EXPOSÉ DES MOTIFS
1.CONTEXTE DE L’ACTE DÉLÉGUÉ
1.1.Contexte général
Le règlement sur la vente à découvert crée un socle de règles harmonisées qui i) accroissent la transparence des positions courtes nettes importantes détenues par les investisseurs, ii) limitent les risques liés aux ventes à découvert non couvertes et aux contrats d’échange sur risque de crédit, et iii) confèrent aux autorités de régulation nationales et à l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) des pouvoirs d’intervention dans des circonstances exceptionnelles (tels que ceux de restreindre ou d’interdire temporairement la vente à découvert).
Le présent règlement délégué vise à renforcer, pour les besoins des autorités compétentes, la transparence des positions courtes nettes importantes sur actions. Les positions courtes nettes qui franchissent à la hausse ou à la baisse le seuil de 0,2 % du capital en actions émis d’une entreprise (et chaque palier de 0,1 % au-delà de ce seuil) doivent être notifiées aux autorités compétentes concernées afin de leur permettre d’exercer une surveillance et, s’il y a lieu, d’enquêter sur les ventes à découvert susceptibles d’être porteuses de risques systémiques, d’être constitutives d’abus ou de désorganiser les marchés. Le règlement sur la vente à découvert autorise l’AEMF à prendre des mesures d’urgence, et notamment à abaisser temporairement ce seuil.
En outre, afin que la pertinence du seuil de notification ne puisse pas être remise en cause par l’évolution des marchés financiers, le règlement sur la vente à découvert a instauré un mécanisme qui permet i) à l’AEMF d’émettre un avis à l’intention de la Commission sur la nécessité d’adapter ce seuil, et ii) à la Commission d’adopter des actes délégués pour le modifier.
Le présent acte délégué vise à modifier le seuil de notification pertinent des positions courtes nettes importantes sur actions aux autorités compétentes. Compte tenu des travaux menés en 2010 par le comité européen des régulateurs des marchés de valeurs mobilières, qui visaient à déterminer des seuils de notification propres à générer à la fois des informations réellement utiles pour les autorités compétentes et les acteurs du marché et une charge réglementaire proportionnée pour les investisseurs, ce seuil a été initialement fixé à 0,2 % du capital en actions émis de l’entreprise concernée (puis à chaque palier de 0,1 % au-delà de ce seuil). Le seuil de notification a ensuite été revu en 2013, trop tôt toutefois pour que les données recueillies soient dignes d’intérêt, vu que le règlement sur la vente à découvert n’était en vigueur que depuis le 1er novembre 2012.
Le 21 décembre 2017, l’AEMF a remis à la Commission un avis technique portant sur certains éléments du règlement sur la vente à découvert, dans lequel elle concluait, après analyse, que le seuil de notification semblait toujours approprié. Toutefois, seul un petit nombre de parties prenantes avaient répondu à la consultation publique de l’AEMF.
En février 2020, après la flambée de COVID-19, une forte pression à la vente et une volatilité inhabituelle du cours des actions ont provoqué une importante spirale baissière, qui a touché les émetteurs de tous les secteurs des marchés financiers. Cette année-là, malgré le redressement partiel du cours des actions dans l’EEE, les conséquences de la pandémie de COVID-19 ont continué de peser sur l’économie réelle, avec des perspectives globales de reprise demeurant incertaines. Le 16 mars 2020, l’AEMF a fait usage des pouvoirs d’intervention d’urgence que lui confère l’article 28 du règlement sur la vente à découvert et pris la décision d’abaisser pendant trois mois, de 0,2 % à 0,1 %, le seuil de notification des positions courtes nettes détenues sur des actions admises à la négociation sur un marché réglementé. L’AEMF a prorogé cette décision en juin, en septembre et en décembre 2020.
