ISSN 1977-0936

Journal officiel

de l'Union européenne

C 443

European flag  

Édition de langue française

Communications et informations

65e année
22 novembre 2022


Sommaire

page

 

I   Résolutions, recommandations et avis

 

RÉSOLUTIONS

 

Comité économique et social européen

 

571e session plénière du Comité économique et social européen — Session plénière intégralement en présentiel, 13.7.2022-14.7.2022

2022/C 443/01

Résolution du Comité économique et social européen: Contribution au programme de travail de la Commission européenne pour 2023

1

 

AVIS

 

Comité économique et social européen

 

571e session plénière du Comité économique et social européen — Session plénière intégralement en présentiel, 13.7.2022-14.7.2022

2022/C 443/02

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Imposition des télétravailleurs transfrontaliers et de leurs employeurs (avis d’initiative)

15

2022/C 443/03

Avis du Comité économique et social européen sur le thème L’identité numérique, la souveraineté en matière de données et la voie vers une transition numérique équitable pour les citoyens vivant dans la société de l’information (avis d’initiative)

22

2022/C 443/04

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Analyse du rôle de la société civile organisée dans le nouvel accord entre l’Union européenne et l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP), y compris la situation des accords de partenariat économique (APE) à cet égard (avis d’initiative)

29

2022/C 443/05

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Le nouveau Conseil du commerce et des technologies UE — États-Unis en action: priorités pour les entreprises, les travailleurs et les consommateurs et garanties nécessaires (avis d’initiative)

37

2022/C 443/06

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Politique de la jeunesse dans les Balkans occidentaux, dans le cadre du programme d’innovation pour les Balkans occidentaux (avis d’initiative)

44

2022/C 443/07

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Le coût de la non-Europe — Les avantages du marché unique (avis exploratoire)

51

2022/C 443/08

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Fiscalité de l’économie numérique (avis exploratoire à la demande de la présidence tchèque)

58

2022/C 443/09

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Égalité entre les hommes et les femmes (avis exploratoire à la demande de la présidence tchèque)

63


 

III   Actes préparatoires

 

Comité économique et social européen

 

571e session plénière du Comité économique et social européen — Session plénière intégralement en présentiel, 13.7.2022-14.7.2022

2022/C 443/10

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 2005/29/CE et 2011/83/UE pour donner aux consommateurs les moyens d’agir en faveur de la transition écologique grâce à une meilleure protection contre les pratiques déloyales et à de meilleures informations [COM(2022) 143 final — 2022/0092 (COD)]

75

2022/C 443/11

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité et modifiant la directive (UE) 2019/1937[COM(2022) 71 final]

81

2022/C 443/12

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 909/2014 en ce qui concerne la discipline en matière de règlement, la fourniture transfrontière de services, la coopération en matière de surveillance, la fourniture de services accessoires de type bancaire et les exigences applicables aux dépositaires centraux de titres de pays tiers [COM(2022) 120 final — 2022/0074 (COD)]

87

2022/C 443/13

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique [COM(2022) 105 final]

93

2022/C 443/14

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — COVID-19 — Soutenir la préparation et la réaction de l’UE: envisager l’avenir[COM(2022) 190 final]

101

2022/C 443/15

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Stratégie de l’Union européenne pour des textiles durables et circulaires[COM(2022) 141 final]

106

2022/C 443/16

Avis du Comité économique et social européen sur la feuille de route sur les technologies de sécurité et de défense [COM(2022) 61 final]

112

2022/C 443/17

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux indications géographiques de l’Union européenne pour les vins, les boissons spiritueuses et les produits agricoles, et aux systèmes de qualité pour les produits agricoles, modifiant les règlements (UE) no 1308/2013, (UE) 2017/1001 et (UE) 2019/787 et abrogeant le règlement (UE) no 1151/2012 [COM(2022) 134 final — 2022/0089 (COD)]

116

2022/C 443/18

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Faire des produits durables la norme[COM(2022) 140 final] et sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre pour la fixation d’exigences en matière d’écoconception applicables aux produits durables et abrogeant la directive 2009/125/CE [COM(2022) 142 final — 2022/0095 (COD)]

123

2022/C 443/19

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution) et la directive 1999/31/CE du Conseil du 26 avril 1999 concernant la mise en décharge des déchets [COM(2022) 156 final — 2022/0104 (COD)] et sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la communication des données environnementales des installations industrielles et la création d’un portail sur les émissions industrielles [COM(2022) 157 final — 2022/0105 (COD)]

130

2022/C 443/20

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Sécurité de l’approvisionnement et prix de l’énergie abordables: options pour des mesures immédiates et la préparation de l’hiver prochain[COM(2022) 138 final]

140

2022/C 443/21

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des mesures spécifiques et temporaires relatives aux documents du conducteur délivrés par l’Ukraine conformément à sa législation, compte tenu de l’invasion de l’Ukraine par la Russie [COM(2022) 313 final — 2022/0204 (COD)]

144

2022/C 443/22

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive (UE) 2018/2001 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, la directive 2010/31/UE sur la performance énergétique des bâtiments et la directive 2012/27/UE relative à l’efficacité énergétique [COM(2022) 222 final]

145


FR

 


I Résolutions, recommandations et avis

RÉSOLUTIONS

Comité économique et social européen

571e session plénière du Comité économique et social européen — Session plénière intégralement en présentiel, 13.7.2022-14.7.2022

22.11.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 443/1


Résolution du Comité économique et social européen: Contribution au programme de travail de la Commission européenne pour 2023

(2022/C 443/01)

Rapporteurs:

Mariya MINCHEVA

Stefano PALMIERI

Kinga JOÓ

Base juridique

Article 52, paragraphe 4, du règlement intérieur

Adoption en session plénière

14.7.2022

Session plénière no

571

Résultat du vote

(pour/contre/absentions)

196/0/0

1.   Introduction

1.1.

La pandémie et la guerre en Ukraine ont démontré la nécessité impérieuse pour l’Union de se préparer parfaitement pour parer à tout événement imprévu. Cette obligation met en lumière l’importance des activités de prospective pour détecter les signaux faibles et élaborer divers scénarios et, ainsi, permettre aux responsables politiques de l’Union, aux partenaires sociaux et à d’autres acteurs de la société civile d’améliorer la résilience, de faire face aux risques encourus et de saisir les occasions éventuelles. Le Comité économique et social européen (CESE) insiste pour que les activités de prospective stratégique accordent une place beaucoup plus importante aux évolutions géopolitiques, non seulement en Europe, mais également à l’échelle internationale (1), sans négliger leurs conséquences sur la sécurité, le commerce, les réfugiés et l’intégration de ces derniers dans leur pays d’accueil.

1.2.

La pandémie et la guerre ont également mis en évidence le pouvoir et l’importance de la société civile et de ses institutions, en ce sens qu’elles contribuent à atténuer les répercussions des crises et apportent une assistance à la population. Le CESE exhorte par conséquent la Commission à apprécier à sa juste valeur l’importance de la société civile et de ses institutions en leur accordant une place centrale dans les politiques de l’Union.

1.3.

La puissance mondiale de l’Union découle des valeurs communes qu’elle incarne, qui reposent sur la démocratie, sur l’état de droit et sur son modèle social. Les chocs successifs démontrent qu’il importe de faire en sorte que l’économie européenne gagne en résilience et d’amortir les effets secondaires des différentes crises, en l’occurrence l’inflation, la hausse des prix de l’énergie et des matières premières, les pénuries d’approvisionnement ou encore les perturbations des chaînes d’approvisionnement. L’Europe doit non seulement réduire ses dépendances et sa vulnérabilité vis-à-vis de fournisseurs peu fiables, mais également former des coalitions avec des partenaires attachés aux mêmes principes et diversifier ses sources d’approvisionnement.

1.4.

Outre le domaine de l’énergie, la Russie et l’Ukraine ont un poids considérable dans les importations européennes de métaux, qui sont indispensables pour plusieurs industries stratégiques (2). Les deux pays sont d’importants exportateurs de produits agricoles, tels que les céréales et les oléagineux. La perturbation des exportations en provenance de ces pays a déjà entraîné à l’échelle mondiale des hausses de prix phénoménales des produits agricoles de base. Les conséquences se font sentir en particulier dans les pays les plus pauvres du monde — et les populations les plus pauvres sont celles qui en souffriront le plus. Dans cette optique, le CESE insiste une nouvelle fois sur l’importance pour l’Europe d’atteindre plus rapidement son autonomie stratégique et technologique, et souligne la nécessité de limiter nos dépendances en matière d’énergie, de matières premières critiques et de produits alimentaires (3).

1.5.

Pour éviter des conséquences économiques et sociales trop graves, la politique énergétique de l’Union doit être réaliste et contribuer à la mise sur pied de l’union de l’énergie, à la réalisation des objectifs climatiques, sans faire peser de charge supplémentaire sur les consommateurs et les travailleurs vulnérables ni nuire à la compétitivité des entreprises européennes. L’Union doit œuvrer à la réalisation de ses objectifs ambitieux en matière de climat, tout en garantissant la stabilité et la sécurité de l’approvisionnement énergétique à un coût abordable pour les entreprises et les citoyens.

1.6.

Les sociétés européennes ont déjà été touchées de plein fouet par la pandémie, et ce sont une fois encore leurs membres les plus vulnérables qui paient le plus lourd tribut à la crise actuelle. Les politiques de l’Union devront être aussi placées sous le signe de la solidarité et de la convergence sociale: la réponse à la guerre en Ukraine sera coûteuse pour tous, et nous devrons veiller à ce que les charges soient réparties de manière équitable. La Commission pourrait poursuivre les discussions avec les États membres sur d’éventuels outils à long terme, à savoir les régimes de réassurance chômage, de manière à faire face à des problèmes systémiques que la crise actuelle n’a fait qu’aggraver. Les effets de l’instrument SURE et son éventuelle utilisation ultérieure devraient être également analysés et débattus avec les partenaires sociaux.

1.7.

Le CESE invite la Commission à continuer de faire de l’amélioration de la législation une priorité, et demande à celle-ci ainsi qu’aux législateurs de l’Union d’approfondir et de faire progresser de manière cohérente le système européen d’amélioration de la réglementation sous tous ses aspects et d’utiliser systématiquement les outils et lignes directrices pour une meilleure réglementation dans le cadre de leurs travaux. À cette fin, le CESE encourage la Commission à continuer de promouvoir les principes et les outils d’amélioration de la réglementation dans l’ensemble de ses services.

1.8.

Il convient que le développement durable devienne un objectif général de chaque politique, programme et mesure de l’Union. Pour stimuler la reprise après les crises, la Commission et les États membres devraient définir et viser des politiques et des initiatives qui offrent des avantages à la fois économiques, sociaux et environnementaux, et qui permettent en l’occurrence de renforcer l’environnement des affaires, d’améliorer les conditions de travail et de vie et de favoriser la transition vers une économie circulaire et neutre sur le plan climatique.

1.9.

La reprise et la résilience de l’Union face aux crises sont étroitement liées à la croissance durable, la convergence sociale, à un environnement favorable aux affaires, ainsi qu’à une évolution positive de l’emploi et des conditions de travail, dans le droit fil du pacte vert pour l’Europe, du socle européen des droits sociaux et de son plan d’action, mais aussi des objectifs de développement durable. Toute mesure politique devant être adoptée doit viser à promouvoir des entreprises durables, l’esprit d’entreprise et la création d’emplois, ainsi qu’à améliorer les conditions de travail et les conditions de vie.

1.10.

Malgré l’urgence de la situation actuelle, il est primordial de ne pas perdre de vue les fondamentaux de l’Union européenne, et notamment la mise en œuvre effective du marché unique, ou encore les besoins à long terme, comme la neutralité climatique à l’horizon 2050 ou la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, si l’on entend garantir la réussite à venir des personnes et des entreprises. La Commission devrait par conséquent continuer de faciliter et d’encourager les investissements dans la recherche et l’innovation, en gardant bien à l’esprit qu’il est de plus en plus nécessaire de trouver des solutions pour gagner en résilience face aux risques géoéconomiques, sociétaux, sanitaires et environnementaux.

1.11.

Si l’Union entend renforcer sa position dans le monde, elle doit non seulement consolider le marché intérieur et réduire ses dépendances stratégiques, mais également améliorer ses exportations. La Commission devrait étudier la manière d’accroître la compétitivité des entreprises européennes en général et, plus particulièrement, de renforcer leur position sur les marchés mondiaux des technologies, des produits et des solutions répondant aux grandes tendances et aux enjeux mondiaux tels que le changement climatique. Elle doit également renforcer les capacités de son secteur de la santé, en améliorant la recherche et les méthodologies pour gérer les demandes croissantes de soins ainsi que d’éventuelles pandémies futures. Puisque les normes créent des marchés, il s’agit notamment de soutenir le développement et la promotion internationale des normes par les entreprises et les innovateurs européens.

1.12.

Si l’on veut que l’Union parvienne à jouer un rôle plus important sur la scène internationale, il faut que les États membres agissent de concert dans un profond esprit d’unité. La Commission devrait exploiter l’unité que les crises ont permis de réaliser et trouver les moyens de conforter la reprise et la compétitivité de l’Union à long terme, mais aussi d’améliorer le bien-être des citoyens en recourant de manière croissante à l’innovation et aux compétences plutôt qu’aux aides d’État ou en faisant obstacle au commerce et à la coopération. Dans ses relations avec le reste du monde, l’Union devrait continuer à contribuer à l’éradication de la pauvreté et à la protection des droits humains.

2.   Le pacte vert pour l’Europe

2.1.

Le CESE appuie la mise en œuvre du pacte vert pour l’Europe et souligne que celle-ci doit intervenir de manière équitable sur le plan social et dans le respect de la sécurité alimentaire européenne ainsi que de la sécurité de l’approvisionnement énergétique à un prix abordable. Cela s’applique, entre autres, au paquet «Ajustement à l’objectif 55», qui aura une incidence inégale sur les secteurs économiques, les entreprises, les régions, les collectivités et les citoyens dans toute l’Europe. Le CESE souligne que la participation active des partenaires sociaux et des organisations de la société civile concernées est essentielle, que ce soit en phase de planification ou en phase de mise en œuvre. Il est crucial d’encourager les citoyens et les groupes de parties prenantes à se mobiliser pour participer activement à la transition vers une société à faible intensité de carbone.

2.2.

Le CESE relève que les initiatives prises dans le cadre du pacte vert pour l’Europe doivent être complémentaires et se renforcer mutuellement dans les domaines du climat, de l’énergie, des transports, du bâtiment, de l’industrie, de l’exploitation forestière et des systèmes alimentaires, afin de parvenir à une économie européenne compétitive, équitable, circulaire et neutre sur le plan climatique. Le CESE préconise également d’améliorer la complémentarité des transitions écologique et numérique.

2.3.

Afin de surveiller les progrès accomplis dans la transition vers une croissance durable sur le plan économique, social et environnemental, conformément au pacte vert pour l’Europe, le CESE préconise d’élaborer des indicateurs appropriés, qui ne soient plus axés sur le PIB. Un tableau de bord concis intitulé «Au-delà du PIB» devrait être développé et intégré au tableau de bord du pacte vert pour l’Europe ainsi qu’au processus de gouvernance économique de l’UE. Ils doivent apporter des informations quant au développement des politiques, améliorer la communication et encourager la fixation des objectifs.

2.4.

Le CESE soutient l’objectif de la taxinomie européenne des activités durables («taxinomie de l’UE») qui consiste à orienter les investissements vers des projets et des activités durables. À cette fin, la Commission a élaboré une panoplie de règles pour déterminer ce qui peut être qualifié d’investissement «environnemental ou «vert». Le CESE appelle à développer la taxinomie d’une manière qui tienne compte des besoins de la société, tels que la sécurité de l’approvisionnement en énergie et en matières premières et matières premières essentielles, et à mettre davantage l’accent sur les aspects de durabilité sociale tels que les droits du travail et les droits de l’homme, tout en respectant les compétences des États membres et les différents systèmes de relations industrielles, ainsi que la faisabilité d’une évaluation objective dans le contexte de l’accès au financement. Dès le début du pacte vert, le CESE fait valoir que le pacte vert ne peut, aujourd’hui comme demain, fonctionner que s’il est également d’un pacte social. Pour ce qui concerne les aspects sociaux de la taxinomie, le CESE élabore actuellement un avis d’initiative intitulé: «Taxinomie sociale: enjeux et possibilités» La taxinomie devrait également être utilisée aux fins de la norme de l’Union en matière d’obligations vertes. Le CESE estime qu’il importe d’harmoniser les taxinomies à l’échelle internationale dans le cadre de la plateforme internationale sur la finance durable.

2.5.

Le CESE demande à la Commission de proposer des mesures supplémentaires, afin de renforcer la dimension socioprofessionnelle et du travail du pacte vert pour l’Europe, en l’assortissant d’objectifs sociaux ambitieux, conformément à la déclaration de Porto, au socle européen des droits sociaux et aux principes directeurs de l’Organisation internationale du travail (OIT) pour une transition juste. Plus particulièrement, le CESE invite les institutions de l’Union à cartographier et à analyser en détail les incidences de la transition écologique sur l’emploi et les compétences dans les différents pays, régions et secteurs, y compris sur les sous-traitants et les chaînes de valeur situées en aval. Il demande également de garantir que les plans nationaux en matière d’énergie et de climat prévoient des stratégies de transition juste. En outre, il importe d’anticiper et de gérer les changements qui interviendront dans le monde du travail, notamment au moyen d’un soutien ciblé, en renforçant par exemple les compétences nécessaires, en assurant une protection sociale et en associant tous les acteurs concernés au façonnement de la transition, mais aussi de propositions supplémentaires visant à mobiliser des investissements publics et privés substantiels pour appuyer les transitions ainsi qu’à augmenter considérablement la taille et la portée du Fonds pour une transition juste, afin de pouvoir relever les défis en présence.

2.6.

Le CESE demande de veiller à ce que le cadre réglementaire de l’Union permette aux entreprises de son territoire, y compris les PME, d’être en première ligne de l’activité écologique, tout en prévenant le risque de délocalisation et en garantissant une protection contre les importations dont l’incidence négative sur l’environnement est plus sensible. Les industries énergivores sont concernées au premier chef. Le CESE préconise également d’aider les petites et moyennes entreprises (PME) à mieux comprendre et gérer les exigences climatiques et environnementales de plus en plus nombreuses auxquelles elles doivent répondre directement et indirectement.

2.7.

Le CESE demande d’apporter un soutien appuyé à l’innovation dans les industries, afin de mettre au point et de déployer des technologies, des matériaux, des produits, des processus de production et des modèles commerciaux écologiques, en favorisant, par exemple, les programmes sur l’hydrogène, les batteries, les semi-conducteurs, la capture et l’utilisation du carbone, ainsi que les pratiques d’économie circulaire dans divers domaines tels que l’emballage.

2.8.

Afin de renforcer l’influence à l’échelle planétaire de l’Union européenne sur l’atténuation du changement climatique, cette dernière devrait conférer aux industries européennes des conditions de concurrence qui leur permettraient de saisir les possibilités d’exportation offertes par la demande mondiale de technologies et de solutions en matière de lutte contre le changement climatique et, partant, d’accroître action positive de l’Union en matière de carbone.

2.9.

Les alliances industrielles se révèlent une méthode efficace pour développer des projets industriels transfrontières et à grande échelle dans des domaines stratégiques. Ces alliances industrielles, tout comme les projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC), jouent un rôle crucial pour stimuler la relance et promouvoir des normes européennes et des technologies clés, en particulier dans les domaines où le marché n’est pas en mesure, à lui seul, de produire des résultats, ou s’il subit des distorsions.

2.10.

Les progrès vers une véritable union de l’énergie devraient être conformés pour assurer la transition énergétique vers un système énergétique abordable, sûr, compétitif, fiable et durable. Compte tenu des difficultés que pose actuellement la guerre en Ukraine, la Commission devrait se concentrer sur les mesures qui apportent le plus d’avantages sur le plan de l’ensemble des objectifs de l’union de l’énergie et contribuent simultanément aux défis urgents et aux objectifs à plus long terme.

2.11.

La situation en Ukraine a donné lieu à la communication RePowerEU (4), suivie, à la demande du Conseil européen, du plan RePowerEU, assorti de propositions (5) qui, si elles sont correctement mises en œuvre, peuvent de façon très significative accélérer l’indépendance énergétique et la durabilité de l’Union européenne. Si l’on veut s’affranchir du gaz et des autres combustibles fossiles de la Russie, nous devons à la fois diversifier d’urgence nos fournisseurs et nos sources d’énergie, renforcer la solidarité et adopter des mesures à plus long terme, afin de favoriser la transition vers la neutralité carbone, en prenant en considération les caractéristiques des différents États membres et régions et les autres sources disponibles. Toutefois, pour garantir le succès du processus, il conviendra de mobiliser suffisamment d’investissements privés et publics, en tirant pleinement parti, entre autres, des fonds de la facilité pour la reprise et la résilience ou encore de la politique de cohésion. Comme cela a déjà été relevé (6), la réduction de deux tiers de la demande de gaz russe d’ici la fin de 2022 représente une tâche ardue qui impliquera, d’une part, une diversification, et surtout, à court terme, par un recours au GNL et au biométhane, et d’autre part, grâce à l’efficacité énergétique et à l’expansion des énergies renouvelables. Il conviendra d’éviter des blocages d’infrastructures susceptibles de créer des limitations futures pour d’autres solutions de remplacement réalistes, et de concentrer autant que possible les investissements sur les énergies renouvelables et les infrastructures de soutien. Les partenaires sociaux et la société civile doivent être étroitement associés à l’élaboration de ces politiques pour veiller à ce qu’elles soient durables et qu’elles donnent des résultats. Par ailleurs, pour mieux répondre aux crises extérieures, il s’imposerait de mettre en place une structure de coordination permanente au Conseil de l’Union européenne.

2.12.

La poursuite de l’intégration du marché de l’énergie européen jouera un rôle important pour renforcer le caractère abordable et la sécurité de l’approvisionnement énergétique. À cette fin, il convient de déployer une capacité d’interconnexion suffisante (7) ainsi que l’infrastructure nécessaire correspondante, en particulier dans les «îlots énergétiques» (comme la péninsule ibérique (8)). Pour promouvoir un avantage concurrentiel européen dans le domaine des énergies renouvelables et veiller à ce que le déploiement des énergies renouvelables ne compromette pas la sécurité de l’approvisionnement, il faut élaborer une feuille de route réaliste de développement et de déploiement d’une infrastructure efficace pour les énergies renouvelables, comprenant des capacités de stockage et une interconnexion de transport suffisante permettant d’exporter la production excédentaire vers d’autres États membres. Les États membres doivent accélérer l’octroi des autorisations dans le but de déployer rapidement les infrastructures d’énergie propre.

2.13.

Si elle veut rendre les conditions de concurrence plus équitables, l’Union doit promouvoir la tarification mondiale du carbone. La taxe carbone devrait être développée et rationalisée pour refléter l’incidence climatique de manière symétrique et prendre en considération les mesures qui visent à séquestrer le carbone présent dans l’atmosphère. En outre, il y aurait lieu que CESE poursuive son objectif qui est de supprimer progressivement les subventions soutenant des sources d’énergie néfastes pour le climat et l’environnement, tout en veillant à ce que la transition vers une économie neutre pour le climat se déroule de manière équitable.

2.14.

La hausse actuelle des prix de l’énergie représente une immense menace, tant sur le plan de l’augmentation de la précarité énergétique que sur celui de la perte de compétitivité pour les entreprises consommatrices d’énergie. Le CESE préconise de prendre des mesures qui permettent d’atténuer efficacement les répercussions de la hausse des prix de l’énergie et de prévenir la précarité énergétique, y compris auprès des ménages de l’Union. Des mesures temporaires et bien ciblées visant à limiter l’impact de la flambée des prix de l’énergie sont également nécessaires pour aider les PME et les industries à forte intensité énergétique à survivre à la crise.

2.15.

Dans le cadre plus large d’une réflexion à long terme sur la manière dont le marché de l’énergie réagit aux chocs, il importe de s’attaquer aux causes profondes des hausses des prix de l’énergie — à l’heure actuelle du prix du gaz —, comme l’a suggéré l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER), sur la base de son évaluation récente (9) de l’organisation et du système de tarification actuels du marché de l’électricité. Par ailleurs, un réexamen pourrait être envisagé pour ce qui concerne les marchés où la concentration de l’approvisionnement énergétique est élevée et où, par conséquent, le fonctionnement normal peut être faussé.

2.16.

Si l’on veut placer les citoyens et les consommateurs au centre de la transition énergétique, il s’impose de favoriser les communautés énergétiques ainsi que l’appropriation locale et de transformer les consommateurs d’énergie en prosommateurs. Le CESE plaide en faveur de campagnes d’information, de consultation et d’éducation transparentes, afin d’encourager l’engagement des citoyens dans la transition énergétique.

2.17.

Le CESE préconise également d’accorder une plus grande attention aux problèmes de transition vers une société neutre en carbone, en particulier pour ce qui concerne les industries qui, pour des raisons techniques ou financières diverses, ont besoin de temps pour s’adapter et maintenir leur compétitivité sur le marché.

2.18.

Le CESE a salué l’actualisation du règlement RTE-T dans l’optique de mieux répondre aux objectifs et aux besoins actuels. Il convient de définir de façon plus attentive les priorités et d’élaborer un réseau qui relie toutes les capitales, les grandes villes, les ports, les aéroports et les terminaux des États membres, sur la base des corridors européens. Les corridors devraient comprendre, le cas échéant, des «ponts maritimes» ou des liaisons maritimes régulières à haute densité entre les ports de corridor. Sur le plan de la cohésion territoriale, le CESE estime qu’il convient de consolider les connexions entre les corridors du réseau central et l’échelon régional, urbain et local. Il convient également de recenser les écarts entre les exigences techniques relatives au RTE-T et celles qui concernent la mobilité militaire, afin de parvenir à un double usage des infrastructures de transport.

2.19.

Compte tenu des délais relativement longs associés aux projets RTE-T, le CESE est partisan de l’instauration d’un cadre européen de réglementation et de financement grâce auquel les corridors et les projets bénéficient d’une stabilité à moyen et à long terme jusqu’à l’achèvement du réseau européen. Le CESE plaide également en faveur de plans nationaux d’urgence visant à financer l’entretien ordinaire et extraordinaire des infrastructures RTE-T et d’un plan de surveillance du réseau central à l’échelle européenne.

2.20.

Compte tenu du rôle essentiel que joue l’aviation pour l’Union, le CESE préconise une approche globale et efficace pour favoriser la reprise et la croissance d’une aviation durable.

2.21.

Afin de contribuer à la réduction des émissions du transport routier, le CESE demande d’instaurer des conditions réglementaires propices à l’utilisation de véhicules et d’ensemble de véhicules de transport de marchandises plus grands et plus lourds dans et entre les États membres concernés. La Commission devrait examiner les problèmes futurs et spécifiques du transport de marchandises, ainsi que la pénurie prévue de conducteurs de poids lourds annoncée dans les années à venir, tant pour ce qui concerne l’absence de renouvellement des générations que des conditions de travail difficiles. Dans ce contexte, le développement du fret multimodal est important pour améliorer l’attractivité du fret ferroviaire dans le cadre d’une chaîne logistique complète, ainsi que pour améliorer les conditions de travail des travailleurs du secteur des transports.

2.22.

Le CESE salue l’élaboration du cadre de l’Union pour la mobilité urbaine et préconise de rendre les transports urbains, en particulier les transports en commun, plus inclusifs, de façon à promouvoir l’égalité des chances pour les citoyens.

2.23.

Pour conforter la mobilité durable et intelligente, le CESE invite la Commission à faire un geste fort en lançant des projets numériques à grande échelle dans le domaine des transports, ce qui est primordial, par exemple, pour une multimodalité efficace et une utilisation optimale des capacités.

2.24.

Puisque les systèmes énergétiques, numériques et de transport sont de plus en plus liés entre eux, il s’impose de mettre en place des réseaux intégrés dans ces domaines. Afin d’améliorer les synergies et de renforcer la résilience de l’ensemble des infrastructures, le CESE préconise d’examiner les principaux goulets d’étranglement et vulnérabilités en ce qui concerne l’interconnexion de ces systèmes à court et à plus long terme.

2.25.

Le CESE demande également d’accroître la résilience des réseaux d’énergie et de transport et des réseaux numériques face au changement climatique, aux risques naturels et aux catastrophes d’origine humaine, afin d’engendrer la valeur de l’infrastructure et de la maintenir dans la durée. Dans l’ensemble, le CESE plaide en faveur de mesures visant à renforcer l’adaptation au changement climatique et aux effets qui en découlent.

2.26.

Pour préserver la durabilité des systèmes alimentaires et la compétitivité des producteurs européens, le CESE demande de favoriser une autonomie stratégique ouverte, y compris une meilleure autonomie protéique, de garantir la réciprocité des normes commerciales (économiques, sociales, environnementales), de promouvoir la recherche, de renforcer la numérisation, de mettre au point des technologies ainsi que des semences innovantes et de promouvoir des prix équitables y compris des coûts d’intrants plus élevés et des coûts de durabilité accrue.

2.27.

La politique agricole commune et la politique commune de la pêche doivent grandement contribuer à la mise en place de systèmes alimentaires plus durables et plus résilients. Il y a lieu de garantir une participation large et organisée de la société civile à la mise en œuvre de la stratégie «De la ferme à la table». La proposition de cadre législatif pour des systèmes alimentaires durables devrait comporter des objectifs clairs, des indicateurs ainsi qu’un mécanisme de suivi et un tableau de bord solides.

3.   Une Europe adaptée à l’ère du numérique

3.1.

La pandémie et la guerre en Ukraine ont fait ressortir l’importance capitale des technologies numériques et la nécessité pour l’Union de renforcer sa souveraineté dans ce domaine. Le CESE s’est félicité de la «boussole numérique» et de la «voie à suivre pour la décennie numérique». Il préconise de mettre efficacement en place le mécanisme de gouvernance et de faciliter la mise en œuvre rapide des objectifs. La pandémie a également mis en évidence les problèmes que la transition numérique est susceptible de poser. Le CESE demande de renforcer le dialogue social aux niveaux européen, national et sectoriel, de sorte que celle-ci soit également une transition juste.

3.2.

Le CESE estime qu’il est essentiel que la Commission et les États membres coopèrent pour évaluer les progrès accomplis et arrêter les mesures nécessaires pour réaliser les objectifs, notamment dans le cadre de projets associant plusieurs pays. Le CESE demande également que le rapport sur l’état d’avancement de la décennie numérique contribue au partage des connaissances et des bonnes pratiques entre les États membres.

3.3.

Le CESE a souligné la nécessité d’une transformation numérique durable, centrée sur l’humain et inclusive, qui fonctionne pour tout le monde, sans creuser davantage la fracture numérique actuelle ni créer de nouvelles inégalités, en garantissant aux travailleurs de bonnes conditions de travail, l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, ainsi que la santé et la sécurité. À cette fin, il importe également d’anticiper et de gérer les changements qui interviendront dans le monde du travail, en recourant au dialogue social à différents niveaux, en renforçant les compétences nécessaires et en garantissant les conditions de travail appropriées, y compris dans le télétravail et le travail via une plateforme, en continuant d’évaluer, à l’échelle de l’Union, ce que l’on a coutume d’appeler le droit à la déconnexion.

3.4.

Les investissements dans des infrastructures numériques qui garantissent une meilleure accessibilité et le développement du marché unique des données sont indispensables et constituent les catalyseurs essentiels d’un véritable progrès numérique dans toutes les régions de l’Union. Le CESE demande que des mesures visant à favoriser la libre circulation des données soient efficacement mises en œuvre, tout en veillant à une protection appropriée des données, de la vie privée et de la propriété intellectuelle.

3.5.

L’Union devrait continuer à progresser sur la voie de la mise en place d’un système de connectivité spatiale sécurisé et autonome pour la fourniture de services de communication par satellite garantis et résilients, ce qui favorisera une connectivité à haut débit et sans discontinuité dans toute l’Europe.

3.6.

Le CESE estime qu’il importe de poursuivre la mise au point de systèmes de transport intelligents en vue de la création d’un espace européen commun de données relatives à la mobilité, qui se traduira par une efficacité accrue et de meilleures conditions de travail, ainsi qu’une multimodalité sans discontinuité.

3.7.

Le CESE estime raisonnable de s’appuyer sur des acteurs de marché européens puissants pour mettre en place des services financiers numériques. Le CESE estime qu’il convient d’agir de toute urgence pour rendre le secteur des cryptoactifs transparent et protéger les utilisateurs finaux de la finance numérique, garantir la stabilité financière, préserver l’intégrité du secteur financier de l’Union et assurer des conditions de concurrence égales aux différents acteurs du système économique et financier, ainsi que pour orienter le secteur des cryptoactifs vers des mécanismes d’exploitation plus durables et moins énergivores.

3.8.

Les qualifications et les compétences étant un catalyseur essentiel de la transformation numérique, le CESE demande de chercher continuellement des moyens permettant à la fois d’accroître les talents de haut niveau et d’améliorer les qualifications et les compétences des citoyens et des travailleurs, afin d’exploiter au mieux les perspectives offertes par la numérisation et de gérer les risques y afférents.

3.9.

Afin de renforcer l’excellence de l’Union dans le domaine de la numérisation, les entreprises européennes ont besoin de conditions propices pour pouvoir innover, investir et exercer leurs activités face à leurs concurrentes étrangères. Étant donné que les coopératives revêtent un intérêt tout particulier pour appuyer une participation inclusive à la gouvernance des plateformes numériques, le CESE demande instamment de prendre des initiatives visant à favoriser la mise en place de plateformes numériques coopératives.

3.10.

Les actions visant à promouvoir l’innovation doivent encourager toutes les entreprises, y compris les microentreprises, les petites et moyennes entreprises (MPME) et les entreprises de l’économie sociale, de manière à ce qu’elles puissent participer au progrès et en bénéficier. Le CESE estime qu’il importe d’améliorer l’adoption de l’intelligence artificielle (IA) et d’autres technologies de pointe, mais qu’il convient également de reconnaître que de nombreuses PME éprouvent des difficultés à adopter ne serait-ce que les technologies numériques de base.

3.11.

Il est de plus en plus important pour tous les acteurs, y compris tout au long des chaînes de valeur, d’accorder une attention toute particulière à la cybersécurité, un constat qui s’est fait d’autant plus jour sous l’effet des crises, afin de veiller au bon fonctionnement de l’économie et de la société et de maintenir les connexions internationales. Cet impératif exige que l’action des États membres soit renforcée et que la Commission facilite leur coopération. Il importe également, et plus que jamais, de lutter contre la désinformation, tout en veillant à ce qu’elle ne serve pas de prétexte pour limiter les libertés publiques, en particulier la liberté d’expression.

3.12.

Le CESE demande de mobiliser des financements à la fois publics et privés pour faciliter les investissements dans la recherche et l’innovation, l’éducation et la formation, mais aussi les infrastructures techniques. Le cadre réglementaire est, de manière générale, un autre élément déterminant pour le développement numérique. Le CESE juge important que la réglementation évolue de manière à favoriser l’innovation, les investissements et l’égalité des conditions de concurrence, dans le respect des droits de l’homme et des objectifs environnementaux et climatiques.

3.13.

Étant donné que la numérisation demeure un moteur important de la croissance économique mondiale, le CESE estime que les politiques en matière de fiscalité dans l’économie numérisée doivent avoir pour objectif de favoriser, et non d’entraver, la croissance économique ainsi que le commerce et les investissements transfrontières.

3.14.

Il importe également que les activités numériques soient fondées sur des règles et marquées par une égalité de concurrence à l’échelle internationale; le marché unique constitue un tremplin pour que l’Union conserve son rôle d’acteur mondial influent et puissant. Le CESE demande de recourir à un large éventail d’instruments, de l’action diplomatique à la coopération à l’innovation, en passant par les accords commerciaux, pour promouvoir l’approche centrée sur l’humain et la fiabilité des technologies numériques. Pour être un acteur mondial de référence, l’Union doit également être compétitive sur la scène internationale, ce qui appelle une coopération étroite des États membres.

4.   Une économie au service des personnes

4.1.

Le contexte économique et social actuel, déjà marqué par un niveau élevé d’incertitude lié à la pandémie de COVID-19, qui n’est pas encore derrière nous, est exacerbé par la guerre en Ukraine et la montée des tensions géopolitiques avec la Russie. Il est essentiel que les États membres renforcent et coordonnent efficacement leurs politiques économiques, sanitaires et sociales, remédient efficacement aux déséquilibres macroéconomiques et garantissent des finances publiques saines. Dans le même temps, ils doivent impérativement améliorer la qualité et la composition de leurs investissements publics afin de débloquer les ressources financières nécessaires, y compris en encourageant les investissements privés, pour soutenir la transformation socioécologique de l’économie, dans l’optique de promouvoir un niveau d’emploi élevé, des emplois de qualité, le bien-être et la garantie d’un revenu adéquat, tout en veillant à ce qu’ils ne réduisent pas la motivation des personnes à être actives sur le marché du travail.

4.2.

L’Union devrait accorder la priorité à la définition d’un avantage concurrentiel pour l’industrie et les emplois de l’Union européenne en tant que clés de la prospérité, ainsi que sur la lutte contre les inégalités et la pauvreté dans le processus de relance. Le socle européen des droits sociaux (SEDS) en tant qu’instrument directeur de la politique sociale de l’Union devrait être au cœur de la stratégie de relance afin de garantir que la reprise soit à la fois économique et sociale. L’Union devrait accorder une attention particulière au soutien des groupes vulnérables, au moyen de politiques actives et inclusives associées à des services sociaux primordiaux et émancipateurs.

4.2.1.

Compte tenu de leur succès conjoncturel, il faut voir dans Next Generation EU et la facilité pour la reprise et la résilience des instruments efficaces permettant de réagir à la crise actuelle provoquée par la guerre laquelle risque d’engendrer des effets désastreux sur l’économie européenne. Ces outils complètent les mécanismes structurels existants pour favoriser la croissance économique et la convergence vers le haut, protéger les conditions de vie et garantir la paix et la stabilité sociales au sein de l’Union.

4.3.

L’Union et les États membres devraient prendre des mesures visant à atténuer l’incidence de la guerre en Ukraine, à la fois pour réduire autant que possible la hausse des prix et des coûts de l’énergie pour les ménages et les entreprises, mais également pour soutenir l’économie et l’emploi en adaptant les mesures d’urgence. Afin d’aider les entreprises de l’Union, quelle que soit leur taille, à faire face aux crises et à être en mesure de créer et de préserver des emplois, la Commission devrait surveiller en permanence les incidences qu’ont la pandémie et la guerre sur elles et être disposée à prendre les mesures de soutien temporaire nécessaires, tout en veillant à l’égalité des conditions de concurrence.

4.4.

Le Comité économique et social européen (CESE) souscrit pleinement à l’objectif qui vise à réorienter les investissements dans l’optique de soutenir la transition de l’économie européenne vers la durabilité. Ce faisant, il est nécessaire d’être vigilant face aux pratiques trompeuses de «blanchiment d’image» en lien avec l’écologie ou la durabilité. Le Comité souhaite que la Commission associe activement les partenaires sociaux et la société civile à la conception et la mise en œuvre des financements durables.

4.5.

Les États membres de l’Union doivent disposer d’une marge de manœuvre budgétaire appropriée pour parer aux conséquences économiques et sociales de la guerre en Ukraine, ce qui rend d’autant plus urgente la nécessité de réviser le cadre de gouvernance économique de l’Union. Toutefois, les États membres doivent assainir leurs finances publiques en période de croissance pour avoir la capacité de réagir en période de récession. Dans cette même optique, le CESE réitère sa mise en garde contre la désactivation prématurée de la clause dérogatoire générale.

4.5.1.

En outre, le CESE appelle de ses vœux un cadre de gouvernance économique révisé, rééquilibré et axé sur la prospérité, qui accorde la même importance à un ensemble d’objectifs politiques clés tels qu’une croissance durable et inclusive, le plein emploi et un travail décent, une économie sociale de marché compétitive et des finances publiques stables. Une économie européenne compétitive, qui soit aussi durable sur les plans social et environnemental, est une condition préalable au renforcement de la prospérité de tous les Européens.

4.5.2.

En outre, les économies dans lesquelles les politiques budgétaires nationales reconnaissent la nécessité de constituer en période de croissance des réserves sur leurs rentrées, tout en consentant les investissements nécessaires pour garantir la prospérité future, seront plus résilientes pour lutter contre les effets négatifs d’une récession économique.

4.5.3.

Une mise en œuvre correcte du pacte de stabilité et de croissance, révisé à la suite de la conclusion du réexamen en cours, lequel sera de préférence assorti de règles simplifiées et d’une procyclicité réduite et reflétant le contexte de l’après pandémie, sera essentielle pour aider les États membres à mettre leurs finances publiques sur des bases viables et à renforcer la confiance en matière d’investissement. Le futur cadre budgétaire doit a) promouvoir des finances publiques durables propres à renforcer les investissements publics, b) autoriser une politique anticyclique plus vigoureuse et c) permettre davantage de flexibilité et une différenciation accrue par pays en ce qui concerne les trajectoires d’ajustement de la dette, tout en garantissant la viabilité des finances publiques. Plus particulièrement, la principale proposition du CESE concernant la révision du cadre budgétaire consiste à introduire une règle d’or pour les investissements publics, sans pour autant compromettre la stabilité budgétaire et financière à moyen terme et la valeur de l’euro, en combinaison avec une règle en matière de dépenses.

4.5.4.

Tant les parlements nationaux que le Parlement européen doivent se voir attribuer un rôle moteur dans le futur cadre de gouvernance économique de l’Union, afin de renforcer la responsabilité démocratique de celle-ci. Le CESE a pris note de l’idée d’établir un régime de chômage, initialement inclus dans les priorités politiques de la Commission. À la lumière des effets de la crise de la COVID-19 et de la guerre actuelle en Ukraine, la Commission pourrait poursuivre les discussions avec les États membres et les partenaires sociaux sur d’éventuels outils à long terme, à savoir les régimes de réassurance chômage, pour résoudre les problèmes systémiques.

4.6.

L’instrument SURE (10) a grandement contribué à amortir le choc provoqué par la pandémie et s’est révélé efficace. Tirant les enseignements de cette expérience, le CESE demande d’évaluer la possibilité de davantage recourir à ce mécanisme.

4.7.

En vue de l’approfondissement de l’Union économique et monétaire, il s’impose de consolider la gouvernance économique, d’achever l’union bancaire et l’union des marchés des capitaux, mais aussi de renforcer le rôle du Semestre européen dans l’augmentation de la croissance, de la cohésion, de l’inclusion, de la compétitivité et de la convergence.

4.8.

Au vu des problèmes posés par la guerre et surtout des dépenses qui s’imposent de plus en plus dans les domaines de la défense et de l’énergie, le CESE estime que l’Union pourrait mettre en place de nouveaux dispositifs de ressources propres.

4.9.

La fragmentation des marchés des capitaux dans les États membres ne permet pas aux entreprises d’accéder plus facilement aux ressources financières du marché unique des capitaux. Par conséquent, des progrès supplémentaires sont nécessaires pour achever l’union des marchés des capitaux. Pour consolider l’union des marchés des capitaux et l’union bancaire, il conviendrait avant tout de renforcer les canaux de financement et de promouvoir la contribution du secteur privé aux efforts d’investissement. À cet égard, le CESE demande de trouver un juste équilibre entre la réduction et le partage des risques, et salue tout particulièrement les efforts consentis pour intensifier la surveillance des risques systémiques découlant de la crise climatique. Il importe en outre de prendre en considération les risques en matière de durabilité sociale, qui menacent la cohésion sociale en creusant les écarts de distribution. La réglementation des marchés financiers devrait aussi privilégier l’efficacité, et non la complexité, et assurer un niveau élevé de protection des consommateurs.

4.10.

Tous les acteurs concernés devraient être associés à l’élaboration et à l’application de mesures visant à améliorer la culture financière, à rendre les règles de protection plus efficaces et à réduire des asymétries d’information entre les prestataires de services financiers et les citoyens.

4.11.

Le potentiel du marché unique européen devrait être pleinement exploité. Des avantages économiques pourraient être garantis en appliquant et en exécutant mieux et plus efficacement la législation actuelle et en l’approfondissant. La poursuite de la suppression des obstacles à la libre circulation des biens et des services présente des avantages pour tous: clients, travailleurs et entreprises. Le bon fonctionnement du marché unique dépend également de la sécurité et de la qualité des biens et des services.

4.12.

Le CESE s’inquiète toutefois de l’existence d’une concurrence fiscale déloyale au sein de l’Union, qui favorise l’évasion fiscale. Le Comité estime que pour être efficace, il est nécessaire que l’union monétaire dispose d’une politique fiscale cohérente et qu’une compatibilité existe entre les différentes règles que ses parties prenantes appliquent en matière de fiscalité. Le CESE a également proposé de lancer un pacte européen, afin de lutter efficacement contre la fraude et l’évasion fiscales, l’évitement de l’impôt et le blanchiment de capitaux.

4.13.

Une bureaucratie excessive entraîne des coûts inutiles pour l’économie et la société. À l’avenir, il convient que l’Union renonce à sa gestion trop tatillonne et agisse en vertu du principe de meilleure réglementation et ce, toutefois et comme avant, dans le plein respect des normes de protection des consommateurs, de la société, du travail et de l’environnement qui définissent l’économie sociale de marché. À l’échelle européenne, la capacité des partenaires sociaux à résoudre des problèmes, par exemple lorsqu’il s’agit de concilier les différents intérêts, pourrait être renforcée.

4.14.

L’entrepreneuriat est une compétence clé pour améliorer la compétitivité, l’innovation et le bien-être, ainsi que pour le développement d’une économie sociale et verte, à plus forte raison dans le contexte de la relance après la pandémie. Il serait possible de faire baisser le chômage, en particulier chez les jeunes, en favorisant l’éducation entrepreneuriale pour renforcer leurs compétences dans ce domaine. L’entrepreneuriat sous toutes ses formes et tous ses secteurs, y compris le tourisme, l’industrie, l’économie des plateformes, l’économie sociale et les professions libérales, est essentiel pour la croissance économique, l’innovation, l’emploi et l’inclusion sociale. Il importe de relever et de régler les difficultés rencontrées par les PME (surtout les très petites entreprises souvent familiales) lors de l’accès au marché unique et en particulier dans le cadre des transitions écologique et numérique. Le CESE invite la Commission à prendre des mesures concrètes dans le cadre de son programme de travail, afin de lever les obstacles au marché unique qui ont déjà été recensés (11).

4.15.

Le CESE plaide en faveur de l’adoption d’une combinaison de politiques économiques qui utilisent efficacement les ressources disponibles à l’échelon national, tant publiques que privées, y compris les ressources financières générées par l’instrument Next Generation EU et par la facilité pour la reprise et la résilience. Le manque de participation des organisations de la société civile est et demeure une préoccupation du CESE. La société civile organisée demande que des procédures plus formelles qui facilitent de véritables échanges soient mises en place dans les phases d’application et d’évaluation des plans nationaux pour la reprise et la résilience. Le principe de partenariat devrait servir de modèle à la création d’un mécanisme efficace en matière de participation de la société civile.

4.16.

Le CESE soutient les propositions législatives de la Commission en matière de fiscalité des entreprises et salue leur coordination avec les discussions de portée mondiale menées au niveau de l’OCDE/du cadre inclusif afin de faire émerger un consensus mondial.

4.17.

Le Comité appuie tout effort visant à réduire les coûts de mise en conformité pour les entreprises européennes et les autorités fiscales lors de la conception du nouveau système fiscal. Les entreprises européennes ne doivent pas connaître de désavantage concurrentiel. La mise en œuvre intégrale du second pilier de l’accord fiscal mondial sera complexe et nécessitera beaucoup de temps et de sérieux efforts, tant de la part des entreprises que des autorités fiscales. Une adoption et une mise en œuvre uniformes au sein de l’Union et dans les autres blocs commerciaux au même moment des règles convenues à l’échelle internationale revêtent une importance capitale pour elle et ses États membres.

4.18.

Il convient d’accorder une attention particulière à l’entrepreneuriat social, compte tenu du rôle que celui-ci peut jouer dans les crises à venir. La mise en œuvre du plan d’action pour l’économie sociale contribuera grandement à renforcer ce secteur. La mise en place d’un écosystème spécifique de l’économie sociale dans la nouvelle stratégie industrielle doit se traduire par des actions concrètes pour rendre l’économie sociale écologique, numérique et résiliente.

4.19.

Après la pandémie, il importe de plus en plus de favoriser une mobilité à des fins d’éducation de qualité pour tous et de reconnaître les acquis d’apprentissage réalisés. C’est pourquoi le CESE préconise de mettre en place un véritable espace européen de l’éducation d’ici à 2025 pour une Europe de l’apprentissage. La réalisation de cet objectif implique des financements et, surtout, une coopération intersectorielle dans le domaine de l’éducation.

4.20.

Une politique des consommateurs moderne doit garantir que ceux-ci bénéficient des droits et de la protection dont ils ont besoin. Grâce au marché unique, il est plus facile pour les consommateurs et les entreprises de l’Union d’acheter et de vendre des biens et des services par-delà des frontières, à la fois en ligne et hors ligne. Cela exige une confiance dans le marché, une législation ciblée et son application effective. L’information et la formation des consommateurs doivent également les aider à faire des choix plus responsables.

4.21.

Il convient d’améliorer l’accès au bénévolat et d’en accroître également le champ et la qualité. Il y a lieu d’explorer le potentiel d’engagement d’individus de tous âges et de tous horizons et ce, dans des cadres souples et innovants qui ménagent de nouvelles possibilités. L’année 2025 devrait être déclarée «Année européenne des bénévoles et des volontaires», afin de saluer comme il se doit la contribution de ces personnes pendant la pandémie et la guerre en Ukraine. Cette démarche permettrait de souligner leur importance pour la santé et le bien-être en l’Europe, mais aussi leur rôle dans la relance et notre avenir.

4.22.

