ISSN 1977-0936

Journal officiel

de l'Union européenne

C 62

European flag  

Édition de langue française

Communications et informations

62e année
15 février 2019


Sommaire

page

 

I   Résolutions, recommandations et avis

 

AVIS

 

Comité économique et social européen

 

538e session plénière du CESE, 17.10.2018-18.10.2018

2019/C 62/01

Avis du Comité économique et social européen sur Défis et mutations industrielles dans le secteur aérospatial de l’Union européenne

1

2019/C 62/02

Avis du Comité économique et social européen sur le pacte européen finance-climat (avis d’initiative)

8

2019/C 62/03

Avis du Comité économique et social européen sur Le développement stratégique de la politique industrielle à l’horizon 2030 en vue du renforcement de la compétitivité et de la diversification de la base industrielle de l’Europe, et de l’orientation vers une performance durable au sein des chaînes de valeur mondiales (avis exploratoire à la demande de la présidence autrichienne)

16


 

III   Actes préparatoires

 

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

 

538e session plénière du CESE, 17.10.2018-18.10.2018

2019/C 62/04

Avis du Comité économique et social européen sur a) une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive (UE) 2017/1132 en ce qui concerne l’utilisation d’outils et de processus numériques en droit des sociétés [COM(2018) 239 final — 2018/0113 (COD)] et sur b) une proposition de directive modifiant la directive (UE) 2017/1132 en ce qui concerne les transformations, fusions et scissions transfrontalières [COM(2018) 241 final — 2018/0114 (COD)]

24

2019/C 62/05

Avis du Comité économique et social européen sur la a) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant établissement du programme-cadre pour la recherche et l’innovation Horizon Europe et définissant ses règles de participation et de diffusion[COM(2018) 435 final — 2018/0224 (COD)] et la b) Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant le programme spécifique d’exécution du programme-cadre pour la recherche et l’innovation Horizon Europe[COM(2018) 436 final — 2018/0225 (COD)]

33

2019/C 62/06

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le programme en faveur du marché unique, de la compétitivité des entreprises, dont les petites et moyennes entreprises, et des statistiques européennes et abrogeant les règlements (UE) no 99/2013, (UE) no 1287/2013, (UE) no 254/2014, (UE) no 258/2014, (UE) no 652/2014 et (UE) 2017/826[COM(2018) 441 final — 2018/0231 (COD)]

40

2019/C 62/07

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le programme Douane aux fins de la coopération dans le domaine douanier[COM(2018) 442 final — 2018/0232 (COD)]

45

2019/C 62/08

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le programme spatial de l’Union et l’Agence de l’Union européenne pour le programme spatial et abrogeant les règlements (UE) no 912/2010, (UE) no 1285/2013, (UE) no 377/2014 et la décision no 541/2014/UE[COM(2018) 447 final — 2018/0236 (COD)]

51

2019/C 62/09

Avis du Comité économique et social européen sur a) la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1206/2001 du Conseil du 28 mai 2001 relatif à la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l’obtention des preuves en matière civile ou commerciale[COM(2018) 378 final — 2018/203 (COD)] et sur b) la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1393/2007 du Parlement européen et du Conseil relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale (signification ou notification des actes)[COM(2018) 379 final — 2018/204 (COD)]

56

2019/C 62/10

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le programme de l’Union en matière de lutte contre la fraude[COM(2018) 386 final — 2018/0211 (COD)]

63

2019/C 62/11

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant création, dans le cadre du Fonds pour la gestion intégrée des frontières, de l’instrument de soutien financier relatif aux équipements de contrôle douanier[COM(2018) 474 final — 2018/0258 (COD)]

67

2019/C 62/12

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen et au Comité des régions intitulée Plan d’action: financer la croissance durable[COM(2018) 97 final]

73

2019/C 62/13

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant dispositions communes relatives au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen plus, au Fonds de cohésion et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, et établissant les règles financières applicables à ces Fonds et au Fonds Asile et migration», au Fonds pour la sécurité intérieure et à l’instrument relatif à la gestion des frontières et aux visas[COM(2018) 375 final — 2018/0196 (COD)]

83

2019/C 62/14

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au Fonds européen de développement régional et au Fonds de cohésion[COM(2018) 372 final — 2018/0197 (COD)]

90

2019/C 62/15

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la publication d’informations relatives aux investissements durables et aux risques en matière de durabilité et modifiant la directive (UE) 2016/2341[COM(2018) 354 final — 2018/0179 (COD)]

97

2019/C 62/16

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur l’établissement d’un cadre pour favoriser les investissements durables[COM(2018) 353 final — 2018/0178 (COD)] et la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2016/1011 en ce qui concerne les indices de référence correspondant à une faible intensité de carbone et les indices de référence correspondant à un bilan carbone positif[COM(2018) 355 final — 2018/0180 (COD)]

103

2019/C 62/17

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 92/83/CEE concernant l’harmonisation des structures des droits d’accise sur l’alcool et les boissons alcooliques[COM(2018) 334 final — 2018/0173 (CNS)], la Proposition de directive du Conseil établissant le régime général d’accise (refonte)[COM(2018) 346 final — 2018/0176 (CNS)], la Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à l’informatisation des mouvements et des contrôles des produits soumis à accise (refonte)[COM (2018)341 final — 2018/0187 (COD)] et la Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (UE) no 389/2012 concernant la coopération administrative dans le domaine des droits d’accise en ce qui concerne le contenu du registre électronique[COM(2018) 349 final — 2018/0181 (CNS)]

108

2019/C 62/18

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les titres adossés à des obligations souveraines[COM(2018) 339 final — 2018/0171 (COD)]

113

2019/C 62/19

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le programme Fiscalis aux fins de la coopération dans le domaine fiscal[COM(2018) 443 final — 2018/0233 (COD)]

118

2019/C 62/20

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le programme d’appui aux réformes[COM(2018) 391 final — 2018/0213 (COD)]

121

2019/C 62/21

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la création d’un mécanisme européen de stabilisation des investissements (MESI)[COM(2018) 387 final — 2018/0212 (COD)]

126

2019/C 62/22

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le programme InvestEU[COM(2018) 439 final — 2018/0229 (COD)]

131

2019/C 62/23

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Construire une Europe plus forte: le rôle des politiques en faveur de la jeunesse, de l’éducation et de la culture[COM(2018) 268 final], sur la Proposition de recommandation du Conseil en faveur de la reconnaissance mutuelle automatique des diplômes de l’enseignement supérieur et secondaire de deuxième cycle et des acquis de périodes d’apprentissage effectuées à l’étranger[COM(2018) 270 final — 2018/0126 (NLE)], sur la Proposition de recommandation du Conseil relative à des systèmes de qualité élevée pour l’éducation et l’accueil de la petite enfance[COM(2018) 271 final — 2018/0127 (NLE)], et sur la Proposition de recommandation du Conseil relative à une approche globale de l’enseignement et de l’apprentissage des langues[COM(2018) 272 final — 2018/0128 (NLE)]

136

2019/C 62/24

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Mobiliser, connecter et autonomiser les jeunes: une nouvelle stratégie de l’Union européenne en faveur de la jeunesse[COM(2018) 269 final]

142

2019/C 62/25

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Un nouvel agenda européen de la culture[COM(2018) 267 final]

148

2019/C 62/26

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen Renforcer la protection des lanceurs d’alerte au niveau de l’UE[COM(2018) 214 final] et la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la protection des personnes dénonçant les infractions au droit de l’Union[COM(2018) 218 final]

155

2019/C 62/27

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au Fonds social européen plus (FSE+)[COM(2018) 382 final — 2018/0206 (COD)]

165

2019/C 62/28

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la protection du budget de l’Union en cas de défaillance généralisée de l’état de droit dans un État membre[COM(2018) 324 final — 2018/0136 (COD)]

173

2019/C 62/29

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le programme Droits et valeurs[COM(2018) 383 final — 2017/0207 (COD)] et la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le programme Justice[COM(2018) 384 final — 2017/0208 (COD)]

178

2019/C 62/30

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le Fonds Asile et migration[COM(2018) 471 final — 2018/0248 (COD)] et la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant, dans le cadre du Fonds pour la gestion intégrée des frontières, l’instrument de soutien financier dans le domaine de la gestion des frontières et des visas[COM(2018) 473 final — 2018/0249 (COD)]

184

2019/C 62/31

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le Fonds pour la sécurité intérieure[COM(2018) 472 final — 2018/0250 (COD)]

189

2019/C 62/32

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant Erasmus, le programme de l’Union pour l’éducation, la formation, la jeunesse et le sport, et abrogeant le règlement (UE) no 1288/2013[COM(2018) 367 final — 2018/0191 (COD)]

194

2019/C 62/33

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le programme Corps européen de solidarité et abrogeant le [règlement relatif au corps européen de solidarité] et le règlement (UE) no 375/2014[COM(2018) 440 final — 2018/0230 (COD)]

201

2019/C 62/34

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la réduction de l’incidence sur l’environnement de certains produits en plastique[COM(2018) 340 final — 2018/0172 (COD)]

207

2019/C 62/35

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des règles régissant l’aide aux plans stratégiques devant être établis par les États membres dans le cadre de la politique agricole commune (les plans stratégiques relevant de la PAC) et financés par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), et abrogeant le règlement (UE) no 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil et le règlement (UE) no 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil[COM(2018) 392 final — 2018/0216 (COD)], la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (UE) no 1306/2013[COM(2018) 393 final — 2018/0217 (COD)] et la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (UE) no 1308/2013 portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits agricoles, (UE) no 1151/2012 relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires, (UE) no 251/2014 concernant la définition, la description, la présentation, l’étiquetage et la protection des indications géographiques des produits vinicoles aromatisés, (UE) no 228/2013 portant mesures spécifiques dans le domaine de l’agriculture en faveur des régions ultrapériphériques de l’Union et (UE) no 229/2013 portant mesures spécifiques dans le domaine de l’agriculture en faveur des îles mineures de la mer Égée[COM(2018) 394 final — 2018/0218 (COD)]

214

2019/C 62/36

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un programme pour l’environnement et l’action pour le climat (LIFE) et abrogeant le règlement (UE) no 1293/2013[COM(2018) 385 final — 2018/209 (COD)]

226

2019/C 62/37

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision no 1313/2013/UΕ relative au mécanisme de protection civile de l’Union[COM(2017) 772 final — 2017/0309 (COD)]

231

2019/C 62/38

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant la réutilisation des informations du secteur public (refonte) et la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions Vers un espace européen commun des données[COM(2018) 234 final — 2018/0111 (COD); COM(2018) 232 final]

238

2019/C 62/39

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions L’Europe en mouvement — Une mobilité durable pour l’Europe: sûre, connectée et propre[COM(2018) 293 final]

254

2019/C 62/40

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2008/96/CE concernant la gestion de la sécurité des infrastructures routières[COM(2018) 274 final — 2018/0129 (COD)]

261

2019/C 62/41

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un système de guichet unique maritime européen et abrogeant la directive 2010/65/UE[COM(2018) 278 final — 2018/0139 (COD)] et sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les informations électroniques relatives au transport de marchandises[COM(2018) 279 final — 2018/0140 (COD)]

265

2019/C 62/42

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant des mesures de rationalisation en vue de progresser dans la réalisation du réseau transeuropéen de transport[COM(2018) 277 final — 2018/0138 (COD)]

269

2019/C 62/43

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — En route vers la mobilité automatisée: une stratégie de l’Union européenne pour la mobilité du futur[COM(2018) 283 final]

274

2019/C 62/44

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur l’étiquetage des pneumatiques en relation avec l’efficacité en carburant et d’autres paramètres essentiels et abrogeant le règlement (CE) no 1222/2009[COM(2018) 296 final — 2018/0148 (COD)]

280

2019/C 62/45

Avis du Comité économique et social européen sur laProposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des normes de performance en matière d’émissions de CO2 pour les nouveaux véhicules lourds[COM(2018) 284 final — 2018-0143 (COD)] et sur la Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 96/53/CE du Conseil en ce qui concerne le délai fixé pour la mise en œuvre des règles spéciales relatives à la longueur maximale pour les cabines améliorant les performances aérodynamiques, l’efficacité énergétique et les performances en matière de sécurité[COM(2018) 275 final — 2018/0130 (COD)]

286

2019/C 62/46

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le programme pour une Europe numérique pour la période 2021-2027[COM(2018) 434 final — 2018/0227 (COD)]

292

2019/C 62/47

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 391/2009 en ce qui concerne le retrait du Royaume-Uni de l’Union[COM(2018) 567 final — 2018/0298 (COD)]

298

2019/C 62/48

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1316/2013 en ce qui concerne le retrait du Royaume-Uni de l’Union[COM(2018) 568 final — 2018/0299 (COD)]

301

2019/C 62/49

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil mettant fin aux changements d’heure saisonniers et abrogeant la directive 2000/84/CE[COM(2018) 639 final — 2018/0332 (COD)]

305

2019/C 62/50

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 1303/2013 en ce qui concerne les ressources affectées à la cohésion économique, sociale et territoriale et rectifiant ce règlement en ce qui concerne les ressources affectées à l’objectif Investissement pour la croissance et l’emploi[COM(2018) 498 final — 2018/0265 (COD)]

308

2019/C 62/51

Avis du Comité économique et sociale européen sur la «Proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil portant établissement d’un cadre pour l’interopérabilité des systèmes d’information de l’Union européenne (frontières et visas) et modifiant la décision 2004/512/CE du Conseil, le règlement (CE) no 767/2008, la décision 2008/633/JAI du Conseil, le règlement (UE) 2016/399, le règlement (UE) 2017/2226, le règlement (UE) 2018/XX [le règlement ETIAS], le règlement (UE) 2018/XX [règlement sur système d’information Schengen (SIS) dans le domaine des vérifications aux frontières] et le règlement (UE) 2018/XX [le règlement eu-LISA] [COM(2018) 478 final — 2017/0351 (COD)] et la «Proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil portant établissement d’un cadre pour l’interopérabilité des systèmes d’information de l’Union européenne (coopération policière et judiciaire, asile et migration) et modifiant le règlement (UE) 2018/XX [le règlement Eurodac], le règlement (UE) 2018/XX [le règlement SIS dans le domaine répressif], le règlement (UE) 2018/XX [le règlement ECRIS-TCN] et le règlement (UE) 2018/XX [le règlement eu-LISA] [COM(2018) 480 final — 2017/0352 (COD)]

309

2019/C 62/52

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur l’agence européenne de contrôle des pêches (texte codifié)[COM(2018) 499 final — 2018/0263 (COD)]

310

2019/C 62/53

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de décision du Conseil relative à l’association des pays et territoires d’outre-mer à l’Union européenne, y compris les relations entre l’Union européenne, d’une part, et le Groenland et le Royaume de Danemark, d’autre part (décision d’association outre-mer)[COM(2018) 461 final]

311

2019/C 62/54

Avis du Comité économique et social européen sur Politique économique de la zone euro (2018) (supplément d’avis)[COM(2017) 770 final]

312


FR

 


I Résolutions, recommandations et avis

AVIS

Comité économique et social européen

538e session plénière du CESE, 17.10.2018-18.10.2018

15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/1


Avis du Comité économique et social européen sur «Défis et mutations industrielles dans le secteur aérospatial de l’Union européenne»

(2019/C 62/01)

Rapporteur:

Thomas KROPP

Corapporteur:

Enrico GIBELLIERI

Décision de l’assemblée plénière

15.2.2018

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Commission consultative des mutations industrielles (CCMI)

Adoption par la CCMI

25.9.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

184/1/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Nécessité pour l’Union européenne de développer une politique industrielle pour le secteur aéronautique qui permette à son industrie aéronautique d’opérer dans des conditions de concurrence équitables, dans un contexte de vive concurrence de la part des acteurs établis (en particulier les États-Unis) et de concurrence croissante de la part d’acteurs émergents (notamment la Chine). Dans ce contexte, il y a lieu de mettre en place une «sentinelle» de l’aéronautique au niveau de l’Union européenne et de faire de ce secteur un élément central de la diplomatie économique et de la politique commerciale de l’Union.

1.2.

Défis en matière de compétences, notamment la nécessité de faire en sorte que la main-d’œuvre vieillissante du secteur, qui est hautement spécialisée, ait la possibilité de partager son expérience et ses compétences avec des travailleurs plus jeunes; nécessité d’attirer davantage de jeunes dans le secteur, dans lequel les compétences en matière d’ingénierie et de technologies de l’information et de la communication (TIC) sont de plus en plus recherchées, et impérieuse nécessité de mettre à niveau les compétences des travailleurs existants en lien avec la numérisation.

1.3.

Nécessité de maintenir la recherche en matière d’aviation civile au rang des grandes priorités du programme Horizon Europe et d’augmenter le budget qui lui est alloué par rapport au programme Horizon 2020. Dans ce contexte, il convient d’assurer la poursuite des entreprises technologiques fructueuses visant à réduire l’incidence environnementale des émissions en lançant les initiatives Clean Sky 3 et SESAR 3.

1.4.

Nécessité de déployer de toute urgence les solutions SESAR et de mettre en place le ciel unique européen (SES) après des décennies de discussions. Nécessité d’investir dans des capacités efficaces au sol et dans les airs, afin de faciliter la croissance de l’aviation tout en réduisant ses incidences sur l’environnement et en relevant les niveaux de sécurité.

1.5.

Nécessité de renforcer le rôle international de l’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) et d’axer davantage sa réglementation sur les performances, pour pouvoir déployer les nouvelles technologies de manière sûre et plus efficace et garantir des conditions de concurrence équitables pour les exportateurs européens.

1.6.

Nécessité de trouver des solutions en vue d’un accord post-Brexit efficace couvrant: le régime douanier, les cadres réglementaires, la coopération en matière de recherche et de déploiement et la mobilité des travailleurs. Les discussions techniques portant sur la réglementation doivent débuter dans les plus brefs délais, pour garantir la mise en place de mesures d’atténuation.

1.7.

Nécessité de progresser en matière de filtrage des investissements directs étrangers (IDE) par l’Union européenne, afin de protéger les technologies qui revêtent un caractère critique pour les industries européennes de la production et de la maintenance, réparation et révision (MRR) actives dans le secteur aéronautique.

1.8.

Nécessité d’assurer un dialogue social continu entre les employeurs, les employés et la société civile. Il est nécessaire également d’engager un dialogue social spécifique pour le secteur de l’aéronautique au titre de la décision 98/500/CE de la Commission.

2.   Observations générales

L’industrie aéronautique de l’Union européenne est l’un de ses principaux secteurs de haute technologie sur le marché mondial. Elle génère 500 000 emplois directs de qualité (1) (auxquels s’ajoutent 1 million d’emplois indirects) et se compose d’un écosystème de petites et grandes entreprises couvrant tout le spectre de l’aéronautique.

L’industrie aéronautique européenne est un acteur technologique de premier plan dans son domaine et détient actuellement une part d’environ un tiers du marché mondial. Elle contribue positivement à la balance commerciale de l’Union européenne (46 milliards d’EUR d’exportations européennes(2).

Portée de l’avis

Les secteurs de la défense et de l’espace ne sont pas spécifiquement couverts par le présent avis. Il importe toutefois de noter que l’industrie aéronautique civile contribue à ces secteurs, notamment en soutenant l’autonomie stratégique de l’Europe grâce aux synergies développées sur le plan technologique avec l’industrie de la défense et aux centres de décision qu’elle partage avec elle.

La force de l’industrie aéronautique européenne et sa position dominante sur la scène mondiale sont le fruit de solides stratégies et activités productives. Cette position de force ne doit pas être tenue pour acquise, le secteur étant confronté à de nombreux défis:

1)

Une féroce concurrence de la part des acteurs établis et d’acteurs émergents, qui bénéficient d’un soutien important de la part de leurs gouvernements respectifs;

2)

Un déplacement vers l’Est de la croissance et du pouvoir économiques, qui représente à la fois une occasion à saisir et une menace;

3)

Des défis opérationnels à court terme tels que le Brexit, les contraintes budgétaires de l’Union européenne et les mesures protectionnistes de pays tiers;

4)

La nécessité pour l’industrie aéronautique européenne de maintenir son avance technologique, notamment concernant la réduction de l’incidence environnementale des émissions;

5)

l’absence de politique industrielle cohérente de la part de l’Union européenne;

6)

la nécessité de développer une stratégie cohérente de l’Union en matière de filtrage des investissements directs étrangers;

7)

la nécessité de renforcer la présence internationale de l’AESA;

8)

la nécessité d’accroître la compétitivité de l’industrie MRR de l’Union européenne;

9)

l’importance de faire en sorte que les travailleurs de demain disposent des compétences spécialisées dont le secteur a besoin, notamment dans le domaine de la numérisation.

Observations particulières

3.   Le marché mondial et ses défis

3.1.

La position dominante actuelle de l’industrie européenne ne devrait pas être tenue pour acquise. Le PIB de l’Union européenne en proportion du PIB mondial connaîtra une baisse de 30 %, passant de 17 % actuellement à 12 % (3).

3.2.

De nombreux pays ont développé et mis en œuvre des stratégies ambitieuses concernant la manière de se positionner, de déployer leurs travailleurs et de se tailler une position de choix dans la chaîne de valeur mondiale, dans un contexte d’automatisation et de déplacement vers l’Est de la puissance économique.

3.3.

L’Europe devra faire face à une situation concurrentielle tout à fait nouvelle, qui regorgera d’occasions à saisir si nous parvenons à tirer le meilleur parti de nos efforts et à prendre des décisions courageuses, mais qui sera lourde de menaces si nous considérons comme acquise notre position de chef de file.

4.   Soutien des gouvernements étrangers à l’industrie des pays tiers

4.1.

L’industrie américaine (principale concurrente de l’industrie européenne) continue de bénéficier d’un large soutien public de la part du gouvernement des États-Unis et de ses 34 agences et départements différents. L’ensemble de règles, politiques et instruments mis en place au fil des ans par les administrations américaines successives pour soutenir le secteur national de l’aéronautique civile couvre un large éventail de domaines et permet des synergies très efficaces avec le secteur de la défense, notamment concernant la recherche, la technologie et le développement (y compris grâce aux fonds du budget fédéral alloués aux programmes de recherche). D’autres acteurs établis (Canada et Brésil) continuent eux aussi de recevoir un soutien important de la part de leurs gouvernements respectifs au moyen d’une stratégie industrielle globale.

4.2.

Outre les acteurs établis de l’aéronautique civile, plusieurs pays émergents (Chine, Indonésie, Inde, Corée du Sud, Philippines et autres) renforcent leur engagement en faveur du développement d’industries aéronautiques nationales compétitives dans les années à venir.

4.3.

Parmi ceux-ci, c’est la Chine qui possède la stratégie la plus complète, alliant planification centralisée et entreprises détenues par l’État. Le gouvernement chinois a fait du développement d’une industrie aéronautique civile nationale l’une de ses grandes priorités dans plusieurs documents officiels (adoptés aux plus hauts niveaux de l’État), dont l’initiative «Made in China 2025». Le plan quinquennal actuel de la Chine préconise «des avancées en matière de technologies des moteurs dans l’aviation civile» et «l’accélération de la recherche sur les gros porteurs, les hélicoptères, les avions de transport régional et l’aviation générale». Il importe également de noter que le secteur chinois du transport aérien est aux mains de l’État et que la Commission nationale chinoise pour le développement et la réforme a le pouvoir d’approuver tous les achats d’aéronefs envisagés par les compagnies aériennes chinoises, prérogative dont elle fait usage pour encourager l’achat d’avions de ligne produits dans le pays, tels que le COMAC C919 (4). Dernier point, mais non le moindre: le plan «Internet Plus» instaure également un partenariat entre les géants chinois du secteur des technologies et les industries traditionnelles, dont l’aéronautique.

5.   Stratégie industrielle de l’Union européenne

5.1.

L’absence d’une politique industrielle européenne pour soutenir l’industrie aéronautique, combinée à une approche fragmentée entre les institutions de l’Union européenne et les gouvernements nationaux, représente un défi majeur dans le contexte de l’évolution du paysage concurrentiel. Il y a lieu d’élaborer une stratégie industrielle européenne pour le secteur aéronautique de l’Union, afin d’assurer sa compétitivité et de faire en sorte qu’il reste un acteur de premier plan sur le marché mondial de l’aviation civile.

5.2.

Cela exige une stratégie et un engagement à l’échelle de l’Union, au titre desquels tous les acteurs concernés aux niveaux européen, national et intergouvernemental (notamment la Commission européenne, le Service européen pour l’action extérieure ainsi que les agences concernées, telles que l’AESA et Eurocontrol, et les initiatives technologiques communes telles que SESAR et Clean Sky) œuvreraient ensemble à la réalisation d’un objectif commun afin de soutenir la compétitivité de l’industrie européenne sur le marché mondial de l’aviation civile.

5.3.

Un engagement à l’échelle de l’Union européenne est nécessaire pour assurer à ce secteur essentiel un financement public continu, en particulier dans le domaine de la recherche et de l’innovation, sur la base d’une feuille de route à long terme.

5.4.

Une «sentinelle de l’aéronautique» devrait être établie au niveau de la Commission, afin de contrôler les barrières non tarifaires dans les principales régions aéronautiques et d’évaluer la compétitivité relative de l’industrie aéronautique européenne.

5.5.

L’aéronautique devrait par ailleurs devenir un secteur clé de la diplomatie économique et de la politique commerciale de l’Union, et la voix de l’Union européenne devrait être renforcée au niveau international, par exemple au sein de l’Organisation de l’aviation civile internationale.

6.   La recherche et développement au service d’une plus grande efficacité et d’une réduction des émissions

6.1.

Les deux principaux programmes européens de recherche dans le domaine de l’aviation, Clean Sky (technologies de l’aviation plus écologiques et plus efficaces) et SESAR (recherche et innovation concernant la gestion du trafic aérien et déploiement de solutions en la matière), servent de catalyseurs pour l’ensemble de la chaîne d’innovation en Europe.

6.2.

Grâce à leur feuille de route technologique et à leur engagement financier sur le long terme, ils ont démontré leur efficacité et leur valeur ajoutée tant pour les pouvoirs publics que pour la chaîne d’innovation, principalement en ce qui concerne: (1) la conception, le développement, la fabrication et l’exploitation d’aéronefs et de systèmes de gestion du trafic aérien plus compétitifs, plus sûrs et plus durables sur le plan environnemental; (2) la création d’une vaste et efficace communauté scientifique et technologique de chercheurs universitaires et d’entreprises, regroupant aussi bien de grandes entreprises que des PME, dans l’ensemble des 28 États membres de l’Union européenne, et (3) la fourniture de démonstrateurs remarquables ayant une réelle incidence sur les programmes et le marché du secteur aéronautique.

6.3.

Parmi les réussites du programme Clean Sky, citons les vols d’essai de la voilure laminaire BLADE (affichant une réduction de 50 % de la friction au niveau des ailes et jusqu’à 5 % de réduction des émissions de CO2) ainsi que le rotor non caréné contrarotatif (qui réduit la consommation de carburant et les émissions de CO2 d’environ 30 %).

6.4.

Les réussites du programme SESAR ressortent le plus clairement de ses réalisations porteuses d’une réelle différence: une fois déployées, les 63 solutions fournies grâce au programme devraient augmenter de 34 % la capacité de l’espace aérien et réduire de 30 % la variance sur les durées de vol, ce qui implique une réduction des retards sur tous les vols européens et le respect de leur horaire par 95 % des vols, ainsi qu’une baisse de 2,3 % de la combustion de carburant et des émissions par vol.

6.5.

L’aviation civile devrait rester l’une des grandes priorités du programme Horizon Europe et voir son budget augmenter par rapport au financement actuel au titre du programme Horizon 2020. La recherche et l’innovation constituent le moteur de l’industrie aéronautique européenne, et la longueur des cycles de recherche dans le secteur nécessite un partage des risques entre secteur public et secteur privé, au moyen d’un financement fondé sur des subventions reposant sur un engagement à long terme en faveur du développement de feuilles de route en matière de recherche. Un tel système est essentiel pour la compétitivité de l’industrie aéronautique européenne. Les deux initiatives technologiques communes (Clean Sky et SESAR) devraient dès lors être maintenues. Dans le contexte du mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE), le financement devrait rester une priorité de premier plan en vue d’accélérer et d’encourager le déploiement des technologies qui ont été développées lors des activités de recherche et innovation menées au titre des programmes Clean Sky et SESAR.

6.6.

L’aviation civile a montré au fil du temps sa capacité à réduire son impact sur l’environnement. Une nouvelle génération d’aéronefs réduit globalement les émissions de 15 à 20 %. L’industrie mondiale de l’aviation civile a été la première à souscrire à une approche globale en vue de réduire ses émissions. Cette approche repose sur la «stratégie des quatre piliers» que sont la technologie, les opérations, l’infrastructure et le régime de mesure mondiale basée sur le marché.

6.7.

Il est essentiel que l’Union européenne continue de soutenir la recherche et l’innovation pour garantir de nouvelles avancées en matière de réduction de l’empreinte environnementale de l’aviation civile (pilier technologique), plus de 70 % de toutes les activités de recherche étant liées aux objectifs environnementaux.

6.8.

Le rapport «Flightpath 2050» du Conseil consultatif pour la recherche sur l’aéronautique en Europe a fixé l’objectif selon lequel à l’horizon 2050, les technologies et les procédures utilisées devraient permettre une réduction de 75 % des émissions de CO2 par kilomètre-passager, une baisse de 90 % des émissions de NOx et une diminution de 65 % des émissions de bruit perçu produites par les aéronefs en vol (par rapport aux capacités d’un nouvel aéronef standard en l’an 2000).

6.9.

En outre, les mouvements d’aéronefs ne devraient plus produire d’émissions lors de la circulation au sol, et les véhicules aériens devraient être conçus et fabriqués de façon à pouvoir être recyclés. L’Europe devrait également s’assurer un statut de centre d’excellence pour les carburants de substitution durables, y compris dans le domaine de l’aviation, grâce à une solide politique énergétique.

6.10.

L’Europe devrait être à la pointe de la recherche atmosphérique et jouer un rôle moteur dans l’élaboration d’un plan d’action environnemental fondé sur une liste de priorités et dans l’établissement de normes environnementales mondiales. Si des progrès significatifs ont été réalisés au titre du programme Horizon 2020, il conviendrait d’accélérer le rythme de la recherche et de l’innovation dans le cadre du programme Horizon Europe, y compris concernant l’électrification et l’hybridation des aéronefs.

7.   Numérisation

7.1.

La numérisation (y compris l’infrastructure numérique nécessaire à l’accueil de nouvelles plateformes de vol automatisées), l’automatisation, ainsi que les technologies de réalité virtuelle et augmentée, constitueront-elles aussi une priorité de premier plan de la recherche aéronautique. Associées à la nécessité d’améliorer plus encore les niveaux de sécurité de l’aviation et de poursuivre les efforts de réduction de son empreinte environnementale, elles constitueront la feuille de route pour la recherche et l’innovation au titre des programmes SESAR 3 et Clean Sky 3.

7.2.

Le déploiement des solutions SESAR devrait être accéléré, et la mise en place du ciel unique européen (SES) est indispensable pour garantir un déploiement efficace au sein de l’Union européenne.

8.   Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA)

8.1.

Il est capital pour l’industrie aéronautique européenne (y compris les entreprises de la MRR) que l’AESA voie son rôle international renforcé, de manière à pouvoir rivaliser avec le rôle majeur que continue de jouer l’autorité de l’aviation civile américaine (FAA) sur la scène internationale lorsqu’il s’agit de promouvoir l’industrie de l’aviation américaine sur les marchés de pays tiers.

8.2.

L’AESA devrait être autorisée à ouvrir davantage de bureaux dans les pays tiers, qui contribueraient de manière décisive à promouvoir les règles de sécurité, les normes de certification et les politiques européennes, à faire en sorte que l’industrie européenne puisse entrer en concurrence sur un pied d’égalité sur les principaux marchés d’exportation grâce à des contacts quotidiens avec les autorités de l’aviation civile des pays tiers, et à éviter les obstacles techniques à la validation des produits européens sur ces marchés d’exportation.

8.3.

Les accords bilatéraux sur la sécurité aérienne conclus entre l’Union européenne et des pays tiers devraient être élargis pour limiter les redondances en matière de supervision de la sécurité, tant pour les certificats de type et la navigabilité initiale que pour le maintien de la navigabilité et la maintenance.

8.4.

Enfin, et surtout, les règles détaillées de l’AESA devraient s’appuyer davantage sur les performances et sur les normes industrielles, afin de permettre un déploiement en toute sécurité des nouvelles technologies de manière plus rapide et plus efficace. Dans ce contexte, il convient de saluer la révision du règlement de base de l’AESA (révision du règlement no 216/2008) qui vient d’être approuvée.

9.   Infrastructures

9.1.

L’industrie aéronautique de l’Union européenne bénéficie également de la bonne santé du secteur européen de l’aviation civile au sens large (c’est-à-dire les compagnies aériennes, les exploitants d’hélicoptères, les exploitants d’avions d’affaires et autres usagers de l’espace aérien), étant donné qu’un supplément de croissance pour ces usagers renforce la demande d’aéronefs et les besoins technologiques correspondants.

9.2.

Dans ce contexte, il est donc primordial de continuer à investir dans des infrastructures sûres présentant un bon rapport coût/efficacité, tant au sol que dans les airs, tout en évitant de taxer excessivement le transport aérien.

9.3.

La stratégie de l’Union européenne en matière d’aviation est donc la bienvenue car elle prévoit une palette d’outils destinés à améliorer la compétitivité du secteur européen de l’aviation civile au sens large, dont une révision du règlement de base de l’AESA, une stratégie visant à assurer la prééminence de l’Union européenne sur le marché émergent des systèmes d’aéronef télépiloté à usage civil et des systèmes de gestion du trafic sans pilote, ainsi que d’autres propositions ayant une incidence sur la compétitivité de l’industrie du transport aérien [révision du règlement (CE) no 868/2004 et révision éventuelle de la directive de l’Union européenne sur les redevances aéroportuaires].

9.4.

La révision du règlement (CE) no 1008/2008 (règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté) doit également être replacée dans ce contexte; elle doit permettre de garantir que le marché unique reste adapté aux évolutions futures. En outre, compte tenu de la nécessité reconnue de poursuivre la consolidation dans le secteur européen du transport aérien, il convient de trouver un équilibre entre une plus grande consolidation de ce secteur et les avantages que représentent, pour les consommateurs de l’Union, la possibilité de choisir entre plusieurs compagnies aériennes et l’existence d’une réelle concurrence.

10.   Services de maintenance, réparation et révision (MRR)

10.1.

