ISSN 1977-0936

Journal officiel

de l'Union européenne

C 365

European flag  

Édition de langue française

Communications et informations

65e année
23 septembre 2022


Sommaire

page

 

I   Résolutions, recommandations et avis

 

RÉSOLUTIONS

 

Comité économique et social européen

 

570e session plénière du Comité économique et social européen — Interactio, 15.6.2022-16.6.2022

2022/C 365/01

Résolution du Comité économique et social européen sur le thème Ukraine — De l’aide à la reconstruction — Propositions de la société civile européenne

1

 

AVIS

 

Comité économique et social européen

 

570e session plénière du Comité économique et social européen — Interactio, 15.6.2022-16.6.2022

2022/C 365/02

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Le secteur européen de l’ameublement — Sa reprise vers une économie innovante, verte et circulaire (avis d’initiative)

7


 

III   Actes préparatoires

 

Comité économique et social européen

 

570e session plénière du Comité économique et social européen — Interactio, 15.6.2022-16.6.2022

2022/C 365/03

Avis du Comité économique et social européen sur a) la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions établissant une déclaration européenne sur les droits et principes numériques pour la décennie numérique [COM(2022) 27 final] et sur b) le thème Droits et principes numériques (avis exploratoire)

13

2022/C 365/04

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil fixant des règles harmonisées pour l’équité de l’accès aux données et de l’utilisation des données (règlement sur les données) [COM(2022) 68 final — 2022/0047 (COD)]

18

2022/C 365/05

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Action européenne sur les semi-conducteurs[COM(2022) 45 final]

23

2022/C 365/06

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre de mesures pour renforcer l’écosystème des semi-conducteurs (règlement sur les semi-conducteurs) [COM(2022) 46 final — 2022/0032 (COD)]

34

2022/C 365/07

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (UE) 2021/2085 établissant les entreprises communes dans le cadre d’Horizon Europe en ce qui concerne l’entreprise commune Semi-conducteurs[COM(2022) 47 final — 2022/0033 (NLE)]

40

2022/C 365/08

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux gaz à effet de serre fluorés, modifiant la directive (UE) 2019/1937 et abrogeant le règlement (UE) no 517/2014 [COM(2022) 150 final — 2022/0099 (COD)]

44

2022/C 365/09

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone et abrogeant le règlement (CE) no 1005/2009 [COM(2022) 151 final — 2022/0100 (COD)]

50

2022/C 365/10

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2017/2107 établissant des mesures de gestion, de conservation et de contrôle applicables dans la zone de la convention de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (CICTA) et le règlement (UE) …/2022 établissant un plan pluriannuel de gestion du thon rouge dans l’Atlantique Est et la mer Méditerranée [COM(2022) 171 final — 2022/0111 (COD)]

55

2022/C 365/11

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 1305/2013 en ce qui concerne une mesure spécifique destinée à fournir un soutien temporaire exceptionnel au titre du fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) en réaction aux conséquences de l’invasion de l’Ukraine par la Russie [COM(2022) 242 final — 2022/0166 (COD)]

57

2022/C 365/12

Avis du Comité économique et social européen sur la communication conjointe au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Réagir à l’instrumentalisation étatique des migrants à la frontière extérieure de l’UE[JOIN(2021) 32 final]

60

2022/C 365/13

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant les règles concernant l’exercice des droits dont dispose l’Union pour mettre en œuvre et faire appliquer l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique et de l’accord de commerce et de coopération entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique, d’une part, et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, d’autre part [COM(2022) 89 final — 2022/0068 (COD)]

66


FR

 


I Résolutions, recommandations et avis

RÉSOLUTIONS

Comité économique et social européen

570e session plénière du Comité économique et social européen — Interactio, 15.6.2022-16.6.2022

23.9.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 365/1


Résolution du Comité économique et social européen sur le thème «Ukraine — De l’aide à la reconstruction — Propositions de la société civile européenne»

(2022/C 365/01)

Base juridique

Article 52, paragraphe 4, du règlement intérieur

Adoption en session plénière

16.6.2022

Session plénière no

570

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

206/2/2

Messages clés

1.

Le statut de candidat à l’adhésion à l’UE pour l’Ukraine. Le CESE invite le Conseil européen à accorder à l’Ukraine le statut de pays candidat à l’adhésion à l’Union européenne lors de sa réunion des 23 et 24 juin 2022. L’octroi à l’Ukraine du statut de candidat à l’adhésion ne doit pas porter préjudice au processus d’adhésion en cours des Balkans occidentaux. Le CESE est favorable à la mise en place d’un système d’intégration progressive fondé sur la conformité avec l’acquis communautaire.

2.

La société civile européenne est solidaire de l’Ukraine et du peuple ukrainien. La société civile a réagi rapidement et efficacement en suscitant une mobilisation sans précédent des citoyens sur le terrain. L’aide humanitaire doit être renforcée et devrait être décaissée de manière à soutenir directement les organisations de la société civile (OSC). Les ONG spécialisées, ainsi que les OSC, devraient être réellement associées à la planification et au suivi de l’aide humanitaire de l’UE et des États membres.

3.

Offrir une perspective aux réfugiés. Le Comité demande que les réfugiés se voient accorder les mêmes droits que les citoyens de l’UE en matière de soins de santé et d’accès au marché du travail (reconnaissance des qualifications, accès aux services des agences pour l’emploi, cours de langue, systèmes de santé et d’éducation), deux domaines où l’égalité des droits est essentielle pour éviter l’aggravation de la pauvreté parmi les réfugiés. Grâce à la négociation collective et à des mesures ad hoc, les partenaires sociaux peuvent contribuer à l’intégration des travailleurs et éviter qu’ils ne soient victimes d’exploitation et de dumping social. Le Comité met particulièrement l’accent sur le rôle des OSC dans la protection et la réintégration de certains groupes vulnérables souvent oubliés: les mineurs non accompagnés, les enfants séparés de leurs familles ou issus d'institutions, les personnes handicapées, les minorités roms et les victimes de violences sexuelles.

4.

Reconstruction. Une aide financière européenne et internationale immédiate est nécessaire pour prévenir la destruction totale de l’économie ukrainienne. Un soutien financier doit être apporté aux PME, aux agriculteurs ukrainiens en vue de la prochaine récolte et à la société civile ukrainienne, organisations patronales et syndicats compris, afin de les maintenir pleinement opérationnels en temps de guerre. Le moteur des efforts de reconstruction doit être l’innovation. Les organisations de la société civile doivent être étroitement associées afin de s’assurer que les réformes dans le domaine de l’état de droit, la lutte contre la corruption et les transitions écologique et numérique pourront être menées à bien.

5.

La crise économique. La guerre ne devrait pas compromettre la mise en œuvre des politiques de transition écologique dans l’UE. Le Comité invite les États membres et les institutions de l’UE à prendre les mesures nécessaires pour enrayer la spéculation excessive sur les produits de base, renforcer la transparence du marché et supprimer temporairement tous les obstacles aux importations de produits agricoles afin d’atténuer la crise des prix des denrées alimentaires. Il avertit que ni le fonds NextGenerationEU, ni son volet de facilité pour la reprise et la résilience, ni la flexibilité au titre du cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027 actuel ne sont suffisants pour couvrir pleinement les besoins financiers dus à la guerre en Ukraine.

6.

Le rôle de la société civile. La longue histoire du CESE et ses liens avec les OSC ukrainiennes jouent un rôle important pour maintenir ouverts les canaux de communication et permettre la participation au processus d’intégration à l’UE. Le Comité invite les États membres à intensifier sensiblement le renforcement des capacités des OSC ukrainiennes, ainsi que le soutien organisationnel et financier dont elles bénéficient. Il encourage les partenariats entre les organisations de jeunesse européennes et ukrainiennes et propose d’organiser un événement consacré à l’engagement des jeunes et à son rôle dans le cadre de la future reconstruction de l’Ukraine. Le CESE s’engage pour sa part à renforcer la coopération et les échanges avec les OSC ukrainiennes et à continuer de plaider en faveur du maintien de la solidarité et de la générosité de l’UE à l’égard de l’Ukraine. À cette fin, il organisera une manifestation avec les sociétés civiles ukrainienne et européenne le 19 juillet à Cracovie.

Dans le même temps, le CESE souligne que les organisations de la société civile indépendantes qui subsistent en Russie ne doivent pas être abandonnées.

LE COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (CESE)

1.

exprime sa solidarité avec le peuple ukrainien, réitère sa ferme condamnation de l’agression injustifiée et non provoquée de l’Ukraine par la Fédération de Russie sous l’égide de son président Vladimir Poutine et attire l’attention sur sa précédente résolution intitulée «La guerre en Ukraine et ses conséquences économiques, sociales et environnementales» (1), adoptée le 24 mars 2022;

2.

souligne que cette guerre tragique, qui se déroule sur le sol européen depuis près de quatre mois, a entraîné de très nombreuses pertes humaines, notamment civiles, et provoqué des destructions massives et de grandes souffrances; elle a accru les niveaux de pauvreté dans le monde, causé des dommages sociaux, économiques et environnementaux inestimables et entraîné une vague sans précédent de réfugiés et de personnes déplacées; demande que le droit humanitaire international soit respecté et que les crimes de guerre commis dans les villes et villages ukrainiens par les envahisseurs soient dûment recensés et fassent l’objet d’enquêtes et de poursuites en bonne et due forme;

3.

appelle à un cessez-le-feu immédiat par toutes les parties au conflit, réaffirme la primauté ultime de la diplomatie et souligne que les efforts de recherche d’une approche en matière de maintien de la paix et la négociation en ce sens devraient être une priorité à tous les niveaux du débat politique, tout en exigeant le retrait complet des troupes russes de l’Ukraine; prie instamment l’Union européenne de continuer à apporter son aide à l’Ukraine et à sa population, comme elle l’a fait depuis le tout premier jour de la guerre; demande un suivi détaillé des incidences économiques, sociales et environnementales des sanctions adoptées à la suite de l’agression militaire commise par la Russie;

4.

constate que la guerre à la frontière orientale de l’Union est contraire à l’histoire, à la philosophie et à l’identité de l’UE; souligne que les conséquences de cette guerre constituent une menace pour les valeurs européennes, la liberté et les droits des citoyens et des autres habitants de l’Union ainsi que pour le modèle européen de l’économie sociale de marché; attire l’attention sur le fait que la paix et la prospérité constituent les fondements de l’Union européenne (UE) et que les organisations de la société civile (OSC) ont joué un rôle de premier plan au cours des dernières décennies en promouvant activement et en contribuant à établir et à maintenir une culture de la paix sur le continent européen;

5.

souligne que la Fédération de Russie et ses représentants actuels doivent être suspendus des instances et organisations internationales, en commençant par celles dont la mission consiste à maintenir la paix, protéger les droits de l’homme et garantir un développement durable et un environnement sûr;

Concernant la situation humanitaire

6.

constate que plus de 6,8 millions de personnes (2) ont fui l’Ukraine depuis le début de la guerre, un exode qui fait de cette crise des réfugiés celle qui a connu la croissance la plus rapide depuis la Seconde Guerre mondiale; ajoute que 8 millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays (3), ce qui signifie qu’environ un tiers de la population ukrainienne a été contrainte de fuir son foyer;

7.

reconnaît que plusieurs pays européens, notamment la Pologne, la Roumanie, la Hongrie, la République tchèque, la Slovaquie et la Moldavie (4), ont été durement touchés par l’afflux de réfugiés ukrainiens et que ces pays, et en particulier leurs OSC, ont réagi rapidement et efficacement, déclenchant une mobilisation volontaire sans précédent des citoyens sur le terrain;

8.

souligne que les fonds de l’Union destinés à l’aide humanitaire doivent être revus à la hausse et devraient être décaissés, en particulier, aux niveaux régional et local, en soutenant et en associant directement les OSC actives dans l’intégration socio-économique des réfugiés;

9.

presse les États membres, les régions de l’Union européenne et les OSC de tirer parti, avec un maximum de rapidité et d’efficacité, des possibilités offertes en matière d’aide aux réfugiés venus d’Ukraine par le règlement du Parlement et du Conseil que la Commission européenne a proposé le 8 mars 2022 en ce qui concerne l’action de cohésion pour les réfugiés en Europe (CARE), en articulation avec la proposition de modification du règlement REACT-EU qu’elle a présentée le 23 mars 2022; souligne que cette aide devrait en priorité être distribuée par les OSC, en ce compris les ONG, et que les organisations de la société civiles devraient également être directement associées à l’organisation et au suivi de l’aide humanitaire européenne et nationale;

10.

recommande de réaffecter, dans le respect de l’état de droit, les économies réalisées dans le cadre financier pluriannuel 2014-2021 et l’instrument REACT-EU afin de pouvoir les réorienter promptement et en souplesse au bénéfice de l’aide aux réfugiés, et encourage l’établissement d’un fonds spécifique consacré à cet objectif, pour le cas où les ressources disponibles actuellement s’avéreraient insuffisantes pour assurer l’accueil et l’intégration sociale et sur le marché du travail des réfugiés, et couvrir notamment les services de soins, le logement, l’alimentation, l’aide matérielle, les programmes de formation et l’intervention des services publics de l’emploi;

11.

souligne que, dans la réaction européenne à la crise de la COVID-19, les citoyens européens ont ressenti que l’Union les protégeait et ouvrait des perspectives, notamment grâce à la création du programme SURE et de NextGenerationEU; souligne que ni le fonds NextGenerationEU, avec son volet de facilité pour la reprise et la résilience, ni la flexibilité au titre du cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027 actuel ne sont suffisants pour couvrir pleinement les besoins financiers dus à la guerre en Ukraine; note qu’en termes d’échelle, ces instruments n’ont pas été conçus pour, à la fois, relever les nouveaux défis découlant de l’agression et de l’invasion russes et maintenir les investissements dans les programmes et les politiques de l’Union, notamment en ce qui concerne des priorités de premier plan telles que les transitions juste, écologique et numérique;

12.

met en exergue l’urgence d’améliorer la cartographie de toutes les parties prenantes concernées par l’aide humanitaire et médicale, ainsi que la coordination entre elles afin de s’assurer que l’aide parvienne rapidement et efficacement à toutes les personnes touchées par la guerre;

13.

souligne que des mesures et des activités de suivi doivent être mises en œuvre dans divers domaines tels que le respect des droits de l’homme et la documentation des crimes de guerre, et se félicite de la mise en place par l’Union européenne, les États-Unis et le Royaume-Uni du Groupe consultatif sur les atrocités criminelles (ACA);

14.

insiste sur le fait que les réfugiés en provenance d’Ukraine devraient avoir accès au système de soins de santé publics au même titre que les citoyens de l’Union, ainsi qu’aux soins de santé reproductive et sexuelle essentiels, à la contraception d’urgence, aux soins d’avortement et obstétriques pour les victimes de viol;

15.

invite la Commission et les États membres à accorder une attention particulière à la situation des mineurs non accompagnés, des enfants séparés et des enfants issus d'institutions arrivant d’Ukraine, afin de veiller à ce que leurs besoins immédiats soient satisfaits, à ce qu’ils soient identifiés et suivis de manière adéquate et à ce que les données de ces mineurs soient partagées entre les États membres afin de les réunir avec leur famille ou de les réintégrer ultérieurement dans la société ukrainienne, tout en garantissant leur protection contre les abus et la traite des êtres humains;

16.

attire l’attention sur la situation effroyable des personnes handicapées qui tentent de quitter les zones de guerre en Ukraine ou qui sont confrontées à des défis considérables en tant que réfugiés dans les pays d’accueil; insiste pour que tous les réfugiés soient traités sur un pied d’égalité, indépendamment de leur origine ethnique, de leur nationalité ou de leur handicap; estime que les réfugiés porteurs d’un handicap devraient bénéficier de toute l’assistance nécessaire pour pouvoir vivre de manière autonome et ne devraient pas être placés contre leur gré en institutions dans les pays d’accueil;

17.

attire l’attention sur le fait que la participation au marché du travail joue un rôle central dans l’intégration et dans la réduction des niveaux de pauvreté; met en garde contre le fait que les réfugiés en provenance d’Ukraine risquent d’être les moins protégés, de recevoir le salaire le plus bas, de travailler en-deçà de leurs qualifications et de figurer parmi les groupes les plus vulnérables sur le marché du travail s’ils ne bénéficient pas de la protection sociale ou de la liberté d’association et des droits des travailleurs; souligne, à cet égard, la nécessité de traiter de manière adéquate les cas de conditions de travail inégales et de veiller à ce que les travailleurs jouissent des mêmes droits que les citoyens de l’Union et ne soient pas victimes d’exploitation et de dumping social; demande l’élaboration de stratégies à moyen et long terme pour les Ukrainiens qui souhaitent rester dans leur pays d’accueil, afin de les intégrer pleinement sur les marchés du travail de l’UE;

18.

souligne le rôle essentiel que les partenaires sociaux peuvent jouer grâce à la négociation collective et à des mesures et accords ad hoc pour faciliter l’intégration des travailleurs en provenance d’Ukraine sur le marché du travail de l’Union; estime que les agences pour l’emploi devraient soutenir les réfugiés au moyen de toute la gamme de leurs services, y compris le conseil, la préparation des profils de demandeurs, les activités de placement et l’offre d’outils de soutien, et invite les États membres à mettre en place ou à soutenir des services de mise en relation entre les réfugiés et les employeurs potentiels;

19.

fait observer que la reconnaissance des qualifications constitue une condition préalable essentielle pour assurer l’intégration des réfugiés ukrainiens sur le marché du travail des pays d’accueil et pour leur éviter des conditions d’emploi précaires; insiste sur la nécessité d’établir des règles et des lignes directrices efficaces afin de garantir une reconnaissance rapide mais de qualité des qualifications, l’accès à des cours de langue et à l’éducation et à la formation professionnelle pour les jeunes qui fuient l’Ukraine;

20.

souligne que toutes les mesures nécessaires doivent être prises pour que les adultes et les enfants qui cherchent refuge dans l’Union puissent poursuivre leur parcours éducatif et insiste pour qu’une attention particulière soit accordée, au niveau de l’école, non seulement à la suppression des barrières linguistiques, mais aussi au traitement des symptômes traumatiques, qui pourraient avoir des conséquences négatives à long terme;

21.

estime que les réfugiés en provenance d’Ukraine doivent se voir accorder le même accès aux systèmes de sécurité sociale et aux services sociaux que les citoyens de l’Union;

Concernant la reconstruction et la perspective européenne de l’Ukraine

22.

se félicite de la mise en place d’une «plateforme de reconstruction de l’Ukraine» internationale, comme le prévoit la communication de la Commission intitulée «Aide immédiate et aide à la reconstruction de l’Ukraine», ainsi que du rôle de premier plan joué par l’Union dans la mobilisation de l’aide internationale en faveur de l’Ukraine;

23.

invite l’Union européenne à fournir aux PME ukrainiennes un financement d’urgence qui devrait prioritairement contribuer à assurer leur survie et ensuite les aider à se développer. Prévenir la destruction totale de l’économie ukrainienne doit être un autre objectif clé des efforts déployés par l’UE en Ukraine;

24.

souligne que la reconstruction de l’Ukraine qui aura lieu après la guerre est une situation exceptionnelle qui devrait contribuer au développement d’une société civile plus forte et d’une nouvelle économie, fondée sur les dernières technologies vertes et numériques et dont le moteur serait l’innovation;

25.

insiste toutefois sur le fait que l’accent mis sur les réformes dans le domaine de l’état de droit, la lutte contre la corruption et les transitions écologique et numérique ne pourra se concrétiser sans un engagement véritable de la société civile, et demande que les OSC soient étroitement associées aux efforts de reconstruction, notamment à la planification et à la mise en œuvre de la facilité «Rebuild Ukraine», étant donné qu’elles sont les mieux placées pour exprimer les besoins des citoyens ukrainiens et contribuer au suivi des efforts de reconstruction et de l’alignement sur la législation de l’Union;

26.

souligne que le conflit et ses conséquences ne devraient pas compromettre les politiques de transition écologique dans l’Union, mais plutôt accélérer leur mise en œuvre;

27.

appelle avec force le Conseil et le Parlement à envisager d’utiliser les installations de stockage de gaz des pays tiers voisins, ce qui apportera une valeur ajoutée aux efforts visant à assurer la sécurité de l’approvisionnement, en particulier pour ce qui concerne l’Ukraine;

28.

attire l’attention sur la crise mondiale des prix alimentaires exacerbée par la guerre en Ukraine et invite les États membres et les institutions de l’Union à prendre les mesures nécessaires pour enrayer la spéculation excessive sur les produits de base et renforcer la transparence du marché;

29.

souligne la nécessité d’adopter dès maintenant des mesures visant à soutenir les agriculteurs ukrainiens en vue de la prochaine récolte, demande en outre la suppression immédiate et temporaire de tous les obstacles, qu’ils soient de nature administrative ou physique, à la circulation des produits agricoles, de manière à augmenter rapidement le volume des importations vers le marché intérieur de l’UE et d’autres régions du monde comme l’Afrique, dans les secteurs où l’Ukraine peut encore exporter; demande que les ports ukrainiens soient rouverts sans délai et qu’il soit procédé à un déminage de la zone sous l’égide des Nations unies pour permettre l’exportation de produits agricoles tels que le maïs, l’huile de tournesol, les graines de tournesol, les graines de soja et le miel;

30.

invite le Conseil européen à accorder à l’Ukraine le statut de pays candidat à l’adhésion à l’Union européenne lors de sa réunion de juin 2022;

31.

soutient une adhésion de l’Ukraine à l’Union qui soit fondée sur le mérite et conforme aux normes convenues pour l’adhésion à l’UE, sans que cela porte atteinte au processus d’adhésion en cours des Balkans occidentaux (5); demande que dans les prochaines années, la politique de cohésion et ses instruments financiers soient dûment adaptés, de manière à ce qu’ils puissent relever les défis auxquels le pays sera confronté pour se reconstruire au sortir de la guerre; demande que le potentiel économique et social de l’intégration de l’Ukraine au marché unique fasse l’objet d’une analyse approfondie;

32.

est d’avis que l’Union européenne, tout en maintenant ses normes d’adhésion, peut définir des étapes progressives pour l’adoption de l’acquis communautaire; souligne que face à toute agression militaire, l’unité entre les États membres de l’Union doit demeurer la règle en matière de politique d’élargissement; encourage l’exploration d’autres modalités permettant à des pays tiers de rejoindre l’architecture économique, sociale et de sécurité européenne; souligne toutefois que de tels partenariats ou associations ne sauraient être considérés comme une alternative à l’adhésion à l’Union;

Concernant le soutien aux organisations de la société civile

33.

souligne le rôle que le Comité économique et social européen est en mesure de jouer en matière de liaison avec les OSC ukrainiennes et dans l’ouverture de canaux avec celles-ci grâce à sa longue histoire de contacts bilatéraux entre l’Union et la société civile ukrainienne; met, à cet égard, en évidence les résultats de mécanismes bien établis, notamment la plateforme de la société civile UE-Ukraine et les groupes consultatifs internes européens et ukrainiens, mis en place dans le cadre de l’accord d’association UE-Ukraine; demande que l’UE soutienne la participation des OSC ukrainiennes aux réseaux européens d’OSC;

34.

attire l’attention sur la nécessité de lancer le processus de renforcement des capacités des OSC ukrainiennes afin de leur permettre de participer au processus d’intégration européenne, de façonner et de suivre ce processus;

35.

souligne la nécessité de renforcer le soutien à la société civile ukrainienne, y compris les organisations patronales et les syndicats, au moyen de fonds européens spécifiques, afin de la maintenir pleinement opérationnelle en temps de guerre; met en garde contre les tentatives d’utiliser la guerre pour justifier des actions visant à réduire le niveau de protection des droits des travailleurs et de protection sociale, ce qui aggravera les conséquences économiques et sociales négatives de la guerre;

36.

insiste sur le rôle joué par les OSC européennes actives dans la recherche de solutions de maintien de la paix et dans la gestion des différentes retombées sociales, humanitaires, économiques et politiques de la crise ukrainienne, et souligne l’importance de leur apporter une assistance et un soutien complets au moyen de programmes financés par l’Union spécialement conçus à cette fin;

37.

rend hommage à la contribution qu’apportent les OSC des États membres de l’Union européenne pour ce qui est de dispenser l’aide aux réfugiés ukrainiens, laquelle dépasse celle des secours apportés par les pouvoirs publics compétents, et appelle les pays de l’Union à augmenter vigoureusement le soutien organisationnel et financier qu’ils octroient à ces organisations, notamment grâce aux fonds européens;

38.

recommande d’inclure la jeunesse fuyant l’Ukraine dans les programmes d’échanges universitaires de l’Union et souligne l’importance de mobiliser les jeunes européens, qui soutiennent les valeurs européennes, et de renforcer leurs capacités; encourage les partenariats entre les conseils nationaux de la jeunesse européens et ukrainien, ainsi que les échanges entre les jeunes et les organisations de jeunesse de l’UE et d’Ukraine; la coopération pourrait porter sur l’organisation d’une manifestation consacrée à l’engagement des jeunes et à son rôle dans le cadre de la future reconstruction de l’Ukraine;

39.

appelle de ses vœux un soutien aux banques alimentaires qui jouent un rôle crucial pour surmonter les difficultés et les obstacles liés à l’octroi de dons alimentaires, étant donné que l’aide alimentaire est devenue essentielle pour répondre aux besoins urgents de la population ukrainienne et des réfugiés en provenance d’Ukraine;

40.

insiste sur l’importance de continuer à apporter un soutien international aux OSC d’Ukraine et d’autres pays qui luttent pour la protection de l’environnement et reconnaît que le conflit aura de graves répercussions environnementales;

41.

souligne la nécessité de renforcer le soutien aux médias indépendants de qualité et aux vérificateurs de faits, y compris dans le voisinage de l’Union, étant donné leur rôle crucial dans le renforcement de la résilience face à la propagande et à la désinformation; invite l’Union à mettre en œuvre une campagne de contre-propagande plus énergique, en particulier dans les pays tiers d’Afrique et d’Asie, de manière à lutter contre la désinformation;

42.

est profondément préoccupé par la situation de la société civile indépendante en Russie et celle des médias et journalistes qui y fournissent des sources d’information alternatives aux citoyens russes afin de lutter contre la propagande de Moscou; invite l’Union à soutenir les OSC et les citoyens qui souhaitent poursuivre leurs activités en Russie et demande des visas humanitaires pour les militants de la société civile souhaitant quitter le pays; souligne qu’un certain nombre d’organisations russes aident les Ukrainiens déplacés en Russie à rejoindre l’Union européenne ou la partie occidentale de l’Ukraine et que ces organisations ont besoin d’un soutien spécifique pour obtenir des visas pour les réfugiés ukrainiens désireux de quitter la Russie;

43.

s’engage à renforcer la coopération et les échanges avec les OSC ukrainiennes, à continuer de plaider en faveur du maintien de la solidarité et de la générosité de l’UE à l’égard de l’Ukraine et est prêt à apporter à l’UE et aux autorités ukrainiennes son expertise en matière de consolidation du dialogue social et civil. À cette fin, il organisera une manifestation avec les sociétés civiles ukrainienne et européenne le 19 juillet à Cracovie.

Bruxelles, le 16 juin 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  JO C 290 du 29.7.2022, p. 1.

(2)  UNHCR — au 31 mai.

(3)  UNHCR — au 23 mai.

(4)  UNHCR — au 31 mai.

(5)  Résolution du Comité économique et social européen sur le thème «La guerre en Ukraine et ses conséquences économiques, sociales et environnementales» (JO C 290 du 29.7.2022, p. 1).


AVIS

Comité économique et social européen

570e session plénière du Comité économique et social européen — Interactio, 15.6.2022-16.6.2022

23.9.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 365/7


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Le secteur européen de l’ameublement — Sa reprise vers une économie innovante, verte et circulaire»

(avis d’initiative)

(2022/C 365/02)

Rapporteur:

Anastasis YIAPANIS

Corapporteur:

Rolf GEHRING

Décision de l’assemblée plénière

21.10.2021

Base juridique

Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Commission consultative des mutations industrielles (CCMI)

Adoption en section

13.5.2022

Adoption en session plénière

15.6.2022

Session plénière no

570

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

207/1/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le secteur européen de l’ameublement est très dynamique et se caractérise par une grande diversité, tant sur le plan de la taille des entreprises et des processus de travail que sur celui du design. Il englobe l’ensemble du cycle de vie des produits et offre de bonnes possibilités d’adhérer à la durabilité et à la transition pour aller vers des modèles économiques circulaires.

1.2.

Les entreprises européennes doivent se conformer à des réglementations strictes en matière de respect de l’environnement, de qualité des produits, de santé et de sécurité, lesquelles augmentent évidemment les coûts d’exploitation. La concurrence internationale est faussée par les aides d’État accordées à des concurrents extraeuropéens et par les pratiques déloyales utilisées pour accéder au marché, en particulier par des acteurs économiques asiatiques.

1.3.

Le Comité économique et social européen (CESE) souligne que le bon objectif pour assurer l’avenir du secteur européen de l’ameublement consiste à trouver le juste équilibre entre croissance économique, durabilité et bien-être social. Le Comité estime que les entreprises ont besoin d’un cadre législatif cohérent en matière de propriété intellectuelle, qui protège leurs intérêts et soit adapté aux transitions écologique et numérique.

1.4.

Le CESE plaide résolument en faveur d’une stricte conformité de tous les produits d’ameublement importés avec les règles de l’UE, y compris les obligations d’information des consommateurs. Le CESE réclame en outre une législation européenne cohérente qui impose des formats d’étiquetage normalisés pour tous les produits.

1.5.

Étant donné que ce secteur utilise de nombreuses matières premières, il est essentiel qu’il puisse disposer d’un accès fiable et sans entrave à des ressources de qualité et à des chaînes de valeur solides. En outre, étant donné que la demande de bois, principale matière première pour le secteur de l’ameublement, ne cesse de croître, le CESE estime crucial de développer et de moderniser les infrastructures forestières et leur durabilité, ainsi que d’améliorer les compétences et les technologies.

1.6.

Le CESE considère que le bois produit en Europe est un atout majeur qui devrait servir à fabriquer des produits à haute valeur ajoutée. Le Comité est d’avis que les exportations de bois brut n’ont aucun sens sur le plan économique et réclame des instruments de défense commerciale afin de protéger les fabricants locaux de meubles.

1.7.

En outre, le Comité invite les États membres à mettre un terme aux subventions et autres incitations au brûlage de bois à des fins énergétiques, ainsi qu’à promouvoir le principe de l’utilisation en cascade.

1.8.

Le CESE plaide pour une réduction, voire la suppression, des droits de douane pour les importations de matières premières ligneuses primaires et secondaires. En outre, le Comité invite les décideurs politiques à veiller à ce que les critères de durabilité des accords commerciaux soient appliqués et que les importations s’accompagnent de critères de vérification concernant les conditions de travail, la liberté d’association et le traitement équitable des travailleurs. Le CESE demande instamment que les droits de l’homme soient intégrés aux procédures de diligence raisonnable, dans le plein respect des conventions de l’OIT sur les droits de l’homme et les droits des travailleurs.

1.9.

Le secteur de l’ameublement doit faire partie intégrante de l’initiative du nouveau Bauhaus européen (1) et contribuer à la création de produits durables et inclusifs pour un nouvel art de vivre où la durabilité se conjugue au style de vie.

1.10.

L’engagement des partenaires sociaux sur la réduction du formaldéhyde dans la production de panneaux est un excellent exemple de la manière dont des accords volontaires des partenaires sociaux au niveau européen peuvent également contribuer à réduire les risques pour la santé. Par ailleurs, le Comité préconise des emballages durables et entièrement recyclables ainsi qu’une révision de la directive 94/62/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 1994 relative aux emballages et aux déchets d’emballages (2).

1.11.

Le CESE estime qu’une transition rapide du flux linéaire de matériaux et d’énergie vers un modèle circulaire est nécessaire afin de permettre la récupération de la valeur des produits et de garantir la croissance économique et la création d’emplois.

1.12.

Le Comité juge essentiel que les fabricants de meubles conçoivent leurs produits de manière à permettre une récupération de la valeur après utilisation et à faciliter la réutilisation, la réparation, la rénovation et le recyclage. Un régime de responsabilité élargie des producteurs dans le secteur de l’ameublement serait susceptible d’accroître les capacités de réutilisation et de recyclage dans l’Union. En outre, le Comité réclame une législation européenne interdisant la mise en décharge des meubles afin d’accroître la récupération et la réutilisation des matériaux de valeur.

1.13.

Ce secteur requiert une main-d’œuvre hautement qualifiée et doit être plus attrayant pour la jeune génération. Il doit s’efforcer d’améliorer en permanence les conditions de travail, tout en créant des possibilités de formation et en incitant des travailleurs hautement qualifiés et des spécialistes du numérique à rejoindre ses rangs.

1.14.

Le Comité invite les législateurs européens à soutenir activement les initiatives transnationales qui améliorent la qualité de toutes les formes d’apprentissage dans le secteur de l’ameublement. Un Erasmus plus ambitieux pour les apprentis contribuerait à un meilleur transfert des traditions riches et diverses et du potentiel d’innovation de la production de meubles en Europe.

1.15.

Les programmes d’éducation, les initiatives d’apprentissage tout au long de la vie et la formation professionnelle doivent être développés avec la participation active des partenaires sociaux, des établissements d’enseignement et d’autres ONG concernées. Il est essentiel de préparer la main-d’œuvre aux défis futurs du secteur.

1.16.

Le CESE appelle à investir dans les compétences, le design, la créativité et le développement des chaînes de valeur, ainsi qu’à améliorer l’accès des fabricants de meubles aux programmes de financement en matière de recherche-développement-innovation. Les PME doivent disposer de ressources suffisantes pour pouvoir analyser leur développement commercial de manière circulaire, innovante et durable.

1.17.

Le Comité estime que la création d’une demande de mobilier d’occasion et le soutien aux acteurs à but non lucratif engagés dans le processus de recyclage ou de revalorisation des meubles usagés peuvent avoir une incidence positive sur les objectifs de transition écologique.

1.18.

Enfin, le CESE plaide en faveur de la mise en place d’une plateforme européenne regroupant des entreprises, des partenaires sociaux, des organisations de la société civile, des instituts de recherche, des universités et d’autres parties prenantes concernées, et promouvant le développement des entreprises du secteur de l’ameublement.

2.   Observations liminaires

2.1.

La nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe (3) est axée sur la transition irréversible et progressive vers un système économique durable qui ne laisse personne de côté, qui intègre la numérisation et les évolutions écologiques, et qui établit des partenariats entre l’industrie, les partenaires sociaux, les pouvoirs publics et les organisations de la société civile concernées.

2.2.