Les professions libérales constituent un facteur social et économique essentiel dans tous les États membres et sont en charge d’importants services publics dans des domaines tels que la santé, la justice, la sécurité, la langue et l’art: il convient donc de procéder à une analyse d’impact spécifique des propositions législatives sur ces professions, en amont comme en aval de l’adoption de la législation européenne. Dans cette optique, le législateur européen doit surtout prendre en considération les effets négatifs de la charge administrative sur les professions libérales.

5.   Une Europe plus forte sur la scène internationale

5.1.

Le CESE plaide pour un environnement commercial international ouvert, équitable, inclusif et prévisible, qui soutienne la démocratie et l’état de droit, la paix et la stabilité, la durabilité sociale et environnementale, et un ordre commercial mondial fondé sur des règles. L’Europe devra veiller à la protection des règles commerciales internationales, garantir des conditions de concurrence équitables et trouver le juste équilibre entre autonomie stratégique et ouverture aux échanges internationaux, en promouvant une base industrielle forte et des chaînes d’approvisionnement internationales résilientes.

5.2.

Toutefois, il découle clairement de l’évolution de la situation en Chine ces dernières années et de l’agression actuelle de la Russie que le développement du commerce international ne contribue pas nécessairement à renforcer les processus démocratiques. L’Union doit placer sa politique commerciale sous le signe du respect de valeurs fondamentales telles que les droits de l’homme, l’état de droit et la liberté des médias.

5.3.

Le CESE estime qu’il importe de redoubler d’efforts afin d’affranchir l’Union de ses dépendances stratégiques à l’égard de pays tiers, tout particulièrement en ce qui concerne l’énergie, les matières premières, les denrées alimentaires, les fournitures médicales, les infrastructures et les technologies, mais également les industries de la sécurité, de la défense et de l’espace. L’Union doit surtout se pencher sur son manque de capacités industrielles et sur sa dépendance vis-à-vis de partenaires peu fiables.

5.4.

Cela étant, pour que l’Union renforce son autonomie stratégique ouverte et assume un rôle plus important sur la scène internationale, elle doit coopérer avec des partenaires dans divers domaines, y compris le commerce. Le CESE demande de mener à leur terme les négociations sur les accords commerciaux bilatéraux et de développer la coopération multilatérale au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC); redynamiser les relations avec les partenaires d’Amérique latine, sur la base d’accords modernisés, serait également une occasion rêvée pour l’Union de renforcer sa position.

5.5.

Le CESE met en lumière le rôle crucial de la société civile dans le commerce et souligne la nécessité de renforcer la coopération avec celle-ci, depuis l’élaboration des instruments et accords commerciaux jusqu’à leur suivi (accords de libre-échange, partenariats économiques et accords d’investissement). Cela favoriserait la réalisation des objectifs de la nouvelle stratégie commerciale de l’Union, en veillant à ce que les accords commerciaux conclus contribuent à un développement durable sur les plans économique, social et environnemental tant pour l’Union que pour les pays partenaires aux négociations.

5.6.

Il est également nécessaire de coopérer dans les domaines des transports, du numérique et de l’énergie, qui ont ménagé de nouvelles possibilités, par exemple pour la coopération entre l’Union et les États-Unis. Il convient d’améliorer les connexions entre les corridors de réseau central et le reste du monde pour le transport de marchandises et de voyageurs. Le CESE préconise de créer un espace de discussion, afin de faciliter l’intégration du réseau RTE-T avec le reste du monde, y compris les pays voisins.

5.7.

Le CESE estime que l’Union doit adopter une approche plus proactive et plus efficace pour défendre les intérêts des industries européennes en instaurant des conditions de concurrence égales et en s’attaquant aux pratiques commerciales déloyales, au moyen de lois commerciales existantes, en particulier les lois antidumping et antisubventions.

5.8.

Le Comité est d’avis qu’il convient de renforcer le rôle international de l’euro, qui constitue un outil important pour asseoir la position de l’Europe dans le monde, et demande de se pencher davantage sur les raisons qui ont affaibli ce rôle et sur l’achèvement de l’Union économique et monétaire.

5.9.

Le CESE invite la Commission à redoubler d’efforts afin d’intégrer dans l’OMC l’approche de l’Union en matière de commerce et de développement durable dans les engagements en matière de travail comme dans ceux en faveur de l’environnement, y compris de nouvelles réflexions sur la participation organisée de toutes les composantes de la société civile aux procédures de l’OMC, sans quoi il ne peut y avoir de véritable durabilité.

5.10.

Le mécanisme de protection civile de l’Union n’est plus suffisamment efficace et sa portée n’est plus assez large pour faire face aux catastrophes liées au changement climatique et aux risques multiples survenant sur le territoire de l’Union et ailleurs. Au-delà de son utilisation bien établie dans le domaine des catastrophes naturelles, ce mécanisme sera à l’avenir sollicité pour faire face à des risques tels que les pandémies, les grands risques industriels, la pollution maritime à grande échelle, les conséquences des cyberattaques sur les réseaux d’électricité ou d’eau potable ainsi que sur toutes les infrastructures essentielles, ou encore pour la gestion des crises humanitaires liées à l’immigration.

5.11.

Il s’impose de mieux traiter et de mieux coordonner le lien entre la protection civile à court terme et la gestion à long terme de l’aide humanitaire. À cette fin, le CESE est d’avis qu’il convient d’examiner la nécessité de créer une agence européenne pour la protection civile et l’aide humanitaire, qui agirait comme un mécanisme pratique de mise en œuvre d’actions renforcées en matière de politique étrangère.

5.12.

Le CESE relève que, dans de nombreux pays partenaires, le dialogue participatif et l’élaboration de politiques inclusives font toujours défaut et que la place accordée au dialogue civil et social est de moins en moins importante, malgré le soutien apporté par la Commission. Le CESE propose à la Commission d’œuvrer avec lui à la mise en place d’un projet pilote «Tableau de bord de l’espace citoyen», afin de mesurer sur une base annuelle l’état du dialogue civil et social dans certains pays partenaires, à commencer par les pays des Balkans occidentaux ou les pays euro-méditerranéens.

6.   Promouvoir notre mode de vie européen

6.1.

Les systèmes de santé de presque tous les pays européens doivent être renforcés, en mettant l’accent sur la prévention et en garantissant l’accès de tous à des structures de santé publique de qualité, aux services de santé de base, y compris les vaccins, et aux soins de longue durée. Il s’impose d’apporter d’urgence une réponse stratégique aux problèmes de santé mentale.

6.2.

Le CESE rappelle qu’il est essentiel de promouvoir un écosystème européen des soins de santé solide et coordonné, afin de contribuer à l’autonomie stratégique industrielle et à la souveraineté technologique de l’Union ainsi qu’à une meilleure qualité de vie des citoyens européens. Il convient de procéder à une cartographie et à une analyse à partir du terrain, afin d’évaluer la nature exacte des dépendances recensées et de remédier aux vulnérabilités et à la pénurie de matières stratégiques.

6.3.

La migration demeure une question prioritaire en raison de son incidence sur la démographie, l’économie et la politique de l’Union (emploi, affaires sociales, marché du travail, politiques d’intégration, surveillance des frontières, lutte contre le racisme, la xénophobie, le populisme et la discrimination). Il s’imposera de donner leur forme définitive au pacte sur la migration et l’asile de l’Union et le régime d’asile européen commun, sur la base d’un réel équilibre entre solidarité et responsabilité, mais aussi des obligations qui incombent à l’Union et à ses États membres en vertu du droit international.

6.4.

La crise des réfugiés déclenchée par la guerre en Ukraine fait ressortir l’importance capitale de ces instruments qui énoncent la marche appropriée à suivre par l’Union: en plus d’accorder une protection immédiate aux réfugiés et de leur octroyer des permis de séjour et de travail temporaires, elle doit prendre d’urgence des mesures pour favoriser leur intégration dans les sociétés et les marchés du travail des États membres, mais aussi débloquer les financements appropriés pour les pouvoirs publics et les organisations de la société civile qui agissent sur le terrain.

6.5.

L’année 2022 a été déclarée «Année européenne de la jeunesse» pour saluer les sacrifices consentis par les jeunes et les difficultés qu’ils ont traversées et continuent de traverser pendant la pandémie de COVID-19, en leur offrant l’occasion de faire entendre leur voix à tous les niveaux, en particulier sur les questions écologiques, l’inclusion, le numérique et l’intégration de la jeunesse dans toutes les politiques de l’Union. Il est essentiel que cette année débouche sur des actions concrètes et que les jeunes se trouvent bien au centre des initiatives prises à l’échelle européenne chaque année. La Commission devrait donc continuer de se pencher sur les suites à donner à l’Année européenne de la jeunesse, en 2023 et pour les années suivantes.

7.   Un nouvel élan pour la démocratie européenne

7.1.

Des mesures sont nécessaires pour améliorer le dialogue civil avec et entre les parties prenantes et les groupes de la société, en leur permettant de participer réellement aux politiques qui les concernent directement et de se les approprier, promouvant ainsi le rôle des citoyens dans la construction de l’avenir de l’Europe.

7.2.

Il existe plusieurs moyens, tels que l’initiative citoyenne, qui contribuent grandement à l’engagement des citoyens à l’échelle européenne. Toutefois, ces moyens ne suffisent pas à garantir leur participation significative. Il est nécessaire de mettre en œuvre des outils de participation, y compris par voie électronique, de manière organisée et de les rendre plus inclusifs, accessibles à tous et surtout plus efficaces.

7.3.

Dans cet ordre d’idées, le rôle institutionnel du CESE devrait être renforcé, et celui-ci devrait être habilité en tant que représentant établi de la société civile organisée pour conseiller l’élaboration des politiques de l’Union, mais aussi en tant que facilitateur et garant des activités de démocratie participative, telles que le dialogue structuré avec les organisations de la société civile ou les panels de citoyens. Une société civile dynamique est essentielle à la vie démocratique de l’Union.

7.4.

Nous recommandons aux responsables politiques de l’Union européenne d’établir des stratégies cohérentes, internes et externes, de la société civile de l’Union, y compris des politiques fondées sur: une meilleure reconnaissance du secteur et du dialogue civil, notamment au moyen d’un pilier spécifique au sein du plan d’action pour la démocratie européenne, de l’évaluation annuelle de l’état de droit et d’une stratégie européenne en faveur de la société civile; des cadres juridiques ouverts et la création de conditions de concurrence équitables; accès au financement public; des mécanismes de surveillance et de protection au niveau européen.

7.5.

Il est essentiel d’accorder la priorité au suivi des propositions de la CoFoE afin de répondre aux demandes des citoyens. Le CESE attend de chaque institution européenne qu’elle adopte une approche constructive et ambitieuse, en accord avec son rôle et ses compétences, à chaque étape du suivi, y compris au moyen de propositions législatives. Le CESE se dit prêt à jouer son rôle, à assurer un suivi approprié des résultats de la conférence et, dans l’hypothèse où une convention serait mise sur pied, à ce que ledit rôle soit de tout premier plan.

7.6.

Pour rétablir la confiance dans l’élargissement et renforcer la manière dont l’Union s’adresse à ses alliés naturels dans la région, le CESE est convaincu que l’Union devrait clairement inclure les Balkans occidentaux dans les activités visant à mettre en œuvre les résultats de la CoFoE.

7.7.

La guerre en Ukraine a favorisé l’action commune et l’intégration européenne dans des secteurs clés tels que la défense et la politique étrangère, autour de proportions qu’il eût été difficile d’imaginer il y a quelques mois. Le CESE se félicite de l’engagement exprimé dans la déclaration de Versailles d’accroître le recours à l’instrument de la facilité européenne pour la paix, et souligne que l’Union devrait s’orienter vers une intégration politique plus forte, qui pourrait étayer une politique étrangère commune. Nous demandons aux États membres de commencer immédiatement à mettre en œuvre un système de défense véritablement commun et efficace qui renforcerait considérablement la capacité de l’Europe à se défendre (12). La décision prise au niveau de l’Union à cet égard devrait impliquer le Parlement européen en tant que représentant direct des citoyens, conformément aux traités.

7.8.

Il y a lieu de faire participer le Parlement, ainsi que le CESE, les partenaires sociaux et les organisations de la société civile à l’élaboration des plans d’urgence destinés à contrer les répercussions économiques de la guerre, en particulier à l’élaboration des différents éléments du plan REPowerEU.

7.9.

Le CESE insiste sur la nécessité de garantir la participation active des jeunes à la société et aux processus d’élaboration des politiques et de prise de décision, étant donné que c’est leur génération et la suivante qui devront rembourser la dette publique abyssale que les pays sont en train de creuser pour pallier les répercussions de la pandémie et vivre avec les conséquences des mesures prises actuellement pour faire face au changement climatique et à la nouvelle situation en matière de sécurité en Europe. En outre, il convient d’adopter une approche européenne coordonnée qui repose sur des cadres stratégiques et juridiques solides, capables de briser le cycle intergénérationnel de l’inégalité. La réalisation de l’objectif ambitieux visant à sortir de la pauvreté le plus grand nombre possible d’enfants et de jeunes devrait faire l’objet d’un suivi attentif.

7.10.

Le CESE souligne que l’égalité des genres et l’intégration des questions d’égalité entre les hommes et les femmes doivent être abordées dans tous les aspects de l’élaboration et de la mise en œuvre des lois de l’Union, surtout parce que la pandémie et la récession qu’elle a engendrée ont exacerbé les déséquilibres entre les sexes.

7.11.

Toute mesure prise dans des circonstances exceptionnelles ne doit pas aller à l’encontre de l’état de droit ni mettre en péril la démocratie, la séparation des pouvoirs et les droits fondamentaux des citoyens européens. Les nouveaux instruments de l’Union visant à protéger et à promouvoir les droits fondamentaux et l’état de droit, comme le cycle d’examen de l’état de droit et le mécanisme permettant de subordonner l’attribution de fonds de l’Union au respect de ces éléments, doivent être mis en œuvre. Ce facteur doit être pris en considération, en particulier lorsqu’il s’agit de décisions temporaires et délicates, telles que celles d’interdire certains organismes de radiodiffusion, d’instaurer des restrictions à la libre circulation, ou toute autre mesure prise en temps de pandémie et de guerre.

7.12.

Le CESE recommande d’adopter une charte européenne des droits et devoirs ruraux et urbains et préconise de l’assortir d’un modèle de gouvernance associant les collectivités locales ainsi que les entreprises locales, tant privées qu’à but non lucratif, en collaboration avec les structures des partenaires démocratiques et sociaux locaux, de façon à garantir que les points de vue locaux soient entendus et que la vision à long terme puisse être mise en œuvre avec succès.

7.13.

Le CESE demande d’établir des structures de gouvernance solides pour associer tous les acteurs concernés à l’élaboration des mesures du pacte vert pour l’Europe, et notamment:

de mettre en place une plateforme européenne des parties prenantes du pacte pour le climat rassemblant des acteurs de ce domaine issus de tous les niveaux,

de créer un forum de l’Union pour le financement de l’action climatique afin de faciliter l’accès aux ressources financières et de lever les obstacles,

de veiller à la participation appropriée des structures de dialogue social européen,

d’encourager les États membres à associer les collectivités régionales, les partenaires sociaux et les organisations de la société civile à la préparation de plans nationaux et régionaux de transition juste,

d’associer plus structurellement les jeunes au processus décisionnel sur la durabilité et inclure un délégué de la jeunesse dans la délégation officielle de l’Union aux réunions de la conférence des parties (COP),

d’établir un lien structurel entre le paquet «Ajustement à l’objectif 55» et les objectifs de développement durable des Nations unies,

de continuer à s’appuyer sur le succès du travail conjoint de la Commission et du CESE sur la plateforme des acteurs européens de l’économie circulaire.

7.14.

Les institutions de l’Union devraient également avoir conscience du rôle essentiel que joue la société civile dans la diffusion de la culture des droits fondamentaux et de l’état de droit, et promouvoir sa participation pour favoriser une communication appropriée des valeurs et des principes de l’Union. Il convient ainsi de renforcer le rôle de la société civile dans le cycle d’examen de l’état de droit, notamment en créant un espace de discussion pour les acteurs concernés.

7.15.

En outre, le CESE juge essentiel de garantir la participation des représentants de la société civile, notamment des partenaires sociaux, des organisations de consommateurs et d’autres acteurs concernés, à la conception, à la mise en œuvre et au suivi du programme d’action pour la décennie numérique et des feuilles de route nationales correspondantes.

7.16.

Le CESE invite la Commission à continuer de faire de l’amélioration de la législation une priorité et demande à celle-ci, y compris à tous ses services, et aux législateurs de l’Union d’approfondir et de faire progresser en permanence le système européen d’amélioration de la réglementation sous tous ses aspects et d’utiliser systématiquement les outils et lignes directrices pour une meilleure réglementation dans le cadre de leurs travaux.

7.17.

Le CESE souligne que, par défaut, la Commission devrait étayer chaque proposition législative par une analyse d’impact pleinement élaborée. La Commission devrait également procéder à des analyses d’impact appropriées pour toute stratégie à venir, afin d’en cerner les incidences en amont et de mieux anticiper les effets conjoints des initiatives individuelles.

7.18.

Le CESE fait valoir que les instruments pour une meilleure réglementation doivent rester neutres sur le plan politique et clairement séparés du processus décisionnel, qui doit être laissé aux instances politiques désignées et légitimes.

Dans les procédures de consultation du public liées aux propositions de la Commission, il y a lieu de faire en sorte de garantir et d’équilibrer la contribution des différents acteurs concernés. Pour ce faire, il convient de revoir les méthodes employées pour mieux atteindre les organisations de la société civile à l’échelle de l’Union et des États membres. Le CESE souligne que les procédures en ligne doivent être associées à un dialogue structuré avec les organisations de la société civile à chaque étape de l’élaboration des politiques, y compris celles de la mise en œuvre et de l’évaluation.

7.19.

Le CESE demande à la Commission et plus particulièrement au Centre commun de recherches de l’associer pleinement à son cycle de prospective et de le soutenir dans l’analyse des activités de prospective menées actuellement par les organisations de la société civile, les syndicats et les associations d’entreprises.

7.20.

Le Comité préconise également de renforcer continuellement la coopération dans le travail d’évaluation ex post des différentes initiatives.

7.21.

La pandémie et la guerre qui frappe actuellement l’Ukraine ont l’une comme l’autre démontré que des mesures supplémentaires aux niveaux national et européen étaient nécessaires pour sécuriser un système médiatique libre et pluraliste ainsi qu’à un journalisme indépendant de qualité.

Bruxelles, le 14 juillet 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  JO C 290 du 29.7.2022, p. 35.

(2)  Résolution du CESE sur le thème «La guerre en Ukraine et ses conséquences économiques, sociales et environnementales» (JO C 290 du 29.7.2022, p. 1).

(3)  Résolution du CESE sur le thème «La guerre en Ukraine et ses conséquences économiques, sociales et environnementales» (JO C 290 du 29.07.2022, p. 1).

(4)  https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_22_1511

(5)  https://ec.europa.eu/info/publications/key-documents-repowereu_en

(6)  Avis du CESE intitulé «REPowerEU: Action européenne conjointe pour une énergie plus abordable, plus sûre et plus durable» (JO C 323 du 26.8.2022, p. 123).

(7)  L’interconnexion est déjà un objectif de l’UE (au moins 15 % d’ici à 2030, mais certains pays se situent bien en dessous) https://energy.ec.europa.eu/topics/infrastructure/electricity-interconnection-targets_en

(8)  Document de la Commission sur les «îlots énergétiques» https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/de/MEMO_18_4622

(9)  Évaluation finale par l’ACER de l’organisation du marché de gros de l’électricité (en anglais).

(10)  L’instrument européen de soutien temporaire à l’atténuation des risques de chômage en situation d’urgence (SURE).

(11)  Voir, par exemple, «Business Journey on the Single Market: Practical Obstacles and Barriers» (Le parcours du combattant des entreprises sur le marché unique), SWD(2020) 54 final, Bruxelles, 10.3.2020.

(12)  JO C 290 du 29.7.2022, p. 1.


AVIS

Comité économique et social européen

571e session plénière du Comité économique et social européen — Session plénière intégralement en présentiel, 13.7.2022-14.7.2022

22.11.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 443/15


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Imposition des télétravailleurs transfrontaliers et de leurs employeurs»

(avis d’initiative)

(2022/C 443/02)

Rapporteur:

Krister ANDERSSON

Décision de l’assemblée plénière

20.1.2022

Base juridique

Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section

1.7.2022

Adoption en session plénière

13.7.2022

Session plénière no

571

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

195/0/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) est conscient des problèmes particuliers que pose l’essor du télétravail transfrontalier aux systèmes internationaux d’imposition en place. Ces problèmes touchent en particulier à l’imposition des salaires et à celle des bénéfices des sociétés.

1.2.

Le CESE rejoint la Commission européenne pour constater qu’un travailleur qui télétravaille par-delà les frontières pourrait être confronté à une double imposition de ses revenus susceptible de produire des litiges, de longue haleine et coûteux, entre ce travailleur et les autorités fiscales des États membres. En fonction de la manière dont un État traite fiscalement les revenus d’origine étrangère, un travailleur peut être aussi tenu de se plier à deux déclarations fiscales différentes, le cas échéant à deux moments distincts du fait des divergences entre les États membres s’agissant des délais impartis pour procéder à la déclaration fiscale. Les charges liées à la mise en conformité constituent autant d’obstacles à un fonctionnement efficace du marché unique. Lorsqu’ils concluent des conventions fiscales bilatérales, les États membres devraient prêter dûment attention à ces obstacles.

1.3.

Pour ce qui est de l’imposition des bénéfices des sociétés, les télétravailleurs internationaux peuvent faire courir à leur société le risque de créer involontairement un établissement stable dans un État autre que le sien. Dans un tel cas de figure, la société serait contrainte de répartir avec exactitude ses bénéfices entre ces deux lieux et soumise à différentes obligations de déclaration et d’assujettissement fiscal.

1.4.

Le CESE se félicite des mesures fiscales temporaires que les États membres ont prises au plus fort de la pandémie ainsi que des orientations fournies par l’OCDE au cours de cette dernière. Ces mesures ont permis aux travailleurs transfrontaliers et à leurs employeurs de poursuivre leurs activités commerciales et de faire en sorte que ni les uns ni les autres ne soient confrontés à une double imposition, permettant ainsi aux entreprises de continuer à soutenir l’économie de l’Union et les travailleurs à un moment important.

1.5.

Le CESE souligne combien il importe de continuer à adapter les systèmes fiscaux pour répondre aux besoins de l’environnement de travail d’aujourd’hui. Le cadre international de la fiscalité des entreprises a été récemment remanié par l’accord relatif au paquet fiscal du cadre inclusif de l’OCDE et du G20 reposant sur deux piliers. Si les travailleurs exercent de manière croissante leurs activités professionnelles au moyen du télétravail, il pourrait s’avérer nécessaire de réviser également les règles fiscales internationales applicables aux personnes physiques. En particulier, se conformer à de telles règles ne devrait pas poser de difficultés.

1.6.

Le CESE estime qu’il est essentiel que les règles fiscales touchant au télétravail transfrontalier fassent en sorte d’éviter la double imposition ou une non-imposition involontaire aussi bien pour les travailleurs que pour leurs employeurs. En veillant à ce que les entreprises, quelle qu’en soit la taille, puissent offrir des possibilités de télétravail, il est important de supprimer, ou tout au moins de réduire au minimum, toute obligation administrative liée à l’imposition des télétravailleurs transfrontaliers.

1.7.

Sans méconnaître le droit des États de décider de l’opportunité de lever l’impôt sur leur territoire, ainsi que de son taux, le CESE estime qu’il conviendrait de préférence de s’accorder au niveau mondial sur les principes de l’imposition du télétravail transfrontalier. Toutefois, au vu de la mobilité au sein de l’Union qui découle de la liberté de circulation sur le marché unique, il y a de bonnes raisons de traiter de cette question à l’échelon de l’Union avant que ne soit trouvée une solution mondiale. Si diverses approches sont possibles à cet égard, il importe de parvenir à un degré élevé de coordination au sein de l’Union européenne.

1.8.

Le CESE insiste sur la nécessité de règles simples aussi bien pour les travailleurs que pour les employeurs. Une possibilité consisterait à ce que les États membres s’accordent à n’imposer le travailleur que si le nombre de jours ouvrés dans le pays dépasse 96 jours par année civile. Le CESE relève que pour les travaux menés en matière de fiscalité dans le contexte du cadre inclusif de l’OCDE, l’on a recouru à un instrument multilatéral à titre de moyen de faciliter l’application en temps voulu de nouvelles règles fiscales.

1.9.

Le CESE encourage la Commission européenne à étudier l’éventualité d’un guichet unique, à la manière de celui qui existe en matière de TVA. Il exigerait de l’employeur de déclarer pour les télétravailleurs transfrontaliers le nombre de jours que ceux-ci ont ouvrés dans leur État de résidence et dans celui dans lequel l’employeur est établi. Ces informations permettraient aux autorités fiscales de déterminer l’État dans lequel les revenus seraient assujettis à l’impôt ou la fraction de ces revenus qui serait assujettie dans chaque État.

1.10.

Un système de guichet unique conçu pour les télétravailleurs transfrontaliers pourrait constituer une première étape dans la construction d’infrastructures permettant aux travailleurs et aux employeurs de réduire les litiges fiscaux entre États membres, et d’assurer dans le même temps que la collecte de l’impôt s’effectue correctement sans exiger d’un particulier qu’il procède à des déclarations dans de multiples États.

2.   Contexte

2.1.

La pandémie de COVID-19 a changé d’une manière inédite la vie des travailleurs et des entreprises. Lors de cette pandémie, du fait des restrictions en vigueur en matière de déplacements et des limitations posées par les gouvernements touchant au nombre de travailleurs présents sur le lieu de travail afin d’endiguer la propagation du virus de la COVID-19, l’une des tendances les plus marquantes a été l’essor du télétravail (1). Les entreprises et leurs travailleurs ont consenti des efforts très importants pour numériser leurs activités quotidiennes, en recourant par exemple à des outils de réunion en ligne, afin de faciliter le travail des travailleurs depuis leur domicile. De cette manière, les entreprises ont pu continuer de fournir aux consommateurs des biens et des services (nécessaires) et soutenir ainsi l’économie, l’emploi, les échanges commerciaux et la croissance économique de l’Union européenne.

2.2.

En réduisant le temps consacré aux trajets entre le domicile et le lieu de travail, le télétravail est associé à une souplesse accrue susceptible de diminuer le stress pour le travailleur et de favoriser un meilleur équilibre entre sa vie privée et sa vie professionnelle (2). En outre, l’essor du télétravail peut contribuer à réaliser l’objectif de neutralité carbone de l’Union européenne. Étant donné qu’une part importante des émissions de l’Union européenne est imputable aux transports, accroître le recours au télétravail pourrait réduire le volume des émissions de carbone et la congestion due au trafic (3). Le passage au télétravail entraînera probablement de moindres besoins en surfaces de bureaux, réduisant ainsi les coûts liés aux émissions des bâtiments de bureaux, pour ce qui est par exemple de leur chauffage et de leur refroidissement.

2.3.

Si à l’heure où se profile progressivement la période de «l’après COVID-19» et où les États de toute l’Union européenne présentent un taux élevé de vaccination, l’on peut tabler sur le retour au bureau de certains travailleurs, il n’est guère probable que ce mouvement inverse complètement la tendance croissante que connaît le télétravail. Dans une enquête publiée par Eurofound en mars 2021, 46 % des travailleurs de l’Union européenne déclaraient préférer, une fois terminée la pandémie, continuer de travailler «chaque jour» ou «plusieurs fois par semaine» depuis leur domicile (4). De ce fait, l’on escompte également que le télétravail s’inscrive dans notre culture de travail.

2.4.

L’essor du télétravail transfrontalier pose des problèmes aux systèmes d’imposition actuels. Même si le phénomène du travail transfrontalier n’est pas nouveau, la capacité pour un travailleur de télétravailler depuis son domicile sis dans un autre État pose des difficultés du point de vue des règles fiscales internationales, notamment lorsque ce travailleur passe une partie importante de ses journées de travail dans son État de résidence ou dans un État tiers plutôt que sur le lieu habituel de son activité. Ces problèmes touchent en particulier à l’imposition des salaires et à celle des bénéfices des sociétés. De telles situations peuvent se présenter tout spécialement dans certaines «régions de forte activité» qui jouxtent d’autres États membres, sachant qu’elles sont probablement appelées à gagner en fréquence en raison de la croissance et du développement des instruments de téléconférence.

2.5.

Pour ce qui est de l’imposition des salaires, les travailleurs qui résident dans un État membre (État de résidence) mais travaillent pour une société établie dans un autre État membre (État d’emploi) peuvent faire l’objet d’une double imposition lorsque l’un et l’autre de ces États imposent leurs revenus. Afin d’éviter une telle situation, les États ont conclu des accords bilatéraux en matière de double imposition et souvent suivi pour ce faire le modèle de l’OCDE de convention fiscale concernant le revenu et la fortune. Ledit modèle pose le principe général selon lequel les revenus d’emploi ne devraient être imposables que dans l’État de résidence. Toutefois, si cet emploi est exercé dans un autre État (l’État d’emploi), ce dernier peut imposer les revenus imputables aux journées qui y sont ouvrées, pour autant que le travailleur y séjourne au moins 183 jours par an, ou lorsque sa rémunération est payée par un employeur établi dans l’État d’emploi ou si la charge de cette rémunération est supportée par un établissement stable de l’employeur dans ce même État.

2.6.

Conformément au modèle de convention fiscale de l’OCDE, un travailleur qui réside dans un autre État que celui où il exerce habituellement ses activités professionnelles sera confronté dès le premier jour à un partage au prorata entre l’État de résidence et l’État d’emploi de la compétence d’imposition sur les revenus du travail.

2.7.

Afin d’éviter une telle «proratisation» immédiate des revenus provenant d’un travail transfrontalier, et sachant que le modèle de l’OCDE n’est qu’une trame que ses États membres ne sont pas tenus de suivre, certains États ont mis en place des règles différentes telles que des dispositifs de minimis. En ce dernier cas, les revenus du travailleur sont imposés uniquement dans son État de résidence, pour autant qu’il n’excède pas un certain nombre de jours d’absence du lieu habituel d’exercice de ses activités (5).

2.8.

En raison des mesures mises en place au cours de la pandémie, telles que l’application de règles strictes de quarantaine et la restriction des déplacements par-delà les frontières, de nombreux travailleurs, notamment frontaliers, ont été contraints de télétravailler dans leur État de résidence plutôt que dans l’État où ils exercent habituellement leurs activités. La pandémie de COVID-19 a eu pour conséquence que de nombreux États membres ont pris des mesures temporaires afin d’éviter que les États d’emploi ne perdent complètement leur compétence d’imposition. Les États membres ont convenu de «protocoles d’accord» selon lesquels tous les jours ouvrés à domicile seraient tenus pour une activité menée dans l’État membre où les activités professionnelles sont normalement exercées. Cette disposition ne s’appliquerait qu’aux travailleurs touchés par la situation exceptionnelle liée à la COVID-19, et non aux travailleurs frontaliers qui télétravaillaient déjà avant la pandémie. Pour autant que l’on puisse en présumer, ces mesures temporaires n’ont pas été prorogées après le 30 juin 2022 et £les États en reviendront au modèle général de convention fiscale de l’OCDE ou à des dispositifs de minimis. De la même manière, l’OCDE a également publié des orientations concernant l’imposition des revenus des «travailleurs bloqués», à savoir les travailleurs empêchés pour une longue durée de quitter leur État d’emploi en raison des restrictions aux déplacements, des règles de quarantaine du fait de la COVID-19, etc. (6)

2.9.

Selon la Commission européenne (7), un travailleur qui télétravaille par-delà les frontières pourrait être confronté à une double imposition de ses revenus susceptible de produire des litiges, de longue haleine et coûteux, entre ce travailleur et des États membres. En fonction de la manière dont un État traite fiscalement les revenus d’origine étrangère, un travailleur peut être aussi tenu de se plier à deux déclarations fiscales différentes, le cas échéant à deux moments distincts du fait des divergences entre les États membres s’agissant des délais impartis pour procéder à la déclaration fiscale. En outre, des complications peuvent survenir s’il s’avère nécessaire de répartir avec exactitude entre les deux États membres concernés certaines charges fiscales dont il s’impose de tenir compte pour déterminer les revenus. Un travailleur en télétravail transfrontalier peut également perdre le bénéfice d’avantages fiscaux ou de crédits d’impôt.

2.10.

Les contribuables non-résidents dont les revenus proviennent de deux États membres ou plus, tels que les travailleurs mobiles, les travailleurs saisonniers, les sportifs, les artistes ou les retraités, n’ont en général pas la même possibilité que les contribuables résidents de bénéficier de dispositions prenant en compte leur situation personnelle ou familiale. Selon l’arrêt Schumacker (8), les États membres doivent accorder de tels avantages fiscaux aux non-résidents si ces contribuables perçoivent «totalement ou presque exclusivement» leurs revenus dans l’État membre concerné. Certains États membres prévoient un seuil de 90 % de l’ensemble des revenus perçus sur leur territoire pour accorder de tels avantages fiscaux. Cette disposition peut constituer un obstacle à la libre circulation puisqu’une part supérieure à 10 % des revenus totaux perçue dans d’autres États membres aura pour conséquence une perte au moins partielle de tels avantages fiscaux, attendu que le seuil nécessaire pour en bénéficier pleinement ne sera plus atteint. Les États membres devraient permettre de prendre en compte la situation personnelle et familiale lorsque les contribuables non-résidents perçoivent au moins 75 % de leurs revenus dans leur État d’emploi.

2.11.

Les charges liées à la mise en conformité constituent autant d’obstacles à un fonctionnement efficace du marché unique. Lorsqu’ils concluent des conventions fiscales bilatérales, les États membres devraient prêter dûment attention à ces obstacles.

2.12.

Pour ce qui est de l’imposition des bénéfices des sociétés, les télétravailleurs internationaux peuvent faire courir à leur société le risque de créer involontairement un établissement stable dans un État autre que le sien. Dans un tel cas de figure, la société serait contrainte de répartir avec exactitude ses bénéfices entre ces deux lieux et soumise à différentes obligations de déclaration et d’assujettissement fiscal.

2.13.

De nombreuses entreprises, et notamment les PME dépourvues de structure internationale, peuvent méconnaître le fait que disposer de personnel travaillant depuis un autre État est susceptible de leur y conférer des fonctions et une substance et les assujettit dès lors à la répartition des bénéfices et aux obligations de se conformer aux règles en matière de prix de transfert, ainsi qu’aux exigences relatives à la publication d’informations. Les PME ne disposent pas forcément d’un service fiscal ou de l’accès à des conseillers et, par ailleurs, elles supportent dès à présent des coûts de conformité très élevés. Selon une étude de la Commission européenne, l’on estime que les entreprises établies dans l’Union européenne et au Royaume-Uni dépensent chaque année 204 milliards d’EUR pour se conformer à leurs obligations en matière d’impôt sur les sociétés, de TVA, d’impôts et de cotisations salariales, d’impôts fonciers et immobiliers et d’impôts locaux. En moyenne, une entreprise encourt chaque année des charges liées à l’accomplissement de ses obligations fiscales qui s’élèvent à 1,9 % de son chiffre d’affaires (9). Toute nouvelle augmentation serait susceptible de compromettre la viabilité de l’entreprise.

2.14.

Pour répondre aux préoccupations touchant à l’éventualité de la création d’établissements stables du fait du télétravail transfrontalier, l’OCDE a publié des orientations sur cette question (10) en avril 2020 et en mars 2021. L’OCDE estimait que «ce changement temporaire et exceptionnel» du lieu où les travailleurs exercent leurs activités «ne devrait pas conduire à la création de nouveaux établissements stables pour leur employeur» (11). De manière générale, l’OCDE a fait valoir que «même si l’activité d’une entreprise peut être exercée pour partie dans des locaux tels qu’un bureau situé au domicile d’une personne, cela ne devrait pas conduire à la conclusion que ces locaux sont mis à la disposition de l’entreprise simplement parce qu’ils sont utilisés par une personne (notamment un salarié) qui travaille pour cette entreprise», en mettant en avant que l’activité d’un travailleur contraint de l’exercer depuis son domicile en raison de la pandémie de COVID-19 et des mesures de santé publique «ne présente pas un degré suffisant de permanence ou de continuité» qui permette de conclure que ce domicile constitue un établissement stable pour l’employeur.

2.15.

L’OCDE, tout en mettant en avant la nature exceptionnelle de la COVID-19, relevait que si les travailleurs continuaient à exercer leurs activités depuis leur domicile après la pandémie, et donc conféraient à celles-ci un certain degré de permanence ou de continuité, il n’en résulterait pas nécessairement un établissement stable pour leur entreprise. Selon l’OCDE, de telles situations appellent un examen plus approfondi des faits et des circonstances de l’espèce. Pour les personnes qui exercent des fonctions de prise de décision, les autorités fiscales ont souvent fait valoir l’éventualité qu’un établissement stable ait été créé.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE se félicite vivement des efforts consentis par les entreprises et les travailleurs au cours de la pandémie de COVID-19 afin de maintenir le fonctionnement de leurs activités grâce au recours aux outils numériques. Les circonstances sans précédent de la pandémie de COVID-19 et les mesures de santé publique qui en ont découlé ont contraint les entreprises et les travailleurs à adapter leur environnement de travail de manière à maintenir l’activité des entreprises et à fournir des biens et des services et ce faisant, ils ont soutenu l’économie, l’emploi et la croissance de l’Union européenne.

3.2.

Sachant que les progrès croissants que connaissent les outils de bureautique en ligne, par exemple les logiciels de réunion en ligne, permettront de plus en plus à certains employés d’exercer leurs activités professionnelles depuis leur domicile avec une efficacité identique, si ce n’est supérieure, l’on s’attend à ce qu’augmente le nombre de télétravailleurs, le cas échéant transfrontaliers, au sein de l’Union européenne. Les législateurs se doivent d’adapter les règles en place à cette nouvelle réalité.

3.3.

Tout en reconnaissant que la faculté de télétravailler peut varier en fonction du secteur et de la teneur de l’emploi, le CESE considère qu’il convient de se féliciter de cet essor du télétravail et de l’encourager lorsqu’il est praticable. En sus du surcroît de souplesse qu’il procure aux travailleurs, il peut également s’avérer bénéfique pour le programme plus large de l’Union qu’est le pacte vert, sachant que la réduction du nombre de personnes qui se déplacent pour travailler entraîne celle des émissions des transports et de la pollution de l’air. Le CESE reconnaît l’importance toute particulière que revêt cette question pour l’Union européenne et pour la liberté de circulation des travailleurs au sein du marché unique.

3.4.

Le CESE n’est pas moins conscient des problèmes particuliers que pose l’essor du télétravail transfrontalier pour le système fiscal international. Il prend note des obstacles qu’ont signalés les travailleurs dans des situations de travail transfrontalier avant même la pandémie (12). Le CESE se félicite des mesures fiscales temporaires que les États membres ont prises au plus fort de la pandémie ainsi que des orientations fournies par l’OCDE au cours de cette dernière. Ces mesures ont permis aux travailleurs transfrontaliers et à leurs employeurs de poursuivre leurs activités commerciales et de faire en sorte que ni les uns ni les autres ne soient confrontés à une double imposition, permettant ainsi aux entreprises de continuer à soutenir l’économie de l’Union et les travailleurs à un moment important.

3.5.

Le CESE souligne toutefois combien il importe de continuer à adapter les systèmes fiscaux pour répondre aux besoins de l’environnement de travail d’aujourd’hui. En particulier, il importe que les employeurs, lorsqu’ils mettent en place les modalités du télétravail, ne soient pas dissuadés du fait d’obstacles fiscaux d’embaucher des travailleurs qui ne ressortissent pas de leur juridiction. De même, les règles fiscales ne devraient pas constituer un obstacle pour les travailleurs qui postulent à des emplois dans une situation transfrontalière.

3.6.

Le CESE estime qu’il est essentiel que les règles fiscales touchant au télétravail transfrontalier fassent en sorte d’éviter la double imposition ou une non-imposition involontaire aussi bien pour les travailleurs que pour leurs employeurs. En veillant à ce que les entreprises, quelle qu’en soit la taille, puissent offrir des possibilités de télétravail, il est important de supprimer, ou tout au moins de réduire au minimum, toute obligation administrative liée à l’imposition des télétravailleurs transfrontaliers (13).

3.7.

Le cadre international de la fiscalité des entreprises a été récemment remanié par l’accord relatif au paquet fiscal du cadre inclusif de l’OCDE reposant sur deux piliers. Si les travailleurs exercent de manière croissante leurs activités professionnelles au moyen du télétravail, il pourrait s’avérer nécessaire de réviser également les règles fiscales internationales applicables aux personnes physiques. En particulier, se conformer à de telles règles ne devrait pas poser de difficultés.

3.8.

Le CESE se félicite des discussions que la Commission européenne a engagées sur ce thème tant avec les États membres qu’avec les parties prenantes de la plateforme concernant la bonne gouvernance dans le domaine fiscal, en vue de mettre à jour les systèmes fiscaux de manière à prendre en compte l’environnement actuel du travail fondé sur un recours accru au télétravail. Le CESE fait état des discussions qui se sont tenues précédemment sur cette question dans le contexte de la communication sur le thème «Lever les obstacles fiscaux transfrontaliers pour les citoyens de l’Union européenne» et du rapport du groupe d’experts de la Commission consacré à la levée des obstacles fiscaux transfrontaliers rencontrés par les citoyens de l’Union européenne et intitulé «Ways to tackle cross-border tax obstacles facing individuals within the EU (14)».

4.   Observations particulières

4.1.

Sans méconnaître le droit des États de décider de l’opportunité de lever l’impôt sur leur territoire, ainsi que de son taux, il serait préférable de s’accorder au niveau mondial sur les principes de l’imposition du télétravail transfrontalier. Toutefois, au vu de la mobilité au sein de l’Union qui découle de la liberté de circulation sur le marché unique, il y a de bonnes raisons de traiter de cette question à l’échelon de l’Union avant que ne soit trouvée une solution mondiale. Si diverses approches sont possibles à cet égard, il importe de parvenir à un degré élevé de coordination entre les États membres de l’Union et, lorsque c’est possible, avec des pays tiers tels que le Royaume-Uni, la Suisse, etc.

4.2.

Les règles devraient être simples aussi bien pour les travailleurs que pour les employeurs. Une possibilité consisterait à ce que les États membres s’accordent à n’imposer le travailleur que si le nombre de jours ouvrés dans le pays dépasse 96 jours par année civile. Le CESE relève que pour les travaux menés en matière de fiscalité dans le contexte du cadre inclusif de l’OCDE, l’on a recouru à un instrument multilatéral à titre de moyen de faciliter l’application en temps voulu de nouvelles règles fiscales.

4.3.

Il apparaît justifié de disposer de règles ambitieuses propices au télétravail transfrontalier. Si l’on appliquait la règle des 183 jours, les travailleurs bénéficieraient d’une souplesse accrue, tout comme serait accrue la probabilité de réaliser les objectifs environnementaux. Si l’on augmente le nombre de jours, l’on accroît également la nécessité d’une forme ou d’une autre de système standardisé de déclaration, et il pourrait s’avérer nécessaire d’établir l’une ou l’autre forme de mécanisme compensatoire pour transférer les recettes fiscales entre les États (15).

4.4.

Le CESE demande à la Commission européenne d’étudier l’éventualité d’un guichet unique, à la manière de celui qui existe en matière de TVA (16). Il exigerait de l’employeur de déclarer pour les télétravailleurs transfrontaliers le nombre de jours que ceux-ci ont ouvrés dans leur État de résidence et dans celui dans lequel l’employeur est établi. Ces informations permettraient aux autorités fiscales de déterminer l’État dans lequel les revenus seraient assujettis à l’impôt ou la fraction de ces revenus qui serait assujettie dans chaque État. Telle est la recommandation qu’avait prônée le groupe d’experts de la Commission dans son rapport intitulé «Ways to tackle cross-border tax obstacles facing individuals within the EU» (17). Un dispositif de compensation des recettes fiscales entre États pourrait être relié aux informations déclarées auprès du guichet unique. Le contribuable ne devrait avoir affaire qu’à une seule autorité fiscale.

4.5.

Habituellement, l’employeur doit prélever des impôts sur les salaires et les traitements de ses travailleurs. De surcroît, des cotisations de sécurité sociale pour les régimes publics de retraite ou d’autres prestations sociales dont le travailleur est le bénéficiaire sont souvent versées de manière distincte, mais sont assises sur le revenu du travailleur (18). La charge administrative se trouverait considérablement réduite si de tels prélèvements pouvaient être versés par l’employeur au nom du travailleur d’une manière telle que le guichet unique répartirait les recettes à l’État bénéficiaire approprié. Un tel système exigerait une étroite collaboration entre autorités fiscales ainsi qu’un système électronique de déclaration.

4.6.

Le CESE a maintes fois demandé que les autorités fiscales des États membres resserrent leur coopération. Cette dernière simplifierait la vie des citoyens ordinaires et celle des entreprises et elle conforterait les possibilités de lutter plus efficacement contre la fraude et l’évasion fiscales. Pour lutter contre ce dernier phénomène, il est primordial qu’il soit rendu aisé de respecter les règles.

4.7.

Un système de guichet unique conçu pour les télétravailleurs transfrontaliers pourrait constituer une première étape dans la construction d’infrastructures permettant aux travailleurs et aux employeurs de réduire les litiges fiscaux entre États membres, et d’assurer dans le même temps que la collecte de l’impôt s’effectue correctement sans exiger d’un particulier qu’il procède à des déclarations dans de multiples États.

Bruxelles, le 13 juillet 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Sans méconnaître l’importance des aspects touchant aux contrats de travail, aux cotisations de sécurité sociale, aux droits liés à la retraite, aux préoccupations concernant la sécurité et la santé physique et mentale, aux incidences sur les organisations du marché du travail, à la compétitivité, etc., le présent avis s’attache avant tout à l’imposition directe des travailleurs et de leurs employeurs dans la situation où les premiers sont employés par une entreprise dans un État tout en exerçant leurs tâches pendant une partie limitée de leur temps de travail depuis un autre État en recourant aux outils de télétravail. Le présent avis ne traite pas des travailleurs détachés, des travailleurs frontaliers, tels que définis par des conventions bilatérales, ni des travailleurs indépendants engagés dans des prestations commerciales transfrontières.

(2)  «The impact of teleworking and digital work on workers and society» (Les effets du télétravail et du travail numérique sur les travailleurs et la société).

(3)  «The impact of teleworking and digital work on workers and society» (Les effets du télétravail et du travail numérique sur les travailleurs et la société).

(4)  Eurofound, «Labour market change — Teleworkability and the COVID-19 crisis: a new digital divide?» (Mutation du marché du travail — Capacité de télétravail et crise de la COVID-19: une nouvelle fracture numérique?), document de travail, WPEF20020.

(5)  Ces dispositifs couvrent le télétravail mais aussi les formations et les missions.

(6)  OCDE, mise à jour des orientations sur les conventions fiscales et impact de la pandémie de COVID-19.

(7)  Plateforme de la Commission concernant la bonne gouvernance dans le domaine fiscal, «Tax in an increasingly mobile working environment: challenges and opportunities» (L’impôt dans un monde du travail toujours plus mobile: enjeux et possibilités).

(8)  Voir l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 14 février 1995 dans l’affaire C-279/93, Finanzamt Köln-Altstadt/Schumacker.

(9)  Tax compliance costs for SMEs: an update and a complement: final report (Coûts pour les PME de conformité aux obligations fiscales — Rapport final mis à jour et complété), 2022.

(10)  Mise à jour des orientations sur les conventions fiscales et impact de la pandémie de COVID-19 et conventions fiscales et impact de la crise de la COVID-19: analyse du secrétariat de l’OCDE.

(11)  Conventions fiscales et impact de la crise de la COVID-19: analyse du secrétariat de l’OCDE.

(12)  Voir la communication de la Commission sur le thème «Lever les obstacles fiscaux transfrontaliers pour les citoyens de l’Union européenne» [COM(2010) 769 final, page. 4]: «Les citoyens de l’Union qui déménagent à l’étranger pour y travailler de manière permanente ou temporaire ou qui franchissent tous les jours la frontière pour se rendre au travail se plaignent souvent de difficultés à obtenir des déductions, des avantages et des abattements fiscaux de la part des autorités fiscales étrangères. Ils déplorent également souvent des taux d’imposition progressifs plus élevés pour les non-résidents et une imposition plus lourde des revenus étrangers. Les problèmes de double imposition sont aussi fréquemment cités, lesquels découlent des conflits en matière de résidence fiscale, des limitations du montant du crédit d’impôt prévu par les conventions préventives de double imposition et même, dans certains cas, de l’absence de telles conventions.».

(13)  Les travailleurs qui, à la suite de la pandémie, résident en permanence dans un autre État de l’Union européenne que celui dans lequel l’entreprise est établie, et qui travaillent à distance, se trouveront confrontés à de nombreuses questions: de quel système de sécurité sociale ressortissent-ils; quelle est l’autorité fiscale à laquelle leur employeur devra verser les impôts qui frappent leurs revenus; leur employeur sera-t-il capable de continuer à procéder à la retenue à la source; leur relation d’emploi devra-t-elle être enregistrée auprès des services compétents de l’emploi dans leur nouvel État de résidence; quel droit du travail s’applique à cette relation d’emploi, etc.

(14)  Ways to tackle cross-border tax obstacles facing individuals within the EU.

(15)  Le mécanisme compensatoire pour l’imposition internationale des sociétés consiste à attribuer au «pays de marché» une fraction des bénéfices d’entreprises hautement rentables (montant A du pilier un). Il importe qu’un mécanisme compensatoire entre États, quel qu’il soit, au titre du télétravail transfrontalier soit aussi simple que possible. Le nombre de jours et les revenus touchés devraient être les paramètres essentiels à prendre en compte.

(16)  L’Union européenne a mis en place le mini-guichet unique en matière de TVA (MGU) afin d’alléger les charges qui pèsent sur les entreprises vendant à des consommateurs dans d’autres de ses États membres. Ce guichet permet aux entreprises de présenter une seule demande de remboursement de la TVA déclarant les ventes réalisées dans plusieurs États membres de l’Union, plutôt que de devoir s’enregistrer dans chacun d’eux au titre de la TVA.

