ISSN 1977-0936

Journal officiel

de l'Union européenne

C 364

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Édition de langue française

Communications et informations

63e année
28 octobre 2020


Sommaire

page

 

I   Résolutions, recommandations et avis

 

RÉSOLUTIONS

 

Comité économique et social européen

 

553e session plénière hybride des 15 et 16 juillet 2020

2020/C 364/01

Résolution sur la contribution du Comité économique et social européen au programme de travail de la Commission européenne pour 2021 sur la base des travaux du groupe ad hoc Contribution du CESE au programme de travail de la Commission européenne pour 2021

1

 

AVIS

 

Comité économique et social européen

 

553e session plénière hybride des 15 et 16 juillet 2020

2020/C 364/02

Avis du Comité économique et social européen sur Promouvoir une union bancaire plus inclusive et durable en permettant aux banques de proximité de mieux contribuer au développement local et à la mise en place d’un système financier international et européen socialement responsable (avis d’initiative)

14

2020/C 364/03

Avis du Comité économique et social européen sur Mécanismes fiscaux pour réduire les émissions de CO2 (avis d’initiative)

21

2020/C 364/04

Avis du Comité économique et social européen sur Renforcer une croissance économique durable dans l’ensemble de l’Union européenne (avis d’initiative)

29

2020/C 364/05

Avis du Comité économique et social européen sur Renforcer la compétitivité, l’innovation, la croissance et la création d’emplois en favorisant la coopération réglementaire mondiale, en soutenant un système commercial multilatéral renouvelé et en réduisant les subventions responsables de distorsions du marché (avis d’initiative)

37

2020/C 364/06

Avis du Comité économique et social européen sur La dimension industrielle de l’union de la sécurité (avis d’initiative)

43

2020/C 364/07

Avis du Comité économique et social européen sur L’instauration des mesures de sauvegarde pour les produits agricoles dans les accords de commerce (avis d’initiative)

49

2020/C 364/08

Avis du Comité économique et social européen sur Une urgence au lendemain de la COVID-19: la conception d’une nouvelle matrice multilatérale (avis d’initiative)

53

2020/C 364/09

Avis du Comité économique et social européen sur la Fiscalité de l’économie collaborative — Exigences en matière d’établissement de rapports (supplément d’avis)

62

2020/C 364/10

Avis du Comité économique et social européen sur le Pacte européen pour le climat (avis exploratoire)

67


 

III   Actes préparatoires

 

Comité économique et social européen

 

553e session plénière hybride des 15 et 16 juillet 2020

2020/C 364/11

Avis du Comité économique et social européen sur la Stratégie en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes [COM(2020) 152 final]

77

2020/C 364/12

Avis du Comité économique et social européen sur le Livre blanc sur l’intelligence artificielle — Une approche européenne axée sur l’excellence et la confiance[COM(2020) 65 final]

87

2020/C 364/13

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Un nouveau plan d’action pour une économie circulaire — Pour une Europe plus propre et plus compétitive[COM(2020) 98 final]

94

2020/C 364/14

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Façonner l’avenir numérique de l’Europe[COM(2020) 67 final]

101

2020/C 364/15

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Une nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe[COM(2020) 102 final]

108

2020/C 364/16

Avis du Comité économique et social européen sur a) la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Plan d’action à long terme visant à mieux mettre en œuvre et faire respecter les règles du marché unique[COM(2020) 94 final] et b) la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Recenser et identifier les obstacles au marché unique[COM(2020) 93 final]

116

2020/C 364/17

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — L’heure de l’Europe: réparer les dommages et préparer l’avenir pour la prochaine génération[COM(2020) 456 final], la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Le budget de l’Union: moteur du plan de relance pour l’Europe[COM(2020) 442 final], la Proposition de règlement du Conseil établissant un instrument de l’Union européenne pour la relance en vue de soutenir la reprise à l’issue de la pandémie de COVID-19[COM(2020) 441 final/2 — 2020/0111 (NLE)], la Proposition modifiée de règlement du Conseil fixant le cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027[COM(2020) 443 final — 2018/0166 (APP)], la Proposition modifiée de décision du Conseil relative au système des ressources propres de l’Union européenne[COM(2020) 445 final — 2018/0135 (CNS)], la Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (UE, Euratom) no 1311/2013 du Conseil fixant le cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020[COM(2020) 446 final — 2020/0109 (APP)] et la Proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil portant établissement du programme-cadre pour la recherche et l’innovation Horizon Europe et définissant ses règles de participation et de diffusion, décision du Parlement européen et du Conseil établissant le programme spécifique d’exécution du programme-cadre pour la recherche et l’innovation Horizon Europe, règlement du Parlement européen et du Conseil établissant l’instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale, règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des règles régissant l’aide aux plans stratégiques devant être établis par les États membres dans le cadre de la politique agricole commune (les plans stratégiques relevant de la PAC) et financés par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), et abrogeant le règlement (UE) no 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil et le règlement (UE) no 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil[COM(2020) 459 final — 2018/0224 (COD)]

124

2020/C 364/18

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant une facilité pour la reprise et la résilience[COM(2020) 408 final — 2020/0104 (COD)] et la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un instrument d’appui technique[COM(2020) 409 final — 2020/0103 (COD)]

132

2020/C 364/19

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le programme InvestEU[COM(2020) 403 final — 2020/0108 (COD)] et la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2015/1017 en ce qui concerne la création d’un instrument de soutien à la solvabilité[COM(2020) 404 final — 2020/0106 (COD)]

139

2020/C 364/20

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant le règlement (UE) 2018/1999 (loi européenne sur le climat)[COM(2020) 80 final — 2020/0036 (COD)]

143

2020/C 364/21

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à une Année européenne du rail (2021)[COM(2020) 78 final]

149

2020/C 364/22

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil arrêtant des mesures pour un marché ferroviaire durable compte tenu de la pandémie de COVID-19[COM(2020) 260 final — 2020/0127 (COD)]

158

2020/C 364/23

Avis du Comité économique et social européen sur la Mise en œuvre des accords de libre-échange du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2018[COM(2019) 455 final]

160


FR

 


I Résolutions, recommandations et avis

RÉSOLUTIONS

Comité économique et social européen

553e session plénière hybride des 15 et 16 juillet 2020

28.10.2020   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 364/1


Résolution sur la contribution du Comité économique et social européen au programme de travail de la Commission européenne pour 2021 sur la base des travaux du groupe ad hoc «Contribution du CESE au programme de travail de la Commission européenne pour 2021»

(2020/C 364/01)

Rapporteurs:

Petr ZAHRADNÍK

Stefano PALMIERI

Jan DIRX

Lors de sa session plénière des 15 et 16 juillet 2020 (séance du 16 juillet), le Comité économique et social européen a adopté la résolution suivante par 140 voix pour, 15 voix contre et 17 abstentions.

1.   Introduction

1.1.

Comme indiqué dans sa résolution sur les «Propositions du CESE pour la reconstruction et la relance après la crise de la COVID-19» (1), le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement et soutient sans réserve les propositions de la Commission européenne relatives au plan «Next Generation EU» et au budget global de l’UE pour la période 2021-2027. Le Comité espère et veut croire que les orientations définies dans ces plans, eu égard à la nécessité de reprise et de reconstruction après la crise du coronavirus, seront développées pleinement et concrètement dans le programme de travail de la Commission pour 2021.

1.2.

Le CESE estime que le programme de travail devrait être axé sur la restructuration et l’amélioration de notre économie et notre société, et reposer sur les principes suivants: la protection des droits de l’homme et des droits sociaux, des valeurs démocratiques et de l’état de droit, l’exploitation de tout le potentiel du marché unique, la réalisation des objectifs de développement durable, la création d’une économie circulaire, la réalisation de la neutralité climatique au sein de l’UE d’ici à 2050 au plus tard et enfin la garantie de bonne gouvernance et de responsabilité démocratique.

1.3.

Le CESE souligne que les six grandes ambitions retenues par la Commission (Un pacte vert pour l’Europe, Une Europe adaptée à l’ère du numérique, Une économie au service des personnes, Une Europe plus forte sur la scène internationale, Protéger notre mode de vie européen et Un nouvel élan pour la démocratie européenne) fournissent un cadre solide en vue de l’élaboration du programme de travail pour 2021. Il conviendrait peut-être de mettre plus explicitement l’accent sur les investissements et sur la nécessité de les accélérer, notamment grâce aux mesures actuellement en cours d’adoption. Certains éléments du futur programme de travail figurent dans la communication de la Commission sur le plan de relance européen (2), et de nouvelles propositions seront présentées dans le discours de la présidente de la Commission sur l’État de l’Union en septembre ainsi que dans la lettre d’intention adressée au Parlement européen et au Conseil. Le CESE se félicite également du remaniement du programme de travail pour 2020 en réaction à la crise de la COVID-19, qui pourrait annoncer les prochaines évolutions.

1.4.

Le CESE se félicite que la Commission ait remanié son programme de travail pour 2020 afin d’assurer la relance en Europe en réaction à la pandémie de coronavirus. Elle a recentré ses travaux et accordé la priorité aux actions indispensables au redressement et à la résilience de l’Europe, tout en continuant d’œuvrer à la réalisation de ses initiatives phares, le pacte vert pour l’Europe et la stratégie numérique, étant donné qu’elles sont essentielles pour relancer l’économie européenne et construire une Europe plus résiliente, plus durable, plus juste et plus prospère. Le Comité relève que neuf initiatives ont été reportées à 2021.

1.5.

Alors que la coopération entre pays s’est révélée particulièrement importante en ces temps de crise, le CESE espère que la prochaine conférence sur l’avenir de l’Europe aboutira au renforcement et à l’approfondissement de la structure institutionnelle de l’Union, ainsi qu’à un véritable renouveau du projet européen, afin que l’UE soit en mesure de relever les défis des prochaines décennies. La Commission peut donc compter sur le total soutien du Comité.

1.6.

Le CESE est convaincu que le processus de relance et de reconstruction de l’économie et de la société ne sera possible qu’avec la participation active des organisations de la société civile et des partenaires sociaux.

1.7.

Dans les chapitres et paragraphes suivants, le Comité formule des propositions concrètes en vue du programme de travail pour 2021, dans le droit fil des six grandes ambitions de la Commission.

2.   Un pacte vert pour l’Europe

2.1.   Le pacte vert

2.1.1.

Le pacte vert pour l’Europe peut également être considéré comme un outil efficace pour relancer durablement l’économie grâce à des investissements massifs soutenant les changements structurels nécessaires auxquels l’Europe doit s’atteler. De ce point de vue, il pourrait être vu comme une occasion de favoriser une reprise économique à plus long terme. Il faut un nouveau consensus en Europe pour mobiliser un nombre suffisant de sources financières publiques et privées à cette fin, et pour adopter une nouvelle gouvernance qui garantira la réussite de la mise en œuvre dans la pratique.

2.1.2.

Le CESE est un fervent partisan de la transition vers l’économie circulaire. Jusqu’à présent, le CESE a toujours ardemment défendu les politiques ambitieuses dans ce domaine grâce à son engagement dans la plateforme des acteurs européens de l’économie circulaire. Depuis longtemps, il plaide auprès de la Commission pour que des mesures soient prises en relation avec l’utilisation efficace des ressources, notamment la révision de la législation sur l’écoconception et de la législation correspondante sur la politique de produits, l’inclusion progressive des exigences obligatoires en matière d’utilisation efficace des ressources pour la conception des produits, ainsi que de nouvelles procédures de passation de marchés publics visant à encourager les produits circulaires et les nouveaux modèles d’entreprise, compte tenu cependant de la situation économique post-coronavirus et de la faisabilité de ces changements.

2.1.3.

Le CESE constate que la révision de la directive sur la publication d’informations non financières, en vue d’améliorer la qualité et la portée des informations non financières, notamment en ce qui concerne les aspects environnementaux comme la biodiversité, a été reportée à 2021. Le CESE est d’avis que les politiques fiscales en général devraient être réformées à l’aune des ambitions climatiques, et que les systèmes d’imposition et de tarification devraient refléter les coûts environnementaux, y compris ceux liés à l’appauvrissement de la biodiversité. Cela devrait encourager des changements au niveau des systèmes d’imposition, dans le sens d’un déplacement de la charge fiscale pesant sur le travail vers la pollution, les ressources sous-évaluées et les autres externalités environnementales. Les principes de l’«utilisateur-payeur» et du «pollueur-payeur» doivent être appliqués afin de prévenir et de corriger la dégradation de l’environnement.

2.1.4.

Le CESE est favorable à ce que la biodiversité soit intégrée dans tous les domaines politiques, comme indiqué dans la communication sur la stratégie en faveur de la diversité biologique à l’horizon 2030 (3). Le CESE salue l’intention de la Commission de mettre en place un nouveau cadre européen de gouvernance de la biodiversité. Cela permettra de définir les obligations et engagements à respecter, et d’établir une feuille de route qui guidera la mise en œuvre. En outre, un tel cadre bénéficiera à la fois à la politique agricole commune (PAC) et au système alimentaire européen, qui pourraient ainsi poursuivre leur mue vers davantage de durabilité. Dans le cadre de cette dernière, la Commission instaurera un mécanisme de suivi et de réexamen, qui comprendra une panoplie d’indicateurs clairs définis d’un commun accord, et permettra d’évaluer régulièrement les progrès accomplis et, le cas échéant, de déterminer les mesures correctives nécessaires. Il devra alimenter l’examen de la mise en œuvre de la politique environnementale et contribuer au Semestre européen.

2.1.5.

Le CESE accueille favorablement la loi européenne sur le climat, qui fixe un objectif commun juridiquement contraignant de zéro émission nette de gaz à effet de serre (GES) d’ici à 2050 et qui établit un cadre pour atteindre cet objectif. Le CESE voit dès lors dans cette proposition de loi européenne l’un des instruments permettant de contribuer à la reconstruction souhaitable et nécessaire de l’économie européenne (4). La Commission entend réexaminer, d’ici à septembre 2020, l’objectif de l’Union en matière de climat à l’horizon 2030 à la lumière de l’objectif de neutralité climatique, étudier les différentes options possibles pour un nouvel objectif de réduction des émissions d’ici à 2030 qui se situerait entre 50 et 55 % par rapport aux niveaux de 1990, et publier les propositions législatives correspondantes d’ici à la mi-2021. Le CESE demande instamment à la Commission d’opter pour une réduction minimale de 55 % d’ici à 2030, et de formuler les propositions législatives correspondantes, afin de répondre, pour ce qui la concerne, à la nécessité impérieuse de réduire les émissions à l’échelle mondiale (5).

2.1.6.

La participation de tous les citoyens, par l’intermédiaire des organisations, des associations et des réseaux de la société civile, permettra réellement de réformer l’économie et la société. Les États membres et l’Union doivent donc veiller à ce que, dans ce processus complexe, personne ne soit laissé pour compte, et surtout pas les groupes les plus vulnérables.

2.1.7.

Les engagements pris en matière d’action pour le climat et de durabilité doivent guider la politique de relance et de reconstruction, qui ne doit pas condamner l’UE à un avenir à forte teneur en carbone.

2.1.8.

Le cadre financier pluriannuel (CFP) devra assurer l’augmentation des financements et leur allocation suffisamment large pour satisfaire les besoins en investissement dans l’optique d’assurer une transition écologique qui soit à la fois véritable et profonde. Il importe également de continuer à accorder la priorité à d’autres questions environnementales telles que la protection des sols, des terres et des mers, qui ne sauraient passer au second plan à la suite et du fait de la crise de la COVID-19.

2.1.9.

Il convient d’améliorer encore la sécurité énergétique à tous les niveaux et la résilience de la société, par exemple au moyen de programmes de rénovation des bâtiments. La coopération transfrontalière et les interconnexions dans le domaine de l’énergie dans l’ensemble de l’UE restent importantes, tout comme la nécessité de promouvoir une plus grande diversification des sources d’approvisionnement, notamment grâce à un choix plus vaste d’énergies renouvelables et de solutions de stockage d’énergie.

2.1.10.

Le recours accru à l’électricité produite à partir de sources renouvelables et à faibles émissions de carbone, grâce à l’électrification des secteurs qui dépendent toujours des combustibles fossiles, représente une occasion d’accélérer les progrès sur la voie de l’objectif de neutralité climatique de l’UE. Les plans nationaux en matière d’énergie et de climat constituent une étape importante pour assurer la mise en œuvre de l’union de l’énergie et du pacte vert pour l’Europe.

2.1.11.

Dans le contexte de l’objectif de neutralité climatique de l’UE d’ici à 2050 fixé par la loi européenne sur le climat, il convient d’accorder une attention particulière au secteur des transports. En effet, les émissions de CO2 de ce secteur ne cessent de croître, alors qu’une réduction de 90 % des émissions du transport sera nécessaire d’ici à 2050 pour atteindre l’objectif de neutralité climatique.

2.1.12.

Le CESE a demandé une mise à jour de la stratégie de l’UE pour les forêts après 2020 dans le cadre du pacte vert pour l’Europe. La nouvelle stratégie pourrait raisonnablement s’étendre jusqu’en 2050. L’importance que revêtent les forêts, la sylviculture et les industries forestières pour atteindre ces objectifs devrait être reconnue dans tous les secteurs et déboucher sur une coopération intersectorielle optimisée.

2.1.13.

Le CESE est d’avis que les mesures d’adaptation pourraient contribuer de manière significative à une mise en œuvre plus juste de la transition et de la reconstruction durables après la crise de la COVID-19. Les communautés et les régions plus touchées que la moyenne par les effets néfastes du changement climatique devraient être assistées dans leurs efforts visant à réagir à ces incidences et aux risques perçus. C’est particulièrement vrai pour les communautés et les régions dont les émissions historiques et actuelles de gaz à effet de serre sont inférieures à la moyenne.

2.1.14.

Le CESE apprécie que la Commission, dans son programme de travail remanié pour 2020, accorde une attention suffisante au thème du pacte vert et en tienne compte de manière plutôt cohérente dans les différents volets. Il souligne en particulier la priorité accordée au financement de la transition durable, en particulier au plan d’investissement du pacte vert pour l’Europe et au Fonds pour une transition juste. Les autres domaines d’intérêt mentionnés dans le programme de travail remanié, par exemple la mobilité durable et intelligente, la production et la consommation durables, la durabilité des systèmes alimentaires ou la décarbonation de l’énergie, sont tout à fait pertinents pour la réalisation de cet objectif. Le CESE pense que les priorités du programme de travail de la Commission pour 2021 seront également axées sur ces initiatives.

2.2.   Les priorités d’investissement

2.2.1.

L’argent public injecté dans des plans de relance devrait non seulement contribuer au redressement de l’économie et de la société européennes, mais aussi à la réduction drastique des incidences de chocs futurs grâce à des investissements dans une économie résiliente, inclusive et respectueuse du climat (ce que l’on appelle l’«économie du bien-être»).

2.2.2.

La taxinomie européenne du financement durable devrait orienter les investissements publics et privés tout au long de la relance afin d’accélérer la transition des secteurs polluants vers des secteurs verts.

2.2.3.

Il faut veiller à ce que le nouveau CFP alloue des ressources importantes à la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD) et à la lutte contre le changement climatique tout en supprimant progressivement les financements contreproductifs (par exemple dans les combustibles fossiles).

2.2.4.

L’économie européenne a été marquée par un déficit d’investissement pendant la majeure partie de la décennie ayant suivi la crise de 2009. La reprise des investissements est indispensable pour obtenir des résultats suffisants. Le CESE se félicite dès lors de la présentation du plan de relance, principalement constitué du programme «Next Generation EU» et de ses piliers, ainsi que du CFP 2021-2027 actualisé. «Next Generation EU» peut être considéré comme une mesure extraordinaire, mais aussi urgente et nécessaire, pour améliorer l’environnement d’investissement dans l’UE. Ces questions sont examinées plus en détail, par exemple, dans l’avis ECO/523 du CESE (6).

2.2.5.

Le CESE relève que les investissements ne figurent pas parmi les objectifs stratégiques du mandat de la Commission qui prendra fin en 2024, et qu’ils ne sont pas suffisamment abordés dans les initiatives particulières présentées dans le programme de travail 2020 remanié. Il recommande dès lors à la Commission d’inclure les initiatives relatives aux investissements dans son programme de travail pour 2021, y compris celles portant sur la mobilisation des investissements privés en faveur du développement économique durable de l’UE.

3.   Une Europe adaptée à l’ère du numérique

3.1.

La crise du coronavirus montre que la révolution numérique joue un rôle important dans l’augmentation de la résilience de nos sociétés face aux crises. Il est primordial d’investir dans la numérisation des services essentiels et d’accroître la capacité des gouvernements, des législateurs et des institutions publiques à fournir leurs services en temps de crise. Dans le même temps, nous devons admettre que les technologies numériques ne constituent pas une fin en soi. Les pouvoirs publics doivent s’approprier le cadre qui entoure les technologies numériques et l’orienter vers des normes de durabilité élevées, en le dotant notamment de solides garanties démocratiques et technologiques, assorties de mesures de soutien des coûts et des connaissances qui ne laissent personne de côté. Il convient dès lors, conformément à l’acte législatif européen sur l’accessibilité, de veiller à ce que la révolution numérique bénéficie également aux plus de 100 millions de personnes handicapées dans l’UE.

3.2.

La numérisation constitue à la fois une occasion à saisir et un risque pour la relance. C’est dans le secteur de l’innovation que l’UE peut s’illustrer en première ligne, par exemple dans le domaine de la chaîne de blocs, où elle occupe une position de chef de file. La chaîne de blocs, en tant que technologie (qui ne doit pas être réduite au bitcoin), est porteuse de valeurs démocratiques, car elle offre de la transparence et de meilleures structures de gouvernance. Toutefois, il convient de prendre en considération les risques inhérents à la numérisation, tels que l’accroissement du chômage, la marginalisation numérique et l’exclusion sociale. Il faut en outre trouver des moyens de tirer parti des possibilités qui s’offrent, tout en les conciliant avec les risques, dans un paysage où l’Union s’efforce à rester compétitive à l’échelle mondiale.

3.3.

Il est important de préserver le modèle européen de droits, de normes et de politique des consommateurs. C’est ce qui rend l’Union européenne unique en son genre. Par exemple, dans le domaine de la numérisation, le code de déontologie de l’UE relatif à l’intelligence artificielle (IA) fait la distinction, pour l’approche où «l’humain reste aux commandes», entre la conception de l’UE et celle des autres régions du monde. Cette approche, fondée sur les libertés et droits fondamentaux, fait partie du modèle de l’UE et devrait être préservée, malgré le durcissement du climat concurrentiel qui se fait jour actuellement.

3.4.

Le CESE souligne l’importance de la numérisation de tous les secteurs de la société, notamment grâce au télétravail et aux services numériques, y compris le commerce électronique ou la santé en ligne.

3.5.

La pandémie a montré que la numérisation dans l’enseignement n’est pas à la portée de tous dans la société, ce qui pourrait entraîner de nouveaux problèmes sur le plan des résultats scolaires et de l’accès à l’éducation. Par conséquent, il convient de prévoir des mesures qui soutiennent les groupes défavorisés et contribuent ainsi à prévenir la ségrégation.

3.6.

Le cadre juridique applicable à l’intelligence artificielle et à la numérisation doit être actualisé en permanence pour rester en phase avec le progrès technique et, en particulier, la question de la sécurité des communications numériques, tant du point de vue des réseaux que du contenu.

3.7.

Le CESE prend acte du report à 2021 de la proposition législative sur l’incidence de l’intelligence artificielle, y compris en matière de sécurité, de responsabilité, de droits fondamentaux et de données. Il invite la Commission à: i) favoriser la pluridisciplinarité dans la recherche, en y associant d’autres disciplines, telles que le droit, l’éthique, la philosophie, la psychologie, les sciences du travail, les sciences humaines, l’économie, etc.; ii) associer les parties prenantes intéressées (syndicats, organisations professionnelles, d’entreprises ou de consommateurs, ONG) au débat sur l’intelligence artificielle et assurer leur participation en tant que partenaires égaux aux projets de recherche financés par l’UE et à d’autres projets comme le partenariat public-privé sur l’IA, les dialogues sectoriels, le programme consacré à l’adoption de l’IA dans le secteur public et le centre «phare»; iii) continuer à éduquer et à informer le grand public sur les possibilités qu’offre l’IA et les problèmes qu’elle pose. Il recommande à la Commission d’examiner de manière plus approfondie l’incidence de l’IA sur l’ensemble des libertés et droits fondamentaux, notamment — mais pas uniquement — le droit à un procès équitable, le droit à des élections équitables et ouvertes, le droit de réunion et de manifestation, ainsi que le droit à la non-discrimination. Le CESE continue de s’opposer à toute forme de personnalité juridique pour l’intelligence artificielle. Les effets correctifs préventifs du droit de la responsabilité civile s’en trouveraient en effet vidés de leur substance et il en résulterait un risque grave d’aléa moral au niveau tant du développement que de l’utilisation de l’IA, où cela créerait des possibilités d’abus (7).

3.8.

En raison de l’utilisation croissante de smartphones ainsi que de la mise en place des réseaux 5G, l’interopérabilité entre les applications et les réseaux dans l’ensemble de l’Union européenne revêt une grande importance, en particulier dans les situations d’urgence.

3.9.

Compte tenu de l’évolution de la numérisation et de son incidence croissante sur la vie privée, sociale et professionnelle, et sur tous les secteurs, il est essentiel d’enseigner les compétences numériques et de prendre des mesures contre la fracture numérique entre les citoyens.

3.10.

À très juste titre, l’une des grandes priorités de la Commission est la préparation de l’Europe à l’ère numérique, qui figure également en bonne place dans le programme de travail remanié pour 2020. Le CESE salue les efforts considérables déployés par la Commission dans des domaines tels que l’intelligence artificielle, les services numériques, la cybersécurité, les appareils et les solutions numériques pour les consommateurs, ou encore la finance numérique. Le CESE se réjouit en particulier de la forte composante numérique de la proposition de nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe. La numérisation est également bien visible dans le train de mesures sur les services aériens. En outre, le CESE apprécie au plus haut point la prise en compte de la numérisation dans les priorités proposées pour l’Espace européen de la recherche.

4.   Une économie au service des personnes

4.1.

Il nous faut rétablir notre gouvernance économique sur la base d’un système économique européen résilient, durable et inclusif. Notre objectif n’est pas tant d’atteindre une reprise économique mécanique que d’obtenir un changement qualitatif dans la gestion et la gouvernance de la politique économique.

4.2.

L’impact global de la crise doit encore être mesuré, et la reconstruction et la reprise vont exiger un effort considérable. Il est donc urgent de mettre en œuvre rapidement les propositions de mai 2020 relatives à la mise sur pied d’un instrument de relance, et de renforcer le CFP. Nous devons également nous tenir prêts à lancer de nouvelles mesures et à corriger celles qui ont déjà été adoptées si l’évolution de la situation l’exige.

4.3.

La Commission est invitée à continuer d’utiliser le Semestre comme un moteur pour la reprise, en prenant appui sur les priorités en matière d’investissement et de réforme définies dans le cadre du Semestre européen. L’attention toute particulière accordée dernièrement aux thématiques sociales ainsi qu’au pacte vert pour l’Europe est saluée par le Comité, de même que la mise en œuvre de la facilité pour la reprise et la résilience dans le cadre du Semestre européen. La Commission devrait, dans le cadre dudit Semestre, encourager les États membres de la zone euro à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir une plus grande convergence et une intégration accrue dans le domaine économique. Cela passe notamment par une orientation globale positive de la politique budgétaire applicable à l’ensemble de la zone euro pour pouvoir sortir de la crise actuelle.

4.4.

Toutes les priorités et actions décrites dans d’autres domaines d’action nécessiteront l’édification d’un nouveau cadre de gouvernance économique qui réponde aux problèmes que pose la situation macroéconomique actuelle et permette la mise en œuvre de politiques stratégiques en matière industrielle, sociale, environnementale et commerciale par l’Union et ses États membres. Au début de l’année 2020, la Commission a lancé une vaste consultation publique sur ce sujet, mais celle-ci a subi un coup d’arrêt en raison de la crise du coronavirus et de l’application de la clause dérogatoire générale du pacte de stabilité et de croissance. Rien ne permet de penser qu’en 2021, nous pourrons revenir à une application automatique du pacte. La Commission devrait donc donner suite aux nouvelles initiatives visant à promouvoir une réforme du pacte de stabilité et de croissance pour assurer simultanément la stabilité et la croissance.

4.5.

Dans ce contexte, le CESE plaide en faveur d’un ajustement macroéconomique plus symétrique, partagé aussi bien par les États membres qui subissent des déficits que par ceux qui affichent des excédents. Tous les États membres doivent être capables d’investir davantage dans les services publics, car, comme l’a démontré la crise, ces derniers ont un rôle crucial à jouer dans le sauvetage des vies humaines et la lutte contre la pandémie. De plus, les dirigeants européens devraient envisager ce que l’on appelle une «règle d’or» dans le cadre d’une nouvelle application des règles budgétaires de l’UE, excluant certaines dépenses d’investissement public du calcul des déficits, et tenant compte de la viabilité des niveaux d’endettement existants.

4.6.

Enfin, un mécanisme permanent de stabilisation budgétaire de la zone euro a depuis longtemps été demandé, sachant qu’il représenterait un vrai soutien pour les politiques anticycliques de l’Union en cas de chocs futurs. Un tel mécanisme contribuerait à la stabilité et à la viabilité à long terme des finances publiques nationales, et signalerait l’étape qui s’impose dans l’approfondissement de l’Union économique et monétaire européenne.

4.7.

La reprise post-COVID-19 dépendra essentiellement de la capacité des marchés financiers européens à garantir suffisamment de liquidités. Le bon fonctionnement des marchés financiers et l’accroissement de la capacité à partager les risques financiers sont aussi nécessaires pour la résilience de l’économie. La poursuite de l’harmonisation et de l’intégration des marchés financiers européens devrait donc s’engager sans délai, y compris le parachèvement de l’union bancaire ou le renforcement de l’union des marchés des capitaux. Lors de l’examen des règles prudentielles applicables aux banques pour mettre en œuvre les accords du cadre de Bâle toujours en suspens, il convient de tenir compte des spécificités du contexte bancaire européen. En outre, il est essentiel que les marchés financiers soient en mesure d’accompagner la mue écologique et numérique. Le CESE estime qu’une action plus résolue s’impose pour intégrer la durabilité dans le secteur financier, et par conséquent, le Comité se félicite de l’objectif que s’est donné la Commission de renouveler sa stratégie en matière de finance durable.

4.8.

Le CESE est fermement convaincu que, dans le contexte de la numérisation de l’économie, toute modification des règles de répartition des droits d’imposition des bénéfices entre pays doit être coordonnée au niveau mondial, et il se félicite dès lors de la coopération étroite entre la Commission, les États membres, l’OCDE et le G20 pour soutenir l’élaboration d’une solution internationale. S’il était impossible de parvenir à une solution internationale, l’Union doit envisager d’élaborer sa propre stratégie en la matière. La lutte contre la fraude et l’évasion fiscales ou contre le blanchiment de capitaux doit rester la première priorité de l’action à mener.

4.9.

La politique de cohésion jouera un rôle essentiel pour assurer une reprise équilibrée, favoriser la convergence et faire en sorte que nul ne soit laissé de côté. La flexibilité financière est réellement cruciale pour les programmes de cohésion, et elle donnera aux États membres la possibilité de transférer des fonds en fonction de leurs besoins pour faire face à la crise. Le CESE estime qu’il convient de fixer un calendrier réaliste pour que les fonds soient alloués aux États membres dans les meilleurs délais. La politique de cohésion européenne pour la période 2021-2027 devrait continuer d’accorder la priorité à la compétitivité économique grâce à la recherche et à l’innovation, la transition numérique ainsi qu’au pacte vert pour l’Europe et au développement durable.

4.10.

La crise économique et sanitaire causée par l’épidémie de COVID-19 a aggravé les inégalités de richesse et de revenus existantes et montré clairement la nécessité d’un nouveau modèle sociétal qui contribue davantage à la cohésion économique et sociale, à la productivité et à une répartition des richesses plus équitable. Il conviendrait maintenant que la Commission suive de toute urgence les propositions antérieures du CESE qui contribueraient à inverser la tendance à l’accroissement des inégalités, laquelle entraîne une fracture entre les différents États membres et entre les différents groupes sociaux, et a contribué à la montée des mouvements et partis extrémistes. À cette fin, une action décisive de l’Union européenne venant compléter celles des États membres est nécessaire pour stimuler l’investissement dans les infrastructures sociales (éducation et formation tout au long de la vie, santé, soins de longue durée et aide sociale, logement abordable), de sorte que des biens publics venant combler les lacunes des systèmes de marché, de manière à ce qu’une transition peu à peu s’opère, d’une fiscalité reposant sur le travail, à une fiscalité davantage basée sur la fortune; pour mettre en place un mécanisme transparent de suivi et de consolidation des données sur l’ensemble des revenus et des richesses; et pour créer un registre des actionnaires d’entreprise au niveau européen, etc.

4.11.

Dans le contexte de la crise de la COVID-19, la Commission devrait également assurer le suivi des initiatives antérieures visant à renforcer et à promouvoir le rôle de l’Europe en tant qu’acteur économique mondial. Elle devrait approfondir son analyse et proposer des méthodes plus spécifiques pour conforter le rôle international de l’euro, diversifier les chaînes d’approvisionnement, et promouvoir les règles et les normes européennes dans certains secteurs stratégiques, afin de garantir une réponse européenne plus résiliente face aux sanctions extraterritoriales imposées par des pays tiers et de s’orienter progressivement vers une représentation européenne unifiée dans les enceintes financières internationales.

4.12.

La prospérité économique doit être dissociée de la dégradation de l’environnement et de l’épuisement social. Des modèles tels que l’économie circulaire ou l’économie coopérative et collaborative, lorsqu’ils sont correctement réglementés, ouvrent de nouvelles perspectives en matière d’emploi, de propriété et d’innovation et transforment les relations entre les producteurs, les distributeurs et les consommateurs, ce qui permet à tous les acteurs de mieux résister aux crises. Au-delà de la mise en œuvre correcte du nouveau plan d’action en faveur de l’économie circulaire et de la poursuite de l’activité de la Plateforme des acteurs européens de l’économie circulaire de la Commission et du CESE, figurent parmi les principales priorités: la promotion d’une stratégie globale en matière de consommation durable, la définition de nouveaux indicateurs pour remplacer l’utilisation inappropriée du PIB, et l’adaptation du pacte de stabilité et de croissance de l’UE afin de tenir compte de la durabilité et du bien-être.

4.13.

Il faut reconstruire une société reposant sur des services d’intérêt général (SIG) plus solides, qui sont en particulier consacrés à l’article 14 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) relatif aux services d’intérêt économique général, au protocole no 26 sur les SIG annexé au TFUE ou dans le socle européen des droits sociaux, ainsi que sur des services de santé et des services sociaux, des communications électroniques, des transports publics, de l’énergie, de l’eau et de la collecte des déchets, et aussi sur le programme d’investissement d’accompagnement.

4.14.

Les conceptions modernes du développement économique reposent non seulement sur les critères de prospérité, de rentabilité et d’efficacité, mais aussi sur le respect des exigences sociales et environnementales, ainsi que sur l’élimination de tous les types d’externalités négatives et de défaillance du marché. L’une des leçons à tirer de la toute récente crise de la COVID-19, c’est bien que l’économie doit aussi être résiliente et suffisamment forte pour faire face aux chocs à venir. À cette fin, il est vivement recommandé d’éliminer les déséquilibres structurels.

4.15.

L’économie moderne requiert également que le marché dans tous ses segments fonctionne bien, y compris ceux qui ont été créés très récemment (économies virtuelles, partagées, circulaires, numériques). Pour cette raison, il conviendrait également d’assurer un meilleur fonctionnement de l’intermédiation financière, et dans le contexte européen, il s’agirait notamment d’approfondir l’union des marchés des capitaux et de parachever l’union bancaire. Pour favoriser le passage à une économie plus durable, il conviendrait également d’inscrire à l’ordre du jour l’adaptation du système fiscal.

4.16.   Le marché unique

4.16.1.

Le marché unique est au cœur du projet européen. Un marché unique efficace stimule la concurrence, améliore l’efficacité, augmente la qualité et contribue à la baisse des prix. Le marché unique européen est, à coup sûr, l’une des plus grandes réussites de l’Union européenne. Il est donc essentiel de s’interroger sur la manière dont le fonctionnement même du marché intérieur pourrait stimuler ou entraver la reprise économique après la crise sanitaire.

4.16.2.

La cohérence et l’unité du marché unique ont été très largement mises à l’épreuve lors de la récente pandémie de COVID-19. Certains domaines sont apparus au grand jour lorsque le marché unique a été durement touché et paralysé, notamment en ce qui concerne la libre circulation des personnes. La continuité des chaînes d’approvisionnement transfrontières a également subi un impact négatif. Sur une base annuelle, le volume des échanges transfrontières au sein de l’Union a enregistré un recul à deux chiffres. Mais, fondamentalement, ces échanges se sont maintenus, et ils ont survécu. Le défi majeur auquel le marché unique est confronté aujourd’hui, c’est bien de faire en sorte de rétablir tous les flux transfrontaliers naturels au sein de l’Union, et de faire tomber ce qui fait obstacle au marché unique, et notamment les barrières qui ont eu tendance à se redresser dernièrement avec des stratégies et conceptions d’inspiration nationale appliqués après les crises précédentes.

4.16.3.

Il devient possible de promouvoir l’innovation sociale comme modèle de relance par la création conjointe, la co-conception et la coproduction. Dans un contexte social complexe exposé à des défis de société majeurs, l’unique moyen d’agir est de mobiliser l’ensemble des ressources de la société, en travaillant de manière intersectorielle et pluridisciplinaire à la recherche de solutions. La société civile organisée joue un rôle de catalyseur en faveur de l’innovation sociale. Cette dynamique a contribué à la conception des systèmes de protection sociale qui ont permis de mettre en place de nouvelles politiques, de nouvelles structures, de nouveaux produits, de nouveaux services et de nouvelles méthodes de travail. La participation de la société civile est plus que jamais nécessaire, et la véritable innovation sociale ne peut avoir lieu qu’avec son engagement.

4.16.4.

La stratégie pour le marché unique est au cœur du projet européen: elle permet aux personnes, aux services, aux biens et aux capitaux de circuler plus librement tout en ouvrant des perspectives aux entreprises, aux consommateurs et aux travailleurs européens. Des mesures doivent être prises afin de libérer tout son potentiel de suppression des obstacles. En outre, eu égard à la crise et à d’autres aspects d’un environnement en mutation, tels que la numérisation, le marché unique doit s’adapter pleinement aux nouvelles idées et aux nouveaux modèles économiques. L’objectif est donc de restaurer, de revitaliser et de reconstruire le marché unique en tant qu’instrument de relance. À court terme, il y a lieu d’ouvrir sans tarder les frontières. En outre, des mesures à court terme doivent être prises autour de deux axes: la maîtrise des tensions et la relance de l’économie et de la productivité.

4.16.5.

Les conditions de concurrence «inégales» apparaissent aujourd’hui comme un réel sujet d’inquiétude. Les mesures de relance des États membres sont extrêmement variées et ont entraîné (bien qu’elles aient été adoptées dans l’intention d’absorber une partie du choc de la demande) des conditions de concurrence inégales entre les États membres. En outre, il convient d’aborder et d’analyser les aides d’État d’un point de vue sectoriel, en examinant comment ce soutien perturbera, à court et à long termes, la concurrence et les conditions de concurrence équitables.

4.16.6.

Nous avons besoin de productivité dans l’économie réelle (c’est-à-dire des emplois, du pouvoir d’achat et des produits et services de base). Cette productivité peut prendre des formes différentes et être assurée par divers modèles d’entreprise, mais nous devons agir dans ce domaine pour éviter de creuser encore les inégalités. Cette relance doit se traduire par des mesures de soutien et un environnement favorable aux PME et à l’industrie. Les PME, comme chacun sait, constituent l’épine dorsale de l’économie européenne et ont besoin d’un soutien spécifique, mais sans charges ni lourdeurs administratives supplémentaires. La reprise ne sera possible pour les PME qu’avec l’aide financière de l’UE et des États membres. À cet égard, les subventions, les prêts, la garantie de la liquidité, les incitations fiscales, des conditions favorables à la création et au maintien de l’emploi, la révision de la législation en matière de faillite et d’autres formes de soutien seront essentiels. En ce qui concerne les faillites, l’UE devrait prendre des mesures législatives pour permettre aux petites entreprises qui ont déposé le bilan en raison de la COVID-19 de redémarrer rapidement. Ces interventions devraient être limitées dans le temps.

4.17.   Stratégie industrielle

4.17.1.

De façon générale, bien des points précédents valent tout aussi bien pour la stratégie industrielle. L’industrie européenne est toutefois confrontée, non seulement à un défi pour l’amélioration du marché unique, mais aussi à des changements structurels fondamentaux, qui touchent principalement l’industrie houillère et les industries à forte intensité de carbone.

4.17.2.

Le contenu de la nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe consiste à définir une coexistence entre une industrie européenne moderne et forte, et les défis liés aux exigences climatiques. Le CESE est convaincu que cette coexistence est possible et, si elle obtient des résultats, elle pourra apporter à l’Europe un avantage comparatif à l’échelle mondiale. D’autre part, le CESE prend pleinement la mesure des coûts énormes liés à cette transition et de la décision courageuse qu’ils supposent, et il se déclare favorable à l’atténuation et à la compensation de ces coûts, d’une manière appropriée, et dans le respect des possibilités économiques.

4.18.   Systèmes de santé

4.18.1.

Enfin, et surtout, l’un des principaux enseignements de la crise du coronavirus est que les systèmes de santé ont besoin d’être renforcés dans presque tous les pays européens, en insistant avant tout sur la prévention. Partout en Europe, le coronavirus a eu pour effet de mettre à rude épreuve les systèmes de santé. Si la santé relève de la compétence des États membres, il n’en reste pas moins que la propagation du virus ne connaît pas de frontières. Elle touche la totalité de l’Europe, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de nos frontières, avec des conséquences sanitaires, sociales et économiques qui imposent d’adopter des réponses communes au niveau européen.

4.18.2.

La crise du coronavirus a révélé la dépendance de l’UE à l’égard des importations de produits médicaux en provenance de pays tiers. Il sera nécessaire de procéder à des investissements dans les services de protection de la santé, de soins de santé et de soins de longue durée, ainsi que dans les politiques de santé préventive et en matière de santé et de sécurité au travail, dans le cadre d’une approche fondée sur le cycle de vie, avec le soutien des institutions de l’Union.

4.18.3.

La crise du coronavirus fait clairement apparaître que certaines multinationales pharmaceutiques disposent d’un pouvoir considérable. Si l’on veut renforcer l’indépendance de l’industrie pharmaceutique, il convient également de créer un vaste fonds européen de recherche pour le développement de nouveaux médicaments et de vaccins. Les institutions européennes devraient être dotées de l’autorité nécessaire pour coordonner l’approvisionnement, la distribution et le prix des équipements médicaux et de protection essentiels au sein du marché unique.

4.18.4.

Le CESE plaide pour une stratégie dans le domaine des produits chimiques pour garantir la protection de la santé humaine et de l’environnement, tout en limitant autant que possible l’exposition à des produits dangereux. Cette nouvelle stratégie devra être parfaitement cohérente avec le pacte vert pour l’Europe.

4.18.5.

Il est nécessaire de rétablir la confiance des passagers dans les transports, et plus spécifiquement en ce qui concerne les transports publics. Cela passe notamment par un renforcement de la sécurité sanitaire des passagers (par exemple, les systèmes de climatisation, la détection des personnes malades, les mesures de nettoyage et de désinfection, etc.). Dans ce contexte, les droits des passagers doivent être réexaminés et même confortés (en ce qui concerne, par exemple, le remboursement des trajets annulés).

5.   Une Europe plus forte sur la scène internationale

5.1.

L’Union européenne doit renforcer et soutenir sa position à l’échelle mondiale, c’est-à-dire jouer un rôle plus important et plus stratégique dans l’économie mondiale ainsi que sur la scène politique internationale. Sa position s’est affaiblie au cours de la dernière décennie. L’économie européenne dispose du potentiel nécessaire pour mieux exploiter ses avantages comparatifs sur le marché mondial du commerce et de l’investissement, en particulier dans les secteurs de l’industrie manufacturière de pointe et des services innovants, et elle a l’ambition de jouer un rôle de premier plan au niveau mondial. Cet effort devrait s’accompagner d’une représentation plus effective et plus efficace de l’UE au sein des grandes organisations internationales, et il est nécessaire qu’elle parle d’une seule voix. Le CESE invite la Commission européenne à déployer un effort important pour prendre en compte plus spécifiquement, dans son programme de travail pour 2021, la nécessité de renforcer la position de l’UE sur la scène mondiale.

5.2.

L’UE devrait continuer de soutenir une approche multilatérale dans le domaine du commerce. Intégrer des normes sociales, de droit du travail et de développement durable (8) dans les règles de l’OMC et des autres agences connexes des Nations unies pourrait contribuer de manière significative à la construction d’un nouvel ordre économique et commercial équitable et à une mondialisation juste et intelligente. Dans le même temps, elle devrait s’opposer à la volonté de créer de nouvelles barrières et restrictions dans l’économie mondiale.

5.3.

Un enseignement concret à tirer de la crise de la COVID-19 est que l’UE devrait envisager plus attentivement de protéger ses actifs et investissements stratégiques et renforcer la surveillance dans les domaines où il existe un risque de détournement politique d’une opération d’investissement dans un secteur stratégique.

5.4.

À l’issue du Brexit, l’UE ne devrait pas avoir pour seule priorité de renforcer sa cohésion et son unité, mais, le cas échéant, elle ne doit pas oublier de poursuivre le processus d’élargissement qui a été quelque peu retardé ces derniers temps, en dépit de certains progrès, concernant en particulier l’adhésion de quelques pays candidats des Balkans occidentaux. L’élargissement pourrait fortement contribuer à éliminer les incertitudes politiques et économiques qui touchent cette partie de l’Europe, ainsi qu’à accroître sa stabilité.

5.5.

Au cours de la dernière décennie, la situation géopolitique s’est aggravée, et ce constat concerne également les territoires plus proches de la frontière extérieure de l’UE. Afin de soutenir la stabilité et d’améliorer les relations mutuelles des pays concernés avec l’UE, l’initiative d’un partenariat stratégique et d’une politique de voisinage inclusive doit se poursuivre. Il est souhaitable que cette initiative soit à même de réagir avec souplesse aux nouvelles circonstances et qu’elle soit fondée sur un respect mutuel et la reconnaissance des avantages qu’elle apporte aux deux parties.

5.6.

L’évolution de la situation géopolitique, les conséquences de la récente crise migratoire et la détérioration des relations internationales à l’échelle mondiale, avec l’émergence de nombreux phénomènes à risques, ont également modifié le spectre de l’aide au développement et de l’assistance apportées par l’UE. Une augmentation considérable des ressources financières est prévue à cette fin dans le prochain CFP, qui devrait également intégrer le Fonds européen de développement. Le CESE soutient cette activité et souligne la nécessité d’accorder une attention particulière à l’Afrique, afin d’aider ce continent à surmonter une situation politique, économique, sociale et environnementale difficile.

5.7.

Il est nécessaire de relancer le rôle stratégique et géopolitique que peut jouer l’UE dans la promotion des processus de paix mondiaux, afin de réactiver les perspectives de développement économique dans le voisinage de l’Union: les Balkans occidentaux, les pays du partenariat euro-méditerranéen et d’autres zones affectées par des conflits.

6.   Promotion de notre mode de vie européen

6.1.   Les mesures sociales

6.1.1.

Au-delà des questions économiques et environnementales, c’est la dimension sociale qui doit guider le programme de travail de l’UE pour 2021. Cela signifie que son engagement au service d’une Europe sociale et durable est une priorité. Dans ce contexte, les organisations de la société civile jouent également un rôle important. Il devient possible de promouvoir l’innovation sociale comme modèle de relance par la création conjointe, la co-conception et la coproduction. Dans un contexte social complexe exposé à des défis de société majeurs, l’unique moyen d’agir est de mobiliser l’ensemble des ressources de la société, en travaillant de manière intersectorielle et pluridisciplinaire à la recherche de solutions. La société civile organisée est un catalyseur d’innovation sociale.

6.1.2.

Il est nécessaire de développer une compréhension plus large de la «transition juste» (au-delà du charbon) et de mettre pleinement en œuvre le socle européen des droits sociaux, tout en stimulant les réformes des systèmes de redistribution, l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée et l’égalité entre les femmes et les hommes.

6.1.3.

La mise en œuvre du socle européen des droits sociaux au niveau européen et dans tous les États membres constitue une étape importante pour s’engager de manière proactive dans un processus de convergence sociale vers le haut. Les orientations politiques de la Commission ont promis une transition juste pour tous sur la voie d’une économie sociale de marché «verte». Dans ce contexte, la Commission a présenté une feuille de route intitulée «Une Europe sociale forte pour des transitions justes» et lancé un débat d’ici novembre 2020 avec les pays, les régions et les partenaires de l’Union européenne au sujet des engagements concrets pour mettre en œuvre le socle européen des droits sociaux afin de réaliser des progrès aux échelons européen, national, régional et local (9). À partir des contributions reçues, la Commission présentera au début de l’année 2021 un plan d’action en vue de la mise en œuvre du socle des droits sociaux. Des propositions supplémentaires pour 2021 figurent à l’annexe de la feuille de route. Il s’agit notamment d’une garantie pour l’enfance, d’un plan d’action pour l’économie sociale, d’une stratégie en faveur des personnes handicapées et d’une vision à long terme pour les zones rurales (10).

6.1.4.

Dans le contexte de cette feuille de route, la Commission a lancé une première, puis une deuxième phase de consultation des partenaires sociaux au sujet de salaires minimums équitables (11). Le CESE s’attend à une éventuelle initiative législative de la Commission en matière de salaire minimum décent et équitable. L’objectif devrait être de garantir que, dans tous les États membres de l’Union européenne, des salaires minimums permettent aux travailleurs d’avoir un niveau de vie décent. Le CESE se félicite que la Commission reconnaisse l’existence d’un espace d’intervention de l’UE pour promouvoir le rôle de la négociation collective dans la fixation de salaires minimums qui soient adéquats et aient une couverture étendue et estime que l’on devrait intégrer dans son action en la matière des mesures, notamment à l’échelon des secteurs, en faveur de cette négociation (12).

6.1.5.

La complexité de la dimension sociale de l’UE est telle que le renforcement de celle-ci nécessite de disposer de mécanismes de gouvernance qui permettent à différents acteurs dans les divers secteurs de résoudre collectivement des problèmes. Le rôle du dialogue social est capital. Un plan solide de relance sociale implique également un meilleur accès aux syndicats, et une meilleure protection. Il convient de soutenir la négociation collective et la démocratie sur le lieu de travail. L’UE et ses États membres doivent aider les partenaires sociaux à accroître sensiblement le taux de couverture des négociations collectives. Il est nécessaire de renforcer la représentativité et l’autonomie ainsi que les liens entre les niveaux européen et national du dialogue social. En outre, il est nécessaire d’améliorer encore la capacité des partenaires sociaux et leur participation à l’élaboration des politiques, et de garantir un cadre stable et équilibré pour les relations au sein des entreprises. Le CESE estime que la Commission européenne devrait revoir le cadre de qualité de l’Union européenne pour les restructurations et l’anticipation des changements, et proposer une base juridique pour des conditions-cadres spécifiques concernant la participation des travailleurs, sans interférer dans les compétences nationales (13), afin d’améliorer la participation des travailleurs à la gestion des difficultés liées au pacte vert et au processus de transformation numérique.

6.1.6.

Le CESE demande instamment à la Commission de réformer la gouvernance économique de l’Union européenne. Le CESE a la conviction qu’un certain nombre de changements sont nécessaires en matière: a) de gouvernance, c’est-à-dire qu’il est nécessaire de mettre en place des mécanismes de gouvernance spécifiques pour régler les problèmes urgents dans un délai plus court et pour aborder les questions complexes, le rôle de ces mécanismes devant être d’assurer une connexion entre les niveaux européen et national et non de remplacer l’action de l’un ou de l’autre; b) d’intégration des ODD au sein des processus de l’Union en matière de contrôle économique et social et d’établissement du budget. À cet égard, le Semestre européen pourrait être doté d’indicateurs sociaux, économiques et environnementaux nouveaux et améliorés, mesurables et complémentaires afin d’assurer le suivi de tous les aspects du socle européen des droits sociaux et de ses principes, ainsi que des 17 ODD (14).

6.1.7.

Le CESE accueille favorablement l’initiative visant à améliorer, en 2021, les conditions de travail des travailleurs des plateformes. Le CESE déplore toutefois que la communication de la Commission ne traite pas directement de l’enjeu beaucoup plus vaste d’une transition équitable et inclusive (15). Il insiste sur la nécessité d’un plan d’action ambitieux pour encourager les États membres à concrétiser leurs engagements concernant la proclamation du socle européen des droits sociaux (16).

6.1.8.

Il sera crucial de revoir la conception du travail dans la phase de reprise après la crise de la COVID-19. Dans les secteurs, tant privés que publics, de la santé et des soins, la recherche d’une productivité sans cesse croissante a nui à la qualité du service et à l’expérience professionnelle, ce qui a eu des conséquences dramatiques lors de la crise sanitaire dans la plupart des pays de l’UE. Une transition vers les services aboutirait à une économie à plus forte intensité de main-d’œuvre, contrebalançant la précarité des emplois dans ces secteurs, assurant des niveaux d’emploi plus élevés et recréant des emplois dans l’économie réelle. Il est donc primordial de mettre en place des politiques de soutien au travail de qualité dans les secteurs à forte intensité de main-d’œuvre qui fournissent des services de haut niveau.

6.1.9.

Le CESE demeure préoccupé par le fait que la pauvreté en général et la pauvreté au travail constituent toujours un problème majeur dans de nombreux États membres. En plus d’améliorer les niveaux de salaires, il est nécessaire d’adopter une approche globale au niveau de l’UE et des États membres, comprenant notamment des mesures visant à garantir des systèmes de revenu minimum adéquats, des normes minimales communes dans le domaine de l’assurance chômage et des systèmes efficaces d’inclusion active, soutenus par des services sociaux essentiels et émancipateurs. Des marchés du travail performants, des services publics de l’emploi et des politiques actives du marché du travail sont également nécessaires (17).

6.1.10.

Le CESE soutient la stratégie 2020-2025 de la Commission pour l’égalité entre les femmes et les hommes et recommande à la Commission d’adopter des stratégies d’intégration de la dimension de genre dans tous les organes de programmation et de gouvernance, ainsi qu’une approche intersectorielle de l’égalité entre les femmes et les hommes. Cette stratégie devrait être mise en œuvre parallèlement aux mesures visant à lutter contre l’impact de la COVID-19, au moyen de réponses politiques spécifiques et ciblées. Le Comité prend acte de l’intention de la Commission de proposer une initiative législative concernant les mesures contraignantes en matière de transparence salariale. En ce qui concerne la rémunération et les autres disparités entre les sexes, il convient d’accorder une plus grande reconnaissance sociale et une plus grande valeur économique aux emplois et aux secteurs à forte prédominance féminine, qui sont souvent sous-rémunérés sans être estimés à leur juste valeur.

6.1.11.

Il est important de continuer à combattre et à atténuer les conséquences socioéconomiques de la pandémie, qui sont particulièrement graves dans les domaines essentiels que sont les transports, les voyages et le tourisme.

7.2.   Migration et période post-COVID-19

7.2.1.

Avec l’apparition de la pandémie de COVID-19, l’immense tragédie qui s’en est suivie pour les systèmes de santé nationaux et l’effondrement de l’économie dans tous les pays, la problématique migratoire semble avoir disparu des radars et être passée à l’arrière-plan, avec une certaine indifférence de l’opinion publique. Les demandeurs d’asile ne peuvent être abandonnés en raison de la crise actuelle. Les droits de protection de base sont au cœur des valeurs européennes et ne sauraient être balayés d’un revers de main lorsqu’ils sont dérangeants.

7.   Un nouvel élan pour la démocratie européenne

7.1.

L’Union européenne se fonde sur des valeurs européennes communes qui ne sont en aucun cas négociables, à savoir le respect de la dignité humaine et des droits de l’homme, la liberté, la démocratie, l’égalité et l’état de droit. Ces valeurs ne sauraient être oubliées lorsque l’Union et États membres sont confrontés à une situation d’urgence et aux problèmes économiques et sociaux qu’elle peut causer. S’il convient d’apporter à la crise actuelle une réponse rapide, qui justifie certaines mesures exceptionnelles et limitées dans le temps, celles-ci ne sauraient aller à l’encontre de l’état de droit ni mettre en péril la démocratie, la séparation des pouvoirs et les droits fondamentaux des citoyens européens. Le CESE insiste sur le fait que toutes les mesures stratégiques prises à cet égard doivent être pleinement conformes à nos valeurs communes, telles qu’énoncées à l’article 2 du traité sur l’Union européenne.

7.2.

Dans le contexte de ce nouveau processus de relance et de reconstruction, le CESE espère que la prochaine conférence sur l’avenir de l’Europe sera l’occasion de renforcer et d’approfondir la structure institutionnelle de l’Union, et de véritablement renouveler le projet européen, afin que l’UE soit en mesure de relever les défis des prochaines décennies.

7.3.

La crise de la COVID-19 a révélé au grand jour les limites institutionnelles et les lacunes de l’Union européenne actuelle, tout en démontrant l’urgente nécessité de disposer d’une Union efficace et efficiente. Il est nécessaire de créer une nouvelle configuration de l’Union européenne qui aille au-delà du marché unique de l’Union pour conduire à une Europe plus intégrée, dotée d’une véritable capacité budgétaire et dont le principal objectif est d’améliorer les conditions de vie et de travail de ses citoyens. Pour ces raisons, le CESE est d’avis que le processus de la conférence devrait tenir compte des instruments de relance existants de l’Union européenne et de la solidarité qui a déjà été établie, tout en assurant la viabilité écologique, le développement économique, le progrès social, la sécurité et la démocratie. Le CESE souligne qu’en dépit de la pandémie, l’engagement direct des organisations de la société civile, des partenaires sociaux et des représentants élus doit rester une priorité de la conférence et il se réjouit à la perspective d’entamer celle-ci de manière à bâtir une Union plus démocratique, plus efficace et plus résiliente avec tous les citoyens de l’UE. Le CESE est d’avis que la Commission devrait maintenir la conférence ouverte à tous les résultats possibles, y compris à des propositions législatives, en vue de lancer par exemple des modifications des traités.

7.4.

Le CESE est d’avis que la désinformation menace directement non seulement la capacité des citoyens à prendre des décisions politiques en connaissance de cause, mais aussi le projet d’intégration européenne et, partant, l’unité, la prospérité et l’influence de l’Union européenne à l’échelle mondiale. L’affaiblissement des capacités décisionnelles démocratiques de l’Union profite à toute une série de puissances étrangères, ainsi que de groupes extrémistes qui s’opposent à la coopération européenne et au renforcement de la cohésion. Le CESE soutient fermement les efforts actuellement déployés par l’UE pour lutter contre la désinformation, qu’elle soit le fait d’acteurs extérieurs ou européens, et demande instamment à la Commission de veiller au respect intégral du code de bonnes pratiques contre la désinformation et d’assurer une action réglementaire de suivi conforme à celui-ci, de poursuivre le développement du «système d’alerte rapide» et des cellules de renseignement «Stratcom» récemment mis en place, et d’étendre les mesures déployées par le Service européen pour l’action extérieure contre la désinformation, parallèlement à une expansion considérable de l’action de l’UE contre la désinformation au niveau national (18).

7.5.

Le CESE approuve vivement la proposition de la Commission de mettre au point un «plan d’action pour la démocratie européenne», qui devrait être complet, continu et capable de provoquer le changement, grâce à un soutien financier et à une coordination interinstitutionnelle. Le plan d’action pour la démocratie européenne et les futures initiatives connexes devraient inciter à redoubler d’efforts afin de garantir la liberté et le pluralisme des médias et un journalisme indépendant et de qualité, la réglementation efficace des médias sociaux, afin notamment de lutter contre la désinformation et de réglementer la publicité politique en ligne et la responsabilité du contenu, la modernisation du processus électoral, l’inclusion des groupes privés de leurs droits, principalement les personnes handicapées, ainsi que l’éducation civique généralisée à l’Union européenne et son processus démocratique dans l’ensemble des États membres. Le CESE rappelle sa proposition relative à une stratégie européenne ambitieuse de communication, d’éducation et de sensibilisation du public aux droits fondamentaux, à l’état de droit et à la démocratie (19).

7.6.

Des mesures supplémentaires sont nécessaires pour parvenir à avoir des médias libres et pluralistes et un journalisme indépendant de qualité, tout comme une réglementation efficace des médias sociaux, en particulier pour lutter contre la désinformation et notamment pour réglementer la publicité politique en ligne et la responsabilité en matière de contenu.

7.7.   Mieux légiférer et prospective

7.7.1.

Le CESE maintient son appel en faveur d’un programme révisé pour l’amélioration de la réglementation, qui intègre un «contrôle de la durabilité» afin de garantir que l’ensemble de la législation et des politiques de l’Union européenne contribue à la mise en œuvre des ODD.

7.7.2.

Le CESE s’est engagé à contribuer au succès de la nouvelle plateforme «Prêts pour l’avenir» (F4F), qui remplace la plateforme REFIT, et se félicite d’y voir son rôle renforcé sur le plan de la participation, de la représentation et de la contribution. Cette nouvelle plateforme incitera les États membres et les représentants de la société civile à œuvrer à la simplification et à la réduction des charges réglementaires inutiles et à préparer l’Europe aux nouveaux défis à venir, tels que la numérisation. La crise de la COVID-19 a démontré l’importance de concevoir des politiques et de renforcer les capacités de manière à ce qu’elles soient à même de répondre aux incertitudes de l’avenir.

7.7.3.

Le CESE rappelle que l’amélioration de la réglementation ne peut se substituer aux décisions politiques et ne peut en aucun cas conduire à une déréglementation ni avoir pour effet de réduire le niveau de protection sociale, la protection de l’environnement et des consommateurs, et celle des droits fondamentaux. Le CESE invite la Commission à réviser les lignes directrices et les critères de la boîte à outils du «Mieux légiférer», dans le but d’intégrer dans les processus d’évaluation les ODD du programme à l’horizon 2030. Un «contrôle de durabilité» doit être intégré explicitement dans la boîte à outil du «Mieux légiférer». Le CESE renouvelle son appel en faveur d’une poursuite de l’évolution de l’écosystème européen d’analyse d’impact et d’évaluation, afin d’en renforcer la qualité et de favoriser la participation active de la société civile organisée lors de la conception et de la mise en œuvre de la législation (20).

7.7.4.

Le CESE suggère que la Commission combine les consultations publiques (en raison de ses limites) avec des tables rondes ad hoc des parties prenantes concernées, telles que les partenaires sociaux et la société civile organisée, afin de renforcer la démocratie participative.

7.7.5.

La participation des organisations de la société civile à l’analyse d’impact et à la prospective stratégique devrait être renforcée afin de veiller à ce que leur expertise et leurs connaissances du terrain soient prises en compte lors de l’élaboration de la législation et des politiques futures dans le nouveau contexte de l’après COVID-19.

7.7.6.

Les organisations de la société civile sont elles-mêmes les victimes des inégalités et des faiblesses du système. Leur capacité actuelle et future à répondre aux besoins est souvent menacée par la rareté et la nature fluctuante des ressources. Il convient de remédier à cette situation en mettant en place des mécanismes de financement pour ces organisations. Le programme de travail de la Commission pour 2021 qui suivra la crise est une occasion unique de revoir l’engagement de l’UE à l’égard des organisations de la société civile, pour ce qui est de leur apporter un soutien financier plus durable et davantage structurel plutôt qu’un financement par projet.

Bruxelles, le 16 juillet 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Résolution sur l’après-crise de la COVID-19 (JO C 311 du 18.9.2020, p. 1).

(2)  https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?qid=1590732521013&uri=COM:2020:456:FIN

(3)  https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?qid=1590574123338&uri=CELEX%3A52020DC0380.

(4)  NAT/784 — Loi européenne sur le climat (voir page 143 du présent Journal officiel).

(5)  Voir note 4 de bas de page.

(6)  Voir page 124 du présent Journal officiel.

(7)  Avis INT/894 sur le «Livre blanc sur l’intelligence artificielle» (voir page 87 du présent Journal officiel).

(8)  Voir par exemple: https://www.ilo.org/global/standards/lang--fr/index.htm.

(9)  https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/qanda_20_20

(10)  Une Europe sociale forte pour des transitions justes

(11)  https://ec.europa.eu/social/main.jsp?langId=fr&catId=1226&furtherNews=yes&newsId=9696

(12)  Avis SOC/632 sur «Des salaires minimums décents dans toute l’Europe», en cours d’élaboration.

(13)  CCMI/124 — Cadre de qualité de l’Union européenne pour les restructurations et l’anticipation des changements (JO C 19 du 21.1.2015, p. 50).

(14)  https://www.eesc.europa.eu/fr/documents/resolution/european-economic-and-social-committees-contribution-2020-commissions-work-programme-and-beyond

(15)  https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?qid=1600965538199&uri=CELEX:52020DC0102

(16)  INT/897 — Stratégie industrielle (voir page 108 du présent Journal officiel).

(17)  Avis du CESE SOC/632, «Des salaires minimums décents dans toute l’Europe», en cours d’élaboration; avis du CESE SOC/583: https://www.eesc.europa.eu/fr/our-work/opinions-information-reports/opinions/normes-minimales-communes-de-lue-en-matiere-dassurance-chomage-dans-les-etats-membres-une-mesure-concrete-sur-la-voie (JO C 97 du 24.3.2020, p. 32) et avis du CESE sur le thème «Pour une directive-cadre européenne relative à un revenu minimum» (JO C 190 du 5.6.2019, p. 1).

(18)  SOC/630 — Les effets des campagnes sur la participation à la prise de décision politique (JO C 311 du 18.9.2020, p. 26).

(19)  JO C 282 du 20.8.2019, p. 39, et communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen et au Conseil — Poursuivre le renforcement de l’état de droit au sein de l’Union — État des lieux et prochaines étapes envisageables, 3 avril 2019.

(20)  INT/886 — Améliorer la réglementation (JO C 14 du 15.1.2020, p. 72).


AVIS

Comité économique et social européen

553e session plénière hybride des 15 et 16 juillet 2020

28.10.2020   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 364/14


Avis du Comité économique et social européen sur «Promouvoir une union bancaire plus inclusive et durable en permettant aux banques de proximité de mieux contribuer au développement local et à la mise en place d’un système financier international et européen socialement responsable»

(avis d’initiative)

(2020/C 364/02)

Rapporteur:

Giuseppe GUERINI

Décision de l’assemblée plénière

20.2.2020

Base juridique

Article 32 paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section

24.6.2020

Adoption en session plénière

16.7.2020

Session plénière no

553

Résultat du vote (pour/contre/abstentions)

205/6/6

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Les règles qui, ces dernières années, ont été adoptées au niveau international et européen n’ont pas toujours tenu pleinement compte des différents modèles qui contribuent à la diversité du paysage bancaire de l’Europe, en ce sens qu’elles ont produit un lourd impact sur les banques de moindre taille et celles de nature territoriale, qui revêtent souvent une forme coopérative, surtout dans des États membres comme l’Italie et l’Espagne.

1.2.

Dans leur diversité caractéristique du pluralisme et de la biodiversité du système bancaire européen, les différents modèles n’ont pas été touchés de la même manière par les interventions réglementaires effectuées à la suite de la dernière crise financière en date. Dans certains cas, en effet, les banques qui n’avaient contribué que dans une moindre mesure à la crise de 2008 ont ressenti plus gravement que d’autres la pression des normes adoptées pour y répondre.

1.3.

Tout en saluant les progrès que la Commission a effectués dans ses interventions réglementaires les plus récentes pour tenir compte des banques plus petites et moins complexes, le CESE estime utile que la réglementation bancaire soit encore plus taillée en fonction des caractéristiques de ses destinataires, sans renoncer pour autant à l’efficacité des dispositions en matière prudentielle. Dans le même temps, les principes généraux et les objectifs qui sous-tendent les mesures prises depuis la crise financière ne devraient pas être sapés ou compromis, puisqu’ils se sont avérés nécessaires et efficaces. La sécurité, la stabilité et la résilience du système financier revêtent une importance capitale.

1.4.

Le CESE accueille favorablement le report de la mise en œuvre des accords de Bâle III+, tel qu’il vient d’être décidé, et recommande qu’au moment opportun, la nouvelle réglementation sur les exigences de fonds propres soit transposée d’une manière qui tienne dûment compte de la diversité des modèles d’activité bancaire qui existent en Europe et de la contribution qu’ils apportent à la diversification et la résilience de l’union bancaire.

1.5.

Le CESE souhaite en particulier que soit mis en valeur le rôle spécifique qui, sur le terrain, est assumé vis-à-vis des PME et des ménages par les banques locales et régionales et celles de proximité, lesquelles, dans certains pays comme l’Italie et l’Espagne, sont souvent structurées sous une forme coopérative et représentent parfois la source principale, voire l’unique canal d’accès au crédit pour des milliers de citoyens et d’entreprises en Europe.

1.6.

Par ailleurs, le CESE demande que l’on apprécie à sa juste valeur la contribution que les banques coopératives de plus grande taille, comme celles d’Allemagne, d’Autriche, des Pays-Bas et de France, apportent au système bancaire européen. Dans les cas où elles contribuent au risque systémique, il convient d’en tenir compte en conséquence dans la réglementation et la supervision.

1.7.

Il convient en outre de rappeler la fonction importante qu’elles assument pour faire vivre la démocratie économique, en favorisant la participation de leurs parties prenantes respectives, qui ne sont pas de simples actionnaires ou clients, mais des partenaires ayant la possibilité de définir, sur la base d’un vote par tête, les orientations de leur gouvernance, lesquelles visent effectivement à créer de la valeur pour lesdites parties prenantes, plutôt que pour les actionnaires.

1.8.

Le CESE estime que les banques européennes, dont celles d’implantation locale ou régionale ou de type coopératif, joueront un rôle essentiel pour soutenir l’économie et l’emploi lors de la relance de l’activité après la crise provoquée par la COVID-19.

1.9.

L’existence d’un système bancaire diversifié, ouvert à la participation d’un large éventail d’intervenants représentatifs d’intérêts et enraciné dans les territoires et les communautés locales offre également une garantie pour assurer la pérennité d’une responsabilité sociale qui soit partagée entre les citoyens, les PME et les différents acteurs économiques et s’investisse avec force dans l’économie réelle.

2.   Observations générales

2.1.

Le présent avis d’initiative a pour raison d’être d’apporter la contribution du CESE à un projet d’union bancaire propre à servir les objectifs de développement durable et d’inclusion sociale qui sont nécessaires pour assurer la compétitivité future de l’Union européenne dans un contexte où les défis qui se posent au niveau mondial sont légion. À cet égard, le CESE souhaite faire part des intérêts de la société civile dans la mise en place d’une union bancaire inclusive, diversifiée et durable.

2.2.

Cet apport du Comité s’inscrit dans la foulée de toute une série d’avis qu’il a adoptés par ailleurs sur le rôle des banques locales et coopératives (1), et il apparaît maintenant plus nécessaire que jamais, dans le nouveau contexte créé à l’échelle mondiale par la crise sanitaire, humanitaire, économique, sociale et de l’emploi qu’a provoquée la flambée de la COVID-19.

2.3.

Au fil des ans, la réglementation qui gouverne les banques au niveau européen est devenue toujours plus volumineuse et s’est faite de plus en plus rigoureuse, sans que l’on ait toujours réussi ni à tenir compte de la diversité de leurs modèles, qui contribue à la diversité du paysage bancaire européen, ni à développer des règles qui soient proportionnées et adaptées au cas des établissements de taille plus réduite et d’envergure locale ou régionale.

2.4.

L’argumentation développée ci-après porte au premier chef sur les banques de proximité, qui sont souvent de petite taille et présentent une structure de gestion simplifiée. Elle se réfère également aux établissements bancaires coopératifs, dans toute la palette de modèles et de dimensions sous lesquels ils peuvent se rencontrer en Europe. Dans des pays comme l’Italie ou l’Espagne, en effet, leur ampleur est réduite, leur nombre élevé et leur portée exclusivement locale. Dans d’autres pays comme l’Allemagne, l’Autriche ou les Pays-Bas, ils sont des acteurs importants mais, dans la mesure où ils fonctionnent comme des coopératives, ils partagent avec les autres banques coopératives cette caractéristique fondamentale qui est de viser à créer une «valeur pour les parties prenantes», plutôt qu’à en créer prioritairement «pour l’actionnaire». Lorsqu’elles sont organisées en groupe bancaire coté sur le marché boursier, les banques coopératives sont tenues de partager plusieurs caractéristiques avec les autres sociétés cotées.

2.5.

Quand on aborde la question de la réglementation bancaire, il est nécessaire de déployer un double effort, d’une part de mémoire, y compris de mémoire critique, concernant les événements sous l’effet desquels le cadre réglementaire européen a pris sa physionomie actuelle et, d’autre part, de vision prospective et lucide sur les buts auxquels on entend parvenir pour l’avenir.

2.6.

Pour ce qui est de se remémorer le passé, il convient de rappeler que l’encadrement en vigueur aujourd’hui constitue, dans une large mesure, une réponse à la crise de 2008. L’intention du législateur européen a été de remodeler les règles afin de remédier aux lacunes qu’elle avait mises en évidence mais aussi, et surtout, pour que les banques soient mieux armées et plus solides dans le cas où il s’en produirait d’autres dans le futur.

2.7.

Si les finalités des réformes qui avaient alors été effectuées étaient louables, et le sont restées, il est tout aussi indubitable que leurs impacts et leurs retombées sur les différents segments du système bancaire se sont avérés asymétriques, du fait de l’approche que le régulateur bancaire avait adoptée.

2.8.

Dans leur diversité, caractéristique du pluralisme et de la biodiversité du système bancaire européen, les différents modèles n’ont pas été touchés de la même manière par les interventions réformatrices qui ont été effectuées. Dans certains cas, en effet, les modèles d’activité qui avaient moins contribué à la crise de 2018, comme celui des banques locales, dont la taille est souvent petite ou moyenne et qui se présentent dans plusieurs États sous une forme coopérative, ont ressenti plus durement que les autres le poids de cette réglementation.

2.9.

C’est notamment parce que cette législation est devenue toujours plus difficile à observer, à plusieurs égards, qu’elle a fait progressivement pression sur les banques locales petites ou moyennes pour qu’elles se fédèrent en groupes plus grands ou qu’elles fusionnent, sous peine d’être évincées du marché, et qu’elle a provoqué ainsi une perte de biodiversité au sein du système bancaire européen.

3.   Banques locales et régionales et réglementation bancaire: observations générales

3.1.

Ce sont les petites banques et celles de taille moyenne, essentiellement de type coopératif, d’étendue locale ou régionale et à finalités mutualistes, qui ont été pénalisées par les diverses réglementations édictées ces dernières années pour mettre en œuvre les accords internationaux et la législation européenne, et ce, pour trois raisons:

a.

pour se mettre en conformité avec une réglementation ample, complexe, très fouillée et en évolution permanente, il est nécessaire d’engager des frais importants;

b.

on n’a guère conscience qu’en ce qui concerne le niveau de risque, les banques locales n’ont pas la même importance systémique que les autres;

c.

les grands établissements systémiques bénéficient d’un avantage pour ce qui est des coûts de financement.

3.2.

Pour ces motifs, il est opportun, de l’avis du CESE, que le législateur entreprenne d’urgence d’accroître la proportionnalité structurelle des règles bancaires et leur adéquation par rapport aux caractéristiques de leurs destinataires, dans un triple objectif:

a.

réduire les distorsions de concurrence artificielles induites par des règles non proportionnées ou inappropriées au regard des spécificités des entités destinataires, dont les finalités entrepreneuriales qui les distinguent;

b.

préserver un secteur bancaire européen diversifié et, partant, plus résistant face à de futures nouvelles crises financières et économiques;

c.

encourager, plutôt que restreindre, le soutien octroyé sous la forme de crédits aux petites et moyennes entreprises, lesquelles constituent un secteur clé de l’économie européenne.

3.3.

Le CESE est favorable au report de la mise en œuvre des accords de Bâle III+, tel qu’il vient d’être décidé, et recommande qu’au moment opportun, ils soient intégrés dans la législation de l’Union d’une manière qui tienne dûment compte de la diversité des modèles d’activité bancaire qui existent en Europe.

3.4.

Dans la perspective du processus qui transposera les nouvelles prescriptions des accords de Bâle, le CESE juge utile de rappeler, en leur exprimant son soutien, les sept principes que le comité scientifique consultatif du Comité européen du risque systémique (CERS) a énoncés en juin 2019 et qui ont été élaborés avant le lancement définitif de l’évaluation consultative dudit CERS (2), à savoir:

a.

adaptabilité : la réglementation financière doit pouvoir évoluer avec le système financier et non devenir un obstacle à l’innovation. Cet impératif implique notamment de ne pas créer de barrières matérielles à l’entrée de nouveaux établissements bancaires et de ne décourager ni l’apparition de modèles commerciaux novateurs, ni la préservation de modèles bancaires substitutifs qui se sont dégagés au cours de l’histoire, comme celui de type coopératif;

b.

diversité : il conviendrait de préserver la diversité des institutions financières et des pratiques commerciales, dans la mesure où elle offre une garantie opérante contre l’instabilité systémique. Il y a lieu d’éviter une homogénéisation excessive des activités et des entités réglementées: la capacité à développer des «anticorps» et des formes diversifiées de réaction ou de résilience face aux cycles économiques négatifs, par exemple, accroît la stabilité générale de l’industrie financière et, plus largement, de l’économie;

c.

proportionnalité : la charge de la réglementation devrait être fonction de l’ampleur du dysfonctionnement du marché qu’il est nécessaire de corriger et de l’importance systémique des entités auxquelles s’adresse la réglementation;

d.

résolvabilité : il conviendrait que le règlement donne aux établissements qui ne sont pas viables sur le plan économique la possibilité de quitter le système sans en compromettre la stabilité d’ensemble. Il convient toutefois d’adopter des politiques qui tiennent compte de la structure et de la complexité internes des établissements concernés;

e.

perspective systémique : la réglementation financière devrait viser à assurer la fourniture continue de services financiers essentiels à la société. Un système réglementaire qui favorise la concentration des activités dans un nombre limité d’établissements financiers peut présenter une vulnérabilité accrue, car il sera tributaire de la survie de ces quelques entités;

f.

disponibilité des informations : il convient que les flux d’information des banques à destination des autorités de régulation, tels qu’ils sont prévus par la législation sectorielle, donnent la possibilité de repérer rapidement les canaux de contagion et les poches de vulnérabilité;

g.

prescriptions de nature non réglementaire : l’existence de prescriptions de nature réglementaire ne devrait pas avoir pour corollaire d’écarter des démarches qui se sont développées en dehors du champ de la réglementation au sens strict.

4.   Quelques propositions concrètes pour la transposition des nouvelles règles dans le corpus réglementaire de l’union bancaire

4.1.

Pour la législature européenne 2019-2024, il est permis de supposer que la Commission européenne procédera, à la suite de l’épidémie de COVID-19, à une révision de son programme d’action en matière législative. En attendant d’avoir connaissance de cette nouvelle programmation, le CESE recense ci-après les principaux objectifs d’adaptation du système bancaire européen pour lesquels il importe d’intervenir.

4.2.

Il est nécessaire que l’Union transpose les accords de Bâle conclus en décembre 2017, en exploitant davantage qu’elle ne l’a fait pour ceux de Bâle II et III les marges d’interprétation et d’appréciation discrétionnaire qu’ils accordent. D’une manière générale, il est légitime de reconnaître que dans quelques domaines, comme les exigences concernant la communication, la surveillance et les fonds propres (facteur supplétif pour les PME), la Commission européenne a posé des jalons dans la bonne direction pour simplifier les règles relatives aux établissements bancaires de petite taille et non complexes. Il s’impose toutefois d’aller plus loin dans cette voie, en adaptant les règles, autant que faire se peut, à la diversité des modèles d’activité, sans porter atteinte pour autant à l’efficacité de la réglementation prudentielle.

4.3.

Le CESE reconnaît en particulier le rôle spécifique que jouent vis-à-vis des PME et des ménages les banques locales et régionales et celles de proximité, qui, dans certains pays comme l’Italie et l’Espagne, se présentent souvent sous une forme coopérative. Le CESE reconnaît également la contribution que les banques coopératives de plus grande taille, telles celles d’Allemagne, d’Autriche et des Pays-Bas, apportent au système bancaire européen. Dans les cas où elles contribuent au risque systémique, il convient d’en tenir compte en conséquence dans la réglementation et la supervision.

4.4.

Dans le but de faire droit aux formes de proportionnalité instaurées en 2019 dans le «train de mesures bancaires» par la directive (CRD5) et le règlement (CRR2) relatifs aux exigences de fonds propres, il serait bénéfique, pour le tissu économique et bancaire de l’Europe, de s’employer à dépasser l’équivalence, posée par l’article 40 du règlement (UE) no 468/2014 de la Banque centrale européenne (3), selon laquelle les banques qui font partie d’un groupe bancaire «important» deviennent elles-mêmes «importantes» du point de vue de la surveillance prudentielle, alors même que de par leurs dimensions, leur rôle et leur exposition aux risques dits «systémiques», leur portée reste relativement modeste. L’article 84, paragraphe 4, de la CRD5 et l’article 4, paragraphe 1, point 145), du CRR2 introduisent la notion d’«établissement de petite taille et non complexe», avec pour effet de réduire certaines exigences en ce qui les concerne, notamment pour ce qui est des obligations d’information.

4.5.

Le CESE estime que cette notion d’«établissement de petite taille et non complexe» donne la possibilité d’aborder la question de la proportionnalité de manière systématique. Pour un tel établissement, la simplification des obligations ne devrait pas concerner que les exigences en matière d’information mais couvrir également d’autres enjeux dans le domaine prudentiel et celui de la supervision. Par exemple, un établissement de petite taille et non complexe ne devrait pas être supervisé en tant qu’entité «importante» quand il est affilié à un groupe «important» pour lequel une telle supervision est requise par le droit national. Une telle situation pourrait en réalité déboucher sur une forme de double supervision des banques de moindre taille, réalisée à différents niveaux, avec un impact négatif important en termes de coûts de mise en conformité pour les banques et de coûts réglementaires pour les autorités bancaires.

4.6.

Le CESE souhaite également que l’on soumette à pareille révision les règles et mécanismes qui gouvernent la résolution et la liquidation des banques, les modalités de calcul de l’exigence minimale de fonds propres et d’engagements éligibles (MREL) (4) et les interventions qui peuvent être effectuées à titre substitutif par des «fonds de garantie pour les déposants» (5), que certains groupements de banques locales ou régionales ont mis sur pied conformément aux dispositions de l’«arrêt Tercas», rendu le 19 mars 2019 par la Cour de justice de l’Union européenne (6).

4.7.

Il s’impose que les nouveaux textes de législation primaire, tels que la réglementation de contrôle en matière de finance durable, n’en arrivent pas à alourdir encore les frais à engager pour se conformer aux règles et ne débouchent ainsi sur des modèles de surveillance que les banques de petite taille ou sous statut juridique de coopératives seront incapables de supporter.

4.8.