Le secteur européen de l’ameublement est dynamique et se caractérise par une grande diversité, tant sur le plan de la taille des entreprises que sur celui des processus de travail. Il comporte généralement des entreprises à forte intensité de main-d’œuvre, avec des chaînes de valeur qui restent locales ou régionales, et sont fortement dominées par les PME et les microentreprises. Il emploie environ un million de travailleurs et représente un quart de la production mondiale totale de meubles (4).

2.3.

Ce secteur englobe le cycle de vie complet des produits: matières premières, transformation, utilisation, entretien, réutilisation, recyclage, biomasse à des fins énergétiques. Il offre dès lors de bonnes possibilités d’adhérer à la durabilité et à la transition pour aller vers des modèles économiques circulaires.

2.4.

La pandémie de COVID-19 a durement touché le secteur de l’ameublement, en particulier les chaînes de valeur transfrontières, qui ont énormément souffert du grand nombre de restrictions à la libre circulation des biens et des personnes, ce qui montre l’importance d’un marché unique intégré et performant.

3.   Aspects liés à la compétitivité

3.1.

La diversité des réglementations nationales, des normes, des systèmes de certification et des exigences en matière d’étiquetage constitue un obstacle pour les producteurs de l’Union et entraîne des coûts disproportionnés pour les entreprises. La normalisation et des règles harmonisées à l’échelle de l’UE permettront de réduire les obstacles au minimum, et d’offrir des certitudes et une compréhension commune à tous les acteurs du marché.

3.2.

La récente hausse des prix de l’énergie en Europe nuit à la compétitivité du secteur et s’ajoute au problème de la disponibilité des ressources et à l’augmentation des prix des matières premières.

3.3.

Outre la concurrence globale de plus en plus féroce sur le marché international, le secteur doit faire face à des entreprises issues de pays tiers, en particulier des acteurs économiques asiatiques, qui recourent parfois à des pratiques déloyales pour accéder au marché. En outre, les entreprises européennes doivent se conformer à des réglementations plus strictes en matière de respect de l’environnement, de qualité des produits, de santé et de sécurité, lesquelles augmentent évidemment les coûts d’exploitation. La faiblesse des normes environnementales dans les pays tiers désavantage également les produits d’ameublement européens fabriqués à partir de bois véritable. Le CESE estime que ces éléments faussent la compétitivité des entreprises locales lorsqu’elles sont en concurrence sur les marchés mondiaux.

3.4.

S’agissant du marché intérieur, le CESE plaide résolument en faveur d’une stricte conformité de tous les produits d’ameublement importés avec les règles de l’UE, y compris les obligations d’information des consommateurs, par exemple un étiquetage approprié. Il réclame en outre une législation européenne cohérente qui impose que les produits d’ameublement soient accompagnés d’un étiquetage normalisé, fournissant diverses informations telles que le pays de provenance, les matériaux utilisés, des indications claires sur tous les composants du produit, la sécurité du produit, la durabilité, les instructions d’utilisation, le nettoyage et l’entretien, la garantie, etc. Des dispositifs améliorés de surveillance du marché qui évaluent la qualité des meubles importés doivent garantir l’information des consommateurs et des conditions de concurrence équitables pour les fabricants locaux européens.

3.5.

Le CESE accueille favorablement l’initiative de la Commission relative aux passeports numériques pour les produits dans le cadre de la future initiative sur les produits durables (5). S’ils sont bien conçus et harmonisés, ces outils sont susceptibles de faire progresser l’économie circulaire en diffusant des informations sur les produits tout au long des chaînes de valeur et, entre autres, en stimulant la demande circulaire et en fournissant aux consommateurs les informations nécessaires pour leur permettre de faire des choix éclairés.

3.6.

Les fabricants des pays tiers rattrapent leur retard sur le plan technologique, de sorte que cet avantage concurrentiel de l’UE perd de son importance. Par conséquent, il convient de mettre en place de nouveaux modèles d’entreprise qui combinent compétitivité et durabilité et permettent aux fabricants locaux d’accéder au marché.

3.7.

Le secteur est également très sensible à la protection des droits de propriété intellectuelle, d’autant plus que la qualité, l’innovation et le design représentent toujours les principaux avantages concurrentiels de l’Union. Le Comité estime que les entreprises ont besoin d’un cadre législatif cohérent qui protège leurs intérêts et soit adapté aux transitions écologique et numérique.

3.8.

Le CESE souligne que le bon objectif pour assurer l’avenir du secteur européen de l’ameublement en particulier, et de l’économie en général, consiste à trouver le juste équilibre entre croissance économique, durabilité et bien-être social.

4.   Accès aux matières premières

4.1.

Le secteur de l’ameublement utilise de nombreuses matières premières (bois, rotin, cuir, métal, plastique, textiles, verre, mousses, etc.) dans ses processus de production. Un accès fiable et sans entrave à des matières premières de qualité est essentiel pour les fabricants européens et le CESE plaide en faveur d’un renforcement des chaînes de valeur, de manière à permettre à ce secteur de prospérer. Le CESE plaide en outre en faveur d’un étiquetage approprié, à l’intention des consommateurs, des matériaux non ligneux entrant sur le marché européen afin de protéger l’industrie européenne de l’ameublement contre les matières premières bon marché et souvent non durables provenant de pays tiers.

4.2.

Le bois est l’une des matières premières les plus accessibles et naturellement renouvelables. La demande ne cesse d’augmenter, tout comme le prix des matières premières conformes aux règles et aux normes de l’UE, ce qui crée une pression supplémentaire. Afin de pallier la hausse de la demande de bois sur le marché intérieur, il est crucial de développer et de moderniser les infrastructures forestières et leur durabilité, ainsi que d’améliorer les compétences, les technologies et la logistique des exploitants forestiers.

4.3.

Le Comité se déclare préoccupé par la disponibilité globalement de plus en plus faible de la principale matière première de ce secteur et par les augmentations de prix dues à son utilisation multiple, en particulier pour la production d’énergie renouvelable. Le CESE estime que les secteurs de l’ameublement et du travail du bois apportent bien plus d’avantages en matière de valeur ajoutée et d’emploi que la combustion directe du bois, et invite les États membres à mettre un terme aux subventions et autres incitations au brûlage de bois à des fins énergétiques; il rappelle par ailleurs qu’il convient «de promouvoir le principe de l’utilisation en cascade (fabrication de produits, réutilisation, réparation et recyclage, valorisation du contenu énergétique)» (6) . Le CESE suggère également de promouvoir davantage le bois européen sur le marché intérieur en augmentant la visibilité et l’utilisation de produits et de meubles en bois véritable.

4.4.

En outre, les subventions accordées aux acheteurs non européens de bois originaire de l’UE faussent la demande. Le CESE réclame des instruments de défense commerciale afin de protéger les fabricants locaux de meubles et est convaincu que les exportations de bois brut n’ont aucun sens sur le plan économique.

4.5.

En ce qui concerne les importations de bois, il importe au plus haut point que les accords commerciaux de l’UE facilitent l’accès aux ressources ligneuses primaires des pays tiers. À cet égard, le CESE plaide pour une réduction, voire la suppression, des droits de douane pour les importations de matières premières ligneuses primaires et secondaires. Par ailleurs, les systèmes de certification du bois importé de certains pays ne sont pas pleinement efficaces. Le Comité invite les décideurs politiques à veiller à ce que les critères de durabilité des accords commerciaux soient appliqués et que les importations s’accompagnent de critères de vérification concernant les conditions de travail, la liberté d’association et le traitement équitable des travailleurs. Le CESE demande instamment que les droits de l’homme soient intégrés aux procédures de diligence raisonnable, dans le plein respect des conventions de l’OIT sur les droits de l’homme et les droits des travailleurs, de manière à garantir des conditions de concurrence équitables sur le marché.

5.   Durabilité et transition écologique

5.1.

Le CESE estime que la communication de la Commission européenne sur le nouveau Bauhaus européen offre au secteur de l’ameublement une excellente occasion de contribuer à la création de produits durables et inclusifs pour un nouvel art de vivre où la durabilité se conjugue au style de vie. La transition globale du secteur dans tous ses aspects ne sera couronnée de succès que si l’on améliore la participation active des travailleurs et de leurs représentants.

5.2.

Le Comité constate la tendance croissante des consommateurs à rechercher des produits respectueux de l’environnement qui ont été fabriqués dans le respect de conditions de travail décentes. En outre, le secteur de l’ameublement peut atténuer son impact sur l’environnement en fabriquant des produits plus durables et en utilisant des matériaux recyclés ou du bois durable (comme le chêne, le pin, l’acacia, etc.) et de récupération.

5.3.

Le CESE plaide en faveur d’un cadre législatif européen cohérent qui interdirait la vente, sur le marché intérieur, de produits contenant des retardateurs de flamme dangereux. Les substances dangereuses devraient en outre être remplacées, par exemple, par des mousses à base d’eau, des colles moins nocives ou des substances à faible teneur en composés organiques volatils. L’engagement des partenaires sociaux sur la réduction du formaldéhyde dans la production de panneaux est un excellent exemple de la manière dont des accords volontaires des partenaires sociaux au niveau européen peuvent également contribuer à réduire les risques sanitaires liés à des substances dangereuses.

5.4.

Le Comité est également favorable à l’obligation de recourir à des emballages durables et entièrement recyclables et demande une révision de la directive 94/62/CE relative aux emballages et aux déchets d’emballages. Le CESE estime en outre que les incitations fiscales pourraient jouer un rôle important dans la promotion des projets de durabilité.

6.   Circularité

6.1.

À la suite des ambitions annoncées dans le pacte vert pour l’Europe (7) et le plan d’action pour une économie circulaire (8), l’économie de l’UE montre des signes d’adhésion à la circularité et de promotion de l’innovation pour développer de nouveaux modèles économiques durables. Il est essentiel de dissocier la croissance économique de l’utilisation des ressources pour parvenir à la neutralité climatique d’ici à 2050.

6.2.

Les chiffres révèlent qu’entre 80 % et 90 % des déchets d’ameublement de l’UE contenus dans les déchets solides municipaux sont incinérés ou mis en décharge. Le CESE est particulièrement préoccupé par le manque d’informations à l’intention des consommateurs et la faible disponibilité de pièces détachées, ce qui encourage l’achat de nouveaux meubles plutôt que la circularité. Une législation européenne interdisant la mise en décharge des meubles permettrait d’accroître la récupération et la réutilisation des matériaux de valeur.

6.3.

La seule solution pour lutter contre le changement climatique et la surexploitation des ressources naturelles de la planète est une transition rapide du flux linéaire de matières et d’énergie vers un modèle circulaire. Les modèles d’économie circulaire appliqués au secteur de l’ameublement ont la capacité de permettre une récupération de la valeur des produits et de garantir la croissance économique et la création d’emplois. Le CESE souligne que le mobilier, et en particulier les produits en bois véritable, est essentiel pour stocker le carbone et contribuer ainsi efficacement à la lutte contre le changement climatique.

6.4.

Le Comité juge essentiel que les fabricants de meubles conçoivent leurs produits de manière à permettre une récupération de la valeur après utilisation et à faciliter la réutilisation, la réparation, la rénovation et le recyclage. Les processus de fabrication doivent être axés sur une utilisation efficace des ressources et de l’énergie et la réduction des coûts de production.

6.5.

Les capacités de réutilisation et de recyclage dans l’Union pourraient être accrues grâce à un régime de responsabilité élargie des fabricants du secteur de l’ameublement, qui les encouragerait à prendre en considération l’incidence environnementale de leurs produits, de la phase de conception jusqu’à la fin du cycle de vie.

7.   Éducation, numérisation et conditions de travail

7.1.

Une étude récente montre que la plupart des salariés du secteur de l’ameublement ne possèdent pas de diplôme de l’enseignement supérieur et ne connaissent pas les aspects liés à l’économie circulaire (9). Toutefois, le besoin en personnel hautement qualifié est élevé, et le secteur, qui est confronté à un vieillissement continu de sa main-d’œuvre, a des difficultés à attirer la jeune génération. Afin de renforcer l’attrait du secteur de l’ameublement, il est extrêmement important d’améliorer en permanence les conditions de travail (santé et sécurité au travail), tout en créant des possibilités de formation continue et en incitant des travailleurs hautement qualifiés et des spécialistes du numérique à le rejoindre.

7.2.

Le coût de la main-d’œuvre dans l’UE est un peu plus élevé que dans d’autres régions du monde, mais c’est aussi le cas de la productivité et de l’innovation. Le CESE a déjà indiqué que «afin d’accroître la productivité et de rester en tête de la concurrence, le secteur a besoin de travailleurs qualifiés, maîtrisant les connaissances et les technologies les plus récentes» (10).

7.3.

Le Comité invite les législateurs européens à soutenir activement les initiatives transnationales qui améliorent la qualité de toutes les formes d’apprentissage dans le secteur de l’ameublement, comme, par exemple, la notion de «profil européen de base» (11).

7.4.

La formation professionnelle initiale et continue doit être développée afin de promouvoir des aptitudes et de nouvelles compétences sectorielles spécifiques. Les partenaires sociaux, les établissements d’enseignement et d’autres ONG concernées doivent être associés à cette démarche. L’avenir de la main-d’œuvre dans le secteur de l’ameublement sera caractérisé par des emplois de haute technologie et à forte intensité de connaissances, reposant sur un dialogue social solide et des conventions collectives prévoyant une rémunération et des conditions de travail décentes, susceptibles d’attirer la jeune génération.

7.5.

Un Erasmus plus ambitieux pour les apprentis contribuerait également à un meilleur transfert des traditions riches et diverses et du potentiel d’innovation de la production de meubles en Europe et permettrait également d’améliorer l’attrait du secteur de l’ameublement auprès des jeunes et dans la société dans son ensemble. Le CESE recommande en outre de promouvoir des systèmes de validation favorisant la reconnaissance mutuelle des qualifications.

8.   Financement et investissements

8.1.

Les entreprises européennes doivent pouvoir accéder à des programmes de financement de recherche-développement-innovation qui les aident à se développer, à devenir plus productives et à intégrer la circularité et les nouvelles technologies. Des investissements sont également nécessaires pour promouvoir les boucles circulaires, la durée de vie des produits, leur réparation ou leur rénovation et les capacités de recyclage. En outre, la création d’une demande de mobilier d’occasion et le soutien aux acteurs à but non lucratif engagés dans le processus de recyclage ou de revalorisation des meubles usagés peuvent avoir une incidence positive sur les objectifs de transition écologique.

8.2.

Les possibilités de financement restent l’une des principales faiblesses de ce secteur dominé par les PME. Il est extrêmement important que les PME disposent de ressources suffisantes pour pouvoir analyser leur développement commercial de manière circulaire, innovante et durable, et qu’elles soient soutenues par des incitations fiscales transitoires et des taux de TVA réduits pour le mobilier remis à neuf et remanufacturé.

8.3.

Des caractéristiques supérieures pour les produits d’ameublement, telles que l’esthétique, la qualité, la fonctionnalité, la durabilité ou l’ergonomie permettraient de compenser l’avantage des fabricants issus de pays à bas salaires, qui sont en mesure de proposer des prix moins élevés. En outre, l’innovation dans l’utilisation des matériaux et des installations de production basées sur des technologies avancées offrent un effet de levier supplémentaire sur le plan de la compétitivité. Par conséquent, le Comité appelle à investir dans le design, la créativité, les compétences et le développement des chaînes de valeur.

8.4.

Enfin, le CESE appelle à la mise en place d’une plateforme européenne qui encourage le développement des entreprises dans le secteur de l’ameublement, ainsi qu’une évaluation préventive de l’impact social des nouvelles technologies. Cette plateforme devrait regrouper des entreprises, des partenaires sociaux, des organisations de la société civile, des instituts de recherche, des universités et d’autres parties prenantes concernées, et soutenir la croissance du secteur, à l’instar de la plateforme des acteurs européens de l’économie circulaire (12), qui constitue un excellent exemple à cet égard.

Bruxelles, le 15 juin 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Nouveau Bauhaus européen — Esthétique, durable, ouvert à tous, COM(2021) 573 final.

(2)  JO L 365 du 31.12.1994, p. 10.

(3)  Une nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe, COM(2020) 102 final.

(4)  Commission européenne, direction générale du marché intérieur, de l’industrie, de l’entrepreneuriat et des PME.

(5)  Initiative relative aux produits durables.

(6)  Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Opportunités et défis pour un secteur européen du travail du bois et du mobilier plus compétitif» (avis d’initiative) (JO C 24 du 28.1.2012, p. 18).

(7)  COM(2019) 640 final.

(8)  COM(2020) 98 final.

(9)  Innovation in the Furniture Industry in the era of circular economy (Innovation dans le secteur de l’ameublement à l’ère de l’économie circulaire).

(10)  Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Opportunités et défis pour un secteur européen du travail du bois et du mobilier plus compétitif» (avis d’initiative) (JO C 24 du 28.1.2012, p. 18).

(11)  Professions du secteur de l’ameublement en Europe.

(12)  Plateforme des acteurs européens de l’économie circulaire.


III Actes préparatoires

Comité économique et social européen

570e session plénière du Comité économique et social européen — Interactio, 15.6.2022-16.6.2022

23.9.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 365/13


Avis du Comité économique et social européen sur a) la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions établissant une déclaration européenne sur les droits et principes numériques pour la décennie numérique

[COM(2022) 27 final]

et sur b) le thème «Droits et principes numériques»

(avis exploratoire)

(2022/C 365/03)

Rapporteur:

Philip VON BROCKDORFF

Corapporteure:

Violeta JELIĆ

Consultation

a)

Commission européenne, 2.5.2022

b)

Présidence tchèque, 26.1.2022

Base juridique

a)

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

b)

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Marché unique, production et consommation

Adoption en section

1.6.2022

Adoption en session plénière

15.6.2022

Session plénière no

570

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

181/0/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE met en évidence le lien étroit qui existe entre «La voie à suivre pour la décennie numérique» et la déclaration européenne sur les droits et principes numériques, la première mettant l’accent sur les objectifs quantitatifs et la seconde principalement sur les objectifs qualitatifs. Le Comité est d’avis que ces deux aspects revêtent une grande importance pour faciliter la transformation numérique de la société et de l’économie.

1.2.

Le CESE estime que la déclaration devrait œuvrer en faveur du développement durable dans son ensemble. Une transformation numérique réussie se traduira par un éventail de bénéfices économiques, sociaux et environnementaux découlant de la contribution de ce processus au renforcement de la compétitivité, de la prospérité, de l’emploi, du bien-être et de la transition vers une économie circulaire et à émissions nulles, et s’accompagnera de mesures de prévention et de réduction au minimum des risques indésirables qu’elle est susceptible d’entraîner pour la société.

1.3.

Le CESE juge essentiel de s’intéresser aux compétences, aux infrastructures, aux entreprises et aux services publics numériques dans le but de soutenir la reprise économique et la croissance en Europe, tout en veillant à ce que des progrès soient réalisés dans le respect des droits fondamentaux et en œuvrant d’une manière inclusive et centrée sur l’humain, sans laisser personne de côté. Le Comité recommande également d’examiner les conclusions de la conférence sur l’avenir de l’Europe en ce qui concerne la transformation numérique.

1.4.

Bien que destinée à servir d’engagement politique solide, la déclaration n’affecterait pas les droits juridiques actuels. Le CESE est d’avis que les droits numériques découlent des droits fondamentaux existants et sont définis par eux en ce qu’ils s’inscrivent dans les valeurs et les principes de l’UE, où différents droits et libertés se côtoient et où les valeurs se fixent aussi mutuellement des limites.

1.5.

Les différents principes et droits décrits dans le projet de déclaration se chevauchent à bien des égards et le mélange des principes et des droits rend difficile la perception de l’essence du contenu. Il est donc absolument nécessaire de promouvoir la compréhension de leur signification pratique. Cela vaut pour les entreprises, les travailleurs, les consommateurs et la population en général.

1.6.

Les droits fondamentaux et les valeurs de l’UE sont essentiels du point de vue tant des citoyens que des entreprises. La déclaration devrait dès lors reconnaître que la plupart de ces dernières, en particulier les PME, sont plus ou moins confrontées aux mêmes défis que les citoyens en général s’agissant de s’adapter au monde numérique. Le CESE souligne également le défi consistant à éviter une fracture numérique en ce qui concerne l’accès des populations vieillissantes et rurales aux services publics et privés.

1.7.

Le CESE insiste sur l’importance des principes de connectivité, de compétences et de sécurité, qui sont essentiels pour les citoyens comme pour les entreprises, ainsi que pour le développement économique et sociétal général. La guerre entre la Russie et l’Ukraine a rendu cela encore plus visible et a également renforcé la nécessité de développer les compétences des citoyens ainsi que les moyens de reconnaître et de combattre la désinformation.

1.8.

Le CESE souligne l’importance de mesurer et de suivre les progrès numériques et recommande de ne pas multiplier les outils dans ce domaine. Les objectifs de la déclaration doivent être mesurés à l’aide d’indicateurs concrets dans le cadre de «La voie à suivre pour la décennie numérique», et le rapport annuel sur l’état de la décennie numérique devrait alimenter le semestre européen.

1.9.

Le bon fonctionnement et l’équité du marché unique jouent un rôle crucial dans le développement numérique au sein de l’UE. Le CESE estime dès lors que l’essence même des libertés dans le marché unique doit être pleinement protégée. La libre circulation et la propriété des données revêtent une importance croissante car, non seulement, elles concernent le marché unique des données en tant que tel, mais elles comportent également un lien intrinsèque avec les marchés des capitaux, des biens et des services. Les principes relatifs à l’innovation et à la propriété intellectuelle ainsi qu’à la liberté d’entreprise devraient également être reconnus dans la déclaration.

1.10.

Le marché unique est également un tremplin pour permettre à l’UE d’élargir l’utilisation des marchés et des chaînes d’approvisionnement extérieurs et d’être un acteur mondial influent et puissant. La déclaration devrait donc être activement promue dans un contexte international en recourant à un large éventail d’outils, allant des accords mondiaux mis en place par les partenaires sociaux dans les multinationales à l’action diplomatique et à la coopération en matière d’innovation, en passant par les accords de commerce et d’investissement et les conditions de financement.

2.   Contexte

2.1.

Lors du dernier discours sur l’état de l’Union, la Commission européenne a présenté «La voie à suivre pour la décennie numérique» (1). Ce plan vise à numériser les compétences, les infrastructures, les entreprises et les services publics de manière à réaliser la transformation numérique de notre société et de notre économie d’ici à 2030.

2.2.

Dans le même temps, la Commission s’emploie à finaliser la proposition de déclaration commune sur les principes numériques présentée par le Parlement européen, le Conseil et la Commission afin de veiller à ce que les valeurs et les droits européens soient pris en compte dans l’espace numérique. Cela permettra à chacun de bénéficier des possibilités offertes par les technologies numériques, telles que l’accès universel à l’internet, des algorithmes respectueux des droits fondamentaux grâce à un contrôle des algorithmes effectué régulièrement par des tiers indépendants, et un environnement en ligne sûr et fiable.

2.3.

Pour faire en sorte que l’Europe progresse rapidement vers la réalisation des objectifs de la décennie numérique, le cadre de gouvernance proposé prévoit un système de suivi fondé sur l’indice relatif à l’économie et à la société numériques (DESI) renforcé, et le rapport sur l’état de la décennie numérique servira d’évaluation annuelle de la transformation numérique en Europe. Plus particulièrement, le rapport i) recensera les domaines dans lesquels des mesures supplémentaires sont nécessaires, ii) analysera les déficits d’investissement ou d’autres ressources et mettra en évidence les actions qui s’imposent pour accroître la souveraineté numérique de l’Union, et iii) évaluera la mise en œuvre des propositions réglementaires pertinentes et des actions entreprises au niveau de l’UE et des États membres. Le rapport permettra également de faire le point sur le niveau d’adhésion aux principes numériques qui seront énoncés dans la future déclaration.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE considère que «La voie à suivre pour la décennie numérique» constitue une évolution importante pour soutenir la transformation numérique dans l’UE, car elle tient compte de l’accélération des tendances et des besoins croissants en matière de numérisation, qui ont également été mis en exergue par la pandémie. La nécessité de combler les lacunes dans les capacités numériques de l’Europe demeure un sujet de préoccupation, de même que celle d’adopter une approche plus unifiée et d’investir dans des projets numériques à grande échelle afin de tirer parti des avantages de la numérisation.

3.2.

Le CESE estime que l’attention portée aux compétences, infrastructures, entreprises et services publics numériques est essentielle pour soutenir la reprise économique et la croissance en Europe, ce qui est primordial pour améliorer les revenus, le niveau de vie et les conditions de travail. Il convient d’accorder une attention particulière à la population vieillissante et à la population rurale de l’UE afin de s’assurer qu’elles ne soient pas laissées pour compte dans le cadre de la transformation numérique.

3.3.

En outre, une transformation numérique réussie placera l’Europe à la pointe des tendances mondiales, soutiendra sa compétitivité et facilitera la définition de normes universelles. De plus, les technologies numériques ont un rôle essentiel à jouer pour permettre à l’UE d’atteindre les objectifs de durabilité de son pacte vert.

3.4.

Le CESE se félicite que la Commission et les États membres collaboreront étroitement pour atteindre les cibles et les objectifs de la décennie numérique. Dans un premier temps, dès que la décision établissant «La voie à suivre pour la décennie numérique» entrera en vigueur, ils définiront conjointement des trajectoires prévisionnelles au niveau de l’Union pour chacun des objectifs. Ces trajectoires permettront d’évaluer les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs.

3.5.

Le CESE reconnaît qu’il incombe aux États membres d’inclure leurs trajectoires nationales dans les feuilles de route stratégiques numériques, ainsi que les politiques ou instruments actuels ou prévus qu’ils ont l’intention d’utiliser. Bien entendu, tous les objectifs de la décennie numérique ne requièrent pas les mêmes efforts dans tous les États membres. En effet, certains d’entre eux ont déjà accompli des progrès considérables. En outre, plusieurs objectifs appellent un effort ciblé de la part de certains États membres. Le CESE reconnaît que la contribution potentielle des États membres à la réalisation des objectifs fixés au niveau de l’UE varie considérablement dans certains cas, ce qui doit également être pris en compte. Dans ce contexte, il demande que des indicateurs clés de performance concrets soient mis en place au niveau national afin de suivre les progrès accomplis et de veiller à la réalisation des objectifs.

3.6.

Le CESE espère que ces considérations seront intégrées dans le rapport d’avancement annuel de la Commission sur l’état de la décennie numérique. À cet égard, il se félicite de l’engagement pris selon lequel, dans les cinq mois suivant la publication du rapport, la Commission et les États membres coopéreront étroitement afin de recenser les domaines dans lesquels les progrès sont insuffisants et conviendront de mesures visant à garantir la réalisation des objectifs. Là encore, il appartiendra aux États membres d’adapter leurs feuilles de route stratégiques nationales pour tenir compte des recommandations formulées dans le rapport. Il est essentiel qu’ils s’engagent à prendre des mesures correctives et/ou à mettre en œuvre des projets, notamment multinationaux.

3.7.

Le CESE accueille également favorablement l’ensemble des outils de prise de décision proposés en vue de s’assurer que les mesures prises par les États membres soient suffisantes pour progresser vers la réalisation des objectifs de la décennie numérique. Ces outils, qui comprennent un examen par les pairs, des recommandations de la Commission, une action supplémentaire éventuelle au niveau de l’UE, ainsi qu’un dialogue ciblé, semblent très prometteurs en matière d’efficacité, en supposant bien entendu que toutes les recommandations soient suivies.

3.8.

En ce qui concerne l’établissement de rapports, le CESE souligne la nécessité de lier les objectifs de la décennie numérique au semestre européen. Les aspects numériques dans le cadre du semestre européen et le suivi des progrès réalisés en matière de transformation numérique dans l’UE revêtent une importance cruciale, et le CESE soutient la proposition qui prévoit que le rapport annuel sur «l’état de la décennie numérique» alimente le semestre européen. La réalisation des objectifs de la déclaration devrait faire l’objet d’un suivi à l’aide d’indicateurs concrets mesurant, par exemple, les progrès accomplis dans le domaine des compétences numériques professionnelles et des compétences permettant de détecter les fausses informations en ligne, ainsi que la réduction de la fracture numérique et le soutien apporté aux personnes qui n’ont pas accès aux services en ligne. À cet égard, les aspects relatifs à la facilité pour la reprise et la résilience devraient également être pris en considération.

3.9.

Le CESE réaffirme sa position favorable adoptée dans un avis connexe sur les projets multinationaux, qui sont des projets à grande échelle soutenant les objectifs de transformation numérique de l’UE. La démarche qui consiste à canaliser des investissements coordonnés impliquant au moins trois États membres et, le cas échéant, d’autres parties prenantes publiques ou l’ensemble de la société civile est pertinente (2).

3.10.

Ces projets soutiennent la productivité et la résilience de l’économie européenne et il est donc nécessaire de formuler des lignes directrices claires sur la manière dont les fonds peuvent être mis à disposition pour des projets multinationaux. Parmi les sources de financement possibles figure une combinaison de financements de l’UE et des États membres. Du côté européen, on peut notamment citer la facilité pour la reprise et la résilience, le programme pour une Europe numérique, le mécanisme pour l’interconnexion en Europe, le programme InvestEU, Horizon Europe, ou encore le Fonds européen de développement régional et le Fonds de cohésion. Toutefois, la contribution des États membres aux projets multinationaux que le CESE considère comme essentiels pour une transformation numérique européenne plus efficace et mieux coordonnée est vivement encouragée.

3.11.

Le CESE estime que la viabilité des projets multinationaux devrait être régulièrement évaluée et se félicite de la proposition selon laquelle la Commission fournira des conseils et, le cas échéant, des orientations pertinentes pour soutenir la mise en œuvre de ce type de projets.

4.   Observations particulières

4.1.

Les propositions de la Commission constituent un fondement et présentent un argumentaire sur la base desquels le Parlement européen, le Conseil et la Commission pourront élaborer et signer une déclaration conjointe. Selon le CESE, une déclaration reprenant dans un même document différents principes liés à la transformation numérique constituerait une référence utile dans le cadre de la mise en œuvre de la boussole numérique et de «La voie à suivre pour la décennie numérique». Dans le meilleur des cas, cette déclaration renforcerait la confiance des citoyens et des entreprises. Cela passe par un texte et une communication clairs et facilement compréhensibles.

4.2.

Bien que de nature politique et non juridiquement contraignante en soi, une telle déclaration servirait de référence et de guide solides pour les futures mesures politiques. Comme précisé dans la communication, la déclaration n’affecterait pas les droits juridiques actuels. Par conséquent, toute autre mesure fondée sur celle-ci devrait tenir dûment compte des instruments existants, juridiques et autres.

4.3.

Il importe également de renforcer un large éventail d’instruments et de mesures contribuant à la mise en œuvre de la déclaration. Par exemple, il est absolument nécessaire de sensibiliser à la signification pratique des principes et d’en favoriser la compréhension. Cela vaut pour les entreprises, les travailleurs, les consommateurs et les citoyens en général.

4.4.

Il est raisonnable d’utiliser les mécanismes existants pour contrôler la manière dont les principes seront et sont déjà mis en pratique. Le mécanisme de gouvernance de «La voie à suivre pour la décennie numérique» qui est proposé, avec ses objectifs généraux, est le plus pertinent à cet égard. En outre, il est utile de suivre l’évolution de la perception des citoyens au moyen d’enquêtes Eurobaromètre.

4.5.

Dans plusieurs avis antérieurs, le CESE a souligné combien il est important que la transformation numérique se déroule d’une manière centrée sur l’humain, inclusive et durable, et la déclaration fournirait une référence essentielle à cette fin. Des objectifs correspondants ont également été inclus dans «La voie à suivre pour la décennie numérique» et le CESE a estimé qu’ils fournissent un cadre qualitatif aux objectifs quantitatifs définis dans ce document et à ceux de la boussole numérique (3).

4.6.

Les différents principes et droits décrits dans le projet de déclaration se chevauchent à bien des égards et chacun d’entre eux comporte une variété d’aspects, dont certains sont assez détaillés. Il est donc difficile de percevoir l’essence du contenu, qui se trouve encore davantage obscurcie par le mélange des principes et des droits. L’ensemble initial de principes numériques lancé par la Commission pour consultation était plus clair et plus facile à comprendre et constituait donc une approche préférable, tout en utilisant les apports enrichissants de la consultation.

4.7.

Le CESE est d’avis que les droits numériques découlent des droits fondamentaux existants et sont définis par eux. Ils font partie des valeurs et des principes de l’UE, qui forment un ensemble comportant plusieurs niveaux et plusieurs dimensions, où différents droits et libertés se côtoient et où les valeurs fixent également des limites et garantissent un juste équilibre. C’est le cas, par exemple, des principes de la liberté d’expression et de non-discrimination dans le contexte des discours haineux, un phénomène croissant dans le monde en ligne.

4.8.

Le CESE estime que les principes numériques devraient servir tous les aspects couverts par le concept de développement durable. Toutefois, le principe de durabilité figurant dans le projet de déclaration semble principalement renvoyer à la durabilité environnementale, tandis que les cinq autres principes sont plutôt axés sur la durabilité sociale. Le CESE estime que la durabilité devrait être envisagée dans le cadre du développement et de l’utilisation des technologies numériques de deux manières: en réduisant au minimum l’impact néfaste des technologies et en maximisant leurs retombées positives pour l’économie et la société. La réussite de la transformation numérique se traduit dès lors par une combinaison d’avantages économiques, sociaux et environnementaux découlant de sa contribution à la création d’une meilleure compétitivité, de prospérité, d’emplois et de bien-être et à la transition vers une économie circulaire et à émissions nulles.

4.9.

Les droits fondamentaux et les valeurs de l’UE sont essentiels du point de vue tant des citoyens que des entreprises. La plupart des aspects inclus dans le projet concernent non seulement les citoyens en général, mais aussi les entrepreneurs, entreprises de l’économie sociale comprises, et les organisations de la société civile. La déclaration devrait donc reconnaître que la plupart d’entre elles, en particulier les PME, sont plus ou moins confrontées aux mêmes défis que la population en général s’agissant de s’adapter au monde numérique.

4.10.

Le CESE estime qu’il convient également de mettre davantage l’accent sur le renforcement des avantages de la transformation numérique, y compris sur le plan de la prospérité économique. Cela souligne l’importance des principes liés à la connectivité, aux compétences et à la sécurité, qui sont essentiels au développement socio-économique. Outre ceux proposés dans le projet de déclaration, les principes relatifs à l’innovation et à la propriété intellectuelle ainsi qu’à la liberté d’entreprise revêtent une grande importance pour les entreprises du monde numérique et devraient être reconnus dans la déclaration.

4.11.

La guerre entre la Russie et l’Ukraine a mis en évidence l’importance du bon fonctionnement des connexions numériques et de la cybersécurité à tous les niveaux et dans tous les secteurs de la société, ainsi que dans les connexions internationales. Elle a également renforcé la nécessité de développer les compétences des citoyens ainsi que les moyens de reconnaître et de combattre la désinformation.

4.12.