Les activités de MRR représentent également un segment important de l’industrie aéronautique européenne, contribuant à la fois à la création d’emplois au sein de l’Union européenne et aux exportations de services MRR. Il est donc également crucial d’accroître la compétitivité de l’industrie MRR de l’Union européenne (qu’il s’agisse d’entreprises indépendantes ou de structures rattachées à des compagnies aériennes ou des équipementiers), pour permettre au secteur de continuer à créer de l’emploi et à capter de nouveaux marchés.

10.2.

L’utilisation des mégadonnées et des nouvelles technologies dans le cadre des services de MRR sera également un élément important à prendre en considération dans les programmes en faveur de la recherche et de l’innovation.

11.   Investissements directs étrangers (IDE)

11.1.

La proposition de la Commission sur le filtrage des IDE [COM(2017) 487] permettra d’améliorer l’échange d’informations et l’évaluation d’impact ainsi que d’accroître la transparence transnationale, tout en laissant la décision finale à la discrétion de chaque État membre. Elle prévoit également un filtrage par la Commission européenne pour des raisons de sécurité ou d’ordre public, pour les cas susceptibles d’avoir une incidence sur des projets ou programmes qui présentent un intérêt pour l’ensemble de l’Union européenne.

11.2.

Cette proposition de la Commission doit être accueillie favorablement en tant que première étape, étant donné qu’elle revêt une importance capitale non seulement en lien avec les investissements directs étrangers dans le secteur aéronautique de l’Union européenne et dans sa chaîne d’approvisionnement, mais aussi dans le contexte des technologies critiques pour l’industrie manufacturière de l’Union (automatisation, intelligence virtuelle, mégadonnées et cybernétique).

12.   Brexit

Le secteur européen de l’aéronautique est pleinement intégré, nombre de ses composants traversant plusieurs fois les frontières nationales avant leur assemblage final. La chaîne d’approvisionnement se compose d’un grand nombre de grandes, moyennes et petites entreprises opérant en flux tendus.

Le marché unique et l’union douanière revêtent une importance capitale en ce qu’ils réduisent la charge administrative et la bureaucratie qui pèsent sur l’industrie, permettant ainsi de limiter les coûts.

L’EU-27 et le Parlement européen ont affirmé sans ambiguïté qu’ils protégeraient l’intégrité du marché unique, y compris les quatre libertés, ainsi que la juridiction de la Cour de justice, et qu’il n’y aurait de «choix à la carte» pour aucune industrie.

Le gouvernement britannique a fait savoir clairement qu’il serait un pays tiers à compter du 29 mars 2019.

12.1.

Il convient d’éviter un scénario qui verrait le Royaume-Uni quitter l’Union européenne en l’absence d’accord, étant donné qu’il serait particulièrement néfaste pour la compétitivité de l’industrie aéronautique européenne sur la scène mondiale et qu’il menacerait des milliers d’emplois de part et d’autre de la Manche. Il y a lieu de trouver des solutions en vue d’un accord post-Brexit couvrant les éléments suivants:

un régime douanier exempt de frictions prévoyant un contrôle des exportations pour les biens à double usage;

le maintien de l’adhésion à l’AESA et à l’ECHA (REACH);

une poursuite de la coopération dans le cadre des initiatives technologiques conjointes pour ce qui est de la recherche dans le domaine de l’aéronautique civile;

la possibilité pour les travailleurs hautement qualifiés de se déplacer par-delà les frontières.

Les discussions techniques sur l’environnement réglementaire en lien avec l’AESA et l’ECHA doivent débuter dans les plus brefs délais, afin de garantir que des mesures d’atténuation seront mises en place pour réduire au minimum les éventuelles perturbations.

Les gouvernements nationaux doivent fournir des orientations claires pour aider leurs entreprises à se préparer à tout changement induit par le Brexit, de façon à limiter au maximum les perturbations.

13.   Compétences

13.1.

La poursuite du succès de l’industrie aéronautique de l’Union européenne est également fortement tributaire de sa capacité à attirer une main-d’œuvre qualifiée. Dans un contexte de vieillissement de la main-d’œuvre et de nouveaux défis technologiques (numérisation, automatisation, cybersécurité, industrie 4.0), il y a lieu d’élaborer à cette fin une stratégie globale de l’Union prévoyant le développement de programmes européens d’éducation et de formation, qui accorderait une place centrale à l’apprentissage tout au long de la vie et à une formation de qualité.

13.2.

Au niveau national, les États membres sont encouragés à promouvoir le choix des filières des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques (STEM), notamment auprès des filles et ce dès leur plus jeune âge, ainsi que la participation aux programmes Erasmus+.

13.3.

Il convient de développer des passerelles flexibles entre le monde du travail et celui de l’enseignement (formation par le travail, apprentissages de qualité et initiatives de formation sectorielles), et les PME devraient pouvoir bénéficier d’un soutien supplémentaire en cas de besoin.

13.4.

Compte tenu de ces défis sociaux substantiels et spécifiques, l’industrie aéronautique européenne bénéficierait d’un dialogue social sectoriel au niveau de l’Union européenne (décision 98/500/CE), qui permettrait aux partenaires sociaux de débattre de questions spécifiques.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Source: ASD Facts and Figures.

(2)  Source: ASD Facts and Figures.

(3)  Source: PWC.

(4)  Source: RAND, Chinese Investment in U.S. Aviation, 2017.


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/8


Avis du Comité économique et social européen sur le pacte européen «finance-climat»

(avis d’initiative)

(2019/C 62/02)

Rapporteur:

Rudy DE LEEUW

Décision de l’Assemblée plénière

15.2.2018

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

5.10.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

172/4/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE s’inscrit résolument dans le cadre du programme de développement durable à l’horizon 2030 fixé par les Nations unies et de l’accord de Paris. Pourtant, la trajectoire sur laquelle nous nous trouvons permettrait au mieux de limiter la hausse de la température à 3 oC ou plus, bien au-delà de ce que prévoit l’accord de Paris.

1.2.

Parallèlement, l’Europe a besoin d’un nouveau souffle et d’un nouveau projet, fondé sur la coopération et la convergence plutôt que sur la concurrence, qui démontre la plus-value concrète qu’elle peut apporter aux citoyens, en particulier aux jeunes. Il est désormais essentiel d’adopter une politique européenne offensive et de donner un cap clair au modèle socio-économique que nous souhaitons pour aujourd’hui, mais surtout pour les générations futures.

1.3.

L’Europe doit démontrer qu’elle peut à la fois fournir un environnement propice à la création d’emplois de qualité, qui soient bien rémunérés et qui respectent l’environnement, et relancer une économie réelle au bénéfice de tous: les entrepreneurs, les travailleurs et les citoyens européens.

1.4.

Pourtant, des masses énormes de capitaux alimentent de nouvelles bulles financières, au lieu d’irriguer l’économie réelle, et des institutions comme le FMI nous annoncent la possibilité d’une nouvelle crise, encore plus dévastatrice que celle de 2008 (1).

1.5.

Le prochain cadre financier pluriannuel (2021-2027) doit servir le développement économique (2) et l’emploi (3) et permettre à l’Union européenne d’atteindre ses objectifs et de contribuer à la transition vers une économie sobre en carbone d’ici à 2050.

1.6.

Il n’y aura ni vie, ni emploi, ni entrepreneuriat sur une planète morte. Ainsi le changement climatique représente une opportunité en termes de création d’emplois de qualité et doit pouvoir apporter une solution profitable aux employeurs, aux travailleurs, et à la société civile. Retarder l’adaptation, ou ne pas agir du tout, pourrait augmenter substantiellement le coût total du changement climatique (4).

1.7.

La Commission, la Cour des comptes européenne et la Banque mondiale évoquent les mêmes montants: il sera nécessaire d’investir l’équivalent de 1 115 milliards d’EUR par an dans l’Union européenne à partir de 2021 pour passer à l’action et atteindre les objectifs de l’Union européenne à l’horizon 2030 (5). Dans ces 1 115 milliards d’EUR sont compris une partie significative des investissements actuels qui doivent faire l’objet d’une réorientation en faveur du développement durable (fléchage vert). Le coût de la non-action, lui, coûterait 190 milliards d’euros par an (soit 2 % du PIB de l’Union européenne) (6).

1.8.

À l’instar des positions défendues par nombre d’économistes et de personnalités politiques de la société civile (7), il importe d’encourager et de soutenir tout projet qui puisse fédérer les forces européennes dans l’intérêt des travailleurs, des entreprises et de tous les citoyens européens. C’est l’objectif d’un pacte «finance-climat» pour des emplois de qualité.

1.9.

Le pacte «finance-climat» vise à rediriger vers la lutte contre le changement climatique et l’économie réelle les capitaux qui pourraient entraîner une nouvelle bulle financière. Il doit aussi faire l’objet de financements nouveaux, en particulier pour les petites et moyennes entreprises. Ce pacte doit constituer une nouvelle feuille de route pour un leadership européen et appelle à se doter d’un plan intégré (en coopération avec la Chine et l’Inde, acteurs majeurs dans la lutte contre le changement climatique).

1.10.

Pour le CESE, cette feuille de route devra embrasser tous les aspects d’une politique de lutte contre le changement climatique: une transition juste (mesures à prendre pour atténuer les effets du changement, mais aussi pour compenser les dommages et pertes) ainsi que de réelles politiques d’adaptation au changement climatique. Le modèle de l’économie circulaire doit être privilégié (8) le plus possible, et son cadre réglementaire amélioré. Le tout devra être financé par des budgets appropriés pour la réorientation des investissements actuels (fléchage vert) et de nouvelles sources de financement accessibles.

1.11.

Cette transition amènerait la transformation nécessaire du marché du travail et pourrait contribuer à la création d’emplois de qualité dans le cadre du Socle européen des droits sociaux (9).

1.12.

Il est indispensable d’accompagner socialement l’évolution vers un modèle de société durable et de disposer d’un plan d’action pour une transition juste de façon à ne laisser personne au bord du chemin.

1.13.

Cette transition implique des investissements majeurs en matière de recherche et développement (R&D) et d’innovation pour susciter et soutenir les projets novateurs répondant à la taxinomie européenne.

1.14.

Il s’agit de ne plus reproduire les erreurs du passé (subvention des carburants et surexploitation des énergies fossiles) et de stopper tout encouragement à des projets préjudiciables au climat et/ou contraires à l’accord de Paris.

1.15.

Pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris, une part significative des investissements visant à lutter contre le changement climatique devra être consentie par le secteur privé, en sus des financements publics.

1.16.

Le pacte requiert la mise en place d’un cadre d’intervention européen clair et prévisible, sur le long terme, en vue de sécuriser la planification des investissements (10). Ce cadre devra s’accompagner de mécanismes d’ajustement aux frontières pour les produits qui ne seraient pas soumis aux mêmes normes sociales et environnementales.

1.17.

Selon le CESE, et comme relevé par la Commission, il est indispensable d’établir un système de classification unifié (taxinomie) de l’Union européenne, afin de retenir les projets durables (et d’écarter ceux qui ne le sont pas) et de recenser les domaines dans lesquels les investissements peuvent avoir la plus forte incidence. Le Parlement européen soutient cette approche et propose également la mise en place d’un «label vert». Ce label devrait alors être accordé aux investissements qui répondent à la taxinomie de l’Union européenne et aux normes les plus exigeantes en matière de durabilité, dans l’optique d’un fléchage vertueux des investissements (11).

1.18.

Les projets à soutenir, qui seront conformes aux objectifs du développement durable des Nations unies et qui requièrent de gros moyens en matière d’innovation et de R&D, devront être mis en œuvre au moyen d’un instrument qui permette de visualiser les différentes sources de financement (dont le futur cadre financier pluriannuel) et moyennant différentes actions:

rediriger les financements vers des investissements durables par un «fléchage vert» et, dans ce cadre, promouvoir les prêts de la Banque européenne d’investissement (BEI) «labellisés verts»,

utiliser l’assouplissement quantitatif de la Banque centrale européenne (BCE) comme source de financement,

relever la part du Fonds européen pour les investissements stratégiques consacrée à la lutte contre le changement climatique à 40 %,

l’Union européenne doit montrer un niveau d’ambition qui corresponde à l’ampleur du défi que constitue la lutte contre le changement climatique: 40 % en moyenne de son budget global (CFP 2021-2027) doit être affecté à cet objectif,

relever celle du Fonds européen de cohésion au-delà des 20 % actuels,

mobiliser 3 % des fonds de pension et d’assurance,

soutenir les entreprises, en particulier les PME, dans leurs investissements en R&D, à concurrence de 100 milliards d’EUR consacrés à cet objectif,

respecter les engagements d’assistance financière à l’égard des pays du Sud qui participent à la lutte contre le changement climatique,

introduire une clause relative à l’«accord de Paris» qui soit réellement contraignante dans les accords commerciaux de l’Union européenne.

2.   Introduction

2.1.

L’article 3 du traité sur l’Union européenne dispose que celle-ci doit promouvoir une croissance durable, respectueuse de l’environnement. L’urgence climatique a désormais été hissée au rang de priorité absolue, y compris pour le CESE, et elle s’impose comme un cadre global d’action pour les pouvoirs publics, mais aussi pour les acteurs économiques, les travailleurs et les citoyens. En conséquence, une vaste transition économique, sociale et environnementale doit être organisée et, surtout, financée (12).

2.2.

Ainsi, la discussion qui vient d’être lancée sur le futur cadre financier pluriannuel de l’Union européenne pour la période 2021-2027 doit intégrer, de façon horizontale, les questions liées au changement climatique et s’inscrire dans l’objectif prioritaire d’une transition vers un monde plus durable.

2.3.

Cette transition amènerait la transformation nécessaire du marché du travail et pourrait contribuer à la création d’emplois de qualité dans le cadre du Socle européen des droits sociaux.

2.4.

L’Europe a besoin d’un nouveau projet pour asseoir sa plus-value et démontrer qu’elle peut à la fois fournir un environnement propice à la création d’emplois de qualité, qui soient bien rémunérés, et relancer une économie réelle et durable au bénéfice de tous.

2.5.

L’Europe fera partie de la solution, parce qu’elle fera la différence par rapport aux autres acteurs économiques internationaux si elle répond, tout à la fois, à la triple équation sociale, environnementale et économique du développement durable.

2.6.

De récentes études du FMI et de l’OCDE ont critiqué la manière dont la crise de 2008 a été gérée par l’adoption de mesures économiques qui ont contraint les citoyens, les entreprises et les gouvernements à des restrictions budgétaires.

2.7.

Davantage d’investissements en matière d’innovation et de R&D sont nécessaires pour faire face aux nouveaux défis socio-économiques tels que la transition énergétique, les économies circulaire et collaborative ou encore l’automatisation, et pour prévenir ainsi le déclin de la qualité des emplois.

2.8.

À ces crises financière et sociale se sont ajoutées une crise politique ou, dans certains pays, de fortes turbulences politiques, et une crise écologique.

2.9.

Ainsi la lutte contre le changement climatique représente une nécessité, mais aussi une opportunité de refonder nos économies, de promouvoir un modèle durable de croissance, de mieux lutter contre les inégalités et de renforcer nos démocraties.

3.   Les constats

3.1.

Le CESE s’inscrit résolument dans le cadre du programme à l’horizon 2030 fixé par les Nations unies, qui vise à définir un ensemble d’objectifs de développement durable pour éradiquer la pauvreté, protéger la planète, veiller à la protection des droits de l’homme et garantir la prospérité de tous. L’adoption de ce programme marque une transition historique vers un nouveau modèle qui s’attaque aux disparités économiques, sociales et environnementales dans le cadre d’une démarche universelle et intégrée.

3.2.

L’accord de Paris prévoit de contenir d’ici à 2100 le réchauffement climatique «nettement en dessous de 2 oC par rapport aux niveaux préindustriels» et, si possible, de viser à «poursuivre l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5 oC». Pourtant, selon les Nations unies, la trajectoire sur laquelle nous nous trouvons permettra au mieux de limiter la hausse de la température à 3 oC (ou plus).

3.3.

Le changement climatique a des coûts humains et financiers très importants, en raison notamment de l’augmentation des catastrophes naturelles: les canicules et la montée des eaux ont contribué à la mort de huit millions de personnes dans le monde entier depuis le début du XXe siècle, pour un coût de 7 000 milliards de dollars (USD) (13). L’on note aussi une augmentation du nombre de réfugiés climatiques (250 millions d’ici à 2050). Ce sont donc les plus démunis qui sont les premières victimes du changement climatique, ce qui accroît les inégalités. Or, selon le FMI, «le creusement, des inégalités met en danger une croissance économique durable» (14).

3.4.

Dans un scénario de statu quo, si aucune mesure d’adaptation n’est prise, les changements climatiques anticipés à l’horizon 2080 coûteraient chaque année 190 milliards d’EUR (pour le seul coût des assurances prenant en compte les dégâts climatiques), à prix constants, aux ménages de l’ensemble de l’Union européenne (15).

3.5.

Si des avancées en matière de financement de la lutte contre le réchauffement et ses effets ont été obtenues, elles sont insuffisantes. La priorité politique doit être donnée à une finance et une économie durables, en particulier au moyen d’un cadre d’intervention clair, stable et incitatif qui doit aussi encourager la concrétisation de projets novateurs, à haute valeur ajoutée et respectueux de l’environnement.

3.6.

Alors que l’Europe ne s’est pas totalement remise de la crise financière de 2008, le FMI tire aujourd’hui le signal d’alarme et évoque le risque d’une crise plus grave et plus générale qu’en 2008 (16).

3.7.

Selon P. Larrouturou et J. Jouzel, sur 2 200 milliards d’EUR créés par la Banque centrale européenne depuis 2015, seuls 11 % ont été injectés dans l’économie réelle, 89 % ayant alimenté la spéculation et une nouvelle bulle financière (17). En outre, l’OCDE recense près de 800 programmes de dépenses et allégements fiscaux mis en œuvre dans les 35 pays de l’OCDE et dans six grandes économies émergentes du G20 (18), qui incitent à produire ou à consommer des combustibles fossiles, ce qui est tout à fait contraire aux orientations fixées dans l’accord de Paris.

3.8.

Ces orientations des financements, qu’elles relèvent de la spéculation ou d’un fléchage en contradiction avec les objectifs de lutte contre le changement climatique que l’Union européenne s’est fixés, coûtent cher, sur les plans économique, social et écologique, à l’ensemble de la collectivité européenne.

3.9.

Le Parlement européen constate que le cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020 a démontré son incapacité à satisfaire les besoins actuels. En outre, il ne répond pas à une série de crises et de nouveaux défis (entre autres l’agriculture, l’emploi des jeunes, les investissements durables, ou encore l’environnement). C’est la raison pour laquelle ce futur cadre financier doit désormais être mis au service de l’enjeu majeur que constitue la lutte contre le changement climatique, et servir de ce fait à la création d’emplois de qualité.

4.   Les opportunités

4.1.

Les grands patrons prennent la mesure des possibilités offertes par le changement climatique. Nombre d’entre eux estiment que les entreprises doivent faire partie de la solution et soulignent que celles qui ont saisi les occasions qui se présentaient dans les filières à faible intensité de carbone sont de plus en plus récompensées.

4.2.

Pour les entrepreneurs, il est possible de créer des emplois et d’innover sur la voie d’une économie prospère et sobre en carbone (19) tout en générant des bénéfices. C’est d’autant plus important que le «zéro émission de carbone» devrait être effectif d’ici le milieu du siècle pour atteindre l’objectif d’un réchauffement inférieur à 2 oC.

4.3.

Un pacte «finance-climat» doit contribuer à transformer la nécessité de répondre au changement climatique en une opportunité de reconvertir l’industrie européenne et de créer de nouvelles façons d’entreprendre. Il importe dès lors d’investir significativement dans l’économie réelle et dans la recherche et le développement pour créer des emplois durables et de qualité.

4.4.

Le taux d’emploi global a augmenté dans l’Union européenne, tandis que le chômage a décru par suite de la récente amélioration économique. Mais le chômage de longue durée, la précarisation de l’emploi, a fortiori celui des femmes, ainsi que le chômage des jeunes, demeurent très préoccupants. La transition vers le développement durable devrait permettre aux entreprises dynamiques et innovantes de saisir toutes les opportunités qui se présentent à elles et de contribuer autant que possible à améliorer la situation du chômage.

4.5.

C’est pourquoi il est essentiel que l’Union européenne travaille, en collaboration avec les États membres, à mettre en place une stratégie coordonnée en vue de créer un environnement propice à la création d’emplois durables et de qualité. La Commission doit étudier la possibilité d’exclure du calcul de la dette (20) les investissements publics qui contribuent à la création d’emplois de qualité élevée et à une économie durable bénéfique pour tous, entreprises comme travailleurs.

4.6.

L’Union européenne encourage la coopération entre les États membres. Elle soutient et évalue leurs efforts, principalement dans le cadre du semestre européen, des lignes directrices pour l’emploi et du suivi des politiques nationales (rapports conjoints sur l’emploi, programmes nationaux de réforme et recommandations par pays). Mais elle doit aussi pouvoir faire coïncider ses politiques avec les finalités et les objectifs qui soutiennent une prospérité partagée pour les entrepreneurs, les travailleurs et les citoyens européens.

4.7.

L’ADEME (21) estime que le potentiel de création nette d’emplois en lien avec le climat en Europe est de 5 à 6 millions de postes d’ici à 2050 et, selon la Commission européenne, 3 millions d’emplois peuvent être créés dans le renouvelable d’ici à 2020.

4.8.

La confédération d’employeurs BDI (Allemagne) annonce, quant à elle, pouvoir atteindre l’objectif d’une réduction de 80 % des émissions de CO2 en 2050 si elle disposait de 50 milliards d’EUR par an sur cette période.

4.9.

On constate une augmentation des emplois en équivalents temps plein dans l’économie verte (de 2,8 millions en 2000 à 4,2 millions en 2014). Certains secteurs sont très dynamiques: les énergies renouvelables (1 million d’emplois créés depuis 2000: + 182 %) ou la gestion des déchets (de 0,8 million en 2000 à 1,1 million en 2014: + 36 %).

4.10.

Il est cependant essentiel que les PME, mais aussi les coopératives et les plus petites organisations, présentes à tous les échelons locaux, puissent elles aussi se lancer dans des projets durables et que les financements leur soient consacrés en priorité. Il convient dès lors de veiller à ce que l’accès aux financements ne représente pas un obstacle pour elles (22).

4.11.

En outre, il importe d’adopter une approche à plusieurs niveaux et d’associer tous les acteurs concernés, tant publics que privés, de façon à encourager et intégrer les initiatives, plans et actions des réseaux de régions, villes et communes engagées dans la lutte contre le changement climatique et la mise en œuvre de l’accord de Paris, comme l’a indiqué le Comité européen des régions dans un récent avis (23).

4.12.

Enfin, le pacte «finance-climat», qui doit mobiliser toutes les énergies et les bonnes volontés, tant publiques que privées, devra prendre en compte les mesures d’accompagnement proposées par la Commission, tels que, entre autres, la taxinomie (classification), l’obligation pour les investisseurs institutionnels d’intégrer la «durabilité», l’information aux investisseurs, le recalibrage des fonds propres des banques, le renforcement de la transparence en matière de publication d’informations par les entreprises, ou encore les labels de l’Union européenne (suggérés par le Parlement européen).

5.   Les différentes sources de financement et les actions à mener

Réorientation (fléchage vert) et nouvelles sources de financement

5.1.

La Commission européenne, et la Cour des comptes évoque les mêmes chiffres, s’accorde sur des besoins de l’ordre de quelque 1 115 milliards d’EUR par an à consacrer à la lutte contre le changement climatique et ses effets.

5.2.

Dans cette enveloppe de 1 115 milliards d’EUR, pour la période 2021-2030, il est nécessaire de distinguer deux catégories de projets à financer (24):

d’une part, les projets qui présentent un retour sur investissement et qui relèvent des domaines d’intervention de la BEI et des banques publiques de développement (25), des banques privées, des fonds de pension et d’assurance ou des fonds souverains,

d’autre part, les projets qui requièrent des subventions publiques, à financer par des contributions européennes.

5.3.

Il s’agit de rediriger tout ou partie des financements actuels vers des investissements durables, c’est-à-dire de «verdir» le cadre financier européen et de flécher les fonds dans le sens de la lutte contre les effets du changement climatique. Les financements concernés sont les suivants:

les prêts de la BEI: les banques privées pourraient faire financer par la BEI les investissements qui répondent à la taxinomie (classification) de l’Union européenne,

la création monétaire de la BCE, en orientant les masses monétaires issues de l’assouplissement quantitatif vers l’économie réelle et durable: 50 % de l’assouplissement quantitatif annuel permettrait de dégager des centaines de milliards d’euros chaque année,

une part de 40 % (au lieu de 20 % actuellement) du Fonds européen pour les investissements stratégiques (BEI et Commission) devrait être consacrée à la lutte contre le réchauffement et ses effets, y compris dans ses dimensions sociale et éducative,

l’Union européenne doit montrer un niveau d’ambition qui corresponde à l’ampleur du défi que constitue la lutte contre le changement climatique: 40 % en moyenne de son budget doit être affecté à cet objectif climatique; c’est en particulier le cas pour le Fonds européen de cohésion, qui ne consacre que 20 % de ses moyens à cette lutte dans le budget pour la période 2014-2020;

en complément de ces financements, une part de 3 % des investissements des fonds de pension et d’assurance devrait être consacrée à la lutte contre le réchauffement.

5.4.

Un effort particulier doit être accompli en matière de recherche et développement et de formation professionnelle; 100 milliards d’EUR par an doivent être spécifiquement destinés à ce seul objectif. Le Comité présentera des propositions en temps utile en vue de décider quel(s) instrument(s) utiliser afin de compléter les financements actuels et futurs nécessaires à cet objectif.

Les actions à mener

5.5.

De nombreux instruments financiers peuvent être mis à la disposition de la lutte contre le changement climatique, mais les financements ne seront au rendez-vous que si l’Europe dispose d’un plan cohérent doté d’une direction claire et à long terme (26). Ce plan devrait prendre en compte les éléments exposés ci-après:

5.5.1.

Un cadre d’intervention clair, stable et à long terme devra être établi. Il s’agit d’offrir de la sécurité pour la planification et les investissements, rien n’étant plus dommageable à l’engagement que l’insécurité liée à de constants changements de cap dans l’élaboration des politiques.

5.5.2.

La BEI est devenue, depuis janvier 2018, le plus gros émetteur d’obligations vertes dans le monde. Si l’on veut lui permettre de prêter à des conditions encore plus favorables aux promoteurs de projets relevant du pacte «finance-climat», deux mesures pourraient être adoptées:

D’abord, il conviendrait d’étendre le «plan Juncker» en ciblant ces projets, ce qui permettrait à la BEI de bénéficier de la garantie du «Fonds européen pour les investissements stratégiques».

Ensuite, la BEI pourrait se financer davantage auprès de la BCE. La BEI a déjà accès au programme d’achat d’actifs par la BCE mais pour une part très limitée. Toutefois, compte tenu des montants envisagés, la BEI rencontrerait rapidement un problème de ratio de fonds propres. C’est pourquoi l’on pourrait imaginer que la BEI devienne la banque du développement durable, finançant principalement la transition énergétique, la mobilité écologique et l’innovation, et renonçant à financer des projets traditionnels auxquels une part majoritaire de ses prêts est encore affectée.

5.5.3.

Il s’agira de déterminer les secteurs dans lesquels ces budgets seraient les plus bénéfiques et les plus intéressants du point de vue du rapport coût-bénéfice pour l’environnement, les citoyens, et l’économie (énergie, logement, agriculture, mobilité, transports, recyclage, eau, etc.). Bien qu’il faille un accès juste au réseau, il importe de prendre en compte le fait que certains secteurs sont suffisamment rentables et ne réclament plus de subventions (comme, par exemple, le photovoltaïque).

5.5.4.

Il conviendrait de renforcer l’action de la BEI, non seulement en volume mais aussi sur le plan de sa capacité à prendre plus de risques. Ainsi, la BEI serait plus utile au combat contre le changement climatique en soutenant des filières émergentes, même de petite dimension, qu’en allouant des milliards d’euros à l’industrie du photovoltaïque ou l’éolien classiques, déjà largement financés par le secteur privé.

5.5.5.

Les financements doivent tous, comme proposé par la Commission, répondre à une taxinomie (classification) commune de l’Union européenne. Le CESE, en tant que représentant de la société civile, devrait prendre part aux modalités pratiques de l’élaboration de cette classification.

5.5.6.

Le modèle de l’économie circulaire doit être privilégié le plus possible, et son cadre réglementaire amélioré. L’économie circulaire doit permettre de diminuer, voire, à terme, de stopper l’extraction des ressources naturelles, grâce au recyclage des objets (les téléphones mobiles sont recyclés à hauteur de 3 % seulement; d’autres objets ne le sont pas du tout) et des métaux précieux. Ces métaux, par exemple le cobalt ou le lithium, qui sont utilisés dans la fabrication de produits d’avenir, ne sont disponibles qu’en faibles quantités comparativement aux besoins à venir, pour l’électrification des véhicules et le stockage de l’électricité de manière générale, la production de ces métaux étant sans commune mesure avec les besoins qui se dessinent.

5.5.7.

Devront être également encouragés les investissements en matière d’efficacité énergétique des bâtiments, lesquels sont responsables de 30 % des émissions de CO2 (d’autant que le retour sur investissement est rapide). Aussi, il faudra disposer de lignes électriques et de gazoducs parfaitement interconnectés pour réaliser un marché énergétique européen intégré, en lien avec l’Afrique et le Moyen-Orient.

5.5.8.

Dans le souci d’une transition juste et sociale, telle que prévue dans l’accord de Paris et défendue par l’Institut Jacques Delors (27), une partie des financements devra être consacrée à un fonds d’ajustement pour les régions et les travailleurs concernés par les secteurs en transition. À cet égard, il serait pertinent qu’une partie substantielle du Fonds européen de cohésion à destination des régions soit allouée aux objectifs climatiques et à leurs retombées socio-économiques positives. Le fonds d’ajustement à la transition devra aussi prévoir un accompagnement des travailleurs en reconversion sur le plan de la formation. Il devra également anticiper les changements plutôt que les subir, en affectant une partie de ses budgets à l’innovation et à la R&D dans les secteurs qui auront été répertoriés comme prioritaires.

5.5.9.

Dans chaque accord de libre-échange, les clauses sociales et environnementales devraient être complétées par une clause contraignante d’engagement par rapport à l’accord de Paris (tous les partenaires commerciaux potentiels de l’Europe seraient concernés, puisque 195 des 197 membres des Nations unies en sont signataires).

5.5.10.

Afin de mettre en évidence toute l’importance politique de cette action, les moyens budgétaires et financiers réservés de la sorte devraient être mis en œuvre au moyen d’un outil permettant de visualiser, réellement et de manière transparente, les fonds qui sont concernés.

5.5.11.

Par ailleurs, et bien que cela ne relève pas directement d’un fonds européen «finance-climat», l’Union européenne doit respecter ses engagements politiques internationaux (conférence des Nations unies sur le climat de 2009), consistant à réunir 100 milliards d’USD par an pour financer la lutte contre le changement climatique en Afrique et dans la région de la Méditerranée à compter de 2020.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  https://www.theguardian.com/business/2018/oct/03/world-economy-at-risk-of-another-financial-crash-says-imf; FMI: Rapport sur la stabilité financière dans le monde, octobre 2018.

(2)  Avis du CESE sur le «Cadre financier pluriannuel», paragraphe 3.1.8 (adopté le 19.9.2018, non encore paru au Journal officiel).

(3)  CESE, «Priorités de la section ECO pour 2018 et au-delà».

(4)  OCDE, Les conséquences économiques du changement climatique, 2.9.2016.

(5)  Commission européenne, Impact assessment accompanying the document «Proposal for a Directive of the European Parliament and of the Council amending Directive 2012/27/EU on Energy Efficiency» (Analyse d’impact accompagnant le document «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2012/27/UE relative à l’efficacité énergétique»), SWD(2016) 405 final/2 du 6.12.2016, tableau 22 (scénario EUCO30 — source: modèle PRIMES).

Cour des comptes, https://www.euractiv.fr/section/climat/news/la-cour-des-comptes-fustige-linefficacite-de-la-politique-climat-de-lue/.

(6)  Ciscar, M., et al., Climate Impacts in Europe — The JRC PESETA II Project (Les incidences climatiques en Europe — le projet PESETA II du JRC), 2014.

(7)  https://www.pacte-climat.eu/en/the-first-signatories-of-the-call/

(8)  Avis du CESE sur «Investir dans une industrie intelligente, innovante et durable» (JO C 227 du 28.6.2018, p. 70).

(9)  Avis du CESE sur le «Socle européen des droits sociaux» (JO C 125 du 21.4.2017, p. 10).

(10)  Avis du CESE sur le thème «Une coalition pour concrétiser les engagements de l’accord de Paris» (JO C 389 du 21.10.2016, p. 20).

(11)  Rapport du 4 mai 2018 [2018/2007(INI)] sur la finance durable, rapporteure: Molly Scott Cato.

(12)  Avis du CESE sur le «Plan d’action en faveur du financement durable» (voir page 73 du présent Journal officiel).

(13)  Étude de James Daniell, Institut de technologie de Karlsruhe, avril 2016.

(14)  https://blogs.imf.org/2017/02/22/the-imfs-work-on-inequality-bridging-research-and-reality/

(15)  Ciscar, M., et al., Climate Impacts in Europe — The JRC PESETA II Project (Les incidences climatiques en Europe — le projet PESETA II du JRC), 2014.

(16)  https://www.theguardian.com/business/2018/oct/03/world-economy-at-risk-of-another-financial-crash-says-imf; FMI: Rapport sur la stabilité financière dans le monde, octobre 2018.

(17)  Pour éviter le chaos climatique et financier (P. Larrouturou et J. Jouzel, éd. Odile Jacob).

(18)  Inventaire 2015 des mesures de soutien pour les combustibles fossiles de l’OCDE.

(19)  Paul Polman, PDG d’Unilever, et Jean-Pascal Tricoire, PDG de Schneider Electric et président du Pacte mondial France, à l’occasion du sommet Business & Climate: http://www.businessclimatesummit.com/summit/2015/press-room

(20)  Avis du CESE sur le «Socle européen des droits sociaux» (JO C 262 du 25.7.2018, p. 1).

(21)  Agence française de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.

(22)  Avis du CESE sur «L’après-Paris» (JO C 487 du 28.12.2016, p. 24).

(23)  Avis du CdR sur le «Financement de la lutte contre le changement climatique: un outil essentiel pour la mise en œuvre de l’accord de Paris» (JO C 54 du 13.2.2018, p. 9).

(24)  Selon Philippe Maystadt, ancien président de la BEI.

(25)  KfW en Allemagne, CDC en France, CDP en Italie, ICO en Espagne.

(26)  Jeffrey Sachs, audition du CESE du 18 mai 2018.