Le CESE soutient les propositions que la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen a formulées en 2019, concernant la possibilité d’introduire un facteur supplétif d’ordre écologique et social afin de réduire l’absorption de fonds propres des banques lorsqu’elles fournissent des financements à des entreprises de l’économie sociale et à celles qui participent véritablement à des programmes de développement durable et inclusif. Compte tenu de la nécessité de renforcer la résilience et la stabilité du secteur financier, il convient d’examiner et d’évaluer correctement la possibilité de mettre en place un facteur supplétif d’ordre écologique et social.

4.9.

En effet, le Comité juge important que la nouvelle réglementation de l’union bancaire fournisse des outils concrets pour reconnaître qu’il y a lieu d’encourager, y compris par un traitement privilégié du point de vue des provisionnements prudentiels requis par l’Autorité bancaire européenne (ABE), les investissements que les banques réalisent dans des activités dont l’incidence sociale et environnementale est positive.

4.10.

À l’appui de ce discernement dont la réglementation devrait faire preuve, on peut également alléguer les données qui montrent que les investissements réalisés par les entreprises de l’économie sociale présentent un degré de risque moins élevé que les autres et que du point de vue des prêts non performants, leur impact sur le système bancaire européen a été quasi négligeable.

4.11.

Au printemps de 2019, les colégislateurs sont parvenus à un compromis qui, au titre de l’article 501, paragraphe 4, du règlement (UE) no 575/2013 du Parlement européen et du Conseil (7) sur les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement, confie à l’Autorité bancaire européenne (ABE) la mission d’évaluer, après consultation du Comité européen du risque systémique (CERS) et sur la base des données disponibles et des conclusions du groupe d’experts de haut niveau de la Commission sur la finance durable, s’il se justifie de prévoir un traitement prudentiel spécifique pour les expositions au risque qui sont liées à des activités étroitement associées à des objectifs environnementaux ou sociaux. Le CESE espère que cette évaluation s’effectuera de manière scrupuleuse et positive.

5.   Groupes bancaires et surveillance

5.1.

En ce qui concerne la constitution, demandée par la réglementation européenne, de groupes bancaires coopératifs dans lesquels les banques de proximité ou d’implantation locale ou régionale se rassemblent, notamment dans certains pays comme l’Italie et l’Espagne, afin que leurs activités atteignent une masse critique, il conviendra que les établissements bancaires à implantation territoriale puissent gérer de manière appropriée l’inscription dans leurs fonds propres de leurs participations en capital dans ces structures faîtières, afin de ne pas faire peser une pression excessive sur leurs fonds destinés à l’octroi de crédits.

5.2.

Actuellement, le cadre juridique prévu par la législation européenne sur les groupes bancaires est régi par trois articles du règlement sur les exigences de fonds propres (CRR), à savoir:

a.

l’article 10, pour les groupes bancaires constitués de banques affiliées de façon permanente à un organisme central qui les surveille, assure une garantie croisée et dispose de pouvoirs d’injonction et de coordination (Italie, Pays-Bas, Finlande, Portugal et Luxembourg);

b.

l’article 113, paragraphe 6, pour les groupes où les pouvoirs d’injonction et de coordination sont exercés au niveau de la direction de l’entité faîtière, ou pour les systèmes fortement intégrés (France);

c.

l’article 113, paragraphe 7, pour les régimes à système de protection institutionnel (SPI), dans le cas de l’Allemagne, de l’Autriche, de l’Espagne et de la province italienne de Bolzano.

5.3.

Dans les faits, ces trois types d’établissements sont incapables de faire droit à certains traits spécifiques qui caractérisent et différencient des autres le mode de fonctionnement des banques coopératives, lesquelles se sont trouvées contraintes, à la suite de la mise en place de l’union bancaire, d’adhérer à des groupes bancaires coopératifs ou à des systèmes de protection institutionnels.

5.4.

Dans le cas des banques coopératives, le cadre réglementaire actuel n’est conciliable ni avec leur obligation de respecter des règles mutualistes et de se déployer dans un champ d’activité limité à leur région d’implantation, ni avec leur gouvernance démocratique, leur absence de finalité lucrative propre, les limites strictes qui leur sont assignées pour la distribution de bénéfices, ou encore l’impartageabilité de leurs réserves.

5.5.

Cette incompatibilité risque d’affaiblir l’efficacité qu’elles ont démontrée de longue date dans un rôle de banques de développement territorial, exerçant une fonction anticyclique bien établie.

6.   Le cadre de l’après-COVID-19

6.1.

Les effets de la pandémie de COVID-19 sont désormais très visibles. Nous devrons nous habituer à vivre avec un montant nettement plus élevé de dette publique et, pour que les ressources parviennent là où elles sont nécessaires et dans les délais voulus, il faudra mobiliser l’ensemble du système financier dans le cadre d’un effort général commun associant les pouvoirs publics et les acteurs privés.

6.2.

Compte tenu des conséquences de la COVID-19, il a été observé par des personnes autorisées que les établissements bancaires européens devront devenir les «vecteurs des interventions publiques» destinées à soutenir l’économie et l’emploi à l’issue de l’urgence sanitaire. En conséquence, «les textes législatifs et les règles en matière de garanties ne devront, d’aucune manière, constituer un obstacle quand il s’agira d’ouvrir les perspectives voulues à cette fin dans les bilans bancaires» (8).

6.3.

Bien qu’il ne soit pas encore possible de déterminer de quelle manière la crise de la COVID-19 évoluera en ce qui concerne l’économie, ni quel sera son impact final sur les banques, il convient, au vu du cadre actuel et futur, de formuler quelques réflexions.

a.

D’un point de vue réglementaire, le principal objectif affiché après la crise financière de 2008 était de réduire les risques présents dans les bilans bancaires. Toutefois, après l’épidémie de COVID-19 et pour une période dont personne n’est encore capable d’estimer la durée, lesdits bilans vont s’alourdir des risques mêmes des États et de l’économie réelle.

b.

Le mécanisme de surveillance unique (MSU), l’Autorité bancaire européenne (ABE) et l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) ont adopté, dans le cadre des marges de flexibilité que leur accorde le dispositif réglementaire actuel, une série de mesures pour suspendre certaines obligations ou alléger diverses exigences prudentielles.

c.

À l’avenir, si les effets économiques et financiers de la crise marquent encore les bilans bancaires d’une empreinte significative, il s’imposera d’en tenir compte lors de la mise en œuvre dans l’Union des accords de Bâle de décembre 2017.

d.

Afin que les banques puissent faire face aux conséquences de la pandémie, il est sans aucun doute opportun et nécessaire de surseoir au lancement de l’exécution desdits accords conclus en décembre 2017 par le comité de Bâle, et ce, que ce soit pour prendre en considération les effets de la crise de la COVID-19 sur la situation financière des établissements bancaires ou pour mieux tenir compte de la diversité du paysage bancaire en Europe.

Bruxelles, le 16 juillet 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Le CESE s’est déjà prononcé à plusieurs reprises sur l’union bancaire, dans différents avis, comme celui sur «Le rôle des coopératives de crédit et des caisses d’épargne pour la cohésion territoriale», dont les recommandations n’ont toutefois pas reçu de suite. En 2014, concernant la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à des mesures structurelles améliorant la résilience des établissements de crédit de l’UE» [COM(2014) 43 final — 2014/0020 (COD)], le CESE avait émis des recommandations concernant le soutien aux économies locales et la nécessité d’une réglementation bancaire qui respecte le principe de proportionnalité. En 2018, il a publié une étude intitulée Europe’s cooperative banking models («Modèles de banques coopératives européennes», ISBN: 978-92-830-4024-8, numéro de catalogue: QE-01-18-233-EN-N) qui décrit la situation et les perspectives du système bancaire coopératif dans le contexte européen.

(2)  Rapports du comité scientifique consultatif — Regulatory Complexity and the Quest for Robust Regulation (Complexité réglementaire et recherche d’une réglementation solide), no 8, juin 2019.

(3)  JO L 141 du 14.5.2014, p. 1.

(4)  L’exigence minimale de fonds propres et d’engagements éligibles (MREL) constitue une condition qui a été établie par la directive européenne relative au redressement des banques et à la résolution de leurs défaillances (DRRB) et a pour objectif d’assurer le bon fonctionnement du mécanisme de renflouement interne, en augmentant la capacité des banques à absorber des pertes.

(5)  Comme exemple d’un tel fonds, on peut citer le mécanisme de protection des déposants qui, créé par les Banques coopératives italiennes associées (BCC-CR), illustre bien la manière dont il est possible d’établir un dispositif destiné à protéger les épargnants qui soit totalement autofinancé, grâce aux ressources propres des banques concernées, et repose sur un schéma de nature mutualiste et coopérative. Ce fonds intervient dans les cas suivants: la liquidation administrative forcée des banques associées, laquelle, lorsqu’elle concerne une succursale d’un établissement de crédit coopératif de l’Union qui adhère au dispositif et opère en Italie, s’effectue après que soit intervenu le système de garantie de l’État membre auquel il se rattache, la résolution de banques associées, les opérations de cessions d’activités, de passifs, d’entreprises, de branches d’activité, de biens et de relations de droit qui sont identifiables en bloc et, enfin, les situations où il est nécessaire de gérer la défaillance, ou le risque de défaillance, d’une des parties associées.

(6)  Cet arrêt annule de facto la décision de la Commission qui considère comme constitutive d’une «aide d’État» l’intervention d’un consortium de droit privé en faveur d’un de ses membres.

(7)  JO L 176 du 27.6.2013, p. 1.

(8)  Voir, par exemple, les arguments de l’ancien président de la BCE, Mario Draghi, dans le Financial Times du 26 mars 2020.


28.10.2020   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 364/21


Avis du Comité économique et social européen sur «Mécanismes fiscaux pour réduire les émissions de CO2»

(avis d’initiative)

(2020/C 364/03)

Rapporteur:

Krister ANDERSSON

Décision de l’assemblée plénière

20.2.2020

Base juridique

Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section

24.6.2020

Adoption en session plénière

16.7.2020

Session plénière no

553

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

209/1/6

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) estime qu’il existe des raisons fondées de mettre en place des règles uniformes au sein de l’Union européenne pour lutter contre le réchauffement de la planète et, sur cette base, d’engager des discussions au niveau international avec d’autres blocs commerciaux.

1.2.

Les discussions menées jusqu’à présent ont principalement porté sur les réglementations et les taxes environnementales, en particulier les taxes visant à réduire les émissions. Le CESE fait valoir qu’il est nécessaire de lutter contre le réchauffement planétaire de manière globale et symétrique, en tenant compte du niveau de CO2 présent dans l’atmosphère.

1.3.

Lors de ses travaux sur la réduction des émissions de carbone, la Commission a concentré son attention sur le système d’échange de quotas d’émission. Le CESE estime qu’à l’avenir, il pourrait être utile, voire nécessaire, d’élaborer également de nouvelles mesures fiscales susceptibles de compléter le SEQE actuel et les taxes nationales sur le carbone, en vue de créer un cadre d’action efficace et symétrique pour remédier à l’augmentation des émissions de CO2.

1.4.

Le CESE salue l’approche de la Commission, qui lui semble être une avancée positive dans l’établissement d’une tarification plus efficace du carbone dans l’ensemble de l’économie. Il conviendrait de coordonner cet outil avec d’autres instruments supplémentaires, notamment une nouvelle approche en matière de fiscalité, au sein du marché intérieur de l’Union dans un cadre politique cohérent, ainsi qu’avec d’autres outils similaires mis en place dans d’autres juridictions à travers le monde.

1.5.

Le CESE encourage la Commission européenne à entreprendre des initiatives concrètes pour établir des taxes carbone similaires dans les différents États membres afin d’harmoniser les efforts consentis pour réduire de manière effective le niveau de CO2. Dans l’idéal, le résultat devrait être la création de conditions uniformes sur l’ensemble du marché unique de l’Union s’agissant des taxes à appliquer aux émissions et/ou aux réductions, ainsi que des méthodes et des taux d’imposition spécifiques pour que l’impact soit le même sur le niveau de CO2 dans l’atmosphère.

1.6.

Le CESE est d’avis que, même avec la mise en œuvre de nouvelles taxes et de mesures supplémentaires, le réchauffement de la planète risque de se poursuivre, à moins que l’on ne puisse retirer de l’atmosphère le CO2 déjà émis.

1.7.

Le CESE encourage à réaliser des investissements spécifiques pour développer les technologies de captage et de stockage du carbone (CSC) et de captage et d’utilisation du carbone (CUC), au niveau européen comme national, dans la mesure où celles-ci contribuent à l’objectif consistant à réduire l’impact des émissions de CO2 et, plus généralement, aux objectifs de développement durable promus par les Nations unies, ainsi qu’aux objectifs définis dans l’accord de Paris sur le changement climatique.

1.8.

Les États membres devraient notamment adopter une politique fiscale globale et symétrique en matière d’environnement concernant l’incidence du CO2 sur le réchauffement planétaire. Il est nécessaire d’instaurer des taxes à des taux tant positifs que négatifs. Les recettes tirées des taxes sur le carbone devraient être utilisées pour financer des mesures d’incitation en faveur des techniques de réduction du niveau de CO2 aux échelons local, régional et national.

1.9.

Le CESE attire l’attention sur d’autres instruments d’action permettant de réduire les émissions de carbone. Ceux-ci vont des nouvelles technologies aux pratiques de gestion des terres, qu’il faut encourager et soutenir tant au niveau de l’Union qu’à l’échelon national. En tout premier lieu, les forêts éliminent naturellement le dioxyde de carbone, et les arbres, grâce à la photosynthèse, sont particulièrement efficaces pour stocker le carbone absorbé dans l’atmosphère. L’expansion, la restauration et la gestion correcte des forêts peuvent permettre d’optimiser la capacité de photosynthèse afin d’éliminer le CO2.

1.10.

Si la vente de produits forestiers est imposable à titre de revenu pour le propriétaire, il y a lieu de reconnaître que la plantation d’arbres et la croissance des forêts contribuent à réduire les émissions de CO2 dans l’atmosphère et devraient donc, selon une approche fiscale symétrique à l’égard du réchauffement planétaire, être encouragées par un impôt négatif sur le CO2. Il s’agirait d’une mesure importante pour atteindre les objectifs en matière de climat.

1.11.

Le CESE tient à souligner qu’il est primordial de mettre en œuvre des mesures efficaces d’une manière qui soit socialement acceptable pour tous.

2.   Observations générales

2.1.

Le réchauffement planétaire est source de préoccupation pour tous et les gouvernements sont à la recherche de méthodes efficaces pour limiter la hausse de la température du globe. Plusieurs facteurs sont en cause dans ce phénomène, mais les émissions de dioxyde de carbone (CO2) y jouent un rôle particulièrement important.

2.2.

Le CO2 est le gaz à effet de serre le plus produit par les activités humaines et est ainsi responsable à 64 % du réchauffement de la planète provoqué par l’homme (1). La concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère a enregistré une augmentation considérable depuis plusieurs décennies et est actuellement 40 % plus élevée qu’elle ne l’était au début de l’industrialisation.

2.3.

La température moyenne de la surface de la Terre a augmenté de 0,9 oC depuis la fin du XIXe siècle (2). Cette évolution est due à la hausse des rejets dans l’atmosphère de dioxyde de carbone et d’autres émissions causées par l’homme, qui seraient, selon de nombreux chercheurs, responsables de l’augmentation globale de la température planétaire.

2.4.

Les activités humaines modifient le cycle du carbone à la fois en rejetant davantage de CO2 dans l’atmosphère, ce qui joue sur la capacité des puits naturels, comme les forêts, à éliminer le CO2 présent dans l’atmosphère, et en affectant la capacité des sols à stocker le carbone. La principale activité humaine génératrice de CO2 est la combustion de combustibles fossiles (charbon, gaz naturel et pétrole) dans les secteurs de l’énergie et des transports, suivie de certains procédés industriels et pratiques d’utilisation des sols.

2.5.

Responsable de 53 % des émissions mondiales, l’Asie est à l’heure actuelle le plus grand émetteur régional au monde, la Chine étant à l’origine de 10 milliards de tonnes (soit plus d’un quart du total mondial), tandis que l’Amérique du Nord est le deuxième plus grand émetteur (18 % des émissions mondiales), suivie de près par l’Europe (17 %) (3).

2.6.

L’opinion publique et la société civile, de même que les partis politiques au niveau européen comme à l’échelon national, prennent peu à peu conscience de l’incidence des émissions de CO2 sur la température de la Terre et le changement climatique.

2.7.

À son tour, la Commission européenne a hissé le développement d’initiatives concrètes pour lutter contre le changement climatique au rang des priorités absolues de son programme politique, à l’exemple du pacte vert pour l’Europe (4), avant d’être contrainte de se focaliser sur la situation d’urgence liée à la COVID-19 durant les premiers mois de 2020.

2.8.

Le pacte vert pour l’Europe (5) est une pierre angulaire du nouveau programme politique de la Commission européenne. Il vise à répondre efficacement aux actuels défis en matière d’environnement et constitue une stratégie de croissance dans l’objectif de parvenir, au sein de l’Union, à des émissions nettes de gaz à effet de serre nulles à l’horizon 2050.

2.9.

Le pacte vert pour l’Europe couvre les principaux secteurs de l’économie européenne, notamment les transports, l’énergie, l’agriculture et la construction, ainsi que certaines industries spécifiques comme celles de l’acier, du ciment, des TIC, du textile et des produits chimiques. La Commission travaille actuellement à l’élaboration de la première «loi européenne sur le climat» et s’attache à établir des stratégies et des investissements supplémentaires spécifiques en vue de favoriser une croissance économique respectueuse de l’environnement. Le Fonds pour une transition juste est important, mais il pourrait nécessiter davantage de ressources (6).

3.   Instruments d’action pouvant être utilisés pour réduire les émissions de CO2  (7)

3.1.

Nombreuses sont les activités qui peuvent entraîner une pollution dommageable aux autres acteurs de l’économie. Au moment de décider d’entreprendre une activité, il se peut que ces effets ne soient pas pris en compte. L’exercice d’une activité a alors lieu sans considération des externalités qui en découlent, c’est-à-dire sans tenir compte du coût social réel de l’activité en question. Il importe, lors de la prise de décisions, d’intégrer le coût social de la pollution. À cette fin, il est possible d’imposer une taxe sur l’activité concernée. L’externalité sera alors internalisée dans la décision et la pollution diminuera en fonction des coûts qu’elle engendre.

3.2.

Cependant, une activité peut aussi entraîner une réduction des niveaux globaux de pollution, créant alors une externalité positive. Il convient d’encourager ces activités afin qu’elles prennent un tel essor que les bénéfices soient entièrement compensés. Pour ce faire, il est possible d’instaurer une subvention ou un impôt négatif.

3.3.

Étant donné que les émissions de CO2 ont des effets sur la planète entière, le prix à payer pour polluer devrait être le même partout pour des incidences négatives équivalentes. Ce n’est qu’à cette condition que la taxe sera mise en place de manière efficace par rapport aux coûts. Une approche mondiale est dès lors nécessaire (8).

3.4.

Il est toutefois difficile d’évaluer avec exactitude la quantité de CO2 que chaque activité génère et il n’existe aucun marché mondial où une taxe uniforme peut être imposée sur les activités productrices de CO2. C’est pourquoi les pays ont dû recourir à des mesures parcellaires. Il importe d’étendre les mesures prises à de plus vastes régions et à des activités plus polluantes.

3.5.

Le CESE estime qu’il existe des raisons fondées de mettre en place des règles uniformes au sein de l’Union européenne et, sur cette base, d’engager des discussions au niveau international avec d’autres blocs commerciaux.

3.6.

L’utilisation de permis d’échange dans l’Union et ailleurs est une méthode qui permet de répondre à la nécessité d’instaurer un prix uniforme par tonne de CO2 émise.

3.7.

Les discussions menées jusqu’à présent ont toutefois porté principalement sur les réglementations et les taxes environnementales, en particulier les taxes visant à réduire les émissions. Le CESE fait valoir qu’il est nécessaire de lutter contre le réchauffement planétaire de manière globale et symétrique, en tenant compte du niveau de CO2 présent dans l’atmosphère.

3.8.

Sachant que l’on peut lutter contre le réchauffement de la planète en diminuant le taux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, il est tout aussi avantageux de réduire une certaine part des émissions de CO2 que d’en retirer la même quantité de l’atmosphère. Par conséquent, il conviendrait de traiter de manière symétrique la hausse ou la baisse de ce taux. Ainsi, l’ajout de CO2 dans l’atmosphère (pollution) devrait engendrer un surcoût (taxe), tandis que les activités qui réduisent le niveau de CO2 devraient être subventionnées (impôt négatif).

3.9.

Jusqu’à présent, l’accent a néanmoins été placé presque exclusivement sur la prévention de nouvelles émissions. Même avec la mise en œuvre de nouvelles taxes et de mesures supplémentaires, le réchauffement de la planète risque de se poursuivre, à moins que l’on ne puisse retirer de l’atmosphère le CO2 déjà émis. Le CESE estime dès lors que les États membres devraient instaurer des mesures symétriques.

3.10.

L’objectif d’une taxe sur les émissions de carbone et d’un impôt négatif sur les réductions de CO2 dans l’atmosphère consiste à influencer les comportements et à internaliser l’externalité du réchauffement planétaire. La taxe et/ou la subvention auront toutefois des répercussions sur les possibilités de production et d’emploi dans tous les secteurs de l’économie. A priori, il ne va pas de soi que les taux d’imposition positif et négatif devraient être de la même ampleur (9).

3.11.

Il est de la plus haute importance d’harmoniser les différentes incitations destinées à stimuler les investissements durables, pour autant que l’on prenne en considération les externalités positives associées. Une méthodologie harmonisée appliquée aux indicateurs de faibles émissions de carbone doit servir de guide pour le calcul d’autres impacts.

3.12.

Afin que la transition vers une économie sans carbone soit plus stable sur le plan économique et plus crédible politiquement, il faut sans plus attendre prendre des mesures pour diminuer les subventions directes et indirectes destinées au secteur des combustibles fossiles, lequel génère des coûts élevés pour l’environnement.

3.13.

Étant donné que les besoins financiers du pacte vert pour l’Europe sont très importants et que les ressources budgétaires communes de l’Union sont assez limitées, le rôle du secteur privé est considérable. Un accord sur le cadre financier pluriannuel doit en tenir compte. Cependant, les taxes sur le CO2 servent essentiellement à répondre à la nécessité de modifier le comportement des ménages, des entreprises et des entités publiques, et non à dégager des revenus. Le CESE tient à souligner qu’il est primordial de mettre en œuvre des mesures efficaces d’une manière qui soit socialement acceptable pour tous.

4.   Systèmes d’échange de quotas d’émission

4.1.

Le système européen d’échange de quotas d’émission (SEQE) (10) constitue un moyen d’action possible pour réduire les émissions de CO2. Il repose sur le principe de plafonnement et d’échange, en vertu duquel un plafond est fixé pour la quantité totale de certains gaz à effet de serre que peuvent émettre les installations soumises au système. Ce plafond est abaissé au fil du temps, ce qui contraint à réduire les émissions totales. Dans les limites de celui-ci, les entreprises soumises au système reçoivent ou achètent des quotas d’émission, qu’elles peuvent échanger en cas de besoin (11).

4.2.

Afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre, la Commission a indiqué dans sa communication sur «Le pacte vert pour l’Europe» [COM(2019) 640] qu’elle réexaminera, d’ici juin 2021, plusieurs instruments d’action pertinents liés au climat (12). Cela comprendra notamment l’actuel système d’échange de quotas d’émission, qui pourrait éventuellement être étendu à de nouveaux secteurs, ainsi que des mesures supplémentaires concernant: i) les objectifs assignés aux États membres pour réduire les émissions dans les secteurs qui ne relèvent pas du SEQE; ii) la réglementation relative à l’utilisation des terres, au changement d’affectation des terres et à la foresterie.

4.3.

Le CESE salue l’approche de la Commission, qui lui semble être une avancée positive dans l’établissement d’une tarification plus efficace du carbone dans l’ensemble de l’économie. Il conviendrait de coordonner cet outil avec d’autres instruments supplémentaires, notamment une nouvelle approche en matière de fiscalité, au sein du marché intérieur de l’Union dans un cadre politique cohérent, ainsi qu’avec d’autres outils similaires mis en place dans d’autres juridictions à travers le monde.

4.4.

À l’échelle internationale, le nombre de systèmes d’échange de quotas d’émission dans le monde a augmenté. Outre le système d’échange de quotas d’émission de l’Union (SEQE de l’Union), des systèmes nationaux ou infranationaux sont déjà en place ou en cours d’élaboration au Canada, en Chine, au Japon, en Nouvelle-Zélande, en Corée du Sud, en Suisse et aux États-Unis.

4.5.

Le CESE accueille favorablement les initiatives régionales visant à réduire de manière substantielle les émissions de CO2, qu’il considère comme des mesures nécessaires pour lutter efficacement contre le changement climatique provoqué par ces émissions. À cet égard, il encourage la Commission européenne à poursuivre et à accroître ses efforts pour faire de l’Europe un chef de file dans ce domaine.

5.   Taxes sur les émissions de carbone

5.1.

L’un des autres instruments d’action possibles est l’instauration de taxes sur le carbone. Celles-ci permettent de diminuer les émissions de deux manières principales: i) en augmentant le coût des carburants et de l’électricité produits à partir du carbone; ii) en encourageant de ce fait les entreprises à passer aux énergies propres, par exemple, l’énergie hydraulique, solaire ou éolienne.

5.2.

Si elles sont conçues de manière appropriée, les taxes sur le carbone sont conformes au «principe du pollueur-payeur», selon lequel le pollueur devrait assumer le coût des mesures visant à réduire la pollution en fonction de l’ampleur des dommages causés à la société, tel qu’énoncé dans la déclaration de Rio des Nations unies (13) en 1992 et dans la directive 2004/35/CE sur «la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux» (14).

5.3.

Lors de ses travaux sur la réduction des émissions de carbone, la Commission a concentré son attention sur le système d’échange de quotas d’émission. Le CESE estime qu’à l’avenir, il pourrait être utile, voire nécessaire, d’élaborer également de nouvelles mesures fiscales susceptibles de compléter le SEQE actuel et les taxes nationales sur le carbone, en vue de créer un cadre d’action efficace et symétrique pour remédier à l’augmentation des émissions de CO2. Comme l’a dûment expliqué le FMI (15), il est de prime importance de coordonner les efforts au niveau mondial.

5.4.

En Europe, un certain nombre de pays ont imposé des taxes sur l’énergie, ou des taxes sur l’énergie fondées en partie sur la teneur en carbone. Il s’agit de la Suède, du Danemark, de la Finlande, des Pays-Bas, de la Norvège, de la Slovénie, de la Suisse et du Royaume-Uni (16).

5.5.

La Suède perçoit le taux d’imposition sur le carbone le plus élevé, soit 112,08 EUR par tonne d’émissions de carbone, ce qui lui a permis de diminuer ses émissions de 23 % au cours des 25 dernières années. La taxe suédoise sur le carbone a été instaurée en 1991 à un taux correspondant à 250 SEK (23 EUR) par tonne de dioxyde de carbone fossile émis et a été progressivement augmentée pour atteindre 1 190 SEK (110 EUR) en 2020; elle demeure l’une des pierres angulaires de la politique suédoise en matière de climat (17).

5.6.

La taxe suédoise sur le carbone sert d’incitation à réduire la consommation d’énergie, à améliorer l’efficacité énergétique et à accroître le recours aux énergies renouvelables. Le relèvement du niveau d’imposition étant progressif, les parties intéressées ont disposé d’un délai pour s’adapter et ont pu mieux accepter sur le plan politique les hausses de la taxe au fil du temps.

5.7.

De manière générale, l’expérience suédoise montre qu’il est possible de réduire les émissions, même si cela requiert une transformation radicale de l’économie. Au cours de la période 1990-2017, le PIB de la Suède a augmenté de 78 %, tandis que ses émissions nationales de gaz à effet de serre ont diminué de 26 % au cours de cette même période, lui permettant ainsi de figurer à la huitième place selon l’indice de compétitivité mondiale.

5.8.

En 1990, la Finlande était le premier pays au monde à introduire une taxe carbone. À l’origine, cette taxe était uniquement fondée sur la teneur en carbone liée à la production de chaleur et d’électricité. Elle a ensuite été étendue pour s’appliquer tant au carbone qu’à l’énergie et pour inclure également les carburants destinés aux transports.

5.9.

Le Danemark a introduit en 1992 une taxe sur le carbone qui couvrait la totalité de la consommation de combustibles fossiles (gaz naturel, pétrole brut et charbon). En Norvège, la taxe sur le carbone couvre jusqu’à 55 % de l’ensemble des émissions; celles qui restent sont soumises au système national d’échange de droits d’émission (18).

5.10.

Le CESE encourage la Commission européenne à entreprendre des initiatives concrètes pour établir des taxes carbone similaires dans les différents États membres afin d’harmoniser les efforts consentis pour réduire de manière effective le niveau de CO2. Dans l’idéal, le résultat devrait être la création de conditions uniformes sur l’ensemble du marché unique de l’Union s’agissant des taxes à appliquer aux émissions et/ou aux réductions, ainsi que des méthodes et des taux d’imposition spécifiques pour que l’impact soit le même sur le niveau de CO2 dans l’atmosphère. Parvenir à un tel résultat peut cependant prendre du temps, selon les besoins propres à chaque pays.

5.11.

L’adoption de taxes carbone similaires dans les différents États membres devrait servir à inciter les partenaires commerciaux à prendre des mesures analogues, permettant ainsi d’étendre les efforts à l’échelle mondiale et de limiter les répercussions sur la compétitivité européenne. Une solution mondiale est indispensable pour éviter des règles de compensation complexes.

5.12.

En outre, si elles sont correctement conçues, ces taxes pourraient contribuer à la croissance économique en générant, entre autres, des investissements productifs dans les nouvelles technologies. Cela vaut en particulier pour le développement de technologies visant à réduire les niveaux de CO2 déjà présent dans l’atmosphère.

6.   Technologies de captage et de stockage du CO2, ainsi que de captage et d’utilisation du CO2

6.1.

Un autre instrument d’action possible est le recours aux techniques qui permettent de réduire les niveaux existants de CO2 dans l’atmosphère. Il sera probablement nécessaire d’utiliser ces techniques en sus du SEQE et des taxes carbone. Une approche symétrique s’impose. Pour limiter le réchauffement planétaire, les activités permettant de diminuer le niveau de CO2 déjà présent dans l’atmosphère sont tout aussi utiles que la réduction des activités qui en émettent.

6.2.

Les deux principales technologies visant à réduire les niveaux de CO2 sont les technologies de captage et de stockage du carbone (CSC) et de captage et d’utilisation du carbone (CUC) (19). Ces technologies permettent toutes deux d’extraire le CO2 de l’atmosphère, de le comprimer et de le transporter vers un lieu de stockage. Elles sont porteuses d’un grand potentiel pour atténuer le changement climatique (20). Des technologies différentes existent aussi et bien d’autres encore devraient voir le jour dans un avenir proche.

6.3.

La différence entre le CSC et le CUC réside dans la destination finale du CO2 capté. La technique de captage et de stockage du carbone consiste à transporter le CO2 capté vers un site approprié pour l’y stocker à long terme, tandis que celle de captage et d’utilisation du carbone vise à transformer le CO2 capté en produits commerciaux.

6.4.

Le CUC désigne le captage et l’utilisation du CO2 comme matière première dans la production de minéraux, de composants chimiques, de combustibles synthétiques et de matériaux de construction. Il peut être employé pour limiter les émissions de CO2 en réutilisant le dioxyde de carbone dans des produits, en le séquestrant de manière permanente dans des matériaux de construction comme le béton, ainsi qu’en le recyclant par captage atmosphérique direct. Il peut également offrir des possibilités de stockage d’électricité par la production de méthane de synthèse.

6.5.

L’Union européenne a établi un cadre réglementaire pour commercialiser et subventionner cette nouvelle technologie, même si le coût du captage et du stockage demeure un facteur défavorable de taille. Actuellement, la phase de captage est la partie la plus coûteuse du processus.

6.6.

Aujourd’hui, les plus grandes installations de CSC et de CUC sont situées aux États-Unis.

6.7.

En Europe, la Norvège utilise les techniques de CSC et de CUC depuis 1996 (21). Chaque année, des millions de tonnes de CO2 provenant de la production de gaz naturel dans plusieurs installations spécialisées sont captées et stockées sur des sites appropriés, ce qui représente à ce jour l’expérience la plus concluante de recours au captage et au stockage du carbone en Europe. Ces dernières années, d’autres formes de technologies de CSC et de CUC ont été développées en Suède, aux Pays-Bas, en Belgique, en France et en Irlande (22).

6.8.

Le CESE encourage à réaliser des investissements spécifiques pour développer les technologies de CSC et de CUC, au niveau européen comme national, dans la mesure où celles-ci contribuent à l’objectif consistant à réduire l’impact des émissions de CO2 et, plus généralement, aux objectifs de développement durable promus par les Nations unies, ainsi qu’aux objectifs définis dans l’accord de Paris sur le changement climatique.

6.9.

Si l’on veut limiter le réchauffement de la planète de manière efficace et rentable, il convient de promouvoir les technologies de CSC et de CUC (23). Les budgets nationaux devraient en particulier jouer un rôle crucial pour favoriser un recours accru à ces technologies, par la promotion des investissements publics ainsi que des incitations fiscales. À cet égard, la Commission européenne envisage de réviser les lignes directrices pertinentes en matière d’aides d’État, notamment les lignes directrices relatives à l’environnement et à l’énergie, qui feront l’objet de modifications d’ici 2021 afin d’accorder aux États membres une plus grande souplesse.

6.10.

Les États membres devraient notamment adopter une politique fiscale globale et symétrique en matière d’environnement concernant l’incidence du CO2 sur le réchauffement planétaire. Il est nécessaire d’instaurer des taxes à des taux tant positifs que négatifs. Les recettes tirées des taxes sur le carbone pourraient de préférence être utilisées pour financer des mesures d’incitation en faveur des techniques de réduction du niveau de CO2.

6.11.

Les fonds européens consacrés à la recherche dans le domaine du captage et du stockage du carbone et du captage et de l’utilisation du carbone pourraient être renforcés sur le plan financier et ciblés de manière stratégique pour produire des résultats concrets plus importants s’agissant de la capacité de captage de CO2 et des solutions de stockage.

6.12.

Le rôle des règles relatives aux marchés publics ne doit pas être sous-estimé (24). Il conviendrait que les gouvernements nationaux et les administrations publiques locales exploitent de manière plus poussée et plus efficace les objectifs écologiques et les outils environnementaux spécifiques énoncés dans la directive 2014/24/UE (25), la directive 2014/25/UE (26) et la directive 2014/23/UE (27) concernant la passation des marchés publics et les concessions. Ainsi, les investissements nationaux et les dépenses publiques pourraient fonctionner en synergie avec les mesures envisagées dans le pacte vert pour l’Europe.

7.   Outils supplémentaires pour réduire les émissions

7.1.

Enfin, le CESE attire l’attention sur d’autres instruments d’action permettant de réduire les émissions de carbone. Ceux-ci vont des nouvelles technologies aux pratiques de gestion des terres, qu’il faut encourager et soutenir tant au niveau de l’Union qu’à l’échelon national. En tout premier lieu, les forêts éliminent naturellement le dioxyde de carbone, et les arbres, grâce à la photosynthèse, sont particulièrement efficaces pour stocker le carbone absorbé dans l’atmosphère. L’expansion, la restauration et la gestion correcte des forêts peuvent permettre d’optimiser la capacité de photosynthèse afin d’éliminer le CO2.

7.2.

Si la vente de produits forestiers est imposable à titre de revenu pour le propriétaire, il y a lieu de reconnaître que la plantation d’arbres et la croissance des forêts contribuent à réduire les émissions de CO2 dans l’atmosphère et devraient donc, selon une approche fiscale symétrique à l’égard du réchauffement planétaire, être encouragées par un impôt négatif sur le CO2. Il s’agirait d’une mesure importante pour atteindre les objectifs en matière de climat.

7.3.

Par ailleurs, les sols stockent naturellement le carbone. La dernière politique agricole commune a introduit certaines mesures d’écologisation dans le but d’accroître la contribution de l’agriculture européenne à la croissance verte en Europe. Il conviendrait d’encourager ces mesures dans la mesure où elles sont compatibles avec la nécessité d’une production alimentaire croissante et la réalisation des objectifs environnementaux. L’économie circulaire peut aussi offrir des possibilités accrues s’agissant de réaliser les objectifs en matière d’environnement et de climat.

Bruxelles, le 16 juillet 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Les causes du changement climatique, Commission européenne (Énergie, changement climatique, environnement) — https://ec.europa.eu/clima/change/causes_fr

(2)  Changement climatique planétaire, NASA — https://climate.nasa.gov/evidence/

(3)  Projet mondial sur le carbone (Global Carbon Project), émissions de CO2 — http://www.globalcarbonatlas.org/fr/CO2-emissions

(4)  Voir la communication de la Commission européenne intitulée «Un pacte vert pour l’Europe — Notre ambition: être le premier continent neutre pour le climat».

(5)  Voir l’avis du CESE sur le «Plan d’investissement du pacte vert pour l’Europe» (en cours d’élaboration) et l’avis du CESE (JO C 282 du 20.8.2019, p. 51).

(6)  Voir l’avis du CESE sur le «Fonds pour une transition juste et modifications du règlement portant dispositions communes» (JO C 311 du 18.9.2020, p. 55).

(7)  Voir le rapport 2019 du PNUE sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions s’agissant des efforts à l’échelle mondiale.

(8)  Si aucune solution véritablement mondiale n’est trouvée, la question de savoir comment traiter les produits provenant de pays tiers devient un problème; surviennent alors la nécessité d’un mécanisme d’ajustement fiscal aux frontières et les conséquences qui en résultent.

(9)  D’aucuns pourraient faire valoir que la subvention par tonne de CO2 éliminée devrait être plus élevée que le taux d’imposition sur les émissions de dioxyde de carbone, puisque les effets sur l’emploi d’une moindre production des activités émettrices de CO2 sont susceptibles de donner lieu à un chômage persistant. En outre, il est probablement plus facile d’obtenir le soutien de l’opinion publique en faveur d’un changement structurel de l’économie débouchant sur le développement de nouvelles technologies plutôt que sur une restriction des méthodes de production existantes.

(10)  Voir l’avis du CESE sur la révision du système d’échange de quotas d’émission de l’Union (SEQE) (JO C 71 du 24.2.2016, p. 57).

(11)  Le SEQE et la tarification des permis ont suscité de nombreux débats. Le nombre de permis et le cycle économique conjoncturel tendent à exercer une forte influence sur le prix des permis. La situation économique actuelle, à la suite de la crise provoquée par la pandémie de COVID-19, est également susceptible d’entraîner de nouvelles discussions sur le système d’échange de quotas d’émission.

(12)  Voir l’avis du CESE sur le «Plan d’investissement du pacte vert pour l’Europe» (JO C 311 du 18.9.2020, p. 63).

(13)  Voir le rapport de la conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement.

(14)  JO L 143 du 30.4.2004, p. 56.

(15)  Fonds monétaire international, «Comment atténuer le changement climatique», Moniteur des finances publiques, 2019: «Les différents instruments de politique économique ont leurs avantages et leurs inconvénients, mais compte tenu de l’urgence de la crise climatique et de la menace existentielle qu’elle représente, les principales parties prenantes sont invitées à prendre toutes les mesures nécessaires pour y remédier. Les ministres des finances peuvent, en ce qui les concerne, instaurer une taxation du carbone ou des mesures analogues, en rendant l’atténuation du changement climatique plus acceptable par des mesures fiscales ou budgétaires complémentaires, en veillant à une budgétisation adéquate des investissements dans les technologies propres et en coordonnant leurs stratégies au niveau international», résumé en français, p. 2.

(16)  L’introduction de taxes sur les émissions de carbone ou leur augmentation impliquent souvent des compromis difficiles. Ces taxes créent un besoin de réformer les techniques de production et les moyens de transport, ce qui peut déboucher sur du chômage dans certains secteurs et rendre nécessaire une transition vers d’autres types de travail. Pour les personnes concernées, les coûts sociaux peuvent être élevés. Les pays disposent de possibilités différentes s’agissant de fournir une protection sociale et il faut en tenir compte afin que toute mesure mise en œuvre puisse être socialement acceptable.

(17)  Taxe suédoise sur le carbone, services du gouvernement suédois — https://www.government.se/government-policy/taxes-and-tariffs/swedens-carbon-tax/

(18)  «Donner un prix au carbone par une taxe», Groupe de la Banque mondiale — https://www.worldbank.org/content/dam/Worldbank/document/SDN/background-note_carbon-tax.pdf

(19)  «Le potentiel du CSC et du CUC en Europe», Commission européenne — https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/iogp_-_report_-_ccs_ccu.pdf

(20)  Voir l’avis du CESE (JO C 341 du 21.11.2013, p. 82).

(21)  Captage et stockage du carbone, Norwegian Petroleum — https://www.norskpetroleum.no/en/environment-and-technology/carbon-capture-and-storage/

(22)  «Comment les infrastructures européennes de transport et de stockage du CO2 peuvent-elles permettre une transition industrielle innovante», Parlement européen — https://zeroemissionsplatform.eu/wp-content/uploads/ZEP-Conference-Presentations.pdf

(23)  En 2020, une commission gouvernementale suédoise est parvenue à la conclusion que la Suède pourrait atteindre un bilan carbone neutre à l’horizon 2045, si les recettes provenant des taxes sur le carbone étaient utilisées pour subventionner l’élimination du CO2 dans l’atmosphère. Les taux d’imposition positif et négatif seraient alors de la même ampleur. Voir les enquêtes officielles du gouvernement suédois, SOU 2020:4.

(24)  La Commission européenne a insisté sur ce point dans sa publication sur les marchés publics pour une économie circulaire, datant d’octobre 2017 — https://ec.europa.eu/environment/gpp/circular_procurement_en.htm. La Banque mondiale a également souligné le rôle des règles en matière de marchés publics dans ses propres procédures de marchés publics — https://www.worldbank.org/en/about/corporate-procurement/vendors

(25)  JO L 94 du 28.3.2014, p. 65.

(26)  JO L 94 du 28.3.2014, p. 243.

(27)  JO L 94 du 28.3.2014, p. 1.


28.10.2020   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 364/29


Avis du Comité économique et social européen sur «Renforcer une croissance économique durable dans l’ensemble de l’Union européenne»

(avis d’initiative)

(2020/C 364/04)

Rapporteur:

Philip VON BROCKDORFF

Décision de l’assemblée plénière

20.2.2020

Base juridique

Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section

24.6.2020

Adoption en session plénière

16.7.2020

Session plénière no

553

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

194/11/12

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

De même que d’autres pays du monde, l’Union européenne est touchée par la pandémie de COVID-19. La Commission européenne a réagi à cette crise par un vaste train de mesures destiné à atténuer les conséquences néfastes de ce choc exogène. Il s’agit notamment d’un instrument de soutien dans le cadre de la crise pandémique, intégré dans le mécanisme européen de stabilité (MES), de prêts temporaires destinés à financer des programmes de travail à court terme et des mesures similaires visant à préserver l’emploi dans les États membres de l’Union dans le cadre de l’initiative SURE. Pour sa part, la Banque européenne d’investissement (BEI) apporte aux entreprises un soutien de trésorerie. Plus récemment, la Commission a proposé un nouvel instrument de 750 milliards d’EUR baptisé «Next Generation EU», conçu pour aider les États membres à surmonter la crise économique.

1.2.

Dans ce contexte, le Comité économique et social européen (CESE) est d’avis que la crise de la COVID-19 ne doit pas conduire l’Union à s’écarter de ses objectifs à moyen et à long terme, tels qu’ils sont fixés dans le pacte vert pour l’Europe, dans la stratégie de croissance durable à l’horizon 2020 ou encore dans le socle européen des droits sociaux. En fait, ces objectifs se fondent sur la nécessité de réaménager l’économie européenne afin de garantir une croissance durable dans les années à venir, en s’appuyant sur les piliers de la durabilité environnementale, des gains de productivité, de l’équité, du progrès social et de la stabilité macroéconomique.

1.3.

Pour sécuriser des chaînes d’approvisionnement qui se sont révélées vulnérables pendant la crise, le CESE estime que les opérateurs de l’Union doivent repenser les stratégies relatives à ces chaînes d’approvisionnement, y compris en ce qui concerne leur diversification, ainsi que la réorganisation de celles-ci dans de multiples secteurs. Tout aussi important, l’Union doit jouer un rôle plus éminent dans le commerce mondial, qui est essentiel pour les entreprises de l’Union et leurs perspectives commerciales. Le CESE estime également que des conditions de concurrence équitables dans une large gamme de domaines (notamment les normes internationales du travail, la concurrence loyale et le respect des objectifs en matière de lutte contre le changement climatique) devraient s’appliquer aux groupes mondiaux opérant dans le cadre d’un marché mondial. Les entreprises européennes qui relocalisent leurs usines (du moins pour les produits essentiels) au sein de l’Union pour éviter des problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement ne peuvent être exclues.

1.4.

La mondialisation, avec tous ses effets secondaires, a entraîné des investissements d’un pays à l’autre, mais ces investissements n’ont pas toujours nécessairement été réalisés pour renforcer un investissement en capital, mais bien pour trouver des pays affichant les impôts les plus bas. Le CESE considère que les problèmes économiques et autres conséquences créés par la crise de la COVID-19 laissent à penser qu’un changement dans le mode de fonctionnement des entreprises au sein de l’Union et dans le monde est nécessaire. Les recommandations du CESE en faveur d’une accélération par les États membres du processus de lutte contre l’évasion et la fraude fiscales n’en revêtent aujourd’hui que plus d’importance, et il en va de même dans le débat entre les États membres sur le passage progressif au vote à la majorité qualifiée et à la procédure législative ordinaire en matière fiscale.

1.5.

Les politiques et le soutien des pouvoirs publics ont gagné en importance pendant la crise. La politique budgétaire, en particulier, est cruciale non seulement pour la stabilité économique, mais aussi pour permettre aux gouvernements de soutenir les entreprises au moyen d’incitations, comme le permet la législation de l’Union. Par conséquent, le CESE est convaincu que tout effort d’atteindre et de renforcer une croissance durable nécessite une orientation et une réglementation gouvernementales dans tous les domaines de l’activité économique et de la protection de l’environnement, l’accent devant être placé sur l’intégration de la protection de l’environnement dans l’activité économique. Bien entendu, un dialogue ouvert avec les partenaires sociaux et la société civile demeure essentiel pour définir les orientations économiques.

1.6.

Les énormes besoins de financement liés à l’octroi d’aides au revenu et de garanties de prêts en faveur des entreprises dont les activités ont été paralysées par les restrictions durant la crise limiteront sans aucun doute la mesure dans laquelle les gouvernements pourront offrir des incitants pour la relance de l’activité économique. Ils limiteront également les montants nécessaires pour soutenir à la fois la protection de l’environnement et l’investissement productif. Les gouvernements devront donc trouver des moyens créatifs de soutenir les dépenses visant une croissance économique durable, tout en assurant la viabilité budgétaire à long terme.

1.7.

La transition vers une trajectoire économique davantage durable suppose à la fois le développement des secteurs «verts», mais aussi, dans toute la mesure du possible, l’«écologisation» des modèles et des secteurs d’activité économique existants, au-delà de ces secteurs verts traditionnels. Le CESE juge donc que les aides accordées aux entreprises, tant au niveau national qu’au niveau de l’Union, doivent être subordonnées à la réalisation des objectifs fixés dans le pacte vert pour l’Europe et dans la stratégie de croissance durable à l’horizon 2020, ainsi qu’à des preuves tangibles de progrès social.

1.8.

Dans la définition des stratégies nécessaires à la relance économique, à l’investissement et à la durabilité, l’activation par la Commission de la clause dérogatoire générale prévue dans le pacte de stabilité et de croissance, qui permet aux pays de la zone euro de suspendre temporairement les ajustements requis pour atteindre les objectifs budgétaires à moyen terme, est un pas dans la bonne direction. Toutefois, le CESE estime qu’une révision des règles existantes peut être jugée nécessaire dans la mesure où nous entrons dans la phase de reprise post-COVID-19.

1.9.

Le CESE est d’avis que l’une des pierres angulaires d’une croissance économique durable dans l’Union doit être la création et le développement d’une économie véritablement circulaire qui maximise et maintienne la valeur sur l’ensemble des chaînes de valeur, tout en réduisant au minimum les déchets et en promouvant une utilisation efficace des ressources. Les modèles économiques circulaires offrent un potentiel important de stimulation de la compétitivité européenne, non seulement en termes de protection de l’environnement naturel, mais aussi de création d’emplois de qualité et de développement des industries connexes.

1.10.

L’on ne saurait exagérer le rôle de l’innovation, de la numérisation et d’investissements continus dans le capital humain pour ce qui est de faciliter cette transition vers une croissance durable. Toutefois, la pandémie actuelle a eu aussi pour effet de réaffirmer l’importance de se concentrer sur la santé et le bien-être individuels, et pas uniquement sur la productivité et la croissance économique. La productivité joue un rôle essentiel dans la réalisation d’une croissance économique durable. Le CESE considère que, pour qu’une économie continue de se développer durablement à l’avenir, elle doit accroître sa capacité à se développer, tant que cette croissance apporte une valeur ajoutée à l’économie en augmentant à la fois les salaires et les excédents, faisant ainsi progresser la demande dans le marché unique, et sans porter préjudice à des droits acquis tels que la protection sociale et la négociation collective.

2.   Résilience aux chocs économiques (l’expérience de la COVID-19)

2.1.

Dans les conclusions de son avis sur le mécanisme européen de stabilisation des investissements (MESI) (1), le CESE a fait observer que ce mécanisme, qui vise à accroître la stabilité des politiques budgétaires nationales en présence de chocs économiques, ne serait pas suffisamment efficace, compte tenu de la taille du fonds, en cas de crise économique touchant plusieurs États membres. Bien que le MESI ait été considéré comme une étape sur la voie d’une intégration plus étroite de la zone euro, le CESE a estimé qu’un régime d’assurance bien conçu à l’échelle de l’Union, qui agirait comme un stabilisateur automatique dans un contexte marqué par les chocs macroéconomiques, serait plus efficace que le MESI tel que proposé.

2.2.

Au cours des derniers mois, l’Union européenne, tout comme d’autres pays du monde, a subi l’impact négatif de la pandémie de COVID-19. La crise a fait apparaître les faiblesses inhérentes à l’Union: ses instances dirigeantes, dans un premier temps du moins, sont apparues incapables de répondre efficacement et de manière coordonnée aux graves conséquences économiques et sociales de la COVID-19. Les systèmes de soins de santé, en particulier en Italie et en Espagne, ont difficilement su faire face au nombre de personnes infectées, et la réponse générale, paradoxalement, a semblé directement inspirée du principe du «chacun pour soi» préconisé à l’échelle des nations par l’extrême droite et les nationalistes.

2.3.

Il peut être argué que cette crise récente est le test le plus important pour le projet de l’Union européenne, ses institutions et l’architecture même de l’euro. En 2008, le secteur bancaire était au centre de la crise. La Banque centrale européenne (BCE) a apporté des liquidités aux marchés financiers et soutenu les banques. Les instruments monétaires avaient alors été décisifs. Mais avec la crise récente, le problème est tout à fait différent, et la priorité est accordée aux mesures budgétaires pour garantir la robustesse des systèmes de santé publics, tout en apportant une aide au revenu aux entreprises vulnérables et à leurs salariés. Pour sa part, la BCE a fourni un soutien indirect aux capacités des gouvernements d’émettre des titres de dette et d’emprunter pour financer des dépenses, y compris des dépenses destinées aux programmes de développement social et de protection sociale.

2.4.

Les retombées économiques de la COVID-19 touchent tous les membres du bloc monétaire. Néanmoins, il n’existe aucun mécanisme permettant aux gouvernements de la zone euro de répondre conjointement à un tel choc. Il en résulte que les réactions politiques à la pandémie ont été très majoritairement nationales, accentuant les différences au lieu de rassembler les Européens en cette période de crise. Face à un choc symétrique, la zone euro a répondu de manière asymétrique. Les différences entre les situations budgétaires prévalant dans chaque État membre entraînent de nettes différences dans les réponses politiques. Dans plusieurs de ses avis, le CESE a souligné la pertinence d’une convergence accrue en matière tant de politique économique que de politique sociale, et d’une approche coordonnée de la politique budgétaire, y compris dans le domaine de la fiscalité. La crise actuelle a cependant démontré une fois encore qu’il existe des disparités considérables s’agissant de la réponse apportée en matière de politique budgétaire, en raison de la situation budgétaire différente de chaque pays. Les économies les plus fortes de la zone euro ont réagi avec détermination à la COVID-19 en augmentant les emprunts destinés à financer des mesures de sauvetage. Les économies les plus vulnérables ne disposent pas de la même marge de manœuvre financière et ont réagi par des plans de sauvetage plus modestes. Cela montre l’ampleur des divergences entre les économies de la zone euro. Plus la crise durait, plus ces différences sont devenues visibles.

2.5.

En réaction à la crise, la BCE a annoncé un nouveau programme extraordinaire d’achat d’actifs afin de stabiliser les marchés européens. Pourtant, la réaction dans les capitales européennes était prévisible: une fois que les marchés se sont calmés et que les écarts de rendement des obligations se sont réduits entre les pays, le sentiment qu’une action budgétaire conjointe était nécessaire s’est évaporé. Chaque pays a reporté son attention sur les plans nationaux de sauvetage. Toutefois, les travaux ultérieurs de la Commission, de l’Eurogroupe et du Conseil européen sur le plan de relance ont donné une impulsion salutaire aux États membres. Cependant, il reste encore beaucoup à faire pour réagir efficacement à cette crise, notamment pour permettre l’aboutissement d’un instrument de dette commun visant à mutualiser les investissements nécessaires pour relancer l’économie et éviter des millions de pertes d’emplois dans l’ensemble de l’Union.

2.6.

En ce qui concerne le mécanisme européen de stabilité (MES) et sa capacité de prêt de 410 milliards d’EUR, les États membres ont généralement été quelque peu réticents à recourir au MES, étant donné que tous les prêts sont assortis de conditions. En outre, même si ces conditions étaient levées, ou ajustées, conformément aux conclusions de la réunion de l’Eurogroupe du 9 avril 2020, les obligations «synthétiques» du MES ne peuvent que perpétuer la nature fragmentée de la zone euro. La fragmentation n’a pas été traitée dans le cadre actuel de la surveillance économique et budgétaire, en particulier les réformes du «six-pack» et du «two-pack», et elle constitue la principale raison d’être d’une récente communication de la Commission européenne (2). Le réexamen auquel cette communication procède porte essentiellement sur ce qui est nécessaire pour parvenir à la croissance économique tout en maintenant des finances publiques viables et en évitant les déséquilibres macroéconomiques au moyen d’une coordination plus étroite des politiques économiques et d’une convergence des performances économiques des États membres. Il pourrait s’agir d’une étape importante dans la bonne direction, pour autant que les causes profondes des déséquilibres soient repérées, soit dans le cadre de la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques (PDM), soit dans celui du Semestre européen, en accordant une attention particulière aux politiques les plus efficaces, y compris celles visant à améliorer les systèmes de protection sociale.

2.7.

Le 9 avril 2020, la Commission a annoncé un vaste train de mesures destinées à atténuer le choc de la crise de la COVID-19, à hauteur de 540 milliards d’EUR. Il s’agit notamment d’un nouvel instrument de soutien dans le cadre de la crise pandémique, intégré dans le MES, d’un montant maximal de 240 milliards d’EUR, qui vise à aider les États membres de la zone euro s’agissant du financement intérieur des coûts directs et indirects liés aux soins de santé, aux traitements et à la prévention s’agissant de la COVID-19, plafonné à 2 % du PIB de chaque pays en 2019. Le train de mesures prévoit également 100 milliards d’EUR de prêts temporaires destinés à financer des régimes nationaux de chômage partiel et des mesures similaires afin de préserver l’emploi dans les États membres de l’Union dans le cadre de l’initiative SURE, assortis de garanties fournies par les pays de l’Union. En outre, la BEI apportera une aide de trésorerie pour un montant pouvant aller jusqu’à 200 milliards d’EUR aux entreprises de toute l’Europe, en ciblant prioritairement les PME. Par ailleurs, le 27 avril 2020, le Conseil européen a marqué son accord de principe sur la création d’un fonds de relance pour l’Union, d’un montant total d’au moins un milliard d’EUR, et a invité la Commission à élaborer une proposition quant aux modalités de développement et d’utilisation de celui-ci.

2.8.

Un mois plus tard, le 27 mai 2020, la Commission a proposé un nouvel instrument de 750 milliards d’EUR baptisé «Next Generation EU», conçu pour aider les États membres à surmonter la crise économique provoquée par la pandémie de la COVID-19. Ce nouveau train de mesures, qui s’inscrit dans le prochain budget à long terme de l’Union pour la période 2021-2027, comprend 500 milliards d’EUR sous forme de dons et 250 milliards d’EUR sous forme de prêts, et il sera financé par des emprunts sur les marchés financiers, ce qui rendra nécessaire une augmentation temporaire des ressources propres de la Commission, jusqu’à un plafond de 2 % du revenu national brut de l’Union européenne. Le programme de relance comprend 560 milliards d’EUR destinés à soutenir les investissements et les réformes des États membres dans les domaines de l’économie verte, de la numérisation et de la résilience économique (310 milliards d’EUR sous forme de dons et 250 milliards d’EUR sous forme de prêts), un montant supplémentaire de 55 milliards d’EUR destiné à renforcer les programmes existants en matière de politique de cohésion et un complément de 40 milliards d’EUR au Fonds pour une transition juste, ainsi qu’un nouvel investissement de 15 milliards d’EUR pour le Fonds européen agricole pour le développement rural. Le fonds vise également à relancer l’investissement privé, avec un nouvel instrument de soutien à la solvabilité pour les entreprises européennes, doté d’un budget de 31 milliards d’EUR, ainsi qu’une mise à niveau de 15,3 milliards d’EUR au titre du programme d’investissement de l’Union (InvestEU), et une facilité d’investissement stratégique supplémentaire de 15 milliards d’EUR (qui fait partie d’InvestEU) visant à susciter des investissements dans des secteurs stratégiques au sein de l’Union, notamment en ce qui concerne le renforcement de la résilience, les transformations écologique et numérique et les chaînes de valeur essentielles.

2.9.

Compte tenu de ces évolutions, la crise récente ne doit pas faire dévier l’Union de ses objectifs à long terme tels que décrits dans le pacte vert pour l’Europe et la stratégie de croissance durable pour 2020. En fait, ces objectifs sont porteurs d’une prescience certaine, dans la mesure où ils se basent sur la nécessité de réaménager l’économie européenne afin de garantir une croissance durable dans les années à venir, en s’appuyant sur les piliers de la durabilité environnementale, des gains de productivité, de l’équité, des progrès sociaux et de la stabilité macroéconomique.

3.   Interdépendance mondiale, dimension internationale de l’Union et avenir de la mondialisation

3.1.

Même si la mondialisation a entraîné une augmentation des investissements directs étrangers (IDE), dont le rythme annuel moyen de croissance a été approximativement de 10 % depuis 1990 (3), alors que la croissance moyenne du commerce mondial s’élevait comparativement à 5 % (4), il est nécessaire de prendre la mesure de ses effets secondaires, notamment en ce qui concerne les conditions sociales et de travail. S’il est vrai que la mondialisation a stimulé le transfert de technologies, la restructuration industrielle et la croissance des entreprises mondiales, cela s’est fait souvent au détriment des droits sociaux et de la négociation collective. Là encore, même si la mondialisation a permis aux grandes entreprises de réaliser des économies d’échelle qui réduisent les coûts et les prix, de nombreuses petites entreprises européennes sont en concurrence sur le marché intérieur.

3.2.

Pour ce qui est du commerce entre les pays, l’interdépendance accrue a eu plusieurs effets positifs, notamment la prise de conscience du fait que des conflits internationaux marqueraient la fin du monde tel que nous le connaissons, compte tenu de la puissance militaire que possèdent des États comme la Chine, les États-Unis et la Russie. Ce n’est toutefois là qu’un aspect de la question. Les conséquences négatives de la mondialisation, telles que la pollution excessive et l’iniquité des conditions de travail, sont souvent ignorées. Par ailleurs, lorsqu’une crise touche des économies telles que celles de la Chine et des États-Unis, cela concerne un grand nombre de pays, créant des instabilités à la fois régionales et mondiales. La mondialisation est à l’origine d’autres écueils, notamment le fait que les entreprises multinationales ou mondiales sont souvent considérées comme une menace pour la souveraineté des nations, en raison de la puissance qui peut être la leur à l’échelle de certains pays.

3.3.

La question qui se pose à ce stade est de savoir dans quelle mesure la COVID-19 modifiera le mode opératoire des entreprises actives dans le commerce transfrontière des biens et des services, certains secteurs, notamment les voyages et le tourisme/l’aviation étant touchés de plein fouet par la crise économique. Les conséquences financières de cette crise sont énormes: les entreprises, y compris celles du secteur manufacturier, sont touchées par les restrictions de la chaîne d’approvisionnement et les restrictions à l’exportation, par les retombées de ces restrictions sur leurs propres clients, donnant lieu à ce que l’on pourrait appeler un effet multiplicateur inversé, et par la propagation de chocs (négatifs) au sein des réseaux de production. La crise a servi à nous rappeler le maillage des accords de fourniture qui sous-tendent l’économie mondialisée.

3.4.

L’expansion du commerce mondial au cours des vingt-cinq dernières années du XXe siècle a été rendue possible par deux facteurs indépendants: l’essor du transport intermodal de marchandises (c’est-à-dire la conteneurisation) et l’abandon généralisé des contrôles des capitaux au début des années 1980. Alors que les flux de capitaux sont à présent plus réglementés, ils demeurent le poumon de l’investissement et des courants d’échanges à travers le monde. La libéralisation des échanges et les accords commerciaux connexes, à commencer peut-être par l’adhésion de la Chine à l’OMC, sont une troisième raison de l’expansion des échanges internationaux. Le commerce revêt une grande importance pour l’Union dans tout effort visant à renforcer la croissance économique durable, et l’augmentation des flux commerciaux entre l’Union et ses partenaires commerciaux est porteuse d’avantages indéniables. Cependant, la crise de la COVID-19 a mis en lumière la vulnérabilité des chaînes d’approvisionnement mondiales. Une perturbation des échanges peut nuire à la croissance économique durable. Dès lors, l’Union doit agir davantage dans le cadre de ses accords internationaux pour sécuriser les chaînes d’approvisionnement, et ainsi réduire au minimum les perturbations causées par les chocs économiques. Cela suppose de repenser les stratégies relatives aux chaînes d’approvisionnement, notamment dans une optique de diversification, mais aussi de réorienter celles-ci dans de multiples secteurs. Cela signifierait également une certaine forme de démondialisation sectorielle, avec des entreprises européennes relocalisant (au moins pour les produits essentiels) leurs unités de production au sein de l’Union pour éviter des problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement.

3.5.

En la matière, la question de la dimension internationale de l’Union et de ses relations avec les acteurs mondiaux, notamment la Chine, les États-Unis et la Russie, est particulièrement prégnante. Dès lors que la diplomatie internationale est essentielle pour les perspectives économiques futures de l’Union et de sa monnaie, l’Union doit jouer un rôle beaucoup plus prospectif et prépondérant dans les affaires internationales, y compris s’agissant des négociations commerciales avec les nations concurrentes. Le CESE reste favorable à des négociations commerciales multilatérales, et il y a lieu qu’il maintienne ce postulat, mais il est évident que la position de l’Union en matière de commerce multilatéral est ignorée par la Chine, les États-Unis et la Russie. Si l’Union doit jouer un rôle plus important dans le commerce mondial, ce qui est essentiel pour les entreprises de l’Union et leurs perspectives commerciales, elle doit faire beaucoup plus pour amener d’autres nations à revenir à la table des négociations multilatérales, faute de quoi le commerce bilatéral revêtira nécessairement une importance accrue. Dans l’avenir qui nous attend après la crise, la mondialisation devra être encadrée par des conditions de concurrence équitables dans un large éventail d’aspects (notamment la concurrence fiscale, le respect des normes du travail et la réalisation des objectifs en matière de lutte contre le changement climatique) pour les groupes mondiaux opérant sur un marché mondial. Si ce n’est pas le cas, l’Union risque de devenir de plus en plus vulnérable et d’être de plus en plus à la merci d’affrontements commerciaux entre les États-Unis et la Chine.

3.6.

En ce qui concerne les investissements transfrontières, il apparaît tout à fait évident que ceux-ci, bien souvent, visent moins à créer des investissements de capitaux qu’à repérer les pays où les impôts sont les plus faibles (5). Il se peut que certaines formes de mondialisation soient inévitables après la crise, mais les problèmes économiques et les autres conséquences de la crise laissent penser qu’un changement de la manière dont les entreprises agissent au sein de l’Union et dans le monde est nécessaire. Les recommandations du CESE appelant à ce que les États membres accélèrent le processus de lutte contre l’évasion et la fraude fiscales n’en revêtent aujourd’hui que plus d’importance, et il en va de même pour ce qui est du vote à la majorité qualifiée. En effet, dès l’an passé, le Comité a pleinement soutenu l’ouverture de discussions sur la transition progressive vers le vote à la majorité qualifiée et la procédure législative ordinaire en matière de politique fiscale, tout en reconnaissant qu’à tout moment, chaque État membre doit disposer de possibilités suffisantes pour participer au processus décisionnel.

4.   Revoir le rôle des gouvernements

4.1.

Il ne fait aucun doute que la crise de la COVID-19 a mis en lumière l’importance du rôle des gouvernements dans la lutte contre les crises sanitaires et économiques. Cet aspect est particulièrement pertinent aussi pour atteindre l’objectif d’une croissance économique durable. Personne dans l’Union ne remet aujourd’hui en question le rôle des gouvernements dans la mise en place de systèmes et de programmes de santé efficaces qui soutiennent indirectement l’activité économique, pas plus que n’a été mis en question le rôle des gouvernements dans la mise en œuvre de réglementations bancaires et financières au lendemain de la crise financière de 2008. Toutefois, il est de plus en plus évident que les gouvernements continuent de jouer un rôle essentiel pour ce qui est de déterminer les orientations économiques, à plus forte raison en période de crise. Cela devrait également être le cas lorsque la gouvernance à niveaux multiples s’applique, lorsque la participation des collectivités locales et régionales à la politique économique de l’État est essentielle. Comme expliqué plus haut, la politique budgétaire est vitale non seulement pour la stabilité économique, mais aussi pour permettre aux gouvernements de soutenir les entreprises au moyen d’incitations, comme le permet la législation de l’Union. Tout effort d’atteindre et de renforcer une croissance durable nécessite une orientation et une réglementation gouvernementales dans tous les domaines de l’activité économique et de la protection de l’environnement, l’accent devant être placé sur l’intégration de la protection de l’environnement dans l’activité économique. Bien entendu, un dialogue ouvert avec les partenaires sociaux et la société civile demeure essentiel pour définir les orientations économiques.

4.2.

Dans le scénario de l’après-crise, la politique budgétaire revêtira une importance accrue, notamment en raison des montants empruntés, considérablement plus élevés que ce qui était prévu avant la crise. Les énormes besoins de financement liés à l’octroi d’aides au revenu et de garanties de prêts en faveur des entreprises dont les activités ont été gelées par les restrictions liées à la COVID-19 limiteront sans doute la mesure dans laquelle les gouvernements pourront offrir des incitants pour la relance de l’activité économique. Ils limiteront également les montants nécessaires pour soutenir à la fois la protection de l’environnement et l’investissement productif. Les gouvernements devront donc trouver des moyens créatifs de soutenir les dépenses visant une croissance économique durable, tout en assurant la viabilité budgétaire à long terme. La position de la Commission selon laquelle la relance doit être alignée sur le pacte vert constitue un pas dans la bonne direction, car elle indique de manière patente que la réponse à la crise doit elle-même revêtir un caractère durable.

4.3.

Un exemple de source de financement d’infrastructures extra-budgétaires fait appel à des institutions financières internationales ainsi qu’à des entreprises privées, et se manifeste dans ce que l’on appelle le partenariat public-privé (PPP). Dans l’hypothèse où ils seraient gérés de manière transparente et soumis au contrôle démocratique, les PPP pourraient être considérés comme une possibilité. Dans un scénario de sortie de crise consistant à soutenir le financement de projets d’infrastructure et de projets environnementaux, parce qu’ils offrent des solutions aux problèmes de financement, de réalisation des projets et d’investissement dans de grands projets, sans sacrifier les finances publiques pour des politiques clés.

4.4.

L’Union devrait s’efforcer de déployer plus rapidement les outils et les initiatives proposés dans le pacte vert pour l’Europe, qui reconnaît explicitement le rôle central que doivent jouer l’Union et les gouvernements nationaux, en coopération avec le secteur privé, dans la perspective de cette transformation en une Europe véritablement durable. Il s’agit notamment des différents instruments de financement inclus dans le mécanisme de transition juste, avec un accent sur les PME et les industries vulnérables, afin à la fois de contribuer à leur reprise économique et d’améliorer leur viabilité et leur résilience face aux chocs futurs, avec une certaine marge de manœuvre laissée au cas par cas en termes de garanties et d’obligations de cofinancement, compte tenu des circonstances actuelles. À la lumière de la crise actuelle de la COVID-19, ce sentiment est encore plus prégnant et doit être considéré comme une occasion de raviver le développement social et économique en ayant en tête les principes du pacte vert. Dans le contexte actuel, le concept de solidarité paneuropéenne n’a jamais été plus pertinent.

5.   Stratégies de relance économique, d’investissement et de durabilité

5.1.

Il y a lieu de définir les stratégies nécessaires à la reprise économique, à l’investissement et à la durabilité. Alors que les économies se contractent à cause des restrictions imposées par la COVID-19, le chemin à parcourir jusqu’à ce qu’elles puissent revenir aux niveaux ayant précédé la pandémie risque d’être long. Il faudra plusieurs mois à la zone euro et aux économies de l’Union pour revenir à la situation qui prévalait avant la crise. En outre, les gouvernements empruntant auprès de diverses sources pour couvrir la hausse inattendue et gigantesque des dépenses publiques, ils sont susceptibles de réduire les dépenses et, éventuellement, de réintroduire des mesures d’austérité, entraînant ainsi une baisse de la consommation et de la production. L’expérience des mesures d’austérité en Grèce, par exemple, a mis le pays à genoux et a fait s’évaporer un quart de son produit intérieur brut (PIB) sur huit ans, le chômage atteignant quant à lui plus de 27 % (6). Continuer d’appliquer des mesures d’austérité serait contreproductif. L’activation par la Commission de la clause dérogatoire générale prévue dans le pacte de stabilité et de croissance, qui permet aux pays de la zone euro de suspendre temporairement les ajustements requis pour atteindre les objectifs budgétaires à moyen terme, est un pas dans la bonne direction. Toutefois, une révision du pacte de stabilité et de croissance peut être jugée nécessaire dans la mesure où nous entrons dans la phase de reprise post-COVID-19.

5.2.

Si les objectifs généraux énoncés dans la communication de la Commission européenne sur sa stratégie annuelle pour une croissance durable (7) sont jugés essentiels pour parvenir à une croissance économique durable, ils ne peuvent toutefois être atteints en appliquant des mesures d’austérité qui touchent les groupes socio-économiques les plus vulnérables au sein de nos communautés.

5.3.

En lieu et place de cela, les gouvernements de l’Union doivent élaborer des stratégies de relance économique qui soutiennent des activités économiques plus productives et plus durables. Le scénario post-COVID-19 offre l’occasion de se réintéresser à des secteurs économiques clés qui se sont révélés particulièrement peu résistants. L’économie continuera de s’appuyer largement sur les petites et moyennes entreprises, mais il pourrait être opportun d’encourager davantage les jeunes entreprises et de revoir le rôle des entreprises sociales dans de l’économie sociale en tant que composante importante de l’économie sociale. Bien que les bénéfices ne soient pas la principale motivation d’une entreprise sociale, les revenus n’en jouent pas moins un rôle essentiel dans leur viabilité. Toutes les entreprises sociales de l’économie sociale peuvent encore être très rentables, et l’une de leurs priorités consiste à réinvestir les bénéfices dans l’entreprise plutôt qu’à les distribuer aux actionnaires. Surtout, une entreprise de l’économie sociale peut équilibrer la tension entre le maintien de sa mission sociale et la maximisation de sa productivité afin de garantir son caractère durable. Par conséquent, ces structures sont idéalement adaptées à une économie qui vise à mettre en œuvre une croissance économique durable et à la renforcer.

5.4.

Les gouvernements chercheront une reprise rapide après la crise, et certains secteurs qui ont fait preuve de résilience devraient rebondir. Les gouvernements seront toutefois tentés d’encourager des secteurs qui, avant la crise, étaient déjà considérés comme non viables ou allant à l’encontre des objectifs en matière de changement climatique et d’environnement tels que décrits dans le pacte vert pour l’Europe. Au lieu de cela, les gouvernements devraient envisager d’investir davantage dans des projets visant à l’utilisation efficace de l’énergie et des énergies de substitution au moyen des modèles de financement mentionnés plus haut, créant ainsi des débouchés commerciaux pour les grandes entreprises, les PME et les entreprises sociales de l’économie sociale. La transition écologique suppose non seulement le développement des secteurs verts, mais aussi dans toute la mesure du possible l’«écologisation» des modèles et des secteurs d’activité économique existants, au-delà des secteurs «verts» traditionnels. Ainsi, les aides accordées aux entreprises, tant au niveau national qu’au niveau de l’Union, doivent être subordonnées à la réalisation des objectifs fixés dans le pacte vert pour l’Europe et dans la stratégie de croissance durable à l’horizon 2020.

5.5.

L’une des pierres angulaires d’une croissance économique durable dans l’Union doit être la création et le développement d’une économie véritablement circulaire qui maximise et maintienne la valeur sur l’ensemble des chaînes de valeur, tout en réduisant au minimum les déchets et en promouvant une utilisation efficace des ressources. Les modèles économiques circulaires offrent un potentiel important de stimulation de la compétitivité européenne, non seulement en termes de protection de l’environnement naturel, mais aussi de création d’emplois de qualité et de développement des industries connexes. En outre, les modèles économiques circulaires aident à renforcer la résilience par rapport au type de chocs dont souffrent les chaînes d’approvisionnement en conséquence de la pandémie de COVID-19, tout en atténuant la volatilité des prix et la disponibilité des matières premières résultant de l’évolution de la situation environnementale et géopolitique, notamment s’agissant des effets du changement climatique et des différends commerciaux. Le rôle de l’innovation et de la numérisation, et celui d’investissements continus dans le capital humain, ne peuvent être surestimés s’agissant de faciliter cette transition, ces axes d’action devant être poursuivis avec une ardeur renouvelée grâce au soutien à la recherche et au développement et avec un accent accru placé sur la commercialisation. Toutefois, l’impact de la numérisation sur le marché du travail doit être pleinement évalué pour minimiser autant que possible les pertes d’emploi et aider les personnes concernées en matière de requalification et de redéploiement.

5.6.

La pandémie actuelle a permis de réaffirmer l’importance de porter son attention sur la santé et le bien-être individuels plutôt que sur la seule croissance économique qui, comme le précise la stratégie de croissance durable à l’horizon 2020, n’est pas une fin en soi. L’amélioration de la qualité et de l’accessibilité des systèmes publics de soins de santé de tous les pays devrait être une priorité absolue pour l’Union, tout en luttant contre les inégalités en matière d’accès aux soins de santé et les importants frais non remboursés, qui ne font que perpétuer ces disparités. Comme c’est le cas dans d’autres secteurs, il y a également lieu de poursuivre l’investissement dans la numérisation et l’intelligence artificielle destinées aux systèmes de santé publique. La survenance de chocs économiques de vaste ampleur met également en lumière le rôle crucial joué par la bonne gouvernance dans le renforcement de la résilience et la formulation de réponses appropriées pour faire face à leurs retombées. La recherche d’une croissance économique durable et équitable dépend donc de la qualité des institutions nationales et locales dans l’ensemble des États membres, et il incombe à l’Union de veiller activement à ce que les pays préservent et respectent les principes de démocratie, de tolérance et de respect de l’état de droit. Il convient d’accueillir positivement le fait que le Semestre européen tienne désormais compte de manière beaucoup plus systématique de la qualité de l’administration et de la gouvernance publiques.

5.7.

Le dernier point concerne le rôle de la productivité dans la réalisation d’une croissance économique durable. Pour qu’une économie continue de se développer durablement à l’avenir, elle doit accroître sa capacité à se développer, tant que cette croissance apporte une valeur ajoutée à l’économie et aux populations concernées. Cela passe notamment par une amélioration des salaires et des conditions de travail, en particulier au moyen de la négociation collective, et ne peut certainement pas se faire au détriment d’une répartition plus équitable des revenus. Par conséquent, les stratégies visant à renforcer la viabilité économique doivent être développées autour de la question de la productivité, mais elles ne peuvent pas être mises en œuvre aux dépens des droits des travailleurs et du développement social. Une productivité plus élevée n’est donc pas une fin en soi, mais un moyen d’améliorer les salaires, d’augmenter la demande globale dans les économies européennes et d’améliorer ainsi le niveau de vie. Une productivité accrue conduira également à la mise au point de produits et de services nouveaux et de meilleure qualité, permettant ainsi aux entreprises de passer à des chaînes de valeur plus élevées de biens et de services et à l’Union de jouir d’un avantage concurrentiel sur le marché mondial. Une fois encore, comme on l’a dit précédemment, une productivité plus élevée doit être strictement liée à l’objectif de parvenir à une croissance économique durable, et elle ne saurait être atteinte au détriment des conditions de travail, du développement social ou des politiques environnementales. Au contraire, les objectifs généraux énoncés dans le socle européen des droits sociaux (SEDS), en particulier la protection sociale et le renforcement du processus de négociation collective, doivent être respectés et poursuivis. Il en va de même pour les objectifs définis dans le pacte vert et les objectifs européens en matière de changement climatique. En outre, une réponse véritablement européenne à la crise actuelle de la COVID-19 et toute tentative unifiée de favoriser une croissance durable dans l’ensemble de l’Union doit faire fi de la mentalité du nivellement par le bas propre à la concurrence fiscale entre les pays, qui ne sert qu’à décourager la coopération entre les États membres, en fomentant des tendances nationalistes. Il convient plutôt d’aider les pays à développer leur capital humain et à stimuler la productivité, tout en luttant contre les disparités régionales en matière de croissance et de perspectives d’emploi grâce à des investissements ciblés et en s’attaquant aux principales lacunes structurelles qui créent des obstacles à l’activité économique.

Bruxelles, le 16 juillet 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  JO C 62 du 15.2.2019, p. 126.

(2)  Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: Réexamen de la gouvernance économique — Rapport sur l’application des règlements (UE) no 1173/2011, no 1174/2011, no 1175/2011, no 1176/2011, no 1177/2011, no 472/2013 et no 473/2013 et sur l’adéquation de la directive 2011/85/UE du Conseil.

(3)  CNUCED (2019). Rapport sur l’investissement dans le monde 2019.

(4)  Banque mondiale (2020). Exportations de biens et de services (croissance annuelle en %). Indicateurs sur le développement dans le monde.

(5)  Bénassy-Quéré, A., Fontagné, L., et Lahrèche-Révil, A. (2005), «How does FDI react to corporate taxation?» (Comment les IDE réagissent-ils à l’impôt sur les sociétés?), International Tax and Public Finance, 12(5), 583-603.

(6)  https://www.theguardian.com/world/2018/aug/20/greece-emerges-from-eurozone-bailout-after-years-of-austerity

(7)  Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen, au Comité des régions et à la Banque européenne d’investissement — Stratégie annuelle 2020 pour une croissance durable.


28.10.2020   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 364/37


Avis du Comité économique et social européen sur «Renforcer la compétitivité, l’innovation, la croissance et la création d’emplois en favorisant la coopération réglementaire mondiale, en soutenant un système commercial multilatéral renouvelé et en réduisant les subventions responsables de distorsions du marché»

(avis d’initiative)

(2020/C 364/05)

Rapporteur:

Georgi STOEV

Corapporteur:

Thomas STUDENT

Décision de l’assemblée plénière

20.2.2020

Base juridique

Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

CCMI

Adoption en section

26.6.2020

Adoption en session plénière

16.7.2020

Session plénière no

553

Résultat du vote (pour/contre/abstentions)

211/1/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Les perturbations majeures comme le coronavirus (COVID-19) menacent de paralyser l’économie mondiale et la vie sociale. La pandémie actuelle est notamment à l’origine de récessions aux États-Unis, dans l’Union, au Japon et dans d’autres régions du monde, d’une croissance extrêmement lente en Chine et de pertes de production colossales. Les gouvernements doivent compenser les dommages économiques en adoptant des politiques budgétaires et monétaires, et faire face aux changements attendus de paradigme économique. Le CESE souligne la nécessité de mettre en place des modèles économiques et des mécanismes de défense commerciale efficaces, en particulier en ce qui concerne l’Asie, et note que 36 millions d’emplois européens dépendent du potentiel d’exportation de l’Union et que la part de l’emploi dans l’Union soutenue par les ventes de biens et de services au reste du monde par rapport au nombre total d’emplois est passée de 10,1 % en 2000 à 15,3 % en 2017 (1). Il convient d’apporter une réponse budgétaire, économique et sociale à la crise pour prévenir ses effets négatifs sur ces secteurs et d’autres branches de l’économie.

1.2.

La crise du coronavirus devrait amener l’Union, dans le cadre de la reformulation générale de la politique industrielle imposée par la durabilité environnementale et la numérisation, à dynamiser les secteurs pharmaceutique et des équipements médicaux, de manière à garantir la souveraineté partagée et l’autosuffisance de l’Union dans ces secteurs. L’élaboration du présent avis a commencé avant l’apparition de cette crise sanitaire et économique imprévisible, qui allait transformer nos économies et nos modèles de mondialisation à court, moyen et long terme. Si cette crise ne constitue pas le principal sujet de l’avis, elle a et aura toutefois une incidence considérable sur les secteurs et les thèmes abordés dans les paragraphes suivants. Il est d’ores et déjà évident qu’elle pousse certaines régions du monde vers une nouvelle vague de protectionnisme et de nationalisme économique, tant à l’échelle mondiale qu’au sein de l’Union. Dans le cadre du présent avis, tous ces facteurs sont pris en considération de manière horizontale, en tenant compte autant que possible de leur évolution à ce jour.

1.3.

Le CESE partage le point de vue selon lequel les entreprises et les échanges internationaux sont susceptibles de contribuer à la croissance mondiale, grâce à un degré plus élevé de spécialisation, à des économies d’échelle, à des chaînes de valeur mondiales avancées et à la diffusion de la recherche et des technologies. Il convient également de mentionner les diverses transitions — des chaînes de valeur aux réseaux de création de valeur, de l’économie linéaire à l’économie circulaire et de la du matériel à l’immatériel — qui nécessiteront de la part de l’industrie de faire preuve de flexibilité pour s’adapter.

1.4.

Le CESE souligne que la politique européenne doit prémunir les participants au développement industriel contre les pratiques de dumping économique, social et environnemental déloyales. Concernant les politiques qu’il convient de mettre en œuvre sans délai, l’Union doit relever les défis suivants: les États-Unis en tant que premier marché d’exportation de l’Union; la collaboration potentielle avec ceux-ci, le futur rôle de la Chine et la nécessité de redéfinir l’OMC. Les industries devraient devenir un catalyseur de solutions face aux défis sociétaux et environnementaux et créer une valeur nouvelle au bénéfice de la société.