Le CESE a déjà insisté sur l’importance de la souveraineté numérique en tant que pilier essentiel du développement économique, social et environnemental de l’Europe et a également souligné que cette souveraineté doit être fondée sur la compétitivité mondiale et sur une coopération solide entre les États membres. Il s’agit d’une condition préalable essentielle pour que l’UE devienne une référence sur la scène internationale, y compris en matière de fiabilité des technologies numériques. En ce qui concerne plus particulièrement l’hébergement des données des européens, le CESE attire l’attention sur l’importance de mener à bien le projet européen d’informatique en nuage GAIA-X afin de renforcer la confiance de la population européenne et, partant, de favoriser la circulation des données (4).

4.13.

Le fonctionnement harmonieux et équitable du marché unique joue un rôle crucial dans le développement numérique au sein de l’UE. Le CESE estime dès lors que l’essence même des libertés dans le marché unique doit être pleinement protégée. La libre circulation et la propriété des données revêtent une importance croissante car, non seulement, elles concernent le marché unique des données en tant que tel, mais elles comportent également un lien intrinsèque avec les marchés des capitaux, des biens et des services.

4.14.

Le marché unique est également un point de départ et un tremplin pour permettre à l’UE d’élargir l’utilisation des marchés et des chaînes d’approvisionnement extérieurs et d’être un acteur mondial influent et puissant. La déclaration devrait donc être activement promue sur la scène internationale. Si les valeurs ne peuvent pas être «exportées», l’UE a le potentiel d’exercer une influence mondiale en utilisant un large éventail d’outils, allant des accords mondiaux mis en place par les partenaires sociaux dans les multinationales à l’action diplomatique, en passant par la coopération en matière d’innovation, les accords de commerce et d’investissement et les conditions de financement. Cela vaut à la fois pour les relations extérieures bilatérales et multilatérales.

Bruxelles, le 15 juin 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  COM(2021) 574 final.

(2)  Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant le programme d’action à l’horizon 2030 — «La voie à suivre pour la décennie numérique» (JO C 194 du 12.5.2022, p. 87).

(3)  Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant le programme d’action à l’horizon 2030 — «La voie à suivre pour la décennie numérique» (JO C 194 du 12.5.2022, p. 87).

(4)  Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant le programme d’action à l’horizon 2030 — «La voie à suivre pour la décennie numérique» (JO C 194 du 12.5.2022, p. 87).


23.9.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 365/18


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil fixant des règles harmonisées pour l’équité de l’accès aux données et de l’utilisation des données (règlement sur les données)

[COM(2022) 68 final — 2022/0047 (COD)]

(2022/C 365/04)

Rapporteur:

Marinel Dănuț MUREŞAN

Corapporteur:

Maurizio MENSI

Consultation

Parlement européen, 23.3.2022

 

Conseil, 29.3.2022

Base juridique

Article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

1.6.2022

Adoption en session plénière

15.6.2022

Session plénière no

570

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

184/0/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement le règlement sur les données et souligne la nécessité de le mettre en œuvre en évitant toute discrimination à l’égard des personnes qui rencontrent des difficultés pour accéder à l’internet ou aux données.

1.2.

Le CESE considère que la protection des données à caractère personnel, de l’identité numérique et de la vie privée devrait être vue comme un aspect fondamental de la gouvernance des données, en lien direct avec la question du respect de la dignité humaine et des droits fondamentaux. Ainsi, la traçabilité, l’interopérabilité et la multimodalité des différentes activités au sein des chaînes d’approvisionnement sont nécessaires pour assurer une synergie claire avec les indicateurs du pacte vert et les objectifs de développement durable (ODD).

1.3.

Le CESE estime qu’il importe de veiller au respect des normes de sécurité et d’éthique, de prévoir des conditions multiples et suffisantes en matière de fonctionnalité des données, de définir des procédures de cybersécurité et d’assurer un stockage approprié des données sur le territoire de l’Union, en partant du principe que les personnes devraient rester maîtres des données qu’elles produisent, conformément aux objectifs européens d’autonomie stratégique et d’indépendance technologique. Réglementer l’accès aux données et l’utilisation de ces dernières est une condition préalable essentielle si nous voulons concrétiser les possibilités offertes par l’ère numérique dans laquelle nous vivons.

1.4.

De l’avis du CESE, il est notamment utile et nécessaire d’assurer une concurrence équitable et une juste répartition des coûts et de la valeur ajoutée au sein de la chaîne d’approvisionnement de données, en incluant tous les acteurs.

1.5.

Le CESE rappelle que la protection des droits des citoyens est un élément fondamental du système social européen, et que la compétitivité économique doit être garantie grâce à un niveau élevé de sécurité et de protection de la vie privée, au respect des normes de sécurité et d’éthique, à des conditions multiples et suffisantes en matière de fonctionnalité des données, à des procédures de cybersécurité et à un stockage approprié des données dans des espaces et des lieux certifiés au sein de l’Union.

1.6.

Le CESE suggère d’élargir le champ d’application de la proposition de règlement, de manière à couvrir tous les produits physiques qui obtiennent, génèrent ou recueillent des données concernant leur performance, leur utilisation ou leur environnement et qui sont en mesure de communiquer ces données par l’intermédiaire d’un service de communications électroniques accessible au public.

1.7.

Le CESE estime que les utilisateurs et les destinataires des données devraient jouir d’un accès sans entraves aux données qui sont indispensables au fonctionnement, à la réparation ou à l’entretien des produits connectés et des services connexes. Cela comprend toutes les données brutes et les métadonnées, mais aussi les autres ensembles pertinents de données traitées, affinées ou agrégées.

2.   Éléments de contexte

2.1.

La Commission européenne propose de présenter le règlement sur les données, qui vise à garantir une répartition équitable de la valeur tirée des données ainsi qu’à améliorer et à rendre plus efficaces l’accès aux données et leur utilisation. Réglementer l’accès aux données et l’utilisation de ces dernières est une condition préalable essentielle à la concrétisation des possibilités offertes par l’ère numérique dans laquelle nous vivons. En outre, la proposition décrit la manière dont les droits pertinents sont appliqués, facilite l’accès aux données et l’utilisation de ces dernières par les consommateurs et les entreprises, et garantit l’accessibilité des données aux organismes publics en cas de nécessité. Elle a pour objectif de valoriser les données produites par des objets connectés en Europe, en supprimant les obstacles à l’accès aux données tant pour les entités privées que publiques, tout en préservant les incitations à investir dans la production de données en assurant à leurs créateurs un contrôle équilibré de ces données.

2.2.

Cette proposition représente la dernière composante transversale de la stratégie de la Commission pour les données et intègre l’acquis global de l’Union en matière de politique numérique, y compris le règlement général sur la protection des données (RGPD), la directive sur les informations du secteur public (directive ISP), le règlement sur la libre circulation des données et les négociations en cours relatives à la législation sur l’intelligence artificielle, au règlement sur la vie privée et les communications électroniques et à la législation sur les services numériques. Enfin, son objectif est de parvenir à une répartition plus équitable de la valeur en remédiant aux situations où les données sont exclusivement utilisées par quelques acteurs. Le CESE recommande de définir plus clairement les utilisateurs et les catégories de données, tout en garantissant les droits des utilisateurs.

2.3.

La proposition entend, d’une part, assurer l’équité dans l’environnement numérique en permettant aux consommateurs et aux entreprises de mieux contrôler leurs données, en précisant qui peut y accéder et à quelles conditions; d’autre part, stimuler le développement d’un marché des données concurrentiel en «[ouvrant] l’accès à une profusion de données industrielles»; et, enfin, ouvrir des perspectives pour l’innovation fondée sur les données et rendre les données plus accessibles à tous.

2.4.

La proposition prévoit par ailleurs de faciliter une synergie claire et efficace entre les services d’informatique en nuage et les services de traitement des données à la périphérie, de mettre en place des garanties contre le transfert illicite de données, sans notification, par les fournisseurs de services informatiques en nuage, et d’élaborer des normes d’interopérabilité pour les données destinées à être réutilisées entre les secteurs. Un autre objectif central consiste à accroître la valeur ajoutée des bases de données, issues de données et de leur traitement, et à encourager les différents acteurs à soutenir l’essor de l’économie fondée sur les données.

2.5.

La proposition aura d’amples répercussions à la fois sur les citoyens, les entreprises et les pouvoirs publics, tant au sein de l’Union qu’en dehors, et pourrait transformer profondément le cadre réglementaire européen en matière de données. Elle vise à renforcer la transparence et la sécurité juridique en matière de partage des données générées par l’utilisation de certains produits ou services, ainsi qu’à mettre en œuvre des règles visant à garantir l’équité des contrats de partage de données. Elle crée un cadre fiable et adéquat pour le partage de données entre les entreprises et les consommateurs comme entre les entreprises, et définit les obligations légales qui incombent aux détenteurs de données en matière de mise à disposition des données. En outre, elle encadre les clauses abusives relatives à l’accès aux données et à leur utilisation entre acteurs du marché.

2.6.

Le règlement sur les données aborde de manière cohérente les garanties en matière de données à caractère non personnel dans un contexte international, ainsi que l’interopérabilité, tout en atténuant divers obstacles à l’utilisation et à la réutilisation des données.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE accueille favorablement et soutient le règlement sur les données, puisqu’il précise qui peut créer de la valeur à partir de ces données et dans quelles conditions, et qu’il garantit l’équité dans la répartition de la valeur des données entre les acteurs de l’économie fondée sur les données et dans leurs contrats, tout en respectant les intérêts légitimes des entreprises et des particuliers qui investissent dans des produits et services de données. En outre, ces nouvelles règles donnent aux consommateurs et aux entreprises les moyens d’agir en leur donnant leur mot à dire sur ce qui peut être fait avec les données générées par leurs produits connectés. Ces dernières années, le développement des technologies fondées sur les données s’est accéléré. Ces technologies sont employées dans de nombreux secteurs économiques, ce qui permet de garantir et de proposer un accès adéquat et suffisant aux données. Outre la valeur ajoutée liée aux bases de données, le règlement sur les données joue un rôle important pour garantir une croissance économique innovante et éthique, à même d’ouvrir à tout à chacun des perspectives.

3.2.

À l’heure actuelle, beaucoup de PME n’ont pas accès aux données qu’elles ont contribué à générer par l’utilisation d’un équipement de l’internet des objets ou de services connexes qu’elles possèdent, louent ou donnent en location. En outre, les PME et start-up innovantes ne parviennent pas à créer de valeur ajoutée sous la forme de nouveaux produits et services complémentaires destinés aux utilisateurs d’équipements de l’internet des objets, car elles ne peuvent pas récupérer les données générées par ces appareils. Cette situation sape la performance du marché unique numérique.

3.3.

La proposition législative vise à optimiser la valeur des données dans l’économie en veillant à ce qu’un plus grand nombre de parties prenantes obtiennent le contrôle de leurs données et à ce que davantage de données soient accessibles pour des usages innovants. Elle envisage ainsi divers outils innovants pour relocaliser les services de traitement des données au niveau européen, et bouleverse les rapports de force existants, qui favorisent les grands opérateurs de données bien établis au détriment des petits acteurs européens. La proposition entend inverser les récentes tendances du marché qui ont mené au renforcement de l’«économie de l’internet» et créé des monopoles de données dans différents secteurs, dont les soins de santé et l’industrie automobile. Face à cette prolifération constante de données, il convient de se montrer attentif et de réglementer le degré d’iniquité de leurs conditions d’utilisation.

3.4.

La proposition améliore les conditions dans lesquelles les entreprises et les consommateurs peuvent utiliser les services en nuage et les services à la périphérie dans l’Union, en facilitant le transfert, sans frais, de données et d’applications entre fournisseurs.

3.5.

Le CESE estime qu’il y a lieu d’intensifier les efforts consentis pour consolider l’économie fondée sur les données ainsi que la gouvernance des données. Il est notamment indispensable de renforcer et de soutenir l’éducation aux données en vue de consolider et de développer l’économie fondée sur les données, afin que les citoyens et les entreprises soient bien informés et disposés à mettre leurs données à disposition et à y donner accès, dans le respect des règles juridiques applicables. Cet impératif forme l’un des piliers d’une société des données qui soit durable et conforme aux droits fondamentaux, aux droits des travailleurs, aux règles de la démocratie et au caractère ouvert et inclusif des droits.

3.6.

Le CESE se félicite de la disposition qui prévoit que les PME soient désormais protégées contre les clauses contractuelles abusives, au moyen de la liste des clauses contractuelles imposées unilatéralement jugées ou présumées abusives. Les clauses dont le caractère abusif est apprécié ne seront pas contraignantes pour les PME. À cet égard, la Commission élaborera et recommandera des clauses contractuelles types non contraignantes, afin d’aider les PME à négocier des contrats de partage de données plus équitables et équilibrés avec des entreprises jouissant d’un pouvoir de négociation nettement supérieur. L’Union et les États membres devraient se soucier davantage de renforcer la capacité des entreprises européennes, en particulier des PME et des start-up, à participer et à contribuer à l’économie fondée sur les données en Europe et dans le monde. Il faut pour cela intensifier les investissements dans l’éducation et la formation, la recherche et le développement, et les espaces communs de données qui sous-tendent la création de valeur fondée sur les données. Il est essentiel de veiller à ce que les PME aient les moyens de recourir à l’appréciation du caractère abusif et de se prémunir contre les pratiques contractuelles déloyales. À cet effet, les clauses contractuelles types fournies par la Commission offrent un outil utile, qui doit cependant être complété par d’autres formes de soutien de la part des autorités nationales compétentes.

3.7.

Le CESE considère qu’une approche plus sectorielle s’impose dans les processus liés à la valeur ajoutée, et dans l’utilisation et la réutilisation des données, afin d’améliorer la synergie avec les indicateurs du pacte vert et les objectifs de développement durable (ODD). Il convient de dynamiser et de soutenir les secteurs qui accusent un retard en matière d’intégration des technologies numériques. Il importe que le règlement soit appliqué de manière transparente et efficace afin de garantir la traçabilité, l’interopérabilité et la multimodalité des différentes activités au sein des chaînes d’approvisionnement, par exemple dans le secteur des transports. Dans cette perspective, il serait bon d’adopter des lignes directrices spécifiques pour favoriser une interprétation uniforme du règlement parmi les États membres.

3.8.

Le CESE est favorable à ce que les organismes publics aient le droit d’accéder aux données en cas d’urgence, lorsque la loi les y autorise. Toutefois, cette pratique devrait faire l’objet d’un suivi attentif afin de prévenir tout abus et toute menace pour les valeurs démocratiques et l’état de droit. Dans les situations d’urgence, le renforcement de la résilience et la garantie d’une concurrence loyale sont des facteurs à prendre en compte, parallèlement au respect des droits de l’homme. D’une manière générale, les organismes du secteur public sont autorisés à accéder aux données lorsque cela s’impose pour protéger l’intérêt général, selon des modalités proportionnées qui minimisent la charge pesant sur les personnes physiques ou morales concernées. Il serait utile de soutenir la mise en place d’organismes de confiance indépendants, chargés de promouvoir le partage volontaire ou obligatoire de données entre les entreprises et les pouvoirs publics, tant sur le plan technique que contractuel, opérationnel et financier. Ces organisations pourraient aussi jouer le rôle d’organes de règlement des litiges.

3.9.

Le CESE estime que la proposition de règlement sur les données devrait tenir compte des répercussions sur le marché du travail. Il faut tenir compte du manque de nouvelles aptitudes et compétences, qui se fait particulièrement sentir parmi le personnel des micro, petites et moyennes entreprises. L’amélioration des conditions de travail, la stabilité de l’emploi et la prévisibilité des carrières sont autant d’éléments qui peuvent permettre à l’avenir de consolider l’économie fondée sur les données et qui méritent d’être systématiquement pris en considération.

3.10.

Le CESE salue l’objectif principal de cette proposition, lequel consiste à garantir un accès non discriminatoire à l’économie des données et au marché des données, ainsi qu’à offrir des possibilités d’accès à tous, particuliers comme entreprises, indépendamment de leur localisation. Il convient donc de tenir pleinement compte de la nécessité de garantir le déploiement de réseaux à haut débit et à grande capacité au sein de l’Union, et de mettre en place des infrastructures internet multirégionales destinées à la collecte, à l’utilisation et à la réutilisation des données.

3.11.

Au vu des perturbations engendrées par la progression et la multiplication des risques numériques ainsi que des infrastructures privées et publiques exploitant des technologies numériques, le CESE estime qu’il importe de contrôler davantage la bonne mise en œuvre du règlement sur les données, notamment en matière de gestion des données.

3.12.

Il estime que la protection des données à caractère personnel, la protection de l’identité numérique et la protection de la vie privée sont des aspects essentiels de la gouvernance des données et sont directement liées à la question du respect de la dignité humaine et des droits fondamentaux. Il conviendrait dès lors de reconnaître et de garantir les droits de propriété des données à caractère personnel afin de permettre aux citoyens européens de contrôler l’utilisation de leurs données (1). Le suivi des activités en ligne ne devrait avoir lieu que lorsque les intéressés ont connaissance de l’utilisation ultérieure des données concernées et qu’ils y consentent expressément, conformément aux règles juridiques applicables.

4.   Observations particulières

4.1.

Le CESE accueille favorablement la proposition de règlement, qui répond aux besoins de l’économie numérique et à la nécessité de supprimer les obstacles au bon fonctionnement du marché intérieur des données et de promouvoir des échanges équitables en établissant un cadre harmonisé. À cet égard, il y a lieu de respecter les règles de l’Union en matière de sécurité et de cybersécurité, conformément aux objectifs d’autonomie stratégique et d’indépendance technologique de l’Union.

4.2.

Il conviendrait par ailleurs de soutenir et d’aider, sur le plan économique, les groupes défavorisés ainsi que les régions isolées dans lesquelles l’accès à l’internet est limité, pour leur permettre de tirer parti des possibilités offertes par l’économie fondée sur les données.

4.3.

Le CESE souligne la nécessité pour les États membres d’intensifier encore les efforts visant à aider les entreprises, en particulier les PME, à faire émerger, renforcer et mettre à profit les infrastructures de données, les compétences des employés et les connaissances spécialisées, en recourant aux Fonds structurels de l’Union et à l’instrument NextGenerationEU. Il serait bon que les PME soient mieux formées en vue de la numérisation de leurs activités, grâce, notamment, à des subventions et à des incitations fiscales qui pourraient être accordées à cet effet par les États membres.

4.4.

L’économie fondée sur les données peut non seulement créer des emplois de qualité, en particulier pour les jeunes, les groupes vulnérables ou les personnes «ne travaillant pas, ne suivant pas d’études ou de formation» (NEET), mais aussi améliorer leurs conditions de travail. Cette dynamique contribuera à résorber la fracture numérique et à accroître la compétitivité de l’économie fondée sur les données à l’échelle européenne.

4.5.

Le CESE estime qu’il est primordial de garantir un accès aux données et une concurrence loyale entre acteurs sur le marché européen. Il est notamment pertinent et nécessaire d’assurer une répartition équitable des coûts et de la valeur ajoutée au sein de la chaîne d’approvisionnement de données, en incluant tous les acteurs. Les grandes entreprises, et surtout les fournisseurs de services en nuage qui concentrent un fort pouvoir de marché, devraient être contrôlées pour mettre fin aux divers abus.

4.6.

Le CESE considère qu’il faut absolument investir dans les capacités de gestion et de fonctionnement des pouvoirs publics compétents pour assurer la bonne mise en œuvre du règlement sur les données. Les autorités compétentes devraient se voir allouer des ressources financières suffisantes afin de garantir une adéquation des ressources humaines, techniques et financières.

4.7.

Le CESE reconnaît l’importance d’un modèle de «coopératives de gestion et d’échange de données», un instrument qui favorisera les micro, petites et moyennes entreprises, les indépendants et les professions libérales (2).

4.8.

Le CESE insiste sur l’importance de maintenir la pleine protection des droits des citoyens lorsque l’on s’attache à garantir la compétitivité économique de l’Union. Il importe en particulier de garantir un niveau élevé de sécurité et de protection de la vie privée, de veiller au respect des normes de sécurité et d’éthique, de prévoir des conditions multiples et suffisantes en matière de fonctionnalité des données, de définir des procédures de cybersécurité, et d’assurer un stockage approprié des données hébergées sur le territoire de l’Union (et détenues par elle) dans des espaces et des lieux certifiés.

4.9.

Le CESE suggère d’évaluer la possibilité d’élargir le champ d’application du règlement, de manière à couvrir tous les produits physiques qui obtiennent, génèrent ou recueillent des données concernant leur performance, leur utilisation ou leur environnement et qui sont en mesure de communiquer des données par l’intermédiaire d’un service de communications électroniques accessible au public. Outre un large éventail d’équipements de l’internet des objets, cette définition devrait aussi inclure les ordinateurs, les tablettes, les smartphones et autres dispositifs connectés analogues.

4.10.

Le CESE estime que les utilisateurs et les destinataires des données devraient jouir d’un accès sans entraves aux données qui sont indispensables au fonctionnement, à la réparation ou à l’entretien des produits connectés et des services connexes, dans le plein respect des droits de propriété intellectuelle et/ou des secrets commerciaux.

Bruxelles, le 15 juin 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la gouvernance européenne des données (acte sur la gouvernance des données) [COM(2020) 767 final] (JO C 286 du 16.7.2021, p. 38).

(2)  Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la gouvernance européenne des données (acte sur la gouvernance des données) [COM(2020) 767 final] (JO C 286 du 16.7.2021, p. 38).


23.9.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 365/23


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Action européenne sur les semi-conducteurs»

[COM(2022) 45 final]

(2022/C 365/05)

Rapporteur:

Heiko WILLEMS

Consultation

Commission européenne, 2.5.2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

1.6.2022

Adopted at plenary

15.6.2022

Session plénière no

570

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

203/0/6

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite de l’objectif de la Commission européenne consistant à renforcer l’écosystème des semi-conducteurs, à accroître sensiblement la résilience et la sécurité de l’approvisionnement et à réduire les dépendances extérieures. L’action européenne sur les semi-conducteurs est une occasion unique pour tous les États membres de l’Union d’agir de concert pour atteindre l’objectif d’une base technologique plus solide.

1.2.

Outre les éléments de petite taille (< 2 nm), il y a lieu de prendre également en considération les besoins de la clientèle industrielle et les atouts de l’industrie européenne des semi-conducteurs, en particulier lorsqu’il s’agit de semi-conducteurs de puissance et de capteurs nettement plus grands. La maîtrise des éléments de plus petite taille n’est pas le seul facteur déterminant de la réussite de l’écosystème des semi-conducteurs. Les exigences spécifiques en matière de microélectronique seront de plus en plus différenciées à l’avenir et il sera également nécessaire d’élargir de plus en plus l’offre de puces semi-conductrices révolutionnaires et innovantes, quelle que soit leur taille. C’est pourquoi le Comité recommande une approche globale, fondée principalement sur un écosystème des semi-conducteurs innovant.

1.3.

Pour atténuer la pénurie de semi-conducteurs à long terme, l’accès aux matières premières, aux installations de recherche et de développement (R & D), à la propriété intellectuelle et au savoir-faire technologique, et une main-d’œuvre disponible et qualifiée sont importants. Des investissements privés et un soutien important du secteur public sont indispensables pour ce faire. Le CESE invite la Commission à préciser ses plans d’investissement, en particulier en ce qui concerne les modalités de financement des investissements.

1.4.

Il reconnaît que, pour l’Union européenne, la promotion de l’industrie des semi-conducteurs est un projet clé et stratégique tourné vers l’avenir qui sera décisif pour la sécurité de l’approvisionnement et pour l’avenir de l’Europe en tant que centre d’innovation et lieu d’activité économique. Toutefois, la viabilité économique de ces facilités doit être garantie, au moins à moyen terme, pour assurer l’efficacité et la durabilité des investissements provenant de fonds publics. Il s’impose d’éviter une course aux subventions et d’allouer les fonds de manière efficace sans créer de surcapacités ni de distorsions du marché.

1.5.

Le CESE est convaincu que l’écosystème européen des semi-conducteurs doit être renforcé en vue de parvenir à une autonomie stratégique ouverte. La chaîne de valeur des semi-conducteurs est l’une des plus mondialisées. En raison du niveau élevé d’interdépendance internationale sur le marché des semi-conducteurs, la mise en place d’une chaîne de valeur fermée dans toutes les régions du monde n’aurait aucun sens sur le plan économique. Néanmoins, les segments technologiques qui sont particulièrement vulnérables en raison de préoccupations géopolitiques ou de leur pertinence stratégique devraient bénéficier du soutien nécessaire.

1.6.

Cette interdépendance internationale doit également être prise en compte en ce qui concerne les mesures d’urgence envisagées. Étant donné que la Commission européenne renforce la résilience de l’Europe, elle devrait également étoffer les partenariats internationaux.

1.7.

Le CESE déplore l’absence d’évaluation d’impact.

1.8.

Il souhaite attirer l’attention sur les avis qu’il a émis à ce sujet (1).

2.   Observations générales

2.1.

Dans un monde de plus en plus numérisé, les semi-conducteurs sont une composante essentielle de nombreux secteurs économiques et domaines de la vie, tant pour l’industrie que pour les consommateurs. La valeur des puces vendues dans le monde n’a cessé de s’amplifier ces dernières années et les ventes devraient augmenter de 11 % en 2022 (2). En outre, les objectifs de transition écologique et numérique ne peuvent être atteints sans semi-conducteurs. Les progrès technologiques dans ce domaine permettent une innovation transsectorielle tout au long de la chaîne de valeur.

2.2.

Les semi-conducteurs deviennent aussi de plus en plus importants sur le plan géopolitique. La chaîne de valeur des semi-conducteurs est l’une des plus mondialisées. Aucun État ne dispose d’une autonomie totale sur l’ensemble du processus de création de valeur. Il existe au contraire un niveau élevé de division du travail et d’interdépendance entre les nations et les régions en raison de l’importance des coûts et de la complexité des étapes de la production. C’est pourquoi le CESE est fermement convaincu que la mise en place d’une chaîne de valeur fermée dans toutes les régions du monde n’aurait aucun sens sur le plan économique. Au contraire, une analyse détaillée des forces et des faiblesses de l’écosystème européen des semi-conducteurs devrait servir de point de départ à un débat sur la manière dont des investissements ciblés pourraient accroître la résilience de l’Europe. Parallèlement, la Commission européenne devrait renforcer les partenariats internationaux dans l’écosystème des semi-conducteurs afin de créer des synergies. Les segments technologiques qui sont particulièrement vulnérables en raison de préoccupations géopolitiques ou de leur pertinence stratégique devraient toutefois bénéficier du soutien nécessaire, tant sur le plan financier que sur le plan politique.

2.3.

Compte tenu des tensions géopolitiques croissantes et des goulets d’étranglement tout au long de la chaîne de valeur des semi-conducteurs, certaines régions économiques effectuent déjà des investissements massifs. Avec le CHIPS for America Act, les États-Unis prévoient d’investir 52 milliards d’USD entre 2021 et 2026 et d’éliminer les dépendances critiques (3). La Chine considère le secteur des semi-conducteurs comme un élément clé de son orientation stratégique et entend mobiliser, selon les estimations, 150 milliards d’USD d’ici à 2025 (4). Son objectif est de pouvoir répondre à 70 % de ses besoins par elle-même d’ici-là. Toutefois, il reste à voir si cet objectif est réaliste.

2.4.

Compte tenu de la situation géopolitique, le CESE reconnaît qu’il est urgent que l’Union européenne prenne des mesures dans ce domaine afin de réduire les dépendances stratégiques et économiques. Dans sa boussole numérique (5), la Commission s’est fixé pour objectif de faire en sorte que la production de semi-conducteurs durables et de pointe en Europe représente au moins 20 % de la production mondiale d’ici à 2030. Cet objectif a été réaffirmé dans la proposition de programme d’action 2030 intitulé «La voie à suivre pour la décennie numérique» (6). Le CESE se félicite de l’objectif de la Commission européenne de renforcer l’écosystème des semi-conducteurs, d’accroître sensiblement la résilience et la sécurité de l’approvisionnement et de réduire les dépendances extérieures, et soutient l’objectif consistant à jouer un rôle majeur dans l’écosystème des semi-conducteurs à l’échelle mondiale.

2.5.

Le CESE souligne que les 43 milliards d’EUR prévus par la Commission européenne ne sont pas de l’«argent frais». L’essentiel du budget ayant déjà été affecté, par exemple dans le programme-cadre Horizon Europe et le programme pour une Europe numérique, il ne s’agit dès lors que d’une réaffectation. La somme de 43 milliards d’EUR ne peut être atteinte qu’au moyen d’investissements privés importants, lesquels devront encore être garantis. Cette situation contraste nettement avec les 52 milliards d’USD octroyés par les États-Unis. Dans le même temps, le CESE souligne la nécessité d’éviter une course aux subventions et de dépenser l’argent de manière efficace.

2.6.

Le CESE déplore l’absence d’analyse d’impact de la communication et des propositions qui s’y rapportent.

3.   Observations particulières

3.1.

Dans cette rubrique, le CESE évalue des aspects spécifiques des objectifs stratégiques de la stratégie européenne pour les semi-conducteurs.

3.2.   Investissements axés sur les politiques

3.2.1.

Pour atteindre les objectifs de sa stratégie sur les semi-conducteurs, la Commission européenne entend mobiliser environ 43 milliards d’EUR d’investissements publics et privés. Cette somme inclut des investissements publics à hauteur de 11 milliards d’EUR au titre de l’initiative «Semi-conducteurs pour l’Europe». En outre, la Commission prévoit de combiner diverses mesures, telles que le soutien sous forme d’un mécanisme de financement en fonds propres, un fonds «semi-conducteurs» d’une valeur de 2 milliards d’EUR, des prêts de la Banque européenne d’investissement (BEI) et des fonds provenant de mesures en matière de microélectronique dans les plans pour la reprise et la résilience et de fonds nationaux ou régionaux. La Commission mentionne également le soutien à la recherche et à l’innovation industrielles par l’intermédiaire de projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC). En principe, le CESE soutient ces ambitieux plans d’investissement. Leur mode de financement n’apparaît cependant pas clairement. Le CESE invite la Commission à étoffer ces plans.

3.3.   Renforcement de l’avance en matière de recherche et de technologie

3.3.1.

Le programme-cadre de recherche Horizon Europe fixe déjà l’objectif de promouvoir les technologies de nouvelle génération. Le CESE soutient expressément cet objectif. Selon la Commission européenne, les futures activités de recherche à soutenir au titre de l’entreprise commune «Semi-conducteurs» contribueront à mieux répondre aux besoins des industries verticales à l’avenir et à faire en sorte de relever les défis sociétaux et environnementaux.

3.3.2.

La Commission entend concentrer ses efforts de recherche sur les technologies permettant d’atteindre des dimensions de transistor inférieures à 2 nm, les technologies de rupture pour l’intelligence artificielle (IA), les processeurs à très faible consommation d’énergie, les matériaux nouveaux ainsi que l’intégration hétérogène et 3D de différents matériaux et les solutions de conception émergentes. Pour l’essentiel, le CESE accueille favorablement et soutient cette approche. L’Europe dispose d’une bonne base en tant que centre de recherche. La création d’une propriété intellectuelle spécifique à un produit pour la chaîne de valeur européenne des semi-conducteurs, y compris sur la base de l’approche informatique à source ouverte RISC-V, devrait encore améliorer les compétences en matière de solutions de semi-conducteurs dans de nombreux secteurs clés.

3.3.3.

Le CESE souscrit à l’intention consistant à promouvoir l’intégration des fonctions clés, la consommation d’énergie durable, l’amélioration des performances informatiques et les technologies de rupture telles que les puces neuromorphiques et les puces intégrées pour l’intelligence artificielle (IA), la photonique intégrée, le graphène et d’autres technologies fondées sur les matériaux 2D. Outre les petites dimensions (< 2 nm), il y a lieu de prendre également en considération les besoins de la clientèle industrielle et les atouts de l’industrie européenne des semi-conducteurs, en particulier lorsqu’il s’agit de semi-conducteurs et de capteurs de puissance nettement plus grands. Alors que les technologies telles que l’IA, l’apprentissage automatique, le calcul 5G/6G et le calcul à haute performance nécessitent des solutions de puces de 5 nm et moins, la production industrielle continue de nécessiter des puces spécialisées de taille beaucoup plus grande à grande échelle. Dès lors, l’Europe ne devrait pas se concentrer exclusivement sur les plus petites dimensions. Le CESE est fermement convaincu que la maîtrise des caractéristiques de plus petite taille (< 10 nm) n’est pas le seul facteur déterminant de la réussite de l’écosystème des semi-conducteurs. Au contraire, les exigences spécifiques en matière de microélectronique seront de plus en plus différenciées à l’avenir et il sera nécessaire d’élargir de plus en plus l’offre de puces semi-conductrices révolutionnaires et innovantes, quelle que soit leur taille. C’est pourquoi il recommande une approche globale, fondée principalement sur le potentiel d’innovation de l’écosystème des semi-conducteurs.

3.3.4.

Le CESE soutient la recherche sur les puces quantiques et se félicite de l’octroi d’un financement au titre de l’initiative phare «Technologies quantiques» d’Horizon Europe.

3.4.   Leadership dans le domaine de la conception, de la fabrication et de l’emballage

3.4.1.

Le CESE se félicite de l’objectif consistant à renforcer la technologie des semi-conducteurs et les capacités d’innovation dans l’Union et à promouvoir un écosystème de semi-conducteurs dynamique et résilient. Cette approche globale, qui met l’accent non seulement sur les acteurs de l’innovation technologique, mais aussi sur les industries d’approvisionnement et les utilisateurs industriels, doit être considérée comme positive. Le CESE souligne la nécessité de renforcer l’ensemble de la chaîne de valeur et de l’écosystème des semi-conducteurs, étant donné que ce ne sont pas seulement les puces, mais aussi les compétences en matière de matériaux et de processus, y compris les emballages, qui jouent un rôle fondamental pour permettre l’émergence de nouvelles technologies de semi-conducteurs. Une coopération étroite entre les parties prenantes du côté de l’offre et du côté de la demande est importante, l’Alliance pour les processeurs et les technologies de semi-conducteurs jouant un rôle consultatif, conjointement avec d’autres parties prenantes. Le CESE recommande d’avancer rapidement dans la mise en œuvre de cette initiative. En fin de compte, toutefois, la mise en œuvre effective des mesures déterminera si ces mesures sont couronnées de succès et si l’investissement attendu est effectivement réalisé.

3.4.2.

La Commission européenne prévoit de créer une infrastructure de conception pour les technologies intégrées des semi-conducteurs. Toutes les parties intéressées, y compris les PME, auront accès à cette infrastructure. Le CESE se félicite de l’introduction de règles claires en matière de propriété intellectuelle, ce qui est essentiel au succès d’une telle plateforme où des investissements considérables sont réalisés dans la recherche. Il estime également que la participation et, surtout, la fourniture de dessins ou modèles doivent être volontaires. Le concept de coopération et de création de synergies, y compris au niveau international, est très opportun. Toutefois, la mise en œuvre effective sera également cruciale à cet égard. La plateforme ne peut être couronnée de succès que si différentes parties prenantes issues du monde universitaire, de la recherche, des universités, des développeurs et de l’industrie font preuve d’une forte volonté de participer.