(27)  http://institutdelors.eu/wp-content/uploads/2018/01/Pactesocialtransitionénergétique-FernandesPellerinCarlin-janvier18.pdf


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/16


Avis du Comité économique et social européen sur «Le développement stratégique de la politique industrielle à l’horizon 2030 en vue du renforcement de la compétitivité et de la diversification de la base industrielle de l’Europe, et de l’orientation vers une performance durable au sein des chaînes de valeur mondiales»

(avis exploratoire à la demande de la présidence autrichienne)

(2019/C 62/03)

Rapporteur:

Carlos TRIAS PINTÓ

Corapporteur:

Gerald KREUZER

Consultation

Présidence autrichienne du Conseil, 12.2.2018

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Commission consultative des mutations industrielles (CCMI)

Adoption par la CCMI

25.9.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

158/9/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

La politique industrielle devrait recenser les possibilités qui s’ouvrent pour une future croissance durable et inclusive à l’échelle mondiale, et favoriser leur réalisation. Personne ne devrait être laissé de côté.

1.2.

L’Europe doit conserver son ambition de rétablir la part de la production industrielle à ses niveaux antérieurs, en affinant cet objectif au moyen d’indicateurs de performance clés. La politique industrielle de l’Europe (au niveau des directions générales de la Commission européenne, des États membres, des régions) doit être améliorée, dans la mesure où elle fait partie de chaînes de valeur transfrontières complexes, au sein d’un marché de plus en plus mondialisé. Il est nécessaire d’adopter une approche globale pour concilier la croissance, la lutte contre le changement climatique et les défis environnementaux et sociétaux dans le cadre d’une «transition juste», connectant de manière efficace les moteurs économiques de l’Union européenne et des États membres.

1.3.

Lorsque l’on parle de rEUnaissance de l’Europe, cela signifie un véritable plan directeur pour l’industrie européenne, intégrant la politique industrielle dans toutes les politiques de l’Union européenne, en permettant à l’industrie de se transformer en vue de faire de l’Europe la plus vaste économie de la connaissance, dégageant de la valeur ajoutée dans l’industrie grâce à la créativité et la conception intelligente, l’innovation sociale et la promotion de nouveaux modèles industriels durables et inclusifs (la marque «fabriqué en Europe»).

1.4.

Si l’on souhaite que les politiques de l’Union européenne en matière de climat et d’économie circulaire créent des emplois en Europe, il est essentiel que les principaux éléments de la chaîne de valeur qui permettent ces politiques soient situés sur notre continent. Par conséquent, il importe que la stratégie de l’Union européenne reconnaisse l’importance des chaînes de valeur et prévoie des mesures ambitieuses pour les développer davantage. Plutôt que de se concentrer sur certains secteurs, la stratégie devrait assurer des conditions de fonctionnement attrayantes en Europe. Pour garantir que l’Europe continue de jouer son rôle dans l’économie mondiale, la réussite devrait être mesurée à l’aune du potentiel des différents maillons de la chaîne de valeur européenne à être intégrés dans les chaînes de valeur mondiales — autrement dit, les fournisseurs européens devraient être à même d’affronter la concurrence mondiale, et pas seulement européenne.

1.5.

Il convient par ailleurs de relier étroitement les améliorations qui sont apportées dans le domaine de l’éducation et de la formation en vue des nouveaux emplois et services aux politiques de R & D & I et à la création de formations par le travail, en étendant la stratégie relative aux compétences (1) à des secteurs industriels majeurs, tels que ceux de la construction, de la sidérurgie, du papier, des technologies vertes et des énergies renouvelables, ainsi que l’industrie manufacturière et le transport maritime.

1.6.

Pour assurer la suprématie technologique de l’Europe, le Comité économique et social européen (CESE) recommande également d’intensifier les investissements dans les technologies de rupture qui changent la donne, telles que l’intelligence artificielle et la robotique, l’internet des objets, l’analyse des données, l’impression en 3D, les matériaux nouveaux et les nanomatériaux, la réalité virtuelle augmentée, la bioéconomie, l’alimentation durable, les technologies numériques, les neurotechnologies, la nanoélectronique, l’exploration océanique et spatiale, etc.

1.7.

Il y a lieu que le cadre financier pluriannuel 2021-2027 prévoie de la manière la plus ciblée et la plus détaillée possible des ressources budgétaires supplémentaires à allouer à chaque secteur, en particulier la R&D&I et les politiques de cohésion.

1.8.

Le CESE souligne qu’il convient de renforcer la gouvernance institutionnelle, en incluant dans ses évaluations d’impact non seulement l’impact économique, mais également l’impact sur l’environnement et la société tout au long de la chaîne de valeur.

1.9.

Dans la perspective d’une chaîne de valeur financière plus durable dans son ensemble, le CESE soutient résolument la feuille de route de la Commission sur le financement d’une croissance durable (2), qui passe par l’instauration d’une taxinomie commune de la finance durable, réorientant l’épargne responsable vers des investissements durables, en améliorant les investissements stratégiques européens (combinaison équilibrée entre le Fonds InvestEU prévu et les sources de financement privées).

1.10.

Le CESE réaffirme qu’il soutient fermement la règle d’or pour l’investissement public, non seulement pour le cofinancement de projets d’investissement stratégiques, mais également pour tous les projets d’investissement durable s’inscrivant dans l’évolution positive du système de classification de l’Union européenne pour les activités durables (taxinomie), afin d’offrir de nouvelles possibilités de développement aux pays européens qui ont été les plus pénalisés par la crise.

1.11.

Instruments de financement: création de conditions de concurrence équitables, octroi de financements publics en faveur des projets à l’échelle industrielle (jusqu’à 75 % du coût de l’investissement, ou plus si cela se justifie), augmentation des prêts préférentiels et de l’accès au crédit. Accès à des subventions publiques pour les actions axées sur la réduction du risque pour les projets novateurs à haut risque intrinsèque.

1.12.

Les secteurs les plus productifs (avec la plus haute valeur ajoutée) sont également ceux dans lesquels l’innovation est la plus élevée. En outre, les secteurs qui sont soumis à une réglementation environnementale plus stricte se caractérisent également par un nombre supérieur de dépôt de brevets, sans doute en raison des pressions exercées par les pouvoirs publics (3).

1.13.

Un des principaux facteurs des coûts de réglementation est la mise en œuvre des politiques de l’Union européenne par l’intermédiaire des actes délégués ou des actes d’exécution. Les procédures de mise en conformité, qui sont technocratiques et ne définissent pas les moyens les plus rentables d’atteindre les résultats réglementaires souhaités, ralentissent la capacité d’innovation des acteurs de l’industrie, en particulier les PME.

1.14.

Le développement durable et la compétitivité doivent aller de pair. Le CESE demande l’établissement de normes pour les produits dans l’Union, qui devraient être respectées tant par les producteurs des États membres que par les producteurs étrangers, et être exécutoires à la frontière. Les importations de produits qui ne respectent pas les règles environnementales et sociales ont pour résultat que les secteurs industriels de l’Union européenne sont confrontés à de graves obstacles pour répondre aux besoins et aux demandes de la société en matière de développement durable.

1.15.

La Commission européenne devrait surveiller de près la bonne mise en œuvre des accords de libre-échange (ALE) conclus par l’Union européenne, en prévoyant des règles simples et précises. Les chapitres consacrés au développement durable dans les accords de libre-échange doivent promouvoir la mise en œuvre des normes de travail de l’OIT et des principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (4), en établissant des conditions minimales transversales qui ne peuvent pas être contournées (droits des personnes vulnérables, bonne gouvernance budgétaire, etc.). Il convient de garantir la réciprocité dans les relations commerciales (par exemple, investissements, marchés publics, subventions).

1.16.

Il est nécessaire de prévoir un dialogue social étendu à différents niveaux afin d’analyser correctement les chaînes de valeur mondiales et de fournir des réponses communes, au sein d’entreprises durables dans lesquelles les travailleurs ont voix au chapitre.

1.17.

Le CESE demande à la Commission européenne de faire de la compétitivité et de la primauté industrielles une priorité politique essentielle et de lancer un programme européen de stratégie industrielle. Il demande instamment à la Commission de publier un rapport annuel sur les résultats de la stratégie industrielle de l’Union européenne portant sur tous les domaines pertinents de l’action de la Commission.

2.   Grandes tendances — Un seul monde

2.1.

Aujourd’hui, l’industrie est confrontée à une profonde mutation, qui a trait aux perspectives immenses ouvertes par la transformation numérique et l’économie à faible intensité de carbone. Les énergies renouvelables sont appelées à remplacer les carburants fossiles, les données sont en passe de devenir la nouvelle matière première dominante, et l’internet (des objets) est devenu le principal moyen de communiquer. Les modèles de production linéaire vont céder la place à des systèmes de production-consommation-recyclage plus circulaires, tandis que la production de masse va être remplacée par des processus de production personnalisés. Une industrie moderne suppose de produire et d’innover au sein d’un réseau d’acteurs qui coopèrent étroitement, depuis les grandes entreprises jusqu’aux petites et moyennes entreprises, en allant jusqu’aux services connexes situés tout au long de la chaîne de valeur. La connaissance a remplacé la main-d’œuvre ou le capital en tant que facteur le plus important de la création de valeur. La stratégie industrielle à long terme de l’Europe doit intégrer l’ensemble de ces défis (de rupture) afin d’entrer dans une phase de l’histoire de l’humanité qui n’est comparable qu’au passage du paléolithique au néolithique: l’ère infolithique/infolytique (5).

2.2.

La plupart des recherches universitaires nous avertissent que vers 2030, 20 à 50 % des emplois, en fonction du secteur industriel considéré, seront remplacés par des technologies et de la robotique (6). De nouveaux emplois seront toutefois créés, mais avec des disparités encore plus importantes sur le plan de la géographie, des secteurs et des compétences. Le défi auquel est confrontée la politique industrielle européenne est d’empêcher l’Union, ses régions et ses citoyens d’être exclus de ce processus.

2.3.

La transformation numérique a un effet sur les principales ressources de l’industrie dans son ensemble, qu’elles soient naturelles et environnementales, liées au travail ou au capital (physique, technologique et institutionnel). Afin de pouvoir gérer ses conséquences sociales de manière appropriée, il est essentiel de procéder à une nouvelle évaluation, pour chaque pays et secteur par secteur, des principales ressources ou du stock de biens de production qui généreront les flux de revenus les plus importants.

2.4.

De larges pans de l’industrie européenne dépendent de plus en plus des exportations externes ou font partie de chaînes de valeur transfrontières complexes, dans un marché de plus en plus mondialisé. Dans le même temps, l’Union est confrontée à la diffusion de la politique protectionniste américaine («America First»), qui entraîne un risque croissant de guerres commerciales dont personne ne sortira gagnant. Elle constitue également une menace pour l’ordre économique multilatéral qui prévaut depuis l’après-guerre. Enfin, on assiste également à l’émergence de modèles économiques centralisés dirigés au niveau de l’État.

2.5.

Pour assurer une transition équitable vers une industrie plus durable à l’horizon 2050 (7), l’Europe doit affronter les défis suivants:

la persistance du changement climatique et de la dégradation des conditions environnementales;

l’épuisement des ressources naturelles de la planète et la perte de biodiversité;

la numérisation de la plupart des secteurs industriels, qui va brouiller les frontières entre eux, ainsi qu’entre le monde physique et le monde virtuel, et va ouvrir certains secteurs à de nouveaux entrants, avec une réduction subséquente du travail manuel;

les inégalités sociales, avec notamment une polarisation croissante des marchés du travail et une hausse du chômage des jeunes, et des personnes laissées pour compte dans les régions où les industries sont en déclin;

la perte de confiance du public dans les gouvernements, la classe politique, l’Union européenne et ses structures de gouvernance, ainsi que dans les autres institutions;

les changements démographiques: vieillissement de la population, immigration, forte croissance de la population mondiale et sensibilisation nouvelle à l’environnement;

la concentration de la population dans les grandes villes, avec l’intégration des réseaux d’infrastructures, de l’intelligence artificielle, des machines et de l’apprentissage profond;

une mutation dans les préférences des consommateurs (évolution du comportement des consommateurs, sensibilisation accrue à l’environnement, régulation du comportement des consommateurs par les pouvoirs publics).

Il convient de déployer une vision à long terme qui embrasse simultanément toutes ces tendances. Comprendre les défis et appréhender comment les transformer en opportunités sera une priorité majeure pour la politique industrielle de l’Europe. Pour concevoir des réponses, tâche complexe s’il en est, il est nécessaire de faire participer tous les acteurs concernés, avec une responsabilité partagée. Le succès de cette démarche dépendra des efforts et de la coopération des institutions de l’Union européenne, des États membres et des régions mais, surtout, du rôle actif de l’industrie elle-même.

3.   La transition: une Union européenne engagée à maintenir sa compétitivité grâce au développement durable

3.1.

Pour répondre aux défis multiples et sans précédents auxquels elle est confrontée, l’Europe a choisi de stimuler sa compétitivité par une amélioration de la qualité de ses produits et services, en mettant en œuvre une stratégie de différenciation par régions et secteurs industriels qui vise à créer de la croissance et de l’emploi grâce à la valeur ajoutée apportée par la créativité et la conception intelligente, l’innovation sociale et de nouveaux modèles industriels durables et inclusifs.

3.2.

Un certain nombre d’indicateurs encourageants commencent déjà à apparaître en Europe, par exemple le fait qu’elle dépose 40 % des brevets mondiaux dans le domaine des technologies renouvelables. Toutefois, on relève aussi l’apparition de nouvelles inadéquations de grande ampleur entre les systèmes d’enseignement et de formation, les initiatives des entreprises et les nouvelles compétences dont l’industrie a besoin.

3.3.

Un autre frein important au développement industriel en Europe tient à la nature fragmentée des politiques de l’Union européenne, tant en termes géographiques que sectoriels. Passer de la situation actuelle, où il y a 28 politiques différentes pour chaque secteur industriel, à une approche globale de la politique industrielle de l’Union européenne nécessitera une synchronisation avec les mesures visant à achever l’Union économique et monétaire (union budgétaire et bancaire, en particulier), la mise en place d’un marché du capital-risque à l’échelle de l’Europe ainsi que l’adoption d’un modèle de financement durable, pour garantir une croissance équilibrée et harmonisée dans l’ensemble de l’Union européenne.

3.4.

Il importe de comprendre dans quelle mesure l’augmentation de l’innovation verte renforce l’innovation dans d’autres secteurs, et quels effets elle a sur les prix des intrants industriels, afin de mieux évaluer les effets de la politique environnementale sur la compétitivité des pays et d’améliorer la planification des politiques environnementales.

3.5.

Il est également nécessaire de mettre fortement l’accent sur le potentiel que revêtent les petites et moyennes entreprises (PME) dans les secteurs qui fournissent des services novateurs de haut niveau, fondés sur la connaissance. En Europe, l’innovation trouve généralement son origine dans des structures de petite dimension, et l’exportation de services de haut niveau fondés sur la connaissance joue un rôle pionnier dans le positionnement sur le marché de secteurs connexes.

3.6.

Si l’Europe entend regagner la primauté en ce qui concerne l’industrie de la connaissance et les capitaux incorporels, il est essentiel, dans le déploiement de l’innovation en Europe, de mettre en place une coopération et une coordination de l’activité industrielle entre les États membres. Le CESE souhaite souligner l’importance des projets d’intérêt européen commun, des partenariats public-privé innovants, ainsi que de la coopération régionale dans le cadre des stratégies de spécialisation intelligente.

4.   Une stratégie mondiale et holistique

4.1.

Les économies qui sont plus fortement insérées dans des chaînes de valeur mondiales (CVM) sont plus performantes pour créer de la valeur ajoutée. L’Union européenne devrait par conséquent s’opposer au néoprotectionnisme avec une plus grande détermination, étant donné qu’il pourrait aggraver le blocage qui a frappé récemment la participation croissante à de telles chaînes.

4.2.

C’est l’occasion de lier les chaînes de valeur mondiales au tissu économique local, en favorisant le développement des économies locales et des technologies de rupture (chaîne de bloc, imprimantes en 3D, robotique, internet des objets, stockage de l’énergie, énergies renouvelables, mégadonnées, biogénétique, nanotechnologie, etc.) dans une perspective inclusive: en effet, elles peuvent préparer l’avènement d’une production locale avec des intrants de moindre coût, notamment si l’on adopte le rôle de prosommateur (en le réglementant comme il se doit), en promouvant le développement de microentreprises productives et inclusives, en complément des grandes chaînes de valeur mondiales.

4.3.

Le nouveau paradigme de développement durable comme facteur de compétitivité, axé sur une approche à long terme, vise à mobiliser, aligner et garantir un niveau suffisant de ressources publiques et privées pour atteindre les objectifs fixés dans les politiques de l’Union européenne. L’octroi de ressources suffisantes est essentiel pour garantir une transformation inclusive, équitable et équilibrée, dans laquelle personne n’est laissé pour compte ou exclu du champ de la compétition et où des domaines d’intérêt public, comme la protection du consommateur, la santé, la sécurité et la qualité, restent des priorités majeures.

4.4.

Les initiatives et alliances sectorielles de l’industrie européenne visant à façonner la nouvelle stratégie en matière de compétences et à établir un catalogue d’initiatives bien structurées en vue de renforcer ou d’adapter les programmes existants (Erasmus+, le nouvel agenda européen pour la culture, etc.) et de mettre en œuvre les nouveaux programmes doivent être disponibles dans l’ensemble de l’EU-27 dans les meilleurs délais, en veillant à assurer une diversité géographique et la participation étroite des collectivités locales.

4.5.

Dans le même temps, le CESE soutient fermement les efforts déployés en faveur de forums de dialogue entre parties prenantes multiples, l’élaboration commune de stratégies innovantes et de projets pilotes de valeur illustrative, l’expérimentation conjointe, l’échange de bonnes pratiques et la volonté affichée de suivre et d’évaluer les projets dans leur détail. Il souligne également que tous les acteurs de la chaîne de valeur de l’industrie doivent y participer, tout comme les consommateurs. Il convient de citer à cet égard la table ronde des industriels de haut niveau, le groupe de haut niveau sur les industries à forte intensité énergétique et le groupe de haut niveau sur la compétitivité et la croissance.

4.6.

Il est essentiel d’améliorer la capacité d’investissement de l’Union européenne et de combler le fossé qui existe entre la formulation de politiques sectorielles et les investissements financiers, en augmentant la dotation de l’EFSI 2.0 et des Fonds structurels destinés à l’investissement afin d’atteindre les régions et les populations qui ont pris du retard au cours des années de crise, et en canalisant l’excédent extérieur récemment dégagé par l’Union européenne ainsi que par les autorités publiques vers des investissements capables de moderniser nos infrastructures industrielles et, partant, de contribuer à la progression de la productivité et de la croissance économique.

5.   La gouvernance institutionnelle de l’industrie de l’Union européenne

5.1.

Les plans d’action à long terme de l’Union européenne (UE-2020, plans en faveur du climat, etc.) devraient être pris en compte par les plans d’action industriels. Créer des synergies entre les différentes initiatives politiques (économie circulaire, innovation, politique des transports, commerce, compétences, politique régionale) permettrait assurément de maximiser leur impact.

5.2.

La transparence est un élément déterminant dans la réussite de ce processus. L’industrie dans son ensemble doit «agir et communiquer» en fournissant des informations de grande qualité (pertinentes, vérifiables et comparables) afin de permettre de mesurer avec précision les incidences financières et non financières tout au long de la chaîne de valeur mondiale d’un produit donné.

5.3.

Les objectifs de développement durable (les 17 objectifs de développement durable et les 169 cibles connexes) et l’accord de Paris sur le changement climatique constituent un outil de mesure mettant l’accent sur le bien commun, mais il est urgent d’adapter et d’étoffer les indicateurs au moyen d’une méthodologie commune combinant des paramètres quantitatifs et qualitatifs et chiffrant les externalités. Le nouvel ensemble d’indicateurs doit inclure ceux qui portent sur la dimension de changement de valeur mondiale, en reflétant les valeurs de l’Union.

5.4.

Le CESE demande que soient introduits des codes de conduite pour les segments de la chaîne de valeur de produits ou services européenne — comme c’est le cas pour l’alimentation durable — qui sont internationalisés et dont beaucoup échappent encore à la gouvernance juridique. Il plaide par ailleurs en faveur d’un renforcement de la surveillance du marché et la mise en place de moyens de dissuasion ou de sanctions pour les pratiques préjudiciables à la durabilité, telles que l’obsolescence programmée.

5.5.

Renforcer la recherche et l’innovation responsables, dans le cadre d’une approche ascendante. Prévision plus précise de certains secteurs, région par région, et alignement des investissements sur les objectifs stratégiques de l’Union européenne à l’horizon 2030 et les perspectives à l’horizon 2050 (8). L’Union européenne devrait également garantir que la première application des résultats de la R & D financée au moyen de ressources publiques ait lieu à l’intérieur de l’Union européenne. Il conviendrait d’atteindre enfin l’objectif de 3 % d’investissements dans la R&D (à l’heure actuelle, son niveau est seulement de 1,9 %, inférieur à celui de la Chine, situé à 2,2 %). Les technologies de rupture doivent être accompagnées d’une feuille de route qui couvre les problèmes et conditions liés à leur adoption (y compris l’incidence économique, réglementaire et sociale).

5.6.

Il y a lieu que le cadre financier pluriannuel 2021-2027 prévoie de la manière la plus ciblée et la plus détaillée possible des ressources budgétaires supplémentaires à allouer à chaque secteur, en particulier la R & D & I et les politiques de cohésion. Le soutien du secteur public devrait être renforcé à tous les stades du cycle de l’innovation, y compris le soutien aux jeunes entreprises, aux projets de démonstration et projets pilotes, aux projets de RDT en collaboration et à la diffusion des technologies, etc.

5.7.

L’union des marchés des capitaux et le développement industriel de l’Union européenne devraient permettre de mobiliser l’épargne publique et privée par des canaux sûrs allant de l’investissement socialement responsable (ISR) à la responsabilité sociale des entreprises (RSE). La certification EMAS pourrait également optimiser et équilibrer les rendements financiers avec des vecteurs de durabilité.

5.8.

Une transition politique équitable d’ici à 2030 signifie non seulement innover pour les citoyens et investir dans des emplois pour les travailleurs, mais aussi innover avec les personnes et les travailleurs, en leur permettant de trouver de nouveaux emplois décents. À cet égard, le CESE souligne que l’industrie manufacturière doit rester neutre sur le plan technologique.

6.   Faire preuve de plus d’ambition dans le plan d’action pour l’industrie européenne

6.1.

Construire une société de la connaissance est une condition essentielle pour une industrie innovante et compétitive. L’Europe ne peut entrer en concurrence avec les économies émergentes sur le plan des salaires; elle doit donc être plus intelligente. Les compétences sont également essentielles pour les travailleurs, non seulement pour accroître leur employabilité, mais aussi pour assurer leur sécurité de l’emploi, leur intégration sociale et de meilleures possibilités dans la vie; il convient d’investir dans la mise à niveau permanente et la requalification des travailleurs, la promotion d’une éducation, d’une formation et d’un développement professionnel de qualité tout au long de la vie active. Il est nécessaire de développer une «nouvelle stratégie en matière de compétences pour l’Europe» plus ambitieuse, qui propose une révision du cadre européen pour des compétences clés, afin de garantir que les personnes acquièrent les connaissances et les compétences dont l’industrie a besoin, l’objectif étant de renforcer la résilience de l’économie européenne et de promouvoir le développement durable (objectif 4 des objectifs de développement durable des Nations unies).

6.2.

Amélioration des mécanismes de transfert de connaissances entre l’université et les centres de recherche, d’une part, et les secteurs industriels et leurs employés, d’autre part.

6.3.

Bien souvent, les PME sont les pionnières dans le développement de biens et de services innovants de haut niveau. Toutefois, il est fréquent qu’elles n’aient pas les moyens de commercialiser ces innovations à plus grande échelle. En conformité avec la politique industrielle de l’Union européenne à l’horizon 2030, il est nécessaire de disposer d’un large éventail d’incitations et de bénéfices éventuels qui exploitent la force du réseau public paneuropéen fondé sur la récompense, orienté particulièrement vers les PME, mais incluant aussi les professions libérales en tant qu’avant-garde pour la fourniture et l’exportation de services innovants fondés sur des connaissances de haut niveau:

des marchés publics stratégiques, qui constituent un levier important de la politique industrielle. Il conviendrait d’exploiter pleinement leur potentiel en intégrant dans les appels d’offres publics des critères liés à l’innovation, au respect de l’environnement et à la dimension sociale, au lieu de simplement rechercher le prix le plus bas. L’Union européenne devrait soutenir les autorités dans ce domaine en fournissant des orientations, en mettant en place un service d’assistance, en soutenant la planification de grands projets d’infrastructures, et en améliorant l’échange de bonnes pratiques;

un soutien à l’internationalisation;

un «bac à sable» (sandbox) pour une expérimentation plurilatérale, venant à l’appui de la validation préalable des solutions innovantes;

la création de regroupements (sectoriels, horizontaux et verticaux) et de pépinières d’entreprises, renforçant les liens entre les acteurs industriels dans le but de partager et d’échanger des ressources;

un mentorat spécialisé à haute valeur ajoutée, des réunions régulières entre les jeunes entreprises et les entreprises bien établies du secteur concerné, dans le but de coopérer pour développer des plans et initiatives;

des avantages fiscaux et des garanties publiques pour soutenir les investissements;

etc.

6.4.

Stimuler la connaissance et la consolidation des nouveaux modèles économiques durables (9) sur l’innovation sociale (nouvelles méthodes, centrées sur les personnes, pour répondre aux besoins de la société) à la suite de l’application de nouvelles méthodes.

6.5.

Il convient d’accorder une attention particulière aux régions les moins développées et à celles en transition industrielle. Les agences de développement local et l’éventail des outils dont elles disposent doivent constituer un moteur pour la création de «microclimats» ou d’«écosystèmes» qui rassemblent et catalysent les synergies croissantes entre l’industrie manufacturière et les services, en commençant par les besoins des personnes et des différentes zones.

6.6.

Le rôle du commerce international est essentiel pour répondre aux défis d’une industrie durable. Révision et amélioration des traités et accords de libre-échange préférentiels (depuis le GATT jusqu’au PTCI), en introduisant un degré de conditionnalité qui soit lié aux engagements en matière de durabilité. Fixer des lignes rouges: gouvernance juridique et budgétaire, résolution des disparités off-shore, seuils minimaux sociaux et environnementaux. Il convient de garantir la réciprocité dans les relations commerciales (par exemple investissements, marchés publics, subventions).

6.7.

Création d’un programme sectoriel pour la gestion équilibrée de la transition vers une économie circulaire à faibles émissions de carbone: fixation d’objectifs par secteur et aire géographique, introduction de feuilles de route conformes aux conditions réelles, à l’impact du coût énergétique et aux autres facteurs de production.

6.8.

Moderniser l’industrie pour la préparer à l’ère numérique permettra de faire de l’industrie européenne un système de production à forte intensité d’informations et de connaissances. Aussi le CESE souhaite-t-il mettre l’accent sur les priorités suivantes:

promouvoir pleinement le recours aux technologies de l’information pour relever les défis sociétaux;

développer une infrastructure numérique à «haute performance» dans toute l’Union européenne;

remédier aux grandes disparités qui existent sur le plan de la numérisation entre les régions et entre les grandes et les petites entreprises;

accélérer la mise au point de normes dans le domaine des TIC;

se préoccuper de la dimension sociale du passage au numérique, à savoir son impact sur la qualité et la quantité d’emplois, en réglementant l’économie du partage de sorte à prévenir la concurrence déloyale;

accroître l’intelligence numérique à tous les niveaux professionnels; promouvoir les compétences numériques à tous les niveaux de l’éducation (depuis l’école primaire jusqu’à la formation continue);

définir de nouvelles règles en matière de taxation de l’économie numérique;

améliorer la cybersécurité.

6.9.

Disposer d’une énergie sûre, en quantité suffisante et durable est une priorité essentielle pour l’industrie et la société. L’énergie d’origine renouvelable doit être disponible à un prix compétitif. Cela nécessitera également d’énormes investissements dans les réseaux intelligents et l’interconnectivité, ainsi que dans les technologies de pointe en matière de stockage de l’énergie. Par ailleurs, l’utilisation intelligente du carbone permettra de réutiliser le dioxyde de carbone et l’hydrogène — qui sont actuellement destinés à l’incinération — pour produire de l’énergie, afin de produire des carburants et des produits chimiques synthétiques. L’utilisation de ces produits pourrait considérablement accélérer la réduction globale des émissions de CO2 dans le secteur combiné acier/produits chimiques/transports. Il conviendrait donc de promouvoir ces carburants ou matières synthétiques dans la directive sur les énergies renouvelables.

6.10.

Le CESE tient à souligner l’importance des plans d’action pour les secteurs et les chaînes de valeur dotés d’un potentiel de croissance élevé, pour la mise à niveau structurelle des industries traditionnelles, et pour soutenir la décarbonisation dans les industries à forte intensité énergétique.

6.11.

La politique industrielle devrait porter une attention particulière au secteur des transports qui est en passe de connaître un changement complet de paradigme, avec l’émergence simultanée de plusieurs ruptures technologiques: l’électrification, la numérisation de la production, les véhicules connectés et automatisés, l’intégration des transports privés et collectifs.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Le Plan pour la coopération sectorielle dans le domaine des compétences est actuellement en cours d’application.

(2)  COM(2018) 97 final.

(3)  ftp://ftp.unibocconi.it/pub/RePEc/bcu/papers/iefewp69.pdf

(4)  Résolution du Parlement européen du 4 octobre 2018 sur la contribution de l’Union européenne à l’élaboration d’un instrument contraignant des Nations unies pour réglementer les activités des sociétés transnationales et autres entreprises à caractéristiques transnationales au regard des droits de l’homme [2018/2763(RSP)], http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=TA&reference=P8-TA-2018-0382&format=XML&language=fr

(5)  Le suffixe -lytique étant la forme d’adjectif correspondant à -lyse (comme dans électrolyse), au sens de «dissoudre», «distribuer». Il faut comprendre ici «distribution des informations».

(6)  D. Acemoglu et P. Restrepo (2017), Robots and jobs: evidence from US labour markets (Robots et emplois: constatations sur la base des marchés du travail aux États-Unis), NBER Working Paper No 23285. M. Arntz, T. Gregory et U. Zierahn (2016), The risk of automation for jobs in OECD countries: a comparative analysis (Le risque que présente l’automatisation pour les emplois dans les pays de l’OCDE. Analyse comparative), OCDE, Social, Employment and Migration Working Papers No 189.

(7)  Voir avis SC/047 (JO C 81 du 2.3.2018, p. 44).

(8)  Comme indiqué dans l’avis du CESE SC/047 (JO C 81 du 2.3.2018, p. 44).

(9)  Voir l’avis exploratoire SC/048 du CESE (JO C 81 du 2.3.2018, p. 57).


III Actes préparatoires

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

538e session plénière du CESE, 17.10.2018-18.10.2018

15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/24


Avis du Comité économique et social européen sur a) une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive (UE) 2017/1132 en ce qui concerne l’utilisation d’outils et de processus numériques en droit des sociétés

[COM(2018) 239 final — 2018/0113 (COD)]

et sur b) une proposition de directive modifiant la directive (UE) 2017/1132 en ce qui concerne les transformations, fusions et scissions transfrontalières

[COM(2018) 241 final — 2018/0114 (COD)]

(2019/C 62/04)

Rapporteur:

Dimitris DIMITRIADIS

Corapporteur:

Norbert KLUGE

Saisine

a)

Parlement européen, 28.5.2018

a)

Conseil, 30.5.2018

b)

Parlement européen, 28.5.2018

b)

Conseil, 29.5.2018

Base juridique

a)

Article 50, paragraphe 1, et paragraphe 2, points b), c), f) et g), du TFUE

b)

Article 50, paragraphes 1 et 2, du TFUE

Compétence

Section spécialisée «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section spécialisée

2.10.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

190/2/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite des propositions de la Commission qui constituent une stratégie globale destinée à traiter de manière équilibrée et à protéger les intérêts et les besoins légitimes de toutes les parties prenantes, des PME, des actionnaires minoritaires, des créanciers et des salariés.

1.2.

Dans le même temps, l’objectif d’un marché unique sans frontières intérieures pour les entreprises doit être concilié avec d’autres objectifs de l’intégration européenne tels que la protection sociale ancrée dans l’article 3, paragraphe 3, du TUE, les articles 9 et 151 du TFUE et le socle européen des droits sociaux. Le CESE est d’avis que la récente proposition législative relative à la mobilité des sociétés constitue une bonne occasion d’entamer un nouveau débat sur les exigences et l’efficacité du droit européen des sociétés à l’ère numérique. Ce faisant, il convient d’examiner les points de vue de toutes les parties intéressées, telles que les travailleurs et la société dans son ensemble. Ceci fait de l’évolution souhaitée vers la création d’entreprises durables un avantage concurrentiel pour l’Union européenne.

1.3.

Le CESE soutient ces propositions qui visent à renforcer la compétitivité internationale des PME, à réduire les coûts, ainsi qu’à harmoniser et simplifier les procédures d’enregistrement et de dépôt d’informations relatives aux changements et transformations des sociétés. Il juge utile que la Commission fournisse des orientations aux États membres concernant la transposition des directives.

1.4.

Le CESE s’insurge contre les failles qui permettent aux sociétés «boîtes aux lettres» de contourner la réglementation relative à la fraude, à l’évasion fiscale, au blanchiment d’argent, d’affaiblir les normes de travail ou la protection sociale et d’accroître la concurrence déloyale. Elle exhorte les autorités concernées à détecter et à réprimer les pratiques frauduleuses. Le CESE soutient la limitation du choix de l’État membre d’enregistrement à celui avec lequel la société a un lien réel.

1.5.

Le CESE est attaché à la transparence, à la sécurité et à la sécurité juridique. Il souligne l’importance d’une procédure efficace de vérification de l’identité, laquelle doit être obligatoire lors de la constitution de sociétés et devrait, en tout état de cause, avoir lieu avant leur enregistrement. Il importe que les États membres se conforment pleinement aux normes de l’Union européenne ou appliquent des normes équivalentes garantissant une vérification efficace de l’identité et des informations fiables permettant d’appliquer des normes à part entière pour les bénéficiaires effectifs.

1.6.

Le CESE estime qu’il ne devrait pas être permis de présenter des copies scannées d’un passeport ou d’une procuration, car cela porterait atteinte à la sécurité juridique. Il conviendrait que les formulaires de procuration soient des documents publics et soient dûment vérifiés avant le classement de l’information. Si elles sont représentées par leur représentant légal, qui est une personne physique et non une société holding, les personnes morales enregistrées dans les registres nationaux devraient utiliser des outils d’enregistrement et de classement en ligne.

1.7.