1.5.

Le CESE convient que la mondialisation sans réglementation entraîne une augmentation des inégalités, une pression à la baisse sur les entreprises, les salaires et les conditions de travail, et un affaiblissement de la sécurité sociale. Une telle évolution pourrait devenir une réelle menace pour les modèles sociaux européens. La mondialisation non régulée a également des effets négatifs sur les normes environnementales. Le CESE est préoccupé par la pression qu’exercent sur les entreprises et les emplois européens les pratiques commerciales déloyales contraires aux lois du marché, qui ne respectent pas les accords internationaux en matière sociale et environnementale. L’industrie européenne devrait tirer parti de l’avantage unique dont elle dispose en combinant valeurs européennes, nouvelles technologies et une approche tournée vers l’avenir. Le marché unique revêt une importance cruciale pour l’industrie de l’Union et la diffusion de l’innovation, non seulement en ce qui concerne les technologies numériques, mais aussi d’autres technologies clés génériques, comme la biotechnologie. Le rôle de la cohésion sociale et régionale et du dialogue social pour garantir l’acceptation sociale de la transformation industrielle peut également être souligné.

1.6.

La stratégie industrielle et la politique commerciale de l’Union ne devraient pas saper les efforts que celle-ci déploie pour fournir une aide au développement à des pays tiers, et le CESE recommande d’adopter vis-à-vis des économies plus fragiles une approche équilibrée, permettant de mieux coordonner et combiner les aides nationales au développement. Le CESE redoute que l’escalade des mesures en cas de non-respect des règles de l’OMC et la menace de nouvelles dispositions non tarifaires et discriminatoires entraînent une surcharge réglementaire mutuelle qui devienne la nouvelle norme dans le commerce mondial. Il convient de réévaluer les programmes européens de soutien existants et leur contrôle, dans le respect des règles de concurrence de l’Union, afin d’aider les États membres de l’Union, les partenaires, les entreprises et les travailleurs subissant les répercussions négatives de la crise économique et des guerres commerciales et de réduire la charge qui pèse sur eux.

1.7.

Le CESE estime que, pour relever les défis extérieurs, il importe que le marché intérieur de l’Union devienne «le meilleur endroit pour investir». La nouvelle stratégie industrielle et tous les autres leviers devraient être évalués au regard de leur capacité à promouvoir et à soutenir les investissements dans les infrastructures industrielles, énergétiques, de transport et numériques sur la base d’une approche de connectivité élargie. Le réexamen de la réglementation sur les fusions et acquisitions ainsi que des règles en matière d’aides d’État pourrait garantir une plus grande équité entre l’Union et la concurrence mondiale. Tous les niveaux de gouvernance devraient veiller à répartir équitablement les avantages de la mondialisation et à atténuer les incidences négatives aux niveaux mondial, régional et local.

Un mécanisme commun d’investissements directs étrangers permettrait de garantir la possibilité d’acquérir des intérêts dans des actifs stratégiques, tels que les infrastructures et les technologies critiques et la sécurité de l’approvisionnement en intrants essentiels. L’utilisation des directives relatives aux marchés publics, des instruments de défense commerciale efficaces et un réseau solide d’accords de libre-échange (ALE) sont plus que jamais nécessaires pour lutter contre les pratiques illicites, approfondir la convergence réglementaire et promouvoir des normes de durabilité, et donc réduire les distorsions du marché.

1.8.

Le CESE se dit préoccupé par les attitudes négatives manifestées récemment à l’égard du commerce international et de la mondialisation, ainsi que par la montée des mouvements populistes qui appellent à plus de nationalisme. Il estime que le protectionnisme et le nationalisme ne sauraient apporter les réponses adéquates aux problèmes économiques et sociaux. Des réformes et des priorités d’investissement à moyen terme sont nécessaires pour remettre les économies sur la voie d’une croissance durable et inclusive, en intégrant la transition verte et le virage numérique. L’Union devrait prendre toutes les mesures possibles pour préserver pleinement la démocratie en dépit de la situation de pandémie.

1.9.

Le CESE estime que le pacte vert devrait intégrer une stratégie industrielle et une politique commerciale renouvelées, ainsi que les politiques économique, réglementaire et de concurrence, dans le cadre d’un effort global visant à soutenir l’environnement, sans mettre en péril le marché unique ni les entreprises et les emplois européens, et fixer des ambitions environnementales élevées pour l’industrie dans son ensemble.

1.10.

Le CESE partage l’avis selon lequel l’un des principaux messages à faire passer en matière de stabilité économique est que les États membres devraient accorder toute l’attention requise à la qualité des finances publiques, en promouvant les investissements nécessaires et orientés vers l’avenir.

2.   Observations générales

2.1.

Le système multilatéral étant soumis à une pression constante, les entreprises de l’Union qui opèrent au niveau mondial sont confrontées à des dissensions et une incertitude croissantes, ainsi qu’à une montée du protectionnisme et aux tensions actuelles entre les partenaires commerciaux de l’Union. Les chaînes de valeur mondiales sont mises à mal tandis que se dessine une tendance généralisée à un retour à la régionalisation. L’Union se trouve, avec les États-Unis et la Chine, au cœur de cette dynamique et un certain nombre de secteurs clés de l’industrie sont soumis à une pression considérable. Des décisions fondamentales doivent être prises pour accroître les possibilités d’éviter le risque de marginalisation et préserver le rôle de l’Union au niveau mondial. Il est urgent de repenser les investissements sur le territoire de l’Union et de se concentrer sur le soutien aux entreprises, en particulier les PME, en garantissant l’apport de liquidités et la stabilité dans le secteur financier, en préservant le marché unique et en assurant la circulation des biens essentiels. Un tel objectif ne pourra être atteint qu’au moyen d’une combinaison de mesures, notamment l’adoption de règlements et politiques s’appliquant également aux entreprises des pays tiers actives sur le territoire de l’Union, et d’autres mesures dans les domaines des infrastructures, des investissements dans les biens publics (entre autres la santé, l’éducation et les infrastructures numériques), de la réciprocité dans les marchés publics, d’une politique commerciale efficace et de l’indépendance numérique.

2.2.

La compétitivité de l’industrie européenne au niveau mondial est entravée par le retour à l’unilatéralisme et par l’absence d’une gouvernance mondiale efficace pour les questions économiques et commerciales, ainsi que par les asymétries et perturbations du marché causées par des concurrents subventionnés, notamment des entreprises publiques, et par la crise. Les investissements des entreprises européennes dans la recherche et l’innovation visent à combiner compétitivité et durabilité. Cependant, l’accès réduit aux marchés internationaux et la concurrence déloyale pourraient bien neutraliser ces investissements et les risques audacieux qui ont été pris. Dans ce contexte, les PME sont plus vulnérables que jamais.

2.3.

Dans ces conditions, les alliances encouragées par l’Union pourraient contribuer à promouvoir ses intérêts dans les organisations multilatérales, telles que l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et les Nations unies (ONU). Par conséquent, la stratégie industrielle récemment adoptée et le rapport annuel de la Commission sur la mise en œuvre des ALE constituent non seulement une avancée sur la voie d’une plus grande transparence, mais aussi un instrument efficace pour fournir à la société civile des informations générales objectives sur les accords commerciaux négociés par l’Union.

Malgré quelques éléments positifs, le train de mesures global relevant de la stratégie industrielle récemment adoptée n’a pas encore unanimement convaincu qu’il fera la différence de manière perceptible pour les entreprises, les travailleurs et la société civile, qui s’efforcent d’accroître la compétitivité et la croissance économique de l’Europe.

2.4.

L’adoption d’une politique industrielle européenne forte et la défense des intérêts commerciaux de l’Union sont compatibles avec l’objectif prioritaire de sa politique étrangère, à savoir renforcer le multilatéralisme autour des institutions du système des Nations unies. Leur nécessaire réforme devrait permettre de tendre vers un monde régi par des règles équitables et mû par des principes démocratiques.

3.   Réaliser le potentiel des perspectives commerciales

3.1.

Le CESE partage l’avis de la Commission selon lequel les entreprises européennes ne peuvent bénéficier de la stratégie industrielle et des accords commerciaux de l’Union que si elles disposent d’informations pertinentes concernant leur contenu et comprennent comment ils fonctionnent dans la pratique.

3.2.

Le CESE observe avec inquiétude que la complexité des règles d’origine et des formulaires administratifs requis par les partenaires commerciaux de l’Union pour l’octroi de préférences aux entreprises européennes, ainsi que les efforts nécessaires pour prouver l’origine préférentielle, semblent disproportionnés pour les PME de l’Union par rapport à la valeur des contrats qu’elles ont conclus.

3.3.

Dans les cas où des pays se livrent à une concurrence déloyale, par exemple lorsqu’ils abaissent les normes en matière de conditions de travail ou de durabilité, le CESE propose de prévoir également un examen des principales questions relatives à la mise en place de mécanismes de règlement extrajudiciaire des litiges et à la mise en œuvre de mécanismes onusiens de règlement en ligne des litiges. Le CESE accueille favorablement l’arrangement d’arbitrage provisoire multipartite récemment annoncé par la Commission européenne en tant que solution temporaire pour maintenir une fonction indépendante de règlement des différends en deux étapes.

3.4.

Le CESE rappelle que les activités commerciales de la plupart des PME ont lieu principalement au sein du marché unique (2) et que seulement la moitié des PME vendent leurs produits en dehors de l’Union (3). Il note en outre que l’activité d’exportation des PME se concentre surtout dans certains États membres et régions, six États membres (4) représentant plus des deux tiers de l’ensemble des activités professionnelles et commerciales de PME dans l’Union.

3.5.

Le CESE salue les progrès enregistrés dans le cadre des travaux de la Commission relatifs au portail en ligne qui intégrera deux bases de données — celle sur l’accès aux marchés et le Trade Helpdesk — qui remédiera à la complexité et au manque de cohérence des règles d’origine et des procédures douanières et proposera un calculateur de règles d’origine gratuit en ligne en vue d’apporter un soutien supplémentaire aux PME européennes.

3.6.

Le CESE estime que la Commission et le Service européen pour l’action extérieure, ainsi que les représentations diplomatiques et consulaires des États membres, pourraient jouer un rôle de premier plan dans la promotion de la stratégie, des services et des échanges commerciaux de l’Union avec les pays tiers, afin de faciliter à la fois les investissements étrangers et les possibilités d’exportation pour les entreprises et les travailleurs européens.

3.7.

Le CESE se félicite, en outre, des initiatives de la Commission européenne visant à promouvoir et soutenir les PME de l’Union dans leurs efforts d’internationalisation afin qu’elles deviennent compétitives au niveau mondial, et souligne la nécessité de veiller à ce que ces initiatives fassent également l’objet d’une mise en œuvre de type participatif (bottom-up). Parallèlement à ces initiatives, le nouveau paradigme est susceptible d’offrir davantage de possibilités aux PME et aux autres acteurs régionaux.

3.8.

Le CESE s’inquiète des problèmes en suspens avec les partenaires commerciaux de l’Union qui sont présentés dans le rapport de la Commission, notamment le fait que les produits européens continuent d’être confrontés à des obstacles pour accéder à des marchés dans les pays partenaires. Il convient d’accorder une priorité élevée à la reconnaissance mutuelle et non bureaucratique des normes techniques.

3.9.

Le Comité relève, comme l’a souligné une étude (5) du service de recherche du Parlement européen fondée sur une analyse des flux commerciaux dans certains États membres, qu’il existe une corrélation positive forte entre les performances de l’Union en matière d’exportation et le PIB et que les échanges se concentrent fortement dans quelques États membres.

3.10.

Le CESE rappelle que les répercussions inégales de la mondialisation sur le plan territorial ont été reconnues par la Commission dans ses documents de réflexion consacrés à la maîtrise de la mondialisation et à l’avenir des finances de l’Union, soulignant que si les avantages de la mondialisation sont largement répandus, les coûts qu’elle induit sont souvent localisés.

3.11.

Le CESE met particulièrement l’accent sur la contribution de la politique de cohésion à l’amélioration de la compétitivité de l’Union grâce à des investissements ciblés dans des secteurs clés comme les infrastructures de réseau, la recherche et l’innovation, les services informatiques, l’action environnementale et climatique, l’emploi de qualité et l’inclusion sociale.

3.12.

Le CESE souligne le rôle que peut jouer le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation (FEM) pour aider les personnes qui perdent leur emploi en raison de changements structurels liés à la mondialisation, à la numérisation, à la migration et au changement climatique. Compte tenu de l’énorme ampleur de la crise économique et de l’emploi qui se profile, il convient de renforcer financièrement le FEM, de rendre ses règles plus souples et donc mieux adaptées à la nature et à l’envergure de la crise, et d’établir un lien entre ce Fonds et le Fonds pour une transition juste.

3.13.

Le CESE convient que les formules souples de travail et le télétravail jouent un rôle important dans la préservation de l’emploi et de la production, mais souligne qu’en dépit des efforts visant à atténuer l’impact social de la crise, celle-ci devrait entraîner une augmentation significative du chômage et des inégalités de revenus. La politique révisée de l’Union dans le domaine du pacte vert pourrait contribuer largement à faire en sorte que la mondialisation s’accompagne de retombées économiques, sociales, territoriales et environnementales positives pour les entreprises, les travailleurs et la société civile et aider à réduire les distorsions du marché.

3.14.

Le CESE estime qu’un mécanisme s’attaquant à l’empreinte carbone du secteur manufacturier et les efforts en faveur de la décarbonation des industries pourraient permettre de garantir des conditions de concurrence équitables. Il souligne toutefois la nécessité, dans le cadre de cette mesure, de trouver un équilibre entre les préoccupations liées à l’environnement, au commerce et à l’équité afin d’éviter les distorsions du marché et le déclenchement de mesures de rétorsion contre des pays de l’Union, ce qui porterait préjudice à l’industrie et aux emplois industriels européens.

3.15.

Le CESE partage l’avis selon lequel la réduction de l’écart de productivité entre les économies, les régions et les entreprises très performantes et les autres est essentielle, et convient aussi que des institutions et des systèmes fiscaux efficaces pourraient soutenir la productivité.

3.16.

Une nouvelle politique industrielle est nécessaire pour mettre l’accent sur le renforcement des activités dont la teneur en innovation est plus élevée et qui apportent une plus grande valeur ajoutée, ce qui est indissociable de la promotion d’emplois de qualité et de la création d’emplois. Une telle politique, si elle est conçue avec sagesse et correctement mise en œuvre, contribuerait à prévenir l’influence négative de nouvelles baisses du PIB, de la fragmentation du marché unique et de la perturbation des chaînes de valeur.

4.   Atténuer les effets négatifs de circonstances exceptionnelles

4.1.

Le CESE invite l’ensemble des principaux acteurs institutionnels à réexaminer les liens existant entre l’EU-27 et le Royaume-Uni, qui détermineront en grande partie l’incidence qu’aura le retrait du Royaume-Uni de l’Union sur leurs économies respectives; des mesures appropriées doivent être élaborées pour les secteurs qui subiraient un impact particulièrement négatif.

4.2.

Le CESE déplore le fait que la décision des États-Unis d’appliquer des droits de douane supplémentaires sur les produits européens, en représailles à l’aide octroyée par l’Union européenne à l’avionneur Airbus, aura principalement une incidence sur les produits agricoles et agroalimentaires produits dans les États membres de l’Union. L’efficacité des mesures de sauvegarde de l’Union dans le secteur sidérurgique, traditionnellement au centre de l’attention de la CCMI, devrait être réexaminée à la lumière de la morosité conjoncturelle touchant la sidérurgie, afin d’éviter tout dommage supplémentaire aux entreprises nationales de ce secteur et de garantir des conditions de concurrence équitables pour les entreprises et les travailleurs de l’Union.

Le CESE souligne que les droits de douane américains sur l’acier ont entraîné une réorientation significative des échanges de produits sidérurgiques en provenance de pays tiers, qui se concentrent de plus en plus sur le marché européen et qui sont notamment utilisés dans le cadre de contrats de construction d’infrastructures publiques.

4.3.

Le CESE observe toutefois que, bien qu’aucun pays ne puisse s’isoler de la mondialisation sans avoir à supporter des coûts énormes, le risque d’un effondrement du système commercial multilatéral est réel et il convient dès lors que l’Union se penche sur la question. Le Comité se félicite, à cet égard, du programme de travail de la Commission pour 2020, qui prévoit une initiative en vue de la réforme de l’OMC d’ici la fin de 2020, ainsi que du plan de relance proposé.

4.4.

Le Comité partage le point de vue selon lequel l’Union doit opter pour une approche plus résolue afin de garantir une réelle réciprocité dans la pratique et de lutter contre le protectionnisme dans le domaine de l’accès aux marchés publics dans les pays tiers.

Le marché chinois des marchés publics et la politique de la Chine en matière de protection des droits de propriété intellectuelle sont des exemples édifiants d’écarts par rapport aux normes internationales et, bien qu’adhérant à l’OMC, la Chine reste un marché largement protégé. En outre, la Chine n’a pas encore adhéré à l’accord de l’OMC sur les marchés publics, en dépit de la promesse qu’elle avait formulée lorsqu’elle a été acceptée au sein de cette organisation. Dans l’Union, le débat sur la Chine est devenu plus sensible. Des programmes ambitieux tels que l’initiative «La nouvelle route de la soie», «Made in China 2025» et les «lignes directrices de la coopération 16+1» (Budapest 2017, Sofia 2018, Dubrovnik 2019) (6) ont attiré l’attention d’un certain nombre d’acteurs privés et publics, dont les institutions européennes. La question de la 5G a permis de soulever celle de la sécurité numérique, offrant un terrain propice à des avancées vers l’indépendance numérique de l’Union. Le lancement de programmes de l’Union en faveur de l’investissement dans la recherche et l’innovation semble être l’approche la plus rationnelle et la plus prometteuse à cet égard.

4.5.

Les recommandations politiques et les mesures concrètes devraient tenir compte de deux éléments stratégiques. Le premier est que le G20, qui aurait pu devenir un forum politique mondial complémentaire du système onusien pour s’attaquer aux déséquilibres et aux inégalités au niveau mondial, a perdu une grande partie de son poids. Le second, étroitement lié au premier, est que l’Union ne dispose pas d’une «politique économique étrangère» efficace. La politique industrielle ainsi que d’autres politiques de l’Union ayant une incidence sur les facteurs liés notamment à la production, à l’énergie, au marché intérieur, à la recherche et à l’innovation et aux transports, sont en train d’être déconnectées de la projection extérieure du commerce et des services extérieurs de l’Union ou ne s’y reflètent que partiellement, de même que les organismes de crédit à l’exportation des États membres, qui devraient unir leurs forces. Il est de ce fait plus difficile pour l’Union de faire face aux grands acteurs internationaux, et son rôle dans les enceintes multilatérales et internationales et dans la prévention des distorsions du marché s’en trouve affaibli.

5.   Impact de la crise générée par la pandémie de COVID-19

5.1.

L’épidémie de COVID-19 a eu un impact macroéconomique et budgétaire colossal, dont on ne voit pas encore la fin. Le CESE partage le point de vue selon lequel il n’y a pas d’autre option que les politiques financières et aux politiques monétaires expansives annoncées récemment dans l’Union et le reste du monde. Les principaux défis à relever sont notamment une reprise partielle et inégale et une hausse du chômage. Cette dernière devrait être limitée par des mesures politiques, qui, bien que nécessaires, entraîneront des déficits publics et une augmentation de la dette publique.

5.2.

Le CESE souligne que cette crise aura de sérieuses implications à long terme pour l’Union. L’engagement coordonné de l’Union dans la lutte contre la pandémie ayant été retardé pour des raisons politiques, une perte de confiance dans la politique en général est à craindre.

5.3.

Parmi les autres risques figurent une pandémie plus longue que prévu, une instabilité financière tant au niveau mondial que dans l’Union, une montée du protectionnisme, la fragmentation du marché unique et des divergences structurelles tenaces.

5.4.

Le Comité est d’avis que l’Europe a besoin de toute urgence d’un nouveau projet d’intégration interne, d’une stratégie commune en matière économique, sociale (y compris la coordination en matière de santé publique), budgétaire, énergétique et environnementale, et d’une politique commerciale cohérente. Alors que l’absence d’une stratégie européenne efficace s’est fait sentir de manière alarmante, il convient d’inverser la tendance et d’évoluer vers une nouvelle approche européenne collective.

5.5.

Un vaste train de mesures de relance et de reconstruction pour l’investissement est nécessaire afin de soutenir l’économie européenne au sortir de la crise, dans le cadre du nouveau cadre financier pluriannuel, au-delà de ce que font déjà le mécanisme européen de stabilité, la Banque européenne d’investissement et la Banque centrale européenne. Le plan de reprise des investissements nécessaire serait par la suite financé par les fonds et instruments financiers de l’Union existants ainsi que par des obligations de relance clairement définies en fonction des problèmes créés par la crise du coronavirus et garanties par le budget de l’Union. À cet égard, le CESE considère que le plan de relance présenté récemment par la Commission européenne constitue une première étape concrète sur cette voie.

5.6.

Le CESE souligne combien le commerce fondé sur des règles est également essentiel en temps de crise ainsi que dans le cadre de la stratégie de l’Union pour sortir de celle que nous traversons. Les États membres de l’Union doivent respecter le marché unique et veiller à ce qu’il n’y ait pas d’obstacles internes aux échanges commerciaux de l’Union en lançant une négociation plus complète sur un accord plurilatéral qui conduirait à l’établissement de conditions de concurrence équitables, prévoirait notamment, le cas échéant, la libéralisation permanente des droits de douane sur les équipements médicaux, et contribuerait à garantir le libre fonctionnement des chaînes d’approvisionnement mondiales dans ce secteur critique. Parallèlement à ces mesures, la libéralisation des droits de douane et le financement des exportations, bien coordonnés entre les organes respectifs de l’Union et des États membres, pourraient alléger la pression qui pèse sur les entreprises et prévenir les distorsions du marché.

Bruxelles, le 16 juillet 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2018/november/tradoc_157516.pdf

(2)  Service de recherche du Parlement européen, Mise en œuvre de l’AECG: Gros plan sur les PME et les régions, étude réalisée à la demande du CdR, 18 novembre 2019, disponible à l’adresse suivante: http://www.europarl.europa.eu/thinktank/fr/document.html?reference=EPRS_IDA%282019%29644179

(3)  Eurobaromètre Flash 42, Internationalisation des PME, octobre 2015.

(4)  La Belgique, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, les Pays-Bas et le Royaume-Uni.

(5)  Service de recherche du Parlement européen, Interactions entre le commerce, les investissements et les tendances dans l’industrie européenne: Les régions de l’Union et le commerce international, étude réalisée à la demande du CdR, 27 octobre 2017, disponible à l’adresse suivante: http://www.europarl.europa.eu/thinktank/en/document.html?reference=EPRS_STU(2017)608695

(6)  2017: https://www.fmprc.gov.cn/mfa_eng/wjdt_665385/2649_665393/t1514534.shtml;

2018: https://www.fmprc.gov.cn/mfa_eng/wjdt_665385/2649_665393/t1577455.shtml;

2019: https://www.fmprc.gov.cn/mfa_eng/wjdt_665385/2649_665393/t1655224.shtml.


28.10.2020   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 364/43


Avis du Comité économique et social européen sur «La dimension industrielle de l’union de la sécurité»

(avis d’initiative)

(2020/C 364/06)

Rapporteur:

José CUSTÓDIO LEIRIÃO

Corapporteur:

Jan PIE

Décision de l’assemblée plénière

20.2.2020

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Commission consultative des mutations industrielles (CCMI)

Adoption par la CCMI

26.6.2020

Adoption en session plénière

16.7.2020

Session plénière no

553

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

209/3/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) salue la détermination de la nouvelle Commission européenne à renforcer la souveraineté technologique de l’Union et souligne l’importance que revêt le secteur de la sécurité à cet égard. La sécurité passe obligatoirement par les technologies, et l’Europe doit maîtriser celles qui sont cruciales pour la sienne.

1.2.

Afin de réaliser cet objectif, le CESE invite la Commission européenne à lancer une stratégie visant à renforcer les capacités industrielles et technologiques de l’Europe dans le domaine de la sécurité. C’est indispensable, en particulier dans les secteurs sensibles où la dépendance à l’égard de fournisseurs non européens peut devenir en soi un risque pour la sécurité. La stratégie doit soutenir les objectifs de la nouvelle stratégie de sécurité intérieure de l’Union et lui ajouter un volet industriel. Elle devrait contribuer à répondre aux besoins actuels et futurs des utilisateurs finals européens en matière de capacités ainsi qu’à relever les principaux défis auxquels le secteur est confronté en Europe, à savoir la fragmentation du marché, l’absence de planification à long terme en matière de capacités et de technologies ainsi que le manque de cohérence des politiques et instruments de financement de l’Union.

1.3.

La stratégie industrielle en matière de sécurité devrait reposer sur les principes suivants:

a)

une industrie de la sécurité innovante est essentielle pour la souveraineté technologique et l’autonomie stratégique de l’Europe;

b)

la sécurité est une question de souveraineté qui ne peut être laissée aux seules forces du marché. Une volonté et une action politiques sont nécessaires si l’on veut préserver la capacité d’élaborer des solutions complexes en matière de sécurité de haute technologie;

c)

compte tenu de la pandémie de COVID-19, la résilience aux catastrophes naturelles ou d’origine humaine à grande échelle doit devenir une priorité politique essentielle de l’Union et ne peut être réalisée qu’avec le soutien de l’industrie européenne de la sécurité.

La stratégie devrait être élaborée dans le cadre de l’union de la sécurité et améliorer l’efficacité des politiques de l’Union en matière de sécurité. Elle devrait adopter une approche globale et tendre vers les objectifs suivants:

évaluer les points faibles de l’Europe et sa dépendance très importante dans le domaine de la sécurité non militaire,

évaluer les technologies émergentes sous l’angle de leur utilisation potentielle dans le domaine de la sécurité,

recenser des technologies «indispensables» pour la fourniture desquelles l’Europe ne devrait pas dépendre, pour des raisons de sécurité, de pays tiers,

recenser les chaînes de valeur stratégiques dans le secteur de la sécurité,

recourir aux agences de l’Union en tant que moteurs de planification des capacités et d’harmonisation des exigences nationales,

utiliser les outils de l’Union liés à la sécurité (FSI, FGIF, Europe numérique, Horizon Europe, rescEU) en vue d’investir de façon ciblée dans les technologies et applications critiques en matière de sécurité,

utiliser d’autres instruments de l’Union (Fonds structurels, InvestEU, etc.) pour consentir des investissements en matière de sécurité (infrastructures), idéalement à travers la création d’un mécanisme qui garantisse la sécurité de l’Europe (sur le modèle du mécanisme pour l’interconnexion en Europe),

avoir recours aux marchés publics européens et coordonner les marchés publics nationaux pour soutenir la base industrielle pertinente,

utiliser des outils de financement axés sur le renforcement des capacités (tels que le FSI et le FGIF) afin d’inciter le marché à prendre en compte la recherche européenne en matière de sécurité au-delà du programme Horizon Europe,

recenser d’éventuelles nouvelles initiatives législatives, comme la révision de la directive relative à la protection des infrastructures critiques (PIC) ou l’élaboration éventuelle d’un instrument relatif à la sécurité urbaine,

coordonner les programmes pertinents de l’Union en matière de défense, de sécurité, d’espace et de cybersécurité.

Introduction

1.4.

L’environnement sécuritaire de l’Europe est extrêmement complexe. Les menaces qui pèsent aujourd’hui sur la sécurité sont souvent multiples, transnationales, en rapide évolution et difficiles à prévoir. Elles peuvent toucher un large éventail d’objectifs dans l’ensemble de l’Union, par exemple, les événements de masse, les transports, les infrastructures critiques et les institutions, et provenir d’une grande variété d’acteurs, qu’il s’agisse, entre autres, de personnes agissant seules, d’organisations criminelles, de groupes terroristes ou d’États-nations. Ces acteurs peuvent être animés par des motivations très diverses, qu’elles soient d’ordre géopolitique, liées à l’extrémisme religieux ou politique, à des intérêts économiques ou financiers ou encore à des troubles mentaux, et avoir recours à toutes sortes de moyens pour accomplir leurs méfaits, par exemple les armes à feu, les engins explosifs improvisés, les substances CBRN, les cyberattaques ou la désinformation.

1.5.

Outre les menaces d’origine humaine, les catastrophes naturelles, telles que les inondations, sécheresses, tempêtes ou pandémies, constituent un risque croissant en raison du changement climatique, de la pollution environnementale et de la surexploitation des ressources naturelles. Les catastrophes naturelles sont généralement encore plus dévastatrices que les catastrophes d’origine humaine et menacent directement et indirectement la sécurité.

1.6.

Si les menaces pesant sur la sécurité varient, il en va de même en ce qui concerne les forces de sécurité et leurs besoins en matière de capacités. Par ailleurs, il est fréquent que les forces de sécurité coopèrent, comme c’est le cas par exemple du personnel de première intervention lors d’une catastrophe, et elles ont besoin d’équipements interopérables à la hauteur du défi que constitue la menace à laquelle elles sont confrontées.

1.7.

Malgré leur diversité, les menaces qui pèsent aujourd’hui sur la sécurité ont une chose en commun, à savoir que l’on ne peut y faire face sans le soutien de la technologie. Si la technologie ne peut, en elle-même, garantir la sécurité, dans nos sociétés complexes et connectées, elle lui est toutefois indispensable dans tous les domaines et aux différentes étapes de son cycle (prévention, préparation, réaction et rétablissement). L’évolution rapide et la prolifération des nouvelles technologies numériques, telles que l’intelligence artificielle, l’informatique quantique et la chaîne de blocs, renforceront encore l’importance que revêt la technologie pour la sécurité, dans la mesure où elles créent non seulement de nouvelles possibilités, mais multiplient aussi les vulnérabilités tout comme la capacité de nuisance.

1.8.

Sans l’expertise d’une industrie de la sécurité spécialisée, il est impossible de développer les technologies de pointe nécessaires pour faire face aux menaces sécuritaires actuelles et à venir. L’industrie de la sécurité constitue en particulier un partenaire essentiel pour les systèmes de sécurité complexes et la protection contre des acteurs de la menace sophistiqués.

1.9.

La base industrielle et technologique européenne en matière de sécurité est aussi diverse que le sont les besoins des sociétés et des économies modernes dans ce domaine. Cette base se compose d’entreprises de toutes tailles et situées dans l’ensemble de l’Union, qui regroupent différents produits et spécialisations. Nombre d’entre elles ont également des activités dans le domaine de la défense, de l’aérospatial ou de l’informatique commerciale, ou sont des filiales de grands groupes opérant dans ces secteurs. Toutes développent et produisent des systèmes de haute technologie et fournissent les services nécessaires pour protéger nos sociétés, nos entreprises, nos institutions et nos citoyens contre toutes sortes de catastrophes et menaces pour la sécurité. Selon la dernière étude exhaustive réalisée en la matière, l’industrie européenne de la sécurité génère un chiffre d’affaires de près de 200 milliards d’euros et emploie 4,7 millions de personnes (1).

2.   Observations générales

2.1.

L’Union a un intérêt économique, mais aussi stratégique, à développer une base industrielle européenne dynamique dans le domaine de la sécurité. Plus un secteur lié à la sécurité est critique, plus la dépendance vis-à-vis des fournisseurs de pays tiers peut elle-même devenir un risque pour la sécurité. Il est essentiel d’utiliser des technologies, des services et des équipements élaborés à partir de sources fiables, en particulier lorsqu’il s’agit de protéger des infrastructures critiques et des institutions publiques contre des menaces émanant d’acteurs étatiques ou soutenus par l’État.

2.2.

La pandémie de COVID-19 et ses conséquences directes et indirectes ont par ailleurs mis en lumière la nécessité de disposer d’une industrie européenne solide en matière de sécurité. Le recours massif aux outils numériques, par exemple, a entraîné une augmentation considérable des cyberattaques, tant de la part d’acteurs étatiques que non étatiques, contre des entreprises et des opérateurs qui fournissent des services essentiels. Cette pandémie nous enseigne dès lors qu’il est fondamental de renforcer la cyberrésilience et la cybersécurité concernant toutes les activités numériques des entreprises et institutions. Depuis l’apparition du virus, nous assistons de nouveau à des campagnes de désinformation, qui sont souvent promues par des gouvernements étrangers et ne peuvent être combattues efficacement sans outils technologiques sophistiqués. La COVID-19 a également révélé d’importantes lacunes dans la capacité de l’Union à gérer des crises, telles que l’absence d’une réserve commune de matériel CBRN. En un mot, une multitude de mesures s’imposent pour rendre l’Europe plus résiliente face aux catastrophes de grande ampleur. La plupart de ces mesures revêtant un caractère sensible, il est impératif de les mettre en œuvre avec l’aide de fournisseurs qui soient fiables et assurent la sécurité de l’approvisionnement en période de crise.

2.3.

L’Union européenne a donc un intérêt stratégique à maintenir en Europe les capacités industrielles nécessaires pour assurer un niveau approprié d’autonomie et de souveraineté technologique dans des secteurs critiques de la sécurité. Dans le même temps, les conditions actuelles du marché ne facilitent malheureusement pas la prise en compte de cet intérêt stratégique, que du contraire: eu égard aux caractéristiques spécifiques du marché de la sécurité en Europe, il est souvent difficile pour les entreprises de créer des modèles économiques viables pour les technologies concernées.

2.4.

Sur le plan commercial, la demande de produits de sécurité de pointe coûteux reste marginale. Les opérateurs du marché privé cherchant constamment à réduire les coûts, ils limitent habituellement les investissements en matière de sécurité au strict nécessaire et privilégient les produits standard les moins chers, qu’ils se procurent souvent auprès de fournisseurs de pays tiers.

2.5.

S’agissant de la demande du secteur public sur le marché de la sécurité, il existe une grande variété d’acheteurs et d’utilisateurs finaux, dont la plupart disposent de budgets limités pour les marchés publics, passent des commandes peu importantes et sont légalement tenus d’acheter au prix le plus bas. En outre, la grande majorité des clients du secteur public ne planifient pas le développement des capacités en matière de sécurité. Ils achètent des équipements standard pour répondre à leurs besoins immédiats, sans mener aucune réflexion sur la manière dont les menaces et les technologies sont susceptibles d’évoluer dans le futur, et encore moins sur les investissements nécessaires pour s’y préparer.

2.6.

Compte tenu des particularités que présentent les deux côtés de la demande en matière de sécurité, le marché des technologies et applications critiques est très restreint. Les solutions de sécurité complexes sont souvent conçues sur mesure pour un seul client ou un très petit nombre de clients, ce qui limite au minimum les volumes de production et les économies d’échelle. Dans le meilleur des cas, les technologies mises en œuvre pour ces systèmes peuvent être utilisées pour d’autres applications moins sensibles destinées à un marché plus large. Ainsi, en raison des conditions actuelles du marché, il est impossible d’assurer la pérennité dans l’Union d’une base technologique et industrielle capable de développer les capacités de sécurité dont l’Europe a besoin pour protéger ses frontières extérieures, son territoire et ses citoyens. Cette situation nuit à la crédibilité de l’union de la sécurité et appelle une action renforcée de l’Union.

État des lieux des politiques de l’Union en matière de sécurité

2.7.

Depuis le lancement du programme européen en matière de sécurité en avril 2015, l’Union européenne s’est efforcée de mettre en place une véritable union de la sécurité qui fournisse les outils, les infrastructures et l’environnement requis pour permettre aux autorités nationales et européennes de coopérer réellement afin de relever les défis communs, tout en protégeant les droits et les libertés des citoyens (2). Le nombre même d’initiatives menées dans ce contexte démontre que la sécurité est assurément devenue l’une des grandes priorités politiques de l’Union:

directive relative à la lutte contre le terrorisme (3),

révision des règles sur la lutte contre le blanchiment de capitaux (4),

création du Système d’information Schengen (SIS) (5),

interopérabilité des systèmes d’information de l’Union dans le domaine de la sécurité, des frontières et des migrations (6),

création de l’Agence de l’Union européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (eu-LISA) (7),

règlement sur la cybersécurité (8),

renforcement du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) (9),

système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages (ETIAS) (10).

Ces initiatives viennent compléter les programmes et instruments de financement existants, tels que le Fonds pour la sécurité intérieure.

2.8.

Par rapport au cadre financier pluriannuel (CFP) précédent, la proposition de la Commission relative au prochain CFP prévoit une augmentation considérable des principales lignes budgétaires concernées, avec 35,3 milliards d’euros pour la gestion des frontières et des migrations, 4 milliards d’euros pour la sécurité intérieure et 15,6 milliards d’euros pour la résilience et la réaction aux crises (11). L’Union financera également un autre programme de recherche sur la sécurité au titre du programme Horizon Europe, qui a déjà apporté une contribution importante à la conception et au développement des capacités futures dans le cadre du programme Horizon 2020.

2.9.

S’agissant des technologies numériques, la Commission européenne propose également, une augmentation importante des dépenses (par exemple, le programme Horizon Europe ou le programme pour une Europe numérique) afin de renforcer la souveraineté technologique de l’Europe dans des domaines d’importance stratégique. À cet égard, la Commission a notamment déclaré qu’elle avait l’intention de renforcer les synergies entre les secteurs de l’espace, de la défense et de la sécurité.

2.10.

La souveraineté technologique est également un élément-clé de la «nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe», dans laquelle la Commission européenne souligne que «la transformation numérique, la sécurité et la future souveraineté technologique de l’Europe dépendent de nos infrastructures numériques stratégiques» et annonce qu’elle «soutiendra le développement de technologies clés génériques qui revêtent une importance stratégique pour l’avenir industriel de l’Europe» (12).

Observations particulières

2.11.

La compétence de l’Union en matière de sécurité reste limitée et se borne très souvent à assurer la coordination entre les autorités nationales. C’est la raison pour laquelle les politiques de sécurité demeurent fragmentées et souvent inefficaces. Il en va de même dans d’autres secteurs liés à la sécurité, comme la santé publique.

2.12.

La sécurité dans l’Union est une priorité politique sans dimension industrielle. S’il existe un nombre impressionnant de politiques et d’outils de financement liés à la sécurité dotés de budgets considérables, il n’y a toutefois aucune coordination des besoins en matière de capacité ni de politique cohérente visant à soutenir la base industrielle et technologique pertinente. Des concepts tels que la compétitivité industrielle, l’autonomie stratégique, la planification des capacités et les technologies critiques n’ont pas été pris en compte dans le cadre du débat sur l’union de la sécurité et n’ont jamais été considérés comme des objectifs des programmes de financement en matière de sécurité.

2.13.

Le «Plan d’action en faveur d’un secteur industriel de la sécurité innovant et compétitif» présenté par la Commission en 2012 manquait d’ambition, avait une portée limitée et est dès lors resté en grande partie lettre morte.

2.14.

Le programme de recherche de l’Union en matière de sécurité mobilise des ressources considérables mais comporte de graves lacunes. L’exploitation par le marché des résultats de la recherche reste un défi majeur, étant donné qu’il n’existe pas de processus commun de planification des capacités en matière de sécurité qui contribuerait à regrouper les demandes des utilisateurs publics finals et qu’il n’est pas fait systématiquement usage d’autres instruments financiers de renforcement des capacités élaborés par l’Union pour soutenir le déploiement de solutions dans ce domaine.

2.15.

La nouvelle stratégie de sécurité intérieure oriente les politiques de l’Union en matière de sécurité et devrait dès lors s’efforcer de remédier à ces lacunes. Elle devrait permettre de faire face à l’évolution rapide de la technologie et à ses conséquences sur la sécurité, promouvoir une définition commune des besoins en matière de capacités dans le domaine de la sécurité et encourager la coopération européenne afin de répondre à ces besoins. Cela permettrait de renforcer l’union de la sécurité, de contribuer considérablement à la création d’un véritable marché intérieur de la sécurité et à la préservation d’une industrie européenne de la sécurité qui soit compétitive.

2.16.

L’industrie est indispensable pour transformer les technologies en solutions concrètes. Une stratégie industrielle ambitieuse pour les principaux secteurs relevant de la souveraineté devrait dès lors faire partie des priorités politiques de l’Union. Il est particulièrement urgent d’élaborer une telle politique pour le secteur de la sécurité, lequel pâtit actuellement des graves défaillances du marché qui rendent très difficile le maintien des capacités industrielles et technologiques critiques.

2.17.

Le CESE invite dès lors la Commission européenne à élaborer une stratégie industrielle spécifique en matière de sécurité afin de soutenir la nouvelle stratégie de sécurité intérieure et de rendre l’union de la sécurité plus efficace. Cette stratégie industrielle devrait être ambitieuse et générale, c’est-à-dire veiller à ce que l’ensemble des politiques et instruments pertinents contribuent à assurer la souveraineté technologique de l’Union dans les secteurs critiques de la sécurité. Elle devrait également garantir que tous les instruments de l’Union liés à la sécurité (FSI, FGIF, rescEU) comportent un volet industriel, et que tous les programmes en lien avec la technologie (Europe numérique, Horizon Europe) comportent un volet lié à la sécurité. Cela permettrait de répondre aux besoins des entités publiques en matière de sécurité, offrirait de nouvelles possibilités à l’industrie européenne et améliorerait la prise en compte en temps utile des incidences des technologies émergentes sur le plan de la sécurité.

2.18.

À cette fin, il convient de préciser le concept de souveraineté technologique et de le mettre en application. Le CESE se félicite de l’importance que la Commission accorde aux technologies numériques, mais considère qu’il ne faut pas se limiter à celles-ci. La priorité devrait être donnée à toutes les technologies critiques dans les principaux secteurs relevant de la souveraineté, à savoir la sécurité, la défense et l’espace. Ce concept devrait en outre être réexaminé à la lumière de la pandémie de COVID-19 et englober la résilience en tant qu’objectif stratégique.

2.19.

La «nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe» de la Commission propose des éléments importants pour renforcer la souveraineté technologique dans des domaines critiques de la sécurité. Le concept de chaînes de valeur stratégiques, en particulier, devrait servir de cadre à une approche globale qui couvre l’ensemble du cycle industriel, de l’approvisionnement en matières critiques à la maintenance, en passant par l’industrialisation, et qui coordonne l’utilisation de tous les instruments de politique appropriés, y compris le contrôle des investissements directs étrangers.

2.20.

Le prochain cadre financier pluriannuel devra être adapté aux besoins de la période (post-)COVID-19, tout comme les politiques qu’il soutient et les programmes qu’il finance. Il convient de réexaminer les priorités et instruments précédemment définis et de prendre en compte les enseignements tirés des difficultés rencontrées par l’Europe pour combattre la pandémie. Cette observation vaut également pour l’union de la sécurité et la nouvelle stratégie de sécurité intérieure, qui devraient mettre l’accent sur la nécessité d’accroître la souveraineté technologique et la résilience.

2.21.

Au cours du prochain cycle budgétaire, afin de surmonter la récession provoquée par la pandémie, l’Union devrait investir principalement dans les secteurs de haute technologie, étant donné qu’ils présentent la valeur ajoutée et les effets multiplicateurs les plus importants pour l’ensemble de l’économie (13). Une stratégie industrielle de l’Union en matière de sécurité qui contribue à rendre l’Europe plus autonome et plus résiliente s’inscrirait parfaitement dans cette approche et devrait par conséquent être lancée de toute urgence dans le cadre du plan de relance de l’Union post-COVID-19.

Bruxelles, le 16 juillet 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Compte tenu de la diversité du secteur de la sécurité, celui-ci n’est actuellement pas clairement défini. De plus, seules des estimations approximatives sont disponibles quant à la taille du marché. La classification méthodique du secteur de la sécurité est entravée par une série de facteurs: 1) l’industrie de la sécurité en tant que telle n’est pas couverte par les principales nomenclatures statistiques (NACE, Prodcom, etc.); 2) la production de biens liés à la sécurité dépend de diverses rubriques, et les statistiques pour celles-ci ne font pas de distinction entre les activités liées à la sécurité et celles qui ne le sont pas; 3) aucune source de données statistiques issue du secteur lui-même n’est disponible au niveau européen. Voir l’étude sur l’élaboration de données statistiques relatives à la base industrielle et technologique européenne dans le domaine de la sécurité, Ecorys, rapport final pour la Commission européenne, DG Migration et affaires intérieures, juin 2015.

(2)  Communication de la Commission intitulée «Mise en œuvre du programme européen en matière de sécurité pour lutter contre le terrorisme et ouvrir la voie à une union de la sécurité réelle et effective», Bruxelles, 20.4.2016, COM(2016) 230 final: https://eur-lex.europa.eu/resource.html?uri=cellar:9aeae420-0797-11e6-b713-01aa75ed71a1.0017.02/DOC_1&format=PDF

(3)  Directive relative à la lutte contre le terrorisme (JO L 88 du 31.3.2017, p. 6).

(4)  Directive relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme (JO L 141 du 5.6.2015, p. 73).

(5)  Règlement sur l’établissement, le fonctionnement et l’utilisation du système d’information Schengen (SIS) dans le domaine des vérifications aux frontières (JO L 312 du 7.12.2018, p. 14) et règlement sur l’établissement, le fonctionnement et l’utilisation du système d’information Schengen (SIS) dans le domaine de la coopération policière et de la coopération judiciaire en matière pénale (JO L 312 du 7.12.2018, p. 56).

(6)  Règlement relatif à l’interopérabilité (frontières et visas) (JO L 135 du 22.5.2019, p. 27) et règlement relatif à l’interopérabilité (coopération policière et judiciaire, asile et immigration) (JO L 135 du 22.5.2019, p. 85).

(7)  Règlement relatif à l’Agence de l’Union européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (eu-LISA) (JO L 295 du 21.11.2018, p. 99).

(8)  Règlement relatif à l’ENISA (Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité) et à la certification de cybersécurité des technologies de l’information et des communications (JO L 151 du 7.6.2019, p. 15).

(9)  Règlement relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes (JO L 295 du 14.11.2019, p. 1).

(10)  Règlement portant création d’un système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages (JO L 236 du 19.9.2018, p. 1).

(11)  À prix courants. Voir la communication de la Commission intitulée «Le budget de l’Union: moteur du plan de relance pour l’Europe», Bruxelles, 27.5.2020, COM(2020) 442 final: https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/about_the_european_commission/eu_budget/1_fr_act_part1_v9.pdf

(12)  Communication de la Commission intitulée «Une nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe», Bruxelles, 10.3.2020, COM(2020) 102 final: https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52020DC0102&from=ES

(13)  Voir, par exemple, «Il ruolo dell’innovazione et dell’alta technologia in Italia nel confronto con il contesta internazionale» («Le rôle de l’innovation et des techniques de pointe en Italie par rapport au contexte international»), Centro economia digitale, Rome, octobre 2019.


28.10.2020   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 364/49


Avis du Comité économique et social européen sur «L’instauration des mesures de sauvegarde pour les produits agricoles dans les accords de commerce»

(avis d’initiative)

(2020/C 364/07)

Rapporteur:

Arnold PUECH D’ALISSAC

Décision de l’assemblée plénière

20.2.2020

Base juridique

Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section

29.6.2020

Adoption en session plénière

16.7.2020

Session plénière no

553

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

204/2/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Une coopération internationale renforcée est un préalable à des clauses de sauvegarde efficaces.

1.1.1.

Le CESE souligne que l’approvisionnement alimentaire de l’humanité reste et restera un enjeu majeur au moins jusqu’en 2050. Pour nourrir 9 à 10 milliards d’êtres humains, nous aurons besoin de toutes les agricultures du monde. La FAO estime que la production mondiale devra augmenter de 70 % entre 2007 et 2050. Il est donc nécessaire de protéger les capacités de production de chaque pays, en promouvant des politiques agricoles et commerciales adaptées, tout en assurant un commerce international organisé pour faire face aussi bien aux aléas de la production qu’aux insuffisances pérennes de certaines zones géographiques.

1.1.2.

Pour le CESE, l’harmonisation des normes de production pour éviter les distorsions de concurrence et permettre à chaque pays de produire une alimentation de base est indispensable.

1.2.

Une amélioration de la transparence des marchés doit être poursuivie.

1.2.1.

Lancée en 2011 par la réunion des ministres de l’agriculture du G20, l’initiative AMIS (Agricultural market information system — système d’information sur les marchés agricoles) regroupant les principaux producteurs et importateurs mondiaux de céréales et oléagineux permet de connaître la situation réelle des marchés et constitue aussi une instance de dialogue et de coordination des responsables gouvernementaux en période de forte volatilité sur les marchés agricoles. Cette initiative a démontré son utilité, mais doit encore être développée, sur le plan du nombre de pays participants et du périmètre, pour couvrir aussi les autres produits échangés sur les marchés mondiaux.

1.3.

Les clauses de sauvegarde agricoles de l’OMC, aussi bien générales que dans les accords bilatéraux, doivent être améliorées sur différents critères que le CESE énumère dans cet avis. Il s’agit d’assurer une concurrence équitable et la pérennité des filières européennes, garantissant la souveraineté alimentaire au profit de tous les citoyens, producteurs comme consommateurs. Ce besoin de souveraineté alimentaire a été largement souligné lors de la vague de COVID-19.

1.3.1.   Une réaction rapide

Les clauses actuelles sont inefficaces en raison d’un temps de mise en œuvre trop important. Pourtant, grâce à la numérisation de l’économie, les données peuvent être disponibles en quelques heures. Le suivi des volumes et des prix est aujourd’hui efficace et permet une réaction rapide.

1.3.2.   Une réaction automatique

Avec la connaissance fine des échanges, les flux commerciaux peuvent être régulés facilement. La mise en œuvre concertée entre les exportateurs et les importateurs pourrait être réalisée automatiquement, dès qu’une augmentation de 10 % en volume des échanges est constatée sur une période de temps définie, par exemple un an. Si l’augmentation est justifiée en raison d’un aléa ayant entrainé une moindre production, la clause ne serait pas activée. Par contre, si l’augmentation n’est pas justifiée, un droit de douane additionnel serait appliqué pour limiter cette augmentation.

1.3.3.   Une réaction proportionnée

Selon la nature et l’origine de l’augmentation des flux commerciaux, la réaction doit être proportionnée afin de réduire cette augmentation ou d’assurer la suspension effective des flux déstabilisants pour les filières concernées.

1.3.4.   Une réaction exhaustive

Tous les flux d’importation doivent être pris en compte, quelques soit leur statut et sans notification préalable. C’est justement pour les produits dits sensibles que des contingents à droits réduits sont octroyés dans les accords de libre-échange (ALE), et ce sont les secteurs qui sont les plus rapidement déstabilisés. Ils doivent donc être soumis aussi aux clauses de sauvegarde.

1.3.5.   Des mesures dites miroirs

L’introduction de mesures miroirs dans les réglementations européennes sur l’importation doit d’une part assurer la même protection des consommateurs quelle que soit l’origine des produits et d’autre part limiter les distorsions économiques pour les opérateurs européens.

1.3.6.   Une prise en compte du cadre de mise en application de l’accord de Paris

Les engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre sont un enjeu international majeur. Si certains pays ne les respectent pas, ils ne doivent pas en bénéficier en termes de commerce. Un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières doit être mis en place dans le secteur agroalimentaire. En raison de sa complexité, et dans l’attente de son approbation, des clauses de sauvegarde spécifiques à l’accord de Paris doivent être obtenues à l’OMC et incluses dans tous les accords de libre-échange négociés par la Commission européenne.

1.3.7.   Une prise en compte des Objectifs de développement durable

Comme pour l’accord de Paris, des clauses de sauvegardes doivent être obtenues à l’OMC et incluses dans tous les accords signés par l’Union européenne.

2.   Concept et historique des clauses de sauvegarde

2.1.

L’OMC prévoit des clauses spécifiques pour le secteur agricole, mais limite leur usage.

2.1.1.

Les mesures de sauvegarde sont définies comme des mesures «d’urgence» concernant l’accroissement des importations de produits particuliers, lorsque ces importations causent ou menacent de causer un dommage grave à la branche de production nationale du pays importateur. Ces mesures, qui revêtent globalement la forme de suspension de concessions ou d’obligations, peuvent consister à appliquer des restrictions quantitatives à l’importation ou à relever les droits de douanes à l’importation.

2.1.2.

Dans le domaine de l’agriculture, l’application de tarifs de sauvegarde plus élevés peut-être automatiquement déclenchée lorsque le volume des importations excède un certain niveau ou que les prix tombent en deçà d’un certain niveau, sans avoir à démontrer qu’un dommage grave est causé à la branche de production nationale.

2.1.3.

Mais la clause de sauvegarde spéciale pour l’agriculture peut être invoquée uniquement pour des produits pour lesquels il a été procédé à une tarification et à condition que le gouvernement se soit réservé le droit de le faire dans sa liste d’engagements relatifs à l’agriculture. De plus, elle ne peut pas être invoquée pour des importations entrant dans le cadre de contingents tarifaires.

2.2.

Les accords de libre-échange bilatéraux permettent d’aller plus loin.

2.2.1.

Les ALE doivent couvrir l’essentiel des échanges commerciaux et ils doivent favoriser la libéralisation des échanges entre les pays signataires sans opposer d’obstacles au commerce avec le reste du monde. Face aux difficultés du processus de négociation multilatéral à l’OMC, de nombreux ALE ont été négociés au cours des dernières années.

2.2.2.

L’Union européenne favorise cette option pour impulser la libéralisation du commerce et avancer sur des points non consensuels, comme les chapitres de développement durable. Toutefois, les derniers accords ont montré les limites de ce système et les difficultés à se doter d’une approche commune ou de prendre en compte pleinement d’autres accords internationaux, comme l’accord de Paris.

2.3.

Le commerce international agroalimentaire demeure indispensable.

2.3.1.

La recherche de l’autosuffisance alimentaire se heurte à plusieurs obstacles, à commencer par l’expansion démographique, qui rendent souvent indispensable le recours aux importations. Les échanges contribuent donc de manière cruciale à la sécurité alimentaire de la planète. Le défi pour les États est de trouver le bon équilibre entre le développement de leur propre production agricole et l’ouverture au commerce. Mais il est aussi de faire en sorte que leur agriculture, quand elle le peut, et dans des conditions qui ne faussent pas indûment la concurrence, puisse répondre à la demande internationale et exporter des denrées vers les pays qui sont incapables d’en produire à hauteur de leurs besoins.

2.3.2.

Une étude prospective de l’institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) montre en effet que d’ici à 2050, la concentration des exportations agricoles mondiales pourrait encore s’accentuer. Elle bénéficierait essentiellement à un petit nombre de pays ou de régions, où le changement climatique aurait un impact positif sur l’agriculture et qui pourraient ainsi augmenter leurs surfaces cultivées, de même que les rendements des cultures.

2.4.

Le commerce agricole est utilisé à mauvais escient en diplomatie. Le secteur agricole est victime de négociations politiques qui ne le concernent pas: que ce soit dans le conflit sino-américain, dans celui entre Boeing et Airbus ou dans la phase finale des négociations commerciales, le secteur agricole fait régulièrement l’objet de mesures de rétorsion et d’offres de contrepartie de négociation.

3.   Insuffisances des clauses de sauvegardes actuelles

3.1.

Les procédures de sauvegarde sont trop longues et laborieuses.

3.1.1.

La mise en place de clauses de sauvegarde a été longue et laborieuse dans le passé, les rendant inefficientes. Si l’Union européenne fait partie des membres de l’OMC ayant réservé leur droit à invoquer cette clause sur de nombreux produits, en pratique, elle ne les applique quasiment jamais. Ainsi, lors du «détournement» du poulet congelé-saumuré (s’il est saumuré, il n’a pas besoin d’être congelé) par le Brésil, le droit de douane moindre appliqué a permis de très importantes augmentations des importations de viande de volaille, entre 1996 et 2001, sans application des clauses de sauvegarde.

3.2.

Les procédures actuelles ne garantissent pas une concurrence équitable.

3.2.1.

L’avantage compétitif des producteurs de pays tiers qui ne sont pas tenus de respecter strictement les normes européennes est important. Ainsi, dans le dernier accord signé avec le Canada, les producteurs canadiens ont la possibilité d’utiliser une quarantaine de produits phytosanitaires interdits dans l’Union, comme l’atrazine, qui réduit fortement leur coût de production. Les pays d’Amérique utilisent des semences OGM autorisées à la commercialisation dans l’Union, mais pas à la production, notamment pour les protéines végétales comme le soja.

3.2.2.

La conséquence de ces défauts est une augmentation des importations de produits agricoles, notamment des produits agricoles bruts. Ceci est à même de remettre en cause la souveraineté alimentaire européenne. Selon la dernière publication de la Commission européenne Agri-food trade statistical factsheet (1), le déficit de la balance commerciale de l’Union européenne pour les produits agricoles bruts dépasse les 20 milliards d’euros en 2019.

3.3.

Ces insuffisances pénalisent aussi les consommateurs. L’absence de régulation conduit à une volatilité des prix excessives, qui a augmenté ces dernières années. La spéculation engendrée sur les marchés agricoles accentue encore cette volatilité, rendant l’accès à l’alimentation difficile pour de nombreux consommateurs à faible revenu. De plus, la déstabilisation des filières conduit à une réduction des capacités de production renforçant l’insécurité de l’approvisionnement des consommateurs.

3.4.

La COVID-19 a mis en lumière, de façon tragique, à la fois le besoin de commerce agricole et l’indispensable souveraineté alimentaire. En matière de commerce international, l’Union européenne doit donc se donner les outils pour accroître la résilience de l’Union européenne face aux chocs économiques de manière à restaurer la confiance, la stabilité et une prospérité partagée pour l’ensemble des Européens.

Bruxelles, le 16 juillet 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Commission européenne: Agri-food trade statistical factsheet.


28.10.2020   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 364/53


Avis du Comité économique et social européen sur «Une urgence au lendemain de la COVID-19: la conception d’une nouvelle matrice multilatérale»

(avis d’initiative)

(2020/C 364/08)

Rapporteure:

Emmanuelle BUTAUD-STUBBS

Décision de l’assemblée plénière

20.2.2020

Base juridique

Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Sections «Relations extérieures»

Adoption en section

16.6.2020

Adoption en session plénière

16.7.2020

Session plénière no

553

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

213/3/3

1.   Conclusions et recommandations

La COVID-19 et le multilatéralisme

1.1.

L’impact profond et inédit de la crise sanitaire liée à la COVID-19 sur le plan économique, social et financier appelle une réaction sans précédent et sans équivoque, inscrite dans le long terme. L’Union européenne doit soutenir l’économie et les échanges internationaux pour préserver le commerce mondial d’un besoin de rattrapage, comme en 1929, et pour financer la reprise, tout en protégeant les entreprises, les travailleurs quels qu’ils soient (y compris les personnes en situation de handicap), les groupes vulnérables et les citoyens, dans un esprit de solidarité et de responsabilité, en ne laissant personne de côté. Toutes les entreprises, y compris celles de l’économie sociale, en tant que composantes essentielles de la solution, doivent bénéficier d’un plein accès aux mesures de relance.

1.2.

La reprise au lendemain du «Grand Confinement» doit être fondée sur la durabilité et sur une croissance inclusive et respectueuse de l’environnement. Les mesures du pacte vert pour l’Europe — stratégie industrielle, ajustement carbone aux frontières et neutralité carbone d’ici à 2050 — sont donc plus importantes que jamais.

1.3.

La crise causée par la pandémie de COVID-19 a porté un coup dur à un multilatéralisme déjà émoussé par des faiblesses structurelles telles que les chevauchements d’organisations, un fonctionnement obsolète et un processus décisionnel à l’unanimité réunissant un grand nombre de participants. La déliquescence de l’organe d’appel du mécanisme de règlement des différends de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ainsi que le gel de la contribution financière des États-Unis à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), et le fait qu’ils s’en soient ensuite retirés, apparaissent révélateurs à cet égard. En outre, les restrictions nationales à l’exportation de matériel médical essentiel et d’équipements de protection individuelle, y compris de la part d’États membres de l’Union, ainsi que l’égoïsme national et un certain nombre de défaillances de la solidarité et de la coopération internationale, ont des répercussions négatives sur les pays les plus vulnérables et retardent la reprise de l’économie mondiale.

Une vision plus globale est nécessaire

1.4.

Le Comité économique et social européen (CESE) souhaite partager ses réflexions sur une «nouvelle matrice multilatérale» — en s’appuyant sur la longue liste de ses propositions antérieures, sur la réforme de l’OMC, le rôle de l’Organisation internationale du travail (OIT), etc. — et présenter des solutions nouvelles pour l’ère de l’après-COVID-19 (1).

1.5.

Nourrie durant la crise, cette réflexion vise à inspirer une nouvelle coopération et une plus grande cohérence dans les décisions prises par les organisations internationales, supranationales et intergouvernementales sur les questions qui ont trait au commerce et à l’investissement, au travail décent, aux droits sociaux, aux droits de l’homme et au changement climatique. Elle encourage les pays à se conformer au principe de coopération loyale au sein de ces organisations et à renforcer les synergies, plutôt que d’en exploiter les failles.

1.6.

Après chaque guerre mondiale, les peuples ont recouru à des organisations internationales pour maintenir la paix et la prospérité. Cette crise sanitaire mondiale est précisément le moment de repenser les règles de gouvernance mondiale et d’y intégrer une partie de l’esprit d’innovation qui se manifeste face à des situations sans précédent.

Un ensemble de propositions concrètes

1.7.

Plusieurs acteurs issus d’horizons très variés (voir l’annexe) ont assisté la rapporteure pour formuler des suggestions en tenant compte des contraintes juridiques, politiques et organisationnelles.

1.8.

Ces propositions visent à assurer une meilleure coordination:

des normes sociales mondiales avec les engagements relatifs au changement climatique et à la protection de l’environnement,

des règles liées au commerce avec les traités relatifs au changement climatique et à la protection de l’environnement, et

des règles liées au commerce avec les normes sociales mondiales.

1.9.

Ces propositions incluent notamment un accès plus large au statut d’observateur, un financement pour la promotion d’études, la création de nouveaux groupes de travail, une coordination renforcée entre les secrétariats, des politiques communes dans le domaine de la recherche, une interprétation de certaines dispositions juridiques en vigueur ou encore des engagements politiques.

1.10.

Le CESE est conscient que les changements doivent être entrepris au niveau politique; il est fermement convaincu que l’Union, l’un des rares acteurs mondiaux disposant d’un devoir et d’un mandat constitutionnels en matière de bonne gouvernance mondiale, a un rôle crucial à jouer pour élaborer de l’intérieur une matrice multilatérale plus efficace.

2.   L’appel que nous avons lancé de longue date en faveur d’une cohérence des règles multilatérales a débouché sur de timides avancées

2.1.    Un plaidoyer des acteurs clés de la société civile

2.1.1.

De nombreux acteurs ont à maintes reprises réclamé une plus grande cohérence dans l’élaboration des politiques par les organisations internationales, supranationales et intergouvernementales.

2.1.2.

Pour ce qui concerne le monde des entreprises, la Chambre de commerce internationale (CCI) a notamment fait observer que «l’un des points de tension sous-jacents dans le débat actuel sur la mondialisation est la dissonance perçue entre les normes relatives au commerce, au travail et à l’environnement» (2).

2.1.3.

Les participants au sommet B7-L7 de 2019 ont par ailleurs fait la déclaration suivante: «La gouvernance mondiale devrait mieux prendre en compte les défis sociaux actuels, y compris le besoin de nouvelles compétences, pour assurer le travail décent selon les standards internationaux, afin de créer les conditions permettant aux entreprises de soutenir la productivité, d’augmenter les salaires et de créer de bons emplois» (paragraphe 3).

2.2.    Un bref aperçu des étapes précédentes

2.2.1.   Comprendre la complexité de la mondialisation

2.2.1.1.

Les Nations unies jouent un rôle majeur en ce qu’elles constituent l’organisation internationale centrale, à même de produire les règles et les normes dont la couverture géographique est la plus large. C’est la raison pour laquelle le CESE soutient une réforme des Nations unies, qui doit conduire à passer d’une approche fondée sur la procédure à une approche fondée sur les résultats. En septembre 2015, les Nations unies ont adopté 17 objectifs de développement durable (ODD) reflétant les défis les plus universels qui se posent pour l’humanité. Si les ODD ne sont pas juridiquement contraignants, il est attendu des gouvernements, y compris des institutions de l’Union européenne, qu’ils y souscrivent et qu’ils mettent en place des cadres nationaux en vue de les atteindre.

2.2.1.2.

En 2017, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) appelait l’attention sur la considération suivante: «Il nous faut de toute urgence remettre la mondialisation sur les rails, mais comment?» (3). Dans un document d’orientation, elle a énuméré des mesures d’accompagnement (affaires sociales et marché du travail, éducation et compétences, responsabilité sociale et environnementale des entreprises) et indiqué qu’il était «urgent d’intensifier la consultation du public et la participation de parties prenantes représentant la société civile» dans les activités d’élaboration de normes que mènent les organisations internationales.

2.2.2.   Les normes sociales mondiales et les règles commerciales multilatérales: l’histoire d’une occasion manquée

2.2.2.1.

En 1996 (4), juste après la tentative avortée d’introduire une clause sociale dans ses règles, l’OMC précisait que l’Organisation internationale du travail (OIT) «est l’organe compétent pour établir [les normes fondamentales du travail] et s’en occuper». Depuis lors, l’OIT a adopté plusieurs grands instruments. Au paragraphe 5 de sa déclaration de 1998, elle reconnaît que «les normes du travail ne pourront servir à des fins commerciales protectionnistes et que rien dans la présente Déclaration et son suivi ne pourra être invoqué ni servir à pareilles fins; en outre, l’avantage comparatif d’un quelconque pays ne pourra, en aucune façon, être mis en cause du fait de la présente Déclaration et son suivi».

2.2.2.2.

Dans la déclaration qu’elle a présentée en 2019 à l’occasion de son centenaire, l’OIT montre la voie en s’engageant à «[renforcer] sa coopération avec d’autres organisations et [mettre] en place avec elles des dispositifs institutionnels en vue de promouvoir la cohérence des politiques en faveur de son approche de l’avenir du travail centrée sur l’humain, en tenant compte des liens solides, complexes et déterminants qui existent entre les politiques sociales, commerciales, financières, économiques et environnementales» (chapitre IV, paragraphe F).

2.2.2.3.

Si elles empruntent chacune une voie distincte, l’OIT et l’OMC n’en collaborent pas moins dans une série de domaines, et produisent notamment des publications conjointes intéressantes sur le commerce et l’emploi, le commerce et l’emploi informel, l’aiguillage de la mondialisation sur la voie de la durabilité sociale ou encore l’importance des politiques en matière de développement des compétences pour aider les travailleurs et les entreprises à tirer parti des avantages du commerce.

2.2.2.4.

Cette politique de coopération n’a jamais franchi la ligne rouge tracée par la déclaration ministérielle de Singapour présentée par l’OMC en 1996: «Nous rejetons l’usage des normes du travail à des fins protectionnistes et convenons que l’avantage comparatif des pays, en particulier des pays en développement à bas salaires, ne doit en aucune façon être remis en question. À cet égard, nous notons que les Secrétariats de l’OMC et de l’OIT continueront de collaborer comme ils le font actuellement

2.2.3.   L’intégration progressive des engagements en faveur du climat et de l’environnement dans le paysage multilatéral

2.2.3.1.

Depuis 1994, date à laquelle la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) est entrée en vigueur, les gouvernements se sont réunis régulièrement pour contrôler les progrès accomplis grâce à un solide système de transparence et de responsabilisation. Ce n’est toutefois qu’à la fin de l’année 2015 que l’accord de Paris, premier accord universel juridiquement contraignant sur le changement climatique, a été adopté, prévoyant un système de contributions déterminées au niveau national qui doivent faire l’objet d’un suivi.

2.2.3.2.

Par son statut d’observateur à la CCNUCC et son mandat consistant à promouvoir le travail décent et une transition juste, l’OIT a contribué de manière substantielle aux travaux du forum amélioré sur l’impact des mesures de riposte mises en œuvre (2015-2018). Le forum a notamment mené des recherches sur les «effets découlant de la mise en œuvre, par les parties à la Convention, au protocole de Kyoto et à l’accord de Paris pour lutter contre le changement climatique, des politiques, programmes et mesures d’atténuation sur leur territoire ou à l’extérieur de celui-ci, au niveau transfrontière».

2.2.3.3.

Après la conclusion d’un protocole d’accord en 2016, l’OIT a travaillé en étroite collaboration avec le personnel et les experts de la CCNUCC pour améliorer la compréhension mutuelle des deux organisations: formation au rôle des acteurs sociaux, renforcement des capacités pour évaluer les effets des mesures liées au changement climatique, ateliers régionaux sur la transition juste et un forum mondial bisannuel.

2.2.3.4.

La principale voie d’action de l’OIT dans le domaine de l’environnement est une alliance avec le PNUE, le PNUD, l’ONUDI et l’Unitar, baptisée «partenariat pour l’action en faveur d’une économie verte» (PAGE).

2.2.3.5.

Toute une série d’accords multilatéraux sur l’environnement vient compléter ce tableau. Utilisés principalement par les Nations unies, ils couvent un large éventail de thématiques environnementales touchant à la biodiversité, aux terres, aux mers, aux déchets chimiques et dangereux ou encore à l’atmosphère. L’Union européenne est partie à une trentaine de ces accords.

2.2.3.6.

Outre le réseau des Nations unies, le comité du commerce et de l’environnement de l’OMC offre un forum permettant de partager des informations, tenir des manifestations et procéder à des échanges de vues sur le commerce et la durabilité, par exemple concernant l’économie circulaire, les initiatives volontaires en matière de normes, la réforme des subventions aux combustibles fossiles, les matières plastiques, etc.

2.2.3.7.

D’après la jurisprudence de l’OMC, ses membres peuvent mettre en place des mesures pour améliorer la santé des citoyens, la protection de l’environnement ou la sauvegarde de la biodiversité pour autant qu’elles soient conformes à des critères déterminés, qui visent à garantir le respect des règles et prescriptions de l’OMC. Ces dérogations, fondées sur l’article XX de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), sont réputées compatibles si elles sont proportionnées et non discriminatoires. L’application de ces mesures ne doit pas constituer un «moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable» ni «une restriction déguisée au commerce international».

2.2.3.8.

M. Renato Ruggiero, ancien directeur général de l’OMC, a exposé très clairement lors d’une conférence à Bonn, le 9 décembre 1997, les limites qui déterminent ce que les gouvernements peuvent ou ne peuvent pas faire: «Les gouvernements peuvent recourir à tout type de restriction au commerce, y compris les quotas et les interdictions d’importation et d’exportation, ou l’imposition de taxes ou d’autres droits à la frontière, aux fins de protéger l’environnement ou de préserver les ressources sur leur territoire, pour autant que soient satisfaites les exigences fondamentales relatives à la non-discrimination et à la clause la moins restrictive pour le commerce. […] En revanche, ce qu’un pays ne peut pas faire dans le cadre des règles de l’OMC, c’est appliquer des restrictions au commerce pour essayer de modifier les procédés et méthodes de production, ou d’autres politiques, de ses partenaires commerciaux. Pourquoi? Parce que la question des procédés et méthodes de production relève de la compétence souveraine de chaque pays.»

2.2.3.9.

Cette limite, qui empêche toute interférence avec les procédés et méthodes de production, constitue un obstacle manifeste à l’établissement de mesures d’incitation en faveur de la production et du commerce de biens durables.

2.2.4.   Les recours bilatéraux au service d’une meilleure cohérence des règles économiques, sociales et environnementales

2.2.5.   Mérites et limites des chapitres relatifs au commerce et au développement durable

2.2.5.1.

L’Union européenne a mis en place des chapitres sur le commerce et le développement durable dans ses accords de libre-échange (ALE) pour faire en sorte que la libéralisation des échanges ne débouche pas sur une dégradation de l’environnement et des conditions de travail.

2.2.5.2.

En 2017, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a reconnu la «place essentielle» des dispositions relatives au développement durable dans un accord (5).

2.2.5.3.

En 2018 (6), le CESE réclamait plus d’ambition et une plus grande force exécutoire pour les chapitres sur le commerce et le développement durable, auxquels il conviendrait d’accorder le même poids qu’à ceux portant sur les questions commerciales, techniques et tarifaires.

2.2.5.4.

En 2016, l’OIT (7) rapportait que 63 % des accords commerciaux assortis de dispositions relatives au travail ont été conclus après 2008, signe d’une accélération, et que l’Union européenne, les États-Unis ou le Canada étaient parties à 46,8 % des ALE comprenant de telles dispositions. Les textes de référence sont, par ordre décroissant, la déclaration de 1998 relative aux principes et droits fondamentaux au travail, la convention no 182 sur le travail des enfants, le programme en faveur du travail décent et la déclaration sur la justice sociale.

3.   Jeter un regard neuf pour concevoir une nouvelle matrice multilatérale

3.1.    Prémisses générales

3.1.1.

Toute nouvelle proposition visant à améliorer la cohésion devrait respecter quatre principes:

la spécialisation: «Les organisations internationales ne possèdent des compétences que dans la mesure où elles leur ont été conférées par leurs États membres» (8),

la capacité de prendre des décisions: les organisations sont dotées de règles et de procédures internes claires qui permettent à leurs organes de gouvernance (comités techniques ou assemblées générales) d’agir,

la transparence: toute évolution fonctionnelle, comme la création de groupes conjoints, de nouveaux statuts ou des déclarations communes, doit faire l’objet d’une communication transparente, en interne mais aussi vis-à-vis de l’extérieur,

l’évaluation: il convient d’encourager l’instauration d’une culture de l’évaluation du fonctionnement interne.

3.1.2.

Le CESE est par principe favorable à une communication plus ouverte et à la consultation de la société civile sur les politiques des organisations internationales, et il préconise la mise en place progressive de processus de dialogue permanent. Fort de son expérience, le CESE est disposé à jouer un rôle pilote pour faciliter la mise en place de telles procédures. Dans une démarche très analogue à celles de la CCNUCC et de l’OCDE, qui entretiennent un riche dialogue avec un large éventail de partenaires, l’OMC a récemment renforcé ses interactions avec la société civile, au-delà de son forum public annuel. Ces échanges peuvent contribuer de manière significative à rendre le système commercial multilatéral plus efficace et plus démocratique. Le CESE est reconnaissant à la Commission européenne de soutenir l’attribution d’un poids plus grand à la parole portée par la société civile au niveau multilatéral, et se félicite de l’action no 6 contenue dans le récent plan d’action de groupe d’Ottawa en six points (9).

3.1.3.

Une plus grande reconnaissance de la capacité de négociation des partenaires sociaux s’impose également. La déclaration tripartite des partenaires sociaux, au niveau international, et toute la gamme des accords-cadres multinationaux contiennent des règles et des outils pratiques (normes sociales, relations avec les fournisseurs, dialogue social, lutte contre le travail des enfants et le travail forcé).

3.2.    La boîte à outils multilatérale

Intégrer l’OMC dans le système des Nations unies du point de vue fonctionnel

3.2.1.

Le système des Nations unies est le pilier de l’ordre international de par son réseau d’agences spécialisées telles que l’OIT, l’Unesco, l’OMS, le FMI, la Banque mondiale et les banques régionales de développement. Si les règles commerciales doivent contribuer à la réalisation des ODD, l’OMC a été créée en tant qu’organisation «autonome» et reste en dehors du système des Nations unies. Toutefois, le directeur général de l’OMC participe au Conseil des chefs de secrétariat (CCS) des organismes des Nations unies avec l’ensemble des directeurs généraux des agences spécialisées et autres organes de l’ONU. Le CESE suggère que le CCS soit tenu informé par l’OMC de toute avancée du système de règles commerciales qui contribuerait à atteindre les ODD.

3.2.2.

La référence explicite au «développement durable» dans le préambule de l’accord de l’OMC de 1994 doit être interprétée comme incluant les ODD, lesquels constituent la nouvelle déclinaison universellement acceptée de la durabilité dans le droit international. L’OMC semble déjà l’accepter, dès lors qu’elle déclare sur son site internet jouer «un rôle central dans la réalisation» des ODD.

Rapprocher plus étroitement des ensembles de règles distincts

3.2.3.   Des règles sociales et environnementales plus strictes

3.2.3.1.

En 2018, l’OIT a produit plusieurs études sur l’incidence potentielle globale de l’accord de Paris, sur la question de la transition écologique et des compétences (10) ou encore sur les compétences pour un avenir plus respectueux de l’environnement et l’incidence du réchauffement sur les conditions de travail (11).

3.2.3.2.

Le CESE réclame une plus large diffusion de ces rapports et se dit favorable à l’organisation d’ateliers régionaux financés par la Commission européenne dans les pays en développement, notamment dans les pays les moins avancés et dans les économies insulaires et vulnérables, là où les effets brutaux du réchauffement planétaire ont les retombées sociales les plus graves.

3.2.3.3.

En 2015, l’OIT a publié ses Principes directeurs pour une transition juste vers des économies et des sociétés écologiquement durables pour tous. Le CESE suggère à l’ensemble des services de la Commission de se référer davantage à ces principes directeurs dans le cadre de leurs activités d’élaboration de normes. En outre, la mise à jour de ces principes directeurs devrait figurer à l’ordre du jour du conseil d’administration de l’OIT.

3.2.4.   Approfondir les liens entre les règles relatives au commerce et les normes sociales

3.2.4.1.

Par souci de réciprocité, le CESE souhaite que l’OMC accorde à l’OIT le statut d’observateur officiel aux réunions de ses principaux organes et comités. Au-delà de la participation officielle de l’OIT aux conférences ministérielles de l’OMC, une telle mesure renforcerait sa participation aux organes internes de l’OMC et pourrait contribuer à intégrer le respect des normes internationales du travail dans le cadre du mécanisme d’examen des politiques commerciales de l’OMC. Le CESE propose qu’un groupe de travail temporaire spécial soit mis en place entre les secrétariats de l’OMC et de l’OIT pour élaborer et présenter des lignes directrices d’ici à juin 2021.

3.2.4.2.

En outre, il y aurait lieu de donner un second souffle à la commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation de l’OIT à la lumière de l’impact de la crise de la COVID-19 sur les chaînes de valeur mondiales. S’appuyant sur l’avis qu’il a consacré à «Un traité contraignant des Nations unies» (12), et dans le contexte de la présidence allemande de l’Union, le CESE plaide en faveur d’un cadre réglementaire efficace afin de garantir le respect des droits de l’homme et du travail décent dans les chaînes de valeur mondiales, qui comprendrait un plan d’action européen assorti d’instruments législatifs et prévoyant des réalisations tangibles, ainsi que des actions normatives ambitieuses et efficaces au niveau mondial. Tant l’OIT que l’OMC doivent y contribuer dans leurs rôles respectifs.

3.2.4.3.

Dans son processus d’examen des accords commerciaux régionaux et bilatéraux, dont le nombre et la couverture géographique ne cessent de croître, l’OMC doit jouer un nouveau rôle dans le domaine des dispositions relatives au travail. Étant donné qu’une majorité de nouveaux ALE comportent des dispositions relatives au travail, le secrétariat de l’OMC devrait recueillir, comparer et surveiller ce nouveau corpus. Ces travaux de suivi pourraient être partagés avec l’OIT dans le cadre de son plan d’action sur le travail décent dans les chaînes d’approvisionnement mondiales et déboucher sur une coopération accrue entre l’OIT et l’OMC.

3.2.5.   Approfondir les liens entre les règles et politiques relatives au commerce et celles relatives au climat

3.2.5.1.

Une dérogation climatique dans le cadre de l’OMC, déjà débattue dans les cercles universitaires et les milieux d’affaires, pourrait définir des «mesures climatiques»: caractéristiques, objectifs d’intérêt général et critères de compatibilité avec les règles de l’OMC. Une telle dérogation permettrait aux membres de l’OMC d’introduire des mesures de lutte contre le changement climatique dans leur pays (système d’échange de droits d’émission) ou à leurs frontières, en veillant à ce que ces mesures ne constituent pas des mesures protectionnistes déguisées.

3.2.5.2.

Il conviendrait qu’en vue de la douzième conférence ministérielle de 2021, un groupe de travail informel de l’OMC prépare une déclaration ministérielle sur le commerce et l’environnement qui reconnaîtrait le rôle du commerce, de la politique commerciale et du système commercial multilatéral s’agissant de soutenir les efforts de la communauté internationale pour réaliser les ODD et d’autres engagements internationaux communs en matière d’environnement, tels que l’accord de Paris. Le CESE encourage la Commission à poursuivre ses efforts en ce sens.

3.2.5.3.

Le CESE demande à la Commission européenne de clarifier sa position sur l’élimination progressive des subventions aux combustibles fossiles dans l’Union et de soutenir pleinement toute initiative naissante au niveau plurilatéral dans le cadre de l’OMC.

3.2.5.4.

Le CESE réclame la prompte reprise des négociations plurilatérales de l’OMC au sujet d’un accord sur les biens environnementaux. Cet aspect devrait être plus directement lié à l’accord de Paris, à l’image de la proposition présentée par Taïwan en 2019 en faveur d’un accord en matière de biens et services environnementaux qui soit relié à l’accord de Paris, et qui reposerait sur l’élimination des tarifs pour les biens et services liés à la réduction des émissions de carbone. «Le lancement d’une toute nouvelle négociation, comme celle sur un accord en matière de biens et services environnementaux relié à l’accord de Paris, visant à traiter des problématiques aussi importantes à l’heure actuelle que celles du changement climatique et de la libéralisation des échanges internationaux, représentera un succès majeur pour le système commercial multilatéral» (13).

3.2.5.5.

Aux fins d’une plus grande cohérence, les secrétariats chargés des accords multilatéraux sur l’environnement devraient bénéficier du statut d’observateur dans un grand nombre de comités de l’OMC, et non pas seulement au sein du comité du commerce et de l’environnement (par exemple dans ceux chargés des obstacles techniques et des mesures sanitaires et phytosanitaires).

3.2.5.6.

Le CESE recommande de créer un groupe de travail conjoint pour le Programme des Nations unies pour l’environnement, la CCNUCC et l’OMC. Celui-ci traiterait des problématiques liées aux émissions de gaz à effet de serre et aux échanges internationaux, et il élaborerait des méthodes de mesure ou des systèmes de compensation dans le cadre des ALE (par exemple au titre de la reforestation). Les contributions déterminées au niveau national en vertu de l’accord de Paris devraient prendre en compte de tels systèmes de compensation convenus avec des pays tiers.

4.   La contribution de l’Union européenne à un nouveau modèle de multilatéralisme durable

4.1.

Pour lutter contre les fuites de carbone, le CESE préconise un mécanisme d’ajustement carbone compatible avec l’OMC aux frontières de l’Union, ce qui nivellerait les conditions de concurrence pour les secteurs fortement émetteurs de CO2 (14). Le CESE demande à la Commission européenne de tenir son calendrier initial et de présenter une proposition législative au printemps 2021. La récente analyse d’impact initiale (feuille de route) a mis en évidence le soutien recueilli par cette idée, en particulier de la part de filières comme l’acier, le ciment, la chimie et l’électricité.

4.2.

Le CESE souligne qu’il importe de prévoir un système complet de conditions sociales et environnementales pour les pays bénéficiaires dans le prochain système de préférences généralisées (SPG) [règlement (UE) no 978/2012 (15)].

4.3.    Des dispositions renforcées en matière de développement durable dans les ALE

4.3.1.