3.4.3.

Le CESE accueille favorablement le projet de créer des lignes pilotes innovantes pour les prototypes sur la base des lignes pilotes existantes. Il est également logique de les relier à la plateforme de conception de l’infrastructure.

3.4.4.

L’industrie des semi-conducteurs produit une gamme de produits de haute technologie qui sont importants pour de nombreuses applications. Cette variété de produits est intégrée sur les marchés internationaux. Le CESE souligne dès lors que toute tentative d’introduction de la certification devrait se fonder sur des normes et des standards internationaux. Une coopération étroite avec les fabricants, les utilisateurs et les partenaires internationaux est importante à cet égard. Récemment, l’industrie des semi-conducteurs a été au centre de tensions commerciales régionales et de frictions dans la chaîne d’approvisionnement. S’ajoutant aux ambitions des acteurs du marché émergents, cela conduit à des approches nationales et régionales différentes en matière de normalisation ainsi qu’à des tensions dans la normalisation formelle au niveau international en ce qui concerne la normalisation internationale et les systèmes de certification qui y sont associés. L’Union européenne doit tout mettre en œuvre pour élaborer des normes axées sur le marché qui puissent être traduites en normes internationales. À cette fin, la coopération tant au sein de l’Union qu’avec les partenaires internationaux est de la plus haute importance.

3.4.5.

Le CESE partage l’avis de la Commission européenne selon lequel les investissements privés dans des installations avancées de semi-conducteurs nécessiteront probablement un soutien considérable de la part du secteur public. La Commission entend également tenir compte de la question de savoir si les installations de production sont «les premières du genre» dans l’évaluation des aides d’État au titre de l’article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE et déclare que même 100 % d’un déficit de financement avéré peuvent être couverts par des ressources publiques, au cas où de telles installations ne pourraient pas exister autrement en Europe. Il reconnaît que pour l’Union européenne, la promotion de l’industrie des semi-conducteurs est un projet clé et stratégique tourné vers l’avenir qui sera décisif pour la sécurité de l’approvisionnement et pour l’avenir de l’Europe en tant que centre d’innovation et lieu d’activité économique. Dans le même temps, le CESE souligne que l’octroi d’aides d’État importantes allant jusqu’à 100 %, financées par les contribuables, pourrait conduire à des investissements qui ne soient pas commercialement viables et qui pourraient avoir une incidence négative sur le marché. Si la part des subventions et des fonds correspondants sont trop importants et couvrent tous les risques économiques, cela pourrait conduire à des conditions de concurrence inéquitables. Le CESE met également en évidence le risque de coûteuses courses aux subventions sur le plan international, en particulier si le site sélectionné pour une installation avancée de semi-conducteurs n’est pas optimal. Le CESE attire l’attention sur la communication de la Commission européenne intitulée «Une politique de concurrence adaptée aux nouveaux défis» (7), qui précise que ces aides doivent être assorties de solides garde-fous et que les avantages doivent être partagés largement et sans discrimination dans l’ensemble de l’économie européenne. Le CESE reconnaît que le principe «unique en son genre» crée des conditions-cadres attrayantes pour les relocalisations, ce qui pourrait également avoir un effet catalyseur sur les autres opérateurs économiques. En fin de compte, toutefois, la viabilité économique de ces facilités doit être garantie, au moins à moyen terme, pour assurer l’efficacité des investissements provenant de fonds publics. C’est le seul moyen d’éviter le scénario le plus pessimiste, celui d’une usine de semi-conducteurs sous-utilisée qui coûte des millions d’EUR par jour.

3.5.   Faciliter les investissements privés

3.5.1.

Le CESE se félicite de la création du «Fonds pour les semi-conducteurs», notamment s’il permet aux entreprises, en particulier aux PME et aux jeunes pousses, d’obtenir plus facilement les financements adéquats.

3.6.   Remédier à la pénurie aiguë de compétences

3.6.1.

La numérisation et l’évolution technologique nécessitent une éducation et une formation continues. Le Comité invite la Commission et les États membres à remédier aux déficits de compétences dans les domaines numériques clés afin de répondre à la forte demande de travailleurs qualifiés, diplômés de l’enseignement supérieur ou non, en particulier dans les domaines des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques. Cela doit commencer à l’école. Lors de la mise en place de l’orientation scolaire et professionnelle, il convient également de jeter les bases de l’éducation et de la formation tout au long de la vie. En particulier, il est vital de promouvoir structurellement une plus grande représentation des femmes dans le secteur des technologies de l’information au moyen de programmes visant à améliorer les compétences numériques. Les entreprises doivent également jouer leur rôle en permettant aux femmes d’améliorer leurs compétences informatiques grâce à divers programmes et formations en matière de compétences numériques. Les initiatives au niveau de l’Union et dans les États membres visant à faire participer davantage de femmes à la numérisation, telles que WomenTechEU (8) et SheTransformsIT (9), constituent de bons exemples. La coopération entre les initiatives nationales et européennes doit être renforcée.

3.7.   Comprendre les chaînes d’approvisionnement mondiales et anticiper les crises futures

3.7.1.

Le CESE se félicite de l’approche stratégique consistant à recenser et à évaluer les pénuries potentielles dans la chaîne d’approvisionnement des semi-conducteurs. Le suivi est un outil important pour évaluer et anticiper les tendances et les événements susceptibles d’entraîner des perturbations dans la chaîne d’approvisionnement. La Commission européenne mène déjà une enquête auprès des parties prenantes (10) sur l’écosystème des semi-conducteurs afin de recueillir des informations sur la demande actuelle de puces et de galettes (wafers), ainsi que les prévisions spécifiques des entreprises en ce qui concerne la demande future. Cela contribuera également au troisième pilier du règlement européen sur les semi-conducteurs et aux mesures d’urgence en amont. Toutefois, le CESE invite la Commission à garder strictement confidentiels les résultats de cette enquête, étant donné que répondre aux questions relatives à la production réelle de semi-conducteurs implique de fournir des données sensibles et, éventuellement, des secrets d’affaires. Il importe dès lors que ces enquêtes soient volontaires et que ces données sensibles soient traitées avec la plus grande confidentialité.

3.7.2.

De l’avis du CESE, les mesures visant à faire face aux perturbations sont extrêmement ambitieuses. La hiérarchisation des commandes pour les secteurs critiques, les mécanismes d’achat communs et les contrôles à l’exportation sont des interventions importantes sur le marché qui doivent être réservées à des situations exceptionnelles. Dans le contexte d’un écosystème fondé sur le marché, de chaînes de valeur mondialisées et d’un niveau élevé d’interdépendance entre les différentes régions du monde, l’intervention de l’État doit se limiter au minimum nécessaire. La Commission devrait exposer plus en détail les conditions préalables aux mesures envisagées. Le CESE critique également le fait que le «conseil des semi-conducteurs», qui doit décider des mesures à prendre, sera composé exclusivement de représentants des États membres et de la Commission, sans impliquer les acteurs du marché ni les partenaires sociaux concernés.

3.8.   Coopération internationale

3.8.1.

En raison de l’interdépendance mondiale de l’écosystème des semi-conducteurs, les efforts visant à renforcer l’industrie des semi-conducteurs devraient être coordonnés au niveau international, par exemple au sein du G7 et du G20, afin de soutenir l’ensemble de la chaîne de valeur des semi-conducteurs et de créer des synergies. Le CESE plaide en faveur de l’égalité d’accès au marché et de conditions de concurrence équitables. Cela suppose la suppression réciproque des obstacles à l’investissement et la prévention de nouvelles restrictions commerciales en tant que mesures de rétorsion. Des stratégies communes devraient être élaborées en étroite coordination avec l’industrie et les partenaires sociaux afin de préserver la chaîne d’approvisionnement des semi-conducteurs, y compris les équipements, les matériaux et les matières premières. L’élaboration de normes européennes axées sur le marché et fondées sur le consensus dans le but de les traduire au niveau international ainsi que la coopération internationale en matière de normalisation sont également vitales pour réaliser des économies d’échelle qui profitent aux utilisateurs finaux sous la forme de produits abordables et de qualité.

Bruxelles, le 15 juin 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre de mesures pour renforcer l’écosystème des semi-conducteurs (règlement sur les semi-conducteurs) [COM(2022) 46 final — 2022/0032 (COD)] (voir page 34 du présent Journal officiel); avis du Comité économique et social européen sur le règlement du Conseil modifiant le règlement (UE) 2021/2085 établissant les entreprises communes dans le cadre d’Horizon Europe en ce qui concerne l’entreprise commune «Semi-conducteurs» [COM(2022) 47 final — 2022/0033 (NLE)] (voir page 40 du présent Journal officiel); et avis de la Commission consultative des mutations industrielles (CCMI) sur le règlement européen sur les semi-conducteurs: conséquences de la législation européenne sur les semi-conducteurs sur les industries manufacturières de l’aérospatial et de la défense (avis complémentaire à cet avis).

(2)  IC Insights: https://www.icinsights.com/news/bulletins/2022-Semiconductor-Sales-To-Grow-11-After-Surging-25-In-2021/

(3)  Senate Passage of USICA Marks Major Step Toward Enacting Needed Semiconductor Investments — Semiconductor Industry Association (aux États-Unis, l’approbation par le Sénat de la loi sur l’innovation et la concurrence (USICA) marque une étape décisive vers l’adoption d’une législation sur les investissements dans le domaine des semi-conducteurs — Association de l’industrie des semi-conducteurs) (semiconductors.org).

(4)  A new world under construction: China and semiconductors (Un nouveau monde en construction: la Chine et les semi-conducteurs) | McKinsey.

(5)  COM(2021) 118.

(6)  COM(2021) 574.

(7)  COM(2021) 713 final.

(8)  Women TechEU (europa.eu).

(9)  Digitalisierung braucht mehr Frauen | SheTransformsIT.

(10)  https://ec.europa.eu/growth/news/stakeholder-survey-european-chip-demand-2022-02-16_en


ANNEXE

Avis de la Commission consultative des mutations industrielles (CCMI) sur le règlement européen sur les semi-conducteurs: conséquences de la législation européenne sur les semi-conducteurs sur les industries manufacturières de l’aérospatial et de la défense

(avis complémentaire à l’avis INT/984)

Rapporteur:

Maurizio MENSI

Corapporteur:

Jan PIE

Décision de l’assemblée plénière

18.1.2022

Base juridique

Article 37, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

(avis complémentaire)

Compétence

Commission consultative des mutations industrielles (CCMI)

Adoption en section

13.5.2022

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE estime que les semi-conducteurs sont au cœur de la géopolitique moderne et de la primauté technologique et industrielle. La promotion d’un écosystème européen des semi-conducteurs à la pointe du progrès et de chaînes d’approvisionnement résilientes est donc essentielle pour l’autonomie stratégique, la souveraineté technologique, la résilience et la compétitivité industrielle de l’Union, en ce compris dans les secteurs stratégiques de la défense et de l’aérospatiale. Le Comité soutient donc pleinement les objectifs ambitieux du règlement européen sur les semi-conducteurs.

1.2.

Le CESE estime que l’Union aura besoin de ressources supplémentaires par rapport aux prévisions actuelles pour atteindre ses objectifs ambitieux dans le domaine des semi-conducteurs. Afin de tirer le meilleur parti de ses ressources limitées, l’Union devrait également envisager de donner la priorité à des technologies ou à des segments de la chaîne de valeur spécifiques, et de continuer à déployer des efforts complémentaires avec les partenaires partageant la même optique.

1.3.

Le CESE est fermement convaincu que le règlement européen sur les semi-conducteurs devrait veiller à ce que, en particulier, les secteurs de la défense et de l’aérospatiale soient soutenus à la hauteur de leur importance stratégique et de leur statut de secteurs critiques, quelle que soit la taille de leur marché. Cela devrait se refléter dans tous les piliers de l’initiative, notamment en encourageant le développement de nouveaux concepts de semi-conducteurs adaptés aux exigences propres à ces secteurs. Des mesures spécifiques impliqueraient un accès prioritaire aux lignes pilotes et la possibilité d’accorder la priorité aux commandes des secteurs critiques dans les installations de production intégrées et les fonderies ouvertes de l’Union en dehors du «mode de crise».

1.4.

De l’avis du CESE, les acteurs industriels du secteur des semi-conducteurs et des secteurs critiques en aval de celui-ci devraient être membres à part entière du conseil européen des semi-conducteurs et de ses organes subsidiaires, de manière à assurer une coordination maximale entre les décideurs politiques et les acteurs du marché en amont et en aval.

1.5.

Le CESE estime que des investissements dans la production européenne des semi-conducteurs tant avancés que matures sont nécessaires pour garantir des chaînes d’approvisionnement résilientes pour les industries manufacturières de l’aérospatial et de la défense, et qu’il convient de soutenir l’innovation pour tous les types de semi-conducteurs dont l’industrie européenne a besoin.

1.6.

Le CESE est d’avis que la stratégie de l’Union devrait prévoir des mesures spécifiques concernant l’approvisionnement en matières premières.

1.7.

Le CESE considère que, pour éviter une course aux subventions préjudiciable, le financement devrait être coordonné autant que possible au niveau européen, tandis que le mécanisme de contrôle des aides d’État prévu à l’article 107 du TFUE devrait être adapté afin de garantir la prévisibilité de l’évaluation et la cohérence avec d’autres objectifs de l’Union.

1.8.

Le CESE estime que les aides d’État devraient être accordées aux installations de production intégrées et aux fonderies ouvertes de l’Union qui profitent directement à plusieurs États membres, et que l’aide publique pourrait être concentrée sur des initiatives étroitement liées aux applications «vertes».

1.9.

De l’avis du CESE, la collecte de données pour le suivi des chaînes d’approvisionnement et l’anticipation des crises à venir devrait être réalisée par un organe unique au niveau de l’Union.

1.10.

Le CESE plaide en faveur d’un cadre approprié de gouvernance des données, couvrant la transparence, l’interopérabilité, le partage, l’accès à celles-ci et leur sécurité.

1.11.

Le CESE juge qu’en tant que secteurs stratégiques, la défense et l’aérospatiale devraient être prioritaires pour le développement des procédures de certification et que l’initiative «Semi-conducteurs pour l’Europe» pourrait soutenir l’élaboration de normes militaires et civiles communes dans le cadre de la stratégie européenne de normalisation.

1.12.

Le CESE estime que le règlement sur les semi-conducteurs doit être cohérent et clairement relié à tous les autres instruments politiques européens et nationaux poursuivant des objectifs connexes, y compris l’alliance industrielle pour les processeurs et les technologies des semi-conducteurs, l’Observatoire européen des technologies critiques et l’alliance européenne pour les matières premières.

1.13.

Le CESE accueille favorablement le règlement européen sur les semi-conducteurs et demande que soient entamées sans délai les négociations sur l’initiative et de veiller à sa mise en œuvre rapide, ambitieuse et efficace.

2.   Contexte

2.1.

Dans un monde de plus en plus numérisé, les semi-conducteurs sont une composante essentielle de nombreux secteurs économiques et domaines de la vie. Ils alimentent tous les produits numériques, rendent possibles les technologies clés de l’avenir, telles que l’intelligence artificielle (IA), la 5G et l’informatique en nuage et de périphérie, et soutiennent les infrastructures critiques qui sous-tendent nos sociétés.

2.2.

Les semi-conducteurs sont également essentiels pour les industries manufacturières de l’aérospatial et de la défense. Les systèmes sophistiqués que les militaires européens et d’autres utilisateurs finaux utilisent de plus en plus contiennent des semi-conducteurs de tous types, dont un grand nombre sont présents dans des produits commerciaux. Toutefois, alors que la production commerciale de semi-conducteurs vise la rentabilité avec des volumes importants, la défense et l’aérospatiale nécessitent de petits volumes et mettent l’accent sur la durabilité, la fiabilité et la sécurité de l’information. Ensemble, ces secteurs représentaient environ 1 % du marché mondial des semi-conducteurs en 2020 (1).

2.3.

L’accélération mondiale de la transformation numérique alimente une demande en forte croissance pour tous les types de semi-conducteurs dans l’ensemble des secteurs industriels, demande qui devrait doubler d’ici à 2030. La pandémie de coronavirus a renforcé cette demande et perturbé les chaînes d’approvisionnement mondiales, et tous les secteurs industriels en aval dans le monde entier sont désormais confrontés à des défis considérables en matière d’approvisionnement. Cela a entraîné d’importants retards de livraison, des annulations de commandes et des fermetures d’usines qui ont eu de graves conséquences économiques. Par exemple, le ratio de l’indice des directeurs d’achat relatifs aux entrées de commande par rapport aux délais de livraison des fournisseurs dans la zone euro a plus que triplé entre 2019 et 2021, en particulier dans les industries qui utilisent des semi-conducteurs pour la production (par exemple, le secteur automobile et les équipements technologiques), tandis que la production de véhicules à moteur dans la zone euro a connu une baisse de 18,2 % entre novembre 2020 et mars 2021 (2).

2.4.

Ces évolutions ont mis en exergue la dépendance de l’Europe à l’égard d’un petit nombre de fournisseurs étrangers de semi-conducteurs et de leurs composants et, partant, sa vulnérabilité aux perturbations de la chaîne d’approvisionnement. En particulier, le secteur de la défense et l’industrie aérospatiale de l’Union ont ressenti cette vulnérabilité de manière aiguë. Incapables de répondre à l’augmentation de la demande mondiale et motivés par une logique de marché, les fabricants de semi-conducteurs donnent la priorité aux marchés nationaux et aux industries de gros volumes, laissant les autres secteurs insuffisamment desservis.

2.5.

Les semi-conducteurs étant au cœur de nos économies, les perturbations de la chaîne d’approvisionnement posent un défi économique et, potentiellement, social. Toutefois, en ce qui concerne les secteurs stratégiques tels que la défense et l’aérospatiale, la dépendance devient également un problème de sécurité, car elle met en péril la fourniture de matériel de défense et aérospatial dans l’Union.

2.6.

Cette situation est extrêmement problématique dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes et d’instrumentalisation du commerce et des flux technologiques, qui a rendu les semi-conducteurs critiques sur le plan géopolitique. En conséquence, les grandes économies déploient des efforts soutenus pour renforcer leurs capacités de production et réduire leurs dépendances. Ainsi, les États-Unis prévoient d’investir 52 milliards de dollars dans leur écosystème des semi-conducteurs d’ici à 2026, la Chine entend mobiliser 150 milliards de dollars pour atteindre 70 % d’autosuffisance d’ici à 2025, et la Corée du Sud projette d’engager jusqu’à 450 milliards de dollars d’investissements privés d’ici à 2030.

2.7.

Dans ce contexte, l’Union doit d’urgence réduire ses dépendances, renforcer sa compétitivité et sa sécurité d’approvisionnement en semi-conducteurs, en consolidant sa position dans la chaîne d’approvisionnement mondiale. Cet objectif est particulièrement pertinent pour des secteurs stratégiques tels que la défense et l’aérospatiale. Dans le même temps, la complexité élevée, les coûts et les barrières à l’entrée rendent l’autarcie dans la production de semi-conducteurs à la fois irréaliste et indésirable. Par conséquent, le renforcement des partenariats internationaux sera essentiel pour garantir la sécurité d’approvisionnement de l’Europe.

2.8.

Dans la stratégie industrielle de 2020, la Commission a reconnu que les semi-conducteurs constituaient un domaine industriel stratégique dans lequel il convient de s’attaquer aux dépendances européennes. La boussole numérique de 2021 a défini l’objectif de doubler la part de l’Europe dans la production mondiale de semi-conducteurs de pointe et durables pour l’amener à 20 % d’ici à 2030. Dans son discours sur l’état de l’Union de 2021, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a annoncé l’adoption d’un règlement européen sur les semi-conducteurs, qui vise à créer un écosystème européen des semi-conducteurs de pointe. Enfin, en mars 2022, le Conseil européen a réaffirmé l’importance de cette initiative, appelant à réduire les dépendances stratégiques de l’Union dans des domaines hautement sensibles, dont les semi-conducteurs.

3.   Observations générales

3.1.   Vision

3.1.1.

Si l’Europe est forte dans certains segments de la chaîne de valeur des semi-conducteurs (par exemple, la R & D et les équipements de fabrication), elle doit renforcer sa position tout au long de la chaîne. Le CESE se félicite dès lors de l’objectif de la Commission européenne de tirer parti des atouts existants pour combler le fossé entre le laboratoire et la fabrication.

3.1.2.

Le CESE est préoccupé par le fait que la stratégie européenne n’aborde pas suffisamment la question des matières premières, qui constitue pourtant une dimension essentielle de la sécurité d’approvisionnement et un domaine où l’Europe est dépendante de pays tiers pour certains intrants (par exemple la résine photosensible ou le silicium-métal). Le règlement sur les semi-conducteurs devrait prévoir des mesures spécifiques pour faire face à ce risque, notamment établir des liens avec l’alliance européenne pour les matières premières.

3.1.3.

Le CESE soutient pleinement l’objectif visant à stimuler la production européenne de semi-conducteurs de pointe et durables. Toutefois, les secteurs critiques, dont la défense et l’industrie aérospatiale, ont également besoin de semi-conducteurs d’ancienne génération. Le CESE estime dès lors qu’il est nécessaire d’investir dans la production tant de semi-conducteurs avancés que de semi-conducteurs matures pour garantir la résilience des chaînes d’approvisionnement.

3.1.4.

Le CESE est fermement convaincu que la forte participation de l’ensemble de l’écosystème, y compris les jeunes pousses, les entreprises en expansion et les PME mais aussi les grandes entreprises, est indispensable pour soutenir le renforcement des capacités technologiques à grande échelle et l’innovation dans l’ensemble de l’Union.

3.2.   Investissements

3.2.1.

Pour atteindre les objectifs de sa stratégie sur les semi-conducteurs, la Commission européenne compte sur environ 43 milliards d’euros d’investissements stratégiques d’ici à 2030, dont 11 milliards d’euros d’investissements publics au titre de l’initiative «Semi-conducteurs pour l’Europe». Il y a toutefois lieu d’établir bien plus clairement quels seront les sources et les montants des financements, comment les crédits budgétaires existants seront utilisés et quels objectifs chaque ligne budgétaire devra soutenir.

3.2.2.

Le CESE se montre sceptique quant à savoir si les montants des investissements publics prévus dans la stratégie européenne sur les semi-conducteurs, dont certains étaient déjà affectés à des actions dans le domaine de la microélectronique, sont à la hauteur des ambitions. Les concurrents industriels de l’Union ont apporté et continuent de fournir un soutien beaucoup plus important à leurs écosystèmes des semi-conducteurs, qui sont déjà mieux placés dans la chaîne de valeur mondiale. Par conséquent, le CESE estime que des ressources supplémentaires seront nécessaires par rapport aux prévisions actuelles pour atteindre les objectifs ambitieux de l’initiative, en ce qui concerne tant la part de marché que le calendrier. La réduction de la charge administrative liée à l’accès à ces ressources devrait être considérée comme une priorité.

3.2.3.

Pour utiliser ses ressources limitées le plus efficacement possible, l’Union devrait également envisager de donner la priorité aux technologies spécifiques et à certains segments de la chaîne de valeur. La coordination avec des partenaires partageant la même optique à cet égard pourrait garantir des complémentarités et éviter la duplication des efforts.

3.2.4.

Le CESE estime également que les réaffectations budgétaires du programme «Horizon Europe» et du programme pour une Europe numérique ne devraient pas se faire au détriment des ressources dont d’autres domaines prioritaires, tels que l’espace, l’IA et la cybersécurité, ont besoin pour atteindre leurs propres objectifs spécifiques. En outre, aucune réaffectation ne devrait être effectuée à partir du Fonds européen de la défense, car cela réduirait les ressources déjà limitées dont bénéficie le secteur stratégique de la défense.

3.3.   Secteurs critiques

3.3.1.

Le règlement européen sur les semi-conducteurs reconnaît l’importance des secteurs dits «critiques», parmi lesquels la défense et l’aérospatiale, et prévoit qu’ils soient fournis en priorité en cas de ruptures importantes d’approvisionnement. Le CESE accueille favorablement cette approche stratégique, car elle reflète le rôle vital de ces secteurs dans la sécurité et la résilience de nos sociétés.

3.3.2.

Toutefois, le CESE estime que la notion de «secteurs critiques» devrait être dûment prise en compte dans tous les piliers de l’initiative. Plus particulièrement, l’initiative «Semi-conducteurs pour l’Europe» devrait prévoir des mesures spécifiques de soutien aux secteurs critiques, notamment un accès prioritaire aux lignes pilotes, tandis que les installations de production intégrées et les fonderies ouvertes de l’Union devraient réserver un minimum de leur capacité de production totale pour couvrir la demande de ces secteurs.

3.4.   Importance stratégique de la défense et de l’aérospatiale

3.4.1.

Le CESE a la ferme conviction que le règlement sur les semi-conducteurs devrait garantir aux secteurs de la défense et de l’aérospatiale un soutien à la hauteur de leur importance stratégique et de leur statut de secteur critique. Cette aide devrait tenir compte des spécificités de ces secteurs, notamment de leur part de marché réduite et de leur capacité limitée à influencer les investissements et les choix de marché dans leurs domaines.

3.4.2.

Compte tenu de ces spécificités, garantir la sécurité d’approvisionnement de ces secteurs requiert un équilibre approprié entre une approche axée sur le marché et fondée sur le volume et une approche stratégique fondée leur caractère de secteurs critiques. Cet équilibre devrait notamment se traduire par l’octroi d’une priorité relative aux commandes dans les installations de production et dans la répartition des produits à la suite d’achats communs, lorsque les secteurs de la défense et de l’aérospatiale sont en concurrence avec des industries beaucoup plus grandes.

3.5.   Environnement

3.5.1.

Le CESE estime que le règlement sur les semi-conducteurs devrait être pleinement aligné sur l’objectif stratégique de l’Union de parvenir à une économie européenne verte et durable à l’horizon 2030, et le soutenir. À cette fin, il convient de renforcer la recherche sur l’impact environnemental des initiatives relatives aux semi-conducteurs, afin d’acquérir une connaissance approfondie de l’incidence sur l’environnement de l’ensemble de la chaîne de valeur, au lieu de se limiter à la performance du produit final.

3.5.2.

En conséquence, l’aide publique devrait se concentrer sur les initiatives dans le domaine des semi-conducteurs qui sont étroitement liées aux applications «vertes», y compris en accordant aux entreprises qui développent de tels produits de meilleures conditions d’accès au soutien public.

3.6.   Gouvernance

3.6.1.

Les acteurs de l’industrie sont mieux placés que quiconque pour suivre les tendances du marché et évaluer les solutions possibles en cas de ruptures d’approvisionnement. Le CESE est donc fermement convaincu que ces parties prenantes, en particulier celles du secteur des semi-conducteurs et des secteurs critiques, devraient être étroitement associées à la gouvernance de la stratégie sur les semi-conducteurs, notamment en tant que membres à part entière du conseil européen des semi-conducteurs et de ses sous-groupes. La participation des secteurs en aval et en amont améliorera également leur degré de coordination et, partant, la capacité de l’industrie de remédier aux ruptures d’approvisionnement sans qu’une intervention étendue sur le marché soit nécessaire.

3.7.   Cohérence

3.7.1.

De nombreux instruments politiques européens se concentrent déjà sur les semi-conducteurs, tels qu’Horizon Europe, le programme pour une Europe numérique, l’alliance industrielle pour les processeurs et les technologies des semi-conducteurs ou encore l’Observatoire des technologies critiques. L’alliance européenne pour les matières premières aborde également des sujets connexes. Pour maximiser l’efficacité et l’efficience globales, ces instruments et le règlement européen sur les semi-conducteurs doivent être pleinement cohérents et clairement reliés. Une coordination sera nécessaire entre les initiatives déployées au niveau de l’Union et les projets nationaux que les États membres sont en train de développer activement.

4.   Observations particulières

4.1.   Renforcement de la recherche et de l’avance technologique

4.1.1.

Le CESE se félicite de l’intention de la Commission européenne de soutenir les technologies de nouvelle génération, telles que les transistors de moins de 2 nanomètres, les technologies de rupture de l’IA et les puces quantiques. Ces technologies présentent un grand potentiel pour répondre aux besoins futurs des industries stratégiques, dont la défense et l’aérospatiale, et il est donc essentiel de développer et de protéger rapidement la propriété intellectuelle européenne dans ces domaines.

4.1.2.

Dans le même temps, les industries européennes en aval, dont font partie la défense et l’aérospatiale, continueront d’avoir besoin de semi-conducteurs spécialisés contenant des composants de plus grande taille. Par conséquent, le règlement européen sur les semi-conducteurs ne devrait pas se concentrer exclusivement sur les puces de taille réduite, mais promouvoir l’innovation pour tous les types de semi-conducteurs nécessaires.

4.2.   Leadership dans le domaine de la conception, de la fabrication et de l’emballage

4.2.1.

Le CESE se félicite de l’accent mis par l’initiative «Semi-conducteurs pour l’Europe» sur une collaboration étroite entre les acteurs du côté de l’offre et de la demande, et du rôle consultatif envisagé pour l’alliance industrielle pour les processeurs et les technologies des semi-conducteurs, deux éléments qui contribueront à garantir la cohérence des efforts.

4.2.2.

Le CESE a la ferme conviction qu’il est particulièrement important pour la résilience et l’autonomie des industries européennes de la défense et de l’aérospatiale que l’Union dispose de ses propres capacités en vue de concevoir l’électronique du futur, y compris dans des domaines tels que la cyberprotection, les capacités en matière d’IA, la modularité et la réutilisation.

4.2.3.

Le CESE soutient pleinement la création de lignes pilotes innovantes pour les prototypes. Afin de favoriser les synergies entre la production commerciale et le secteur stratégiquement essentiel des industries manufacturières de l’aérospatial et de la défense, les concepts de semi-conducteurs développés dans ce contexte devraient tenir compte des exigences spécifiques de ces deux secteurs. Les concepts destinés à couvrir les besoins des secteurs de la défense et de l’aérospatiale devraient également bénéficier d’un accès prioritaire aux lignes pilotes.

4.2.4.

Le CESE estime qu’en tant que secteurs stratégiques, la défense et l’aérospatiale devraient être prioritaires pour le développement des procédures de certification. L’élaboration des normes jouera un rôle décisif. Afin de maximiser les possibilités de synergie, l’initiative «Semi-conducteurs pour l’Europe» pourrait soutenir l’élaboration de normes militaires et civiles communes dans le cadre de la stratégie européenne de normalisation.

4.3.   Stimuler l’écosystème de l’Europe et garantir la sécurité de l’approvisionnement

4.3.1.

Le CESE convient qu’un soutien public considérable et rapide sera nécessaire pour stimuler les investissements privés importants indispensables au renforcement de la capacité de production de l’Europe. Pour attirer ces investissements, il sera crucial de garantir la sécurité juridique et de réduire autant que possible les formalités administratives. Il est donc essentiel de définir clairement les critères de désignation des installations de production intégrées et des fonderies ouvertes de l’Union, ainsi que ceux régissant les aides d’État, et de rationaliser les procédures administratives. Il convient également de définir les critères de coordination des différentes mesures de soutien disponibles, afin de garantir une application efficace et non discriminatoire des règles en matière d’aides d’État.

4.3.2.

Le CESE se félicite que le principe du caractère «pionnier» garantisse le soutien à l’innovation en ce qui concerne non seulement le nœud technologique, mais aussi la technologie de processus, les performances et la durabilité. Un principe complémentaire à l’échelle de l’Union pourrait être introduit afin de reconnaître les installations qui profitent directement à plusieurs États (par exemple, en s’engageant à fournir des entreprises de plusieurs États membres sur un pied d’égalité).

4.3.3.

Pour éviter une course aux subventions coûteuse entre les États membres, le CESE suggère de coordonner autant que possible les financements publics au niveau de l’Union (par exemple en utilisant le cadre de l’entreprise commune et des PIIEC, et en coordonnant les chapitres numériques des plans nationaux pour la reprise et la résilience qui sont censés consacrer 20 % de leurs ressources, soit 145 milliards d’euros, à la transformation numérique). Un ajustement dans l’application du mécanisme de contrôle des aides d’État prévu à l’article 107 du TFUE se justifie également afin de permettre une évaluation plus rapide et plus prévisible des aides publiques. Il convient de noter à cet égard que, par exemple, l’encadrement temporaire dans le contexte de la pandémie de COVID-19 a permis d’assurer un soutien adéquat et en temps utile. Il en va de même des lignes directrices pour les aides dans le cadre du déploiement du haut débit. Si l’aide publique aux installations de production intégrées et aux fonderies ouvertes de l’Union peut être soutenue jusqu’à 100 % du déficit de financement, de nouvelles orientations concernant l’analyse de ce dernier sont éminemment bienvenues. Par exemple, les installations de production intégrée et les fonderies ouvertes de l’Union qui satisfont également au critère complémentaire européen pourraient être éligibles à une procédure d’autorisation d’aides plus rapide.

4.3.4.

Le CESE estime que la Commission devrait, dans le cadre de son évaluation des aides d’État, prendre en compte des objectifs supplémentaires, comme par exemple la promotion de secteurs stratégiques tels que la défense et l’aérospatiale, et la cohérence avec les objectifs de l’Union en matière de durabilité.

4.4.   Remédier à la pénurie aiguë de compétences

4.4.1.

Les compétences numériques sont essentielles à la réalisation des ambitions que nourrit l’Europe en matière de semi-conducteurs, et la demande de compétences continuera de croître. Le CESE se félicite dès lors de l’accent mis sur la lutte contre les déficits de compétences numériques en Europe et appelle à mettre en œuvre les initiatives pertinentes prévues de manière ambitieuse.

4.5.   Comprendre les chaînes d’approvisionnement mondiales et anticiper les crises futures

4.5.1.

Le CESE salue l’importance stratégique accordée à la cartographie et au suivi des chaînes d’approvisionnement ainsi qu’au recensement des risques potentiels de perturbation. Certains risques sont particulièrement importants pour les secteurs de la défense et de l’aérospatiale, notamment l’incidence sur les fournisseurs des politiques en matière intégrant les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), des réglementations européennes telles que REACH et des politiques étrangères et d’exportation des pays d’origine des fournisseurs étrangers (par exemple, la réglementation américaine sur les transferts d’armes au niveau international et la règle comptable américaine).

4.5.2.