Le CESE se félicite du principe de la transmission unique d’informations qui évite aux PME de devoir s’enregistrer ou publier des documents officiels à de multiples reprises, tandis que les registres nationaux veillent dans le même temps à la fiabilité et la crédibilité des documents et des informations qu’ils publient.

1.8.

Le CESE souligne l’importance du facteur coût pour les microentreprises et les PME, dans la mesure où celles-ci n’ont ni la capacité ni les instruments nécessaires pour faire face à la société numérique. Un enregistrement aisé et une mobilité transfrontière les aideront à tirer pleinement parti du marché unique numérique et allégeront leurs charges administratives. Le CESE soutient la proposition qui prévoit que les documents et les informations émis par les registres des entreprises devraient être équivalents à des «copies conformes». Toutefois, il importe que les frais administratifs réels à payer aux registres des entreprises soient transparents, raisonnables et ne devraient pas affecter leur accessibilité.

1.9.

Le CESE estime qu’il convient d’assurer un accès libre et aisé aux registres des entreprises au-delà des frontières afin de pouvoir confirmer des informations sur les sociétés, par exemple en cas d’exclusion de ses administrateurs, en permettre le contrôle et réduire la fraude transfrontière.

1.10.

Le CESE apprécie le fait que la proposition de la Commission reconnaisse expressément le rôle que le notaire joue dans de nombreux États membres pour garantir la sécurité juridique, fournir des conseils juridiques et prévenir les fraudes et les abus dans un environnement économique de plus en plus numérisé. Le CESE estime en particulier que la prévention de la fraude et des abus n’entrave pas l’activité économique mais constitue, au contraire, une condition préalable à un marché unique européen juste et transparent, dans lequel les microentreprises bénéficient de chances égales et peuvent participer au jeu de la concurrence pour décrocher des clients dans un environnement équitable et propice en offrant les meilleurs produits et services au profit de tous les acteurs du marché.

1.11.

Le CESE soutient la proposition de la Commission visant à faciliter la mobilité transfrontière des entreprises, proposition qui fixe des conditions claires par l’intermédiaire du droit dérivé. Toutefois, comme l’a souligné la Cour de justice de l’Union européenne dans sa jurisprudence, il convient de préciser que le fait qu’une société cherche à bénéficier d’une législation plus favorable ne constitue pas en soi un abus de la liberté d’établissement. La mobilité des entreprises créera de l’emploi à l’échelle de l’Union européenne. Toutefois, les effets néfastes d’une transformation, d’une scission ou d’une fusion sur les marchés de l’emploi locaux et régionaux devraient également être pris en compte.

1.12.

Le CESE suggère que la Commission accorde une attention particulière aux divergences entre la directive 2005/56/CE sur les fusions transfrontalières et les procédures proposées pour les transformations et les scissions transfrontalières en ce qui concerne les éventuelles conséquences pour leur efficacité et leur attractivité.

1.13.

Le CESE est convaincu que la nouvelle procédure de transfert du siège des sociétés (transformation transfrontalière) favorise la sécurité juridique en prévoyant un contrôle ex ante dans l’État membre de départ et dans l’État membre de destination, dont, dans ce dernier cas, l’examen devrait être limité aux exigences liées à la correspondance d’une société transformée à son ordre juridique national. Il estime également qu’une clause générale contre l’abus du droit d’établissement serait utile.

1.14.

Le CESE soutient la proposition de la Commission en ce qu’elle considère que les transformations, fusions et scissions peuvent être utilisées de manière frauduleuse; la notion de «montage artificiel» manque toujours de clarté. Par conséquent, le CESE suggère que, pour préciser celle-ci, il conviendrait d’établir des critères ou des indicateurs qui définissent les pratiques frauduleuses ou les avantages fiscaux indus qui vont à l’encontre de la sécurité juridique, de la concurrence loyale et de la protection sociale.

1.15.

Le CESE se félicite que les microentreprises et les petites entreprises soient exemptées de l’obligation de fournir un rapport d’expert indépendant, car le coût d’un tel rapport constituerait une charge excessive pour elles. Il estime que cette obligation de rapport devrait s’appliquer uniquement aux grandes entreprises souhaitant s’engager dans une fusion, une scission ou une transformation transfrontalières.

1.16.

Le CESE se félicite de l’intention de la Commission de protéger les droits de participation des travailleurs actuellement en vigueur. Il souhaite cependant que le rôle des comités d’entreprise européens soit renforcé en cas de transformations de grandes entreprises conformément à la directive 2009/38/CE.

1.17.

Le CESE se félicite de l’introduction de règles harmonisées pour la protection des actionnaires minoritaires et des créditeurs, qui n’existaient pas dans la directive 2005/56/CE.

1.18.

Le CESE insiste sur la nécessité que tous les outils et processus numériques utilisés pour les besoins de la réglementation proposée soient pleinement accessibles, en particulier aux personnes atteintes de déficiences visuelles.

2.   Les propositions de la Commission

2.1.

La Commission a présenté un ensemble complet de mesures (1) (2) visant à faire prévaloir dans l’Union européenne des règles du droit des sociétés équitables, efficaces et modernes.

2.2.

Dans sa version actuelle, le droit des sociétés (3) de l’Union européenne prévoit certains éléments de numérisation, tels que l’obligation faite aux États membres de mettre à disposition en ligne les renseignements sur les sociétés de capitaux. Toutefois, ces exigences sont limitées et manquent de précision, ce qui conduit à une mise en œuvre très variable au niveau national.

2.3.

La proposition (4) vise à procurer davantage de solutions numériques aux entreprises dans le marché unique et une plus grande égalité des chances aux entreprises de l’Union européenne, tout en offrant aux États membres la souplesse nécessaire pour adapter leurs systèmes nationaux et préserver leurs traditions juridiques. Les dispositions adoptées devraient permettre et encourager l’utilisation d’outils et de processus numériques en droit des sociétés sans interruption, permettant aux États membres de faire passer leurs systèmes actuels de contrôle ex ante à l’ère numérique.

2.4.

L’objectif global de la proposition est d’assurer le bon fonctionnement du marché unique pendant toute la durée de vie des entreprises, dans leurs interactions avec les autorités aux fins de leur immatriculation, ou de l’immatriculation de succursales, et du dépôt d’actes ou d’informations, et ce sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne.

2.5.

La liberté d’établissement joue un rôle capital dans le développement du marché unique car elle permet aux entreprises de mener des activités économiques dans d’autres États membres sur une base stable. Dans la pratique, l’exercice de cette liberté par des sociétés reste difficile, en particulier pour les PME, comme l’a reconnu la stratégie pour le marché unique de 2015 (5). Or, vu l’insécurité juridique, l’inadéquation partielle des règles, voire le manque de règles régissant certaines opérations transfrontalières des sociétés, il n’existe pas de cadre clair pour garantir une protection effective de ces parties prenantes.

2.6.

Une transformation transfrontalière offre une solution efficiente permettant aux sociétés de s’implanter dans un autre État membre sans perdre leur personnalité juridique ou sans devoir renégocier leurs contrats commerciaux. La Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a considéré que la liberté d’établissement consacrée par l’article 49 du TFUE impliquait le droit, pour les sociétés établies dans un État membre, de transférer leur siège dans un autre État membre au moyen d’une transformation transfrontalière, sans perdre leur personnalité juridique (6). Dans son récent arrêt Polbud (7), la Cour de justice a confirmé le droit pour les sociétés d’effectuer des transformations transfrontalières sur la base de la liberté d’établissement.

2.7.

À la lumière de ces arrêts de la CJUE (8), l’harmonisation des règles régissant les transformations transfrontalières (9) poursuit les deux objectifs principaux suivants:

permettre aux entreprises, en particulier aux microentreprises et aux petites entreprises, d’opérer une transformation transfrontalière d’une manière ordonnée, efficiente et efficace,

offrir aux parties prenantes les plus touchées, telles que les travailleurs, les créanciers et les actionnaires, une protection adaptée et proportionnée.

2.8.

La proposition prévoit également des règles harmonisées pour la protection des créanciers et des actionnaires. Chaque société devrait prévoir, dans son projet de transformation transfrontalière, la protection qu’elle envisage d’assurer à ses créanciers et ses actionnaires. Les règles complètent également de récentes initiatives visant à renforcer les règles sur le détachement des travailleurs et la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales ainsi que la proposition de la Commission relative à une Autorité européenne du travail.

3.   Observations générales

3.1.

La directive (UE) 2017/1132 du Parlement européen et du Conseil (10) codifie les directives existantes en matière de droit européen des sociétés. La directive est entrée en vigueur le 20 juillet 2017, et moins d’un an après, la Commission européenne a présenté de nouvelles propositions pour la modernisation du droit européen des sociétés.

3.2.

Le CESE se félicite de ces initiatives de la Commission européenne ainsi que du consensus existant entre les institutions européennes et les États membres quant à la nécessité que le passage au numérique se poursuive afin de mener à bien la stratégie pour un marché unique numérique 2015 (11) et le plan d’action 2016 pour l’administration en ligne (12).

3.3.

Les propositions de la Commission européenne visant à modifier la directive (UE) 2017/1132 prennent les mesures nécessaires pour mettre les entreprises de l’Union européenne sur un pied d’égalité avec les entreprises d’autres pays industrialisés ayant une forte tradition numérique, tels que les États-Unis, le Canada et l’Australie. Les entreprises doivent pouvoir opérer dans un environnement juridique et administratif sûr, adapté aux nouveaux défis économiques et sociaux de la mondialisation et de la numérisation, tout en poursuivant également d’autres intérêts publics légitimes, tels que protéger les salariés, les créanciers et les actionnaires minoritaires et armer les autorités de toutes les garanties nécessaires pour combattre la fraude et les abus, tels que la transmission d’informations fiscales dans le cadre de la coopération administrative (13) et garantir la fiabilité des actes et des informations contenus dans les registres nationaux.

3.4.

Toutefois, certaines modifications doivent être apportées afin d’alléger la charge administrative et le coût de la mise en œuvre des initiatives proposées à l’intention des microentreprises ou des petites et moyennes entreprises.

3.5.   Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive (UE) 2017/1132 en ce qui concerne l’utilisation d’outils et de processus numériques en droit des sociétés — COM(2018) 239 final

3.5.1.

Le CESE se félicite de l’objectif de cette proposition législative (14), à savoir assurer le bon fonctionnement du marché unique de l’Union européenne pendant toute la durée de vie des entreprises, dans leurs interactions avec les autorités aux fins de leur immatriculation, ou de l’immatriculation de succursales, et du dépôt d’actes ou d’informations.

3.5.2.

Le CESE considère que la numérisation du droit des sociétés est un outil permettant des processus honnêtes, transparents et efficaces. Elle ne constitue pas une fin en soi mais doit servir les intérêts des entreprises, en particulier des microentreprises. Par conséquent, la proposition législative relative à l’utilisation d’outils et de processus numériques dans le droit des sociétés devrait mettre en œuvre les principales caractéristiques d’un droit européen des sociétés moderne à l’ère numérique, à savoir la sécurité juridique et la prévention des abus, la fiabilité de l’identification, les informations fiables permettant d’appliquer des normes à part entière pour les bénéficiaires effectifs, les contrôles préventifs et la transparence des structures des entreprises grâce à des registres des entreprises dignes de foi. Ce n’est que dans ces conditions qu’il sera possible de tirer pleinement parti des possibilités offertes par la numérisation et que les microentreprises bénéficieront d’une «égalité de traitement numérique» pour créer de la croissance et des emplois dans l’Union européenne.

3.5.3.

Le CESE se félicite que la Commission européenne reconnaisse et propose de supprimer les obstacles créant des charges administratives et des coûts inutiles pour les entrepreneurs qui souhaitent créer une nouvelle entreprise ou étendre leurs activités par l’immatriculation de leurs filiales. Les obstacles à lever sont les suivants:

a)

L’immatriculation en ligne des sociétés et des succursales est autorisée, interdite ou imposée par la législation nationale, ce qui crée un paysage diversifié, source de complexité pour les PME (15).

b)

L’imposition de multiples publications d’informations sur les sociétés et l’immatriculation des succursales dans les bulletins nationaux de nombreux États membres, là où des succursales existent.

c)

Les conditions diverses dans lesquelles des tiers (investisseurs, citoyens, autres entreprises) ont accès à des informations sur les entreprises dans les registres nationaux (certaines informations étant fournies gratuitement et d’autres contre paiement).

3.5.4.

Le CESE estime que la poursuite de la numérisation est très importante car:

a)

Les procédures d’immatriculation en ligne sont en général moins coûteuses, plus rapides et plus efficaces que celles où les demandes sont déposées en personne et sur support papier (16).

b)

Cette initiative est pleinement cohérente avec les volets du droit des sociétés de l’Union européenne qui font déjà l’objet d’un traitement numérique, sur lesquels elle s’appuie, en particulier le système d’interconnexion des registres du commerce (BRIS), fondé sur les obligations légales définies par la directive 2012/17/UE (17) et le règlement d’exécution (UE) 2015/884 de la Commission (18).

c)

La proposition complétera la proposition de règlement de la Commission établissant un portail numérique unique, qui couvre l’enregistrement général en ligne de l’activité économique, hors constitution de sociétés de capitaux. Elle constitue une «lex specialis» par rapport au «portail numérique unique» (19).

3.5.5.

Les préoccupations concernant la fraude ou les abus, en particulier les sociétés écrans, ne doivent pas faire obstacle à ce que la proposition soit soutenue, et ce pour diverses raisons. Ces préoccupations relèvent des États membres, qui ont la faculté de réglementer les conditions dans lesquelles les entreprises sont constituées, notamment en ce qui concerne le contrôle judiciaire, notarial et/ou administratif obligatoire des statuts des sociétés (20). L’Union européenne a déjà adopté un certain nombre de mesures visant à lutter contre l’évasion fiscale des entreprises ou concernant l’obligation de communication des dispositifs de planification fiscale par les intermédiaires, la transmission d’informations fiscales dans le cadre de la coopération administrative (21), ainsi que la reconnaissance obligatoire des moyens d’identification électronique des citoyens de l’Union européenne délivrés dans un autre État membre qui sont conformes à l’e-IDAS.

3.5.6.

Le CESE soutient les dispositions permettant aux États membres, à titre de garantie ultime contre la fraude, d’exiger que les personnes concernées se présentent physiquement devant une autorité compétente, mais uniquement en cas de motif impérieux d’intérêt général. Le CESE estime que cette procédure numérique ne devrait pas être utilisée par les sociétés holding ou dans le cas de représentants disposant d’une procuration qui pourrait dissimuler la véritable partie intéressée, et met en garde contre le «vol d’identité».

3.5.7.

Le CESE apprécie le fait que la proposition de la Commission reconnaisse expressément le rôle essentiel que le notaire joue dans de nombreux États membres pour garantir la sécurité juridique, fournir des conseils juridiques et prévenir les fraudes et les abus dans un environnement économique de plus en plus numérisé. Le CESE estime en particulier que la prévention de la fraude et des abus n’entrave pas l’activité économique, mais constitue, au contraire, une condition préalable à un marché unique européen juste et transparent, dans lequel les microentreprises bénéficient de chances égales et peuvent participer au jeu de la concurrence pour décrocher des clients dans un environnement équitable et propice en offrant les meilleurs produits et services au profit de tous les acteurs du marché.

Pour garantir la sécurité juridique et éviter la fraude, les États membres devraient être autorisés à prévoir des contrôles préventifs par les autorités compétentes et/ou les notaires tout au long du cycle de vie des entreprises, y compris lorsque des modèles sont utilisés, à condition que la procédure puisse être effectuée entièrement en ligne. La transmission en ligne de documents et l’échange automatique d’extraits de registres d’entreprises n’affectent pas les exigences de l’État d’enregistrement en ce qui concerne la forme et l’exactitude des documents soumis.

3.5.8.

Le CESE se félicite donc de la proposition de la Commission européenne visant à faciliter la numérisation du droit des sociétés sur la base du principe «une fois pour toutes», lequel fonctionnera sur la base de la confiance mutuelle entre les États membres qui continueront à appliquer les obligations prévues au niveau national en vue de la constitution d’une société.

3.6.   Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive (UE) 2017/1132 en ce qui concerne les transformations, fusions et scissions transfrontalières — COM(2018) 241 final

3.6.1.

La proposition vise à établir des règles claires et à adapter le droit des sociétés à la mobilité transfrontalière des entreprises dans l’Union européenne. La proposition établit un délicat équilibre entre, d’une part, des règles et des procédures spécifiques relatives aux opérations transfrontalières d’entreprises qui visent à exploiter le potentiel du marché intérieur et, d’autre part, la protection contre toute utilisation abusive dont doivent pouvoir jouir toutes les parties prenantes concernées par les affaires de l’entreprise, à savoir les travailleurs, les créanciers et les actionnaires minoritaires.

3.6.2.

Le CESE est favorable aux transformations transfrontalières au niveau de l’Union européenne (22) et à l’incorporation dans la proposition de la Commission de l’arrêt rendu en 2017 par la Cour de justice de l’Union européenne dans l’affaire Polbud (23). Dans l’arrêt Polbud, la Cour a déclaré qu’une réglementation d’un État membre qui subordonne obligatoirement le transfert transfrontalier d’une société à la liquidation de la première société constitue une restriction injuste et disproportionnée et qu’elle est donc incompatible avec la liberté d’établissement. L’obligation générale de mettre en œuvre une procédure de liquidation imposée par l’État revient à poser une présomption générale d’existence d’un abus; une telle législation est dès lors disproportionnée. Un tel transfert du siège statutaire d’une société, lorsqu’il n’y a pas de changement du lieu d’implantation de son siège réel, relève du champ d’application de la liberté d’établissement protégée par le droit de l’Union. C’est pourquoi la Cour a confirmé une nouvelle fois le droit des sociétés de transférer leur siège statutaire, sans leur siège réel, d’un État membre à un autre, même si ces sociétés réalisent leurs principales activités, sinon la totalité de celles-ci, dans le premier État membre. L’objectif recherché par la société Polbud, à savoir bénéficier d’une législation plus avantageuse, ne constitue pas en soi un usage abusif de la liberté d’établissement.

3.6.3.

Sur le principe, le CESE soutient la mise en place d’une procédure permettant de réaliser de telles transformations et l’adoption de conditions de fond pour mettre fin à l’incertitude juridique provoquée par la diversité des règles nationales, qui a une incidence négative sur les entreprises, les parties prenantes et les États membres. Les lois nationales, lorsqu’elles existent, sont souvent incompatibles ou difficiles à combiner. En outre, plus de la moitié des États membres n’autorisent pas les transformations transfrontalières. Cet état de fait nuit en particulier aux PME car celles-ci n’ont souvent pas les ressources nécessaires pour effectuer des procédures transfrontalières via des méthodes alternatives onéreuses et complexes.

3.6.4.

La première étape de la procédure consiste pour l’autorité compétente de l’État membre de départ soit à délivrer un certificat préalable à la transformation dans un délai d’un mois, soit, en cas de doute, à procéder à une évaluation approfondie pendant un mois supplémentaire. La procédure se termine lorsque l’État membre de destination, à la lumière de tous les faits et informations pertinents, procède à l’immatriculation de la société transformée, si celle-ci respecte les dispositions de sa législation en matière d’immatriculation et de protection des travailleurs. Les communications entre les autorités compétentes seront facilitées par le recours au système d’interconnexion des registres du commerce ou des sociétés (BRIS). Il est tenu compte des préoccupations concernant la participation des travailleurs dans le cadre de leur droit d’être informés et consultés en temps utile par la société. La protection des travailleurs peut également être confirmée par l’autorité de l’État membre de destination. Les comités d’entreprise européens jouent un rôle important.

3.6.5.

Le CESE souhaite exprimer ses réserves quant à la question de savoir si une procédure longue et onéreuse remplit les critères en matière d’exercice de la liberté d’établissement dans un autre État membre de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne dans l’affaire C-106/16 (Polbud) et est compatible avec celui-ci. Il importe de souligner que la Cour a interprété l’article 54 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et appliqué le principe général de proportionnalité. Ainsi, le droit d’une société à entreprendre une transformation transfrontalière découle du traité lui-même, les États membres (et les institutions de l’Union européenne) devant veiller à ce qu’il ne soit pas entravé. Par conséquent, le CESE est favorable à la procédure de transfert du siège des sociétés (transformation transfrontalière), mais recommande que la procédure dans l’État membre de destination (article 86, septdecies) soit limitée à un contrôle ex ante de ses exigences liées à la correspondance d’une société transformée à son ordre juridique national (24). Il estime toutefois qu’une clause générale contre l’abus du droit d’établissement devrait être prévue. Si l’on procède de la sorte, la nouvelle procédure n’imposera pas de charges inutiles qui vont au-delà de ses objectifs déclarés et, dans le même temps, donnera à l’État membre de destination les prérogatives lui permettant de contrôler les abus même après la transformation.

3.6.6.

En outre, il convient de clarifier la notion de «montage artificiel» d’une société dans un État membre destiné à obtenir des avantages fiscaux indus. Ce concept, qui a été principalement élaboré par la Cour de justice de l’Union européenne, apparaît dans les considérants et à l’article 86 quater, paragraphe 3. Il s’agit d’un concept essentiel pour l’autorisation ou l’interdiction de la liberté d’établissement d’une société dans un autre État membre. Des critères ou des indicateurs précis doivent être établis de manière à ce qu’une véritable activité économique fondée sur des décisions économiques saines ne soit pas entravée conformément à l’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne dans l’affaire Polbud.

3.6.7.

Fusions transfrontalières (25): La proposition s’appuie sur l’expérience positive de la directive 2005/56/CE (26) sur les fusions transfrontalières (laquelle ne porte que sur les sociétés de capitaux) et s’emploie à remédier à ses carences. La proposition introduit donc des règles de fond harmonisées sur la protection des créanciers et des actionnaires, tandis que la directive 2005/56/CE ne prévoyait que des règles de procédure, concernant par exemple l’obligation d’informer les actionnaires, la protection de fond continuant de relever de la compétence des États membres. La nouvelle proposition impose que le projet de fusion prévoie les éléments suivants:

Protections pour les créanciers: la proposition introduit la présomption que les créanciers sont présumés non lésés s’il est prévu qu’ils soient payés par un tiers garant ou par la société résultant de la fusion, sur la base d’une évaluation indépendante de leur situation par un expert.

Le droit de quitter la société pour les actionnaires qui n’ont pas voté en faveur de la fusion ou n’avaient pas de droits de vote, le droit de recevoir une indemnisation adéquate, ainsi que le droit de contester le rapport d’échange des parts proposé devant les juridictions nationales.

3.6.8.

Le Comité approuve également les autres aspects suivants de la proposition de la Commission.

a)

Harmonisation des règles en matière d’information des travailleurs de façon spécifique et complète quant aux implications des fusions transfrontalières, tandis que la directive 2005/56/CE prévoyait uniquement qu’ils participeraient au conseil d’administration et qu’il serait question de leur situation dans le rapport de gestion.

b)

Harmonisation des règles pour une procédure accélérée dans les cas de fusions moins complexes ou possibilité de renoncer à un rapport d’expert indépendant moyennant l’accord de tous les actionnaires ou en cas de fusion entre une société mère et une filiale.

c)

Interconnexion des registres du commerce et des sociétés pour l’échange d’informations — utilisation d’outils numériques.

3.6.9.

Scissions transfrontalières (27): ces opérations ne sont réglementées que dans 13 États membres, où elles font l’objet de règles nationales diverses et parfois incompatibles, sans harmonisation au niveau de l’Union européenne malgré leur importance pour la croissance. Afin de prévenir les abus et de protéger les parties prenantes, un cadre juridique de l’Union européenne doit être introduit pour les sociétés de capitaux, à l’instar de ce qui se fait pour les transformations transfrontalières. Une procédure en deux étapes doit être établie. Lors de la première étape, les conditions du projet de scission sont établies en même temps que deux rapports ciblés sur les implications de la scission pour les créanciers et les travailleurs. En outre, un rapport d’expert indépendant est nécessaire pour les entreprises moyennes et grandes. Cela n’est qu’une première étape et le CESE est d’avis que la proposition devrait également couvrir les scissions transfrontalières par acquisition des actifs/passifs d’entreprises existantes, et pas seulement les cas de création de nouvelles sociétés.

3.6.10.

À l’heure actuelle, les règles nationales divergent fortement entre les États membres et imposent parfois des procédures administratives excessives, que la Commission devrait atténuer dans les différentes parties de la nouvelle proposition afin de ne pas dissuader les entreprises de se créer de nouvelles possibilités. Même si le CESE est en faveur de la nouvelle réglementation et des nouvelles procédures, celles-ci doivent toutefois être examinées avec soin de manière que ces mesures n’entraînent pas de charges administratives ni de coûts supplémentaires allant au-delà des objectifs qu’elles poursuivent en matière de protection des travailleurs, des créanciers et des actionnaires.

3.6.11.

Le CESE se félicite que l’article 86 octies de la proposition prévoie d’exempter les microentreprises et les petites entreprises de l’obligation de fournir un rapport d’expert indépendant, car le coût d’un tel rapport constituerait une charge excessive pour ces entreprises de petite taille.

3.6.12.

Le CESE tient à souligner le rôle des experts indépendants dans la révélation de la fraude uniquement dans les grandes entreprises au cours de l’examen et la collecte des documents de l’entreprise dans le cadre d’un rapport écrit, pour autant que certaines conditions soient remplies, par exemple en matière de structure de contrôle interne efficace et de procédures opérationnelles normalisées destinées à prévenir et à limiter les conflits d’intérêts éventuels et à garantir l’indépendance des rapports vis-à-vis des parties prenantes.

3.6.13.

Le CESE soutient fermement la proposition de la Commission européenne qui établit pour la première fois la procédure de transformation transfrontalière et complète les procédures déjà établies en matière de fusions et de scissions transfrontalières en renforçant la protection des parties prenantes. Toutefois, les différences qui en résulte entre les procédures liées la fusion transfrontalière, d’une part, et à la transformation et la scission transfrontalières, de l’autre, peuvent avoir une incidence sur l’attractivité de ces dernières. Le Comité suggère que la Commission analyse ces effets.

3.6.14.

Le CESE se félicite de l’intention de la Commission de protéger les droits de participation des travailleurs actuellement en vigueur. Le CESE considère que, dans une société issue d’une transformation transfrontalière, tous les éléments constitutifs de la participation des travailleurs, tels qu’ils sont prévus par la législation de l’État membre de départ, doivent au minimum continuer à s’appliquer au même niveau, conformément à la procédure et aux règles types prévues par la directive 2001/86/CE (28).

3.6.15.

Le CESE souligne le rôle important joué par les comités d’entreprise européens dans les grandes sociétés appelées à être transformées et demande que leur participation soit renforcée, conformément à la directive 2009/38/CE (29).

3.7.

D’une manière générale, le CESE insiste sur la nécessité que tous les outils et processus numériques utilisés pour les besoins de la réglementation proposée soient pleinement accessibles, en particulier aux personnes atteintes de déficiences visuelles.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  COM(2018) 239 final.

(2)  COM(2018) 241 final.

(3)  Directive (UE) 2017/1132 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 relative à certains aspects du droit des sociétés (JO L 169 du 30.6.2017, p. 46).

(4)  COM(2018) 239 final.

(5)  COM(2015) 550 final.

(6)  Arrêt Cartesio, affaire C-210/06, EU:C:2008:723, points 109 à 112; arrêt VALE, affaire C-378/10, EU:C:2012:440, point 32.

(7)  Arrêt Polbud — Wykonawstwo, affaire C-106/16, ECLI:EU:C:2017:804.

(8)  Voir notes de bas de page 6 et 7.

(9)  COM(2018) 241 final.

(10)  JO L 169 du 30.6.2017, p. 46.

(11)  COM(2015) 192 final.

(12)  COM(2016) 179 final.

(13)  Directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799/CEE (JO L 64 du 11.3.2011, p. 1).

(14)  COM(2018) 239 final.

(15)  COM(2018) 241, p. 3.

(16)  COM(2018) 241, p. 5.

(17)  JO L 156 du 16.6.2012, p. 1.

(18)  JO L 144 du 10.6.2015, p. 1.

(19)  COM(2017) 256 final.

(20)  Article 10 de la directive (UE) 2017/1132 relative à certains aspects du droit des sociétés (texte codifié).

(21)  Directive 2011/16/UE du Conseil, du 15 février 2011, relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799/CEE (JO L 64, 11.3.2011, p. 1).

(22)  Une opération dans le cadre de laquelle une société constituée et enregistrée conformément au droit d’un État membre se transforme en une autre société constituée et enregistrée conformément à la législation d’un autre État membre, en conservant sa personnalité juridique et sans être dissoute ni mise en liquidation.

(23)  Affaire C-106/16. ECLI:EU:C:2017:804. Polbud était une société établie en Pologne, qui a décidé de transférer son siège statutaire à Luxembourg sans modification de la localisation du siège réel de la société. L’ouverture d’une procédure de liquidation a été enregistrée dans le registre du commerce polonais et un liquidateur a été nommé. En 2013, le siège statutaire de Polbud a été transféré au Luxembourg. Polbud est ainsi devenue «Consoil Geotechnik Sàrl», une société de droit luxembourgeois. Par la suite, Polbud a déposé au tribunal d’enregistrement polonais une demande de radiation du registre du commerce polonais. Le tribunal d’enregistrement a refusé la demande de radiation. Polbud a formé un recours contre cette décision. La Cour suprême de Pologne, devant laquelle a été formé le recours, a tout d’abord demandé à la Cour de justice de dire si la liberté d’établissement est applicable au transfert du seul siège statutaire d’une société constituée selon le droit d’un État membre vers le territoire d’un autre État membre, dans lequel cette entreprise est transformée en société conformément au droit de cet autre État membre, alors qu’il n’y a pas de changement de localisation du siège réel de cette société. Voir également https://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2017-10/cp170112fr.pdf.

(24)  Arrêts de la Cour dans l’affaire C-378/10, VALE Építési kft., 12.7.2012, ECLI:EU:C:2012:440, point 31, et dans l’affaire C-106/16, Polbud, ECLI:EU:C:2017:804, points 33, 35, 44.

(25)  Une opération dans laquelle deux sociétés ou plus établies sur le territoire de deux États membres ou plus transfèrent l’ensemble de leur patrimoine, actif et passif, à une société existante (acquéreuse) ou à une nouvelle société.

(26)  Directive 2005/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 sur les fusions transfrontalières des sociétés de capitaux. Elle relève désormais de la directive de codification 2017.

(27)  Une opération par laquelle une société se scinde et transfère tout ou partie de ses actifs et passifs à une ou plusieurs sociétés existantes ou nouvellement créées dans un autre État membre.

(28)  Directive 2001/86/CE du Conseil du 8 octobre 2001 complétant le statut de la Société européenne pour ce qui concerne l’implication des travailleurs (JO L 294 du 10.11.2001, p. 22).

(29)  Directive 2009/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 concernant l’institution d’un comité d’entreprise européen ou d’une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d’entreprises de dimension communautaire en vue d’informer et de consulter les travailleurs (refonte) (JO L 122 du 16.5.2009, p. 28).


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/33


Avis du Comité économique et social européen sur la a) «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant établissement du programme-cadre pour la recherche et l’innovation “Horizon Europe” et définissant ses règles de participation et de diffusion»

[COM(2018) 435 final — 2018/0224 (COD)]

et la b) «Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant le programme spécifique d’exécution du programme-cadre pour la recherche et l’innovation “Horizon Europe”»

[COM(2018) 436 final — 2018/0225 (COD)]

(2019/C 62/05)

Rapporteur:

Gonçalo LOBO XAVIER

Consultation

a)

Parlement européen, 14.6.2018

Conseil, 25.6.2018

b)

Parlement européen, 14.6.2018

Conseil, 27.6.2018

Base juridique

a)

Article 173, paragraphe 3, article 182, paragraphes 1, 4 et 5 et article 188 du TFUE; article 7, paragraphe 5 du traité Euratom

b)

Article 173, paragraphe 3, et article 182, paragraphe 4 du TFUE

 

 

Compétence

section spécialisée «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section spécialisée

2.10.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

187/1/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE se félicite du fait que la Commission européenne a clairement fait savoir que la recherche et l’innovation (R&I) doivent également rester une priorité essentielle de l’Union européenne dans le contexte du prochain cadre financier pluriannuel 2021-2027. Le CESE est particulièrement satisfait de constater que bon nombre de ses recommandations formulées dans le cadre de l’évaluation à mi-parcours d’Horizon 2020 ont été reprises, dans des domaines tels que la recherche collaborative et la mobilité, ainsi que les mesures visant à renforcer l’innovation, supprimer les disparités entre les régions, promouvoir les activités scientifiques et d’innovation parmi les citoyens, pallier le faible taux de réussite et réduire la charge administrative (1).

1.2.

Le CESE souligne que la science, la recherche et l’innovation doivent se trouver au cœur du processus de développement de la communauté et, par conséquent, soutient l’approche adoptée dans le cadre du programme «Horizon Europe», qui consiste à familiariser les citoyens avec ces activités et les résultats obtenus. À cette fin, il convient de communiquer efficacement, non seulement sur les possibilités offertes par ce programme, mais aussi sur les retombées de l’innovation et de la recherche pour les citoyens dans leur quotidien. Cette communication doit s’inscrire dans le cadre de la stratégie visant à encourager une participation accrue des États membres à cet effort.

1.3.

Le CESE souscrit à la conception des missions de R&I menées dans le cadre de la stratégie du programme «Horizon Europe», définie dans le but d’obtenir des résultats plus probants en matière de R&I et d’amener un réel changement de perception, par les citoyens, de la science et de ses retombées au quotidien. Le CESE estime qu’il est urgent de mener des missions stratégiques destinées à stimuler les écosystèmes de recherche et d’innovation dans toute l’Europe et à favoriser la recherche collaborative, qui constitue le principal outil permettant de produire des connaissances et des effets. Les missions devraient se concentrer sur un objectif précis, quantifiable et réalisable, et devraient être ouvertes à tous, avec pour finalité de rassembler les plus éminents spécialistes des quatre coins de l’Europe.

1.4.

Le CESE approuve le fait que les missions seront ouvertes à diverses solutions ascendantes et couvriront l’ensemble du cycle de R&I. Étant donné que les missions devraient être associées à des objectifs à moyen et à long terme, il importe de tenir également compte de l’importance cruciale de la recherche à faible niveau de maturité technologique (TRL) lorsqu’il est question de définir leur approche. Elles ne devraient pas cibler exclusivement les modèles d’innovation linéaires, qui se limitent souvent à l’innovation progressive, mais devraient explicitement promouvoir les modèles d’innovation de rupture.

1.5.