Dans sa décision, l’AEMF a considéré que les acteurs du marché qui se livrent à la vente à découvert et accumulent des positions courtes nettes importantes risquaient d’amplifier la pression à la vente déjà considérable ainsi que la volatilité inhabituelle du cours des actions. En conséquence, l’AEMF a décidé d’abaisser le seuil de notification des positions courtes nettes aux autorités compétentes, afin de renforcer le suivi des positions courtes nettes totales sur des actions admises à la négociation sur un marché réglementé et d’améliorer sa capacité, et celle des autorités compétentes, à réagir rapidement dans le cas où des mesures plus strictes seraient nécessaires. De manière générale, les autorités compétentes ont déclaré en temps utile à l’AEMF les positions courtes nettes en utilisant le nouveau seuil et ne lui ont signalé aucun problème particulier en ce qui concerne le respect de ce nouveau seuil par les acteurs du marché.
À l’expiration de sa dernière mesure temporaire d’abaissement du seuil de notification, le 19 mars 2021, l’AEMF a estimé que les conditions nécessaires à l’adoption de mesures d’urgence au titre de l’article 28 du règlement sur la vente à découvert n’étaient plus réunies. Toutefois, les événements survenus à la suite de l’irruption de la pandémie de COVID-19 et la meilleure visibilité obtenue par les autorités compétentes sur les volumes de positions courtes nettes l’ont convaincue que le seuil de notification devrait être fixé de manière permanente à 0,1 %.
Le 13 mai 2021, l’AEMF a adressé à la Commission, conformément à l’article 5, paragraphe 3, du règlement sur la vente à découvert, un avis sur la nécessité de fixer de manière permanente le seuil de notification à 0,1 % (puis à chaque palier de 0,1 % au-delà de ce seuil). Dans cet avis, l’AEMF a procédé à une analyse empirique complète de la pertinence des déclarations de positions courtes nettes comprises entre 0,1 % et 0,2 %, en comparant ces déclarations à celles recueillies sur la base du seuil de 0,2 %, et a présenté ses conclusions à la Commission. Les points énumérés ci-dessous résument quelques-unes des principales conclusions de l’avis de l’AEMF:
·les positions courtes nettes comprises entre 0,1 % et 0,2 % déclarées par leurs détenteurs par code ISIN ont représenté, dans la période allant de mars à juin 2020, une part non négligeable (de 40 % environ) du total des positions courtes nettes établies dans l’Union; dès lors, elles jouent un rôle déterminant dans la surveillance du marché et peuvent constituer un premier indice de la détérioration des conditions du marché;
·les positions courtes nettes comprises entre 0,1 % et 0,2 % représentent une grande part des positions courtes nettes en nombre absolu de notifications (entre 39 % et 44 % sur la même période) et en valeur de marché des positions (entre 23 % et 33 %);
·malgré une reprise générale dans plusieurs pays, comme pour les principaux indices boursiers européens, la reprise reste plus faible que celle des marchés financiers d’autres grandes économies;
·si les indices liés aux secteurs des banques et de l’assurance se sont partiellement redressés (par rapport à février 2020), la volatilité implicite et les contrats d’échange sur risque de crédit restent très sensibles à l’évolution du marché, malgré une tendance à la baisse;
·la déclaration des positions courtes nettes à 0,1 % a permis aux autorités de régulation de disposer d’informations plus précises sur l’accumulation de positions courtes nettes au niveau individuel, sectoriel et du marché. L’AEMF a également pu déterminer et analyser les effets à l’échelle de l’UE;
·la déclaration à 0,1 % permet d’évaluer les effets des interdictions de vente à découvert (par exemple, les effets de déplacement entre pays, entre secteurs ou entre actions présentant des niveaux de liquidité différents), ce qui pourrait aider à l’avenir les autorités compétentes à calibrer leurs mesures;
·l’augmentation de l’activité «clientèle de détail» pourrait accroître le risque de liquidation forcée (short squeeze), que les autorités compétentes pourraient déceler plus facilement et plus tôt grâce à une déclaration plus fine à 0,1 %;
·l’abaissement permanent du seuil à 0,1 % devrait se faire sans heurt, et ses coûts marginaux pour les acteurs du marché devraient être négligeables puisque:
i)les acteurs du marché qui pratiquent la vente à découvert ont déjà mis en place des systèmes de surveillance des positions supérieures à 0,1 % tout au long de 2020 et 2021 (faible niveau de non-conformité);
ii)l’abaissement du seuil ne concerne que les notifications aux autorités compétentes, et non la communication d’informations au marché, de sorte qu’il ne devrait avoir aucune incidence sur les stratégies des personnes détentrices de positions courtes nettes.