Cette tâche exige une approche qui reflète la nature complexe et transfrontière des chaînes d’approvisionnement et qui garantisse la cohérence des informations. Le CESE demande donc que la collecte de données soit centralisée et effectuée au niveau européen par un organisme compétent unique, auquel les entreprises de l’ensemble de l’Union devront rendre compte conformément à des exigences claires et rationalisées. Il y a lieu de mettre en place des mécanismes appropriés pour garantir la confidentialité des informations sensibles fournies par l’industrie.

4.5.3.

Enfin, il est important de clarifier les règles qui s’appliquent en «mode de crise». Par exemple, la plupart des types de semi-conducteurs étant utilisés dans différentes industries, en cas de pénurie mondiale, les entreprises de plusieurs secteurs critiques auront probablement besoin d’avoir accès aux mêmes produits et aux mêmes capacités de production. Des critères clairs pour établir l’ordre de priorité des commandes et répartir les produits à la suite d’achats communs sont donc nécessaires.

4.6.   Coopération internationale

4.6.1.

L’écosystème mondial des semi-conducteurs est complexe, spécialisé et fortement interdépendant. Cela étant, les efforts visant à renforcer la capacité de production et la résilience au niveau de l’Union doivent s’accompagner d’une coopération avec les partenaires internationaux partageant la même optique. Exploiter les points forts de chaque partenaire et élaborer des stratégies coordonnées favorisera les synergies, évitera la duplication des efforts et accroîtra l’efficacité tout au long de la chaîne de valeur.

Dans le cadre de la coopération avec ses partenaires dans le domaine des semi-conducteurs, l’Union devrait tirer le meilleur parti des enceintes existantes, telles que le Conseil du commerce et des technologies UE-États-Unis, en associant les acteurs du secteur, compte tenu de leur expertise et de leur rôle dans la mise en œuvre des projets sur le terrain.

Bruxelles, le 13 mai 2022.

Le président de la commission consultative des mutations industrielles

Pietro Francesco DE LOTTO


(1)  TechNavio, «Semiconductor Market in Military and Aerospace Industry by Product and Geography — Forecast and Analysis 2021-2025» (Le marché des semi-conducteurs dans l’industrie militaire et aérospatiale, ventilation géographique et par produit — Prévision et analyse 2021-2025), novembre 2021; Gartner, «Worldwide Semiconductor Revenue Grew 10.4 % in 2020» (Les revenus mondiaux générés par les semi-conducteurs ont connu une hausse de 10,4 % en 2020), communiqué de presse Gartner, 12 avril 2021.

(2)  Attinasi, Maria Grazia, et al. «The semiconductor shortage and its implication for euro area trade, production and prices» (La pénurie de semi-conducteurs et son incidence sur le commerce, la production et les prix de la zone euro), ECB Economic Bulletin 4/2021 (Bulletin économique de la BCE), avril 2021.


23.9.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 365/34


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre de mesures pour renforcer l’écosystème des semi-conducteurs (règlement sur les semi-conducteurs)

[COM(2022) 46 final — 2022/0032 (COD)]

(2022/C 365/06)

Rapporteur:

Dirk BERGRATH

Consultation

Parlement européen, 7.3.2022

Conseil, 17.3.2022

Base juridique

Article 114, article 172, paragraphe 3, article 182, paragraphe 1, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Marché unique, production et consommation

Adoption en section

1.6.2022

Adoption en session plénière

15.6.2022

Session plénière no

570

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

205/0/5

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE soutient résolument le projet d’accroître la résilience de l’industrie de l’Union européenne et de renforcer son secteur industriel des semi-conducteurs. Plus spécifiquement, il conviendrait de placer au cœur du «règlement pour les semi-conducteurs» à l’examen l’objectif de parvenir à améliorer la transparence et la coopération tout au long de la chaîne de valeur afférente et de réduire sa dépendance vis-à-vis des intervenants mondiaux dans le domaine de la conception, de la fabrication, des essais et de l’assemblage, en lui dispensant un soutien ciblé.

1.2.

Le règlement sur les semi-conducteurs n’aborde toutefois pas de manière homogène la totalité des différents segments qui constituent cet écosystème mais insiste lourdement sur une catégorie de semi-conducteurs qui sera certes pertinente pour l’industrie à l’avenir mais qui, pour l’instant, ne donne encore pratiquement lieu à aucune application. Il y aurait lieu d’apporter un correctif en la matière et d’entreprendre en complément de mettre l’accent sur d’autres classes de semi-conducteurs dont l’industrie a réellement besoin.

1.3.

Le règlement sur les semi-conducteurs ne sera pratiquement d’aucune utilité pour résoudre les problèmes de la chaîne d’approvisionnement, dont on peut aujourd’hui constater les effets, par exemple, dans la construction automobile ou dans celui de la fabrication mécanique. En conséquence, il conviendrait de prendre en considération les catégories de semi-conducteurs dont les branches existantes de l’industrie européenne ont besoin, en élaborant des mesures supplémentaires spécifiques pour déterminer comment rendre ce segment plus résistant face aux crises Une telle démarche aboutira non seulement à renforcer l’outil industriel de production de semi-conducteurs déjà présent en Europe et à le soutenir dans sa modernisation mais sera également profitable aux secteurs manufacturiers de l’Union européenne qui sont tributaires des puces électroniques, dès lors qu’elle améliorera leur sécurité d’approvisionnement.

1.4.

Les critères déterminants des choix en matière de politique industrielle ne devraient donc pas être exclusivement fondés sur la finesse de gravure des puces mais être axés aussi sur une analyse ciblée des besoins qui sera menée auprès des clients industriels, de manière à garantir que les mesures de soutien prévues soient bien adaptées à leur cible.

1.5.

Parmi les critères supplémentaires qu’il conviendrait de prendre en considération figurent, par exemple, l’efficacité énergétique des puces, le type de matières premières utilisées pour leur production et la circularité qui doit la caractériser autant que faire se peut. Il conviendrait par conséquent que la Commission et l’industrie examinent de concert avec les États membres les pistes envisageables pour diversifier les sources d’approvisionnement et, plus particulièrement, pour mieux recycler les matières premières critiques, dans la logique d’une économie circulaire industrialisée en matière de microélectronique.

1.6.

Plus spécifiquement, la stratégie de l’Union européenne dans le domaine des semi-conducteurs ne doit pas se limiter aux seuls processeurs mais englober tous les types de circuits intégrés, tout comme les composants passifs et les matériaux de conditionnement, ainsi que la fabrication de machines. Le principe qu’avance la Commission d’une démarche allant «du laboratoire à la fabrication» est trop étriqué, car la chaîne de valeur ne se termine pas avec la fabrication.

1.7.

La Commission propose une série de mesures concernant les qualifications, le but étant de garantir que les compétences professionnelles voulues seront disponibles, de manière que les dispositions d’aide ressortissant à la politique industrielle puissent elles aussi être mises en œuvre. Il est frappant, toutefois, que la proposition à l’examen focalise très fortement les efforts sur les personnels hautement qualifiés. Si cette démarche revêt une portée déterminante afin d’effectuer le saut technologique nécessaire pour atteindre le segment des semi-conducteurs d’une finesse de gravure inférieure à 10 nanomètres, on ne peut pour autant perdre de vue qu’aux fins d’affermir l’ancrage industriel de l’écosystème afférent, il convient aussi d’en faciliter tout spécialement l’accès aux travailleurs considérés comme moins qualifiés.

2.   Introduction et observations générales

2.1.

Le règlement de l’Union européenne sur les semi-conducteurs propose qu’en prenant appui sur ses atouts et en éliminant les points faibles qui l’affectent encore, l’Europe se dote dans ce domaine d’un écosystème florissant et d’une chaîne d’approvisionnement résiliente et qu’en parallèle, elle arrête des mesures de préparation, d’anticipation et de réaction face aux ruptures qui pourraient se produire à l’avenir dans ces circuits d’approvisionnement.

2.2.

La «proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre de mesures pour renforcer l’écosystème européen des semi-conducteurs (règlement sur les semi-conducteurs)» (1) vient compléter la communication intitulée «Action européenne sur les semi-conducteurs» (2).

3.   Observations générales

3.1.   Présentation de la proposition

3.1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) salue la proposition à l’examen, en se félicitant en particulier qu’elle s’attaque au déficit d’action qui a été constaté pour ce qui est d’assurer la sécurité de la filière d’approvisionnement, ainsi que la transparence et la coopération sur l’ensemble de la chaîne de valeur dans ce domaine. En se penchant sur la sécurité d’approvisionnement, le règlement sur les semi-conducteurs aborde une problématique qui revêt une importance essentielle pour assurer le succès de la transition verte et numérique.

3.1.2.

À cet égard, le CESE se réjouit que la proposition juge problématique la situation de dépendance dans laquelle l’Union se trouve à l’égard de fournisseurs de pays tiers, en particulier dans le domaine de la conception, de la fabrication, du conditionnement, des essais et de l’assemblage des semi-conducteurs.

3.1.3.

Le CESE relève que le règlement sur les semi-conducteurs ne sera pratiquement d’aucune utilité pour résoudre les problèmes de la chaîne d’approvisionnement, dont on peut aujourd’hui constater les effets, par exemple, dans l’industrie automobile. En conséquence, il conviendrait que la proposition à l’examen aborde en sus la catégorie des puces électroniques qui, aujourd’hui comme demain sans doute, formeront la majorité des semi-conducteurs utilisés dans le secteur automobile mais aussi, entre autres, dans l’électroménager et la construction mécanique, à savoir, tout particulièrement, ceux d’une finesse de gravure supérieure à 16 nanomètres, et il serait indiqué qu’elle élabore des mesures spécifiques pour déterminer comment rendre ce segment plus résistant face aux crises. Une telle démarche aboutira non seulement à renforcer l’outil industriel de production de semi-conducteurs déjà présent en Europe et à le soutenir dans sa modernisation mais sera également profitable aux secteurs manufacturiers de l’Union européenne qui sont tributaires des puces électroniques, dès lors qu’elle améliorera leur sécurité d’approvisionnement.

3.1.4.

Le CESE accueille favorablement l’objectif de renforcer la position européenne sur ce marché, en entreprenant d’améliorer la structuration en réseau tout au long de sa chaîne de valeur et, en particulier, de mettre l’accent sur ses maillons qui nécessitent le plus d’engagements financiers et sont exposés aux risques.

3.1.5.

Le CESE adhère fondamentalement aux mesures proposées, ainsi qu’aux exigences fixées pour les États membres et l’industrie.

3.1.6.

Le CESE déplore que le règlement sur les semi-conducteurs ne procède pas à une évaluation complète de la situation portant particulièrement sur les dernières des étapes de production susmentionnées, à savoir le conditionnement, les essais et l’assemblage, de sorte qu’elles continueront à être des maillons faibles de cet écosystème.

3.1.7.

Dans cette même logique, le CESE regrette que le règlement sur les semi-conducteurs ne donne pas une image fidèle de l’écosystème de la microélectronique dans son ensemble, dès lors qu’il focalise toute son attention sur son compartiment le plus en pointe.

3.1.8.

Le CESE est d’avis que la que la question de la finesse de gravure, dont, en particulier, le nombre de nanomètres, perd de sa pertinence. Étant donné que les indications de cette mesure ne se rapportent de toute façon plus à une dimension physique réelle (3), il conviendrait de rouvrir le débat sur la question de savoir s’il reste opportun de se concentrer exclusivement sur la composante nanométrique ou s’il ne vaudrait pas mieux, à titre complémentaire, recourir à d’autres critères, qui non seulement seraient plus axés sur les besoins concrets des industries clientes mais, en outre, épouseraient les objectifs de la transition verte et numérique.

3.1.9.

Le questionnement qui devrait être au cœur d’une telle stratégie devrait donc consister à s’interroger sur les besoins industriels qu’il s’imposera de satisfaire durant les prochaines décennies afin de préserver et renforcer la compétitivité de l’industrie européenne. Il conviendrait en particulier que l’application de ladite stratégie ne se limite pas aux processeurs mais qu’elle intéresse tous les types de circuits intégrés et englobe aussi les composants passifs et les matériaux de conditionnement, ainsi que la fabrication de machines et qu’ainsi, elle représente l’écosystème dans toute son étendue. Elle devrait en outre embrasser la question de la logistique générale, ainsi que de la sécurité d’approvisionnement en produits de base et matières premières critiques. Eu égard au dynamisme des marchés de la microélectronique, il conviendrait par ailleurs qu’elle soit réexaminée régulièrement à la lumière de la situation du moment, en concertation avec les instances appropriées des acteurs intéressés.

3.1.10.

Le CESE se réjouit aussi de constater que la proposition cible de même la catégorie des semi-conducteurs qui réduiront la consommation d’énergie dans des secteurs tournés vers l’avenir, comme celui des technologies de l’information et de la communication, dont, en particulier les centres de données et les fournisseurs de services en nuage.

3.1.11.

Tout en se félicitant que la proposition à l’examen prévoie une reconnaissance des installations de production intégrées et fonderies ouvertes de l’Union européenne, le CESE invite la Commission à définir plus précisément les critères qui seront utilisés pour évaluer si une installation produit «une incidence positive manifeste sur la chaîne de valeur des semi-conducteurs de l’Union en garantissant la sécurité de l’approvisionnement et en augmentant la main-d’œuvre qualifiée».

3.1.12.

En outre, le CESE voit d’un œil favorable la possibilité qui est ménagée d’abroger une décision de reconnaissance s’il s’avère que les éléments fournis à l’appui de la demande à bénéficier du statut susmentionné étaient faux ou sont devenus obsolètes entretemps. La Commission se doit d’assurer une surveillance sans faille pour garantir le respect des règles.

3.1.13.

Sur un plan de principe, le CESE juge positif que les autorités nationales compétentes qui auront été désignées devront être habilitées à recueillir auprès de l’industrie des informations qui leur permettront d’obtenir une vue d’ensemble sur les circuits d’approvisionnement et les chaînes de valeur, ainsi que leurs principaux intervenants. Il serait souhaitable que cette enquête s’effectue sous une forme qui soit définie de manière homogène dans toute l’Union européenne, afin que les entreprises n’aient pas à remanier leurs réponses dans chaque État membre. Une telle approche réduirait autant que faire se peut leur surcroît de charges administratives. Sur ce point, il serait effectivement judicieux de considérer que les installations de production intégrées et les fonderies ouvertes de l’Union européenne ressortissent à l’intérêt général, de même qu’il ferait sens d’encourager les États membres à mettre en place des programmes de soutien et des procédures d’autorisation au niveau national. Dès lors qu’elles peuvent constituer des données à caractère sensible, il importe que les informations récoltées soient traitées de manière confidentielle. Il est nécessaire, en particulier, de garantir la transparence quant aux opérations dont les éléments ainsi recueillis feront l’objet.

3.1.14.

Le CESE est heureux de constater que la proposition à l’examen aborde la question de la pénurie de compétences, en insistant en particulier sur la nécessité de rendre l’écosystème des semi-conducteurs plus attrayant aux yeux des jeunes talents, ainsi que sur la formation continue et le recyclage dont les travailleurs en place ont indubitablement besoin pour résorber le retard technologique. Les mesures préconisées à l’intention de ce dernier groupe pèchent toutefois par manque de hardiesse, et il y aurait lieu de mettre en place de programmes plus ciblés afin de sauvegarder l’emploi.

3.1.15.

Le CESE fait bon accueil à la création annoncée d’un consortium européen pour une infrastructure des puces électroniques, et il appelle le coordinateur et la Commission à tenir compte, dans sa composition, de l’impératif de la représentativité, notamment en s’assurant que tous les compartiments de l’écosystème des semi-conducteurs y soient représentés.

3.2.   La riposte en «situation de crise»: la transparence et la hiérarchisation des priorités comme outils propres à renforcer la sécurité de la chaîne d’approvisionnement

3.2.1.

Le CESE réserve un accueil fondamentalement positif à la proposition de créer une boîte à outils qui assure une résilience face aux fluctuations sur les marchés mondiaux. Cette initiative est de nature à instiller de la transparence d’un bout à l’autre de la chaîne de création de valeur et, ainsi, à contribuer à l’amélioration de la sécurité d’approvisionnement.

3.2.2.

Pour autant que toutes les parties prenantes assument leurs obligations et que l’on puisse compter sur le climat de confiance qui doit exister quant à un traitement approprié des informations, le système d’alerte précoce aidera à prévoir les goulets d’étranglement et préparer les contre-mesures appropriées. Dans ce processus, il conviendra de garantir l’existence de possibilités de faire rapport d’une manière qui couvre l’entièreté des secteurs et intervenants concernés et, tout particulièrement, de prévoir des mécanismes en ce sens à l’intention des parties prenantes des entreprises et de partenaires sociaux.

3.2.3.

Bien qu’elle puisse offrir un moyen approprié d’assurer la sécurité d’approvisionnement, la piste qu’une priorité soit accordée aux commandes à portée stratégique dans les installations de production intégrées et les fonderies ouvertes qui ont accepté cette option en contrepartie d’aides d’État n’en constitue pas moins, dans le même temps, une ingérence sur le marché. En conséquence, le Comité demande à la Commission de définir plus clairement dans quels contextes une telle intervention est appropriée et peut être escomptée.

3.2.4.

Dans le cas des marchés publics, les procédures d’achats groupés peuvent en outre ouvrir en complément une voie appréciable et fournir des matières premières ou des produits finis qui, en ce qui concerne certains États membres, pourraient être indisponibles ou ne leur être accessibles que dans une mesure limitée.

3.2.5.

En sus de ces mécanismes, la Commission et les États membres devraient aussi réfléchir à l’opportunité de constituer des stocks stratégiques, tant pour les matières premières critiques que pour certains types de puces, sélectionnés sur la base de critères transparents, de manière à assurer une sécurité d’approvisionnement dans des secteurs sensibles. Vu la diversité des exigences concernant ces puces et le rythme auquel s’effectuent les évolutions techniques, il conviendrait que la Commission élabore des critères, clairs et transparents, grâce auxquels il soit possible de déterminer si une démarche de stockage stratégique a du sens et, dans l’affirmative, de définir à quel moment elle doit être enclenchée.

3.3.   Nécessité de prendre en compte la totalité de l’écosystème pour procéder à une évaluation globale des risques

3.3.1.

Le CESE se félicite que la proposition à l’examen prescrive de procéder à une évaluation des risques couvrant la totalité des compartiments de l’écosystème concerné et chacun des maillons de la chaîne de valeur, en l’occurrence en prêtant une attention particulière à la question des matières premières en provenance de pays tiers.

3.3.2.

Le CESE fait néanmoins observer qu’une évaluation des risques soucieuse de dégager des solutions nécessite aussi d’entreprendre de réduire, dans une démarche stratégique, les dépendances à caractère critique, de manière que l’Union européenne gagne en résilience. En conséquence, la Commission devrait, de concert avec les États membres, examiner les pistes envisageables pour diversifier les sources d’approvisionnement et, plus particulièrement, pour mieux recycler les matières premières critiques, dans la logique d’une économie circulaire industrialisée en matière de microélectronique. À cette fin, il y a lieu de débattre de la manière dont il est possible de développer les infrastructures nécessaires, comme les installations de démontage, ainsi que des exigences que les produits devront respecter pour que voie le jour une industrie du recyclage aussi étendue et industrialisée que faire se peut, ainsi que des certifications qu’il sera souhaitable et réaliste d’instaurer afin de permettre la réutilisation des matières premières dans les délais les plus rapides et à une échelle aussi complète qu’il sera possible.

3.3.3.

Le CESE souligne par ailleurs que la promotion des installations européennes de production apportera une contribution pour atteindre les objectifs du pacte vert pour l’Europe: elle aura pour effet non seulement de raccourcir les chaînes d’approvisionnement et les circuits de transport mais aussi de réduire la pollution, grâce aux investissements consentis dans des technologies de fabrication à la pointe du progrès, et de donner la possibilité de veiller à une utilisation optimale des matières premières, ainsi qu’à un recyclage aussi large que possible des déchets et à un traitement efficace des eaux aux fins de leur potabilisation. En plus d’être soucieuses d’améliorer leur efficacité énergétique, ces techniques de la toute dernière génération s’attacheront donc aussi à réduire leur empreinte écologique.

3.3.4.

Le CESE souligne en outre qu’encourager les installations européennes de production débouchera sur des progrès concernant le respect des normes minimum édictées en matière sociale, telles que sanctionnées, par exemple, dans la charte sociale européenne ou celle des droits fondamentaux de l’Union européenne, et, par voie de conséquence, aboutira à améliorer l’empreinte sociale du secteur.

3.3.5.

Le CESE souligne que si l’on veut que l’industrie européenne atteigne la résilience stratégique, c’est l’ensemble de l’écosystème des semi-conducteurs qu’il y a lieu de prendre en considération. Le principe qu’avance la Commission d’une démarche allant «du laboratoire à la fabrication» est trop étriqué, car la chaîne de valeur ne se termine pas avec la fabrication. Un tel angle d’attaque ne se prête donc qu’en partie à accroître l’indépendance du marché européen par rapport aux risques mondiaux. Négliger de porter une attention spécifique au segment terminal de cette chaîne continue à nous exposer, de manière disproportionnée, à ce risque accru qui, prenant par exemple la forme de catastrophes naturelles ou de rupture des voies d’acheminement, a contribué à la crise d’approvisionnement actuelle. Comme la Commission l’indique dans le règlement sur les semi-conducteurs, la part que l’Union européenne détient dans le segment de leur conditionnement n’atteint qu’environ 5 %, soit, par conséquent, un niveau encore inférieur à la position globale de marché qu’elle occupe dans l’ensemble du secteur.

3.3.6.

Le CESE fait en outre observer qu’une prise en compte intégrale de l’écosystème des semi-conducteurs, incluant ses processus situés le plus en aval, contribuerait utilement à la réalisation des objectifs du pacte vert pour l’Europe. D’un point de vue écologique, par exemple, il n’est nullement indiqué de maintenir en Europe la production initiale, puis d’expédier les produits concernés dans des pays tiers par bateau pour les réimporter ensuite dans l’Union. En plus de présenter un mauvais bilan environnemental, des chaînes d’approvisionnement allongées de la sorte sont nettement plus exposées aux risques. À cet égard, l’Union européenne se doit de parvenir, dans une perspective d’autonomie stratégique ouverte, à un juste équilibre qui la rende résiliente sans l’exposer au danger de se couper du marché mondial.

3.3.7.

En conséquence, répondant au souci d’éviter que certains segments extrêmement rentables mais induisant des coûts élevés ne fassent l’objet de mouvements dommageables de segmentation ou de concentration sur le plan géographique, le CESE recommande que soit mieux mis en lumière le rôle que joue la chaîne d’approvisionnement considérée dans son intégralité et, plus spécifiquement, que la stratégie sur les semi-conducteurs fasse davantage de place aux processus d’aval dans l’Union européenne.

3.3.8.

Le CESE invite dès lors à envisager et entreprendre de mettre davantage l’accent sur des technologies avancées de conditionnement qui se prêtent à être implantées en Europe d’une manière qui soit efficace du point de vue financier et énergétique et, ainsi, à accroître l’indépendance de l’Union face aux risques et aux fluctuations du marché sur la scène internationale.

3.4.   Le cofinancement comme démarche adéquate pour réduire les risques et les coûts

3.4.1.

Le CESE se félicite que la proposition à l’examen autorise les aides d’État répondant aux critères qu’elle indique, en particulier quand à défaut, les installations concernées ne seraient pas disponibles dans l’Union, ou ne le seraient que dans une mesure limitée, ainsi que lorsqu’elles présentent un intérêt stratégique particulier.

3.4.2.

Le CESE se réjouit également que le règlement proposé prescrive en particulier qu’il faudra pouvoir escompter que les installations concernées pourront fonctionneront à plus long terme sans autres aides d’État et que, pour le futur, elles devront s’engager fermement à apporter aussi leur contribution à l’innovation au sein de l’écosystème des semi-conducteurs dans l’Union européenne.

3.4.3.

Le CESE souligne que les effets produits par les mesures incitatives doivent être effectivement mesurables et qu’il y a lieu d’éviter d’apporter un cofinancement à des projets qui étaient de toute façon déjà planifiées, afin de garantir que les ressources mises à disposition produiront réellement des retombées positives pour l’innovation et l’emploi dans tout l’écosystème des semi-conducteurs.

3.4.4.

Le CESE regrette cependant que la proposition ne prévoie pas de critères supplémentaires d’autant qu’il devrait être possible de combler jusqu’à une proportion de 100 % les insuffisances de financement qui pourraient être établies. Sur ce point, un rôle pourrait être joué par d’autres facteurs d’évaluation, relevant de la politique sociale, qu’il s’agisse, entre autres exemples, de l’attitude de l’entreprise concernée vis-à-vis du dialogue social et des négociations collectives et de la priorité donnée à la coopération avec des fournisseurs établis dans l’Union européenne, mais aussi du nombre d’emplois additionnels, à caractère durable, qui résultent des investissements concernés, ou encore de la qualité des conditions de travail.

3.4.5.

En outre, le CESE invite à ne pas concentrer le soutien envisagé sur des segments particuliers de l’écosystème des semi-conducteurs mais à veiller, en complément aux critères susmentionnés, à répartir les aides financières, de manière équilibrée, sur l’ensemble de la chaîne de valeur.

3.5.   Les compétences et les actions de renforcement des qualifications dans leur rôle de moteurs complémentaires pour l’innovation

3.5.1.

Le CESE se félicite de l’accent qui, dans le règlement sur les semi-conducteurs, est mis sur les compétences et les qualifications. Les investissements bien ciblés que les pouvoirs publics effectuent dans l’éducation et dans la formation continue, ainsi que, plus fondamentalement, en faveur des qualifications et de la reconversion, jouent un rôle essentiel, en particulier pour assurer la réussite de la transition verte et numérique. On ne peut toutefois qu’être frappé par la focalisation très poussée des efforts sur les personnels hautement qualifiés et, en particulier, de l’insistance placée sur la prise en compte des programmes de troisième cycle. Si cette démarche revêt une portée déterminante afin d’effectuer le saut technologique nécessaire pour atteindre le segment des semi-conducteurs d’une finesse de gravure inférieure à 10 nanomètres, on ne peut pour autant perdre de vue qu’aux fins d’affermir l’ancrage industriel de l’écosystème afférent, il convient aussi d’en faciliter tout spécialement l’accès aux travailleurs considérés comme moins qualifiés.

3.5.2.

L’écosystème des semi-conducteurs doit devenir plus attrayant aux yeux des personnes qui y sont actives. Pour ce faire, il est préconisé, en complément de programmes de troisième cycle engageants, d’adopter une approche qui couvre tout le spectre du système éducatif. Il conviendrait de faire la promotion de l’écosystème des semi-conducteurs dès le niveau des établissements d’enseignement secondaire, par exemple en revoyant les programmes des cours de sciences afin d’y évoquer ses besoins spécifiques. En procédant de la sorte, il deviendrait possible que les plans de carrière en ce sens et les orientations voulues soient décidés de bonne heure. Afin de renforcer encore l’attrait du secteur, il serait possible de simplifier les procédures nécessaires pour accéder, en son sein, à des stages d’observation ou d’apprentissage et des programmes de tutorat, de haute qualité, adaptés aux besoins et rémunérés, ainsi que de prévoir des canaux pour dispenser en temps voulu des informations sur les métiers concernés.

3.5.3.

En définitive, l’enjeu doit cependant consister aussi à former les travailleurs déjà employés dans l’écosystème des semi-conducteurs pour qu’ils se familiarisent avec les nouvelles méthodes de production et les exigences spécifiques à respecter pour la conception et la production de semi-conducteurs d’une finesse de gravure inférieure à 10 nanomètres, de manière que la transition vers les technologies de la prochaine génération puisse s’effectuer sans heurt. Dans cette perspective, il convient de saluer la mise en place d’un réseau européen des centres de compétences, étant entendu qu’il y aura lieu de veiller à ce que les mesures présentées dans ce cadre soient effectivement ciblées pour dispenser une formation de mise à niveau aux personnes déjà employées dans le secteur.

3.5.4.

Pour assurer le succès de la transition verte et numérique, il conviendrait d’insister tout particulièrement sur le perfectionnement et la reconversion des personnels qui travaillent dans des industries et des régions qui sont actuellement soumises à une mutation structurelle ou qui devraient l’être dans le futur. L’objectif qu’une politique industrielle active se devrait de poursuivre consiste à accorder une attention particulière aux régions qui sont en proie à la désindustrialisation et à une émigration hors norme de leur population d’âge actif, et de concevoir à leur intention des mesures qui encouragent à y investir. En outre, il y aurait lieu d’examiner quels seraient les moyens de combiner les mesures de perfectionnement professionnel et de reconversion avec le chômage partiel ou les allocations de chômage, ainsi que de donner aux travailleurs concernés la possibilité de s’inscrire dans des dispositifs adaptés pour se reconvertir professionnellement, grâce à des entreprises de transfert professionnel, par exemple.

3.5.5.

En outre, il conviendrait d’encourager les États membres à présenter eux aussi des programmes en la matière et à les intégrer dans leurs stratégies nationales de qualification.

Bruxelles, le 15 juin 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  COM(2022) 46 final.

(2)  COM(2022) 45 final.

(3)  https://ieeexplore.ieee.org/stamp/stamp.jsp?tp=&arnumber=9063714


23.9.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 365/40


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (UE) 2021/2085 établissant les entreprises communes dans le cadre d’Horizon Europe en ce qui concerne l’entreprise commune «Semi-conducteurs»

[COM(2022) 47 final — 2022/0033 (NLE)]

(2022/C 365/07)

Rapporteur:

Stoyan TCHOUKANOV

Consultation

Conseil, 16.3.2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

1.6.2022

Adoption en session plénière

15.6.2022

Session plénière no

570

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

207/0/5

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Les semi-conducteurs sont au cœur d’intérêts géopolitiques forts, car ils assurent aux pays les conditions qui leur permettent d’agir (sur le plan militaire, économique et industriel) et de favoriser les transitions numérique et écologique. Ils sont essentiels à l’autonomie stratégique et industrielle.

1.2.

Par conséquent, le CESE est favorable à l’objectif stratégique consistant à accroître la robustesse de l’écosystème européen des semi-conducteurs et convient que l’Europe doit attirer des investissements pour concevoir et produire les puces les plus perfectionnées, mais il estime que cette position de force serait plus facile à atteindre si les chercheurs, ingénieurs et travailleurs qualifiés européens étaient encouragés à rester en Europe, notamment par des incitations financières et des perspectives de carrière qui soient compétitives par rapport à ce qui est proposé en Asie ou aux États-Unis.

1.3.

Compte tenu de la nécessité urgente d’agir, aucune analyse d’impact n’a été réalisée et aucune consultation publique en ligne n’a été prévue. Le CESE saisit l’occasion pour faire part de ses préoccupations quant à l’absence d’analyse d’impact dans la proposition. Le CESE comprend que la réalisation d’une analyse d’impact technique d’une dimension standard aurait pris trop de temps, compte tenu de l’urgence, mais il estime que la Commission aurait dû au moins fournir une matrice intelligente proposant une simulation dynamique, afin d’aider les colégislateurs et la société civile à prévoir les incidences potentielles de la proposition.

1.4.

La préoccupation du CESE concernant le budget alloué à l’entreprise commune «Semi-conducteurs» est renforcée par l’absence d’une analyse d’impact, qui empêche la société civile de se forger sa propre opinion sur la raison d’être de la proposition ou la méthodologie utilisée par la Commission pour définir le budget. La fiche financière législative annexée à la proposition de règlement sur les semi-conducteurs n’est pas suffisante.

1.5.

Le CESE estime que la propriété intellectuelle est un élément si essentiel pour récompenser les investissements et les efforts de recherche des innovateurs de l’Union tout en répondant aux besoins des acteurs de la mise en œuvre/des utilisateurs, pour stimuler l’innovation en matière de semi-conducteurs et pour créer un écosystème européen des semi-conducteurs à la pointe du progrès, qu’elle devrait être mentionnée dans les dispositions de la proposition, et pas seulement dans l’exposé des motifs, qui n’a pas d’effet juridiquement contraignant.

1.6.

L’entreprise commune «Semi-conducteurs» qui fait l’objet de la proposition vise notamment à réduire les risques et les incertitudes auxquels l’industrie est confrontée lorsqu’elle investit dans des activités de recherche et d’innovation et dans de nouvelles technologies, en partageant les risques et en assurant la prévisibilité des investissements. Un fabricant américain de puces électroniques a ainsi dévoilé son projet d’investir jusqu’à 88 milliards de dollars en Europe dans le cadre d’une expansion ambitieuse visant à réduire les déséquilibres de la chaîne d’approvisionnement des semi-conducteurs à l’échelle mondiale, ce qui témoigne de la manière positive dont les investisseurs réagissent à la proposition d’un règlement européen sur les semi-conducteurs.

2.   Introduction

2.1.

Ces derniers mois, de nombreux secteurs ont connu des retards de livraison, notamment ceux de l’automobile, des ordinateurs, des smartphones, des applications et infrastructures pour la santé, de l’énergie, de la sécurité, de la communication et de l’automatisation industrielle. La raison en est une pénurie de semi-conducteurs, ces très petits composants qui équipent nos appareils technologiques.

2.2.

Les semi-conducteurs sont au cœur d’intérêts géopolitiques forts, car ils assurent aux pays les conditions qui leur permettent d’agir (sur le plan militaire, économique et industriel) et de favoriser les transitions numérique et écologique. La guerre menée par la Russie contre l’Ukraine risque d’avoir de nombreux effets collatéraux à moyen et à long terme sur l’industrie des semi-conducteurs, qui est une priorité absolue pour la souveraineté numérique de l’Union. Cette situation aura également une incidence sur la production de néon, de palladium et de C4F6, trois matériaux essentiels et irremplaçables pour la fabrication des micropuces.

2.3.

Le secteur de la conception des semi-conducteurs est dominé par les États-Unis, d’autant plus fortement qu’en janvier 2021, le Congrès américain a adopté la loi CHIPS for America (CHIPS étant l’acronyme de Creating Helpful Incentives to Produce Semiconductors, «Mise en place d’incitations pour la production de semi-conducteurs»). Pour ce qui est de la production, elle est dominée par l’Asie: la production asiatique, concentrée en particulier à Taïwan, représente environ 70 % de la production totale des semi-conducteurs et 90 % des puces les plus avancées sur le plan technologique. Si les pénuries actuelles sont en partie dues à la pandémie de COVID-19, il convient de ne pas sous-estimer l’importance de la concurrence économique qui oppose Washington et Pékin. Ce contexte de rivalité économique place Taïwan en première ligne de cette concurrence technologique entre les deux puissances.

2.4.

Dans ce contexte, l’objectif du règlement proposé est de créer ensemble un écosystème européen des semi-conducteurs à la pointe du progrès, intégrant la production. Il modifie les propositions actuelles afin de s’appuyer sur les points forts de l’Europe et de remédier aux faiblesses qui subsistent, de développer un écosystème de semi-conducteurs prospère et une chaîne d’approvisionnement résiliente, tout en définissant des mesures pour se préparer aux futures perturbations de la chaîne d’approvisionnement, les anticiper et y réagir.