Il convient de renforcer les chapitres sur le commerce et le développement durable dans les accords de commerce et d’investissement conclus par l’Union:

comme l’a recommandé le Parlement européen, les chapitres relatifs au commerce et au développement durable devraient exiger des deux partenaires qu’ils ratifient et mettent en œuvre les principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (la charte internationale des droits de l’homme), les conventions fondamentales de l’OIT (y compris la convention sur la sécurité et la santé des travailleurs) ainsi que l’accord de Paris et d’autres accords internationaux en matière d’environnement,

le comité de suivi du CESE sur le commerce international considère que les évaluations de l’impact sur le développement durable devraient revoir le «modèle de l’équilibre général calculable (EGC) […] en s’inspirant de modèles alternatifs et comprendre un ensemble plus large d’indicateurs mesurant les incidences sur les droits de l’homme et les droits des travailleurs, le changement climatique, la biodiversité, les consommateurs et les IDE. Une gamme plus large d’indicateurs doit être mise en place — en faisant preuve d’ouverture d’esprit dans la recherche de modèles alternatifs»,

le CESE préconise la refonte des mécanismes de groupes d’experts, au sein desquels des juristes en droit commercial, mais aussi des experts du travail, du climat ou des droits de l’homme, pourraient enquêter sur les plaintes soulevées au titre des chapitres sur le commerce et le développement durable. Si ces groupes constatent des infractions, un mécanisme de règlement des différends entre États devrait se déclencher, permettant d’appliquer des peines ou des sanctions pécuniaires et d’offrir des recours à la partie lésée.

4.3.2.

Les futurs ALE de l’Union devraient inclure une référence à l’accord de Paris et prévoir des mesures d’incitation telles qu’une franchise de droits pour les biens ou services environnementaux. Il conviendrait d’appliquer à d’autre partenaires commerciaux (Nouvelle-Zélande, Australie) l’article 22.3 de l’accord économique et commercial global (AECG), qui prévoit que les parties s’efforcent de promouvoir les flux économiques et commerciaux ainsi que les pratiques contribuant à favoriser le travail décent et la protection de l’environnement. Les futurs ALE de l’Union devraient également étendre la fonction de suivi des groupes consultatifs internes au-delà des domaines de l’environnement, de l’emploi et des affaires sociales.

4.3.3.

Tout traité d’investissement négocié par l’Union, notamment avec la Chine, doit prévoir des dispositions exhaustives concernant:

l’utilisation durable des ressources naturelles,

une approche de la santé humaine, des ressources naturelles et des écosystèmes guidée par le principe de précaution,

le principe de la participation du public et de son accès à l’information et à la justice,

le principe de l’intégration et de l’interdépendance, en particulier pour ce qui concerne les droits de l’homme et les objectifs sociaux, économiques et environnementaux.

4.3.4.

La nomination prochaine d’un responsable du respect des accords commerciaux de l’Union contribuera à garantir la mise en œuvre effective des accords commerciaux, y compris les droits des travailleurs, les engagements en faveur de l’environnement et le rôle de la société civile.

4.4.    Un rôle de premier plan pour l’Union dans la conception d’une nouvelle matrice multilatérale

4.4.1.

L’Union est l’un des rares acteurs mondiaux dotés d’un devoir et d’un mandat constitutionnels de «promouvoir un système international fondé sur une coopération multilatérale renforcée et une bonne gouvernance mondiale» [article 21, paragraphe 2, point h), du traité sur l’Union européenne (traité UE)].

4.4.2.

Toutefois, en tant qu’organisation d’intégration régionale, l’Union n’a pas été en mesure de participer pleinement aux travaux de nombreux organes et organisations du système des Nations unies, car elle doit s’appuyer sur les États membres pour défendre ses positions et ses intérêts propres. Plus de dix ans après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, qui engage l’Union européenne à «[favoriser] des solutions multilatérales aux problèmes communs, en particulier dans le cadre des Nations unies» (article 21, paragraphe 1, du traité UE), il est grand temps qu’elle élabore, conjointement avec ses États membres, une stratégie intégrée visant à asseoir sa position dans le système des Nations unies.

Bruxelles, le 16 juillet 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Avis du CESE REX/509 sur «Réformer l’OMC pour s’adapter aux évolutions du commerce mondial» (JO C 159 du 10.5.2019), REX/486 sur «Le rôle des politiques européennes de commerce et d’investissement pour stimuler la performance économique de l’Union» (JO C 47 du 11.2.2020), REX/500 sur les «Chapitres sur le commerce et le développement durable dans les accords de libre-échange conclus par l’Union européenne» (JO C 227 du 28.6.2018) et NAT/760 sur le «Document de réflexion “Vers une Europe durable à l’horizon 2030”» (JO C 14 du 15.1.2020).

(2)  Document de la CCI sur la réforme de l’OMC, octobre 2019.

(3)  https://www.oecd-ilibrary.org/docserver/9789264275157-fr.pdf?expires=1589802927&id=id&accname=guest&checksum=ECE7EB2F1024D069FBCE87B897E0E295, p. 4.

(4)  Déclaration ministérielle de Singapour de l’OMC, 1996, paragraphe 4.

(5)  Avis 2/15 du 16 mai 2017, EU:C:2017:376.

(6)  Avis du CESE REX/500 sur les «Chapitres sur le commerce et le développement durable dans les accords de libre-échange conclus par l’Union européenne» (JO C 227 du 28.6.2018), paragraphe 2.4.

(7)  OIT, «Dispositions relatives au travail dans les accords commerciaux: tendances récentes et pertinence pour l’OIT», GB.328/POL/3, paragraphe 9.

(8)  Jan Wouters, Cedric Ryngaert, Tom Ruys et Geert De Baere, International Law: A European Perspective (Le droit international: une perspective européenne), Oxford, Hart Publishing, 2018, p. 259.

(9)  Sous l’impulsion du Canada, un groupe de membres de l’OMC, dit «groupe d’Ottawa», s’efforce de relever certains défis spécifiques du système commercial multilatéral; «Déclaration de juin 2020 du Groupe d’Ottawa: concentrer l’action sur la COVID-19».

(10)  Emploi et questions sociales dans le monde 2018: une économie verte et créatrice d’emplois, OIT, Genève, 2018.

(11)  Travailler sur une planète plus chaude: l’impact du stress thermique sur la productivité du travail et le travail décent, OIT, Genève, 2019.

(12)  Avis du CESE REX/518 sur «Un traité contraignant des Nations unies sur les entreprises et les droits de l’homme» (JO C 97 du 24.3.2020, p. 9).

(13)  Document officieux, JOB/TE/19, 19 janvier 2018.

(14)  Avis du CESE CCMI/167 sur la «Réconciliation des politiques climatique et énergétique: le point de vue du secteur de l’industrie» (JO C 353 du 18.10.2019, p. 59).

(15)  JO L 303 du 31.10.2012, p. 1.


ANNEXE

RÉUNIONS PRÉPARATOIRES TENUES

Nom

Organisation

Fonction

Mme Elina BARDRAM

Commission européenne

Cheffe d’unité

Relations internationales (CLIMA.A.1)

Daniele BASSO

CES

Conseiller

M. John BRYAN

CESE

Membre du groupe III

Mme Cinzia DEL RIO

CESE

Membre du groupe II

M. Dumitru FORNEA

CESE

Membre du groupe II

M. Alan HERVÉ

Sciences Po Rennes

Professeur en droit public international

M. Emmanuel JULIEN

OIT

Directeur adjoint

Département des entreprises

M. Bernd LANGE

Parlement européen

Président de la commission INTA

M. Jürgen MAIER

Forum

Umwelt & Entwicklung (Environnement et développement)

Directeur

M. Jean-Marie PAUGAM

Gouvernement français

Délégué permanent de la France auprès de l’OMC

M. Christophe PERRIN

OIT

Directeur

Département de la coopération multilatérale

M. Denis REDONNET

Commission européenne

Directeur

OMC, questions juridiques et commerce des biens (TRADE.DGA2.F)

M. Lutz RIBBE

CESE

Membre du groupe III

M. Victor VAN VUUREN

OIT

Directeur

Département des entreprises

Mme Lieve VERBOVEN

OIT

Directrice du bureau pour l’UE

M. Jan WOUTERS

Université de Louvain

Professeur de droit international et droit des organisations internationales


28.10.2020   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 364/62


Avis du Comité économique et social européen sur la «Fiscalité de l’économie collaborative — Exigences en matière d’établissement de rapports»

(supplément d’avis)

(2020/C 364/09)

Rapporteure:

Ester VITALE

Décision du bureau

18.6.2019

Base juridique

Article 29 des modalités d’application (2010)

 

Supplément d’avis

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section

24.6.2020

Adoption en session plénière

16.7.2020

Session plénière no

553

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

210/1/6

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

La fiscalité et les politiques budgétaires doivent s’adapter au développement continu de l’économie collaborative. Le CESE estime en la matière qu’il n’y a pas lieu de mettre en place de régimes fiscaux nouveaux ou particuliers et qu’il est plus opportun d’adapter les règles et modèles fiscaux existants aux nouveaux contextes économiques, tout en maintenant des conditions de concurrence équitable entre les différents opérateurs concernés.

1.2.

Le CESE demande que les régimes fiscaux nationaux prennent en compte le phénomène de l’économie collaborative et des plateformes numériques, en respectant pour ce secteur les principes inhérents à un système fiscal équitable, à savoir la cohérence, la prévisibilité et la neutralité, tout en garantissant l’intérêt général consistant à veiller à ce que toutes les parties prenantes s’acquittent de leurs obligations fiscales.

1.3.

Le CESE est convaincu que les politiques budgétaires à appliquer à la numérisation de l’économie et à la mise au point d’outils et de solutions opérationnelles devraient être coordonnées au niveau international. Il se félicite donc de la coopération étroite entre la Commission, les États membres et l’OCDE/G20, reconnaissant que les formes de coopération engagées ont déjà conduit à des résultats tangibles et que d’autres plus importants encore pourraient se concrétiser à l’avenir.

1.4.

Il est important que les institutions internationales, européennes et nationales agissent de manière efficace et rapide pour répondre aux questions soulevées par l’économie numérique et collaborative, en suivant une approche proactive et non pas simplement en réagissant à l’émergence de problèmes spécifiques.

1.5.

Un point essentiel en ce qui concerne les régimes fiscaux à appliquer à l’économie collaborative concerne les obligations des plateformes numériques s’agissant de la collecte, de la communication aux autorités fiscales et du stockage des informations relatives aux transactions effectuées (obligations de déclaration ou d’établissement de rapports). Il y a lieu de veiller à ce que ces obligations ne constituent pas une charge administrative excessive pour les plateformes.

1.6.

Un partage adéquat des informations au sein d’un système fonctionnel et proportionné de collecte et d’échange de données pourrait en effet faciliter le travail des autorités fiscales, d’une part, et garantir un système sûr et prévisible pour les entreprises, d’autre part, au bénéfice de l’économie collaborative dans son ensemble.

1.7.

Le CESE appelle de ses voeux la mise au point d’une norme européenne pour la collecte de données et d’informations sur leurs utilisateurs, que les plateformes devront communiquer aux autorités fiscales et conserver au fil du temps. Les exigences en matière de déclaration devraient être claires et faire l’objet d’une harmonisation entre tous les États membres. Une norme européenne pourrait limiter les actions unilatérales des États membres, celles-ci étant susceptibles de créer un patchwork réglementaire contre-productif et une application incertaine des règles dans le marché intérieur.

1.8.

Pour ce qui est des principes généraux qui devraient guider l’action réglementaire en matière de déclaration, le CESE estime nécessaire d’adopter une approche qui respecte le principe de proportionnalité tel qu’il a été développé dans la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et qui permette ainsi d’atteindre l’objectif réglementaire poursuivi, à savoir la collecte d’informations claires et utiles pour le travail des autorités fiscales, sans sacrifier de manière excessive et injustifiée les intérêts privés des plateformes et des utilisateurs finals.

1.9.

Le CESE estime que les règles fiscales applicables à l’économie collaborative, dont les règles relatives aux obligations d’établissement de rapports, devraient à chaque fois s’adapter aux différents secteurs et activités de l’économie collaborative, lesquelles sont souvent différentes les unes des autres.

1.10.

Il estime qu’il importe également d’examiner si la prochaine mise en œuvre de la directive relative à certaines exigences applicables aux prestataires de services de paiement en ce qui concerne les demandes d’informations relatives à la détection de la fraude à la TVA peut également être utilisée à des fins de fiscalité directe en ce qui concerne les obligations d’établissement de rapports.

1.11.

L’échange d’informations entre entités privées et pouvoirs publics devra bien évidemment s’effectuer dans le respect de la législation européenne en matière de protection de la vie privée et de traitement des données à caractère personnel, conformément à des critères de nécessité et de proportionnalité, et faire l’objet d’une interprétation stricte des critères pouvant donner lieu à d’éventuelles dérogations aux principes généraux de protection de la vie privée pour des raisons d’application des règles fiscales.

2.   Introduction et principes généraux

2.1.

L’élaboration de politiques fiscales efficaces en ce qui concerne le secteur de l’économie collaborative représente un défi à la fois pour les institutions européennes et nationales et pour les opérateurs de ce secteur. À cet égard, il est essentiel de garantir des conditions de concurrence équitables entre les différents acteurs de l’économie collaborative ainsi qu’entre ceux-ci et les opérateurs traditionnels opérant dans les mêmes secteurs.

2.2.

Le CESE constate que l’économie collaborative n’a cessé de croître au cours des dernières années et qu’elle constitue une opportunité de développement supplémentaire pour les pays de l’Union, y compris à l’avenir, dans la mesure où elle permet de mobiliser des ressources inexploitées et de stimuler l’initiative des citoyens. Dans le même temps, il reconnaît la nécessité d’une réglementation visant à garantir la protection des consommateurs et des droits des travailleurs ainsi que le respect des obligations fiscales et d’une concurrence loyale.

2.3.

Dans le présent avis, on entend par «économie collaborative» des modèles économiques dont les activités sont facilitées par des plateformes de collaboration qui permettent l’utilisation temporaire de biens et de services souvent fournis par des particuliers. À cet égard, y compris d’un point de vue méthodologique, il y aurait lieu de dégager un consensus minimal entre l’Union européenne et les États membres sur ce que revêt la notion d’économie collaborative, afin d’éviter des incohérences significatives entre les différentes définitions appliquées au marché intérieur.

2.4.

L’économie collaborative est un phénomène économique complexe et auquel il est difficile d’appliquer une réglementation unique, étant donné qu’il touche différents pans de l’économie et de la société et qu’il est lié à de multiples dispositions juridiques traditionnellement applicables à un éventail de matières distinctes. Par exemple, l’évolution continue de l’économie collaborative a une incidence sur les règles dans les domaines du droit de la consommation, du droit du travail, de la sécurité sociale, du droit des contrats, du droit au respect de la vie privée et du droit des services publics.

2.5.

Le CESE insiste sur la nécessité que les systèmes fiscaux nationaux, dans le cadre d’une coordination efficace au niveau européen, tiennent dûment compte des nouveaux modèles d’activité commerciale liés au phénomène de l’économie collaborative. Il est nécessaire pour toutes les parties prenantes — pouvoirs publics, entreprises et consommateurs — de voir respecter les principes d’un système fiscal équitable, à savoir cohérence, prévisibilité et neutralité.

2.6.

Cependant, les règles traditionnelles en matière fiscale peinent à s’adapter à l’évolution continue de la technologie, et un décalage apparaît souvent entre le rythme d’évolution très rapide de l’économie numérique et celui des règles fiscales. Il convient donc que l’adaptation des règles et des principes traditionnels aux changements en cours soit constante et rapide, et qu’il y ait une coordination entre les interventions du législateur européen et celles des différents législateurs nationaux.

2.7.

Il est particulièrement important que les institutions internationales, européennes et nationales agissent en temps utile et de façon efficace et coordonnée pour répondre aux nouvelles questions soulevées par l’économie numérique et collaborative, en adoptant une approche proactive et non pas simplement en réagissant à l’émergence de défis spécifiques.

2.8.

Le CESE est convaincu que, dans le contexte de la numérisation de l’économie, les politiques fiscales et le développement d’outils et de solutions concrets devraient être coordonnés au niveau international, voire mondial. Il se félicite dès lors de la coopération étroite entre la Commission, les États membres et l’OCDE/G20, reconnaissant qu’elle a déjà conduit à des résultats tangibles et que d’autres, plus importants encore, pourraient se concrétiser à l’avenir.

3.   Obligations d’établissement de rapports

3.1.

Un point essentiel, en ce qui concerne les régimes fiscaux de l’économie collaborative, porte sur les obligations des plateformes numériques s’agissant de la collecte, de la communication aux autorités fiscales et du stockage des informations relatives aux transactions effectuées. Un partage adéquat des informations au sein d’un système fonctionnel et proportionné de collecte et d’échange de données pourrait en effet faciliter le travail des autorités fiscales, lesquelles devraient, d’une part, pouvoir obtenir les données de manière rapide et aisée, et, d’autre part, garantir un système sûr et prévisible pour les plateformes et leurs utilisateurs. Les obligations d’établissement de rapports ne devraient pas constituer une charge administrative excessive pour les plateformes et les opérateurs du secteur.

3.2.

Il existe déjà plusieurs exemples de coopération efficace entre plateformes et autorités fiscales dans le secteur des transports, par exemple en Estonie où des modalités ont été adoptées pour faciliter la déclaration fiscale des plateformes de covoiturage. Un autre exemple de solution innovante provenant lui aussi d’Estonie consiste à déterminer une quantité minimale et proportionnée de données à communiquer aux autorités et à permettre aux opérateurs de plateformes d’utiliser un compte bancaire dédié pour respecter leurs obligations fiscales. Ce compte courant facilite une relation directe et rapide entre les opérateurs, leurs banques et les autorités fiscales. En revanche, dans certaines régions, les plateformes en ligne sont peu disposées à coopérer avec les autorités financières.

3.3.

À cet égard, le CESE appelle à l’élaboration d’une norme européenne pour la collecte de données et d’informations que les plateformes seront appelées à communiquer aux autorités fiscales et à conserver au fil du temps. En effet, la pluralité des actions unilatérales des États membres et la coexistence de systèmes peu homogènes dans le marché intérieur — comme c’est déjà le cas en partie — sont appelées à générer des difficultés opérationnelles et un manque d’efficacité pour l’ensemble du secteur de l’économie collaborative.

3.4.

L’élaboration d’un modèle de déclaration harmonisé à l’échelle européenne devrait s’appuyer sur l’expérience et les retours d’information opérationnels issus de la pratique. Des systèmes variés d’établissement de rapports sont aujourd’hui en vigueur dans les différents États membres; ils diffèrent sur le plan organisationnel et sur celui de la quantité et du type de données à collecter et à transmettre. Dans certains pays, les systèmes de rapports sont très lourds et requièrent de la part des plateformes des efforts considérables, tandis que dans d’autres États membres les systèmes sont plus souples et ont un moindre impact sur les opérations courantes. Les expériences de certains États membres montrent également que les systèmes de comptes rendus facultatifs, à établir sur une base volontaire, en dehors d’exigences légales spécifiques, ne sont pas efficaces.

3.5.

Le CESE estime que la fragmentation actuelle n’est pas viable à long terme et qu’elle risque d’entraîner des coûts de mise en conformité excessifs et des dysfonctionnements liés à la nature inégale des réglementations dans différentes zones du marché intérieur. Pour cette raison, il convient de trouver une approche équilibrée et proportionnelle en matière de communication d’informations, qui garantisse un système simplifié et fonctionnel. La simplification des obligations en matière de communication d’informations pourrait en effet encourager concrètement les plateformes numériques à respecter les exigences.

3.6.

En ce qui concerne les principes généraux qui devraient guider l’action réglementaire dans le domaine de la fiscalité de l’économie collaborative en général et les exigences en matière d’établissement de rapports en particulier, le CESE estime qu’il est nécessaire d’adopter une approche qui respecte le principe de proportionnalité tel qu’il a été développé dans la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. Il conviendra dès lors de permettre la réalisation de l’objectif réglementaire poursuivi, à savoir la collecte d’informations claires et utiles pour le travail des autorités fiscales, dans l’intérêt général, sans sacrifier de manière excessive l’intérêt privé des plateformes et des utilisateurs finaux.

3.7.

Cette approche devrait garantir des règles claires et prévisibles pour les opérateurs du secteur, de manière à ne pas entraîner de coûts excessifs de mise en conformité (par exemple, par une demande de données inutile et disproportionnée), d’une part, et à garantir une collecte efficace des informations par les autorités fiscales, d’autre part.

3.8.

En outre, un système d’établissement de rapports proportionné et raisonnable devrait préciser, d’un point de vue qualitatif, quelles données sont strictement nécessaires et doivent être collectées aux fins de l’application des règles fiscales, sans imposer d’obligations indues aux plateformes et à leurs utilisateurs professionnels ou utilisateurs finaux. Une approche proportionnée devrait également permettre de faire la distinction entre les acteurs professionnels opérant dans l’économie collaborative et les sujets non professionnels, en adaptant de manière appropriée les exigences en matière de déclaration pour ces deux catégories différentes.

3.9.

D’autres questions qui devraient faire l’objet d’une réglementation et d’une harmonisation au niveau européen sont: i) les conditions générales régissant la licéité du traitement par le responsable du traitement; ii) les personnes concernées par le traitement; iii) les entités et les fins auxquelles les données personnelles peuvent être divulguées; iv) la détermination des modalités de traitement; v) la limitation des finalités de traitement; vi) les durées de conservation des données.

3.10.

L’échange d’informations entre entités privées et pouvoirs publics devra évidemment s’effectuer dans le respect de la législation européenne en matière de protection de la vie privée et de traitement des données à caractère personnel, conformément à des critères de nécessité et de proportionnalité, et faire l’objet d’une interprétation stricte des critères pouvant donner lieu à d’éventuelles dérogations aux principes généraux de protection de la vie privée pour des raisons d’application des règles fiscales.

3.11.

À cet égard, il pourrait être utile d’améliorer et d’encourager l’échange d’informations entre les différentes autorités fiscales nationales dans le but de structurer des modalités de coopération efficaces, afin d’éviter l’évasion et la fraude fiscales et d’harmoniser les pratiques opérationnelles des différentes autorités.

3.12.

Les règles fiscales dans l’économie collaborative, y compris les systèmes d’établissement de rapports, devraient, en tout état de cause, s’adapter aux différents secteurs de l’économie collaborative, étant donné que les différentes activités dans ce secteur possèdent souvent des caractéristiques différentes et distinctes qui nécessitent des règles spécifiques dédiées.

3.13.

Le CESE recommande dans tous les cas que soient garanties des conditions de concurrence équitables sur le plan fiscal pour les activités menées dans le cadre de l’économie collaborative et pour les activités traditionnelles équivalentes, conformément au principe de neutralité fiscale, afin d’éviter des distorsions dans le fonctionnement des marchés sur lesquels des formes traditionnelles d’activité et l’économie collaborative coexistent.

3.14.

Enfin, il pourrait être utile pour encourager la croissance de l’économie collaborative de définir des seuils minimaux en deçà desquels certaines activités sont considérées comme non professionnelles ou non économiquement significatives et peuvent donc bénéficier d’exonérations fiscales spécifiques. Toutefois, il y a lieu que ces seuils soient déterminés de manière raisonnable après une analyse d’impact réglementaire approfondie.

4.   TVA et économie collaborative

4.1.

Aux fins de la TVA, il est essentiel de déterminer avec précision ce que l’on entend par «contribuable» et si cette personne agit au titre de l’exercice d’une activité économique. En outre, il reste compliqué de déterminer quel traitement fiscal réserver aux transactions effectuées dans le secteur de l’économie collaborative qui ne font pas l’objet d’une contrepartie pécuniaire mais qui entraînent une contrepartie ou une contre-valeur reposant, par exemple, sur l’utilisation des données des utilisateurs et sur la valeur extraite de ces données.

4.2.

Plus précisément, aux fins de la TVA, il convient de faire la différence entre trois types de cas en ce qui concerne les modalités de rémunération des prestations: i) les cas dans lesquels les prestations sont offertes en échange du paiement d’une somme d’argent; ii) les cas dans lesquels la rémunération intervient non pas en numéraire mais en échange d’une autre prestation ou d’une rémunération non monétaire; et iii) les cas dans lesquels la prestation est offerte à titre gratuit et sans aucune contrepartie (1).

4.3.

En ce qui concerne les cas concrets relevant potentiellement du point ii), le CESE demande d’approfondir la question de l’assujettissement ou non des activités des plateformes de collaboration aux obligations en matière de TVA.

4.4.

À cet égard, le CESE considère que la première étude menée par le groupe d’experts sur la TVA de la Commission européenne intitulé «VAT treatment of the sharing economy» (Le traitement de la TVA dans l’économie du partage) est utile, et il attend avec intérêt les développements futurs allant dans le même sens.

4.5.

Il serait également opportun que la Commission européenne et les administrations fiscales nationales promeuvent des activités de coopération et de coordination réciproque s’agissant de l’application des règles en matière de TVA au secteur de l’économie collaborative, dans le but à la fois de mettre en place des pratiques opérationnelles harmonisées, d’échanger des informations utiles à des fins de contrôle de la mise en œuvre et d’éviter la fraude et l’évasion fiscale.

4.6.

Le CESE juge important d’examiner si la prochaine mise en œuvre de la directive relative à certaines exigences applicables aux prestataires de services de paiement en matière de détection des fraudes à la TVA peut être utilisée en ce qui concerne les obligations en matière d’établissement de rapports, y compris aux fins de la fiscalité directe, en ce qui concerne tant les paiements en ligne par carte de crédit que les paiements effectués au moyen de virements bancaires directs et d’autres méthodes de paiement rapide.

Bruxelles, le 16 juillet 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Rapport du groupe d’experts sur la TVA — 1er avril 2019 taxud.c.1(2019)2026442 — EN, Le traitement de la TVA dans l’économie du partage («VAT treatment of the sharing economy»), VEG NO 081.


28.10.2020   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 364/67


Avis du Comité économique et social européen sur le «Pacte européen pour le climat»

(avis exploratoire)

(2020/C 364/10)

Rapporteur:

Dimitris DIMITRIADIS

Corapporteur:

Peter SCHMIDT

Consultation

Commission européenne, 11.3.2020

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section

29.6.2020

Adoption en session plénière

16.7.2020

Session plénière no

553

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

206/4/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Nous sommes confrontés à une urgence climatique. À l’heure où la pandémie de COVID-19 nous plonge dans une crise sanitaire et va provoquer de façon imminente une crise économique, il convient de réaffirmer l’engagement de l’Union en faveur de la transition vers une économie du bien-être durable, résiliente, neutre sur le plan climatique et efficace dans l’utilisation des ressources. Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est de changements radicaux dans la culture, les infrastructures, les comportements, la participation et les moyens de subsistance, qui auront à la fois une incidence sur les citoyens, mais leur donneront aussi davantage de moyens d’agir à de multiples égards.

1.2.

Le changement climatique nous menace tous, mais, comme dans le cas de la pandémie, ce sont les populations les plus vulnérables et les plus marginalisées qui en subissent les effets les plus dévastateurs. Il est essentiel que la transition ne laisse personne de côté.

1.3.

Le CESE insiste sur le fait que la participation active de toutes les composantes de la société, à savoir les entreprises, les travailleurs, les chercheurs, les consommateurs, les communautés et les citoyens et leurs organisations, est essentielle pour enclencher la transition vers la neutralité climatique.

1.4.

Le CESE soutient dès lors l’appel lancé pour que l’Union européenne s’engage à parvenir à la neutralité carbone d’ici 2050 et, en conséquence, ajuste son objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030. Le rapport 2019 du programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions indique que les émissions mondiales doivent être réduites de 7,6 % par an à compter de maintenant, afin de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 oC. Si on effectue le calcul, cela signifierait que les émissions devraient être réduites d’au moins 68 % d’ici 2030.

1.5.

Une transition vers un modèle participatif est nécessaire à tous les niveaux d’échelle et, dans le cadre de la mise en œuvre du pacte climatique, la Commission a une occasion et une obligation importantes de concevoir une approche novatrice qui reflétera, soutiendra et inspirera les actions déjà en cours au sein de la société civile, dans les communautés, les villes et les régions.

1.6.

Les modèles participatifs qui sont ciblés de manière trop restrictive ou qui sont encadrés selon des dispositifs limitant l’ampleur des changements envisagés ou susceptibles d’être ignorés par l’institution qui les a mis en place, n’apporteront à ceux qui s’y engagent que distraction et désillusion.

1.7.

L’Europe doit catalyser un changement systémique en faveur de l’action pour le climat grâce à l’innovation (technologique et sociale) en mettant en relation l’offre d’innovation avec les acteurs du côté de la demande, les porteurs de défis et ceux qui nourrissent un niveau élevé d’ambition en matière de changement. La transformation numérique devrait être guidée par les objectifs de développement durable afin de prévenir les risques, y compris ceux liés aux droits des travailleurs (1). La mise en œuvre du socle européen des droits sociaux, conjointement avec le pacte vert pour l’Europe, offre l’occasion d’assurer une transition juste axée sur l’objectif de fournir à chacun un emploi de qualité.

1.8.

La plupart des acteurs de la société civile qui s’engagent dans l’action en faveur du climat estiment que les principaux problèmes auxquels ils sont confrontés résident dans le manque d’accès aux financements, d’expertise, de personnel et de reconnaissance, ainsi que dans l’absence d’un discours cohérent de la part de l’Union et des gouvernements nationaux.

1.9.

Réaliser les objectifs européens et internationaux en matière de climat nécessitera des ressources financières considérables. Le budget du pacte vert pour l’Europe (fonds publics et privés) et les 750 milliards d’euros du fonds de relance, en ce compris les fonds alloués pour le processus du Semestre européen, devraient être axés sur une relance durable, notamment sur la lutte contre le changement climatique.

1.10.

Fonder la conditionnalité des financements sur l’adoption de pratiques durables dans tous les secteurs devrait être la norme afin de concevoir des plans de relance pour l’après-COVID qui soient orientés vers le programme de développement durable des Nations unies à l’horizon 2030 et l’accord de Paris. La réponse en matière de relance pour l’après COVID-19 ne devrait pas être de revenir à notre point de départ, mais plutôt de faire un bond en avant vers quelque chose de nouveau et de mieux.

1.11.

Un renforcement des capacités et une assistance technique sont nécessaires pour que tous les acteurs puissent assurer la transition vers un avenir plus résilient et plus durable. La création d’un forum de l’Union pour le financement de l’action climatique faciliterait l’accès aux ressources financières et éliminerait les obstacles.

1.12.

Le CESE propose de mettre en place une plateforme européenne des parties prenantes du pacte pour le climat fondée sur les principes d’inclusion, de transparence, ainsi que d’une participation et d’une adhésion véritables des acteurs à l’action en faveur du climat à tous les niveaux.

1.13.

Le pacte pour le climat devrait s’attacher à donner aux personnes le pouvoir de changer les systèmes, que ce soit par l’étude de nouvelles solutions, l’expérimentation ou la démonstration. Offrir des perspectives multiples, une vision, un message et permettre une analyse rétrospective associant tout le monde sont autant d’éléments essentiels. Il est important d’encourager et de faciliter un large éventail d’initiatives en faveur du climat.

2.   Introduction

2.1.

Relever les défis en matière de climat et d’environnement est une tâche qui n’a cessé de gagner en urgence et qui requiert de revoir radicalement les approches socio-économiques non durables actuelles. La pandémie mondiale de COVID-19 a démontré qu’il ne suffira pas de simplement ajuster nos modes de vie et nos systèmes. Des changements fondamentaux dans les méthodes de production, affectant les entreprises, les travailleurs et l’organisation du travail, ont déjà eu lieu avant la pandémie et pourraient être accélérés suite à celle-ci. La Commission européenne a adopté un pacte vert pour l’Europe, une nouvelle stratégie en faveur de modèles socio-économiques et financiers de l’Union qui soient durables, plus propres, plus sûrs et plus sains.

2.2.

Au lendemain de la crise de la COVID-19, les engagements pris en matière d’action pour le climat et de durabilité doivent guider la politique de relance et de reconstruction et les budgets correspondants, afin de ne pas condamner plus longtemps l’Union à un avenir à forte teneur en carbone. Il y a lieu de concevoir les mesures d’après-crise de manière à renforcer la résilience des systèmes, à protéger et restaurer la biodiversité, à donner la priorité à la santé publique, tout en ne laissant personne de côté et en ouvrant la voie à une économie du bien-être. Dans ce contexte, le pacte vert pour l’Europe ne devrait pas être abandonné ou retardé, mais au contraire renforcé.

2.3.

Le succès du pacte vert pour l’Europe sera dans une large mesure tributaire de la capacité de l’Union européenne à dialoguer avec ses citoyens. Dans cet esprit, la Commission est en train d’élaborer un pacte européen pour le climat afin de réunir les différents acteurs, notamment les régions, les collectivités locales, les communautés locales, la société civile, les écoles, les entreprises et les particuliers.

3.   De la nécessité de dialoguer avec la société civile et les citoyens en matière de climat

3.1.

En matière de climat, nous sommes confrontés à une situation d’urgence mondiale. Jusqu’à présent, les gouvernements n’ont pas suffisamment réagi à la crise climatique et le monde ne s’est pas encore engagé sur la voie qui permettrait de réaliser l’objectif de l’accord de Paris et les objectifs de développement durable (ODD). Les jeunes grévistes pour le climat et d’autres acteurs de la société civile ont réclamé avec force que des mesures beaucoup plus ambitieuses soient prises d’urgence en faveur du climat. Il incombe aux décideurs, qui se sont engagés dans le cadre du programme à l’horizon 2030 et de l’accord de Paris, de répondre sans tarder à ces revendications, de prendre des décisions politiques résolues et ambitieuses et d’avancer sur la voie d’un nouveau modèle inclusif de l’action climatique, qui permette d’y faire participer activement toutes les parties prenantes.

3.2.

Le CESE soutient dès lors l’appel lancé pour que l’Union européenne s’engage à parvenir à la neutralité carbone d’ici 2050 et, en conséquence, ajuste son objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030 (2). Le CESE escompte que le nouvel objectif en matière d’émissions à l’horizon 2030 reposera sur un vaste réexamen et une analyse d’impact appropriée. Il fait en outre valoir que des arguments déterminants plaident en faveur d’une réduction d’au moins 55 % d’ici à 2030, afin que l’Union réponde, pour ce qui la concerne, à la nécessité impérieuse de réduire les émissions à l’échelle mondiale. Par exemple, le rapport 2019 du programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions (3) indique qu’il convient de fixer un objectif encore plus ambitieux en matière de réduction des émissions d’ici 2030 à l’échelle mondiale pour atteindre l’objectif des 1,5 oC défini par l’accord de Paris (4).

3.3.

L’enquête Eurobaromètre de 2019 révèle que 93 % des citoyens de l’Union considèrent le changement climatique comme un problème grave; 79 % estiment même qu’il s’agit d’un problème très grave. La grande majorité des répondants pensent qu’il est important que leur gouvernement national fixe des objectifs ambitieux pour accroître la quantité d’énergie renouvelable (92 %) et améliorer l’efficacité énergétique (89 %).

3.4.

Le pacte pour le climat doit pouvoir démultiplier les pouvoirs des Européens afin de parvenir à la vision que propose le pacte vert pour l’Europe d’une société prospère, inclusive et résiliente face au changement climatique, dotée d’une économie circulaire et neutre en carbone à l’horizon 2050. Le rapport du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) fait explicitement état de la nécessité de «changements rapides, profonds et sans précédent dans tous les aspects de la société». Des changements partiels ne suffiront pas. Se focaliser exclusivement sur la réduction des émissions de CO2 est contre-productif au niveau du terrain; cela limite l’engagement et la réflexion, et réduit considérablement le nombre des changements imaginés et mis en œuvre. Il est à présent besoin d’une transformation fondamentale des systèmes économiques, sociaux et financiers qui suscitera une évolution exponentielle des taux de décarbonation et renforcera la résilience face au changement climatique. Pour ce faire, nous avons besoin d’un large éventail de messages mobilisateurs afin d’expliquer les raisons pour lesquelles le monde doit changer.

3.5.

La crise mondiale actuelle provoquée par la pandémie de COVID-19 a démontré la capacité des gouvernements à prendre des mesures radicales pour faire face à une menace existentielle, ainsi que celle des citoyens à s’adapter, au moins pour un temps, aux nouveaux modes de vie contraints que ces mesures leur imposent. Il est important de noter que les communautés, les entreprises, les partenaires sociaux et les autres acteurs non étatiques jouent un rôle essentiel dans la réponse à la pandémie; souvent, ils déterminent les besoins, conçoivent et mettent en œuvre des mesures d’intervention adaptées au contexte de manière plus rapide, plus efficace et plus créative que ce ne serait possible dans le cadre d’une approche descendante.

3.6.

Le passage à la phase suivante de la réponse à la COVID-19 offre une occasion unique et comporte à la fois un grand risque. Les mesures économiques et les trains de mesures budgétaires qui sont en cours d’élaboration afin de soutenir et de relancer l’économie européenne doivent prendre en compte la taxinomie de l’Union pour les investissements durables et orienter les financements vers les investissements qui sont durables ou susceptibles de le devenir et qui s’engageront, moyennant un suivi, à définir et réaliser dans les meilleurs délais les changements nécessaires.

3.7.

La rupture brutale provoquée par la COVID-19, qui a entraîné la suspension des règles budgétaires, a montré qu’une autre vision est possible lorsque sont en jeu la vie des citoyens, nos économies et la vie sur la Terre telle que nous la connaissons. Une vision du progrès social reposant exclusivement sur la poursuite de la croissance du produit intérieur brut (PIB) fait abstraction d’aspects fondamentaux du bien-être individuel et social et ne tient pas compte comme il le faudrait des considérations environnementales et sociales. Il est donc nécessaire de franchir le Rubicon pour passer de l’économie basée sur le PIB à l’économie du bien-être (5) (6).

3.8.

L’une des manières d’affermir l’ambition en matière de climat consiste à créer des conditions propices à une multiplication des initiatives des acteurs non étatiques, parmi lesquels figurent divers types d’entreprises, notamment des petites et moyennes entreprises et des microentreprises, des investisseurs, des partenaires sociaux, des coopératives, des villes et des régions, des syndicats, des communautés locales et des groupes de citoyens, des agriculteurs, des écoles, des organisations confessionnelles, des organisations de la jeunesse et d’autres organisations non gouvernementales.

3.9.

La mise en place d’un environnement propice requiert un changement fondamental, à savoir de passer de la consultation et de la participation descendante à la coconception, à la cocréation et à l’autonomisation. La portée des modèles de consultation standard dépasse rarement certains secteurs très précis de la société, dotés de ressources suffisantes. Les particuliers, les organisations et les entreprises qui ont le plus à gagner d’un changement radical et qui sont le plus en mesure d’y contribuer doivent se voir offrir de réelles possibilités de participer à la prise de décision, s’ils doivent consacrer du temps et de l’énergie au processus.

3.10.

En 2018, le CESE a appelé à un «dialogue européen de l’action non étatique pour le climat» (7). Le dialogue ne devrait pas seulement servir à mettre en lumière et à présenter les actions, mais répondre également aux besoins des acteurs non étatiques en suscitant de nouveaux partenariats entre ceux-ci et différents échelons de gouvernement, en favorisant l’apprentissage mutuel, la formation et le partage de conseils, et en facilitant leur accès au financement.

3.11.

Le CESE a proposé (8) d’instaurer un dialogue permanent obligatoire avec les citoyens préalablement à toute décision politique majeure et toute initiative pertinente à tous les niveaux.

3.12.

Jusqu’à présent, la Commission n’a pas suivi ces recommandations (9). Le pacte pour le climat offre aux institutions l’occasion de travailler en étroite collaboration afin de mettre en place un cadre propice à la participation de la société civile et des citoyens, en s’appuyant sur les processus de consultation existants mais en les dépassant.

4.   Tirer les leçons des pratiques existantes d’engagement de la société civile et des citoyens

4.1.

Les exemples d’assemblées de citoyens, de dialogues avec les citoyens et de processus similaires de participation existant aux niveaux national, régional et local (10) témoignent de la capacité et de la volonté des citoyens d’assumer la responsabilité des solutions à la crise climatique. Il est fréquent que des approches participatives plus larges, lorsqu’elles sont soigneusement encadrées, génèrent des gains importants sur le plan de la durabilité sans être explicitement axées sur la crise climatique. Elles témoignent non seulement d’un besoin aigu et d’une volonté de démocratie participative, mais aussi de la capacité des gouvernements à créer de tels espaces et à assurer le suivi sur le plan politique des propositions qui y sont formulées.

4.1.1.

En 2019, 150 citoyens français tirés au sort ont commencé à délibérer de la question «Comment réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % d’ici à 2030 dans un esprit de justice sociale?». Les sessions de cette convention citoyenne se tiennent au siège du Conseil économique, social et environnemental de France. Le gouvernement prévoit de répondre publiquement à ces propositions et publiera un calendrier provisoire en vue de leur mise en œuvre (11).

4.1.2.

L’assemblée citoyenne irlandaise, créée en 2016, se composait de 100 citoyens tirés au sort de manière à être représentatifs de l’électorat irlandais. Ses membres ont été chargés de délibérer de thèmes qui touchent par exemple à l’interdiction de l’avortement par la constitution ou encore à la manière de placer l’Irlande à la pointe de la lutte contre le changement climatique. Le rapport de la commission parlementaire établie pour faire avancer les recommandations de l’assemblée sur le changement climatique a sensiblement influé sur le plan d’action tout à fait remarquable de l’Irlande en faveur du climat publié en juin 2019.

4.1.3.

Les deux plus grandes villes d’Espagne ont mis en place des dialogues avec les citoyens et des forums locaux afin d’aider à faire participer plus largement les citoyens et les organisations de la société civile pour décider de certaines rubriques du budget local et réfléchir à l’avenir de la ville.

4.1.4.

Au Danemark, le conseil des jeunes pour le climat auprès du ministère du climat, de l’énergie et de l’approvisionnement vise à insuffler de nouvelles idées à la politique climatique et à apporter au ministre des contributions sur de futures solutions en matière de climat.

4.1.5.

La ville de Gdansk, en Pologne, a organisé trois assemblées de citoyens sur les thèmes de l’adaptation aux phénomènes météorologiques extrêmes, de la réduction de la pollution atmosphérique et du renforcement de l’engagement civique.

4.1.6.

En Finlande, le premier Panel de citoyens sur le développement durable a rassemblé près de 500 Finlandais pour évaluer l’état du développement durable dans leur pays. Les résultats serviront à faire progresser les travaux du gouvernement et du Parlement finlandais en matière de développement durable.

4.1.7.

En Italie, après la COP 25, des représentants de la société civile ont présenté une proposition législative visant à mettre sur pied une assemblée des citoyens sur le modèle français. Une procédure similaire a été lancée au Royaume-Uni: l’«Assemblée britannique pour le climat: vers la neutralité en carbone».

4.1.8.

À Bologne, en Italie, la municipalité a créé un «Bureau de l’imagination civique» dans le cadre de ses travaux plus larges visant à remobiliser les citoyens. Elle a créé six «laboratoires», qui organisent régulièrement des événements visant à produire une vision, en utilisant des «forums ouverts» (Open Space) et d’autres outils. Lorsqu’émergent des idées de projets fortes, la municipalité conclut des «pactes» avec la communauté afin de veiller à leur concrétisation sur le terrain. Plus de 500 pactes ont ainsi vu le jour au cours des cinq dernières années, allant de l’installation de nouveaux bancs dans les rues à des projets de bien plus grande ampleur et bien plus ambitieux. Le «Bureau de l’imagination civique» est également devenu le canal d’organisation de la budgétisation participative.

4.2.

De nombreuses autres initiatives menées par les acteurs locaux mobilisent l’action locale pour créer un avenir plus durable, avec des succès remarquables et inspirants. L’on peut par exemple penser à l’initiative bruxelloise «Quartiers durables», aux réseaux de proximité mis en place dans le cadre du «Scottish Communities Climate Action Network», composé de près de 120 groupes locaux, à Coopérnico, une coopérative portugaise spécialisée dans les énergies renouvelables (RESFCoop), ou encore au mouvement Transition, présent dans plus de 50 pays et actif dans le domaine du renforcement de la résilience locale, qui encourage les citoyens à transformer leurs façons de penser, d’agir et d’être dans le monde. Le programme d’action «Communautés pour l’avenir», qui sera lancé cet été, pourra contribuer à la mise en place d’un cadre institutionnel favorable à la participation du public.

4.3.

À l’échelon européen, il y a lieu de donner à la société civile un mandat clair et de garantir sa participation structurée à l’élaboration, à la mise en œuvre et au suivi des politiques et des stratégies visant à parvenir à la neutralité climatique.

4.3.1.

La plateforme pluripartite sur les objectifs de développement durable a joué un rôle important. Elle nécessitait également de nombreuses améliorations pour ce qui est des ressources, de la fréquence des réunions, de la fixation du programme par les participants, des possibilités d’une participation et de débats élargis, ainsi que de la facilitation de consultations publiques plus régulières, transparentes et accessibles.

4.3.2.

La plateforme des acteurs européens de l’économie circulaire, que gèrent conjointement le CESE et la Commission européenne, offre un espace permettant à un large groupe de parties prenantes d’échanger des bonnes pratiques et des idées ainsi que de créer des réseaux utiles. C’est dans la possibilité donnée aux parties prenantes de s’approprier cette plateforme que réside sa principale différence avec la plateforme pluripartite sur les ODD; il s’agit là d’une bonne pratique dont il convient de s’inspirer.

4.4.

Il ne sera pas possible d’atteindre les objectifs de Paris sans un engagement fort des partenaires sociaux à tous les niveaux, en particulier dans les industries et les secteurs fortement touchés par la décarbonation et la numérisation. La mise en œuvre du socle européen des droits sociaux, conjointement avec le pacte vert pour l’Europe, offre l’occasion d’assurer une transition juste axée sur l’objectif de fournir à chacun un emploi de qualité. Le dialogue social mené par les syndicats et les employeurs est l’un des meilleurs moyens de faire prendre conscience de la crise climatique. Ils sont les principaux protagonistes si nous voulons réaliser une transformation socialement juste, productive et commerciale portée par le pacte vert pour l’Europe. Ces démarches peuvent aller de sommets consacrés au dialogue social à l’échelon européen, en passant par le dialogue transfrontière, qui est essentiel pour donner corps à l’intégration sociale européenne, jusqu’à des conventions collectives de branche et d’entreprise. La participation des travailleurs fait partie intégrante de la démocratie sur le lieu de travail et leur donne l’occasion de prendre une part active à des décisions dans la sphère professionnelle susceptibles de contribuer positivement à la lutte contre le changement climatique.

4.5.

La communauté des connaissances et de l’innovation en matière de climat de l’Institut européen d’innovation et de technologie s’attache avant tout à concevoir, effectuer et mettre en relation des expériences entrepreneuriales et des effets de démonstrations approfondies sur les facteurs déclencheurs du changement systémique. Cette communauté dispose d’un éventail d’expériences axées sur le déclenchement de nouveaux modes de pensée, l’enclenchement d’effets exponentiels du fait de nouvelles technologies, de réseaux et de forces communautaires, et sur la recherche de la capacité à apprendre plus rapidement que ne se produisent les changements (12).

5.   Tirer les leçons des réponses des entreprises

5.1.

L’innovation consiste à réaliser des avancées dans le développement de nouveaux services et produits sur le marché ou auprès du public qui répondent à des besoins demeurés sans réponse ou résolvent des problèmes qui n’existaient pas dans le passé. L’innovation technologique se concentre sur les aspects technologiques d’un produit ou d’un service. Les innovations sociales consistent en de nouvelles pratiques sociales qui visent à mieux répondre aux besoins sociaux que ne le font les solutions existantes, par exemple dans les domaines des conditions de travail, de l’éducation, du développement communautaire ou de la santé. En matière d’innovation sociale, un rôle important incombe aux technologies numériques par le recours aux technologies de l’information et de la communication (TIC), telles que les réseaux en ligne et d’autres outils numériques.

5.2.

Il conviendrait de mettre le processus d’innovation systémique à la disposition, à un coût abordable, de toutes les parties prenantes qui doivent participer à la coconception des solutions qui piloteront la transition nécessaire en matière de durabilité. Cette viabilité financière est une condition préalable à la cohésion sociale et à la volonté de «ne laisser personne de côté» dans le processus de mise en œuvre du pacte vert pour l’Europe. Pour cette raison, les aspects du changement systémique qui présentent les caractéristiques d’un bien public doivent être financés ou subventionnés par des fonds publics, ce qui permettra de mobiliser davantage de fonds privés en faveur d’investissements dans le domaine du changement climatique.

5.3.

Les communautés qui réussissent à produire des innovations systémiques sont celles qui excellent à comprendre le problème posé, à recenser les solutions et à les sélectionner en fonction des besoins et des ressources spécifiques de différents lieux et contextes. Il convient de donner une capacité d’action aux communautés locales en Europe en les dotant de ces compétences et de créer les conditions propices pour multiplier les initiatives des acteurs non étatiques.

5.4.

Il est nécessaire de mettre en place de toute urgence des mécanismes de financement innovants qui reconnaissent le potentiel et répondent aux défis de l’innovation systémique menée par les acteurs locaux. Cela nécessite l’octroi d’une aide de base de manière flexible pour assurer le lancement et la pérennité de ces initiatives, un capital à risque pour le démarrage des projets de plus grande envergure, ainsi qu’un accompagnement et un soutien professionnels. Le pacte pour le climat pourrait ouvrir une voie extrêmement précieuse permettant aux innovateurs sociaux de fournir un retour d’information sur la politique et les obstacles économiques qui les entravent, les désavantagent et sont souvent de nature à mettre en péril la viabilité de projets de transformation indispensables.

5.5.

Il convient d’attacher une très grande importance aux réponses des entreprises, comme l’illustrent les exemples suivants:

les sociétés multinationales produisant des vêtements dont les clients se débarrassent rapidement, qui promeuvent un circuit de vente d’occasion, en tant que stratégie de recyclage,

le tutorat destiné aux grands producteurs pétroliers et aux compagnies d’assurance qui devront réorienter leurs activités.

5.6.

Parmi les exemples de réponses significatives du secteur financier, l’on peut citer:

la décision de fonds d’investissement de ne pas investir dans des projets qui ignorent la variable climatique,

le réseau pour l’écologisation du système financier mis sur pied par huit banques centrales et autorités de surveillance en faveur de la finance verte.

6.   Diffuser l’information et faire comprendre au grand public l’action en faveur du climat

6.1.

Il est indispensable de dialoguer directement avec les citoyens pour les sensibiliser à l’importance d’une transition vers des sociétés plus durables et des communautés locales plus saines. La valeur ajoutée que procurent de tels dialogues est maximale lorsqu’ils sont organisés au niveau local, régional ou national. Nonobstant, une orientation, une coordination et un appui de la part de l’échelon de l’Union seraient essentiels.

6.2.

Il devrait incomber en premier lieu aux différents pays de mettre en place un système de réglementation environnementale qui soit fondé sur les conditions locales et les besoins qui leur sont propres, et qui soit adapté au développement durable des pays en question. La reconnaissance des droits de la nature devrait en constituer un élément important (13).

6.3.

Toute intervention au niveau européen devrait être conçue conjointement avec les utilisateurs, tirer les enseignements de l’approche participative requise à d’autres niveaux d’échelle, la modéliser et s’en inspirer. Il est nécessaire de s’appuyer sur une expertise et des ressources pour favoriser la conception et le développement d’espaces collaboratifs innovants, de messages convaincants et de l’utilisation de technologies novatrices. Il est fondamental, pour assurer le succès du pacte pour le climat, de veiller à ce que les communautés concernées puissent devenir les meilleurs porte-parole du message à faire passer, en donnant vie à l’avenir différent qu’elles appellent de leurs vœux, en explorant et en mettant en relation les besoins et les souhaits existants, ainsi que de donner aux citoyens les moyens de l’action.

6.4.

Un environnement de réseau propre à encourager et à soutenir l’action pour le climat requiert d’établir une plateforme en ligne pour échanger les pratiques et les enseignements tirés des différents projets et approches. Une telle plateforme participative pourrait faciliter l’apprentissage entre pairs et le partage de conseils entre acteurs en les aidant à surmonter les obstacles réglementaires. Elle pourrait stimuler l’éducation et l’innovation en proposant des cours en ligne, des webinaires et des ateliers.

6.5.

Reconnaître et communiquer de manière crédible les actions existantes peut inciter à prendre des mesures en faveur du climat. Le financement et les autres ressources, le soutien spécialisé et le pouvoir de contribuer à orienter les décisions qui ont une incidence sur les travaux des acteurs concernés permettront une application plus large des approches ayant fait leurs preuves.

6.6.

Les ambassadeurs de l’action en faveur du climat pourraient être chargés de favoriser la coopération entre de multiples acteurs, d’établir des priorités stratégiques/thématiques, d’organiser des manifestations et de susciter de nouvelles actions en faveur du climat.

6.7.

Ces ambassadeurs du pacte pour le climat pourraient servir de points de contact pour différents secteurs de l’économie. Il convient également de nommer des ambassadeurs spécifiques au niveau des jeunes, des communautés locales, des villes et des régions. Les ambassadeurs à l’échelon de l’Union joueraient un rôle différent de celui des ambassadeurs au niveau national, régional ou local. Il serait nécessaire d’assurer une coordination entre les différents niveaux.

6.8.

Nommer des membres du CESE et du Comité européen des régions (CdR) ambassadeurs à l’échelon de l’Union pour les circonscriptions et les intérêts qu’ils représentent permettrait de s’appuyer sur leurs vastes réseaux parmi la société civile et les collectivités locales et régionales, ainsi que de renforcer la coopération entre ces organes consultatifs et la Commission.

6.9.

Par exemple, les syndicats et les organisations d’entreprises ont une perspective de terrain et représentent démocratiquement les travailleurs dans différents secteurs. Ils jouent un rôle essentiel dans l’élaboration des différentes mesures, de manière à faire valoir les besoins des travailleurs et des entreprises, et dans le recensement des principaux défis. Le fait de pouvoir compter sur des ambassadeurs du climat à différents niveaux au sein du monde syndical et de l’entreprise permettrait de tirer parti des points forts du dialogue social, de démultiplier efficacement le partage d’informations et de stimuler l’action en faveur du climat. Un tel travail requiert un environnement institutionnel favorable aux droits sur le lieu de travail.

6.10.

La transformation numérique change l’organisation et le mode de production des entreprises, et nombre de PME sont confrontées à de très gros handicaps en la matière. De nombreux travailleurs s’inquiètent des conséquences de la numérisation sur leur emploi, laquelle pourrait déboucher sur une hausse du chômage et creuser davantage les inégalités.

6.11.

Afin de «promouvoir la finance et l’investissement verts et [d’]assurer une transition juste» dans le cadre du pacte vert pour l’Europe, la Commission a élaboré une taxinomie visant à encourager les investissements dans huit grands pans de l’économie et dans 70 secteurs d’activité, ce qui permettra de transformer radicalement leur production, le nombre et la qualité de leurs emplois. Dans ce document qui constitue la pierre angulaire du plan d’investissement du pacte vert pour l’Europe, il n’est fait qu’une seule fois référence aux droits des travailleurs définis par les normes fondamentales de l’Organisation internationale du travail (OIT).

7.   Créer des espaces réels et virtuels pour dialoguer sur le climat

7.1.

Le pacte pour le climat devrait s’attacher à donner aux personnes le pouvoir de changer les systèmes, que ce soit par l’étude de nouvelles solutions, l’expérimentation ou la démonstration. Il est besoin de programmes d’éducation et de formation qui couvrent tout le spectre de la société civile et d’autres acteurs non étatiques. Il est essentiel d’améliorer la connaissance et la compréhension du défi climatique en les élargissant et en les approfondissant, ainsi qu’en améliorant la qualité des débats et des discussions que les parties prenantes mènent sur ce problème.

7.2.

Il sera nécessaire de disposer d’instruments que l’on puisse mettre immédiatement en œuvre afin de structurer et de gérer les défis et de tirer parti des possibilités qu’offrent les innovations et les transitions dans le domaine de la durabilité. Le programme Horizon 2020 de la Commission européenne a d’ores et déjà produit et pilote un grand nombre d’instruments de ce type. Dans des cadres pluridisciplinaires, l’approche devrait consister à suivre «l’apprentissage au fil de l’expérience au travers de l’application d’instruments à la situation des utilisateurs».

7.3.

Gérer les parties prenantes, offrir des perspectives multiples, présenter une vision, permettre une analyse rétrospective et assurer une gestion de niche sont autant d’éléments essentiels pour la mobilisation du pacte climatique. Cette structure est destinée à faciliter le processus de résolution des problèmes en esquissant une voie pour l’innovation systémique en matière de changement climatique et de mise en œuvre du pacte vert pour l’Europe.

7.4.

Le succès du pacte pour le climat sera partiellement déterminé par la capacité de l’entrepreneuriat et des entreprises à attirer des financements provenant de sources publiques, philanthropiques et privées. De tels financements devraient s’attacher à remédier aux défaillances du marché qui sont à l’origine du changement climatique, s’engager hardiment dans des changements radicaux et pouvoir atteindre une ampleur significative. Pour mobiliser des milliards en faveur d’actions climatiques innovantes, on peut avoir recours au cadre de financement multilatéral de l’Union européenne, ainsi qu’aux fonds publics et privés européens et internationaux axés sur les missions et voués à susciter un changement systémique dans les domaines de l’atténuation du changement climatique et de l’adaptation à celui-ci. L’objectif général devrait consister à générer des ressources, de l’expérience et des capacités autour de résultats significatifs dans le domaine des réductions des émissions et du renforcement de la résilience climatique, qui sont susceptibles d’être démultipliés pour accélérer le changement et susciter l’espoir. Le pacte pour le climat devrait se féliciter de l’engagement du secteur financier national et international, y compris des fonds multilatéraux et privés pertinents. En outre, le système fiscal devrait refléter le principe consistant à maximiser et à pérenniser l’économie du bien-être.

7.5.

Il conviendrait également d’envisager d’intégrer les espaces physiques et virtuels pour les échanges dans le domaine du climat dans le cadre des associations de la société civile existantes, qui interagiraient grâce à la plateforme des parties prenantes du pacte pour le climat.

7.5.1.

Dans le domaine de l’emploi, il serait judicieux, avec le soutien matériel de la Commission, de mettre en place des observatoires de prospective, d’analyse et d’interprétation des changements dans les domaines du travail, de l’organisation et des technologies, couvrant les huit pans de la taxinomie, et auxquels participeraient les syndicats, les employeurs et les administrations, à l’échelon de l’Union et de ses États membres.

8.   Renforcer les capacités pour favoriser les initiatives de terrain

8.1.

Il convient de déterminer clairement le cadre général afin de parer d’éventuelles incohérences avec le pacte vert pour l’Europe.

8.2.

La plupart des acteurs de la société estiment que les principaux problèmes auxquels ils sont confrontés pour s’engager dans l’action en faveur du climat résident dans le manque d’accès aux financements, d’expertise, de personnel et de reconnaissance (14), ainsi que dans l’absence d’un discours cohérent de la part de l’Union et des gouvernements nationaux.

8.3.

De nombreuses parties prenantes ont mis en évidence que la complexité des environnements réglementaires et administratifs constituait un obstacle à l’action en faveur du climat. Il importe que les organisations de la société civile et les initiatives menées par les acteurs locaux bénéficient de mesures de renforcement des capacités qui les aident à s’orienter dans les environnements réglementaires et administratifs.

8.4.

Fournir un soutien à la fois matériel (assistance technique, renforcement des capacités, financement, etc.) et immatériel (reconnaissance, visibilité accrue, etc.) et faciliter la mise en réseau et les connexions à des domaines et processus spécifiques d’action politique devrait constituer des éléments essentiels d’une «plateforme européenne des parties prenantes du pacte pour le climat» qui vise à stimuler l’action en faveur du climat sur le terrain.

8.5.

Les acteurs non étatiques pourraient rencontrer diverses difficultés pour accéder au financement dans le cadre de leurs initiatives en faveur du climat, notamment des exigences prohibitives concernant la taille du projet, la réticence des investisseurs privés à financer des projets, la complexité des procédures et exigences pour demander des financements et y accéder (15). Parmi les autres entraves figurent le manque de sensibilisation aux possibilités de financement pour le climat, le manque de capacités administratives et de connaissances techniques pour obtenir les financements, les contraintes budgétaires et réglementaires, la difficulté à obtenir l’accord de banques pour les possibles investissements, les contraintes politiques et les difficultés à respecter des critères d’éligibilité trop drastiques pour les fonds européens et internationaux (16).

8.6.

Le CESE a proposé de mettre en place un forum pour le financement de l’action climatique qui réunirait des acteurs clés pour examiner les principaux enjeux, repérer les obstacles, concevoir des solutions et trouver les mécanismes les plus efficaces pour améliorer la répartition des financements dans le respect du principe de subsidiarité. Une étude (17) est en cours afin de proposer un plan d’action et, à terme, d’améliorer l’accès aux financements des acteurs non étatiques de l’action en faveur du climat.

9.   Faire aboutir une plateforme européenne des parties prenantes du pacte pour le climat

9.1.

Au vu de l’expérience concluante de la plateforme des acteurs européens de l’économie circulaire, le CESE propose de créer sur ce modèle une plateforme européenne des parties prenantes du pacte pour le climat.

9.2.

L’inclusion, la transparence et une réelle participation et l’appropriation par les acteurs locaux de l’action en faveur du climat devraient être les principes directeurs de la plateforme.

9.3.

Le CESE a demandé que la transition vers une économie durable, neutre en carbone et efficace dans l’utilisation des ressources soit juste et ne laisse de côté aucun ménage, aucune communauté, aucune région, aucun secteur ni aucune minorité (18). La plateforme européenne des parties prenantes du pacte pour le climat devrait comprendre un observatoire de la transition vers la neutralité climatique, qui assurerait le suivi de la mise en œuvre de la politique de l’Union européenne en matière de climat aux niveaux national et régional et qui recueillerait des données en vue d’étayer l’élaboration des politiques à tous les niveaux.

9.4.

Le CESE soutient l’organisation d’assemblées citoyennes dans les États membres afin d’informer, d’inspirer et de favoriser la compréhension et de conseiller tous les niveaux de gouvernement sur les politiques en matière de climat. La plateforme européenne des parties prenantes du pacte pour le climat pourrait faire connaître les expériences réussies existantes et diffuser des orientations et des meilleures pratiques auprès des États, des régions et des villes intéressés par l’organisation d’assemblées similaires.

9.5.

La plateforme européenne des parties prenantes du pacte pour le climat pourrait être chargée d’organiser une assemblée des citoyens au niveau de l’Union, organisée conjointement par le CESE, le CdR et le Parlement européen, avec le soutien de la Commission.

9.6.

L’un des rôles essentiels de cette plateforme serait celui de pôle de renforcement des capacités et de financement, qui fournirait à la fois des orientations, des informations et des formations sur les politiques et les stratégies en matière de climat, et faciliterait l’accès au financement pour les projets à petite échelle. La mise en place du pôle de l’Union, tout comme des pôles nationaux, pourrait intervenir en coopération avec les collectivités locales et régionales.

9.7.

La plateforme en ligne sous-tendant la plateforme européenne des parties prenantes du pacte pour le climat pourrait être mise à profit pour créer des espaces permettant de partager les informations et les connaissances, de faciliter la constitution de réseaux et de formaliser des engagements.

9.8.

La plateforme européenne des parties prenantes du pacte pour le climat nécessiterait la création d’un groupe de coordination composé de représentants de différents acteurs. Pour sélectionner les membres de ce groupe de coordination, des critères clairs et transparents seront nécessaires afin d’en garantir le caractère inclusif et représentatif, tout en préservant l’efficacité de la gouvernance de la structure. Les parties prenantes suivantes devraient y être représentées: les institutions de l’Union, la société civile et notamment les entreprises, les syndicats, les collectivités locales et régionales, la communauté scientifique, les milieux financiers et la jeunesse. Il convient de doter les parties prenantes issues d’institutions et de secteurs disposant de moins de ressources des moyens suffisants pour participer et assumer un rôle décisionnel.

Bruxelles, le 16 juillet 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Réseau des solutions pour le développement durable des Nations unies (SDSN), Six Transformations to achieve the Sustainable Development Goals (Six transformations pour atteindre les objectifs de développement durable).

(2)  Jytte Guteland, la rapporteure du Parlement européen sur la loi européenne sur le climat [COM(2020) 0080], propose «que l’objectif climatique de l’Union à l’horizon 2030 soit relevé pour atteindre une réduction de 65 % des émissions par rapport aux niveaux de 1990. Ainsi, la Commission devrait, au plus tard le 30 juin 2021, déterminer les modifications qu’il conviendrait d’apporter en conséquence à la législation de l’Union mettant en œuvre cet objectif plus ambitieux».

(3)  Rapport 2019 sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions.

(4)  Le rapport 2019 du programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions indique que les émissions mondiales doivent être réduites de 7,6 % par an à compter de maintenant, afin de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 oC. Si on fait le calcul pour l’Union, cela signifierait une réduction d’au moins 68 % des émissions d’ici 2030.

(5)  Avis du CESE sur «L’économie durable dont nous avons besoin» (JO C 106 du 31.3.2020, p. 1).

(6)  Économie du bien-être: branche de l’économie consistant à évaluer les politiques économiques en fonction de leurs effets sur le bien-être de la population. Elle est devenue une branche bien définie des théories économiques au cours du XXe siècle.

(7)  Avis du CESE sur «Promouvoir des actions en faveur du climat par des acteurs non étatiques» (JO C 227 du 28.6.2018, p. 35).

(8)  Avis du CESE, dossier SC/51, sur la «Stratégie pour une réduction à long terme des émissions de gaz à effet de serre dans l’Union européenne» (JO C 282 du 20.8.2019, p. 51).

(9)  Déjà proposé dans l’avis du CESE sur «Construire une coalition entre la société civile et les collectivités infranationales pour concrétiser les engagements de l’accord de Paris» (JO C 389 du 21.10.2016, p. 20).

(10)  https://www.thersa.org/discover/publications-and-articles/rsa-blogs/2018/07/our-call-for-action-on-deliberative-democracy

(11)  https://www.conventioncitoyennepourleclimat.fr/

(12)  Les «démonstrations approfondies» de cette communauté constituent un possible «point de percée de la croissance» économique réalisé par les plus ambitieux des «porteurs de défis» de l’Europe pour comprendre la «topologie de leur problématique» et par les «concepteurs» pour cartographier le système et créer un portefeuille de positions d’intervention.

(13)  Avis du CESE sur le document de réflexion «Vers une Europe durable à l’horizon 2030» (JO C 14 du 15.1.2020, p. 95); avis du CESE sur la «Justice climatique» (JO C 81 du 2.3.2018, p. 22).

(14)  Étude du CESE.

(15)  Avis du CESE sur «Faciliter l’accès au financement de l’action climatique pour les acteurs non étatiques» (JO C 110 du 22.3.2019, p. 14).

(16)  Rossi, L., Gancheva, M., et O’Brien, S., 2017.

(17)  Forum pour le financement de l’action climatique — Modalités et missions premières, étude commandée par le CESE auprès de Milieu Consulting SPRL.

(18)  Avis du CESE sur «Ne laisser personne de côté lors de la mise en œuvre du programme de développement durable à l’horizon 2030» (JO C 47 du 11.2.2020, p. 30).


III Actes préparatoires

Comité économique et social européen

553e session plénière hybride des 15 et 16 juillet 2020

28.10.2020   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 364/77


Avis du Comité économique et social européen sur la «Stratégie en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes»

[COM(2020) 152 final]

(2020/C 364/11)

Rapporteure:

Giulia BARBUCCI

Corapporteure:

Indrė VAREIKYTĖ

Consultation

Commission européenne, 22.4.2020

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Décision du bureau

18.2.2020

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

17.6.2020

Adoption en session plénière

16.7.2020

Session plénière no

553

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

171/38/7

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) est conscient de l’incidence sexospécifique de la pandémie de COVID-19 et il a, avec force, attiré l’attention sur l’inégalité hommes-femmes s’agissant des disparités économiques et sociales. Cette question doit être pleinement prise en considération dans la nouvelle stratégie en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes. La Commission européenne devrait mettre cette stratégie en œuvre parallèlement aux mesures visant à lutter contre l’impact de la COVID-19, au moyen de réponses politiques spécifiques et ciblées.

1.2.

Le CESE recommande l’adoption de stratégies d’intégration de la dimension de genre par l’ensemble des organes et infrastructures de programmation et de gouvernance, et invite la Commission à encourager vivement les États membres à appliquer la même approche. Il plaide en outre pour l’adoption d’une approche intersectionnelle de l’égalité entre les femmes et les hommes, y compris lorsqu’il s’agit de lutter contre des formes de discrimination multiples.

1.3.

Le CESE invite instamment la Commission et les États membres à garantir une participation équilibrée des hommes et des femmes aux organes consultatifs et techniques mis en place pour débattre des mesures visant à relancer l’économie et à prévenir la marginalisation sociale et économique dans le contexte de la COVID-19.

1.4.

Par ailleurs, le CESE encourage les États membres à veiller à ce que la perspective de genre soit pleinement intégrée dans les mesures de relance de l’après-coronavirus, afin de lutter, grâce à une approche stratégique et structurelle, contre les inégalités durables entre les hommes et les femmes, et pour promouvoir et améliorer la participation des femmes à tous les niveaux du marché du travail.

1.5.

Le CESE appelle à un engagement plus ferme en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes dans le prochain cadre financier pluriannuel 2021-2027. Cette approche doit également être intégrée dans la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux, dans les six priorités de la Commission pour 2019-2024 et dans les recommandations du Semestre européen.

1.6.

Le CESE soutient la stratégie en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes élaborée par la Commission et invite cette dernière à établir un mécanisme de coordination associant l’ensemble des États membres, des partenaires sociaux et des organisations de la société civile (OSC).

1.7.

Le CESE invite les États membres à adopter des mesures spécifiques pour améliorer l’orientation scolaire et professionnelle en vue de renforcer la sensibilisation aux questions de l’égalité entre les hommes et les femmes, et à fournir les ressources et les outils appropriés, afin d’aboutir à une approche plus sensible à la dimension de genre et de réduire la ségrégation des genres dans le monde de l’enseignement et du travail.

1.8.

Le CESE demande que des mesures soient prises pour éliminer l’écart numérique entre les hommes et les femmes ainsi que pour intégrer pleinement la perspective de genre dans la stratégie numérique et les priorités en matière d’intelligence artificielle (IA), tant au niveau de l’Union que des États membres, au moyen d’un programme spécifique assorti d’un mécanisme de suivi sexospécifique étayé par des indicateurs et une collecte de données ventilées par sexe.

1.9.

La crise liée à la COVID-19 a davantage mis en avant le fait que l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes reste l’une des formes principales d’inégalité et de discrimination entre les sexes. Le CESE invite la Commission à donner suite de toute urgence à la proposition d’introduire des mesures contraignantes en matière de transparence salariale, et il est disposé à jouer un rôle de premier plan dans la promotion d’une stratégie visant à atteindre la parité des salaires.

1.10.

Le CESE demande instamment à la Commission et aux États membres de promouvoir une approche efficace afin d’empêcher toute forme de violence à l’égard des femmes et de garantir leur protection. Il plaide pour que des mesures soient prises afin de soutenir et de ratifier les initiatives internationales et européennes visant à éradiquer la violence faite aux femmes. Le CESE est prêt à collaborer avec les partenaires sociaux et les OSC pour assurer une mise en œuvre rapide de ces initiatives.

1.11.

Le CESE joue un rôle essentiel dans la sensibilisation, grâce à la collecte et à la diffusion, auprès des partenaires sociaux et des OSC, des bonnes pratiques concernant les outils et les infrastructures organisationnelles visant à prévenir le harcèlement sexuel dans la sphère privée et sur le lieu de travail.

1.12.

Le CESE recommande une approche systématique en matière de politiques de soins, laquelle comprend plusieurs autres dimensions stratégiques (transparence salariale, services publics, infrastructures, fiscalité, transports, stratégie numérique et en matière d’IA, fonds de l’Union). Les États membres devraient poursuivre leurs efforts pour améliorer la disponibilité, l’accessibilité financière et la qualité des places dans les infrastructures d’éducation et d’accueil de la petite enfance.

1.13.

Le CESE demande également à la Commission d’aider les États membres à favoriser la participation des femmes handicapées au marché du travail, de manière à mettre en œuvre la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (CNUDPH), ainsi que la participation de tout autre groupe de femmes vulnérables (y compris les femmes roms et les migrantes).

1.14.

L’égalité des chances en matière de participation est essentielle pour la démocratie représentative à tous les niveaux — européen, national, régional et local. Le CESE soutient la parité et l’équilibre entre les hommes et les femmes dans la prise de décision et dans la vie politique, économique et sociale, y compris dans les structures de dialogue civil et social. Des actions positives reposant sur des mesures législatives, budgétaires, volontaires, organisationnelles et culturelles sont nécessaires pour remédier au problème des trop faibles représentation et participation des femmes au sein des organes de décision.

1.15.

Le CESE invite une nouvelle fois le Conseil à poursuivre la discussion sur la directive visant à améliorer l’équilibre entre les hommes et les femmes dans les conseils d’administration des entreprises.

1.16.

Le CESE engage le secteur des médias et de la publicité à promouvoir une participation plus équilibrée des femmes aux postes de décision et à contribuer à l’élimination des stéréotypes de genre dans les contenus médiatiques en adoptant des codes de conduite et des mécanismes visant à garantir l’équilibre entre les sexes au sein des organes décisionnels.

1.17.

Le CESE demande à l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE) de veiller à ce que l’indice d’égalité de genre mette l’accent sur l’égalité des sexes dans les médias, afin d’attirer l’attention sur les inégalités entre les hommes et les femmes.

2.   Introduction

2.1.

L’égalité hommes-femmes est non seulement une valeur essentielle de l’Union européenne (1), mais relève également d’un mandat impératif pour agir (2). Bien que la Commission en ait fait un principe directeur et l’un des objectifs de son mandat, les données disponibles (3) (4) (5) montrent que les progrès sur la voie de l’égalité entre les femmes et les hommes au sein de l’Union sont très lents. Le présent avis du CESE a été élaboré en réaction à la stratégie en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes 2020-2025, lancée par la Commission en mars 2020, avant la propagation de la pandémie de COVID-19. Le CESE est conscient de l’incidence sexospécifique de la pandémie de COVID-19, qu’il convient de prendre en compte dans la stratégie. Il importe de souligner que cette situation d’urgence exacerbe les inégalités liées au genre qui existaient déjà avant la crise. Les femmes étant de plus en plus exposées à la violence, à la pauvreté, à de multiples formes de discrimination et à la dépendance économique, le CESE recommande à la Commission de mettre cette stratégie en œuvre, sans délai, parallèlement aux mesures visant à lutter contre l’impact de la COVID-19 sur les femmes et les filles, au moyen de réponses politiques spécifiques et ciblées. Les domaines d’intervention de la stratégie sont les suivants:

2.1.1.

La violence à l’égard des femmes constitue l’une des pires formes de discrimination fondée sur le sexe.

2.1.2.

La Commission réclame une analyse systématique, des mesures plus fermes pour démanteler les stéréotypes et éradiquer la violence à caractère sexiste, le harcèlement, le harcèlement moral (bullying) et le harcèlement de groupe (mobbing), ainsi que des mesures pour protéger les victimes et contraindre les auteurs à répondre de leurs actes. Les violences domestiques ont augmenté durant la crise de la COVID-19, sachant que, lorsqu’elles sont cantonnées au domicile familial, les femmes sont davantage à la merci de leur partenaire violent.

2.1.3.

L’emploi des femmes. Les données disponibles montrent que les écarts entre les hommes et les femmes dans l’économie — et le déséquilibre persistant en matière de responsabilités familiales — limitent fortement l’autonomisation sociale et économique des femmes, ainsi que leur accès à une rémunération, à des revenus et à une pension équitables. Le risque de marginalisation économique résulte lui aussi de stéréotypes persistants et de formes de discrimination intersectionnelles. L’inadéquation des compétences sur le marché de l’emploi est la conséquence de plusieurs facteurs structurels, largement liés au genre. Non seulement ces facteurs limitent l’impact des politiques économiques, mais ils privent également nos sociétés et nos économies du vivier existant de compétences et de talents féminins.

2.1.4.

La participation équilibrée des femmes et des hommes à la prise de décision est un objectif majeur et fait défaut de manière persistante. Pour faire face à la complexité des défis économiques et sociaux, il est nécessaire d’accroître la participation des femmes aux postes de direction. Les mesures législatives représentent l’une des possibilités de combler à court terme les écarts entre les hommes et les femmes.

2.1.5.

L’intégration de la dimension hommes-femmes est la stratégie adoptée pour parvenir à l’égalité des sexes en intégrant la perspective de genre à tous les stades de l’élaboration des politiques. Dans tous les États membres de l’Union, une instance spécifique consacrée à l’égalité des sexes (6) est chargée de veiller à l’intégration de la dimension de genre et d’encourager sa prise en compte dans les priorités politiques. Ces mécanismes institutionnels visant à favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes devraient être mieux équipés et dotés notamment d’un mandat politique plus fort et de meilleures capacités leur permettant de déployer des outils pertinents (analyse fondée sur des données probantes, collecte systématique de données ventilées par sexe, budgétisation sensible au genre (7), suivi et évaluation tenant compte de la dimension de genre).

2.1.6.

Les fonds de l’Union pour la période 2021-2027 constituent une occasion de soutenir l’égalité entre les femmes et les hommes. Le CESE a publié un avis (8) dans lequel il invitait le Parlement et le Conseil à établir des indicateurs nouveaux et appropriés afin de mieux contrôler la contribution financière que l’Union européenne apporte à l’égalité entre les hommes et les femmes. L’objectif est d’accroître la participation des femmes au marché du travail (en particulier celles issues de groupes vulnérables (9), comme les femmes handicapées (10) et celles qui subissent de multiples formes de discrimination) et d’améliorer les mesures favorisant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée ainsi que les services et les infrastructures de garde d’enfants et de soins de longue durée. La crise de la COVID-19 fait apparaître la nécessité de financer des mesures en faveur de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, d’investir dans des services publics de soins de qualité et accessibles et de maintenir les niveaux d’emploi ainsi que l’aide au revenu.

2.1.7.

Le CESE est d’avis que les fonds de l’Union devraient être alloués d’une manière qui soit plus attentive à la dimension d’égalité entre les hommes et les femmes, que la question de l’égalité des sexes devrait être un objectif à part entière plutôt que d’être fusionnée avec des objectifs de lutte contre la discrimination, et que la perspective de genre devrait être mieux intégrée à tous les autres objectifs spécifiques, selon une approche pluridisciplinaire et intersectionnelle.

3.   Observations générales sur la stratégie en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes 2020-2025 et propositions relatives à sa mise en œuvre

3.1.

Le CESE soutient l’approche de la Commission consistant à renforcer l’intégration de la dimension de genre dans toutes les politiques afin de parvenir à l’égalité entre les femmes et les hommes, et demande que l’incidence spécifique de la pandémie de COVID-19 sur les femmes soit prise en considération. L’approche double — mesures positives et intégration de la perspective de genre — doit être pleinement incorporée à la gouvernance des mécanismes de programmation financière. Cette approche doit également être intégrée dans la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux, dans les six priorités de la Commission pour 2019-2024 (11) et dans les recommandations du Semestre européen.

3.2.

L’infrastructure institutionnelle existante pour l’égalité entre les femmes et les hommes au niveau de l’Union [DG Justice et consommateurs, Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE), Parlement européen et institutions de l’Union, ainsi que les organes consultatifs (12) la task force pour l’égalité (13), soutenus par des données fournies par Eurofound et Eurostat], devrait être mieux intégrée dans le processus de gouvernance des politiques européennes. Au-delà des limites spécifiques de l’égalité entre les femmes et les hommes, cette infrastructure devrait faire partie intégrante du mécanisme politique encadrant les principaux dossiers actuels (stratégie numérique, stratégie en matière de compétences, pacte vert pour l’Europe, objectifs européens de la jeunesse (14), entre autres).

3.3.

Le CESE partage le point de vue selon lequel l’égalité entre les femmes et les hommes passe par une approche pluridisciplinaire et intersectionnelle, en ciblant les facteurs d’incitation économiques et sociaux à l’origine de l’inégalité entre les hommes et les femmes et en investissant dans les facteurs favorables à l’égalité. Le CESE (15) plaide en faveur d’une approche stratégique pour veiller à l’intégration de la perspective de genre dans tous les objectifs thématiques définis dans le nouveau cadre financier 2021-2027.

3.4.

Le Comité attire l’attention sur le ralentissement avéré de la croissance économique dans l’Union en raison du coronavirus. Il importe que les effets des politiques macroéconomiques en matière d’égalité des sexes soient pleinement évalués et pris en compte lors de la mise en œuvre de la stratégie, de manière à éviter d’exacerber encore les inégalités existantes entre les femmes et les hommes (16).

4.   Observations particulières

4.1.

Le CESE invite la Commission à recourir au mécanisme de coordination existant en matière d’égalité des sexes pour surveiller la mise en œuvre de la stratégie, dans l’optique de rendre compte des progrès réalisés du point de vue de l’égalité entre les femmes et les hommes. Ce mécanisme pourrait également porter sur des considérations sexospécifiques dans le cadre de la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux et des recommandations du Semestre européen.

4.2.

Le Comité a déjà demandé à la Commission de recommander aux États membres de l’Union la fixation d’objectifs et d’indicateurs nationaux permettant de suivre la situation au moyen d’un tableau de bord annuel.

4.3.   En finir avec la violence sexiste

4.3.1.

Tant dans la sphère privée que dans l’environnement de travail, les femmes sont toujours davantage exposées à des comportements sociaux préjudiciables et à la violence (17). Le CESE peut jouer un rôle essentiel dans la diffusion plus large des connaissances sur ce phénomène afin d’empêcher toute forme de violence à l’égard des femmes. Les partenaires sociaux et les OSC peuvent soutenir la prévention de la violence contre les femmes et la promotion d’une culture sensible au genre en menant des actions de sensibilisation et en collectant et partageant les bonnes pratiques.

4.3.2.

L’accord-cadre européen sur le harcèlement et la violence au travail signé par les partenaires sociaux en 2007 est un instrument permettant de garantir un environnement de travail sans harcèlement ni violence, et doit être appliqué partout en Europe et sur tous les lieux de travail, quelle que soit la taille de l’entreprise.

4.3.3.

Il y a lieu de soutenir et de ratifier les initiatives internationales et européennes visant à éradiquer la violence faite aux femmes. Le CESE peut apporter un solide soutien à la convention de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur la violence et le harcèlement sexuel dans le monde du travail. La convention 190 de l’OIT sur la violence et le harcèlement (2019) devrait être ratifiée et mise en œuvre par tous les gouvernements au niveau international et européen ainsi que par l’Union européenne. Le CESE se réjouit également de l’intention de la Commission de proposer, en 2021, des mesures pour atteindre les objectifs de la convention d’Istanbul.

4.3.4.

Le cyberharcèlement (18) est l’un des obstacles qui dissuade les femmes de prendre part aux activités en ligne et aux réseaux sociaux. Le CESE a demandé à la Commission de renforcer sa task-force sur les femmes dans le numérique, ainsi que l’initiative Digital4Her («le numérique au féminin») (19). La Commission doit harmoniser ces mesures volontaires avec les cadres législatifs relatifs à la violence à l’égard des femmes.

4.3.5.