Le CESE, en tant que représentant de la société civile organisée, est disposé à contribuer activement au processus de conception conjointe et est favorable au concept des missions, mais il ne faut pas oublier que si la prise de décisions se situe à un niveau trop proche de l’utilisateur final, cela risque de limiter la portée et le caractère disruptif des missions. Les conseils de mission devraient disposer d’une masse critique suffisante représentant l’ensemble des parties prenantes, de manière à éviter des travaux de recherche marginale ou, à l’extrême inverse, des missions qui dépassent largement les capacités technologiques/techniques.

1.6.

Le CESE souligne que le Conseil européen de l’innovation (CEI) constitue un instrument important pour soutenir l’innovation radicale et stimuler l’esprit d’entreprise et la compétitivité au niveau de l’Union européenne. Par conséquent, et compte tenu du contexte européen, le CESE estime que le CEI devrait s’intéresser en particulier aux PME et start-up très innovantes et de pointe.

1.7.

Le CESE convient que le programme «Horizon Europe» devrait faire intervenir systématiquement les sciences sociales et humaines (SSH). Les SSH doivent être adjointes à l’approche technologique. L’innovation dépasse nettement le simple aspect technologique, et la combinaison des différentes visions, des compromis et des défis permettra de mieux façonner la paysage de la recherche et de l’innovation en Europe. Le CESE estime qu’aller «au-delà de la technologie» renforcerait le rôle des SSH au sein du programme «Horizon Europe».

1.8.

Le CESE soutient l’approche stratégique dite de la «science ouverte», qui permet de de se concentrer sur l’excellence scientifique et les connaissances de qualité. La science ouverte est au cœur du développement scientifique général des institutions européennes, mais il convient d’envisager l’imposition d’un certain délai pour la publication de l’ensemble des résultats scientifiques afin de garantir que tous les résultats obtenus dans le cadre des projets seront mis à disposition dans des référentiels adéquats et dans des délais bien définis. Le CESE se félicite d’apprendre que les publications et données issues de la recherche seront désormais en libre accès, mais il recommande vivement d’organiser à intervalles régulier une consultation des acteurs de la recherche afin de discuter des futurs besoins en matière de science ouverte. Les possibilités de dérogation établies devraient être maintenues dans le cadre du programme «Horizon Europe».

1.9.

Le CESE convient que la structure révisée des piliers permettra d’améliorer la cohérence interne, notamment à travers l’intégration des technologies industrielles dans le pilier 2, en développant la contribution de l’industrie à l’action visant à relever les défis mondiaux, et en mettant en adéquation l’offre et la demande de nouvelles solutions. Cette approche est très séduisante, et l’on pourrait favoriser les consortiums qui clôturent le cycle d’innovation, c’est-à-dire inclure les partenaires du monde universitaire qui créent, les fournisseurs de solutions qui développent des solutions innovantes et les utilisateurs finaux qui expriment leurs besoins, de sorte qu’ils puissent fonctionner de manière durable.

1.10.

Le CESE approuve également l’objectif consistant à simplifier davantage les règles sur les aides d’État afin de faciliter l’association de différentes ressources financières qui peut contribuer à éliminer les grandes disparités entre les États membres et les régions en termes de nombre de projets de R&I réussis. Les synergies entre les différents programmes de financement de l’Union et les politiques de l’Union, notamment avec les Fonds structurels, par le biais de réglementations compatibles, sont essentielles pour garantir un impact optimal des projets de R&I.

1.11.

Le CESE souligne que le soutien à la mobilité des chercheurs par l’intermédiaire des Actions Marie Skłodowska-Curie (MSCA) est également fondamental afin de renforcer encore l’espace européen de la recherche; dans le même temps, les politiques nationales et européennes doivent viser à mettre en place des conditions de travail appropriées et attrayantes pour les professionnels, afin d’éviter le phénomène de la fuite des cerveaux, qui nuit à l’objectif de cohésion au sein de l’Union. En outre, il est essentiel d’accroître le soutien aux jeunes chercheurs dans le cadre du programme ERC.

1.12.

Le CESE estime que l’accent devrait être mis sur l’enseignement et la communication scientifiques dans le pilier visant à «renforcer l’espace européen de la recherche». Cela renforcerait la science avec et pour la société dans le cadre de ce pilier et par conséquent dans le cadre du programme «Horizon Europe».

2.   Observations générales

2.1.

Le CESE se félicite des efforts consentis récemment par la Commission pour stimuler la croissance européenne, qui se traduisent par l’adoption de nouvelles politiques européennes mesurées, étayées par une promotion accrue des activités de R&D+I pouvant contribuer au leadership européen dans de nombreux domaines (2). La communauté européenne des chercheurs et innovateurs a réalisé de nombreux objectifs au cours des dernières années, mais il n’en demeure pas moins que cette situation n’est pas appréciée à sa juste valeur par les citoyens européens, et ce pour plusieurs raisons, telles que le manque de communication, le faible engagement de la collectivité, voire l’indifférence par rapport aux résultats scientifiques. Par conséquent, il est essentiel d’amener un changement d’attitude au sein de la société européenne, non seulement à court terme, mais également afin de contribuer à long terme à l’intégration d’un écosystème scientifique et de l’innovation au sein de la société.

2.2.

Le CESE souscrit à la position selon laquelle c’est en définissant des défis clés à l’échelle mondiale que l’on pourra influencer l’opinion des citoyens, et ce, en consentant des efforts soutenus visant à mobiliser et à associer la société au projet européen. Il est essentiel de stimuler la compétitivité de l’Europe par le biais de l’innovation. Les dirigeants ne doivent pas l’oublier lorsqu’ils établissent les priorités politiques. Il ne faut pas se limiter à déclarer que les activités de R&D+I contribuent fortement à la création d’emplois et à la croissance. Il ne suffit pas de souligner qu’aujourd’hui, la croissance économique européenne résulte pour deux tiers des activités de RDI. Les États membres doivent participer à cet effort collectif.

2.3.

Le CESE se félicite de la proposition de nouveau programme européen de R&I destiné à soutenir et stimuler la R&I à l’échelle européenne au cours de la période 2021-2027, ainsi que de ses principales caractéristiques, à savoir la priorité accordée à la science ouverte, aux défis mondiaux et à la compétitivité industrielle, ainsi qu’à l’innovation ouverte. Le CESE est fermement convaincu que l’approche de création conjointe, associant toutes les parties prenantes de la communauté de la connaissance et de l’innovation, constitue la condition sine qua non pour stimuler la compétitivité, la création d’emplois, la cohésion sociale, en particulier la lutte contre le chômage des jeunes, et la protection de l’environnement, conformément aux termes du programme de développement durable des Nations unies à l’horizon 2030 et de ses objectifs de développement durable (ODD).

2.4.

Le programme «Horizon Europe» semble refléter la priorité accordée par la Commission à la mise en place d’un écosystème scientifique et de l’innovation qui pourrait permettre à l’Union européenne de développer sa compétitivité par le biais d’activités structurelles qui auront un impact économique et social. C’est ce que confirment non seulement la proposition d’augmentation du volet financier mais également les projets d’activité au titre des trois piliers du programme.

2.5.

Le CESE soutient les principaux nouveaux éléments mis en évidence par la proposition «Horizon Europe», à savoir (i) le soutien de l’innovation radicale par le biais du Conseil européen de l’innovation; (ii) la démultiplication de l’impact par une approche axée sur les missions et par la participation des citoyens (missions de R&I); (iii) l’intensification de la coopération internationale; (iv) l’accentuation de l’ouverture par le renforcement de la politique de science ouverte; et (v) la rationalisation du cadre de financement par une nouvelle approche des partenariats européens.

2.6.

La mise en place de missions européennes ascendantes de recherche et d’innovation axées sur les défis mondiaux et la compétitivité industrielle pourrait représenter un bon moyen d’amener la société à s’engager davantage dans les domaines de la science et de l’innovation. Cette approche pourrait constituer un moyen efficace d’associer la société et les citoyens aux missions à définir, et fera naître un sentiment d’appartenance à une communauté qui pourrait s’avérer crucial pour la production d’un impact et de résultats significatifs. La société civile pourrait une fois de plus jouer un rôle crucial dans ce processus.

2.7.

Le CESE se félicite également que le programme «Horizon Europe» favorisera les «partenariats public-privé (PPP)» en tant qu’instrument efficace pour stimuler la recherche collaborative axée sur la R&I menée par l’industrie, et ce, en mettant l’accent sur un nombre restreint de partenariats dont les effets sont les plus importants. L’Europe doit accepter le fait qu’il reste encore un long chemin à parcourir avant de parvenir à faciliter et à renforcer l’efficacité du processus de collaboration entre le monde universitaire et l’industrie. Il y a bien évidemment de nombreux exemples concluants et bonnes pratiques, mais il existe également une marge d’amélioration. Les PPP constituent l’un des outils permettant de réduire l’écart entre ces deux univers complémentaires que sont l’université et l’industrie/le marché.

2.8.

Le CESE exhorte à nouveau (3) la Commission à poursuivre ses efforts de rationalisation des démarches bureaucratiques dans le programme «Horizon Europe». Par conséquent, le CESE se félicite de la proposition de la Commission visant à réduire la paperasserie et à améliorer le «délai de commercialisation»/le taux de réponse aux propositions, à l’instar du programme «Horizon 2020», en ce qui concerne plus précisément l’«instrument pour les PME». La simplification doit constituer l’un des principaux objectifs du programme «Horizon Europe», notamment en matière de délai d’octroi des subventions puis d’entrée sur le marché, de taux de financement constants, de réduction du nombre d’instruments, d’utilisation limitée de relevés des heures de travail, d’utilisation à grande échelle des montants forfaitaires, etc.

2.9.

Le CESE estime qu’en plus de la réduction des démarches administratives, du processus de simplification accrue, et de la mise en œuvre d’une campagne plus visible visant à inciter les PME à participer à des activités d’innovation et de R&I, le concept sur lequel se fonde le Conseil européen de l’innovation (EIC) est plus que bienvenu, en particulier en ce qui concerne la promotion de la commercialisation, l’expansion des innovations, et les entrepreneurs. En réalité, le CESE estime que, dans le cadre de cette stratégie, nous pourrions améliorer le degré de réussite. Pour y parvenir, nous devons garder à l’esprit que certaines des start-up et des idées n’ont pas été couronnées de succès dans le passé, et ce pour diverses raisons que le Conseil européen de l’innovation souhaite traiter. Nous ne devons pas oublier qu’il convient d’amener les citoyens européens à oser prendre des risques et, à cet égard, le CEI contribuera à l’effort consenti et devrait envisager des actions de R&I à haut risque dans ses objectifs généraux et critères d’évaluation.

2.10.

Le CESE est favorable à l’idée d’associer un plus grand nombre de PME et de start-up au programme, mais a quelque doute concernant la proposition d’expansion. Malgré les efforts précédemment consentis dans l’ensemble des programmes-cadres, les PME devraient participer davantage aux activités fondées sur la R&I et le programme «Horizon Europe» constituerait la meilleure occasion d’y parvenir. L’idée d’une plus grande implication par l’apport de capitaux peut être bonne, mais le message doit être clairement compris pour toutes les entreprises. Le fait que les PME aient encore un point de vue différent concernant la «propriété du capital» nécessite que l’on explique en détail la teneur du programme afin d’inciter la communauté à participer et d’éviter les interprétations erronées. Traditionnellement, les fonds propres des PME sont des capitaux investis par les entrepreneurs au sein de la famille, et les propositions consistant à ouvrir leurs capitaux au marché, grâce au soutien financier offert par ce programme, pourraient susciter des questionnements spécifiques Par conséquent, le CESE invite instamment la Commission à détailler explicitement la teneur de cette proposition intéressante.

2.11.

Le CESE est également d’accord avec le fait qu’en l’absence de dialogue avec l’Union européenne, celle-ci suspendrait ses investissements financiers. Ce principe, annoncé récemment par le commissaire Moedas lors d’une séance publique, révèle l’ambition d’une interaction plus directe avec les entrepreneurs et les candidats, mais c’est aussi un pari risqué: on ne sait encore rien du type de ressources qui seront consacrées aux entretiens avec les candidats, et le processus doit être efficace dans son ensemble. Le CESE est toutefois pleinement disposé à soutenir cette nouvelle approche et se propose même de collaborer au processus en mettant à profit l’expertise de ses membres et l’appui des organisations de la société civile qui soutiennent leurs membres.

2.12.

Enfin, le CESE se félicite également des efforts que semblent être faits pour accroître la synergie entre les fonds des programmes. Les synergies entre les fonds peuvent avoir un rôle important à jouer dans la mobilisation et la promotion des capacités de la R&I dans différentes régions d’Europe. Le renforcement des synergies avec d’autres programmes de financement de l’Union et les politiques de l’Union, notamment avec les Fonds structurels par le biais de réglementations compatibles, devrait constituer un point clé. En effet, selon la réglementation du CFP relative aux Fonds de cohésion, les États membres ont la possibilité de transférer jusqu’à 5 % de leurs dotations financières d’un Fonds vers un autre, ce qui leur permet d’allouer des capitaux d’investissement à d’autres secteurs clés mis en évidence. Cela pourrait constituer une autre étape majeure vers une participation accrue des États membres à la réalisation de l’objectif du programme d’innovation et vers une plus grande priorité accordée au programme scientifique. Le CESE estime que ce ne sera qu’en impliquant les secteurs public et privé que le programme pourra être considéré comme un succès, avec un impact sur la vie quotidienne des citoyens. Un autre aspect important est l’harmonisation des réglementations des différents Fonds, du moins pour les mêmes types d’activités, et notamment pour la recherche et l’innovation.

3.   La proposition «Horizon Europe» (2021-2027)

3.1.

La proposition «Horizon Europe» de la Commission est basée sur la communication d’un réussite majeure: un programme de R&I doté d’un budget de 100 milliards d’EUR qui constitue déjà un pas en avant dans l’optique d’une société européenne de la connaissance fondée sur la science et l’innovation. À cet égard, le fait que les États membres ont approuvé cette hausse budgétaire non seulement prouve un engagement des dirigeants, mais constitue également un message clair lancé au monde: l’Europe veut se positionner en tête en matière d’innovation, et les conditions de financement requises à cet effet sont maintenant rassemblées.

3.2.

Outre l’augmentation des fonds, le CESE souhaite mettre en lumière quelques idées nouvelles et innovantes contenues dans la proposition qui revêtent de l’importance dans le cadre du présent avis. En résumé, nous mentionnerons dès lors les éléments suivants:

a)

La structuration du programme «Horizon Europe» en trois piliers: comme le déclare la CE, ce programme n’est pas une révolution mais une évolution. Il repose donc sur trois principaux piliers: la science ouverte, qui inclut le CER, les AMSC et les infrastructures de recherche; les problématiques mondiales et la compétitivité industrielle, qui se composent de cinq pôles, à savoir la santé, la société inclusive et sûre, le numérique et l’industrie, le climat, l’énergie et la mobilité, ainsi que l’alimentation et les ressources naturelles; et enfin l’innovation ouverte, qui intègre le CEI, les écosystèmes d’innovation européens et l’EIT. Les trois piliers seront étayés par des activités visant à renforcer l’espace européen de la recherche:

b)

La création du Conseil européen de l’innovation (CEI) destiné à aider l’Union européenne à devenir leader en matière d’innovation créatrice de marchés; l’Europe poursuit cet objectif depuis de nombreuses années, mais en dépit de ces efforts, d’idées excellentes et d’une communauté scientifique et d’innovation très solide, le taux de croissance et de création d’emplois ne reflète pas le niveau d’engagement. Ainsi, la proposition de la Commission permettra la mise en place d’un guichet unique afin de commercialiser les technologies innovantes à haut potentiel les plus prometteuses et aidera les start-up et les entreprises les plus innovantes à développer leurs idées. Le nouveau CIE permettra d’identifier et de financer les innovations à haut risque qui évoluent rapidement présentant un potentiel élevé de création de marchés entièrement nouveaux. Il offrira une aide directe aux innovateurs par le biais de deux principaux instruments de financement, l’un pour les premières phases et l’autre pour le développement et le déploiement sur le marché. Cela viendra compléter les activités de l’Institut européen d’innovation et de technologie (EIT). Le CESE estime que le CIE devrait se concentrer sur les PME et start-up très innovantes et créatrices de technologies avant-gardistes.

c)

Dans le cadre de l’EIT, des propositions portant création de communautés de la connaissance et de l’innovation (CCI) seront citées dans le programme stratégique d’innovation (PSI). Le CESE est d’avis qu’elles ne devraient pas être développées de manière significative et que leur nombre doit rester limité, conformément au principe de simplification du paysage de la R&I. En outre, le futur CCI devrait garantir la représentation de différents pays européens, notamment en ce qui concerne la localisation des pôles d’innovation. La promotion de l’esprit d’entreprise par le pilier universitaire (par exemple, éducation à l’esprit d’entreprise, institutionnalisation de solides collaborations entre l’université et le monde professionnel sans tenir compte des disciplines, et identification des compétences de prospective des futurs innovateurs) devrait être développée.

d)

La création de missions européennes de R&I s’est axée sur les défis mondiaux et la compétitivité industrielle. Cette approche pourrait constituer un moyen efficace d’associer la société et les citoyens aux missions à déterminer, et fera naître un sentiment d’appartenance à une communauté qui pourrait s’avérer crucial pour la production d’un impact et de résultats significatifs. Les exemples pourraient aller de la lutte contre le cancer aux transports propres, en passant par des océans sans plastique, ou une eau saine et propre pour tous. Ces missions seront conçues en coopération avec les citoyens, les parties prenantes, le Parlement européen et les États membres. Le CESE, en tant que représentant de la société civile organisée, est prêt à contribuer activement à ce processus de conception conjointe.

e)

Exploiter le plein potentiel d’innovation au sein de l’Union européenne et renforcer l’espace européen de la recherche: le soutien aux États membres dont le potentiel de performance en matière de R&I est faible sera doublé. De plus, les synergies avec les Fonds structurels et d’investissement européens (tels que les Fonds structurels et de cohésion) faciliteront la coordination et la combinaison de financements et aideront les régions à accueillir l’innovation et à avoir plus d’influence à l’échelle européenne.

f)

Une plus grande ouverture: le principe de «la science/l’innovation ouverte» sera le modus operandi du programme «Horizon Europe», ce qui nécessitera l’accès libre aux publications et aux données. Cela permettra de promouvoir la diffusion et l’exploitation, contribuera à la commercialisation, et accroîtra le potentiel d’innovation des résultats obtenus grâce aux fonds de l’Union européenne.

g)

Une nouvelle génération de partenariats européens et une collaboration accrue avec d’autres programmes européens: le programme «Horizon Europe» devrait rationaliser le nombre de partenariats coorganisés ou cofinancés par l’Union européenne avec l’industrie, la société civile et les agences de financement notamment, afin d’accroître leur efficacité et leur impact dans la perspective de la réalisation des priorités stratégiques de l’Union européenne. Le programme «Horizon Europe» favorisera les liens effectifs et opérationnels avec d’autres futurs programmes européens, tels que la politique de cohésion, le Fonds européen de la défense, le programme pour une Europe numérique et le mécanisme pour l’interconnexion en Europe, ainsi qu’avec le projet international ITER pour l’énergie de fusion.

h)

Le Centre commun de recherche (JRC), le service scientifique et technique de la Commission, continuera de contribuer en rendant des avis scientifiques, en offrant un support technique et en prévoyant des activités de recherche spécifiques.

4.   La science et l’innovation pour tous les européens

4.1.

Les citoyens doivent être conscients du potentiel et des réalisations de l’Union européenne dans le domaine de la science et de l’innovation. Ces dernières font véritablement partie du quotidien de tout un chacun et constituent une réelle occasion d’associer la société civile au projet européen. Le concept et les mesures proposés par la Commission sont ambitieux, et constituent un processus sans fin, mais il s’agit également de la meilleure occasion pour l’Union européenne d’amener les citoyens à adhérer aux valeurs européennes liées à l’innovation et à la science pour tous.

4.2.

L’enseignement et la communication scientifiques doivent être considérés comme une approche fondamentale dans le cadre de la participation de tous les acteurs concernés au projet européen. Faire de la participation des citoyens une priorité du programme «Horizon Europe» représentera une nette avancée en matière de commercialisation et d’intégration dans notre vie quotidienne des réalisations de la R&I. Le processus de cocréation fondé sur une approche multipartite constituerait un message clair adressé aux citoyens pour les inciter à devenir acteur du paysage de la R&I. De nouveaux modes de gouvernance, de production et de consommation ne pourront émerger que si l’innovation sociale bénéficie de l’engagement et de la confiance des citoyens.

4.3.

La diffusion, la communication et l’exploitation des réussites en matière de science et d’innovation en Europe semblent plutôt inefficaces. Les citoyens apprécient les innovations d’autres régions et ne reconnaissent pas les réalisations européennes, même lorsqu’ils en ont connaissance. Cette situation doit changer, pour plusieurs raisons: outre l’idée de la valeur européenne que représentent les investissements réalisés par l’Europe, il est également important d’être fier des réalisations et des objectifs de l’Union européenne en rapport avec le projet européen relatif à la science et à l’innovation pour tous.

4.4.

L’Europe est souvent critiquée pour son manque d’investissement et l’absence d’une culture du risque et de l’esprit d’entreprise. L’idée générale de la proposition de la Commission est de relever ces défis ces défis et d’entamer une nouvelle ère à cet égard. La contribution des activités scientifiques et d’innovation à la construction d’une Europe meilleure et plus solidaire fait partie du changement qui est nécessaire pour éviter les malentendus sur le projet européen, et elle joue certainement un rôle favorable pour amener les citoyens à participer davantage et les rendre fiers de faire partie de la solution. Il est également important de lutter contre les idées fausses concernant l’utilisation des fonds européens au sein des communautés locales: si les citoyens reconnaissent que l’argent du contribuable est utilisé à bon escient, nous aurons fait un bon pas en avant dans la lutte contre les récits populistes extrémistes qu’il convient de contester.

4.5.

Le programme devrait contribuer, en particulier, au renforcement de l’espace européen de la recherche en garantissant que la majeure partie de son financement sera utilisé pour la recherche collaborative associant des participants issus d’États membres et/ou de pays associés, afin d’offrir une valeur ajoutée considérable pour l’Union européenne. La collaboration entre les chercheurs, les entreprises (y compris les PME) et d’autres institutions publiques et privées, au sein de l’Union européenne, a joué un rôle déterminant dans la création de l’EER et constitue une marque de fabrique des programmes-cadres européens de R&I, qui sont très appréciés par les parties prenantes et qu’il convient de maintenir dans le programme «Horizon Europe».

4.6.

Les activités «Horizon Europe» seront essentiellement organisées dans le cadre d’appels à propositions. Il convient de veiller à ce que la majeure partie du budget du programme «Horizon Europe» soit dépensée dans le cadre des appels concurrentiels gérés directement par la Commission européenne ou ses agences exécutives, de manière transparente et efficace, et à ce que des plafonds raisonnables soient fixés pour le nombre et le budget des missions et des partenariats, de manière à rationaliser le paysage de la R&I, conformément à l’objectif principal de simplification.

4.7.

Le programme «Horizon Europe» doit harmoniser les besoins et les priorités absolues mis en évidence lors de la consultation des parties prenantes qui a été lancée début 2018 dans le cadre de l’exercice d’analyse d’impact (4). La consultation des parties prenantes avait pour objectif de rassembler les points de vue de citoyens et acteurs intéressés sur la conception du programme «Horizon Europe», notamment à propos de la promotion de la R&I au sein de l’Union européenne, du soutien accordé à l’éducation, aux compétences et à la formation, ainsi que des mesures visant à garantir un environnement sain et la protection des ressources naturelles.

4.8.

Afin de contribuer activement à la cohésion des différentes régions d’Europe, l’augmentation des fonds alloués au Conseil européen de la recherche est appréciable, en particulier si cette mesure bénéficie en premier lieu aux jeunes chercheurs, car ils forment le groupe qui recèle le plus grand potentiel pour l’avenir de l’Europe. L’exode des cerveaux des régions périphériques vers d’autres régions doit être endigué et l’émancipation des jeunes chercheurs doit devenir réalité.

4.9.

Afin d’améliorer l’appropriation des résultats de la recherche par la société civile, il est important de souligner le rôle fondamental de l’innovation sociale. Il est également crucial d’insister sur l’importance des entreprises d’économie sociale et de manière générale des parties prenantes, qui, avec l’industrie et les PME, représentent aujourd’hui une part majeure de l’économie européenne.

5.   Le rôle des entreprises

5.1.

Une fois de plus, le CESE se doit de rappeler que les PME sont majoritaires au sein de la communauté des entreprises en Europe. Les PME sont les moteurs de la création d’emplois et de la croissance du marché de l’emploi et il convient dès lors de les placer au cœur du processus d’élaboration des politiques. Cette proposition semble défendre cette idée, mais dans un même temps, le CESE attire l’attention de la Commission sur le fait qu’il n’existe pas de solution universelle pour l’ensemble des États membres en ce qui concerne les mesures incitant les PME à prendre part au programme «Horizon Europe». Les États membres ont des niveaux de croissance et des écosystèmes d’innovation structurels différents, et ce fait doit se refléter d’une manière ou d’une autre dans les mesures spécifiques proposées.

5.2.

Le CESE reconnaît le rôle des start-up dans les écosystèmes scientifiques et d’innovation, mais attire l’attention de la Commission sur le fait que les entrepreneurs ont besoin d’une approche axée sur l’entreprise pour réussir. Il est donc souhaitable de donner aux entrepreneurs quelques conseils sur le potentiel et les besoins du marché. Les grandes entreprises doivent également être associées au processus. Les grandes entreprises offrent plus de possibilités aux start-up et aux PME, en raison non seulement des défis qu’elles génèrent, mais également des débouchés commerciaux qui accompagnent normalement leurs activités. Il est donc très judicieux de mettre en place un écosystème d’innovation plus efficace qui corresponde à toutes leurs réalités.

5.3.

Le CESE attire l’attention de la communauté des entrepreneurs et de la Commission sur la nécessité d’élaborer un nouveau discours sur les activités industrielles. Les secteurs industriels traditionnels pourraient tirer un réel bénéfice des activités des start-up, lorsque celles-ci concernent les défis posés par la numérisation et la robotisation des activités industrielles — par exemple, dans le cadre de l’économie circulaire, ou l’introduction décuplée de nouvelles technologies de fabrication avancées grâce à la participation des PME et des start-up et la promotion de leur coopération avec de grands groupes industriels. Le taux de réussite pourrait être accru si les start-up étaient d’une façon ou d’une autre sensibilisés aux défis industriels à venir.

6.   Questions financières

6.1.

La dotation budgétaire proposée de 100 milliards d’EUR pour la période 2021-2027 octroie une enveloppe de 94,1 milliards d’EUR au programme «Horizon Europe», 3,5 milliards d’EUR au titre du Fonds InvestEU et une autre de 2,4 milliards d’EUR au programme Euratom de recherche et de formation. Le programme Euratom, qui finance la recherche et la formation sur la sûreté et la sécurité nucléaires et la protection radiologique, sera davantage axé sur les applications autres que la production d’électricité, telles que les soins de santé et les équipements médicaux, et encouragera également la mobilité des chercheurs dans le domaine du nucléaire dans le cadre des actions Marie Skłodowska-Curie.

6.2.

La ventilation indicative du budget du programme «Horizon Europe» fait apparaître une augmentation significative (environ 20 %) du budget du CER et des actions Marie Skłodowska-Curie (environ 10 %) par rapport au programme-cadre «Horizon 2020» pour la période 2014-2020. Le CESE soutient pleinement cette augmentation et est convaincu que le CER devrait consacrer l’essentiel de son budget aux jeunes chercheurs au cours des phases les plus productives et créatives (subventions de démarrage (5) et de consolidation (6)).

6.3.

Au sein du programme «Horizon Europe», le budget qui enregistre la plus forte hausse est celui du CEI, avec un montant total de 13,5 milliards d’EUR. Pour ce qui est du pilier «Problématiques mondiales et compétitivité industrielle», le pôle thématique «Alimentation et ressources naturelles» bénéficie de la plus forte augmentation, son budget total étant de 10 milliards d’EUR. Le pilier transversal «Renforcer l’espace européen de la recherche» lui aussi est doté d’un budget supérieur, porté à 2,1 milliards d’EUR. Le CESE se félicite de ces tendances budgétaires et estime qu’elles permettront de renforcer l’espace européen de la recherche et un écosystème de la R&I aux acteurs multiples au sein de l’ensemble des régions d’Europe.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Voir JO C 34 du 2.2.2017, p. 66 et le rapport d’information «Horizon 2020 (évaluation)».

(2)  JO C 197 du 8.6.2018, p. 10.

(3)  JO C 34 du 2.2.2017, p. 66.

(4)  https://ec.europa.eu/info/publications/horizon-europe-impact-assessment-swd-2018-307_en

(5)  Pour des chercheurs de toute nationalité ayant cumulé deux à sept ans d’expérience depuis l’obtention de leur doctorat, ayant un parcours scientifique particulièrement prometteur et une excellente proposition de recherche (https://erc.europa.eu/funding/starting-grants).

(6)  Pour des chercheurs de toute nationalité ayant cumulé deux à sept ans d’expérience depuis l’obtention de leur doctorat, ayant un parcours scientifique particulièrement prometteur et une excellente proposition de recherche. (https://erc.europa.eu/funding/consolidator-grants).


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/40


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le programme en faveur du marché unique, de la compétitivité des entreprises, dont les petites et moyennes entreprises, et des statistiques européennes et abrogeant les règlements (UE) no 99/2013, (UE) no 1287/2013, (UE) no 254/2014, (UE) no 258/2014, (UE) no 652/2014 et (UE) 2017/826»

[COM(2018) 441 final — 2018/0231 (COD)]

(2019/C 62/06)

Rapporteur:

Oliver RÖPKE

Corapporteure:

Violeta JELIĆ

Consultation

Parlement européen, 14.6.2018

Conseil, 26.6.2018

Base juridique

Article 114, paragraphe 1, article 169, paragraphe 3, article 43, paragraphe 2, et article 173, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section spécialisée

2.10.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

187/4/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le marché unique constitue une source essentielle de création de croissance économique et de compétitivité. Il apporte une contribution importante à la création d’emplois, offre aux consommateurs un vaste choix de biens et de services, et peut également servir de fondement pour bâtir la prospérité de l’Union européenne.

1.2.

Le Comité économique et social européen (CESE) approuve le principe de l’intégration de cinq programmes antérieurs (tout comme du programme statistique européen, qui dépasse toutefois le cadre du marché intérieur) et d’un certain nombre de rubriques du budget au sein d’un programme en faveur du marché unique, sachant que l’on peut escompter de cette démarche qu’elle produise des synergies et améliore le rapport coût-efficacité.

1.3.

Le CESE convient avec la Commission européenne de la nécessité de supprimer les obstacles existants et de faire progresser l’élaboration, l’exécution et le contrôle de la bonne application de la législation de l’Union relative au marché intérieur. Ceci vaut avant tout pour les domaines des biens et des services, de la passation de marchés publics, de la surveillance du marché, du droit des sociétés, du droit des contrats et de la responsabilité extracontractuelle, de la lutte contre le blanchiment de capitaux, de la libre circulation des capitaux, des services financiers et de la concurrence, et de la mise au point d’outils de gouvernance. Le CESE réclame la création d’un marché intérieur qui soit équitable et achevé et qui devrait également tenir compte du respect des normes en matière de protection des travailleurs, des consommateurs et de l’environnement.

1.4.

Toutefois, pour ce qui est de la chaîne alimentaire, le CESE invite la Commission à faire en sorte de financer cet élément au titre de la rubrique 3 «Ressources naturelles et environnement», compte tenu des relations étroites qu’entretient ce programme avec la politique agricole.

1.5.

Le CESE se félicite de la proposition de la Commission d’allouer 25 % des financements disponibles pour réaliser les objectifs de l’accord de Paris concernant le changement climatique, mais souhaiterait obtenir davantage d’informations sur les dépenses que l’on considère comme liées à la politique climatique.

1.6.

Le CESE relève que la charge de travail en matière de politique de protection des consommateurs ne cesse de croître, en premier lieu du fait de la mutation numérique. Il presse la Commission de continuer à développer la coopération avec les réseaux et les organisations de consommateurs et d’augmenter en conséquence le financement de la protection des consommateurs.

1.7.

Le CESE relève que, selon la Commission, le financement des priorités du nouveau programme du marché unique s’élève à quelque 3,9 milliards d’EUR, c’est-à-dire à peu près au même montant que pour la période actuelle de programmation financière courant de 2014 à 2020, mais il s’inquiète du fait que les négociations relatives aux cadre financier de l’Union européenne puissent aboutir à des coupes et donc à un budget inférieur à ce qu’il était dans le passé. Le CESE se félicite néanmoins du fait qu’au sein du programme COSME, 2 milliards d’EUR supplémentaires soient mis à disposition au titre du programme InvestEU et que le financement puisse être combiné avec celui d’autres programmes.

1.8.

Les données statistiques produites par le programme statistique européen présentent une forte valeur ajoutée européenne et constituent l’un des fondements pour décider des politiques de l’Union européenne, dont notamment celle du marché unique. Par conséquent, le CESE convient avec la Commission européenne qu’il est nécessaire, également dans le cadre du nouveau programme du marché unique, de continuer à doter des ressources nécessaires le programme statistique européen tel qu’il existe jusqu’à présent.

1.9.

Le CESE demande de faire participer les partenaires sociaux européens de manière appropriée à l’ensemble des phases du nouveau programme du marché unique.

2.   Observations générales sur le nouveau programme du marché unique

2.1.

Le CESE a déjà martelé à plusieurs reprises que le marché unique constitue la pierre angulaire du processus de l’intégration européenne et qu’il contribue de manière significative à la croissance économique et à la création d’emplois. En outre, le marché unique peut également contribuer à engendrer de la prospérité (1).

2.2.

Le CESE, dans son avis sur le cadre financier pluriannuel après 2020 (2), a déjà critiqué le fait que l’on met lors de la prochaine période de programmation encore moins de moyens à disposition pour réaliser les objectifs de l’Union européenne financière qu’au cours de celle en vigueur.

2.3.

Au titre du cadre financier pluriannuel de l’Union européenne, la Commission propose de rassembler un certain nombre de programmes et de rubriques du budget en rapport avec la compétitivité des entreprises [y compris les petites et moyennes entreprises (PME)], la protection des consommateurs, celle des clients et des utilisateurs finaux des services financiers, l’élaboration des politiques en matière de services financiers, la chaîne alimentaire et l’établissement, la production et la diffusion de données statistiques européennes. Le CESE approuve en principe la proposition à l’examen, car elle est à même de produire des synergies et des gains d’efficacité concernant le financement des projets soutenus. Le programme à l’examen offre également un cadre financier plus flexible, qui permettra aux bénéficiaires de mettre en œuvre plus aisément leurs projets.

2.4.