Les conclusions de l’AEMF corroborent le point de vue de la Commission sur les évolutions récentes des marchés financiers, telles que leur instabilité causée par la pandémie de COVID-19, qui a incité les autorités de régulation et l’AEMF à recourir plus souvent à des mesures d’urgence en matière de vente à découvert, et le risque croissant que des investisseurs de détail soient impliqués dans des liquidations forcées, évolutions que la Commission a pu observer et qui montrent combien il est nécessaire, aux fins de la surveillance du marché, de recueillir en permanence des renseignements complémentaires sur les positions courtes nettes importantes sur actions. En outre, s’agissant des règles et des obligations en matière de déclaration, la Commission estime qu’il faut éviter l’incertitude et privilégier la stabilité. Le meilleur moyen de garantir la stabilité et la prévisibilité serait d’abaisser de manière permanente le seuil de notification à 0,1 %. Cette approche est beaucoup plus claire que celle consistant à déterminer un seuil au moyen d’une mesure temporaire, source d’incertitude au moment où sa date d’expiration potentielle approche.
1.2.Objectif du règlement délégué
L’objectif du présent règlement délégué est d’abaisser de 0,2 % à 0,1 % le seuil de notification pertinent des positions courtes nettes importantes sur actions aux autorités compétentes, visé à l’article 5, paragraphe 2, du règlement sur la vente à découvert (et d’ajuster en conséquence chaque palier de 0,1 % au-delà de ce seuil).
1.3.Contexte juridique
Le présent règlement délégué se fonde sur l’habilitation prévue à l’article 5, paragraphe 4, du règlement sur la vente à découvert et tient compte de l’avis émis par l’AEMF conformément à l’article 5, paragraphe 3, de ce même règlement.
2.CONSULTATION AVANT L’ADOPTION DE L’ACTE
L’AEMF n’a procédé à aucune consultation avant de formuler son avis, estimant qu’il aurait été disproportionné, au vu de l’urgence particulière de la question, de procéder à une consultation publique et à une analyse coûts-avantages complète. Compte tenu de l’impact de la crise de la COVID-19, de l’incertitude des perspectives économiques et du découplage entre l’économie réelle et les marchés financiers, l’AEMF a jugé qu’il fallait agir vite pour ajuster le seuil de notification et donner ainsi aux autorités compétentes la visibilité dont elles ont besoin pour assurer la surveillance du marché.
Le projet de règlement délégué a été publié sur le portail «Mieux légiférer» pour une période de consultation de quatre semaines du 15 juillet au 12 août 2021 et a été soumis le 19 juillet 2021 au groupe d’experts du comité européen des valeurs mobilières (EGESC) pour consultation, conformément aux principes définis dans l’accord interinstitutionnel «Mieux légiférer». Les réactions recueillies ont été attentivement examinées avant que la décision de procéder à l'adoption du règlement délégué ne soit prise.
3.ÉLÉMENTS JURIDIQUES DE L’ACTE DÉLÉGUÉ
Le droit d’adopter des actes délégués est prévu par l’article 42 du règlement sur la vente à découvert.
L’article 1er du présent règlement délégué modifie l’article 5, paragraphe 2, du règlement sur la vente à découvert en fixant le seuil de notification des positions courtes nettes importantes sur actions aux autorités compétentes à 0,1 % du capital en actions émis de l’entreprise concernée, puis à chaque palier de 0,1 % au-delà de ce seuil.
