) et des syndicats (CC.OO. et UGT). Il comporte un chapitre consacré au travail sur les plateformes 43 .

7

France

Les travailleurs des plateformes de livraison alimentaire ont fondé des organisations syndicales (par exemple à Bordeaux) 44 .

8

Italie

Une législation spécifiquement consacrée au travail sur les plateformes numériques a été adoptée En 2019 pour la région du Latium. Elle définit la notion de travailleurs numériques et précise les droits qui leur sont applicables 45 .

9

Italie

La convention collective nationale du secteur de la logistique, conclue en 2018, a établi la catégorie de livreur, qu’elle classe comme travail effectué dans un rapport de subordination. Il en va de même de l’accord collectif signé avec Laconsegna, une plateforme numérique de livraison de repas. Ces textes ont été souscrits par les organisations syndicales 46 .

10

Italie

Signée en 2018 entre la municipalité de Bologne et deux plateformes, Sgnam et MyMenu, la Charte des droits fondamentaux des travailleurs numériques (dite «charte de Bologne») ne comporte pas de clauses qui préciseraient le statut des travailleurs concernés au regard du droit du travail 47 .

11

Portugal

Le code du travail fixe des critères de présomption concernant l’existence d’un contrat de travail. La législation sur les plateformes numériques de transport, dite «loi Uber», s’y réfère explicitement pour ce qui est du lien juridique établi entre le conducteur et la plateforme 48 .

12

Suisse

En février 2019, un syndicat et une association patronale ont conclu une convention collective couvrant les livreurs 49 .

13

Partenaires sociaux européens

En juin 2020, les partenaires sociaux européens ont conclu un accord-cadre autonome sur la numérisation 50 .



ANNEXE 2 À L’AVIS

Les amendements suivants, qui ont recueilli au moins un quart des suffrages exprimés, ont été rejetés au cours des débats:

Paragraphe 2.9

Modifier comme suit:

2.9    Le statut de travailleur constitue un élément-clé du travail sur plateformes. D’une manière générale, la plateforme se présente comme un intermédiaire entre l’offre et la demande et, par conséquent, elle n’estime pas être un employeur, vu l’inexistence d’une relation de travail subordonné. Dans cet environnement , les personnes qui y travaillent sont censées être des «indépendants», et non des salariés, de sorte que ne leur sont applicables ni la législation du travail afférente, y compris en matière de santé et de sécurité, ni celle concernant la protection sociale ou la fiscalité. Tout en reconnaissant l’existence de véritables travailleurs indépendants, le CESE est d’avis que l’UE et ses États membres se doivent qu’il y a lieu d’étudier soigneusement, sous toutes ses facettes, le principe que selon lequel jusqu’à preuve du contraire, un travailleur qui exerce son activité sur une plateforme est présumé en être un employé, à la lumière des différences fondamentales qui distinguent les salariés des travailleurs indépendants (nature du travail, existence d’un lien de subordination et de rémunération). Ce postulat garantit la protection des intérêts des personnes qui tirent l’essentiel de leurs revenus du travail sur les plateformes. Le Comité considère cependant que les travailleurs réellement indépendants qui le souhaitent doivent être autorisés à pouvoir continuer à bénéficier de ce statut.

Exposé des motifs

Selon la Commission européenne, le statut de travailleur est une question controversée et l’une des plus pertinentes d’un point de vue politique lorsque le principal bien échangé par l’intermédiaire de la plateforme est le travail. La Commission a abordé cette question du statut, en estimant que la distinction entre le travailleur indépendant et le salarié peut être établie au moyen de trois critères: l’existence d’un lien de subordination, la nature du travail et la présence d’une rémunération. Ces conditions sont définies aux fins de l’application de la notion de travailleur dans l’UE mais la communication de la Commission intitulée «Un agenda européen pour l’économie collaborative» ajoute que dans leur sphère de compétence, les juridictions des États membres ont tendance à utiliser le même jeu de critères. Compte tenu de ces critères, une réglementation supplémentaire concernant le statut de travailleur au niveau européen n’est pas nécessaire. Au niveau national, diverses initiatives ont été prises, parfois par l’introduction de la notion de catégorie intermédiaire entre le travail subordonné et le travail indépendant.