Le CESE a également invité à plusieurs reprises la Commission à mettre à jour la recommandation sur les mesures destinées à lutter de manière efficace contre les contenus illicites en ligne et le code de conduite pour la lutte contre les discours haineux et illégaux en ligne, qui a été approuvé par la Commission et les entreprises informatiques mondiales, en intégrant le harcèlement en ligne et le harcèlement moral des femmes dans la définition des discours de haine illégaux (20).

4.3.6.

Le CESE propose la création d’un fonds juridique d’urgence au niveau de l’Union, destiné à soutenir les OSC qui contestent devant les tribunaux la législation violant les droits des femmes (21).

4.4.   Combler les écarts entre les femmes et les hommes

4.4.1.

Éducation. Les disparités entre les hommes et les femmes en matière d’éducation persistent et entraînent une ségrégation de genre sur le marché du travail et en matière d’emploi et de revenu, ainsi que l’inadéquation des compétences (22) (23). Le système d’orientation scolaire devrait faire l’objet de mesures spécifiques (24). L’éducation joue un rôle important pour éliminer les stéréotypes et briser les préjugés dès l’école primaire.

4.4.2.

Les technologies numériques et d’IA ainsi que les compétences en la matière doivent être accessibles à toutes et tous, indépendamment du sexe, de l’âge ou du milieu socio-économique. Il importe d’accroître le nombre de femmes et de filles dans les secteurs des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques (STIM) ainsi que des technologies de l’information et de la communication (TIC), afin d’éliminer l’écart numérique à l’origine de leur faible représentation et de proposer davantage de modèles féminins en matière numérique pour vaincre les stéréotypes, eu égard, en particulier, à l’impact de la situation d’urgence actuelle en lien avec la COVID-19.

4.4.3.

L’accroissement du nombre de femmes et de filles occupant un poste de développeur dans le secteur des TIC pourrait aider à surmonter les partis pris sexistes dans la conception de telle ou telle technologie. Il est donc essentiel de garantir un accès universel à la mise à niveau des compétences en matière de STIM, de TIC et d’IA, ainsi que la protection de l’emploi des femmes risquant de perdre leur travail en raison de leur faible niveau de maîtrise des TIC.

4.4.4.

La perspective de genre dans l’éducation financière devrait également faire l’objet d’une attention et de mesures particulières.

4.4.5.

Emploi. Les disparités entre les hommes et les femmes en matière d’emploi ont entraîné des écarts durables sur le plan des revenus, de l’accès au crédit, des rémunérations et des pensions, et exacerbent le risque de pauvreté, d’exclusion sociale ou de sans-abrisme. Quelle que soit la législation de l’Union sur l’égalité de traitement en matière d’emploi, l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes reste l’une des formes les plus répandues d’inégalité et de discrimination entre les sexes.

4.4.6.

La négociation collective pourrait jouer un rôle de premier plan à cet égard. Toutes les mesures devraient s’attaquer aux disparités entre les hommes et les femmes afin d’améliorer l’accès à la protection sociale, la qualité du travail et la robustesse du marché du travail.

4.4.7.

Le CESE accueille favorablement l’initiative de la Commission relative à des mesures contraignantes en matière de transparence salariale, qui devraient être mises en place dès que possible, et se propose de jouer un rôle de premier plan dans la promotion d’une stratégie de parité des salaires. Étant donné que les femmes représentent 70 % de l’ensemble des travailleurs du secteur de la santé et de l’aide sociale dans 104 pays (OMS) et 58,6 % des travailleurs du secteur des services dans le monde (OIT), elles encourent un risque pour leur santé en raison de la pandémie. En raison de la prépondérance d’une situation de ségrégation aux dépends des femmes dans les secteurs mal rémunérés et les emplois précaires, celles-ci sont en première ligne en ce qui concerne le risque de perte d’emploi et de problèmes de santé.

4.4.8.

Les emplois et les tâches effectuées dans les secteurs des soins, du nettoyage, du commerce et de la santé apportent une contribution essentielle à la société et à l’économie, comme l’a montré la crise liée à la COVID-19. Les emplois dans ces secteurs, qui sont traditionnellement occupés par une majorité de femmes, sont souvent sous-payés, sous-évalués et caractérisés par des conditions de travail précaires. Il est donc essentiel d’accorder à ces professions une plus grande reconnaissance sociale assortie d’une valeur économique correspondante, ce qui contribuerait à réduire les écarts de rémunération et les autres inégalités entre les hommes et les femmes et à renforcer la valeur économique et sociale de ces emplois.

4.4.9.

L’augmentation des investissements dans la numérisation du secteur public permet une participation accrue et améliorée des femmes et des hommes au marché du travail, et elle peut aider celles et ceux qui assument des charges de soins aux personnes et qui ont besoin d’assistance pour surmonter des obstacles bureaucratiques ou liés à l’accessibilité des services publics (25).

4.4.10.

Les femmes entrepreneures ne représentent toujours qu’une faible proportion du nombre total de chefs d’entreprise dans l’Union. Afin de soutenir l’entrepreneuriat féminin et l’égalité entre les hommes et les femmes, il y a lieu de faciliter l’accès des cheffes d’entreprise au capital d’investissement et de promouvoir l’équilibre entre les hommes et les femmes aux postes décisionnels des institutions financières, où sont prises les décisions d’investissement (26).

4.4.11.

Les soins aux personnes et l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Les femmes continuent d’assumer la plus large part du travail non rémunéré, qu’il s’agisse des soins apportés aux enfants et aux personnes âgées ou encore des tâches ménagères (27). Les mesures relatives à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, que ce soit au moyen de la législation ou de conventions collectives, permettent de mieux concilier les besoins des femmes et des hommes, ainsi que des travailleurs qui s’occupent également de personnes dépendantes. La pandémie a alourdi la charge que représente le travail non rémunéré, en particulier au moment où les écoles, les crèches et les lieux de travail sont fermés en raison du confinement.

4.4.12.

Le CESE réclame la mise en œuvre de la directive sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, notamment en ce qui concerne les congés payés, afin de garantir aux femmes comme aux hommes le droit de s’occuper d’un enfant ou d’un proche. En outre, le CESE encourage les États membres à redoubler d’efforts pour atteindre l’objectif actuel consistant à mettre en place des structures d’accueil formelles pour 33 % des enfants de moins de trois ans, et à y ajouter un objectif en matière de garderies postscolaires, pour permettre aux parents de travailler à temps plein s’ils le souhaitent. La Commission devrait collaborer avec les États membres pour veiller à ce que les objectifs soient pleinement atteints.

4.4.13.

Le Comité invite les États membres à utiliser les fonds de l’Union pour accroître la disponibilité, le caractère abordable et la qualité des services et des infrastructures pour l’éducation et l’accueil de la petite enfance.

4.4.14.

Il est également essentiel d’accroître la participation des femmes handicapées au marché du travail, par la mise en œuvre de la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (CNUDPH).

4.4.15.

En raison du vieillissement de la population, il convient de mettre davantage l’accent sur les soins aux personnes âgées lors de l’élaboration de mesures permettant de concilier les besoins et d’assurer un équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

4.4.16.

Il y a lieu d’adopter une approche systématique en matière de politiques de soins, laquelle comprend plusieurs autres dimensions stratégiques (infrastructures, fiscalité, transports, stratégie numérique, santé et compétences, IA et fonds de l’Union), et dans lesquelles le dialogue social, les partenaires sociaux et les OSC peuvent jouer un rôle de premier plan.

4.5.   Atteindre l’égalité entre les femmes et les hommes dans la prise de décision

4.5.1.

L’égalité des chances en matière de participation est essentielle pour la démocratie représentative à tous les niveaux — européen, national, régional et local. Le CESE soutient la parité et l’équilibre entre les hommes et les femmes dans la prise de décision et dans la vie politique, économique et sociale, y compris dans les structures de dialogue civil et social. Des actions positives reposant sur des mesures législatives, budgétaires, volontaires, organisationnelles et culturelles sont nécessaires pour remédier au problème des trop faibles représentation et participation des femmes au sein des organes de décision.

4.5.2.

Les disparités entre les hommes et les femmes sur le marché du travail entraînent également un déséquilibre entre les sexes au niveau de la prise de décision. Dans l’Union européenne, les hommes sont deux fois plus nombreux que les femmes aux postes d’encadrement. Dans presque tous les secteurs économiques, les femmes sont sous-représentées aux postes de direction. C’est dans le secteur public que la représentation des hommes et des femmes dans les fonctions de direction est la plus équilibrée (28).

4.5.3.

La législation peut être utile, mais il est peu probable qu’elle suffise pour influencer la culture et les mécanismes organisationnels. Il est également possible d’atteindre l’équilibre entre les hommes et les femmes dans la prise de décision ainsi que dans la vie politique, économique et sociale en adoptant une approche d’intégration de la dimension de genre qui vise à mettre en place des conditions propices et à mieux faire comprendre la problématique du genre, de manière à accroître la participation des femmes au niveau décisionnel.

4.5.4.

Le CESE invite le Conseil à poursuivre la discussion sur la directive visant à améliorer l’équilibre entre les hommes et les femmes dans les conseils d’administration des entreprises (29). Le Comité invite également les entreprises à jouer un rôle de premier plan et à accroître de manière significative la participation des femmes aux postes à hautes responsabilités.

4.5.5.

Le Comité a recommandé (30) d’envisager des stratégies et des outils efficaces (par exemple, des mesures juridiques, budgétaires et volontaires, des quotas hommes/femmes) afin de parvenir à l’équilibre entre les sexes aux postes pourvus par élection ou par nomination dans les grandes structures politiques, et suggère à la Commission de continuer à encourager les États membres à œuvrer dans ce domaine. Le Comité invite une nouvelle fois (31) le Conseil à revoir ses lignes directrices relatives à la nomination des membres du CESE afin de tenir compte de l’évolution économique, sociale et démographique au sein de l’Union.

4.6.   L’intégration de la dimension hommes-femmes

4.6.1.

L’intégration de la dimension hommes-femmes est la meilleure approche pour introduire la perspective de genre auprès de tous les acteurs, à tous les niveaux, mais il y a lieu d’améliorer sa dimension opérationnelle et sa mise en œuvre.

4.6.2.

Pour la période de programmation 2021-2027, le CESE appelle à un engagement plus ferme en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Les conditions en la matière permettant de garantir la pertinence et la cohérence des programmes, des projets et des fonds doivent être effectivement mises en œuvre et évaluées.

4.6.3.

Le CESE soutient la stratégie pour l’égalité entre les femmes et les hommes élaborée par la Commission et il invite cette dernière à recourir aux mécanismes de coordination existants (comité consultatif de l’égalité des chances entre les femmes et les hommes, groupe à haut niveau sur l’intégration des politiques d’égalité entre les hommes et les femmes et task force pour l’égalité) pour veiller à la mise en œuvre correcte de la stratégie, rendre compte des progrès accomplis et faciliter l’échange d’approches et d’expériences au niveau de l’Union.

4.7.   La question du genre dans les médias

4.7.1.

L’impact des médias sur l’égalité entre les hommes et les femmes a longtemps été sous-estimé, même si ceux-ci jouent un rôle essentiel dans le façonnement d’une société donnée. Le secteur des médias devrait jouer un rôle de premier plan pour faire en sorte que la publicité ait un impact positif plutôt que négatif en ce qui concerne la représentation et la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes dans la société.

4.7.2.

Pour faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes dans le secteur des médias, il est essentiel de renforcer la participation des femmes aux postes de prise de décision (32) (33), et d’adopter des codes de conduite et d’autres mesures (34) (35) qui proscrivent le sexisme et les stéréotypes et encouragent la transformation organisationnelle du secteur et des contenus qu’il propose.

4.7.3.

Il importe de reconnaître l’incidence des stéréotypes de genre dans les contenus médiatiques. Le CESE demande que le prochain indice d’égalité de genre de l’EIGE mette l’accent sur le thème des médias et de la publicité.

Bruxelles, le 16 juillet 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Article 2 du traité UE.

(2)  Article 8 du TFUE: «Pour toutes ses actions, l’Union cherche à éliminer les inégalités, et à promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes».

(3)  EIGE, Gender Equality Index 2019 in brief: Still far from the finish line, 2019 (en anglais uniquement).

(4)  Commission européenne, New vision for Gender Equality, 2019 (en anglais uniquement).

(5)  Eurofound, Gender equality at work, 2020 (en anglais uniquement).

(6)  EIGE, Beijing +25 policy brief: Area H — Institutional mechanisms for the advancement of women: reduced efforts from Member States, 2019 (en anglais uniquement).

(7)  https://eige.europa.eu/gender-mainstreaming/toolkits/gender-budgeting (en anglais uniquement).

(8)  JO C 110 du 22.3.2019, p. 26 (paragraphe 1.8).

(9)  JO C 110 du 22.3.2019, p. 26 (paragraphe 1.6).

(10)  EIGE, The European Pillar of Social Rights as an Opportunity for Gender Equality in the EU, 2017, p. 6 (en anglais uniquement).

(11)  https://ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024_fr

(12)  Article 300 du TFUE.

(13)  La Commission a mis en place une task-force pour l’égalité, composée de représentants de tous les services de la Commission et du Service européen pour l’action extérieure et chargée de veiller à la mise en œuvre concrète de l’intégration des questions d’égalité entre les hommes et les femmes au niveau opérationnel et technique, en plus des actions clés énumérées dans la stratégie en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes. https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/qanda_20_357

(14)  https://youthforeurope.eu/european-youth-goals-2019-2027/ (en anglais uniquement).

(15)  JO C 240 du 16.7.2019, p. 3.

(16)  Voir note 15 de bas de page.

(17)  Eurofound, Gender equality at work, «European Working Conditions Survey 2015 series», Office des publications de l’Union européenne, Luxembourg, 2020 (en anglais uniquement).

(18)  EIGE, Gender equality and youth: opportunities and risks of digitalisation — Main report, 2017 (en anglais uniquement).

(19)  JO C 440 du 6.12.2018, p. 37.

(20)  Voir note 15 de bas de page.

(21)  Voir note 15 de bas de page.

(22)  Source: Eurostat — jeunes ayant quitté prématurément l’éducation et la formation (code:sdg_04_10); participation des adultes à la formation (code: sdg_04_60); niveau d’études supérieur (code: sdg_04_20).

(23)  Cedfop, 2020 European Skills Index, 2020 (en anglais uniquement).

(24)  Cedefop, Note d’information. Pas seulement de nouveaux emplois: l’innovation numérique au service des carrières, 2019.

(25)  JO C 440 du 6.12.2018, p. 37 (paragraphe 1.12).

(26)  Eurofound, Female entrepreneurship: Public and private funding, Office des publications de l’Union européenne, Luxembourg, 2019 (en anglais uniquement).

(27)  EIGE, The European Pillar of Social Rights as an Opportunity for Gender Equality in the EU, 2017, p. 8 (en anglais uniquement).

(28)  Eurofound, Women in management: Underrepresented and overstretched?, Office des publications de l’Union européenne, Luxembourg, 2018 (en anglais uniquement).

(29)  Voir note 15 de bas de page.

(30)  JO C 240 du 16.7.2019, p. 1.

(31)  Voir note 30 de bas de page.

(32)  EIGE, Indice d’égalité de genre, 2019 (en anglais uniquement).

(33)  EIGE, Base de données statistiques sur le genre, 2020 (en anglais uniquement).

(34)  https://eige.europa.eu/gender-mainstreaming/good-practices/denmark/kvinfo-expert-database

(35)  http://www.womeninnews.org/ckfinder/userfiles/files/Gender%20Balance%20Guidebook_FINAL_RGB%20(1).pdf


ANNEXE

Les amendements suivants, qui ont recueilli au moins le quart des suffrages exprimés, ont été rejetés au cours des débats (article 59, paragraphe 3, du règlement intérieur):

1.   Paragraphe 1.9

Modifier comme suit:

1.9.

La crise liée à la COVID-19 a davantage mis en avant le fait que l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes reste l’une des formes principales d’inégalité et de discrimination entre les sexes. Le CESE invite la Commission à tenir compte des graves conséquences de la crise de la COVID-19 pour les entreprises, et en particulier les PME, à envisager de reporter la proposition législative contraignante, et enfin à utiliser le temps disponible pour consulter comme il se doit les partenaires sociaux. à donner suite de toute urgence à la proposition d’introduire des mesures contraignantes en matière de transparence salariale, et il Le Comité est disposé à jouer un rôle de premier plan dans la promotion d’une stratégie visant à atteindre la parité des salaires.

Résultat du vote:

Voix pour:

70

Voix contre:

120

Abstentions:

13

2.   Paragraphe 4.4.7

Modifier comme suit:

4.4.7.

Le CESE accueille favorablement prend acte de l’initiative de la Commission relative à des mesures contraignantes en matière de transparence salariale, qui devraient être mises en place dès que possible, et se propose de peut jouer un rôle de premier plan dans la promotion d’une stratégie de parité des salaires. Le CESE invite la Commission à tenir compte des graves conséquences de la crise de la COVID-19 pour les entreprises, et en particulier les PME, à envisager de reporter la proposition législative contraignante, et enfin à utiliser le temps disponible pour consulter comme il se doit les partenaires sociaux. Étant donné que les femmes représentent 70 % de l’ensemble des travailleurs du secteur de la santé et de l’aide sociale dans 104 pays (OMS) et 58,6 % des travailleurs du secteur des services dans le monde (OIT), elles encourent un risque pour leur santé en raison de la pandémie. En raison de la prépondérance d’une situation de ségrégation aux dépends des femmes dans les secteurs mal rémunérés et les emplois précaires, celles-ci sont en première ligne en ce qui concerne le risque de perte d’emploi et de problèmes de santé.

Résultat du vote:

Voix pour:

70

Voix contre:

121

Abstentions:

12

3.   Paragraphe 4.4.8

Modifier comme suit:

4.4.8.

Les emplois et les tâches effectuées dans les secteurs des soins, du nettoyage, du commerce et de la santé apportent une contribution essentielle à la société et à l’économie, comme l’a montré la crise liée à la COVID-19. Cette crise est susceptible d’influencer négativement les conditions de travail associées Les aux emplois dans ces secteurs, qui sont traditionnellement occupés par une majorité de femmes, sont souvent sous-payés, sous-évalués et caractérisés par des conditions de travail précaires. Il est donc essentiel d’accorder à ces professions une plus grande reconnaissance sociale assortie d’une valeur économique correspondante, ce qui contribuerait à réduire les écarts de rémunération et les autres inégalités entre les hommes et les femmes et à renforcer la valeur économique et sociale de ces emplois.

Résultat du vote:

Voix pour:

68

Voix contre:

121

Abstentions:

13


28.10.2020   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 364/87


Avis du Comité économique et social européen sur le «Livre blanc sur l’intelligence artificielle — Une approche européenne axée sur l’excellence et la confiance»

[COM(2020) 65 final]

(2020/C 364/12)

Rapporteure:

Catelijne MULLER

Consultation

Commission, 9.3.2020

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

25.6.2020

Adoption en session plénière

16.7.2020

Session plénière no

553

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

207/0/6

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) félicite la Commission de sa stratégie, exposée dans le Livre blanc sur l’intelligence artificielle, qui vise à encourager le recours aux technologies de l’intelligence artificielle (IA) tout en veillant à ce qu’elles soient conformes aux normes éthiques, aux exigences légales et aux valeurs sociales européennes.

1.2.

Le CESE se félicite également de l’objectif consistant à tirer parti des atouts de l’Europe sur les marchés industriels et professionnels, et souligne qu’il importe de renforcer les investissements, les infrastructures, l’innovation et les compétences afin que les entreprises, et notamment les PME, ainsi que la société dans son ensemble puissent se saisir des possibilités offertes par l’IA. Il convient d’encourager l’innovation dans le domaine de l’IA afin de tirer le meilleur parti des systèmes d’IA, tout en prévenant et en minimisant dans le même temps leurs risques.

1.3.

Toutefois, il estime que la focalisation sur la seule intelligence artificielle axée sur les données est trop restrictive pour que l’Union européenne devienne un véritable chef de file en matière d’IA de pointe, digne de confiance et compétitive. Le CESE demande instamment à la Commission de promouvoir également une nouvelle génération de systèmes d’IA fondés sur la connaissance et le raisonnement, qui défendent les valeurs et principes humains.

1.4.

Le CESE invite la Commission à: i) favoriser la pluridisciplinarité dans la recherche, en y associant d’autres disciplines, telles que le droit, l’éthique, la philosophie, la psychologie, les sciences du travail, les sciences humaines, l’économie, etc.; ii) associer les parties prenantes intéressées (syndicats, organisations professionnelles, d’entreprises ou de consommateurs, ONG) au débat sur l’intelligence artificielle et assurer leur participation en tant que partenaires égaux aux projets de recherche financés par l’Union et à d’autres projets comme le partenariat public-privé sur l’IA, les dialogues sectoriels, le programme consacré à l’adoption de l’IA dans le secteur public et le centre «phare»; iii) continuer à éduquer et à informer le grand public sur les possibilités qu’offre l’IA et les problèmes qu’elle pose.

1.5.

Le CESE demande instamment à la Commission d’examiner de manière plus approfondie l’incidence de l’IA sur l’ensemble des libertés et droits fondamentaux, notamment, mais pas uniquement, le droit à un procès équitable, le droit à des élections équitables et ouvertes, le droit de réunion et de manifestation, ainsi que le droit à la non-discrimination.

1.6.

Le CESE continue de s’opposer à l’introduction de toute forme de personnalité juridique pour l’intelligence artificielle. Les effets correctifs préventifs du droit de la responsabilité civile s’en trouveraient en effet vidés de leur substance et il en résulterait un risque grave d’aléa moral au niveau tant du développement que de l’utilisation de l’IA, où cela créerait des possibilités d’abus.

1.7.

Le CESE demande une approche socio-technique continue et systématique, consistant à examiner la technologie sous tous les angles et à travers différents prismes, plutôt qu’une évaluation préalable ponctuelle (ou même répétée à intervalles réguliers) de la conformité de l’IA à haut risque.

1.8.

Le CESE met en garde contre le fait que les exigences imposées aux secteurs «à haut risque» pourraient exclure de nombreuses applications et utilisations de l’intelligence artificielle qui présentent intrinsèquement un risque élevé, outre la reconnaissance biométrique et l’utilisation de l’IA dans les procédures de recrutement. Il recommande à la Commission de dresser une liste des caractéristiques communes aux applications ou aux utilisations de l’IA considérées comme à haut risque intrinsèque, quel que soit le secteur.

1.9.

Le CESE suggère avec insistance que tout recours à la reconnaissance biométrique ne soit autorisé que i) s’il existe un effet scientifiquement prouvé, ii) dans des environnements contrôlés et iii) dans des conditions strictes. L’utilisation généralisée de la reconnaissance biométrique fondée sur l’intelligence artificielle aux fins de la surveillance ou du suivi, de l’évaluation ou de la catégorisation des êtres humains, de leurs comportements ou de leurs émotions devrait être interdite.

1.10.

Le CESE plaide pour que les partenaires sociaux soient étroitement associés à un stade précoce lors de la mise en place des systèmes d’AI sur les lieux de travail, conformément aux règles et pratiques d’application dans chaque pays, afin de garantir que les systèmes soient utilisables et qu’ils respectent les droits des travailleurs et leurs conditions de travail.

1.11.

Le CESE plaide également pour que les travailleurs qui seront amenés, à terme, à travailler avec les systèmes d’IA, ainsi que ceux disposant d’une expertise juridique, éthique ou en sciences humaines soient étroitement associés à un stade précoce, s’agissant de la mise en place de systèmes d’IA, afin de garantir que ces systèmes s’alignent sur le droit et sur les exigences en matière d’éthique, mais aussi sur les besoins des travailleurs, de sorte que ces derniers conservent leur autonomie par rapport à leur travail et que les systèmes d’IA améliorent leurs compétences et leur satisfaction au travail.

1.12.

Les techniques et approches en matière d’IA utilisées pour lutter contre la pandémie de coronavirus devraient être solides, efficaces, transparentes et explicables. Elles devraient également respecter les droits de l’homme, les principes éthiques et la législation en vigueur, être équitables et inclusives, et reposer sur une base volontaire.

1.13.

Le CESE invite la Commission à jouer un rôle de chef de file afin d’assurer, en Europe, une meilleure coordination des solutions et approches relevant de l’IA appliquée qui sont utilisées pour lutter contre la pandémie de coronavirus.

2.   Livre blanc de l’Union européenne sur l’intelligence artificielle

2.1.

Le CESE note avec satisfaction que la Commission européenne reprend un grand nombre de recommandations formulées dans de précédents avis du Comité et par le groupe d’experts de haut niveau sur l’intelligence artificielle, encourageant le recours aux technologies de l’IA tout en garantissant leur conformité avec les normes éthiques, les exigences légales et les valeurs sociales européennes, sur la base de ce qu’elle appelle un «écosystème d’excellence et de confiance».

2.2.

Le CESE accueille favorablement les propositions visant à permettre aux entreprises, y compris les PME, et à la société dans son ensemble, de tirer parti des possibilités offertes par le développement et l’utilisation de l’IA. Le CESE souligne qu’il importe de renforcer les investissements, les infrastructures, l’innovation et les compétences afin d’améliorer la compétitivité de l’Union européenne au niveau mondial.

Une approche où l’humain reste aux commandes

2.3.

Cependant, le Livre blanc est légèrement teinté de «fatalisme» et donne à penser que l’IA «nous envahit», ne nous laissant pas d’autre choix que de réglementer son utilisation. Le CESE est réellement convaincu de l’engagement de l’Union européenne à veiller à ce que l’Europe n’accepte qu’une IA digne de confiance et devrait dès lors oser prendre une position beaucoup plus ferme à ce sujet. Le CESE demande donc instamment à la Commission de laisser ouverte à tout moment la possibilité de refuser totalement un certain type d’IA (ou son utilisation). C’est, selon le CESE, une approche de l’IA qui permet que «l’humain reste aux commandes», qu’il convient de cultiver.

Tirer parti de l’intelligence artificielle en Europe — une définition tournée vers l’avenir

2.4.

Selon sa définition pratique énoncée dans le Livre blanc, l’intelligence artificielle «associe des technologies qui combinent données, algorithmes et puissance de calcul». Plus loin dans le texte, les données et les algorithmes sont définis comme les principaux éléments dont se compose l’IA. Toutefois, cette définition couvrirait n’importe quel logiciel jamais écrit, et pas uniquement l’IA. Il n’existe encore aucune définition universellement acceptée de l’intelligence artificielle, qui est un terme générique désignant tout un éventail d’applications informatiques.

2.5.

La focalisation du Livre blanc sur la seule intelligence artificielle axée sur les données est trop restrictive pour que l’Union européenne devienne un véritable chef de file en matière d’IA de pointe, digne de confiance et compétitive. Le Livre blanc exclut la prise en compte, et donc la gouvernance et la réglementation, de nombreux systèmes prometteurs d’intelligence artificielle. Le CESE demande instamment à la Commission de promouvoir également une nouvelle génération de systèmes d’IA qui combinent à la fois des approches axées sur les données et des approches fondées sur la connaissance et le raisonnement, à savoir des systèmes dits hybrides. Le Livre blanc reconnaît la nécessité de disposer de systèmes hybrides à des fins d’explicabilité, mais les avantages de ces systèmes vont encore au-delà: ils peuvent accélérer et/ou freiner l’apprentissage, ainsi que valider et vérifier le modèle d’apprentissage automatique.

2.6.

Le Livre blanc se concentre uniquement sur les biais liés aux données, mais tous les biais ne résultent pas de données de mauvaise qualité ou en quantité limitée. La conception de tout outil est en soi une accumulation de choix biaisés à différents niveaux, allant de celui des apports envisagés à celui des objectifs fixés en vue d’une utilisation optimale. Tous ces choix sont, d’une manière ou d’une autre, influencés par les biais propres à la ou aux personnes qui les effectuent.

2.7.

Mais surtout, les systèmes d’intelligence artificielle représentent davantage que la simple somme de leurs composants logiciels. Les systèmes d’IA comprennent également le système socio-technique qui les entoure. Au moment d’envisager la gouvernance et la réglementation de l’intelligence artificielle, il conviendrait donc de mettre aussi l’accent sur les structures sociales environnantes: les organisations et les entreprises, les différentes professions et les personnes et les institutions qui créent, développent, déploient, utilisent et contrôlent l’IA, ainsi que tous ceux qui y sont confrontés, par exemple les citoyens dans leurs relations avec les gouvernements, les entreprises, les consommateurs, les travailleurs et même la société dans son ensemble.

2.8.

Il y a également lieu de noter que les définitions juridiques (aux fins de la gouvernance et de la réglementation) diffèrent des définitions purement scientifiques, étant donné qu’un certain nombre d’exigences différentes doivent être respectées, telles que l’inclusion, la précision, le caractère permanent, l’exhaustivité et la faisabilité. Certaines de ces exigences sont juridiquement contraignantes tandis que d’autres sont considérées comme des bonnes pratiques en matière de réglementation.

Unir toutes les forces

2.9.

Le CESE se félicite des efforts déployés pour lutter contre la fragmentation du domaine de l’IA en Europe en réunissant des chercheurs en intelligence artificielle, en accordant une attention particulière aux PME et en établissant des partenariats avec les secteurs privé et public. En outre, le CESE recommande: i) de favoriser la pluridisciplinarité dans la recherche, en y associant d’autres disciplines, telles que le droit, l’éthique, la philosophie, la psychologie, les sciences du travail, les sciences humaines, l’économie, etc.; ii) d’associer les parties prenantes intéressées (syndicats, organisations d’entreprises, organisations de consommateurs, ONG) au débat sur l’intelligence artificielle, mais aussi d’assurer leur participation en tant que partenaires égaux aux projets de recherche financés par l’Union et à d’autres projets comme le partenariat public-privé sur l’IA, les dialogues sectoriels, le programme consacré à l’adoption de l’IA dans le secteur public et le centre «phare»; iii) de continuer à éduquer et à informer le grand public sur les possibilités qu’offre l’intelligence artificielle et les problèmes qu’elle pose.

L’intelligence artificielle et le droit

2.10.

Le Livre blanc reconnaît que l’intelligence artificielle n’opère pas dans un monde sans loi. Le CESE salue tout particulièrement l’attention portée aux implications de l’IA pour les droits fondamentaux et recommande à la Commission d’examiner plus en détail les incidences de l’intelligence artificielle sur un large éventail de libertés et droits fondamentaux, tels que la liberté de parole et d’expression, ainsi que le droit au respect de la vie privée (qui va bien au-delà de la protection des données des citoyens), le droit à un procès équitable, le droit à des élections équitables et ouvertes, le droit de réunion et de manifestation, et le droit à la non-discrimination.

2.11.

Le CESE accueille favorablement la position claire adoptée dans le Livre blanc sur l’applicabilité à l’intelligence artificielle des régimes de responsabilité existants, ainsi que les efforts consentis pour se fonder sur ces régimes de manière à faire face aux nouveaux risques que l’IA peut créer, à combler les lacunes dans la mise en œuvre lorsqu’il est difficile de déterminer l’opérateur économique effectivement responsable et à rendre ces régimes adaptables à l’évolution des fonctionnalités des systèmes d’IA.

2.12.

La Commission devrait également reconnaître que l’IA ne connaît pas de frontières, et que les efforts en la matière ne peuvent et ne doivent donc pas se limiter à l’Europe. Il convient de parvenir à un consensus général dans le monde entier, en s’appuyant sur les discussions et les recherches menées par les experts juridiques dans le but de mettre en place un cadre juridique international commun.

2.13.

Dans tous les cas, le CESE continue de s’opposer fermement à l’introduction de toute forme de personnalité juridique pour l’intelligence artificielle. Les effets correctifs préventifs du droit de la responsabilité civile s’en trouveraient en effet vidés de leur substance et il en résulterait un risque grave d’aléa moral au niveau tant du développement que de l’utilisation de l’IA, où cela créerait des possibilités d’abus.

Réglementation de l’intelligence artificielle à haut risque

2.14.

Le CESE se félicite de l’approche fondée sur les risques qui vise à contrôler les effets de l’IA. La Commission annonce un cadre réglementaire pour «l’IA à haut risque», laquelle devra répondre à des exigences en matière de robustesse, de précision, de reproductibilité, de transparence, de contrôle humain et de gouvernance des données. Selon le Livre blanc, l’intelligence artificielle à haut risque remplit cumulativement deux critères: i) un secteur présentant des risques élevés et ii) l’utilisation à haut risque d’une application d’IA. Y sont cités deux exemples d’applications ou utilisations de l’IA qui pourraient être considérées comme à haut risque intrinsèque, c’est-à-dire indépendamment du secteur. La reconnaissance biométrique est également qualifiée d’application intrinsèquement à haut risque. La liste exhaustive des secteurs à haut risque (bien que faisant l’objet d’un examen périodique) comprend à ce jour les secteurs suivants comme potentiellement à haut risque: les soins de santé, les transports, l’énergie et certains pans du secteur public.

2.15.

Le deuxième critère, à savoir que l’application d’IA est utilisée de manière risquée, est plus vague, ce qui laisse à penser que différents niveaux de risque pourraient être envisagés. Le CESE propose d’ajouter la société et l’environnement parmi les domaines d’impact.

2.16.

Selon la logique du Livre blanc, une application d’IA à haut risque dans un secteur à faible risque ne sera en principe pas soumise au cadre réglementaire. Le CESE souligne que les effets néfastes indésirables de l’intelligence artificielle à haut risque dans un secteur à faible risque pourraient exclure les applications ou utilisations de l’IA de toute réglementation, offrant ainsi une possibilité de contourner les règles: prenons l’exemple de la publicité ciblée (secteur à faible risque), dont il a été démontré qu’elle pouvait entraîner des effets de ségrégation, de discrimination et de division, par exemple lors d’élections ou au moyen d’une tarification personnalisée (utilisation ou effet à haut risque). Le CESE recommande de dresser une liste des caractéristiques communes aux applications ou aux utilisations de l’IA devant être considérées comme à haut risque «en l’état», quel que soit le secteur dans lequel elles sont utilisées.

2.17.

Si le CESE reconnaît qu’il est nécessaire de procéder à des essais de conformité de l’intelligence artificielle, il craint qu’une évaluation préalable de la conformité à titre ponctuel (ou même à intervalles réguliers) ne suffise pas à garantir que l’IA soit développée, déployée et utilisée d’une manière durable, digne de confiance et axée sur le facteur humain. Une intelligence artificielle digne de confiance nécessite une approche socio-technique continue et systématique, consistant à examiner la technologie sous tous les angles et à travers différents prismes. Pour ce qui est de l’élaboration des politiques, elle requiert une approche pluridisciplinaire dans le cadre de laquelle les responsables politiques, les universitaires issus de différents domaines, les partenaires sociaux, les organisations professionnelles et les professionnels, les entreprises et les ONG coopèrent en permanence. En particulier en ce qui concerne les services d’intérêt général liés à la santé, à la sécurité et au bien-être des personnes qui reposent sur la confiance, il convient de garantir que les systèmes d’IA soient adaptés aux exigences pratiques et ne puissent passer outre la responsabilité humaine.

Reconnaissance biométrique

2.18.

Le CESE accueille favorablement l’invitation de la Commission à ouvrir un débat public sur l’utilisation de la reconnaissance biométrique fondée sur l’intelligence artificielle. La reconnaissance biométrique des micro-expressions, de la démarche, (du ton) de la voix, du rythme cardiaque, de la température, etc. est déjà utilisée pour évaluer ou même prévoir notre comportement, notre état mental et nos émotions, notamment dans les processus de recrutement. Soyons très clair, il n’existe aucune preuve scientifique tangible indiquant qu’il serait possible de «lire» avec précision les émotions intérieures ou l’état mental d’une personne à partir de l’expression de son visage, de sa démarche, de son rythme cardiaque, du ton de sa voix ou de sa température, et encore moins de prédire ainsi son futur comportement.

2.19.

Il convient également de noter que le règlement général sur la protection des données (RGPD) ne limite le traitement des données biométriques que dans une certaine mesure. Le RGPD définit les données biométriques comme des «données à caractère personnel résultant d’un traitement technique spécifique, relatives aux caractéristiques physiques, physiologiques ou comportementales d’une personne physique, qui permettent ou confirment son identification unique». Cependant, de nombreuses technologies de reconnaissance biométrique ne sont pas conçues afin d’identifier une personne de manière unique, mais seulement pour en évaluer le comportement ou les émotions. Ces utilisations pourraient ne pas relever de la définition (du traitement) des données biométriques énoncée dans le RGPD.

2.20.

La reconnaissance biométrique fondée sur l’intelligence artificielle nuit également à notre droit plus général au respect de la vie privée, à l’identité, à l’autonomie et à l’intégrité psychique, en ce qu’elle crée une situation dans laquelle nous sommes (en permanence) surveillés, suivis et identifiés. Il pourrait en résulter un effet psychologique «dissuasif», incitant les personnes à adapter leur comportement à une certaine norme. Cela constitue une atteinte à notre droit fondamental au respect de la vie privée (intégrité morale et psychique). En outre, la reconnaissance biométrique fondée sur l’intelligence artificielle pourrait remettre en cause d’autres libertés et droits fondamentaux, tels que la liberté de réunion et le droit à la non-discrimination.

2.21.

Le CESE recommande que tout recours à la reconnaissance biométrique ne soit autorisé que s’il existe un effet scientifiquement prouvé, dans des environnements contrôlés et dans des conditions strictes. L’utilisation généralisée de la reconnaissance biométrique fondée sur l’intelligence artificielle aux fins de la surveillance, du suivi, de l’évaluation ou de la catégorisation des êtres humains, de leurs comportements ou de leurs émotions ne devrait pas être autorisée.

Incidence de l’intelligence artificielle sur le travail et les compétences

2.22.

Le CESE note qu’une stratégie sur la manière de faire face aux conséquences de l’IA sur le travail fait défaut dans le Livre blanc, alors qu’il s’agissait d’un point précis énoncé dans la stratégie européenne en matière d’intelligence artificielle de 2018.

2.23.

Le CESE plaide pour que soient associés étroitement et à un stade précoce les travailleurs et les fournisseurs de services de tous types, y compris les travailleurs indépendants, les autoentrepreneurs et les travailleurs à la tâche, c’est-à-dire non seulement ceux qui conçoivent ou développent l’intelligence artificielle, mais aussi ceux qui achètent des systèmes d’IA, les mettent en place, les utilisent au travail ou y sont confrontés. Le dialogue social doit intervenir avant l’introduction des technologies d’IA sur le lieu de travail, conformément aux règles et pratiques applicables dans les différents pays. Sur le lieu de travail, l’accès aux données des travailleurs et leur gestion devraient être guidés par des principes et des règlements négociés par les partenaires sociaux.

2.24.

Le CESE souhaite tout particulièrement attirer l’attention sur l’utilisation de l’intelligence artificielle dans les procédures de recrutement, de licenciement et d’évaluation des travailleurs. Le Livre blanc mentionne l’utilisation de l’IA dans le recrutement comme un exemple d’application à haut risque qui serait soumise à la réglementation, indépendamment du secteur. Le CESE recommande d’élargir ce champ d’utilisation à l’usage de l’IA dans les procédures de licenciement et d’évaluation des travailleurs, mais aussi d’explorer les caractéristiques communes aux applications de l’IA qui constitueraient une utilisation à haut risque sur le lieu de travail, quel que soit le secteur. Les applications d’IA sans fondement scientifique, telles que la détection des émotions au moyen de la reconnaissance biométrique, ne devraient pas être autorisées dans les environnements de travail.

2.25.

Afin de permettre à chacun de s’adapter à l’évolution rapide de l’intelligence artificielle, il est indispensable d’entretenir les compétences en matière d’IA ou d’en favoriser l’acquisition. Toutefois, les politiques et moyens financiers devront également être axés sur l’enseignement et le développement de compétences dans des domaines qui ne seront pas menacés par les systèmes d’IA (comme les tâches où l’intervention humaine prime, telles que les services d’intérêt général liés à la santé, à la sécurité et au bien-être des personnes et qui reposent sur la confiance, celles où l’humain et la machine agissent de concert, ou celles que nous ne voulons pas confier à une machine).

3.   L’intelligence artificielle et le coronavirus

3.1.

L’IA peut contribuer à mieux comprendre le coronavirus et la COVID-19, à protéger des personnes contre l’exposition au virus ainsi qu’à rechercher un vaccin et à explorer des possibilités de traitement. Cependant, il importe toujours de faire preuve d’ouverture et de clarté quant à ce que l’IA peut faire et ne pas faire.

3.2.

S’agissant de la robustesse et de l’efficacité, l’utilisation de l’IA axée sur les données en vue de prévoir la propagation du coronavirus peut être problématique, car on dispose de trop peu de données en la matière pour que l’IA donne des résultats fiables. De plus, les rares données disponibles sont incomplètes et biaisées. L’utilisation de ces données dans des approches d’apprentissage automatique pourrait déboucher sur de nombreux faux négatifs et faux positifs.

3.3.

Il est primordial de garantir la transparence des données et des modèles utilisés, ainsi que l’explicabilité des résultats. Précisément en cette période, le monde ne peut se permettre de prendre des décisions fondées sur des «boîtes noires».

3.4.

Dans le recours à l’intelligence artificielle pour lutter contre cette pandémie, le respect des droits de l’homme, des principes éthiques et de la législation en vigueur est plus important que jamais. En particulier lorsque des outils d’IA sont susceptibles de porter atteinte aux droits de l’homme, leur utilisation doit être justifiée par un intérêt légitime et être strictement nécessaire, proportionnée et, surtout, limitée dans le temps.

3.5.

Enfin, il est nécessaire d’assurer l’équité et l’inclusion. Les systèmes d’IA en cours de développement pour lutter contre la pandémie devraient être exempts de tout biais et non discriminatoires. En outre, ils devraient être accessibles à tous et tenir compte des différences sociétales et culturelles des différents pays touchés.

Applications de suivi et de traçage, ainsi que de veille sanitaire

3.6.

D’après les virologues et les épidémiologistes, la réouverture de la société et de l’économie après le confinement passe par un suivi, un traçage, une surveillance et une protection efficaces de la santé des personnes. Actuellement, de nombreuses applications sont mises au point afin de permettre le suivi, le traçage et la réalisation de contrôles sanitaires, activités qui étaient habituellement (et historiquement) effectuées par des professionnels. À l’échelle mondiale, bon nombre de gouvernements se sont fiés dans une large mesure aux applications de suivi et de traçage comme un moyen pour lever les restrictions imposées aux populations.

3.7.

Le déploiement de ces types d’applications représente une mesure particulièrement radicale. Il importe donc d’étudier de manière critique l’utilité, la nécessité et l’efficacité des applications, de même que leur incidence sociétale et juridique, avant de prendre la décision de les utiliser. La possibilité de ne pas recourir à ces applications doit demeurer ouverte, et il convient d’accorder la priorité à des solutions moins invasives.

3.8.

L’efficacité et la fiabilité des applications de suivi et de traçage sont d’une extrême importance, car l’inefficacité et le manque de fiabilité peuvent déboucher sur de nombreux faux positifs et faux négatifs, ainsi que sur un faux sentiment de sécurité et, partant, un risque accru de contamination. Les premières simulations scientifiques soulèvent de sérieux doutes quant à un quelconque effet positif d’une application de suivi sur la propagation du virus, même avec un taux d’utilisation de 80 % ou 90 %. Par ailleurs, une application ne peut pas tenir compte de circonstances particulières, telles que la présence de plexiglas et de fenêtres ou le port d’équipements de protection individuelle.

3.9.

En outre, ces applications conduisent à l’aliénation (partielle) de divers droits et libertés de l’homme, puisqu’elles touchent à la liberté d’association ainsi qu’aux droits à la sécurité, à la non-discrimination et au respect de la vie privée.

3.10.

Quoique très important, le respect de la vie privée est bien loin de se limiter à nos données à caractère personnel et à l’anonymat. Il comprend aussi le droit de ne pas être suivi, tracé ou placé sous surveillance. Il a été prouvé scientifiquement que, lorsque des personnes savent qu’elles sont suivies, elles modifient leur comportement. Selon la Cour européenne des droits de l’homme, cet «effet dissuasif» est une atteinte à notre vie privée. Ce même concept général de respect de la vie privée devrait être inscrit au débat sur l’intelligence artificielle.

3.11.

Le risque existe que les données collectées (aujourd’hui ou à l’avenir) soient utilisées non seulement pour lutter contre la pandémie actuelle, mais aussi pour le profilage, la catégorisation et la notation des personnes à différentes fins. Dans un avenir plus lointain, il est même possible d’imaginer que le «détournement d’usage» pourrait entraîner des types de profilage indésirables en matière de contrôle et de surveillance, d’acceptation d’une assurance ou de prestations sociales, d’embauche ou de licenciement, etc. Les données collectées à l’aide de ces applications ne peuvent donc en aucun cas être utilisées à des fins de profilage, de notation des risques, de classification ou de prédiction.

3.12.

En outre, toute solution d’IA déployée dans le cadre de ces circonstances extraordinaires, même dans la meilleure des intentions, créera un précédent, que cela nous plaise ou non. Les crises précédentes ont montré que, malgré toutes les bonnes intentions, de telles mesures ne disparaîtront jamais dans la pratique.

3.13.

L’utilisation de l’intelligence artificielle durant cette pandémie devrait donc toujours être mesurée et évaluée au regard de plusieurs considérations, à savoir: i) est-ce efficace et fiable? ii) Existe-t-il des solutions moins invasives? iii) Ses avantages l’emportent-ils sur les préoccupations quant à la société, à l’éthique et aux droits fondamentaux? iv) Est-il possible de trouver un compromis responsable entre des libertés et des droits fondamentaux contradictoires? De plus, ces types de systèmes ne sauraient être déployés sous aucune forme d’obligation ou de contrainte.

3.14.

Le CESE invite instamment les responsables politiques à ne pas succomber trop hâtivement au «solutionnisme technologique». Étant donné la gravité de la situation, il recommande que les applications liées à des projets visant à contribuer à enrayer la pandémie se fondent sur des recherches solides en épidémiologie, sociologie, psychologie, droit, éthique et sciences des systèmes. Avant de décider de l’utilisation de ces systèmes, il est essentiel de procéder à des simulations et des analyses d’efficacité, de nécessité et de sensibilité.

Bruxelles, le 16 juillet 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


28.10.2020   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 364/94


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Un nouveau plan d’action pour une économie circulaire — Pour une Europe plus propre et plus compétitive»

[COM(2020) 98 final]

(2020/C 364/13)

Rapporteur:

Antonello PEZZINI

Corapporteur:

Cillian LOHAN

Consultation

Commission, 22.4.2020

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

25.6.2020

Adoption en session plénière

16.7.2020

Session plénière no

553

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

215/2/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) est convaincu que la durabilité est l’un des piliers de la construction de l’Europe du futur, grâce à une transition intelligente et participative étayée par une culture de l’économie circulaire.

1.2.

La transition vers une économie circulaire européenne ne peut faire abstraction du contexte socioéconomique dans lequel elle est contrainte de se dérouler actuellement; toutefois, les défis posés par la crise sanitaire doivent être l’occasion d’opérer une renaissance sur des bases nouvelles offrant les conditions requises pour accélérer la mise en œuvre de la nouvelle approche circulaire.

1.3.

La nouvelle culture qui sous-tend l’économie circulaire devrait être l’occasion de progresser plus rapidement sur la notion de richesse des collectivités territoriales, avec de nouveaux critères, c’est-à-dire d’aller au-delà du PIB (1).

1.4.

Il est impératif de mettre davantage l’accent sur la diffusion d’une «culture circulaire» au moyen de l’éducation, du renforcement des capacités et d’une responsabilisation accrue afin d’encourager les citoyens à adapter et à modifier leurs habitudes et comportements quotidiens.

1.5.

La plateforme des acteurs européens de l’économie circulaire doit être renforcée et pourrait soutenir diverses initiatives politiques qui permettraient de faciliter la transition vers la circularité.

1.6.

Le Comité se félicite des propositions avancées dans le plan d’action pour l’économie circulaire (PAEC) et considère qu’il convient, lors de l’élaboration des plans de relance économique et sociale à la suite de la situation désastreuse créée par la COVID-19, de prendre dûment en compte les mesures permettant de réaliser la transition.

1.7.

Il est essentiel de reconnaître la complémentarité qui existe entre la lutte contre le changement climatique, les politiques en faveur de l’économie circulaire et la responsabilité sociale des entreprises, et de mettre l’accent sur la nature circulaire de l’énergie issue de sources renouvelables, en particulier dans les secteurs du bâtiment et des transports, sans oublier le soutien à l’agriculture et au secteur alimentaire, indispensable à la réduction du gaspillage.

1.8.

Le CESE considère que le pacte pour les compétences et l’emploi proposé dans le cadre du Fonds social européen Plus offre une excellente occasion de mettre en œuvre les programmes envisagés.

1.9.

L’écoconception doit continuer à se développer afin d’accroître la durée de vie des produits et de faciliter la récupération programmée des composants, dans le but de stimuler un marché dynamique des matières premières secondaires soutenu par des mesures juridiquement contraignantes qui prévoient le recours obligatoire à des contenus recyclés et un suivi numérique.

1.10.

Comme elle l’a fait pour les «produits consommateurs d’énergie» et après avoir consulté les secteurs concernés, la Commission devrait adopter des actes délégués définissant les caractéristiques de nouveaux produits susceptibles d’intervenir dans la fabrication d’autres produits.

1.11.

Le processus de normalisation technique des produits durables devrait jouer un rôle clé dans le cadre du système de «qualité et conformité», surtout dans les secteurs à forte intensité de ressources. Dans ce contexte, il convient de tirer parti de l’évaluation de la conformité, et de recourir plus largement aux marchés publics écologiques et à la certification des matières premières et secondaires.

1.11.1.

Les organismes nationaux de normalisation, en coopération avec les organismes européens (2), devraient définir dès que possible des pratiques de référence (3) et des normes harmonisées pour faciliter la transition vers la nouvelle économie de la fonctionnalité.

1.12.

Dans la pratique, la mise en œuvre de l’économie circulaire requerra une forte coopération de la part des parties prenantes; le CESE réclame dès lors des politiques claires et un soutien financier, en particulier en matière de publicité, le but étant de lui faire abandonner sa forte orientation consumériste pour qu’elle privilégie, dans le respect des règles de l’économie de marché, la durabilité des produits et les possibilités de réutilisation.

1.13.

Le CESE considère qu’il est essentiel de mieux informer les consommateurs et de leur fournir des données sur la gestion des produits, la traçabilité et la transparence, en recourant notamment aux spécifications des produits et aux technologies numériques, afin de permettre la circulation d’informations sur la composition et les possibilités de réparation des produits.

1.14.

Le CESE juge opportun d’utiliser les programmes de l’Union afin d’encourager l’expérimentation concrète des processus d’économie circulaire dans différents secteurs et un grand nombre de villes européennes, de pôles agroalimentaires et de zones rurales. Cela permettrait d’acquérir une expérience utile dans les filières de production et de consommation et de la transformer en bonnes pratiques.

1.15.

CESE estime qu’il convient d’accorder une marge de manœuvre importante aux acteurs publics et privés de l’échelon territorial, lesquels peuvent jouer un rôle crucial dans la recherche de nouvelles possibilités, ainsi que de développer des partenariats public-privé et de produire des exemples de «responsabilité sociale territoriale» (4) et de responsabilité sociale des entreprises axés sur les principes de la circularité collaborative.

1.16.

Enfin, le CESE demande que toutes les mesures proposées fassent l’objet d’analyses d’impact appropriées, qui tiennent compte des incidences environnementales, sociales et économiques.

2.   Contexte socioéconomique du passage à une économie circulaire européenne

2.1.

Les entreprises et les consommateurs sont de plus en plus conscients des effets négatifs qu’ont sur le développement durable les modèles économiques linéaires en vigueur, qui se caractérisent par une forte consommation de matériaux et de ressources, le recours à des techniques d’obsolescence programmée et l’incitation à acheter constamment de nouveaux produits.

2.2.

En 2019, plus de 92 milliards de tonnes de matières premières ont été extraites et transformées, ce qui a contribué à la moitié environ des émissions totales de CO2 (5) et a posé des problèmes importants pour l’environnement et la santé humaine.

2.2.1.

L’extraction et la transformation des ressources sont responsables de plus de 90 % de la perte de biodiversité au niveau mondial (6).

2.2.2.

Environ 20 % des émissions de gaz à effet de serre sont imputables à l’extraction et au traitement de métaux et de minéraux non métalliques (7).

2.2.3.

De surcroît, l’Union est contrainte d’importer, au prix fort, la plupart des matières premières dont elle a besoin.

2.3.

L’économie circulaire promeut:

la responsabilité sociale et environnementale des entreprises,

la création d’emplois locaux de qualité,

l’élimination des déchets,

l’utilisation continue et sûre des ressources naturelles,

une approche circulaire du cycle conception-production-distribution-consommation,

la requalification et la réutilisation des déchets en fin de vie.

Elle peut être à l’origine d’une économie de la fonctionnalité susceptible d’apporter des avantages considérables à la société.

2.4.

À l’heure actuelle, seuls 8,6 % des activités mondiales sont circulaires. Toutefois, la transition vers cette approche requiert une coopération étroite entre le secteur public et le secteur privé.

2.5.

Alors que la pandémie de coronavirus a déclenché la récession économique la plus grave depuis la crise de 1929, la transition vers une économie européenne circulaire ne peut faire abstraction des contraintes imposées par le contexte socioéconomique actuel.

2.5.1.

En raison de la COVID-19, les entreprises sont confrontées à des pertes de recettes et à l’interruption des chaînes d’approvisionnement, tandis que les fermetures d’usines et le chômage se généralisent.

2.6.

La triade des menaces actuelles — pandémies incontrôlées, projets politiques et économiques médiocres et «cygne noir» géopolitique (tout événement absolument imprévisible) — risque de faire basculer l’économie mondiale dans une dépression persistante, alors même que toutes les composantes de la société européenne sont conscientes qu’un développement économique durable requiert des mesures qui concernent à la fois les aspects technologiques, l’augmentation de la productivité et une utilisation plus efficace des ressources.

2.7.

Par ailleurs, les défis auxquels est confrontée la planète entière peuvent devenir une formidable occasion d’imprimer un nouvel élan au développement durable sur des bases nouvelles, qui permettront de mettre en place les conditions requises pour accélérer la mise en œuvre de la nouvelle approche circulaire.

2.8.

Le CESE s’est exprimé à plusieurs reprises sur la nécessité d’une croissance durable et inclusive. Il a lancé, en collaboration avec la Commission européenne, la plateforme des acteurs européens de l’économie circulaire (8), et a souligné que «malgré les succès déjà engrangés jusqu’à présent, la mise en place d’une économie circulaire se heurte à des obstacles manifestes».

2.9.

Comme l’a rappelé le groupe de coordination de la plateforme des acteurs européens de l’économie circulaire, la transition vers une économie inclusive, neutre pour le climat et circulaire doit commencer aujourd’hui (9).

2.10.

Le 6 avril 2020, le CESE a adopté une déclaration commune dans laquelle il souligne qu’«en ces temps de grande incertitude, seul un plan européen global de relance économique permettrait […] de faire face […] aux conséquences de la pandémie de COVID-19 et de rebâtir une économie européenne plus durable».

3.   La proposition de la Commission européenne

3.1.

Le nouveau plan d’action pour l’économie circulaire prévoit une série de nouvelles initiatives qui couvrent l’ensemble du cycle de vie des produits afin de permettre aux citoyens et aux entreprises de participer pleinement à l’économie circulaire.

3.2.

Dans le cadre de la stratégie industrielle de l’Union, les mesures suivantes sont proposées afin de:

veiller à ce que les produits durables deviennent la norme dans l’Union au moyen d’un acte législatif sur la stratégie en faveur des produits durables, afin de garantir que les produits mis sur le marché de l’Union soient conçus pour durer plus longtemps,

responsabiliser les consommateurs, en leur donnant accès à des informations fiables et en prévoyant un véritable «droit à la réparation»,

centrer l’attention sur les secteurs qui utilisent davantage de ressources et qui ont un fort potentiel de contribution à l’économie circulaire, tels que:

le matériel électronique et les TIC: «initiative d’économie circulaire pour le matériel électronique»,

les batteries et les véhicules: nouveau cadre réglementaire pour les batteries,

les emballages: nouvelles dispositions contraignantes définissant ce qui est autorisé sur le marché de l’Union,

les matières plastiques: nouvelles dispositions contraignantes concernant la teneur en matières recyclées,

les textiles: nouvelle stratégie de l’Union visant à renforcer la compétitivité et l’innovation dans ce secteur,

la construction et les bâtiments: stratégie globale pour un environnement bâti durable,

les denrées alimentaires: nouvelle initiative législative sur la réutilisation visant à substituer, dans les services de restauration, des produits réutilisables aux emballages et articles de table,

réduire la quantité de déchets: éviter la production de déchets et les transformer en ressources secondaires de qualité,

faire de l’économie circulaire une réalité pour les individus, les régions et les villes,

renforcer le rôle de la normalisation,

prévoir des actions transversales: la circularité en tant que condition préalable à la neutralité climatique,

consentir des efforts au niveau mondial,

assurer le suivi des progrès réalisés.

Le plan d’action comporte quelque 35 mesures qui seront prises au cours d’une période de trois ans allant de la mi-2020 à la mi-2023, dans les domaines de l’électronique, des déchets et des services aux personnes et à l’environnement.

4.   Observations générales

4.1.

Le CESE est convaincu que la durabilité est l’un des piliers du développement de l’Europe du futur et qu’une transition intelligente et participative vers l’économie circulaire permettra aux citoyens, aux consommateurs, aux entreprises et aux travailleurs, grâce à d’importants investissements, de faire face aux défis et de contribuer non seulement au respect de l’environnement, mais aussi à l’idée d’une société ouverte et inclusive, qui préserve les ressources pour les générations futures.

4.1.1.

En particulier, les pratiques agricoles et le système alimentaire peuvent dans une large mesure tirer parti de l’économie circulaire afin de réduire le gaspillage et d’améliorer le bien-être des citoyens.

4.1.2.

Des investissements importants seront nécessaires pour développer les technologies vertes, les nouveaux engrais biologiques et le biométhane.

4.2.

Le Comité se félicite de la série de mesures législatives et politiques proposées dans le plan d’action pour l’économie circulaire et considère qu’il convient, surtout eu égard à la situation désastreuse créée par la COVID-19, de prendre dûment en compte les mesures visant à assurer la transition vers une économie circulaire.

5.   Cohérence au niveau européen

5.1.

Le CESE considère qu’il est essentiel de reconnaître la complémentarité qui existe entre la lutte contre le changement climatique et les politiques en faveur de l’économie circulaire. Il est en outre fondamental que les ressources énergétiques proviennent de sources renouvelables et non pas linéaires comme les combustibles fossiles.

5.1.1.

Utiliser l’énergie de manière circulaire implique par ailleurs d’accorder une attention particulière aux économies d’énergie et à l’efficacité énergétique, qui est on ne peut plus urgente dans le secteur des transports.

5.2.

Il convient d’encourager, à tous les niveaux, le renforcement des capacités nécessaires pour promouvoir l’économie circulaire. Le pacte pour les compétences et l’emploi proposé dans le cadre du Fonds social européen Plus offre une excellente occasion de mettre en œuvre les programmes envisagés.

5.3.

Il importe de ne pas sous-estimer le rôle que jouent les marchés publics dans la transition requise. Les critères environnementaux minimaux, déjà inclus dans les directives relatives aux marchés publics (10), devraient devenir obligatoires et être assortis de spécifications techniques appropriées (11). Il serait utile de prévoir une formation spécifique à l’intention des contractants afin de garantir que toutes les options circulaires soient envisagées pour éviter que des obstacles éventuels n’empêchent les marchés publics circulaires.

5.4.

Le Comité juge indispensable que les nombreuses initiatives qui devraient être mises en œuvre au cours des prochains mois examinent, de manière explicite, comment améliorer la circularité et la durabilité des investissements, surtout dans les pays structurellement et financièrement plus vulnérables.

5.4.1.

Il convient de promouvoir ces initiatives en coopération avec les collectivités locales et les partenaires sociaux, et de mettre plus particulièrement l’accent sur la création d’emplois nouveaux et de meilleure qualité.

5.5.

Le CESE est favorable à la possibilité de stimuler le marché des matières premières secondaires par des dispositions juridiques contraignantes, surtout pour les emballages, les véhicules, les matériaux de construction et les batteries.

5.6.

L’écoconception des produits est essentielle pour mettre en œuvre des processus circulaires. Elle doit continuer à se développer et devenir partie intégrante de toutes les étapes de la production afin de faciliter la récupération des composants dans le but de créer un marché dynamique des matières premières secondaires.

5.6.1.

À la lumière de ce qui précède, la Commission devrait adopter, comme elle l’a fait pour les «produits consommateurs d’énergie» (12), des actes délégués définissant les caractéristiques des divers produits d’usage courant qui, après utilisation, sont susceptibles d’intervenir dans la fabrication d’autres produits.

5.7.

Dans le domaine de l’économie circulaire, la normalisation technique revêt une importance particulière. Compte tenu du caractère transversal et de la complexité de la question, il est indispensable de consentir un solide effort de coordination entre les différentes parties prenantes, les organismes de normalisation et les activités législatives.

5.8.

Le processus de normalisation technique des produits durables, en particulier dans les secteurs à forte intensité de ressources, revêt une importance particulière, surtout dans le cadre de l’attribution de marchés publics écologiques et de la classification des matières premières et des matières secondaires.

5.9.

Le CESE demande que toutes les mesures proposées fassent l’objet d’analyses d’impact appropriées, qui examinent leurs incidences environnementales, sociales et économiques.

5.10.

Le débat actuel sur la valeur des principes de l’économie circulaire et la nécessité de continuer à les appliquer peut être l’occasion d’aborder résolument l’opportunité, maintes fois discutée, d’aller au-delà du PIB traditionnel, c’est-à-dire d’ajouter de nouveaux éléments à ceux liés à la performance économique utilisés aujourd’hui dans les trois systèmes de calcul du PIB (13), notamment la création de systèmes de solidarité pour une société inclusive, la vie dans les limites de notre planète, et la répartition équitable des biens.

6.   Éducation et culture

6.1.

Le CESE estime qu’il est impératif de mettre davantage l’accent sur la diffusion d’une «culture circulaire» au moyen de l’éducation ainsi que du renforcement des capacités, de la responsabilité et du dialogue avec la société civile, afin d’encourager les citoyens à adapter et à modifier leurs habitudes et comportements quotidiens. Il est également essentiel de mettre en place une coopération intersectorielle forte.

6.1.1.

La responsabilité sociale des entreprises, en tant qu’élément concret d’une économie de la fonctionnalité, se marie parfaitement à la culture de l’économie circulaire, dans la mesure où elle permet une synergie extraordinaire entre les intérêts des entrepreneurs et ceux des travailleurs, tendant de concert vers un développement durable, axé sur la réduction du gaspillage et du superflu.

6.2.

Il serait utile de présenter des propositions visant à prendre en compte les principes de l’économie circulaire dans les programmes scolaires et les programmes de l’enseignement supérieur, ainsi que le financement de l’enseignement technique à haute capacité et le soutien des capacités créatives.

6.3.

Le programme Erasmus+ aurait été très utile pour promouvoir l’échange de connaissances sur l’économie circulaire entre les différents pays européens.

6.4.

L’étude commandée par le CESE (14) et l’avis NAT/764 y relatif sur le développement de synergies entre les différentes feuilles de route pour l’économie circulaire, ainsi que le réseau actif au sein de la plateforme des acteurs européens de l’économie circulaire, forment une base solide aux fins du partage d’informations et de la création de connaissances entre les parties prenantes.

6.5.

Les opérateurs économiques et la société civile pourraient expérimenter concrètement les processus de l’économie circulaire dans divers secteurs et un grand nombre de communes européennes pertinentes, en recourant à des fonds appropriés tels que le Fonds pour les missions du programme Horizon Europe.

6.6.

L’écoconception des produits est néanmoins un élément essentiel s’agissant de la mise en œuvre des processus circulaires.

7.   Les consommateurs en tant qu’acteurs clés de la mise en œuvre

7.1.

Dans la pratique, la mise en œuvre de l’économie circulaire requerra un solide réseau de parties prenantes informées, engagées et en relation les unes avec les autres. Il conviendrait de recenser les politiques clés et les aides structurelles destinées aux différents groupes concernés, de les réexaminer régulièrement et de les diffuser de manière efficace.

7.2.

Il convient également d’examiner le rôle joué par la publicité, afin qu’elle abandonne sa forte orientation consumériste et privilégie, dans le respect des règles de l’économie de marché et en évitant de devenir trompeuse ou mensongère, les aspects de la durabilité des produits et les possibilités de les réutiliser.

7.2.1.

Il importe que la publicité prenne davantage en compte les principes du réalisme, de la tendance et de la typicité, lorsque des exemples concrets, la pression sur le développement durable et les caractéristiques positives de la durabilité des produits semblent avoir de la valeur pour le consommateur et la société.

7.3.

Le droit à la réparation à des prix justes et proportionnés doit être reconnu et intégré dans les garanties du produit, notamment grâce à des mesures fiscales et des réseaux de réparation de proximité, d’un accès aisé (15). À cet égard, la lutte contre l’obsolescence programmée devrait faire partie intégrante des nouvelles caractéristiques technico-normatives du produit respectueux de l’environnement, facilement réparable et récupérable.

7.4.

Le CESE reconnaît le succès rencontré par le partenariat qu’il a noué avec la Commission européenne pour le développement de la plateforme interinstitutionnelle innovante qu’est la plateforme des acteurs européens de l’économie circulaire, et espère que le mandat de cette plateforme sera étendu à l’avenir.

7.4.1.

Le CESE estime qu’il y a lieu d’envisager une répartition différente de la fiscalité, en diminuant celle qui pèse sur le travail pour augmenter celle concernant les ressources et, en particulier, sur les produits moins durables et sur ceux dont l’obsolescence est manifeste.

7.4.2.

Le principe d’une imposition plus stricte devrait être appliqué aux produits importés dans l’Union et qui s’avèrent peu respectueux des critères de l’économie circulaire.

7.5.

Le rôle joué par les entreprises sociales dans l’économie circulaire devrait être explicitement reconnu et soutenu, afin de permettre aux secteurs qui ont une expérience dans la réutilisation, la réparation et la régénération de bénéficier d’une valeur sociale accrue en raison de leur engagement dans le développement des compétences des personnes les plus vulnérables de la société.

7.6.

Le CESE met l’accent sur la nécessité de mieux informer les consommateurs européens à propos de la gestion des produits, y compris aux avantages que revêtent la conception et la fabrication circulaires, ainsi qu’à la traçabilité et à la transparence, en recourant notamment aux passeports pour les produits et aux technologies numériques, telles que la chaîne de blocs, afin de permettre la circulation des informations sur la composition, les possibilités de réparation et la fin de vie des produits.

7.7.

Des informations fiables, comparables et vérifiables sont également indispensables pour permettre aux acheteurs de prendre des décisions plus durables et réduire le risque de marketing environnemental trompeur («écoblanchiment»).

7.8.

Les collectivités locales sont des acteurs clés de la gestion de l’eau, des déchets et des plateformes secondaires de matières premières. Elles peuvent lancer des expérimentations en partenariat, qui sont essentielles pour développer l’innovation circulaire.

7.9.

Le CESE soutient le développement des principes de la «responsabilité sociale territoriale», qu’il a déjà mis en lumière dans de précédents avis, qui garantissent la responsabilité publique et privée concernant la durabilité circulaire des territoires.

Bruxelles, le 16 juillet 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  JO C 100 du 30.4.2009, p. 53.

(2)  CEN, CENELEC et ETSI.

(3)  Cf. Institut de normalisation italien (UNI) et processus de prénormalisation, règlement (UE) no 1025/2012.

(4)  JO C 175 du 28.7.2009, p. 63.

(5)  Voir «Circular Economy and Material Value Chains (Économie circulaire et chaînes de valeur matérielles)», Forum économique mondial, 2020.

(6)  Voir le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), Des ressources naturelles pour l’avenir que nous voulons, 2019.

(7)  Voir Energy Transitions Commission, Mission Possible: Reaching Net-Zero Carbon Emissions by Mid-Century (Commission des transitions énergétiques, Mission possible: atteindre la neutralité carbone d’ici le milieu du siècle), 2018.

(8)  CESE-2017-02666-05-00-DECBUR — Mandat du groupe de coordination.

(9)  Déclaration commune sur le nouveau plan d’action en faveur de l’économie circulaire (CEAP) des membres du groupe de coordination de la plateforme des acteurs européens de l’économie circulaire — mars 2020.

(10)  Directives 2014/23/UE (JO L 94 du 28.3.2014, p. 1), 2014/24/UE (JO L 94 du 28.3.2014, p. 65), 2014/25/UE (JO L 94 du 28.3.2014, p. 243).

(11)  Cf. UNI/PdR: Lignes directrices 2019 pour la vérification de la teneur en matières recyclées et/ou récupérées et/ou en sous-produits des produits soumis à des critères environnementaux minimaux.

(12)  Directive 2005/32/CE (JO L 191 du 22.7.2005, p. 29), telle que modifiée par la directive 2009/125/CE (JO L 285 du 31.10.2009, p. 10).

(13)  Système européen des comptes (SEC) 2010.

(14)  https://www.eesc.europa.eu/fr/our-work/publications-other-work/publications/circular-economy-strategies-and-roadmaps-europe-executive-summary

(15)  Directive 1999/85/CE du Conseil du 22 octobre 1999 concernant la possibilité d’appliquer à titre expérimental un taux de TVA réduit sur les services à forte intensité de main-d’œuvre (JO L 277 du 28.10.1999, p. 34): petits services de réparation de bicyclettes, de chaussures et d’articles en cuir, de vêtements et de linge de maison, rénovation et réparation de logements privés, services de soins à domicile.


28.10.2020   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 364/101


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Façonner l’avenir numérique de l’Europe»

[COM(2020) 67 final]

(2020/C 364/14)

Rapporteur:

Ulrich SAMM

Corapporteur:

Jakob Krištof POČIVAVŠEK

Consultation

Commission, 9.3.2020

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

25.6.2020

Adoption en session plénière

16.7.2020

Session plénière no

553

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

216/1/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) a déjà eu l’occasion de saluer les initiatives de la Commission visant à faciliter le développement d’une économie et d’une société numériques et se réjouit que cette dynamique soit aujourd’hui renforcée par un ensemble de nouvelles initiatives dans un grand nombre de domaines.

1.2.

Le CESE appelle de ses vœux une approche européenne qui permette de passer au numérique en saisissant les possibilités qu’il offre à l’économie tout en protégeant nos données afin de garantir le respect de notre vie privée et notre autodétermination. Le Comité se félicite vivement que toutes les initiatives de la Commission adoptent une approche axée sur l’être humain.

1.3.

Le CESE considère que l’Europe est sur la bonne voie mais que la route est encore longue. Le passage au numérique s’effectue rapidement, et la législation européenne doit suivre le rythme. Il est dès lors nécessaire de disposer d’un cadre réglementaire solide et ambitieux, y compris de règles éthiques juridiquement contraignantes et de règles claires en matière de responsabilité. Le CESE est convaincu que cette évolution dynamique requiert également la définition de processus flexibles et adaptables qui nécessitent un dialogue constant entre les parties concernées. Il devrait plus particulièrement être obligatoire de permettre aux travailleurs de s’exprimer. En sa qualité de représentant des organisations de la société civile, le CESE est prêt à jouer un rôle à cet égard.

1.4.

Il importe d’investir dans les bonnes technologies de l’avenir, afin de promouvoir la formation des citoyens, de générer un climat de confiance parmi eux et de les encourager à participer activement à cette transformation. La transition numérique doit être juste, durable et socialement acceptable.

1.5.

Le CESE partage l’avis de la Commission selon lequel nous devons construire un véritable marché unique européen des données — un espace européen des données fondé sur des règles et des valeurs européennes. Le CESE se félicite de l’initiative en faveur d’une nouvelle stratégie industrielle de l’Union qui exposera les mesures à prendre pour faciliter la transition vers une industrie européenne plus numérique, propre, circulaire, compétitive au niveau mondial et s’appuyant sur des entreprises durables, et qui comportera un volet consacré aux PME.

1.6.

Le CESE souligne que la souveraineté technologique de l’Europe ne doit pas être définie par opposition au reste du monde ni annuler les effets bénéfiques de la coopération mondiale. Elle doit toutefois aussi prendre dûment en compte les besoins des citoyens européens et le modèle social européen, étant entendu que le socle européen des droits sociaux doit servir de référence à cet égard.

1.7.

L’éducation et la formation qui permettent d’acquérir des aptitudes numériques sont essentielles si l’on veut être prêts pour la vie numérique. Le CESE se félicite que la Commission mette l’accent sur les compétences et les aptitudes numériques, mais l’invite toutefois également à établir une distinction plus claire entre compétences techniques et compétences sociales, bien qu’elles revêtent toutes deux une importance vitale. Il convient de consentir des efforts supplémentaires et de fournir les moyens nécessaires pour former au numérique les groupes socialement vulnérables.

1.8.

La confiance des citoyens est indispensable si l’on veut que l’avenir numérique de l’Europe repose sur une approche axée sur l’être humain. Le CESE note que la Commission a l’intention d’établir une distinction claire entre les applications à haut risque, qui devraient faire l’objet d’une réglementation stricte, et les applications à faible risque, pour lesquelles l’autorégulation et les mécanismes du marché sont suffisants. Si le CESE se félicite de cette approche générale, il souligne toutefois aussi qu’une analyse détaillée et approfondie des différentes applications s’impose.

1.9.

Le CESE salue en outre cette approche eu égard aux défis que posent les plateformes en ligne pour les travailleurs. L’un de ses aspects importants est la définition d’un cadre juridique renforcé qui permettrait d’éviter des conditions de travail précaires et de garantir les droits des travailleurs en ligne, y compris les négociations collectives.

1.10.

Le CESE estime que le développement de services publics numériques dans la perspective de l’avenir numérique n’a pas été pris en compte, alors même que les services d’administration transfrontalière en ligne pourraient renforcer le marché unique (numérique) et améliorer la réglementation et la coordination publiques.

1.11.

La récente pandémie de COVID-19, qui est toujours en cours, a placé la société face à la réalité concernant l’utilisation des technologies numériques, ce qui a suscité des difficultés nombreuses et nouvelles. La nécessité de communiquer, d’étudier et de travailler à distance a montré que de nombreuses personnes ne sont pas bien préparées pour utiliser efficacement les dernières technologies numériques et que l’infrastructure numérique n’est pas non plus en mesure de garantir un accès égal et une participation inclusive grâce à ces technologies.

1.12.

La nécessaire modification des habitudes liée aux mesures prises par les gouvernements nationaux pour lutter contre la propagation de la COVID-19 pourrait avoir des conséquences durables sur les pratiques des consommateurs et les relations de travail à long terme. Il convient de prendre en compte les effets positifs et négatifs de ce changement lors de l’élaboration de nouvelles politiques en la matière. La transformation numérique devrait faire l’objet d’un suivi dans le cadre d’une initiative de recherche globale axée sur le travail, financée par des fonds européen, sur le thème de la «numérisation au service du travail décent». Le CESE est convaincu que seule une conception efficace et adaptée aux salariés des systèmes de l’industrie 4.0 assurera la réussite de la numérisation à long terme (1).

2.   Introduction et contenu de la communication

2.1.

Cette communication de la nouvelle Commission est un document-cadre qui décrit une série d’initiatives visant à contribuer à façonner l’avenir numérique de l’Europe. Étant donné que l’Union européenne doit conduire une transition juste vers une planète saine et un nouveau monde numérique, il est nécessaire qu’elle s’attaque à la fois aux défis liés à la transformation verte et à ceux liés à la transformation numérique, de manière à ce que les technologies numériques viennent en appui au pacte vert pour l’Europe dans le respect des objectifs de développement durable.

2.2.

Afin d’atteindre cet objectif, la Commission a annoncé un ensemble d’initiatives. Les différentes initiatives présentées et annoncées pour cette année et les années à venir s’articulent autour de trois grands axes:

La technologie au service des personnes:

Livre blanc sur l’intelligence artificielle (COM(2020) 65 final/voir INT/894)

Stratégie en matière de technologies quantiques, de chaînes de blocs et de calcul à haute performance

Plan d’action sur la 5G et la 6G (présenté sous la référence COM(2020) 50 final/voir TEN/704)

Plan d’action en matière d’éducation numérique et stratégie renforcée en matière de compétence numériques

Initiatives visant à améliorer les conditions de travail des travailleurs des plateformes

Normes en vue d’un flux et de services de données sécurisés et sans frontières dans le secteur public

Une économie juste et compétitive:

Stratégie européenne pour les données (présentée sous la référence COM(2020) 66 final/voir TEN/708)

Examen de l’adéquation des règles de concurrence de l’Union

Paquet «stratégie industrielle»

Communication sur la fiscalité des entreprises pour le XXIe siècle

Nouvel agenda du consommateur

Une société ouverte, démocratique et durable:

Des règles nouvelles et modifiées pour approfondir le marché intérieur des services numériques

Révision du règlement eIDAS

Plan d’action pour les médias et l’audiovisuel

Plan d’action pour la démocratie européenne

Stratégie de cybersécurité de l’Union européenne

Initiative visant à mettre au point un modèle numérique de haute précision de la Terre

Initiative d’économie circulaire pour le matériel électronique

Promotion des dossiers médicaux électroniques

2.3.

Afin de faire valoir les intérêts de l’Europe en tant qu’acteur mondial, la Commission a en outre annoncé une stratégie de coopération numérique mondiale et une stratégie de normalisation.

3.   L’approche européenne: placer les citoyens au cœur de la transformation numérique

3.1.

La transformation numérique ouvre une multitude de perspectives nouvelles en matière de prise de décision qui, d’une façon inédite, offrent à chacun la possibilité d’une vie meilleure. Toutefois, plus nous baignons dans le numérique et sommes interconnectés, plus nous sommes vulnérables à la cyberactivité malveillante, aux manipulations et aux technologies qui compromettent notre autonomie.

3.2.

Le CESE appelle dès lors de ses vœux une approche européenne, fondée sur les valeurs européennes, qui permette de passer au numérique en saisissant les possibilités qu’il offre à l’économie tout en protégeant nos données afin de garantir le respect de notre vie privée et notre autodétermination. Le CESE se félicite vivement que toutes les initiatives de la Commission adoptent une approche axée sur l’être humain.

3.3.

Le CESE salue également cette approche s’agissant des défis que posent les plateformes en ligne pour les travailleurs. L’un de ses aspects importants est la définition d’un cadre renforcé qui permettrait d’éviter des conditions de travail précaires et de garantir les droits des travailleurs en ligne, y compris les négociations collectives. Le CESE souligne que le travail sur les plateformes concerne tant des travailleurs indépendants que des travailleurs salariés. Les indépendants ont des relations entre entreprises (B2B) ou des relations d’entreprise à consommateur (B2C). Les codes de conduite et conditions commerciales élaborés au niveau européen qui s’appliquent aux relations B2B devraient assurer une concurrence loyale entre entreprises de toutes tailles et éviter le faux travail indépendant.

3.4.

Le CESE souligne en outre l’importance des solutions numériques dans la mise en œuvre du pacte vert, notamment en ce qui concerne l’économie circulaire. La consommation d’énergie, les matières premières pour les TIC et la recyclabilité des équipements TIC sont toutefois autant d’autres défis qu’il convient de relever.

3.5.

L’Europe est sur la bonne voie, mais la route est encore longue. Si le RGPD et les lignes directrices en matière d’éthique dans le domaine de l’IA, par exemple, constituent des jalons importants, le passage au numérique s’effectue toutefois rapidement, et la législation européenne doit suivre le rythme. Le CESE préconise un cadre réglementaire solide et ambitieux, y compris des règles éthiques juridiquement contraignantes et des règles claires en matière de responsabilité. Le CESE est convaincu que cette évolution dynamique requiert également la définition de processus flexibles et adaptables et, partant, un dialogue constant entre les parties concernées. En sa qualité de représentant des organisations de la société civile, le CESE est prêt à jouer un rôle à cet égard.

3.6.

Le CESE considère que l’accent n’a pas été clairement mis sur la nécessité de disposer de structures démocratiques durables visant à renforcer les capacités et instiller de la confiance dans les relations de travail. Le CESE est convaincu que les changements fondamentaux apportés au sein des entreprises par la numérisation ne porteront leurs fruits que s’il existe une relation de confiance entre la direction de l’entreprise et les représentants des travailleurs. Toutefois, la montée des mouvements populistes observée en ce début de siècle remet en question les mécanismes traditionnels qui visaient à instaurer la confiance grâce à l’action en faveur des droits sociaux. Il convient dès lors de prendre les mesures qui s’imposent pour soutenir le dialogue social au niveau de l’Union. Cet aspect concerne la réglementation sociale au sein de l’entreprise, les performances économiques et le renforcement du changement démocratique en général.

4.   Une économie juste et compétitive

4.1.

Les données sont devenues un facteur clé de notre économie. Le CESE partage l’avis de la Commission selon lequel nous devons construire un véritable marché unique européen des données — un espace européen des données fondé sur des règles et des valeurs européennes. Le CESE se félicite de l’initiative en faveur d’une nouvelle stratégie industrielle de l’Union qui exposera les mesures à prendre pour faciliter la transition vers une industrie européenne plus numérique, propre, circulaire et compétitive au niveau mondial, y compris une stratégie pour les PME.

4.2.

Le CESE estime également que si l’on veut garantir des conditions équitables, les règles qui s’appliquent hors ligne — des règles de concurrence aux règles du marché unique, en passant par la protection des consommateurs, la propriété intellectuelle, la fiscalité et les droits des travailleurs — devraient également s’appliquer en ligne.

4.3.

Le CESE est convaincu qu’une augmentation substantielle des investissements (dans les États membres de l’Union) et un solide programme européen en matière de recherche et d’innovation seront nécessaires pour maintenir un niveau de classe mondiale dans le domaine du calcul à haute performance et qu’une démarche industrielle visant à mettre au point la prochaine génération de puces électroniques à faible consommation en Europe réduira la dépendance de celle-ci à l’égard des importations.

4.4.

Le CESE est fermement convaincu que l’innovation et les investissements, en particulier publics, peuvent également contribuer à réduire les disparités régionales en matière de développement si les régions périphériques ont elles aussi accès aux infrastructures numériques et, partant, au marché numérique. Il s’agit d’une condition sine qua non pour que le passage au numérique ne laisse personne de côté.

4.5.

Le CESE souligne que la souveraineté technologique de l’Europe ne doit pas être définie par opposition au reste du monde ni annuler les effets bénéfiques de la coopération mondiale. Elle doit toutefois aussi prendre dûment en compte les besoins des citoyens européens et le modèle social européen, étant entendu que les mesures adoptées par la Commission européenne pour renforcer le socle européen des droits sociaux doivent servir de référence. L’application des valeurs européennes (telles que la protection des données et de la vie privée, la protection sociale et la durabilité) pourrait devenir un avantage concurrentiel si les citoyens et les entreprises étaient davantage conscients des méthodes de collecte de données utilisées par certains pays tiers (États-Unis) ainsi que des potentialités que recèlent les systèmes numériques en matière de surveillance (Chine).

4.6.

La Commission affirme à juste titre que nous devons veiller à ce que le rôle systémique de certaines plateformes en ligne et le pouvoir de marché qu’elles acquièrent ne compromettent pas l’équité et l’ouverture de notre marché. À cette fin, et pour stimuler le développement des plateformes en ligne dans l’Union, les règles adoptées au niveau européen devraient garantir des conditions de concurrence équitables et l’accès aux principaux moteurs de l’innovation numérique (2) (en particulier les données) ainsi qu’à l’écosystème des produits utilisés par les consommateurs.