2.5.

La proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (UE) 2021/2085 établissant les entreprises communes dans le cadre d’Horizon Europe en ce qui concerne l’entreprise commune «Semi-conducteurs» (ci-après la «proposition») vient compléter la proposition de règlement sur les semi-conducteurs. L’un des objectifs de la proposition de règlement sur les semi-conducteurs est de mettre en place l’initiative «Semi-conducteurs pour l’Europe» afin de soutenir le changement d’échelle des capacités de l’Union. Les actions lancées par l’initiative seront avant tout exécutées par l’entreprise commune «Semi-conducteurs», c’est-à-dire l’entreprise commune «Technologies numériques clés» telle qu’elle est revue et renommée.

2.6.

Le budget de l’Union soutiendra l’initiative «Semi-conducteurs pour l’Europe» avec un montant total allant jusqu’à 3,3 milliards d’EUR, dont 1,65 milliard d’EUR via le programme Horizon Europe et 1,65 milliard d’EUR via le programme pour une Europe numérique. Sur ce montant total, un montant de 2,875 milliards d’EUR sera exécuté par l’intermédiaire de l’entreprise commune «Semi-conducteurs».

3.   Observations générales

3.1.   Capital humain

3.1.1.

Le CESE note que l’objectif n’est pas de devenir autosuffisants, ce qui n’est pas réalisable étant donné que les interdépendances avec les pays tiers demeurent fortes dans les chaînes d’approvisionnement, mais d’accélérer le processus de réalisation de l’autonomie stratégique et de la souveraineté technologique, et de réformer le cadre de la concurrence mondiale en renforçant la politique industrielle commune dans l’Union.

3.1.2.

Le CESE est favorable à l’objectif stratégique consistant à accroître la robustesse de l’écosystème européen des semi-conducteurs et convient que l’Europe doit attirer des investissements pour concevoir et produire les puces les plus perfectionnées, mais il estime que cette position de force serait plus facile à atteindre si les chercheurs, ingénieurs et travailleurs qualifiés européens étaient encouragés à rester en Europe, notamment par des incitations financières et des perspectives de carrière qui soient compétitives par rapport à ce qui est proposé en Asie ou aux États-Unis.

3.1.3.

L’un des objectifs du train de mesures sur les semi-conducteurs est de soutenir le changement d’échelle des capacités de l’Union par des investissements dans la recherche transfrontalière afin de permettre un développement des technologies de pointe et de nouvelle génération en matière de semi-conducteurs, notamment en mettant l’accent sur les jeunes pousses et les entreprises en expansion.

3.1.4.

La proposition privilégie les investissements dans des infrastructures de recherche, de développement et d’innovation transfrontalières, conçues en accès ouvert pour permettre un développement des technologies de semi-conducteurs dans l’Union européenne. Le CESE fait observer que pour atteindre ces objectifs, l’Union doit pouvoir compter sur le capital humain, et notamment sur les chercheurs, étant donné que ces derniers sont les seuls à pouvoir développer le potentiel d’innovation de l’Union. Il se demande quelles mesures concrètes sont prises pour veiller à ce que nos chercheurs ne soient pas tentés d’émigrer en dehors de l’Union et pour garantir qu’ils jouent un rôle actif dans le réseau de centres de compétences qu’il est prévu de mettre en place dans toute l’Europe.

3.1.5.

Les chercheurs et les jeunes ingénieurs considèrent généralement que la rémunération et la progression de carrière sont meilleures dans certains pays tiers. À cet égard, le CESE demande à la Commission de fournir des statistiques qui permettraient d’évaluer les tendances en matière de fuite des cerveaux vers d’autres centres de recherche et de compétences. Un programme visant à accélérer le processus de reconnaissance des spécialistes étrangers est susceptible d’attirer des ressources supplémentaires pour le projet. En effet, si nous ne disposons pas d’un vivier de chercheurs, ingénieurs et travailleurs qualifiés désireux de travailler dans l’Union et de s’y fixer, les objectifs de la proposition resteront illusoires.

3.2.   Analyse d’impact

3.2.1.

Compte tenu de la nécessité urgente d’agir, aucune analyse d’impact n’a été réalisée et aucune consultation publique en ligne n’a été prévue.

3.2.2.

Ce caractère d’urgence ne saurait être nié. Depuis la fin de l’année 2020, les fabricants sont confrontés à une pénurie de composants, en particulier de semi-conducteurs. Cette pénurie est due à une série de facteurs qui se cumulent:

les confinements liés à la crise sanitaire de la COVID-19, qui ont suspendu la production et entraîné des retards dans les livraisons,

les conditions climatiques: de graves sécheresses à Taïwan ont eu des répercussions notables sur la fabrication de semi-conducteurs, qui nécessite beaucoup d’eau,

l’augmentation de la demande d’équipements électroniques (ordinateurs, etc.),

la montée en puissance des véhicules électriques,

l’intérêt croissant pour le minage de cryptomonnaies, qui nécessite des processeurs graphiques composés de semi-conducteurs,

le déploiement de la 5G, qui requiert des semi-conducteurs dans les périphériques,

l’automatisation des installations, dans le cadre des projets industriels 4.0, qui utilisent des semi-conducteurs.

3.2.3.

Le CESE estime que l’urgence n’est pas le seul facteur, un autre problème étant que 70 % des semi-conducteurs sont fabriqués par l’entreprise taïwanaise Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC) et par Samsung Electronics. Face à une demande élevée, ces sociétés doivent donner la priorité à certains clients, sachant que construire une nouvelle usine de production prend deux à trois ans (1).

3.2.4.

Le CESE saisit l’occasion pour faire part de quelques préoccupations quant à l’absence d’analyse d’impact dans la proposition. En avril 2021, la Commission européenne a lancé son programme pour une meilleure réglementation, dont l’objectif est d’«unir nos forces pour améliorer la législation» (2). Ce programme introduit l’approche «un ajout, un retrait», qui deviendra un axe clé de la politique de l’Union à compter de 2022.

3.2.5.

Le CESE comprend que la réalisation d’une analyse d’impact technique d’une dimension standard aurait pris trop de temps, compte tenu de l’urgence, et qu’elle aurait été inutile dans la pratique, mais il estime que la Commission aurait dû au moins fournir une matrice intelligente proposant une simulation dynamique, afin d’aider les colégislateurs et la société civile à prévoir les incidences potentielles de la proposition.

3.2.6.

L’absence d’analyse d’impact a une incidence négative sur la possibilité pour le CESE de se forger son propre avis sur la raison d’être de la proposition et la méthodologie utilisée par la Commission pour définir le budget de l’entreprise commune «Semi-conducteurs». La fiche financière législative annexée à la proposition de règlement sur les semi-conducteurs n’est pas non plus suffisante. La société civile doit savoir précisément et concrètement d’où proviennent les financements et à quoi ils sont affectés.

3.3.   Propriété intellectuelle

3.3.1.

Le terme de «propriété intellectuelle» (PI) recouvre un grand nombre de définitions, ce qui est dangereux. Au sens le plus général, il renvoie à toute connaissance dont une personne détient la propriété; par exemple, un brevet. Le brevet reconnaît la propriété d’un ensemble de connaissances, auxquelles il confère des conditions de protection.

3.3.2.

Toutefois, dans l’industrie des semi-conducteurs, ce terme est bien compris comme désignant une unité de conception ou de vérification prête à l’emploi et disponible pour l’octroi de licences. La «PI des semi-conducteurs» et la «PI de conception» désignent généralement la même chose et sont souvent simplement appelées «PI», «blocs de PI» ou «noyaux de PI». Il s’agit d’un élément de la conception de la puce, tel qu’un processeur, qui a fait l’objet d’une vérification préalable et peut être inclus dans un autre modèle appartenant à un tiers.

3.3.3.

Dans la pratique, les efforts qu’il est nécessaire de déployer sur le plan juridique ou de la gestion pour négocier les licences dépassent souvent les avantages que procure la concession de licences pour des modèles de propriété intellectuelle. Les entreprises qui fabriquent les semi-conducteurs ont donc souvent utilisé leur PI sous la forme de brevets. D’importants portefeuilles de brevets peuvent être utilisés à la fois pour limiter la concurrence et pour améliorer leur position concurrentielle par la concession réciproque de licences.

3.3.4.

L’exposé des motifs de la proposition fait référence aux «groupes d’utilisateurs» et aux «fournisseurs de propriété intellectuelle», et mentionne donc les utilisateurs de PI sans pour autant évoquer les titulaires des droits de PI. Il précise ensuite que «[l]es centres de compétences permettront un accès ouvert, transparent et non discriminatoire aux infrastructures de conception et aux lignes pilotes, et leur utilisation efficace».

3.3.5.

Par conséquent, le CESE se demande si l’«accès non discriminatoire» renvoie à l’approche concernant l’octroi de brevets essentiels à une norme (BEN) à des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires (FRAND). Si tel est le cas, la proposition devrait garantir que cet octroi s’opère selon une approche équilibrée et pragmatique, axée sur une transparence accrue et sur la recherche d’un terrain intermédiaire qui récompensera de manière appropriée les innovateurs de l’Union tout en répondant aux besoins des acteurs de la mise en œuvre/des utilisateurs et permettra de stimuler l’innovation.

3.3.6.

Enfin, le CESE estime que la PI est un élément si essentiel pour atteindre les objectifs de la proposition qu’elle devrait être explicitement mentionnée dans ses dispositions, et pas seulement dans l’exposé des motifs, qui n’a pas d’effet juridiquement contraignant.

Bruxelles, le 15 juin 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Journal du Net, 2 novembre 2021.

(2)  Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Une meilleure réglementation: unir nos forces pour améliorer la législation [COM(2021) 219 final].


23.9.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 365/44


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux gaz à effet de serre fluorés, modifiant la directive (UE) 2019/1937 et abrogeant le règlement (UE) no 517/2014

[COM(2022) 150 final — 2022/0099 (COD)]

(2022/C 365/08)

Rapporteur:

Kęstutis KUPŠYS

Consultation

Parlement européen, 5.5.2022

Conseil, 10.5.2022

Base juridique

Article 192, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section

31.5.2022

Adoption en session plénière

15.6.2022

Session plénière no

570

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

140/1/6

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

La révision du règlement (UE) no 517/2014 (1) sur les gaz fluorés qu’a proposée la Commission le 5 avril 2022 (2) constitue un pas dans la bonne direction. Le CESE estime qu’il est possible de nourrir une ambition encore plus grande, afin d’éviter que les entreprises et les ménages européens ne s’encombrent, pour les décennies à venir, d’un parc d’équipements nocifs pour le climat, et de maintenir l’Union dans sa position de chef de file mondial en matière d’action pour le climat, ce qui passe par l’adoption des meilleures solutions écologiques qui soient sur le plan technologique.

1.2.

De nombreux hydrofluorocarbones (HFC) ont un potentiel de réchauffement planétaire (PRP) considérable. Ainsi, améliorer l’actuelle proposition de la Commission offre une occasion supplémentaire de réduire sensiblement les incidences directes sur le climat en évitant le recours à des hydrofluorocarbones à PRP élevé et en basculant directement vers des solutions de substitution à faible PRP et exemptes de gaz fluorés.

1.3.

Pour les pompes à chaleur, les climatiseurs individuels, les refroidisseurs et les applications de réfrigération, d’autres solutions reposant sur des réfrigérants naturels à faible PRP existent. Le CESE est favorable à une interdiction, pour ces appareils, après 2030, de tous les réfrigérants dont le potentiel de réchauffement planétaire est supérieur à 5. De l’avis du Comité, une interdiction sectorielle envoie un message clair au marché, est facile à mettre en œuvre sur le plan administratif et n’est exposée qu’à un faible risque de contournement.

1.4.

Le CESE recommande vivement de conjuguer l’ambition affichée par l’initiative REPowerEU (3) avec la suppression progressive des gaz fluorés, dans l’objectif que les réfrigérants aient le potentiel de réchauffement planétaire le plus faible possible, en particulier dans le domaine des pompes à chaleur. Il estime que les craintes quant à des goulets d’étranglement sur le marché dans ce secteur ne sont pas fondées, puisque l’industrie connaîtra une augmentation de sa capacité de production, laquelle reposera principalement sur des réfrigérants naturels. L’Union européenne dispose d’une occasion manifeste de montrer l’exemple en fixant des normes écologiques mondiales.

1.5.

Il était attendu qu’un système de quotas découragerait l’utilisation de gaz à fort PRP, ce qui n’a toutefois pas suffisamment contribué à faire évoluer le marché. De toute évidence, le commerce illicite de ces gaz s’est accru pour répondre à la demande constante du marché. Le CESE appelle de ses vœux la mise en place d’un mécanisme visant à augmenter les recettes provenant des ventes de quotas, lesquelles peuvent servir à renforcer les contrôles douaniers au niveau des États membres, à faciliter l’adoption de solutions de remplacement à faible PRP et à dispenser une formation appropriée aux installateurs des équipements concernés.

1.6.

Il est essentiel de répondre aux besoins de formation sur les solutions de substitution aux hydrofluorocarbones. Des techniciens qualifiés ainsi que des systèmes de qualification, de certification et d’enregistrement sont indispensables pour promouvoir les réfrigérants naturels à faible potentiel de réchauffement planétaire.

2.   Observations générales

Introduction

2.1.

Les gaz fluorés sont d’importants gaz à effet de serre. En l’absence de réglementation, les émissions de HFC pourraient entraîner une augmentation de la température moyenne de la planète comprise entre 0,35 et 0,5 oC d’ici à 2100. Éviter ces émissions aurait une influence notable sur la limitation du réchauffement planétaire. Dans une perspective à court terme (2050), réduire les émissions de HFC serait d’une efficacité redoutable pour lutter contre la crise climatique (4).

2.2.

De nombreux hydrofluorocarbones (HFC) ont un fort potentiel de réchauffement planétaire (PRP). Le trifluorométhane (HFC-23) est l’hydrofluorocarbone le plus puissant connu: son PRP s’élève à 14 600, c’est-à-dire qu’un seul kilogramme de HFC-23 équivaut à presque 15 tonnes de CO2 s’agissant du réchauffement de la planète qu’il provoque. Les concentrations de HFC-23 dans l’atmosphère augmentent à un rythme alarmant, puisqu’elles sont passées de 21 ppt en 2008 à un niveau record de 35 ppt aujourd’hui (5).

2.3.

Un autre gaz similaire, l’hexafluorure de soufre (SF6), largement utilisé comme gaz isolant dans les appareillages de commutation, est considéré comme le gaz fluoré le plus nocif, en raison de son PRP de 25 200. Un appareil de chauffage et de refroidissement typique vendu à un ménage en 2022 dans l’Union est susceptible de contenir des gaz fluorés possédant un PRP supérieur à 700, ce qui signifie que l’empreinte carbone des quelque 500 g d’agent réfrigérant qu’il contient s’élève à 0,35 tonne.

2.4.

Les gaz fluorés sont responsables au total d’environ 2,5 % de l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’Union européenne.

2.5.

Les substances appauvrissant la couche d’ozone (SACO) altèrent cette couche de gaz stratosphérique et accentuent le réchauffement climatique. Certaines d’entre elles ont été remplacées par des hydrofluorocarbones qui, certes, ne contribuent pas à l’appauvrissement de la couche d’ozone, mais participent tout de même au réchauffement climatique. Le CESE a adopté un avis (6) correspondant sur le règlement relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone (le «règlement SACO») (7).

2.6.

Le règlement sur les gaz fluorés a pour objectif de faire baisser les émissions des gaz en question, notamment grâce à la réduction progressive, au sein de l’Union, du recours aux hydrofluorocarbones, réduction également mise en œuvre actuellement à l’échelle mondiale dans le cadre du protocole de Montréal. Les deux règlements, portant sur les SACO et sur les gaz fluorés, doivent conjointement garantir que l’Union respecte les obligations qui lui incombent en vertu dudit protocole.

2.7.

Le règlement actuel sur les gaz fluorés vise à réduire les émissions de ces gaz dans l’UE de deux tiers d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 2014. Conformément à la loi sur le climat, la nouvelle proposition contribuera à diminuer les émissions d’au moins 55 % à l’horizon 2030, en vue d’atteindre la neutralité climatique en Europe d’ici à 2050, notamment, comme l’a souligné la Commission, grâce aux initiatives stratégiques suivantes:

revoir le niveau d’ambition à la hausse,

améliorer l’application et la mise en œuvre,

assurer un suivi plus complet,

veiller au respect du protocole de Montréal.

Les gaz fluorés dans le contexte du pacte vert

2.8.

La proposition relative aux gaz fluorés prévoit, de manière ambitieuse, la réduction progressive des hydrofluorocarbones, ainsi que plusieurs nouvelles interdictions concernant la mise sur le marché de certains produits et équipements. Ceux qui contiennent des gaz fluorés à fort potentiel de réchauffement planétaire seront ainsi amenés à disparaître progressivement du marché. Le Comité estime néanmoins qu’il importe au plus haut point de promouvoir une transition directe vers une solution exempte de gaz fluorés et au PRP le plus faible possible, en se gardant d’adopter des solutions intermédiaires. Les marchés européens démontrent que cette approche est réalisable, aussi l’Union devrait-elle montrer l’exemple.

2.9.

Il est impératif de placer la barre plus haut afin d’éviter que les entreprises et les ménages européens ne s’encombrent, pour les décennies à venir, d’un parc d’équipements nocifs pour le climat. Il importe également de préserver la position de chef de file mondial occupée par l’Union en matière d’action pour le climat, en adoptant les meilleures solutions écologiques qui soient sur le plan technologique, dans tous les domaines où sont utilisés des gaz fluorés.

2.10.

L’élimination progressive des hydrofluorocarbones constitue un moyen de contribuer, d’une manière hautement efficace par rapport aux coûts, à la réalisation des objectifs climatiques. D’après le rapport final d’évaluation datant de mars 2022 (8), «les coûts de réduction des émissions […] s’élevaient en moyenne à environ 6 EUR par tonne d’équivalent CO2».

2.11.

Les pompes à chaleur, les climatiseurs individuels, les refroidisseurs et les applications de réfrigération sont des appareils et des systèmes pour lesquels d’autres solutions existent, qui reposent sur des réfrigérants à faible PRP et des réfrigérants naturels. Le CESE est favorable à une interdiction, pour ces appareils, après 2030, des réfrigérants à base de gaz fluorés dont le potentiel de réchauffement planétaire est supérieur à 5. Il est d’avis que des interdictions sectorielles envoient un message clair au marché, sont faciles à mettre en œuvre sur le plan administratif et ne sont exposées qu’à un faible risque de contournement. Des exemptions ad hoc pourraient être accordées dans les cas où les hydrofluorocarbones sont jugés nécessaires d’un point de vue technique, sur la base des dispositions énoncées à l’article 16, paragraphe 4.

2.12.

Pour certaines utilisations, des produits de substitution aux HFC sont déjà disponibles sur le marché, notamment le propane (PRP: 0,02) et l’ammoniac (PRP: 0). Le CESE demande instamment d’augmenter les dépenses allouées à la recherche afin d’utiliser ces solutions au potentiel de réchauffement planétaire nul.

2.13.

La seule politique durable pour l’Union européenne serait l’approche du «refroidissement vert», qui combine des réfrigérants naturels à très faible PRP (inférieur à 5) et des appareils économes en énergie. Tout type de mélange de gaz fluorés, même à faible PRP, pose des problèmes d’ordre opérationnel, en particulier pour ce qui est du recyclage et de la récupération, et rend la maintenance et l’entretien beaucoup plus complexes. Il convient donc d’en éviter l’utilisation.

2.14.

Les systèmes de chauffage et de refroidissement existants doivent être entretenus et maintenus en état de fonctionnement, au moyen des hydrofluorocarbones actuellement en usage. Le plan d’action intitulé «REPowerEU», qui a fixé comme objectif le déploiement de 30 millions de pompes à chaleur en Europe d’ici à 2030, a suscité des craintes légitimes chez les acteurs concernés (9). Selon les représentants de l’industrie, les nouvelles dispositions proposées au titre du règlement sur les gaz fluorés pourraient ralentir l’adoption, grandement nécessaire, des pompes à chaleur en Europe.

2.15.

Le CESE est d’avis qu’une interdiction précoce des hydrofluorocarbones dans les nouveaux équipements de pompes à chaleur garantira que le déploiement de celles-ci se déroule à l’abri de la menace d’une pénurie d’approvisionnement en HFC destinés à l’entretien des équipements existants. Elle permettra d’éviter d’immobiliser de grandes quantités de réserves d’hydrofluorocarbones, lesquelles requièrent des mesures de gestion et de destruction. Si elles ne sont pas traitées en bonne et due forme, les fuites de HFC dans les équipements en fin de vie auront des effets dévastateurs sur le climat.

2.16.

La part de marché des hydrofluorocarbones à fort PRP représente un danger sérieux: les réfrigérants à fort potentiel de réchauffement planétaire sont largement utilisés lors de l’entretien des équipements existants afin de compenser, à intervalles réguliers, les émissions continues (le taux de fuite peut atteindre entre 15 et 20 % par an) que les progrès technologiques pourraient permettre d’éviter.

2.17.

Par conséquent, le CESE recommande vivement de conjuguer l’ambition affichée par l’initiative REPowerEU avec la suppression progressive des gaz fluorés, dans l’objectif que les réfrigérants aient le potentiel de réchauffement planétaire le plus faible possible. Pour mettre en perspective le nombre de pompes à chaleur à déployer progressivement, soit 30 millions sur sept ans, l’on pourrait se servir des chiffres globaux tirés de l’évaluation effectuée par l’Agence internationale de l’énergie (AIE): près de 180 millions de pompes à chaleur étaient en usage à des fins de chauffage en 2020, tandis que le parc mondial a augmenté de presque 10 % par an ces cinq dernières années. Dans le scénario esquissé par l’AIE et intitulé «Zéro émission nette d’ici 2050», le parc de pompes à chaleur installées atteindrait 600 millions d’unités à l’horizon 2030. La part que prend l’Union à ce déploiement correspond tout à fait à la proportion de ménages qu’elle compte par rapport au contexte mondial.

2.18.

Le CESE estime que les craintes quant à des goulets d’étranglement sur le marché dans ce secteur ne sont pas fondées, puisque la trajectoire proposée en Europe en matière d’utilisation des pompes à chaleur concorde en grande partie avec l’augmentation de la capacité de production de cette industrie, qui s’appuiera sur les réfrigérants à très faible PRP, en particulier les réfrigérants naturels. L’Union européenne dispose d’une occasion manifeste de montrer l’exemple en fixant des normes écologiques mondiales.

2.19.

Au regard des facteurs décrits ci-dessus, le CESE recommande de renforcer la proposition de révision du règlement sur les gaz fluorés comme suit:

accentuer encore la réduction progressive des hydrofluorocarbones pour respecter le scénario d’un réchauffement n’excédant pas 1,5 oC, comme le prévoit l’accord de Paris,

interdire l’utilisation du HFC-404A, dont le PRP est de 4 728, et d’autres hydrofluorocarbones à fort potentiel de réchauffement planétaire,

abaisser, pour toute technologie donnée, les limites sectorielles en matière de PRP d’une valeur de 150 à celle la plus faible possible,

promouvoir des mécanismes d’incitation et les marchés publics en faveur de solutions de substitution exemptes de gaz fluorés,

soutenir les efforts consentis par les États membres pour encourager l’adoption de solutions plus écologiques au très faible PRP et, dans la mesure du possible, sans gaz fluorés.

Préoccupations environnementales

2.20.

Lors de la transition vers des réfrigérants naturels à très faible PRP ou des hydrofluorocarbones à faible PRP, il convient d’éviter de se tourner vers des substances comme les hydrofluoroléfines en raison de leurs produits de dégradation, tels que l’acide trifluoroacétique (TFA), aux propriétés nocives. Le TFA et autres substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) portent le surnom de «produits chimiques éternels», car il est impossible de les éliminer de l’environnement (10). Sur la base du principe de précaution, il y a lieu d’établir un lien explicite entre la proposition à l’examen et les mesures avancées par la Commission dans son plan d’action «zéro pollution» (11).

2.21.

Lors de la réduction progressive des hydrofluorocarbones, il convient de porter une attention appropriée aux substances amenées à les remplacer. Le CESE demande qu’il ne soit fait preuve d’aucune tolérance vis-à-vis des nouveaux substituts de gaz fluorés qui ne font que remplacer le problème du fort potentiel de réchauffement planétaire par d’autres problématiques environnementales. Le Comité appelle plutôt à assumer la responsabilité d’orienter la transition vers des solutions naturelles, exemptes de gaz fluorés, qui soient réellement respectueuses du climat et de l’environnement. Il ne suffit pas de se référer au processus européen REACH, car celui-ci a un train de retard et n’interdira pas à temps les substituts dangereux de gaz fluorés.

Commerce illicite

2.22.

Le commerce illicite d’hydrofluorocarbones pose un problème majeur au sein de l’Union européenne. Bien qu’il soit difficile de le quantifier, le commerce illicite de ces substances a de toute évidence lieu dans des proportions significatives. Diverses analyses indiquent que les importations illégales représentent jusqu’à un tiers du volume du marché légal de l’Union (12).

2.23.

Il était attendu qu’un système de quotas découragerait l’utilisation de gaz à fort PRP, ce qui n’a toutefois pas suffisamment contribué à faire évoluer le marché. De toute évidence, le commerce illicite de ces gaz s’est accru pour répondre à la demande constante du marché. Ces dynamiques à l’œuvre donnent davantage de poids à l’argument du CESE en faveur d’une interdiction pure et simple des gaz à fort PRP.

2.24.

Malheureusement, la proposition ne prend pas suffisamment en considération le commerce illicite d’hydrofluorocarbones. Le CESE préconise la transparence et la traçabilité complète des HFC tout au long de la chaîne d’approvisionnement. Il considère les solutions proposées, qui reposent sur des marquages avec code QR, comme un moyen rentable de résoudre ce problème.

2.25.

Le CESE est d’avis qu’il conviendrait en outre d’améliorer les contrôles portant sur l’offre d’hydrofluorocarbones dans le domaine du commerce électronique. Il demande soit l’interdiction de la vente de gaz fluorés sur les marchés en ligne, soit l’introduction de certifications obligatoires applicables aux entreprises vendant des gaz fluorés en vrac en ligne.

2.26.

Il y a lieu de maintenir un contrôle strict de toutes les importations et exportations d’hydrofluorocarbones, y compris les gaz dont les usages sont exemptés de la réduction progressive (par exemple, les intermédiaires de synthèse, la destruction, la réexportation ou d’autres utilisations dérogatoires). Les entreprises devraient être valablement enregistrées sur le portail F-gas afin d’empêcher que les dérogations ne soient utilisées pour favoriser le commerce illicite. Le Comité signale que la liste des exceptions visées à l’article 20, paragraphe 4, crée une lacune dans le système d’octroi de licences que les négociants illégaux se ne priveront certainement pas de cibler.

2.27.

Afin de permettre aux autorités douanières nationales d’agir avec plus d’efficacité, le CESE demande que des orientations soient rendues obligatoires concernant l’élimination des produits, conteneurs et équipements confisqués après leur importation illégale dans l’Union, et que des fonds soient alloués aux États membres dans le cas où ils choisiraient de procéder à leur destruction.

2.28.

La lutte contre le commerce et l’élimination illicites des gaz fluorés devrait s’aligner sur les propositions contenues dans la directive relative à la protection de l’environnement par le droit pénal (13), qui vise à mieux protéger l’environnement en obligeant les États membres à prendre des mesures de droit pénal et en favorisant la coopération transfrontière (14).

Allocation des quotas et des ressources

2.29.

Des milliers de nouveaux entrants ont reçu des quotas de HFC pour pouvoir effectuer des importations vers le marché de l’Union. Nombre d’entre eux n’ont pas accès, au sein de l’UE, à des infrastructures leur permettant de satisfaire aux exigences du règlement en matière de récupération, de recyclage et de régénération des hydrofluorocarbones qu’ils importent.

2.30.

Si le CESE accueille favorablement les nouvelles conditions d’enregistrement et de réception des quotas alloués, il estime néanmoins qu’il est possible d’augmenter la redevance afin de mieux refléter les prix réels du carbone.

2.31.

Fixé à 3 EUR par tonne d’équivalent CO2, le tarif du quota est de toute évidence trop bas pour générer des recettes adéquates et décourager l’utilisation des HFC afin d’accélérer l’adoption de réfrigérants naturels.

2.32.

Le CESE demande également de réévaluer l’utilisation des ressources financières tirées de la vente de quotas.

2.33.

Le Comité est convaincu que ces recettes devraient être directement affectées et utilisées aux fins suivantes:

stimuler la recherche sur les solutions de substitution à faible PRP, en particulier les réfrigérants naturels,

appuyer les autorités des États membres chargées de surveiller le marché,

développer les compétences et sensibiliser les consommateurs finaux, notamment au moyen de campagnes de sensibilisation,

soutenir la formation de la main d’œuvre actuelle et future, aussi bien pour les cas d’urgence qu’à moyen terme.

Formations

2.34.

Il est essentiel de répondre aux besoins de formation sur les solutions de substitution aux hydrofluorocarbones. Des techniciens qualifiés ainsi que des systèmes de qualification, de certification et d’enregistrement sont indispensables pour promouvoir les réfrigérants naturels à faible potentiel de réchauffement planétaire. La certification est nécessaire pour les solutions de substitution aux gaz fluorés, et pas uniquement pour les seuls gaz fluorés. Le CESE plaide pour que les programmes de certification prévoient un volet de compétences obligatoire en matière de réfrigérants naturels.

2.35.

La question de la formation et de la certification relève du principe de subsidiarité et doit donc s’inscrire dans les systèmes nationaux existants. La proposition accorde aux États membres un an pour mettre à jour leurs programmes afin d’y inclure les solutions de substitution, un délai que certains acteurs du marché considèrent, non sans crainte, comme relativement court. Si le calendrier est important, la nécessité de définir des objectifs clairs l’est tout autant. Le CESE recommande de fixer des obligations en matière de plans nationaux comportant des indicateurs clés de performance explicites, par exemple 50 % d’installateurs formés d’ici à 2025.

Dimension mondiale

2.36.

L’alignement sur le protocole de Montréal devrait tenir compte de la nécessité de renforcer l’amendement de Kigali dans un avenir relativement proche afin d’atteindre les objectifs mondiaux de zéro émission nette.

2.37.

Dans ce contexte, l’Union imprime un élan important à l’échelle internationale dans le cadre du protocole de Montréal. La proposition de nouveau règlement européen sur les gaz fluorés fait l’objet d’une surveillance étroite de la part de tous les acteurs mondiaux. L’adoption de l’amendement de Kigali a constitué un premier pas dans la bonne direction, mais des mesures plus précoces et plus ambitieuses concernant la réduction progressive des hydrofluorocarbones s’imposent. L’Union pourrait mettre plus efficacement à profit l’«effet Bruxelles», c’est-à-dire l’influence qu’elle exerce au niveau mondial.

2.38.

Par conséquent, le CESE estime qu’il est urgent d’engager des discussions dans le cadre du protocole de Montréal afin d’avancer plus vite sur la trajectoire tracée par l’amendement de Kigali, les propositions ambitieuses de révision du règlement sur les gaz fluorés au niveau de l’Union pouvant servir d’exemple pour respecter le scénario, prévu par l’accord de Paris, d’un réchauffement n’excédant pas 1,5 oC.

Transparence et inclusion

2.39.

Bien que les débats sur les gaz fluorés revêtent une importance cruciale pour plusieurs chaînes de valeur essentielles, la discussion sur les politiques se cantonne aux cercles d’experts. Des efforts devraient être consentis pour étendre ce débat à toutes les parties prenantes, avec une large représentation de la société civile. Le nouveau règlement sur les gaz fluorés devrait prévoir l’organisation, au moins deux fois par an, d’un forum de consultation au niveau de l’Union et dans chacun des États membres.

Bruxelles, le 15 juin 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Règlement (UE) no 517/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif aux gaz à effet de serre fluorés et abrogeant le règlement (CE) no 842/2006 (JO L 150 du 20.5.2014, p. 195).

(2)  https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=COM:2022:150:FIN

(3)  https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=COM:2022:108:FIN

(4)  https://acp.copernicus.org/articles/13/6083/2013/acp-13-6083-2013.pdf

(5)  «ppt» signifie ici «parties par billion» («parts-per-trillion» en anglais). Données provenant de l’Advanced Global Atmospheric Gases Experiment (expérience avancée sur les gaz de l’atmosphère mondiale).

(6)  Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone et abrogeant le règlement (CE) no 1005/2009 [COM(2022) 151 final – 2022/0100 (COD)] (voir page 50 du présent Journal officiel).

(7)  Règlement (CE) no 1005/2009 relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone (JO L 286 du 31.10.2009, p. 1).

(8)  Le document est disponible (en anglais) à l’adresse suivante: https://ec.europa.eu/clima/system/files/2022-04/f-gas_evaluation_report_en.pdf

(9)  https://www.coolingpost.com/world-news/f-gas-quota-cuts-will-hit-heat-pump-ambitions/

(10)  Voir https://www.umweltbundesamt.de/publikationen/persistent-degradation-products-of-halogenated

(11)  COM(2021) 400 final, Cap sur une planète en bonne santé pour tous — Plan d’action de l’UE: «Vers une pollution zéro dans l’air, l’eau et les sols».

(12)  Voir le rapport de l’Agence d’investigation environnementale (EIA) (2022) intitulé «Le crime le plus glaçant d’Europe: Le commerce illicite de gaz réfrigérants HFC», disponible à l’adresse suivante: https://eia-international.org/wp-content/uploads/EIA_UK_Climate_Crime_Report_0721_FRENCH_FINAL.pdf. Une estimation de l’ampleur que représente l’industrie des gaz fluorés est disponible à l’adresse suivante: https://www.fluorocarbons.org/wp-content/uploads/2020/09/EFCTC_Press-Release_EN-2.pdf

(13)  https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52021PC0851&from=FR

(14)  Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la protection de l’environnement par le droit pénal et remplaçant la directive 2008/99/CE [COM(2021) 851 final — 2021/0422 (COD)] (JO C 290 du 29.7.2022, p. 143).


23.9.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 365/50


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone et abrogeant le règlement (CE) no 1005/2009

[COM(2022) 151 final — 2022/0100 (COD)]

(2022/C 365/09)

Rapporteur:

Jacob PLAT

Consultation

Parlement européen, 2.5.2022

Conseil de l’Union européenne: 10.5.2022

Base juridique

Article 192, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section

31.5.2022

Adoption en session plénière

15.6.2022

Session plénière no

570

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

123/0/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement la proposition de révision du règlement (CE) no 1005/2009 (1), car, même si celui-ci a permis de réduire significativement les substances appauvrissant la couche d’ozone (SACO), il est possible de les réduire encore davantage. Les quelques SACO qui restent autorisées sont utilisées pour produire d’autres substances chimiques, comme des agents de protection contre les incendies destinés à des applications spéciales, par exemple à bord des aéronefs, ou à des fins d’analyse en laboratoire. Néanmoins, l’usage désormais obsolète des SACO comme agents d’expansion dans les mousses isolantes conserve son importance à ce jour, car ces mousses restent présentes en grandes quantités dans les bâtiments. À mesure qu’elles atteindront le terme de leur durée de vie dans les prochaines décennies, elles seront retirées, ce qui pourrait générer des émissions. L’ajustement du dispositif en vigueur afin de l’aligner davantage sur le pacte vert pour l’Europe (2) et les améliorations apportées à sa structure sont des initiatives louables.