En ce qui concerne le statut de travailleur, il importe également de noter que le récent accord-cadre autonome sur la numérisation conclu entre les partenaires sociaux européens dispose qu’il couvre tous les travailleurs et employeurs des secteurs public et privé, y compris les activités utilisant des plateformes en ligne, lorsqu’il existe une relation de travail telle que définie au niveau national.

Résultat du vote

Pour    65

Contre    99

Abstentions    13

Paragraphe 5.4

Modifier comme suit:

5.4    Dans l’application des critères généraux relatifs au statut des travailleurs (lien de subordination, nature du travail et rémunération), l’un des concepts Le concept qui devrait doivent guider l’UE et les États membres est celui de la dépendance économique et de la subordination, afin de garantir des conditions de travail décentes au. Le travailleur sur plateforme qui, pour assurer sa subsistance, dépend principalement de la rémunération qu’il tire du travail qu’il y accomplit et qui travaille dans une relation de subordination est un salarié et non un indépendant. De la même manière, il conviendrait que les algorithmes utilisés par les plateformes peuvent aussi être considérés comme contraignants, à l’instar des instructions soient assimilés aux, orales ou écrites, qui ont cours dans les formes classiques de travail. Le CESE a déjà exprimé un avis favorable sur ces concepts.

Exposé des motifs

Selon la Commission européenne, le statut de travailleur est une question controversée et l’une des plus pertinentes d’un point de vue politique lorsque le principal bien échangé par l’intermédiaire de la plateforme est le travail. La Commission a abordé cette question du statut, en estimant que la distinction entre le travailleur indépendant et le salarié peut être établie au moyen de trois critères: l’existence d’un lien de subordination, la nature du travail et la présence d’une rémunération. Ces conditions sont définies aux fins de l’application de la notion de travailleur dans l’UE mais la communication de la Commission intitulée «Un agenda européen pour l’économie collaborative» ajoute que dans leur sphère de compétence, les juridictions des États membres ont tendance à utiliser le même jeu de critères. Compte tenu de ces critères, une réglementation supplémentaire concernant le statut de travailleur au niveau européen n’est pas nécessaire. Au niveau national, diverses initiatives ont été prises, parfois par l’introduction de la notion de catégorie intermédiaire entre le travail subordonné et le travail indépendant.

En ce qui concerne le statut de travailleur, il importe également de noter que le récent accord-cadre autonome sur la numérisation conclu entre les partenaires sociaux européens dispose qu’il couvre tous les travailleurs et employeurs des secteurs public et privé, y compris les activités utilisant des plateformes en ligne, lorsqu’il existe une relation de travail telle que définie au niveau national.

Résultat du vote

Pour    64

Contre    98

Abstentions    14

Paragraphe 5.8

Modifier comme suit:

5.8    Le CESE demande que les régimes fiscaux nationaux prennent en compte le phénomène de l’économie collaborative et des plateformes numériques, en respectant pour ce secteur les principes inhérents à un système fiscal équitable, à savoir la cohérence, la prévisibilité et la neutralité, tout en garantissant l’intérêt général consistant à veiller à ce que toutes les parties prenantes s’acquittent de leurs obligations fiscales 51 . En ce qui concerne la fiscalité, le CESE est d’avis que tous les acteurs de l’économie numérique doivent payer des impôts. Il souscrit sur ce point aux recommandations de la plateforme européenne de lutte contre le travail non déclaré 52 quand elle préconise que l’UE établisse un instrument juridique contraignant, aux termes duquel les plateformes seraient tenues de déclarer l’ensemble de leurs transactions aux autorités fiscales des pays dans lesquels elles opèrent, de fournir à ces instances toutes les informations voulues pour garantir qu’elles se conforment à la législation en matière d’impôt, de communiquer à leurs travailleurs les données relatives à leurs gains et à leurs obligations en matière d’imposition et de les prémunir du risque d’être rangés à tort dans la catégories des indépendants.