4.7.

Selon la Commission, garantir l’équité dans l’économie numérique constitue un défi majeur. Il est toutefois de la plus haute importance d’y parvenir. À cette fin, le CESE se félicite que la Commission envisage de définir des règles supplémentaires lorsque c’est nécessaire pour garantir la contestabilité, l’équité, l’innovation, la possibilité d’entrer sur le marché ainsi que les intérêts publics qui vont au-delà de la concurrence ou de considérations économiques. Le CESE relève que la fiscalité dans l’économie numérique aura un impact important à cet égard. Les solutions européennes et internationales en matière de taxation de l’économie numérique joueront un rôle important; l’Union devrait dès lors s’efforcer d’instaurer une taxation équitable de ce secteur et éviter toute fragmentation et toute mesure unilatérale.

4.8.

Le CESE se félicite de l’initiative de la Commission, qui vise à améliorer les conditions de travail des collaborateurs de plateforme, notamment en mettant l’accent sur les compétences et l’éducation; toutefois, le statut professionnel, la représentation et les mesures visant à améliorer la protection sociale des collaborateurs de plateforme ainsi que le règlement des différends et l’application des droits sont autant d’enjeux qui devront aussi être examinés. Cet aspect est particulièrement important pour les travailleurs frontaliers. À la demande de la future présidence allemande du Conseil, le CESE élaborera un avis exploratoire sur le travail décent dans l’économie des plateformes.

4.9.

Le CESE estime que la communication de la Commission ne couvre pas la question du développement des services publics numériques dans la perspective de l’avenir numérique, alors que les services d’administration transfrontalière en ligne pourraient plus particulièrement renforcer le marché unique (numérique) et améliorer la réglementation et la coordination publiques.

5.   L’éducation dans la perspective d’une vie numérique

5.1.

Une éducation et une formation qui permettent d’acquérir des aptitudes numériques sont essentielles si l’on veut être prêts pour la vie numérique. Le CESE se félicite que la Commission mette l’accent sur les compétences et les aptitudes numériques, mais l’invite toutefois également à établir une distinction plus claire entre compétences techniques et compétences sociales, bien qu’elles revêtent toutes deux une importance vitale. Si l’on veut créer une «aptitude à l’emploi» plutôt que simplement ajuster «l’employabilité», il importe de prendre des mesures permettant de continuer à soutenir l’apprentissage tout au long de la vie.

5.2.

À l’avenir, la plupart des professionnels devront disposer de compétences techniques (programmation à différents niveaux). Il s’agit d’un défi pour les systèmes d’éducation et de formation professionnelle des États membres. Les professionnels doivent être formés à de nouveaux outils et être conscients des caractéristiques, limites et risques de ceux-ci, car ils sont responsables en dernier ressort. Il n’en reste pas moins que le plus grand nombre possible de citoyens devra acquérir au moins des compétences techniques de base afin de comprendre, d’utiliser et d’interagir avec des technologies et des outils numériques d’une manière productive, inclusive et sûre. Des compétences techniques de base sont nécessaires pour soutenir les personnes de tous âges, mais plus particulièrement les aînés, afin qu’ils puissent comprendre et utiliser les technologies et outils numériques en toute sécurité.

5.3.

Les compétences sociales ne requièrent pas de connaissances techniques particulières, mais elles devraient être enseignées dès le plus jeune âge. Ces compétences permettent aux enfants, aux consommateurs et aux citoyens de comprendre le contexte des systèmes numériques et d’en tirer le meilleur parti. Elles aident à détecter les risques potentiels de manipulation ou d’infraction et à évaluer le flot d’informations reçues. Le CESE rappelle que l’enseignement général reste la meilleure préparation aux évolutions futures.

5.4.

L’utilisation de l’intelligence artificielle requiert des compétences, des connaissances et une sensibilisation spécifiques. À cette fin, le CESE souhaite tirer parti de l’expérience de la Finlande, qui propose de former le plus grand nombre de personnes possible à l’intelligence artificielle au moyen d’un cours en ligne.

5.5.

Comme le CESE a déjà eu l’occasion de le souligner dans un précédent avis, à l’ère du numérique, qui évolue rapidement, il ne suffit pas de se limiter à aider les individus à acquérir l’éventail minimal de compétences et il est essentiel de veiller à ce que la garantie de compétences devienne un parcours garanti leur permettant de poursuivre leur épanouissement jusqu’au plus haut niveau possible de qualification et les encourageant à le faire (3).

5.6.

Le CESE rappelle le rôle que jouent les partenaires sociaux dans la réalisation d’une transition juste et équitable. Il est essentiel que la stratégie anticipe les besoins en matière de compétences et soutienne ainsi une reconversion et un perfectionnement professionnels appropriés et en temps utile. Le rôle des partenaires sociaux et leur participation sont de la plus haute importance à cet égard, comme c’est le cas lors des discussions relatives à l’introduction de nouvelles technologies.

6.   Confiance et responsabilité: confiance dans la vie numérique

6.1.

La confiance des citoyens est indispensable pour garantir l’avenir numérique de l’Europe fondé sur une approche axée sur l’être humain. Le CESE plaide pour que des garanties appropriées soient définies en matière de protection de la vie privée, de sécurité et de gouvernance des données ainsi que de transparence des algorithmes d’intelligence artificielle, lesquelles contribueraient à gagner cette confiance.

6.2.

Le CESE note que la Commission a l’intention d’établir une distinction claire entre les applications à haut risque, qui devraient faire l’objet d’une réglementation stricte, et les applications à faible risque, pour lesquelles l’autorégulation et les mécanismes de marché sont suffisants. Si le CESE se félicite de cette approche générale, il souligne toutefois aussi qu’une analyse détaillée et approfondie des différentes applications s’impose tant pour les applications actuelles que pour les applications futures et qu’en cas de doute, les applications concernées devraient être considérées comme présentant un risque élevé. Le CESE soutient en particulier la décision de classer parmi les applications à haut risque celles qui ont une incidence sur les droits des travailleurs et des demandeurs d’emploi, et propose de verrouiller cette décision afin de renforcer les droits numériques des travailleurs.

6.3.

Le CESE a déjà demandé que des procédures de test standards soient développées afin d’évaluer la fonctionnalité et les limites des systèmes numériques (par exemple, les partis pris, les préjugés, les discriminations, la résilience, la robustesse, la sécurité, etc.). En fonction du niveau de risque, ces tests peuvent être réalisés soit par les développeurs et les entreprises elles-mêmes, soit au moyen de procédures émanant d’organes indépendants. Le CESE se félicite de l’idée de la Commission consistant à prévoir un système d’étiquetage facultatif, à l’instar de ce qu’il avait préconisé avec le certificat européen pour une intelligence artificielle de confiance.

6.4.

Le CESE se félicite que la Commission projette de lancer un vaste débat sur les exceptions en vertu desquelles la reconnaissance faciale peut être autorisée à des fins d’identification biométrique à distance. Les règlements devraient également interdire toute surveillance disproportionnée sur le lieu de travail et toute discrimination fondée sur des algorithmes biaisés.

6.5.

Le CESE souligne que la confiance à elle seule ne suffit pas: un esprit critique reposant sur une formation générale reste essentiel. Cet aspect est particulièrement important dans le contexte de la lutte contre la désinformation, laquelle constitue une menace pour notre démocratie.

6.6.

Le CESE souligne que la confiance passe également par le respect du droit des travailleurs d’être informés et consultés. Les droits d’information et de consultation en cas de changement intervenant sur le lieu de travail, tels qu’ils sont garantis par les traités de l’Union, font des «travailleurs» des «citoyens au travail».

6.7.

Le CESE souligne que la législation de l’Union est fondamentale pour protéger les consommateurs et les travailleurs qui ne disposent pas de compétences numériques professionnelles.

7.   Conséquences de la crise liée à la COVID-19 sur le passage au numérique

7.1.

La récente pandémie de COVID-19, qui est toujours en cours, a placé la société face à la réalité concernant l’utilisation des technologies numériques, ce qui a suscité des difficultés nombreuses et nouvelles. La nécessité de communiquer, d’étudier et de travailler à distance a montré que de nombreuses personnes ne sont pas bien préparées pour utiliser efficacement les dernières technologies numériques et que l’infrastructure numérique n’est pas non plus en mesure de garantir un accès égal ou une participation inclusive grâce à ces technologies. Les réseaux numériques n’ont pas été renforcés pour faire face à l’augmentation de la charge, et des investissements suffisants devront être réalisés pour permettre une communication efficace et à haut débit non seulement à des fins commerciales, mais aussi à titre privé, y compris dans les régions périphériques.

7.2.

À cet égard, il conviendra d’accorder une attention particulière aux groupes vulnérables. Les aînés en particulier, qui ne disposent pas des compétences ou de l’expérience suffisantes, voire d’un équipement adapté pour utiliser les plateformes internet, se sont retrouvés sans moyens de communication adéquats. Cette situation a compliqué les contacts sociaux avec les membres de la famille et d’autres personnes et a rendu les services sociaux et autres services publics inaccessibles ou, à tout le moins, plus difficilement accessibles pour ces personnes. Il convient de consentir des efforts supplémentaires et de fournir les moyens nécessaires pour former au numérique les membres des groupes socialement vulnérables.

7.3.

Par ailleurs, les mesures de quarantaine et la fermeture temporaire des frontières entre États membres ont mis en évidence qu’en l’état actuel, le marché unique numérique présente un certain nombre d’autres conséquences et lacunes en ce qui concerne les travailleurs frontaliers et le télétravail. La crise liée à la COVID-19 a également entraîné une très forte croissance du commerce électronique et des paiements sans espèces, ainsi qu’une augmentation des pratiques déloyales et frauduleuses. La nécessaire modification des habitudes liée aux mesures prises par les gouvernements nationaux pour lutter contre la diffusion de la COVID-19 pourrait avoir des effets durables sur les pratiques des consommateurs et les relations de travail à long terme. Il convient de prendre en compte les effets positifs et négatifs de ce changement lors de l’élaboration de nouvelles politiques en la matière.

7.4.

Le monde numérique a été pleinement mobilisé afin d’apporter son expertise dans le cadre de la lutte contre la COVID-19. La question des applications de traçage numérique (recherche des contacts) utilisées pour informer les citoyens qu’ils ont été, au cours des derniers jours, en contact une personne diagnostiquée positive à la COVID-19, a fait l’objet de nombreuses discussions. Le CESE regrette que l’initiative européenne relative au suivi numérique de ces contacts (Pan European Privacy-Preserving Proximity Tracing, PPPE PT [traçage de proximité paneuropéen préservant la confidentialité]), n’ait pas fait l’objet d’un consensus qui aurait permis d’intégrer des applications normalisées dans les stratégies nationales en matière de santé.

Bruxelles, le 16 juillet 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  JO C 190 du 5.6.2019, p. 17.

(2)  De STREEL, A., Contribution à la croissance: le marché unique numérique européen. Améliorer les droits des citoyens et des entreprises en Europe, Parlement européen, Luxembourg, 2019.

(3)  JO C 173 du 31.5.2017, p. 45.


28.10.2020   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 364/108


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Une nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe»

[COM(2020) 102 final]

(2020/C 364/15)

Rapporteur:

Mihai IVAŞCU

Corapporteur:

Dirk BERGRATH

Consultation

Commission, 22.4.2020

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

25.6.2020

Adoption en session plénière

16.7.2020

Session plénière no

553

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

207/4/7

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

L’Union européenne et ses États membres doivent faire preuve d’unité pour protéger leur souveraineté. Le CESE est fermement convaincu que si l’Europe veut continuer à jouer un rôle de premier plan à l’échelle mondiale, elle a besoin d’une base industrielle solide et compétitive.

1.2.

Le CESE reconnaît l’importance cruciale de la transition vers une économie neutre en carbone et permettant d’inverser la courbe actuelle d’effondrement de la biodiversité. En l’absence d’une stratégie industrielle écologique comme pierre angulaire du pacte vert, l’Union ne parviendra jamais à une économie neutre en carbone en une seule génération.

1.3.

La nouvelle stratégie industrielle doit garantir un juste équilibre entre le soutien aux entreprises européennes, la réalisation de notre objectif de neutralité climatique à l’horizon 2050 et l’incitation des consommateurs à se tourner vers des biens et des services durables.

1.4.

Le CESE reconnaît l’importance que la Commission a accordée aux partenaires sociaux et aux organisations de la société civile lorsqu’elle a défini les contours de la future industrie européenne. Il est convaincu qu’un dialogue social et civique constructif à tous les niveaux contribuera à la bonne mise en œuvre de la stratégie.

1.5.

L’économie circulaire est essentielle au développement du futur modèle économique de l’Europe. Elle doit conduire à explorer des solutions de substitution viables et économiques aux combustibles fossiles et à mettre en valeur des solutions énergétiques propres décentralisées et coopératives. Elle permettra en outre une utilisation bien plus efficace des ressources dans le cadre des activités économiques et réduira notre dépendance à l’égard des importations de matières premières critiques.

1.6.

Le CESE est résolument convaincu que la politique industrielle doit aller de pair avec une politique commerciale et étrangère ferme, dans le cadre de laquelle il conviendra ensuite d’élaborer des stratégies visant à garantir l’accès aux matières premières.

1.7.

Le Comité estime essentiel que l’Europe comble l’écart avec les États-Unis, la Chine et d’autres pays pour certaines technologies. Si l’Europe veut devenir un leader mondial, il est essentiel qu’elle s’appuie sur ses avantages concurrentiels tout en finançant la R & D. La mise en place d’un marché européen des capitaux unifié, et notamment d’un marché européen du capital-risque, revêt une importance capitale.

1.8.

L’industrie européenne sera numérisée ou cessera d’exister. Les investissements dans les secteurs des TIC, tels que l’économie fondée sur les données, l’internet des objets, l’informatique en nuage, l’intelligence artificielle et la fabrication avancée, doivent concerner l’ensemble des régions et des États membres.

1.9.

Le marché intérieur constitue le fondement de notre compétitivité à l’échelle mondiale. Le règlement sur le filtrage des IDE devrait être appliqué par tous les États membres et, le cas échéant, être mis à jour et renforcé. Quiconque souhaite faire partie du marché unique doit se conformer à ses règles, y compris aux principes de la neutralité climatique.

1.10.

Pour rétablir l’emploi, la croissance et la confiance, il convient de développer l’esprit d’entreprise dans l’Union européenne. L’Union devrait promouvoir et financer des programmes d’éducation destinés à stimuler la création d’une nouvelle économie durable et d’un nouvel environnement social.

1.11.

La politique industrielle devrait comporter une forte dimension sociale. Des emplois de qualité, une protection sociale et des services publics efficaces créent un environnement propice à l’essor des activités industrielles. Le socle européen des droits sociaux joue à cet égard un rôle de premier plan dans l’avènement d’une croissance économique inclusive.

1.12.

Le CESE appelle de ses vœux une mise en œuvre rapide du brevet unitaire européen, lequel pourrait permettre aux industries de se développer, d’innover et de protéger leur savoir-faire aux niveaux européen et international à un coût raisonnable.

1.13.

Afin d’atténuer les différences de prix du carbone au niveau international, le Comité considère comme nécessaires les mesures suivantes: introduction de mesures d’ajustement aux frontières, normes environnementales devant être respectées par les importateurs, subventions pour les exportations à faibles émissions de carbone, utilisation résolue d’instruments de défense commerciale et mesures visant à remédier aux différences de prix du carbone dans les accords de libre-échange. L’objectif ultime devrait être d’établir une tarification mondiale pour le carbone.

1.14.

Le CESE est d’avis que l’UEM doit être achevée afin de veiller à ce que tous les instruments économiques soient disponibles pour faire face au choc économique défavorable créé par la crise sanitaire liée à la COVID-19.

1.15.

Selon le CESE, la seule possibilité pour les États membres de surmonter cette crise est d’agir de manière coordonnée, en ne laissant personne de côté et en rétablissant la capacité des entreprises à générer une valeur ajoutée, à investir dans un avenir durable et à maintenir ou créer des emplois de qualité. Déployés de manière intégrée, le plan de relance pour l’Europe, le pacte vert et la nouvelle stratégie industrielle constituent un train de mesures courageux et ambitieux pour sortir de la crise résultant de la pandémie et préparer notre avenir commun.

1.16.

Les PME seront probablement les plus durement touchées par cette crise. Le CESE salue l’intention de les aider à grandir, à développer de nouveaux modèles d’entreprise et à attirer une main-d’œuvre qualifiée, par exemple par l’octroi d’options sur titres aux salariés.

1.17.

Les structures intermédiaires telles que les réseaux de PME, les agences de développement régional et les grappes d’entreprises doivent soutenir et renforcer les chaînes de valeur stratégiques et réunir toutes les forces vives afin de consolider les écosystèmes économiques.

2.   Observations générales

2.1.

Le CESE accueille favorablement cette communication sur une nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe, mais regrette qu’elle se limite à dresser une liste de futurs projets et mesures au lieu de présenter une stratégie claire, concrète et exhaustive à court, moyen et long termes pour l’industrie européenne. Il invite donc instamment la Commission à élaborer un plan d’action concret assorti d’objectifs annuels clairs et de procédures de suivi, impliquant une coopération étroite avec tous les acteurs concernés.

2.2.

Le CESE constate toutefois un certain nombre de différences par rapport aux communications précédentes:

elle présente une approche stratégique dans la mesure où elle met beaucoup plus l’accent sur la double transition dans les domaines du numérique et de la neutralité carbone,

elle préconise une approche plus coopérative de la politique industrielle, par exemple en soulignant la nécessité de construire des écosystèmes industriels solides ou de promouvoir des alliances industrielles,

elle tend à permettre davantage de financement public pour les projets industriels stratégiques en assouplissant la législation ordinaire de l’Union en matière de subventions ou en mettant en place des projets importants d’intérêt européen commun,

elle adopte une position plus ferme en ce qui concerne les relations extérieures, dans la mesure où elle propose d’utiliser le pouvoir réglementaire de l’Union pour défendre l’autonomie stratégique de l’Europe,

elle se concentre sur la décarbonation des industries européennes à forte intensité énergétique.

2.3.

Dans un contexte international instable, l’Union européenne et ses États membres doivent faire preuve d’unité pour protéger leur souveraineté. Le CESE est fermement convaincu que si l’Europe veut continuer à jouer un rôle de premier plan à l’échelle mondiale, elle a besoin d’une base industrielle compétitive et solide, qui contribue pour l’Union européenne à la fois à la réalisation des objectifs de développement durable, au respect de l’accord de Paris et à un retour à une empreinte écologique (1) qui soit inférieure à une planète par an, aussitôt que possible et au plus tard en 2040.

2.4.

Le CESE reconnaît l’importance cruciale de la transition vers une économie neutre en carbone et permettant d’inverser la courbe actuelle d’effondrement de la biodiversité. Une stratégie industrielle commune ne peut réussir que grâce à la participation et à la coopération de l’ensemble des États membres et des parties prenantes ainsi qu’à la planification stratégique intégrée et à la mise en commun des ressources des acteurs européens, des institutions régionales et locales, des pôles industriels, des entreprises, des partenaires sociaux, des entreprises de l’économie sociale, des universités et des groupes de recherche, ainsi que des organisations de la société civile.

2.5.

La nouvelle stratégie industrielle doit garantir un juste équilibre entre le soutien aux entreprises européennes afin qu’elles puissent se développer tout en respectant l’environnement, la réalisation de notre objectif de neutralité climatique à l’horizon 2050 et l’incitation des consommateurs à se tourner vers des biens et des services durables. À cette fin, nous devons développer davantage la boîte à outils pour une politique industrielle durable, en tenant compte des spécificités des PME.

2.6.

En outre, le CESE est convaincu qu’une transition bien gérée vers une économie numérique et neutre pour le climat est susceptible de redynamiser l’industrie européenne et de créer de nouveaux emplois de qualité au sein de nouvelles chaînes de valeur durables. La structure de gouvernance proposée devrait donc renforcer l’appropriation de la stratégie industrielle à tous les niveaux et associer toutes les parties prenantes concernées.

2.7.

L’industrie européenne ne pourra se développer que grâce à un vaste programme d’investissements publics et privés. Une nouvelle stratégie industrielle européenne, qui réponde aux nouveaux besoins des Européens, intensifie la croissance du PIB, encourage la cohésion interrégionale, réduise les disparités de revenus et améliore la qualité de vie grâce à l’investissement et à l’innovation, peut contribuer à la création d’une identité européenne commune, stimuler la solidarité, renforcer les institutions européennes et, partant, représenter une «valeur ajoutée européenne».

2.8.

Le CESE reconnaît l’importance que la Commission a accordée aux organisations de la société civile lorsqu’elle a défini les contours de la future industrie européenne. Le CESE estime que seule une coopération conjointe entre les États membres, les institutions européennes, les partenaires sociaux et les organisations représentatives de la société civile permettra de créer l’environnement propice à la croissance de l’industrie européenne. À cet égard, un dialogue social et civique constructif à tous les niveaux offre une solide garantie de succès pour la mise en œuvre de la stratégie.

2.9.

Le CESE reconnaît depuis longtemps «qu’il existe au sein du monde des entreprises des pionniers en matière d’intégration de la dimension durable. De nombreuses entreprises sont en réalité en avance sur les politiques. Celles-ci doivent précisément créer l’environnement stable et la certitude nécessaires pour garantir que les bonnes pratiques deviennent la pratique commune. Cette approche donnera aux entreprises la capacité de proposer des solutions durables»; il invite instamment la Commission à en tenir compte lors de l’élaboration des futures politiques (2). Il convient de noter que l’économie sociale possède une longue tradition de prise en compte des questions de développement durable.

2.10.

En 2019, la production industrielle a finalement retrouvé son niveau d’avant la crise (avant 2007). L’industrie reste l’épine dorsale de notre économie et doit apporter des solutions aux nombreux défis auxquels notre société est confrontée. Elle a également un rôle social important à jouer en raison de ses activités à forte valeur ajoutée, de ses emplois de qualité et de la création d’emplois indirects dans des services connexes. Par conséquent, le CESE accueille favorablement l’ensemble complet de propositions présenté dans la communication et espère qu’elles seront rapidement élaborées et mises en œuvre. Le déclin spectaculaire de la production industrielle dû à la crise du coronavirus exige cependant que les mesures d’urgence prises par les gouvernements et soutenues par la Commission pour maintenir à flot les entreprises viables et protéger les revenus des travailleurs restent en place aussi longtemps qu’elles seront nécessaires.

2.11.

Le CESE est de longue date convaincu de l’importance des start-up et des scale-up pour la création d’un secteur industriel compétitif et innovant. Il continue dès lors à réclamer «une approche coordonnée de la politique en faveur des start-up et des scale-up qui tienne compte de la diversité des modèles d’entreprise, et se félicite des actions spécifiques proposées pour les entreprises de l’économie sociale» (3).

2.12.

Le CESE accueille favorablement l’initiative visant à améliorer les conditions de travail des travailleurs des plateformes. Il déplore toutefois que la communication ne traite pas directement de l’enjeu beaucoup plus vaste d’une transition équitable et inclusive. Il insiste sur la nécessité d’un plan d’action ambitieux pour encourager les États membres à concrétiser leurs engagements concernant la proclamation du socle européen des droits sociaux.

3.   Une Europe verte

3.1.

L’Europe a besoin d’une politique industrielle durable qui promeuve une transition équitable vers une économie à faible intensité de carbone. Cela nécessite un cadre financier pluriannuel solide, la Banque européenne d’investissement devant jouer un rôle essentiel dans le financement d’une telle transition. Les investissements devraient soutenir à la fois la qualité de l’environnement et l’amélioration de la qualité de vie des Européens.

3.2.

Nombre des objectifs que nous nous sommes fixés pour 2030 peuvent être étendus jusqu’à notre transition vers un continent sans carbone, en 2050. Le CESE estime dès lors que la stratégie industrielle, tout comme la stratégie de développement durable, devrait «englober à la fois les mesures internes et l’action extérieure de l’Union et favoriser une cohérence maximale entre ces deux aspects. […] La mise en œuvre devrait être axée sur l’innovation, une coopération internationale et des accords commerciaux orientés vers le développement durable, ainsi que la mobilisation des entreprises et de la société civile» (4).

3.3.

Les secteurs industriels, qu’ils soient traditionnels ou récents, devront développer une approche proactive, anticiper le changement, s’y adapter et le gérer au moyen de nouvelles technologies durables, de créations d’emplois et de reconversions pour relever les défis de l’avenir, conformément au tableau de bord social du Semestre européen. De nouvelles politiques en matière de compétences devraient être conçues en collaboration avec les organisations de la société civile et les partenaires sociaux, de manière à adapter plus rapidement les systèmes d’éducation et de formation pour les mettre en adéquation avec la demande de nouveaux emplois.

3.4.

L’Union devrait devenir le leader mondial de l’économie circulaire et des technologies propres. Elle devra œuvrer à la décarbonation des industries à forte intensité énergétique. L’économie circulaire est essentielle au développement du futur modèle économique de l’Europe. Le CESE est d’avis que «les produits et les services qui respectent les principes de la circularité devraient afficher des prix qui soient clairement différenciés» et que «l’application de taux réduits ou d’une exonération de TVA aux activités de réutilisation et de réparation est de nature à inciter les entrepreneurs à s’investir dans ce secteur et à proposer au consommateur des produits à des prix compétitifs […]» (5).

3.5.

La transition vers une économie neutre en carbone requiert des sources d’énergie propres et sûres. La réforme de la régulation de l’énergie ainsi que la coopération à l’échelle européenne en ce qui concerne les prosommateurs et la poursuite de l’interconnexion des réseaux sont d’une importance capitale. Il convient en outre d’explorer des solutions de substitution viables et économiques aux combustibles fossiles et de mettre en valeur des solutions énergétiques propres décentralisées et coopératives, telles que les coopératives d’énergie renouvelable, les prosommateurs et les réseaux intelligents.

3.6.

Le lancement d’une union de l’énergie 2.0 doit être considéré comme la base d’un programme qui investit dans une augmentation importante de l’approvisionnement en énergie à faibles émissions de carbone (hydrogène inclus), intègre les différents vecteurs énergétiques, crée un réseau électrique à l’échelle européenne pour faire face au caractère intermittent de l’énergie éolienne et solaire, et développe des technologies destinées au stockage de l’énergie.

3.7.

En l’absence d’une stratégie industrielle écologique comme pierre angulaire du pacte vert, l’Union ne parviendra jamais à une économie neutre en carbone en une seule génération. Le pacte vert définira et orientera l’élaboration des politiques industrielles non seulement pendant le mandat de la Commission qui vient de débuter, mais aussi longtemps après.

3.8.

Les panneaux solaires, les parcs éoliens et les batteries sont des éléments essentiels de notre nouveau paradigme industriel. Ceux-ci nécessitent toutefois des matières premières contrôlées par nos concurrents sur la scène internationale. La politique industrielle doit aller de pair avec une politique commerciale et étrangère ferme, qui doit à son tour garantir l’accès à ces ressources.

3.9.

Afin de parvenir au niveau adéquat d’investissement nécessaire pour financer le pacte vert, il convient également d’envisager un réexamen des règles en matière d’aides d’État pour les investissements dans des produits et procédés à faible intensité de carbone. En outre, les fonds nouvellement créés pour l’innovation et la modernisation, ainsi que les recettes de la mise aux enchères des quotas d’émissions, fournissent des ressources supplémentaires (ou sont susceptibles de le faire) pour soutenir une politique industrielle durable et maîtriser l’impact social de la transition.

4.   Le programme pour une Europe numérique

4.1.

Les nouvelles technologies modifient nos modes de vie et de consommation et la manière dont nous exerçons nos activités. Chez nous, il est question de stratégie pour le déploiement des réseaux 5G, tandis que d’autres puissances économiques investissent dans les technologies 6G. Si l’Europe veut devenir un leader mondial, il est essentiel qu’elle s’appuie sur ses avantages concurrentiels tout en finançant la R & D. Pour certaines technologies, nous sommes à la traîne derrière les États-Unis, la Chine et d’autres pays. La technologie numérique est la pierre angulaire de tout progrès vers l’industrie 4.0. Le CESE estime qu’il est essentiel que l’Europe comble ce fossé, en veillant à assurer un équilibre entre les questions de sécurité et les besoins économiques.

4.2.

Il est crucial d’investir dans l’intelligence artificielle et l’utilisation intelligente des données, tout en protégeant la confidentialité des informations des entreprises et la vie privée des consommateurs dans l’Union européenne, le seul moyen d’y arriver étant de concentrer les fonds européens destinés à l’innovation sur les nouvelles technologies numériques. Les PME jouent un rôle clé dans ce processus et il est crucial de leur assurer un financement adéquat pour leur permettre de se développer et d’innover. Le CESE a déjà indiqué que «la Commission devrait analyser et compléter (sans s’y substituer) les initiatives privées qui visent l’échange de bonnes pratiques et d’expériences entre les innovateurs» et que «l’Union doit mettre en place un cadre politique, fiscal et réglementaire pour soutenir le déploiement de ces nouveaux modèles durables à grande échelle» (6).

4.3.

Beaucoup trop souvent, les technologies développées en Europe sont commercialisées ailleurs. L’Union n’a pas été capable de créer des géants technologiques. Trop peu de jeunes entreprises innovantes de premier plan réussissent à se transformer en grandes entreprises à forte intensité de R & D. Pour permettre de franchir l’étape ultime du passage du stade de jeune pousse à celui d’entreprise déployant tout son potentiel, il est important d’achever la création d’un marché européen des capitaux unifié, et notamment d’un marché européen du capital-risque.

4.4.

L’industrie européenne sera numérisée ou cessera d’exister, dépassée par des concurrents plus efficaces et plus rapides. Il conviendra à cette fin d’intensifier les investissements de manière à renforcer le potentiel de croissance des nouveaux secteurs des TIC, tels que l’économie fondée sur les données, l’internet des objets, l’informatique en nuage, l’intelligence artificielle et la fabrication avancée. Les investissements dans les infrastructures numériques doivent concerner l’ensemble des régions et des États membres.

4.5.

Il est crucial de doter la main-d’œuvre européenne des compétences numériques nécessaires à la nouvelle phase d’industrialisation. Seule une main-d’œuvre qualifiée et bien préparée permettra d’entrer dans l’ère du numérique. Le CESE a déjà fait valoir que «les travailleurs européens doivent pouvoir bénéficier de programmes de formation, de reconversion, de perfectionnement et d’apprentissage tout au long de la vie de manière à profiter pleinement de l’évolution technologique» (7). Cela nécessite des instruments s’inscrivant dans une politique active du marché du travail ainsi que des systèmes de sécurité sociale efficaces et fondés sur la solidarité qui préservent le modèle social européen.

4.6.

La stratégie de la Commission en matière de données doit être complétée par un règlement sur la concurrence loyale dans l’économie numérique, dont le respect serait contrôlé par une autorité de la concurrence numérique. À cet égard, les espaces de données dans les secteurs stratégiques proposés par la Commission nécessiteront également des règlements sur l’accès, la libre circulation ainsi que la protection des données et l’utilisation d’algorithmes spécifiques, organisant l’accès aux données industrielles à des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires («conditions FRAND»). En outre, les avancées dans le domaine de la numérisation des séries de données et des technologies innovantes doivent être pleinement conformes au règlement général sur la protection des données (RGPD) et à la directive sur les informations du secteur public (ISP).

5.   Une Union européenne compétitive à l’échelle mondiale

5.1.

La compétitivité future de l’industrie européenne est primordiale pour permettre à l’économie européenne de progresser dans une économie mondiale de plus en plus multipolaire, caractérisée par des tensions géopolitiques croissantes. La solution passe par l’approfondissement du marché unique, avec des conditions de concurrence plus équitables vis-à-vis des entreprises des pays tiers. Un marché intérieur fonctionnel doit être soutenu par une politique commerciale forte visant à lutter contre les barrières internationales et les pratiques non concurrentielles. Le règlement sur le filtrage des IDE (8), qui entrera en vigueur en octobre 2020, constitue une étape importante pour protéger les principaux actifs de l’Union, mais le CESE rappelle qu’il est essentiel qu’il fasse l’objet d’un suivi permanent et, le cas échéant, qu’il soit mis à jour et modifié.

5.2.

Le marché intérieur est la source de l’avantage concurrentiel de l’Europe et constitue le cœur de notre coopération. Il est le fondement de notre compétitivité à l’échelle mondiale. La protection et le développement du marché intérieur doivent être au cœur de la nouvelle politique industrielle, dans le cadre de laquelle il convient de mettre en œuvre des mesures qui améliorent son développement et son efficacité, ainsi que ceux des quatre libertés.

5.3.

Le CESE continue à penser que «les charges administratives et la bureaucratie constituent toujours un obstacle majeur pour les start-up et les scale-up». Par conséquent, il invite instamment la Commission européenne à éviter d’alourdir cette charge administrative par un excès de réglementation et à chercher des moyens de la rationaliser et de la réduire (9) dans les seuls cas où cela ne remet pas en cause les droits sociaux et environnementaux.

5.4.

En ce qui concerne la recherche et le développement, le CESE demande à la Commission de:

maintenir et concrétiser l’ambition d’investir 3 % du PIB de l’Union dans les activités de recherche et développement en vue de combler l’écart avec nos principaux concurrents, tels que les États-Unis et le Japon,

poursuivre la mise en place d’un marché européen du capital-risque destiné à améliorer le financement de projets innovants, à haut risque et à fort potentiel,

veiller à ce que la première application industrielle d’une R & D financée par des fonds publics ait lieu dans l’Union européenne,

renforcer les systèmes d’innovation dans les régions périphériques ou confrontées à des changements structurels.

5.5.

Pour rétablir l’emploi, la croissance et la confiance, il convient de développer l’esprit d’entreprise dans l’Union européenne. L’Union devrait promouvoir et financer des programmes d’éducation destinés à stimuler la création de nouvelles entreprises à l’avenir. La solution passe par l’éducation et l’enseignement de l’esprit d’entreprise aux jeunes générations pourrait donner lieu à un nombre accru d’entreprises et à un environnement économique beaucoup plus durable.

5.6.

Lorsqu’ils cherchent à renforcer l’innovation, les États membres et la Commission doivent s’efforcer de recréer un environnement de pôles d’innovation fructueux tel que la Silicon Valley. Une réglementation favorable, des incitations fiscales, une main-d’œuvre qualifiée et un accès aisé au financement permettront aux innovateurs européens de rester en Europe et de développer leurs idées.

5.7.

L’Union ne pourra conserver son rôle de chef de file en matière d’innovation sans politique intelligente de propriété intellectuelle. Nous devons veiller à ce que l’innovation et les brevets européens soient bien protégés contre les intentions malveillantes et l’espionnage économique. La mise en œuvre du brevet unitaire européen est donc indispensable.

5.8.

L’Europe ne doit pas être naïve face à la concurrence déloyale. Il est essentiel de protéger les consommateurs, les entreprises et le marché unique de l’Union européenne pour que notre économie prospère. Quiconque souhaite faire partie du marché unique doit se conformer à ses règles et les respecter pleinement, y compris les principes de la neutralité climatique.

5.9.

Le CESE invite instamment la Commission à accélérer l’adoption du livre blanc sur un instrument relatif aux subventions étrangères, qui visera à remédier aux effets de distorsion causés par les subventions étrangères au sein du marché unique.

5.10.

Le CESE a déjà plaidé en faveur d’une politique industrielle reposant sur «une combinaison de mesures axées sur la valeur d’usage, ajustées au niveau territorial en fonction des caractéristiques et besoins locaux», en ajoutant qu’il convenait «de promouvoir la création de regroupements et le coopératisme […] en faisant converger la préservation de la variété et les économies d’échelle» et «de généraliser la symbiose industrielle afin de promouvoir l’économie circulaire» (10).

5.11.

La réforme du cadre de la concurrence, annoncée en fanfare, est absolument nécessaire. Le CESE regrette toutefois que la révision des règles de concurrence de l’Union ait été reportée à 2021. La conception de cette réforme ne doit laisser aucune place aux manœuvres politiques: il convient d’adopter une approche tenant compte de la situation mondiale et pas uniquement du marché unique, comme cela a été le cas jusqu’à présent.

5.12.

Par ailleurs, la coopération et l’interaction entre les différents niveaux de gouvernement locaux et nationaux et l’Union européenne devraient augmenter. Le CESE a réclamé à plusieurs reprises davantage de synergies, convaincu «qu’il y a lieu de promouvoir la mise en place de plateformes de communication et de coopération auxquelles tous les États membres participeraient. Ce qui a fait ses preuves dans un État membre peut aussi fonctionner dans un autre, de même que le fruit des recherches d’un État membre peut être utilisé ou valorisé par un autre. […] Aucun État membre n’est en mesure de jouer seul un rôle de premier plan sur la scène mondiale» (11).

5.13.

Afin d’atténuer les différences de prix du carbone au niveau international, il convient d’envisager un certain nombre de mesures: introduction de mesures d’ajustement aux frontières, normes environnementales devant être respectées par les importateurs, subventions pour les exportations à faibles émissions de carbone, utilisation d’instruments de défense commerciale et mesures visant à remédier aux différences de prix du carbone dans les accords de libre-échange. L’objectif ultime devrait être d’établir une tarification mondiale pour le carbone.

5.14.

Il est essentiel de libérer le pouvoir des marchés européens des capitaux. L’achèvement de l’union des marchés des capitaux et la création des conditions propices pour que les entreprises puissent se financer grâce aux marchés permettront aux entreprises européennes d’avoir accès aux instruments appropriés pour financer chaque étape de leur développement.

5.15.

Le CESE déplore que la dimension régionale de la double transition n’ait pas fait l’objet d’un examen plus approfondi dans la communication. Il n’en accueille pas moins favorablement la proposition (incluse dans le plan de relance pour l’Europe) d’accroître considérablement les ressources allouées au Fonds pour une transition juste, qui passeraient de 7,5 milliards à 40 milliards d’EUR. Il espère que ce montant couvrira les besoins de toutes les régions confrontées à une profonde transformation industrielle.

5.16.

Une meilleure intégration et une meilleure coordination de la boîte à outils pour la politique industrielle ainsi que des structures de gouvernance appropriées devraient permettre à l’Europe de concrétiser son ambition de devenir une économie verte, numérique et circulaire, tout en renforçant son autonomie stratégique et sa résilience économique.

5.17.

Les structures intermédiaires, telles que les réseaux de PME, les agences de développement régional, les grappes d’entreprises, les alliances industrielles et les partenariats public-privé, doivent soutenir et renforcer les chaînes de valeur stratégiques et réunir toutes les forces vives (PME innovantes, grandes entreprises, instituts de recherche, entreprises de l’économie sociale et pouvoirs publics) dans le but de consolider les écosystèmes économiques.

6.   Coronavirus

6.1.

La pandémie de COVID-19 a créé une grave récession économique [la BCE prévoit pour cette année une contraction de l’économie de 8,7 %! (12)] qui, à la différence des crises passées, se traduit par des chocs tant du côté de l’offre que de celui de la demande. Tous les moyens doivent être mis en œuvre pour éviter que la perte temporaire de production industrielle ne devienne permanente ou qu’un problème de liquidité ne se transforme en crise de solvabilité.

6.2.

Le CESE accueille dès lors favorablement la proposition de la Commission relative à un plan de relance pour l’Europe (y compris le fonds de relance Next Generation EU). En effet, ce plan:

donnera un coup de fouet à la nouvelle stratégie industrielle par le renforcement du programme InvestEU, la création d’une facilité d’investissement stratégique et le nouvel instrument de soutien à la solvabilité,

apporte à la crise provoquée par la pandémie une réponse ambitieuse et véritablement européenne qui aura un impact fort sur le plan macroéconomique, contribuant à éviter de nouvelles destructions de capital (y compris concernant le capital humain), à rétablir la confiance et à générer de puissants effets multiplicateurs,

contribue à éviter une reprise asymétrique et renforce la cohésion interne et la solidarité,

augmente de manière significative les ressources du Fonds pour une transition juste,

fait progresser nos priorités économiques et sociétales communes: retour à la normale pour l’industrie, promotion des investissements publics et privés dans la double transition numérique et écologique, élaboration de programmes communs pour la reconstruction industrielle et soutien à l’emploi dans les activités d’avenir.

6.3.

Le CESE demande instamment aux institutions de parvenir rapidement à un accord en vue d’entamer dès que possible la mise en œuvre du plan. Ensemble, le pacte vert, le plan de relance et la nouvelle stratégie industrielle forment une batterie d’instruments puissante et cohérente pour lutter contre la récession et préparer notre avenir commun.

6.4.

Eu égard au grand nombre de secteurs industriels à l’arrêt, le CESE estime:

urgent de cartographier l’impact de la crise liée à la COVID-19 sur les secteurs industriels et les chaînes de valeur afin de cerner les besoins spécifiques de chaque secteur et d’y répondre en vue de rétablir la production et/ou l’emploi,

nécessaire de (re)construire des chaînes de valeur industrielles intégrées à l’intérieur de l’Union afin de renforcer l’autonomie stratégique et la résilience économique de l’Europe; il y a lieu de soutenir la relocalisation des activités stratégiques et de garantir la sécurité d’approvisionnement dans les secteurs tels que l’énergie, les soins de santé et les principes actifs des produits pharmaceutiques.

6.5.

Il est très clair que l’Union européenne doit montrer sa force et son pouvoir en ces temps difficiles. Selon le CESE, la seule possibilité pour les États membres de surmonter cette crise est d’agir de manière coordonnée, en ne laissant personne de côté. Les idées populistes et la planification nationale n’ont pas leur place. La solidarité, la coopération et le respect mutuel sont essentiels pour garantir une relance rapide, qui, si elle se veut durable, devra tirer toutes les conséquences du manque de respect passé pour les écosystèmes.

6.6.

L’assouplissement des règles budgétaires ne permettra de soutenir les investissements productifs que si l’un des objectifs est une convergence vers le haut des États membres à plus faible revenu. Il est temps de proposer des mesures concrètes pour prouver que la solidarité européenne existe bel et bien dans les faits et ne se limite pas à des paroles.

6.7.

Les PME seront probablement les plus durement touchées par cette crise, car elles dépendent généralement des grandes entreprises et manquent de liquidités. Il est primordial de trouver un outil adéquat pour soutenir toutes les PME européennes, et le CESE salue l’intention d’aider celles-ci à se développer et à attirer une main-d’œuvre qualifiée, par exemple par l’octroi d’options sur titres aux salariés (13).

6.8.

Il y a lieu de recenser et de soutenir les industries et secteurs clés, des ressources humaines à la recherche, de manière à aboutir à une politique industrielle européenne qui protège ces secteurs stratégiques du marché et assure la sécurité de l’approvisionnement en produits essentiels, tels que les respirateurs, les masques, etc. Il s’agit d’aider les entreprises qui relocalisent leurs capacités de production en Europe, de façon à permettre à l’Union de reprendre le contrôle de la production et d’assurer son autonomie vis-à-vis du marché mondial, toujours en phase avec une transition écologique juste. La dépendance croissante de l’Union à l’égard des importations de médicaments et de principes actifs peut poser des problèmes systémiques en générant des pénuries de médicaments et des risques pour la santé, ce qui fait peser de sérieuses menaces sur l’autonomie stratégique de l’Union.

Bruxelles, le 16 juillet 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Telle que définie par le Global Footprint Network (https://www.footprintnetwork.org/).

(2)  JO C 14 du 15.1.2020, p. 95.

(3)  JO C 288 du 31.8.2017, p. 20.

(4)  JO C 14 du 15.1.2020, p. 95.

(5)  JO C 264 du 20.7.2016, p. 98.

(6)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 57.

(7)  JO C 228 du 5.7.2019, p. 58.

(8)  Règlement (UE) 2019/452 (JO L 79 I du 21.3.2019, p. 1).

(9)  JO C 288 du 31.8.2017, p. 20.

(10)  JO C 97 du 24.3.2020, p. 31.

(11)  JO C 228 du 5.7.2019, p. 67.

(12)  https://ec.europa.eu/info/business-economy-euro/economic-performance-and-forecasts/economic-forecasts/spring-2020-economic-forecast-deep-and-uneven-recession-uncertain-recovery_fr

(13)  COM(2020) 103 final.


28.10.2020   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 364/116


Avis du Comité économique et social européen sur a) la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Plan d’action à long terme visant à mieux mettre en œuvre et faire respecter les règles du marché unique»

[COM(2020) 94 final]

et b) la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Recenser et identifier les obstacles au marché unique»

[COM(2020) 93 final]

(2020/C 364/16)

Rapporteur:

Gerardo LARGHI

Corapporteur:

Gonçalo LOBO XAVIER

Consultation

a)

Commission européenne, 22.4.2020

b)

Commission européenne, 22.4.2020

Base juridique

a) et b): article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

25.6.2020

Adoption en session plénière

16.7.2020

Session plénière no

553

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

212/2/5

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) soutient le «Plan d’action à long terme visant à mieux mettre en œuvre et faire respecter les règles du marché unique» (1) proposé par la Commission.

1.2.

Le Comité approuve également la communication de la Commission intitulée «Recenser et identifier les obstacles au marché unique» (2), et se dit prêt à la soutenir.

1.3.

Le CESE estime que pendant trop longtemps, l’application insuffisante ou inadéquate des règles de l’Union a été le talon d’Achille du droit de l’Union et que, par conséquent, de nombreux cas de fraude et de comportement illicite n’ont fait l’objet d’aucune mesure. L’application du droit de l’Union est essentielle pour gagner la confiance des entreprises et des consommateurs et veiller à ce que le marché unique déploie tout son potentiel pour les entreprises, les travailleurs et les consommateurs.

1.4.

Le CESE est d’avis que pour être efficace, une stratégie de mise en œuvre doit: 1) reposer sur un partenariat solide associant toutes les parties prenantes concernées; 2) permettre une coopération accrue au niveau européen entre les réseaux existants d’application de la législation de manière à pouvoir s’attaquer aux problèmes qui touchent plusieurs secteurs simultanément; 3) élaborer des stratégies et des moyens permettant de combattre des infractions de grande ampleur à l’échelle de l’Union, de manière à ce qu’une seule mesure d’application efficace et transparente puisse être prise pour protéger toutes les parties concernées et garantir l’application transnationale de la législation; 4) utiliser le potentiel des nouvelles technologies.

1.5.

Le CESE invite instamment la Commission à prévoir dans le plan d’action un rôle clairement défini pour les acteurs de la société civile, les entrepreneurs, les travailleurs et les consommateurs.

1.6.

Le CESE adhère pleinement à l’idée de la Commission européenne de faire de SOLVIT l’outil par défaut pour résoudre efficacement les problèmes liés aux obstacles injustifiés au marché unique, mais il importe que SOLVIT soit doté d’une procédure plus structurée pour pouvoir renvoyer les affaires importantes à la Commission et fonctionner dans tous les secteurs et domaines d’action.

1.7.

Le CESE se réjouit de l’initiative visant à améliorer les évaluations ex ante des réglementations restrictives en vertu de la directive relative à un contrôle de proportionnalité (3). La participation des parties prenantes au contrôle de la proportionnalité devrait être la norme plutôt que l’exception.

1.8.

Le portail numérique unique est un moyen de répondre, grâce aux technologies numériques, aux besoins des entreprises et des consommateurs en matière d’information en ligne. Les guichets uniques seront rapidement intégrés au portail numérique, de sorte que les entreprises et les consommateurs pourront obtenir de l’assistance et des informations en un seul et même endroit.

1.9.

Le CESE soutient la demande adressée par la Commission au Parlement européen et au Conseil, les invitant à adopter la proposition relative à l’application de la directive 2006/123/CE relative aux services dans le marché intérieur, établissant une procédure de notification des régimes d’autorisation et des exigences en matière de services (4).

1.10.

Le Comité souligne que la crise liée à la propagation de la COVID-19 comporte des risques graves pour le marché unique, à savoir que les différences entre les pays de l’Union en matière de développement économique, de garanties sociales et de niveaux de prospérité pourraient augmenter après la fin de la pandémie.

1.11.

Le Comité constate qu’en dépit des réalisations concrètes du marché unique, les obstacles subsistants signalés par les entreprises et les consommateurs restent trop nombreux.

1.12.

Le CESE souscrit au plan d’action de la Commission, selon lequel «un véritable partenariat entre les différents acteurs chargés de la mise en œuvre et du respect des règles à l’échelle de l’Union et des États membres sera essentiel pour surmonter les obstacles actuels au marché unique».

1.13.

Par conséquent, le CESE demande instamment à la Commission d’utiliser la nouvelle stratégie visant à faire respecter les règles du marché pour mettre en place un cadre de collaboration solide incluant toutes les parties prenantes qui interviennent dans l’application du droit de l’Union. Il conviendrait entre autres d’associer pleinement les organisations aux travaux de la task-force chargée du respect des règles du marché unique (Single Market Enforcement Task-Force — SMET), qui devrait servir de forum de discussion pour les questions horizontales liées à l’application de la législation.

1.14.

Le CESE estime que l’application de la législation est essentiellement un problème horizontal, qui ne doit donc pas être abordé de manière compartimentée. Il est essentiel de mieux organiser et rationaliser les processus de travail entre les différents réseaux d’application de la législation et de faciliter l’échange d’informations et de bonnes pratiques.

1.15.

Le règlement relatif à la coopération en matière de protection des consommateurs a contribué à jeter un pont entre les organisations de la société civile et les autorités chargées de l’application du droit grâce à une meilleure reconnaissance de leur coopération. Toutefois, bien que positif, ce cadre reste incomplet et doit encore être amélioré, par exemple en ce qui concerne la rapidité de la réaction aux signalements des citoyens.

1.16.

Le CESE estime que les données et l’intelligence artificielle peuvent être utilisées pour contribuer à la surveillance des marchés. Il considère dès lors que ces outils numériques devraient être développés au niveau de l’Union et partagés par toutes les parties prenantes.

1.17.

Les autorités chargées de faire appliquer la législation sont aujourd’hui confrontées à une prolifération de pratiques malhonnêtes sur le marché unique, alors que leur travail est souvent soumis à des contraintes budgétaires strictes. Dans ce contexte, le Comité réclame une meilleure utilisation des ressources limitées, une coordination renforcée entre les réseaux existants, le développement de nouvelles synergies entre tous les acteurs et de nouveaux outils fondés sur les nouvelles technologies, susceptibles de contribuer à la mise en œuvre effective du droit de l’Union.

2.   À propos du plan d’action à long terme visant à mieux mettre en œuvre et faire respecter les règles du marché unique [COM(2020) 94 final] — INT/899

2.1.   Défis à relever par le marché unique

2.1.1.

Le marché unique est au cœur du projet européen et a facilité la vie des consommateurs et des entreprises en Europe. Son bon fonctionnement devrait permettre aux citoyens de l’Union de bénéficier d’un choix plus large de services et de produits et de meilleures perspectives d’emploi. Le marché unique devrait favoriser les échanges et la concurrence et est indispensable au succès de la transformation verte, industrielle et numérique de l’Union.

2.1.2.

Pour atteindre cet objectif, l’Europe doit établir des priorités avec discernement et adopter, selon des critères clairement définis, une orientation politique claire dans laquelle elle accorde la priorité absolue aux citoyens.

2.1.3.

Afin de renforcer la coopération en matière de respect des règles du marché unique, la Commission annonce la mise en place d’une task-force (Single Market Enforcement Task-Force — SMET), qui aura pour mission d’évaluer la situation en matière de respect des règles du marché unique dans le droit national, d’accorder la priorité aux obstacles les plus pressants, de lutter contre la surréglementation, d’examiner les questions horizontales relatives à l’application des dispositions et de suivre la mise en œuvre du plan d’action proposé. À cet égard, la SMET devrait définir des critères clairs permettant de déterminer quels sont les obstacles les plus pressants en fonction de leur valeur économique.

2.1.4.

La Commission a en outre l’intention de faire usage des mécanismes de prévention afin d’éviter la création de nouveaux obstacles à la prestation de services dans le marché unique, d’améliorer la capacité à détecter les cas de non-conformité, de mettre en place une plateforme en ligne consacrée au respect des règles (e-enforcement lab) afin de partager des informations sur les produits industriels et les produits de consommation illicites ou non conformes, de mettre en place, à l’intention des autorités, un point d’entrée unique européen des informations pour les contrôles portant sur les produits non alimentaires et le futur guichet unique douanier, de veiller à ce que le système d’information du marché intérieur (IMI) devienne l’outil par défaut, de créer un outil permettant aux citoyens et aux entreprises de signaler de manière anonyme les obstacles réglementaires auxquels ils sont confrontés dans l’exercice des droits que leur confère le marché intérieur, d’améliorer le respect des règles en ce qui concerne la législation de l’Union sur la filière agroalimentaire (y compris en matière de santé animale et végétale), d’examiner si un laboratoire financé au titre du programme en faveur du marché unique ou du programme pour une Europe numérique et chargé de tester et d’appliquer des solutions informatiques de pointe peut être intégré à des structures existantes, telles que le réseau de coopération en matière de protection des consommateurs, le réseau de l’Union pour la conformité des produits ou l’observatoire de l’EUIPO, d’intensifier la lutte contre les contrefaçons et les produits illicites, y compris ceux produits ou assemblés à l’intérieur de l’Union à partir de composants importés, en envisageant notamment d’étendre la compétence de l’OLAF, de renforcer l’application des règles dans la chaîne agroalimentaire, de développer les systèmes d’étiquetage et de traçabilité en encourageant l’utilisation d’outils numériques pour permettre des contrôles plus ciblés aux frontières extérieures et à l’intérieur de l’Union, de faire de SOLVIT l’outil par défaut pour le règlement des litiges liés au marché unique, de rationaliser les procédures de traitement des dossiers — l’évaluation préliminaire des plaintes se fera dans un délai de deux mois afin de déterminer dès ce moment-là quelles seront les étapes suivantes de la procédure en question —, et enfin, d’utiliser le système «EU Pilot» dans des conditions et des délais clairement définis, pour les cas dans lesquels il semble possible de trouver rapidement une solution.

2.2.   Observations générales

2.2.1.

Le CESE considère que l’achèvement et la mise en œuvre effective du marché unique revêtent une importance essentielle, car ils constituent un moyen d’atteindre les objectifs politiques inscrits dans les textes fondateurs de l’Union européenne, et non une fin en soi.

2.2.2.

Les principaux obstacles recensés dans la communication sont les choix réglementaires à l’échelle de l’Union et à l’échelle nationale, la transposition, la mise en œuvre et le respect de la législation, les capacités et pratiques administratives des États membres, l’environnement général des entreprises et des consommateurs, ainsi que des causes profondes sans rapport avec la politique générale, comme la langue ou la culture.

2.2.3.

Faire de SOLVIT un outil par défaut: le CESE soutient l’objectif consistant à utiliser par défaut les procédures SOLVIT pour résoudre les problèmes liés aux obstacles injustifiés au marché unique. Cependant, SOLVIT n’a à sa disposition que le dialogue et le pouvoir discret, et ne peut en outre pas intervenir parallèlement aux procédures judiciaires. Le système SOLVIT doit être doté d’une procédure plus structurée pour pouvoir renvoyer les affaires importantes à la Commission. Dans le même temps, il importe que SOLVIT fonctionne dans tous les secteurs et domaines d’action.

2.2.4.

L’amélioration des évaluations ex ante des réglementations restrictives en vertu de la directive relative à un contrôle de proportionnalité (5) est une mesure très positive. Toutefois, la Commission devrait fournir aux États membres une aide structurée et des orientations sur la manière de procéder à des évaluations ex ante de la proportionnalité lorsqu’ils prévoient d’adopter une nouvelle réglementation de professions, conformément à la directive sur le contrôle de proportionnalité. Par ailleurs, la participation des parties prenantes au contrôle de la proportionnalité devrait être la norme plutôt que l’exception.

2.2.5.

Obtention d’informations et procédures administratives: le portail numérique unique est un moyen de répondre, grâce aux technologies numériques, aux besoins des entreprises et des consommateurs en matière d’information en ligne, mais, conformément à la législation en vigueur sur le marché unique, les États membres doivent également informer les entreprises par l’intermédiaire de guichets uniques. Divers textes législatifs de l’Union prévoient la centralisation des guichets uniques. Ceux-ci seront rapidement intégrés au portail numérique unique, de sorte que les entreprises et les consommateurs pourront obtenir de l’assistance et des informations en un seul et même endroit. Les entreprises ne devraient recevoir qu’une seule réponse coordonnée.

2.2.6.

Les fondements mêmes de l’Union sont aujourd’hui ébranlés par des facteurs externes tels que la pandémie actuelle qui a semé la panique et la mort, plongeant l’économie européenne tout entière dans la récession, mais aussi des facteurs internes comme l’absence de l’élan de solidarité qui a présidé à la naissance de l’Union. Cela nous incite à réfléchir aux éléments nécessaires à la création d’un marché intérieur, au-delà du simple exercice technico-législatif, en repensant le projet européen dans son ensemble. Nous avons tout lieu de nous demander si une Europe unie — telle que certains l’idéalisaient, beaucoup s’engageant activement dans sa construction tandis que d’autres s’employaient à la détruire petit à petit, du moins depuis le rejet de la constitution européenne — existera toujours en 2050 et après, comme modèle de liberté, phare culturel, paladin de la paix, apologue de la fraternité des peuples et héraut de l’égalité entre les hommes et les femmes, dans un monde sans discriminations ni barrières.

2.2.7.

La question se pose avec d’autant plus d’acuité que nous vivons actuellement une période particulièrement perturbée, l’Europe étant étouffée par une crise persistante de nature systémique et pas uniquement conjoncturelle ni économique et financière mais également de valeurs sociales et culturelles. Pour bon nombre de citoyens, la seule issue crédible est l’abandon de la vision purement monétaire et économique au profit d’une véritable union politique.

2.2.8.

Le CESE estime que la crise de la COVID-19, qui a touché tous les pays européens, requiert de repenser l’ensemble du système, et pas uniquement du point de vue organisationnel: il faut aussi faire germer de nouvelles idées et concevoir de nouveaux modèles d’entreprise.

2.2.9.

Les systèmes de protection civile n’ont pas permis de faire face à la crise dans tous les pays. Au contraire, en de nombreux endroits, ces systèmes ont été défaillants: il s’est avéré que ni les gouvernements centraux, ni les municipalités, ni les citoyens n’étaient préparés aux situations d’urgence, tandis que les réactions ont souvent été lentes et coûteuses, voire déconcertantes dans certains cas.

2.2.10.

Il est apparu que dans quelques domaines, l’Europe est dépendante de pays tiers, ce qui nécessite de repenser certains fondements de l’Union européenne, laquelle doit faire preuve d’une capacité de réaction et de réorganisation. Il conviendra d’accorder une attention particulière aux marchés publics locaux, régionaux et nationaux, ainsi qu’au soutien des fournisseurs locaux: les marchés publics doivent devenir une garantie de sécurité économique.

2.2.11.

La standardisation dictée par le marché, appliquée non seulement aux produits mais aussi aux services, joue un rôle important dans le modèle de la «nouvelle approche».

2.2.12.

Il conviendrait d’analyser avec précision la nécessité, l’efficacité et l’incidence des mesures à prendre, de sorte que la réglementation des services s’accompagne d’une différenciation claire entre les services pertinents pour le marché intérieur et les autres services.

2.2.13.

Le CESE partage l’avis de la Commission sur l’importance de toute mesure visant à promouvoir l’élaboration, la mise en œuvre et le respect du droit de l’Union dans le marché intérieur. Des domaines tels que les biens et les services, les marchés publics, la surveillance du marché, le droit des sociétés, le droit contractuel et extracontractuel, la lutte contre le blanchiment de capitaux, la libre circulation des capitaux, les services financiers, la concurrence et le développement d’outils de gouvernance exigent de toute urgence la création d’un marché intérieur qui respecte les droits des citoyens, des producteurs, des travailleurs et des consommateurs, sans pour autant remettre en cause une activité économique équilibrée.

2.2.14.

Le CESE plaide en faveur d’un marché unique équitable qui tienne compte de la nécessité de respecter les normes relatives au travail, aux consommateurs et à l’environnement, conformément à la nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe (6) proposée récemment et aux principes du programme de la Commission sur l’économie circulaire. Le Comité a déjà marqué son plein accord avec ces principes, et estime que l’Europe doit jouer un rôle moteur dans ce domaine.

2.2.15.

Le CESE approuve la décision de créer une task-force chargée du respect des règles du marché unique (Single Market Enforcement Task-Force — SMET), composée de représentants des États membres et de la Commission, conformément aux propositions et aux recommandations formulées par le Comité à plusieurs reprises (7).

2.2.16.

Le CESE souligne l’importance de lutter contre chaque cas de surréglementation et d’application non conforme de la législation, qui ont si souvent porté atteinte au fonctionnement normal du marché. Le CESE demande avec insistance à être représenté au sein de la task-force dont il est question, à tout le moins en qualité d’observateur.

2.2.17.

Comme il l’a déjà indiqué précédemment dans plusieurs avis (8), le CESE partage l’avis de la Commission concernant le recensement des risques et les retards accumulés dans l’achèvement du marché unique, liés à la fragmentation du marché, aux divergences entre règles applicables, à l’incertitude concernant la confidentialité des données, à un usage peu scrupuleux et pas toujours maîtrisable des réseaux informatiques, et à la disponibilité en ligne de services illicites, principalement en raison de l’application défaillante de la législation due à l’absence de fiscalisation et de sanctions de la part des services concernés de la Commission. Le CESE recommande que ces problèmes soient abordés dans le cadre d’une approche transversale par les différentes directions générales de la Commission.

2.2.18.

Le CESE déplore que la législation de l’Union ne soit toujours pas appliquée effectivement. Il convient de reconnaître aux citoyens européens, sans ambiguïté et sans atermoiements, le droit de mener des actions collectives efficaces au niveau européen, ce qui contribuerait grandement à asseoir, en dernier recours, l’obligation de rendre des comptes en cas de non-respect des règles européennes et participerait ainsi au respect volontaire de celles-ci (9).

2.2.19.

Le CESE fait observer que très souvent, ce sont les États membres qui enfreignent les règles du marché unique dont ils ont convenu, ou qui créent et tolèrent des obstacles dans le droit national, dans le but d’instaurer une protection supplémentaire sur leur marché et d’en tirer des avantages pour les entreprises nationales. Il s’agit souvent de bénéfices à très court terme, mais dont les répercussions sont préjudiciables pour les PME et les start-up, ainsi que les citoyens et les consommateurs, qui sont exposés aux risques résultant de produits non conformes ou bénéficient d’un moindre choix.

2.2.20.

C’est la raison pour laquelle le CESE soutient la demande adressée par la Commission au Parlement européen et au Conseil, les invitant à adopter la proposition de directive relative à la notification des règles nationales dans le cadre de la directive sur les services (10). Cet accord ne devrait toutefois pas porter atteinte à la directive sur les services en vigueur en prévoyant des dérogations à l’obligation de notification en ce qui concerne les restrictions territoriales (y compris l’aménagement de l’espace urbain) ou en privant la Commission de ses pouvoirs décisionnels actuels.

2.3.   Observations particulières

2.3.1.

La taille du marché unique permet à l’Union de développer un système commercial multilatéral, ouvert, non discriminatoire et reposant sur des règles. Les entreprises des pays tiers doivent se conformer à la législation de l’Union pour accéder au marché unique, y compris dans les domaines de la santé, de l’environnement, de la sécurité alimentaire et des produits, et de la protection des consommateurs.

2.3.2.

Le CESE salue l’approche de la Commission consistant à combiner, afin de promouvoir le développement d’un marché unique, des instruments existants à de nouveaux instruments (tels qu’un point d’information central sur les questions pratiques que se posent les fonctionnaires des États membres, des plateformes d’échange avec les États membres, telles que celle utilisée pour les directives sur les marchés publics, ou un meilleur accès aux informations sur les règles et exigences pour les utilisateurs grâce au portail numérique unique).

2.3.3.

Le CESE recommande à la Commission d’ajouter des orientations en relation avec les principes suivants:

a)

la subsidiarité et la «double subsidiarité»;

b)

la reconnaissance mutuelle;

c)

l’innovation et la précaution;

d)

l’intérêt général en ce qui concerne certains services (par exemple, la banque et l’assurance).

2.3.4.

Le CESE approuve la décision d’accorder une attention particulière aux marchés publics. Les administrations et les bénéficiaires de fonds de l’Union doivent être aidés à améliorer leurs pratiques en matière de marchés publics pour garantir des conditions de concurrence équitables et afin que les marchés publics puissent être utilisés comme un outil stratégique pour atteindre des objectifs politiques fondamentaux tels que les principes de l’économie circulaire.

3.   À propos de la communication «Recenser et identifier les obstacles au marché unique» [COM(2020) 93 final] — INT/908

3.1.   Obstacles au marché unique

3.1.1.

La communication de la Commission relative au recensement et à la suppression des obstacles au marché unique se concentre sur 13 barrières principales, et démontre qu’elles sont de nature non seulement réglementaire ou administrative, mais aussi pratique. Les entreprises et les consommateurs se heurtent souvent de façon simultanée à plusieurs contraintes dans le cadre de leurs activités au sein de l’Union. Cela concerne en particulier les petites et moyennes entreprises (PME), les professionnels et les consommateurs.

3.1.2.

Pour pouvoir proposer des pistes au niveau de l’Union et des États membres, la communication définit cinq grandes causes profondes à l’origine de ces barrières, à savoir les choix réglementaires à l’échelle de l’Union et à l’échelle nationale, la transposition, la mise en œuvre et le respect de la législation, les capacités et pratiques administratives des États membres, l’environnement général des entreprises et des consommateurs, ainsi que des causes profondes sans rapport avec la politique publique, comme la langue et la culture.

3.1.3.

Il semble que, parfois, les États membres enfreignent les règles du marché unique dont ils ont convenu, ou créent et tolèrent des obstacles dans le droit national, dans le but d’instaurer une protection supplémentaire sur leur marché et d’en tirer des avantages pour les entreprises nationales.

3.2.   Observations générales

3.2.1.

Le CESE prend note que la communication de la Commission recense les principaux obstacles entravant encore la réalisation d’un véritable marché unique. Ces barrières sont non seulement de nature réglementaire ou administrative, mais aussi pratique, ce qui signifie que les entreprises et les consommateurs se heurtent souvent de façon simultanée à plusieurs contraintes dans le cadre de leurs activités au sein de l’Union. Cette situation a une incidence négative sur les PME et les professionnels libéraux en particulier.

3.2.2.

Le CESE est d’avis qu’une stratégie de mise en œuvre efficace doit: 1) reposer sur un partenariat solide associant toutes les parties prenantes; 2) permettre une coopération accrue au niveau européen entre les réseaux existants d’application de la législation de manière à pouvoir s’attaquer aux infractions et aux problèmes complexes qui touchent plusieurs secteurs simultanément; 3) élaborer des stratégies et des moyens permettant de combattre efficacement les infractions de grande ampleur aux règles de l’Union, de manière à ce qu’une seule mesure d’application puisse être prise pour protéger toutes les parties concernées et garantir l’application transnationale de la législation; 4) utiliser le potentiel des nouvelles technologies pour promouvoir des mesures d’application plus efficaces et une surveillance plus étroite du marché.

3.2.3.

Le CESE estime que pendant trop longtemps, l’application insuffisante ou inadéquate des règles de l’Union a été le talon d’Achille du droit de l’Union et que, par conséquent, de nombreux cas de fraude et de pratiques illicites n’ont fait l’objet d’aucune mesure. Une application rigoureuse du droit de l’Union est essentielle pour gagner la confiance des consommateurs et veiller à ce que les entreprises, les travailleurs et les consommateurs puissent exploiter pleinement le potentiel du marché unique.

3.2.4.

Les dommages causés au marché unique par la crise de la COVID-19 amplifieront ceux provoqués par le retrait britannique de l’Union. Cela pourrait signifier qu’une fois passée la pandémie, les différences de développement économique, de protection sociale et de prospérité entre les États membres de l’Union augmenteront, ce qui aura des conséquences pour le marché unique et son expansion.

3.2.5.

Le CESE considère que le contexte actuel tend à ramener de plus en plus le marché intérieur à une simple zone de libre-échange, celui-ci ne s’envisageant plus comme le prolongement naturel d’un projet politique de nature supranationale mais comme le plus petit dénominateur commun des intérêts nationaux.

3.2.6.

Le CESE demande dès lors aux institutions et organisations de la société civile européennes qui sont concernées d’informer clairement les citoyens européens des limites du marché unique, de sorte qu’ils aient une vision réaliste de ce qu’ils peuvent concrètement escompter de sa mise en œuvre et du contrôle de l’application de ses règles. Par conséquent, il importe de n’imposer ni des mesures superflues et injustifiées, qui ne font en réalité qu’entraver le fonctionnement des entreprises, en particulier des PME (11), y compris les professions libérales, ni d’harmonisation complète, qui n’est pas défendable étant donné que d’autres principes doivent prévaloir, par exemple les droits et la protection des consommateurs. Le marché unique doit garantir le credo de «la force dans la diversité», qui devrait jouer un rôle central dans la politique européenne en la matière, au même titre que les questions d’harmonisation.

3.2.7.

La standardisation, appliquée non seulement aux produits mais aussi aux services, joue un rôle important dans le modèle de la «nouvelle approche».

3.2.8.

Un plan à long terme tel que celui préparé par la Commission, visant à supprimer les derniers obstacles, est une entreprise ambitieuse et louable, mais devrait s’accompagner d’un investissement important dans les processus d’information, d’alerte, d’apprentissage, de formation, d’intégration et de normalisation.

3.3.   La dimension sociale du marché unique

3.3.1.

Le CESE invite une nouvelle fois la Commission à prendre en compte la dimension sociale de l’Union, dans le but de promouvoir la création d’emplois véritables et de bonne qualité, de promouvoir la mobilité transfrontalière, d’améliorer les aptitudes et les compétences, et d’accroître les investissements dans les PME qui estiment être particulièrement limitées par les règles imposées par l’Union et retirer le moins de bénéfices d’un statu quo. Le CESE se félicite par conséquent de l’adoption d’une stratégie axée sur les PME pour une Europe durable et numérique.

3.3.2.

Le CESE est d’avis que les règles établies pour le marché unique ne sont utiles que dans la mesure où elles permettront le développement d’une économie sociale de marché saine afin de prévenir la pauvreté, les inégalités, la discrimination et l’exclusion sociale, en mettant particulièrement l’accent sur l’inclusion des jeunes dans la société.

3.3.3.

Les PME et des salariés, dans leur grande majorité, ont l’impression d’avoir été les principales victimes des crises économiques et de l’introduction de l’euro et d’être aujourd’hui les plus touchés par la récession de l’économie européenne induite par la très grave pandémie actuelle. Cela signifie que toute mesure en faveur d’un marché unique européen doit s’accompagner d’une communication plus simple, plus directe et plus efficace, d’une débureaucratisation et de règles écrites de manière compréhensible pour tous.

3.3.4.

Le CESE demande également que les futures mesures pour une économie verte et le plan d’action de la Commission en faveur du marché unique prévoient des règles relatives au secteur de l’économie sociale, de manière à garantir des conditions de concurrence équitables pour les entreprises de ce secteur et à en favoriser le développement.

3.3.5.

L’aide destinée aux jeunes entrepreneurs et aux produits et services innovants est un élément clé du programme pour la réalisation du marché unique. Le CESE se félicite de la décision de soutenir de nouveaux modèles d’entreprise, notamment l’économie circulaire, des technologies de pointe, des solutions sobres en carbone et efficaces dans l’utilisation des ressources et d’autres initiatives visant par exemple à promouvoir l’internationalisation des entreprises, à attirer des talents et à améliorer les compétences de la main-d’œuvre.

3.3.6.

Le CESE souscrit à l’idée de soutenir les PME qui investissent dans des projets numériques. Ces derniers devraient être conçus de manière à bénéficier aux entreprises, aux consommateurs et à la société civile dans son ensemble.

3.4.   Observations particulières

3.4.1.

Le CESE souligne les difficultés rencontrées par les entreprises européennes sur les marchés mondiaux face à des oligopoles et des monopoles, qui dans certains cas sont détenus par des États. L’on peut citer les exemples, entre autres, des secteurs ferroviaires, du transport aérien et des éoliennes, où les entreprises européennes sont confrontées à une concurrence féroce (de la part d’entreprises de pays tiers, notamment chinoises).

3.4.2.

Le CESE soutient la Commission dans sa lutte pour la conformité des produits par l’intermédiaire de plateformes en ligne, de manière à ce qu’aucun produit illégal ou dangereux ne soit mis sur le marché. Il souligne l’importance de toute activité visant à vérifier la conformité des produits vendus sur les plateformes en ligne et à tenter d’assurer la sécurité des produits au sein de la chaîne mondiale d’approvisionnement en ligne.

3.4.3.

Toutefois, le CESE recommanderait à la Commission d’examiner également, dans le cadre de cet exercice, des questions telles que l’intelligence artificielle, les communications commerciales, le marketing et la publicité, les garanties juridiques et contractuelles dans la vente de biens et de services, ainsi que des dispositions spécifiques concernant la mise en œuvre et le respect des règles du marché intérieur dans les secteurs de la banque et de l’assurance.

Bruxelles, le 16 juillet 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  COM(2020) 94 final.

(2)  COM(2020) 93 final.

(3)  JO L 173 du 9.7.2018, p. 25.

(4)  COM(2016) 821 final.

(5)  JO L 173 du 9.7.2018, p. 25.

(6)  COM(2020) 102 final.

(7)  Voir JO C 43 du 15.2.2012, p. 14, et les autres avis cités précédemment.

(8)  Voir liste en annexe.

(9)  Le CESE a consacré plusieurs avis à cette question, notamment les suivants: JO C 309 du 16.12.2006, p. 1, JO C 324 du 30.12.2006, p. 1, JO C 162 du 25.6.2008, p. 1, JO C 228 du 22.9.2009, p. 40, et JO C 128 du 18.5.2010, p. 97.

(10)  COM(2016) 821 final.

(11)  JO C 376 du 22.12.2011, p. 51.


28.10.2020   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 364/124


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — L’heure de l’Europe: réparer les dommages et préparer l’avenir pour la prochaine génération»

[COM(2020) 456 final]

la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Le budget de l’Union: moteur du plan de relance pour l’Europe»

[COM(2020) 442 final]

la «Proposition de règlement du Conseil établissant un instrument de l’Union européenne pour la relance en vue de soutenir la reprise à l’issue de la pandémie de COVID-19»

[COM(2020) 441 final/2 — 2020/0111 (NLE)]

la «Proposition modifiée de règlement du Conseil fixant le cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027»

[COM(2020) 443 final — 2018/0166 (APP)]

la «Proposition modifiée de décision du Conseil relative au système des ressources propres de l’Union européenne»

[COM(2020) 445 final — 2018/0135 (CNS)]

la «Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (UE, Euratom) no 1311/2013 du Conseil fixant le cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020»

[COM(2020) 446 final — 2020/0109 (APP)]

et la «Proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil portant établissement du programme-cadre pour la recherche et l’innovation “Horizon Europe” et définissant ses règles de participation et de diffusion, décision du Parlement européen et du Conseil établissant le programme spécifique d’exécution du programme-cadre pour la recherche et l’innovation “Horizon Europe”, règlement du Parlement européen et du Conseil établissant l’instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale, règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des règles régissant l’aide aux plans stratégiques devant être établis par les États membres dans le cadre de la politique agricole commune (les “plans stratégiques relevant de la PAC”) et financés par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), et abrogeant le règlement (UE) no 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil et le règlement (UE) no 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil»

[COM(2020) 459 final — 2018/0224 (COD)]

(2020/C 364/17)

Rapporteur général:

Petru Sorin DANDEA

Rapporteur général:

Tommaso DI FAZIO

Rapporteur général:

Petr ZAHRADNÍK

Consultations

Parlement européen, 17.6.2020 [COM(2020) 459 final — 2018/0224 (COD)]

Conseil de l’Union européenne, 10.6.2020 [COM(2020) 459 final — 2018/0224 (COD)]

Commission européenne, 17.6.2020:

COM(2020) 441 final/2 — 2020/0111 (NLE)

COM(2020) 442 final

COM(2020) 443 final — 2018/0166 (APP)

Commission européenne, 2.7.2020:

COM(2020) 445 final — 2018/0135 (CNS)

COM(2020) 446 final — 2020/0109 (APP)

COM(2020) 456 final

Base juridique

Article 43, paragraphe 2, article 173, paragraphe 3, article 182, paragraphe 1, article 188 et article 304 du TFUE

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Décision du bureau

9.6.2020

Adoption en session plénière

16.7.2020

Session plénière no

553

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

206/4/5

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE est conscient des graves conséquences économiques et sociales de la pandémie de COVID-19 pour tous les États membres. C’est la raison pour laquelle il soutient fermement la proposition de la Commission visant à établir l’instrument «Next Generation EU» en tant qu’outil spécifique en faveur d’une relance rapide et efficace. La Commission a tenu compte des asymétries économiques et sociales causées par les mesures adoptées après la crise de 2008 et a fondé ses actions sur le principe de solidarité entre tous les pays, sans exclusion. Elle revient aux valeurs fondatrices de l’Union européenne, telles qu’inscrites dans le traité fondateur, qu’elle met en œuvre avec détermination.

1.2.

Le CESE a bien conscience que la pandémie a plongé l’économie dans une situation grave et exceptionnelle et marque son accord avec le train de mesures adopté pour en atténuer les effets négatifs sur la performance économique. La pandémie a eu de multiples conséquences, y compris non seulement un choc sans précédent sur le front de la demande et une moindre liquidité, mais aussi une suspension des chaînes d’approvisionnement et de graves problèmes du côté de l’offre, où les chaînes d’approvisionnement ont été interrompues et de nombreuses entreprises ont rencontré des problèmes sur le plan notamment des composants, de la main-d’œuvre ou des matières premières, les contraignant à arrêter leurs processus de production. En ce sens, les mesures prévues se doivent également d’être exceptionnelles, et le CESE demande qu’elles revêtent un caractère très complet.

1.3.

Le CESE se félicite dès lors de la décision de doter l’Union d’un instrument financier substantiel permettant à tous les États membres de mener rapidement et efficacement à bien leur redressement économique et social. Il accueille en outre favorablement la décision de la Commission de doter le fonds extraordinaire en faveur de la relance de tout ce qui est nécessaire pour redynamiser l’économie de l’Union et pour réaffirmer sa position concurrentielle sur la scène mondiale, de même que les réalisations sociales qui constituent sa marque de fabrique et doivent également rester un objectif essentiel.

1.4.

Le CESE perçoit de manière extrêmement favorable les deux principales décisions de la Commission. La première consiste à introduire un instrument financier extraordinaire en faveur de la relance dans le cadre financier pluriannuel (CFP). Le CFP est un instrument dont les modalités d’application sont acceptées par l’ensemble des États membres, qui fonctionne correctement depuis longtemps et qui est donc pleinement opérationnel. La deuxième grande décision consiste à contracter une dette commune, qui sera remboursée à longue échéance, et à éviter que la charge financière extraordinaire ne pèse directement à court terme sur les États membres qui, sans exception, souffrent tous à des degrés divers des effets économiques et sociaux négatifs de la pandémie.

1.5.

Cette deuxième décision a conduit la Commission à demander l’autorisation de bénéficier de la notation de crédit élevée de l’Union européenne sur le marché financier de façon à lever, en tranches successives, des emprunts européens communs à très long terme présentant des taux d’intérêt faibles pour tous les États membres. L’effort financier doit contribuer à relancer l’économie européenne dans les meilleurs délais, à rétablir la confiance et à construire une Union plus durable et plus équitable.

1.6.

Le CESE accueille favorablement les deux grandes décisions adoptées car, comme indiqué à plusieurs reprises dans les documents législatifs et non législatifs qui ont été présentés, les économies des États membres ne peuvent plus résister seules aux effets négatifs de la crise en raison de leur forte interdépendance, fruit des nombreuses années de consolidation du marché unique, qui a eu l’effet positif désiré par les pères de l’Union et visé par les traités fondateurs.

1.7.

Globalement, dans le contexte plus large du CFP dans son ensemble, le programme «Next Generation EU» montre comment mobiliser et utiliser à l’avenir les ressources financières communes de l’Union. En outre, si le montant total de 750 milliards d’EUR peut sembler gigantesque, il n’excède certainement pas les moyens économiques dont dispose l’Union (il représente à peine 4,1 % de son PIB de 2019) et peut être remboursé intégralement jusqu’en 2058.

1.8.

Le CESE apprécie l’approche innovante et originale qu’adopte la Commission européenne pour relever l’assiette fiscale de l’Union, qui passe de 1,1 % de son PIB à environ 1,7 % en termes comparables, voire plus si nécessaire à l’avenir. Il considère que cette réponse montre comment mobiliser et utiliser d’une façon moderne à l’avenir les ressources financières communes de l’Union.

1.9.

Le CESE se félicite vivement du fait que l’instrument nouvellement proposé devrait être étroitement coordonné avec le processus du Semestre européen, qui a démontré sa viabilité, et soutient la proposition visant à ce que les États membres précisent leurs besoins dans des plans nationaux pour la reprise et la résilience.

1.10.

Le CESE accueille favorablement la proposition de la Commission relative à un budget de l’Union qui vise à introduire de nouvelles ressources propres véritables fondées sur différentes taxes (recettes du système d’échange de quotas d’émission de l’Union, fiscalité numérique, revenus des grandes entreprises). Il souligne en particulier que l’énorme soutien financier dont ont besoin les États membres de l’Union pour surmonter la crise économique devrait s’accompagner d’un projet de réforme fiscale plus ambitieux — une union fiscale — visant à mettre en place un régime fiscal harmonisé fondé sur les principes de concurrence équitable et de solidarité, et à éviter les distorsions et discriminations qui se produisent dans les pays de l’Union, qui ont conduit à des comportements opportunistes parmi les États et les contribuables et ont porté atteinte à l’unité du marché unique.

1.11.

Le CESE invite la Commission européenne à élaborer un document de référence consensuel et bénéficiant d’un large soutien concernant les ressources financières propres de l’Union; il a conscience que le remboursement des sommes liées à l’instrument «Next Generation EU» s’inscrit dans le long terme, mais la solution définitive relative aux ressources propres doit être adoptée bien avant cette échéance.

1.12.

Le CESE demande instamment que les mesures proposées par la Commission soient rendues opérationnelles le plus rapidement possible, le facteur temps étant essentiel. Il invite par conséquent le Conseil à dégager sans délai un consensus en persuadant les États membres qui s’opposent actuellement au plan de la valeur de l’unité et de la cohésion en cette période difficile et en leur rappelant que tous les pays, sans exception, sont économiquement et socialement interdépendants.

1.13.

Enfin, le CESE tient à souligner que la crise a une nouvelle fois accentué la nécessité d’accélérer les réformes entreprises pour la zone euro et de surmonter les obstacles qui empêchent encore une véritable intégration économique, sociale, budgétaire et politique. Il s’agit d’un point que le Comité avait déjà mis en avant lors de la précédente crise financière qui a éclaté en 2008.

2.   Résumé de la proposition de la Commission

2.1.

En réponse à la pandémie de COVID-19 et à ses conséquences économiques et sociales immédiates, la Commission européenne a proposé, le 27 juin 2020, un instrument temporaire de relance doté de 750 milliards d’EUR appelé «Next Generation EU», afin de renforcer la capacité financière du budget de l’Union.

2.2.

L’instrument de relance s’inscrit dans un cadre financier pluriannuel renforcé pour la période 2021-2027, afin d’orienter rapidement les investissements vers les domaines où la nécessité s’en fait le plus sentir, de renforcer le marché unique, d’intensifier la coopération dans des domaines tels que la santé et la gestion des crises, et de doter l’Union d’un budget à long terme pour stimuler la transition écologique ainsi que la transition numérique et construire une économie plus équitable et plus résiliente.