(17)  Ways to tackle cross-border tax obstacles facing individuals within the EU.

(18)  Le CESE est conscient de la nécessité de traiter également des effets sur des prestations telles que les pensions de retraite, etc., lorsque les cotisations de sécurités sociales sont réparties entre des États. Cette question pourrait faire à l’avenir l’objet de travaux du CESE.


22.11.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 443/22


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «L’identité numérique, la souveraineté en matière de données et la voie vers une transition numérique équitable pour les citoyens vivant dans la société de l’information»

(avis d’initiative)

(2022/C 443/03)

Rapporteur:

Dumitru FORNEA

Base juridique

Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur

Avis d’initiative

Décision de l’assemblée plénière

20.1.2022

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section

21.6.2022

Adoption en session plénière

14.7.2022

Session plénière no

571

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

179/1/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Les progrès technologiques et l’évolution des technologies numériques, des biotechnologies et des systèmes de communications électroniques ont créé d’importantes possibilités s’agissant de consolider des sociétés économiquement prospères, plus inclusives et plus justes. Dans le même temps, un certain nombre de menaces graves pour l’humanité se sont développées.

1.2.

Afin de préserver la sécurité de l’humanité et le tissu social nécessaire pour que chacun puisse vivre une vie épanouissante sur cette planète, nous devons veiller à ce que les nouveaux outils de gouvernance imposés par la révolution numérique et industrielle ne soient pas oppressifs et ne subordonnent pas la vie quotidienne des citoyens à une intégration obligatoire dans des systèmes technologiques numériques contrôlés de manière non démocratique.

1.3.

Les institutions publiques sont vulnérables face à des acteurs non étatiques qui disposent d’un accès direct aux connaissances, aux brevets, aux technologies et aux fonds d’investissement. Le Comité économique et social européen (CESE) estime que la souveraineté technologique européenne est un facteur qui devrait être pris en considération à l’avenir dans tous les processus d’élaboration des politiques et que la législation doit être complétée par des réglementations et des normes communes explicites et pleinement applicables dans tous les États membres.

1.4.

Les évolutions technologiques affectent de nombreux droits et libertés des citoyens. Le CESE demande que tous les secteurs utilisant des données à caractère personnel et des biodonnées soient réglementés de manière claire, dans le respect intégral des droits fondamentaux de l’homme, et il invite à mettre à jour le règlement général sur la protection des données (RGPD) en conséquence.

1.5.

Le CESE est convaincu que l’identité numérique, les moyens de paiement numériques et l’immersion dans les plateformes de réalité virtuelle ou augmentée devraient rester des instruments qui ne font que compléter l’existence physique que nous connaissions avant l’adoption de ces technologies et ne devraient pas remplacer complètement et abusivement d’autres modèles de vie qui ont été mis au point et perfectionnés par l’homme pendant ses milliers d’années d’existence.

1.6.

Le CESE plaide en faveur de dispositions claires en matière de lutte contre la discrimination dans toutes les futures propositions législatives relatives à l’identité numérique, et s’oppose totalement à la mise en place d’un système qui surveillerait de près les citoyens européens, les suivrait et/ou contrôlerait leurs activités et leur comportement. En outre, il estime que la société civile organisée doit être étroitement associée au processus de mise en œuvre.

1.7.

Le CESE est parvenu à la conclusion que toute initiative visant à intégrer les citoyens dans le système européen d’identité numérique devrait être fondée sur des études d’impact et des enquêtes sociologiques exhaustives. La décision finale ne devrait être prise qu’avec le consentement éclairé et librement exprimé du citoyen.

1.8.

Le CESE estime que pour progresser démocratiquement vers une société numérique équitable acceptée par les citoyens de l’UE, la Commission européenne doit réaliser des analyses d’impact portant sur les éléments suivants:

l’énorme besoin en énergie, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, nécessaire pour maintenir l’infrastructure technologique mondiale afin de garantir un accès ininterrompu et sûr à un système numérique visant à transférer les fonctionnalités critiques et stratégiques de la société humaine,

l’impact de la numérisation et de l’automatisation des interactions humaines sur la qualité de vie et les conditions de travail, en particulier sur le plan des relations humaines, avec l’augmentation de la prévalence de la solitude, les problèmes de santé mentale, le déclin de l’intelligence cognitive et émotionnelle et le risque accru d’aliénation sociale,

les mesures politiques, économiques et sociales nécessaires pour adapter la société aux changements quantitatifs dramatiques qui toucheront le marché du travail,

la cybersécurité, dans un contexte où les activités des pirates informatiques se sont accrues, gagnant en diversité et en complexité, et en ce qui concerne les conditions du développement accéléré de l’internet des objets, qui rendent les protocoles d’accès vulnérables et perméables.

1.9.

Le CESE conclut que la sécurité des données devrait être un point non négociable, et il regrette que la sécurité du futur portefeuille numérique européen ne soit pas la priorité absolue de la proposition législative de la Commission.

1.10.

Le CESE estime qu’il y a lieu de prévoir clairement une responsabilité pour les éventuels dysfonctionnements dans toutes les propositions législatives de l’UE sur l’intelligence artificielle. Il convient de trouver le juste équilibre entre la non-divulgation de secrets commerciaux et la garantie d’évolutions transparentes et traçables.

1.11.

Le CESE a été la première institution européenne à plaider en faveur du principe de «l’humain aux commandes», et il rappelle que plusieurs niveaux de contrôle sont nécessaires pour garantir son respect.

1.12.

Le CESE est totalement opposé aux bases de données privées de reconnaissance faciale, sauf à des fins de lutte contre la criminalité, et à tout type de système de notation sociale, car ils violent les valeurs et les droits fondamentaux de l’UE.

1.13.

Le CESE estime que les données européennes produites dans l’UE devraient être stockées sur le sol de l’Union et être protégées contre tout accès d’entités extérieures à son territoire. En outre, il estime que le consentement éclairé pour l’utilisation des données doit être mis en œuvre tant pour les données à caractère personnel que pour les données non personnelles, et il plaide une nouvelle fois en faveur d’une mise à jour du RGPD à cet égard.

1.14.

Le CESE se dit préoccupé par les disparités croissantes entre les États membres et par le manque de protection des groupes vulnérables, et appelle de nouveau à une Union qui s’engage résolument dans la transition numérique et dans laquelle personne n’est laissé pour compte. Les personnes âgées devraient faire l’objet d’une attention particulière.

1.15.

Le CESE plaide en faveur d’un système européen d’éducation numérique qui soit robuste et capable de préparer la main-d’œuvre aux défis technologiques et de l’aider à obtenir des emplois de qualité. Des programmes d’habileté numérique doivent être mis en œuvre dans tous les États membres, de même que des programmes d’apprentissage numérique tout au long de la vie, des tutoriels permettant de maîtriser le vocabulaire et une formation pratique.

1.16.

Le Comité estime qu’il est essentiel d’associer les travailleurs à la transition numérique afin qu’ils puissent comprendre à la fois les risques et les possibilités qui se présenteront à l’avenir, ce qui favorisera le transfert de connaissances et l’acquisition de nouvelles compétences.

2.   Contexte

2.1.

Les citoyens européens s’intéressent à l’évolution de la mise en œuvre des solutions technologiques numériques visant à simplifier les procédures administratives nécessaires dans leurs rapports avec les autorités ou dans la vie sociale au quotidien. Le présent avis entend sensibiliser les décideurs nationaux et européens aux préoccupations de la société civile organisée en ce qui concerne les effets négatifs que l’accélération du déploiement des technologies numériques pourrait entraîner sur la société.

2.2.

La pandémie de COVID-19 a accéléré la transformation numérique des sociétés et contraint les citoyens à adopter les nouvelles technologies dans le cadre de leur travail, de leurs études et d’autres activités quotidiennes. Cela a permis aux entreprises et aux citoyens de se perfectionner sur le plan numérique et de progresser.

2.3.

Les avantages de la généralisation de l’identité numérique ont été largement expliqués dans divers documents publiés par les institutions européennes et les organisations internationales mondiales. À cet égard, le document le plus récent est la proposition de règlement en ce qui concerne l’établissement d’un cadre européen relatif à une identité numérique» (1), publié le 3 juin 2021.

2.4.

La Commission européenne entend fournir un cadre européen pour l’identité numérique fondé sur la révision du cadre actuel, de sorte qu’au moins 80 % des citoyens disposent d’une solution d’identification électronique pour accéder aux services publics essentiels d’ici à 2030 (2). Les pouvoirs publics doivent être dotés des ressources humaines et financières nécessaires pour intégrer les évolutions technologiques numériques et les contrôler.

2.5.

À l’appui de cette affirmation, il convient de noter que l’indice relatif à l’économie et à la société numériques (DESI) (3) publié par la Commission européenne en 2021 indique qu’en 2020, le pourcentage de personnes possédant au moins des compétences numériques de base s’établissait à 56 %. Toutefois, une grande partie de la population de l’Union ne dispose pas encore de compétences numériques de base, même si la plupart des emplois les requièrent. De nombreux citoyens affirment posséder des compétences numériques, mais, à y regarder de plus près, il ne s’agit guère que de la capacité d’exploiter les possibilités de base offertes par l’internet (navigation et réseaux sociaux) et les progiciels proposés par Microsoft Office ou Mac OS.

2.6.

Dans le domaine de l’intelligence artificielle (IA), une étude récente publiée par la Banque européenne d’investissement (4) indique que l’Europe reste à la traîne par rapport aux autres puissances économiques mondiales. Selon cette étude, les États-Unis et la Chine représentent à eux deux plus de 80 % des 25 milliards d’EUR d’investissements annuels en actions dans l’IA et dans les technologies de chaînes de blocs. L’UE ne représente que 7 % de ces investissements et le déficit d’investissement total se situe entre 5 et 10 milliards d’EUR par an.

2.7.

La Commission a proposé de combler cet écart et de mettre à disposition 1 milliard d’EUR par an pour les investissements dans l’IA, montant qui devrait être complété par des investissements privés et des ressources propres des États membres. L’objectif est d’atteindre 20 milliards d’EUR d’investissements par an au cours de la prochaine décennie (5).

3.   Observations générales

3.1.

Les progrès technologiques en général et l’évolution des technologies numériques, des biotechnologies et des systèmes de communications électroniques au cours des deux dernières décennies ont créé d’énormes possibilités au niveau mondial s’agissant de consolider des sociétés économiquement prospères, plus inclusives et plus justes.

3.2.

Dans le même temps, en l’absence d’un nouveau contrat social et d’un cadre réglementaire adapté à ces nouvelles technologies dites «de rupture», un certain nombre de menaces graves pour l’humanité se sont développées (comme par exemple les pertes d’emploi causées par les progrès de l’automatisation et le déploiement de celle-ci, les violations de la vie privée, les biais algorithmiques induits par des données erronées, ou la volatilité des marchés), compte tenu notamment des tentatives constantes des géants mondiaux de la technologie d’imposer leurs produits et services en contournant le corpus législatif en vigueur aux niveaux international et national et qui garantit les droits fondamentaux de l’homme.

3.3.

Les institutions gouvernementales internationales et nationales sont vulnérables face à des acteurs non étatiques qui disposent d’un accès direct aux connaissances, aux brevets, aux technologies et aux fonds d’investissement, le personnel de ces institutions ne parvenant souvent pas à cerner toutes les conséquences sociétales des nouvelles technologies sur les droits des citoyens et des consommateurs. Le CESE est convaincu que les considérations relatives à la souveraineté technologique européenne devraient être prises en compte à l’avenir dans tous les processus d’élaboration des politiques.

3.4.

Le CESE demande que la législation soit clarifiée et complétée par des réglementations et des normes communes explicites et pleinement applicables dans tous les États membres, portant notamment sur les responsabilités connexes, en tenant compte du fait que les technologies liées à l’identification numérique sont en grande partie gérées par des algorithmes informatiques et par l’intelligence artificielle, qui ne peuvent être tenus pour responsables des erreurs commises.

3.5.

De nombreuses situations documentées et étudiées en détail ont déjà été recensées, dans lesquelles des personnes sont incriminées et condamnées injustement pour les mauvaises décisions prises par des algorithmes informatiques et l’intelligence artificielle. Par exemple, des responsables des forces de sécurité et de police sont induits en erreur par les conclusions incorrectes d’algorithmes informatiques tels que l’intelligence artificielle, la reconnaissance faciale, l’apprentissage automatique, l’analyse des données et les prévisions, ou encore les relevés du temps de travail et les notations, avec pour conséquence que de nombreux droits et libertés des citoyens sont affectés.

3.6.

Pour cette raison, les règles juridiques qui seront élaborées pour couvrir le domaine de l’identité numérique et des technologies connexes doivent reposer principalement sur une transparence totale, une information correcte et complète des utilisateurs et un consentement libre et éclairé, et garantir une protection pleine et entière qui tienne compte notamment de toutes les vulnérabilités informatiques des réseaux de communications mobiles et de leurs appareils. En conséquence, le CESE demande que tous les secteurs utilisant des données à caractère personnel et des biodonnées, comme, parmi d’autres, l’identité numérique, les réseaux de communications mobiles 5G et l’intelligence artificielle, soient réglementés de manière distincte et claire, dans le respect intégral des droits fondamentaux de l’homme.

4.   Observations particulières

Identité numérique

4.1.

En ce qui concerne la mise en œuvre de l’identification numérique en Europe, la gestion des données est essentielle pour garantir la protection des citoyens et préserver leur vie privée. Le plein respect du RGPD doit être garanti.

4.2.

Les citoyens européens sont au cœur de l’ensemble des programmes et des politiques mis en œuvre dans l’UE. Le CESE approuve et soutient la publication de la proposition de la Commission sur «Une identité numérique pour tous les Européens» (6), qui précise que le choix de recourir ou non à un moyen d’identification numérique doit appartenir à chacun. Néanmoins, il estime que l’impact de l’exclusion de certains citoyens qui n’opteront pas pour un moyen d’identification numérique a été minimisé, et il insiste pour que le droit à l’oubli et le droit à la déconnexion soient clairement mis en œuvre dans la législation de l’UE.

4.3.

Le CESE plaide en faveur de dispositions claires en matière de lutte contre la discrimination dans toutes les futures propositions législatives en la matière. Quelle que soit la raison pour laquelle un citoyen pourrait décider de ne pas utiliser un tel moyen d’identification, que ce soit pour des raisons liées à la protection des données, par souci d’anonymat ou pour toute autre raison, il ne doit pas être désavantagé par rapport aux utilisateurs de l’identité numérique, ni marginalisé. Les données individuelles devraient toujours demeurer la propriété de la personne concernée, et la mise en œuvre de l’identité numérique doit reposer sur la protection des droits de l’homme. Afin de garantir la protection et la sécurité des données, ainsi que le respect de la vie privée, le CESE propose que l’identité numérique des citoyens de l’UE soit gérée, dans chaque État membre, par un organisme de service public, sous l’autorité de l’État et sous le contrôle démocratique des parlements nationaux.

4.4.

L’introduction de l’identification numérique en Europe devrait avoir pour objectif de permettre une connectivité sûre et facile pour les consommateurs. Elle doit notamment permettre la fourniture de données et d’une offre de services publics améliorées, la mise en œuvre de programmes publics plus ciblés et une plus grande efficacité du marché du crédit. Si le CESE est favorable à un tel scénario, il note toutefois que la mise en œuvre de l’identification numérique comporte une série de risques sur le plan du respect de la vie privée et de la protection des données, et il s’oppose totalement à la mise en place d’un système qui surveillerait de près les citoyens européens, suivrait et/ou contrôlerait leurs activités et leur comportement.

4.5.

La cybersécurité est un aspect important de la mise en œuvre de l’identification numérique, compte tenu du risque élevé de piratage de données personnelles et financières importantes. Le CESE attend avec intérêt la version finale de la législation proposée et de l’accord entre les États membres sur les normes, les spécifications techniques et les aspects liés à l’interopérabilité, qui devrait être en place d’ici octobre 2022. Il estime que la société civile organisée, y compris les partenaires sociaux, les ONG et le monde universitaire, doit être étroitement associée au processus de mise en œuvre.

4.6.

La fraude demeure l’un des plus grands risques liés à la mise en œuvre de l’identification numérique. Les messages d’hameçonnage que nous recevons tous aujourd’hui se multiplieront et cibleront les groupes les plus vulnérables parmi les citoyens européens. Le CESE estime que les aspects problématiques en matière de sécurité liés à cette question n’ont pas été rigoureusement quantifiés, et il regrette que la proposition de la Commission établissant un cadre pour une identité numérique européenne ne considère pas la sécurité du futur portefeuille numérique comme étant la question la plus importante. Le phénomène du vol d’identité synthétique s’est développé dans d’autres parties du monde où des systèmes similaires sont mis en place. L’UE devrait se familiariser avec ces problèmes et y remédier avant la mise en œuvre. Par conséquent, le CESE estime que la sécurité des données devrait être un point non négociable.

IA — Intelligence artificielle

4.7.

Le marché unique numérique a besoin de l’IA pour évoluer et progresser. L’intelligence artificielle repose sur des algorithmes qui nécessitent d’énormes quantités de données et de métadonnées privées. La société doit tirer parti des évolutions technologiques et de la science appliquée fondée sur les algorithmes. Toutefois, lors de la mise en œuvre des technologies de l’IA, il convient de veiller à ce que les communautés historiquement marginalisées soient en mesure de bénéficier des programmes et à ce que les disparités sociales existantes ne soient pas exacerbées.

4.8.

Le CESE a été la première institution européenne à plaider en faveur du principe de «l’humain aux commandes» en matière de maîtrise des systèmes d’IA (7). Il réaffirme qu’il est primordial que les êtres humains aient le dernier mot et soient pleinement maîtres des processus décisionnels en ce qui concerne le développement des machines.

4.9.

La protection de la propriété intellectuelle peut être utilisée comme argument en faveur d’un développement non transparent de l’IA. Le CESE estime qu’il convient de trouver le juste équilibre entre la non-divulgation de secrets commerciaux et la garantie d’évolutions transparentes et traçables. En outre, il y a lieu de prévoir clairement une responsabilité pour les éventuels dysfonctionnements dans toutes les propositions législatives de l’UE sur l’intelligence artificielle, responsabilité qui devrait incomber aux développeurs, aux codeurs, aux concepteurs de l’IA et aux propriétaires légitimes.

4.10.

Le CESE estime que les technologies de l’intelligence artificielle doivent être mises en œuvre de manière socialement durable, en tenant compte des droits de l’homme, des valeurs européennes, de l’égalité de genre, de la diversité culturelle, des intérêts des groupes défavorisés et des droits de propriété intellectuelle.

4.11.

Des progrès supplémentaires sont nécessaires en ce qui concerne le RGPD en vue de s’assurer que les algorithmes sont pleinement conformes au droit européen et le respectent. À cet égard, le Comité demande l’élaboration de règles éthiques communes qui garantissent le libre accès aux codes sources des algorithmes.

4.12.

Si l’IA peut contribuer à la réalisation des objectifs climatiques et environnementaux, il convient cependant de prendre en considération l’énorme quantité d’énergie qui est utilisée pour faire fonctionner ces systèmes numériques, ainsi que d’autres défis liés à l’internalisation des coûts externes. Le CESE propose que le suivi de cet aspect soit renforcé, et il invite les entreprises numériques à faire des progrès en matière de réduction des émissions de carbone.

4.13.

Dans des secteurs clés tels que la défense ou la cybersécurité, le contrôle des êtres humains sur les robots doit être garanti, et le CESE plaide en faveur d’un cadre très précis au niveau de l’UE afin de s’assurer de ce contrôle, et de garantir qu’une intervention humaine soit toujours possible pour réparer les erreurs de tout système de prise de décision automatisé.

4.14.

Le CESE est totalement opposé aux bases de données privées de reconnaissance faciale, sauf à des fins de lutte contre la criminalité, et à tout type de système de notation sociale, car ils violent les valeurs et les droits fondamentaux de l’UE.

4.15.

En ce qui concerne les aspects sociaux, le CESE craint que les évolutions en matière d’IA n’aient une incidence considérable sur les marchés du travail, ce qui pourrait entraîner une crise du chômage. En outre, elles pourraient avoir une incidence sur le comportement humain et conduire à la paresse et à la superficialité.

Mégadonnées

4.16.

Le CESE se félicite du règlement sur les données (8) publié par la Commission européenne en février 2022 et y voit un cadre éthique pour le traitement transparent des données à caractère personnel au titre duquel les citoyens et les entreprises qui génèrent ces données exercent un contrôle absolu. Le règlement permet également l’utilisation des données par un plus grand nombre de parties prenantes et de citoyens, et comporte des avantages accrus pour les consommateurs, les entreprises et les pouvoirs publics, ce qui conduit à une économie des données équitable.

4.17.

De grandes quantités de données sont aujourd’hui à la disposition des pouvoirs publics et d’une poignée de grandes entreprises technologiques telles que Google, Facebook (Meta), TikTok ou Amazon. Malheureusement, seul un nombre limité de parties prenantes en bénéficient actuellement et le CESE craint que les données produites dans l’UE ne soient stockées et traitées et ne produisent de la valeur en dehors de l’Europe (9). Le CESE estime qu’il sera difficile pour l’Union de parvenir à la souveraineté numérique si elle ne dispose pas de ses propres géants de la technologie numérique, ne stocke pas les données européennes sur son propre sol et ne protège pas ces données contre tout accès d’entités extérieures à son territoire.

4.18.

La gestion des mégadonnées doit toujours respecter les droits de l’homme consacrés à l’article 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (10), en particulier lorsque des algorithmes sont utilisés dans le cadre du processus décisionnel. Les fournisseurs d’informatique en nuage établis dans l’UE ne détiennent qu’une petite part du marché international, lequel est largement dominé par les entreprises américaines. Cela désavantage l’Union et limite les possibilités d’investissement sur le marché du traitement des données. Cette situation entrave également la compétitivité des grandes entreprises et leur potentiel s’agissant de se développer et de conquérir des marchés, et empêche les PME de s’accroître. Le CESE salue la communication de la Commission intitulée «Une politique de concurrence adaptée aux nouveaux défis» (11) et l’importance accordée à la transformation numérique dans l’optique de la refonte du futur cadre de l’UE en matière de concurrence.

4.19.

Le CESE estime que le consentement éclairé pour l’utilisation des données doit être mis en œuvre tant pour les données à caractère personnel que pour les données non personnelles. Il plaide une nouvelle fois en faveur d’une mise à jour du RGPD à cet égard.

Transition numérique équitable et culture numérique dans l’UE

4.20.

Le CESE constate que le marché du travail évolue et que de plus en plus de secteurs de l’économie se plaignent du manque de main-d’œuvre formée et qualifiée. Il observe également une baisse des qualifications et un manque de savoir-faire et d’expertise spécifiques.

4.21.

Dans de précédents avis, le CESE a plaidé en faveur d’une Union qui s’engage résolument dans l’inclusion numérique et dans laquelle personne n’est laissé pour compte. Des années plus tard, les disparités entre les États membres se creusent et les groupes vulnérables ne sont toujours pas protégés, en particulier la population âgée, qui est la plus exposée.

4.22.

Le CESE se dit inquiet de la fracture numérique qui existe dans l’UE et demande que des programmes d’habileté numérique soient mis en œuvre de manière coordonnée dans tous les États membres et que l’apprentissage numérique tout au long de la vie devienne une réalité dans l’UE, notamment par le recours à des solutions à code source ouvert en tant qu’alternatives gratuites aux solutions commerciales. L’acquisition de compétences numériques commence par des tutoriels permettant de maîtriser le vocabulaire et se termine par une formation pratique.

4.23.

Il est essentiel d’associer les travailleurs à la transition numérique afin qu’ils puissent comprendre à la fois les risques et les possibilités qui se présenteront à l’avenir. L’évolution des environnements de travail nécessite non seulement de transférer les connaissances et d’acquérir de nouvelles compétences, mais aussi d’améliorer les conditions de travail des personnes qui exercent leur activité par l’intermédiaire de plateformes de travail numériques.

4.24.

Le CESE plaide en faveur d’un système européen d’éducation numérique qui soit robuste et capable de préparer la main-d’œuvre aux défis technologiques et de l’aider à obtenir des emplois de qualité. Il rappelle à cet égard l’existence de l’accord-cadre des partenaires sociaux européens sur la numérisation.

4.25.

Le CESE a déjà souligné la nécessité d’améliorer encore l’acquisition de compétences solides dans les domaines des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques (STIM) (12).

Bruxelles, le 14 juillet 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 910/2014 en ce qui concerne l’établissement d’un cadre européen relatif à une identité numérique [COM(2021) 281 final].

(2)  Une identité numérique pour tous les Européens.

(3)  https://digital-strategy.ec.europa.eu/fr/policies/desi

(4)  Étude de la BEI: Artificial intelligence, blockchain and the future of Europe: How disruptive technologies create opportunities for a green and digital economy (Intelligence artificielle, chaînes de blocs et avenir de l’Europe: comment les technologies de rupture créent des possibilités pour une économie verte et numérique).

(5)  Commission européenne — Une approche européenne de l’intelligence artificielle.

(6)  Une identité numérique pour tous les Européens [COM(2021) 281 final].

(7)  JO C 288 du 31.8.2017, p. 1.

(8)  Commission européenne — Règlement sur les données.

(9)  Eurostat indique que seules 36 % des entreprises de l’UE ont utilisé des services d’informatique en nuage en 2020, principalement pour le courrier électronique et le stockage, et que seulement 19 % des entreprises de l’informatique en nuage ont vu leurs services sollicités.

(10)  JO C 326 du 26.10.2012, p. 391.

(11)  Communication de la Commission européenne — A competition policy fit for new challenges (Une politique de concurrence adaptée aux nouveaux défis) [COM(2021) 713 final] (en anglais seulement).

(12)  JO C 14 du 15.1.2020, p. 46, JO C 10 du 11.1.2021, p. 40, JO C 228 du 5.7.2019, p. 16, JO C 75 du 10.3.2017, p. 6, JO C 374 du 16.9.2021, p. 11.


22.11.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 443/29


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Analyse du rôle de la société civile organisée dans le nouvel accord entre l’Union européenne et l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP), y compris la situation des accords de partenariat économique (APE) à cet égard»

(avis d’initiative)

(2022/C 443/04)

Rapporteur:

Carlos TRINDADE

Décision de l’assemblée plénière

21.10.2021

Base juridique

Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Relations extérieures»

Adoption en section

9.6.2022

Adoption en session plénière

13.7.2022

Session plénière no

571

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

170/0/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) relève que l’Union européenne a adopté de longue date un cadre de valeurs et d’objectifs qui régit ses relations avec les États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) et, concrètement, porte sur la démocratie, la bonne gouvernance et les droits de l’homme, la croissance durable et inclusive assortie d’emplois décents, la mobilité et la migration vues comme des ouvertures, le développement humain, l’environnement et la volonté d’«unir nos forces sur la scène mondiale dans les domaines d’intérêt commun». Eu égard aux relations avec les pays tiers voisins, ce cadre est complété par un objectif sécuritaire.

1.2.

Le CESE approuve ce cadre de valeurs et d’objectifs sur lequel l’Union a axé ses relations en matière d’échanges et de coopération au développement, tel qu’il a été défini dans différents accords internationaux conclus depuis 1960 avec les pays ACP.

1.3.

Le CESE soutient dans les grandes lignes ce nouvel accord et espère qu’il pourra être signé rapidement par les parties, qu’il félicite pour les efforts considérables qu’elles ont déployés et les engagements importants qu’elles ont pris, en utilisant comme cadre de référence les objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies.

1.4.

En particulier, le CESE conseille vivement à la Commission de mener une réflexion approfondie et de prendre de nouvelles décisions en ce qui concerne la structure de la coopération au développement qu’impliquent le nouvel accord et ceux de partenariat économique (APE), en tenant compte pour ce faire de l’expérience de la COVID-19, qui pose la question des infrastructures critiques en matière de santé, et des conséquences géopolitiques de la guerre en Ukraine, notamment du point de vue de la sécurité alimentaire, des prix de l’énergie et des menaces sur la démocratie. Le CESE souligne qu’à la suite de ces deux événements majeurs, qui revêtent une portée planétaire et ont profondément modifié le paysage mondial, il s’impose à présent d’élaborer des réponses plus complexes et prégnantes, nécessitant une coopération internationale différente de celle qui a cours aujourd’hui.

1.5.

Le CESE constate avec satisfaction que le nouvel accord reconnaît l’importance du rôle joué par les organisations de la société civile et les partenaires sociaux, et il félicite les parties signataires d’avoir entériné cette reconnaissance.

1.6.

Le CESE souligne et apprécie grandement que le nouvel accord, dans son socle commun comme dans chacun de ses protocoles régionaux, affirme à maintes reprises, fût-ce dans des formulations différentes, qu’il importe de prévoir des mécanismes officiels de participation, d’information, d’audition et de consultation structurée de la société civile, ou «mécanismes institutionnels».

1.7.

Le CESE fait observer que les organisations de la société civile et les partenaires sociaux disposent de mécanismes d’institutionnalisation distincts, grâce auxquels ils peuvent exprimer de manière officielle leurs positions, propositions et critiques. Il est primordial que, quelle qu’en soit la dénomination, comités économiques, sociaux et culturels, conseils consultatifs, forums, plateformes, réseaux d’organisations de la société civile, conférences permanentes ou tout autre intitulé, il existe des mécanismes institutionnels, régis par la loi et fonctionnant de manière formalisée, grâce auxquels les organisations de la société civile, qui pratiquent le dialogue civil, et les partenaires sociaux, qui participent au dialogue social, puissent, par leur engagement, contribuer au débat dans l’espace public et démocratique. L’officialisation ainsi donnée à ces mécanismes institutionnels confère une résilience accrue à la société, en ce qu’elle y dynamise la citoyenneté et intensifie la vie démocratique.

1.8.

S’agissant des organisations de la société civile et des partenaires sociaux, ainsi que des mécanismes institutionnels, le CESE constate des réalités très hétérogènes dans l’Union comme dans les États ACP, en raison des différences économiques, sociales, culturelles et politiques entre les régions, les sous-régions et les pays. Dans les États ACP, l’économie informelle est une réalité essentielle que l’on ne peut éluder et qui doit être prise en compte dans les travaux des organisations de la société civile et des partenaires sociaux, ainsi que lors de la mise en œuvre des mécanismes institutionnels et dans le cadre de leur fonctionnement, car à défaut, les résultats produits par le nouvel accord ne profiteront pas à l’ensemble de la population. Le CESE affirme qu’il est absolument nécessaire de trouver des solutions qui permettent de surmonter les difficultés existantes, notamment en ce qui concerne la capacité technique et le soutien financier aux organisations de la société civile et aux partenaires sociaux. Le CESE estime qu’il existe au sein de l’Union européenne et de l’OEACP un ensemble de bonnes pratiques qu’il convient de cerner afin de pouvoir les reproduire dans d’autres pays. Le comité de suivi ACP-UE en est un exemple, et il est en mesure d’assumer cette tâche.

1.9.

En ce qui concerne son engagement dans ce processus, le CESE se donne pour objectif de mettre en œuvre les mécanismes institutionnels prévus et de promouvoir et soutenir les organisations de la société civile et les partenaires sociaux dans les pays ACP, en reconnaissant que ces acteurs jouent un rôle moteur pour encourager le développement durable, notamment dans le contexte de l’objectif de développement durable des Nations unies no 17.

1.10.

Le CESE propose à la Commission de se donner pour objectif d’établir, dans le respect de la structure que présente le nouvel accord, quatre mécanismes institutionnels, à savoir, un premier fonctionnant entre l’Union européenne et l’OEACP, sur la base du socle commun, un second avec l’Afrique, un troisième avec les Caraïbes et un quatrième avec le Pacifique, au titre des protocoles régionaux qu’elle a conclus respectivement avec ces régions.

1.11.

Le CESE propose également à la Commission de créer des comités consultatifs dans le cadre des accords de partenariat économique. Il affirme que dans les pays ACP, les organisations de la société civile et les partenaires sociaux jouent un rôle irremplaçable, et qu’il convient de le renforcer. À cet égard, il soutient les recommandations formulées dans son avis REX/536, qu’il y a lieu d’appliquer dans les accords de partenariat économique qui existent actuellement ou seront conclus à l’avenir et il estime que le comité consultatif du Cariforum offre un excellent exemple de bonne pratique, qu’il est nécessaire de diffuser et de reproduire.

1.12.

Le CESE recommande vivement à la Commission de veiller, à l’avenir, à ce que les différents mécanismes institutionnels à mettre en œuvre au titre de l’accord entre l’Union européenne et l’OEACP, concernant le socle commun, les protocoles régionaux et les accords de partenariat économique, soient correctement articulés afin de créer des synergies et d’optimiser les ressources, notamment financières. Dès lors qu’ils se concentreront avec minutie et rigueur sur leur mission et se coordonneront mutuellement pour former une architecture unique et bien structurée, ces mécanismes institutionnels feront la démonstration de leur pertinence en ce qui concerne la résilience de nos sociétés, la croissance économique et le bien-être des citoyens.

1.13.

Le CESE suggère vivement à la Commission de prévoir des instruments financiers pour soutenir les programmes et projets d’études et de prospective sur la réalité des organisations de la société civile et des partenaires sociaux dans les États ACP, en prenant en compte leurs besoins sur le plan de l’aptitude à exercer le pouvoir, la robustesse technique des organisations et la mise en œuvre des mécanismes institutionnels prévus. Le Comité souligne que l’objectif consiste à consolider ainsi, dans le contexte du nouvel accord, l’existence d’organisations de la société civile et de partenaires sociaux qui présentent un caractère démocratique et permettent des interventions qualifiées et une participation active de la part de leurs membres.

1.14.

Le CESE demande instamment à la Commission de soutenir l’activité du comité de suivi ACP-UE du CESE, qui est le seul mécanisme institutionnel qui existe aujourd’hui dans le cadre du nouvel accord entre l’Union européenne et l’OEACP et qui jouera un rôle renforcé dans ce processus, notamment grâce au dialogue structuré, afin i) de fournir aux institutions des rapports, projets et avis pertinents, ii) de mobiliser les parties prenantes des pays ACP, et iii) de contribuer à la mise en place des mécanismes institutionnels prévus.

2.   Observations générales sur le contexte historique et les objectifs stratégiques

2.1.

En 2016, l’Union européenne a adopté, dans le cadre du partenariat renouvelé avec les pays de l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP), un ensemble de priorités d’intérêt commun, qui ont été réaffirmées dans des documents ultérieurs, concernant la démocratie, la bonne gouvernance et les droits de l’homme, la croissance durable et inclusive assortie d’emplois décents, la mobilité et la migration, vues comme des ouvertures, le développement humain, l’environnement et la volonté d’«unir nos forces sur la scène mondiale dans les domaines d’intérêt commun» (1), et auxquelles elle a ajouté des objectifs sécuritaires, compte tenu de ses voisins immédiats. Les objectifs que l’Union européenne s’étaient assignés antérieurement dans ce domaine se sont ainsi trouvés structurés et consolidés.

2.2.

L’Union européenne a donné une traduction concrète à ces objectifs grâce à des accords internationaux, dont le premier a été la convention de Yaoundé, suivie par les accords de Lomé, puis celui de Cotonou, pour aboutir actuellement aux négociations concernant l’accord post-Cotonou. En parallèle, l’Union a conclu des accords de partenariat économique avec certains pays ou groupes de pays ACP.

2.3.

Les accords de partenariat économique (APE) que l’Union européenne a passés avec des États ou ensembles sous-régionaux d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) constituent l’instrument économique le plus général qui met en œuvre sa stratégie et se fixe pour objectif de promouvoir «l’intégration progressive et harmonieuse des États ACP dans l’économie mondiale» et l’éradication de la pauvreté, tout en soulignant que dans les négociations, il y a lieu de prendre en compte les différences de développement des parties et les particularités que chaque économie présente dans son fonctionnement comme dans son contexte social et environnemental.

2.4.

Le CESE estime qu’au vu des enseignements tirés de la pandémie, qu’il s’agisse, entre autres, des difficultés qu’elle a provoquées dans les systèmes de santé, de ses conséquences néfastes pour l’économie, de l’augmentation des inégalités sociales et de la pauvreté qui en a découlé, des problèmes structurels qu’elle a créés pour l’accès aux médicaments et aux vaccins ou leur production, de l’efficacité qu’ont montrée les outils numériques, des menaces qu’elle a fait peser sur les droits de l’homme et la démocratie, ou encore de la dépendance économique considérable qu’elle a entraînée, il est apparu clairement qu’il s’impose de repenser l’architecture de la coopération au développement et que cette nécessité doit être prise en compte lors de la mise en œuvre et de la refonte des stratégies entre l’Union européenne et l’OEACP.

3.   Observations particulières sur l’accord post-Cotonou

3.1.

En 2015, les quinze années de l’accord de Cotonou ont fait l’objet d’une évaluation, qui a mis en lumière ses points forts comme ses faiblesses.

3.2.

L’accord de Cotonou était censé venir à expiration en février 2020. Toutefois, en raison du caractère sensible de certains des thèmes discutés, ainsi que de la pandémie, il n’a pas été possible de le renouveler à la date prévue, et ce n’est qu’en avril 2021 que l’Union européenne et l’OEACP ont paraphé le texte de l’accord de partenariat renouvelé, communément appelé «accord post-Cotonou» (nouvel accord).

3.3.

Pour tenir compte de l’hétérogénéité de ses pays signataires et veiller à son application individualisée pour chacune des régions concernées, l’accord nouvellement conclu se présente sous la forme d’un socle commun qui est complété par trois protocoles régionaux, pour l’Afrique, les Caraïbes et le Pacifique, chacun de ces éléments ayant valeur contraignante. En raison de la complexité de cette structure, le comité de suivi UE-ACP devra adopter à l’avenir une démarche plus volontariste.

3.4.

Les priorités du nouvel accord traduisent l’engagement des parties à atteindre les objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies et s’articulent autour de six axes: i) les droits de l’homme, la démocratie et la gouvernance, ii) la paix et la sécurité, iii) le développement humain, qui couvre la santé, l’éducation, l’assainissement, la sécurité alimentaire, la cohésion sociale, la culture et l’égalité entre les hommes et les femmes, ainsi que les engagements en matière de coopération au développement, iv) une croissance économique et un développement qui soient inclusifs et durables, y compris sous l’angle des accords de partenariat économique, v) la durabilité environnementale et le changement climatique et, enfin, vi) la migration et la mobilité. Elles revêtent une importance capitale pour les organisations de la société civile et les partenaires sociaux.

3.5.

À ces priorités s’ajoute la lutte contre les effets de la pandémie de COVID-19, dans l’Union européenne comme dans les pays ACP, s’agissant tant de contrer les risques d’atteintes à la démocratie que de favoriser la reprise du point de vue économique et social, dans un contexte où l’on prévoit que dans ces États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, l’économie aura du mal à se relancer et que, par conséquent, la pauvreté et les inégalités vont s’accentuer.

3.6.

Le CESE relève en particulier que comme l’a démontré la pandémie, la question des infrastructures critiques dans les pays ACP garde toute son acuité. Le développement durable est totalement tributaire de l’existence d’équipements infrastructurels résilients, qui stimulent et soutiennent l’activité économique et le progrès social et assument un rôle décisif pour atteindre les objectifs de développement durable, qu’il s’agisse de ceux du programme des Nations unies à l’horizon 2030 ou de l’Agenda africain 2063. Le CESE souligne que la coopération au développement continue à représenter une condition nécessaire, bien que non suffisante, pour parvenir à les réaliser, et souligne qu’il importe de la renforcer dans les pays ACP.

3.7.

Sur ce point, le CESE insiste en particulier sur l’importance que revêtent les infrastructures sanitaires critiques. Dans les pays ACP, l’existence d’un service universel de santé qui soit aisément accessible et tende à la gratuité représente un facteur essentiel pour assurer le bien-être de la population et le développement durable. Face aux épidémies qui pourront survenir dans le futur, les sociétés de ces pays ne montreront la résilience voulue que si leur accès aux vaccins peut s’effectuer rapidement, du point de vue des brevets comme des capacités techniques de production. Le CESE relève que le nouvel accord n’intègre pas cette question et il appelle l’Union européenne et l’OEACP à la prendre en considération lorsqu’il sera mis en œuvre.

3.8.

Le CESE estime qu’en raison de la situation géopolitique actuelle au niveau européen et mondial, et eu égard notamment aux conséquences de la guerre en Ukraine, concernant notamment la sécurité alimentaire, les prix de l’énergie et les menaces sur la démocratie, le nouvel accord doit tenir compte des incidences qu’il produira sur la coopération au développement en général et sur les accords de partenariat économique en particulier. Le CESE met en garde contre le risque que la situation actuelle aboutisse à intensifier la course à l’influence auprès des États ACP, et demande à l’Union d’accroître sa capacité de coopération avec ces pays, en particulier sur le plan économique, social et culturel.

3.9.

S’agissant des mécanismes officiels de participation, d’information, d’audition et de consultation structurée de la société civile, ou «mécanismes institutionnels», le Comité accueille favorablement les positions du nouvel accord, notamment quand il précise que les parties se doivent de créer «des mécanismes ouverts et transparents permettant une consultation structurée» (2), qu’elles «mettent en place des mécanismes de consultation» (3), qu’elles «établissent et développent des mécanismes de consultation et de dialogue» (4) ou encore qu’elles «prévoient des mécanismes de consultation et de dialogue» (5).

4.   Observations particulières sur les accords de partenariat économique (APE) entre l’Union européenne et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique

4.1.

Les négociations menées sur neuf des accords de partenariat économique ont abouti à l’entrée en vigueur de sept d’entre eux, conclus avec 32 des 79 pays ACP, dont 14 sont situés dans les Caraïbes, 14 en Afrique et 4 dans le Pacifique. Sur ce total de sept, cinq sont appliqués à titre provisoire, n’ayant pas encore été ratifiés par tous les États membres de l’Union européenne. Les deux autres, passés avec l’Afrique de l’Ouest et celle de l’Est, n’ont pas atteint pour l’instant le stade de l’application provisoire, en raison de retards pris dans leur signature et leur ratification par des pays africains, tandis que 21 autres États ont conclu les négociations de tels accords qui restent à mettre en œuvre.

4.2.

Le CESE fait observer que les accords de partenariat économique ouvrent des perspectives favorables mais comportent également des risques. Il est capital de garantir qu’ils constituent un partenariat entre égaux, qui, tout en répondant aux impératifs de la croissance économique, garantisse également le bien-être et la justice sociale. L’action des organisations de la société civile et des partenaires sociaux joue un rôle essentiel pour réaliser ces objectifs.

4.3.

Dans les rangs des organisations de la société civile et des partenaires sociaux, de l’Union européenne comme des États partenaires, les accords de partenariat économique soulèvent toutefois des critiques.

4.4.

Les reproches formulés contre les accords de partenariat économique portent sur leur conception et sur le ralentissement qu’ils pourraient imprimer à l’essor de la production dans les pays ACP, même lorsqu’ils comportent des dispositions qui visent à protéger leurs industries nationales, agroalimentaires, par exemple. Bien qu’elle compte parmi les avantages procurés par les accords de partenariat économique, la liberté des échanges entre l’Union européenne et l’OEACP a eu pour effet, dans plusieurs cas, de faire baisser les recettes douanières, notamment en réduisant les taxes sur les échanges extérieurs, sans compter qu’en raison du différentiel de développement économique entre l’Union européenne et les pays ACP, elle peut mettre en péril les microentreprises et petites et moyennes entreprises ou coopératives, qui forment la base de l’économie familiale, comme bon nombre d’organisations de la société civile et de partenaires sociaux l’ont déploré avec vigueur.

4.5.

Dans les accords de partenariat économique, le rôle de la société civile est pris en compte de différentes manières et se présente sous des configurations diverses, et, en ce qui concerne leur négociation et leur suivi, ils accordent aux organisations qui la composent une place qui est variable elle aussi. Celui conclu avec la Côte d’Ivoire, par exemple, a débouché sur la création de la Convention de la société civile ivoirienne (CSCI), qui a lancé un projet (6) visant à réaliser un suivi des retombées qu’il a produits sur l’économie familiale. En outre, les réunions internes étant axées sur le thème du développement durable, l’influence que la société civile pourrait exercer dans d’autres domaines s’en trouve limitée.

4.6.

Certains accords de coopération économique prévoient des instances supplémentaires, comme une commission parlementaire mixte: tel est le cas de ceux passés avec le Cariforum et l’Afrique de l’Ouest.

4.7.

Étant donné que les accords de coopération économique mentionnent explicitement qu’ils s’intègrent dans les priorités de l’accord de Cotonou, sa version révisée offre à ses parties signataires une occasion de favoriser une participation plus ample, harmonisée et institutionnalisée des organisations de la société civile et des partenaires sociaux, dont il convient de tirer pleinement parti, ne serait-ce que parce que dans ce domaine, les progrès ont été lents, comme on peut le lire dans le bilan de sa mise en œuvre que l’Union européenne a dressé en 2021. La manière la plus efficace de mettre en œuvre les mécanismes institutionnels prévus dans les accords de partenariat économique consiste en ce que les institutions publiques mènent en temps utile et de manière circonstanciée une action de communication sur l’évolution du processus à l’intention des organisations de la société civile et des partenaires sociaux et qu’elles les invitent à y prendre part de manière structurée en leur donnent la possibilité d’intervenir sous la forme d’études et de propositions bien étayées.

5.   Observations particulières sur la définition, la représentativité, l’action et l’institutionnalisation de la société civile et des partenaires sociaux

5.1.

Le CESE entend être la «maison de la société civile européenne». Il constitue un organe consultatif de l’Union européenne, créé en vertu de l’article 13 du traité sur l’Union européenne et composé de 329 membres représentant les entrepreneurs (groupe I), les travailleurs (groupe II) et les organisations de la société civile (groupe III), et forme le mécanisme institutionnel européen au sein duquel ces groupes d’intérêts expriment, dans le cadre d’un dialogue structuré, leur point de vue sur les questions relatives à l’Union européenne.

5.2.

Le CESE relève que les organisations de la société civile comptent dans leurs rangs des associations qui poursuivent un éventail d’objectifs fort divers, représentent les adhérents qui y sont inscrits et assument au sein de la société une fonction qui consiste notamment à mener des actions en faveur du bien-être des populations, ainsi que de l’insertion sociale et de la lutte contre l’exclusion, à protéger les droits et les intérêts sociaux, économiques, culturels et professionnels de la population ou de groupes de citoyens, à préserver l’environnement et à lutter contre le changement climatique, à défendre les droits de l’homme et à émettre des protestations, au nom d’un devoir de vigilance, ainsi qu’à alerter et faire pression auprès des instances de pouvoir, dans un souci de préservation, afin de protéger les intérêts des membres qu’elles fédèrent et d’affirmer leurs valeurs sociétales.

5.3.

S’agissant de définir les contours de ces organisations, formant une palette si étendue et variée, les contextes dans lesquels elles s’insèrent, en matière d’économie, de société et de politique, jouent un rôle déterminant, et il faut par conséquent se garder de considérer, malgré toute l’importance et le caractère méritoire de leur activité, qu’elles constitueraient par excellence l’acteur sociétal qui serait le moteur du développement durable.

5.4.

Le CESE souligne que c’est dans le cadre de cette réalité multiforme qu’il convient de replacer dûment toute l’ampleur que l’économie et l’organisation sociale à caractère informel revêtent généralement dans les États ACP et qui y caractérise et détermine fortement toutes les relations sociales, organisationnelles et institutionnelles. Dans ce contexte, les organisations de la société civile et les partenaires sociaux sont généralement confrontés à d’importantes difficultés pour ce qui est de se constituer en entités, de s’organiser et de fonctionner sur le plan institutionnel, d’assurer leur subsistance financière et d’agir de manière officielle. Ces organisations de la société civile et partenaires sociaux devraient bénéficier d’un soutien financier exceptionnel, faute de quoi ils ne seront guère en mesure de contribuer, par leur participation et leurs interventions, au développement durable, à l’exercice de la citoyenneté et à la résilience démocratique de leur pays.

5.5.

L’action des organisations de la société civile est fonction du rôle social, d’orientation civique ou plutôt politique, qu’elles veulent jouer, de leur taille respective, de l’importance sociétale que leur accordent leurs membres et la collectivité où elles se situent, de la fonction de chefs de file qu’elles assument, ainsi que des ressources dont elles ont besoin pour atteindre leurs objectifs et, sur ce point en particulier, des conditions dont leurs donateurs les assortissent.

5.6.

D’une manière générale, les faiblesses qui affectent les organisations de la société civile les amènent, pour obtenir des financements, à se faire mutuellement concurrence mais aussi à entrer en compétition avec les organismes publics. Ces vulnérabilités ont pour effet de compliquer leurs activités et leur participation aux mécanismes institutionnels nationaux ou internationaux. Par ailleurs, elles peuvent les rendre dépendantes de leurs bailleurs de fonds ou des pouvoirs publics de leur pays.

5.7.

Rassemblés sous le terme de «partenaires sociaux», les syndicats et les fédérations d’entreprises sont rangés parmi les organisations de la société civile mais présentent, du fait de leur spécificité, une identité propre et distincte par rapport à elles. Les partenaires sociaux assurent la représentation de leurs membres et la défense de leurs intérêts, d’ordre économique en particulier, tant devant les instances souveraines, grâce à des mécanismes spécifiques de consultation et de négociation, que par les rapports qu’ils nouent entre eux, en particulier par le truchement de la négociation collective et la conclusion de conventions collectives. Ils peuvent se prévaloir de présenter une structuration cohérente, de vouloir représenter en tout clarté les intérêts de leurs membres, d’afficher une longévité incontestable, de s’appuyer sur un acquis historique reconnu, d’évoluer dans un domaine d’action et un champ de relations solidement établis et bien définis et, d’une manière générale, d’être capables de s’autofinancer.

6.   Observations particulières sur l’accord post-Cotonou en relation avec la société civile et les partenaires sociaux

6.1.   La société civile et les partenaires sociaux dans l’accord post-Cotonou

6.1.1.