1.2.

Le CESE apprécie la cohérence du règlement à l’examen vis-à-vis du règlement (UE) no 517/2014 sur les gaz fluorés (3). Il est important que les principales règles contenues dans ces règlements soient mutuellement compatibles (par exemple en ce qui concerne les contrôles douaniers, les règles en matière de fuites et les définitions).

1.3.

Le CESE constate, à la lecture des divers rapports disponibles et de l’évaluation qui a été réalisée, que le règlement (CE) no 1005/2009 actuellement en vigueur remplit les objectifs qui lui avaient été assignés. Pour autant, le Comité n’en juge pas moins nécessaire de relever le niveau des ambitions en vue d’atteindre les objectifs du pacte vert tout en assurant, dans le même temps, une protection maximale des citoyens contre les substances toxiques et cancérigènes. Par conséquent, le CESE souscrit aux mesures contenues dans la proposition à l’examen visant à poursuivre la réduction des émissions de SACO.

1.4.

Un suivi et un enregistrement de qualité sont des éléments essentiels pour obtenir des résultats satisfaisants. Le CESE est favorable à un système de suivi aussi transparent que possible, qui puisse être étendu en tant que de besoin, par exemple pour y inclure de nouvelles SACO non couvertes par le règlement actuel. L’objectif devrait être celui d’un système universel, applicable dans tous les États membres. Cependant, compte tenu du rôle pionnier que l’Union européenne assume actuellement, ce système devrait également être simple à mettre en œuvre aux fins du suivi et de l’enregistrement dans des pays tiers.

1.5.

Le CESE demande aussi que le nombre d’exceptions aux interdictions soit limité au minimum, et que des dérogations à la liste des substances prohibées ne soient possibles que dans des cas exceptionnels et indispensables. Les usages dérogatoires devraient faire l’objet de contrôles stricts afin d’éviter les abus et une dégradation consécutive de la situation.

1.6.

Le CESE attire l’attention sur le danger que pose, sans qu’une réponse y ait été apportée, l’accumulation de grandes quantités de SACO dans de vieux équipements et des mousses isolantes, tandis que dans le même temps, aucune convention internationale ne vient réguler la gestion ou la destruction des ressources en SACO. Il demande que des mesures soient prises d’urgence afin de mettre en place, dans les États membres, une législation efficace pour prévenir les fuites de SACO et empêcher de cette manière que soient mis en péril l’environnement atmosphérique et les conditions de vie de la population.

1.7.

Idéalement, la gestion des SACO devrait être intégrée dans un système de gestion des déchets (pour le contrôle, la collecte, la récupération et le traitement), moyennant la mise en place au préalable de politiques générales, d’une législation et de règles relatives aux flux de déchets spécifiques. La gestion des SACO contenues dans les mousses et d’autres réserves de ces substances pose d’immenses difficultés, surtout pour les pays en développement. L’Union européenne doit faire la démonstration de solutions concrètes et d’un cadre juridique adéquat.

1.8.

Vu le haut niveau auxquels se maintiennent la production et l’usage de SACO comme intermédiaires de synthèse et les émissions qui y sont associées, qui sont peut-être sous-estimées, le CESE trouve inquiétant que l’on ait fait complètement l’impasse sur des limites quantitatives pour les SACO utilisées comme intermédiaires de synthèse. Réduire les dérogations pour les intermédiaires de synthèse dans le cadre du nouveau règlement présente de multiples avantages. L’accent devrait y être mis sur des solutions de substitution respectueuses de l’environnement.

1.9.

Les mesures visant à prévenir les émissions d’hydrofluorocarbones comme sous-produits qui sont associées à la production de SACO devraient être renforcées, moyennant des exigences supplémentaires en matière de déclaration.

1.10.

Des mesures devaient être mises en place pour réduire les émissions de nouvelles SACO, y compris des dispositions visant à réduire les fuites et des exigences en matière de récupération, de recyclage et de régénération.

2.   Contexte

2.1.

Le protocole de Montréal (4) relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone est l’accord multilatéral sur l’environnement de référence s’agissant de réguler la production et la consommation d’une centaine de produits chimiques de synthèse qualifiés de SACO. Lorsqu’ils sont rejetés dans l’atmosphère, ces produits chimiques endommagent la couche d’ozone stratosphérique, ce bouclier protecteur de notre planète qui abrite les êtres humains et l’environnement contre le rayonnement ultraviolet nocif du soleil. Adopté le 15 septembre 1987, ce protocole est à ce jour le seul traité des Nations unies à avoir été ratifié par tous les pays du monde, soit l’ensemble des 198 États membres de l’organisation.

2.2.

Le règlement (CE) no 1005/2009 relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone (ci-après le «règlement SACO») est le principal instrument visant les SACO dans l’Union. Son objectif général est de prévenir les émissions de SACO et d’assurer le respect du protocole. Le règlement SACO a été soumis à une évaluation «REFIT», qui a conclu que, si le règlement était généralement adapté à sa finalité, il pourrait être mieux aligné sur le pacte vert pour l’Europe et sa conception pourrait être légèrement améliorée. Dans ce contexte, la proposition vise à remplacer le règlement SACO, tout en maintenant un niveau de contrôle strict, notamment pour:

1)

aligner les mesures sur le pacte vert pour l’Europe en imposant des réductions d’émissions supplémentaires réalisables à des coûts proportionnés;

2)

assurer une surveillance plus complète des SACO, y compris des substances qui ne sont pas (encore) réglementées;

3)

simplifier et améliorer l’efficacité des règles existantes afin de réduire les coûts administratifs;

4)

améliorer la clarté et la cohérence avec d’autres règles.

2.3.

Les SACO présentent un potentiel de réchauffement planétaire (PRP) (5) plusieurs fois supérieur à celui du dioxyde de carbone, et il est par conséquent nécessaire d’en réduire les émissions pour lutter contre le changement climatique et protéger la santé et le bien-être des citoyens européens.

2.4.

Le protocole de Montréal prévoit l’abandon progressif de la production et de l’utilisation de SACO à des fins génératrices d’émissions. Les règles européennes applicables à ces substances ont toujours été plus ambitieuses que le protocole de Montréal et ont complètement banni les usages émetteurs des SACO.

2.5.

Sachant que l’essentiel de la production, de l’usage et du commerce des SACO est déjà interdit, l’objectif principal est donc de prévenir les émissions de SACO générées par leurs applications autrefois légales dans des produits et équipements ainsi que par d’autres procédés, par exemple les intermédiaires de synthèse, qui sont exemptés de l’élimination progressive prévue par le protocole de Montréal.

2.6.

La proposition relative au règlement SACO est étroitement liée à celle portant sur les gaz fluorés [NAT/847 (6)]. Il s’agit dans les deux cas de gaz à effet de serre, qui contribuent au réchauffement de la planète. Ces deux règlements doivent assurer conjointement le respect par l’Union de ses obligations en matière de SACO et d’hydrochlorofluorocarbones au titre du protocole.

2.7.

La proposition à l’examen vise à prévenir l’émission de 180 millions de tonnes équivalents CO2 et 32 000 tonnes à potentiel d’appauvrissement de la couche d’ozone d’ici 2050, grâce à des mesures visant à récupérer et détruire les SACO contenues dans deux types de mousse isolante.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE soutient vigoureusement la proposition de la Commission de changer le règlement SACO dans le but de réduire encore davantage les émissions et d’encourager le recours à des solutions de substitution respectueuses du climat.

3.2.

Le CESE reconnaît que certaines des mesures contenues dans le règlement actuel qui visent à prévenir des activités illicites pourraient être rendues plus efficaces et, partant, il se félicite que le système d’octroi de licences pour les SACO soit relié au guichet unique de l’Union pour les douanes (7). Le CESE recommande que de telles mesures s’appliquent également aux régimes douaniers spéciaux, notamment pour le transit et le stockage temporaire des SACO.

3.3.

Le CESE reconnaît toute l’importance que revêt un suivi approprié pour pouvoir prendre des mesures préventives et progresser. Les pratiques commerciales illicites peuvent être détectées et ainsi jugulées grâce à des modalités efficaces de suivi et de déclaration. Compte tenu des incidences sévères du commerce illicite de SACO sur l’environnement, le CESE se réjouit que soient introduites des normes minimales prévoyant des sanctions maximales en rapport avec la production, l’importation et la commercialisation illicites de SACO, mais il réclame en plus que des sanctions minimales soient également mises en place. Le nouveau règlement cadre bien avec la proposition avancée par la Commission en vue de réviser la directive relative à la protection de l’environnement par le droit pénal et remplaçant la directive 2008/99/CE (8).

3.4.

Le CESE est très favorable à des mesures qui garantissent la récupération des SACO dans les mousses en vue de leur destruction, reconnaissant le potentiel significatif de cette démarche en matière d’atténuation du changement climatique ainsi que les possibilités qu’elle offre pour la création d’emploi et la R & D dans l’industrie du recyclage.

3.5.

Le CESE se réjouit qu’un soin attentif ait été porté à la cohérence avec les dispositions déjà existantes dans le domaine d’action à l’étude. Cette cohérence est nécessaire pour concrétiser, en définitive, les ambitions énoncées à la fois dans le train de mesures «Ajustement à l’objectif 55» (2030) et dans le pacte vert (2050).

3.6.

Sachant que l’Union fait figure de bonne élève en matière de réduction des SACO, le CESE fait valoir qu’elle devrait aussi montrer l’exemple pour faire en sorte que d’autres économies appliquent les mêmes règles, par exemple en limitant les usages des SACO en tant qu’intermédiaires de synthèse et agents de fabrication quand il existe des solutions de substitution. En 2020, la production de SACO réglementées s’élevait à 164 704 tonnes métriques, essentiellement destinées à être utilisées comme intermédiaires de synthèse dans l’Union. Des scientifiques ont indiqué craindre que les émissions déclarées se rapportant aux procédés utilisant des intermédiaires de synthèse ne soient sous-estimées et qu’elles pourraient être à l’origine de l’augmentation au niveau mondial des concentrations atmosphériques de tétrachlorométhane (CTC) et de CFC-113 (9).

3.7.

Le CESE part du principe que le dispositif révisé ne débouchera pas sur une charge administrative ou financière excessive. La proposition devrait apporter aux entreprises un certain nombre d’avantages en matière de simplification. Il est appréciable aussi qu’il ne puisse être dérogé aux dispositions révisées que dans des cas tout à fait exceptionnels.

3.8.

Le CESE est d’avis que l’inclusion de nouvelles SACO qui ne sont pas encore couvertes par le protocole représenterait une amélioration souhaitable. En 2020, la production de nouvelles substances était, en termes de tonnes métriques, environ six fois supérieure à celle de substances réglementées. Il est donc important d’être attentif aux évolutions dans ce domaine, notamment aux quantités utilisées et produites, de même qu’il importe de réduire au minimum les émissions des nouveaux gaz afin d’en limiter autant que possible l’effet sur la couche d’ozone et le changement climatique.

3.9.

Le CESE se félicite que l’analyse d’impact ait été mise à jour, notamment en ce qui concerne la principale mesure de réduction des émissions, qui consiste à récupérer et détruire les mousses isolantes. La configuration qui a été retenue dans la proposition pour l’évaluation est nécessaire pour pouvoir en apprécier les résultats dans l’intervalle. Les experts jouent un rôle important à cet égard, en ce qui concerne les mousses isolantes et les évolutions observées. La charge administrative doit elle aussi être prise en compte.

3.10.

Le CESE salue les mesures visant à clarifier le rôle des autorités douanières et des autorités de surveillance du marché afin de contrôler le commerce de SACO. Cette démarche est nécessaire car le commerce illicite perdure (10).

3.11.

Une utilisation excessive, par le passé, des SACO comme réfrigérants et agents d’expansion pour les mousses a entraîné leur accumulation en grandes quantités, par exemple dans de vieux réfrigérateurs, des mousses isolantes ou des bonbonnes. Les déchets électroniques contenant des SACO peuvent aussi libérer d’autres substances toxiques et cancérigènes, comme du plomb, du cadmium, des polychlorobiphényles (PCB), des retardateurs de flamme et bien d’autres encore. Puisque ni le protocole de Montréal ni aucune autre convention internationale sur l’environnement ne réglemente la gestion et la destruction des réserves existantes de SACO, c’est à chaque pays qu’appartient la responsabilité d’établir un système efficace de gestion de ces réserves afin de maîtriser cette source importante d’émissions. Pour ces raisons, le CESE juge important de garantir l’objectif consistant à protéger le milieu atmosphérique en empêchant les fuites et le rejet des substances concernées grâce à une gestion efficace des réserves de SACO.

4.   Observations particulières

4.1.

La production, l’utilisation et le commerce de SACO à des fins génératrices d’émissions sont déjà frappés d’interdiction. Par conséquent, le CESE soutient l’objectif de la nouvelle proposition consistant à prévenir, en particulier, les émissions de SACO par les produits et équipements dans lesquels il était auparavant permis d’utiliser ces substances. Une part importante de cette démarche réside dans l’obligation de récupérer ou de détruire les SACO dans certains types de mousse isolante lors des rénovations ou démolitions de bâtiments. Le CESE note toutefois qu’il serait possible d’agir plus vigoureusement pour appuyer l’adoption par l’Union de solutions de substitution plus respectueuses de l’environnement en remplacement des SACO utilisées comme intermédiaires de synthèse et agents de fabrication.

4.2.

La révision du règlement contribuera à atteindre l’objectif, fixé dans l’accord de Paris (11), de ne pas dépasser, idéalement, une hausse des températures de 1,5 oC.

4.3.

Le CESE accueille favorablement l’exigence d’un niveau minimum de formation pour le personnel travaillant avec des SACO. Il espère cependant que ces exigences minimales seront les mêmes pour tous les États membres.

4.4.

Le CESE note que des quantités significatives de SACO continuent d’être utilisées comme intermédiaires de synthèse dans la production de produits chimiques, alors même qu’il existe des solutions de substitution pour certains procédés utilisant des intermédiaires de synthèse. L’utilisation persistante de HCFC-22 est particulièrement préoccupante, en raison des émissions importantes générées par le sous-produit qui lui est associé, le HFC-23, lequel affiche un potentiel de réchauffement planétaire (PRP) de 14 600 (12). Le CESE fait observer qu’une limitation des exemptions pour les intermédiaires de synthèse au titre du protocole de Montréal aurait des avantages multiples (13), et que l’Union devrait montrer l’exemple en interdisant l’usage persistant des SACO comme intermédiaires de synthèse et agents de fabrication lorsqu’il existe des solutions de substitution sans danger pour l’environnement. Cette démarche pourrait s’appliquer à 38 % de l’ensemble des SACO utilisées comme intermédiaires de synthèse dans l’Union.

4.5.

Compte tenu des craintes suscitées par les SACO comme intermédiaires de synthèse et les émissions qui leur sont associées, le CESE recommande d’étendre aux intermédiaires de synthèse le pouvoir donné à la Commission d’adopter des actes d’exécution pour établir des quantités et niveaux d’émissions à ne pas dépasser ainsi qu’une liste des entreprises habilitées à utiliser des agents de fabrication (comme le prévoit l’article 7, paragraphe 3), en insérant une disposition équivalente à l’article 6.

4.6.

Vu le potentiel d’émission de HFC-23 associé à l’utilisation de HCFC-22, le CESE accueille favorablement la déclaration de conformité, en tant que première étape pour lutter contre ce problème, et réclame des mesures supplémentaires, portant notamment sur les déclarations, les vérifications, l’identification obligatoire du site de la production d’origine, la preuve d’une réduction des sous-produits sous forme de HFC-23 et enfin la traçabilité.

4.7.

Prenant acte des craintes suscitées par les incidences des émissions de nouvelles substances figurant à l’annexe II [par exemple l’augmentation rapide de la concentration atmosphérique de dichlorométhane, qui pourrait considérablement retarder, de plus de dix ans, la résorption du trou dans la couche d’ozone (14)], le CESE recommande que des mesures prévoyant des exigences en matière de récupération, de recyclage et de régénération (article 20) ainsi que de fuites (article 21) s’appliquent également aux gaz répertoriés à l’annexe II. Il convient par ailleurs que les entreprises soient valablement enregistrées dans le système d’octroi des licences avant l’importation ou l’exportation de gaz visés à l’annexe II.

Bruxelles, le 15 juin 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  JO L 286 du 31.10.2009, p. 1.

(2)  https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52019DC0640&from=FR

(3)  JO L 150 du 20.5.2014, p. 195.

(4)  https://treaties.un.org/doc/publication/unts/volume%201522/volume-1522-i-26369-french.pdf

(5)  Le potentiel de réchauffement planétaire (PRP) est une mesure mise au point pour permettre de comparer l’effet de différents gaz sur le réchauffement de la planète. Plus spécifiquement, il mesure la quantité d’énergie que l’émission d’une tonne d’un gaz donné absorbera en un laps de temps donné par rapport à l’émission d’une tonne de dioxyde de carbone (CO2).

(6)  Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux gaz à effet de serre fluorés, modifiant la directive (UE) 2019/1937 et abrogeant le règlement (UE) no 517/2014 [COM(2022) 150 final — 2022/0099 (COD)] (voir page 44 du présent Journal officiel).

(7)  Pour de plus amples informations sur le guichet unique de l’Union pour les douanes, voir: https://ec.europa.eu/taxation_customs/eu-single-window-environment-customs_fr

(8)  Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la protection de l’environnement par le droit pénal et remplaçant la directive 2008/99/CE [COM(2021) 851 final — 2021/0422 (COD)] (JO C 290 du 29.7.2022, p. 143).

(9)  Solomon et al., 2020, «Unfinished business after five decades of ozone-layer science and policy», Nature Communications 11:4272.

(10)  https://www.europol.europa.eu/media-press/newsroom/news/how-company-earned-to-%E2%82%AC1-million-illegally-trading-ten-tons-of-ozone-depleting-substances

(11)  https://unfccc.int/sites/default/files/french_paris_agreement.pdf

(12)  Le composé HFC-23 (trifluorométhane ou CHF3), qui est un gaz à puissant effet de serre dont le potentiel de réchauffement planétaire (PRP) sur 100 ans s’élève a 14 600, est généré sous forme de sous-produit de la production de HCFC-22 (chlorodifluorométhane ou CHClF2).

(13)  Andersen et al., 2021, «Narrowing feedstock exemptions under the Montreal Protocol has multiple environmental benefits», PNAS 2021, vol. 118, no 49. https://doi.org/10.1073/pnas.2022668118

(14)  Hossaini, R., Chipperfield, M., Montzka, S. et al., «The increasing threat to stratospheric ozone from dichloromethane», Nat Commun 8, 15962 (2017). https://doi.org/10.1038/ncomms15962


23.9.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 365/55


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2017/2107 établissant des mesures de gestion, de conservation et de contrôle applicables dans la zone de la convention de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (CICTA) et le règlement (UE) …/2022 établissant un plan pluriannuel de gestion du thon rouge dans l’Atlantique Est et la mer Méditerranée

[COM(2022) 171 final — 2022/0111 (COD)]

(2022/C 365/10)

Rapporteur unique:

Javier GARAT PEREZ

Consultations

Parlement européen, 2.5.2022

Conseil, 23.5.2022

Base juridique

Article 43, paragraphe 2, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Agriculture, développement rural et environnement

Adoption en section

31.5.2022

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

63/0/0

Adoption en session plénière

15.6.2022

Session plénière no

570

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

211/1/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE juge opportun et nécessaire de transposer dans le droit de l’Union les recommandations adoptées par la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (CICTA), étant donné que l’UE est partie contractante à la convention internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique et qu’elle vise à se conformer aux mesures de conservation et d’exécution adoptées lors des réunions annuelles de celle-ci en 2006, 2016, 2017, 2018, 2019 et 2021.

1.2.

Le CESE estime qu’il est indispensable que toutes les parties contractantes respectent les recommandations adoptées par la CICTA afin de garantir des conditions justes et équitables à tous les opérateurs.

2.   Synthèse de la proposition de la Commission

2.1.

L’objectif principal de la proposition est de transposer dans le droit de l’Union les nouvelles mesures de conservation et d’exécution adoptées par la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (ci-après la «CICTA») lors de ses réunions annuelles de 2006, 2016, 2017, 2018, 2019 et 2021, en tant que l’Union européenne est partie contractante à la convention internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (ci-après la «convention CICTA») depuis le 14 novembre 1997.

2.2.

La convention CICTA met en place un cadre régional en matière de conservation et de gestion des thonidés et espèces voisines de l’océan Atlantique et des mers adjacentes et permet l’adoption de recommandations contraignantes pour les parties contractantes.

2.3.

La proposition modifie le règlement (UE) 2017/2107 du Parlement européen et du Conseil (1), qui intégrait déjà des mesures de gestion, de conservation et de contrôle de la CICTA, pour ce qui est des mesures relatives aux espèces suivantes: les thonidés tropicaux, le germon du Nord et du Sud, le voilier, le makaire bleu et le makaire blanc.

2.4.

Elle révise également les mesures concernant la déclaration des données sur les istiophoridés, les requins-taupes bleus, ainsi que la santé et la sécurité des observateurs dans le cadre des programmes régionaux de la CICTA, les responsabilités des observateurs scientifiques et la mise à jour de la liste des espèces relevant de la CICTA.

2.5.

Par ailleurs, la proposition modifie également le règlement (UE) …/2022 établissant un plan pluriannuel de gestion du thon rouge dans l’Atlantique Est et la mer Méditerranée, en ce qui concerne la déclaration de report annuelle des États membres de l’établissement et certaines dispositions relatives à la mise en cages.

2.6.

Afin de rapidement transposer dans le droit de l’Union les futures modifications apportées aux recommandations de la CICTA, il est prévu de déléguer à la Commission le pouvoir d’adopter des actes en ce qui concerne les aspects suivants: limitations de la capacité applicables aux thonidés tropicaux et communication du plan annuel de capacité de pêche de ceux-ci; report annuel de quotas en ce qui concerne le thon obèse, le germon de l’Atlantique Nord et Sud et l’espadon de l’Atlantique Nord et Sud; plans de gestion des dispositifs de concentration des poissons (DCP); nombre de balises instrumentales; exigences en matière de DCP et périodes d’interdiction des DCP; restrictions relatives au nombre de navires pêchant le germon de l’Atlantique Nord; conditions d’autorisation de capture et de conservation du requin-taupe bleu; survie des tortues marines; pourcentage minimal de couverture par des observateurs et mesure du pourcentage de couverture; et modification de la liste des espèces couvertes par la CICTA.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE juge opportun et nécessaire de transposer dans le droit de l’Union les recommandations adoptées par la CICTA lors de ses réunions annuelles de 2006, 2016, 2017, 2018, 2019 et 2021, étant donné que l’UE est partie contractante à la convention CICTA et qu’ainsi, elle respecte son champ de compétences et obéit au caractère contraignant de ces recommandations.

3.2.

Le CESE estime qu’il est indispensable que toutes les parties contractantes respectent les recommandations adoptées par la CICTA afin de garantir des conditions justes et équitables à tous les opérateurs.

Bruxelles, le 15 juin 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Règlement (UE) 2017/2107 du Parlement européen et du Conseil du 15 novembre 2017 établissant des mesures de gestion, de conservation et de contrôle applicables dans la zone de la convention de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (CICTA) et modifiant les règlements du Conseil (CE) no 1936/2001, (CE) no 1984/2003 et (CE) no 520/2007 (JO L 315 du 30.11.2017, p. 1).


23.9.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 365/57


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 1305/2013 en ce qui concerne une mesure spécifique destinée à fournir un soutien temporaire exceptionnel au titre du fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) en réaction aux conséquences de l’invasion de l’Ukraine par la Russie

[COM(2022) 242 final — 2022/0166 (COD)]

(2022/C 365/11)

Rapporteur général:

Arnold PUECH D’ALISSAC

Consultation

Conseil, 25.5.2022

Parlement européen, 6.6.2022

Base juridiques

Article 42, article 43, paragraphe 3, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en session plénière

16.6.2022

Session plénière no

570

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

188/0/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie a un impact négatif majeur sur le secteur agricole et agroalimentaire de l’Union européenne. Pour cette raison, le CESE accueille favorablement la nouvelle mesure d’aide supplémentaire proposée par la Commission européenne. Le Comité estime qu’elle est tout à fait nécessaire, et demande aux institutions européennes de l’adopter de toute urgence.

1.2.

La guerre en Ukraine démontre le caractère géostratégique du secteur agroalimentaire et la nécessité d’assurer la sécurité alimentaire de l’Union européenne. C’est pourquoi les mesures de soutien aux trésoreries des exploitations agricoles et aux PME agroalimentaires sont indispensables pour assurer leur survie économique durant cette nouvelle période de crise qui s’est ajoutée à la pandémie de COVID-19.

1.3.

Toutefois, le budget du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) répond déjà à des besoins de financement existants et à des engagements à moyen et long terme. Il ne devrait pas être destiné au financement de mesures d’urgence. De plus, étant donné que certains pays de l’Union ont déjà épuisé leurs fonds au titre du Feader ou les ont engagés, le CESE estime que la Commission devrait définir une autre source de financement, en dehors du budget de la PAC, pour permettre la mise en œuvre de cette mesure sans limiter les fonds du Feader dans les prochaines années.

1.4.

Par ailleurs, compte tenu des circonstances exceptionnelles de la situation et de la nécessité d’une réponse rapide, le Comité estime que la Commission devrait raccourcir le délai de versement de l’aide et simplifier les critères d’éligibilité des bénéficiaires.

2.   Synthèse de la proposition de la Commission

2.1.

La Commission propose de modifier le règlement no 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil (1), relatif au Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), en intégrant un nouvel article 39c intitulé: «Soutien temporaire exceptionnel aux agriculteurs et aux PME particulièrement touchés par l’impact de l’invasion de l’Ukraine par la Russie».

2.2.

La mesure envisagée permettrait aux États membres de verser, avant le 15 octobre 2023, une somme forfaitaire unique aux agriculteurs et aux entreprises agroalimentaires qui rencontrent des difficultés de liquidité et de trésorerie en raison de l’invasion de l’Ukraine par la Russie et de l’augmentation consécutive du coût des intrants (énergie, engrais et aliments pour animaux).

2.3.

La proposition de la Commission prévoit de réserver ce soutien financier exceptionnel aux agriculteurs et aux PME qui participent à au moins une des activités suivantes:

économie circulaire;

gestion des nutriments;

utilisation rationnelle des ressources;

méthodes de production respectant l’environnement et le climat.

2.4.

Le montant maximal de l’aide envisagée est de 15 000 EUR par agriculteur et de 100 000 EUR par PME.

2.5.

Les États membres auraient la possibilité d’utiliser les fonds disponibles à hauteur de 5 % de leur budget Feader pour les années 2021-2022, ce qui représenterait un budget potentiel de 1,4 milliard d’euros dans l’Union.

3.   Observations générales

3.1.

La guerre en Ukraine a très largement aggravé la situation des marchés des matières premières agricoles, qui était déjà en difficulté avant l’invasion russe. Les prix des principaux intrants de l’agriculture ont ainsi doublé, voire triplé, par rapport à leur niveau d’il y a un ou deux ans. Une situation qui vient s’ajouter aux effets de la pandémie de COVID-19.

3.2.

Dans sa communication du 23 mars 2022, la Commission a déjà présenté des initiatives exceptionnelles visant à préserver la sécurité alimentaire et à renforcer la résilience des systèmes alimentaires. Cependant, la situation actuelle est sans précédent et impose de prendre des mesures supplémentaires.

3.3.

Le CESE se félicite donc de la proposition de la Commission qui pourrait, en partie, soulager la trésorerie des agriculteurs et des PME en difficulté financière depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

3.4.

La proposition de la Commission constitue une réponse complémentaire bienvenue pour renforcer la sécurité alimentaire de l’Union et palier l’augmentation sans précédent des coûts des intrants.

3.5.

Le Comité économique et social européen soutient la mesure proposée, et estime qu’il est très important que les institutions européennes l’adoptent le plus rapidement possible.

3.6.

Toutefois, le CESE s’interroge et souhaite alerter la Commission concernant la source de financement de la mesure, le calendrier des paiements, ainsi que les critères d’éligibilités et le risque d’une charge administrative excessive pour les bénéficiaires.

Source du financement

3.7.

Le CESE souhaite rappeler que le Feader (2), second pilier de la politique agricole commune, est le principal instrument financier en faveur du développement rural. À ce titre, il contribue grandement à la transition écologique des territoires et du secteur agricole en renforçant la résilience face au changement climatique, en accompagnant l’innovation et en soutenant la compétitivité des exploitations.

3.8.

Ainsi, la vocation du Feader est de répondre dans la durée aux défis auxquels sont confrontées les zones rurales. Il doit notamment permettre d’atteindre, d’ici 2040, les objectifs de développement fixés par la Commission le 30 juin 2021, dans le cadre sa vision à long terme pour les zones rurales (3).

3.9.

Le Feader, mais aussi la PAC dans son ensemble, ne devraient pas être considérés comme une source de financement additionnel pour faire face à des situations d’urgence. Le budget du Feader répond déjà à des besoins de financement existants et à des engagements qu’il convient de respecter.

3.10.

En l’absence d’un chiffrage des crédits budgétaires et des fonds disponibles, le montant total des aides qui pourront concrètement être versées aux bénéficiaires est également très hypothétique.

3.11.

Le CESE invite donc la Commission a un chiffrage précis des fonds qui seront réellement disponibles, ainsi qu’à envisager d’autres sources de financements qui n’impacteront pas l’ambition et la réalisation des objectifs du Feader.

Calendrier des paiements

3.12.

La proposition de la Commission envisage un paiement en faveur des bénéficiaires de la mesure avant le 15 octobre 2023. Le CESE s’interroge quant à la tardivité de ces versements au regard des inquiétudes actuelles concernant les revenus des agriculteurs et des producteurs de la chaîne agroalimentaire.

3.13.

Ces entreprises rencontrent d’ores et déjà de nombreuses difficultés de trésorerie. De nombreux agriculteurs ont rapidement besoin d’un soutien financier pour maintenir leurs activités. Un paiement de l’aide exceptionnelle fin 2023 ne répondrait pas à l’urgence de la situation.

3.14.

En conséquence, le calendrier de versement des aides devrait être raccourci au maximum pour donner aux agriculteurs et aux PME les moyens de faire face à la hausse actuelle des coûts de production.

Critères d’éligibilités des bénéficiaires

3.15.

Le CESE se félicite que le soutien financier envisagé par Commission soit destiné en priorité aux agriculteurs et aux PME les plus touchés, sur la base de critères de sélection qui devront être objectifs et non discriminatoires.

3.16.

La proposition de la Commission prévoit également de réserver le versement des aides aux seuls bénéficiaires dont l’une ou plusieurs de leurs activités participent à l’économie circulaire, ou à la gestion des nutriments, à l’utilisation rationnelle des ressources, ou encore à une méthode de production respectant l’environnement.

3.17.

Ces critères supplémentaires détourneraient l’objectif principal de la mesure, d’abord destiné à aider les entreprises et les agriculteurs affectés par la guerre en Ukraine. De plus, les membres du Comité économique et social européen considèrent que ces critères rendront les demandes d’aides qui devront être soumises par les bénéficiaires encore plus complexes.

3.18.

Il conviendrait au contraire de simplifier les critères d’éligibilité de l’aide d’urgence afin d’éviter une charge administrative qui détournerait les potentiels bénéficiaires du dépôt d’une demande auprès des autorités compétentes.

3.19.

Le CESE considère que les agriculteurs qui bénéficient déjà d’aides directes de la PAC et qui sont affectés par les conséquences de l’invasion de l’Ukraine par la Russie devraient être automatiquement éligibles à l’aide exceptionnelles financée par le Feader.

3.20.

De cette manière, l’aide exceptionnelle proposée par la Commission s’intégrerait dans la continuité des objectifs de durabilité environnementale, économique et sociale poursuivis par la nouvelle PAC. En même temps, ce système éviterait l’ajout de nouveaux critères qui serait une source de confusion et de complexité. L’urgence de la situation impose de mettre en œuvre une mesure de solidarité pragmatique envers les entreprises et les agriculteurs les plus touchés (renchérissement des coûts de production ou effondrement des marchés). Le soutien accordé à certaines pratiques durables, tel que le soutien à l’économie circulaire, devrait d’abord être encouragé au moyen d’instruments spécifiques pérennes.

Bruxelles, le 16 juin 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Règlement (UE) no 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et abrogeant le règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil (JO L 347 du 20.12.2013, p. 487).

(2)  Avis du Comité économique et social européen sur la PAC à l’horizon 2020 (JO C 191 du 29.6.2012, p. 116).

(3)  Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: «Une vision à long terme pour les zones rurales de l’UE — Vers des zones rurales plus fortes, connectées, résilientes et prospères à l’horizon 2040».


23.9.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 365/60


Avis du Comité économique et social européen sur la communication conjointe au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Réagir à l’instrumentalisation étatique des migrants à la frontière extérieure de l’UE»

[JOIN(2021) 32 final]

(2022/C 365/12)

Rapporteur:

Stefano PALMIERI

Corapporteur:

Pietro Vittorio BARBIERI

Consultation

Commission européenne, 2.5.2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Décision de l’assemblée plénière

18.1.2022

Compétence

Section «Relations extérieures»

Adoption en section

12.5.2022

Adoption en session plénière

15.6.2022

Session plénière no

570

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

142/2/5

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) estime que la réaction de l’Union européenne à l’instrumentalisation des migrants doit s’inscrire dans une politique migratoire commune, partagée et dont les différents éléments soient cohérents. À la lumière de la crise à la frontière biélorusse et de l’agression russe contre l’Ukraine, il est nécessaire de réévaluer l’adéquation du pacte sur la migration et l’asile (PMA) afin de ne pas segmenter la politique migratoire en fonction des situations d’urgence mais, au contraire, de placer tant les politiques et que la protection des personnes concernées dans un cadre stratégique et juridique unique.

1.2.

Le CESE estime que l’instrumentalisation des migrants constitue une menace — potentiellement toujours d’actualité — pour l’ensemble de l’Union européenne, et pas uniquement pour les États membres concernés. Par conséquent, il souligne que les seules solutions efficaces et à la hauteur du défi seront celles qui permettront d’intégrer à la fois le niveau des initiatives (politiques, législatives, administratives, humanitaires), la portée des actions entreprises (européennes, nationales, locales et internationales) et les acteurs concernés (institutionnels, organisations de la société civile, partenaires sociaux, citoyens, etc.) en s’inspirant des normes les plus strictes du droit européen et international.