2.3.

Le plan de relance consiste en un volet «subventions» de 440 milliards d’EUR qui sera réparti entre toutes les rubriques du budget. En outre, 60 milliards d’EUR seront fournis sous forme de garanties. Quelque 250 milliards d’EUR seront accordés aux États membres sous forme de prêts.

2.4.

Afin de financer les mesures de reprise proposées, la Commission empruntera jusqu’à 750 milliards d’EUR sur les marchés financiers au nom de l’Union, destinés à des mesures de reprise pour la période 2021-2024.

2.5.

Pour que cela soit possible, la Commission utilisera la marge de manœuvre budgétaire, à savoir la différence entre le plafond des ressources propres du budget à long terme (le montant maximal de fonds que l’Union peut demander aux États membres pour couvrir ses obligations financières) et le plafond des dépenses réelles (plafond des paiements au titre du CFP).

2.6.

Le plafond des ressources propres sera relevé à titre exceptionnel et temporaire de 0,6 point de pourcentage. Ce relèvement viendra s’ajouter au plafond permanent des ressources propres — 1,4 % du revenu national brut de l’Union, proposé au regard des incertitudes économiques et du Brexit. Le relèvement de 0,6 point de pourcentage expirera lorsque tous les fonds auront été remboursés et lorsque toutes les responsabilités financières auront pris fin.

2.7.

Avec la marge de manœuvre budgétaire de l’Union comme garantie, l’Union sera en mesure d’émettre de la dette à des conditions relativement avantageuses par rapport à de nombreux États membres. Les fonds levés seront remboursés à partir des budgets futurs de l’Union démarrant après 2027 et au plus tard pour 2058. Les prêts seront remboursés par les États membres emprunteurs.

2.8.

Étant donné que le volet «prêts» se compose de 250 milliards d’EUR, l’Union doit collectivement rembourser 500 milliards d’EUR par l’intermédiaire du mécanisme des ressources propres (elle serait toutefois responsable également des défauts de paiement des États membres pour les 250 milliards d’EUR restants).

2.9.

Afin de faciliter le remboursement des financements levés sur le marché et de contribuer à réduire encore la pression sur les budgets nationaux, la Commission proposera de nouvelles ressources propres supplémentaires, outre celles déjà proposées, à un stade ultérieur de la période financière 2021-2027. Elles seront étroitement liées aux priorités de l’Union (changement climatique, économie circulaire et fiscalité équitable).

2.10.

L’utilisation des fonds du train de mesures pour la relance repose sur trois piliers.

2.10.1.

PILIER 1 — Aider les États membres à se remettre de la crise, à réparer les conséquences de cette dernière et à en sortir plus forts. Ce pilier comprend un ensemble d’instruments destinés à soutenir les investissements et les réformes dans les États membres, en mettant l’accent là où les répercussions de la crise se font le plus sentir et où les besoins en termes de résilience sont les plus pressants:

une nouvelle facilité pour la reprise et la résilience, dotée de 560 milliards d’EUR, à utiliser pour des investissements et des réformes favorisant la reprise et la résilience,

l’initiative REACT-EU, qui allouera 55 milliards d’EUR de fonds supplémentaires au titre de la politique de cohésion d’ici à 2022,

des modifications apportées au Fonds social européen plus,

une proposition visant à renforcer le Fonds pour une transition juste jusqu’à hauteur de 40 milliards d’EUR,

une proposition visant à renforcer le budget du Fonds européen agricole pour le développement rural de 15 milliards d’EUR.

2.10.2.

PILIER 2 — Coup de fouet à l’économie et aide aux investissements privés pour se remettre sur les rails:

un nouvel instrument de soutien à la solvabilité, qui utilisera la garantie du budget de l’Union pour mobiliser des ressources privées afin de soutenir en urgence les fonds propres d’entreprises européennes viables appartenant à tous les secteurs économiques,

un programme InvestEU renforcé, qui est le mieux à même de mobiliser les investissements et de soutenir les politiques de l’Union durant la période de reprise dans des domaines comme les infrastructures durables, l’innovation et la numérisation,

au sein d’InvestEU, création proposée par la Commission d’une facilité d’investissement stratégique destinée à renforcer la résilience de l’Europe par la mise en place d’une autonomie stratégique dans les chaînes d’approvisionnement essentielles au niveau européen.

2.10.3.

PILIER 3— Tirer les leçons de la crise et relever les défis stratégiques auxquels l’Europe est confrontée:

un nouveau programme de santé, «L’Union pour la santé», de 9,4 milliards d’EUR pour faire en sorte que l’Union dispose des capacités critiques pour réagir rapidement face aux crises futures,

un montant supplémentaire de 2 milliards d’EUR pour rescEU, le mécanisme de protection civile de l’Union,

une augmentation du budget d’Horizon Europe jusqu’à 94,4 milliards d’EUR,

une enveloppe complémentaire portant à 86 milliards d’EUR l’instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale, via une nouvelle garantie pour l’action extérieure, et un montant supplémentaire de 1 milliard d’EUR destiné au Fonds européen pour le développement durable,

une augmentation de 5 milliards d’EUR de la dotation de l’instrument d’aide humanitaire.

2.11.

Outre les mesures de renforcement financées dans le cadre de «Next Generation EU», la Commission propose de renforcer d’autres programmes pour leur permettre de jouer pleinement leur rôle en vue d’accroître la résilience de l’Union et de relever les défis qui ont été exacerbés par la pandémie et ses conséquences:

le programme pour une Europe numérique, le mécanisme pour l’interconnexion en Europe, le programme en faveur du marché unique et les programmes de soutien à la coopération dans les domaines de la fiscalité et des douanes, le programme Erasmus Plus, le programme Europe créative, la politique agricole commune et le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, le Fonds «Asile et migration» et le Fonds pour la gestion intégrée des frontières, le Fonds pour la sécurité intérieure, ainsi que l’aide de préadhésion octroyée par l’Union.

2.12.

Le Fonds pour la relance est intégré à la structure budgétaire de l’Union. En conséquence, le décaissement nécessitera une programmation et est lié au Semestre européen (et donc à la conditionnalité macroéconomique). Il est également associé aux systèmes de gestion et de contrôle budgétaires de la Commission européenne et est soumis au contrôle budgétaire du Parlement européen.

2.13.

Pour combler la période de transition jusqu’à la ratification de la décision modifiée relative aux ressources propres, et faire en sorte que les financements bien nécessaires bénéficient aux travailleurs, aux entreprises et aux États membres dès 2020, la Commission propose également d’adapter l’actuel budget à long terme pour la période 2014-2020 afin d’autoriser des dépenses plus élevées, encore en 2020.

2.14.

Le pacte vert pour l’Europe — notamment le mécanisme pour une transition juste proposé en janvier — et les stratégies numériques et industrielles de l’Union, qui constituent la stratégie de croissance de l’Union, sont essentiels à sa relance durable et continuent d’être au cœur des propositions faites par la Commission, étant donné qu’ils sont primordiaux pour faire avancer notre économie et préparer l’avenir pour la nouvelle génération. Il conviendra donc de prévoir dans tous les plans nationaux pour la reprise et la résilience des investissements et des réformes propices à cette transition écologique et numérique.

2.15.

Bien qu’en mai 2018, la Commission ait proposé de supprimer toutes les corrections apportées au volet «recettes» (rabais), elle estime aujourd’hui, compte tenu des conséquences économiques de la pandémie de COVID-19, que la suppression progressive des rabais et le plan de relance pourraient entraîner des augmentations disproportionnées des contributions de certains États membres au prochain budget à long terme. Pour éviter cela, la Commission propose que les rabais actuels soient supprimés progressivement sur une période beaucoup plus longue.

2.16.

La proposition de règlement de la Commission sur la protection du budget de l’Union en cas de défaillances généralisées de l’état de droit reste un élément essentiel du train de mesures en faveur de la relance.

3.   Observations générales

3.1.

En ce qui concerne la présentation du plan de relance effectuée le 27 mai 2020 par Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, devant le Parlement européen, le CESE apprécie tout particulièrement les motivations profondes et pleines de sens qui ont conduit à l’adoption de l’instrument «Next Generation EU», motivations qu’il partage par ailleurs. Cet instrument constitue un pacte équitable entre les générations, qui créera une Union européenne plus forte et tournée vers l’avenir. Il offrira les outils nécessaires pour rendre l’Union plus solide et plus solidaire, afin que les générations futures puissent en tirer le meilleur parti au lieu d’hériter simplement du poids de la dette à très long terme contractée aujourd’hui.

3.2.

Le CESE considère la proposition comme extraordinaire, et même révolutionnaire, compte tenu notamment des éléments suivants:

pour la première fois, les ressources budgétaires de l’Union intégreront une dette implicite, qui sera remboursable au cours des 30 années à venir,

pour la première fois, des ressources seraient empruntées sur les marchés financiers et la solution serait soumise à l’épreuve des marchés; durant cette période, le montant total serait garanti par l’Union dans son ensemble,

la solution pourrait entraîner une augmentation future des ressources propres de l’Union et une réduction correspondante de sa dépendance directe à l’égard des contributions des États membres,

elle élargirait également la base financière de l’Union, qui passerait de 1,1 % du PIB de l’Union actuellement à environ 1,7 % en termes comparables,

la solution apporte une aide extrêmement précieuse, non seulement à ceux qui sont directement touchés par la pandémie, mais aussi à ceux qui ont besoin d’aide pour mener leurs réformes structurelles,

la proposition repose très largement sur l’utilisation des instruments financiers, ce qui garantira une redistribution plus efficace des ressources.

3.3.

Il est nécessaire à ce stade d’éviter des répercussions négatives réciproques, en faisant preuve de solidarité avec les pays les plus touchés par la pandémie et/ou avec les économies qui sont plus faibles en raison des limites et déséquilibres actuels de la zone euro.

3.4.

Le CESE prend acte de l’annonce du programme «Next Generation EU», ainsi que de la proposition formulée dans la proposition modifiée de CFP 2021-2027 visant à accroître l’assiette fiscale (budgétaire) de l’Union et à l’adapter aux besoins urgents actuels. Les mesures fiscales proposées complètent également les démarches qui ont déjà été entreprises dans le cadre des politiques monétaire et structurelle ainsi que dans les cadres réglementaires.

3.5.

Dans de nombreux avis antérieurs, et notamment son avis de 2018 sur le CFP 2021-2027, le CESE a plaidé en faveur d’un solide budget de l’Union et de ressources financières qui permettent à l’Union de concrétiser de manière crédible ses priorités politiques (1).

3.6.

En ce qui concerne le financement du budget de l’Union, le CESE et le Parlement européen réclament depuis longtemps un volume suffisamment important de ressources propres autonomes, transparentes et équitables, ainsi que la fin de la prédominance des contributions fondées sur le RNB. Le Comité soutient les conclusions du groupe de haut niveau sur les ressources propres présidé par Mario Monti (2). Les méthodes de perception des recettes devraient compléter et renforcer les objectifs stratégiques de l’Union. Le CESE se félicite dès lors de la proposition de la Commission visant à créer de véritables ressources propres supplémentaires (3).

3.7.

Le CESE invite la Commission européenne à élaborer un document stratégique de référence et à développer un test de faisabilité concernant les ressources propres. Il a conscience que l’adoption d’une solution définitive prendra un certain temps. Il n’en serait pas moins extrêmement utile de lever l’incertitude actuelle quant à la manière de financer le budget de l’Union. Sans solution, le concept dans son ensemble se révèle très vulnérable.

3.8.

Le CESE prend acte de la proposition formulée par la Commission dans le contexte du plan de relance consistant à étaler sur une période plus longue que celle proposée en 2018 la suppression progressive des rabais actuels pour certains États membres qui sont des contributeurs nets. Il maintient néanmoins la position qu’il a exprimée dans ses récents avis, selon laquelle il convient en définitive de mettre un terme à tous les rabais (4).

3.9.

L’instrument «Next Generation EU» ayant été intégré au budget de l’Union, il se trouve associé au Semestre européen — du point de vue de la conditionnalité — et au système de gestion et de contrôle de la Commission, lequel est également sous le contrôle du Parlement européen. Le CESE souligne que les conflits potentiels entre les États membres et la Commission ou entre la Commission et le Parlement européen pourraient entraîner des retards significatifs dans le versement des fonds.

3.10.

Le CESE est d’avis que les États membres doivent améliorer sensiblement leur capacité de programmation si l’on veut que l’enveloppe supplémentaire de 165 milliards d’EUR soit distribuée au cours des trois premières années du nouveau cadre financier et utilisée de manière efficace. Il recommande également à la Commission d’envisager un assouplissement des règles pour aider les États membres face à la nécessaire augmentation des activités de programmation.

3.11.

Le CESE accueille favorablement la lettre envoyée par les présidents des principaux groupes politiques du Parlement européen, dans laquelle ils encouragent le Conseil européen et le Conseil à trouver rapidement un accord sur la base de la proposition de la Commission. Il souscrit également à la résolution du Parlement du 15 mai 2020, dans laquelle celui-ci préconise un ensemble de mesures de relance de 2 000 milliards d’EUR pour lutter contre les retombées de la COVID-19 (5).

3.12.

Le CESE reconnaît que, s’il est considéré comme une initiative extraordinaire en matière de financement de l’Union, le train de mesures visant à mettre en place un instrument de relance et à adapter le CFP 2021-2027 aux besoins de l’après-COVID-19 est également nécessaire et urgent. Dans les circonstances actuelles, la politique budgétaire de l’Union aurait tout simplement manqué de flexibilité et n’aurait pas permis de soutenir la moindre action susceptible de contribuer de manière visible à surmonter la situation de crise que nous traversons.

3.13.

Le CESE a également conscience que la proposition constitue le meilleur résultat qu’il soit possible d’atteindre dans les circonstances politiques actuelles.

4.   Observations particulières

4.1.

En ce qui concerne la facilité pour la reprise et la résilience, le CESE apprécie vivement le lien proposé avec le processus du Semestre européen ainsi que les plans pour la reprise et la résilience, qui peuvent servir de base et de référence pour le financement.

4.2.

Pour ce qui est de l’initiative REACT-EU, le CESE se félicite non seulement de l’augmentation assez forte de la base de la politique de cohésion, mais aussi des règles de flexibilité exceptionnelles destinées à apporter un soutien important aux secteurs dans le besoin et aux priorités urgentes.

4.3.

Le CESE est également extrêmement favorable à une forte augmentation de la dotation du Fonds pour une transition juste et aux mesures proposées dans les autres piliers du mécanisme pour une transition juste. Le système élaboré peut désormais soutenir plus facilement et plus vigoureusement la transition structurelle vers des activités économiques nouvelles et plus diversifiées, ce qui constitue un élément essentiel du pacte vert pour l’Europe.

4.4.

Pour retrouver la situation économique d’avant la crise, il est primordial de créer des conditions propices aux investissements privés. Le CESE accueille favorablement la proposition de créer un instrument de soutien à la solvabilité, qui devrait aider les entreprises en bonne santé touchées par la pandémie.

4.5.

Le CESE apprécie le contenu du deuxième pilier du programme «Next Generation EU», axé sur le redressement de l’activité d’investissement, qui sera soutenu par des instruments financiers innovants.

4.6.

Le CESE accueille favorablement le contenu du troisième pilier du programme «Next Generation EU», qui porte sur des questions relevant jusqu’ici principalement de la responsabilité des États membres.

4.7.

Le CESE estime que la structure du programme «Next Generation EU» est bien équilibrée et répond aux besoins qui doivent être satisfaits par les ressources communes de l’Union, tout en respectant le principe de subsidiarité.

Bruxelles, le 16 juillet 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  JO C 440 du 6.12.2018, p. 106, JO C 81 du 2.3.2018, p. 131, JO C 75 du 10.3.2017, p. 63, et JO C 34 du 2.2.2017, p. 1.

(2)  Financement futur de l’Union: rapport final et recommandations du groupe de haut niveau sur les ressources propres, décembre 2016, https://ec.europa.eu/budget/mff/hlgor/library/reports-communication/hlgor-report_20170104.pdf

(3)  JO C 440 du 6.12.2018, p. 106, et JO C 81 du 2.3.2018, p. 131.

(4)  JO C 440 du 6.12.2018, p. 106.

(5)  https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2020-0124_FR.html


28.10.2020   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 364/132


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant une facilité pour la reprise et la résilience»

[COM(2020) 408 final — 2020/0104 (COD)]

et la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un instrument d’appui technique»

[COM(2020) 409 final — 2020/0103 (COD)]

(2020/C 364/18)

Rapporteur général:

Dimitris DIMITRIADIS

Consultation

Conseil de l’Union européenne, 10.6.2020

Parlement européen, 17.6.2020

Base juridique

Article 175, paragraphe 3, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

 

 

Adoption en session plénière

16.7.2020

Session plénière no

553

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

208/4/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE accueille favorablement la facilité pour la reprise et la résilience proposée (ci-après «la facilité») (1).

1.2.

Au-delà de sa dimension économique, la proposition de la Commission européenne vise aussi, pour l’essentiel, à promouvoir l’approfondissement et l’unification de la famille européenne, dans la mesure où elle renforce la solidarité et la coopération entre les États membres.

1.3.

La proposition de la Commission européenne est la preuve que, pour autant que la volonté politique soit suffisante, l’Union européenne est capable notamment de gérer des crises majeures avec efficacité, d’apporter des solutions sérieuses et crédibles, et de trouver les compromis réalistes qui s’imposent, contribuant en définitive à promouvoir sensiblement l’idéal européen.

1.4.

Le CESE estime que la facilité devrait soutenir la transition vers la neutralité climatique et l’économie numérique en utilisant les fonds de l’instrument de relance Next Generation EU (2) afin de contribuer à atténuer les effets socio-économiques de la transition dans les régions les plus durement touchées.

1.5.

Au regard de la crise de la COVID-19, la nécessité d’une reprise durable, verte et numérique est devenue encore plus pressante, de même que l’importance d’apporter un soutien aux régions les plus vulnérables.

1.6.

Comme il l’a déjà indiqué clairement, le CESE «est partisan d’un lien fort entre le programme d’appui aux réformes (3) et le Semestre européen» (4). Par conséquent, les plans soumis par les États membres devraient relever les principaux défis recensés dans le cadre du Semestre européen et être harmonisés avec les principes du pacte vert pour l’Europe et de la stratégie numérique.

1.7.

Une coordination rapide et efficace des actions entre la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil européen est nécessaire afin d’éviter des retards susceptibles de compromettre la réalisation des objectifs de la facilité.

1.8.

Une réponse immédiate et complète des États membres est requise, étant donné la brièveté du délai dans lequel les différents plans de projet doivent être élaborés et menés à terme.

1.9.

Le CESE considère qu’il est important que les États membres coopèrent étroitement avec la Commission européenne en vue d’approuver, de suivre et de garantir la bonne exécution des plans de projet soumis dans le cadre de la facilité.

1.10.

Les plans devraient prévoir un soutien financier direct aux petites et moyennes entreprises.

1.11.

Le CESE juge très important que chacune des mesures annoncées, notamment celles visant à apporter un soutien financier, soit accompagnée d’informations claires et lisibles pour les entreprises concernant le type de soutien fourni, les moyens par lesquels une PME peut effectivement accéder aux différents instruments de financement de l’Union existants, les interlocuteurs à contacter au niveau de l’Union en cas de question, les organismes nationaux participant au transit des fonds, les acteurs nationaux auxquels les PME peuvent s’adresser, le rôle des banques nationales et les obligations qui sont les leurs.

1.12.

La soumission, l’approbation, le suivi et l’achèvement des projets pourraient être accélérés en associant activement les sociétés de conseil du secteur privé disposant d’une expérience globale dans les domaines concernés.

1.13.

Le CESE insiste une fois de plus sur la nécessité de partager les bonnes pratiques au sein de l’Union et d’accélérer les processus bureaucratiques concernant l’allocation et le décaissement des fonds disponibles, la Commission européenne apportant le soutien technique nécessaire (5).

1.14.

Le rôle et les points de vue des partenaires sociaux et des organisations de la société civile devraient être intégrés dans les plans soumis par les États membres. Plus particulièrement, le CESE a déjà appelé de ses vœux la reconnaissance d’un rôle plus actif de la société civile organisée «en ce qui concerne l’obtention d’un accord sur le contenu des programmes de réforme entre la vision de la Commission européenne et celle des États membres» (6).

1.15.

L’instrument d’appui technique peut compléter de manière pertinente les trains de mesures proposés par la Commission en vue de faire face aux retombées économiques de la pandémie de COVID-19.

2.   Introduction et observations générales

2.1.

L’objectif de la facilité proposée est de promouvoir la cohésion économique, sociale et territoriale de l’Union en améliorant la capacité de résilience et d’ajustement des États membres, en atténuant les conséquences sociales et économiques de la crise et en soutenant les transitions écologique et numérique en vue de parvenir à une Europe neutre pour le climat d’ici à 2050, contribuant ainsi à rétablir le potentiel de croissance des économies des États membres à la suite de la crise de la COVID-19, à encourager la création d’emplois et à favoriser une croissance durable.

2.2.

La facilité s’articulera autour de l’octroi d’aides financières non remboursables et de prêts destinés à aider les pays, en particulier ceux qui ont un revenu par habitant plus faible et un taux de chômage élevé, à faire face de manière adéquate aux graves conséquences économiques de la pandémie.

2.3.

Les prêts joueront un rôle complémentaire par rapport à l’aide non remboursable et bénéficieront des longues échéances et des taux d’intérêt favorables dont l’Union jouit.

2.4.

La pandémie de COVID-19 qui, au 12 juin 2020, avait déjà coûté la vie à plus de 420 000 personnes (7), est la crise sanitaire mondiale marquante de notre époque. Mais cette pandémie est bien plus qu’une crise sanitaire: elle a eu un impact socio-économique considérable à travers le monde, dont l’ampleur est encore difficile à évaluer. D’après le dernier rapport sur l’économie mondiale publié par la Banque mondiale (Global Economic Prospects, juin 2020), le choc causé par le coronavirus devrait entraîner la récession la plus profonde qu’ait connue le monde depuis la deuxième guerre mondiale.

2.5.

L’économie mondiale devrait se contracter de 5,2 % en 2020, soit environ trois fois plus que lors de la crise financière mondiale de 2008-2009. Parmi les économies avancées, les taux de croissance du PIB réel pour 2020 devraient être respectivement de -6,1 % aux États-Unis et de -9,1 % dans la zone euro. Comme l’indique explicitement le rapport de la Banque mondiale de juin 2020 (8): «Étant donné que plus de 90 % des marchés émergents et des économies en développement devraient connaître une contraction de leur revenu par habitant cette année, l’on peut s’attendre à ce que des millions de personnes retombent dans la pauvreté».

Les répercussions économiques du choc de la COVID-19 sont les suivantes (9):

1)

une augmentation de l’incertitude, entraînant une hausse de l’épargne de précaution;

2)

une baisse de la consommation;

3)

une baisse de l’intérêt porté aux investissements productifs;

4)

une hausse du chômage, dont une partie est susceptible d’être durable;

5)

une diminution du volume des échanges commerciaux mondiaux ainsi que des perturbations importantes des chaînes d’approvisionnement mondiales;

6)

une baisse des prix des produits de base (notamment le prix du pétrole), ce qui rend particulièrement difficile le financement de la balance courante des exportateurs de produits de base traditionnels;

7)

une forte augmentation des primes de risque requises pour la détention d’actifs risqués.

2.6.

Il est désormais de notoriété publique que les mesures susceptibles de contribuer à résoudre la crise sanitaire peuvent aggraver la crise économique et réciproquement. L’aplatissement de la courbe de la pandémie creuse inévitablement celle de la récession macroéconomique et met en péril toutes les chaînes d’approvisionnement, y compris celles qui revêtent une importance cruciale pour la survie des êtres humains (denrées alimentaires et médicaments). Si l’impact de la pandémie continue de croître, des crises financières pourraient suivre, avec pour conséquences un effondrement des prêts, une récession mondiale plus longue et un redressement plus lent. Comme l’indique le rapport Global Economic Prospects publié par la Banque mondiale en juin 2020, «l’augmentation des niveaux d’endettement a rendu le système financier mondial plus vulnérable face aux tensions sur les marchés financiers».

2.7.

Par conséquent, une intervention financière urgente et à grande échelle s’impose afin de limiter les conséquences économiques de la crise récente et de rendre les économies des États membres plus résilientes et mieux préparées pour l’avenir.

2.8.

Les priorités économiques devraient être les suivantes:

1)

il est important de veiller à ce que la main-d’œuvre reste active, même si elle est mise en quarantaine ou contrainte de rester à la maison;

2)

les gouvernements devraient orienter les aides financières vers les institutions publiques et privées qui soutiennent les groupes de population vulnérables;

3)

les PME devraient être protégées contre la faillite (la nécessité d’aider les grandes sociétés non financières avec l’argent du contribuable est beaucoup moins évidente);

4)

des politiques seront nécessaires pour soutenir le système financier alors que les prêts non performants connaissent une augmentation;

5)

il convient d’adopter des trains de mesures budgétaires à la hauteur des pertes de PIB liées à la crise.

2.9.

La Commission propose à présent de déployer un budget européen renforcé afin de contribuer à réparer les dommages économiques et sociaux immédiats causés par la pandémie de COVID-19, à stimuler la relance et à préparer un avenir meilleur pour la prochaine génération. Pour que la reprise soit durable, équilibrée, inclusive et équitable pour tous les États membres, la Commission européenne propose de créer un nouvel instrument de relance, Next Generation EU, qui s’inscrit dans un budget de l’Union à long terme, puissant, moderne et remodelé. L’initiative phare de l’instrument de relance Next Generation EU est la facilité pour la reprise et la résilience (10).

3.   Principes généraux de la facilité pour la reprise et la résilience et de l’instrument d’appui technique

3.1.

Le CESE salue et soutient sans réserve la facilité pour la reprise et la résilience (la facilité) et l’instrument d’appui technique (l’instrument), dont l’objectif est d’offrir un soutien financier à grande échelle aux investissements publics et aux réformes, notamment dans le cadre des transitions verte et numérique, qui devraient non seulement contribuer à rendre les économies des États membres plus résilientes et à mieux les préparer pour l’avenir, mais aussi les aider à surmonter plus rapidement et plus efficacement les conséquences de la pandémie.

3.2.

Le CESE est profondément préoccupé par les répercussions économiques de la pandémie dans les États membres, notamment en ce qui concerne une hausse du taux de chômage, qui dans certains États du sud de l’Union a même atteint un niveau de 33 % parmi les jeunes, et une hausse du taux de pauvreté.

3.3.

Le CESE convient que la pandémie semble être «le pire choc économique depuis la Grande Dépression, s’accompagnant de conséquences dévastatrices pour des millions de nos concitoyens et de nos entreprises, et bien sûr, susceptible d’aggraver encore les divergences économiques et sociales, entraînant le risque d’une grande fragmentation» (11).

3.4.

Le CESE a déjà souligné que l’évolution économique récente «ne s’est pas produite de manière uniforme sur l’ensemble du territoire de l’Union et de la zone euro et que les avancées en matière de convergence restent insatisfaisantes. La question de la durabilité est également un défi de plus en plus complexe pour l’Union» (12).

3.5.

Le CESE estime que «l’intégration européenne se trouve à la croisée des chemins. L’une des leçons de la récente crise économique de longue durée et des profondes cicatrices sociales qu’elle a laissées dans plusieurs États membres est que l’absence de convergence économique et sociale entre les États membres et les régions constitue une menace pour la viabilité politique du projet européen et de tous les avantages qu’il apporte aux citoyens de l’Union» (13).

3.6.

Le CESE est d’avis que «le renforcement de la compétitivité de l’économie européenne, c’est-à-dire sa capacité à accroître sa productivité et son niveau de vie d’une manière durable, tout en devenant neutre pour le climat, notamment grâce à la recherche, au développement et à l’amélioration des compétences de la main-d’œuvre, devrait aller de pair avec ces initiatives» (14).

3.7.

Le CESE estime que «le développement d’une résilience économique et du marché du travail allant de pair avec la durabilité économique, sociale, environnementale et institutionnelle devrait être le principe qui guide les politiques destinées à favoriser la convergence vers le haut et l’équité dans le cadre de la transition vers une économie neutre pour le climat (c’est-à-dire dans laquelle il y a un équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre et leur absorption), tout en gérant les défis posés par la numérisation et l’évolution démographique» (15). En outre, le Comité soutient dès lors l’appel lancé pour que l’Union européenne s’engage à parvenir à la neutralité carbone d’ici 2050 et, en conséquence, ajuste son objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030. Le rapport 2019 du programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions indique que les émissions mondiales doivent être réduites de 7,6 % par an à compter de maintenant, afin de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 oC, ce qui revient à un objectif de réduction global d’au moins 68 % d’ici 2030.

3.8.

Par conséquent, le CESE convient que les principaux objectifs de la facilité devraient être:

1)

promouvoir la cohésion économique, sociale et territoriale de l’Union;

2)

atténuer les conséquences sociales et économiques de la crise; et

3)

soutenir les transitions verte et numérique visant à parvenir à une Europe neutre pour le climat d’ici 2050, contribuant ainsi à rétablir le potentiel de croissance des économies des États membres à la suite de la crise de la COVID-19, à favoriser la création d’emplois et à promouvoir une croissance durable.

3.9.

Le CESE entend souligner l’importance que ces investissements et ces réformes soient axés sur les défis et les besoins en matière d’investissements se rapportant aux transitions écologique et numérique, de manière à garantir une reprise durable.

3.10.

Il est désormais largement admis que les politiques de relance vertes présentent des avantages par rapport aux incitants budgétaires traditionnels et que les politiques bénéfiques pour le climat offrent également des caractéristiques économiques supérieures. Les projets de construction verte, tels que les aménagements d’isolation ou les infrastructures en matière d’énergies renouvelables, peuvent produire des effets multiplicateurs plus élevés en raison de la réduction des coûts de l’énergie à long terme et des répercussions sur l’ensemble de l’économie.

3.11.

Le CESE convient qu’en plus de l’affectation de fonds à la lutte contre l’épidémie et à la recherche biomédicale pertinente, et des investissements dans la sécurité aux frontières, les déplacements sûrs et la sécurité des échanges, il est temps à présent que les institutions financières et les gouvernements adoptent la taxinomie européenne de la durabilité (2019), éliminent progressivement les combustibles fossiles en déployant les technologies existantes dans le domaine des énergies renouvelables, réorientent les subventions des combustibles fossiles vers des projets d’infrastructures vertes et intelligentes d’atténuation du changement climatique et d’adaptation à celui-ci, investissent dans des économies à faible intensité de carbone et circulaires, passent d’une agriculture industrielle à une agriculture régénérative et investissent dans la sécurité alimentaire, promeuvent les chaînes d’approvisionnement européennes, réduisent les besoins en matière de transport et exploitent les limites de la révolution numérique, tout en garantissant la sécurité des réseaux de TIC (16).

3.12.

Le CESE partage l’avis de l’Agence internationale de l’énergie selon lequel les transitions énergétiques propres peuvent contribuer à relancer l’économie européenne, en s’appuyant sur un programme ambitieux pour la création d’emplois et des objectifs en matière de changement climatique et grâce à la modernisation des systèmes énergétiques. Les gouvernements orientant, directement ou indirectement, plus de 70 % de l’investissement mondial dans le secteur de l’énergie, leurs actions comptent plus que jamais en cette période de crise. Les paramètres des politiques peuvent guider activement les investissements liés à l’énergie vers une trajectoire plus durable, tout en plaçant l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables et le stockage sur batterie au cœur de la reprise économique. Il convient d’accorder la priorité aux programmes de relance dans les industries énergétiques afin de soutenir la main-d’œuvre en place, de créer de nouveaux emplois et de stimuler la réduction des émissions. L’Agence internationale de l’énergie (17) conseille de bâtir sur les bases actuelles et de voir les choses en grand. Les politiques avec des structures juridiques et institutionnelles existantes sont les plus faciles à développer.

3.13.

Le CESE convient sans réserve que la facilité établie par le règlement à l’examen devrait contribuer à l’intégration des actions en faveur du climat et de la durabilité environnementale, ainsi qu’à la réalisation d’un objectif global de 25 % des dépenses du budget de l’Union au soutien des objectifs en matière de climat.

3.14.

Le CESE est fermement convaincu que la facilité devrait reposer principalement sur la fourniture d’un soutien financier non remboursable visant à aider les pays, en particulier ceux qui ont un revenu par habitant plus faible et un taux de chômage élevé, à faire face de manière adéquate aux graves conséquences économiques de la pandémie, tandis que les prêts ne devraient jouer qu’un rôle complémentaire à l’aide non remboursable et bénéficier des longues échéances et des taux d’intérêt favorables dont l’Union jouit.

3.15.

Le CESE soutient l’intention de la Commission de tirer parti de toute la puissance du budget de l’Union pour mobiliser les investissements et concentrer le soutien financier en début de période, lors des premières années décisives de la reprise, grâce à l’adoption combinée d’un instrument d’urgence européen pour la relance doté d’une enveloppe de 808 984,090 millions d’euros (en prix courants) et d’un cadre financier pluriannuel (CFP) renforcé pour la période 2021-2027.

3.16.

Le CESE plaide en faveur de «la poursuite de réformes structurelles efficaces assorties de stratégies d’investissement bien ciblées» (18).

3.17.

Le CESE soutient la création et la mise à la disposition de tous les États membres d’un instrument d’appui technique autonome destiné à succéder au programme d’appui à la réforme structurelle (PARS) (19).

4.   Préparation des plans nationaux pour la reprise et la résilience, soumission, évaluation et délais

4.1.

Le CESE estime que les fonds de la facilité doivent être déployés le plus rapidement possible dans les États membres, qui, à leur tour, devraient les utiliser de manière efficace afin de maximiser les avantages de la facilité.

4.2.

Les États membres devraient préparer des plans nationaux pour la reprise et la résilience énonçant leur programme de réforme et d’investissement pour les quatre années à venir.

4.3.

Le CESE estime que ces plans devraient aborder les principaux défis auxquels les États membres sont confrontés et qui ont été recensés dans le cadre du Semestre européen, dans des domaines tels que la compétitivité, la productivité, l’éducation et les compétences, la santé, l’emploi et la cohésion économique, sociale et territoriale. Ils devraient également veiller à ce que ces investissements et réformes soient axés de manière appropriée sur les défis liés aux transitions verte et numérique, afin de contribuer à la création d’emplois et à une croissance durable, et de rendre l’Union plus résiliente.

4.4.

Le CESE est d’avis qu’il est nécessaire de renforcer le cadre actuel de la fourniture d’aides aux petites et moyennes entreprises et de leur proposer un soutien financier direct au moyen d’un outil innovant afin de les protéger de la faillite.

4.5.

Chacune des mesures annoncées, notamment celles visant à apporter un soutien financier, devrait être accompagnée d’informations claires et lisibles pour les entreprises concernant le type de soutien fourni, les moyens par lesquels une PME peut effectivement accéder aux différents instruments de financement de l’Union existants, les interlocuteurs à contacter au niveau de l’Union en cas de question, les organismes nationaux participant au transit des fonds, les acteurs nationaux auxquels les PME peuvent s’adresser, le rôle des banques nationales et les obligations qui sont les leurs, etc.

4.6.

Le CESE estime qu’au cours de ce processus, le rôle et les points de vue des partenaires sociaux et des organisations de la société civile devraient être sérieusement pris en compte.

4.7.

Le CESE a déjà proposé «d’établir une règle selon laquelle aucun financement ne devrait être accordé à un État membre sans que celui-ci ait pleinement souscrit à l’application du principe de partenariat, moyennant une véritable participation des partenaires sociaux et de la société civile au moment de décider des engagements de réformes pluriannuels (20). L’application du principe de partenariat est fondamentale pour garantir la mise en place de réformes qui soient fondées sur des données factuelles et en prise avec la situation sur le terrain et les économies des différents États membres» (21).

4.8.

Le CESE convient que les plans devraient être évalués par la Commission sur la base de critères transparents, tels que, parmi d’autres, les questions de savoir s’ils sont susceptibles de remédier efficacement aux problèmes recensés dans le cadre du processus du Semestre européen, s’ils contribuent à renforcer le potentiel de croissance et la résilience économique et sociale de l’État membre ainsi que la cohésion économique, sociale et territoriale, s’ils prévoient des mesures présentant un intérêt pour les transitions écologique et numérique et si l’estimation des coûts fournie par l’État membre est raisonnable et plausible et proportionnée à l’incidence attendue sur l’économie.

4.9.

Le CESE estime que l’allocation des fonds devrait également prendre en considération les critères de convergence (22).

4.10.

Le CESE juge raisonnable que:

1)

le soutien financier et les actions correspondantes entreprises par les États membres au titre de la facilité soient concentrés avant la fin de 2024 et, qu’en ce qui concerne le soutien financier non remboursable, au moins 60 % du total soient être engagés d’ici la fin de 2022;

2)

les États membres présentent des plans pour la reprise et la résilience au plus tard le 30 avril, sous la forme d’une annexe distincte à leurs programmes nationaux de réforme;

3)

les États membres soient en mesure de présenter un projet de plan avec le projet de budget pour l’année à venir, au plus tard le 15 octobre de l’année précédente;

4)

la Commission et les États membres utilisent les années restantes après 2024 jusqu’à la fin du CFP (2027) pour favoriser la mise en œuvre des actions correspondantes sur le terrain et atteindre la reprise escomptée dans les secteurs économiques et sociaux concernés, et promouvoir la résilience et la convergence.

4.11.

Le CESE souligne la nécessité de prévoir un délai suffisant pour que les objectifs du projet relatif à la facilité puissent être mis en œuvre et réalisés avec succès. Il fait en outre observer que si une majorité se dégage en faveur d’une brève période de mise en œuvre, cela risque au final de compromettre les objectifs du projet.

4.12.

Le CESE souligne la nécessité d’une coordination rapide et efficace des actions entre la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil européen afin d’éviter des retards susceptibles de compromettre la réalisation des objectifs de la facilité. Une réponse immédiate et complète est également requise des États membres, étant donné la brièveté du délai dans lequel les différents plans de projet doivent être élaborés et menés à terme. Les États membres devraient coopérer étroitement avec la Commission européenne en vue d’approuver, de suivre et de garantir la bonne exécution des plans de projet soumis dans le cadre de la facilité. La soumission, l’approbation, le suivi et l’achèvement des projets pourraient être accélérés en associant activement les sociétés de conseil du secteur privé disposant d’une expérience globale dans les domaines concernés.

4.13.

Le CESE insiste une fois de plus sur la nécessité de partager les bonnes pratiques au sein de l’Union et d’accélérer les processus bureaucratiques concernant l’allocation et le décaissement des fonds disponibles, la Commission européenne apportant le soutien technique nécessaire (23).

5.   Instrument d’appui technique

5.1.

Le CESE préconise des réformes structurelles solides orientées vers le développement économique et social, et notamment vers un renforcement des capacités institutionnelles afin d’améliorer la qualité de l’administration. Ces réformes devraient être adaptées à chaque pays et jouir d’une assise démocratique, et il convient d’éviter d’appliquer une approche unique à tous les États membres (24).

5.2.

Le CESE convient que l’instrument d’appui technique devrait avoir pour objectif d’accompagner les autorités nationales des États membres ayant sollicité cet appui tout au long du processus de réforme ou lors de certaines phases de ce processus.

5.3.

Le Comité souligne qu’il importe que l’instrument d’appui technique soutienne les efforts déployés par les autorités des États membres pour élaborer des réformes répondant à leurs propres priorités et améliorer leur capacité à développer et à mettre en œuvre des politiques et stratégies de réforme, tout en bénéficiant des bonnes pratiques et des exemples fournis par leurs pairs.

5.4.

Le CESE partage l’avis selon lequel l’instrument d’appui technique peut compléter de manière pertinente les trains de mesures proposés par la Commission pour faire face aux retombées économiques de la pandémie de COVID-19.

Bruxelles, le 16 juillet 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant une facilité pour la reprise et la résilience, COM(2020) 408 final, du 28.5.2020.

(2)  Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Le budget de l’Union: moteur du plan de relance pour l’Europe, COM(2020) 442 final.

(3)  Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la création d’un mécanisme européen de stabilisation des investissements, COM(2018) 387 final.

(4)  JO C 62 du 15.2.2019, p. 121.

(5)  JO C 237 du 6.7.2018, p. 53.

(6)  JO C 62 du 15.2.2019, p. 121.

(7)  https://ourworldindata.org/grapher/total-deaths-covid-19

(8)  Banque mondiale, Global Economic Prospects, juin 2020.

(9)  Koundouri, P., Université d’économie et de gestion d’Athènes, Document de travail, 2020.

(10)  Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant une facilité pour la reprise et la résilience, COM(2020) 408 final, 28 mai 2020.

(11)  Intervention du commissaire Gentiloni lors de la conférence de presse sur la facilité pour la reprise et la résilience, communiqué de presse de la Commission européenne, 28 mai 2020.

(12)  JO C 47 du 11.2.2020, p. 106.

(13)  JO C 353 du 18.10.2019, p. 23.

(14)  Ibidem.

(15)  Ibidem.

(16)  Koundouri, P., Never Waste a Good Crisis: For a Sustainable Recovery from COVID-19 (Ne gaspillez jamais une bonne crise: pour une reprise durable du COVID-19), avril 2020.

(17)  Agence internationale de l’énergie: https://www.iea.org/

(18)  JO C 47 du 11.2.2020, p. 106.

(19)  Règlement (UE) 2017/825 du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2017 établissant le programme d'appui à la réforme structurelle pour la période 2017-2020 et modifiant les règlements (UE) no 1303/2013 et (UE) no 1305/2013 (JO L 129 du 19.5.2017, p. 1).

(20)  Règlement délégué (UE) no 240/2014 de la Commission du 7 janvier 2014 relatif au code de conduite européen sur le partenariat dans le cadre des Fonds structurels et d’investissement européens (JO L 74 du 14.3.2014, p. 1).

(21)  JO C 237 du 6.7.2018, p. 53.

(22)  Ibidem.

(23)  Ibidem.

(24)  Ibidem.


28.10.2020   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 364/139


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le programme InvestEU»

[COM(2020) 403 final — 2020/0108 (COD)]

et la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2015/1017 en ce qui concerne la création d’un instrument de soutien à la solvabilité»

[COM(2020) 404 final — 2020/0106 (COD)]

(2020/C 364/19)

Rapporteur général:

Ronny LANNOO

Consultation

Conseil, 11.6.2020

Parlement, 17.6.2020

Base juridique

Articles 172, 173, 175, paragraphe 3, 182, paragraphe 1 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Décision du Bureau

9.6.2020

Adoption en session plénière

16.7.2020

Session plénière no

553

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

208/0/8

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Depuis le début de la crise de la COVID-19, le CESE a affirmé dans plusieurs déclarations sa conviction selon laquelle, en ces temps de grande incertitude, seul un plan européen global de relance économique nous donnerait les moyens de faire face aux conséquences de la pandémie et de reconstruire une économie européenne plus durable et plus résiliente.

1.2.

Le CESE se félicite donc de l’ambitieux train de mesures de relance proposé par la Commission européenne et il souligne que cette relance ne saurait réussir que grâce à une volonté et une détermination politiques fortes et unanimes. Le CESE insiste sur le fait que l’instauration de telles mesures traduit le caractère d’urgence que revêt l’état alarmant de la situation socio-économique.

1.3.

Afin d’asseoir une relance prompte et durable de l’économie européenne, il est capital de mettre à disposition les ressources financières nécessaires. Le CESE soutient dès lors fermement le renforcement du budget de l’Union et invite les décideurs européens à parvenir rapidement à un accord sur le prochain cadre financier pluriannuel (CFP) pour la période 2021-2027 et sur le nouvel instrument de relance «Next Generation EU».

1.4.

Le CESE se félicite du renforcement du programme InvestEU et de l’instrument de soutien à la solvabilité qui complète ce dernier et il demande un accord rapide sur ces propositions afin de pouvoir faire fonctionner rapidement ces deux programmes et mettre au point un nombre suffisant de projets éligibles susceptibles d’en bénéficier.

1.5.

Sachant que les ressources du programme InvestEU seront allouées presque entièrement dans le cadre du programme «Next Generation EU» et non du CFP 2021-2027, et que cela signifie qu’il sera nécessaire de les mettre en œuvre d’ici la fin de 2026, le CESE demande aux législateurs de prendre des dispositions afin de faire en sorte de ne pas créer une pénurie de financements entre la fin de 2026 et le début du CFP suivant qui n’interviendra qu’après 2027.

1.6.

Le CESE réitère son soutien (1) à l’objectif de la Commission de renforcer l’activité d’investissement dans l’Union dans le cadre du prochain budget à long terme de l’Union. Cette volonté importe d’autant plus dans le contexte de la récession économique entraînée par la pandémie de COVID-19.

1.7.

Le CESE approuve sans relâche l’importance attachée aux projets d’investissement à long terme qui présentent un fort intérêt public, tout en respectant les critères du développement durable. Il est essentiel que la crise de la COVID-19 ne conduise pas l’Union à s’écarter de ses objectifs à moyen et à long terme tels qu’ils sont fixés dans le pacte vert pour l’Europe, dans la stratégie de 2020 pour une croissance durable ou encore dans le socle européen des droits sociaux.

1.8.

Le CESE estime que le programme InvestEU est tout spécialement à même d’assurer un financement à long terme et d’appuyer les politiques de l’Union en faveur de la relance pour sortir d’une profonde crise économique et sociale. Le Comité souligne qu’il importe de définir clairement les projets qui peuvent bénéficier du nouveau cinquième volet, car il est crucial de favoriser une complémentarité avec les quatre autres volets d’action politique. Le CESE plaide également en faveur d’une définition plus large de l’innovation, qui sorte du cadre des technologies de l’information et de la numérisation. Les petites et moyennes entreprises (PME), et en particulier les microentreprises et les petites entreprises, sont très durement touchées par la crise actuelle et elles devraient donc pouvoir bénéficier explicitement du soutien fourni au titre de ce nouveau cinquième volet. À cette fin, il est essentiel que prévale une coopération structurelle des partenaires chargés de la mise en œuvre et des autorités européennes, nationales et régionales.

1.9.

Le CESE demande des lignes directrices précises et claires visant à identifier les projets éligibles pour bénéficier d’InvestEU, tout comme les possibilités de synergies entre les nombreux programmes de l’Union, garantissant ainsi leur mise en œuvre adéquate et efficace.

1.10.

La crise du coronavirus a touché tous les États membres de l’Union; toutefois, certains ont été plus sévèrement frappés que d’autres. Le CESE souligne la nécessité que la reprise après la crise du coronavirus ne se traduise pas par une divergence accrue entre les États membres.

1.11.

À la lumière de ce qui précède, le CESE se félicite du nouvel instrument de soutien à la solvabilité et souligne l’importance de faire en sorte qu’il puisse réellement bénéficier aux États membres dont les économies ont été les plus touchées par les effets de la pandémie de COVID-19. S’il est essentiel de garantir une relance rapide, il importe tout autant d’allouer les financements disponibles à des entreprises dont les modèles commerciaux sont viables. Cette démarche participerait à la mise sur pied d’une économie européenne durable et résiliente.

1.12.

Le CESE met en relief le rôle que jouent les marchés financiers européens pour s’assurer que ces instruments puissent mobiliser le volume escompté d’investissement, ainsi que le rôle de premier plan du Groupe Banque européenne d’investissement [constitué de la Banque elle-même (BEI) et du Fonds européen d’investissement (FEI)] et le grand besoin qui se manifeste d’une structure appropriée pour les partenaires de la mise en œuvre, tout particulièrement à l’échelon national. Il importe que les flux des financements qui transitent par le Groupe BEI et les banques et institutions de développement soient transparents, clairs et facilement accessibles.

2.   Contexte

2.1.

La crise de la COVID-19, qui constitue avant tout une urgence de santé humaine, a provoqué un grave choc économique et social marqué par une forte baisse de la production, une augmentation rapide du chômage et une détérioration des conditions de vie (baisse du revenu réel, précarité de l’emploi, restriction de la mobilité), une réduction drastique du chiffre d’affaires du commerce extérieur tant à l’intérieur de l’Union qu’avec les pays tiers. Cette crise a également entraîné une forte dégradation des indicateurs des finances publiques et un recul de l’investissement.

2.2.

Le 27 mai 2020, la Commission européenne a fait connaître un plan de relance ambitieux, l’instrument «Next Generation EU» et une proposition révisée pour le budget d’ensemble de l’Union pour la période 2021-2027 (2).

2.3.

Pour le prochain cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027, la Commission entend doter l’économie de l’Union d’un programme d’investissement qui puisse répondre aux objectifs transversaux en matière de simplification, de flexibilité, de synergies et de cohérence dans toutes les politiques pertinentes de l’Union. La pandémie de COVID-19 a encore accru la nécessité d’un tel programme d’investissement.

2.4.

C’est la raison pour laquelle la Commission a retiré la proposition qu’elle avait présentée en mai 2018 pour le programme InvestEU, avant d’en soumettre une nouvelle (3), qui tient compte de l’accord partiel auxquels sont déjà parvenus le Parlement européen et le Conseil en avril 2019.

2.5.

Afin de mieux doter le programme InvestEU en vue de répondre à la crise économique et sociale causée par la pandémie de COVID-19, la Commission propose d’étoffer l’enveloppe financière envisagée pour le programme InvestEU initial afin de tenir compte des besoins d’ensemble plus importants en matière d’investissement et d’un environnement marqué par des risques accrus.

2.6.

En outre, cette nouvelle proposition étend la portée du programme InvestEU en y ajoutant un cinquième volet, la Facilité d’investissement stratégique, afin de pourvoir aux besoins futurs de l’économie européenne et d’assurer ou de maintenir l’autonomie stratégique dans les secteurs clés.

2.7.

Un programme InvestEU renforcé pourrait soutenir les entreprises pendant la phase de reprise et dans le même temps, conformément aux objectifs initiaux du programme, focaliser l’attention des investisseurs sur les priorités politiques de l’Union à moyen et à long terme, telles que les transformations écologique et numérique.

2.8.

La Commission européenne a également présenté une proposition (4) relative à un instrument temporaire axé sur les fonds propres, l’instrument de soutien à la solvabilité.

2.9.

Cet instrument de soutien à la solvabilité soutiendra les entreprises qui ont des modèles économiques viables mais qui connaissent des problèmes de solvabilité dus à la crise de la COVID-19. L’objectif est de les aider à passer ce cap difficile afin qu’elles soient en mesure de porter la reprise le moment venu. La proposition vise également à compenser les distorsions attendues sur le marché unique, parce que certains États membres pourraient ne pas avoir de ressources budgétaires suffisantes pour offrir un soutien adéquat aux entreprises dans le besoin.

2.10.

L’on escompte mettre en place cet instrument dès que possible en 2020, au plus tard au début du mois d’octobre 2020, afin de pouvoir le déployer rapidement à pleine capacité dans le courant de 2021.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE réaffirme (5) son soutien au programme InvestEU, ainsi qu’à la poursuite et à l’extension d’un instrument financier fondé sur le principe de la garantie. Il considère que celui-ci est essentiel notamment en vue de développer et de gérer à long terme le budget de l’Union.

3.2.

Le CESE se félicite du surcroît de capacité octroyée au projet InvestEU, qui portera ainsi le montant de la garantie de l’Union à 75,2 milliards d’euros (en prix courants et y compris le volet des investissements européens stratégiques), ce qui permet de mobiliser 1 000 milliards d’euros d’investissements supplémentaires. Le CESE demande de répartir les financements de manière équilibrée entre les différents objectifs politiques.

3.3.

Le CESE accueille favorablement l’ajout d’un cinquième volet, le volet des investissements européens stratégiques, qui bénéficiera de 31,2 milliards d’euros provenant de la garantie de l’Union pour soutenir des investissements dans des secteurs stratégiques et des chaînes de valeur clés, y compris ceux qui sont essentiels à la transformation écologique et numérique.

3.4.

Le Comité souligne qu’il importe de définir clairement les projets qui peuvent bénéficier de ce cinquième volet, puisque celui-ci vise à favoriser une complémentarité avec les quatre autres volets. Le CESE plaide également en faveur d’une définition plus large de l’innovation, qui sorte du cadre des technologies de l’information et de la numérisation. Il convient de mentionner explicitement que les PME, en particulier les microentreprises et les petites entreprises, sont également éligibles au titre de ce volet. Cet aspect revêt d’autant plus importance au regard de la baisse de la garantie de l’Union allouée au volet «PME», qui est passée de 11,25 à 10,17 milliards d’euros (en prix courants) par rapport à la proposition initiale de la Commission européenne. À cette fin, il est essentiel que prévale une coopération structurelle des partenaires chargés de la mise en œuvre et des intermédiaires financiers, ainsi que des autorités européennes, nationales et régionales.

3.5.

Le CESE souligne qu’il est essentiel d’investir dans les compétences en vue de la transition vers une économie plus verte et juste; aussi convient-il de ne pas négliger les investissements sociaux dans le cadre du programme InvestEU.

3.6.

De nombreuses PME, en particulier les microentreprises et les petites entreprises, souffrent de la crise causée par la COVID-19 et des mesures de confinement adoptées par la plupart des États de l’Union. C’est pourquoi il est capital de veiller à mettre à disposition suffisamment de financements pour leur permettre de surmonter la crise. Ce soutien doit s’orienter en fonction de la demande, ce qui signifie que tant les produits d’emprunt que ceux de fonds propres doivent être disponibles. Sachant que la capacité de garantie du volet «PME» se réduit, il convient de compenser cette diminution en faisant en sorte que les portefeuilles des PME, et en particulier ceux des petites entreprises et des microentreprises, puissent bénéficier du volet d’investissements stratégiques. Ces mesures doivent s’accompagner d’exigences proportionnées en matière de déclaration, afin d’éviter de créer des charges administratives excessives pour les plus petites des entreprises qui ne disposent que de ressources limitées, car cela les découragerait de solliciter un soutien au titre d’InvestEU. Le rôle des partenaires chargés de la mise en œuvre et des intermédiaires financiers est essentiel pour garantir que les financements parviennent à ces entreprises.

3.7.

Au cours de la crise actuelle, l’aide et les politiques des pouvoirs publics ont singulièrement gagné en importance; toutefois, la capacité des pouvoirs publics des États membres à aider les secteurs et les entreprises les plus durement frappées par la crise varie fortement au sein de l’Union.

3.8.

Le CESE approuve par conséquent ce nouvel instrument de soutien à la solvabilité, qui, tout en étant accessible à tous les États membres, accordera la priorité à ceux d’entre eux dont les économies ont été les plus touchées par les effets de la pandémie de COVID-19 et/ou dans lesquels la disponibilité d’un soutien public à la solvabilité est plus limitée. Le CESE convient de la nécessité que seules doivent bénéficier d’un soutien les entreprises qui avaient un modèle économique viable et qui ne connaissaient pas de difficultés avant la crise. Il se félicite en outre de l’intégration de l’instrument de soutien à la solvabilité au sein Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI). Afin de garantir l’efficacité de l’utilisation des fonds, il serait judicieux d’autoriser des virements souples de et vers d’autres volets de l’action politique de l’EFSI. En dernier lieu, il convient d’envisager une répartition bien équilibrée et orientée en fonction du marché des fonds disponibles entre les produits de fonds propres et ceux de quasi-fonds propres, tels que les prêts subordonnés.

3.9.

La double transition (écologique et numérique) est encouragée dans le cadre de l’instrument de soutien à la solvabilité. Ces conditions doivent également être réalistes et réalisables pour les microentreprises, les petites entreprises et les secteurs traditionnels.

3.10.

La crise du coronavirus a touché tous les États membres de l’Union; toutefois, certains ont été plus sévèrement frappés que d’autres. Le CESE souligne la nécessité que la reprise après la crise du coronavirus ne se traduise pas par une divergence accrue entre les États membres. Bien qu’aucun quota ne soit établi sur une base géographique pour InvestEU ni pour le nouvel instrument de soutien à la solvabilité, le CESE se félicite que son comité de pilotage définisse des limites de concentration géographique précises.

3.11.

La simplification, la transparence accrue et les possibilités plus importantes de synergie qu’offre la création d’InvestEU en tant qu’instrument financier d’ensemble, revêtent d’autant plus d’importance dans le contexte de l’instauration du plan d’investissement pour une Europe durable et d’autres composantes du plan européen de relance. Le CESE demande des lignes directrices précises et claires visant à identifier les projets éligibles et les possibilités de synergie entre les nombreux programmes de l’Union, garantissant ainsi leur mise en œuvre adéquate et efficace.

3.12.

La crise de la COVID-19 ne devrait pas conduire l’Union à s’écarter de ses objectifs à moyen et à long terme tels qu’ils sont fixés dans le pacte vert pour l’Europe, dans la stratégie de 2020 pour une croissance durable ou encore dans le socle européen des droits sociaux. Dans une récente résolution (6), le CESE a déclaré que l’Europe doit financer des activités qui répondent à deux critères: le rapatriement des productions stratégiques, fournissant des emplois de qualité, afin de rendre l’Europe indépendante, notamment en matière de protection de la santé et de capacité de réaction, ainsi que la priorité donnée à des investissements durables, socialement responsables et respectueux de l’environnement. Les PME pourraient, au même titre que les grandes entreprises et les entreprises sociales, jouer un rôle crucial dans la restructuration du système de production européen.

Bruxelles, le 16 juillet 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Avis du CESE sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le programme InvestEU» (JO C 62 du 15.2.2019, p. 131).

(2)  Communication sur le plan de relance «L’heure de l’Europe: réparer les dommages et préparer l’avenir pour la prochaine génération».

(3)  Proposition de règlement établissant le programme InvestEU.

(4)  Proposition de règlement portant création d’un instrument de soutien à la solvabilité.

(5)  Avis du CESE sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le programme InvestEU» (JO C 62 du 15.2.2019, p. 131).

(6)  Propositions du CESE pour la reconstruction et la relance après la crise de la COVID-19.


28.10.2020   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 364/143


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant le règlement (UE) 2018/1999 (loi européenne sur le climat)»

[COM(2020) 80 final — 2020/0036 (COD)]

(2020/C 364/20)

Rapporteur:

Jan DIRX

Corapporteure:

Tellervo KYLÄ-HARAKKA-RUONALA

Consultation

Parlement européen, 10.3.2020

Conseil, 13.3.2020

Base juridique

Article 192, paragraphe 1, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section

29.6.2020

Adoption en session plénière

16.7.2020

Session plénière no

553

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

210/2/9

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

À l’instar de nombreuses institutions et personnalités de premier plan de l’Union, le CESE souligne que l’action en faveur du climat ainsi que la reconstruction et la reprise de l’économie après la crise due à la pandémie de COVID-19 peuvent et doivent aller de pair. Pour ce faire, l’on pourrait relancer l’économie européenne en promouvant un ensemble efficace et pleinement durable d’investissements publics et privés. Le CESE voit dès lors dans la proposition de loi européenne sur le climat l’un des instruments permettant de contribuer à la reconstruction souhaitable et nécessaire de l’économie européenne.

1.2.

Le CESE soutient l’approche d’une transition vers la neutralité climatique qui intervient de manière globale à l’échelon de l’Union européenne plutôt que de manière individuelle au sein de chacun de ses États membres. Cette approche présente l’avantage de permettre une répartition optimale des efforts à l’échelle de l’Union en tenant compte des différences entre les États membres. De même, le CESE est convaincu que le soutien à la politique climatique sera d’autant plus important que l’objectif global sera de parvenir à une réduction maximale des émissions de gaz à effet de serre au coût socio-économique le plus bas.

1.3.

Il demande instamment à la Commission de tenir pleinement compte de l’impact de la crise due à la pandémie de COVID-19 dans son évaluation de l’objectif d’émissions pour 2030, et d’opter pour une réduction d’au moins 55 % d’ici 2030 dans ses propositions législatives afférentes. Le CESE fait valoir que le rapport 2019 du programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions indique qu’un objectif encore plus ambitieux de réduction des émissions à l’horizon 2030 est nécessaire à l’échelle mondiale pour parvenir à la cible de 1,5 oC fixée dans l’accord de Paris.

1.4.

Le CESE reconnaît que chacun devra prendre des mesures supplémentaires pour atteindre l’objectif fixé en matière de neutralité climatique en 2050. La récente enquête Eurobaromètre (avant la crise de la COVID-19) a montré que 92 % des citoyens de l’Union soutiennent l’objectif de l’Union en matière de neutralité climatique. Pour conserver ce soutien, une accélération de l’action en faveur du climat conjuguée au redressement et à la reconstruction économiques s’impose.

1.5.

Le CESE demande à l’Union de jouer un rôle de chef de file et de servir d’exemple lors du sommet, désormais reporté, de Glasgow sur le climat, dont la tenue était prévue au mois de novembre 2020, et des futurs sommets sur le climat, afin d’engager au moins les principaux acteurs mondiaux à œuvrer énergiquement en matière de neutralité climatique.

1.6.

La réalisation de l’objectif de neutralité climatique dans l’Union d’ici 2050 au niveau européen n’est possible que si chaque pays apporte ses contributions en matière d’atténuation et d’adaptation dans les délais impartis. Le CESE est dès lors favorable à ce que la Commission adresse des recommandations à un État membre si les mesures prises par ce dernier ne sont pas conformes à l’objectif d’atténuation ou ne permettent pas de progresser sur la voie de l’adaptation, sur la base de critères d’évaluation clairs et transparents.

1.7.

Il propose également que les documents d’évaluation de tous les projets de mesures ou de propositions législatives en rapport avec l’objectif de neutralité climatique soient rendus publics en totalité dès que l’évaluation sera terminée.

1.8.

La proposition de la Commission couvre à juste titre à la fois l’atténuation et l’adaptation, «conformément à l’article 7 de l’accord de Paris».

1.9.

Le CESE propose de créer une plateforme des parties prenantes du pacte européen pour le climat, telle que définie dans son avis sur le pacte européen sur le climat, afin d’organiser et de faciliter la participation active de «toutes les composantes de la société».

2.   Introduction

2.1.

La crise mondiale actuelle, due à la pandémie de COVID-19, montre une fois de plus à quel point la vie sur notre Terre est vulnérable. S’il est nécessaire de combattre par tous les moyens la pandémie et ses effets sur le plan économique, social et écologique, il l’est tout autant de continuer à privilégier la prévention et, le cas échéant, la lutte contre d’autres événements susceptibles de menacer la qualité de la vie, tels que le changement climatique et la perte de biodiversité (1). Ou, pour reprendre les mots de Patricia Espinosa, secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique (CCNUCC), lors de l’annonce du report du sommet de Glasgow sur le changement climatique (COP 26) dont la tenue était prévue en novembre 2020: «Si la COVID-19 est aujourd’hui la menace la plus pressante pour l’humanité, nous ne devons pas oublier que le changement climatique est la plus grande menace à long terme.»

2.2.

De l’avis du CESE, l’action pour le climat d’une part, la reprise et la reconstruction de l’économie après la crise de COVID-19 de l’autre, peuvent et doivent aller de pair. Les mesures de relance et de reconstruction doivent être conformes à l’objectif en matière de climat et les mesures en faveur du climat doivent permettre de réduire les coûts et d’apporter des avantages économiques.

2.3.

Dans cet esprit, le CESE prend également note des déclarations suivantes, effectuées par des institutions et personnalités éminentes de l’Union:

Le 16 avril 2020, le Parlement européen a voté à une vaste majorité pour placer le pacte vert pour l’Europe au centre du futur train de mesures de relance et de reconstruction de l’Union européenne «afin de donner un coup de fouet à l’économie, d’améliorer sa résilience et de créer des emplois, tout en contribuant à la transition écologique, à la promotion d’une économie durable et au développement social».

Le même jour, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a déclaré que l’Europe devait doubler ses investissements en faveur du pacte vert pour l’Europe. Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne, a envoyé le même message dans une lettre ouverte publiée dans sept bulletins d’information européens. Charles Michel, président du Conseil européen, souhaite lui aussi profiter de cette occasion pour rendre l’Union plus verte: «L’Union européenne doit s’améliorer, et nous devons tirer parti de cette crise.»

2.4.

Pour ce faire, il convient de relancer l’économie européenne en promouvant un ensemble durable d’investissements publics et privés efficaces, par exemple dans les domaines de la réduction de la consommation d’énergie, de l’énergie durable, des réseaux, des procédés de production propres ou du recyclage, tout en favorisant la consommation durable. En outre, afin de parvenir à la neutralité climatique, il est nécessaire de renforcer les puits de carbone et le stockage de ce dernier grâce par, exemple, à une gestion durable des forêts et des sols. Une loi européenne sur le climat est l’un des instruments permettant de contribuer à la reconstruction, souhaitable et nécessaire, de l’économie européenne.

2.5.

C’est pourquoi le CESE accueille favorablement la proposition de loi européenne (2) sur le climat présentée par la Commission européenne le 4 mars 2020, qui établit un cadre juridique pour atteindre l’objectif de neutralité climatique dans l’Union d’ici à 2050. Le CESE reconnaît le bien-fondé et la nécessité de l’objectif de neutralité climatique d’ici à 2050 et plus tôt si possible, de contribuer à la réalisation de l’objectif de l’accord de Paris, à savoir que le réchauffement de la planète doit demeurer largement en-dessous de 2 oC, et de poursuivre les efforts pour le maintenir en dessous de 1,5oC.

2.6.

Il est évident que pour le CESE, il est impératif, pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris, qu’au moins tous les grands acteurs mondiaux œuvrent aussi énergiquement en matière de neutralité climatique. Pour ce faire, il est nécessaire d’une part que l’Union européenne déploie une diplomatie climatique active, et d’autre part de prendre des mesures, telles que la tarification du carbone, afin que les produits et services de l’Union bénéficient de conditions de concurrence équitables du point de vue de leur empreinte de gaz à effet de serre par rapport à leurs concurrents établis en dehors de l’Union.

2.7.

La proposition de loi européenne sur le climat est l’une des pierres angulaires du pacte vert pour l’Europe (3) que la Commission a publié le 11 décembre 2019. Le pacte vert explique comment faire de l’Europe le premier continent neutre sur le plan climatique d’ici à 2050, stimuler l’économie, améliorer la santé et la qualité de vie des citoyens, prendre soin de la nature et ne laisser personne de côté.

2.8.

Le CESE note avec satisfaction qu’au niveau politique, cet objectif de neutralité climatique d’ici 2050 a déjà été approuvé par le Parlement européen dans sa résolution du 14 mars 2019 et par le Conseil européen dans ses conclusions du 12 décembre 2019. En outre, le 5 mars 2020, le Conseil «Environnement» de l’Union a présenté à la CCNUCC (4), au nom de l’Union européenne et de ses États membres, la stratégie à long terme de développement à faibles émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne et de ses États membres (dans le but de parvenir à une Union neutre pour le climat d’ici 2050).

2.9.

Le CESE reconnaît que la réalisation de l’objectif de neutralité climatique en 2050 exigera des efforts considérables de la part des gouvernements, des municipalités, des entreprises, des syndicats, des organisations de la société civile et des citoyens. Cela signifie que chacun devra consentir des efforts supplémentaires pour atteindre cet objectif en 2050; le document de la Commission précise qu’il est «impératif de prendre des mesures supplémentaires, mettant à contribution tous les secteurs, car les politiques actuelles ne permettront de réduire les émissions de gaz à effet de serre que de 60 % d’ici à 2050. Beaucoup reste donc à faire pour parvenir à la neutralité climatique» (5).

2.10.

Le CESE insiste sur l’importance de prendre en considération «l’évolution de la situation et les efforts entrepris au niveau international» et «la compétitivité de l’économie de l’Union» mentionnés par l’article 3, paragraphe 3, de la proposition à l’examen. En outre, le CESE attire tout particulièrement l’attention sur toute l’importance de «la nécessité de faire en sorte que la transition soit juste et socialement équitable» [article 3, paragraphe 3, point h)]. Il entend faire valoir qu’il s’impose en particulier de prévenir la précarité énergétique, et il recommande d’intégrer ce problème dans l’évaluation des mesures nationales prévue à l’article 6 de la proposition.

2.11.

La Commission prévoit de réexaminer d’ici septembre 2020 l’objectif de l’Union en matière de climat à l’horizon 2030 à la lumière de l’objectif de neutralité climatique, d’étudier les différentes options possibles pour un nouvel objectif de réduction des émissions d’ici 2030 qui se situerait entre 50 et 55 % par rapport aux niveaux de 1990, et de publier les propositions législatives correspondantes d’ici la mi-2021. Le CESE escompte que le nouvel objectif en matière d’émissions à l’horizon 2030 se fonde sur un examen général et une analyse d’impact appropriée. Il fait en outre valoir que des arguments déterminants plaident en faveur d’une réduction d’au moins 55 % d’ici à 2030, afin que l’Union réponde, pour ce qui la concerne, à la nécessité impérieuse de réduire les émissions à l’échelle mondiale. Par exemple, le rapport 2019 du programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions (6) indique qu’il convient de fixer un objectif encore plus ambitieux en matière de réduction des émissions d’ici 2030 à l’échelle mondiale pour atteindre l’objectif des 1,5 oC défini par l’accord de Paris (7).

2.12.

Dans le cadre des analyses d’impact réalisées, il est important de reconnaître que la crise due à la pandémie de COVID-19 a des conséquences économiques, sociales et environnementales sans précédent, lesquelles, à leur tour, ont des répercussions sur l’impact des mesures à prendre pour atténuer le changement climatique.

2.13.

Le CESE est d’avis que les répercussions possibles de la crise du coronavirus ne peuvent et ne sauraient conduire à affaiblir l’objectif de réduction à l’horizon 2030.

2.14.

Il demande que ce processus soit effectué de manière à permettre à l’Union de jouer un rôle de chef de file et de servir d’exemple lors du sommet, désormais reporté, de Glasgow sur le climat, dont la tenue était prévue au mois de novembre 2020, et des futurs sommets sur le climat, afin d’engager au moins les principaux acteurs mondiaux à œuvrer énergiquement en matière de neutralité climatique.

2.15.

Le CESE recommande en outre à la Commission de commencer à élaborer un objectif intermédiaire pour le climat à l’horizon 2040 concernant les réductions d’émissions, pour parvenir à une neutralité climatique d’ici 2050 ou plus tôt si possible, et d’accompagner le tout d’une proposition législative au Parlement européen et au Conseil à cet effet, y compris une proposition pour adoption avant 2028 visant à poser de nouvelles obligations en matière de réduction des émissions pour la période 2031-2040. La fixation d’un objectif en temps opportun est nécessaire pour garantir le plus haut degré possible de prévisibilité et de transparence pour la société et l’ensemble des secteurs économiques.

2.16.

Le récent sondage Eurobaromètre (effectué avant la crise de la COVID-19) révèle que 93 % des citoyens de l’Union considèrent le changement climatique comme un problème grave et que 92 % soutiennent l’objectif de l’Union en matière de neutralité climatique (8). Pour conserver ce soutien, une accélération de l’action en faveur du climat conjuguée à la reconstruction et au redressement économiques s’impose.

3.   Délégation de pouvoir

3.1.

La proposition de loi sur le climat (article 3) confère à la Commission un pouvoir délégué pour «compléter» la législation en matière de climat «en définissant la trajectoire à suivre au niveau de l’Union pour atteindre l’objectif de neutralité climatique énoncé à l’article 2, paragraphe 1, et ce jusqu’en 2050». En outre, la Commission réexamine la trajectoire au plus tard six mois après chaque bilan mondial prévu à l’article 14 de l’accord de Paris.

Le CESE estime qu’il est nécessaire qu’au lieu d’adopter des actes délégués, la Commission présente une proposition législative visant à fixer et à adapter la trajectoire qu’elle juge appropriée à la suite du réexamen.

3.2.

Quelles que soient les circonstances, il s’impose de pérenniser les règles démocratiques de notre système institutionnel. Cela inclut notamment le droit des acteurs de la société civile et de leurs organisations, telles que le CESE, de contribuer au processus de prise de décision démocratique. Sur ce point, nous renvoyons à ce que dit la Commission à l’article 8 du projet de loi sur le climat: «La Commission dialogue avec toutes les composantes de la société […]»

4.   Évaluation des progrès et des mesures

4.1.

Conformément à l’article 5, la Commission évalue les progrès accomplis et les mesures de l’Union. Elle évalue, avant son adoption, «tout projet de mesure ou de proposition législative au regard de l’objectif de neutralité climatique [et] inclut cette évaluation dans toute analyse d’impact accompagnant lesdites mesures ou propositions […]».

En pratique, cela signifie que la Commission inclut la prise en compte de l’impact sur la neutralité climatique dans les analyses d’impact qui accompagnent ses propositions. Le CESE conseille à la Commission d’examiner si cet objectif peut être atteint dans le cadre existant en vue d’une meilleure réglementation sans qu’il soit nécessaire de modifier la législation.

4.2.

L’article 5 dispose que le résultat de cette évaluation est rendu public au moment de son adoption. Toutefois, la Cour de justice (dans l’affaire C-57/16 P, Client Earth/Commission, décision du 4 septembre 2018) est très claire: même les projets de rapports d’analyse d’impact doivent être rendus «directement accessibles» conformément à l’article 12, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1049/2001 (9). Par conséquent, le CESE propose de modifier la formulation et de proposer que le document d’évaluation soit rendu public dans sa totalité dès que l’évaluation est achevée.

4.3.

Il estime que la réalisation au niveau européen, d’ici 2050, de l’objectif de neutralité climatique dans l’Union à l’horizon 2050 n’est possible que si chaque pays apporte ses contributions en matière d’atténuation et d’adaptation dans les délais impartis.

Le CESE soutient dès lors l’intention suivante, affichée par la Commission, à savoir qu’elle peut adresser des recommandations à un État membre si les mesures adoptées par ce dernier sont incompatibles avec l’objectif d’atténuation ou inappropriées pour améliorer la capacité d’adaptation au vu des plans nationaux. Le CESE soutient la Commission sur ce point et préconise que la Commission opte, dans ses recommandations, pour une combinaison efficace de mesures adaptées aux circonstances. Il demande toutefois qu’il soit précisé à l’aune de quels objectifs et de quels critères les progrès réalisés dans les différents États membres sont évalués.

4.4.

La proposition de la Commission vise à parvenir à une Union européenne neutre pour le climat à l’horizon 2050. Cela signifie que tous les États membres ne sont pas tenus de parvenir individuellement à la neutralité climatique. Le CESE soutient cette approche — qui est en fait le prolongement de l’approche actuelle de la législation de l’Union en matière de climat — car elle présente l’avantage de permettre une répartition optimale des efforts à l’échelle de l’Union, en tenant compte des différences entre États membres. Toutefois, le CESE estime qu’il est nécessaire que chaque État membre soit tenu d’indiquer dans le plan national intégré en matière d’énergie et de climat qu’il doit notifier d’ici le 1er janvier 2029 [conformément à l’article 3 du règlement (UE) 2018/1999 (10) sur la gouvernance] s’il entend parvenir à la neutralité climatique, et en ce cas à quel moment, et quel type de mesures il entend prendre pour parvenir à un résultat optimal au niveau de l’Union, y compris les mesures qui contribuent aux efforts des autres États membres ou dont la réalisation interviendra dans un ou plusieurs autres États membres, permettant ainsi de garantir que de telles dispositions soient prises à temps et par la voie d’accords exécutoires.

4.5.

De même, le CESE est convaincu que le soutien à la politique climatique sera d’autant plus important que l’objectif global sera de parvenir à une réduction maximale des émissions de gaz à effet de serre au coût socio-économique le plus bas. En conséquence, les compensations entre États membres devraient être possibles si elles sont régies par un cadre réglementaire solide, assorti d’une application effective. De même, il importe de reconnaître que dans le système actuel, les secteurs relevant du système d’échange de quotas d’émission (SEQE) sont régis par un dispositif à l’échelle de l’Union tandis que d’autres relèvent de la répartition des plafonds d’émissions nationaux. Au fil du temps, toujours plus de secteurs entreront évidemment dans le cadre de l’échange de droits d’émission.

4.6.

En plus du SEQE, il existe de nombreux actes législatifs pris à l’échelon de l’Union, tels que les exigences techniques, qui régissent les émissions de différents secteurs et qui s’intègrent donc dans la mise en œuvre de l’objectif d’ensemble. La réglementation de l’échelon de l’Union revêt une importance toute particulière dans les domaines liés au bon fonctionnement du marché unique.

4.7.

Le CESE propose également de suivre de manière appropriée les conséquences possibles des mesures de l’Union dans le contexte mondial. Il s’agit, par exemple, des effets sur l’investissement étranger et sur le commerce extérieur et des incidences qui en découlent à la fois directement et indirectement sur le développement des émissions.

4.8.

La proposition de la Commission précise qu’une «[…] action au niveau de l’Union devrait tendre à la réalisation économiquement efficiente des objectifs climatiques à long terme, tout en garantissant l’équité et l’intégrité environnementale». Le CESE reconnaît que de nombreuses questions sont encore en suspens quant à la manière d’y parvenir, tant sur le plan de la procédure (quelle est la meilleure approche décisionnelle?) que sur le fond (quels sont les critères de répartition équitable et économiquement viable qui garantissent un niveau élevé de protection de l’environnement?). L’aspect du processus (le débat horizontal en cours entre les institutions de l’Union, y compris le CESE et le CdR, et vertical avec les États membres) est important. Plus fondamentale encore est la question de savoir ce qu’il y a lieu de faire si les États membres veulent parvenir à la neutralité climatique dans leur propre pays avant 2050 lorsque cette démarche n’est pas la plus intéressante au niveau de l’Union, que ce soit du point de vue financier ou de celui du climat. Le CESE invite la Commission et le Conseil à fournir dès que possible des éclaircissements et des orientations à ce sujet.

5.   Adaptation

5.1.

La proposition de la Commission couvre à juste titre à la fois l’atténuation et l’adaptation, «conformément à l’article 7 de l’accord de Paris». S’agissant plus particulièrement de l’adaptation, la Commission propose d’étendre l’action de l’Union au niveau national.

De manière générale, l’adaptation est perçue comme étant davantage liée à l’action locale des pouvoirs publics que l’atténuation. Le CESE estime dès lors que, conformément au principe de subsidiarité, la Commission devrait préciser dans quelle mesure il convient de conférer des compétences au niveau de l’Union et quelles sont les obligations à imposer aux États membres.

5.2.

En outre, il reste à examiner ce que l’obligation implique pour les «institutions de l’Union compétentes». La proposition précise que les États membres doivent adopter des stratégies et des plans nationaux d’adaptation. Aucune action spécifique — telle qu’un plan — n’est requise pour les institutions de l’Union.

5.3.

La Commission propose d’obtenir le pouvoir d’évaluer non seulement les mesures d’atténuation, mais aussi les mesures visant à garantir des progrès en matière d’adaptation prises par les États membres [article 6, paragraphe 1, point b)]. Si la Commission constate que les mesures prises par un État membre sont «inappropriées pour améliorer la capacité d’adaptation, conformément à l’article 4, elle peut adresser des recommandations à cet État membre». Il s’agit d’une disposition très ouverte. Le CESE estime souhaitable que la Commission définisse des critères pour une telle évaluation.

6.   Participation du public

6.1.

Le CESE estime qu’elle va de soi et se félicite dès lors de l’article 8 (Participation du public) de la loi sur le climat. La participation active de «toutes les composantes de la société» est une condition nécessaire à la réussite de la politique climatique au sein de l’Union, étant donné que ce sont les acteurs de la société civile (entreprises, travailleurs, consommateurs, citoyens et organisations) qui mettent en œuvre les objectifs climatiques dans la pratique.

Par conséquent, le CESE invite la Commission et les États membres à convier tous ces acteurs de la société civile à participer et à mettre sur la table leurs propositions en matière de politique et d’action pour le climat.

6.2.

Le CESE se réjouit donc que la Commission européenne ait récemment entrepris une consultation publique afin de recueillir les différents points de vue sur les manières de dialoguer avec les citoyens sur l’action pour le climat (11). Cette démarche nourrira les travaux de la Commission en vue de lancer son «pacte pour le climat» au cours du troisième trimestre de 2020. Avec le pacte européen pour le climat, la Commission entend réunir les parties prenantes, notamment les régions, les collectivités locales, les communautés locales, la société civile, les écoles, les entreprises et les particuliers.

6.3.

Compte tenu des expériences positives de la plateforme des acteurs européens de l’économie circulaire créée par la Commission européenne et le Comité économique et social européen, et conformément aux propositions formulées dans son avis sur le pacte pour le climat (NAT/785) (12), le CESE propose de créer une plateforme des parties prenantes au pacte européen pour le climat, fondée sur les principes de l’inclusion et de la transparence ainsi que d’une participation et d’une adhésion réelles des acteurs locaux du climat.

Bruxelles, le 16 juillet 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Certains experts maintiennent que la biodiversité est un obstacle naturel au virus et à la transmission de maladies de la faune aux humains (zoonose). Par conséquent, la perte de biodiversité pourrait conduire à une augmentation des pandémies à l’avenir. Il s’agit d’un argument supplémentaire d’actualité.

(2)  Loi européenne sur le climat.

(3)  Pacte vert pour l’Europe.

(4)  Communication à la CCNUCC.

(5)  Loi européenne sur le climat, voir par exemple la page 2.

(6)  Rapport 2019 sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions (résumé analytique en français).

(7)  Le rapport 2019 du programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions indique que les émissions mondiales doivent être réduites de 7,6 % par an à compter de maintenant, afin de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 oC, ce qui équivaut mathématiquement à un objectif de réduction d’au moins 68 % d’ici 2030.

(8)  Soutien des citoyens à l’action pour le climat.

(9)  JO L 145 du 31.5.2001, p. 43.

(10)  JO L 328 du 21.12.2018, p. 1.

(11)  Consultation sur le pacte européen pour le climat.

(12)  Avis du CESE sur le «Pacte européen pour le climat» (voir page 67 du présent Journal officiel).


28.10.2020   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 364/149


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à une Année européenne du rail (2021)»

[COM(2020) 78 final]

(2020/C 364/21)

Rapporteur:

Alberto MAZZOLA

Consultation

Parlement européen, 10.3.2020

Conseil, 13.3.2020

Conseil de l’Union européenne, 13.3.2020

Base juridique

Article 91 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Décision du bureau du Comité

24.4.2020

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

23.6.2020

Adoption en session plénière

16.7.2020

Session plénière no

553

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

209/1/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement la proposition de la Commission et soutient ses objectifs, notamment lorsqu’il s’agit d’encourager et de soutenir l’Union européenne, les États membres, les collectivités régionales et locales, les partenaires sociaux et les forces régissant le marché à accroître la part du rail dans la mobilité des voyageurs et des marchandises.

1.2.

Le CESE considère que l’Année européenne du rail devra amener les citoyens, les travailleurs des chemins de fer, les partenaires sociaux, les entreprises et les milieux universitaires et en particulier la jeunesse européenne à se rapprocher du débat public des institutions européennes sur les politiques de l’Union en matière de durabilité et de mobilité et sur l’avenir de la mobilité européenne afin de promouvoir le transport ferroviaire en tant que mode de transport durable, innovant et sûr.

1.3.

Pour le CESE, l’Année européenne du rail devrait être l’occasion de communiquer sur les vertus des chemins de fer en matière de durabilité, en ce qu’ils constituent, dès lors qu’ils existent, notamment une alternative pertinente aux vols court-courrier, sur la stratégie axée sur une mobilité durable et intelligente ainsi que sur les politiques de l’Union en matière d’investissement ferroviaire.