Dans sa base commune comme dans chacun de ses trois protocoles régionaux, le nouvel accord octroie un rôle actif à la société civile, sans toutefois qu’une traduction concrète lui soit donnée, dès lors qu’il laisse aux parties signataires, l’OEACP et l’Union européenne, le soin de définir le cadre institutionnel de cette participation, notamment en créant des mécanismes institutionnels, de sorte que la question essentielle consistera à déterminer la manière dont il convient d’assurer que les organisations de la société civile et les partenaires sociaux soient associés à la démarche, au plan national et transnational.

6.1.2.

Grâce à la prise en compte de paramètres essentiels dans le domaine organisationnel, comme la forme juridique de ces intervenants, leur représentativité, le choix de leurs délégués ou les seuils minimum concernant la fréquence des réunions, il s’est créé un certain nombre de dynamiques qui ont renforcé le rôle des organisations de la société civile et des partenaires sociaux, qui sont parties prenantes à ce processus.

6.1.3.

Elles y jouent un rôle spécifique, lié à leurs propres intérêts et distinct de celui qu’assument les partis politiques dans la société. La participation des organisations de la société civile et des partenaires sociaux devrait être encouragée dans le cadre d’activités concrètes et aller au-delà des discussions générales. Grâce aux études, avis et propositions qu’ils transmettent aux institutions, ils alimenteront les débats et les décisions. L’existence de mécanismes institutionnels qui, associant activement les parties prenantes aux démarches, sont autogérés et reposent sur des règles de procédure bien établies, en diffusant des informations et interagissant les uns avec les autres par des consultations et un dialogue structuré, constitue la meilleure contribution des organisations de la société civile et des partenaires sociaux à l’existence d’un «gouvernement ouvert» (7).

6.1.4.

L’aspect financier constitue une question d’une importance saillante. En l’absence d’un financement qui soit approprié, réponde à des conditions sévères et s’effectue en toute transparence, il ne sera pas possible de garantir que les organisations de la société civile et les partenaires sociaux seront bien présents, que ce soit dans les réunions ou, surtout, lors des travaux préliminaires de recherche appliquée à mener pour récolter des données, effectuer des études et élaborer des avis.

6.2.   Les réalités actuelles de la société civile et des partenaires sociaux dans les États ACP

6.2.1.   En Europe

S’agissant de l’Europe, il existe des milliers et des milliers d’associations, organisations, fédérations, confédérations, plateformes et forums, au niveau national ou européen, qui relèvent soit des organisations de la société civile, soit du monde des entreprises, qu’elles soient privées, appartiennent au monde des microentreprises et petites entreprises, ou se rattachent au secteur public ou au social, soit du monde syndical, avec une certaine harmonisation sur le plan organisationnel.

6.2.2.   Afrique, Caraïbes et Pacifique

6.2.2.1.

Dans le cas des États ACP, la situation économique, sociale, politique et historique de chaque région, sous-région et État a donné lieu à une grande diversité de structures parmi les organisations de la société civile et les partenaires sociaux, lesquelles, dans bien des cas, n’interagissent pas les uns avec les autres, de sorte que, tout à la fois, ils fournissent de nombreux exemples de bonnes pratiques et témoignent de bon nombre de problèmes et lacunes.

6.2.2.2.

Un facteur qui aggrave encore cette situation est que les organisations de la société civile et les partenaires sociaux éprouvent des difficultés à obtenir des informations générales ou spécifiques, pour autant qu’elles ne soient pas tout bonnement inexistantes, à propos du nouvel accord ou des éventuels accords de partenariat économique, et qu’il n’est prévu aucun espace de participation ou de discussion structurée avec les institutions publiques.

6.2.2.3.

Eu égard à cette réalité hétérogène, il conviendrait d’étudier ces deux situations sur le terrain, afin de diffuser les exemples de bonnes pratiques et de remédier aux problèmes et lacunes de manière à susciter de l’estime pour les organisations de la société civile et les partenaires sociaux et à renforcer leur rôle. Grâce à cette démarche, il sera possible de soutenir les mécanismes institutionnels existants ou d’encourager à en créer d’autres.

6.2.3.   Comité de suivi UE-ACP

À l’heure actuelle, dans le cadre des relations entre l’Union européenne et les pays ACP, les organisations de la société civile et les partenaires sociaux peuvent prendre appui sur le comité de suivi UE-ACP, qui est intégré au sein du CESE et se compose, sur une base paritaire, de douze membres issus de ce CESE de l’Union européenne et de douze délégués, soit, actuellement, huit pour l’Afrique, deux pour les Caraïbes et deux pour le Pacifique, qui représentent les organisations de la société civile et les partenaires sociaux des pays ACP et sont désignés par la société civile organisée de chacune des régions que couvre ledit accord, dans le respect de l’équilibre entre les différents intérêts.

7.   Observations particulières sur les moyens de promouvoir et soutenir les organisations de la société civile et les partenaires sociaux dans leur rôle de moteurs du développement durable

7.1.

Le CESE estime qu’il est de la plus haute importance de donner une forme officielle aux mécanismes institutionnels qui sont prévus, et déclare qu’il s’agit là de son principal objectif en la matière.

7.2.

Après la signature définitive du nouvel accord, le CESE conseille vivement à la Commission de prendre l’initiative de proposer à l’OEACP et aux pays concernés de mettre en place les conditions politiques, organisationnelles et financières requises pour instaurer ces mécanismes institutionnels.

7.3.

Le CESE lance à l’OEACP un vigoureux appel pour qu’elle s’engage tout aussi résolument dans ce processus.

7.4.

Le CESE relève que la structure du nouvel accord prévoit la création d’un mécanisme institutionnel qui se rapporte au socle commun et comporte des représentants de l’Union européenne et de l’OEACP. Parallèlement, les protocoles régionaux permettent la mise en place, dans chaque région, Afrique, Caraïbes et Pacifique, d’un mécanisme institutionnel auquel participent des représentants de cette région et de l’Union européenne. Il conviendra donc mettre en œuvre un système articulé autour de quatre mécanismes institutionnels (1 + 3) couvrant toute la sphère du nouvel accord.

7.5.

Le CESE note que des mécanismes institutionnels, les comités consultatifs, sont également envisagés dans le cadre des accords de partenariats, comme dans le cas de ceux conclus avec le Cariforum, l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique orientale.

7.6.

Il fait observer, en particulier, que cet ensemble de mécanismes institutionnels exigera de consentir d’importants efforts pour le structurer et le faire fonctionner en réseau, sous la forme d’un dispositif unique et bien articulé, de manière à créer des synergies, à éviter les doubles emplois et la dispersion des ressources, notamment financières, et à optimiser leur utilisation.

7.7.

Le CESE propose à la Commission d’encourager les délégations de l’Union européenne dans les pays de l’OEACP à apporter leur appui aux projets des organisations de la société civile et des partenaires sociaux, en particulier ceux visant à sensibiliser leurs membres et dirigeants, à les former et à renforcer leurs capacités, à améliorer la robustesse technique des organisations et à donner un élan à la création des mécanismes institutionnels. Il recommande que tout en tenant compte de leurs mérites respectifs, la Commission privilégie, parmi les candidatures déposées, celles qui émanent d’organisations de la société civile et de partenaires sociaux des pays ACP.

7.8.

Le CESE propose à la Commission de créer des programmes qui, s’agissant de mettre en œuvre les mécanismes institutionnels, donneraient la possibilité, d’étudier sur le terrain la réalité, le potentiel et les difficultés des organisations de la société civile et des partenaires sociaux, ainsi que des différentes structures existantes, comme les plateformes, forums, ou autres encore, afin de recueillir des exemples de bonnes pratiques qui existent déjà dans le cadre des relations entre l’Union et l’OEACP et devraient être diffusées. Il préconise que les organisations de la société civile et les partenaires sociaux des pays ACP soient associés à ces investigations d’une manière déterminante, d’un point de vue tant quantitatif que qualitatif.

7.9.

Le CESE souligne que pour pouvoir mieux contribuer à ce processus et remplir sa mission, le comité de suivi UE-ACP renforcera sa structure grâce à un accroissement de ses ressources et du nombre de ses membres et délégués.

7.10.

Le CESE recommande vivement à la Commission que le financement de ce processus soit intégré dans les instruments financiers existants. Il tient tout particulièrement à souligner que si l’on veut que les organisations de la société civile et des partenaires sociaux mènent leurs activités, il y a lieu de les financer, car leur autofinancement n’est pas suffisant. Il rappelle que vu la couverture géographique propre au nouvel accord, le bon fonctionnement des mécanismes institutionnels et la participation des organisations de la société civile et des partenaires sociaux requièrent des moyens pécuniaires qu’ils ne possèdent pas. Même en recourant à des méthodes rigoureuses de contrôle de gestion et aux technologies modernes du numérique, il reste essentiel d’apporter un soutien économique à ces organisations. Le Comité incite vivement l’Union européenne, l’OEACP et les États membres à adopter des programmes qui accordent un soutien spécifique à l’action de ces organisations de la société civile et aux partenaires sociaux, ainsi qu’au fonctionnement des mécanismes institutionnels.

Bruxelles, le 13 juillet 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Communication conjointe au Parlement européen et au Conseil — Un partenariat renouvelé avec les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, 2016, p. 5 et 6.

(2)  Socle commun de l’accord, article 95.

(3)  Protocole régional pour l’Afrique, article 5.

(4)  Protocole régional pour les Caraïbes, article 7.

(5)  Protocole régional pour le Pacifique, article 7.

(6)  Appui au renforcement des capacités opérationnelles des organisations de la société civile ivoirienne pour le suivi citoyen de l’accord de partenariat économique intérimaire en Côte d’Ivoire.

(7)  Principe tel que défini par l’OCDE.


22.11.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 443/37


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Le nouveau Conseil du commerce et des technologies UE — États-Unis en action: priorités pour les entreprises, les travailleurs et les consommateurs et garanties nécessaires»

(avis d’initiative)

(2022/C 443/05)

Rapporteur:

Timo VUORI

Corapporteure:

Tanja BUZEK

Décision de l’assemblée plénière

21.10.2021

Base juridique

Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Relations extérieures»

Adoption en section

9.6.2022

Adoption en session plénière

14.7.2022

Session plénière no

571

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

173/0/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Élaborer un programme transatlantique positif. Le Conseil du commerce et des technologies UE — États-Unis (CCT) peut constituer la pierre angulaire d’un programme visant à relancer notre partenariat avec des canaux de coopération fiables. Bien que nos économies transatlantiques représentent près de la moitié du PIB mondial et une grande partie des flux mondiaux de commerce et d’investissement, nos relations se heurtent toujours à des obstacles au commerce, à l’investissement, au travail, aux voyages et aux études des deux côtés de l’Atlantique.

1.2.

Prendre l’initiative de protéger nos valeurs et nos échanges commerciaux fondés sur des règles. En période de turbulences géopolitiques, il incombe fortement aux principales économies mondiales, à savoir l’Union européenne et les États-Unis, ainsi qu’à d’autres partenaires partageant les mêmes valeurs, de promouvoir un cadre de coopération moderne pour le commerce et les technologies, qui soutienne une économie ouverte et durable ainsi qu’un commerce libre et équitable, et qui respecte les valeurs démocratiques, le travail décent et les droits de l’homme.

1.3.

La nécessité de réagir à la perturbation du marché. Les crises ne cessant de se multiplier, les partenaires transatlantiques doivent rapidement trouver des moyens de renforcer la résilience de nos sociétés démocratiques ouvertes, notamment en garantissant nos chaînes de valeur et d’approvisionnement mondiales ainsi que notre sécurité énergétique, en particulier dans l’optique de l’urgente nécessité de remplacer l’approvisionnement en énergie et en matières premières russes. En outre, l’UE et les États-Unis doivent redoubler d’efforts pour renforcer le multilatéralisme et relever les défis liés d’une part au changement climatique, afin de veiller à ce que le commerce libre et équitable ne soit pas compromis, et d’autre part à la perturbation du marché par les États autoritaires.

1.4.

Instaurer la confiance fondée sur une coopération mutuelle et stable. Les deux parties doivent s’engager à mettre en place une structure de dialogue permanent pour le CCT, afin d’obtenir des résultats concrets à court et à long terme, au-delà des cycles électoraux politiques et des changements d’administration. En outre, dans le cadre de ce Conseil, l’UE et les États-Unis doivent s’efforcer d’adopter une approche plus stratégique et horizontale des questions commerciales et technologiques. Les dix groupes de travail faisant partie du CCT devraient rechercher une approche globale et efficacement coordonnée de la coopération qui ne crée pas de cloisonnements inutiles.

1.5.

Renforcer la participation des parties prenantes. Afin d’éviter les échecs observés lors de précédentes négociations commerciales ambitieuses, la transparence et un engagement fort des parties prenantes des deux côtés de l’Atlantique constituent le seul moyen pour que le CCT atteigne ses objectifs. Par conséquent, le Comité économique et social européen (CESE) s’engagera activement au sein des structures du CCT et s’efforcera d’être associé, en tant qu’acteur unique de la société civile, aux réunions ministérielles de celui-ci. Dans ce contexte, le CESE regrette une fois de plus que le groupe d’experts sur les accords commerciaux n’ait pas été renouvelé et qu’aucune structure permanente comparable pour la consultation des parties prenantes n’ait été mise en place.

1.6.

Dialogue transatlantique spécifique sur le travail. Par le passé, le CESE a exprimé son soutien aux dialogues transatlantiques pour les entreprises et les consommateurs et se félicite dès lors de l’annonce faite récemment, lors d’une réunion des ministres à Paris, de mettre en place un dialogue tripartite sur le commerce et le travail, créant ainsi un canal officiel permettant aux partenaires sociaux des deux côtés de l’Atlantique d’éclairer le processus du CCT et d’influencer les relations transatlantiques en matière de commerce et d’investissement. Dans ce contexte, le CESE invite instamment la Commission européenne à remédier au déséquilibre de la démocratie du travail dû à la non-ratification de six conventions fondamentales de l’OIT et à son incidence sur l’égalité des conditions de concurrence dans le commerce.

2.   Observations générales — la nécessité croissante d’un partenariat plus étroit entre l’UE et les États-Unis

2.1.

Le CESE dans le dialogue transatlantique: depuis des années, le CESE suit les questions politiques et commerciales et exprime les positions de la société civile organisée de l’UE. En outre, il entretient un dialogue régulier tant avec les institutions de l’UE qu’avec l’administration américaine et, en particulier, avec la société civile de part et d’autre de l’Atlantique. Le lancement d’un nouveau Conseil du commerce et des technologies UE — États-Unis (CCT), qui est composé de dix groupes de travail et organise des auditions régulières, nécessite que le CESE actualise sa position sur les priorités du CCT.

2.2.

Responsabilité des principales économies mondiales: le CESE souligne que les échanges bilatéraux entre l’Union européenne et les États-Unis restent les plus importants en termes de commerce et d’investissement et que leur relation économique est la plus intégrée dans le monde. Bien que la Chine soit devenue, en 2021, la principale source d’importation de biens de l’UE, les États-Unis restent de loin son premier partenaire en matière d’échanges et d’investissements. La relation transatlantique définit l’économie mondiale, dans un système commercial multilatéral sous pression qui a subi les crises de l’OMC, deux ans de pandémie de COVID-19 qui se poursuit et, à présent, la guerre en Ukraine. L’UE ou les États-Unis sont le principal partenaire commercial et d’investissement de presque tous les autres pays de l’économie mondiale. Le partenariat transatlantique n’est pas un objectif en soi, mais doit s’appuyer sur des valeurs, des intérêts et une responsabilité partagés. L’UE et les États-Unis devraient être un point d’ancrage pour la démocratie, la paix et la sécurité dans le monde, l’état de droit et les droits de l’homme pour tous (1).

2.3.

Dynamique en faveur d’un partenariat stratégique UE — États-Unis plus étroit: le CESE constate qu’en raison d’une multitude inattendue de crises que subit actuellement le monde, il est crucial que les principales économies mondiales — l’UE et les États-Unis, ainsi que d’autres États démocratiques partageant les mêmes valeurs et dotés d’économies de marché ouvertes et fondées sur des règles — approfondissent leur coopération politique et économique afin de protéger nos valeurs universelles et de renforcer la prospérité, la démocratie et l’état de droit, la sécurité et les droits de l’homme. Parmi tous ces enjeux, la paix est devenue une priorité absolue de la politique internationale de premier plan. Parallèlement, nous ne devrions plus tolérer aucune action menée par des États contre l’ordre international, ni les resquilleurs dans le commerce international.

2.4.

Rôle crucial du commerce et des technologies en matière de géopolitique: le CESE réaffirme que le commerce et les technologies ne sont pas uniquement des enjeux réglementaires, mais aussi des instruments essentiels pour protéger et promouvoir ces valeurs universelles à l’échelle mondiale. L’UE et les États-Unis doivent approfondir leur coopération et obtenir des résultats concrets aux niveaux multilatéral et bilatéral. Le CCT offre une occasion unique d’instaurer une telle coopération stratégique de haut niveau en matière de commerce et de technologies, qui dépasse les accords de coopération ad hoc actuels et transcende les élections européennes et américaines et les changements institutionnels dans les administrations.

2.5.

Plateforme de dialogue et de coopération: le CCT n’est pas et ne devrait pas être considéré comme un retour du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI), même si cette négociation qui a abouti à un échec peut fournir quelques leçons utiles. Les objectifs et les procédures du CCT ne doivent pas remettre en cause les institutions et les processus décisionnels de l’UE, tandis que la participation des parties prenantes doit être renforcée. Les normes de l’UE qui reflètent nos valeurs ne doivent pas être remises en question; cela vaut tout particulièrement pour le principe de précaution, qui est au cœur de l’approche de l’UE en matière de normalisation. Le CESE partage le point de vue selon lequel la coopération en matière de normes est également liée à différents cadres juridiques et nécessite des analyses approfondies des questions techniques, ainsi qu’une évaluation des incidences économiques, sociales et environnementales, qui devraient toutes être effectuées au cas par cas. Par exemple, le nouvel accord-cadre de principe sur les flux de données montre que l’UE et les États-Unis peuvent œuvrer à un consensus sur des questions sensibles.

2.6.

Un solide soutien des parties prenantes: le CESE note que les entreprises et les autres acteurs de la société civile, tant dans l’UE qu’aux États-Unis, ont déjà exprimé leur soutien général au CCT et aux thèmes recensés dans le cadre des dix groupes de travail. Les partenaires transatlantiques semblent percevoir la valeur ajoutée d’un partenariat transatlantique stratégique et d’une coopération plus étroite en matière de réglementation. Il subsiste des obstacles inutiles au commerce, à l’investissement et au travail. En outre, les partenaires transatlantiques pourraient, ensemble, renforcer leur compétitivité mondiale sur le marché international, ce qui va de pair avec les objectifs de développement durable, de justice sociale, de respect des droits de l’homme, de normes de travail exigeantes et de normes environnementales élevées. Toutefois, pour obtenir des résultats, les deux parties doivent connaître leurs objectifs, leurs approches et leurs moyens respectifs afin d’élaborer un nouveau cadre commun pour le commerce.

2.7.

Un meilleur engagement des parties prenantes après l’échec des dialogues de la société civile entre l’UE et les États-Unis: le CESE souligne qu’un dialogue renforcé avec la société civile constitue une composante primordiale dans le contexte transatlantique, y compris dans le cadre du CCT. À cet égard, la nécessité du dialogue conjoint sur les droits des citoyens, la résilience face à la désinformation, la liberté des médias, la lutte contre le changement climatique, les droits sociaux et la protection des consommateurs, ainsi que le soutien à la démocratie, revêt une importance particulière (2). Le partenariat transatlantique peut céder la place à une intégration transatlantique encore plus étroite dans nos économies, comprenant un cadre commun pour le commerce, les technologies et les investissements.

3.   Observations spécifiques — principales priorités pour les entreprises, les travailleurs et les consommateurs

3.1.

Le CESE estime que le CCT démontre l’interconnexion des deux plus grandes économies du monde et sert de forum unique pour renforcer la coopération sur les questions de politique commerciale et de réglementation du marché de part et d’autre de l’Atlantique. Par conséquent, le CESE estime que le CCT devrait se concentrer sur certaines priorités essentielles du point de vue des entreprises, des travailleurs et des consommateurs.

3.2.

Commerce multilatéral moderne fondé sur des règles: l’UE et les États-Unis doivent faire preuve ensemble de responsabilité et de leadership au sein de l’OMC et défendre un modèle efficace de relations multilatérales, doté d’un programme commercial moderne qui intègre les aspects environnementaux et sociaux (3). Tant l’UE que les États-Unis sont confrontés à des difficultés liées aux pratiques faussant le marché de la part de pays n’ayant pas une économie de marché, telles que des actions déloyales et discriminatoires liées aux entreprises publiques, aux subventions publiques, aux prélèvements et aux taxes.

3.3.

Mener la réforme de l’OMC: le CCT devrait se concentrer sur les moyens d’améliorer le système commercial multilatéral de l’OMC et son mécanisme de règlement des différends, compte tenu de son rôle central dans la mise en place d’une matrice multilatérale efficace pour un programme commercial progressif incluant les questions environnementales et sociales. L’UE et les États-Unis doivent prendre l’initiative d’une réforme de l’OMC ambitieuse et promouvoir un programme moderne pour une OMC modernisée, en mettant fin aux tabous (à savoir les aspects sociaux du commerce) et en s’attaquant aux défis actuels et à venir en matière de durabilité. Pour ce faire, le CESE invite l’UE et les États-Unis à établir des modalités de coopération stratégique avec les principaux partenaires commerciaux sur les questions multilatérales prioritaires (4).

3.4.

Le travail décent dans le commerce international (5): le CESE invite instamment l’UE et les États-Unis à favoriser une coopération plus étroite entre l’OMC et l’Organisation internationale du travail (OIT) en vue de promouvoir un travail décent et des normes du travail au moyen d’instruments commerciaux. L’élection récente de nouveaux directeurs généraux dans les deux organisations devrait contribuer à donner un nouvel élan dans ce domaine. Garantir le respect des normes internationales du travail, telles qu’elles sont fixées et contrôlées par l’OIT, devrait faire partie d’un débat sur la réforme de l’OMC mené par l’UE et les États-Unis. À titre d’exemple positif, qui offre également l’occasion de renforcer cette réévaluation ambitieuse, le CESE se félicite de la proposition des États-Unis visant à s’attaquer au problème mondial du travail forcé sur les navires de pêche dans le cadre des négociations en cours au sein de l’OMC concernant les subventions à la pêche (6). Les partenaires transatlantiques devraient continuer à utiliser leur coopération pour œuvrer à l’établissement d’une base juridique plus solide pour l’inclusion des droits fondamentaux du travail de l’OIT à l’OMC (7). Les questions bilatérales d’intérêt commun en matière de travail devraient inclure des approches comparatives pour les chapitres sur le commerce et le développement durable (CDD) et leur applicabilité effective dans les accords de libre-échange (ALE) (8). Le CESE plaide depuis longtemps en faveur d’une approche rénovée de l’application de la législation passible de sanctions pour les chapitres sur le commerce et le développement durable et s’est félicité des instruments d’application innovants compris dans l’accord entre les États-Unis, le Mexique et le Canada (AEUMC) (9).

3.5.

Travailler ensemble dans les enceintes internationales: le CCT pourrait servir de forum pour la préparation d’une coopération renforcée en matière de travail et d’emploi dans les enceintes internationales, en particulier au sein de l’OIT et de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Cette coopération renforcée devrait inclure la promotion et l’application du devoir de diligence. Le CCT devrait encourager le renforcement conjoint des capacités, notamment pour la promotion de la sécurité et de la santé au travail (SST) à l’échelle mondiale, et élaborer des projets communs, par exemple sur l’octroi de ressources à l’inspection du travail dans les pays tiers. L’inclusion attendue des conventions sur la SST dans les normes fondamentales du travail de l’OIT fournirait un espace de coopération fertile. Le travail forcé est une question de préoccupation commune majeure et les approches de l’UE et des États-Unis, notamment en ce qui concerne l’importation de biens produits grâce à de telles pratiques en Chine, devraient être coordonnées. La propagation de nouvelles formes d’emploi dans le monde entier, notamment le travail via une plateforme, dirigé par des entreprises américaines et européennes, devrait faire l’objet d’un débat au sein des groupes de travail du CCT concernés, incluant des contributions du côté des travailleurs.

3.6.

Résilience et durabilité dans les chaînes d’approvisionnement mondiales: le CCT devrait développer des stratégies pour renforcer la résilience en garantissant la durabilité des chaînes d’approvisionnement mondiales et en veillant à leur bon fonctionnement. L’UE et les États-Unis devraient recenser les vulnérabilités communes et collaborer, par exemple, dans le domaine de la disponibilité des matières premières et des produits critiques tels que les semi-conducteurs. Les partenaires transatlantiques devraient également attirer immédiatement l’attention sur une approche normalisée de la sécurité de l’approvisionnement énergétique qui soit pleinement alignée sur un programme ambitieux en matière de durabilité tel que le pacte vert pour l’Europe. En outre, ils devraient envisager une action commune pour améliorer les capacités de production, les investissements et la logistique concernés. Le CCT devrait œuvrer en faveur d’un devoir de diligence obligatoire commun dans les chaînes d’approvisionnement, sur la base des meilleures pratiques, afin de mettre en place un modèle pour les exigences mondiales en matière de durabilité dans les chaînes de valeur.

3.7.

Soutenir l’économie verte: le CCT devrait mettre l’accent sur la coopération en matière de technologies vertes et climatiques et sur des politiques de transition justes. Il incombe à l’UE et aux États-Unis de promouvoir un cadre international et des normes pour l’atténuation du changement climatique, l’économie circulaire, la finance durable, les technologies d’économie d’énergie, les normes vertes et sociales dans les marchés publics, l’étiquetage écologique et l’établissement de rapports sur la durabilité. En outre, les partenaires transatlantiques devraient œuvrer en faveur d’un cadre multilatéral relatif à la libéralisation des échanges de biens environnementaux dans le cadre des initiatives actuelles, à savoir l’accord sur les biens environnementaux (ABE), les discussions structurées sur le commerce et la durabilité environnementale et le dialogue informel sur la pollution par les matières plastiques. Le CCT devrait se concentrer sur des mécanismes efficaces et coordonnés d’ajustement carbone aux frontières (MACF) afin de mettre en place un modèle de cadre mondial et d’éviter les conflits commerciaux entre l’UE et les États-Unis.

3.8.

Numérisation et nouvelles économies: le CCT devrait se concentrer sur la coopération en matière de normes technologiques, de recherche et de politiques dans le domaine de l’intelligence artificielle (IA), de l’internet des objets, de la 6G, des technologies des batteries, des technologies quantiques et des technologies des chaînes de blocs. Le cadre devrait favoriser l’innovation et la normalisation, mais il doit intégrer des considérations politiques fondamentales essentielles. Les domaines des nouvelles technologies, tels que l’IA, ont souvent également une dimension de travail qui nécessite des stratégies solides en matière d’IA et de données, en premier lieu en fournissant un cadre juridique européen et des moyens d’action fondés sur les droits de l’homme et comprenant donc des règles éthiques, des droits du travail et des droits syndicaux. Même s’il n’est pas possible de disposer exactement des mêmes règles de part et d’autre, l’interopérabilité des cadres devrait être un objectif. En outre, il est nécessaire de clarifier les exigences réglementaires communes relatives aux technologies neutres pour le climat, à la biotechnologie et aux technologies de la santé. L’UE et les États-Unis devraient promouvoir des principes fondés sur des valeurs pour les normes internationales afin de maintenir leur place de chefs de file mondiaux dans ces nouvelles économies. Le CCT devrait également renforcer la résilience de nos sociétés démocratiques, en vue de prévenir les campagnes de désinformation ciblées menées par l’IA et en améliorant la sécurité des technologies de l’information et de la communication (TIC) pour lutter contre les cyberattaques soutenues par des États.

3.9.

Données et respect de la vie privée: le CCT devrait se concentrer sur la coopération afin de veiller à ce qu’à l’avenir, le partage de technologies et de données numériques entre les États-Unis et l’UE permette la mise en place d’un écosystème international ouvert pour la recherche, le développement et l’innovation de la technologie la plus avancée au service des clients et des citoyens à l’échelle mondiale, tout en protégeant leur droit fondamental à la confidentialité des données et en préservant l’espace politique pour l’accès et le contrôle des données publiques, ainsi que la capacité de réglementer les entreprises multinationales numériques. En outre, l’UE et les États-Unis devraient rapidement définir un nouveau cadre pour les transferts de données, en s’attaquant aux problèmes qui ont conduit à l’invalidation du bouclier de protection des données, et défendre des valeurs communes partagées en matière de respect de la vie privée et de sécurité.

3.10.

Contrôle des exportations: le CCT devrait travailler sur les technologies émergentes et fondamentales garantissant le rôle clé des régimes multilatéraux de contrôle des exportations, car ils sont très pertinents tant pour l’UE que pour les États-Unis afin de promouvoir la démocratie, les droits de l’homme et une société ouverte dotée d’une économie de marché. À titre d’exemple, des sanctions commerciales efficaces exigent un contrôle efficient des exportations à l’encontre des États qui utilisent abusivement le commerce et la technologie et portent atteinte à la paix, à la sécurité et aux droits de l’homme. L’UE et les États-Unis devraient œuvrer ensemble à la mise en place d’alliances avec des partenaires partageant les mêmes valeurs afin de relever les défis et de garantir des conditions de concurrence équitables.

3.11.

Normalisation: le CCT devrait se concentrer sur la coopération entre les organismes de normalisation, ainsi que sur les principes d’acceptation mutuelle limitée. Les systèmes de normalisation américain et européen diffèrent l’un de l’autre. En particulier, le principe selon lequel «un produit = une norme acceptée partout», qui représente un pilier du marché unique de l’UE, n’existe pas aux États-Unis. En Europe, au moment de l’adoption d’une nouvelle norme, les normes nationales entrant éventuellement en contradiction avec elle sont supprimées; aux États-Unis, différentes normes coexistent sur le marché, ce qui complique les choses pour les PME qui ont du mal à comprendre laquelle correspondrait le mieux à leur gamme de produits. Il s’agit souvent de petites entreprises dont les ressources sont limitées, mais disposant d’un haut niveau de spécialisation sur un marché de niche qui est à l’origine de leur compétitivité.

3.12.

PME: la coopération réglementaire dans le cadre du CCT pourrait jouer un rôle important dans la facilitation des échanges et des investissements, ainsi que dans l’amélioration de la compétitivité des petites entreprises en particulier. Les petites et moyennes entreprises (PME), tout particulièrement, espèrent l’ouverture de nouvelles possibilités, sachant qu’elles ne disposent pas, contrairement aux grandes entreprises, des ressources nécessaires pour évoluer dans différents environnements réglementaires des deux côtés de l’Atlantique. Dans le même temps, une compatibilité accrue des régimes de réglementation permettrait aux grandes entreprises de tirer parti des économies d’échelle entre l’UE et les États-Unis (10).

3.13.

Alimentation et agriculture: de l’avis du CESE, il est important que, outre les travaux du CCT, l’UE et les États-Unis aient mis en place la nouvelle plateforme de collaboration transatlantique sur l’agriculture, conçue pour relever les défis mondiaux que sont la durabilité, le changement climatique et la sécurité alimentaire. La collaboration internationale pour lutter contre le changement climatique et promouvoir la durabilité est essentielle pour atténuer l’avenir pénible et difficile qui nous attend en tant que société mondiale. La guerre en Ukraine et son impact immédiat sur l’approvisionnement alimentaire mondial ont accentué ce défi. Le changement climatique affecte déjà profondément les moyens de subsistance des agriculteurs, que ce soit en raison de phénomènes météorologiques extrêmes, de sécheresses graves, d’inondations, d’incendies de forêt ou d’autres événements catastrophiques qui menacent nos villes et nos communautés. L’UE et les États-Unis doivent relever ce défi.

3.14.

Consommateurs: dans le cadre des travaux du CCT, il importe de mettre en place des garanties pour veiller à ce que le processus de coopération réglementaire ne soit pas utilisé pour porter atteinte aux normes sociales, en matière de travail, de protection des consommateurs et d’environnement. Il devrait au contraire viser à les harmoniser et à les améliorer. Si ces conditions sont remplies, les avantages ne seront pas seulement économiques mais pourraient également faciliter la tâche des régulateurs en réalisant des objectifs de politique publique. En outre, la coopération transatlantique peut être développée en partageant les analyses, les systèmes d’alerte précoce contre les produits et services dangereux provenant de pays tiers et le dialogue sur l’amélioration de l’application de la législation. En renonçant à la convergence obligatoire, qui était l’objectif officiellement poursuivi par le PTCI, l’UE et les États-Unis doivent faire en sorte que ce nouveau programme de coopération volontaire soit à même d’aider leurs citoyens à relever les nouveaux défis de cette période critique.

4.   Répondre aux préoccupations et aux garanties nécessaires

4.1.

Le CCT offre la meilleure occasion de montrer que l’UE et les États-Unis peuvent prendre des mesures concrètes en vue d’une véritable coopération en matière de commerce et de technologies et prouver que leurs relations reposent sur un partenariat constructif. Toutefois, il existe certains problèmes cruciaux que le CCT doit résoudre pour réussir:

un engagement stratégique fort de la part des dirigeants de l’Union européenne comme des États-Unis,

une vision commune claire des objectifs et des processus du CCT,

la nécessité de créer une valeur ajoutée par la coopération, en obtenant des résultats positifs et concrets,

la nécessité de déployer quelques efforts visant à développer des approches communes en matière de normes communes,

la nécessité d’établir un processus clair pour résoudre les problèmes techniques précis,

la mise en place de mécanismes efficaces de sensibilisation à la prise de décision politique, tant dans l’Union européenne qu’aux États-Unis,

la mise en place d’un processus d’engagement actif et structuré des parties prenantes avec les entreprises, les syndicats et d’autres acteurs de la société civile,

l’instauration d’une coordination fluide, d’une approche cohérente et globale de l’ensemble du processus de travail; la mise à profit des leçons tirées des négociations du PTCI et d’activités bilatérales antérieures en matière de processus, de transparence et de sensibilisation du public,

la responsabilité qui incombe à la société civile, de part et d’autre de l’Atlantique, d’accompagner ce processus en connaissance de cause.

4.2.

La sauvegarde des intérêts publics élevés de l’UE dans la coopération réglementaire transatlantique a toujours été primordiale pour le CESE. Il réaffirme avec force que le maintien de normes élevées existantes est une exigence fondamentale. Outre l’objectif d’accroître les possibilités commerciales, la coopération réglementaire devrait également améliorer la sécurité, la santé et le bien-être économique et social des citoyens des deux côtés de l’Atlantique. Le CESE demande davantage de garanties concernant, par exemple, la non-modification de la législation alimentaire de l’UE et le maintien par cette dernière des restrictions sur les hormones, les activateurs de croissance et les organismes génétiquement modifiés (11).

4.3.

Le CESE invite instamment la Commission européenne à s’attaquer, dans le cadre du CCT, au déséquilibre de la démocratie dans le domaine du travail et à son incidence sur l’égalité des conditions de concurrence dans le commerce. Le CESE rappelle que les États-Unis n’ont ratifié que deux des huit conventions fondamentales du travail de l’OIT; ils ont notamment décliné la ratification des conventions clés no 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical et no 98 sur le droit d’organisation et de négociation collective (12).

5.   Participation significative des parties prenantes à la lumière des enseignements tirés du processus du PTCI

5.1.

Le CESE souligne que le processus du CCT devrait être transparent, responsable et associer de manière significative les groupes d’intérêt public. Il devrait s’accompagner d’une politique de communication améliorée et active portant sur la nature du CCT. Plus important encore, le programme de coopération doit rester une plateforme d’information et d’échange de bonnes pratiques, et non un outil automatique pour influencer les processus législatifs et décisionnels de l’autre partie ou pour la dissuader d’améliorer ses protections.

5.2.

Les parties prenantes intéressées doivent être en mesure d’apporter leur contribution aux dix groupes de travail afin d’éviter une approche cloisonnée. Bien que le groupe de travail sur les défis du commerce mondial soit de nature plus transversale et constitue le principal forum de discussion sur le travail, des questions associées se posent dans le cadre de la compétence d’un certain nombre d’autres groupes de travail, notamment en ce qui concerne la chaîne d’approvisionnement, l’IA et d’autres technologies émergentes, ainsi que la protection des données.

5.3.

Le CESE estime que la protection et le bien-être des consommateurs sont des objectifs fondamentaux de cette coopération. Les différents dialogues du CCT doivent être transparents pour les parties prenantes. Les régulateurs et les spécialistes du secteur concernés doivent jouer un rôle de premier plan dans le développement de la coopération réglementaire.

5.4.

Au-delà des réunions ciblées du dialogue avec la société civile, des réunions préparatoires des parties prenantes et des comptes rendus devraient être planifiés avant et après chaque session du CCT. L’ancien groupe consultatif sur le PTCI, créé par la DG Commerce, a fourni un bon exemple de consultation des parties prenantes, à laquelle le CESE aurait dû être associé. Il constituait également un forum où les organisations membres pouvaient mieux comprendre les défis et les possibilités du commerce pour les différents intérêts que d’autres représentaient. Il a contribué à jeter des ponts entre les différentes organisations.

5.5.

Dans ce contexte, le CESE regrette une fois de plus que le groupe d’experts sur les accords commerciaux n’ait pas été renouvelé. Il s’agissait d’une étape très positive dans la stratégie de la Commission visant à améliorer le dialogue avec la société civile en matière de politique commerciale et à accroître la transparence, qui s’inscrivait également dans la continuité logique du groupe consultatif sur le PTCI.

5.6.

Par le passé, le CESE a exprimé son soutien aux dialogues transatlantiques pour les entreprises et les consommateurs et a appelé à la reconnaissance d’un dialogue transatlantique équivalent sur le travail.

Bruxelles, le 14 juillet 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  JO C 152 du 6.4.2022, p. 56.

(2)  JO C 152 du 6.4.2022, p. 56.

(3)  JO C 152 du 6.4.2022, p. 56.

(4)  JO C 374 du 16.9.2021, p. 73.

(5)  Le CESE a formulé des recommandations concrètes dans l’avis publié sous la référence JO C 429 du 11.12.2020, p. 197; avis intitulé «Le travail décent dans le monde» (SOC/727), dont la rapporteure est Maria del Carmen Barrera Chamorro et qui a été adopté en septembre 2022.

(6)  JO C 374 du 16.9.2021, p. 73.

(7)  Les solutions potentielles pourraient envisager une déclaration interprétative au titre de l’article IX, paragraphe 2, de l’accord sur l’OMC, affirmant une interprétation de l’exception relative à la «moralité publique» (article XX du GATT de 1994 et article XIV de l’AGCS), qui inclurait les droits fondamentaux du travail de l’OIT et décrirait le rôle que pourraient jouer les décisions de l’OIT dans toute procédure judiciaire en la matière.

(8)  Un bon exemple à mettre à profit est fourni par l’analyse comparative des dispositions relatives au commerce et au développement durable dans les accords de libre-échange commandée par l’UE («Comparative Analysis of Trade and Sustainable Development Provisions in Free Trade Agreements»), LSE, février 2022, notamment en ce qui concerne le mécanisme de réaction rapide de l’accord entre les États-Unis, le Mexique et le Canada (AEUMC), https://www.lse.ac.uk/business/consulting/assets/documents/TSD-Final-Report-Feb-2022.pdf (en anglais).

(9)  JO C 105 du 4.3.2022, p. 40.

(10)  JO C 487 du 28.12.2016, p. 30.

(11)  JO C 487 du 28.12.2016, p. 30.

(12)  Les conventions C029 sur le travail forcé, C100 sur l’égalité de rémunération, C111 concernant la discrimination (emploi et profession) et C138 sur l’âge minimum, complètent la liste des conventions fondamentales du travail non ratifiées.


22.11.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 443/44


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Politique de la jeunesse dans les Balkans occidentaux, dans le cadre du programme d’innovation pour les Balkans occidentaux»

(avis d’initiative)

(2022/C 443/06)

Rapporteur:

Ionuț SIBIAN

Corapporteur:

Andrej ZORKO

Décision de l’assemblée plénière

20.1.2022

Base juridique

Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Relations extérieures»

Adoption en section

9.6.2022

Adoption en session plénière

13.7.2022

Session plénière no

571

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

165/2/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) reconnaît les progrès réalisés en vue d’élaborer des cadres politiques solides en faveur de la jeunesse et invite les gouvernements des partenaires des Balkans occidentaux à investir davantage dans des politiques de la jeunesse fondées sur des données probantes qui répondent aux défis liés à l’épanouissement des jeunes. Afin d’assurer un développement durable au sein des populations locales, le CESE considère qu’il est essentiel que l’évolution des institutions, des programmes et des politiques se fonde sur les points de vue des jeunes en matière de développement humain. Le CESE est en outre persuadé que l’octroi de dotations budgétaires suffisantes et transparentes pour l’élaboration de la politique de la jeunesse constitue une condition préalable à la facilitation de changements positifs et à l’amélioration de la situation des jeunes.

1.2.

Le CESE invite les gouvernements nationaux des Balkans occidentaux à suivre les principaux documents de l’Union européenne (UE) relatifs à la politique de la jeunesse, à poursuivre l’élaboration de politiques nationales en faveur de la jeunesse et à permettre la participation des jeunes à la conception desdites politiques.

1.3.

Le CESE estime que la collecte systématique de données de haute qualité axées spécifiquement sur les jeunes est une condition préalable à l’élaboration de politiques et de mesures de soutien éclairées en faveur des jeunes, surtout des groupes de jeunes vulnérables. En particulier, le système de collecte et de traitement des données relatives à la dimension sociale de la participation des jeunes doit être considérablement amélioré (1).

1.4.

Pour lutter contre la pauvreté et améliorer la qualité de l’éducation, le CESE est d’avis qu’il est crucial d’associer les partenaires sociaux et les organisations de la société civile afin de mener à bien une réforme plus large visant à améliorer les droits sociaux et les perspectives des jeunes. Les partenaires sociaux et les autres organisations de la société civile devraient jouer un rôle plus important dans le dialogue sur les réformes sociales et économiques. Le soutien direct de l’UE devrait permettre de prendre en compte les points de vue des partenaires sociaux et des organisations de la société civile.

1.5.

Le CESE demande le renforcement des programmes et des structures régionales de l’Union afin de toucher davantage de jeunes dans les Balkans occidentaux tout en leur offrant des possibilités de formation, de mobilité, de volontariat et d’emploi.

1.6.

Le CESE appelle à mettre davantage l’accent sur l’enseignement et la formation professionnels, en combinant des programmes d’apprentissage avec un apprentissage théorique aux niveaux secondaire et supérieur. Le Comité est d’avis qu’il convient de renforcer la collaboration étroite entre les politiques en matière d’éducation et de formation et le monde des entreprises, ainsi que de mettre davantage l’accent sur les compétences que sur les qualifications.

1.7.

Le CESE accueille favorablement le plan économique et d’investissement pour les Balkans occidentaux, appelant à améliorer la participation au marché du travail, notamment celle des jeunes et des femmes, des groupes défavorisés et des minorités, en particulier les Roms. La mise en œuvre de ce plan devrait en maximiser les avantages pour les jeunes.

1.8.

Le CESE plaide pour la mise en œuvre de la garantie pour la jeunesse dans les Balkans occidentaux en suivant les recommandations du Conseil sur le renforcement de la garantie pour la jeunesse (2).

1.9.

Afin de mettre en œuvre une garantie pour la jeunesse dans les Balkans occidentaux, le CESE appelle à renforcer les capacités des services publics de l’emploi (SPE) et de leur personnel dans les pays de la région.

1.10.

Le CESE attire l’attention sur l’importance de la coopération entre différents partenaires sur la question du chômage des jeunes. Des partenariats devraient être établis à tous les niveaux d’administration, entre les prestataires de la garantie pour la jeunesse et les parties intéressées, telles que les partenaires sociaux, les établissements d’enseignement et de formation, les organisations de jeunesse et d’autres organisations de la société civile.

1.11.

Le CESE estime qu’il convient d’accorder de l’attention et du soutien au renforcement des capacités des partenaires sociaux et au développement du dialogue social et de la négociation collective pour atténuer la précarité des conditions de travail et améliorer la qualité des emplois. Le CESE invite également les partenaires sociaux des Balkans occidentaux, aux niveaux national et sectoriel, à associer activement les jeunes à toutes leurs activités, y compris la négociation collective.

1.12.

Compte tenu des possibilités liées à la proclamation de 2022 comme «Année européenne de la jeunesse», le CESE est persuadé que l’approche consistant à prendre à bras-le-corps les problèmes des jeunes et à rapprocher l’Europe des jeunes devrait valoir non seulement pour les jeunes vivant dans l’Union, mais aussi pour ceux de tous les partenaires des Balkans occidentaux.

1.13.

Le CESE encourage l’UE et ses partenaires des Balkans occidentaux à mettre en place, conformément à la stratégie de l’Union en faveur de la jeunesse, un outil d’évaluation de l’impact sur la jeunesse, appelé «évaluation d’impact du point de vue des jeunes». Cette évaluation d’impact garantirait que les jeunes soient pris en considération lors des processus d’élaboration des politiques, et permettrait d’élaborer des politiques mieux ciblées et de recenser les mesures d’atténuation nécessaires pour éviter toute incidence négative sur les jeunes.

1.14.

Le CESE considère que les gouvernements des partenaires des Balkans occidentaux doivent s’efforcer de faire de la coopération régionale une priorité politique. En soutenant cette transformation, l’Union devrait aider les Balkans occidentaux à recenser les domaines et possibilités clés susceptibles de favoriser des changements pour les citoyens de l’ensemble des Balkans occidentaux, et les jeunes au premier chef.

1.15.

Les conclusions du sommet des Balkans occidentaux du processus de Berlin (3) qui s’est tenu à Berlin en 2021 soulignent la nécessité de renforcer les organisations et les réseaux de la jeunesse. Le CESE invite la Commission européenne à poursuivre l’examen des moyens de soutenir les structures de jeunesse concernées, par exemple les conseils nationaux de la jeunesse et les organisations faîtières de la jeunesse dans les Balkans occidentaux, au niveau régional, pour permettre un dialogue régional sur la politique en faveur de la jeunesse.

1.16.

Le CESE est d’avis que des efforts supplémentaires sont nécessaires pour renforcer l’éducation et la représentation politiques des jeunes, tant dans le cadre de la politique générale que par l’intermédiaire des structures de jeunesse, comme les conseils nationaux de la jeunesse ou les conseils locaux ou municipaux. Le CESE invite dès lors les institutions de l’Union européenne à continuer d’aider les Balkans occidentaux à améliorer la participation des jeunes.

1.17.

Le CESE se félicite que le programme d’innovation pour les Balkans occidentaux prévoie de nouvelles actions visant à soutenir la participation de ces derniers à tous les programmes de l’Union concernant la recherche, l’innovation, l’éducation, la culture, la jeunesse et le sport. Compte tenu de la corrélation positive entre la mobilité dans le domaine de l’éducation ou de la formation et l’engagement civique et politique des jeunes, des actions supplémentaires menées en la matière pourraient favoriser la participation et l’engagement des jeunes.

1.18.

Le CESE souligne l’importance des jeunes pour l’avenir des Balkans occidentaux et, par conséquent, la nécessité de prendre des mesures concrètes pour faire de la région un lieu offrant des perspectives et des chances d’avenir aux jeunes, leur permettant d’y rester et d’y prospérer (4). Il est extrêmement important d’associer en temps utile les jeunes à la conception et à la mise en œuvre des changements sociaux et politiques.

2.   Introduction

2.1.

Selon Eurostat (5), les Balkans occidentaux comptent au total quelque 3,6 millions de jeunes, représentant environ 21 % de la population. Le Kosovo (*1) affiche la plus forte proportion de jeunes dans la population totale (26,29 %), suivi par l’Albanie (23,4 %), la Bosnie-Herzégovine (20,37 %), la Macédoine du Nord (20,32 %), le Monténégro (19,49 %) et la Serbie (16,8 %). La proportion d’hommes et de femmes parmi les jeunes est similaire dans tous les pays partenaires des Balkans occidentaux, la population masculine étant légèrement plus importante: dans la région, 51,16 % des jeunes sont des hommes et 48,84 % sont des femmes (6).

2.2.

Les partenaires des Balkans occidentaux ont accompli des progrès considérables quant à la poursuite de l’établissement et de la consolidation de leur cadre d’action en faveur de la jeunesse, en adoptant des lois, des stratégies et des plans d’action pertinents. Toutefois, un système pour la jeunesse pleinement opérationnel qui garantisse l’autonomisation, l’engagement et la participation efficaces des jeunes au processus décisionnel doit encore être mis en place. Diverses lacunes apparaissent, qu’il s’agisse de questions politiques plus larges et d’un manque de volonté de donner la priorité à la jeunesse dans le cadre d’une politique interinstitutionnelle et transsectorielle ou encore de difficultés très précises au suivi et à l’évaluation systématiques de l’élaboration et de la mise en œuvre de la politique de la jeunesse, à la collecte de données et à la publication (7).

2.3.

Il convient également de veiller au respect des droits de l’enfant afin de promouvoir le bien-être des jeunes. Des actions politiques durables à cet égard augmentent le bien-être des enfants et contribuent au bon déroulement du passage à l’adolescence et au début de l’âge adulte.

3.   Développement du capital humain

3.1.

Le niveau et la pertinence de l’éducation sont essentiels pour offrir aux jeunes des perspectives d’emploi, ainsi que pour leur évolution de carrière et leur inclusion sociale dans l’espace régional. Néanmoins, les systèmes éducatifs révèlent encore des lacunes en ce qui concerne la prise en charge de tous les étudiants et la transmission des compétences appropriées aux jeunes diplômés. Des liens insuffisants ou inefficaces avec d’autres volets de l’action tels que l’emploi, l’économie, les services sociaux et la protection sociale exposent de nombreux enfants et jeunes au risque de décrochage scolaire, d’exclusion sociale et de pauvreté (8).

3.2.

S’ils veulent construire une économie dynamique, les Balkans occidentaux doivent investir dans les connaissances et le développement des compétences des jeunes. Les réformes du système éducatif sont essentielles pour faire progresser les efforts de développement engagés (9). Les Balkans occidentaux doivent encore améliorer leurs performances, veiller à ce que les jeunes acquièrent des compétences fondamentales et réduire leurs écarts de performance avec l’Union européenne.