Exposé des motifs

Le CESE ayant récemment adopté un avis sur la fiscalité de l’économie collaborative (avis ECO/500 sur «La fiscalité de l’économie collaborative — Exigences en matière de rapports»), il serait plus approprié de se référer à ce texte qui a été convenu.

Résultat du vote

Pour    64

Contre    97

Abstentions    14

Paragraphe 1.8

Modifier comme suit:

1.8    Le CESE recommande que l’UE et ses États membres s’engagent sur la voie d’une uniformisation des notions, afin que le travail sur plateformes acquière un caractère décent. À cette fin, et pour assurer des conditions de travail décentes, notamment aux travailleurs qui, pour subsister, dépendent principalement de la rémunération qu’il perçoivent de cette activité, il préconise que la Commission et les États membres, s’agissant de l’application des critères généraux relatifs au statut des travailleurs (lien de subordination, nature du travail et rémunération), soient guidés par les impératifs suivants: i) il y a lieu de prendre en considération la dépendance économique et le travail effectué dans un rapport de subordination, étant donné qu’un travailleur qui, pour subsister, dépend principalement de la rémunération qu’il perçoit de cette activité est un salarié et non un indépendant, ii) il est nécessaire conviendrait d’étudier soigneusement, sous toutes ses facettes, en respectant les différences fondamentales qui distinguent les salariés des travailleurs indépendants (nature du travail, existence d’un lien de subordination et rémunération), l’application du principe voulant que jusqu’à preuve du contraire, les personnes travaillant sur des plateformes sont présumées en être des employés et, enfin, iii) les algorithmes qu’elles utilisent doivent être assimilés aux peuvent être considérés comme contraignants, à l’instar des instructions, orales ou écrites, en usage dans les formes classiques de travail.

Exposé des motifs

Selon la Commission européenne, le statut de travailleur est une question controversée et l’une des plus pertinentes d’un point de vue politique lorsque le principal bien échangé par l’intermédiaire de la plateforme est le travail. La Commission a abordé cette question du statut, en estimant que la distinction entre le travailleur indépendant et le salarié peut être établie au moyen de trois critères: l’existence d’un lien de subordination, la nature du travail et la présence d’une rémunération. Ces conditions sont définies aux fins de l’application de la notion de travailleur dans l’UE mais la communication de la Commission intitulée «Un agenda européen pour l’économie collaborative» ajoute que dans leur sphère de compétence, les juridictions des États membres ont tendance à utiliser le même jeu de critères. Compte tenu de ces critères, une réglementation supplémentaire concernant le statut de travailleur au niveau européen n’est pas nécessaire. Au niveau national, diverses initiatives ont été prises, parfois par l’introduction de la notion de catégorie intermédiaire entre le travail subordonné et le travail indépendant.

En ce qui concerne le statut de travailleur, il importe également de noter que le récent accord-cadre autonome sur la numérisation conclu entre les partenaires sociaux européens dispose qu’il couvre tous les travailleurs et employeurs des secteurs public et privé, y compris les activités utilisant des plateformes en ligne, lorsqu’il existe une relation de travail telle que définie au niveau national.

Résultat du vote

Pour    63

Contre    99

Abstentions    15

Paragraphe 1.13

Modifier comme suit:

1.13    Le CESE demande que les régimes fiscaux nationaux prennent en compte le phénomène de l’économie collaborative et des plateformes numériques, en respectant pour ce secteur les principes inhérents à un système fiscal équitable, à savoir la cohérence, la prévisibilité et la neutralité, tout en garantissant l’intérêt général consistant à veiller à ce que toutes les parties prenantes s’acquittent de leurs obligations fiscales 53 . Le CESE demande à la Commission de tenir compte des recommandations que la plateforme européenne de lutte contre le travail non déclaré a formulées concernant la fiscalité de l’économie des plateformes.