1.3.

Le CESE juge essentiel que l’UE fournisse aux États membres un soutien rapide, coordonné et efficace, tant sur le plan concret (budget et personnel des agences de l’Union) que sur celui de l’assistance administrative, législative et politique. À cette fin, il conviendra de prévoir une action conjointe sur le terrain et au niveau interinstitutionnel, ainsi que d’assurer la plus grande transparence des initiatives, tout en garantissant en outre la liberté d’action des organismes humanitaires et des médias indépendants présents dans les régions concernées par l’instrumentalisation des migrants.

1.4.

En particulier, le CESE considère qu’il est indispensable de définir un cadre intégré pour l’intervention humanitaire, à même de combiner les ressources et les structures des institutions et agences nationales et de l’UE et d’assurer la participation des agences internationales (HCR, OIM), ainsi que la contribution des ONG et de la société civile, de manière à favoriser une bonne coordination des interventions et à garantir la reconnaissance des actions humanitaires en tant qu’instrument de renforcement des principes de l’Union.

1.5.

À cet égard, le CESE juge essentielle la reconnaissance pleine et entière et en temps utile des droits des migrants instrumentalisés, en évitant les zones grises ou les situations d’incertitude administrative, pour neutraliser et désamorcer sur le terrain la menace portée à la sécurité et à la stabilité de l’UE et des États membres concernés, afin de rendre inefficaces les actions d’instrumentalisation.

1.6.

La réaction de l’Union doit sans aucun doute cibler les sources des flux de migrants instrumentalisés, en associant les pays tiers et en soutenant leurs efforts d’information de la population dans un cadre de coopération fondé sur les principes de démocratie et de protection des droits de l’homme. Il sera ainsi possible de réduire les ressources des acteurs étatiques qui promeuvent l’instrumentalisation des migrants.

1.7.

S’agissant des États qui sont à l’origine de l’instrumentalisation des migrants ou qui y participent, le CESE est favorable à une action multilatérale de l’ensemble de l’Union, des institutions internationales et des pays partenaires, en mesure de condamner ces actions et d’isoler leurs auteurs, notamment par l’instauration de sanctions économiques et diplomatiques appropriées.

1.8.

La guerre en cours en Ukraine, déclenchée par la Fédération de Russie, a engendré au moins 3,9 millions de réfugiés (1), aujourd’hui accueillis principalement dans les pays voisins et dans d’autres pays de l’UE, ainsi que plusieurs millions de déplacés internes. Un flux d’une telle ampleur est sans comparaison, du moins en Europe, avec ceux enregistrés au cours des décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale. L’Union a géré cette question avec diligence, notamment en activant la directive de 2001 sur la protection temporaire (2) et la proposition relative à une «action de cohésion pour les réfugiés en Europe» (CARE). Le CESE estime que des instruments similaires, axés sur la cohésion, la solidarité et le partage des responsabilités entre les États membres, sont également essentiels pour faire face aux crises d’instrumentalisation des migrants.

1.9.

L’UE est actuellement un lieu sûr d’asile et de protection pour des millions de citoyens et de citoyennes ukrainiens, mais la charge de l’accueil et de l’assistance est répartie de manière inégale par rapport aux capacités et aux ressources des États membres concernés. Si l’ouverture des frontières intérieures de l’UE a jusqu’à présent permis le déplacement spontané des réfugiés ukrainiens vers les destinations souhaitées, il reste une disproportion objective entre le poids supporté par les pays voisins et les autres États membres. Bien qu’à une échelle non comparable, l’instrumentalisation des migrants à la frontière biélorusse et dans des cas antérieurs fait ressortir la nécessité d’une révision en profondeur des mécanismes de solidarité et de coopération entre l’UE et ses États membres, qui devrait se traduire notamment par la répartition des migrants bénéficiant d’une assistance, sans aucun doute indispensable en situation de crise.

1.10.

Le CESE entend également s’attarder sur l’esprit de la «proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil visant à faire face aux situations d’instrumentalisation dans le domaine de la migration et de l’asile» (3). Le mécanisme complexe prévu pour définir le cadre juridique et les procédures administratives à appliquer en cas d’instrumentalisation des migrants ne tient pas compte, à notre avis, du niveau de crise interétatique qui pourrait être constaté dans ce contexte et qui ne saurait être dissocié de l’approche à suivre à l’égard des migrants eux-mêmes.

1.11.

Le CESE estime en effet que, même si des instruments ad hoc sont nécessaires pour gérer l’instrumentalisation des migrants, il est essentiel d’envisager une protection rapide et intégrale, y compris au moyen de la directive sur la protection temporaire, en particulier dans les cas où la gestion des entrées aux frontières, le contrôle des mouvements secondaires, ou les reports ou dérogations envisagés pour les procédures d’asile ordinaires sont dysfonctionnels et contre-productifs par rapport à l’objectif de protection des migrants instrumentalisés. En tout état de cause, le niveau de protection des migrants devrait être relevé en fonction du niveau de crise interétatique constaté dans le cadre de l’instrumentalisation des migrants.

2.   La proposition à l’examen

2.1.

La communication souligne que la crise migratoire qui a éclaté aux frontières entre la Biélorussie et l’Union européenne (Lituanie, Lettonie, Pologne) constitue une tentative résolue de créer une crise continue et prolongée, dans le cadre d’un effort concerté plus large visant à déstabiliser l’Union européenne, en mettant à l’épreuve son unité et sa détermination. Il s’agit d’une «menace hybride» qui se traduit par l’instrumentalisation de migrants par un État tiers.

2.2.

Les termes «crise» et «menace» utilisés dans le présent document, loin d’avoir une valeur descriptive du phénomène migratoire spécifique et complexe, sont employés pour souligner l’ampleur des tensions politiques et des facteurs d’instabilité qui résultent du contexte géopolitique dont il est question.

2.3.

En plus d’une menace pour la sécurité de l’UE, ces circonstances ont donné lieu à une situation critique sur le terrain, en premier lieu pour les migrants concernés, avec des conséquences humanitaires dramatiques de chaque côté de la frontière, tant en Biélorussie que dans l’Union. Par ailleurs, de nombreux rapports font état de traitements inhumains et dégradants subis par les migrants du côté biélorusse de la frontière, notamment pour faire pression sur l’UE, ce risque étant aggravé par la prolongation de leur séjour dans la région et l’inaccessibilité de la zone frontalière de l’Union.

2.4.

L’UE, par l’intermédiaire de l’ensemble de ses institutions, a immédiatement condamné avec fermeté l’instrumentalisation des migrants et des réfugiés vulnérables. L’action qui a suivi au niveau international a permis de stimuler l’engagement et la coopération entre l’UE et les États partenaires, en particulier les pays d’origine des migrants.

2.5.

Dans le contexte d’une nouvelle situation de crise, l’UE est intervenue pour soutenir les États membres concernés, en prenant acte des mesures de réaction spécifiques mises en œuvre par les gouvernements et les parlements nationaux, en particulier la déclaration d’état d’urgence dans les régions frontalières. À cet égard, la Commission s’est employée à fournir une assistance adéquate afin de garantir la cohérence de ces législations avec le droit de l’Union.

2.6.

La communication rend compte de l’intervention politique, technique et logistique en soutien aux États membres concernés. Depuis les visites de la commissaire Johansson et les réunions qui ont suivi entre la Commission et les États membres, l’accord politique s’est également traduit par un soutien technique aux frontières de la part des agences de l’UE (Frontex, Europol, EASO, aide d’urgence au titre du Fonds «Asile, migration et intégration»).

2.7.

Sur le plan des interventions internationales, et en particulier à l’égard des États d’origine et de transit des migrants, la Commission a agi au plus haut niveau en améliorant la coopération avec l’Iraq, le Liban, la Turquie, les Émirats arabes unis et l’Ouzbékistan. Une telle démarche est essentielle pour lutter contre l’infrastructure criminelle du trafic de migrants qui alimente l’instrumentalisation menée par la Biélorussie.

2.8.

Dans un contexte de crise interétatique, il existe un risque élevé de «brouillard de guerre», vecteur de désinformation, de fausses informations et de distorsion des faits, lié à l’instrumentalisation politique des migrants. La communication attire l’attention sur la présence de ce risque du côté biélorusse de la frontière, en particulier du fait des médias contrôlés par les gouvernements biélorusse et russe. Elle souligne l’importance et le rôle concret de la presse libre, bien qu’elle n’insiste pas sur ce point en ce qui concerne les zones de crise situées du côté européen de la frontière.

2.9.

La Commission souligne que les instruments financiers actuels peuvent être renforcés en situation de crise grâce au Fonds «Asile, migration et intégration» (FAMI) et à l’instrument relatif à la gestion des frontières et aux visas (IGFV). En ce qui concerne les retours (volontaires assistés et non volontaires), la communication évoque la collaboration entre la Commission, Frontex et l’OIM, tout en soulignant que la coopération avec les pays d’origine des migrants est essentielle.

3.   Observations

Instrumentalisation des migrants et gestion des politiques migratoires

3.1.

Le CESE estime que la réaction à l’instrumentalisation des migrants doit s’inscrire dans le cadre d’une politique migratoire européenne commune, partagée et dont les différents éléments soient cohérents.

3.1.1.

Afin de pouvoir gérer correctement les migrations, l’UE doit être consciente du fait que les processus migratoires n’ont jamais pour seul élément déclencheur les initiatives d’un État (bien que certaines d’entre elles puissent parfois avoir une influence, potentiellement importante, sur le volume des flux), même lorsque cet État instrumentalise les migrants à des fins politiques.

3.1.2.

Dans sa réaction aux crises les plus aiguës (dans lesquelles un État tiers est activement impliqué, ou qui sont la conséquence d’une guerre ou d’une intervention militaire), l’UE doit être guidée par une approche solidaire, avant tout à l’égard des personnes concernées.

3.1.3.

Sans préjudice de la nécessité de venir en aide à tous ceux dont la vie est menacée dans l’immédiat (réfugiés et victimes de guerre), la distinction selon le statut légal — par exemple entre les personnes pouvant prétendre à des formes de protection et les autres migrants — ne peut se faire qu’à l’issue de procédures d’asile transparentes et soumises au droit de l’UE et aux normes internationales, et non sur la base d’une définition a priori du phénomène ou de la crise en cours («menace hybride», «instrumentalisation des migrants», «migration économique», etc.).

Menaces hybrides et instrumentalisation des migrants

3.2.

Le CESE partage l’avis de la Commission en ce qui concerne la nature et le niveau de menace que représente l’instrumentalisation des migrants par la Biélorussie. Le CESE reconnaît le danger que représente pour l’UE la «menace hybride», c’est-à-dire «l’instrumentalisation étatique d’êtres humains à des fins politiques».

3.2.1.

La menace hybride peut également être définie comme étant une menace émanant d’un «acteur étatique ou non étatique». Les menaces hybrides peuvent être le fait de différents acteurs et viser diverses cibles (entités publiques, institutions, organisations sociales, individus). Toutefois, il convient d’établir une distinction entre cette interprétation large, qui apporte certes des éléments de compréhension générale, et le recensement des situations pertinentes pour les politiques en question. Le CESE souligne par conséquent que la présence d’un acteur étatique doit être considérée comme une condition sine qua non pour que soit caractérisée l’instrumentalisation des migrants, y compris aux fins de mesures réglementaires ultérieures, en particulier en ce qui concerne le traitement juridique des migrants et l’aide humanitaire qui leur est apportée dans de telles situations d’urgence.

3.2.2.

Compte tenu de la validité de la définition de la «menace hybride» proposée dans la communication, le CESE espère une réaction multidimensionnelle et intégrée, c’est-à-dire ne se situant pas seulement au niveau des relations internationales (entre les États membres, l’Union et les États partenaires), mais s’inscrivant dans le cadre des politiques et des engagements de l’Union en matière de promotion des droits de l’homme, de protection des migrants et de droit d’asile. Le CESE estime dès lors qu’il convient de renforcer tous les instruments de collaboration entre les États membres, les institutions et les agences de l’UE dans une perspective de gestion conjointe des crises.

Solidarité, coordination et gestion conjointe des crises

3.3.

Le CESE convient que «ces actions représentent un danger réel et actuel pour la sécurité de l’UE» et pas seulement pour les États membres directement concernés. Les faits exposés dans la communication et la grave crise ukrainienne confortent le CESE dans sa conviction qu’il est certainement nécessaire de mettre en place un cadre politique, réglementaire et procédural pour une réaction commune et une gestion conjointe des crises par les États membres et les institutions de l’Union.

3.3.1.

Par conséquent, le CESE estime, dans le prolongement de ses avis sur les propositions de modification des règlements relatifs à la gestion de l’immigration et de l’asile (4), qu’il est essentiel de poursuivre sur la voie d’une approche solidaire et coopérative entre les États membres, étant donné que la situation en question n’est certainement pas la seule à faire peser sur les pays de première entrée une charge accrue en matière de responsabilités et de difficultés, précisément à la lumière de l’importance qu’attache le pacte sur la migration et l’asile au contrôle des frontières et à la prévention des mouvements secondaires.

3.3.2.

Dans le cadre de la réglementation spécifique souhaitable pour lutter contre l’instrumentalisation des migrants par un État, il conviendrait donc de prévoir des mécanismes de partage solidaire des responsabilités entre les États membres, y compris la possibilité d’interventions de relocalisation rapides et proportionnelles à la gravité de la crise.

3.3.3.

Les caractéristiques de la crise à la frontière biélorusse font apparaître des différences mais aussi des similitudes avec d’autres stratégies étatiques d’instrumentalisation des mouvements migratoires en Méditerranée centrale, aux frontières entre la Grèce et la Turquie, l’Espagne et le Maroc, la Bosnie et la Croatie, ou la Serbie et la Hongrie (pour la seule année 2021). Le CESE estime que l’Union devra dépasser les limites de sa réaction qui sont apparues lors des crises précédentes, notamment en évitant de créer des situations de dépendance à l’égard des stratégies politiques de pays tiers qui ne sont pas compatibles avec les politiques et les principes de l’UE.

Défense et protection des migrants dans un contexte d’instrumentalisation

3.4.

Le CESE est d’avis que l’Union, pour définir sa réaction, doit mener des actions conjointes de lutte contre la menace, en étant pleinement consciente que, dans ces situations spécifiques, les migrants concernés sont en soi très vulnérables et ont besoin d’une protection, compte tenu précisément du contexte de crise interétatique.

3.4.1.

Le CESE partage la préoccupation exprimée dans la communication à propos de la situation humanitaire aux frontières entre les États membres et la Biélorussie. La difficulté d’agir du côté biélorusse de la frontière constitue une limite objective de l’intervention humanitaire dans les situations de crise et de conflit interétatique, mais devrait inciter à mettre tout en œuvre pour faire en sorte qu’à l’intérieur des frontières des États membres, l’aide humanitaire destinée aux migrants soit adaptée aux normes du droit de l’Union et aux pratiques établies en matière de soutien aux personnes vulnérables.

3.4.2.

Le CESE souhaite que les organisations humanitaires de la société civile puissent accéder plus facilement de part et d’autre de la frontière entre l’Union et la Biélorussie afin d’apporter une aide humanitaire (aide sanitaire, aide alimentaire, assistance juridique).

3.4.3.

Dans ce cadre, les institutions de l’UE doivent contrer toute velléité d’action ou de représentation visant à pénaliser l’intervention solidaire de la société civile nationale et internationale, comme l’a déjà souligné le CESE dans un précédent avis (5).

3.4.4.

La communication souligne l’existence d’importants mouvements secondaires de migrants (du moins par rapport au nombre de migrants arrivés aux frontières de l’UE au cours de la crise), et évoque la mise en place de patrouilles communes de la police des frontières des États membres concernés par la première entrée et les mouvements secondaires de migrants. Le CESE considère que dans une situation d’instrumentalisation des migrants, il y a lieu d’aborder la question des mouvements secondaires avec la participation des États membres de destination, tout en accordant l’attention nécessaire aux migrants les plus vulnérables, en particulier au cours des phases aiguës de la crise, afin d’éviter de nouveaux risques pour leur sécurité.

3.4.5.

Le CESE souligne également le risque que constitue, pour une protection digne, équitable et étendue des migrants vulnérables, la prolifération des statuts légaux et des procédures d’exception définies par les États membres et l’UE elle-même, même dans le contexte d’une crise nécessitant des réactions spécifiques. À cet égard, il y a lieu de veiller à ce que toute dérogation aux procédures standard d’accueil et d’asile soit conforme aux mesures spécifiques de défense et de protection liées à la gravité de la situation de risque, tout en préservant le principe de non-refoulement.

Lutte contre la désinformation, rôle des médias et protection des personnes vulnérables

3.5.

Le CESE se félicite de l’accent mis par la communication sur la lutte contre la désinformation, les fausses informations et la manipulation des faits, y compris au moyen de campagnes d’information ciblées dans les pays d’origine des flux migratoires et par le recours aux outils électroniques d’information et de communication destinés à fournir aux migrants des informations correctes et vérifiables (par exemple InfoMigrants).

3.5.1.

Dans le même temps, le CESE relève l’importance, conformément aux valeurs de l’UE, de la libre production d’informations et du libre accès aux faits et aux données pertinents pour le public. À cet égard, la mise en œuvre de mesures d’urgence doit toujours être mise en balance avec la garantie, par les États membres et les agences de l’UE, d’une liberté maximale d’action et de communication pour les médias indépendants présents dans les zones où les migrants sont instrumentalisés, et doit être assortie de règles claires et transparentes pour l’accès aux installations d’accueil des migrants et le contact avec ces derniers.

3.5.2.

En ce qui concerne la lutte contre les réseaux logistiques de trafic de migrants présents sur les plateformes informatiques et les médias sociaux, la Commission, avec le soutien des agences de l’Union (ENISA), devrait intervenir pour faire la distinction entre les outils directement utilisés par les passeurs de migrants et les moyens de communication entre migrants, de manière à dégager les responsabilités et à ne pas porter atteinte aux droits au respect de la confidentialité des données, ni à compromettre, même indirectement et involontairement, la sécurité même des migrants victimes d’instrumentalisation.

La coopération internationale pour lutter contre l’instrumentalisation des migrants

3.6.

Le CESE apprécie l’action des institutions de l’Union visant à renforcer la collaboration avec les pays d’origine des migrants instrumentalisés, dans le but de leur présenter les risques qu’ils courent et d’améliorer la coopération internationale en matière de migrations.

3.6.1.

Afin que l’action conjointe de l’UE et des pays tiers concernés soit efficace, cette coopération devrait également être intégrée au mécanisme de coopération internationale pour le développement et aux accords de régulation des migrations.

3.6.2.

Il y a lieu de veiller, lors de la conclusion éventuelle d’accords et de la définition de procédures avec des pays tiers, à la cohérence de ces relations avec le principe du respect des droits de l’homme et des engagements juridiques internationaux de ces pays.

3.6.3.

Cette coopération consoliderait également les efforts des services de police et de renseignement pour lutter contre les organisations criminelles impliquées dans le trafic de migrants et les empêcher d’agir, tout en tenant pleinement compte du droit d’asile et du droit des migrants à la protection, tant dans le cas d’activités liées à l’instrumentalisation des migrants que de manière générale (6).

Soutien aux États membres

3.7.

Le CESE se félicite du soutien apporté aux États membres menacés, notamment par l’intermédiaire des agences de l’UE chargées des affaires intérieures (Frontex, AUEA, mécanisme de protection civile), et estime que celles-ci devraient agir selon une procédure équilibrée et transparente dans tous les cas où une situation d’urgence est reconnue (7).

3.7.1.

Le CESE estime qu’il conviendra de prévoir, à l’avenir, un niveau adéquat d’assistance aux États membres confrontés à ces menaces, parallèlement à un niveau tout aussi élevé de protection et d’assistance aux victimes de l’instrumentalisation, en premier lieu les personnes les plus vulnérables.

3.7.2.

Le CESE affirme avec force que les mesures prises par les États membres en ce qui concerne le retour, tant volontaire que non volontaire, des migrants qui ne bénéficient pas du droit d’asile doivent également être appliquées dans les situations d’urgence, dans le plein respect des droits fondamentaux et des obligations internationales, ainsi qu’avec le concours des agences de l’UE.

Instruments et réglementations pour la gestion future des crises

3.8.

Le CESE souligne que le présent avis tient compte des mesures en cours d’examen et d’élaboration au moment de sa rédaction, et en particulier de la «proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil visant à faire face aux situations d’instrumentalisation dans le domaine de la migration et de l’asile». Cette proposition contient des éléments réglementaires concernant le statut des migrants et les procédures de demande d’asile et de protection internationale dans de telles situations.

3.8.1.

Le CESE espère à cet égard que le règlement tiendra compte des besoins des États membres en matière de sécurité et prévoira parallèlement des engagements juridiques pour faire face à l’urgence et garantir aux migrants des droits à la protection inspirés des obligations internationales et du droit européen.

3.8.2.

En particulier, la Commission et les organes délégués devront également vérifier la cohérence des législations adoptées ou en cours d’adoption dans les États membres avec les droits fondamentaux et les droits de l’Union afin de lutter contre la crise actuelle et d’éviter toute crise future.

3.8.3.

Le CESE examinera attentivement, dans ce règlement, les exceptions et dérogations au traitement des procédures standard d’entrée et d’asile, la possibilité effective de contester les rejets des demandes d’asile, les procédures de retour, ainsi que la pleine transparence et la coopération totale entre les États membres en situation d’urgence et les institutions et agences de l’UE.

Bruxelles, le 15 juin 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  5 317 219 personnes sont réfugiées dans les pays voisins et l’UE (données mises à jour le 26 avril 2022, source: HCR, https://data2.unhcr.org/fr/situations/ukraine).

(2)  Décision d’exécution (UE) 2022/382 du Conseil du 4 mars 2022 constatant l’existence d’un afflux massif de personnes déplacées en provenance d’Ukraine, au sens de l’article 5 de la directive 2001/55/CE, et ayant pour effet d’introduire une protection temporaire (JO L 71 du 4.3.2022, p .1) [directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil) (JO L 212 du 7.8.2001, p .12)].

(3)  Voir COM(2021) 890 final — 2021/0427 (COD) «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil visant à faire face aux situations d’instrumentalisation dans le domaine de la migration et de l’asile».

(4)  Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur un nouveau pacte sur la migration et l’asile [COM(2020) 609 final] (JO C 123 du 9.4.2021, p. 15)]; avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la gestion de l’asile et de la migration et modifiant la directive 2003/109/CE du Conseil et la proposition de règlement (UE) XXX/XXX [établissant le Fonds «Asile et migration»] [COM(2020) 610 final — 2020/0279 (COD)] et la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil visant à faire face aux situations de crise et aux cas de force majeure dans le domaine de la migration et de l’asile [COM(2020) 613 final — 2020/0277 (COD)] (JO C 155 du 30.4.2021, p. 58).

(5)  Avis du Comité économique et social européen sur «la protection des mineurs isolés migrants en Europe» (avis d’initiative) (JO C 429 du 11.12.2020, p. 24).

(6)  Voir Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Un plan d’action renouvelé de l’UE contre le trafic de migrants (2021-2025), [COM(2021) 591 final].

(7)  Sur la base d’une demande d’un État membre, approuvée par une proposition de la Commission examinée par le Conseil, qui décidera également de mécanismes de suivi et d’évaluation de la situation, conformément à la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil visant à faire face aux situations d’instrumentalisation dans le domaine de la migration et de l’asile», COM(2021) 890 final — 2021/0427 (COD).


23.9.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 365/66


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant les règles concernant l’exercice des droits dont dispose l’Union pour mettre en œuvre et faire appliquer l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique et de l’accord de commerce et de coopération entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique, d’une part, et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, d’autre part

[COM(2022) 89 final — 2022/0068 (COD)]

(2022/C 365/13)

Rapporteur:

Jack O’CONNOR (IE-II)

Consultation

Conseil de l’Union européenne, 22.3.2022

Parlement européen, 23.3.2022

Base juridique

Article 43 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (1) (pêche), articles 91 et 100 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (transports), articles 173, 182, 188 et 189 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (programmes de l’Union), article 207 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (politique commerciale commune) et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (Comité économique et social).

Décision de l’assemblée plénière

22.3.2022

Compétence

Section «Relations extérieures»

Adoption en section

12.5.2022

Adoption en session plénière

15.6.2022

Session plénière no

570

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

202/0/5

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

La proposition de règlement (2) habilite la Commission, au moyen d’actes d’exécution, à adopter et à appliquer certaines mesures pour l’exercice des droits de l’Union en vertu de l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (3) (accord de retrait) et de l’accord de commerce et de coopération entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique, d’une part, et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, d’autre part (4) (accord de commerce et de coopération).

1.2.

Les parties aux accords correspondants sont le Royaume-Uni et l’Union uniquement. Le CESE admet dès lors qu’il est tout à fait approprié que toute action soit engagée au niveau de l’Union en recourant aux procédures de comitologie, comme le prévoit la proposition de règlement.

1.3.

Le CESE convient que l’Union a besoin d’une procédure souple et efficace en cas de non-respect par le Royaume-Uni de l’accord de retrait et/ou de l’accord de commerce et de coopération.

1.4.

Le recours aux procédures de comitologie en tant que moyen d’habiliter la Commission à adopter et à appliquer certaines mesures en cas de violation ou de non-respect des accords correspondants semble pleinement justifié et est conforme aux principes de proportionnalité et de subsidiarité qui déterminent nécessairement l’action de l’Union européenne.

1.5.

Le CESE accueille favorablement la proposition de révision du règlement cinq ans après son entrée en vigueur et note que cela serait conforme aux dispositions similaires des accords concernés.

1.6.

Compte tenu de ce qui précède, le CESE soutient la proposition de règlement. En outre, le CESE maintient qu’il s’agit d’un excellent compromis interinstitutionnel pour faire face à toute éventualité résultant d’une violation ou du non-respect de l’accord de retrait et/ou de l’accord de commerce et de coopération.

2.   Observations générales

2.1.

Le règlement proposé habilite la Commission européenne à adopter et à appliquer certaines mesures pour l’exercice des droits de l’Union en vertu des dispositions de l’accord de retrait et de l’accord de commerce et de coopération. Il vise à faciliter une réaction rapide et efficace en cas de violation ou de non-respect potentiel des dispositions des accords concernés par le Royaume-Uni.

2.2.

L’habilitation porte sur:

l’application de mesures temporaires visant à assurer le respect et/ou les mesures compensatoires autorisées par un tribunal d’arbitrage à la demande d’une partie en cas de mise en conformité inadéquate ou incomplète, ou de mesures appropriées au cas où l’autre partie ne coopérerait pas pour faciliter le recours à des procédures contraignantes de règlement des différends;

les mesures correctives au titre de l’accord de retrait en ce qui concerne l’absence d’ajout d’instruments pertinents du droit de l’Union au protocole sur l’Irlande et l’Irlande du Nord et/ou de l’accord de commerce et de coopération en ce qui concerne les subventions, le transport routier et la pêche;

les mesures de rééquilibrage au titre de l’accord de retrait en ce qui concerne les mesures de sauvegarde adoptées par le Royaume-Uni en vertu du protocole sur l’Irlande et l’Irlande du Nord;

les mesures de rééquilibrage prévues par l’accord de commerce et de coopération, en ce qui concerne les mesures de sauvegarde qui créent un déséquilibre entre les droits et obligations découlant de l’accord de commerce et de coopération ou de tout accord complémentaire; ou en particulier en ce qui concerne les divergences dans les domaines du travail et de la protection sociale, environnementale ou climatique ou du contrôle des subventions;

les contre-mesures au titre de l’accord de commerce et de coopération (prises en réponse aux mesures de rééquilibrage prévues à l’article 411 de l’accord de commerce et de coopération);

les mesures de sauvegarde au titre de l’accord de retrait (si l’application du protocole sur l’Irlande et l’Irlande du Nord entraîne de graves difficultés économiques, sociétales ou environnementales susceptibles de persister, ou un détournement des échanges), et de l’accord de commerce et de coopération (en cas de graves difficultés économiques, sociétales ou environnementales de nature sectorielle ou régionale susceptibles de persister);

la suspension des obligations au titre de l’accord de commerce et de coopération en cas de violation ou de non-respect de certaines conditions, notamment en ce qui concerne les échanges de marchandises, le transport aérien, le transport routier, la pêche ou les programmes de l’Union, si le Royaume-Uni ne verse pas sa contribution financière ou s’il apporte des modifications importantes à certaines conditions initiales.

2.3.

Ces mesures devraient également s’appliquer à tout accord bilatéral complémentaire à l’accord de commerce et de coopération.

2.4.

Par sa décision relative à la conclusion de l’accord de commerce et de coopération, le Conseil a habilité la Commission à adopter la majorité des mesures énumérées au paragraphe 2, point 2 jusqu’à l’entrée en vigueur d’un acte législatif spécifique. Il était prévu que cette proposition soit proposée au plus tard le 31 mars 2022.

2.5.

Nonobstant l’accord de retrait, l’accord de commerce et de coopération couvre un large éventail de domaines, au-delà du commerce des biens et des services. Il s’agit notamment des investissements, de la concurrence, des aides d’État, de la transparence fiscale, du transport aérien et routier, de l’énergie et de la durabilité, de la pêche, de la protection des données et de la coordination de la sécurité sociale. Par conséquent, le règlement concernant le respect des règles du commerce (5) et les autres instruments existants ne couvrent pas pleinement le champ d’application de ce nouveau type d’accord. En conséquence, un nouvel instrument juridique doit être adopté. La proposition de règlement est une lex specialis en ce qui concerne les dispositions sectorielles du droit de l’Union dans la mesure où ces dispositions concernent le même objet.

2.6.

Les bases juridiques de la proposition sont:

l’article 43 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (6) (pêche);

l’article 91 et l’article 100 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (7) (transport);

les articles 173, 182, 188 et 189 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (8) (programmes de l’Union);

l’article 207 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (9) (politique commerciale commune);

l’article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (10) (Comité économique et social).

2.7.

L’accord de retrait et l’accord de commerce et de coopération sont les seuls instruments juridiques de l’Union à l’égard du Royaume-Uni. Par conséquent, seule l’Union peut agir en vertu du droit international. Toutefois, la proposition envisage l’adoption de mesures conformément au principe de subsidiarité énoncé à l’article 5 du traité sur l’Union européenne (11). La procédure d’examen du système de comitologie s’appliquerait, conformément au règlement (UE) No 182/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 février 2011 établissant les règles et principes généraux relatifs aux modalités de contrôle par les États membres de l’exercice des compétences d’exécution par la Commission (12), étant donné que les mesures susceptibles d’être adoptées affecteraient presque certainement les États membres.

2.8.

La proposition prévoit un réexamen du règlement cinq ans après son entrée en vigueur. Cela serait conforme à la disposition similaire figurant dans l’accord de retrait et l’accord de commerce et de coopération.

2.9.

La proposition de règlement ne couvre pas les mesures relevant du champ d’application des politiques de l’Union dans le domaine de la liberté, de la sécurité et de la justice.

2.10.

Une proposition législative distincte régit l’adoption de mesures dans le domaine des programmes de recherche et de formation d’Euratom.

3.   Observations particulières

3.1.

La proposition vise à créer un cadre permettant à l’Union de réagir efficacement et en temps utile en cas de violation ou de non-respect par le Royaume-Uni de l’accord de retrait et/ou de l’accord de commerce et de coopération.

3.2.

Étant donné que les accords relèvent uniquement de l’Union, il est clair que les mesures appropriées devraient être prises à ce niveau.

3.3.

Compte tenu des implications potentielles pour les États membres ainsi que de l’exigence d’une efficacité optimale, l’application de la procédure d’examen du système de comitologie est tout à fait logique et justifiée.

3.4.

Cette approche est pleinement conforme au principe de subsidiarité, étant donné que le système de comitologie permet aux États membres de contrôler les actes d’exécution délégués à la Commission.

3.5.

Il convient également de noter que les articles 7 et 8 du règlement (UE) No 182/2011 (13) permettent à la Commission, par dérogation aux procédures normales, d’adopter des actes d’exécution pour des raisons d’urgence (article 8) ou d’éventuelles perturbations significatives des marchés dans le domaine de l’agriculture (article 7), sans les soumettre au préalable au comité correspondant. Ce contournement de la procédure renforce la capacité de l’Union à réagir rapidement aux violations inattendues des accords, si nécessaire.

3.6.

Le Comité se félicite du large éventail de mesures prévues à l’article 1, paragraphe 2, de la proposition de règlement, ainsi que de leurs limites.

3.7.

Étant donné qu’il n’existe aucun précédent pour le retrait d’un État membre, la question de la cohérence avec la législation existante dans le domaine d’action ne se pose pas.

3.8.

Des critères clairs régissant la sélection des mesures sont exposés en détail à l’article 2, paragraphe 2, de la proposition de règlement. Le CESE reconnaît que la proposition de règlement satisfait aux exigences de proportionnalité et qu’elle n’excède pas ce qui est strictement nécessaire pour atteindre l’objectif consistant à garantir un exercice rapide et efficace de ces droits en cas de violation ou de non-respect potentiel des accords.

3.9.

Le CESE estime qu’il n’est pas nécessaire de procéder à une analyse d’impact compte tenu de la nature procédurale de la proposition de règlement.

3.10.

Le CESE se félicite de la proposition de révision du règlement après cinq ans et note qu’elle est justifiée car elle serait conforme aux dispositions similaires des accords correspondants.

3.11.

Compte tenu de ce qui précède, le CESE soutient la proposition de règlement. En outre, le CESE maintient qu’il s’agit d’un excellent compromis interinstitutionnel pour faire face à toute éventualité résultant d’une violation ou d’un non-respect de l’accord de retrait et/ou de l’accord de commerce et de coopération (ACC).

Bruxelles, le 15 juin 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Version consolidée du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (JO C 326 du 26.10.2012, p. 47).

(2)  https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A52022PC0089

(3)  JO C 384 I du 12.11.2019, p. 1.

(4)  JO L 149 du 30.4.2021, p. 10.

(5)  Règlement (UE) 2021/167 du Parlement européen et du Conseil du 10 février 2021 modifiant le règlement (UE) 654/2014 concernant l’exercice des droits de l’Union pour l’application et le respect des règles du commerce international (JO L 49 du 12.2.2021, p. 1).

(6)  https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:12012E/TXT&from=FR

(7)  https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:12012E/TXT&from=FR

(8)  https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:12012E/TXT&from=FR

(9)  https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:12012E/TXT&from=FR

(10)  https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:12012E/TXT&from=FR

(11)  https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A12012E%2FTXT

(12)  JO L 55 du 28.2.2011, p. 13.

(13)  JO L 55 du 28.2.2011, p. 13.