3.3.

L’émigration issue des Balkans occidentaux est un problème de longue date qui s’explique par des problèmes économiques, sociaux et institutionnels et qui menace les perspectives de développement de la région. Dans un avenir prévisible, l’on doit s’attendre à ce que l’émigration se poursuive dans la majeure partie de la région, mais elle ne devrait pas empêcher l’adoption de politiques appropriées pour que les jeunes restent dans la région. Les gens font le choix de partir pour de multiples raisons, mais celles-ci tiennent souvent à la difficulté d’atteindre une qualité de vie suffisamment élevée pour soi-même et pour sa famille si l’on reste sur place. La fuite des cerveaux réduit le capital humain nécessaire à la croissance économique, tandis que les infrastructures sociales existantes manquent à améliorer les conditions de vie de ceux qui sont au bord du chemin. Il convient également de prendre des mesures appropriées au niveau national pour que la «fuite des cerveaux» laisse la place à la «circulation des cerveaux».

3.4.

Le départ massif des populations reste une préoccupation majeure pour la plupart des pays des Balkans occidentaux, compte tenu des conséquences de ce phénomène sur les perspectives économiques, sociales et politiques d’une région qui accuse encore un important retard économique par rapport à l’Union. Il est difficile de mesurer avec précision le nombre total de personnes ayant quitté la région. Les données (10) montrent que les mouvements de départ se poursuivent. Entre 2012 et 2018, quelque 155 000 personnes en moyenne ont quitté chaque année la région pour un pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), et pour la seule année 2018, ce nombre s’élevait à 175 000 personnes (11).

3.5.

Outre les meilleures perspectives économiques à l’étranger, les études ont également mis en évidence le rôle décisif que joue la recherche d’institutions publiques efficaces et fiables en tant que facteur d’émigration. Une analyse du Fonds monétaire international (12) de 2016 montre que, si tous les types de migrants recherchent de meilleures perspectives économiques à l’étranger, ceux d’entre eux qui sont le plus hautement qualifiés sont aussi poussés par la situation institutionnelle dans leur pays d’origine, notamment la corruption et le népotisme pour obtenir un emploi, et les moins qualifiés sont eux attirés par des systèmes de prestations sociales plus étendus et plus fiables (13). Le niveau élevé de corruption dans la région est un facteur déterminant pour les flux migratoires sortants, à quoi s’ajoute le fait que 63 % des citoyens de la région n’ont pas confiance dans les pouvoirs judiciaire et législatif (14).

3.6.

Les jeunes de la région sont extrêmement désireux de partir à l’étranger pour avoir de meilleures perspectives d’avenir, ce qui explique la surreprésentation des jeunes dans le nombre total d’émigrants. En Bosnie-Herzégovine, en Macédoine du Nord et en Albanie, par exemple, plus de 50 % des jeunes souhaitent vivre et travailler à l’étranger pour une durée de plus de vingt ans, ce qui indique une perte potentiellement importante à long terme pour l’avenir démographique et économique de la région (15). Le niveau élevé de migration des jeunes en provenance des Balkans occidentaux découle, en particulier, de l’impossibilité des jeunes à accéder à une éducation de qualité, et des possibilités économiques limitées une fois le diplôme obtenu, ce qui contraint nombre d’entre eux à rechercher des possibilités d’études à l’étranger. En 2018, 6 % des étudiants de la région en âge universitaire avaient effectué leurs études dans un pays étranger, contre 3 % dans l’Union.

3.7.

Les infrastructures sociales des Balkans occidentaux ne sont pas suffisantes pour soutenir la capacité de la région à développer et à maintenir une base solide de capital humain, en particulier dans le contexte de la fuite des cerveaux. La plupart des secteurs de l’éducation des pays concernés sont confrontés à des pénuries de financement et de ressources qui se traduisent par un accès à l’éducation et des résultats insuffisants. Les résultats insuffisants sur le plan de l’éducation ne permettent pas, à leur tour, d’apporter les compétences nécessaires dont les générations futures ont besoin pour répondre aux exigences des entreprises existantes et contribuer à en créer de nouvelles.

3.8.

Il est essentiel de maximiser la valeur du capital humain pour accroître la compétitivité et lutter contre le chômage. À l’heure actuelle, la main-d’œuvre doit être dotée d’un éventail de compétences transférables, d’une capacité d’adaptation et d’un esprit d’entreprise, tout en garantissant une sécurité sociale adéquate.

3.9.

Les systèmes éducatifs et les programmes d’enseignement actuels doivent réformer et renforcer l’employabilité des jeunes générations en promouvant l’enseignement et la formation professionnels (EFP), l’éducation numérique et les questions liées à l’entrepreneuriat.

3.10.

Il convient d’encourager et de promouvoir les capacités entrepreneuriales des jeunes. Les décideurs politiques doivent s’assurer que les jeunes disposent d’un environnement favorable pour créer leur propre entreprise et devenir entrepreneurs, et ils doivent soutenir et faciliter l’accès au financement des jeunes entreprises.

3.11.

Dans un monde en évolution rapide, la lutte contre le changement climatique, les nouveaux modèles commerciaux, la capacité de recherche et d’innovation, ainsi que la mise au point de nouvelles solutions technologiques pour la transition écologique s’avèrent essentiels. À cette fin, il est important d’augmenter le nombre de jeunes, en particulier de jeunes femmes, forts de compétences dans le domaine des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques (STIM) et de compétences numériques.

3.12.

La transition énergétique suppose une transformation de l’emploi tel qu’il existe actuellement: certains emplois sont détruits et ceux qui sont créés requièrent de nouvelles compétences vertes et numériques. Le système d’éducation et de formation doit s’adapter à la demande croissante de compétences nouvelles. Les programmes d’éducation et de formation devraient s’aligner sur l’évolution des besoins des entreprises et sur la double transition écologique et numérique.

4.   Les défis en matière d’emploi des jeunes dans les Balkans occidentaux

4.1.

Les principaux problèmes auxquels est confrontée la politique de l’emploi des jeunes dans la région sont la coordination des acteurs à différents niveaux de gouvernement et dans différents domaines d’action (emploi, éducation, soins de santé, logement); des faiblesses dans la qualité des systèmes éducatifs et des lacunes dans l’enseignement des compétences exigées sur le marché du travail; l’inefficacité du processus de recherche d’emploi qui entraîne une inadéquation des compétences et de longues transitions entre l’école et l’université et le monde du travail; la prévalence d’emplois précaires dans certaines économies; la rareté des emplois disponibles pour les jeunes; une pénurie d’infrastructures de garde d’enfants pour aider les femmes de retour au pays à travailler; et le haut niveau d’économie informelle.

4.2.

Les jeunes des Balkans occidentaux occupent une position défavorable sur les marchés du travail de la région. En 2020, le taux d’emploi des jeunes pour la tranche d’âge des 15-24 ans était inférieur à 27 % dans toute la région des Balkans occidentaux, tandis que le taux de chômage des jeunes chez les 15-24 ans dépassait les 26 % (contre seulement 16,8 % dans l’EU-27 pour la même tranche d’âge), atteignant même 50 % au Kosovo (16).

4.3.

La part des jeunes qui ne travaillent pas et qui ne suivent ni études ni formation (NEET) pour la tranche des 15-24 ans est en moyenne de 23,7 % dans les Balkans occidentaux, allant de 15,9 % en Serbie à 37,4 % au Kosovo, contre seulement 11,1 % dans l’Union européenne pour la même catégorie (17).

4.4.

Le chômage de longue durée touche près des deux tiers de l’ensemble des jeunes chômeurs en Macédoine du Nord, en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo, et deux tiers des jeunes chômeuses au Monténégro.

4.5.

Le taux de participation des jeunes au marché du travail (taux d’activité) était également inférieur à celui de l’Union européenne, et un écart important existe entre les hommes et les femmes en matière de participation au marché du travail, ce qui découle en partie du déficit de structures de garde d’enfants pour les jeunes mères qui souhaitent intégrer le marché du travail. L’écart entre les hommes et les femmes se reflète également dans les taux d’emploi des jeunes femmes, qui sont inférieurs aux taux d’emploi des jeunes hommes partout dans la région. Là où les taux de chômage des jeunes sont les plus élevés (Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Macédoine du Nord, Serbie), le taux de chômage des jeunes femmes est supérieur au taux masculin. En revanche, en Albanie et au Monténégro, le taux de chômage des jeunes femmes est inférieur au taux masculin, comme dans l’Union européenne.

4.6.

Les jeunes sont confrontés à une situation précaire sur les marchés du travail. Dans toutes les économies de la région, la proportion de jeunes soumis à des contrats temporaires est plus élevée que dans l’UE, en particulier au Kosovo et au Monténégro, où plus de trois quarts des jeunes salariés doivent signer ce type de contrat, ou encore en Serbie, où c’est le cas pour plus de la moitié d’entre eux. Un tel emploi précaire peut nuire au bien-être individuel et à la productivité des économies.

4.7.

La prise en compte des besoins de la population jeune devrait devenir une priorité, compte tenu notamment du nombre élevé de jeunes qui ne travaillent pas et qui ne suivent ni études ni formation (NEET). Il convient de réaffirmer la nécessité de mesures fondées sur l’exemple de la garantie pour la jeunesse de l’Union, d’autant plus en temps de crise. Celles-ci permettront d’offrir aux jeunes un emploi, une formation complémentaire, un apprentissage ou un stage, en leur donnant ainsi des solutions et des perspectives contribuant à lutter contre la fuite des cerveaux.

5.   Les jeunes des Balkans occidentaux en tant que force importante de la coopération régionale et de la promotion de l’intégration européenne

5.1.

La prospérité et la convergence avec l’UE devraient reposer sur les principes d’inclusion, de confiance et de coopération. Le CESE souligne qu’en poursuivant leurs réformes entreprises sous l’impulsion de l’UE et en mettant en œuvre leurs plans d’investissement, les gouvernements des Balkans occidentaux se sont engagés à respecter les valeurs européennes fondamentales que sont la démocratie, l’état de droit et les droits fondamentaux, ainsi que la réconciliation (18).

5.2.

Le CESE convient que la coopération régionale dans les Balkans occidentaux est essentielle au processus d’élargissement et celle-ci devrait être encore renforcée pour appuyer la transformation. Une perspective d’adhésion crédible constitue tout à la fois le principal aiguillon et la force motrice essentielle s’agissant d’induire la transformation dans la région. Elle représente un outil essentiel pour promouvoir la démocratie, l’état de droit et le respect des droits fondamentaux, qui constituent également les principaux facteurs d’intégration économique et offrent un socle déterminant pour favoriser la réconciliation et la stabilité dans la région (19).

5.3.

Le CESE observe que plusieurs initiatives européennes et régionales cardinales ont été lancées ces dernières années, en particulier pour la région des Balkans occidentaux, afin de la rapprocher de l’Union, mais aussi de renforcer la coopération entre les jeunes. L’Union européenne reste le principal partenaire stratégique de la région, fournissant des fonds et une assistance par le truchement de différents programmes (IAP, Erasmus+, etc.). Par ailleurs, s’appuyant sur l’exemple réussi de l’Office franco-allemand pour la jeunesse, l’Office régional de coopération pour la jeunesse (RYCO) a été lancé en 2016 dans l’optique de promouvoir l’esprit de réconciliation et de coopération entre les jeunes de la région au moyen de programmes d’échange de jeunes.

5.4.

L’Office régional de coopération pour la jeunesse joue un rôle important dans le renforcement de la coopération et de la réconciliation entre les jeunes des Balkans occidentaux. Le soutien de l’Union européenne pour rationaliser la coopération régionale en faveur de la jeunesse, laquelle constitue un élément essentiel pour parvenir à la paix et à la stabilité dans la région, a été capital. Le rôle des jeunes dans la promotion des perspectives d’avenir dans la région ne devrait pas être renforcé uniquement par les actions de l’Office régional de coopération pour la jeunesse.

5.5.

Le titre de «Capitale européenne de la jeunesse» est décerné par le Forum européen de la jeunesse. Il a pour ambitions d’autonomiser la jeunesse, d’encourager la participation des jeunes et de consolider l’identité européenne dans les villes. En 2022, la capitale européenne de la jeunesse est la ville de Tirana. Sous le slogan «Activate Youth» (Mettre la jeunesse en action), l’objectif principal de cette opération est d’encourager une participation active axée sur les besoins des jeunes, aujourd’hui et demain. Le programme comprend des activités visant à promouvoir le bénévolat, à donner aux organisations de jeunesse les moyens d’agir et à créer des réseaux et des synergies entre les jeunes de toute l’Europe.

5.6.

Le renforcement de la coopération entre les institutions européennes et les acteurs des Balkans occidentaux en matière de politique de la jeunesse ainsi que l’organisation conjointe d’activités d’apprentissage mutuel contribuent à la réussite de la mise en œuvre du programme d’innovation pour les Balkans occidentaux.

5.7.

Les actions entreprises pour associer les Balkans occidentaux aux programmes de l’Union en faveur de la jeunesse devraient être coordonnées avec les programmes en cours proposés par l’Office régional de coopération pour la jeunesse. Le CESE invite la Commission à accompagner les Balkans occidentaux dans la recherche de moyens de mise en place de nouveaux programmes de mobilité intrarégionale.

6.   Faire mieux entendre le point de vue des jeunes des Balkans occidentaux

6.1.

Les priorités politiques de l’Union européenne en ce qui concerne le programme d’innovation pour les Balkans occidentaux consistent à faciliter l’élaboration de politiques fondées sur des données probantes (20). L’Union demande instamment à tous les pays en phase de préadhésion de disposer de statistiques fiables et transparentes (21).

6.2.

La stratégie de l’Union européenne en faveur de la jeunesse pour la période 2019-2027 vise à encourager et promouvoir la participation démocratique inclusive de tous les jeunes aux processus démocratiques et à la société, à les associer activement, à soutenir les représentations de la jeunesse aux niveaux local, régional et national et à étudier et promouvoir l’utilisation de formes innovantes et alternatives de participation démocratique, telles que les outils de démocratie numérique (22).

6.3.

Le dialogue de l’Union européenne en faveur de la jeunesse est un mécanisme de dialogue bien établi entre les jeunes et les responsables politiques. Le CESE accueille favorablement les propositions de la Commission visant à s’appuyer sur ce mécanisme et à l’intégrer dans le cadre de coopération régionale des Balkans occidentaux, afin de garantir la prise en compte des points de vue et des besoins des jeunes et des organisations de jeunesse lors de la définition des priorités de la politique les concernant. En outre, il convient d’encourager et de promouvoir les processus et mécanismes participatifs existants auxquels les jeunes des Balkans occidentaux sont associés.

6.4.

Selon l’indice de participation des jeunes (23), les jeunes des Balkans occidentaux sont encore largement sous-représentés dans la vie politique. Selon des données récentes, une grande majorité des jeunes (78 %) estime qu’ils devraient avoir davantage voix au chapitre en politique (24).

6.5.

Le CESE soutient fermement la participation des jeunes aux processus décisionnels sur les questions qui les concernent. Outre la participation individuelle, le rôle des organisations de jeunesse est essentiel pour faire progresser la position des jeunes dans les différentes sphères de la vie politique, économique et sociale. Par conséquent, comme le soulignent le règlement relatif à l’IAP III et la méthodologie d’élargissement, il est nécessaire de noter l’importance du financement des organisations de la société civile et du soutien apporté à celles-ci afin de répondre aux besoins des jeunes.

6.6.

Le statut socio-économique et le niveau d’instruction sont considérés comme des indices importants de la propension individuelle à voter ou à exercer d’autres types d’engagement politique. L’analyse statistique au niveau régional dresse un tableau cohérent des inégalités socio-économiques inhérentes à l’engagement des jeunes dans la région des Balkans occidentaux (25).

Bruxelles, le 13 juillet 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Youth Participation Index for 2020 (Indice de participation des jeunes en 2020), Fondation Ana et Vlade Divac, page 31.

(2)  Recommandation du Conseil du 30 octobre 2020 relative à «Un pont vers l’emploi — Renforcer la garantie pour la jeunesse» et remplaçant la recommandation du Conseil du 22 avril 2013 sur l’établissement d’une garantie pour la jeunesse (JO C 372 du 4.11.2020, p. 1).

(3)  Sommet des Balkans occidentaux du processus de Berlin, sommet de Berlin 2021, conclusions de la présidence.

(4)  Déclaration finale du 8e Forum de la société civile des Balkans occidentaux.

(5)  Basic figures on Western Balkans and Turkey, Factsheets (Indicateurs clés pour les Balkans occidentaux et la Turquie, fiche d’information), édition 2022.

(*1)  Cette dénomination est sans préjudice des positions sur le statut et est conforme à la résolution 1244/99 du Conseil de sécurité des Nations unies ainsi qu’à l’avis rendu par la Cour internationale de justice sur la déclaration d’indépendance du Kosovo.

(6)  Conseil de coopération régionale, Mapping of Youth Policies and Identification of Existing Support and Gaps in the Financing of Youth Actions in the Western Balkans — Comparative report (Inventaire des politiques en faveur de la jeunesse et état des lieux du soutien existant et des lacunes dans le financement des actions en faveur de la jeunesse dans les Balkans occidentaux — Rapport comparatif), janvier 2021, page 4.

(7)  Conseil de coopération régionale, Mapping of Youth Policies and Identification of Existing Support and Gaps in the Financing of Youth Actions in the Western Balkans — Comparative report (Inventaire des politiques en faveur de la jeunesse et état des lieux du soutien existant et des lacunes dans le financement des actions en faveur de la jeunesse dans les Balkans occidentaux — Rapport comparatif), janvier 2021, page 4.

(8)  Fondation européenne pour la formation (ETF), Unlocking youth potential in South Eastern Europe and Turkey: Skills development for labour market and social inclusion (Libérer le potentiel des jeunes en Europe du Sud-Est et en Turquie: développement des compétences pour le marché du travail et l’inclusion sociale), 2020.

(9)  Les résultats du programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) de l’OCDE pour 2018 révèlent d’importants niveaux de sous-performance scolaire (élèves qui ne parviennent pas au niveau 2 de l’échelle PISA en lecture, mathématiques et sciences) dans presque tous les Balkans occidentaux.

(10)  Banque de développement du Conseil de l’Europe: Social Infrastructure in the Western Balkans — Increasing the region’s economic resilience, enhancing human capital and counteracting the effects of brain drain (Infrastructures sociales dans les Balkans occidentaux — Améliorer la résilience économique, renforcer le capital humain et contrer les effets de la fuite des cerveaux dans la région), novembre 2021.

(11)  La précision des données migratoires dans la région des Balkans occidentaux est atténuée par plusieurs problématiques qui limitent les possibilités de comparaisons globales entre pays.

(12)  Emigration and Its Economic Impact on Eastern Europe (L’émigration et ses conséquences économiques en Europe de l’Est), 2016.

(13)  Dans les Balkans occidentaux, il n’est pas rare que la couverture sociale soit inégale et que les transferts de prestations soient retardés.

(14)  Conseil de coopération régionale, Balkan Barometer 2020: Public Opinion Survey (Le baromètre des Balkans 2020: sondage d’opinion publique).

(15)  Lavrič, M., Tomanović, S., et Jusić, M., Friedrich-Ebert-Stiftung (FES), Youth Study Southeast Europe 2018/2019 (Étude sur la jeunesse en Europe du Sud-Est 2018/2019).

(16)  Conseil de coopération régionale, Study on Youth Employment in the Western Balkans (Étude sur l’emploi des jeunes dans les Balkans occidentaux), 2021.

(17)  Conseil de coopération régionale, Study Conseil de coopération régionale, Study on Youth Employment in the Western Balkans (Étude sur l’emploi des jeunes dans les Balkans occidentaux), 2021.

(18)  REX/184 — Déclaration finale du 8e Forum de la société civile des Balkans occidentaux, p. 3.

(19)  JO C 220 du 9.6.2021, p. 88.

(20)  Western Balkans Agenda on Innovation, Research, Education, Culture, Youth and Sport (Programme pour les Balkans occidentaux en matière d’innovation, de recherche, d’éducation, de culture, de jeunesse et de sport).

(21)  Commission européenne — Chapitres de l’acquis/chapitres de négociation.

(22)  Mobiliser, connecter et autonomiser les jeunes: une nouvelle stratégie de l’Union européenne en faveur de la jeunesse [COM(2018) 269 final].

(23)  Youth Participation Index for 2020 (Indice de participation des jeunes en 2020), Fondation Ana et Vlade Divac.

(24)  FES (2019), Jusić, M., Political alienation of a precarious generation (L’aliénation politique d’une génération précaire), p. 5.

(25)  FES (2019), Jusić, M., Political alienation of a precarious generation (L’aliénation politique d’une génération précaire), p. 5.


22.11.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 443/51


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Le coût de la non-Europe — Les avantages du marché unique»

(avis exploratoire)

(2022/C 443/07)

Rapporteur:

Philip VON BROCKDORFF

Corapporteure:

Émilie PROUZET

Consultation

Présidence du Conseil de l’Union européenne, 26.1.2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

27.6.2022

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

63/1/1

Adoption en session plénière

13.7.2022

Session plénière no

571

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

194/0/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) estime que le marché unique a pour objectif d’améliorer le bien-être grâce à la convergence sociale et économique, qui vise à réduire les inégalités et à éviter que l’aggravation des déséquilibres sociaux ne finisse par engendrer de sérieux obstacles à l’intégration européenne.

1.2.

Le CESE est d’avis que les textes juridiques nationaux susceptibles d’entraver le marché intérieur doivent être notifiés à la Commission européenne et faire l’objet de commentaires et d’évaluations. Sans cela, les procédures en la matière restent inefficaces, ce qui engendre des obstacles inutiles.

1.3.

En ce qui concerne la certification nationale, le CESE recommande aux États membres de s’engager à adopter des mesures nationales moins restrictives en suivant l’approche de la «coopération renforcée».

1.4.

Le Comité plaide également en faveur d’une mise en œuvre et d’une application effectives des directives déjà négociées et votées, à l’instar du paquet «Mieux légiférer».

1.5.

Le CESE estime que la législation sur les services numériques (1) et la législation sur les marchés numériques (2) constituent une étape cruciale pour instaurer des conditions de concurrence équitables entre les opérateurs au sein des marchés numériques. En outre, une harmonisation maximale du champ d’application de la législation sur les marchés numériques devrait être une priorité.

1.6.

De même, la libre circulation des données est essentielle pour stimuler l’innovation européenne, dynamiser la croissance des entreprises et soutenir le marché unique numérique.

1.7.

Le CESE souligne que les contraintes territoriales en matière d’approvisionnement entravent le développement du marché unique et invite la Commission à s’attaquer à leurs effets anticoncurrentiels.

1.8.

Le CESE préconise une approche coordonnée entre les États membres concernant la commercialisation des produits touchés par la crise en Ukraine. La crise provoquée par l’agression de la Russie a créé d’énormes restrictions d’approvisionnement.

1.9.

Le CESE recommande de mettre en place des mesures de politique nationale plus efficaces et des incitations à la mobilité, en mettant l’accent sur les politiques actives du marché du travail, telles que les prestations liées à l’emploi pour les travailleurs de l’Union européenne (UE).

1.10.

Tout en reconnaissant que l’union des marchés des capitaux (UMC) est un projet complexe, le CESE note que l’UE compte toujours 27 marchés des capitaux et marchés financiers qui ne fonctionnent pas à l’unisson, limitant ainsi le potentiel du marché unique.

1.11.

En cette période de grande incertitude, il est nécessaire de garantir une politique de concurrence particulièrement propice au succès des transitions que l’UE s’est engagée à réaliser. En outre, il convient de proscrire toute forme de dumping commercial, social, réglementaire, fiscal ou environnemental qui fausse la concurrence.

1.12.

Enfin, le CESE estime qu’il convient d’adopter une «autonomie stratégique ouverte», en particulier dans les secteurs clés, afin de contribuer à renforcer la résilience, à promouvoir la diversification et à mener un programme ambitieux pour le commerce.

2.   Contexte

2.1.   Objectif du marché unique

2.1.1.

L’objectif du marché unique de l’UE était de supprimer les obstacles à la circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes afin d’améliorer la productivité et la compétitivité dans l’ensemble de l’Union.

2.2.   Responsabilité partagée du marché unique

2.2.1.

Le fonctionnement du marché unique relève d’une responsabilité partagée entre l’Union et les États membres. Toutefois, en l’état actuel des choses, il persiste de nombreuses différences dans l’interprétation et l’application du droit de l’Union. Souvent, ces différences peuvent être considérées comme injustifiées ou disproportionnées et, en tout état de cause, elles constituent une entrave à la libre circulation des personnes, des biens et des services.

2.3.   Responsabilité des États membres

2.3.1.

Objectivement, des motifs valables peuvent expliquer certaines divergences entre les États membres, mais de telles justifications ne sont pas toujours fournies et, parfois, les États membres ne tentent pas de trouver un équilibre entre les motifs existant au niveau national et les éventuelles incidences négatives que peut subir le marché unique. En conséquence, il existe encore de nombreux obstacles réglementaires et non réglementaires au sein de l’UE qui rendent le marché unique «incomplet» et fragmenté. On peut citer comme exemples:

des législations nationales qui sont motivées par le respect supposé du principe de subsidiarité,

le non-respect du principe censé garantir une reconnaissance mutuelle,

une prolifération de transpositions excessives, également appelées «surréglementation», et de «transpositions non conformes», lorsque les gouvernements et les parlements nationaux transposent de manière excessive des textes juridiques européens qui ont été adoptés au niveau de l’UE. En effet, nombre d’obstacles ayant une incidence sur le marché unique découlent d’une application incorrecte ou incomplète de la législation de l’UE et de l’application, par certains États membres, de règles nationales allant à l’encontre des objectifs du marché unique. De ce fait, la mise en œuvre inexacte ou incorrecte par les États membres et l’absence de contrôle par la Commission ont des conséquences néfastes, tant au niveau de l’Union qu’au niveau national, aussi bien pour les citoyens que pour les entreprises,

la démarche des gouvernements et des parlements qui donnent la priorité aux intérêts nationaux lorsqu’ils mettent en œuvre, au niveau national, des mesures européennes à venir, en cherchant à anticiper l’application de politiques européennes que la Commission n’a même pas encore fini d’élaborer. La politique de l’UE en matière d’économie circulaire en est un exemple,

la prépondérance accordée aux intérêts nationaux sur les questions relatives aux écosystèmes européens stratégiques.

2.4.   Coût économique des restrictions au marché unique

2.4.1.

Les exemples cités ci-dessus illustrent les principaux coûts de la non-Europe et, de fait, plusieurs études ont mis en évidence les immenses avantages économiques qu’offrirait un marché unique «complet». Un rapport de synthèse du Parlement européen révèle que ces avantages représentent entre 650 et 1 100 milliards d’euros par an, soit l’équivalent de 5 à 8,6 % du PIB de l’Union (3).

2.4.2.

La même étude RAND Europe réalisée pour le Parlement européen a analysé l’incidence économique de la réduction des barrières commerciales au sein du marché unique. Selon cette étude, l’amélioration des flux commerciaux, la croissance économique et la création d’emplois dues à la réduction des barrières commerciales apporteraient des avantages économiques estimés entre 183 et 269 milliards d’euros par an (4).

2.4.3.

En ce qui concerne les avantages restant inexploités, il est également pertinent de citer les estimations de la Commission relatives à un marché unique numérique de l’UE pleinement intégré. La Commission déclare que cela favoriserait l’innovation, contribuerait chaque année à hauteur de 415 milliards d’euros à l’économie de l’UE et créerait des centaines de milliers de nouveaux emplois (5).

2.4.4.

Tous ces chiffres mettent en évidence les importants avantages économiques (et les avantages sociaux connexes) que pourrait apporter un marché unique plus complet. Autrement dit, ils représentent le coût économique total de la non-Europe, c’est-à-dire la perte de valeur ajoutée et de bien public collectif qu’elle entraîne.

2.4.5.

Malgré ses limites, le marché intérieur a, jusqu’à présent, contribué à préserver et à favoriser la prospérité économique de l’UE. Toutefois, la compétitivité et la résilience de l’économie de l’UE doivent être renforcées par de nouvelles réformes du marché unique et en s’attaquant aux dépendances stratégiques. Il convient également de promouvoir une culture entrepreneuriale au sein de l’Union, où les entreprises innovantes de toutes tailles, en particulier les micro, petites et moyennes entreprises (MPME), ainsi que les jeunes pousses, bénéficient d’un soutien plus efficace et peuvent prospérer afin de contribuer à des sociétés plus résilientes et cohésives. Tout aussi important, le bon fonctionnement du marché unique facilitera la vision d’une Europe plus sociale: une Europe qui place le bien-être de ses citoyens au premier rang des priorités politiques et contribue à éviter le nivellement social par le bas.

3.   Restrictions

3.1.

Les restrictions existantes sont notamment liées à la réglementation, aux problèmes de droit national, aux questions liées à la fiscalité, à la logistique et à l’approvisionnement, ainsi qu’à d’autres différences plus subtiles entre les États membres, qui compliquent encore les échanges commerciaux dans l’ensemble de l’UE.

3.2.

Par ailleurs, certains secteurs économiques clés tels que les services, qui demeurent fragmentés selon les frontières nationales, sont freinés par ces restrictions, et ce, pour les raisons suivantes:

l’existence de règles nationales historiquement restrictives, souvent justifiées par le principe de subsidiarité,

une mise en œuvre et une application déficientes de la directive relative aux services, qui entravent la liberté d’établissement, la libre circulation des services et la libre prestation de services,

des législations commerciales nationales qui empêchent les entreprises de mener leurs activités comme elles l’entendent. Souvent, ces lois freinent la compétitivité du secteur, sont protectionnistes et dissuadent des entreprises dignes de confiance et légitimes de réaliser des investissements dans d’autres États membres,

des exigences nationales qui entravent la libre circulation des marchandises. Régulièrement, les États membres ne notifient pas les nouvelles exigences techniques nationales conformément à la procédure prévue par la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil (6) et n’appliquent pas le principe de reconnaissance mutuelle dans les activités non harmonisées, comme l’illustre la surréglementation de certaines directives, etc.

3.3.

Le CESE souligne que les procédures d’infraction sont longues et coûteuses et que leur issue est incertaine. Pour les entreprises, cela représente un coût trop élevé et les dissuade de développer leurs activités ou d’investir ailleurs dans l’UE. En outre, ces restrictions empêchent les consommateurs de bénéficier d’un plus grand choix, de meilleurs services et de prix plus avantageux. Le CESE invite également la Commission à faire preuve d’une plus grande fermeté lorsqu’elle met en œuvre les procédures d’infraction.

3.4.

Ce coût affecte l’économie dans son ensemble, en limitant la compétitivité et le potentiel de croissance, et en empêchant l’économie de marché de se développer davantage.

3.5.

Comme tout système économique, l’UE est touchée par les chocs externes, mais la réponse à ces chocs et la manière dont les marchés y réagissent sont essentiellement déterminées par les politiques nationales des différents États membres et par les mesures adoptées pour stimuler le comportement économique. La guerre en Ukraine a mis en lumière la dépendance de l’UE à l’égard des chaînes de valeur mondiales. La crise en cours affectera probablement les secteurs de manière variable, mais il ne fait aucun doute qu’elle a révélé les failles du marché unique, et en particulier les restrictions à la libre circulation des biens et des services, et notamment des produits de base essentiels.

3.6.

Enfin, il convient de noter qu’environ 82 % des produits échangés au sein du marché unique sont soumis à des règles harmonisées et que quelque 18 % des échanges de biens entre les États membres relèvent de la reconnaissance mutuelle. Néanmoins, on trouve toujours de nouveaux cas de règles techniques nationales qui semblent aller à l’encontre du droit de l’Union. En outre, dans de nombreux États membres, les exigences nationales en matière d’étiquetage des produits alimentaires et des boissons se sont récemment multipliées, au nom de la protection des consommateurs et de l’environnement. Dans le même temps, le principe de reconnaissance mutuelle ne fonctionne pas correctement. En atteste le fait que 71 % des PME qui ont demandé à bénéficier du système de reconnaissance mutuelle en vigueur pour les biens non harmonisés ont reçu une décision de refus d’accès au marché.

4.   Lever les restrictions

4.1.

Les mesures mentionnées ci-dessous pourraient aider à exploiter certains des avantages économiques associés au marché unique.

4.2.   Utiliser plus efficacement les outils existants

4.2.1.

Le CESE est d’avis que les projets de textes nationaux susceptibles d’entraver le marché intérieur doivent être notifiés à la Commission et faire l’objet de commentaires et d’évaluations. Faute d’engagement des États membres à notifier, commenter ou évaluer ces textes, les procédures en la matière restent inefficaces. Par conséquent, une surveillance plus efficace s’impose en vue d’appuyer l’harmonisation de la réglementation des marchés de produits dans les États membres de l’UE. À titre d’exemple, le secteur du commerce de détail a récemment connu une recrudescence des restrictions nationales sous la forme d’autorisations et de prescriptions relatives à la teneur en éléments locaux. Cela va à l’encontre des articles 28 et 30 du traité, les nouveaux contrôles nationaux étant souvent appliqués aux achats de produits déjà légalement commercialisés au sein du marché unique. En ce qui concerne les services, le CESE est également d’avis que la procédure de notification prévue par la directive sur les services ne fonctionne pas comme prévu. Quant à la liberté d’établissement, le Comité déplore que les États membres ne soient pas parvenus à un compromis concernant la proposition de directive sur la notification. Ce texte aurait renforcé l’obligation pour les États membres de notifier à la Commission les projets de lois ou de règlements relatifs aux régimes d’autorisation des services (et donc de l’urbanisme) (7). En outre, le CESE invite instamment la Commission européenne et les États membres à fournir des informations plus détaillées sur la justification et la proportionnalité appliquées lorsque les États membres notifient des règles techniques. Il importe également de veiller à ce que les exigences notifiées fassent l’objet d’un examen approprié, quelle que soit la procédure de notification utilisée (8). Afin de s’attaquer au cœur du problème, le CESE estime qu’il serait nécessaire de franchir une nouvelle étape législative en passant d’une harmonisation minimale à une harmonisation maximale.

4.2.2.

Un autre domaine de préoccupation est l’application de mesures qui anticipent les projets de réglementation de l’UE, tels que la certification nationale, explicitement destinés à garantir un certain niveau de protection, en particulier dans le secteur agroalimentaire. De l’avis du Comité, ces restrictions sont purement protectionnistes, mais lorsqu’elles sont mises en évidence, le processus conduisant à leur retrait est souvent lent et fastidieux, ce qui permet de continuer à les imposer aux détaillants pendant bien trop longtemps. Pour éviter cela, le CESE estime que les États membres pourraient plutôt s’engager à adopter des mesures nationales moins restrictives en suivant l’approche de la «coopération renforcée», autorisée par le traité. Le CESE fait en outre référence au produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle, qui pourrait servir de cadre standard pour soutenir le marché unique et serait applicable à d’autres domaines.

4.2.3.

Le Comité considère également que le Semestre européen pourrait être un instrument efficace pour résoudre ces problèmes, notamment grâce à des mesures proportionnées prises par la Commission si les engagements relatifs aux recommandations par pays ne sont pas respectés; ainsi, elle pourrait par exemple suspendre le versement des fonds de l’Union. Cela est conforme au guide relatif aux plans pour la reprise et la résilience publié par la Commission européenne à l’intention des États membres, qui met l’accent sur la suppression des obstacles réglementaires et non réglementaires au marché intérieur, ainsi que sur les conditions dans lesquelles les États membres doivent se conformer aux exigences du Semestre européen.

4.2.4.

Enfin, le CESE plaide en faveur d’une mise en œuvre et d’une application effectives des directives déjà négociées et votées. À cet égard, la Commission européenne et les États membres devraient s’engager à mettre en œuvre le paquet «Mieux légiférer» en s’appuyant sur des évaluations d’impact de qualité.

4.3.   Libérer le potentiel du marché unique numérique

4.3.1.

Le Comité estime que la croissance de l’économie numérique en Europe offre des possibilités de croissance économique, les gains économiques potentiels étant réalisés grâce à une intégration accrue des services numériques dans tous les États membres.

4.3.2.

Dans ce contexte, le CESE estime que la législation sur les services numériques et la législation sur les marchés numériques constituent une étape cruciale pour parvenir à des conditions de concurrence équitables entre les opérateurs des marchés numériques. En se concentrant sur des services spécifiques, indépendamment du lieu où se trouve le prestataire de services ou de la loi applicable à la fourniture du service, ces législations abordent de manière constructive la question de l’égalité de traitement entre les opérateurs en ligne européens et mondiaux. En outre, le Comité a pour priorité absolue d’éviter que la multiplication des législations nationales ne fragmente davantage le marché intérieur.

4.3.3.

D’importants gains financiers pourraient également être réalisés en augmentant l’utilisation des services en ligne et en améliorant les infrastructures numériques au sein de l’UE. Dans ce contexte, la Commission recommande d’évoluer vers un régime de passation électronique des marchés publics entièrement opérationnel et vers l’utilisation de factures électroniques. Des estimations impressionnantes indiquent qu’une transition complète vers la passation électronique des marchés publics pourrait rapporter entre 50 et 75 milliards d’euros par an (9).

4.3.4.

Enfin, le CESE est d’avis que la libre circulation des données est essentielle à l’innovation européenne, à la croissance des entreprises de toutes tailles, à la création d’emplois et à la réalisation d’un marché unique numérique. La législation en faveur de cette libre circulation des données est déjà en place. Il convient toutefois d’éviter toute exigence injustifiée en matière de localisation des données.

4.4.   Lever les contraintes d’approvisionnement

4.4.1.

Le Comité note que les dispositions adoptées en 2018 sur le blocage géographique ont contribué à faciliter le commerce au sein de l’UE. Toutefois, les consommateurs européens sont toujours soumis au blocage géographique sur les biens et les services. De fait, le CESE souligne qu’il persiste des contraintes territoriales en matière d’approvisionnement, qui peuvent prendre la forme de diverses pratiques telles que le refus de fournir des produits ou la menace de cesser d’approvisionner un distributeur particulier, la limitation des quantités disponibles pour la vente dans les différents États membres, des différences inexplicables entre les gammes de produits et les prix entre les États membres ou encore la limitation des options linguistiques pour l’emballage du produit. Le CESE souligne que les contraintes territoriales en matière d’approvisionnement entravent le développement du marché unique et ses avantages potentiels pour les consommateurs et invite la Commission à s’attaquer aux effets anticoncurrentiels de ces contraintes en vue de parvenir à un marché unique pleinement opérationnel.

4.4.2.

L’invasion russe de l’Ukraine a mis en lumière des risques considérables en matière d’énergie et de sécurité alimentaire, qui nécessitent que l’UE adopte une approche stratégique unifiée. Le Comité estime que le bon fonctionnement du marché unique peut soutenir cette stratégie et atténuer certaines des pressions sur les prix qui érodent rapidement le pouvoir d’achat dans l’ensemble de l’UE. À cet égard, le CESE se félicite des efforts déployés au niveau de l’Union pour coopérer à l’achat conjoint de gaz (sur une base volontaire) dans le but d’atténuer les pressions sur les prix de l’énergie.

4.4.3.

Le Comité regrette toutefois que, jusqu’à présent, l’on n’ait tenté d’adopter aucune approche coordonnée entre les États membres en ce qui concerne la commercialisation des produits touchés par la crise en Ukraine.

4.5.   Développer la mobilité transfrontière des travailleurs et des professionnels

4.5.1.

La mobilité transfrontière des travailleurs et des professionnels dans l’ensemble de l’UE reste un défi qui limite l’offre et entraîne des inadéquations dans des secteurs tels que les technologies de l’information et l’industrie de haute technologie, nonobstant les politiques de l’UE visant à faciliter la libre circulation des personnes. Les données européennes et nationales suggèrent que le niveau de mobilité tant entre les pays qu’à l’intérieur de ceux-ci reste faible également par rapport aux tendances sur le plan international.

4.5.2.

En particulier, le Comité recommande des mesures de politique nationale plus efficaces prévoyant des incitations à la mobilité, en mettant l’accent sur les politiques actives du marché du travail, telles que les prestations liées à l’emploi pour les citoyens de l’UE et pour les travailleurs de pays tiers qui bénéficient du statut de réfugié. À cet égard, le CESE estime qu’en offrant des incitations financières aux demandeurs d’emploi pour qu’ils acceptent de travailler dans un autre État membre ou dans une autre région, les pays d’accueil pourraient favoriser davantage la mobilité. En outre, il convient de déployer des efforts supplémentaires pour améliorer l’information sur les emplois dans d’autres pays de l’UE, ainsi que l’aide à la relocalisation pour soutenir la logistique associée à un déménagement — par exemple, trouver un logement, s’inscrire auprès de l’administration fiscale, trouver une école pour les enfants, éventuellement aider à trouver un emploi pour le conjoint, etc. Le CESE met toutefois en garde contre le fait que la mobilité de la main-d’œuvre dans l’UE a été victime de l’approche compartimentée adoptée jusqu’à présent. Il convient d’éviter de nouvelles politiques fragmentées, en particulier au niveau national.

4.5.3.

La reconnaissance des diplômes et des qualifications, qui est essentielle pour pourvoir les postes vacants là où persistent des pénuries de main-d’œuvre, reste un problème dans l’ensemble de l’UE. Le CESE est d’avis que le système actuel repose encore trop sur les différents gouvernements, les États membres étant libres d’appliquer leurs propres règles. La Commission devrait veiller à ce que l’ensemble des États membres applique une approche plus harmonisée en matière de reconnaissance des diplômes et autres qualifications.

4.5.4.

Enfin, il ne sera possible de renforcer la mobilité des travailleurs et des professionnels de l’UE que si les dispositions en vigueur sont mieux appliquées et si l’on facilite l’accès à l’information ainsi que la coopération entre les États membres. Le Comité note que certains États membres peuvent être réticents à davantage de réformes du marché unique car ils craignent qu’elles n’entraînent des pertes d’emplois à court terme et des pertes sectorielles, en particulier dans les pays qui accusent déjà un retard, ainsi que dans les pays/secteurs à faible productivité. En théorie, la libre circulation des travailleurs aiderait à résoudre ce problème, mais, d’un point de vue national, elle pourrait entraîner dans l’intervalle une perte de ressources et une éventuelle fuite des cerveaux/des compétences.

4.6.   Renforcer les flux de capitaux et les services financiers dans l’ensemble de l’UE

4.6.1.

Le même argument vaut pour les marchés des capitaux de l’UE. Le CESE reconnaît que l’union des marchés des capitaux est un projet complexe qui vise à approfondir et à intégrer davantage les marchés des capitaux des États membres de l’UE. Cela nécessite l’adoption de mesures et de modifications réglementaires dans des domaines très divers et implique des responsabilités non seulement au niveau de l’UE, mais aussi à l’échelle de chaque État membre. Le Comité note que l’achèvement de l’union des marchés des capitaux reste, en 2022, un objectif lointain. Malgré certains progrès, en particulier avec le train de mesures de relance par les marchés de capitaux, l’UE compte toujours 27 marchés de capitaux qui ne fonctionnent pas à l’unisson. La finance européenne reste fortement segmentée selon les frontières nationales, les épargnants et les investisseurs dépendant fortement des environnements nationaux. Il en va de même pour les services financiers en général, y compris les services financiers de détail et l’épargne nationale.

4.6.2.

Le CESE estime que cela limite à la fois la reprise économique et le bon fonctionnement du marché unique. Les avantages économiques de l’UMC sont évidents, mais son achèvement nécessite à la fois l’adhésion politique des différents États membres et l’adoption effective d’initiatives menées par la Commission, y compris celles visant à renforcer le rôle international de l’euro. En outre, le rôle de la numérisation dans la facilitation de l’UMC ne saurait être sous-estimé.

4.7.   Une volonté politique nettement accrue de lever les restrictions au marché unique

4.7.1.

En cette période de grande incertitude, le CESE aimerait que la politique de concurrence soit particulièrement propice au succès des transitions dans lesquelles l’UE s’est elle-même lancée. Ces transitions nécessiteront des politiques ambitieuses en matière de commerce et d’investissement, des investissements publics et privés exceptionnels, de l’innovation, la poursuite du progrès social, économique et environnemental ainsi que le bon fonctionnement du marché unique. Tout cela doit reposer sur un cadre juridique et financier garantissant des conditions de concurrence équitables sur le marché pour l’ensemble des parties prenantes, des régions et des citoyens de l’UE. L’intégrité de notre marché intérieur et sa non-fragmentation en sont un élément clé. Il est primordial de disposer d’un marché unique et d’une politique de concurrence qui fonctionnent bien et permettent aux entreprises comme aux consommateurs d’accéder à une vaste concurrence sur le marché, dans des conditions de concurrence équitables, stimulant ainsi l’efficacité et l’innovation et créant un environnement propice au développement d’entreprises prospères.

4.7.2.

De l’avis du CESE, l’harmonisation et la suppression des obstacles à la libre circulation sur le territoire permettent le développement de la concurrence, de l’innovation et des gains de productivité. Il convient de proscrire toute forme de dumping commercial, social, réglementaire, fiscal ou environnemental qui fausse la concurrence. Le Comité attend de tous les États membres qu’ils prennent en compte cet impératif et exigent que nos partenaires extérieurs respectent nos valeurs et droits fondamentaux clés, que ce soit dans le domaine social, commercial ou environnemental.

4.7.3.

Le CESE attire l’attention sur le fait que le marché unique ne devrait plus être considéré comme une version évoluée d’un accord commercial mondial dont les propriétés pourraient être ajustées grâce à des négociations. Le marché unique représente bien plus que cela. Il a également pour objectif d’améliorer le bien-être grâce à une convergence sociale et économique visant à réduire les inégalités et à faire en sorte que l’aggravation des déséquilibres sociaux et l’augmentation générale de la pauvreté ne deviennent pas des obstacles sérieux à l’intégration européenne. Dans cette optique, le CESE souligne l’importance des droits sociaux fondamentaux et des droits des travailleurs à des rémunérations et des conditions de travail décentes, non seulement dans leur interaction avec les libertés économiques, mais aussi en ce qui concerne le marché intérieur et le marché du travail, la concurrence et toute autre mesure politique de l’Union, y compris, mais pas exclusivement, dans des domaines tels que la gouvernance économique, le commerce, la numérisation et l’environnement. Il viserait également à préserver et à renforcer l’autonomie des partenaires sociaux, en établissant un lien clair avec le respect et la promotion des droits sociaux collectifs. Il est également essentiel de veiller à ce que les droits fondamentaux soient pleinement protégés et sauvegardés dans les traités.

4.7.4.

Le Comité reconnaît que le marché unique doit réagir en permanence à l’évolution des technologies, de la mondialisation, de l’éducation, des marchés du travail et des capitaux, et notamment aux crises et conflits mondiaux. En l’état actuel des choses, les propositions de statu quo ne sont pas une option envisageable: la situation de crise que nous connaissons et l’évolution du contexte doivent être prises en compte dans les propositions législatives.

4.7.5.

Le CESE est également d’avis qu’il convient d’adopter une «autonomie stratégique ouverte», en particulier dans les secteurs clés. Cela contribuerait à renforcer la résilience en misant sur l’ouverture et grâce à un programme ambitieux pour le commerce, à la coopération avec des partenaires partageant les mêmes valeurs, à la diversification et à la prévention du protectionnisme.

4.7.6.

Enfin, le CESE regrette de constater qu’à la veille du trentième anniversaire du marché unique européen, le marché intérieur demeure incomplet.

Bruxelles, le 13 juillet 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  COM(2020) 825 final (JO C 286 du 16.7.2021, p. 70).

(2)  COM(2020) 842 final (JO C 286 du 16.7.2021, p. 64).

(3)  https://www.rand.org/blog/2017/11/why-the-eu-single-market-has-still-not-reached-its.html

(4)  https://www.rand.org/blog/2017/11/why-the-eu-single-market-has-still-not-reached-its.html

(5)  https://www.rand.org/blog/2017/11/why-the-eu-single-market-has-still-not-reached-its.html

(6)  Directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d’information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information (JO L 241 du 17.9.2015, p. 1).

(7)  2016/0398(COD); https://eur-lex.europa.eu/procedure/FR/2016_398

(8)  Étude sur l’évaluation de la proportionnalité par les États membres lors de l’adoption des exigences relatives à l’établissement de commerces de détail conformément à la directive 2006/123/CE.

(9)  https://www.rand.org/blog/2017/11/why-the-eu-single-market-has-still-not-reached-its.html


22.11.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 443/58


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Fiscalité de l’économie numérique»

(avis exploratoire à la demande de la présidence tchèque)

(2022/C 443/08)

Rapporteur:

Benjamin RIZZO

Corapporteur:

Petru Sorin DANDEA

Consultation

26.1.2022, lettre de Mikuláš BEK, ministre tchèque des affaires européennes

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section

1.7.2022

Adoption en session plénière

13.7.2022

Session plénière no

571

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

200/0/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Élaborer des principes et des règles adéquats en matière de fiscalité de l’économie numérique est devenu une tâche fondamentale tant pour l’Union européenne que pour d’autres régulateurs internationaux, le but étant de moderniser les politiques budgétaires et de les adapter aux besoins actuels et futurs.

1.2.

Le Comité économique et social européen (CESE) suggère qu’une fois qu’un accord international aura été conclu sur le premier pilier du cadre inclusif de l’OCDE/G20 relativement à la redistribution des droits d’imposition, les règles correspondantes soient mises rapidement en œuvre dans l’UE, en coordination avec d’autres grands partenaires commerciaux et dans le cadre d’une initiative simultanée avec eux.

1.3.

Le CESE estime que l’Union peut jouer un rôle de premier plan en ce qui concerne la fiscalité de l’économie numérique. Toutefois, elle devrait jouer ce rôle dans le cadre d’un accord international conclu par l’OCDE/G20, comme cela a déjà été le cas pour le deuxième pilier relativement au mécanisme de lutte contre l’érosion de la base d’imposition.

1.4.

Le CESE estime qu’il est essentiel que ces deux piliers soient mis en œuvre au sein de l’Union dès que cela sera possible, en atteignant un degré élevé de cohérence avec l’accord international qui sera négocié au sein de l’OCDE/G20. Les premier et deuxième piliers devraient être considérés comme un ensemble de mesures réglementaires globales et mutuellement intégrées.