Exposé des motifs

Le CESE ayant récemment adopté un avis sur la fiscalité de l’économie collaborative (avis ECO/500 sur «La fiscalité de l’économie collaborative — Exigences en matière de rapports»), il serait plus approprié de se référer à ce texte qui a été convenu.

Résultat du vote

Pour    62

Contre    99

Abstentions    15

_____________

(1)       JO C 303 du 19.8.2016, p. 54.
(2)       JO C 125 du 21.4.2017, p. 10, paragraphe 3.9 .
(3)      C. Degryse, «Digitalisation of the economy and its impact on labour markets» («La numérisation de l’économie et son impact sur les marchés du travail»), document de travail 2016.02, p. 7.
(4)       JO C 303 du 19.8.2016, p. 54 , JO C 283 du 10.8.2018, p. 39 , JO C 81 du 2.3.2018, p. 145 , JO C 125 du 21.4.2017, p. 10 , JO C 237 du 6.7.2018, p. 1 , et JO C 75 du 10.3.2017, p. 33 .
(5)      OCDE, Employment Outlook 2019 («Perspectives de l’emploi 2019»), p. 55.
(6)      Z. Kilhoffer et. al., Study to gather evidence on the working conditions of platform workers («Étude visant à recueillir des témoignages sur les conditions de travail des travailleurs de plateformes»), décembre 2019, p. 45.
(7)      Ibid., p. 47.
(8)      Z. Kilhoffer, op. cit., p. 48.
(9)      Chiffres de 2015: 28,1 milliards d’euros et 3,6 milliards d’euros, voir Z. Kilhoffer, op.cit., p. 48.
(10)      Z. Kilhoffer, op. cit., p. 15.
(11)      Eurofound 2018, Employment and working conditions of selected types of platform work («Conditions d’emploi et de travail dans une sélection d’activités professionnelles via une plateforme»), p. 9.
(12)      Ibid., p. 15.
(13)      OIT, Policy responses to new forms of work. International governance of digital labour platforms («Mesures d’intervention concernant les nouvelles formes de travail. La gouvernance internationale des plateformes de travail numérique»), avril 2019.
(14)       JO C 303 du 19.8.2016, p. 54 .
(15)      Ibid.
(16)      Communication de la Commission «Un agenda européen pour l’économie collaborative», COM(2016) 356 final .
(17)      EU-OSHA 2017 Protecting Workers in the Online Platform Economy. An overview of regulatory and policy developments in the EU («Protéger les travailleurs dans l’économie des plateformes en ligne. Aperçu des évolutions en matière de réglementation et d’intervention dans l’UE»).
(18)       JO C 283 du 10.8.2018, p. 39, paragraphe 3.4 .
(19)      Z. Kilhoffer, op. cit., pp. 48-98.
(20)      Enquête COLLEEM (COLLaborative Economy and Employment, «Économie collaborative et emploi»). Voir Commission européenne, Platform Workers in Europe («Les travailleurs des plateformes en Europe»), 2018, p. 4.
(21)      Commission européenne, «Un agenda européen pour l’économie collaborative», 2016, pp. 11-13.
(22)       JO C 75 du 10.3.2017, p. 33 , paragraphe 4.4.2.
(23)      Z. Kilhoffer, op. cit., p. 227.
(24)      Z. Kilhoffer, op. cit., p. 85.
(25)      Arrêts de la Cour suprême de cassation n° 1663/2020, pour l’Italie, et de la Cour de cassation n°°17-20.079, du 28 novembre 2018, pour la France.
(26)      Notamment la convention n° 102, de 1952, et ses modifications ultérieures.
(27)      Z. Kilhoffer, op. cit., pp. 125-176.
(28)      Bien que les auteurs classent la négociation collective parmi les instruments «doux», il est indéniable que dans beaucoup d’États membres, elle a des effets équivalents à ceux d’une loi et constitue donc un outil «fort».
(29)      Z. Kilhoffer, op. cit., p. 107.
(30)       JO C 75 du 10.3.2017, p. 34, paragraphe 1.4 , et JO C 283, 10.8.2018, p. 39, paragraphe 5.1.2 .