Une évaluation de chacun des programmes individuels qui seront à présent intégrés au sein du nouveau programme du marché unique met en évidence la forte valeur ajoutée européenne que procure chacune de ces diverses initiatives.

2.5.

Il convient de relever qu’il subsiste des entraves et des obstacles au marché unique. Il importe par conséquent de suivre les évolutions qui interviennent dans ce domaine, de dresser la liste des obstacles restants et d’établir une feuille de route afin de faire fonctionner sans accroc le marché unique dans l’intérêt de tous. Le CESE partage l’avis de la Commission selon lequel le nouveau programme peut contribuer à améliorer le fonctionnement du marché unique grâce à la conception, la mise en œuvre et l’application de la législation de l’Union. Les mesures que prend cette dernière doivent aboutir à un cadre réglementaire simple, clair et prévisible pour les entreprises, les travailleurs et les citoyens. Le CESE réclame la création d’un marché intérieur qui soit équitable et achevé et qui devrait également prendre en compte le respect des normes en matière de protection des travailleurs, des consommateurs et de l’environnement.

2.6.

Le CESE approuve tout particulièrement l’option d’un financement cumulé des activités et des projets par plusieurs programmes de l’Union, tels qu’InvestEU, Horizon Europe et le Fonds social européen. Ceci pourrait aussi bien produire des effets de synergie que faciliter également le financement des projets.

2.7.

Le CESE pointe en outre l’importance toute particulière que revêt la poursuite du développement de la politique fiscale de l’Union européenne en vue de favoriser un marché unique efficace, compétitif et équitable (3).

3.   Objectifs du programme

3.1.

Les PME jouent un rôle central dans l’économie européenne. Elles constituent 99 % des entreprises de l’Union européenne et emploient les deux tiers des travailleurs. Le CESE estime qu’il est donc essentiel que l’Union européenne aide les PME à améliorer leur compétitivité. Le CESE souhaite insister sur l’importance des mesures de soutien des services aux professionnels et aux entreprises dans leur rôle de promoteurs de la compétitivité des PME européennes: ils sont essentiels pour de nombreux autres secteurs et jouent un rôle crucial dans la tertiarisation («servicisation») de l’économie européenne.

3.2.

Le CESE souhaite mettre en exergue l’expérience positive du programme COSME qui a été grandement bénéfique pour les PME grâce à l’orientation de ses aides en fonction des besoins dans des domaines tels que le tourisme, l’industrie textile et d’autres secteurs; il a ainsi contribué fortement à la croissance économique et à la création de nouveaux emplois. Il convient donc de poursuivre et d’intensifier les aides accordées au titre de COSME.

3.3.

Au cours des dernières années, les PME ont connu des difficultés particulières à accéder aux financements. Du fait de la très faible capacité de ces entreprises à emprunter, il leur est impossible de réaliser les investissements qui s’imposent dans des domaines d’avenir tels que la numérisation, l’innovation et la mondialisation. Cette situation a une incidence négative sur la croissance économique et la création d’emplois et peut même constituer une menace pour la survie de ces entreprises. C’est pourquoi le CESE approuve la possibilité supplémentaire qui leur est offerte de se refinancer grâce aux instruments de prêt et d’apport de fonds propres au titre du nouveau Fonds InvestEU.

3.4.

En outre, des aides dans le domaine du renforcement des capacités des partenaires sociaux, des administrations publiques et d’autres bénéficiaires sont nécessaires afin de donner la possibilité à ces acteurs de participer aux programmes de l’Union européenne.

3.5.

L’aide destinée aux jeunes entrepreneurs et aux produits et services innovants constituera l’un des éléments clés du programme du marché unique. Le CESE tient pour bénéfique l’approche qui consiste à recourir à des initiatives de grappes d’entreprises (ou «clusters») pour soutenir de nouveaux modèles commerciaux, des technologies de pointe, des solutions sobres en carbone et efficaces dans l’utilisation des ressources et d’autres thèmes tels que les initiatives en faveur des activités internationales, du recrutement de personnel et de la mise à jour des compétences de ce dernier; aussi, le Comité appuie les travaux de la plate-forme de collaboration des clusters européens.

3.6.

Dans de nombreux secteurs de l’économie, le recours à des solutions numériques est d’ores et déjà une évidence. Pour les PME, maintenir leur réussite et leur compétitivité dépend au premier chef de l’investissement en temps opportun dans les infrastructures numériques adéquates. Par conséquent, le CESE approuve l’idée d’aider les PME lorsqu’elles investissent dans des projets numériques. Ces derniers devraient être conçus de manière à bénéficier tant au monde des entreprises qu’à la société civile dans son ensemble.

3.7.

Le CESE est partisan de continuer à soutenir les portails «L’Europe est à vous», Solvit et «L’Europe vous conseille», le système d’information sur le marché intérieur et le tableau d’affichage du marché unique, ainsi que de favoriser la création et l’extension de services publics numériques supplémentaires, et la coopération entre les autorités compétentes dans le domaine numérique, tant au sein des États membres qu’entre ces derniers, y compris en liaison avec le programme pour une Europe numérique.

3.8.

Dans ce contexte, le CESE se félicite de la démarche de la Commission consistant à s’approcher graduellement de l’objectif d’allouer 25 % des financements disponibles pour réaliser les objectifs de l’accord de Paris concernant le changement climatique, mais il souhaiterait obtenir davantage d’informations sur les dépenses que l’on considère comme liées à la politique climatique.

3.9.

L’objectif du programme du marché unique consiste à soutenir les intérêts des consommateurs et à garantir à ces derniers un degré élevé de protection. Le CESE relève que de manière générale, les défis que doit relever la politique de protection des consommateurs ne cessent de gagner en acuité, du fait entre autres du commerce en ligne de biens et de services et de la mutation numérique et pour partie, en raison de mesures inappropriées de déréglementation, telles que par exemple la suppression de mesures légales d’assurance de la qualité ou de dispositions relatives à l’accès aux professions. Le nouveau programme doit donc garantir aux consommateurs que lorsqu’ils agissent en tant que tels, ils bénéficient d’informations et d’un soutien appropriés. Il convient également d’assurer dans le même temps un soutien et une information adéquats à l’intention des entreprises concernant la réglementation relative à la protection des consommateurs.

3.10.

La crise financière et économique qui a éclaté en 2008 a montré qu’il importe tout particulièrement de fournir aux consommateurs des conseils et des informations exhaustifs en matière de services financiers, y compris pour ce qui est des conseils en gestion de dette. En outre, il est nécessaire d’associer plus largement la société civile à l’élaboration des politiques dans ce domaine, et notamment en mettant en avant les organisations qui soutiennent les intérêts politiques des consommateurs dans le domaine des services financiers.

3.11.

Il convient d’assurer la fourniture d’informations sur les marchés destinées aux consommateurs, ainsi que celle d’un accès à des voies de recours, en soutenant les organisations de protection des consommateurs et les autorités répressives compétentes en la matière. Le CESE relève toutefois que le «New Deal pour les consommateurs» ne répond pas aux attentes légitimes des consommateurs, comme indiqué dans le récent avis du CESE sur cette proposition de la Commission.

3.12.

À l’échelon de l’Union européenne, la protection des consommateurs bénéficie de puissants appuis, qui sont notamment le fait du réseau des Centres européens des consommateurs et du Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC). Ces dernières années, ledit réseau a pu toucher et tenir informés des millions de consommateurs et il a également répondu à plusieurs centaines de milliers de leurs demandes. Le BEUC a activement représenté les intérêts des consommateurs dans tous les domaines pertinents de l’action politique de l’Union européenne. L’appui apporté au réseau et au BEUC a procuré une forte valeur ajoutée européenne. C’est la raison pour laquelle le CESE milite en faveur de la poursuite et du développement à long terme de cette coopération réussie avec le réseau des Centres européens des consommateurs et le Bureau européen des unions de consommateurs. Le CESE se félicite également de la coopération prévue avec les associations nationales de défense des consommateurs.

3.13.

Afin d’améliorer la représentation des intérêts des consommateurs dans le domaine des services financiers, deux associations à but non lucratif, à savoir Finance Watch et Better Finance, ont bénéficié d’un appui financier, tout d’abord dans le cadre d’un projet pilote, puis au moyen d’une mesure préparatoire. Le règlement (UE) 2017/826 relatif au renforcement des capacités dans ce domaine prévoit d’autres possibilités de cofinancement pour ces associations. Le CESE presse la Commission d’intensifier encore la coopération avec les organisations dans ce domaine d’action politique.

3.14.

Le CESE fait observer qu’au regard du nombre pléthorique de tâches à accomplir, le budget de 198,5 millions d’EUR alloué à la protection des consommateurs est extrêmement serré. Le CESE presse le Parlement européen et le Conseil d’accroître en conséquence le budget mis à disposition

3.15.

Les données et les statistiques fondent les décisions dans de nombreux domaines, notamment en matière de politique sociale, économique, régionale, environnementale et agricole. Les données statistiques produites par le programme statistique européen présentent donc une forte valeur ajoutée européenne et constituent l’un des fondements des politiques de l’Union européenne dont notamment celle du marché unique. Par conséquent, le CESE convient avec la Commission européenne qu’il est nécessaire, également dans le cadre du programme du marché unique, de continuer à doter des ressources nécessaires le programme statistique européen tel qu’il existe jusqu’à présent, compte tenu tout particulièrement de la nécessité de moderniser les processus de production des statistiques et des besoins croissants en données statistiques.

3.16.

Pour ce qui est des normes, le CESE préconise de les concevoir rapidement et en temps opportun, en coopération avec les représentants des PME, des travailleurs, des consommateurs et des acteurs de la protection de l’environnement.

3.17.

Le programme relatif à la chaîne d’approvisionnement alimentaire finance des mesures visant à garantir un degré élevé de protection de la santé des hommes, des animaux et des végétaux, ainsi qu’à améliorer la durabilité de la production européenne de denrées alimentaires et d’aliments pour animaux et à en élever les normes de qualité. Il convient de réduire au minimum l’incidence des maladies animales et des organismes nuisibles en recourant aux programmes de prévention soutenus par l’Union européenne. Il convient également de soutenir le niveau de protection de l’environnement et la diversité biologique.

3.18.

Nombre des activités relevant du programme de la chaîne d’approvisionnement alimentaire ressortissent de la politique agricole et de la politique environnementale. Le CESE demande donc à la Commission de garantir le financement de ces activités en rapport avec la chaîne alimentaire dans le cadre de la rubrique 3 «Ressources naturelles et environnement».

4.   Budget

4.1.

Pour la période 2021-2017, la Commission propose pour le programme du marché unique un budget total de 4,089 milliards d’EUR. Ce montant comprend:

quelque 438 millions d’EUR au titre de l’objectif du marché intérieur,

1 milliard d’EUR au titre du programme COSME pour les PME,

198,5 millions d’EUR pour les consommateurs,

220,5 millions d’EUR pour la normalisation,

552 millions d’EUR pour les statistiques,

1,68 milliard d’EUR pour la chaîne alimentaire.

4.2.

Le CESE fait observer que la difficulté à comparer ces enveloppes financières avec celles de la période de programmation en vigueur de 2014 à 2020, en raison du «Brexit» et de l’intégration des différents programmes individuels au sein du nouveau programme du marché unique, se traduit par l’impossibilité de formuler autre chose que des constats limités sur ce budget en l’état actuel.

4.3.

Le CESE relève qu’à en croire la Commission européenne, les moyens financiers octroyés au programme du marché unique sont comparables à ceux prévus dans le cadre de la période de programmation financière en cours (quelque 3,9 milliards d’EUR), mais il s’inquiète du fait que les négociations puissent aboutir à des coupes dans ce budget et par conséquent à une diminution des ressources disponibles à ce titre par rapport à la période 2014-2020.

4.4.

Le CESE relève que plus de 41 % du budget total, soit 1,68 milliard d’EUR, sont consacrés à la chaîne alimentaire, faisant de cette dernière la rubrique la mieux dotée au sein du programme du marché unique, alors que les projets de politique des consommateurs n’en disposent que de moins de 5 %.

4.5.

Le CESE se félicite du fait qu’en sus de la dotation de 1 milliard d’EUR du programme COSME, 2 milliards d’EUR supplémentaires seront mis à disposition au moyen du volet d’action «PME» du Fonds InvestEU (4).

4.6.

Le CESE demande d’augmenter considérablement le financement de l’élément du programme du marqué unique lié à la politique des consommateurs, sachant que les défis que doit affronter la politique de protection des consommateurs gagnent tout aussi considérablement en acuité, en raison avant tout de l’importance croissance que revêtent le commerce électronique et les services en ligne transfrontières.

4.7.

Pour ce qui est de la chaîne alimentaire, le CESE demande de prévoir de financer au titre de la rubrique 3 relative aux «Ressources naturelles et environnement» les mesures qui ne pas couvertes par la surveillance des marchés. Il s’agit notamment, par exemple, des activités visant à lutter contre les maladies animales et les organismes nuisibles aux végétaux et des mesures en faveur du bien-être des animaux.

4.8.

Le CESE se félicite de la possibilité offerte d’un financement combiné des projets au titre d’autres programmes tels que le Fonds européen de développement régional, le Fonds de cohésion, le Fonds social européen plus ou le Fonds européen agricole pour le développement rural.

4.9.

En sus du soutien aux PME et aux jeunes pousses («start-ups») et au renforcement de la compétitivité et à la croissance des entreprises, il convient également d’étendre l’éligibilité en vertu de l’article 3 du programme du marché unique aux mesures qui permettent au grand public, aux consommateurs, aux utilisateurs finaux, aux syndicats et aux représentants de la société civile et des entreprises de participer activement au débat politique, à l’élaboration des politiques et à la prise de décision, y compris à un soutien aux activités des organisations représentatives à l’échelon national et à celui de l’ensemble de l’Union.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  JO C 125 du 21.4.2017, p. 1.

(2)  ECO/460 — Avis sur le «Cadre financier pluriannuel après 2020» (adopté lors de la session plénière de septembre 2018).

(3)  JO C 125 du 21.4.2017, p. 1.

(4)  COM(2018) 439 final.


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/45


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le programme Douane aux fins de la coopération dans le domaine douanier»

[COM(2018) 442 final — 2018/0232 (COD)]

(2019/C 62/07)

Rapporteure:

Laure BATUT

Consultation

Parlement européen, 14.6.2018

Conseil de l’Union européenne, 27.6.2018

Base juridique

Articles 114, 33 et 207 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section spécialisée

2.10.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

191/3/5

1.   Conclusions et recommandations

Le Comité économique et social européen (CESE) se réjouit de l’importance reconnue à la douane pour le marché intérieur, et de l’objectif de la proposition qui vise à soutenir l’union douanière et les autorités douanières en leur fournissant un nouvel instrument financier pour accompagner la mise en œuvre de la politique douanière en vue de l’application uniforme des règles. Le CESE estime qu’à terme, sur le plan politique, les douanes européennes, qui appliquent déjà un code législatif commun, devraient fonctionner comme une seule entité.

1.1.   Sur le budget et la mise en œuvre du programme Douane

1.1.1.

Le CESE estime que le montant prévu pour ce programme Douane à hauteur de 950 millions d’EUR pour sept ans, soit 5,02 millions d’EUR en moyenne par an par pays (EU-27), risque d’être insuffisant face à l’ampleur des objectifs de la proposition et des ambitions fixées pour les hommes, les réseaux, les technologies et les matériels; étant donné que la charge incombera pour ce qui relève de leur responsabilité aux États, le Comité recommande à la Commission de faciliter aux autorités douanières nationales l’utilisation pleine et entière du programme, ainsi que celle des synergies annoncées entre programmes; il souhaite que la Commission veille à la flexibilité entre les pôles budgétaires du cadre financier pluriannuel (CFP).

1.1.2.

Le CESE reconnaît qu’il est difficile de faire des hypothèses chiffrées sur le coût du «Brexit», qui risque d’être très élevé; il recommande d’ajuster au fur et à mesure le texte à l’examen sans pénaliser l’achèvement du marché intérieur des 27 et en tenant compte de l’exigence vitale de disposer d’agents bien formés, d’instruments et de procédures douaniers communs et compétitifs face aux pays comme les États-Unis et la Chine.

1.2.   Sur l’informatique dans le programme

Comme il s’agit de la plus grande valeur ajoutée attendue du programme et compte tenu de la nécessité d’assurer le bon développement de la stratégie informatique dans le domaine douanier (1), le CESE accueille favorablement l’intégration des outils destinés à financer et faciliter le développement et la maintenance des systèmes informatiques douaniers transeuropéens, et notamment l’intégration des outils de planification informatique dans le dispositif, en particulier s’ils contribuent à réduire les disparités entre les États membres.

1.2.1.

Sur l’innovation technologique: le CESE recommande que le programme soit actionné pour la diffusion simultanée des innovations technologiques à tous les États participants.

1.2.2.

Sur les coopérations numériques: pour qu’elles donnent toute leur dimension, le CESE recommande d’inciter les États membres à agir pour réduire leurs disparités de pratiques et de compétences, et d’intensifier leur volonté commune de lutter contre les fraudes.

1.3.   Sur le renforcement des compétences

Le CESE estime que le renforcement des compétences des agents des administrations et la formation douanière sont essentiels à la bonne marche de la coopération douanière de l’Union européenne. Il recommande de faire une pleine utilisation du programme afin de continuer sur la voie des développements déjà amorcés (2), qui pourraient, des années après le programme Matthaeus, être prolongés d’un Erasmus douanier (échanges temporaires d’agents de toutes catégories).

1.3.1.

Le CESE recommande que soit garanti aux autorités douanières le titre d’«autorités habilitées» à accéder aux systèmes interopérables de contrôle des personnes aux frontières (3).

1.4.   Sur les droits fondamentaux

Le CESE recommande que le programme contribue à renforcer dans sa zone opérationnelle le respect des droits fondamentaux et de la protection des données.

1.5.   Sur les indicateurs

Le CESE recommande d’aider les États participants à bien remplir leurs obligations de rapport sur la mise en œuvre du programme selon les indicateurs proposés, étant entendu que les restrictions qui pèsent sur les budgets publics ne permettront pas toujours aux administrations nationales de disposer de suffisamment de temps/d’agents. Le CESE suggère qu’au moins dans les 5 premières années, une comparaison soit faite entre tous les États membres.

1.6.   Sur la gouvernance

Le CESE est favorable à un dialogue ouvert sur la mise en œuvre du programme entre les États membres, la Commission et les parties prenantes intéressées. Il recommande qu’horizontalement le soutien renouvelé du Conseil européen lui donne au fil des années de la visibilité, et que soient favorisées les conditions de sa totale réussite, comme l’harmonisation fiscale entre États membres, l’engagement de tous les pays participants dans les formations et leur volonté d’investir dans la coopération, de lutter contre la fraude et de pratiquer un commerce loyal.

2.   Introduction

2.1.

Dans le CFP proposé par la Commission européenne, le programme Douane vise à soutenir la coopération entre autorités douanières et à protéger les intérêts économiques et financiers de l’Union. L’union douanière bénéficie, après 50 ans, d’un cadre législatif harmonisé sur le plan européen. Toutefois, des progrès restent à accomplir pour assurer que les douanes des États membres exercent leurs missions de manière uniformisée et équivalente. Le territoire douanier commun et le tarif extérieur commun existent et interdisent les droits de douane et les taxes d’effet équivalent entre les États membres. Mais des disparités demeurent, un «tourisme douanier» qui équivaut à de la concurrence déloyale se faufile dans les interstices de l’application des règles qui relève, avec les sanctions douanières, des droits nationaux.

2.2.

La mise en œuvre uniforme est d’autant moins facile à réaliser que le rôle de la douane est à facettes multiples. Elle est au point d’équilibre politique entre les réglementations nationales, européennes et internationales du commerce, et la liberté de circuler. Elle s’intéresse aux marchandises — licites dont elle doit favoriser la circulation, illicites qu’elle doit intercepter, dangereuses qu’elle doit arrêter. Elle produit, dans certains États membres, les statistiques du commerce extérieur.

2.3.

La douane fait en outre respecter de nombreuses législations non douanières:

a)

elle protège la population des menaces terroristes, environnementales et sanitaires, des armes à feu et des drogues, contrôle les mouvements de devises, les droits de propriété intellectuelle, la santé et la sécurité publique, la sécurité des produits, la protection des espèces sauvages et de l’environnement, etc. Son rôle est grandissant vis-à-vis de toutes les sécurités;

b)

les autorités douanières jouent également un rôle déterminant pour ce qui est d’assurer l’intégrité de la chaîne d’approvisionnement. Les synergies entre d’autres programmes financiers du CFP et le programme Douane seront nombreuses.

2.4.

La douane utilise déjà des appareils et technologies numériques qui ont réduit les temps de contrôle et les dépenses publiques malgré l’augmentation des volumes du commerce mondial, et celle de la criminalité transnationale. C’est un outil essentiel aux gouvernements et à l’Union. Elle peut être mobilisée sur tout le territoire de l’Union européenne pour la protection des intérêts financiers de cette dernière (par exemple: droits de douane/États-Unis) et celle des citoyens (par exemple: maladie de la «vache folle»). Le Corps européen de garde-frontières et garde-côtes (4) va la renforcer.

3.   Résumé de la proposition de règlement

3.1.

Pour la période 2021-2027 (5), la Commission européenne a axé son projet budgétaire global sur les objectifs politiques de l’EU-27. Parmi ces objectifs, le nouveau programme «Douane» s’inscrit dans une continuité renforcée et étendue du programme Douane 2020 et vise à apporter son soutien à la mise en œuvre du code des douanes de l’Union (CDU) (6) et de la politique douanière. À cette fin, il privilégie une coopération structurée, méthodologique et budgétaire, ainsi qu’un renforcement de la coopération opérationnelle entre les États membres et, au-delà, avec les pays «participants», ce qui inclut notamment les pays candidats et en cours d’adhésion.

3.2.

Le nombre de déclarations en douane augmente (environ 310 millions en 2016, soit 10 déclarations par seconde dont 98 % déposées par voie électronique). Le CDU a déjà lancé le projet de numérisation massive de 17 systèmes électroniques à l’horizon 2020-2025. Ils visent la compétitivité des entreprises européennes. La Commission estime qu’ils seront la plus grande valeur ajoutée du programme Douane.

3.3.

Les analyses d’impact ont établi un besoin de renforcement des compétences et de la coordination entre administrations douanières de l’Union européenne, ainsi que celui d’indicateurs simplifiés pour réduire leurs charges administratives. La proposition évoque une intensification des actions, tant sur le plan opérationnel, avec des échanges structurels de bonnes pratiques et de connaissances opérationnelles entre États membres, qu’avec une palette de systèmes et d’infrastructures informatiques, pour réaliser la douane (7) totalement en ligne. Les projets se dérouleront sur plusieurs années, et en synergie, à l’évidence, avec le programme Fiscalis.

3.4.

La Commission respectera les engagements internationaux pris par l’Union européenne au sein de l’Organisation mondiale du commerce et, pour être conformes au message politique contenu dans sa communication sur la gouvernance (8), les administrations douanières des États membres devraient fonctionner comme si elles ne formaient qu’une seule entité.

3.5.

En associant les économies du «Brexit», celles des réformes et de l’austérité et les contributions nouvelles à demander aux États membres, la Commission propose un cadre financier pluriannuel global de l’Union à 1 279 milliard d’EUR pour la période 2021-2027, soit 1,11 % de la richesse produite par les 27, dont 950 millions d’EUR pour le programme Douane.

3.5.1.

Des combinaisons de financements rendront possibles des synergies par une flexibilité nouvelle entre différents pôles dans la gestion du budget global, par exemple pour l’informatique. Le Fonds pour la gestion intégrée des frontières pourra être actionné par les douanes nationales afin d’améliorer leurs équipements de contrôle (achat, maintenance et mise à niveau des équipements éligibles), tandis que le programme Douane apportera un soutien à toutes les actions connexes, telles que les actions de coopération aux fins de l’évaluation des besoins en matière d’équipement ou la formation relative aux équipements achetés.

3.5.2.

Le programme d’appui aux réformes structurelles pourra améliorer les capacités administratives des douanes de l’Union. Le programme Douane aidera les autorités douanières à protéger les intérêts financiers de l’Union européenne, et bénéficiera aussi du soutien du programme de lutte antifraude qui succédera au programme en cours Hercule III (9) et au système d’information antifraude qui soutient l’assistance mutuelle en matière douanière. Il sera en synergie avec Fiscalis, les activités du Parquet européen, le programme Justice du Fonds pour la justice, les droits et les valeurs, en ce qui concerne la formation à l’application de la législation douanière de l’Union.

4.   Observations générales

4.1.   Mise en œuvre du programme Douane

4.1.1.

Le 24 mars 2018, le Parlement européen recommandait d’augmenter de 219 milliards d’EUR le budget total de l’Union. La Commission veut mettre l’accent sur la valeur ajoutée européenne par rapport aux dépenses publiques nationales. Pourtant, l’augmentation globale n’est que de 1,11 % de la richesse produite (10) par l’Union européenne (1,13 % dans la période précédente). La moyenne de 1993 à 1999 était de 1,25 %. Le CESE, qui milite depuis des années pour une augmentation des ressources propres de l’Union européenne (11), souhaite que la volonté politique d’achever le marché intérieur se manifeste pour la politique douanière, et que les aides à sa mise en œuvre arrivent pour cela aux autorités douanières nationales.

4.1.2.

Il s’interroge sur la façon dont le montant de 950 millions d’EUR a été déterminé pour 2021-2027 (proposition article 4, paragraphe 1): 137,7 millions d’EUR par an, soit 5,02 millions d’EUR par an par pays (EU-27) à niveaux de développement différents, cela semble peu.

4.2.

Il est prévu dans la proposition d’agir par l’attribution de marchés et de subventions en gestion directe. La flexibilité du nouveau modèle de CFP permettrait de créer des synergies entre différents programmes, et entre les différentes missions de la douane, ses relations avec d’autres administrations, les autres domaines d’intervention de l’Union européenne, comme le programme pour une Europe numérique (12), Fiscalis, Justice, etc. et les volets budgétaires qui s’y rapportent. Le CESE estime qu’il s’agit d’un bon principe, mais se demande quels seront les critères d’éligibilité pour l’attribution des aides demandées entre les volets perméables de chacun des programmes. Il redoute le risque d’un fossé entre la théorie et la pratique de ces combinaisons de financement dans les cas où différentes actions voudraient se positionner en même temps sur un même fonds qui ne pourrait pas alors être démultiplié.

4.3.

La Commission semble considérer qu’il peut advenir une bonne conjoncture pour les recettes des États membres et de l’Union européenne, mais cela n’est qu’une hypothèse difficile à vérifier sur 7 ans.

4.4.

La proposition laisse une bonne partie de la responsabilité budgétaire aux États membres, qui devront développer des éléments à leur niveau tenant compte des contraintes nationales. Ceux-ci sont pourtant toujours confrontés aux politiques d’austérité imposées par le semestre européen, et à une croissance qui tarde à s’affermir, particulièrement dans la zone euro. Toutefois, la proposition, grâce à l’outil de la coopération structurée, permettra aux États membres de travailler ensemble, notamment au développement de composants des systèmes informatiques.

5.   Observations particulières du CESE

5.1.   Informatique

5.1.1.

Elle est considérée comme la plus forte valeur ajoutée du programme (13). La douane est probablement la première pierre d’administration en ligne dont l’Union a été dotée. L’arborescence des outils de contrôle et de déclaration exige toujours plus d’interconnectivité et d’interopérabilité. Cela exige d’abord que tous les États membres soient dotés d’infrastructures informatiques douanières efficaces, avec très haut débit partout. Le CESE souhaite que les autorités douanières des 27 soient reconnues par ailleurs comme «autorités habilitées» à utiliser la future architecture des systèmes interopérables de contrôles aux frontières (14).

5.1.2.

L’article 7, paragraphe 5, et l’article 8 de la proposition annoncent que le taux de financement applicable aux projets par la Commission pourra aller jusqu’à 100 % pour les actions de coopération. Lorsque l’action concernera le développement et l’exploitation d’un système électronique européen, seuls les coûts liés aux composants communs et à la coordination seront pris en charge, et les États membres supporteront les coûts liés aux responsabilités qui leur sont confiées en vertu du texte.

5.1.3.   Innovation informatique

5.1.3.1.

Les réseaux numériques à très haute capacité soutiennent tous les services numériques innovants. Pour que la valeur ajoutée de l’informatique douanière apporte les résultats attendus, tous les opérateurs privés (entreprises) et publics (autorités des pays tiers) qui ont affaire à la douane doivent accéder au meilleur niveau de matériels et de services.

5.1.3.2.

Si le plan stratégique pluriannuel pour les systèmes électroniques douaniers (e-customs MASP-C) (15) intègre le programme Douane, toute innovation numérique passera par celui-ci. Le CESE souhaite que toute innovation validée par les autorités soit diffusée de manière sécurisée sur tout le réseau douanier interconnecté dans l’Union de sorte qu’il n’y ait pas de perte de temps après validation par les autorités ni détournement de trafic.

5.1.3.3.

Le besoin de cybersécurité est invoqué dans tous les domaines pour les données et les réseaux. Plus il y a d’interconnexion, plus il y a de risques. Le CESE estime que c’est assez important pour être cité dans le programme et doté de fonds, d’autant plus que les activités de la douane revêtent des aspects stratégiques.

5.2.   Indicateurs

5.2.1.

La Commission met l’accent sur le support que peut apporter le programme dans la mise en œuvre uniforme de la législation et de la politique douanière, et propose, pour l’évaluer, des indicateurs originaux d’ordre qualitatif.

5.2.2.

Le Comité recommande que les États participants soient préparés grâce aux formations prévues dans le programme pour ce recueil intéressant de données, tant au niveau de la collecte que du traitement. En période de réduction des budgets publics, les douanes risquent de manquer de temps/d’agents pour développer ces enquêtes dont la fiabilité pourrait alors être douteuse. Des outils de mesure existent déjà, et les logiciels pourraient fournir directement des informations, comme sur «la disponibilité des systèmes électroniques européens».

5.3.   Gouvernance

5.3.1.

Pour éviter les détournements de trafic, et de compétitivité, l’objectif de la Commission est de coordonner les actions vers l’uniformisation de l’application des règles. Elle veut s’entourer comme par le passé de comités et groupes d’experts, et insiste sur les participants de la société civile.

5.3.2.

Cette coordination doit être assurée avec les autorités douanières nationales, des représentants spécialisés, au niveau opérationnel et à long terme. Le CESE est favorable à un dialogue ouvert avec les acteurs tels que les experts externes et les représentants des pouvoirs publics, notamment de pays tiers, les représentants d’organisations internationales, d’opérateurs économiques et de la société civile; il aimerait 1) que, d’ici la fin du programme Douane, le Conseil européen le promeuve et marque son intérêt pour sa réalisation complète; 2) que le programme donne des précisions sur les participants de la société civile et sur l’accès aux voies de recours dont pourraient disposer les citoyens pour la défense de leurs droits.

5.3.3.

Le Comité estime que pour réussir cette uniformisation, il conviendrait que tous les États et les institutions de l’Union européenne travaillent dans le même sens dans la transparence. Le CESE aurait apprécié que puissent être distinguées, après les décisions politiques sur les priorités, les actions liées au contrôle des marchandises licites de celles liées aux non-licites, et au contrôle des personnes aux frontières (dans le respect de la politique douanière et de celle relative aux migrations).

5.3.4.

Il convient d’évoquer les éléments d’ordre général qui conforteraient la réussite du programme Douane, comme l’harmonisation fiscale entre États membres, l’engagement de tous les pays participants dans les formations et leur volonté d’investir dans la coopération, de lutter contre la fraude et de pratiquer un commerce loyal.

5.4.   Renforcement des capacités humaines

5.4.1.

La douane ne part pas de zéro, elle a des hommes, des matériels, des savoir-faire. Ce point très important est cité dans le programme, mais pas développé. Chaque administration nationale devra être éligible au programme Infrastructures et développement des connaissances.

5.4.2.

Le Comité préconise la généralisation de formations européennes communes, à l’instar de ce que fait Europol. Elles pourraient être thématiques, sur l’interopérabilité, sur les audits OEA (16), la lutte contre la fraude, la cybersécurité, la sécurité intérieure, etc. Elles pourraient, outre les modules communs déjà mis au point par la Commission européenne au format numérique, être complétées par un Erasmus douanier consacré à la formation continue, permettant les échanges temporaires d’agents de tous grades, et financé dans le cadre du programme Douane.

5.4.3.

Le Comité est persuadé que pour réussir la coopération entre des administrations nationales aux cultures différentes, et pour identifier et partager les bonnes pratiques, il faut des agents qui ont appris à se connaître et à pratiquer leur métier de façon similaire (17), dans l’usage du numérique mais pas uniquement (compétences administratives). Le CESE estime qu’il serait de bonne politique, pour les États et pour l’Union, de conserver aux administrations douanières leur présence sur le terrain, malgré l’exigence de technicité toujours plus grande. Il souhaite que l’austérité couplée à l’ambition affichée dans le programme ne conduise pas à des réductions de personnels publics, et que tous aient accès à l’enrichissement de leurs connaissances pour coopérer avec leurs homologues européens.

5.5.   Protection des droits fondamentaux

5.5.1.

Le Comité souligne qu’en plus d’être un instrument de mise en œuvre de la politique douanière, le programme Douane peut être un catalyseur du respect des droits fondamentaux par l’intermédiaire de formations harmonisées délivrées aux agents et aux représentants des pays tiers participants, et qu’il est important de ne pas négliger cette opportunité.

5.5.2.

Le règlement général sur la protection des données [RGPD (18)] s’applique dans toute l’Union. Usagers commerciaux, entreprises, agents, doivent le respecter et il doit l’être pour eux. La protection des données tant civiles qu’industrielles et commerciales peut être vitale et doit être garantie par les systèmes nationaux et communs, dans les procédures régulières et dans les procédures contentieuses, ainsi que dans le commerce électronique et dans les statistiques liées aux indicateurs d’avancement du programme.

5.5.2.1.

La gestion des frontières extérieures de l’Union, en coopération avec Frontex, peut présenter des cas où les droits de l’homme sont menacés. Les administrations des douanes concernées doivent respecter les droits de l’homme tant à l’égard des présumés délinquants que de leurs agents.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil du 11 avril 2018 [COM(2018) 178 final].

(2)  SWD(2017) 34 final.

(3)  COM(2017) 793 — 2017/0351 (COD) et COM(2017) 794 final — 2017/0352 (COD).

(4)  Règlement (UE) 2016/1624.

(5)  COM(2018) 322 final.

(6)  Le CDU — code des douanes de l’Union, règlement (UE) no 952/2013, application 1er mai 2016 — prévoit la possibilité pour un opérateur de transmettre ses déclarations à un seul bureau de douane dans l’Union (centralisation), même si ses marchandises passent par différents lieux; il fixe pour objectif de dématérialiser à 100 % les formalités douanières au 31 décembre 2020.