1.5.

Le CESE note qu’une initiative législative européenne relative à la fiscalité de l’économie numérique pourrait grandement bénéficier au marché intérieur, ce qui permettrait sans aucun doute de créer un cadre plus efficace que des initiatives nationales distinctes. L’introduction de règles non coordonnées et distinctes par les États membres accroîtrait la fragmentation dans l’ensemble de l’Union, en induisant une incertitude fiscale et en entravant la compétitivité.

1.6.

Le CESE encourage la conclusion d’un accord international portant sur le premier pilier, visant à mettre en place un système fiscal efficace, respectueux des principes de neutralité et d’égalité de traitement et propre à, d’une part, préserver le potentiel d’innovation que revêt l’économie numérique, et, de l’autre, veiller à ce que les entreprises hautement numérisées apportent leur juste contribution aux budgets nationaux.

1.7.

Le CESE plaide en faveur d’un accord international sur le premier pilier qui s’abstienne, dans la mesure du possible, de proposer des règles trop complexes et vise à assurer la transparence, la prévisibilité et la simplification administrative, tout en maintenant les coûts de mise en conformité à un niveau modique. Un système trop complexe pourrait en effet créer des occasions de contourner les nouvelles règles convenues, réduisant ainsi leur efficacité.

1.8.

Le CESE souligne qu’une législation fiscale internationale sur les entreprises numériques conçue de manière appropriée est essentielle pour prévenir la fraude fiscale et les pratiques d’évasion fiscale, ainsi que pour concevoir un système d’imposition juste, stable et progressif. Il est fondamental de créer des conditions équitables dans le domaine de l’imposition des bénéfices des sociétés, dès lors que, ces dernières années, des entreprises ont pu faire usage de règles fiscales spécifiques dans certains États membres, réduisant ainsi substantiellement leur taux effectif d’imposition.

1.9.

Le CESE estime qu’un cadre réglementaire approprié destiné à imposer l’économie numérique devrait tenir compte de la forte dépendance à l’égard des actifs incorporels induite par la numérisation. Ces actifs ont considérablement accru la capacité des entreprises à développer d’importantes activités commerciales dans une juridiction sans y être physiquement présentes.

1.10.

Le CESE souligne que les entreprises numériques exploitent souvent les données des utilisateurs pour générer de la valeur. Ce mode de création de valeur n’est pas pris en compte par les systèmes fiscaux actuels, ce qui entraîne une inadéquation entre la création de valeur et l’imposition. Cette question spécifique devrait être dûment traitée dans le cadre du premier pilier.

1.11.

Le CESE rappelle qu’il reste essentiel d’adopter une approche qui évitera les risques de double imposition ainsi que de non-imposition involontaire dans aucune juridiction, en réduisant au minimum les coûts de mise en conformité pour les entreprises européennes. À cet égard, l’accord sur le premier pilier et les règles visant à sa transposition devraient harmoniser les différentes initiatives déjà prises par des États membres, en évitant les divergences et les failles juridiques.

1.12.

Le CESE espère sincèrement qu’un accord viable sur le premier pilier pourra être conclu dès que possible, tant au niveau international qu’à celui de l’UE, et il déplore les contraintes persistantes qui empêchent la finalisation d’un accord si fondamental.

2.   Contexte essentiel

2.1.

Les règles internationales actuelles en matière d’impôt sur les sociétés reposent sur des principes qui ont été élaborés au début du 20e siècle et ont connu des adaptations partielles au fil du temps. Elles ne répondent plus aux besoins d’aujourd’hui et ne sont pas adaptées à une économie de plus en plus mondialisée et numérisée. Cela signifie que les recettes fiscales ne sont pas réparties de manière équitable entre les pays et que les pratiques fiscales dommageables peuvent se poursuivre, au détriment des finances publiques et de la concurrence loyale.

2.2.

Par conséquent, élaborer des principes et des règles adéquats en matière de fiscalité de l’économie numérique est devenu une tâche fondamentale tant pour l’Union européenne que pour d’autres régulateurs dans le monde, en vue de moderniser les politiques budgétaires et de les adapter aux besoins actuels et futurs.

2.3.

Le cadre inclusif OCDE/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS) repose sur une solution à deux piliers destinée à relever les défis fiscaux découlant d’une économie de plus en plus numérisée et mondialisée.

2.4.

Le premier pilier vise à garantir une répartition plus équitable des bénéfices et des droits d’imposition entre les pays en ce qui concerne les entreprises multinationales les plus grandes, et tout particulièrement les entreprises numériques. Il consistera principalement à exiger des entreprises multinationales qu’elles paient une partie de leurs impôts sur leurs revenus là où se trouvent leurs consommateurs et utilisateurs, créant ainsi un lien entre les bénéfices et les lieux où se trouvent les utilisateurs et consommateurs correspondants.

2.5.

L’accord de réaffectation des bénéfices au titre du premier pilier prévoit la suppression et la suspension des taxes sur les services numériques (TSN) et d’autres mesures similaires pertinentes, mettant fin aux tensions commerciales résultant de l’instabilité du système fiscal international.

2.6.

Le deuxième pilier vise à faire en sorte que les grandes multinationales, en particulier celles qui sont numérisées, paient un taux d’imposition effectif minimal de 15 % sur les sociétés, en établissant un cadre réglementaire capable de décourager le transfert de bénéfices et apte à empêcher une concurrence fiscale dommageable entre les juridictions. Ainsi, il sera possible de lever effectivement la limitation de la concurrence en ce qui concerne l’impôt sur les sociétés, ce qui permettra d’atteindre un taux minimum mondial d’imposition des sociétés, utilisé par les pays pour protéger leurs assiettes fiscales. Le CESE, regrettant qu’un consensus final n’ait pas encore été atteint, demande instamment à tous les États membres de parvenir rapidement à un accord politique sur ces règles.

2.7.

Un accord international portant sur le deuxième pilier et le cadre inclusif a été conclu au sein du forum de l’OCDE/G20, et le processus de transposition de ces deux instruments a été dûment lancé par les institutions de l’UE, sous la forme d’une proposition de directive qui est actuellement en cours d’examen au Conseil (1).

2.8.

Un consensus international commun à cet égard est toujours en cours de recherche au sein de l’OCDE/du G20, comme l’a confirmé la récente consultation de l’OCDE sur le premier pilier, qui entend recueillir des retours d’information du public sur les projets de règles, même si ces dernières ne reflètent pas le consensus existant sur le fond du document (2).

2.9.

En 2018, la Commission européenne a publié une proposition législative sur la taxation de l’économie numérique, laquelle n’a pas eu de suite, principalement en raison de l’absence de consensus international largement partagé sur les règles à mettre en œuvre au titre du premier pilier.

2.10.

Entre-temps, les institutions de l’UE ont approuvé la législation sur les marchés numériques, dont l’objectif est de réglementer la structure concurrentielle de ces marchés. À cet égard, l’UE a adopté une approche réglementaire originale et globale, qui diffère de celles adoptées par d’autres grands blocs commerciaux, tels que les États-Unis, la Chine et d’autres pays émergents.

2.11.

Le CESE estime que, à l’instar de ce qui s’est produit pour la législation sur les marchés numériques, l’UE peut également jouer un rôle de premier plan en ce qui concerne la fiscalité de l’économie numérique. Toutefois, elle devrait jouer ce rôle dans le cadre d’un accord international conclu par l’OCDE/G20, comme cela a déjà été le cas pour le deuxième pilier.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE est fermement convaincu que, dans le contexte de la numérisation de l’économie, toute modification des règles de répartition des droits d’imposition des bénéfices entre les pays doit être coordonnée au niveau mondial, afin de mieux tirer profit des avantages de la mondialisation, par le biais d’une gouvernance et de règles mondiales qui soient appropriées et efficaces. Par conséquent, les solutions concrètes élaborées doivent résulter d’un vaste accord international associant le plus grand nombre possible de juridictions fiscales. Par ailleurs, il convient de prendre dûment en considération les différentes incidences et implications des nouvelles règles sur, respectivement, les petits États membres et les grands États membres.

3.2.

Le CESE dit apprécier l’évolution significative de l’économie induite par la numérisation et ses effets positifs sur notre société, ainsi que le potentiel considérable que revêt la numérisation pour ce qui est de donner aux administrations fiscales les moyens d’agir, en tant qu’outil permettant de fournir de meilleurs services aux budgets nationaux et aux citoyens. L’UE sera tenue d’aider et de coordonner les autorités fiscales des États membres pour qu’elles puissent faire face au nouveau régime et à un contexte économique en mutation rapide.

3.3.

Le CESE souscrit à la conclusion du rapport final de l’OCDE/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices de 2015 concernant l’action 1, selon laquelle l’économie numérique tend à devenir l’économie elle-même. La manière dont de nombreuses entreprises se sont numérisées au fil des ans est impressionnante, et ce processus s’est accéléré au cours des récents confinements liés à la pandémie de COVID-19. Cette tendance crée souvent une séparation entre les bénéfices considérables réalisés par les plateformes numériques et les lieux physiques où se trouvent les utilisateurs-payeurs et consommateurs qui leur sont liés. Dans l’avenir, il sera souhaitable d’appréhender ce phénomène également sous l’angle des obligations en matière de sécurité sociale.

3.4.

Le CESE suggère qu’une fois qu’un accord international aura été conclu sur le premier pilier du cadre inclusif de l’OCDE/G20, établissant un équilibre entre les différentes positions exprimées jusqu’à présent, ce pilier, tout comme cela a été le cas pour le deuxième pilier antérieurement, soit lui aussi mis rapidement en œuvre dans l’UE, en coordination avec d’autres grands partenaires commerciaux, de manière à consolider le marché intérieur conformément aux articles 113 à 115 du traité.

3.5.

Le CESE estime qu’il est essentiel que l’un et l’autre de ces deux piliers soient mis en œuvre au sein de l’Union dès que cela sera possible et avec un degré élevé de cohérence avec l’accord international négocié au sein de l’OCDE/G20. Les premier et deuxième piliers devraient être considérés comme un ensemble de mesures réglementaires globales et mutuellement intégrées, à déployer rapidement dans l’ensemble de l’UE.

3.6.

Le CESE note qu’une initiative législative européenne relative à la fiscalité de l’économie numérique pourrait grandement bénéficier au marché intérieur, ce qui permettrait sans aucun doute de créer un cadre plus efficace que des initiatives nationales distinctes. L’introduction de règles non coordonnées et distinctes par les États membres, suivant des principes et des critères différents en matière de fiscalité, accroîtrait la fragmentation dans l’ensemble de l’Union, en induisant une incertitude fiscale et en entravant la compétitivité. Le CESE encourage la mise en place d’un mécanisme de règlement des différends visant à permettre aux États membres de résoudre les problèmes qui pourraient se poser.

3.7.

Il conviendrait que l’accord international portant sur le premier pilier vise à mettre en place un système fiscal efficace, respectueux des principes de neutralité et d’égalité de traitement et propre à: 1) d’une part, préserver le potentiel d’innovation que revêt l’économie numérique, et, 2) de l’autre, veiller à ce que les entreprises hautement numérisées apportent leur juste contribution aux budgets nationaux et à la société.

3.8.

Le CESE plaide en faveur d’un accord international sur le premier pilier qui s’abstienne, dans la mesure du possible, de proposer des règles trop complexes et vise à assurer la transparence, la prévisibilité et la simplification administrative, tout en maintenant les coûts de mise en conformité à un niveau modique. Un système trop complexe pourrait en effet créer des occasions de contourner les nouvelles règles convenues, réduisant ainsi leur efficacité.

3.9.

Le CESE souligne qu’une législation fiscale internationale sur les entreprises numériques conçue de manière appropriée est efficace pour prévenir la fraude fiscale et les pratiques d’évasion fiscale, ainsi que pour concevoir un système d’imposition juste, progressif, stable et efficace.

3.10.

Le CESE souligne que le deuxième pilier, quant à lui, introduira effectivement les deux règles nationales à imposer, et plus particulièrement:

A.

des réglementations nationales imbriquées (le règlement global de lutte contre l’érosion de la base d’imposition), comprenant: 1) une règle d’inclusion du revenu (RII) qui impose un impôt supplémentaire sur une entité mère au titre des revenus faiblement imposés d’une entité constitutive; et 2) une règle relative aux paiements insuffisamment imposés (RPII) qui refuse les déductions ou exige un ajustement équivalent dans la mesure où le revenu à faible imposition d’une entité constitutive n’est pas soumis à l’impôt en vertu d’une règle d’inclusion du revenu;

B.

une règle fondée sur les traités (la règle d’assujettissement à l’impôt) qui permet aux juridictions de la source d’imposer un prélèvement à la source limité à certaines parties liées soumises à un impôt inférieur à un taux minimal.

4.   Observations particulières

4.1.

Le CESE souligne qu’il est essentiel de créer des conditions équitables dans le domaine de l’imposition des bénéfices des sociétés. Ces dernières années, des entreprises ont pu faire usage de règles fiscales spécifiques dans certains États membres, réduisant ainsi leur taux effectif d’imposition. Le manque de transparence a contribué à ce résultat, et plusieurs affaires sensibles ont impliqué des multinationales actives dans le domaine des services numériques.

4.2.

Le CESE estime qu’un cadre réglementaire approprié destiné à taxer l’économie numérique devrait tenir compte de la forte dépendance à l’égard des actifs incorporels induite par la numérisation. Ces actifs ont considérablement accru la capacité des entreprises à développer d’importantes activités commerciales dans une juridiction sans y être physiquement présentes. Les règles et principes internationaux actuels en matière d’impôt devraient être adaptés à ce nouveau contexte économique.

4.3.

Le CESE souligne que les entreprises numériques sont fortement tributaires des actifs incorporels pour la création de contenus, et en particulier pour l’utilisation et l’exploitation des données des utilisateurs afin de générer de la valeur. Ce mode de création de valeur n’est pas pris en compte par les systèmes fiscaux actuels, ce qui entraîne une inadéquation entre la création de valeur et l’imposition. Cette question spécifique devrait être dûment traitée dans le cadre du premier pilier.

4.4.

Le CESE rappelle qu’il est de la plus haute importance d’adopter une approche qui évitera les risques de double imposition ainsi que de non-imposition involontaire dans aucune juridiction et réduira au minimum les coûts de mise en conformité pour les entreprises européennes. À cet égard, l’accord sur le premier pilier et les règles visant à sa transposition devraient harmoniser les différentes initiatives déjà prises par les États membres, étant donné que ces différences pourraient entraîner des divergences et des failles juridiques.

4.5.

Le CESE rappelle que l’un des principaux facteurs qui sous-tendent et motivent la tentative complexe de parvenir à un consensus mondial sur la proposition de l’OCDE relative au premier pilier est la prolifération des taxes numériques unilatérales et la possibilité connexe pour de multiples juridictions de revendiquer des droits d’imposition sur les mêmes bénéfices, suivant des modalités différentes qui se chevauchent parfois.

4.6.

Par conséquent, le premier pilier devrait garantir la suppression des taxes nationales sur les services numériques et prévoir d’autres mesures similaires applicables aux entreprises. Ce point est essentiel pour garantir le consensus de plusieurs grandes juridictions sur le premier pilier et éviter les nouvelles règles qui pourraient, à l’avenir, être contestées comme «discriminatoires» dans le cadre des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), avec des conséquences non souhaitées du point de vue du commerce international.

4.7.

Le CESE espère sincèrement qu’un accord international viable sur le premier pilier pourra être conclu dès que possible, et il déplore les contraintes persistantes qui empêchent la finalisation d’un tel accord.

4.8.

Le CESE estime qu’une fois les premier et deuxième piliers mis en œuvre, les services fournis via des plateformes utilisées par les consommateurs européens doivent être pleinement intégrés au système de TVA, en tant que composante essentielle pour résoudre les questions fiscales liées à l’économie numérique. Il convient de noter que les clients des outils de communication numériques et des réseaux sociaux accèdent à ces services apparemment gratuitement, ce qui pose la question de savoir comment la TVA pourrait leur être raisonnablement appliquée. Les recettes de TVA représentent une ressource propre inscrite au budget de l’Union, et le CESE estime qu’il est primordial d’inclure aussi les services numériques dans la base d’imposition.

4.9.

Le CESE estime nécessaire de parvenir à un équilibre raisonnable dans la nouvelle répartition des impôts sur les bénéfices des sociétés entre les pays exportateurs nets et les pays importateurs nets, ainsi qu’entre les pays des producteurs et ceux des consommateurs, afin de ne pas compromettre, entre autres, la réalisation des objectifs sociaux et environnementaux des différents pays.

4.10.

Le CESE note que la numérisation est non seulement un défi, mais qu’elle crée également des opportunités pour les autorités fiscales. Un grand nombre de données de tiers mises à la disposition des autorités fiscales permet d’automatiser davantage de déclarations, ce qui permet aux deux parties d’économiser du temps et de l’argent. La collecte de données peut également être utilisée pour lutter contre la sous-déclaration, l’évasion ou la fraude. Les solutions logicielles utilisées par plusieurs administrations fiscales, qui répertorient les données de vente au moment de la transaction (et permettent de les transmettre directement aux autorités fiscales), ont déjà permis une hausse significative des recettes de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de certains pays.

4.11.

Enfin, pour apporter un approfondissement et des informations plus détaillées sur certains aspects spécifiques, le CESE attire l’attention sur son avis relatif au paquet législatif «Lutte contre le blanchiment de capitaux» (3) ainsi que sur ses deux avis portant sur la lutte contre l’évasion fiscale: «Fiscalité des entreprises pour le XXIe siècle» (4) et «Lutter contre le recours aux entités écrans» (5).

Bruxelles, le 13 juillet 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Voir l’avis du CESE sur «L’imposition minimale effective des entreprises (JO C 290 du 29.7.2022, p. 52).

(2)  OECD Consultation on the Draft Rules for Nexus and Revenues Sourcing Under Pillar 1 — Amount A, 4 février 2022.

(3)  Avis du CESE sur le paquet législatif «Lutte contre le blanchiment de capitaux» (JO C 152 du 6.4.2022, p. 89).

(4)  Avis du CESE sur la «Fiscalité des entreprises pour le XXIe siècle» (JO C 275 du 18.7.2022, p. 40).

(5)  Avis du CESE sur le thème «Lutter contre le recours aux entités écrans» (JO C 290 du 29.7.2022, p. 45).


22.11.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 443/63


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Égalité entre les hommes et les femmes»

(avis exploratoire à la demande de la présidence tchèque)

(2022/C 443/09)

Rapporteure:

Milena ANGELOVA

Consultation de la présidence tchèque du Conseil

26.1.2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

22.6.2022

Adoption en session plénière

13.7.2022

Session plénière no

571

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

194/13/13

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) fait observer que pour parvenir à améliorer l’égalité entre les hommes et les femmes de manière durable, il faut veiller à entretenir une culture de l’égalité entre les hommes et les femmes tout au long de la vie (CEHF), c’est-à-dire une culture qui perdure pendant le cycle de vie dans son intégralité et qui prévoie des mesures adaptées aux caractéristiques et besoins spécifiques à chaque étape de la vie. Puisqu’il est question de culture, l’égalité ne peut pas uniquement reposer sur des politiques et des mesures isolées, mais elle nécessite la reconnaissance, l’appropriation et l’engagement constant de tous les acteurs de la société.

1.2.

Cette culture doit être nourrie dès la petite enfance, en commençant par donner l’exemple aux enfants au sein de la famille, puis à la crèche et durant toutes les étapes de leur scolarité. Le CESE invite les États membres, dans le cadre de leur politique éducative, à favoriser un enseignement neutre du point de vue du genre en ce qui concerne à la fois les connaissances et les compétences sociales, ainsi que des contextes d’apprentissage exempts de stéréotypes sexistes.

1.3.

Afin de soutenir davantage la culture d’égalité entre les hommes et les femmes tout au long de la vie, il convient de promouvoir cette égalité dans toutes les activités économiques et sociétales, y compris les entreprises, les services publics et la vie politique. Le CESE estime que le respect systématique de l’égalité entre les hommes et les femmes dans différents contextes est primordial pour faire avancer les choses.

1.4.

Le CESE recommande aux États membres de lancer, avec son propre soutien et celui de la Commission et de concert avec les partenaires sociaux et les organisations de la société civile concernées, une vaste campagne de sensibilisation et d’information pour promouvoir la culture d’égalité entre les hommes et les femmes tout au long de la vie. Il convient d’accorder une attention particulière au rôle central des médias, aussi bien traditionnels que sociaux, en tant que plateformes pour influencer les attitudes.

1.5.

Ladite campagne devrait attirer l’attention des décideurs sur la situation actuelle et les progrès réalisés en matière d’égalité entre les hommes et les femmes dans les États membres concernés et encourager les États membres à s’inspirer les uns des autres et à échanger leurs bonnes pratiques. Les acteurs politiques, les décideurs et les organisations publiques devraient également montrer l’exemple en améliorant l’égalité entre les hommes et les femmes dans leurs propres activités.

1.6.

L’égalité entre les hommes et les femmes dans la participation à la prise de décisions politiques aux niveaux national, régional et municipal est essentielle, compte tenu de l’incidence remarquable des décisions politiques sur la vie des citoyens. Accroître la proportion de femmes parmi les responsables politiques à tous les niveaux nécessite de sensibiliser davantage les électeurs ainsi que les partis qui nomment des candidats et de favoriser une culture qui encourage les femmes à participer activement à la vie politique et qui leur en donne les moyens.

1.7.

Étant donné que l’amélioration de l’égalité entre les hommes et les femmes nécessite la mise en place de mesures dans plusieurs domaines d’action, le CESE invite une nouvelle fois les décideurs politiques à tous les niveaux à respecter le principe de l’intégration de la dimension de genre et à inclure la dimension de l’égalité entre les hommes et les femmes dans toutes les décisions, y compris celles qui concernent la budgétisation, les investissements et les financements, notamment dans les marchés publics.

1.8.

Compte tenu des défis posés par le vieillissement de la population et la nécessité de garantir une main-d’œuvre qualifiée, le caractère inclusif des marchés du travail est de plus en plus important. Il est dès lors crucial de supprimer tous les obstacles et de mettre en place des incitations pour encourager la participation globale des femmes aux marchés du travail, quels que soient leur profession, leur tâche ou leur âge. Par exemple, les formules souples de travail, les congés parentaux, la fiscalité et d’autres types d’incitations jouent un rôle dans le renforcement de l’égalité entre les hommes et les femmes. En sus des cadres légaux, les modalités pratiques devraient être fixées à l’aide des possibilités de négociation collective entre les partenaires sociaux.

1.9.

Étant donné que la reprise après la pandémie doit s’inscrire dans le cadre de la transition écologique et numérique, les compétences dans le domaine des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques (STIM) sont de plus en plus essentielles. Du point de vue de l’égalité entre les hommes et les femmes et de la prévention de la ségrégation, il est important d’inciter les filles à étudier davantage de disciplines relevant des STIM, et d’encourager en parallèle davantage de garçons à mener des études et à postuler à des professions dans les domaines des soins et de l’enseignement. Ces aspects devraient faire l’objet de mesures intégrées dans leurs programmes d’orientation professionnelle et de maintien du personnel.

1.10.

Le CESE estime qu’il est essentiel de promouvoir l’accès des femmes à des postes de direction dans les entreprises, les organisations publiques et les organisations patronales et syndicales. Il invite les États membres, les organisations professionnelles et les partenaires sociaux à lancer des programmes de formation et d’accompagnement destinés aux femmes qui occupent des postes de direction ou sont candidates à de tels postes au sein d’organisations publiques ou à des postes au sein de conseils d’administration ou dans l’encadrement supérieur des entreprises, des syndicats et des organisations privées. Le Comité se félicite également de l’accord politique conclu récemment entre le Parlement européen et le Conseil sur la directive relative à un meilleur équilibre hommes-femmes parmi les administrateurs non exécutifs des sociétés cotées en bourse et il invite les institutions de l’Union à procéder sans délai à sa mise en œuvre de manière rapide et efficace.

1.11.

Toute entrave à l’entrepreneuriat féminin doit également être supprimée. L’accès au financement étant une condition préalable à la fondation d’une entreprise, il convient de garantir l’égalité entre les hommes et les femmes de l’accès au financement aussi bien privé que public. Le CESE invite également les États membres à consacrer des investissements publics appropriés à des projets qui renforcent l’égalité entre les hommes et les femmes, y compris dans les infrastructures numériques et de soins.

1.12.

Le CESE demande qu’une attention particulière soit accordée à l’égalité entre les hommes et les femmes dans le traitement de la question des réfugiés ukrainiens. Il s’agit de soutenir l’accès des enfants aux soins et à la scolarisation, l’intégration des femmes sur le marché du travail grâce à des emplois de qualité et l’accès aux services de santé liés à la sexualité et à la procréation.

2.   Observations générales

2.1.

Le présent avis répond à la demande de la présidence tchèque d’examiner les progrès réalisés en matière d’égalité entre les hommes et les femmes, ainsi que les outils et les mesures visant à l’améliorer de plusieurs points de vue, tels que l’après-pandémie, la reprise et l’emploi, l’autonomisation des jeunes, l’éducation et les compétences, l’entrepreneuriat et la direction des entreprises, l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, ainsi que la question des migrations et des réfugiés, y compris dans le contexte de la guerre en Ukraine. Ces questions ont déjà été traitées précédemment dans d’autres avis du CESE, et de nombreux autres aspects de l’égalité entre les hommes et les femmes seront également abordés dans d’autres avis du CESE (1) portant sur des questions liées, par exemple, aux conditions de travail et de rémunération, aux infrastructures de soins, à la pauvreté et la précarité énergétique et aux violences fondées sur le genre.

2.2.

La discrimination endémique, y compris la discrimination fondée sur le sexe, constitue l’un des principaux facteurs qui conduit à laisser certaines personnes de côté. Le CESE souligne que l’égalité entre les hommes et les femmes est ancrée dans les valeurs de l’UE (2) et que la suppression des inégalités, de même que la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes, nécessitent une approche globale et horizontale. Pour parvenir à améliorer l’égalité entre les hommes et les femmes de manière durable, il faut veiller à entretenir une culture de l’égalité entre les hommes et les femmes tout au long de la vie, c’est-à-dire une culture qui perdure pendant le cycle de vie dans son intégralité et qui prévoie des mesures adaptées aux caractéristiques et besoins spécifiques à chaque étape de la vie.

2.3.

Cette culture doit être nourrie dès la petite enfance, en donnant l’exemple aux enfants au sein de la famille, en défendant l’égalité des droits et obligations de chaque membre de la famille, en faisant preuve d’un comportement tolérant en tant que norme et en respectant l’espace et le temps individuel de chacun. Il convient d’éviter toutes les idées reçues concernant la répartition des activités, des tâches et du travail entre les membres «masculins» et «féminins» de la famille, de même que la démonstration et l’apprentissage de tout autre type de comportement inégalitaire. Ces habitudes doivent se forger par la pratique et commencer dès les premiers soins prodigués aux bébés et aux nourrissons, ces tâches devant être réparties entre les deux parents de manière à ce qu’ils puissent se soutenir l’un l’autre et conserver leurs droits respectifs à la vie privée, au travail et au repos. Le CESE invite la Commission européenne et les États membres à tout mettre en œuvre pour que les deux parents puissent combiner leur vie professionnelle et leur vie privée et pour offrir aux familles des solutions qui leur conviennent. À cet égard, il est de la plus haute importance de mettre effectivement en œuvre la directive sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée et de garantir des services accessibles et abordables en matière d’éducation et d’accueil de la petite enfance.

2.4.

L’intégration des enfants dans la société débute dès leur entrée en crèche, puis à l’école maternelle. Par conséquent, ces types d’établissements doivent veiller à inculquer à leur personnel des valeurs solidement ancrées dans la culture de l’égalité entre les hommes et les femmes tout au long de la vie, ainsi qu’à le former en la matière. Le simple fait que bon nombre de ces structures emploient principalement du personnel féminin renforce le stéréotype ou la conviction selon lesquels l’éducation des enfants et la prise en charge de ceux-ci relèvent de tâches féminines.

2.5.

La prochaine étape clé consiste à fournir aux jeunes un enseignement neutre du point de vue du genre et des contextes d’apprentissage exempts de stéréotypes sexistes tout au long de leurs années scolaires. L’importance de cet aspect est sous-estimée dans de nombreux États membres. Par exemple, il est essentiel de stimuler l’intérêt des enfants pour les matières STIM en fonction de la manière dont leur cerveau y réagit, et non de leur sexe, pour que leurs talents et leur potentiel soient pleinement valorisés, développés et exploités au profit des stades ultérieurs de leur vie. Outre l’acquisition de connaissances, il est tout aussi important de veiller à ce que les enfants et les jeunes acquièrent les compétences sociales et d’autres natures dont ils auront besoin et à ce qu’ils développent une intelligence émotionnelle d’une manière non fondée sur le genre, qui ne leur impose ni étiquette ni préjugé. De même, il importe de s’affranchir des stéréotypes sexistes liés à l’apparence.

2.6.

Favoriser l’estime de soi et la confiance en soi des enfants et des jeunes constitue un moteur essentiel de la culture de l’égalité entre les hommes et les femmes tout au long de la vie, un facteur qui, utilisé de façon optimale, peut générer une perspective positive et ainsi jeter les bases des principes de perception et de concrétisation de l’égalité qu’ils appliqueront toute leur vie.

2.7.

Par ailleurs, pour renforcer l’égalité entre les hommes et les femmes, promouvoir l’évolution des carrières et la conservation des emplois et prévenir toute ségrégation en matière d’études et de professions, il est important de fournir une orientation professionnelle qui respecte ces principes. S’il est important d’encourager les filles à étudier des disciplines relevant des STIM, il est également important d’inciter davantage de garçons à mener des études et à postuler à des professions dans les domaines des soins et de l’enseignement, surtout au vu des besoins croissants de notre population vieillissante en matière de soins (3).

2.8.

Pour soutenir la culture de l’égalité entre les hommes et les femmes tout au long de la vie au cours de la phase adulte, il y a lieu de l’encourager tant dans la vie familiale que dans l’ensemble des activités économiques et sociétales, y compris les entreprises, les services publics et la vie politique. Puisqu’il est question de culture, l’égalité ne peut pas uniquement reposer sur des politiques et des mesures isolées, mais elle nécessite la reconnaissance, l’appropriation et l’engagement constant de tous les acteurs de la société. L’approche de la Suède, dont le gouvernement «a déclaré être un gouvernement féministe», est un exemple d’utilisation des connaissances et de l’expérience des hommes et des femmes pour promouvoir le progrès dans tous les aspects de la société (4).

2.9.

Le CESE estime que le respect systématique de l’égalité entre les hommes et les femmes dans différents contextes, tout en garantissant le cadre juridique et stratégique adéquat, est primordial pour faire avancer les choses. Le CESE recommande aux États membres de lancer, avec son propre soutien et celui de la Commission et de concert avec les partenaires sociaux et les organisations de la société civile concernées, une vaste campagne de sensibilisation et d’information pour promouvoir la culture d’égalité entre les hommes et les femmes tout au long de la vie. Il convient d’accorder une attention particulière au rôle central des médias, aussi bien traditionnels que sociaux, en tant que plateformes pour influencer les attitudes, notamment par l’intermédiaire de la publicité.

2.10.

Ladite campagne devrait attirer l’attention des décideurs sur la situation actuelle et les progrès réalisés en matière d’égalité entre les hommes et les femmes dans les États membres concernés, mesurés, par exemple, au moyen de l’indice d’égalité de genre, et encourager les États membres à s’inspirer les uns des autres et à échanger leurs bonnes pratiques. L’administration et les organisations publiques devraient également montrer l’exemple en améliorant l’égalité entre les hommes et les femmes dans leurs propres activités. À titre de bonne pratique, le CESE recommande que ces acteurs, ainsi que les syndicats, les employeurs et les organisations de la société civile, rendent publics les chiffres relatifs à l’équilibre hommes-femmes au sein de leurs conseils d’administration et de surveillance. Pour diffuser une perception positive dans l’ensemble de la société, la campagne devrait s’adresser en particulier aux hommes et aux garçons en émettant des messages convaincants sur les avantages de l’égalité entre les hommes et les femmes.

2.11.

L’égalité entre les hommes et les femmes dans la participation à la prise de décisions politiques aux niveaux national, régional et municipal est essentielle, compte tenu de l’incidence remarquable des décisions politiques sur la vie des citoyens. Accroître la proportion de femmes parmi les responsables politiques nécessite de sensibiliser davantage les électeurs ainsi que les partis qui nomment des candidats.

2.12.

Étant donné que l’amélioration de l’égalité entre les hommes et les femmes nécessite la mise en place de mesures dans plusieurs domaines d’action, le CESE invite une nouvelle fois les décideurs politiques des niveaux appropriés à respecter le principe de l’intégration et à inclure la dimension de l’égalité entre les hommes et les femmes dans toutes les décisions, y compris celles qui concernent la budgétisation, les investissements et les financements, ainsi que dans les marchés publics. L’intégration de la dimension de genre doit également faire l’objet d’un suivi et d’une évaluation appropriés. En outre, l’égalité entre les hommes et les femmes doit être envisagée dans le cadre d’une approche globale, en accordant une attention particulière aux domaines dans lesquels la dimension de genre se conjugue à d’autres caractéristiques, comme le handicap, l’origine ethnique, la monoparentalité, le statut socio-économique, l’âge ou l’orientation sexuelle.

2.13.

Le CESE encourage toutes les institutions de l’UE, les États membres et les parties prenantes à exploiter activement le précieux travail accompli par l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE), par exemple en ce qui concerne les données et les statistiques désagrégées et ventilées par sexe. Le CESE tient également à souligner l’importance d’inclure activement les partenaires sociaux dans la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes, étant donné qu’elle est, à bien des égards, directement liée au marché du travail et aux conditions de travail. La négociation collective est un instrument essentiel pour parvenir à l’égalité entre les hommes et les femmes dans le monde du travail. Il est également important de faire appel au CESE en tant que plateforme active des travaux visant à promouvoir la culture de l’égalité entre les hommes et les femmes tout au long de la vie.

3.   Observations spécifiques — L’emploi dans le contexte de la reprise après la pandémie

3.1.

Si la pandémie de COVID-19 a touché aussi bien les hommes que les femmes, ses incidences ont été variables et les effets de cette crise risquent de nuire aux progrès accomplis dans les États membres ces dix dernières années en ce qui concerne la réduction des inégalités entre les hommes et les femmes. Outre les répercussions sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, la pandémie a frappé plus durement les femmes en raison des pertes d’emplois ou du chômage temporaire, étant donné que les secteurs employant principalement des femmes ont été particulièrement touchés (5). Les femmes entrepreneures ont également été beaucoup plus susceptibles de déclarer la cessation des activités de leur entreprise en raison de la pandémie que leurs homologues masculins. L’écart le plus important entre les hommes et les femmes a été signalé en Europe et en Amérique du Nord, où les femmes étaient 50 % plus susceptibles de déclarer la cession de leurs activités que les hommes (6).

3.2.

Du point de vue de l’égalité entre les hommes et les femmes et de la diversité, l’un des principaux défis de la reprise après la pandémie est de veiller à ce que les plans nationaux pour la reprise et la résilience tiennent compte des questions d’égalité hommes-femmes et incluent des mesures ciblées visant à améliorer ces aspects sur le marché du travail. Les mesures devraient également créer les conditions propices à l’entrepreneuriat et à la conduite des affaires, y compris un cadre budgétaire favorable et la suppression des obstacles à l’entrepreneuriat féminin.

3.3.

La nécessité de supprimer les obstacles et de mettre en place des incitations s’applique à la participation globale des femmes aux marchés du travail, indépendamment de leur profession et de leur tâche. Elle s’applique également aux femmes de tous âges. S’il est essentiel d’encourager les jeunes à s’insérer sur les marchés du travail en offrant des possibilités d’emploi de qualité, il est également important d’offrir aux personnes âgées la possibilité d’apporter leur contribution de manière appropriée (7). Compte tenu des défis posés par le vieillissement de la population et l’aggravation de la pénurie de main-d’œuvre qualifiée dans certains secteurs, le caractère inclusif des marchés du travail est de plus en plus important, y compris du point de vue macroéconomique.

3.4.

Le CESE souligne la nécessité de transposer de manière ambitieuse et efficace la directive sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Les modalités pratiques visant à promouvoir et à favoriser un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée pour les parents doivent être définies dans le cadre du processus de négociation collective, lequel constitue l’instrument adéquat pour veiller à ce que les meilleures solutions et pratiques soient adoptées en tenant compte des intérêts des travailleurs et des entreprises. De même que les formules souples de travail et les congés parentaux rémunérés et flexibles, la fiscalité et d’autres types d’incitations visant à faire en sorte que les femmes restent sur le marché du travail jouent un rôle dans le renforcement de l’égalité entre les hommes et les femmes. Une rémunération appropriée du congé de paternité, en particulier au cours des premiers mois, encouragerait le père à prendre un congé plus long, ce qui lui permettrait de nouer des liens plus étroits avec l’enfant et aiderait la mère à se rétablir tout en améliorant l’équilibre entre sa vie professionnelle et sa vie privée. L’imposition séparée des revenus des conjoints contribue à encourager les deux parents à être actifs sur le marché du travail. Il faut également reconnaître que les mesures qui permettent et encouragent le travail contribuent également à des pensions de retraite plus décentes.

3.5.

Si la participation des femmes aux marchés du travail a augmenté au cours de la dernière décennie, la ségrégation entre les hommes et les femmes reste évidente (8). Les inégalités en matière d’accès à l’éducation et de perspectives économiques pour les femmes persistent, bien que l’Europe affiche les taux d’inégalité les plus faibles par rapport à d’autres régions du monde (9) — avec toutefois quelques différences entre l’Europe occidentale et l’Europe orientale. Le CESE a également demandé que des mesures soient prises rapidement pour éliminer, dans tous les domaines et tous les secteurs, les écarts de rémunération et de retraite entre les hommes et les femmes, notamment au moyen de mesures contraignantes en matière de transparence salariale (10); il souligne que le premier écart exacerbe le second, une situation à laquelle les femmes sont particulièrement vulnérables.

En outre, le contexte culturel et les stéréotypes traditionnels influencent les choix professionnels des femmes. Par exemple, on dénombre nettement plus de femmes que d’hommes parmi les travailleurs des secteurs de l’enseignement, des soins, de la santé et des services sociaux, tandis que les hommes dominent des secteurs tels que la construction et les industries lourdes.

3.6.

En vue de promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes dans le cadre d’un programme de développement industriel inclusif et durable, les efforts doivent viser non seulement à renforcer la compétitivité des secteurs économiques où les femmes travaillent déjà en grand nombre, mais aussi à leur permettre de rejoindre de nouveaux secteurs et d’endosser de nouveaux rôles. L’inclusion des femmes dans de nouveaux secteurs et de nouvelles professions desquels elles étaient exclues auparavant permettra à son tour aux secteurs émergents de prospérer en exploitant pleinement des ensembles de compétences plus riches et plus diversifiés. Offrir des emplois de qualité est une condition nécessaire pour faire en sorte de ne pas perpétuer les inégalités entre les hommes et les femmes dans ces nouveaux secteurs.

3.7.

La ségrégation fondée sur le sexe est également visible dans le domaine de l’éducation. Si les femmes obtiennent des diplômes d’enseignement supérieur et tirent parti des possibilités d’apprentissage tout au long de la vie, elles se tournent généralement vers d’autres disciplines que les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques (STIM). Étant donné que la reprise après la pandémie doit s’inscrire dans le cadre de la transition écologique et numérique, les compétences STIM sont de plus en plus essentielles. En outre, parallèlement aux compétences fonctionnelles, les aptitudes émotionnelles (c’est-à-dire interpersonnelles et sociales) sont essentielles, car elles constituent la base nécessaire pour développer la résilience, la force mentale, la gestion des conflits, la collaboration et la communication factuelle. Il est essentiel de mettre l’accent, à l’avenir, sur l’intelligence rationnelle et émotionnelle. La culture d’égalité entre les hommes et les femmes tout au long de la vie doit inclure l’éducation émotionnelle, puisqu’il est ressorti de l’édition 2021 du Forum économique mondial que parmi les sept principales compétences humaines figurent la créativité, l’intelligence émotionnelle et la résolution de problèmes complexes (11).

3.8.

En ce qui concerne la transformation numérique, on observe une nette ségrégation entre les hommes et les femmes dans les systèmes éducatifs et sur les marchés du travail en ce qui concerne la répartition des diplômés et des spécialistes dans le domaine des technologies de l’information et de la communication (TIC), ainsi que des scientifiques et des ingénieurs dans les secteurs de haute technologie.

3.9.

Il est essentiel d’encourager les filles à s’intéresser aux STIM pour assurer leur intégration dans les professions de demain. En outre, il y a lieu de mettre en place des mesures ciblées et des programmes de développement pour les attirer vers les carrières liées aux STIM et les y maintenir. Dans 10 ans, 9 emplois sur 10 nécessiteront des compétences numériques (12). L’avenir du travail connaîtra une évolution de la demande en faveur des professionnels de la technologie tels que les ingénieurs en informatique et les spécialistes des TIC. Les femmes représentent 65 % des salariés européens, mais seulement 17 % de la main-d’œuvre européenne dans le domaine des TIC, alors que d’ici 2026, 57 % des postes qui devraient, selon les prévisions, être supprimés par la technologie, auraient été occupés par des femmes (13).

3.10.

La participation des femmes au développement de l’intelligence artificielle est également essentielle pour éviter les algorithmes fondés sur des données biaisées sur la réalité, qui fourniraient donc des résultats biaisés. Une approche intersectionnelle s’impose également dans ce domaine. En outre, dans la mesure où l’accès à la connectivité à haut débit et aux compétences numériques constitue la base nécessaire à une transformation numérique réussie, ces services et ces compétences devraient être disponibles et accessibles à tous, indépendamment du sexe, de l’âge, du handicap, du milieu socio-économique ou de la situation géographique.

3.11.

La sous-représentation des femmes dans les domaines technologiques est également problématique du point de vue de la transition écologique, étant donné que la lutte contre le changement climatique et la résolution des problèmes environnementaux nécessite de concevoir et de mettre en place de nombreux types de solutions technologiques.

3.12.

Si les compétences numériques et écologiques doivent être considérées comme faisant partie intégrante de chaque profession, elles ont le potentiel d’attirer davantage les jeunes que les travailleurs âgés. Par ailleurs, il existe une différence évidente entre les compétences professionnelles en TIC, incluant la gestion des données et la publication assistée par ordinateur, et l’habileté numérique généralement associée aux jeunes, comme les messageries et l’utilisation d’internet à des fins récréatives.

3.13.

Outre les compétences dans le domaine des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques (STIM), il convient également d’encourager les filles à étudier l’économie et la gestion, afin de les préparer à des postes de direction. Par ailleurs, il est important de les guider dans l’acquisition de compétences entrepreneuriales et de gestion des risques ainsi que de renforcer leur confiance en elles afin d’éviter et de combattre le syndrome de l’imposteur (14). Lorsque l’on analyse les types de stress que connaissent les femmes, on s’aperçoit que, confrontées à une situation stressante, elles semblent adopter plus souvent une attitude introvertie qu’extravertie. Il en résulte qu’elles ne cherchent pas à obtenir des postes «exposés», car elles craignent des remarques négatives la part de tiers, qui seront prises personnellement; en outre, elles ne se sentent pas qualifiées si elles ne remplissent pas tous les critères d’une description de poste (ou davantage de critères encore); et enfin, elles ne souhaitent pas être embauchées uniquement pour satisfaire à un quota. Ces comportements proviennent souvent de croyances et de craintes (éventuellement inconscientes). Si le renforcement des aptitudes et des compétences nécessite des mesures pratiques au niveau des méthodes d’enseignement et d’apprentissage et de l’orientation professionnelle, ces objectifs devraient également être liés au programme général de sensibilisation sur la culture de l’égalité entre les hommes et les femmes tout au long de la vie.

3.14.

Un aspect spécifique à aborder est celui des stéréotypes fondés sur le genre dans les soins de santé, en raison d’un manque de recherche, d’un système d’enseignement centré sur les hommes, de diagnostics erronés et de traitements insuffisants. L’ignorance des différences fondées sur le sexe et le genre dans les disciplines médicales peut facilement conduire à des diagnostics erronés ou à des médications inadéquates, parce que les symptômes féminins diffèrent des symptômes masculins ou parce que les doses médicamenteuses reposent sur des essais cliniques principalement menés sur des hommes. On constate également un manque de recherche sur les affections spécifiques aux femmes, telles que l’endométriose et la ménopause, et de données ventilées par sexe dans la recherche, ce qui rend difficile la compréhension des mécanismes à l’origine des problèmes de santé et entrave la recherche d’une réponse appropriée pour traiter les situations inégales, par exemple le risque plus élevé pour les femmes de souffrir de formes longues de COVID-19.

3.15.

Afin d’éviter les effets négatifs que les biais médicaux peuvent avoir sur la participation des femmes au marché du travail, le CESE souligne qu’il convient de prendre en compte et de traiter les préjugés sexistes et les différences entre les hommes et les femmes dans toutes les stratégies européennes en matière de santé et de produits pharmaceutiques. En outre, le droit des femmes à prendre des décisions autonomes concernant leur propre corps doit être pleinement respecté.

4.   Observations spécifiques — L’équilibre entre vie professionnelle et vie privée

4.1.

L’égalité entre les hommes et les femmes dans l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée est primordiale pour l’économie et la société, car elle est étroitement liée au bien-être, à l’emploi et à la participation en général aux marchés du travail, ainsi qu’aux carrières et aux postes tant dans le secteur public que dans le secteur privé. Tel est le cas pour diverses tâches et responsabilités dans les entreprises, l’administration et la prise de décisions politiques.

4.2.

L’équilibre entre vie professionnelle et vie privée représente un défi plus important pour les femmes que pour les hommes, car elles assument une part plus importante des tâches domestiques et des responsabilités familiales non rémunérées. Selon l’indice d’égalité de genre (15)(16), le score de l’UE a diminué depuis 2010 dans le domaine du temps, qui mesure la répartition des tâches domestiques et des responsabilités familiales. Les différences importantes entre les États membres reflètent les différences entre les systèmes nationaux et les cultures familiales.

4.3.

La pandémie a accru la pression sur les familles en matière d’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, en particulier pour les femmes et les mères célibataires. Dans le même temps, en ce qui concerne la garde des enfants, l’écart entre les hommes et les femmes semble se réduire, en raison du fait que les deux parents font du télétravail (17). Ce dernier peut, à bien des égards, contribuer à l’égalité entre les hommes et les femmes. Dans cette optique, une meilleure coordination peut s’avérer bénéfique. Le CESE a toutefois également signalé la nécessité d’éviter que le télétravail n’accentue davantage l’inégalité de la répartition des tâches familiales et ménagères entre les femmes et les hommes (18). La pandémie a affecté l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des femmes à différents postes, y compris les entrepreneures, les cadres et les employées. Il faut également rappeler que les femmes ressentent souvent un sentiment différent d’obligation et de responsabilité lorsqu’il s’agit de «prendre soin des autres».

4.4.

De nombreux facteurs liés à l’égalité entre les hommes et les femmes dépendent de l’infrastructure sociale nationale, qui contribue fortement à accroître la participation aux marchés du travail et à améliorer l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Parmi les systèmes les plus communs, on peut citer le système d’accueil, le congé parental, le système scolaire et les mesures liées à l’emploi.

4.5.

Le CESE réitère ses suggestions déjà formulées précédemment (19) et tient pour important que les États membres mettent en œuvre la directive sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée de manière ambitieuse, efficace et en temps utile, afin d’offrir aux familles des choix appropriés et plus égalitaires, notamment en favorisant une meilleure rémunération du congé parental pour les deux parents. Dans le même temps, la mise en œuvre de la directive doit également tenir compte des besoins des entreprises, en particulier des PME.

4.6.

Le CESE insiste sur la nécessité pour les États membres d’investir dans diverses infrastructures d’accueil et de soins, y compris la garde d’enfants, les garderies postscolaires, les soins aux personnes âgées et les soins aux personnes handicapées, de manière à garantir qu’elles soient accessibles et abordables pour tous. Le CESE invite les États membres, ainsi que les partenaires sociaux, à élaborer des instruments appropriés qui offriront aux familles un accès aisé et efficace aux services de soutien et de soins.

4.7.

En outre, un nouvel état d’esprit est nécessaire à tous les niveaux pour améliorer l’égalité entre les hommes et les femmes du point de vue de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. À cet égard, il est essentiel de réduire et de briser les mentalités fondées sur les stéréotypes relatifs aux rôles familiaux et d’adopter des pratiques en matière d’emploi qui favorisent l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée pour les femmes comme pour les hommes.

5.   Observations spécifiques — Les fonctions dirigeantes

5.1.

Si l’égalité entre les hommes et les femmes et la non-discrimination au travail sont garanties par la législation, la participation égale des femmes et des hommes à la direction des entreprises est assurée non seulement par l’égalité des chances, mais aussi par les avantages plus larges qu’elle apporte sur le plan économique et sociétal, dans la mesure où elle contribue à l’élargissement des perspectives, à la créativité et à la compétitivité (20). Il est dans l’intérêt des entreprises de tirer parti du niveau supérieur de diplôme et des talents des femmes en encourageant leur présence au sein des conseils d’administration et à d’autres postes de direction. Pour ce faire, il est essentiel que les avantages de la diversité soient bien compris, ainsi que les conséquences négatives auxquelles la société et les individus sont confrontés si la diversité n’est pas encouragée dans tous les domaines.

5.2.

Bien que de nombreuses améliorations soient encore possibles, le score de l’UE dans l’indice d’égalité de genre a connu la plus grande avancée, depuis 2010, dans le domaine du pouvoir, qui mesure les progrès accomplis en matière de prise de décisions politiques et économiques. L’amélioration la plus notable a été la présence accrue des femmes au sein des conseils d’administration des plus grandes sociétés cotées en bourse. Cette avancée explique, pour la plus grande partie, la hausse globale du score de l’UE dans l’indice (21).

5.3.