(31)      Z. Kilhoffer, op. cit., p. 227.
(32)      OIT, op. cit.
(33)      OIT, Commission mondiale sur l’avenir du travail, Travailler pour bâtir un avenir meilleur, Genève, 2019.
(34)       JO C 125 du 21.4.2017, p. 10, paragraphe 3.9 .
(35)       JO C 458 du 19.12.2014, p. 43 .
(36)      OCDE, Employment Outlook 2019 («Perspectives de l’emploi 2019»), pp. 32-36.
(37)      ETUI, 2019, document de travail 2019.10, Isabelle Daugareilh, Christophe Degryse et Philippe Pochet (dir.), Économie de plateforme et droit social: enjeux prospectifs et approche juridique comparative , p. 57.
(38)      OIT, Policy responses to new forms of work. International governance of digital labour platforms («Mesures d’intervention concernant les nouvelles formes de travail. La gouvernance internationale des plateformes de travail numérique»), avril 2019, pp. 6 et 7.
(39)      Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound), voir: https://www.eurofound.europa.eu/data/platform-economy/initiatives .
(40)      ETUI, 2019, document de travail 2019.10, Économie de plateforme et droit social : enjeux prospectifs et approche juridique comparative , p. 48; voir le portail https://commissionrelationstravail.belgium.be/fr/ .
(41)      ETUI, 2019, document de travail 2019.10, Économie de plateforme et droit social: enjeux prospectifs et approche juridique comparative , p. 44; voir aussi: https://www.equaltimes.org/in-denmark-a-historic-collective?lang=en#.XsjN8DpKhPa .
(42)      Institut syndical européen (ETUI), 2019, document de travail 2019.10, Économie de plateforme et droit social: enjeux prospectifs et approche juridique comparative , p. 63; voir https://twitter.com/ridersxderechos et https://www.ugt.es/turespuestasindicales .
(43)      Institut syndical européen (ETUI), 2019, document de travail 2019.10, Économie de plateforme et droit social: enjeux prospectifs et approche juridique comparative , p. 66.
(44)      Institut syndical européen (ETUI), 2019, document de travail 2019.10, Économie de plateforme et droit social: enjeux prospectifs et approche juridique comparative , p. 88.
(45)      Institut syndical européen (ETUI), 2019, document de travail 2019.10, Économie de plateforme et droit social: enjeux prospectifs et approche juridique comparative , p. 101. Il ne semble pas qu’elle établisse quel est leur statut, salarié ou indépendant.
(46)      Institut syndical européen (ETUI), 2019, document de travail 2019.10, Économie de plateforme et droit social: enjeux prospectifs et approche juridique comparative , pp. 104-105.
(47)      Institut syndical européen (ETUI), 2019, document de travail 2019.10, Économie de plateforme et droit social: enjeux prospectifs et approche juridique comparative , pp. 105-106.
(48)      Portugal, loi 45/2018 du 10 août 2018.
(49)      Institut syndical européen (ETUI), 2019, document de travail 2019.10, Économie de plateforme et droit social: enjeux prospectifs et approche juridique comparative , p. 145.
(50)      Accord-cadre autonome des partenaires sociaux européens sur la numérisation.
(51)       Voir l’avis ECO/500 sur le thème «Fiscalité de l’économie collaborative — Exigences en matière de rapports», adopté en juillet 2020 et non encore paru au Journal officiel .
(52)       JO C 458 du 19.12.2014, p. 43 .
(53)       Voir l’avis ECO/500 sur le thème «Fiscalité de l’économie collaborative — Exigences en matière de rapports», adopté en juillet 2020 et non encore paru au Journal officiel .