RÈGLEMENT DÉLÉGUÉ (UE) …/... DE LA COMMISSION
du 27.9.2021
modifiant le règlement (UE) nº 236/2012 du Parlement européen et du Conseil pour ajuster le seuil de notification pertinent des positions courtes nettes importantes sur actions
(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)
LA COMMISSION EUROPÉENNE,
vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,
vu le règlement (UE) nº 236/2012 du Parlement européen et du Conseil du 14 mars 2012 sur la vente à découvert et certains aspects des contrats d’échange sur risque de crédit, et notamment son article 5, paragraphe 4,
considérant ce qui suit:
(1)Le règlement (UE) nº 236/2012 établit l’obligation de notifier aux autorités compétentes les positions courtes nettes importantes constituées sur le capital en actions émis d’une entreprise dont les actions sont admises à la négociation sur une plate-forme de négociation de l’Union, lorsque ces positions franchissent à la hausse ou à la baisse le seuil de notification pertinent. La Commission doit vérifier si ce seuil de notification reste pertinent au regard de l’évolution des marchés financiers et s’il y a lieu de le modifier conformément à l’article 5, paragraphe 4, dudit règlement.
(2)Au début de 2020, une forte pression à la vente et une volatilité inhabituelle du prix des actions résultant de la pandémie de COVID-19 ont provoqué une importante spirale baissière qui a touché les émetteurs de tous les secteurs des marchés financiers. L’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF), usant des pouvoirs d’intervention qui lui sont conférés dans des circonstances exceptionnelles, a abaissé temporairement le seuil de notification pertinent des positions courtes nettes importantes sur actions, afin d’améliorer la surveillance qu’elle-même et les autorités de régulation exercent sur ces positions, de déterminer s’il y avait lieu d’adopter des mesures plus strictes et de pouvoir réagir plus rapidement.
(3)Étant donné que l’abaissement du seuil de notification pertinent des positions courtes nettes importantes sur actions qui est en vigueur depuis douze mois consécutifs ne peut plus, du fait de l’amélioration partielle des conditions de marché, être prorogé en tant que mesure d’urgence, il convient d’évaluer l’incidence de cette mesure et de déterminer s’il y a lieu de la rendre permanente en remplacement du seuil actuel. À cet égard, la Commission tient compte de l’avis émis par l’AEMF le 13 mai 2021.
(4)Les évolutions récentes des marchés financiers observées par la Commission, telles que l’instabilité causée par la pandémie de COVID-19, qui a incité les autorités de régulation et l’AEMF à recourir plus souvent à des mesures d’urgence en matière de vente à découvert, ainsi que le risque croissant que des investisseurs de détail soient impliqués dans des liquidations forcées, montrent qu’il est indispensable, aux fins de la surveillance du marché, de recueillir en permanence des renseignements complémentaires sur les positions courtes nettes importantes. À cet égard, l’AEMF a estimé dans son avis que l’abaissement du seuil de notification pertinent avait permis de renforcer sensiblement la transparence et le suivi des positions courtes nettes importantes sur actions, tant aux niveaux individuel et sectoriel qu’à l’échelle du marché, et ainsi d’améliorer l’efficacité réglementaire. L’AEMF a également estimé que, ce seuil étant appliqué depuis plusieurs mois par les acteurs du marché, les coûts marginaux de sa mise en œuvre devraient être négligeables pour eux. En outre, s’agissant des règles et des obligations en matière de déclaration, la Commission estime qu’il faut éviter l’incertitude et privilégier la stabilité. Dans ces conditions, et compte tenu des recommandations formulées par l’AEMF dans son avis, auxquelles la Commission souscrit, il convient de modifier le seuil de notification pertinent actuel et de le fixer de manière permanente à 0,1 %.
(5)Il y a donc lieu de modifier le règlement (UE) nº 236/2012 en conséquence,
A ADOPTÉ LE PRÉSENT RÈGLEMENT:
Article premier
À l’article 5 du règlement (UE) nº 236/2012, le paragraphe 2 est remplacé par le texte suivant:
«2.Un seuil de notification pertinent est un pourcentage égal à 0,1 % du capital en actions émis de l’entreprise concernée, et chaque palier de 0,1 % au-delà de ce seuil.».
Article 2
Le présent règlement entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.
Le présent règlement est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre.
Fait à Bruxelles, le 27.9.2021
Par la Commission
La présidente
Ursula VON DER LEYEN