Les moyens de renforcer la diversité hommes-femmes au sein des conseils d’administration varient d’un État membre à l’autre (22) et il existe de nettes différences tant du point de vue de la situation actuelle que des progrès accomplis au fil du temps. Certains États membres ont adopté, pour les grandes entreprises cotées, des quotas nationaux obligatoires allant de 25 à 40 % (23). Par ailleurs, un certain nombre d’États membres dépassent la moyenne de l’UE ou ont accompli des progrès remarquables sans mettre en place de quotas, mais en misant sur l’autorégulation. En France, où la législation a été introduite en 2011, plus de 40 % des membres des conseils d’administration sont des femmes; dans huit autres pays, cette proportion a dépassé le tiers. Dans d’autres États membres, en revanche, ce chiffre est inférieur à 10 %. La moyenne de l’UE avoisine les 30 %.

5.4.

Prises individuellement, les entreprises n’obtiennent pas non plus toutes le même score. Bien que les grandes entreprises aient enregistré des progrès considérables, on observe moins de changements dans les sociétés au bas du classement (24). Il convient également de noter que, bien que les membres des conseils d’administration soient souvent des dirigeants exécutifs, les pays qui obtiennent les meilleurs résultats en ce qui concerne la proportion de femmes occupant des postes de président-directeur général dans de grandes entreprises ne semblent pas être les mêmes que les pays qui obtiennent les meilleurs résultats en ce qui concerne les membres des conseils d’administration des entreprises (25).

5.5.

Ainsi, les divergences entre les États membres ne semblent pas pouvoir s’expliquer par une cause unique, ce qui n’est pas surprenant dans la mesure où les différentes traditions et cultures nationales jouent un rôle important dans le développement de l’égalité entre les hommes et les femmes. Il est capital de soutenir les évolutions positives, les échanges de bonnes pratiques et l’apprentissage fondé sur les expériences des autres.

5.6.

Le CESE réitère également ses conclusions et recommandations en la matière (26) et se félicite de l’accord politique conclu récemment entre le Parlement européen et le Conseil sur la directive relative à un meilleur équilibre hommes-femmes parmi les administrateurs non exécutifs des sociétés cotées en bourse, proposée par la Commission en 2012. Le Comité invite les institutions de l’Union à procéder sans délai à sa mise en œuvre de manière rapide et efficace. Les États membres, en consultation avec les partenaires sociaux, sont les mieux placés pour décider des mesures pratiques les plus efficaces et les plus appropriées afin d’augmenter la proportion de femmes dans les conseils d’administration, sachant que leur composition est déterminée par les propriétaires de l’entreprise.

5.7.

Le CESE estime important de promouvoir l’accès des femmes à des postes de direction au moyen de programmes communs destinés aux femmes dirigeantes et aux candidates aux postes de direction et d’encadrement supérieur, ainsi que par la formation individuelle et l’accompagnement (27). Il encourage les entreprises à investir dans de tels programmes, qui pourraient également être soutenus par un financement de l’UE. La promotion des femmes à des postes de direction d’entreprise devrait également s’accompagner d’une rémunération égale à celle des hommes occupant les mêmes postes, conformément au principe de salaire égal pour travail égal, auquel le CESE souscrit pleinement.

6.   Observations particulières — L’entrepreneuriat

6.1.

Pour promouvoir l’entrepreneuriat, il convient d’exploiter pleinement le potentiel de la créativité et des capacités féminines. Les femmes entrepreneures ont su se montrer fortes et résilientes face à la crise et au chaos (28).

6.2.

Les femmes à la tête d’entreprises ont elles aussi été durement touchées par la pandémie et se sont vu assigner une part disproportionnée des responsabilités familiales, encore alourdies par le manque de services de garde d’enfants et le confinement. Pourtant, de nombreuses femmes entrepreneures sont parvenues à tourner le nouveau contexte commercial à leur avantage et à encourager d’autres personnes, en particulier des femmes, à devenir entrepreneures et à créer de nouvelles entreprises, avec des conséquences positives telles que la création d’emplois et le bien-être qui en découle.

6.3.

En Europe, le taux d’entrepreneuriat féminin figure parmi les plus bas par rapport à d’autres régions du monde (5,7 % contre une moyenne mondiale de 11 %). Cela s’explique notamment par le fait que, dans les pays européens, les femmes disposent de davantage d’autres possibilités d’emploi que dans d’autres régions du monde. Néanmoins, la pénurie d’emplois reste le motif le plus fréquemment invoqué, davantage par les femmes que par les hommes, pour créer une entreprise (29).

6.4.

L’accès au financement est une condition préalable à l’entrepreneuriat et l’égalité d’accès doit être garantie tant en ce qui concerne le financement privé que le financement public. Le CESE demande une évaluation des critères du financement en rapport, tels que la facilité pour la reprise et la résilience, afin de veiller à promouvoir l’égalité dans l’entrepreneuriat et à encourager les investissements dans des projets qui renforcent l’égalité entre les hommes et les femmes, y compris dans les infrastructures numériques et de soins.

6.5.

En Europe, les femmes qui dirigent une entreprise sont beaucoup plus susceptibles d’avoir moins de salariés (entre 1 et 5) ou encore d’exercer une activité indépendante. Les femmes appartenant à des tranches d’âge plus élevées sont plus susceptibles de diriger des entreprises. Si les femmes considèrent l’entrepreneuriat comme une option attrayante, et bien qu’elles aient en moyenne un niveau d’éducation élevé, elles font état d’un faible esprit d’entreprise, en ce qu’elles ne distinguent que peu de nouvelles possibilités commerciales, qu’elles estiment ne pas avoir les compétences nécessaires pour créer une entreprise et qu’elles sont découragées par la peur de l’échec (30).

6.6.

Ces impressions peuvent être dues, outre des raisons culturelles, aux problèmes liés à l’équilibre entre les exigences professionnelles et familiales. Par conséquent, les femmes entrepreneures s’en tiennent parfois à certains secteurs et peuvent être réticentes à l’idée de faire croître leur entreprise. Pour encourager l’entrepreneuriat féminin, il convient d’aider les femmes à surmonter ces perceptions et ces facteurs restrictifs (31). Dans le droit fil du programme pour une meilleure réglementation, à savoir la stratégie primordiale de l’Union européenne pour faire en sorte que sa législation en général réalise ses objectifs dans les faits de la manière la plus efficace et la plus effective, il est possible de créer d’autres incitations grâce à des mesures qui simplifient les procédures administratives et réduisent les coûts de mise en conformité, sans toutefois affaiblir le niveau de protection assuré par la législation concernée (32).

7.   Observations spécifiques — Les réfugiés ukrainiens

7.1.

L’invasion russe de l’Ukraine a provoqué une crise humanitaire sans précédent, avec notamment l’afflux de centaines de milliers de réfugiés demandeurs d’asile — principalement des femmes et des enfants — vers les États membres de l’Union. Ces derniers, soutenus par la société civile, déploient tous un maximum d’efforts pour prendre en charge les réfugiés, les accueillir et les intégrer sur les marchés du travail, mais de nombreux défis se font jour et appellent des solutions mieux coordonnées (33).

7.2.

Étant donné que la plupart des réfugiés sont des femmes avec enfants, l’accès aux services d’aide sociale, aux crèches, aux garderies et aux écoles constitue un goulet d’étranglement critique qui empêche les femmes de s’intégrer sur le marché du travail. D’autres éléments indispensables à leur intégration sont la suppression de la barrière linguistique, la reconnaissance du niveau d’éducation et des qualifications des réfugiés et la reconversion et le perfectionnement rapides. Parmi les outils à prévoir pour résoudre ce problème figure également la mise en place des moyens nécessaires pour permettre le travail à distance, notamment la connectivité internet et les appareils.

7.3.

Le CESE demande une approche mieux coordonnée entre les États membres lorsqu’ils mettent en pratique les «Recommandations politiques sur la promotion de l’inclusion des réfugiés ukrainiens dans le système éducatif: remarques, principes clés et pratiques» (34). Le CESE invite également la Commission européenne à activer toutes les possibilités de financement, en particulier pour les États membres accueillant un grand nombre de réfugiés.

7.4.

En période de guerre et lorsqu’elles fuient les conflits, les femmes sont plus exposées au risque d’exploitation sexuelle et d’abus sexuels. Le viol est souvent utilisé comme arme de guerre. Pour les réfugiées ukrainiennes, et en particulier les victimes de viol, il est essentiel d’avoir accès à des services de santé sexuelle et reproductive, y compris la contraception, la contraception d’urgence, l’avortement en toute sécurité et les soins connexes, ainsi que les soins psychologiques de traumatologie. Aucune femme ne devrait être contrainte à poursuivre une grossesse non désirée. L’absence de ces services dans les États membres ne devrait jamais être un motif les empêchant de quitter un pays dangereux. L’ensemble des États membres doit garantir l’accès à ces services pour toutes les réfugiées. D’une manière générale, chaque réfugié doit se voir proposer des soins de traumatologie de manière proactive, faute de quoi les manquements feront le lit de conflits ultérieurs et d’émotions négatives qui ont des répercussions très graves sur les États. Dans ce domaine, il est absolument indispensable de mettre au point des offres de soutien hybrides assorties de seuils d’exigence bas et d’apporter un appui financier systématique aux nouvelles entreprises proposant ces services.

7.5.

Un autre problème à résoudre est le statut vaccinal des réfugiés, en particulier des enfants. L’Union européenne a mis au point des programmes de vaccination infantile qui ont permis d’éradiquer de nombreuses maladies dangereuses telles que la poliomyélite, la variole et certains types d’hépatites, entre autres. Pour éviter que cette réussite ne soit remise en question, les États membres doivent mobiliser leurs systèmes de soins de santé, et des lignes directrices définies au niveau de l’Union seront d’une grande utilité dans ce processus. D’autres complications découlent du fait que, dans de nombreux États membres, le statut vaccinal complet est obligatoire pour l’accès aux services d’accueil, comme les crèches ou les écoles.

7.6.

Par la suite, la reconstruction de l’Ukraine devrait être l’occasion de renforcer l’égalité entre les hommes et les femmes dans la population ukrainienne, notamment en renforçant les systèmes d’éducation et de soins de santé ainsi que les infrastructures sociales et numériques.

Bruxelles, le 13 juillet 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  SOC/723 (Not yet published in the Official Journal), JO C 364 du 28.10.2020, p. 77 , JO C 240 du 16.7.2019, p. 3, JO C 228 du 5.7.2019, p. 103.

(2)  Voir notamment l’article 2 et l’article 3, paragraphe 3, du traité sur l’Union européenne, l’article 21 de la charte des droits fondamentaux et l’article 8 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

(3)  JO C 194 du 12.5.2022, p. 19.

(4)  Article sur l’égalité entre les hommes et les femmes sur le site sweden.se [en anglais uniquement]. https://sweden.se/life/equality/gender-equality

(5)  JO C 220 du 9.6.2021, p. 13.

(6)  Global Entrepreneurship Monitor.

(7)  Pour d’autres aspects liés à la relation entre le vieillissement et l’égalité entre les hommes et les femmes, voir également le dossier JO C 194 du 12.5.2022, p. 19.

(8)  Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE).

(9)  Indice mondial d’écart entre les genres.

(10)  JO C 341 du 24.8.2021, p. 84.

(11)  La start-up numérique UP’N’CHANGE (www.upnchange.com), fondée par des femmes, a trouvé des moyens de transposer une expertise approfondie dans le domaine de la psychologie et du coaching en outils numériques simples afin d’aider les personnes à renforcer leurs compétences personnelles, sociales et créatives. UP’N’CHANGE s’est donné pour mission d’exploiter le potentiel des employés et des équipes au moyen d’outils numériques afin d’aider les organisations à obtenir un succès durable, car un ensemble de compétences adéquat signifie une collaboration efficace. Une collaboration efficace est synonyme d’innovation. Et l’innovation garantit la croissance pour tous.

(12)  Réunion annuelle 2020 du Forum économique mondial.

(13)  Ibid.

(14)  Le phénomène de l’imposteur, à savoir un syndrome qui amène les personnes qui en souffrent à douter de leurs propres aptitudes et capacités, peut empêcher quelqu’un de poser sa candidature à des postes d’encadrement ou des postes exposés. Plus particulièrement, les personnes très réfléchies, qui ont tendance à se refermer sur elles-mêmes dans des situations stressantes, ont du mal à se confronter aux personnes qui font preuve d’une grande assurance.

(15)  Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE), https://eige.europa.eu/publications/gender-equality-index-2020-report/progress-gender-equality-most-notable-company-boards [en anglais uniquement].

(16)  Eurofound.

(17)  Sevilla et Smith, 2020.

(18)  JO C 220 du 9.6.2021, p. 13.

(19)  JO C 129 du 11.4.2018, p. 44.

(20)  Voir JO C 318 du 23.12.2009, p. 15 et JO C 341 du 21.11.2013, p. 6.

(21)  Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE), Statistical brief: gender balance in corporate boards 2020 [Note statistique: l’équilibre hommes-femmes au sein des conseils d’administration en 2020].

(22)  Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE).

(23)  Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE), article sur les quotas de parité au sein des parlements [en anglais uniquement].

(24)  European Women on Boards, Rapport sur l’indice de diversité de genre [en anglais uniquement].

(25)  Diverses sources compilées par la chambre de commerce de Finlande, Rapport sur le nombre de femmes à des postes de direction et d’administration [en anglais uniquement].

(26)  JO C 133 du 9.5.2013, p. 68.

(27)  Un excellent exemple de ce type de formation sont les programmes de soutien et de formation offerts par la Chambre de commerce d’Autriche (Wirtschaftskammer Österreich, WKÖ) [en anglais uniquement].

(28)  Women’s Entrepreneurship 2020/21: Thriving Through Crisis [L’entrepreneuriat des femmes en 2020 et 2021: prospérer en pleine crise], publié par la Global Entrepreneurship Research Association, London Business School, ISBN: 978-1-9160178-8-7.

(29)  Ibid.

(30)  Global Entrepreneurship Monitor.

(31)  Voir JO C 299 du 4.10.2012, p. 24.

(32)  Priorité aux PME — Stratégie à long terme pour l’avenir industriel de l’Europe. Département thématique des politiques économiques, scientifiques et de la qualité de la vie, direction générale des politiques internes du Parlement européen. Auteur: Stephanus Johannes SMIT, PE 648.776 — avril 2020.

(33)  Avis du CESE sur InvestEU, JO C 242 du 23.7.2015, p. 9.

(34)  https://www.schooleducationgateway.eu/fr/pub/resources/publications/practical-manual-on-refugees.htm


ANNEXE

La proposition d’amendement suivante, qui a recueilli plus d’un quart des suffrages exprimés, a été rejetée au cours des débats (article 43, paragraphe 2, du règlement intérieur):

AMENDEMENT 1

Proposé par:

ANGELOVA Milena

BLIJLEVENS René

KONTKANEN Mira-Maria

MINCHEVA Mariya

PILAWSKI Lech

VADÁSZ Borbála

SOC/731 — Égalité entre les hommes et les femmes

Paragraphe 3.5

Modifier comme suit:

Avis de section

Amendement

Si la participation des femmes aux marchés du travail a augmenté au cours de la dernière décennie, la ségrégation entre les hommes et les femmes reste évidente (1). Les inégalités en matière d’accès à l’éducation et de perspectives économiques pour les femmes persistent, bien que l’Europe affiche les taux d’inégalité les plus faibles par rapport à d’autres régions du monde (2) — avec toutefois quelques différences entre l’Europe occidentale et l’Europe orientale. Le CESE a également demandé que des mesures soient prises rapidement pour éliminer, dans tous les domaines et tous les secteurs, les écarts de rémunération et de retraite entre les hommes et les femmes, notamment au moyen de mesures contraignantes en matière de transparence salariale (3); il souligne que le premier écart exacerbe le second, une situation à laquelle les femmes sont particulièrement vulnérables.

En outre, le contexte culturel et les stéréotypes traditionnels influencent les choix professionnels des femmes. Par exemple, on dénombre nettement plus de femmes que d’hommes parmi les travailleurs des secteurs de l’enseignement, des soins, de la santé et des services sociaux, tandis que les hommes dominent des secteurs tels que la construction et les industries lourdes.

Si la participation des femmes aux marchés du travail a augmenté au cours de la dernière décennie, la ségrégation entre les hommes et les femmes reste évidente (1). Les inégalités en matière d’accès à l’éducation et de perspectives économiques pour les femmes persistent, bien que l’Europe affiche les taux d’inégalité les plus faibles par rapport à d’autres régions du monde (2) — avec toutefois quelques différences entre l’Europe occidentale et l’Europe orientale. Le CESE a également demandé que des mesures soient prises rapidement pour éliminer, dans tous les domaines et tous les secteurs, les écarts de rémunération et de retraite entre les hommes et les femmes, notamment au moyen de mesures qui favorisent la transparence salariale (3); il souligne que le premier écart exacerbe le second, une situation à laquelle les femmes sont particulièrement vulnérables.

En outre, le contexte culturel et les stéréotypes traditionnels influencent les choix professionnels des femmes. Par exemple, on dénombre nettement plus de femmes que d’hommes parmi les travailleurs des secteurs de l’enseignement, des soins, de la santé et des services sociaux, tandis que les hommes dominent des secteurs tels que la construction et les industries lourdes.

Résultat du vote:

Voix pour:

93

Voix contre:

114

Abstentions:

12


(1)  Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE).

(2)  Indice mondial d’écart entre les genres.

(3)  Voir le dossier SOC/678.

(1)  Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE).

(2)  Indice mondial d’écart entre les genres.

(3)  Voir le dossier SOC/678.


III Actes préparatoires

Comité économique et social européen

571e session plénière du Comité économique et social européen — Session plénière intégralement en présentiel, 13.7.2022-14.7.2022

22.11.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 443/75


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 2005/29/CE et 2011/83/UE pour donner aux consommateurs les moyens d’agir en faveur de la transition écologique grâce à une meilleure protection contre les pratiques déloyales et à de meilleures informations

[COM(2022) 143 final — 2022/0092 (COD)]

(2022/C 443/10)

Rapporteur:

Thierry LIBAERT

Corapporteur:

Gonçalo LOBO XAVIER

 

Conseil de l’Union européenne, 12.4.2022

 

Parlement européen, 7.4.2022

Base juridique

Article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

27.6.2022

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

82/0/3

Adoption en session plénière

14.7.2022

Session plénière no

571

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

209/0/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) soutient les propositions de la Commission européenne (CE) visant à renforcer les capacités d’action des consommateurs en faveur de la transition écologique. Il appelle à ce que la CE maintienne un fort niveau d’ambition, dans la mesure où il s’agit d’un chantier à impact économique, social et environnemental positif.

1.2.

Le CESE insiste sur la nécessité de tout mettre en œuvre pour que les informations soient mises à la disposition des consommateurs de manière systématique, en particulier concernant les pièces détachées et les manuels de réparation, de même que sur les mises à jour logicielles prévues.

1.3.

Le CESE demande instamment à la CE de faire preuve d’ambition en actant le principe d’un indice de réparabilité des produits bruns et blancs. Cet indice doit répondre aux attentes des consommateurs tant en ce qui concerne la variété des produits couverts que les critères pris en compte.

1.4.

Au-delà de la réparabilité de ces produits, le CESE considère que la CE doit avancer sur le principe d’un affichage simple et concerté de la durabilité des produits dans les années à venir.

1.5.

Il s’agit également de favoriser la formation de nouveaux réparateurs et la montée en compétences des acteurs actuels, condition indispensable au développement de la réparation qui constitue un important gisement d’emploi pour notre continent. Le CESE appelle aussi l’Europe à réduire sa dépendance aux matières premières pour renforcer sa capacité à réparer et à se doter de pièces détachées. De même, l’Europe a besoin d’une politique de réindustrialisation sérieuse et efficace. Les crises récentes ont révélé des faiblesses qui doivent être considérées comme des opportunités de reprise.

1.6.

Outre la nécessité de faire appliquer l’affichage de la durée légale de garantie, il est nécessaire de mieux protéger le consommateur contre les confusions entre les garanties légale et commerciale. De plus, dans le cadre de la garantie, une primauté de la réparation sur le remplacement à neuf doit être promue, sans toutefois limiter la liberté des consommateurs de choisir la solution à leur problème.

1.7.

Pour favoriser l’allongement de la durée de vie des produits, le CESE approuve l’ajout de nouvelles pratiques commerciales à la liste des actions considérées comme trompeuses. Cependant, sur trois points, le CESE demande à la CE d’aller plus loin que l’obligation d’information:

les techniques introduites pour raccourcir la durée de vie d’un produit: pour le CESE, il convient d’inscrire ces pratiques parmi les pratiques commerciales trompeuses, outre la simple absence d’information,

l’irréparabilité de certains biens: là encore, pourraient être considérés comme des pratiques commerciales trompeuses les obstacles intentionnels à la réparation, et non simplement l’absence d’information à ce sujet,

les mises à jour susceptibles de provoquer des dysfonctionnements: à cet égard, il s’agit d’imposer une réversibilité de la mise à jour.

1.8.

Le renforcement des capacités d’action du consommateur doit s’accompagner d’une meilleure protection contre les publicités trompeuses. En ce sens, le cadre légal relatif à la publicité doit mieux intégrer les objectifs du développement durable.

1.9.

Ainsi, la publicité doit bannir toute allégation non justifiée, comme cela arrive souvent en matière de neutralité carbone, et toute évocation ou représentation de comportement contraire à la protection de l’environnement et à la préservation des ressources naturelles. Des capacités renforcées de contrôle des allégations environnementales sont également nécessaires.

1.10.

Pour éviter toute confusion et devant la prolifération des labels environnementaux souvent autoproclamés, la Commission européenne doit davantage mettre en valeur l’écolabel européen et la nécessité des démarches de certification en matière de labellisation.

1.11.

Pour alerter sur les pratiques commerciales trompeuses, le CESE demande à l’Union européenne (UE) de renforcer la protection des lanceurs d’alerte sur les caractéristiques environnementales des produits.

1.12.

Enfin, le CESE invite la Commission à promouvoir une sensibilisation forte des consommateurs sur les enjeux de la consommation responsable.

2.   Résumé du document de la Commission

2.1.

La proposition de directive à l’examen vise à renforcer les droits des consommateurs en modifiant deux directives qui protègent les intérêts de ces derniers au niveau de l’UE: la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil (1) sur les pratiques commerciales déloyales et la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil (2) relative aux droits des consommateurs. L’objectif de la proposition est de contribuer à une économie européenne circulaire, propre et verte, en permettant aux consommateurs de prendre des décisions d’achats en connaissance de cause et, partant, de contribuer à une consommation plus durable. La proposition vise également les pratiques commerciales déloyales qui induisent les consommateurs en erreur et les détournent des choix de consommation durables.

2.2.

La proposition était l’une des initiatives définies dans le nouvel agenda du consommateur (3) et le plan d’action pour une économie circulaire (4) et elle s’inscrit dans le prolongement du pacte vert pour l’Europe (5).

2.3.

La proposition prévoit toute une série de mesures pour actualiser la législation existante en matière de protection des consommateurs et garantir que ces derniers soient protégés et puissent contribuer activement à la transition écologique. La directive relative aux droits des consommateurs impose actuellement aux professionnels qu’ils fournissent aux consommateurs des informations sur les principales caractéristiques des biens ou des services.

2.4.

Toutefois, étant donné qu’il n’y a pas d’obligation de fournir des informations sur l’absence de garanties commerciales de durabilité, la directive n’incite pas suffisamment les producteurs à fournir de telles garanties aux consommateurs. Des études montrent que, lorsque des produits de consommation sont proposés avec une garantie commerciale, les informations sur ces garanties commerciales et les modalités de facturation aux consommateurs sont souvent peu claires, imprécises ou incomplètes; il est dès lors difficile pour les consommateurs de comparer les produits et de faire la distinction entre la garantie commerciale et la garantie légale (obligatoire) (6).

2.5.

En outre, la directive ne contient pas d’exigences spécifiques de fourniture d’informations aux consommateurs quant à la réparabilité des biens. Ces informations, qui permettraient d’inciter à la réparation des biens et seraient particulièrement utiles pour aider les consommateurs à contribuer à une économie circulaire, font largement défaut aux points de vente. Des études récentes montrent que jusqu’à 80 % des consommateurs de l’UE déclarent avoir des difficultés à trouver des informations sur la facilité de réparation d’un produit (7).

3.   Observations générales

3.1.

Aujourd’hui, la plupart des consommateurs européens déplorent un manque d’informations quant aux impacts environnementaux de la consommation. La consultation publique organisée par la CE a confirmé ce constat. En 2012, l’Eurobaromètre réalisé sur «les comportements et attitudes des consommateurs européens à l’égard des produits verts» a montré que 92 % des répondants européens sont favorables à la mise à disposition d’une information sur la durée de vie des produits.

3.2.

Ce défaut d’information est dommageable, car une information claire et lisible est de nature à favoriser un changement des comportements. Cet effet a été confirmé par le CESE qui a procédé, lors de son étude auprès de 3 000 consommateurs européens, à une simulation de l’affichage de la durée de vie de produits de consommation courante sur un site d’achat en ligne. Selon cette étude, l’affichage de la durée de vie permet 56 % de ventes supplémentaires pour les produits à longue durée de vie.

3.3.

Le manque d’informations à destination du consommateur revêt une importance sociale de premier plan. Les difficultés liées au pouvoir d’achat appellent encore davantage à accompagner les catégories sociales moyennes et défavorisées vers la réparation et une consommation plus responsable. Améliorer l’information du consommateur par des moyens simples constitue une manière d’aider à rendre la consommation responsable plus accessible aux personnes les plus vulnérables.

3.4.

Une meilleure information des consommateurs contribue au renforcement du modèle économique des entreprises européennes. Face aux risques de dumping lié aux importations de produits bon marché, les TPE, PME et leurs donneurs d’ordre sont susceptibles de gagner en visibilité auprès des consommateurs; ils pourront ainsi valoriser la qualité des produits conçus en Europe.

3.5.

Les détaillants et commerces physiques européens peuvent également se saisir positivement de ces évolutions législatives à venir, dans la mesure où elles sont de nature à accroître leur avantage comparatif par rapport aux enseignes en ligne. En effet, le rôle de conseil apporté par le vendeur physique est renforcé par les informations nouvelles apportées au consommateur. De telles évolutions sont propices à conforter l’emploi dans l’UE. Pour cela, l’Europe doit disposer des ressources humaines adaptées: le CESE appelle la Commission à soutenir les efforts de formation des entreprises, en particulier les PME.

3.6.

S’il est nécessaire d’apporter une information environnementale adaptée, il s’agit de s’assurer que l’ensemble des impacts environnementaux est pris en compte. Les impacts climatiques, mesurés sous la forme des émissions de gaz à effet de serre, occupent une place centrale dans le débat public, mais ne constituent qu’une partie des impacts environnementaux. Ainsi, les analyses du cycle de vie des produits montrent que l’impact environnemental provient essentiellement, pour la plupart des biens de consommation, de l’extraction des ressources et de la fabrication des produits, d’où une priorité environnementale axée sur l’allongement de la durée de vie des produits.

3.7.

Or, par tous ces aspects, la consommation moyenne des Européens n’est pas soutenable sur le plan environnemental. Selon le calcul de l’empreinte écologique, par exemple, le mode de vie d’un Européen nécessiterait l’équivalent de 2,8 planètes.

3.8.

Dans de nombreux cas, la conception des produits conduit à réduire leur durée de vie, que ce soit par des procédés techniques, par des obstacles à la réparation ou par des techniques logicielles. L’obsolescence prématurée qui en résulte constitue l’un des principaux points de mécontentement des consommateurs, victimes d’une forte asymétrie d’information.

3.9.

Enfin, le CESE note que la guerre en Ukraine rend encore plus impératif le renforcement de l’autonomie stratégique européenne. De ce point de vue, les initiatives qui contribuent à une meilleure durée de vie des produits, notamment celles relatives aux métaux stratégiques, sont à encourager.

4.   Observations particulières

4.1.   Apporter des informations supplémentaires aux consommateurs sur la durabilité des biens

4.1.1.

Compte tenu de l’importance des enjeux de la durée de vie des produits, il est nécessaire de renforcer l’information du consommateur. En ce sens, la proposition de la Commission est accueillie favorablement en ce qu’elle vise à systématiser l’apport d’informations sur la disponibilité des pièces détachées, sur les manuels d’utilisation ou sur la période couverte par les mises à jour logicielles.

4.1.2.

Il convient de rappeler que si l’absence d’information est dommageable, la profusion d’informations trop nombreuses ou techniques l’est quasiment tout autant.

4.1.3.

Le CESE alerte la Commission sur les inconvénients potentiels que pourraient engendrer de nouvelles informations proposées au moyen d’une étiquette électronique ou d’un code QR. Outre l’impact environnemental numérique additionnel engendré par ces techniques, il convient de rappeler que toute démarche supplémentaire (devoir sortir son smartphone, cliquer, capturer…) est un obstacle de plus à la consommation responsable.

4.1.4.

La proposition de la Commission va dans le bon sens, car elle articule les enjeux de la communication avec ceux de l’obsolescence prématurée des produits. La première étape pour renforcer l’information des consommateurs doit être la mise en place d’un indice de réparabilité sur un maximum de produits, comme c’est le cas en France depuis 2021. La réparabilité constitue en effet l’un des aspects les plus facilement mesurables de la durabilité du produit.

4.1.5.

Pour être à la hauteur des enjeux, l’indice de réparabilité doit être conçu de manière ambitieuse à au moins deux égards. D’une part, il doit concerner un maximum de produits électriques, électroniques et électroménagers. D’autre part, la réparabilité doit être appréhendée dans toutes ses dimensions, y compris en prenant en compte le coût de la réparation (prix des pièces détachées), la disponibilité des pièces de rechange et les conditions du support logiciel.

4.1.6.

Pour le CESE, une politique ambitieuse d’information du consommateur ne doit pas s’arrêter à la réparabilité. En effet, les attentes des consommateurs concernent surtout le fait que les produits durent dans le temps, et non qu’ils soient réparables. Le CESE s’est d’ailleurs déjà prononcé sur ce point (8). L’UE doit se doter d’un indicateur simple fournissant des informations sur la durabilité d’un produit, incluant la réparabilité, mais aussi la robustesse et l’évolutivité des produits, ce qui favorisera indirectement la réindustrialisation en Europe. Ce principe, qui à l’évidence doit être concerté avec les parties prenantes dans ses modalités d’application et être progressif, doit figurer dans les propositions de la Commission, au risque de négliger une attente majeure des consommateurs.

4.1.7.

Un travail supplémentaire sur les garanties est nécessaire pour renforcer l’information du consommateur. Tout d’abord, la CE doit réaffirmer un principe simple: l’existence et la durée de la garantie de conformité [directive (UE) 2019/771 du Parlement européen et du Conseil (9)] doivent être affichées partout, dans les commerces physiques ou en ligne, pour l’ensemble des biens concernés. En effet, la priorité doit être de faire appliquer le droit existant avant d’ajouter de nouveaux droits.

4.1.8.

Le CESE se réjouit de la prise en compte des difficultés que peut rencontrer le consommateur pour distinguer les garanties commerciales de la garantie légale. Il est donc salutaire que la CE prévoie que ces garanties commerciales ne créent pas de confusion.

4.1.9.

Pour accroître ses effets vertueux sur la protection de l’environnement, la garantie pourrait promouvoir une réparation du bien endommagé et non son remplacement par un bien neuf. L’UE peut promouvoir la primauté de la réparation par rapport au remplacement en cas de panne en rendant la réparation plus facile, plus rapide et plus pratique pour les consommateurs.

4.1.10.

En lien avec ces dispositions, la sensibilisation des citoyens peut contribuer, dans une plus large mesure encore, à cette réorientation de la consommation. Ainsi, des campagnes sur les bons réflexes à adopter pour une consommation responsable (information, seconde main, réparation, entretien des produits) doivent être favorisées, voire amorcées par l’UE, notamment avec le soutien de la société civile organisée qui peut jouer un rôle essentiel dans le cadre de cette proposition.

4.2.   Renforcer les dispositions en allant au-delà de l’obligation d’informer

4.2.1.

En pénalisant uniquement l’absence d’information, l’Union européenne ouvrirait la voie à une légalisation de ces pratiques pourtant incompatibles avec la protection du consommateur et de l’environnement. L’UE ne peut se contenter d’interdire l’absence d’information sur une technique visant à limiter la durée de vie d’un produit, elle doit interdire cette pratique en tant que telle. En d’autres termes, il ne serait pas compréhensible que l’UE envoie le message que l’obsolescence programmée est autorisée tant qu’elle s’accompagne d’une information du consommateur. La disposition doit être de nature à signaler clairement aux fabricants qu’en Europe, les produits ne peuvent pas être conçus pour tomber en panne de façon prématurée.

4.2.2.

De la même manière, les autres formulations de la directive présentent le risque de ne pas protéger suffisamment les consommateurs. Il ne suffit pas d’obliger le fabricant à informer le consommateur qu’un bien n’est pas réparable. C’est l’irréparabilité intentionnelle du bien qui doit être interdite en tant que telle.

4.2.3.

Comme le savent le CESE et la CE, les mises à jour logicielles proviennent souvent de logiciels trop gourmands en mémoire et en énergie qui réduisent la durée de vie des équipements connectés. La législation ne doit pas uniquement exiger du fabricant qu’il informe le consommateur des effets indésirables d’une mise à jour. Là encore, on peut aisément imaginer comment cette information peut être cachée au milieu d’un flot d’informations positives sur cette mise à jour, conduisant le consommateur à l’accepter.

4.3.   Encadrer et sanctionner les pratiques réduisant le pouvoir d’agir des consommateurs

4.3.1.

Comme le signale à juste titre la Commission, les pratiques d’écoblanchiment constituent l’un des principaux obstacles qui entravent l’information des consommateurs en faveur de la transition écologique. Le projet de directive relève à juste titre la nécessité de sanctionner les allégations environnementales génériques non objectivables et non démontrables.

4.3.2.

Le CESE accueille favorablement l’interdiction d’afficher des labels de durabilité non soumis à un système de certification formel. Le développement progressif et concerté d’un indice européen, proposé dans le présent avis, est de nature à répondre à ce besoin.

4.3.3.

D’autres allégations environnementales nuisent fréquemment à la bonne information du consommateur. Il est légitime d’interdire de se prévaloir de performances environnementales alors qu’elles ne concernent qu’une caractéristique du produit ou qu’elles ne sont que l’application d’obligations légales ou de pratiques courantes.

4.3.4.

Favoriser la consommation responsable implique également de renforcer les labels certifiant des démarches environnementales sérieuses. En ce sens, l’écolabel européen s’avère aujourd’hui encore trop peu utilisé, malgré les progrès qu’il a enregistrés. Un soutien pour renforcer l’accessibilité de ce label et une campagne de communication adaptée sont à envisager.

4.3.5.

Dans la suite logique de ces éléments, le cadre légal relatif à la publicité doit mieux intégrer les principes du développement durable, y compris en encadrant fortement la publicité sur les produits les plus polluants, ce qui s’inscrit dans la lignée de l’avis récent du CESE consacré à cette question (10).

4.3.6.

Dans ce même esprit, si la publicité doit éviter d’utiliser des allégations environnementales portant sur un produit dans son ensemble alors qu’elles ne concernent que certains éléments de celui-ci, elle doit aussi bannir toute allégation non justifiée, comme cela arrive trop souvent en matière de neutralité carbone, et toute évocation ou représentation de comportement contraire à la protection de l’environnement et à la préservation des ressources naturelles. En outre, la publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser ou de valoriser des pratiques ou idées contraires aux objectifs de développement durable.

4.3.7.

Pour émettre des alertes précoces sur les pratiques commerciales trompeuses, il est souvent nécessaire de disposer d’informations émanant des metteurs en marché eux-mêmes. Or, aujourd’hui, les lanceurs d’alerte dans ce domaine sont peu nombreux, en raison de la crainte de représailles. La procédure d’alerte mentionnée dans la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil (11) doit pouvoir s’appliquer à ces lanceurs d’alerte.

L’ensemble de ces dispositions ne seront pleinement efficaces que si elles sont concertées avec les acteurs économiques, représentant les grandes comme les petites et moyennes entreprises, ainsi qu’avec les partenaires sociaux, les associations de consommateurs et, plus largement, la société civile. Le CESE considère qu’il s’agit là d’une politique centrale en ce qu’elle affirme un modèle de marché concurrentiel adapté aux enjeux environnementaux, soucieux des consommateurs et de la compétitivité des acteurs économiques européens et compatible avec les enjeux d’autonomie stratégique européenne.

Bruxelles, le 14 juillet 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil («directive sur les pratiques commerciales déloyales») (JO L 149 du 11.6.2005, p. 22).

(2)  Directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil (JO L 304 du 22.11.2011, p. 64).

(3)  COM(2020) 696 final du 13 novembre 2020.

(4)  COM(2020) 98 final du 11 mars 2020.

(5)  COM(2019) 640 final du 11 décembre 2019.

(6)  Commission européenne, Consumer market study on the functioning of Legal and Commercial Guarantees for consumers in the EU (Étude de marché consommateurs sur le fonctionnement des garanties légales et commerciales pour les consommateurs dans l’UE), 2015. Étude réalisée à l’appui de l’analyse d’impact de la Commission européenne, Study on Empowering Consumers Towards the Green Transition, July 2021. Commercial warranties: are they worth the money?, ECC-Net, avril 2019.

(7)  Commission européenne, Behavioural study on Consumers’ engagement in the circular economy, 2018, p. 81.

(8)  JO C 67 du 6.3.2014, p. 23.

(9)  Directive (UE) 2019/771 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 relative à certains aspects concernant les contrats de vente de biens, modifiant le règlement (UE) 2017/2394 et la directive 2009/22/CE et abrogeant la directive 1999/44/CE (JO L 136 du 22.5.2019, p. 28).

(10)  JO C 105 du 4.3.2022, p. 6.

(11)  Directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union (JO L 305 du 26.11.2019, p. 17).


22.11.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 443/81


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité et modifiant la directive (UE) 2019/1937»

[COM(2022) 71 final]

(2022/C 443/11)

Rapporteure:

Antje GERSTEIN

Consultation

Parlement européen, 4.4.2022

Conseil de l’Union européenne, 5.4.2022

Base juridique

Article 50, paragraphe 1 et paragraphe 2, point g), et article 114, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

27.6.2022

Adoption en session plénière

14.7.2022

Session plénière no

571

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

179/6/14

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement la proposition de directive en ce qu’elle marque une étape importante dans la mise en place d’un cadre législatif européen en matière de gouvernance d’entreprise durable et de devoir de vigilance qui soit cohérent et promeuve le respect des droits de l’homme comme un devoir qui incombe aux entreprises et à leurs administrateurs. L’objectif devrait en être de garantir une sécurité juridique aux entreprises, à leurs salariés et à toutes les autres parties prenantes.

1.2.

Dès lors, le CESE exhorte les colégislateurs à ne pas perdre de vue l’idée d’assurer des conditions de concurrence équitables et à envisager, au minimum, d’harmoniser entièrement les principales dispositions, afin d’éviter que n’apparaissent entre les lois de transposition des États membres des divergences qui soient de nature à créer des distorsions.

1.3.

Le CESE souligne la grande importance des principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme. Reposant sur un modèle à trois piliers — «protéger, respecter et réparer» —, ces principes fournissent une référence pour définir clairement les devoirs et les responsabilités de tous les acteurs (États, entreprises, société civile, syndicats et représentants des travailleurs), afin d’améliorer la situation des droits de l’homme tout au long des chaînes d’approvisionnement et de valeur dans le monde entier. Les obligations incombant aux États conformément au droit international des droits de l’homme leur prescrivent de respecter, protéger et mettre en œuvre les droits fondamentaux des individus sur leur territoire et/ou sous leur juridiction.

1.4.

Ce n’est qu’en aidant les pays à mieux remplir leur devoir de protection des droits de l’homme que nous pourrons opérer un changement systémique et durable sur le terrain. Si les entreprises assument une responsabilité claire en matière de respect des droits de l’homme, elles ne sauraient se substituer au rôle essentiel et au bon fonctionnement des États. Dans ce contexte, le CESE salue l’initiative législative annoncée par la Commission, qui portera spécifiquement sur le travail forcé.

1.5.

Le CESE demande que la directive établisse une distinction claire entre les incidences négatives qui sont causées ou influencées par une entreprise et celles qui ne sont pas causées ou influencées par une entreprise, mais qui sont directement liées à ses activités, produits ou prestations dans le cadre d’une relation d’affaires. La directive doit reconnaître que le devoir de vigilance exige une approche fondée sur les risques et qu’il peut imposer de fixer des priorités sur la base de l’évaluation des risques.

1.6.

Le CESE tient à souligner que les décideurs politiques doivent garder à l’esprit l’épineuse situation des micro, petites et moyennes entreprises, et veiller à ce que, dès l’entrée en vigueur de la législation sur le devoir de vigilance, des outils de soutien soient disponibles aux niveaux européen et national.

1.7.

L’exercice du devoir de vigilance des entreprises est un processus continu, dont la réussite dépend notamment de la participation des syndicats et des représentants des travailleurs. Le CESE préconise de songer à poursuivre la mise au point d’un cadre européen sur la gouvernance d’entreprise durable. En la matière, il y a lieu de s’inspirer et de tirer parti de la contribution actuelle des représentants élus et organisés des travailleurs, fondée par exemple sur des accords-cadres internationaux (ACI) ou sur les travaux des comités d’entreprise européens et des conseils d’administration des entreprises, le cas échéant.

1.8.

Le CESE est préoccupé par la présence, dans la proposition de la Commission, de nombreuses notions juridiques peu claires et sujettes à interprétation, et estime dès lors nécessaire de mieux définir des termes tels que «relations commerciales bien établies», «chaîne de valeur en aval» et «mesures appropriées», puisque ces notions délimitent, influencent et déterminent non seulement le champ d’application de la directive, mais aussi les exigences, sanctions et responsabilités applicables en matière de devoir de diligence.

1.9.

Le CESE demande que la proposition définisse plus clairement les différents groupes et les obligations de diligence raisonnable applicables. Le CESE considère qu’il serait plus approprié de faire référence à la notion de «groupe d’entreprises» plutôt qu’à celle d’«entreprise» [article 3, point b)], ce qui renforcerait la cohérence concernant les mécanismes de publication d’informations, les procédures de signalement, le traitement des signalements et des plaintes, et les efforts de sensibilisation au sein des entreprises.

2.   Contexte de la proposition de la Commission

2.1.

Les droits de l’homme constituent une préoccupation majeure pour l’Union européenne, ses États membres, ses entreprises, ses travailleurs et sa société civile. Si l’Union s’engage profondément dans le programme en faveur des entreprises et des droits de l’homme, c’est dans le but d’assurer sa transition vers une économie verte et neutre sur le plan climatique et de mener à bien son ambitieux plan pour réaliser les objectifs de développement durable des Nations unies (1). Le CESE souscrit pleinement aux normes internationales existantes, à savoir les principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (2) et les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales (3), et il salue les grands progrès qu’elles ont permis, tout en insistant fortement sur la nécessité d’assurer la cohérence des politiques avec ces instruments. La déclaration de principes tripartite de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur les entreprises multinationales et la politique sociale comprend également une série complète de droits relatifs aux entreprises multinationales et au travail, qui fait notamment état des conventions et recommandations concernant la santé et la sécurité au travail et qu’il convient donc de prendre en considération. Le CESE demande également que soit assurée la cohérence entre les politiques nationales et la législation européenne en cours d’élaboration lorsqu’elle couvre des domaines similaires ou comporte également des dispositions relatives au devoir de vigilance. Parmi ces textes législatifs figurent par exemple la proposition de directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD) (4), la proposition de règlement sur les produits «zéro déforestation» (5), la proposition de nouveau règlement relatif aux batteries (6), l’initiative relative aux produits durables (7), la taxinomie de l’Union pour les investissements durables (8) et l’initiative législative à venir de la Commission visant à interdire effectivement la mise sur le marché de l’Union de produits obtenus par le recours au travail forcé (interdiction de commercialisation) (9).

2.2.

Depuis que certains États membres (10) se sont dotés d’une législation nationale sur le devoir de vigilance des entreprises, on observe une volonté croissante de créer, au sein de l’Union, des conditions de concurrence équitables pour les entreprises et d’éviter toute fragmentation. C’est dans ce contexte que la Commission européenne a présenté cette proposition, destinée à créer un cadre transversal pour encourager les entreprises à assumer leurs responsabilités en matière de respect des droits de l’homme et de l’environnement.

3.   Observations générales

3.1.

L’attaque sans précédent de la Russie contre l’Ukraine bouleverse le paysage géopolitique et suscite une remise en question fondamentale des relations et dépendances économiques au sein de notre économie mondialisée, accélérant ainsi la quête d’une plus grande indépendance de l’Europe dans des domaines stratégiques essentiels. Nos chaînes d’approvisionnement s’en verront profondément remaniées, ce qui nécessitera de réfléchir à la relation entre le devoir de vigilance et la nécessité de suivre des sanctions décidées au niveau politique et qui restreignent le champ d’activité des entreprises. Le CESE plaide dès lors en faveur d’une approche pragmatique, qui tienne compte des nouvelles réalités des entreprises et offre un soutien en prodiguant les conseils requis de toute urgence.

3.2.

Étant donné la grande complexité des chaînes d’approvisionnement modernes, la rigueur doit primer sur la rapidité et il faut garder le sens de la mesure pour ce qui est de définir en détail les dispositions de cette mesure. Au-delà du plein respect des normes et instruments internationaux en matière de droits de l’homme, le point de départ devrait toujours être de déterminer comment intégrer de manière pratique et efficace les éléments solidement établis des principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme et des principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, tout en procédant à une évaluation minutieuse des répercussions que la présente directive peut avoir sur différents types d’entreprises européennes, telles que les micro, petites et moyennes entreprises ou les structures de holding opérant au niveau international.

3.3.

Le CESE souligne que cette proposition de directive ne représente qu’une composante d’un programme européen bien plus complet, conçu pour promouvoir la durabilité environnementale, le travail décent et les droits de l’homme dans le monde. Ce n’est qu’en aidant les pays à mieux remplir leur devoir de protection des droits de l’homme que nous pourrons opérer un changement systémique et durable sur le terrain. Les entreprises assument une responsabilité claire en matière de respect des droits de l’homme, mais elles ne peuvent se substituer au rôle essentiel et au bon fonctionnement des États, et en particulier à l’obligation qui leur incombe de lutter, sur leur territoire et sous leur juridiction, contre toute violation des droits de l’homme, en adoptant des mesures appropriées en matière de prévention, d’enquête, de sanction et de réparation en cas de violation de ces droits, et en s’appuyant sur des politiques, des législations, des réglementations et des procédures judiciaires efficaces.

3.4.

Les entreprises sont tenues de se conformer à la législation applicable et de respecter les droits de l’homme conformément aux principes directeurs des Nations unies. Elles doivent donc mettre en œuvre un processus efficace de vigilance pour garantir le respect des droits de l’homme tout au long des chaînes de valeur. Il incombe aux États et à leurs gouvernements d’engager des poursuites en cas de violation des droits de l’homme. Ils sont les premiers concernés par les droits de l’homme et par les conventions internationales afférentes. Les États disposent à juste titre de nombreux pouvoirs d’exécution que les entreprises n’ont pas et ne devraient jamais avoir, notamment pour ce qui est d’inspecter les lieux de travail, d’infliger des amendes, de saisir des avoirs, de révoquer des licences commerciales, d’arrêter des suspects, de poursuivre les auteurs présumés de violations et d’emprisonner les personnes condamnées.

3.5.

Le CESE souligne qu’il reste nécessaire de donner la priorité à la transformation écologique, parallèlement à la protection sociale et à la protection des droits de l’homme, notamment ceux des syndicats et des travailleurs. Les organisations de la société civile doivent aussi assumer un rôle clé pour instaurer des conditions de transparence fiables en ce qui concerne la violation des droits de l’homme et des droits environnementaux, de même que pour contrôler l’exigence prévue par la taxinomie de l’UE, selon laquelle les investissements doivent respecter le principe «ne pas causer de préjudice important» et les garanties minimales (11).

3.6.

Les syndicats et les représentants des travailleurs sont bien placés pour savoir où des fautes risquent d’être commises. Le CESE insiste donc sur l’importance d’associer ces acteurs à la mise en place d’un processus de vigilance (cartographie des risques), ainsi qu’à son suivi (mise en application) et au signalement des infractions (mécanismes d’alerte). Seul un partenariat social efficace permettra de mener à bien la transformation vers une économie durable plus sociale et plus écologique.

3.7.

Le CESE note qu’il convient de définir clairement la liste des droits de l’homme reconnus au niveau international sur laquelle la directive devrait se fonder afin de donner aux entreprises la sécurité juridique dont elles ont besoin dans la vie des affaires internationales. Le CESE estime que le devoir de vigilance des entreprises devrait être étendu pour prendre en compte les normes en matière de droits de l’homme reconnues dans les principes directeurs des Nations unies (12), à savoir les normes fondamentales du travail de l’OIT (interdiction du travail forcé, du travail des enfants et de la discrimination, et liberté d’association), de la déclaration universelle des droits de l’homme (13), du pacte international relatif aux droits civils et politiques (14) et du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (15). En outre, la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (16) ainsi que la convention européenne des droits de l’homme (17), la charte sociale européenne (18) du Conseil de l’Europe et la déclaration de principes tripartite de l’OIT sur les entreprises multinationales et la politique sociale (19) énoncent des droits, des valeurs et des principes qui guident les actions de l’Union européenne dans son ensemble.

3.8.

Le CESE considère que la directive doit être nettement améliorée, dans un souci d’harmonisation, de clarté et de sécurité juridiques. La fixation d’un cadre en matière d’obligation de diligence reposerait sur l’application d’une norme convenue, dont la mise en œuvre serait fondée sur des sanctions proportionnées, efficaces et dissuasives, la responsabilité étant engagée en cas de violation d’un ensemble clairement défini de droits de l’homme.

4.   Observations particulières

4.1.