(7)  Décision no 70/2008/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 janvier 2008, «Douane sans papier».

(8)  JO C 434, 15.12.2017, p. 43.

(9)  Hercule III [règlement (UE) no 250/2014, 104,9 millions d’EUR] vise à protéger les intérêts financiers de l’Union européenne en soutenant des actions destinées à lutter contre les irrégularités, la fraude et la corruption portant atteinte au budget de l’Union européenne. Il est géré par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF).

(10)  Revenu national brut.

(11)  JO C 74, 23.3.2005, p. 32, paragraphe 4.5.15.

(12)  COM(2018) 434 final.

(13)  SWD(2018) 322 final, analyse d’impact.

(14)  COM(2017) 793 final.

(15)  Plan stratégique pluriannuel pour les systèmes électroniques douaniers (e-customs MASP-C Multi-Annual Strategic Plan), Taxud.a.3(2017) 6498377.

(16)  OEA: Opérateur économique agréé.

(17)  Voir dans le passé, le programme Matthaeus.

(18)  RGPD: https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv:OJ.L_.2016.119.01.0001.01.FRA&toc=OJ:L:2016:119:TOC


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/51


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le programme spatial de l’Union et l’Agence de l’Union européenne pour le programme spatial et abrogeant les règlements (UE) no 912/2010, (UE) no 1285/2013, (UE) no 377/2014 et la décision no 541/2014/UE»

[COM(2018) 447 final — 2018/0236 (COD)]

(2019/C 62/08)

Rapporteur:

Raymond HENCKS

Consultation

Commission européenne, 12.7.2018

Conseil, 13.7.2018

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section spécialisée

2.10.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

189/3/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

L’Union européenne peut se prévaloir de grandes réussites dans le secteur spatial. Par ses programmes spatiaux, elle contribue à répondre à certains grands défis mondiaux, notamment ceux liés au changement climatique, à la sécurité et à l’amélioration des conditions de vie quotidienne des citoyens, tout en gardant sa souveraineté et son indépendance stratégique vis-à-vis des autres puissances spatiales.

1.2.

Le Comité économique et social européen (CESE) soutient l’Union dans ses efforts complémentaires pour demeurer une grande puissance spatiale indépendante. Il approuve qu’elle se donne les moyens financiers à la hauteur de ses ambitions, en l’occurrence un «montant de référence privilégié» de 16 milliards d’EUR, qui pour le CESE constitue une enveloppe financière minimale. Le CESE réitère sa demande de trouver, de concert avec la Banque européenne d’investissement, de nouvelles possibilités de financement pour soutenir des projets de recherche, de conception et de fabrication spatiales par des entreprises privées, petites et moyennes entreprises (PME) et start-up.

1.3.

En ce qui concerne les objectifs spécifiques du programme spatial européen, le CESE salue qu’à côté de l’évolution permanente des deux fleurons du programme, Galileo et Copernicus, l’Union attribue au «space surveillance and tracking» davantage d’autonomie et de capacités afin de protéger les infrastructures spatiales des risques des innombrables débris spatiaux qui tournent autour de la terre. Il se félicite également de la nouvelle initiative concernant le système Govsatcom, qui répond aux besoins des communications européennes sécurisées par satellite.

1.4.

Le CESE constate toutefois que l’Union reste très discrète dans ses communications aux citoyens sur les avantages que représentent les activités communautaires dans l’espace pour la société et l’économie. Il propose une campagne appropriée, pour que les citoyens se rendent compte de la valeur ajoutée des activités spatiales européennes, qui sont devenues indispensables dans leur vie quotidienne, qui stimulent l’emploi, la croissance et les investissements, et qui constituent un atout pour leur sécurité.

1.5.

En outre, on reste très loin de maximiser les avantages que représente l’espace pour l’économie européenne. Les possibilités qu’offre le programme d’observation de la Terre et l’exploitation de l’énorme quantité de données qu’il produit, restent largement sous-utilisées. Le CESE demande qu’une action d’information et de sensibilisation soit lancée à l’adresse des potentiels bénéficiaires, surtout dans le secteur marin et agricole.

1.6.

Sur le plan international, le secteur spatial européen est exposé à une très vive concurrence, vu que les activités spatiales deviennent de plus en plus commerciales en raison d’une participation croissante du secteur privé sur le marché hors Union. Il s’ensuit qu’il faudra absolument augmenter l’importance du marché intérieur et appliquer un principe de «préférence européenne» dans le secteur spatial.

1.7.

L’Europe a besoin de lanceurs compétitifs adaptés aux marchés commercial et institutionnel si elle veut conserver son autonomie d’accès à l’espace face à un nombre croissant de lanceurs et une vive concurrence. Le CESE encourage la Commission à étudier les moyens de soutenir la recherche et les infrastructures de lancement européennes.

1.8.

Le CESE estime que le projet futuriste de l’extraction et de la récupération de ressources naturelles en dehors de l’orbite terrestre (space mining), dont un État membre s’est positionné en tant que pionnier, mérite que l’Union suive de plus près l’évolution afin de conserver une valeur ajoutée européenne claire.

2.   Introduction

2.1.

Depuis les années 1990, l’Union européenne a développé une politique spatiale communautaire axée sur l’indépendance vis-à-vis des autres puissances spatiales, notamment par le développement de programmes et d’applications dans des secteurs industriels clés, tels que les communications, la sécurité, les services d’urgence, les systèmes de navigation, l’information, les retransmissions d’événements, le changement climatique, les prévisions météorologiques, etc.

2.2.

L’Union européenne, avec le concours de l’Agence spatiale européenne (ESA), dispose entre-temps d’un grand réseau de satellites et de son propre accès à l’espace, via la Guyane, par des lanceurs européens. Les États membres de l’ESA (1) disposent, à leur tour, de leurs propres agences spatiales et de leurs programmes, de centres de recherche, d’installations au sol et de substantielles capacités industrielles. Ils sont, en général, à l’origine des initiatives spatiales qui sont ensuite reprises dans le cadre de l’Union européenne ou de l’ESA.

2.3.

L’Union intervient en particulier à travers la conception, le financement intégral et l’exploitation des programmes spatiaux suivants, dont elle assume la responsabilité globale pour leur mise en œuvre, y compris dans le domaine de la sécurité:

Galileo est la première infrastructure de radionavigation haute précision et de positionnement par satellite, spécialement conçue à des fins civiles, fournie gratuitement aux utilisateurs;

Copernicus est un fournisseur de données d’observation de la Terre qui englobe six domaines: la surveillance des terres, du milieu marin, de l’atmosphère, du changement climatique, ainsi que la gestion des urgences et la sécurité;

EGNOS est un système paneuropéen de 3 satellites qui améliore la qualité des signaux ouverts émis par les systèmes mondiaux de radionavigation par satellite existants et fournit des données de géolocalisation plus précises;

SST (space surveillance and tracking) est un système de surveillance de l’espace et d’observation des quelques 780 000 déchets de l’espace (débris spatiaux) en orbite autour de la terre;

Govsatcom est un système de télécommunications gouvernementales (civiles et militaires) par satellite, reconnu comme l’un des éléments de la stratégie globale pour la politique étrangère et de sécurité de l’Union.

2.4.

La Commission a actuellement délégué le développement et le déploiement de l’infrastructure spatiale à l’ESA, qui est responsable du déploiement de l’infrastructure Galileo, tandis que l’agence de l’Union européenne située à Prague (Agence du GNSS européen — GSA) est chargée de favoriser la pénétration de Galileo sur le marché. L’ESA gère aussi une partie des opérations de Copernicus.

2.5.

L’industrie spatiale européenne emploie plus de 231 000 personnes, dont 41 333 dans le secteur de la construction spatiale et génère une valeur ajoutée estimée par la Commission européenne entre 53 et 62 milliards d’EUR en 2017.

3.   Proposition de la Commission

3.1.

Le programme spatial proposé répond à la stratégie industrielle présentée par le président Juncker dans son discours sur l’état de l’Union de 2017, et à la communication de la Commission du 26 octobre 2016 sur une nouvelle «Stratégie spatiale pour l’Europe».

3.2.

Les

règlement (UE) no 1285/2013 relatif à la mise en place et à l’exploitation des systèmes européens de radionavigation par satellite, Galileo et EGNOS,

règlement (UE) no 377/2014 établissant le programme Copernicus,

décision no 541/2014/UE établissant un cadre de soutien à la surveillance de l’espace et au suivi des objets en orbite (SST) et

règlement (UE) no 912/2010 du Parlement européen et du Conseil établissant l’Agence du GNSS européen

sont abrogés et remplacés par le règlement sous avis qui établit des règles communes à toutes les composantes du programme, traitant notamment des contributions et mécanismes budgétaires, des dispositions financières, des marchés publics, de la gouvernance et de la sécurité. Ledit règlement fixe également certaines règles propres à chacune de ces composantes.

3.3.

L’Agence du GNSS européen chargée d’assurer la mise en œuvre d’une nouvelle génération de systèmes de radionavigation par satellite (GNSS), devient «Agence de l’Union européenne pour le programme spatial», chargée de contribuer au programme, en particulier en ce qui concerne la sécurité, les activités de communication et de promotion, ainsi que les activités de commercialisation des services offerts par Galileo et EGNOS.

3.4.

Le nouveau programme spatial vise à:

fournir des données, des informations et des services spatiaux de qualité, actualisés et, le cas échéant, sécurisés;

maximiser les avantages socio-économiques;

renforcer la sécurité de l’Union et de ses États membres;

promouvoir le rôle de l’Union sur la scène internationale en tant qu’acteur de premier plan.

3.5.

La proposition de règlement fixe l’enveloppe budgétaire totale pour l’ensemble des activités spatiales de l’Union, y compris la recherche, à 16 milliards d’EUR pour la période 2021-2027 (contre 12,6 milliards d’EUR pour la période 2014-2020). Cette enveloppe financière constitue le montant de référence privilégié conformément à l’accord interinstitutionnel du 2 décembre 2013 sur la discipline budgétaire, et est répartie comme suit:

Galileo + EGNOS 9,7 milliards,

Copernicus 5,8 milliards,

SST/Govsatcom 0,5 milliard.

3.6.

Le nouveau règlement traite également des différentes formes de coopération et de partenariat entre parties prenantes, ainsi que des relations avec les organisations internationales et les pays tiers.

3.7.

La Commission présentera chaque année au Parlement européen et au Conseil un rapport sur la mise en œuvre du programme spatial sur base d’indicateurs de performance à établir.

3.8.

En outre, le programme fera l’objet d’une évaluation au moins tous les quatre ans. Les conclusions des évaluations, accompagnées des observations de la Commission, seront communiquées au Parlement européen et au Conseil ainsi qu’au CESE et au Comité des régions.

4.   Observations générales

4.1.

De prime abord, il faut reconnaître que l’Union européenne peut se prévaloir d’avoir développé, en temps utile, sa propre politique spatiale et d’être aujourd’hui indépendante vis-à-vis des autres puissances spatiales, y compris celle considérée jadis comme partenaire fiable, mais devenue entre-temps imprévisible.

4.2.

Le CESE soutient l’Union dans ses efforts complémentaires pour demeurer une grande puissance spatiale indépendante et se donner les moyens de consolider ses atouts techniques. L’espace est un secteur qui requiert des ressources financières considérables. Il ne peut y avoir de politique spatiale ambitieuse sans budget correspondant.

4.3.

On ne peut donc que saluer que le projet de règlement entend attribuer à l’Union les moyens financiers à la hauteur de ses ambitions, en l’occurrence une enveloppe financière du programme de 16 milliards d’EUR constituant un «montant de référence privilégié» minimal. Il s’ensuit que le Parlement et le Conseil, ainsi que la Commission lorsqu’elle élabore le projet de budget, s’engagent à ne pas s’écarter de plus de 10 % de ce montant pour la durée totale du programme (sauf circonstances exceptionnelles). Le CESE réitère néanmoins sa demande de trouver, de concert avec la Banque européenne d’investissement (BEI), de nouvelles possibilités de financement pour soutenir des projets de recherche, de conception et de fabrication spatiales par des entreprises privées, PME et start-up, par exemple dans le domaine des nanosatellites, systèmes de propulsion miniaturisés, allongement de la durée de vie des satellites, nouvelles applications d’observation de la terre, etc.

4.4.

En outre, la recherche et l’innovation spatiales, qui doivent impérativement être renforcées si l’Union veut se maintenir à la pointe du progrès, peuvent être financées par le programme «Horizon Europe», dans le cadre du programme de travail «primauté dans le domaine des technologies génériques et industrielles», doté d’un budget de 13,5 milliards d’EUR.

4.5.

On ne peut, dans ce contexte, qu’approuver le fait qu’après le Brexit, le Royaume-Uni entende demander de continuer à participer au programme spatial européen. Le CESE regrette toutefois que seuls 20 des actuels 28 États membres de l’Union soient membres de l’ESA.

4.6.

En ce qui concerne les objectifs spécifiques du programme spatial, le CESE approuve que les nouvelles applications et nouveaux services tiennent compte des évolutions en matière de voitures autonomes, de drones, de robots et de l’internet des objets (Galileo) et mette, dans l’intérêt de l’humanité, l’accent sur la surveillance du changement climatique (par exemple, la surveillance des émissions anthropiques de CO2 et de gaz à effet de serre), l’affectation des sols en soutien de l’agriculture, l’observation des zones polaires, la gestion des forêts et de l’eau et la détection de petits objets (par exemple les navires) pour surveiller le trafic illégal (Copernicus).

4.7.

Le CESE soutient également la proposition d’attribuer au SST davantage d’autonomie et de capacités afin de protéger les infrastructures spatiales et la Terre des risques spatiaux, ainsi que la création de nouvelles activités pour observer les débris spatiaux ainsi que les phénomènes météorologiques spatiaux extrêmes résultant de l’activité solaire, ou encore les astéroïdes et les comètes (géocroiseurs). La question des débris dans l’espace concerne directement plus de 60 États qui possèdent et exploitent actuellement des satellites. Cette surveillance de l’espace est effectivement cruciale vu le risque d’endommager des infrastructures essentielles qui conditionnent la vie quotidienne des citoyens, avec les interruptions de services, les désagréments et les pertes économiques afférents.

4.8.

La nouvelle initiative concernant le système Govsatcom répond aux besoins des communications européennes sécurisées par satellite (surveillance frontalière, communauté maritime, missions de police, protection civile, aide humanitaire, action extérieure de l’Union européenne, etc.) et permettra d’améliorer la sécurité et la non-dépendance européenne des futurs systèmes et services sécurisés de télécommunications, ce que le CESE ne peut qu’approuver.

4.9.

L’Union peut donc se prévaloir de grandes réussites dans le secteur spatial. Le CESE constate toutefois que l’Union reste très discrète dans ses communications aux citoyens sur les avantages que représente l’espace pour la société et l’économie. Beaucoup de citoyens ne se rendent pas compte que lorsque, par exemple, ils utilisent leur téléphone portable ou smartphone, profitent des systèmes de navigation, regardent la télévision par satellite, voyagent par voie terrestre, maritime et aérienne, ou retirent de l’argent, ils ont recours à des services spatiaux. Il faudra donc veiller, par une campagne d’information appropriée, à ce que les citoyens se rendent compte que les activités spatiales européennes sont indispensables dans leur vie quotidienne, stimulent l’emploi, la croissance et les investissements, et constituent un atout pour leur sécurité.

4.10.

De même, on reste très loin de maximiser les avantages que représente l’espace pour l’économie européenne. Les possibilités qu’offre le programme d’observation de la Terre et l’exploitation de l’énorme quantité de données qu’il produit restent largement sous-utilisées. Le CESE demande qu’une action d’information et de sensibilisation soit lancée à l’adresse des potentiels bénéficiaires, surtout dans le secteur marin et agricole.

4.11.

Comme le signale la Commission, le secteur spatial rencontre des difficultés liées à sa capacité insuffisante à recruter du personnel approprié. Le CESE estime que la science spatiale devrait être intégrée dans le système scolaire et que des universités des États membres devraient être sensibilisées afin d’offrir un master en ingénierie spatiale.

4.12.

Sur le plan international, l’Europe spatiale devra relever le défi d’une très vive concurrence, vu que les activités spatiales deviennent de plus en plus commerciales en raison d’une participation croissante du secteur privé. Les grands acteurs européens réalisent la plus grande partie de leurs activités en dehors de l’Europe. Il s’ensuit qu’il faudra absolument augmenter l’importance du marché intérieur et appliquer un principe de «préférence européenne» dans le secteur spatial.

4.13.

Comme le précise la Commission, l’espace fait partie d’une chaîne de valeur mondiale qui fait face à des changements majeurs repoussant les limites traditionnelles du secteur spatial. Ce «nouvel espace» («New Space») est en train de révolutionner le secteur spatial, non seulement du point de vue technologique mais aussi du point de vue du modèle économique. Il est donc essentiel que l’Union soutienne activement l’ensemble du secteur spatial, en particulier la recherche et le développement, les start-up et les incubateurs d’entreprises présents dans ce secteur. Le CESE regrette que, dans le règlement sous avis, la Commission se limite à annoncer que le programme spatial soutient la coopération entre les entreprises sous la forme de pôles spatiaux rassemblant, à l’échelon national et régional, les acteurs de l’espace et du numérique, sans autre indication quant au fonctionnement et au financement de tels pôles.

Un tel projet «New Space» pourrait consister dans le développement de l’économie des ressources spatiales (space mining) ayant pour objet l’extraction et la récupération de ressources naturelles en dehors de l’orbite terrestre. Les astéroïdes par exemple peuvent contenir du nickel, du platine, du fer et du cobalt. La NASA estime à 700 trillions de dollars des États-Unis la valeur de la ceinture (qui en compte plus d’un million) d’astéroïdes entre Mars et Jupiter. Ces ressources pourront soit être ramenées sur Terre, soit être utilisées dans l’espace comme énergie pour les satellites, ou pour construire des bases d’où pourrait partir une exploration spatiale plus lointaine.

4.14.

Le Luxembourg est le deuxième pays au monde, après les États-Unis, à se doter d’un cadre juridique, contesté par d’aucuns, autorisant l’exploration et l’utilisation commerciale des ressources spatiales. La BEI s’est aussi associée au projet avec une mission de conseil, au même titre que l’ESA qui compte apporter des avis et orientations via son service de conseil financier en innovation.

4.15.

Le CESE estime que l’Union devrait participer plus étroitement à la recherche dans le cadre du space mining, du point de vue technologique, financier et juridique, et veiller à ce que le projet garde une valeur européenne claire, alors que d’ores et déjà d’autres organisations ou entreprises américaines, arabes ou asiatiques se sont associées au projet.

4.16.

L’Europe a besoin de lanceurs adaptés aux marchés commercial et institutionnel si elle veut pouvoir conserver son autonomie d’accès à l’espace. Les fusées réutilisables représentent un progrès particulièrement prometteur qui réduira les coûts et le délai de rotation entre les lancements. Sur le marché commercial, la concurrence reste vive et parfois déloyale. Le CESE encourage la Commission à étudier les moyens de soutenir la recherche et les infrastructures de lancement européennes dans le respect du caractère vital de la préservation d’une indépendance d’accès de l’Europe à l’espace.

4.17.

Même si, d’après le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, les États membres ont la compétence de définir les services d’intérêt général, cela n’enlève rien aux compétences de l’Union de définir à son niveau de tels services, dès lors que cela apparaît nécessaire pour mettre en œuvre les objectifs de l’Union. Le CESE plaide pour que les institutions communautaires reconnaissent l’existence et la nécessité de services communautaires d’intérêt général dans les domaines où l’action de l’Union européenne est plus efficace pour répondre à ses objectifs, comme c’est manifestement le cas pour le secteur spatial.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  L’ESA compte 22 États membres. Les organismes nationaux responsables de l’espace dans les pays suivants siègent au Conseil des gouverneurs de l’ESA: Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Tchéquie, Roumanie, Royaume-Uni, Suède et Suisse. Le Canada participe également au Conseil ainsi qu’à certains projets dans le cadre d’un accord de coopération. La Slovénie est un membre associé. Sept autres États de l’Union européenne ont conclu des accords de coopération avec l’ESA: Bulgarie, Croatie, Chypre, Lettonie, Lituanie, Malte et Slovaquie.


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/56


Avis du Comité économique et social européen sur a) la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1206/2001 du Conseil du 28 mai 2001 relatif à la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l’obtention des preuves en matière civile ou commerciale»

[COM(2018) 378 final — 2018/203 (COD)]

et sur b) la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1393/2007 du Parlement européen et du Conseil relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale (“signification ou notification des actes”)»

[COM(2018) 379 final — 2018/204 (COD)]

(2019/C 62/09)

Rapporteur:

Bernardo HERNÁNDEZ BATALLER

Consultation

a)

Parlement européen, le 10.9.2018

b)

Parlement européen, le 10.9.2018

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence:

Section spécialisée «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section spécialisée

2.10.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

184/0/9

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) prend bonne note des propositions de la Commission concernant la modification du règlement sur l’obtention des preuves et de celui relatif à la signification et à la notification des actes.

1.2.

Le CESE demande à la Commission de tenir compte des observations contenues dans le présent avis concernant ces propositions, notamment celles qui figurent aux paragraphes 5.2, 5.3, 5.4, 5.5, 5.9, 5.10, 6.3, 6.4. et 6.6, car il n’est pas possible de tirer parti des libertés offertes par le marché unique en l’absence d’un véritable espace judiciaire.

2.   Contexte

2.1.

Dans le but de créer un espace de liberté, de sécurité et de justice dans l’Union européenne (UE), l’article 81 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) définit les bases sur lesquelles doit se développer la «coopération judiciaire en matière civile», ainsi qu’elle est dénommée, pour ce qui concerne les affaires civiles ayant une incidence transfrontière, en attribuant à l’Union des compétences qui l’habilitent à adopter des mesures de rapprochement des dispositions législatives et réglementaires de ses États membres.

2.2.

Quand le bon fonctionnement du marché intérieur le requiert, la procédure juridique qui a été établie consiste à adopter des mesures garantissant la reconnaissance mutuelle, entre les États membres, des décisions judiciaires et extrajudiciaires, leur exécution et la coopération en matière d’obtention de preuves.

2.3.

Pour réglementer l’entraide judiciaire entre ses États membres, l’Union européenne a procédé, en remplacement des régimes visés par les conventions de La Haye, à l’adoption des instruments juridiques ci-après:

2.3.1.

Adopté à l’initiative de la République fédérale d’Allemagne et désigné ci-après comme le «règlement sur l’obtention des preuves», le règlement (CE) no 1206/2001 du Conseil (1) relatif à la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l’obtention des preuves en matière civile ou commerciale est d’application dans tous les États membres, à l’exception du Danemark.

2.3.2.

Ce règlement établit, à l’échelle de l’Union européenne, un système direct et rapide pour la transmission des demandes d’obtention de preuves et leur traitement entre les juridictions et énonce des règles précises quant à leur forme et leur contenu. Il a instauré un système de contacts bilatéraux directs entre juridictions, qui a remplacé le précédent, dans lequel c’était à une juridiction centrale de l’autre État membre que la requérante envoyait sa demande.

2.3.3.

Le règlement (CE) no 1393/2007 du Parlement européen et du Conseil (2) relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, qui sera ci-après désigné comme le «règlement sur la signification ou la notification des actes», est d’application dans tous les États membres (3).

2.3.4.

Ce règlement est applicable en matière civile et commerciale, lorsqu’un acte judiciaire ou extrajudiciaire doit être transmis d’un État membre à un autre pour y être signifié ou notifié. Il ne couvre toutefois pas les matières fiscales, douanières ou administratives, ni la responsabilité de l’État pour des actes ou des omissions commis dans l’exercice de la puissance publique («acta jure imperii»).

2.4.

Le CESE s’est toujours déclaré partisan de la création d’un espace commun de liberté, de sécurité et de justice dans l’Union européenne, qui implique notamment que soient adoptées, dans le domaine de la coopération judiciaire et des affaires civiles, des mesures grâce auxquelles les citoyens et les entreprises ne renonceront pas, ni n’hésiteront, à faire valoir leurs droits du fait de l’incompatibilité ou de la complexité des systèmes judiciaires des États membres.

2.5.

Pour créer l’espace judiciaire européen, il est impératif, en tout état de cause, d’améliorer la coopération entre les tribunaux et, par conséquent, de simplifier et d’accélérer les procédures, afin d’éliminer les dysfonctionnements et les retards.

3.   Les propositions de la Commission

3.1.

Les propositions de la Commission visent à modifier les deux règlements existants, respectivement, dans le domaine de l’obtention des preuves et dans celui de signification et de la notification des actes.

3.2.   La proposition de modification du règlement sur l’obtention des preuves

3.2.1.

La proposition entend faire mieux fonctionner l’espace de liberté, de sécurité et de justice et celui du marché intérieur en augmentant l’efficacité et la rapidité de l’obtention transfrontière de preuves.

3.2.2.

Elle se propose d’adapter le règlement aux progrès techniques grâce à l’exploitation des avantages offerts par la numérisation, en instaurant l’obligation que par défaut, la communication et l’échange de documents s’effectuent grâce à des moyens électroniques, dans le respect de la protection des données et de la vie privée et sans que les droits procéduraux des parties s’en trouvent lésés de quelque manière que ce soit. À cette fin, le système devra prévoir une structure décentralisée, permettant une communication directe entre ses utilisateurs finaux.

3.2.3.

La proposition encourage le recours à des moyens modernes d’obtention des preuves, comme la vidéoconférence, lorsqu’il est nécessaire d’entendre une personne qui se trouve dans un autre État membre. Elle s’efforce de garantir un recours plus approprié, fréquent et rapide à l’obtention directe de preuves durant l’audition d’un témoin ou d’un expert ou l’interrogatoire d’une partie lorsque les personnes concernées sont domiciliées dans un autre pays de l’Union.

3.2.4.

La proposition supprime les obstacles juridiques à l’acceptation de preuves électroniques (numériques). Elle prévoit la reconnaissance mutuelle desdites preuves numériques. Il en résultera une réduction de la charge administrative qui pèse sur les citoyens et sur les entreprises dans les procédures, mais aussi un resserrement de l’éventail des cas où les preuves électroniques sont rejetées.

3.2.5.

Le texte propose de résoudre la question des interprétations divergentes du terme «juridiction», lequel, actuellement, n’est pas défini dans le règlement sur l’obtention des preuves. La proposition veut lever les incertitudes en la matière.

3.2.6.

La proposition présente une cohérence avec d’autres instruments existants de l’Union dans le domaine de la coopération judiciaire en matière civile et ne fait pas obstacle à l’échange d’informations que les autorités peuvent mener dans le cadre de la reconnaissance et de l’exécution des décisions, que ce soit en matière matrimoniale et dans le domaine de la responsabilité parentale (4), ou encore dans celui des obligations alimentaires (5), même lorsque ces informations ont une valeur probante, de sorte que l’autorité requérante est libre de choisir la méthode la plus appropriée.

3.2.7.

La proposition réglemente l’obtention de preuves par des agents diplomatiques ou consulaires d’un État membre sur le territoire d’un autre pays de l’Union et à l’intérieur de la zone dans laquelle ils exercent leur fonction, sans qu’il soit nécessaire d’introduire une demande préalable auprès des instances centrales ou des autorités compétentes dudit pays.

3.2.8.

Pour assurer la reconnaissance mutuelle des preuves numériques, il convient qu’il ne soit pas possible que, lorsqu’elles ont été recueillies dans un État membre en conformité avec son ordre juridique, elles soient récusées comme éléments de preuve dans d’autres pays de l’Union du seul fait qu’elles sont de nature numérique.

3.2.9.

S’agissant d’introduire des modifications dans les formulaires types figurant dans les annexes ou de les mettre à jour, la proposition prévoit de donner délégation à la Commission au titre de l’article 290 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

3.3.   Le règlement sur la signification et la notification des actes

3.3.1.

Le règlement proposé vise essentiellement à établir des canaux uniformes pour la transmission d’actes d’un État membre à un autre aux fins de leur signification ou de leur notification dans cet autre pays de l’Union. À cette fin, l’expérience accumulée dans la mise en œuvre du règlement actuel et la jurisprudence émise en la matière par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) se sont avérées particulièrement utiles.

3.3.1.1.

Même si son champ d’application est modifié, le libellé actuel de la disposition relative aux actes extrajudiciaires reste inchangé. En ce qui concerne les actes judiciaires, en revanche, le règlement s’appliquera dans toutes les situations où le domicile du destinataire se trouve dans un autre État membre.

3.3.1.2.

Cette nouvelle norme, en vertu de laquelle tous les cas de signification et de notification d’actes à des destinataires domiciliés dans un autre État membre sont obligatoirement intégrés dans le champ d’application du règlement, ne s’applique qu’à la signification et à la notification des actes introductifs d’instance ou de la demande concernée. En ce qui concerne les cas ultérieurs de signification ou de notification d’actes judiciaires dans le cadre d’une procédure judiciaire, la protection supplémentaire est moins justifiée.

3.4.

La communication et l’échange d’actes entre les autorités d’origine et celles qui sont requises doivent s’effectuer par voie électronique, au moyen d’un système informatique décentralisé qui est constitué de systèmes informatiques nationaux reliés entre eux par une infrastructure de communication sûre et fiable, étant entendu que la possibilité est ménagée de recourir à des canaux de communication substitutifs, de type traditionnel, en cas de perturbation imprévue et exceptionnelle de ce dispositif informatique.

3.5.

Il est prescrit que les États membres sont tenus de fournir une assistance en vue de localiser le lieu où se trouve un destinataire dans un autre État membre, par les moyens suivants:

l’assistance judiciaire par l’intermédiaire d’autorités désignées par les États membres,

la fourniture d’un accès aux registres publics de la population au moyen du portail e-Justice,

la communication, par le portail e-Justice, d’informations détaillées sur les outils disponibles pour localiser les personnes sur leur territoire.

3.6.

Une partie à une procédure résidant dans un autre État membre que celui où elle a été ouverte peut être tenue de désigner un représentant dans ce dernier pays en vue de la signification ou de la notification des actes afférents.

3.7.

Le texte apporte une amélioration dans la procédure, concernant le droit du destinataire de refuser de recevoir l’acte s’il n’est pas rédigé ou traduit dans une langue appropriée.

3.8.

La proposition oblige les prestataires de services postaux à utiliser une fiche de retour spécifique (accusé de réception) lors de la signification ou de la notification d’actes par voie postale au titre du règlement. Elle instaure également une règle minimale en ce qui concerne les personnes qu’il y a lieu de considérer comme des «destinataires de substitution», habilités à recevoir l’acte si le prestataire de services postaux ne peut le remettre au destinataire lui-même.

3.9.

La proposition instaure la signification ou notification électroniques des actes en tant que mode substitutif supplémentaire pour signifier ou notifier un acte au titre du règlement.

3.10.

Dans les cas où le défendeur ne comparaît pas, la proposition introduit deux innovations substantielles:

a)

la juridiction saisie de la procédure est tenue d’envoyer un message d’alerte sur le compte d’utilisateur disponible du défendeur non comparant au sujet de l’ouverture de la procédure ou de la décision rendue par défaut;

b)

un délai de deux ans suivant le prononcé de la décision rendue par défaut est prévu pour permettre le dépôt d’une requête exceptionnelle visant à un relevé de la forclusion résultant de l’expiration des délais de recours afin de contester la reconnaissance et l’exécution de cette décision dans un autre État membre.

4.   Observations générales

4.1.

Le CESE accueille favorablement les propositions de la Commission concernant la modification du règlement sur l’obtention des preuves et de celui relatif à la signification et à la notification des actes, car elles facilitent l’intégration judiciaire entre les États membres, en établissant, dans leur champ d’application respectifs, des procédures uniformes.

4.2.

Ces propositions contribuent l’une et l’autre à améliorer la coopération judiciaire au sein de l’Union européenne, sur la base du principe de la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires (article 81 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne), à renforcer l’espace de liberté, de sécurité et de justice (article 3, paragraphe 2, et article 67 de ce même traité) et à établir le marché intérieur (article 26).

4.3.

En bref, on peut affirmer que l’adoption et la mise en œuvre du cadre réglementaire proposé par la Commission devraient effectivement contribuer à éliminer divers obstacles invisibles qui ont une incidence négative directe sur la vie de tous les citoyens, qu’ils soient ressortissants des États membres de l’Union européenne ou résidents sur son territoire, ainsi que sur l’activité commerciale des entreprises qui y opèrent.

4.4.

Pour garantir l’accès à la justice et le droit à un procès équitable, il est indispensable que les dispositions prévues dans ces deux propositions s’appliquent aux affaires judiciaires qui ont des ramifications transfrontières et qu’elles soient mises en œuvre de manière efficace.

4.5.

Les propositions s’inscrivent également dans le fil de la stratégie pour le marché numérique en ce qui concerne l’administration en ligne et, en particulier, par rapport à la nécessité de prendre des mesures pour moderniser l’administration publique et parvenir à une interopérabilité transfrontière, de manière à faciliter ainsi l’interaction avec les citoyens.

4.6.

Ces mêmes propositions augmentent la sécurité juridique et, ce faisant, contribuent à épargner aux citoyens, aux entreprises et aux administrations publiques des retards et des coûts indus et à remédier aux lacunes touchant aux droits procéduraux des parties, puisqu’elles s’efforcent d’éviter, conformément au principe dit de l’«égalité des armes», que l’une d’entre elles ne soit pas pleinement à même de se défendre.

4.7.

Il convient de relever que la disposition concernant le recours aux actes délégués pour la mise à jour et la modification de l’annexe de chacune des deux propositions de règlement ne concorde pas avec la position défendue par le CESE en la matière (6), car il est envisagé que cette délégation ait une durée indéterminée, en contradiction avec l’exigence que l’adoption d’actes délégués s’effectue pour une période limitée dans le temps.

4.8.

La conviction du CESE est qu’en dernière analyse, il n’est pas possible de tirer parti des libertés offertes par le marché unique en l’absence d’un véritable espace judiciaire.

5.   Observations générales concernant le règlement sur l’obtention des preuves

5.1.

La proposition de modification du règlement sur l’obtention des preuves entend favoriser les communications électroniques entre les organes compétents concernés, au détriment du recours au papier, plus coûteux et plus lent, ainsi que faire utiliser les vidéoconférences pour réaliser des auditions dans un autre État membre, sans préjudice aucun pour les droits procéduraux des parties.

5.2.

Bien qu’elle suppose que les juridictions concernées agissent avec diligence et efficacité et qu’elles respectent scrupuleusement les principes de la coopération loyale et de la reconnaissance mutuelle, ce dernier étant invoqué expressément pour empêcher que la force probante des preuves numériques ne soit déniée, comme l’indiquent son quatrième considérant et son article 18 bis, la proposition ne prévoit aucune disposition pour les cas de refus opposé par la juridiction requise au motif:

de retard indu,

de non-motivation de la demande,

ou de motivation insuffisante.