1.4.

Le CESE recommande, au cours de l’Année européenne du rail, d’évaluer la qualité des services ferroviaires et, le cas échéant, de les adapter aux besoins des utilisateurs afin qu’ils répondent aux critères définis dans le protocole no 26 sur les services d’intérêt général annexé au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, afin de développer des projets promouvant une approche globale de l’accessibilité, de renforcer le lien entre numérisation et durabilité et d’échanger avec la communauté des investisseurs sur d’éventuelles initiatives dans le contexte du plan d’action de la Commission sur le financement de la croissance durable.

1.5.

Le CESE demande que des initiatives soient prises dans le cadre de l’Année européenne du rail afin de redonner confiance aux consommateurs dans les transports publics, et dans le rail en particulier, de mieux communiquer, en particulier vis-à-vis des jeunes Européens, sur l’attrait d’une carrière dans les chemins de fer, en soutenant des initiatives communes avec les partenaires sociaux, les universités, le milieu universitaire au sens large et les organisations européennes de jeunesse.

1.6.

Le CESE est fermement convaincu que l’Année européenne du rail devrait être l’occasion de sensibiliser l’opinion publique au tourisme durable et de donner un nouvel élan à l’initiative DiscoverEU. Le CESE soutient sans réserve l’initiative du Parlement européen d’accorder à chaque citoyen européen, lorsqu’il atteint l’âge de 18 ans, le droit d’avoir un pass DiscoverEU en tant que symbole de l’identité de l’Union européenne.

1.7.

Le CESE souligne que l’Année européenne du rail devrait être mise à profit pour fournir davantage d’informations sur le calendrier des initiatives d’Europalia et informer un public plus large sur le contenu créé dans le cadre de manifestations culturelles existantes telles que les festivals de cinéma (Cannes, Venise, Berlin) et les expositions artistiques. Dans le même ordre d’idées, en 2021, les gares et les musées ferroviaires pourraient accueillir de grandes initiatives permettant de relier l’avenir et le passé des chemins de fer à des secteurs d’activité importants tels que l’architecture et la construction, le stylisme, l’électromécanique, la gastronomie et le tourisme. À ce titre, le Comité pourrait inclure dans son programme culturel pour 2021 une exposition sur les chemins de fer.

1.8.

Il est nécessaire que l’Année européenne du rail s’emploie à obtenir la participation de tous les musées des chemins de fer européens, à inviter les citoyens à découvrir leurs collections y compris par l’organisation de visites virtuelles, à promouvoir les échanges entre musées et une tournée européenne des musées des chemins de fer.

1.9.

Le CESE est profondément convaincu que l’Année européenne du rail devrait également offrir l’occasion de promouvoir des objectifs très ambitieux assortis d’une valeur ajoutée européenne sur le plan tant socio-économique que symbolique, permettant également de réagir à la dramatique crise de la COVID-19, tels que la relance de la transition vers un réseau européen de trains à grande vitesse, comme le prévoyait le livre blanc sur les transports de 2011, afin de relier toutes les capitales de l’Union et les villes de plus de 500 000 habitants.

1.10.

Le CESE souligne qu’il importe également de saisir l’opportunité unique qu’offre l’Année européenne du rail pour communiquer sur les résultats en matière de sécurité ferroviaire, qui sont incomparablement meilleurs que ceux des autres modes de transport terrestres. Dans ce contexte, le Comité rappelle que, chaque année, le 11 juin marque la journée internationale de sensibilisation aux passages à niveau (ILCAD), dont on a célébré en 2020 le douzième anniversaire. Dans le cadre de l’Année européenne du rail, cette journée devrait bénéficier d’une attention particulière.

2.   Proposition de la Commission

2.1.

La proposition visant à proclamer 2021 «Année européenne du rail» répond à l’objectif de promouvoir le transport ferroviaire conformément aux objectifs énoncés dans la communication de la Commission sur le pacte vert pour l’Europe, notamment en ce qui concerne la mobilité durable et intelligente. Grâce à la programmation de projets, débats, manifestations, expositions et initiatives dans toute l’Europe, l’Année européenne du rail fera la promotion du rail en tant que moyen attrayant et durable de se déplacer sur tout le continent auprès des citoyens, des entreprises et des pouvoirs publics, en mettant l’accent sur sa dimension européenne et sur son caractère innovant. En s’adressant aux citoyens, par-delà le secteur ferroviaire, au moyen de manifestations spécifiques et de campagnes de communication, elle convaincra davantage de personnes et d’entreprises d’utiliser le rail (1).

2.2.

L’objectif de l’Année européenne du rail est d’encourager et de soutenir les efforts déployés par l’Union, les États membres, les collectivités régionales et locales et d’autres organisations en vue d’accroître la part des voyageurs et des marchandises transportés par rail. En particulier, l’Année européenne devrait promouvoir le rail en tant que mode de transport durable, innovant et sûr, en s’adressant au grand public, et notamment aux jeunes. Elle devrait également mettre en avant la dimension européenne et transfrontière du rail, qui rapproche les citoyens, leur permet d’explorer l’Union dans toute sa diversité, favorise la cohésion et contribue à l’intégration du marché intérieur de l’Union. Elle devrait aussi renforcer la contribution du rail à l’économie, à l’industrie ainsi qu’à l’ensemble de la société dans l’Union, et promouvoir le rail en tant qu’élément important des relations entre l’Union et les pays tiers (2).

3.   Le rail et la pandémie de COVID-19

3.1.

Le secteur ferroviaire a souffert et continue de souffrir des mesures de confinement instaurées par les États membres pour lutter contre la propagation de la pandémie de COVID-19 et de la forte baisse de la mobilité.

3.2.

Selon les premières estimations approximatives effectuées par des associations sectorielles telles que la Communauté européenne du rail (CER), les pertes de recettes subies par l’ensemble des opérateurs de transport de passagers en raison de la pandémie s’élèvent à 900 millions d’EUR par semaine depuis le début de la crise. L’impact de la pandémie de COVID-19 a entraîné une baisse moyenne approximative des recettes du fret ferroviaire de 25 % dans l’ensemble de l’Union européenne (UE-27) en mars et avril 2020, et une perte de recettes d’environ 78 millions d’EUR par semaine. Même si le fret ferroviaire a fait preuve d’une forte résilience, les performances auraient pu être encore meilleures si les mesures de «voies réservées» étaient pleinement appliquées au rail, si les redevances d’accès aux voies étaient réduites à zéro et si la Suisse avait suspendu l’interdiction instaurée le 1er janvier 2020. Les gestionnaires des infrastructures ferroviaires sont de plus en plus touchés par la pandémie de COVID-19.

3.3.

Malgré la très forte baisse de la demande, les opérateurs et les travailleurs ferroviaires continuent de fournir des services dans la mesure du possible afin de permettre au personnel médical et à la main-d’œuvre essentielle de se rendre au travail. En outre, les opérateurs proposent des trains médicalisés afin de permettre le transport de personnes touchées par le virus entre les régions les plus touchées et les hôpitaux les moins encombrés.

3.4.

La relance de l’Europe après la pandémie de COVID-19 sera également l’occasion de relancer et d’améliorer le transport ferroviaire de voyageurs et de marchandises. Le plan de relance de l’Union, axé sur le pacte vert et la stratégie numérique, fournira un soutien à court terme aux chemins de fer et accordera une attention particulière aux investissements ferroviaires à court et à long terme, en incluant éventuellement les aides d’État afin de remettre le secteur ferroviaire sur les rails après les immenses pertes de revenus provoquées par la crise du coronavirus.

3.5.

Si l’on escompte, dans le sillage de la crise de la COVID-19, remplacer certaines liaisons aériennes par des lignes ferroviaires, les secondes devraient alors bénéficier des aides d’État prévues pour les premières, afin notamment d’éviter des pertes d’emplois et de reconvertir les personnes concernées.

3.6.

Les travailleurs du secteur des transports ont été et sont toujours en première ligne, en contact direct avec les passagers, et risquent d’être contaminés par le virus dans l’exercice de leurs tâches quotidiennes. Ce sont également eux qui sont touchés par les conséquences économiques désastreuses du virus, à la fois en tant que salariés du secteur ferroviaire et en tant que citoyens. Les travailleurs ferroviaires permettent à l’Europe de continuer à fonctionner en période de crise en veillant à ce que les soins médicaux et les biens essentiels soient livrés aux endroits où ils sont nécessaires.

3.7.

La renaissance de l’Europe après la pandémie de COVID-19 sera également une renaissance du transport ferroviaire de passagers et la confirmation du transport ferroviaire de marchandises. Les ressources mises à disposition par le cadre financier pluriannuel (CFP) révisé pour la période 2021-2027, et qui seront gérées tant au niveau de l’Union qu’au niveau national, devront également être consacrées aux chemins de fer si l’on ne veut pas renoncer aux ambitions du pacte vert pour l’Europe et de la stratégie numérique.

3.8.

Une grande variété de projets ferroviaires peut absorber les ressources supplémentaires allouées par le CFP et l’initiative «Next Generation EU»: les projets relatifs aux infrastructures ferroviaires — pour le transport de passagers et de marchandises, les lignes ferroviaires nationales et transfrontalières classiques et à grande vitesse —, les projets relatifs au matériel roulant ferroviaire ainsi que tous ceux liés à l’automatisation et à la numérisation du système ferroviaire, lesquels incluent les technologies numériques de couplage automatique, la poursuite de l’électrification du réseau européen, le déploiement du système européen de gestion du trafic ferroviaire (ERTMS), la modernisation des wagons grâce à des semelles de freins tenant compte de toutes les conditions climatiques, et les programmes de mise au rebut pour le renouvellement du matériel roulant. La mise à niveau des gares (notamment des quais comprenant un accès PMR) constituerait un autre domaine nécessitant des fonds et dans lequel des effets économiques positifs à court terme pourraient être atteints. Stimuler les investissements dans le RTE-T ainsi que l’entretien et le renouvellement des lignes existantes pourrait contribuer fortement et rapidement à la reprise économique de l’Union.

3.9.

Les objectifs généraux visant à améliorer la capacité et l’efficacité du transport ferroviaire de marchandises et de voyageurs, qui s’inscrivent dans le cadre d’un système de transport multimodal intelligent, tel que décrit dans la communication sur le pacte vert peuvent, à terme, apporter une contribution significative à la relance économique, en réduisant la part de marché du transport routier de marchandises et l’empreinte environnementale des transports.

3.10.

Les initiatives menées dans le cadre de l’Année européenne du rail devraient accorder une attention particulière au rétablissement de la confiance des usagers dans les transports publics et le rail, en particulier. Il convient de mettre en place des initiatives visant à sensibiliser le public aux mesures d’hygiène supplémentaires adoptées par les entreprises ferroviaires, d’instaurer des politiques en matière de port de masque et de distanciation sociale. En ce qui concerne les droits des passagers, les dispositions relatives aux remboursements obligatoires et aux bons volontaires doivent être clarifiées. Ces mesures devraient aller de pair avec une application complète des droits des passagers à tous les services ferroviaires, applicables tout au long des trajets des passagers, bien expliqués au public et garantis dans les faits par l’intermédiaire de systèmes de règlement extrajudiciaire des litiges et d’organismes nationaux chargés de l’application.

4.   Observations générales

Contexte historique

4.1.

La longue histoire des chemins de fer et de la technologie ferroviaire fera l’objet de nombreuses commémorations en 2021. Comme l’a souligné Europalia dans le catalogue de son festival des arts de 2021, les chemins de fer français et belge célébreront en 2021 le 175e anniversaire de la liaison ferroviaire entre Paris et Bruxelles. En 1846, ces capitales sont devenues les premières au monde à être reliées par une ligne de chemin de fer. Cette même année, Bruxelles et Londres étaient également reliées par une liaison ferroviaire grâce à la malle Ostende-Douvres. L’année 2021 marquera également le 25e anniversaire du Thalys et le 170e anniversaire du premier service sur la liaison ferroviaire entre la Saxe et la Bohême, qui reliait Prague et Dresde. De même, l’on célébrera en 2021 le 50e anniversaire du musée français du Chemin de fer (désormais la «Cité du train») de Mulhouse et le 75e anniversaire des chemins de fer luxembourgeois. Il convient de noter que 2021 sera également l’année du 45e anniversaire du premier Pendolino en Italie, du 40e anniversaire du TGV en France et du 30e anniversaire de l’ICE en Allemagne. Ce sera aussi le 20e anniversaire de la publication du premier livre blanc de l’Union européenne sur les chemins de fer en Europe.

4.2.

L’Année européenne du rail sera l’occasion de célébrer la triple histoire des chemins de fer, de leurs progrès technologiques et du rapprochement progressif entre les pays du continent européen grâce aux liaisons ferroviaires. Dans le même temps, elle offre également l’occasion d’évaluer l’évolution de la situation à ce jour.

Le pacte vert pour l’Europe

4.3.

En 2019, la Commission a présenté sa communication relative à un Pacte vert pour l’Europe. Dans cette communication, elle incite l’Union à décarboner progressivement son économie en vue de parvenir à la neutralité climatique d’ici 2050 et définit une stratégie politique pour atteindre cet objectif. Le pacte vert pour l’Europe contribue à la stratégie de la Commission visant à mettre en œuvre le programme des Nations unies à l’horizon 2030 et les objectifs de développement durable.

4.4.

Le pacte vert pour l’Europe prône notamment une accélération de la transition vers une mobilité durable et intelligente, étant donné que les transports représentent un quart des émissions de gaz à effet de serre de l’Union et que cette part ne cesse d’augmenter. Tous les modes de transport devront contribuer à cette réduction. Parmi les mesures envisagées, le pacte vert pour l’Europe préconise le transfert vers le rail et les voies navigables intérieures d’une part substantielle des 75 % du fret intérieur qui est actuellement acheminé par la route. Une action rapide est nécessaire pour mettre en œuvre ce plan ambitieux et garantir l’augmentation de la part modale du rail, avec la mise en place d’incitations plus fortes pour la promotion du fret ferroviaire.

4.5.

Afin de mettre en œuvre les objectifs généraux énoncés dans le pacte vert, la Commission présentera, durant le dernier trimestre de 2020, une stratégie axée sur une mobilité intelligente et durable. Cette stratégie mettra notamment l’accent sur des initiatives visant à accroître les capacités et à améliorer la gestion des capacités de fret ferroviaire et fluvial et à créer un système de transport multimodal intelligent, sans discontinuité et attrayant pour les utilisateurs, en vue de réduire la part de marché du transport routier et de renforcer l’attrait de la multimodalité, y compris ferroviaire. De fait, des initiatives en ce sens sont déjà prévues pour 2021.

4.6.

L’Année européenne du rail sera l’occasion d’insister et de communiquer sur les vertus des chemins de fer en matière de durabilité, sur la stratégie axée sur une mobilité durable et intelligente ainsi que sur les politiques de l’Union en matière d’investissement ferroviaire. Les investissements dans l’infrastructure ferroviaire sont à même de stimuler l’économie, de créer des emplois de qualité durables sur le plan social et environnemental et de rendre les services ferroviaires plus attrayants pour les clients. La sensibilisation de l’opinion publique à ce sujet contribuera à influencer les comportements des clients et leurs choix modaux en matière de transports publics et de mobilité à faible taux d’émissions.

4.7.

L’Année européenne du rail permettra également d’évaluer la qualité des services ferroviaires et, le cas échéant, de les adapter aux besoins des utilisateurs afin qu’ils répondent aux critères définis dans le protocole no 26 sur les services d’intérêt général annexé au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

La stratégie numérique pour l’Europe

4.8.

La stratégie numérique de l’Union devrait s’efforcer de faire participer le secteur ferroviaire à la révolution numérique et à toutes les mesures de soutien y relatives. Elle devrait contribuer à stimuler la mise en œuvre du système européen de gestion du trafic ferroviaire (ERTMS), l’élaboration de services de mobilité à la demande, de nouvelles solutions de billetterie ainsi que le déploiement de la 5G sur le réseau central et le réseau global du RTE-T. Cela permettra aux chemins de fer de répondre à la demande de leurs clients actuels et futurs.

4.9.

Les travailleurs doivent bénéficier d’un soutien adéquat dans le processus de numérisation en cours et leur emploi doit être préservé. Il y a lieu d’accorder une attention particulière aux besoins des hommes et des femmes afin de garantir leur égalité. Les intérêts des travailleurs dans ce processus de transformation doivent être dûment pris en compte en faisant participer les représentants des travailleurs et les syndicats. Les travailleurs doivent avoir accès à la formation et à la formation continue afin de pouvoir conserver des emplois de qualité et durables.

4.10.

Étant donné que la 5G élèvera les technologies mobiles et de l’internet au rang de technologies à vocation générale, le CESE invite instamment les institutions de l’Union et les États membres à parachever le marché unique numérique, y compris le développement de capacités à intégrer et à utiliser les services 5G pour défendre et améliorer la compétitivité des industries européennes telles que les transports, et tout particulièrement le rail. Le CESE demande en outre à la Commission de faire effectuer une étude d’impact biologique de la radiation 5G et du risque d’interférence avec d’autres plages de fréquence (3).

4.11.

Les évolutions démographiques, économiques et politiques façonneront de nouveaux modes de déplacement dans les zones urbaines et non urbaines; les opérateurs ferroviaires estiment qu’il leur faudra impérativement s’adapter pour pouvoir s’intégrer dans une chaîne de transport multimodal et encore plus numérisée. En particulier, un nombre croissant de personnes âgées et de jeunes pourraient être amenés à utiliser plus fréquemment le train, tant dans les zones urbaines que pour les voyages à longue distance, pour autant que les nouveaux besoins en termes de confort et d’accessibilité soient davantage pris en considération par les compagnies de chemins de fer. Dans le même temps, une génération de clients maîtrisant la technologie, beaucoup moins dépendante des transports individuels, privilégiera la mobilité partagée et les solutions de transport en commun, à condition que la qualité des services soit satisfaisante.

4.12.

Les opérateurs ferroviaires devront s’attacher tout particulièrement à améliorer leurs technologies de billetterie en rendant l’achat de billets plus facile et en permettant aux usagers de combiner différents segments de transport en un seul billet et à prévoir la possibilité d’utiliser une billetterie multimodale. Le CESE demande instamment à la Commission européenne de soutenir les initiatives visant à atteindre cet objectif, par exemple grâce à des conseils d’experts, à l’échange de bonnes pratiques, à l’octroi de subventions, etc.

4.13.

Compte tenu du caractère essentiel que revêt la multimodalité, en particulier pour le fret ferroviaire, il y a lieu d’utiliser l’Année européenne du rail pour promouvoir le dialogue entre les clients des transports, le rail et les autres secteurs du transport, tant au niveau national qu’européen, afin de discerner les problèmes pratiques qui entravent le développement du fret ferroviaire et de trouver des solutions pour rendre les services de fret ferroviaire attrayants pour les clients. Le CESE souligne qu’il est important d’associer tous les secteurs des transports à un tel dialogue. La recherche de modèles de coopération entre entreprises qui ne soient pas contraires au droit de la concurrence peut constituer un aspect important de ce dialogue.

4.14.

La numérisation des chemins de fer permettra également aux entreprises ferroviaires de continuer à adapter leurs services aux besoins des chargeurs de manière toujours plus efficace, par exemple en maximisant l’utilisation des capacités ferroviaires disponibles et en mélangeant différents types de services de fret. Compte tenu de la tendance à la baisse que connaît actuellement la part de marché du fret ferroviaire, il convient de mettre l’accent sur les possibilités d’améliorer l’efficacité et la flexibilité des services offerts.

4.15.

Les gestionnaires des infrastructures ferroviaires devront accélérer leur passage au numérique afin d’améliorer leurs performances opérationnelles en termes d’amélioration de la ponctualité et d’augmentation de capacité. La mise en place du système de gestion du trafic ferroviaire (ERTMS) constituera à cet égard une incitation décisive. En particulier, le CESE estime que le déploiement de ce système devrait être considérablement accéléré. L’investissement requis (plus de 100 milliards d’EUR, y compris les systèmes d’enclenchement d’itinéraires numériques) sera poursuivi dans le cadre du plan de relance et le CESE encourage le secteur ferroviaire à élaborer un cadre global et interopérable pour la mobilité à la demande (MaaS) avec les autres modes de transport.

4.16.

Pour permettre la transformation numérique du rail, la libre circulation des données est essentielle. Le CESE préconise dès lors l’adoption de solutions efficaces qui éliminent les problèmes liés à l’accessibilité, à l’interopérabilité et au transfert de données, tout en garantissant une protection adéquate des données, le respect de la vie privée, des conditions équitables de concurrence et une vaste liberté de choix pour les consommateurs, ainsi que la fourniture aux passagers d’informations statiques et dynamiques. Les mêmes conditions doivent s’appliquer, sur la base de la réciprocité, aux entreprises publiques et privées pour les échanges de données et la compensation des coûts (4).

4.17.

Compte tenu de ce qui précède, la question de la numérisation du rail devrait être l’un des thèmes principaux de l’Année du rail. En particulier, le lien entre numérisation et durabilité devrait être souligné par des initiatives de communication appropriées.

Les cheminots

4.18.

Le secteur ferroviaire européen fournit des emplois directs à quelque 1,3 million de citoyens européens et des emplois indirects à environ 1 million de citoyens européens, ce qui en fait l’un des plus grands employeurs de l’Union européenne. Les entreprises ferroviaires sont un facteur essentiel de la formation des jeunes et contribuent ainsi à la lutte contre le chômage des jeunes en Europe, en particulier dans les périodes marquées par des difficultés économiques.

4.19.

L’Année européenne du rail est également l’Année européenne des cheminots. Il y a lieu de garantir des emplois de qualité pour les travailleurs du secteur des transports et un service sûr et fiable pour les clients. Dans l’esprit d’une Europe sociale, les conditions de travail des cheminots doivent être au centre de l’attention. Le dumping social et salarial n’a pas sa place dans le secteur ferroviaire et doit être éliminé.

4.20.

Les cheminots méritent la reconnaissance du public. Dans cette optique, il est important de rendre visibles leurs réalisations et de reconnaître les difficultés auxquelles ils sont confrontés. Les actions menées à l’échelle de l’Europe devraient contribuer à susciter la reconnaissance que méritent les succès des travailleurs et à mettre en avant les demandes portant sur des emplois de qualité. Tous les cheminots doivent être protégés contre le dumping salarial et social afin de préserver la sécurité des opérations ferroviaires en Europe. Seul un partenariat social actif dans ce secteur peut le garantir.

4.21.

Bien entendu, pour le rail, la numérisation représente à la fois une opportunité et un impératif commercial. Ce n’est qu’en numérisant leurs processus internes ainsi que la manière dont ils fournissent leurs services que les chemins de fer seront en mesure de relever les défis du présent. Dans le même temps, la numérisation doit s’effectuer avec la plus grande prudence afin d’éviter des transitions perturbatrices et des conflits sociaux. Il est absolument crucial que les partenaires sociaux européens se réunissent dans le cadre du dialogue social de l’Union relatif au secteur des chemins de fer, en vue de convenir de projets communs visant à mieux cerner et anticiper les effets de l’automatisation et de la numérisation, afin de maintenir un niveau d’emploi et de garanties sociales élevé dans le cadre d’une transition socialement juste (5).

4.22.

Pour relever ce défi, il est crucial de mettre l’accent sur les transitions professionnelles, soutenues par un apprentissage tout au long de la vie et des investissements dans l’employabilité du personnel, en vue d’éviter les licenciements. En ce qui concerne les chemins de fer, le caractère déséquilibré de la pyramide des âges de la main-d’œuvre et les difficultés de recrutement, notamment parmi les jeunes et les femmes, constituent deux problèmes majeurs (6).

4.23.

L’Année européenne du rail devrait être l’occasion de mieux communiquer, en particulier vis-à-vis des jeunes Européens, sur l’attrait d’une carrière dans les chemins de fer, en soutenant des initiatives communes avec les partenaires sociaux, les universités, le milieu universitaire au sens large et les organisations européennes de jeunesse.

Infrastructures

4.24.

Le cadre du RTE-T a largement contribué à définir les importantes ressources financières nécessaires aux nouvelles infrastructures ferroviaires, soit environ 500 milliards d’EUR pour le seul réseau central d’ici 2030, même si les ressources disponibles ne suffisent toujours pas à financer la totalité des besoins. L’achèvement du réseau central devrait conduire à un réseau européen à grande vitesse desservant presque toutes les capitales et les grandes villes européennes comptant plus de 500 000 habitants. Qui plus est, la question de l’entretien des infrastructures de RTE-T ayant été largement sous-estimée dans plusieurs pays, elle devient à présent un grave problème, tandis que d’autres États y ont accordé l’attention nécessaire.

4.25.

S’il est vrai que le CESE approuve la promotion des liaisons ferroviaires entre grandes villes au moyen de trains à grande vitesse et du réseau RTE-T, il rappelle qu’il importe de maintenir des niveaux adéquats de fonds et de financement pour les lignes nationales et régionales.

4.26.

Le CESE préconise de stimuler l’investissement afin de compléter le réseau, y compris dans les zones rurales et régionales, et de couvrir le financement ordinaire et extraordinaire de l’entretien pour l’ensemble du réseau RTE-T dans le cadre du plan de relance de l’Union. Des fonds supplémentaires sont nécessaires pour le développement des chemins de fer, les investissements dans les infrastructures et un réseau plus dense de transport de voyageurs et de fret. Chaque euro investi dans le rail crée et maintient des emplois, y compris dans le secteur de l’équipement ferroviaire et dans les régions.

Finance durable

4.27.

Le plan d’action de la Commission européenne sur le financement de la croissance durable [COM(2018) 97 final] vise à réorienter les flux de capitaux vers des investissements durables afin de parvenir à une croissance durable et inclusive, de gérer les risques financiers liés au changement climatique, à l’épuisement des ressources, à la dégradation de l’environnement et aux questions sociales, et de favoriser la transparence et la réflexion à long terme sur les activités économiques et financières.

4.28.

Le système unifié de classification de l’Union (taxinomie), qui précisera quelles activités peuvent être considérées comme durables, revêt une importance particulière.

4.29.

Sur la base de l’évolution de la taxinomie européenne en matière de durabilité et des résultats obtenus jusqu’à présent par le plan d’action, la Commission a annoncé une révision du plan d’action dans le cadre du pacte vert pour l’Europe.

4.30.

Le CESE accueille favorablement les propositions relatives à la taxinomie, qui marquent une première étape dans la mise en œuvre du plan d’action sur le financement de la croissance durable (7). De même, il est favorable à la proposition relative à l’élaboration de nouveaux indices de référence «bas carbone» et «bilan carbone positif». Ce fondement se doit par ailleurs d’être conforme aux grandes ambitions affichées dans le plan d’action, selon lesquelles «l’Europe est bien placée pour endosser [le] rôle» de chef de file au niveau mondial. Il importe à présent d’agir dans le respect de cette ambition et d’établir la taxinomie en conséquence.

4.31.

Compte tenu de leurs vertus en matière de durabilité, les chemins de fer devraient être en mesure de bénéficier de toutes les initiatives en matière de finance durable. S’il est incontestable que le financement de la maintenance et de l’expansion des infrastructures ferroviaires en tant que tel est une mission de service public et qu’il doit pouvoir compter sur le budget public, il convient d’accorder une attention particulière aux besoins de financement du système ferroviaire de demain, en particulier en ce qui concerne le matériel roulant et les gares, ainsi que d’étudier la possibilité pour les investisseurs privés de participer à des projets ferroviaires.

4.32.

Afin de garantir la viabilité du cadre d’action fourni par les initiatives de la Commission en matière de finance durable, il importe que les États membres de l’Union achèvent au plus vite le processus de ratification du protocole de Luxembourg de 2007 portant sur les questions spécifiques au matériel roulant ferroviaire à la convention du Cap de 2001 relative aux garanties internationales portant sur des matériels d’équipement mobiles (alias le protocole ferroviaire de Luxembourg).

4.33.

Il est nécessaire que les opérateurs du rail et les investisseurs privés se rencontrent et examinent les synergies possibles, y compris dans le contexte des initiatives de la Commission en faveur du financement durable. L’Année européenne du rail devrait prévoir des activités permettant de procéder à ces échanges de vues en impliquant à la fois le secteur ferroviaire et les investisseurs privés, en particulier les investisseurs à long terme tels que les assurances et les fonds d’investissements et de pension.

L’accessibilité

4.34.

La promotion de l’accès universel, telle que prévue dans le protocole no 26 relatif aux services d’intérêt général et dans ses références aux services d’intérêt économique général (SIEG), requiert un accès approprié pour tous les utilisateurs sur l’ensemble du territoire (accessibilité territoriale), étant entendu que les conditions d’accès (temps d’attente, densité des points d’accès, infrastructures, etc.) peuvent varier en fonction des besoins des utilisateurs. L’égalité de traitement et la promotion de l’accès universel supposent également la lutte contre toutes les formes de discrimination.

4.35.

Afin de rendre les voyages ferroviaires plus attrayants pour les trajets quotidiens, mais aussi longue distance et transfrontaliers, il importera de renforcer les droits des passagers, de sensibiliser ces derniers à l’existence de ce type de protection, ainsi que de conserver et, le cas échéant, d’améliorer le caractère abordable du transport ferroviaire et la qualité du service.

4.36.

Les entreprises ferroviaires européennes, les gestionnaires des gares et des infrastructures améliorent en permanence les conditions de voyage des personnes à mobilité réduite ou en situation de handicap. Les services ferroviaires sont beaucoup plus accessibles que ce n’était le cas auparavant et de nombreux passagers en situation de handicap sont en mesure de prendre le train sans assistance. Les opérateurs ferroviaires contribuent fortement à renforcer l’inclusion sociale des personnes en situation de handicap et ont à cœur de tenir leurs engagements dans ce domaine, en collaboration avec les autorités publiques et les associations de passagers.

4.37.

Des investissements ont été réalisés en vue de poursuivre l’élimination des obstacles dans les gares et les trains au cours des dix prochaines années, afin d’améliorer les conditions de voyage des passagers à mobilité réduite ou en situation de handicap.

4.38.

En tant que telle, la poursuite du financement par des tiers, que ce soit par des gouvernements nationaux ou directement par l’Union, sera nécessaire si l’on veut continuer d’améliorer l’accessibilité du réseau ferroviaire, conformément aux orientations prévues par la législation de l’Union en vigueur sur l’accessibilité des chemins de fer.

4.39.

L’Année européenne du rail devrait également être l’occasion d’élaborer des projets promouvant une approche globale de l’accessibilité, portant non seulement sur les initiatives prises par le secteur ferroviaire tant en gare que dans les trains afin de renforcer l’assistance et l’accessibilité, mais aussi sur tout ce qui est nécessaire pour garantir que tous les passagers puissent atteindre les plateformes de transport.

Un tourisme durable

4.40.

L’Union européenne est l’une des régions touristiques les plus développées et les plus visitées dans le monde. L’Union représente 40 % des arrivées de touristes internationaux dans le monde et 31 % des recettes du tourisme international. Elle est à la fois l’un des plus grands marchés émetteurs et recèle les destinations les plus visitées au monde. En 2016, près de 270 millions de résidents de l’Union (2/3 de la population de l’époque) ont effectué au moins un voyage à des fins de loisirs, dont plus de la moitié étaient des voyages internationaux. Le transport représente généralement 27 % des dépenses pour un voyage de loisirs.

4.41.

La prise en compte de l’impact environnemental des transports lié au tourisme est l’un des principaux défis recensés dans l’agenda pour un tourisme européen compétitif et durable [COM(2007) 621].

4.42.

Le mouvement des vendredis pour l’avenir ainsi que l’augmentation des phénomènes météorologiques extrêmes et des phénomènes climatiques ont amené les citoyens à repenser leurs projets de voyage habituels et à envisager le rail comme un mode de transport approprié pour rejoindre leur destination. Les gens qui voyagent pour leurs loisirs et leurs vacances représentent la plus grande catégorie des voyageurs ferroviaires.

4.43.

Aujourd’hui, le tourisme européen est confronté à une phase de transition: les destinations bien établies élaborent de nouvelles approches du développement du tourisme qui respectent davantage les principes de durabilité économique, sociale et environnementale. De nouveaux modèles de développement du tourisme sont nécessaires pour faire face aux incidences de cette activité sur l’environnement et à la surabondance de touristes.

4.44.

Pour de nombreux États membres, régions et villes de l’Union, le tourisme est un facteur essentiel du tissu économique et social et une source d’emplois et de revenus. Toutefois, la pandémie de COVID-19 a durement frappé cet écosystème.

4.45.

Dans ce contexte, il s’impose de prendre des mesures propres à favoriser la reprise du tourisme international, continental et national, dans l’intérêt de secteurs importants de l’économie de l’Union. Le rail peut contribuer au développement de destinations touristiques qui ne sont pas desservies de manière adéquate par l’avion, ouvrir de nouvelles liaisons et promouvoir de nouvelles chaînes de valeur. Pour les opérateurs ferroviaires européens, c’est l’occasion de répondre à la demande croissante de touristes soucieux de la protection du climat sur le marché.

4.46.

L’Année européenne du rail devrait être l’occasion de sensibiliser l’opinion publique au tourisme durable et aux nouveaux itinéraires touristiques que les citoyens européens peuvent découvrir grâce aux liaisons ferroviaires. Il y a lieu de promouvoir le concept de transfert modal dans le secteur du tourisme par des initiatives de communication appropriées avec le soutien commun des opérateurs ferroviaires, de l’industrie européenne de la culture et des représentants nationaux et européens de l’industrie du tourisme.

4.47.

Dans ce contexte, l’Année européenne du rail devrait également être l’occasion de rendre plus visibles et de mieux faire connaître au grand public les itinéraires ferroviaires historiques et pittoresques en Europe, tels que l’Orient Express de Paris à Venise, la ligne ferroviaire du Creusot qui traverse l’est et le sud de la France, la ligne qui relie Munich au château de Neuschwanstein en Allemagne, la ligne ferroviaire du val d’Orcia en Italie, les lignes ferroviaires de Petite-Pologne et bien d’autres encore sur tout le continent.

Découvrir l’Union

4.48.

Pour plusieurs raisons, un nombre important de jeunes Européens n’ont jamais ou rarement voyagé en Europe. Bien que des programmes d’échanges éducatifs existent, l’Union vient de lancer un outil qui permettrait d’offrir à tout Européen une expérience de voyage permettant de mieux relier les jeunes à l’identité européenne, de les sensibiliser aux valeurs fondamentales de l’Union européenne et de les familiariser avec un mode de transport durable et propre. «DiscoverEU» (Découvrir l’Europe) est une initiative de l’Union européenne qui offre aux citoyens l’occasion de découvrir l’Europe grâce à des expériences d’apprentissage. Voyager principalement en train (il existe des exceptions pour permettre à ceux qui vivent sur des îles ou dans des zones reculées de participer) permet aux jeunes Européens de découvrir l’Europe et ses villes.

4.49.

Le rôle joué par les voyages dans la création d’une identité européenne est reconnu depuis les travaux préparatoires effectués en vue de l’inclusion du secteur dans le traité de Lisbonne. Le professeur Richard Jobs a récemment démontré le rôle particulier joué par le Pass InterRail dans la formation de valeurs européennes communes (8).

4.50.

L’Année européenne du rail devrait être l’occasion de donner un nouvel élan à l’initiative DiscoverEU en en soutenant les objectifs et en s’adressant aux jeunes Européens qui n’ont pas encore participé au projet. Le CESE soutient l’initiative du Parlement européen d’accorder à chaque citoyen européen, lorsqu’il atteint l’âge de 18 ans, le droit d’avoir un pass DiscoverEU en tant que symbole de l’identité de l’Union européenne.

Europalia et autres musées des chemins de fer européens

4.51.

Tous les deux ans, Europalia présente au public, en Belgique et dans les pays voisins, un programme de manifestations et d’expositions sur des thèmes dotés d’une dimension et d’une perspective européennes fortes. Traditionnellement, Europalia attire un grand nombre de visiteurs, dont beaucoup viennent de l’étranger.

4.52.

Le thème de la prochaine édition (à partir du mois d’octobre 2021) portera sur les chemins de fer et leur influence, hier comme aujourd’hui, sur notre manière de voyager, de travailler, de communiquer et de vivre en Europe. Une attention particulière sera accordée aux chemins de fer en tant que «précurseurs» des efforts déployés par l’Union pour rapprocher les nations et les citoyens ainsi qu’aux trains, facteurs de transition vers une mobilité verte, en s’appuyant sur les idées exposées dans le pacte vert pour l’Europe et l’influence des chemins de fer sur les arts, en soulignant le rôle du rail comme puissant vecteur de changement social, économique et industriel.

4.53.

Dans ce contexte, il serait utile de profiter de l’Année européenne du rail pour fournir davantage d’informations sur le calendrier des initiatives d’Europalia et informer un public plus large sur le contenu créé dans le cadre de manifestations culturelles existantes telles que les festivals de cinéma (Cannes, Venise, Berlin) et les expositions artistiques. Dans le même ordre d’idées, en 2021, les gares et les musées ferroviaires pourraient accueillir de grandes initiatives permettant de relier l’avenir et le passé des chemins de fer à des secteurs d’activité importants tels que l’architecture et la construction, le stylisme, l’électromécanique, la gastronomie et le tourisme.

4.54.

Il est en outre nécessaire que l’Année européenne du rail s’emploie à obtenir la participation de tous les musées des chemins de fer européens, à inviter les citoyens à découvrir leurs collections y compris par le biais de leur présentation numérique, à promouvoir les échanges entre musées et une tournée européenne des musées des chemins de fer.

Bruxelles, le 16 juillet 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  COM(2020) 78 final.

(2)  COM(2020) 78 final.

(3)  JO C 353 du 18.10.2019, p. 79.

(4)  JO C 353 du 18.10.2019, p. 79.

(5)  JO C 47 du 11.2.2020, p. 23.

(6)  JO C 47 du 11.2.2020, p. 23.

(7)  JO C 62 du 15.2.2019, p. 103.

(8)  Voir Jobs, Richard Ivan (2017), Backpack Ambassador — How Youth Travel Integrated Europe, Presses de l’université de Chicago, p. 249 (non traduit).


28.10.2020   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 364/158


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil arrêtant des mesures pour un marché ferroviaire durable compte tenu de la pandémie de COVID-19»

[COM(2020) 260 final — 2020/0127 (COD)]

(2020/C 364/22)

Rapporteur général:

Alberto MAZZOLA

Consultation

Parlement européen, 8.7.2020

Conseil, 30.6.2020

Base juridique

Article 91 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Approbation du président du CESE

25.6.2020 (procédure d’urgence — article 62 du règlement intérieur)

Adoption en session plénière

16.7.2020

Session plénière no

553

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

211/2/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE se félicite de la proposition de la Commission européenne et estime qu’elle est en accord avec le paragraphe 3.2 de l’avis TEN/710 du CESE (1) intitulé «Année européenne du rail (2021)», dans lequel, parmi les commentaires concernant la résilience dont a fait montre le secteur ferroviaire même pendant le pic de l’épidémie de COVID-19, le Comité a fait valoir que «même si le fret ferroviaire a fait preuve d’une forte résilience, les performances auraient pu être encore meilleures […] si les redevances d’accès aux voies étaient réduites à zéro […]».

1.2.

Le CESE souligne qu’il importe que les États membres et les gestionnaires de l’infrastructure appliquent dans les meilleurs délais les dérogations accordées par la proposition de la Commission européenne pour toute la période indiquée dans celle-ci. Le CESE estime que les mesures proposées seront utiles à court terme et pendant toute la durée de leur application.

1.3.

Le CESE suggère toutefois qu’avant la fin de la période de validité des dérogations proposées, la Commission européenne et les législateurs envisagent d’étendre la validité de ces mesures, en particulier si la reprise économique de ce secteur s’avérait plus lente que prévu.

1.4.

Le CESE souligne l’importance des dispositions visant à garantir que les États membres indemnisent les gestionnaires de l’infrastructure de toute perte économique causée par l’application des dérogations à la directive 2012/34/UE (2), proposées par la Commission.

2.   La proposition de la Commission

2.1.

La proposition de la Commission vise, comme d’autres propositions récentes, à proposer des mesures d’aide économique au secteur ferroviaire européen. En l’espèce, ces mesures concernent l’exonération, la réduction ou le report des redevances d’accès aux voies pour l’utilisation de l’infrastructure ferroviaire, ainsi que l’exonération des droits de réservation. Elles couvrent une période de référence allant du 1er mars 2020 au 31 décembre 2020, pour laquelle la tarification peut être modifiée, par dérogation à l’article 27 de la directive 2012/34/UE. Le document de référence du réseau, indiquant l’ensemble des redevances applicables, doit donc être publié au moins quatre mois avant la date limite pour l’introduction des demandes de capacités de l’infrastructure.

2.2.

Plus précisément, il est proposé de déroger au principe énoncé à l’article 31, paragraphe 3, de la directive, selon lequel les redevances perçues pour l’ensemble des prestations minimales doivent être égales au coût directement imputable à l’exploitation du service ferroviaire. Par dérogation à certaines dispositions de la directive 2012/34/UE, les États membres peuvent procéder à des ajustements à la baisse de la perception des majorations au cours d’une période de l’horaire de service en vigueur donnée. Par dérogation à l’article 36 de la directive 2012/34/UE, les gestionnaires de l’infrastructure sont autorisés à décider de ne pas prélever des droits de réservations de capacités pour les sillons supprimés en raison des perturbations causées par la pandémie.

2.3.

La Commission propose également que les États membres soient autorisés à indemniser les gestionnaires de l’infrastructure des pertes économiques résultant de chacune des dérogations à la directive 2012/34/UE susmentionnées (redevances fondées sur les coûts directs, majorations et droits de réservation de capacités). Par dérogation à la directive 2012/34/UE, les gestionnaires de l’infrastructure peuvent être remboursés dans un délai inférieur à celui prévu à l’article 8, paragraphe 4, de ladite directive, c’est-à-dire au plus tard le 31 décembre de l’année suivant celle au cours de laquelle la perte a été subie.

2.4.

Le document de référence du réseau expose en détail les règles générales, les délais, les procédures et les critères applicables aux systèmes de tarification et de répartition des capacités, y compris les informations relatives aux demandes de capacités de l’infrastructure. Il est proposé de préciser que les documents de référence doivent être tenus à jour et modifiés sans retard.

3.   Observations générales

3.1.

Les chemins de fer ont connu une rupture importante et inattendue de la continuité de leurs activités en raison de la pandémie de COVID-19, qui a entraîné une forte baisse de la mobilité. Durant le pic de la crise, le nombre d’usagers a baissé de plus de 90 % dans plusieurs pays et, même après la fin du confinement, les chiffres n’ont pas encore atteint 50 % du niveau d’avant la crise.

3.2.

Selon les premières estimations approximatives effectuées par des associations sectorielles telles que la Communauté européenne du rail (CER), les pertes de recettes subies par l’ensemble des opérateurs de transport de passagers en raison de la pandémie s’élèvent à 900 millions d’euros par semaine depuis le début de la crise. L’incidence de la pandémie de COVID-19 a entraîné une baisse moyenne approximative des recettes du fret ferroviaire de 25 % dans l’ensemble de l’Union européenne (EU-27) en mars et avril 2020 ainsi qu’une perte de recettes d’environ 78 millions d’euros par semaine. Les gestionnaires de l’infrastructure ferroviaire sont de plus en plus touchés par l’épidémie de COVID-19 en raison de la diminution du trafic et des recettes qu’il génère.

3.3.

La réduction des redevances d’accès aux voies en deçà du niveau prévu par la directive 2012/34/UE et la flexibilité accrue accordée aux gestionnaires de l’infrastructure pour attribuer les sillons ferroviaires permettront d’atténuer en partie les conséquences de la crise sur les opérateurs ferroviaires.

Bruxelles, le 16 juillet 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Voir page 149 du présent Journal officiel.

(2)  JO L 343 du 14.12.2012, p. 32.


28.10.2020   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 364/160


Avis du Comité économique et social européen sur la «Mise en œuvre des accords de libre-échange du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2018»

[COM(2019) 455 final]

(2020/C 364/23)

Rapporteure:

Tanja BUZEK

Corapporteur:

Alberto MAZZOLA

Consultation

Commission 19.12.2019

Base juridique

Article 32, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Relations extérieures»

Adoption en section

16.6.2020

Adoption en session plénière

16.7.2020

Session plénière no

553

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

203/0/7

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

La COVID-19 a eu un impact profond et sans précédent sur notre monde globalisé et sur ses citoyens, ainsi que sur le commerce et l’investissement. Selon les estimations de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le commerce mondial devrait diminuer entre 13 % et 32 % en 2020 (1). En tant que moteur important de croissance, de création d’emplois et de développement durable, le commerce devra jouer un rôle essentiel pour promouvoir après la crise une reprise économique durable, et permettre aux entreprises de reconstruire et de réorganiser leurs chaînes de valeur mises à mal. L’Europe a de toute urgence besoin d’un plan de relance de l’Union européenne robuste, social, durable et inclusif, qui viendra aider les entreprises et les populations à surmonter cette crise et à préserver un emploi décent, notamment grâce à l’effet de levier du commerce international. Ce plan devrait être financé au moyen d’obligations européennes ou d’une autre dette européenne commune à long terme.

1.2.

La présente crise souligne l’importance de la coopération mondiale ainsi que du processus de réforme de l’OMC pour garantir une organisation forte et efficace qui puisse réagir au protectionnisme et à l’unilatéralisme. L’heure est venue pour l’OMC de jouer son rôle dans la promotion active des normes fondamentales du travail et de l’accord de Paris (2).

1.3.

Le réexamen annoncé de la stratégie commerciale européenne doit permettre de tirer des enseignements majeurs de cette crise. L’Union n’est pas autosuffisante et dépend de l’accès aux marchés internationaux. Les chaînes d’approvisionnement mondiales doivent devenir à la fois plus résilientes, plus diversifiées et plus responsables. Des instruments plus puissants doivent permettre à un programme durable en matière de commerce et d’investissement d’obtenir des résultats dans toutes ses dimensions. Il faut être cohérent avec le pacte vert et afficher une égale ambition en ce qui concerne la mise en œuvre et l’application effectives des dispositions en matière de travail. Les recommandations que le Comité économique et social européen (CESE) formule dans une série d’avis récents ou en cours d’élaboration consacrés aux échanges commerciaux de l’Union devraient servir de base à cette révision (3). La nouvelle stratégie commerciale de l’Union devrait aller au-delà des vieux modèles commerciaux, en construisant un modèle nouveau qui soit économiquement résilient, plus respectueux de l’environnement, socialement durable et responsable.

1.4.

La société civile joue un rôle important pour diffuser l’information en ce qui concerne la mise en œuvre de la politique commerciale de l’Union. Elle peut aider à communiquer sur ses apports, et elle est essentielle pour signaler les problèmes et les lacunes. Par conséquent, le CESE regrette tout particulièrement que le travail et le point de vue des groupes consultatifs internes (GCI) restent largement absents du rapport de mise en œuvre. La contribution des programmes de travail des GCI et des déclarations communes avec lesdits GCI dans les pays partenaires devrait être davantage prise en compte dans les futurs rapports.

1.5.

Dans les accords futurs, le champ d’application du suivi des GCI couvrira l’intégralité de l’accord, sachant que ceux-ci devraient accorder une attention particulière à l’impact sur le commerce et le développement durable (CDD). L’effet des recommandations des GCI, notamment, mais pas exclusivement, sur les enquêtes concernant des violations de dispositions sur le commerce et le développement durable, doit être considérablement amplifié. Le groupe d’experts avec les États membres sur le commerce et le développement durable, le nouveau chef de l’application des législations commerciales et les institutions européennes concernées devraient mettre en place un échange structuré de suivi avec les GCI, et des réunions conjointes entre GCI devraient être prévues dans les négociations sur les accords.

1.6.

Les accords de libre-échange (ALE) créent un cadre permettant aux entreprises de développer des relations à long terme avec de nouveaux clients et de nouveaux fournisseurs, de saisir les occasions offertes dans les nouveaux pays et de renforcer les capacités locales pour répondre à leurs exigences. Un programme commercial bilatéral et multilatéral ambitieux reflétant les enseignements décrits ci-dessus, et la mise en œuvre intégrale des ALE de l’Union européenne existants doivent en jeter les bases.

1.7.

Le rapport annuel sur la mise en œuvre des ALE donne un aperçu complet et visible du réseau commercial de l’Union. Il mesure les progrès et les performances de chaque ALE et cible les lacunes dans la mise en œuvre. Toutefois, il doit renforcer son potentiel d’information et être mieux relié avec les rapports antérieurs et avec le cycle de vie global de la politique d’évaluation en matière commerciale. Les évaluations de l’impact sur le développement durable (EIDD) devraient notamment être utilisées comme sources d’information. Lors de l’élaboration des futurs rapports, la Commission européenne devrait consulter en priorité la société civile.

1.8.

La sécurisation et la ventilation des données semblent constituer le défi le plus important. Le rapport devrait utiliser les données nationales de façon plus cohérente, en montrant les différentes réalités par État membre ou région de l’Union européenne et, le cas échéant, investir dans la collecte active de données. Les comparaisons sont plus concrètes lorsque des critères sont fixés. D’autres sources, telles que l’Organisation internationale du travail (OIT) sur les violations du droit du travail, devraient compléter le tableau d’ensemble.

1.9.

Les futurs rapports devraient refléter plus systématiquement le commerce des services et son évolution. Il est nécessaire de disposer de données plus détaillées, par secteur et par mode d’approvisionnement, afin d’évaluer dans quelle mesure les entreprises de toutes tailles tirent parti des possibilités offertes par les accords de libre-échange (ALE) de l’Union européenne. Pour aider les exportateurs de services, la base de données sur l’accès aux marchés mise à jour devrait rendre compte des services d’une manière cohérente et être complétée par un guide de l’Union européenne destiné aux exportateurs et aux investisseurs de services européens.

1.10.

Dans l’optique d’apporter une valeur ajoutée à toutes les parties prenantes, le rapport annuel devrait accorder une plus grande attention à des domaines ou à des groupes spécifiques. Les consommateurs auraient besoin de voir comment les augmentations des flux commerciaux peuvent se traduire par des bénéfices concrets. Les données doivent faire apparaître une meilleure symétrie entre des objectifs de négociation ambitieux pour les consommateurs et leur mise en œuvre ultérieure.

1.11.

Le taux d’utilisation des préférences (PUR) est un indicateur important en ce qui concerne la mise en œuvre des ALE. Le rapport montre que le PUR est généralement moins élevé pour les exportations européennes vers des pays partenaires que pour les importations vers l’Union. La Commission et les États membres doivent agir de concert pour améliorer l’utilisation des préférences commerciales et mieux faire connaître les avantages commerciaux qui peuvent en être retirés, en particulier pour les petites et moyennes entreprises (PME). En coopération avec les acteurs économiques européens, ils devraient promouvoir les ALE dans leur langue nationale et élaborer des plans d’action nationaux pour la mise en œuvre de chaque ALE. Les actions d’information doivent également tenir compte des importateurs dans les pays partenaires.

1.12.

La transparence est essentielle pour améliorer l’accès des entreprises européennes aux marchés publics dans les pays partenaires des ALE. La publication d’appels d’offres de pays tiers dans une section spécifique de la base de données européenne Tenders Electronic Daily (TED) améliorerait considérablement la capacité des entreprises européennes de toutes tailles à bénéficier du chapitre sur les marchés publics. En outre, l’Union devrait promouvoir les meilleures pratiques quant à la manière d’intégrer aux marchés publics les critères environnementaux et sociaux.

1.13.

Les ALE offrent un potentiel considérable pour les exportations de produits agricoles européens, tandis que les indications géographiques (IG) renforcent la compétitivité des producteurs agroalimentaires européens, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Union. Toutefois, la mise en œuvre des dispositions agroalimentaires semble ne pas être à la hauteur de ses ambitieux objectifs. La traçabilité des produits et la capacité à appliquer le principe de précaution sont essentielles pour garantir la qualité des denrées alimentaires et la sécurité de l’approvisionnement. Un suivi efficace des normes sanitaires et phytosanitaires (SPS) nécessite que les inspections soient dotées des ressources adéquates.

1.14.

Plusieurs années après la conclusion des accords de libre-échange, nous observons encore, dans certains pays partenaires, une absence de progrès en ce qui concerne le respect des engagements en matière de commerce et de développement durable. Tout en soutenant pleinement la Commission qui a engagé une action en justice dans le différend qui l’oppose à la Corée sur la question des droits des travailleurs, le CESE se déclare préoccupé par l’effet réel du rapport du groupe spécial, sachant que les chapitres sur le commerce et le développement durable ne comportent pas à ce jour d’instruments contraignants en matière de mise en œuvre. À cet égard, le CESE demande que des progrès notables soient accomplis lors du réexamen de la mise en œuvre effective de l’accord économique et commercial global (AECG) sur les dispositions relatives au travail et à l’environnement (4). Le processus de réexamen devrait associer et consulter étroitement les GCI des deux parties.

1.15.

Le CESE se félicite vivement des initiatives récentes de la Commission et des États membres visant à agir davantage en matière de commerce et de développement durable. Dans les négociations avec le Royaume-Uni, l’Union s’engage dans une voie nouvelle, en garantissant des conditions de concurrence équitables et en appliquant le chapitre général de règlement des différends avec un accès aux voies de recours, ce qui traduit la relation unique entre les parties. La communication sur le pacte vert exige que l’accord de Paris devienne une composante essentielle pour tout futur accord économique et commercial global, une mesure positive qui devrait être étendue pour couvrir les conventions fondamentales et actualisées de l’OIT que tous les États membres de l’Union ont ratifiées. En tant qu’instance reconnue au niveau international, l’OIT devrait être associée au suivi de la mise en œuvre des conventions de l’OIT dans les ALE. Le CESE se réjouit que s’engage un nouveau débat entre les États membres sur la manière de conforter les chapitres concernant le commerce et le développement durable de sorte que leurs engagements juridiquement contraignants soient pleinement respectés (5). Ce débat doit veiller à ce que les normes en matière d’environnement et de travail soient traitées à un niveau de priorité suffisamment élevé dans le programme de transposition et d’application effective de la législation.

2.   Le contexte

2.1.

Dans sa communication de 2015 intitulée «Le commerce pour tous», la Commission s’est engagée à rendre compte annuellement de la mise en œuvre des principaux accords commerciaux de l’Union européenne. C’est à présent le troisième rapport en la matière, et, pour la première fois, le CESE a formulé des recommandations.

2.2.

Les ALE représentent une part croissante des échanges commerciaux européens. En 2018, 31 % des échanges de marchandises de l’Union avec le reste du monde étaient couverts par des accords commerciaux préférentiels, et ce chiffre devrait passer à plus de 40 % si l’on considère les accords commerciaux conclus depuis lors.

2.3.

À ce jour, l’Union dispose du plus vaste réseau commercial au monde, avec 44 accords commerciaux préférentiels couvrant 76 pays. Le rapport annuel de mise en œuvre couvre différents types d’accords commerciaux européens:

les accords dits «de première génération», négociés avant 2006, qui ciblent l’élimination des droits de douane,

les accords de «nouvelle génération» qui s’étendent à de nouveaux domaines, y compris les services, les investissements, les marchés publics, la concurrence, les subventions, les questions réglementaires et le développement durable,

les zones de libre-échange approfondi et complet (ZLEAC) qui créent des liens économiques plus étroits entre l’Union européenne et ses pays voisins,

les accords de partenariat économique (APE) axés sur les besoins de développement des régions d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.

2.4.

Depuis 2015, l’Union a réalisé les évaluations ex post de ses accords commerciaux avec le Mexique, le Chili et la Corée du Sud. Sont en cours les évaluations ex post des accords avec le Cariforum et six pays méditerranéens, des accords UE-Moldavie, UE-Géorgie, de l’accord entre l’UE et la Colombie, l’Équateur et le Pérou et enfin de l’accord UE-Amérique centrale.

2.5.

Le rapport de 2019 fait le point sur la mise en œuvre de 35 accords commerciaux majeurs avec 62 partenaires, y compris la première année complète d’application de l’AECG. En outre, le rapport décrit les travaux entrepris avant l’entrée en vigueur de l’accord de partenariat économique UE-Japon, et comporte des chapitres consacrés spécifiquement aux PME, aux services et au commerce agroalimentaire.

2.6.

Le rapport vise à examiner l’effet des dispositions figurant dans les chapitres consacrés spécifiquement au CDD, lesquels font partie de tous les accords commerciaux européens de nouvelle génération, ainsi que les rapports sur les mesures prises pour assurer l’application juridique dans le cadre des accords commerciaux de l’Union. Le document de travail des services de la Commission dans son ensemble fournit des informations détaillées pour chaque accord donné.

3.   La pandémie de COVID-19 et les échanges commerciaux à l’échelle européenne et mondiale

3.1.

La COVID-19 aura un impact profond et sans précédent sur notre monde du commerce globalisé. À ce jour, la Commission s’attend à une diminution de 9,7 % du commerce mondial, une réduction possible de 9,2 % des exportations de biens et services hors de l’Europe des Vingt-sept, et une baisse de 8,8 % des importations de l’Europe des Vingt-sept en 2020 (6). Nous avons assisté à des perturbations de grande ampleur dans les chaînes d’approvisionnement, des restrictions à l’exportation ad hoc de biens utiles en situation de crise, comme les fournitures médicales, un renforcement des contrôles douaniers et des contrôles aux frontières, ainsi que des restrictions à la libre circulation des travailleurs et des prestataires de services. Cette crise a été le révélateur d’une fragilité et de risques préoccupants liés à des chaînes d’approvisionnement très fragmentées et peu diversifiées. Elle démontre également l’importance que les économies soient soutenues par des services publics performants et financièrement solides, en particulier les services de santé publique, si l’on veut préserver la «bonne santé» du commerce et le faire évoluer.

3.2.

Cette crise souligne l’importance de la coopération mondiale et met en évidence le fait que les solutions nationales et unilatérales ne sont la réponse ni au niveau européen ni au niveau mondial. Par conséquent, le processus de réforme de l’OMC doit se poursuivre pour garantir une organisation forte et efficace qui puisse agir face au protectionnisme et à l’unilatéralisme. L’heure est venue pour l’OMC de jouer son rôle dans la promotion active des normes fondamentales du travail et de l’accord de Paris (7).

3.3.

Le CESE reconnaît que le commerce, lorsqu’il s’inscrit dans un cadre politique adéquat, peut être un moteur efficace de croissance, de création d’emplois et de développement durable. En 2017, un emploi sur sept au sein l’Union dépendait des exportations, soit un total de 36 millions d’emplois représentant 15,3 % de l’emploi dans l’Union. En outre, l’importance du marché unique pour les échanges commerciaux européens et son «effet d’entraînement» positifs sont illustrés par le fait qu’un cinquième des emplois bénéficiant d’une aide à l’exportation étaient situés dans un autre État membre (8).

3.4.

Le commerce est appelé à jouer un rôle essentiel pour promouvoir une reprise économique durable, et permettre aux entreprises de reconstruire et de réorganiser leurs chaînes de valeur mises à mal. Pour être solide, social, durable et inclusif, le plan de relance de l’Union doit offrir aux entreprises des possibilités de renforcer leur position dans le commerce international et de préserver un emploi décent. Ce plan devrait être financé au moyen d’obligations européennes ou d’une autre dette européenne commune à long terme.

3.5.

Les prochains rapports 2020 et 2021 devraient entreprendre une évaluation politique complète de l’environnement commercial post-COVID-19, et veiller à ce que celui-ci profite à tous. La Commission devrait considérer comme une priorité de consulter la société civile pour les futurs rapports de mise en œuvre des ALE, et le CESE est prêt à y contribuer par son expérience sur le terrain. La nouvelle stratégie commerciale qui vise à relancer l’économie après la crise de la COVID-19 et à renforcer le commerce mondial, devrait tenir compte des facteurs suivants, qui sont à l’origine de la crise, mais aussi de l’engagement européen en faveur d’une économie neutre en carbone. La politique industrielle européenne doit renforcer la souveraineté industrielle dans des secteurs clés tels que les produits pharmaceutiques et les équipements médicaux. C’est au niveau de l’Union que cela va se jouer.

3.6.

Les recommandations du CESE formulées dans une série d’avis importants et récents sur le commerce de l’Union (9) devraient servir de base au réexamen précoce de la stratégie commerciale. Les négociations en cours tant au niveau bilatéral que dans le cadre de l’OMC devraient, de toute urgence, faire le bilan des effets de la COVID-19, pour prendre à bras-le-corps les problèmes connexes, en particulier les restrictions à l’exportation et la durabilité des chaînes d’approvisionnement, ainsi que le réexamen des mandats commerciaux dans leur ensemble.

3.7.

Si le vaste réseau de règles commerciales préférentielles mis en place par l’Union européenne offre une prévisibilité et une sécurité importantes pour les entreprises européennes, cette crise démontre qu’il est urgent de disposer d’instruments plus solides englobant la durabilité du commerce dans toutes ses dimensions, à savoir économique, sociale et environnementale. Dans ce contexte, le CESE souhaite mentionner les travaux en cours sur un avis consacré aux chaînes d’approvisionnement durables (10), dont l’adoption est prévue pour septembre 2020.

3.8.

Les chaînes d’approvisionnement mondiales doivent devenir à la fois plus résilientes et plus responsables. Les relations commerciales diversifiées constituent une composante importante de la viabilité économique, dans la mesure où elles fournissent une assurance contre les perturbations dans des pays ou régions spécifiques. La politique commerciale de l’Union a un rôle essentiel à jouer à cet égard. Les ALE créent un cadre permettant aux entreprises de développer des relations à long terme avec de nouveaux fournisseurs, de lancer des activités dans de nouveaux pays et de renforcer les capacités locales pour répondre à leurs besoins.

3.9.

La relance des flux commerciaux doit s’appuyer sur des engagements forts en faveur de normes sociales et de travail, ainsi sur leur application effective. La perturbation des processus d’approvisionnement et de production a démontré l’importance de mettre en place des mesures de santé et de sécurité au travail et de veiller à ce que les travailleurs soient en sécurité et en bonne santé pour approvisionner le monde en biens et services. La ratification, la mise en œuvre et l’application des conventions fondamentales de l’OIT sur la liberté d’association et la négociation collective constituent un moyen essentiel de garantir des conditions de travail sûres et décentes, de même que toutes les conventions fondamentales et actualisées de l’OIT.

3.10.

Au vu des mesures de relance massives qu’il faut entreprendre tant au sein de l’Union qu’au niveau mondial, il ne faut en aucune façon négliger le pacte vert, ce dernier devant au contraire s’imposer comme une priorité impérieuse dans les relations commerciales actuelles et futures de l’Union, afin d’assurer une transition respectueuse tant au plan social qu’environnemental. Les mesures du pacte vert doivent être abordées dans toutes les composantes des ALE, y compris la promotion de bonnes pratiques en ce qui concerne la manière d’intégrer les critères environnementaux et sociaux dans les marchés publics.

4.   Observations générales sur le rapport annuel

4.1.

Le CESE salue dans ses grandes lignes la publication du rapport annuel sur la mise en œuvre des accords de libre-échange que la Commission a initiée en 2017, dans la mesure où il fournit une vue d’ensemble complète et visible du réseau commercial de l’Union. Il permet de mesurer les progrès et les performances réalisés par chacun des ALE. À ce titre, il devrait mettre en évidence les lacunes dans la mise en œuvre, y compris celles qui, comme dans les chapitres «Commerce et développement durable», ne sont pas mesurables par des statistiques économiques. Par conséquent, les futurs rapports devraient s’appuyer davantage sur les conclusions des rapports antérieurs et utiliser des mesures de suivi traçables.

4.2.

Pour ce qui est de la mise en œuvre et de la mesure de la performance des ALE, le facteur temps est pertinent. À cet égard, les rapports annuels ne sont que des instantanés témoignant d’évolutions de longue durée qui pourraient se concrétiser au fil du temps ou qui nécessitent un examen plus approfondi et méritent d’être traitées dans le cadre d’une politique d’évaluation qui soit mieux interconnectée. Chaque accord commercial fait l’objet d’une évaluation substantielle à différents moments de son cycle de vie. Le CESE suggère donc d’aborder les futurs rapports de manière plus globale, en réexaminant les conclusions des analyses d’impact antérieures effectuées avant et pendant les négociations. Les évaluations de l’impact sur le développement durable (SIA) devraient notamment être utilisées comme source d’information et être lues en combinaison avec le travail de mise en œuvre.

4.3.

L’information est essentielle pour affiner la politique de l’Union en matière de commerce et d’investissement de même que pour maximiser ses apports. La sécurisation et la ventilation des données semblent constituer le défi le plus important. L’Union devrait utiliser les données nationales de façon plus cohérente, en montrant les différentes réalités par État membre ou région de l’Union européenne et, le cas échéant, investir dans la collecte active de données. L’établissement de critères peut donner une dimension plus concrète aux résultats à comparer. En ce qui concerne le commerce et le développement durable, et en particulier la situation des normes du travail dans les différents pays, il convient que d’autres sources de données, comme celles de l’OIT, viennent compléter le tableau d’ensemble.

4.4.

Le taux d’utilisation des préférences (PUR) est un indicateur important pour mesurer la mise en œuvre. Toutefois, il n’analyse que les échanges de marchandises, sachant que tous les bénéfices, tels que l’accès aux marchés publics, en réalité ne sont pas exprimés au moyen de préférences tarifaires. Le taux d’utilisation des préférences moyen pour les importations issues de pays partenaires commerciaux préférentiels de l’Union était de 87 % en 2018; il était généralement inférieur pour les exportations européennes vers les pays partenaires. Toutefois, aucun calcul moyen exact de ce taux n’est disponible puisque l’Union s’appuie sur des données collectées par le pays importateur et que ces statistiques ne sont pas harmonisées. Pour fournir un tableau plus complet, il serait nécessaire d’élaborer d’autres indicateurs qui permettraient d’évaluer jusqu’à quel point les entreprises de toutes tailles tirent parti des possibilités offertes par les ALE de l’Union.

4.5.

En 2018, les exportations de services représentaient 32 % de la valeur totale des exportations européennes, et près de 59 % étaient considérées comme relevant du commerce en valeur ajoutée (TiVA) (11). Malheureusement, la partie du rapport consacrée au commerce des services ne reflète pas de manière adéquate la valeur élevée du commerce des services pour l’Union (25,2 % de son PIB) et elle n’est pas suffisamment détaillée. Les futurs rapports devraient refléter plus systématiquement le commerce des services et son évolution, non seulement dans sa globalité, mais aussi en tenant compte du niveau sectoriel et du mode d’approvisionnement. Par exemple, une part croissante des services professionnels est couverte par des accords commerciaux. Des professions libérales, comme les avocats, les ingénieurs ou les architectes, fournissent des services hautement spécialisés qui sont souvent liés à d’autres services et marchés connexes, mais qui ne sont pas mentionnés dans le rapport.

4.6.

Le CESE demande que les prochains rapports s’attachent davantage à attirer l’attention sur des domaines et des groupes spécifiques qui sont largement absents du rapport. Les bénéfices des accords commerciaux de l’Union européenne pour les PME et pour le commerce agroalimentaire sont déjà bien mis en évidence. Dans le domaine de l’agriculture, l’examen de l’impact cumulé des ALE sur des secteurs spécifiques est important et il devrait être pris en compte avant l’ouverture de nouvelles négociations. Tout particulièrement pour les consommateurs, une augmentation des flux commerciaux doit se traduire dans les faits par des bénéfices concrets. C’est la raison pour laquelle le CESE plaide en faveur «d’un chapitre spécifique sur le commerce et les consommateurs dans le cadre des dispositions relatives au commerce et au développement durable, qui intégrerait les normes internationales pertinentes pour les consommateurs et renforcerait la coopération en matière d’application des droits des consommateurs» (12).

4.7.

Le CESE soutient fermement l’inclusion d’un chapitre spécifique consacré à la mise en œuvre du dialogue sur le commerce et le développement durable dans le rapport. Il conviendrait de cibler prioritairement les activités entreprises et de mettre en valeur leurs résultats tangibles, les différents points de vue et avis exprimés, ainsi que les mesures de suivi. Le CESE regrette en particulier que le travail et l’opinion des groupes consultatifs internes (GCI) sur le suivi de l’impact des accords sur les engagements en matière de commerce et de développement durable soient largement absents du rapport, et ce, bien que leur contribution institutionnelle soit prévue dans tous les accords de nouvelle génération. La contribution des programmes de travail des GCI et des déclarations communes avec lesdits GCI dans les pays partenaires devrait être davantage prise en compte dans les futurs rapports.

5.   Observations particulières sur la mise en œuvre des ALE

5.1.

La société civile joue un rôle important lorsqu’il s’agit de diffuser l’information sur la mise en œuvre de la politique commerciale de l’Union, elle peut aider à faire connaître ses avantages, et elle est essentielle pour signaler les problèmes et les lacunes. Le CESE joue un rôle actif dans tout cela, que ce soit par ses avis ou en tant que membre des groupes consultatifs internes (GCI). L’élargissement du champ de compétence des futurs GCI au suivi de tous les aspects de l’accord, avec une attention particulière accordée au commerce et au développement durable, pourrait compléter les efforts de la Commission visant à promouvoir une meilleure mise en œuvre des futurs accords de libre-échange de l’Union. Le CESE apporte son soutien à une telle extension (13).

5.2.

Les GCI constituent une réalisation essentielle des accords de libre-échange de nouvelle génération, mais ils doivent être renforcés pour s’acquitter avec succès de leurs tâches de suivi, notamment en ce qui concerne le commerce et le développement durable ou encore, au-delà, dans les futurs ALE de l’Union. Le groupe d’experts avec les États membres sur le commerce et le développement durable et le nouveau chef de l’application des législations commerciales devraient être étroitement liés aux travaux des GCI, avec la mise en place de structures de rapport et d’échange. Cela devrait être complété par un échange d’informations avec l’OIT sur la mise en œuvre des aspects relatifs au travail de la politique de commerce et de développement durable. Pour accroître la visibilité et le suivi interinstitutionnel, il est nécessaire d’instaurer un dialogue structurel entre les GCI de l’Union européenne, la Commission, le Service européen pour l’action extérieure (SEAE), le Parlement européen et les États membres. Pour tirer le meilleur parti du dialogue avec la société civile dans les pays partenaires, il est impératif d’organiser des réunions conjointes entre GCI, et de les inclure à la négociation du texte de l’accord. En effet, les GCI pourraient utilement contribuer par l’intermédiaire de recommandations et de projets communs. Compte tenu du nombre croissant d’ALE et, partant, de GCI, il apparaît urgent de mettre en œuvre des solutions systémiques qui soient dotées des ressources suffisantes, tant humaines que financières. Il n’existe pas de solution universellement applicable. Toute éventuelle nouvelle approche, telle que la régionalisation des GCI, devra garantir un fonctionnement efficace pour relever les défis de la mise en œuvre de l’accord spécifique, et associer les GCI eux-mêmes à son élaboration.

5.3.

Le CESE se félicite vivement de toute une série d’actions récentes visant à améliorer la mise en œuvre et l’application des ALE. La désignation d’un chef de l’application des législations commerciales traduit un engagement politique et une stratégie clairs. Il devrait s’ensuivre une mise en œuvre et une application plus efficaces de tous les éléments des ALE, ainsi qu’un renforcement du rôle de la société civile dans la mise en œuvre des accords, y compris par le dépôt de plaintes. Le document officieux des ministres du commerce français et néerlandais (14) représente une initiative bienvenue pour lancer un nouveau débat sur la manière de garantir que les chapitres sur le commerce et le développement durable respectent pleinement leurs engagements juridiquement contraignants. Ce débat doit veiller à ce que les normes en matière d’environnement et de travail soient traitées à un niveau de priorité suffisamment élevé dans le programme de transposition et application effective de la législation. Compte tenu de leur relation unique, le projet de texte de l’Union européenne relatif au futur accord commercial avec le Royaume-Uni trace une nouvelle voie pour que soient mises au premier plan les conditions de concurrence équitables et la durabilité, et notamment, en cas d’infraction, il prévoit d’appliquer le mécanisme général de règlement des différends avec un accès à des voies de recours (15). Le choix de faire du respect de l’accord de Paris un élément essentiel dans tous les futurs accords commerciaux globaux, comme cela est annoncé dans la communication (16) sur le pacte vert, constitue une avancée dans la bonne direction, et il convient d’aller plus loin pour y inclure aussi le respect et la mise en œuvre des conventions fondamentales et actualisées de l’OIT, que tous les États membres de l’Union ont ratifiées. En cohérence avec sa nouvelle initiative, l’OIT devrait être associée au suivi de la mise en œuvre des conventions de l’OIT dans les accords de libre-échange, sachant que l’organisation est reconnue au niveau international, lorsqu’il s’agit de surveiller, d’aider, d’enquêter en matière d’infraction et de proposer des solutions.

5.4.

Plusieurs années après la conclusion des accords de libre-échange, nous observons encore, dans certains pays partenaires, une absence de progrès en ce qui concerne le respect des engagements en matière de commerce et de développement durable. En décembre 2018, l’Union a demandé la constitution d’un groupe d’experts chargé d’enquêter sur le différend opposant l’Union européenne à la Corée, sur la question des droits du travail, notamment la non-ratification de conventions fondamentales et actualisées de l’OIT. Le CESE se félicite de ce premier recours aux procédures de règlement des différends en lien avec des questions relatives au commerce et au développement durable (17); il déplore seulement la longueur de la procédure, alors même que l’accord a été ratifié il y a déjà huit ans. Le CESE avait donc recommandé de renforcer les mécanismes de suivi par la société civile en lui permettant «de déclencher en toute indépendance des enquêtes concernant les violations des engagements explicites en matière de commerce et de développement durable» (18). Malheureusement, de nombreuses dispositions législatives supplémentaires ainsi que les infractions au droit à la liberté d’association, auxquelles l’OIT avait demandé à la Corée de remédier, ne figuraient pas dans le champ de compétence du groupe d’experts (19). La présentation orale d’acteurs de la société civile, au-delà des communications écrites d’amicus curiae, devrait faire partie intégrante de l’audition dudit groupe. Il reste à voir quels seront les résultats du rapport du groupe d’expert et son effet contraignant, étant donné que les chapitres consacrés au dialogue sur le commerce et le développement (CDD) manquent encore d’outils de contrôle suffisamment précis de l’application de la législation. À cet égard, le CESE demande que des progrès notables soient accomplis lors du bilan de la mise en œuvre effective de l’AECG sur les dispositions relatives au travail et à l’environnement (20). Le processus de réexamen devrait associer et consulter étroitement les GCI des deux parties (21).

5.5.

Les ALE offrent un potentiel considérable pour les exportations de produits agricoles européens, tandis que les indications géographiques (IG) renforcent la compétitivité des producteurs agroalimentaires européens, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Union. Avec des importations et exportations cumulées d’un montant de 254 milliards d’euros en 2018, l’UE occupe la première place mondiale dans les échanges de produits agroalimentaires (22). Si le commerce agroalimentaire fait souvent l’objet d’un examen approfondi lors des négociations, la mise en œuvre des dispositions ne semble pas être à la hauteur des objectifs ambitieux qui lui sont donnés. La traçabilité des produits et la capacité à appliquer le principe de précaution sont essentielles pour garantir la qualité et la sécurité de l’approvisionnement en denrées alimentaires. Un suivi efficace des normes sanitaires et phytosanitaires (SPS) nécessite des inspections dotées des ressources adéquates.

5.6.

En dépit de possibilités non négligeables pour les entreprises, un manque de compréhension demeure quant aux bénéfices des ALE, en particulier au cours des deux premières années de leur mise en œuvre. La Commission et les États membres devraient promouvoir les accords, en coopération avec la communauté des entreprises européennes dans leurs langues nationales respectives auprès des exportateurs potentiels, afin de combler le défaut de connaissances, en particulier parmi les PME. Une action pourrait passer par l’élaboration de plans d’action nationaux pour la mise en œuvre de chaque accord de libre-échange avant son entrée en vigueur.

5.7.

En tant que bénéficiaires directs des économies réalisées sur les droits de douane, les importateurs dans les pays partenaires commerciaux sont des acteurs clés dans l’utilisation des préférences tarifaires dans le cadre d’un ALE. Ils devraient être pris en considération dans le cadre de toute action de l’Union visant à augmenter le taux d’utilisation des préférences pour ses exportations. Les actions d’information pourraient inclure des séminaires sur les possibilités offertes par les ALE respectifs, ainsi que sur la manière de demander des préférences tarifaires. Les actions d’information européennes dans les pays partenaires des ALE devraient être menées en étroite coopération entre les délégations de l’Union, les représentations nationales et les représentants des entreprises, y compris les chambres de commerce.

5.8.

Les services représentent un volume considérable de dispositions d’ALE modernes, mais leurs apports sont moins lisibles que les réductions tarifaires. En l’occurrence, la transparence des exigences réglementaires sur les marchés tiers est essentielle pour faciliter les échanges. La fusion prochaine de la base de données sur l’accès aux marchés européens et du Trade Helpdesk (service d’assistance à la promotion des exportations) offre une occasion d’inclure de manière cohérente non seulement les biens, mais aussi les services. Un nouveau portail devrait fournir des informations sur l’accès au marché et sur les restrictions par mode de fourniture de chaque code de la classification centrale des produits (CPC) (23), ainsi que des informations sur la documentation, la certification, les licences, les essais et autres exigences par secteur. En outre, il pourrait être utile de disposer d’un guide destiné aux exportateurs et investisseurs de services européens vers les principaux partenaires commerciaux de l’Union en matière de services, tels que le Japon ou le Canada.

5.9.

L’Union européenne est le marché le plus ouvert du monde en matière de marchés publics, et les accords de libre-échange offrent des règles et des possibilités considérables d’accès aux marchés publics dans les pays partenaires pour les entreprises européennes. Or, on observe un déficit de transparence et un manque de mesures cohérentes pour intégrer des clauses en matière de travail dans les contrats, les politiques et les pratiques publics (24), qui devraient figurer dans les accords de libre-échange. La publication d’appels d’offres de pays tiers dans une section spécifique de la base de données européenne Tenders Electronic Daily (TED) améliorerait considérablement la capacité des entreprises européennes de toutes tailles à bénéficier du chapitre sur les marchés publics. En outre, un outil de traduction automatique spécialisé dans toutes les langues de l’Union pour les appels d’offres publiés pourrait contribuer à surmonter la barrière linguistique.

5.10.

Pour bénéficier de droits préférentiels dans le cadre d’un ALE, les produits doivent respecter les règles d’origine (RO). La réduction du coût administratif de la demande de droits de douane préférentiels doit être considérée comme un facteur clé pour augmenter le PUR, notamment pour les transactions de faible valeur. À cet égard, il serait essentiel de simplifier et d’harmoniser les RO entre les différents accords de libre-échange. En outre, la nouvelle approche en matière de vérification de l’origine approuvée dans les ALE avec le Canada et le Japon, selon laquelle il revient à l’autorité importatrice d’établir si les produits satisfont aux exigences en matière d’origine, peut de facto exiger de l’exportateur qu’il communique des données commercialement sensibles.

5.11.

Les chapitres des ALE relatifs aux investissements offrent une sécurité juridique aux investissements directs étrangers entrants et sortants, et suppriment les obstacles à l’investissement. Les entreprises européennes jouent, à l’échelle mondiale, un rôle pionnier lorsqu’il s’agit d’effectuer des investissements durables et à long terme. Toutefois, il reste difficile d’attirer de tels investissements. Le plan d’investissement extérieur (PIE) de l’Union européenne, axé sur le développement durable, l’emploi et la croissance, est une étape prometteuse à cet égard, mais il reste trop limité, que ce soit sur les plans géographiques, thématiques ou encore en ce qui concerne le financement disponible. L’Union pourrait soutenir cette stratégie en inscrivant les questions liées aux investissements durables au programme des visites officielles, ou en suscitant des réunions de haut niveau et des missions sur ce thème dans les pays concernés, en coordination avec les États membres et les acteurs économiques européens.

5.12.

Les entreprises européennes actives dans les pays tiers jouent un rôle clé pour appliquer concrètement et promouvoir l’entrepreneuriat responsable (RBC). Le CESE observe que les dispositions relatives aux responsabilités des entreprises dans les accords en matière de commerce et d’investissement sont en augmentation et s’étendent à différentes directions (25). Les entreprises européennes étant des leaders mondiaux dans ce domaine, l’Union est la mieux placée pour jouer un rôle de premier plan en matière de devoir de diligence; par conséquent, le CESE se félicite que la Commission suive sa recommandation de proposer une législation européenne dans ce domaine (26).

Bruxelles, le 16 juillet 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Prévisions de l’OMC en matière de commerce, avril 2020.

(2)  JO C 159 du 10.5.2019, p. 15.

(3)  Voir les avis récents: JO C 47 du 11.2.2020. REX/529 «Une urgence au lendemain de la COVID-19: la conception d’une nouvelle matrice multilatérale» (voir page xx du présent Journal officiel); le travail en cours sur les dossiers NAT/791 «La compatibilité de la politique commerciale de l’UE avec le pacte vert pour l’Europe» et REX/532 «Des chaînes d’approvisionnement durables et un travail décent dans le commerce international».

(4)  Instrument interprétatif commun de l’AECG, octobre 2016.

(5)  Non-paper from the Netherlands and France on trade, social economic effects and sustainable development (document officieux des Pays-Bas et de la France sur le commerce, les effets économiques sociaux et le développement durable), mai 2020.

(6)  «The impact of the Covid-19 pandemic on global and EU trade» (L’impact de la pandémie de COVID-19 sur le commerce aux niveaux mondial et européen), économiste en chef de la DG TRADE, avril 2020.

(7)  JO C 159 du 10.5.2019, p. 15.

(8)  JO C 47 du 11.2.2020, p. 38.

(9)  Voir la note 3 de bas de page.

(10)  Avis REX/532 «Des chaînes d’approvisionnement durables et un travail décent dans le commerce international» (prévu pour septembre 2020).

(11)  Dans la mesure où les services représentent aussi une part significative de quelque 34 % dans les exportations de produits manufacturés. Toutes les données proviennent de la base de données «Commerce en valeur ajoutée» (TiVA), 2016.

(12)  JO C 227 du 28.6.2018, p. 27.

(13)  JO C 159 du 10.5.2019, p. 28.

(14)  Voir la note 5 de bas de page.

(15)  Projet d’accord sur le nouveau partenariat avec le Royaume-Uni (en anglais),18 mars 2020.

(16)  COM(2019) 640 final.

(17)  Prenant acte de deux règlements de différends lancés en 2019, notamment avec l’Ukraine et l’Union douanière sud-africaine, dans le cadre du mécanisme général de règlement des différends relatif aux accords de libre-échange.

(18)  JO C 227 du 28.6.2018, p. 27.

(19)  Amicus curiae à l’attention du groupe d’experts chargé d’évaluer l’adhésion de la République de Corée au chapitre sur la durabilité, janvier 2020.

(20)  Voir la note 4 de bas de page.

(21)  Déclaration conjointe des GCI UE-Canada, novembre 2019.

(22)  Le commerce agroalimentaire en 2018, DG Agriculture et développement rural, 2019.

(23)  Le code de la classification centrale des produits répondant à la liste de classification sectorielle des services de l’OMC.

(24)  Enquête générale de l’OIT de 2008 sur les clauses en matière de travail dans les marchés publics Labour clauses in public contracts. Integrating the social dimension into procurement policies and practices.

(25)  Business Responsibilities and Investment Treaties, Consultation paper by the OECD Secretariat (responsabilité des entreprises et traités d’investissement, document de consultation du secrétariat de l’OCDE), janvier 2020.

(26)  JO C 47 du 11.2.2020, p. 38.