Le CESE est préoccupé par la présence, dans la proposition de la Commission, de nombreuses notions juridiques peu claires, qui sont sujettes à interprétation et dont l’application par les autorités et les tribunaux nationaux pourrait diverger. Il estime notamment qu’il convient de mieux définir le terme de «relation commerciale bien établie», puisque cette notion détermine non seulement le champ d’application de la directive, mais aussi les exigences, les sanctions et les responsabilités en dommages-intérêts qui s’appliquent en matière de devoir de vigilance. Le concept de «chaîne de valeur en aval» nécessite, lui aussi, d’être défini plus précisément. Il n’appartient pas aux entreprises de contrôler les actions de leurs clients ni d’en assumer la responsabilité (20). Les «mesures appropriées» que les entreprises sont censées prendre pour être exonérées de toute responsabilité doivent être mieux définies et étayées par des exemples. Dernier point, mais non des moindres, l’obligation faite aux administrateurs de prendre en compte les contributions des «parties prenantes» n’a rien de clair.

4.2.

D’après la définition proposée dans le projet de directive, la chaîne de valeur engloberait non seulement les fournisseurs directs et indirects, c’est-à-dire les activités «en amont», mais aussi les activités «en aval» ou de fin de vie, à savoir l’utilisation et, le cas échéant, l’élimination d’un produit ou d’un service. Dans les faits, le suivi des activités «en aval» se heurte à une série de problèmes très pratiques. Il risque notamment d’être encore plus difficile de suivre un produit après sa mise sur le marché que de contrôler l’approvisionnement en matières premières et composants. C’est notamment le cas pour les produits recyclés, dont il est souvent impossible d’assurer la traçabilité.

4.3.

On devrait attendre des entreprises qu’elles conçoivent leurs procédures de vigilance en matière de droits de l’homme d’une manière qui soit fondée sur les risques et proportionnée à leur incidence potentielle et réelle. Le CESE estime dès lors qu’il convient d’adapter le champ d’application en conséquence, pour l’étendre soit aux partenaires contractuels directs, soit aux partenaires indirects, à la condition, dans cette seconde hypothèse, que l’on puisse raisonnablement s’attendre, eu égard aux circonstances de l’espèce, à ce que des mesures adéquates soient prises pour prévenir, atténuer, faire cesser ou réduire au minimum l’ampleur de l’incidence négative, par exemple dans le cas d’une forte intégration verticale. Cette approche éprouvée de la responsabilité se rencontre déjà dans la législation existante, par exemple en matière de traçabilité, comme le prévoit le règlement de base de l’Union [règlement (CE) no 178/2002 du Parlement européen et du Conseil (21)]. En substance, chaque entreprise est ainsi tenue de mettre en place des systèmes et des procédures reposant sur le principe «juste avant, juste après», pour déterminer qui sont le fournisseur direct et l’acheteur direct (à l’exclusion du consommateur final) de ses produits. Cette approche est bien établie et pertinente, puisque chaque maillon de la chaîne de valeur peut clairement être tenu responsable des processus sur lesquels il peut réellement influer.

4.4.

Par ailleurs, une approche fondée sur les risques peut aussi intégrer une méthode sectorielle. Le CESE se félicite ainsi que la proposition de directive reconnaisse la nécessité de prendre en compte certaines spécificités sectorielles dans les politiques en matière de vigilance. Le Comité invite les colégislateurs à tenir compte des grandes initiatives et normes multipartites qui ont été élaborées dans des domaines particulièrement vulnérables (par exemple pour le cacao, la banane et l’huile de palme).

4.5.

Le CESE tient à rappeler que les principes directeurs no 15 et no 22 des Nations unies exigent que les entreprises prévoient des mesures pour remédier aux violations des droits de l’homme qu’elles ont elles-mêmes causées ou auxquelles elles ont contribué. Néanmoins, ces principes n’obligent pas les entreprises à offrir des réparations lorsqu’une autre entreprise de la chaîne d’approvisionnement exerce une incidence négative sur les droits de l’homme. Ces dispositions reflètent ainsi la prémisse juridique fondamentale selon laquelle une responsabilité ne saurait être engagée que s’il existe un lien clair et prévisible entre le préjudice subi par la victime et l’entreprise responsable de ce préjudice. De même, les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales soulignent aussi que les efforts visant à empêcher toute incidence négative dans les chaînes d’approvisionnement ne transfèrent pas la responsabilité de l’entité à l’origine d’une incidence négative sur l’entreprise avec laquelle elle entretient une relation d’affaires. Dans un souci de cohérence, le CESE considère que la directive de l’Union devrait prévoir, elle aussi, que la responsabilité civile d’une entreprise ne soit engagée que lorsque celle-ci a directement causé une violation des droits de l’homme ou qu’elle y a contribué (c’est-à-dire qu’elle l’a causée en partie).

4.6.

Le CESE souscrit à l’approche de la Commission selon laquelle les autorités nationales doivent se doter de sanctions «effectives, proportionnées et dissuasives». Dans les cas de négligence ou de faute délibérée, l’autorité devrait être en mesure d’infliger des amendes appropriées. Toutefois, la portée des sanctions devrait être définie au niveau européen.

4.7.

Le CESE demande que la proposition définisse plus clairement les différents groupes et les obligations applicables en matière de vigilance. Dans sa forme actuelle, la proposition, et en particulier la définition du terme «entreprise» [article 3, point b)], semble indiquer que les exigences de la directive s’appliquent aux entreprises individuelles plutôt qu’aux groupes d’entreprises. Cela signifie qu’une entreprise dont le siège se situe dans un État membre et qui possède, dans d’autres États membres, des filiales relevant du champ d’application de la directive serait tenue de suivre les décisions de plusieurs autorités de contrôle, ce qui, dans la pratique, se révèle difficile et plus fastidieux. Une approche axée sur les groupes présente de nombreux avantages, notamment davantage de cohérence en ce qui concerne les mécanismes de publication d’informations, les procédures de signalement, le traitement des signalements et des plaintes, et les activités de formation et de sensibilisation au sein des entreprises. Ce constat est pris en compte dans la proposition de directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD), qui prévoit que les filiales soient exemptées de leurs obligations en la matière si les informations sont publiées pour l’ensemble du groupe. Une solution axée sur les groupes est plus à même de remédier aux différences qui risquent d’apparaître entre les législations nationales lors de la transposition de cette directive à travers les 27 États membres, et permettrait de s’aligner sur le plus grand dénominateur commun, voire de le dépasser. Dès lors, le CESE estime qu’il y a lieu de privilégier une démarche axée sur les groupes dans le domaine du devoir de vigilance.

4.8.

Bien que le devoir de vigilance incombe en premier lieu aux grandes entreprises, les micro, petites et moyennes entreprises seront indirectement touchées, car les entreprises relevant du champ d’application de la directive se montreront plus exigeantes en ce qui concerne la mise en œuvre des principes directeurs des Nations unies, la publication d’informations non financières et la gestion de la chaîne d’approvisionnement par leurs fournisseurs. Pour les petites entreprises, qui n’ont pas encore été incluses dans le champ d’application de ce type de législation, il est plus difficile de s’acquitter du considérable effort attendu. Elles ont notamment moins de poids que les grandes entreprises pour agir sur les risques en matière de droits de l’homme dans leur chaîne d’approvisionnement, et disposent de beaucoup moins de ressources pour réaliser des évaluations complètes des risques. Le CESE suggère à la Commission européenne de mettre en place un service d’assistance qui fournisse des informations facilement accessibles sur les risques en matière de droits de l’homme dans les différents pays et régions, auquel les parties prenantes pourraient s’adresser et avec lequel les régions et pays partenaires pourraient collaborer. Ce service d’assistance devrait également appuyer le renforcement des capacités des fournisseurs en matière de droits de l’homme dans les pays tiers et le renforcement de leurs performances environnementales. Le CESE invite en outre les États membres à offrir une aide qui soit à la fois pratique, spécifique et efficace, en particulier aux micro, petites et moyennes entreprises, dans le cadre d’une coopération structurelle avec les organisations représentatives concernées. Le CESE estime qu’il est de la plus haute importance que les entreprises visées par cette directive soient définies dans le respect des autres textes législatifs européens applicables, énumérés au paragraphe 2.1.

4.9.

Le CESE note que la Commission inclut expressément le secteur financier dans sa proposition. La finance durable englobe le respect des droits de l’homme et joue un rôle important dans la transformation de l’économie vers plus de respect de l’environnement et de responsabilité sociale. Toutefois, la proposition reste vague en ce qui concerne les procédures de vérification des prêts ou des financements, et il est à craindre que les dispositions de la directive ne soient, de facto, étendues indirectement aux micro, petites et moyennes entreprises, alors que la proposition ne les inclut pas explicitement. Les micro, petites et moyennes entreprises qui interviennent comme fournisseurs dans la chaîne d’approvisionnement seront indirectement touchées et ainsi confrontées à des défis considérables.

4.10.

Le CESE reconnaît que la gouvernance durable des entreprises passe par un engagement clair et crédible des administrateurs, notamment en ce qui concerne la mise en place d’un processus de vigilance solide et opérationnel au sein des entreprises, et permet de tenir les entreprises responsables de l’incidence de leurs activités. Le CESE renvoie à la directive sur les droits des actionnaires, qui précise la manière dont les performances des entreprises et des administrateurs sont liées aux questions économiques, sociales et de gouvernance (22). Le CESE fait remarquer que les obligations des administrateurs doivent comporter de solides obligations en matière de vigilance, assorties d’un système de sanctions en cas de non-respect de ces obligations par les entreprises. Toutes les parties prenantes d’une entreprise, et pas seulement ses actionnaires, devraient aspirer à la durabilité écologique, sociale et économique. Dans un certain nombre d’États membres de l’Union, les conseils d’administration sont absolument tenus de consulter les représentants des travailleurs. Il y a lieu de respecter ces législations et règles nationales.

4.11.

Il n’a pas échappé au CESE que le comité d’examen de la réglementation de la Commission a lui-même rejeté les éléments allant au-delà du devoir de vigilance, en indiquant notamment qu’il est difficile de comprendre en quoi il est nécessaire de réglementer les obligations des administrateurs en plus des exigences liées au devoir de vigilance, et qu’il convient de mieux expliquer et évaluer l’intérêt qu’il y a à réglementer les obligations des administrateurs, sachant que la mise en place d’obligations en matière de vigilance implique déjà une gestion des risques et la prise en compte des intérêts des parties prenantes (23). Dans ce contexte, le CESE estime qu’il est nécessaire d’étendre encore les obligations des administrateurs et de mieux les aligner sur les objectifs du pacte vert.

Bruxelles, le 14 juillet 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Organisation des Nations unies (2015), Transformer notre monde: le Programme de développement durable à l’horizon 2030 (A/RES/70/1).

(2)  Le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a souscrit aux principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme dans sa résolution 17/4 du 16 juin 2011(A/HRC/RES/17/4).

(3)  OCDE (2011), Les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, Éditions OCDE, http://dx.doi.org/10.1787/9789264115439-fr

(4)  COM(2021) 189 final; JO C 517 du 22.12.2021, p. 51.

(5)  COM(2021) 706 final.

(6)  COM(2020) 798 final.

(7)  COM(2022) 142 final.

(8)  JO L 198 du 22.6.2020, p. 13.

(9)  Projet d’initiative intitulée «Interdire efficacement la mise sur le marché des produits fabriqués, extraits ou récoltés dans le cadre du travail forcé».

(10)  C’est le cas de la France (Loi relative au devoir de vigilance, 2017), de l’Allemagne (Sorgfaltspflichtengesetz, 2021) et des Pays-Bas (Wet zorgplicht kinderarbeid, 2019).

(11)  JO C 152 du 6.4.2022, p. 105.

(12)  Principe directeur no 12 des Nations unies (commentaire, paragraphe 2).

(13)  Organisation des Nations unies (1948), Déclaration universelle des droits de l’homme [A/RES/217(III)].

(14)  Organisation des Nations unies (1966), Pacte international relatif aux droits civils et politiques, A/RES/2200A(XXI).

(15)  Organisation des Nations unies (1966), Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, A/RES/2200A(XXI).

(16)  JO C 326 du 26.10.2012, p. 391.

(17)  Conseil de l’Europe, Convention européenne des droits de l’homme.

(18)  Conseil de l’Europe, Charte sociale européenne (révisée).

(19)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 136.

(20)  Les dispositions applicables sont reprises dans la législation européenne relative aux activités en aval, en ce qui concerne le contrôle des exportations de matériaux sensibles (biens à double usage et biens à usage militaire).

(21)  Règlement (CE) no 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires (JO L 31 du 1.2.2002, p. 1).

(22)  Voir l’article 9 bis de la directive sur les droits des actionnaires.

(23)  Avis du comité d’examen de la réglementation sur l’analyse d’impact accompagnant la proposition de directive (en anglais).


22.11.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 443/87


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 909/2014 en ce qui concerne la discipline en matière de règlement, la fourniture transfrontière de services, la coopération en matière de surveillance, la fourniture de services accessoires de type bancaire et les exigences applicables aux dépositaires centraux de titres de pays tiers

[COM(2022) 120 final — 2022/0074 (COD)]

(2022/C 443/12)

Rapporteur:

Kęstutis KUPŠYS

Corapporteur:

Christophe LEFÈVRE

Consultations

Conseil de l’Union européenne, 12.4.2022

Parlement européen, 4.4.2022

Base juridique

Articles 114 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section

1.7.2022

Adoption en session plénière

14.7.2022

Session plénière no

571

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

185/0/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) estime que, d’une manière générale, la Commission propose des solutions suffisantes et efficace aux cinq principaux problèmes recensés lors du processus de réexamen du règlement sur les dépositaires centraux de titres (DCT). Des procédures de règlement plus performantes au niveau de l’Union européenne rendront les marchés des capitaux plus attrayants tant pour les émetteurs que pour les investisseurs, et une étape supplémentaire sera franchie vers le parachèvement de l’union des marchés des capitaux (UMC).

1.2.

Le CESE accueille favorablement les initiatives judicieusement proportionnées de la Commission visant à remplacer par une notification les exigences en vigueur relatives au passeportage, et se félicite de la proposition d’améliorer la coopération en matière de surveillance grâce à la mise en place de collèges d’autorités de surveillance appropriés, mais qui ne font pas double emploi.

1.3.

En ce qui concerne la fourniture de services accessoires de type bancaire, le Comité est d’avis que les solutions fondées sur le règlement en monnaie de banque centrale recèlent encore d’autres possibilités. Afin de réduire plus avant une multiplicité de risques différents, il convient de faire un usage accru de la plateforme existante, TARGET2-Titres (T2S), destinée au règlement de titres multidevises en monnaie de banque centrale.

1.4.

Le CESE juge utile de compléter l’actuelle proposition de la Commission par des dispositions sur la reconnaissance du rôle central de T2S dans l’infrastructure européenne de règlement de titres, tout en résolvant, du moins en partie, le problème du sous-développement des services accessoires de type bancaire parmi les dépositaires centraux de titres.

1.5.

Le CESE note que la partie la plus controversée de la proposition, à savoir l’approche «en deux étapes» quant à l’éventuelle imposition de rachats d’office, demeure une option équilibrée. L’on ne devrait envisager des rachats d’office qu’après avoir examiné en détail les causes sous-jacentes des défauts de règlement et déterminé avec précision si d’autres mesures visant à en réduire le nombre produiront des résultats satisfaisants.

1.6.

Le Comité est pleinement conscient du fait que le régime pilote relatif à la technologie des registres distribués constitue une composante importante du contexte législatif de la révision du règlement sur les DCT, tout en mettant en garde contre le fait que la création d’un «bac à sable réglementaire» ne doit pas servir de précédent pour abaisser les normes existantes en matière de comportement sur le marché et de protection des investisseurs. Les DCT devraient jouer un rôle clé dans la gestion des réseaux de registres distribués, définis de manière à réduire le risque de contrepartie. Par ailleurs, le CESE plaide en faveur d’une réglementation plus stricte en matière de surveillance pour l’application des sanctions, suggérant que le règlement sur les dépositaires centraux de titres impose aux DCT, aux émetteurs et aux participants de mettre en place un mécanisme viable et permanent permettant d’échanger et de partager des données relatives à l’application de sanctions européennes communes.

2.   Contexte de l’avis

2.1.

Les dépositaires centraux de titres sont des entités qui détiennent et gèrent des titres, et qui traitent les transactions sur titres par inscription en compte (1), en exploitant l’infrastructure qui permet leur exécution. Ce service principal qu’ils assurent est généralement appelé «règlement». Au sein de l’Union européenne, les DCT (2) existants règlent des transactions d’une valeur nettement supérieure à 1 000 000 milliards d’euros par an, soit plus de 70 fois le produit intérieur brut de l’UE (3), ou plus de 17 fois l’encours de l’ensemble des titres détenus sur leurs comptes (4). Les dépositaires centraux de titres fournissent également d’autres services de base, tels que i) le service notarial, c’est-à-dire le suivi des titres nouvellement émis, et ii) le service de tenue centralisée de comptes, à savoir l’enregistrement de chaque changement dans la détention de ces titres. Pour les DCT opérant à l’intérieur des frontières nationales, des procédures éprouvées et efficaces existaient depuis des décennies, mais à mesure que les marchés sont devenus plus interconnectés, et en raison de l’augmentation des transactions transfrontières en Europe, la nécessité d’harmoniser le règlement transfrontière et la fourniture d’autres services est devenue manifeste.

2.2.

Le règlement de 2014, introduit après la crise financière de 2008, est entré en vigueur le 17 septembre 2014, faisant l’objet d’une mise en œuvre échelonnée (5). Il a contribué à améliorer de manière significative l’environnement post-marché, en instaurant notamment un délai de règlement normalisé, en renforçant la discipline en matière de règlement transfrontière, en introduisant des règles cohérentes pour les dépositaires centraux de titres établis dans l’Union (concernant, par exemple, l’octroi de licences, l’agrément ou la surveillance), ainsi qu’en garantissant aux émetteurs de titres la liberté de choix de leur DCT.

2.3.

L’une des principales avancées qu’a permises le règlement portait sur la discipline en matière de règlement: des mesures ont été prévues pour prévenir les défauts de règlement et, le cas échéant, y remédier. Cependant, comme il est ressorti d’une évaluation plus approfondie, ces mesures n’ont pas été suffisantes, les résultats enregistrés au moyen d’indicateurs relatifs aux défauts de règlement dans l’Union restant encore nettement moins bons que ceux obtenus dans d’autres centres financiers, et ce, même en tenant compte de la nature très fragmentée des marchés des capitaux européens, en comparaison avec d’autres marchés parfaitement homogènes (6).

2.4.

Le règlement a aussi apporté une autre amélioration majeure en vue de faciliter les flux transfrontières de capitaux, à savoir la libre prestation de services dans un autre État membre, ou «passeportage», à l’instar du performant cadre paneuropéen pour les services bancaires, incitant dès lors les dépositaires centraux de titres à étendre leurs activités au-delà des frontières nationales. Il a également défini les modalités de fourniture, par les DCT, de services accessoires de type bancaire (des services de soutien au règlement de titres), laquelle est soumise au strict respect des exigences prudentielles spécifiques concernant le risque de crédit lié à ces services. Toutefois, le cadre juridique n’a pas permis d’atteindre le niveau d’intégration souhaité du système de règlement de l’Union, les dépositaires centraux de titres étant réticents à assurer des services accessoires ou à engager une procédure coûteuse de passeportage.

2.5.

La Commission a présenté en mars 2022 une proposition de réexamen du règlement de 2014 (ci-après le «réexamen du règlement sur les DCT» ou «réexamen»), tel qu’il était prescrit à son article 75. Les cinq problématiques principales traitées sont les suivantes:

i)

la lourdeur des exigences en matière de passeportage;

ii)

la faiblesse de la coopération en matière de surveillance;

iii)

les exigences disproportionnées relatives à la fourniture de services accessoires de type bancaire;

iv)

les lacunes débouchant sur des défauts de règlement;

v)

le manque d’informations sur les activités exercées dans l’Union par les dépositaires centraux de titres de pays tiers.

2.6.

De manière presque simultanée à l’entrée en vigueur du règlement sur les DCT, mais dans un cadre distinct, TARGET2-Titres (T2S), la première plateforme de règlement de titres multidevises en monnaie de banque centrale (7) a été lancée le 22 juin 2015. Les clients, généralement des banques, des DCT connectés à la plateforme T2S bénéficient ainsi de la possibilité de choisir entre un règlement en euros en monnaie de banque commerciale ou en monnaie de banque centrale. En réglant des titres en monnaie de banque centrale par l’intermédiaire de T2S, les dépositaires centraux de titres peuvent offrir à leurs clients un accès au réservoir unique de liquidités des services TARGET de l’Eurosystème chargés des garanties, des paiements et du règlement de titres. Par conséquent, les liquidités dont il est besoin pour régler les transactions dans toute l’Europe ont subi une baisse considérable, qui, toutefois, n’a eu aucune incidence sur les coûts pour des raisons diverses, mais en premier lieu parce que le marché reste fragmenté selon les lignes monétaires: en 2019, les redevances de T2S sont passées de 15 centimes d’euro par transaction dite de «livraison contre paiement» à 23,5 centimes d’euro (8). La plateforme T2S n’entre pas dans le champ d’application de la proposition de révision du règlement sur les DCT présentée par la Commission en mars 2022.

3.   Observations générales

3.1.

Comme il l’avait fait savoir dans son avis intitulé «Une union des marchés des capitaux au service des personnes et des entreprises — nouveau plan d’action» (9), le CESE accueille favorablement les initiatives prises par la Commission pour concrétiser la vision ambitieuse de l’UMC, qui est de permettre la circulation des capitaux dans toute l’Union européenne au bénéfice des consommateurs, des investisseurs et des entreprises. Parmi les 16 mesures exposées dans le plan d’action pour l’UMC, l’une des plus importantes porte sur l’amélioration des services de règlement transfrontière (action no 13), au vu des lacunes criantes de la réglementation existante et de la conviction qu’une action législative rapide est à même de faire progresser l’union des marchés des capitaux.

3.2.

En ce qui concerne les cinq principaux problèmes recensés par la Commission, ayant donné lieu au réexamen, le CESE estime que la voie à suivre proposée est suffisante et efficace.

3.3.

La proposition de remplacer les exigences existantes en matière de passeportage, qui présentent une certaine lourdeur ou un manque de clarté, par une notification (les États membres ne pouvant pas, dès lors, refuser la demande d’un DCT) constitue une étape importante vers un système de règlement plus harmonieux et interconnecté, qui entraînera une réduction des coûts pour les dépositaires centraux de titres désireux de fournir des services transfrontières. Toutefois, il reste à voir comment ces mesures de soutien permettront aux émetteurs et aux investisseurs de réaliser des économies de coûts. Il y a lieu de veiller tout particulièrement à ce que les autorités de surveillance dans les pays d’accueil puissent continuer à surveiller le marché.

3.4.

La nécessité de réduire les coûts tout en améliorant la coopération en matière de surveillance a poussé la Commission à proposer la création de collèges d’autorités de surveillance, une mesure appropriée et équilibrée à laquelle le CESE est résolument favorable. Le Comité se félicite de la mise en place, pour un dépositaire central de titres, d’un seul collège au lieu de deux collèges distincts, afin que le DCT ne soit pas soumis simultanément au «collège de passeportage» et au «collège de groupe». Cela devrait permettre de réduire les coûts et contribuer à la réalisation de synergies considérables en matière de surveillance.

3.5.

L’une des principales améliorations apportées au cadre régissant la fourniture de services accessoires de type bancaire provient de la modification de l’article 54, paragraphe 4, du règlement, à laquelle le Comité souscrit fermement, car elle permet aux dépositaires centraux de titres de demander la fourniture des services susmentionnés, non seulement auprès d’établissements de crédit désignés, mais aussi auprès d’autres DCT.

3.5.1.

Le CESE reconnaît néanmoins que cette évolution pourrait accroître les risques pour la stabilité financière. S’il voit d’un œil favorable l’objectif d’améliorer la prestation de services transfrontières en levant les obstacles à la fourniture de services accessoires de type bancaire, et partage cette aspiration, le Comité perçoit les possibilités que recèlent les solutions fondées sur le règlement en monnaie de banque centrale, par nature plus sûre. Certes, il conviendrait de traiter cette question, dans une large mesure, en dehors du cadre du règlement sur les DCT, s’agissant par exemple de l’expansion de T2S, du développement des monnaies numériques de banque centrale de gros ou encore de la suppression des obstacles juridiques.

3.5.2.

Il n’est cependant pas certain que la voie choisie par la Commission, consistant à donner mandat à l’Autorité bancaire européenne (ABE) d’élaborer des projets de normes techniques de réglementation déterminant un seuil en dessous duquel ces services accessoires de type bancaire peuvent être fournis par des établissements de crédit, soit la plus indiquée. L’aspect positif est que ladite autorité est la mieux placée pour calibrer ce seuil et que la Commission dispose au besoin d’une plus grande marge de manœuvre. Indépendamment de ce qui précède, le CESE a soulevé à plusieurs reprises (10) le problème qui se pose lorsque les colégislateurs sont privés de leur compétence pour statuer sur des questions importantes exposées dans l’acte législatif soumis au débat. Il plaide dès lors pour que les questions importantes de politique économique soient réglementées dans le cadre d’une procédure législative ordinaire (11).

3.6.

Les mesures visant à améliorer la discipline en matière de règlement sont tout à fait bienvenues. Le Comité se félicite également qu’en la matière, des clarifications ait été apportées et des exceptions ait été prévues à bien des égards dans le cadre du réexamen. La décision de la Commission consistant à éviter d’imposer d’emblée des rachats d’office revêt une importance toute particulière. Ces opérations de rachat d’office pourraient devenir applicables, le cas échéant, quand le régime de sanctions ne permet pas à lui seul de remédier aux défauts de règlement dans l’Union européenne. L’introduction de mécanismes de transmission, qui éviteraient les rachats d’office en cascade, semble atténuer les faiblesses sous-jacentes du régime proposé en la matière (ou la crainte qu’il ne soit pas appliqué de manière optimale). Le Comité estime qu’il est prudent d’adopter une approche «en deux étapes» en ce qui concerne les rachats d’office et que, de cette manière, les marchés européens des capitaux deviendront à long terme plus attrayants pour les émetteurs comme pour les investisseurs.

3.7.

Les dispositions relatives aux DCT de pays tiers sont particulièrement importantes à l’aune de la quête d’autonomie stratégique ouverte que poursuit l’Union européenne. Le CESE accueille favorablement l’introduction, à l’article 25 modifié du règlement sur les DCT, d’une exigence imposant aux dépositaires centraux de titres qui envisagent de fournir des services de règlement en vertu du droit d’un État membre de soumettre une notification à l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF). Le Comité soutient également les mesures introduites au titre du réexamen visant à réglementer d’autres aspects des opérations menées par des DCT de pays tiers dans l’UE et, partant, à créer des conditions de concurrence équitables ainsi qu’un environnement plus concurrentiel.

4.   Observations particulières

Rôle de T2S

4.1.

Compte tenu de l’importance considérable que revêt la plateforme T2S, le CESE est d’avis qu’il faudrait mettre en place un cadre cohérent de surveillance et de supervision quant au rôle de celle-ci au sein du système de règlement global. Il conviendrait de moderniser les accords volontaires en vigueur entre la Banque centrale européenne (BCE), l’AEMF, les autorités nationales compétentes des dépositaires centraux de titres participant à T2S et les banques centrales chargées de surveiller ces DCT, de sorte que le nouveau cadre législatif confère des rôles bien définis à toutes les autorités participantes: les autorités nationales compétentes, les banques centrales et la BCE en tant que superviseurs principaux, et l’AEMF en tant qu’autorité de surveillance. Ce cadre renforcé pourrait prendre la forme d’un collège d’autorités de surveillance.

4.2.

Le CESE invite dès lors les colégislateurs à faire entrer la plateforme de règlement systémique T2S dans le champ d’application du règlement sur les DCT et à créer les conditions propices à l’adoption généralisée du règlement via l’instrument T2S dans l’Union (12). Cette démarche est indispensable pour permettre au système multidevises de fonctionner enfin à pleine capacité, malgré les réserves, dont on comprend fort bien l’existence, émises par les banques centrales et les DCT des pays n’appartenant pas à la zone euro. Le rôle de T2S dans l’harmonisation des flux de données et d’informations — un aspect crucial pour la fourniture effective de services par les DCT — devrait également être reconnu et inclus dans la proposition législative.

4.3.

La plateforme T2S fait actuellement l’objet d’un suivi effectué sur la base d’un certain nombre de principes applicables à l’infrastructure des marchés financiers, tels que prévus dans le cadre de surveillance de la BCE; il s’agit d’une approche subtile qui reconnaît l’importance systémique de cette plateforme pour l’Espace économique européen. Le CESE ne constate aucun conflit de réglementation affectant l’indépendance incontestée de la BCE, puisque la plateforme T2S peut être considérée comme un outil infrastructurel destiné aux acteurs des marchés financiers qui, pour plusieurs raisons, est mieux développé sous l’égide de la BCE qu’en d’autres enceintes. En outre, la participation de la BCE au règlement de titres par l’intermédiaire de la plateforme se démarque des fonctions classiques de banque centrale, d’où la nécessité évidente d’inclure T2S dans le règlement sur les DCT pour garantir aussi bien la cohérence du cadre réglementaire que son efficacité.

Suivi de la discipline en matière de règlement

4.4.

Le CESE note que la partie la plus controversée de la proposition, qui concerne l’application éventuelle de rachats d’office, selon une approche «en deux étapes», demeure une option équilibrée à prendre en compte jusqu’à ce que l’on détermine avec précision si d’autres mesures visant à réduire les défauts de règlement produiront des résultats satisfaisants.

4.5.

Le Comité estime toutefois que traiter cette question le plus tôt possible permettrait d’obtenir une meilleure compréhension, plus approfondie, des causes provoquant les défauts de règlement. Le CESE demande dès lors l’introduction d’une date d’échéance fixe pour évaluer les progrès réalisés en ce qui concerne les indicateurs de défaut de règlement et déterminer les causes qui sous-tendent ces défauts; cette évaluation prendrait la forme d’un rapport public rédigé par l’autorité compétente, idéalement dans un délai de 12 mois après l’entrée en vigueur du régime de sanctions.

4.6.

Si certains d’entre eux préconisent la suppression pure et simple de l’obligation de rachat d’office, le CESE se montre plus prudent, au vu de la fréquence, tellement élevée qu’elle en devient inacceptable, des défauts de règlement, y compris par rapport à d’autres grandes juridictions financières. La suppression d’une option stratégique importante de la boîte à outils de la Commission ne permettrait pas d’améliorer la situation à cet égard. Dans ce cas particulier, l’adoption d’un acte d’exécution semble être une option appropriée.

4.7.

Le Comité reconnaît qu’il existe un moyen très efficace de faire rapidement baisser le nombre de défauts de règlement: il consiste à durcir les sanctions existantes jusqu’à atteindre le bon équilibre. Il y a lieu d’être particulièrement attentif aux défauts de règlement liés à des pratiques de «vente à découvert». Les rachats d’office pourraient représenter une option de dernier recours, prête à être mise en œuvre avec une extrême prudence, après des consultations appropriées avec les acteurs du marché, si toutes les autres solutions venaient à échouer.

4.8.

Avant d’entreprendre quelque action que ce soit, il convient de prêter une attention particulière aux mesures qui visent à raccourcir les chaînes d’intermédiaires. Les raisons du recours généralisé à la technique de «pré-appariement» doivent faire l’objet d’un examen approfondi. Étant donné que de nombreuses défaillances (techniques) surviennent en raison de retards dans les longues chaînes de règlement, l’on ne saurait imposer des rachats d’office sans tenir compte de ce facteur ni sans avoir préalablement mis en œuvre des mesures appropriées à même de favoriser un raccourcissement des «chaînes de commandement» des règlements.

Règlement en «actifs numériques» au sein du système de règlement d’un DCT

4.9.

L’augmentation du nombre d’«actifs numériques» a mis en évidence l’interconnexion fonctionnelle des services de négociation et de règlement pour un actif donné. L’adoption de la technologie des registres distribués, dans le secteur financier et ailleurs, offre un potentiel formidable. Pour que la négociation et le règlement concernant les actifs «traditionnels» restent compétitifs par rapport à la négociation et au règlement portant sur les «actifs numériques», les dépositaires centraux de titres devraient être autorisés à mettre en place facilement leurs propres systèmes de négociation pour les instruments grâce auxquels ils règlent les transactions. Le CESE est pleinement conscient du fait que le régime pilote relatif à la technologie des registres distribués constitue un élément important du contexte législatif dans lequel s’inscrit le réexamen du règlement sur les DCT. Le Comité est favorable à ce que toute modification du règlement sur les DCT visant à exploiter pleinement le potentiel de cette technologie soit reportée jusqu’à ce que la proposition de la Commission relative au régime pilote susmentionné soit adoptée. Toutefois, il évoque la possibilité de mettre en place, à titre provisoire, un système multilatéral de négociation pour les instruments réglés au sein du système de règlement d’un DCT. Le maintien d’un tel système devrait être considéré comme un service accessoire au sens de la section B, partie 1, de l’annexe au règlement sur les dépositaires centraux de titres.

4.10.

Le CESE tient à signaler que la création d’un «bac à sable réglementaire» ne doit pas constituer un précédent pour abaisser les normes existantes en matière de comportement sur le marché et de protection des investisseurs. Transférer l’intégralité des processus de règlement vers des réseaux fondés sur la technologie des registres distribués permet d’accroître l’efficacité en diminuant les coûts de transaction associés et de réduire les risques encourus en raccourcissant la chaîne bien trop longue des intermédiaires. Néanmoins, l’exploitation des réseaux en question ne suffit pas à rendre le risque de contrepartie obsolète. Il faut absolument veiller à définir les conditions de participation à ces réseaux de manière à réduire le risque de contrepartie. Les dépositaires centraux de titres devraient jouer un rôle clé dans la gestion de l’infrastructure.

Exécution des sanctions

4.11.

Le réexamen du règlement sur les dépositaires centraux de titres intervient à un moment extrêmement difficile, au beau milieu de la guerre que mène la Russie contre l’Ukraine. L’infrastructure des marchés financiers européens a été conçue pour pouvoir surmonter de tels chocs. En outre, le segment qui revêt une importance systémique, à savoir le réseau des DCT, joue désormais un rôle déterminant pour s’assurer que les sanctions prises par l’Occident à l’encontre de la Russie sont correctement mises en œuvre sur le plan opérationnel. Le CESE invite la Commission à fournir les orientations nécessaires concernant les cas où les mesures liées aux sanctions s’appliquent dans un contexte inconnu, créant ainsi de l’incertitude parmi les acteurs du marché. L’on pourrait également envisager de recourir à certaines dispositions comprises dans ces orientations proposant des «solutions rapides» afin d’améliorer encore le règlement révisé et de l’adapter plus avant aux défis de demain.

4.12.

Dans le contexte de l’évolution de la situation internationale, le CESE suggère que le règlement sur les dépositaires centraux de titres impose aux DCT, aux émetteurs et aux participants de mettre en place un mécanisme viable et permanent permettant d’échanger et de partager des données relatives à l’application de sanctions européennes communes. Il ne faudrait pas qu’une situation survienne dans laquelle une action est omise uniquement parce que les différents participants ne sont pas en mesure de parvenir à une conclusion qui, autrement, devrait être simple ou à tout le moins réalisable (c’est-à-dire si elle est envisagée de manière conjointe). La question de savoir si le règlement sur les DCT doit être considéré comme un instrument juridique approprié à cet effet est tout à fait légitime. Cependant, le Comité plaide en faveur d’une réglementation de contrôle plus stricte s’agissant de l’exécution des sanctions.

Bruxelles, le 14 juillet 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Il est possible de détenir des titres sous une forme physique ou dématérialisée.

(2)  Il existe 26 DCT, auxquels s’ajoutent deux dépositaires centraux internationaux de titres. Source: Registre de l’AEMF.

(3)  D’après les données d’Eurostat relatives au PIB pour 2021, soit 14 400 milliards d’euros.

(4)  Fin 2020, plus de 56 000 milliards d’euros de titres étaient détenus au sein des systèmes de règlement de titres de l’UE. Données produites par la base de données statistiques de la BCE sur la négociation, la compensation et le règlement de titres. Consulté le 4 mai 2022.

(5)  JO C 299 du 4.10.2012, p. 76.

(6)  Les défauts de règlement sur actions, calculés en pourcentage du nombre total de transactions, sont tombés à 3 % avant les turbulences du marché provoquées par la COVID-19, mais ont depuis repris leur envol pour atteindre 4,5 %. En pourcentage de la valeur, le ratio est passé de 6 % avant mars 2020 à 9 % en janvier 2021. Source: Rapport d’analyse d’impact. Toutefois, l’expérience du marché montre que la majorité des défauts ont lieu à cause du fait que l’instruction de règlement parvient au système de règlement via la chaîne d’intermédiaires après le jour désigné par les parties finales comme étant le «jour de règlement convenu».

(7)  Système TARGET2-Titres. À l’heure actuelle, 19 DCT issus de 20 pays européens sont connectés à TARGET2-Titres. Le règlement via T2S en couronne danoise est possible depuis octobre 2018.

(8)  Tarification du système TARGET2-Titres.

(9)  JO C 155 du 30.4.2021, p. 20.

(10)  Voir, plus récemment, le paragraphe 2.3 de l’avis du CESE sur le «Réexamen de la directive Solvabilité II», adopté en février 2022 (JO C 275 du 18.7.2022, p. 45).

(11)  Avis du CESE sur le «Réexamen de la directive Solvabilité II» (JO C 275 du 18.7.2022, p. 45).

(12)  À l’exception de la couronne danoise, aucun autre règlement dans une monnaie différente de l’euro ne peut être effectué par l’intermédiaire du système T2S, car les acteurs concernés hors du système de règlement de la zone euro hésitent encore à y adhérer et l’approche qu’ils suivent est attentiste.


22.11.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 443/93


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique

[COM(2022) 105 final]

(2022/C 443/13)

Rapporteur:

José Antonio MORENO DÍAZ

Corapporteure:

Ody NEISINGH

Consultation

Commission européenne, 2.5.2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

22.6.2022

Adoption en session plénière

13.7.2022

Session plénière no

571

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

200/7/7

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite de l’innovation réglementaire que représente une directive sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes, dans laquelle est adoptée l’approche intersectionnelle et que la société appelle largement de ses vœux.

1.2.

En outre, compte tenu de la portée et de la diffusion des multiples formes de violence dont sont victimes les femmes, il est nécessaire que les politiques visant à contrer ce phénomène ne prennent pas la forme d’actions neutres, mais soient élaborées dans une perspective claire et univoque en matière d’égalité entre les hommes et les femmes, de manière à ce que leur nécessité et leur efficacité soient plus aisément appréhendées.

1.3.

Le CESE tient à rappeler qu’il juge indispensable et urgent d’encourager tous les États membres qui ne l’ont pas encore fait, ainsi que l’Union européenne elle-même, à ratifier tant la convention no 190 de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur la violence et le harcèlement que celle d’Istanbul.

1.4.

Le CESE estime qu’il conviendrait d’inclure dans la directive à l’examen toutes les formes de violence à l’égard des femmes, telles que, entre autres, la violence institutionnelle, l’exploitation sexuelle et génésique, le harcèlement au travail, la violence fondée sur le genre dans le cadre familial, la soumission chimique, le harcèlement de rue, le harcèlement sexuel fondé sur le sexe ou le genre, ou encore la stérilisation forcée des femmes handicapées.

1.5.

Le CESE considère qu’il faut opter pour l’inclusion de la violence à l’égard des femmes parmi les infractions pénales de portée européenne («eurocrimes») visées à l’article 83, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

1.6.

Le CESE est d’avis que dans le cadre du dialogue social et de la négociation collective, il conviendrait de prévoir des mesures concrètes afin de garantir que les victimes de violences à l’égard des femmes puissent conserver leur emploi et, si elles en sont dépourvues, bénéficier d’actions d’insertion professionnelle.

1.7.

Dans la droite ligne de la position adoptée par le Parlement européen et en accord avec la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF), le CESE est d’avis qu’il y a lieu d’utiliser l’expression «femmes en situation de prostitution» en remplacement de la notion de «travailleuses sexuelles».

1.8.

Le Comité juge que des aspects tels que l’existence d’une menace préalable à l’encontre de la victime ou de son entourage affectif ou familial, ainsi que le profit, constituent des facteurs qui devraient être pris en compte au titre des circonstances aggravantes.

1.9.

En outre, il y aurait lieu d’accorder une attention particulière aux femmes et aux filles issues de minorités ethniques ou culturelles, telles que les Roms, aux femmes migrantes, en particulier celles qui sont en situation administrative irrégulière, ainsi qu’aux filles et aux femmes réfugiées qui ont fui la guerre.

1.10.

Le CESE demande également de prêter tout spécialement attention aux femmes handicapées, qui sont davantage exposées à des agressions fondées sur le genre en raison même de leur handicap.

1.11.

En ce qui concerne le cyberharcèlement, l’opinion du CESE est que l’absence de consentement et l’exposition publique devraient être constitutifs en soi de cette infraction.

1.12.

Le Comité est d’avis qu’orienter les victimes vers des services d’aide est une démarche qui doit s’effectuer non seulement en temps utile et de manière coordonnée, mais aussi à titre prioritaire et urgent.

1.13.

Le Comité demande à la Commission européenne d’ajouter les prestations de santé, y compris sexuelle et génésique, à la liste des services essentiels de soutien aux victimes, et d’exhorter tous les États membres de l’Union européenne à lever d’urgence tous les obstacles qui entravent l’accès à la contraception d’urgence et aux services d’interruption volontaire de grossesse à la suite d’un viol.

1.14.

Le Comité est d’avis que les ordonnances d’injonction et de protection d’urgence, visant à préserver l’intégrité physique et psychologique des victimes, doivent nécessairement prévoir des mesures qui empêchent les auteurs des violences de les harceler ou de s’en approcher physiquement.

1.15.

Le CESE estime que l’accessibilité et la gratuité devraient également être explicitement prévues dans tous les dispositifs et mesures de soutien aux victimes de violences sexuelles.

1.16.

Le Comité attire l’attention sur les limitations qui affectent la directive à l’examen dès lors que les services de conseil et de prise en charge envisagés dans le cadre du harcèlement sexuel sur le lieu de travail ne présentent qu’un caractère externe et qu’il n’est tenu aucun compte de l’importance que revêtent le dialogue social, les négociations collectives ou la nécessité d’assurer la participation des partenaires sociaux à la démarche et de négocier avec eux.

1.17.

Eu égard à l’influence que l’enseignement exerce en ce qui concerne la formation de rôles et de stéréotypes liés au genre, la fonction préventive qu’il joue, notamment au moyen d’une éducation complète à la sexualité, devrait être envisagée à toutes les étapes du parcours formatif, et il conviendrait que la coopération institutionnelle prévoie explicitement une participation à la démarche de la communauté pédagogique, des organisations de la société civile, dont, en particulier, les associations féministes, des partenaires sociaux et des communautés concernées.

1.18.

Le Comité s’accorde à considérer que l’intérêt supérieur du mineur devrait prévaloir sur le droit de visite lorsqu’il existe des doutes raisonnables quant à la possibilité de garantir que ces contacts avec lui se déroulent en toute sécurité, tant sur le plan physique qu’émotionnel.

1.19.

Le Comité se félicite que les mutilations génitales féminines soient incluses dans la directive en tant qu’infraction spécifique.

1.20.

Le CESE considère toutefois que les violations plus larges qui portent atteinte à la santé et aux droits en matière de sexualité et de procréation, comme la violence gynécologique et obstétrique, la grossesse forcée et le refus de soins à l’avortement, devraient également être combattues à titre de violences à l’égard des femmes. De même, le Comité constate avec préoccupation que la définition de la violence à l’égard des femmes n’englobe ni les restrictions qui existent concernant la possibilité d’une interruption volontaire de grossesse pratiquée en toute liberté et en toute sécurité, ni le harcèlement dont sont victimes, principalement à proximité immédiate des cliniques concernées, celles qui choisissent cette option de leur plein gré.

1.21.

Le Comité relève avec inquiétude que la directive n’aborde pas la question du droit que les orphelines et orphelins des victimes de violence à l’égard des femmes ont de mener une vie épanouissante, dans des conditions de liberté et d’égalité.

1.22.

Le CESE constate avec une profonde inquiétude que l’extrême droite s’est fixé pour objectif de s’opposer aux propositions relatives à l’égalité de genre, notamment en niant systématiquement l’existence de la violence structurelle dont les femmes sont victimes, c’est-à-dire celle qu’elles subissent du seul fait d’être femmes. Cette négation a pour effet non seulement de miner leur coexistence en toute égalité avec les hommes, mais porte également atteinte aux valeurs et principes consacrés à l’article 2 du traité sur l’Union européenne.

1.23.

Le Comité recommande que la directive comporte un volet financier de nature à permettre que les mesures adoptées soient réellement appliquées, grâce à un financement public adéquat.

2.   Observations générales

2.1.

La violence à l’égard des femmes représente l’expression par excellence de la discrimination qui s’exerce à leur encontre. Elle constitue un mécanisme de contrôle qui a son origine dans leur inégalité par rapport aux hommes et qui la perpétue et l’alimente en retour.

2.2.

Le CESE constate avec une profonde inquiétude que l’extrême droite s’est fixé pour objectif de s’opposer aux propositions relatives à l’égalité de genre, notamment en niant systématiquement l’existence de la violence structurelle dont les femmes sont victimes, c’est-à-dire celle qu’elles subissent du seul fait d’être femmes. Cette négation a pour effet non seulement de miner leur coexistence en toute égalité avec les hommes, mais porte également atteinte aux valeurs et principes consacrés à l’article 2 du traité sur l’Union européenne.

2.3.

La lutte contre la violence fondée sur le genre compte parmi les principaux buts que s’assigne la stratégie européenne en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes pour la période 2020-2025, laquelle vise notamment à lutter contre les stéréotypes sexistes, à éliminer l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes sur le marché du travail et le déséquilibre qu’elles subissent dans les responsabilités familiales, de même qu’à assurer la participation des femmes sur un pied d’égalité dans les différents secteurs de l’économie et à parvenir à un équilibre entre les genres dans la prise de décision et l’activité politique.

2.4.

La violence à l’égard des femmes et des filles représente une des formes les plus persistantes de discrimination fondée sur le genre et constitue une violation des droits humains. Dans l’Union européenne, la moitié des femmes, plus précisément 53 %, évitent certains lieux ou certaines situations de peur d’être victimes d’agressions physiques ou sexuelles (1) et un tiers d’entre elles, en l’occurrence 33 %, indiquent avoir été victimes de violences physiques ou sexuelles.

2.5.

Compte tenu de la portée et de la diffusion des multiples formes de violence dont sont victimes les femmes, il est nécessaire que les politiques visant à contrer ce phénomène ne prennent pas la forme d’actions neutres mais soient élaborées dans une perspective claire et univoque en matière d’égalité entre les hommes et les femmes, de manière que leur nécessité et leur efficacité soient plus aisément appréhendées.

2.6.

Chaque jour, les femmes risquent de subir des violences sur leur lieu de travail, en particulier quand elles travaillent dans le secteur des transports, où 63 % d’entre elles déclarent avoir subi au moins un acte de violence récemment (2), ainsi que dans celui des services et de la vente (3).

2.7.

La violence domestique a également augmenté sous l’effet des mesures de confinement mises en place pour enrayer la crise sanitaire provoquée par la pandémie de COVID-19 (4).

2.8.

Le CESE se félicite que la proposition de directive s’attache à prévenir et à combattre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique afin de leur garantir ainsi un niveau élevé de sécurité et la pleine jouissance de leurs droits fondamentaux, dont celui à l’égalité de traitement et à la non-discrimination. Tout en comprenant que dans la lutte contre les violences faites aux femmes, l’approche pénale est nécessaire, le CESE estime qu’elle doit absolument s’accompagner d’une démarche globale et complète pour prévenir, combattre et éradiquer les actes de violence machistes.

3.   Observations particulières

3.1.

Le CESE se félicite de l’innovation réglementaire que représente une directive sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes qui adopte une approche intersectionnelle. Toutefois, il tient à signaler qu’il est nécessaire de mettre en place des protocoles, des campagnes de sensibilisation et des formations à l’intention des professionnels afin d’éviter que les victimes subissent une violence institutionnelle ou une culpabilisation en raison de facteurs extérieurs, étrangers au fait violent lui-même, tels que leur apparence ou leur attitude, leur statut, leur origine ou toute autre caractéristique ou situation.

3.2.

À cet égard, si le CESE approuve la clarification, d’ordre conceptuel et pénal, qu’implique l’inclusion dans la directive de définitions relatives à certaines formes de violence à l’égard des femmes, il juge indispensable que la proposition aborde toutes les formes de violence fondée sur le genre qu’elles subissent, et fixe une acception générale de la violence de genre, telle qu’elle figure aux articles 1 et 2 de la déclaration des Nations unies de 1993 sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes ou à l’article 3 de la convention d’Istanbul.

3.3.

Le CESE estime qu’il aurait fallu opter pour l’inclusion de la violence à l’égard des femmes parmi les infractions pénales de portée européenne («eurocrimes») visées à l’article 83, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

3.4.

Le CESE se félicite que le viol soit criminalisé sur la base de la simple absence de consentement, l’usage de la force ou de la menace n’étant plus nécessaire pour enclencher une poursuite judiciaire en l’espèce. La définition juridique ainsi donnée à cette infraction l’intègre dans la logique de la convention d’Istanbul: dans cette acception, elle doit également s’appliquer à de nouvelles formes de viol, telles que la «soumission chimique».

3.5.

Tout en reconnaissant qu’il importe de prévoir des mesures spécifiques visant à la protection des victimes de violences sexistes dans le cadre familial et à leur accès à la justice, le Comité demande que cette forme de violence soit reprise parmi les infractions visées par la directive, qui établit un cadre commun en matière de sanctions, de circonstances aggravantes, de compétence et de délais de prescription.

3.6.

Plus de la moitié des Européennes, en l’occurrence 55 %, déclarent avoir été victimes de harcèlement sexuel à un moment donné (5), et le CESE estime donc que la directive ne saurait ignorer cette forme de violence à l’égard des femmes, ni dans sa proposition de définition, ni dans le régime des sanctions, circonstances aggravantes, compétences et délais de prescription qui est envisagé (6).