En pratique, ces cas de figure équivalent à rendre impossible l’accès à un recours effectif en justice; aussi conviendrait-il de chercher une solution pour éviter leur occurrence.

5.2.1.

Cet élément a sa pertinence dans l’état actuel du droit de l’Union européenne, où il serait possible de considérer que les États membres commettent une violation grave des obligations qu’il impose du simple fait que dans une affaire dont elle a à connaître, une juridiction tenue d’adresser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne refuse de le faire (7).

5.2.2.

Il existe bien des situations dans lesquelles la juridiction requise peut porter gravement atteinte aux droits des justiciables si elle ne coopère pas avec la diligence voulue, en particulier en matière de tutelle conservatoire, en invoquant des considérations de souveraineté ou de sécurité nationales, d’ordre public, ou d’autres motifs, au titre de l’article 4, paragraphe 2, du traité sur l’Union européenne, ou quand surgissent des divergences dues à des différences entre les pratiques des États membres en matière procédurale.

5.2.3.

C’est une telle situation qui se produit, par exemple, en ce qui concerne la «divulgation avant jugement des éléments de preuve disponibles», étant donné que l’article 23 de la convention de La Haye du 18 mars 1970 sur l’obtention des preuves à l’étranger en matière civile ou commerciale autorise les États contractants à instaurer une réserve de souveraineté pour refuser les commissions rogatoires émises dans la phase préliminaire de la procédure, après l’introduction de la demande mais avant le début du procès.

5.2.4.

Bien qu’il n’aborde pas expressément cette question, le règlement (CE) no 1206/2001 l’exclut de son champ d’application, comme il ressort de la déclaration du Conseil de l’Union européenne 54/01 du 4 juillet 2001 (document 10571/01, p. 1).

5.2.5.

Dans certaines occasions, les retards indus peuvent avoir pour origine que les juridictions requises ne possèdent pas les qualifications techniques suffisantes ou que les infrastructures technologiques fonctionnent mal. Pour éviter pareilles situations ou les éliminer autant que faire se peut, la proposition devrait instaurer une disposition, d’une nature ou d’une autre, qui exigerait que les États membres garantissent que leurs juridictions soient mises à niveau au point de vue numérique et que leurs infrastructures technologiques soient adéquates.

5.3.

Il conviendrait par ailleurs de préciser certaines des dispositions de la proposition de règlement. L’article 1er, paragraphe 4, par exemple, définit la notion de «juridiction» de manière restrictive, en posant qu’il s’agit de «de toute autorité judiciaire d’un État membre qui est compétente pour procéder à des actes d’instruction conformément au présent règlement».

5.3.1.

Bien qu’elle puisse englober les officiers publics, comme les notaires, cette définition exclut les instances arbitrales de nature privée, que leurs activités d’arbitrage se situent dans le domaine de l’investissement, des échanges commerciaux ou de la consommation, ou encore de quelque autre matière que ce soit.

5.3.2.

Ce faisant, la proposition de règlement ignore toute l’importance que revêtent les instances arbitrales dans l’activité de commerce et dans l’économie des États membres comme des pays tiers.

5.3.3.

En ce qui concerne ces États hors Union européenne, on peut être confronté à des situations de litispendance ou à des difficultés qui, touchant à l’exécution des décisions par les juridictions, par exemple du fait d’une injonction interdisant l’action judiciaire, pourront susciter une insécurité juridique.

5.3.4.

Cette définition restrictive de la notion de «juridiction» concorde assurément avec la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, qui refuse habituellement de reconnaître pour telles les instances arbitrales de nature privée (8).

5.3.5.

Le CESE est d’avis qu’une application automatique de cette jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne au domaine qu’examine le présent avis pourrait déboucher sur des situations de non-reconnaissance des décisions des tribunaux arbitraux ou de refus de coopération de la part de la juridiction requise, où l’on pourrait en arriver, dans certains cas, à ce que les intéressés soient privés de défense.

5.3.6.

Il convient toutefois d’exclure de cette appréciation les dispositions d’arbitrage entre un investisseur et un État qui sont prévues dans les traités bilatéraux sur les investissements, étant donné qu’elles sont incompatibles avec le droit de l’Union et sont dépourvues d’effets juridiques, car elles sont illégales, dans la mesure où elles entrent en contradiction avec les règles du marché unique et introduisent une discrimination entre les acteurs qui investissent dans l’Union européenne, dans les termes énoncés par la jurisprudence la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt «Achmea» (9).

5.4.

L’article 17 ter, quant à lui, octroie aux agents diplomatiques ou consulaires d’un État membre la faculté de procéder, sur le territoire d’un autre où ils sont accrédités, à un acte d’instruction sans qu’ils aient besoin d’introduire une demande préalable à cette fin. Cette habilitation est limitée à l’audition ou à l’interrogatoire volontaire de ressortissants de l’État membre qu’ils représentent, dans le cadre d’une procédure pendante devant une juridiction de ce pays.

5.5.

Il serait judicieux de prévoir la possibilité que les missions d’assistance judiciaire que la proposition prévoit d’assigner à ces fonctionnaires puissent être élargies, de manière à épouser les réalités actuelles de l’Union européenne, en particulier dans le domaine de la liberté de circulation et de séjour des ressortissants des États membres et d’établissement de leurs entreprises. En conséquence, l’exercice d’actes d’instruction par ces intervenants pourrait être étendue aux étrangers, toujours sans qu’ils doivent solliciter une autorisation préalable, ou aux propres ressortissants de l’État où ils sont accrédités, s’il le permet.

5.6.

Un élément qui apparaît revêtir la plus haute importance, et le CESE partage cette analyse, réside dans la nécessité d’établir que dans une demande de signification ou de notification d’un acte judiciaire ou extrajudiciaire, il soit obligatoire que l’État membre requis apporte à celui qui l’a émise une assistance pour rechercher l’adresse de la personne à qui il doit être signifié ou notifié, dans le cas où son domicile n’est pas connu.

5.7.

Par ailleurs, dans le contexte de la proposition à l’examen, il faut tenir compte du programme de l’Union européenne en matière de justice à l’horizon 2020, qui s’attelle à renforcer les droits fondamentaux, y compris ceux qui ont trait aux procédures civiles.

5.8.

De ce point de vue, les mesures de la proposition en matière de numérisation respectent bien les impératifs de la protection des données et de la vie privée en ce qui concerne le système prévu pour les échanges électroniques entre les juridictions concernées, par exemple en établissant un ensemble prédéfini d’utilisateurs du système, qui se compose des seules juridictions et autorités judiciaires des États membres.

5.9.

Néanmoins, alors que l’on suppute que les attaques contre ces infrastructures électroniques devraient se multiplier à l’avenir, ce risque étant susceptible de s’accroître avec l’interconnexion entre les systèmes informatiques concernés, aucune disposition n’est prévue pour définir comment les responsabilités seront imputées si des cyberattaques, ou des défaillances ou pannes du dispositif informatique devaient déboucher sur la divulgation d’informations sensibles, voire la destruction d’éléments de preuve dans une procédure.

5.10.

De telles éventualités peuvent aboutir à léser gravement les droits du justiciable sans qu’il soit prévu de moyen d’engager la responsabilité des acteurs qui sont responsables de ces atteintes, et, pour peu qu’ils invoquent l’existence d’un cas de force majeure, il se pourra même qu’il ait à supporter lui-même les conséquences de cette défaillance.

6.   Observations générales concernant la proposition de règlement sur la signification ou la notification des actes

6.1.

Le CESE considère que la proposition de règlement sur la signification ou la notification des actes aura pour effet d’améliorer et d’accélérer les procédures judiciaires, étant donné que les mécanismes de coopération utilisés pour les signifier ou les notifier gagneront en simplicité et en rapidité. De ce fait, elle aboutira à une meilleure administration de la justice dans les affaires à incidences transfrontières, renforcera les droits des parties dans les procédures civiles et instaurera une plus grande confiance mutuelle entre les systèmes judiciaires des États membres.

6.2.

En instaurant l’obligation que la notification des actes s’effectue par des moyens électroniques, la proposition vise à en finir avec la lenteur de cette communication ou sa fréquente non-exécution dans les délais fixés, du fait que ce sont les entités compétentes qui transmettent les documents. De même, elle renforce les droits de la défense dont dispose le destinataire, grâce à diverses interventions spécifiques desdites entités face à l’incertitude qui résulte du refus d’accepter un document ou dans les situations de décisions rendues par défaut.

6.3.

Il convient de relever que la proposition à l’examen ménage une large marge d’appréciation, tant subjective que matérielle, en ce qui concerne son application, puisqu’elle couvre toutes les personnes, tant physiques que morales, et inclut donc tous les acteurs commerciaux, y compris, en conséquence, les microentreprises, et qu’elle n’admet pour exceptions que celles qui sont expressément fixées, en vertu de l’article 1er, paragraphes 1 et 3.

Il y aurait lieu d’aligner toutes les versions linguistiques du règlement proposé, afin de faire clairement apparaître qu’il ne s’applique pas seulement à l’acte qui lance la procédure mais bien à tous les documents judiciaires au titre de la procédure.

6.4.

Le CESE approuve les garanties et sauvegardes qui sont prévues en ce qui concerne le «refus de réception d’acte» que peut opposer son destinataire, ainsi que l’obligation qui s’impose à l’entité requise de l’informer à cet égard. D’un autre côté, pour équilibrer dûment les droits des parties à la procédure, il est nécessaire que le défendeur ait pleinement connaissance de l’acte introductif d’instance: il apparaît donc opportun que le régime linguistique prévu comporte une langue que le destinataire comprend ou une de celles qui ont statut officiel à l’endroit où s’effectue la signification ou la notification.

6.5.

Le CESE juge appropriée la disposition prévue concernant les moyens complémentaires qui sont établis pour signifier ou notifier des actes par la voie postale, tout comme la signification réalisée par l’entremise directe d’officiers ministériels, de fonctionnaires ou d’autres personnes compétentes de l’État membre requis, ainsi que cette même signification ou notification sous forme électronique.

6.6.

Dans tous les cas, le point qui importe consiste à préserver et garantir l’intégrité et la finalité de l’acte visé, qu’il soit judiciaire ou extrajudiciaire.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Règlement (CE) no 1206/2001 du Conseil du 28 mai 2001 (JO L 174 du 27.6.2001, p. 1).

(2)  Règlement (CE) no 1393/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 abrogeant le règlement (CE) no 1348/2000 (JO L 324 du 10.12.2007, p. 79).

(3)  En vertu de l’accord dit «parallèle» conclu avec le Danemark (JO L 300 du 17.11.2005, p. 55). Conformément à l’article 3 du protocole no 21 du traité, le Royaume-Uni et l’Irlande, pour leur part, ont exprimé leur souhait d’être parties prenantes de l’adoption et de la mise en œuvre de ces deux règlements.

(4)  Règlement (CE) no 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 (JO L 338 du 23.12.2003, p. 1).

(5)  Règlement (CE) no 4/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 (JO L 7 du 10.1.2009, p. 1).

(6)  JO C 288 du 31.8.2017, p. 29; JO C 345 du 13.10.2017, p. 67.

(7)  Voir les conclusions de l’avocat général Wathelet dans l’affaire C-416/17, Commission européenne contre la République française, points 95 à 103.

(8)  Voir, par exemple, les affaires suivantes: Nordsee 102/81 (1982), points 10 à 13; Eco Swiss, C-126/97 (1999), point 34; Denuit et Cordier, C-125/04 (2005), point 13, Gazprom, C-536/13 (2015), point 36; Achmea, C-284/16 (2018), points 45 à 49, etc.

(9)  Arrêt «Achmea», rendu le 6 mars 2018 dans l’affaire C-284/16 (ECLI:EU:C:2018:158).


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/63


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le programme de l’Union en matière de lutte contre la fraude»

[COM(2018) 386 final — 2018/0211 (COD)]

(2019/C 62/10)

Rapporteur:

Giuseppe GUERINI

Consultation

Commission, 18.6.2018

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section spécialisée

2.10.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

193/0/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) soutient la proposition de la Commission européenne établissant le nouveau programme en matière de lutte contre la fraude visant à protéger les intérêts financiers de l’Union et à assurer l’assistance administrative mutuelle entre les autorités douanières des États membres.

1.2.

Il est positif que le nouveau programme de lutte contre la fraude prenne pour point de départ le programme précédent, Hercule III, en cherchant à en améliorer les résultats à la lumière de l’expérience pratique qui a été acquise depuis, au regard notamment d’une analyse plus fine des données disponibles et dans le cadre d’une combinaison efficace entre le système Hercule et les systèmes AFIS et IMS.

1.3.

Le CESE souhaite que l’Union européenne encourage des dispositifs de coopération internationale en matière de lutte contre la fraude, afin d’opposer une réponse efficace et coordonnée à des phénomènes qui dépassent désormais les frontières des États, et même celles des continents, et qui nécessitent de développer des méthodes efficaces de collaboration à l’échelle mondiale entre les diverses autorités compétentes.

1.4.

Le CESE recommande à la Commission de prévoir des investissements suffisants dans les nouvelles technologies de lutte contre la fraude, à commencer par l’intelligence artificielle qui pourrait apporter d’importantes améliorations aux mesures de lutte contre les activités illégales.

1.5.

Ces investissements devront être accompagnés d’une action de formation appropriée à destination du personnel concerné des autorités publiques participant à la lutte contre la fraude. Il est essentiel que l’actualisation des pratiques au regard de l’évolution des trafics illicites associe concrètement l’utilisation des nouvelles technologies à une formation adaptée des personnes participant à cette lutte.

1.6.

Compte tenu de l’importance stratégique que revêtent les technologies pour les mesures de lutte contre la fraude, le CESE suggère d’ajouter, en sus des indicateurs des résultats proposés par la Commission, d’autres indicateurs permettant d’évaluer la progression de la capacité des autorités fiscales à adopter de nouvelles technologies numériques et en lien avec l’intelligence artificielle au service de la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts de l’Union.

1.7.

Sur le plan politique, le CESE estime que la lutte contre la fraude pourrait être mieux conduite par les institutions européennes grâce notamment à des efforts supplémentaires en matière d’harmonisation des règles fiscales et juridiques applicables aux différentes juridictions nationales. Il est en effet possible que de trop grandes disparités entre les dispositions fiscales et juridiques des différents États membres dans le marché intérieur encouragent des pratiques illicites visant à mettre à profit les divergences réglementaires actuelles [par exemple la fraude carrousel à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA)], pratiques qui peuvent, directement ou indirectement, porter préjudice au budget de l’Union ou, de manière plus générale, enrayer la consolidation du marché unique européen.

2.   Proposition de la Commission

2.1.

L’actuel système de lutte contre la fraude portant atteinte au budget de l’Union européenne comprend les mesures suivantes: i) le programme de dépenses Hercule III en matière de lutte contre la fraude, la corruption et toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union; ii) le système d’information antifraude (AFIS), qui porte sur une série d’applications informatiques douanières gérées par la Commission conformément au règlement (CE) no 515/97; iii) le système de gestion des irrégularités (IMS), qui est un outil de communication électronique aidant les États membres à remplir leur obligation de notifier les irrégularités décelées.

2.2.

Le nouveau programme de l’Union en matière de lutte contre la fraude, qui fait l’objet du présent avis, reprendra en grande partie le précédent programme, Hercule III, avec quelques améliorations telles que la possibilité de financer de nouvelles initiatives (concernant l’analyse des données, par exemple) et une meilleure combinaison avec l’AFIS et l’IMS.

2.3.

Le programme en matière de lutte contre la fraude poursuit deux objectifs généraux: i) protéger les intérêts financiers de l’Union européenne; ii) soutenir l’assistance mutuelle entre les autorités administratives des États membres et la collaboration entre celles-ci et la Commission en vue d’assurer la bonne application des réglementations douanière et agricole.

2.4.

Le programme prévoit en outre trois objectifs spécifiques, directement liés aux objectifs généraux: i) prévenir et combattre la fraude, la corruption et toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union; ii) encourager la notification des irrégularités, y compris la fraude, en ce qui concerne la gestion partagée et les fonds d’aide de préadhésion du budget de l’Union; iii) fournir des outils pour l’échange d’informations et une aide pour les activités dans le domaine de l’assistance administrative mutuelle en matière douanière et agricole.

2.5.

La dotation financière du programme pour la période 2021-2027 s’élève à 181,207 millions d’EUR et se répartit comme suit: i) 114,207 millions d’EUR pour prévenir et combattre la fraude, la corruption et toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union; ii) 7 millions d’EUR pour encourager la notification des irrégularités, y compris la fraude, en ce qui concerne la gestion partagée et les fonds d’aide de préadhésion du budget de l’Union; iii) 60 millions d’EUR pour fournir des outils pour l’échange d’informations et une aide pour les activités opérationnelles dans le domaine de l’assistance administrative mutuelle en matière douanière et agricole.

2.6.

La mise en œuvre du nouveau programme interviendra dans un contexte réglementaire nouveau et caractérisé par d’importants changements liés, en particulier, à la création du Parquet européen, appelé à assumer un rôle important et, espérons-le, efficace, instance qui, en combinaison avec la mise en œuvre de la directive (UE) 2017/1371 relative à la lutte contre la fraude au moyen du droit pénal, devrait permettre de mieux protéger les intérêts financiers de l’Union et des citoyens européens.

2.7.

Le règlement établissant le programme de lutte contre la fraude a été élaboré à la suite d’une consultation des parties intéressées menée par la Commission, en tenant compte notamment des observations et suggestions formulées par un groupe d’experts, et il repose sur une base juridique solide dans les traités (articles 325 et 33 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne).

3.   Observations générales et particulières

3.1.

Le CESE soutient pleinement la proposition de la Commission européenne établissant le nouveau programme en matière de lutte contre la fraude visant à protéger les intérêts financiers de l’Union et à assurer l’assistance administrative mutuelle entre les autorités douanières des États membres.

3.2.

Il est essentiel de mettre en œuvre les articles 325 et 33 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne au moyen d’instruments adaptés et d’une coordination appropriée entre les autorités nationales et européennes, comme l’ont démontré les mesures adoptées ces dernières années, qui ont permis de recouvrer des sommes importantes au profit du budget de l’Union, même si la Commission fait observer qu’il est difficile d’estimer précisément les montants recouvrés.

3.3.

La mondialisation des marchés, la mobilité croissante des marchandises et des personnes ainsi que la diffusion toujours plus large de nouvelles technologies de communication favorisent une croissance exponentielle des transactions transfrontières et du commerce sur les plateformes numériques. Cette situation offre d’importantes opportunités de croissance et de développement des marchés, mais elle exige aussi de mettre rapidement et constamment à jour les techniques de contrôle des activités illégales ainsi que les règles en matière de lutte contre la fraude et les diverses formes de contournement des contrôles douaniers.

3.4.

Il est donc essentiel d’actualiser la réponse que les autorités publiques apportent aux formes sans cesse plus sophistiquées que revêt la fraude, tant pour ce qui concerne l’efficacité du contrôle de l’application des règles que du point de vue de la technologie et de la collaboration effective entre les diverses autorités nationales, dont l’action doit être coordonnée et complémentaire.

3.5.

La nature transnationale de la fraude et la facilité croissante avec laquelle se développent rapidement des pratiques illégales avec le concours de la technologie — l’on citera par exemple la facilité avec laquelle les capitaux tirés d’activités illégales peuvent être transférés — nécessitent de mettre au point des formes de collaboration sans cesse plus étroite entre les autorités au niveau mondial. Le CESE souhaite que l’Union européenne encourage des dispositifs de coopération internationale en matière de lutte contre la fraude, afin d’opposer une réponse efficace et coordonnée à des phénomènes qui dépassent désormais les frontières des États ou des continents.

3.6.

Il est positif que le nouveau programme de lutte contre la fraude prenne pour point de départ le programme Hercule III, en cherchant à améliorer les résultats obtenus précédemment à la lumière de l’expérience pratique qui a été acquise depuis, au regard notamment d’une analyse plus fine et plus précise des données disponibles et dans le cadre d’une combinaison efficace entre le système Hercule et les systèmes AFIS et IMS.

3.7.

Aujourd’hui, grâce à l’union douanière qui relève de la compétence exclusive de l’Union en vertu de l’article 3 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, d’importants résultats ont été obtenus sur le plan de l’harmonisation des règles, de l’efficacité des contrôles et du caractère dissuasif des sanctions. Il importe de compléter ces résultats par une protection efficace des intérêts financiers de l’Union, ce qui suppose notamment de continuer d’œuvrer toujours plus activement au renforcement de la coopération douanière entre les États membres, en concertation étroite avec la Commission.

3.8.

Le nouveau programme de lutte contre la fraude renforcera également les actions visant à combattre les activités illégales portant atteinte aux intérêts de l’Union, y compris par des mesures qui simplifieront et accéléreront les procédures de contrôle, grâce à l’introduction de nouvelles technologies en lien avec les opérations douanières. À cet égard, le CESE recommande de prévoir des investissements suffisants dans les nouvelles technologies de lutte contre la fraude, à commencer par l’intelligence artificielle dont il y a lieu de penser qu’elle pourrait ouvrir d’importantes possibilités pour améliorer l’action des autorités publiques.

3.9.

Ces investissements devront être accompagnés d’une action de formation appropriée à destination du personnel concerné des autorités publiques participant à la lutte contre la fraude. Il est essentiel que l’actualisation des pratiques au regard de l’évolution des trafics illicites associe concrètement l’utilisation des nouvelles technologies à une formation adaptée des personnes participant à la lutte contre la fraude et les activités illégales, qui devraient prendre part de manière systématique à des actions de formation, de perfectionnement et de mise à jour en fonction de l’évolution des technologies de lutte contre les activités illégales.

3.10.

Le CESE souscrit aux objectifs généraux et spécifiques fixés par le nouveau programme en matière de lutte contre la fraude, mais il propose d’introduire un nouvel objectif spécifique relatif à la lutte contre la fraude douanière, la corruption et les activités illégales menées au moyen de canaux informatiques et à l’aide des nouvelles technologies, afin de développer une politique douanière de lutte contre la fraude numérique.

3.11.

Il importe de souligner que l’ajustement de la politique douanière et des politiques de lutte contre la fraude sur le plan technologique ne consiste pas seulement à adapter les instruments et les moyens physiques mis à la disposition des autorités du secteur, mais qu’il doit s’inscrire dans une véritable stratégie spécifique, portant sur le long terme et reposant sur des objectifs, des finalités et des méthodologies précisément définis.

3.12.

La Commission n’a pas estimé nécessaire de réaliser une analyse d’impact préalable dans la mesure où le nouveau programme en matière de lutte contre la fraude consiste en grande partie à poursuivre un programme antérieur, lequel a déjà fait l’objet d’évaluations ex post (1) qui l’ont jugé efficace. S’il comprend le choix de ne pas effectuer d’analyse d’impact préalable et part du principe que les évaluations ex post invoquées par la Commission sont satisfaisantes, le CESE juge important que les politiques visant à prévenir et à combattre la fraude dans l’Union soient fondées sur des données concrètes et vérifiables. En l’absence d’une analyse d’impact en amont, il est dès lors indispensable que le nouveau programme de lutte contre la fraude soit étayé par un effort constant de suivi, d’évaluation et d’information permettant d’apprécier effectivement l’état des lieux et les progrès obtenus au fil du temps.

3.13.

Le CESE approuve la création de trois indicateurs pour vérifier la réalisation des objectifs spécifiques fixés par le nouveau programme en matière de lutte contre la fraude, à savoir: i) le taux de satisfaction des utilisateurs et le pourcentage d’États membres bénéficiant d’un soutien en vue de prévenir et de combattre la fraude, la corruption et toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union; ii) le taux de satisfaction des utilisateurs qui recourent au système de gestion des irrégularités; iii) le volume d’informations liées à l’assistance mutuelle mises à disposition et le nombre d’activités liées à l’assistance mutuelle bénéficiant d’un soutien.

3.14.

En conséquence de la demande qu’il a formulée plus haut, d’ajouter un objectif spécifique relatif à la nécessité de mettre en œuvre une stratégie douanière de lutte contre la fraude pour l’économie numérique, le CESE suggère d’introduire également des indicateurs permettant d’évaluer la progression de la capacité des autorités fiscales à adopter de nouvelles technologies numériques et en lien avec l’intelligence artificielle au service de la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts de l’Union.

3.15.

Pour le bon fonctionnement du programme en matière de lutte contre la fraude, il importe que les mesures qui sont prises soient soutenues par des moyens financiers suffisants. Le CESE approuve donc la proposition de la Commission prévoyant de mettre en œuvre le programme sous un régime de gestion directe, avec également un dispositif de gestion indirecte.

3.16.

Le CESE approuve la possibilité de financer au bénéfice des États membres les coûts d’installation et de maintenance des infrastructures techniques, ainsi que les ressources logistiques, bureautiques et informatiques nécessaires à la coordination des opérations douanières conjointes et d’autres activités opérationnelles, proposition qu’il juge cohérente au regard de l’approche globale du règlement sur le nouveau programme de lutte contre la fraude. Suivant le même raisonnement, le CESE approuve aussi la possibilité de financer les dépenses liées à l’acquisition, à l’étude, au développement et à la maintenance de l’infrastructure informatique, des logiciels et des connexions de réseaux spécialisés pour prévenir et combattre la fraude.

3.17.

À la lumière du paragraphe précèdent, le CESE encourage la Commission à rendre effectifs et contraignants les mécanismes de coordination nécessaires pour garantir l’efficacité et l’interopérabilité de tous les équipements acquis avec le soutien des ressources financières de l’Union, afin de poursuivre et de concrétiser une lutte toujours plus efficace et coordonnée contre la fraude et les activités illégales portant préjudice au budget de l’Union.

3.18.

Sur le plan politique, le CESE estime que la lutte contre la fraude pourrait être conduite par les institutions européennes grâce notamment à des efforts supplémentaires en matière d’harmonisation des règles fiscales et juridiques applicables dans le marché intérieur. Il est en effet possible que de trop grandes disparités entre les dispositions fiscales et juridiques des différents États membres dans le marché intérieur puissent encourager des pratiques illicites visant à mettre à profit les divergences réglementaires actuelles (par exemple la fraude carrousel à la TVA), pratiques qui peuvent, directement ou indirectement, porter préjudice au budget de l’Union ou, de manière plus générale, enrayer la consolidation du marché unique européen.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Voir l’évaluation des programmes Hercule II (2007-2013) et Hercule III (2014-2017).


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/67


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant création, dans le cadre du Fonds pour la gestion intégrée des frontières, de l’instrument de soutien financier relatif aux équipements de contrôle douanier»

[COM(2018) 474 final — 2018/0258 (COD)]

(2019/C 62/11)

Rapporteur:

Antonello PEZZINI

Consultation

Parlement européen, 2.7.2018

Conseil, 4.7.2018

Base juridique

Article 114, paragraphe 1, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section spécialisée

2.10.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

200/0/5

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) estime que, face aux problèmes croissants liés au contrôle des frontières extérieures de l’Union, il est indispensable de mettre en place un système qui soit à même de concilier, d’une part, la protection des individus et la sécurité des frontières, et d’autre part, des échanges commerciaux fructueux avec les pays tiers.

1.2.

Il s’agit là d’un des grands défis que doit relever l’Union européenne, et le CESE estime que le paquet «gestion des frontières», élaboré pour le prochain budget pluriannuel de l’Union européenne, constitue un premier pas positif sur cette voie.

1.3.

Le CESE juge essentiel d’assurer à l’Union des niveaux élevés de qualité et d’innovation des équipements douaniers, en vue de défendre au mieux la culture sociale ainsi que les intérêts sociaux, environnementaux, économiques et financiers des États membres concrétisés sous les formes suivantes:

la lutte, jusqu’à présent inefficace, contre le commerce illicite,

la rationalisation et la simplification des pratiques du commerce légitime,

la préservation de la sécurité du marché intérieur de l’Union européenne,

la protection de l’environnement et de la santé des citoyens,

le respect des droits fondamentaux du travail,

la protection des intérêts des consommateurs,

la gestion optimale des risques en matière douanière,

la perception de droits de douane.

1.4.

Le Comité estime en outre qu’il est important pour le nouvel instrument:

d’octroyer une priorité à l’équipement des frontières qui sont soumises aux plus fortes pressions en matière de contrôle, telles les frontières maritimes,

d’accélérer les travaux des équipes d’évaluation agissant dans ce domaine (1),

de garantir une répartition géographique équitable,

de respecter la proportionnalité, liée aux flux de marchandises et de personnes, en synergie avec le Fonds pour la sécurité.

1.5.

Le Comité se félicite de l’effort de la Commission, qui vise à la fois à améliorer les contrôles aux frontières de l’Union européenne et à renforcer les fonds et les instruments nécessaires, en vue d’assurer des contrôles douaniers novateurs et de qualité ainsi qu’une application, si possible uniforme, de la législation douanière telle qu’elle est appliquée dans les bureaux opérant aux frontières extérieures (2).

1.6.

Le Comité juge que la dotation financière du nouvel instrument est insuffisante par rapport aux objectifs qu’il poursuit, lesquels devraient en outre inclure les équipements de contrôle de la sécurité phytosanitaire et les instruments de spectrographie avancée des conteneurs de marchandises (3).

1.7.

En outre, le Comité estime important de garantir le plus rapidement possible la fourniture d’équipements aux postes-frontières qui subissent les plus fortes pressions de contrôle, notamment aux frontières maritimes; c’est à eux qu’il faut donner la priorité dans l’attribution des subventions. Il serait par ailleurs souhaitable que le nouvel instrument prévoie la constitution d’une réserve d’intervention rapide pour le déploiement de nouveaux équipements innovants, assortie de la possibilité de réviser, dans le même temps, la liste des équipements déjà admis.

1.8.

Le CESE demande que soit assurée la plus grande transparence aux programmes annuels de travail et aux mécanismes d’attribution des subventions (4), gérées directement par la Commission.

1.9.

Le CESE recommande une coordination étroite, en particulier avec le programme Douane, dont l’objectif est de financer une série complète d’infrastructures et de systèmes informatiques, et notamment la numérisation des interactions entre les opérateurs commerciaux et les douanes, grâce à Horizon Europe et d’autres fonds concernés.

1.10.

Le Comité demande que lui soit présenté le rapport à moyen terme sur les réalisations et le fonctionnement du nouvel instrument, accompagné d’une analyse fondée sur des indicateurs qualitatifs et quantitatifs.

1.11.

L’idée de développer, dans les délais appropriés, une base linguistique commune sur les thèmes récurrents dans le langage des bureaux de douane, par analogie avec ce qui existe pour les contrôleurs aériens, rendrait plus facile la mise en œuvre, tant espérée, d’un système douanier européen unique et homogène.

1.11.1.

Le CESE recommande de rapidement mettre à jour la panoplie des équipements douaniers de manière à pouvoir suivre au plus près l’évolution de l’internet des objets, de la cybersécurité, de la traçabilité numérique et des applications technologiques les plus avancées, ainsi que pour accélérer leur déploiement et l’actualisation des formations visant à permettre leur utilisation.

1.11.2.

De même, il conviendrait de développer des cadres de formation communs (5) en s’appuyant sur le «Référentiel européen des compétences des métiers de la douane», qui vise à harmoniser et à rehausser les normes des performances douanières dans l’ensemble de l’Union européenne.

1.11.3.

Dans l’intervalle, il importe d’établir des normes et protocoles communs, au moyen d’un éventuel mandat conféré aux organismes européens de normalisation, pour accompagner les matériels et équipements subventionnés et destinés aux douanes.

2.   Introduction

2.1.

La proposition de la Commission pour le prochain budget 2021-2027 consiste à tripler les fonds consacrés à la gestion des frontières de l’Union, à savoir les fonds destinés au renforcement des frontières en vue d’améliorer la mobilité des biens, des services et des personnes, en ce y compris les migrants. La dotation financière devrait passer, selon la proposition de l’exécutif de l’Union européenne, de 13 milliards d’EUR actuellement à 34,9 milliards d’EUR.

2.2.

La Commission a l’intention de créer un nouveau fonds séparé pour la gestion intégrée des frontières. L’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) sera encore renforcée: elle sera dotée d’un nouveau corps permanent d’environ 10 000 gardes et de fonds supplémentaires pour améliorer les contrôles douaniers et renforcer les équipements de contrôle. L’Union européenne créera un nouveau Fonds pour la gestion intégrée des frontières (FGIF), pour un montant de plus de 9,3 milliards d’EUR.

2.2.1.

Ces investissements serviront à: renforcer Frontex; effectuer des contrôles systématiques aux frontières; mettre en œuvre des systèmes informatiques à large échelle et interopérables; concevoir un futur système qui régisse les entrées et les sorties aux frontières.

2.3.

Le nouveau fonds FGIF comprendrait deux instruments distincts. Le premier porterait sur la gestion intégrée des frontières et les visas, tandis que le second, doté de 1,3 milliard d’EUR pour la période 2021-2027, serait consacré aux équipements de contrôle douanier, l’objectif étant de contribuer à la réalisation de contrôles douaniers adéquats et équivalents aux différents postes-frontières.

2.3.1.

Ce dernier instrument est destiné à l’achat d’équipements en vue de contrôles douaniers modernes et fiables, à leur maintenance et à leur mise à niveau.

2.4.

Cinquante ans après son entrée en vigueur, le 1er juillet 1968, l’union douanière reste un pilier irremplaçable du marché unique, qui protège les frontières de l’Union européenne et les citoyens des marchandises interdites et dangereuses, comme les armes et les stupéfiants, et des produits de contrefaçon, en même temps qu’elle favorise une croissance constante de la part de l’Union dans les échanges commerciaux mondiaux, 16 % de ceux-ci ayant été traités par les bureaux de douane de l’Union en 2017.

2.5.

Pour assurer le bon fonctionnement de l’union douanière, les États membres de l’Union européenne s’appuient sur un ensemble commun de règles, fondé sur le code des douanes de l’Union. Ce code, a été adopté en 2013 et est appliqué depuis 2016 dans tous les États membres de l’Union. Depuis 2016, le code constitue le nouveau cadre juridique pour gérer l’importation, l’exportation, le transit et le stockage des marchandises qui circulent entre le territoire douanier de l’Union et les pays tiers.

2.5.1.

De plus, les douanes appliquent plus de 60 législations non strictement douanières relatives, entre autres:

aux biens à double usage, civil et militaire,

aux armes à feu,

aux précurseurs de drogue,

aux mouvements d’argent liquide,

aux droits de propriété intellectuelle,

à la santé publique,

à la sécurité des produits,

à la protection des consommateurs,

à la préservation des espèces sauvages,

à la protection de l’environnement.

2.6.

Le Comité a toujours considéré que «une union douanière efficace est une condition sine qua non du processus d’intégration européenne pour garantir une libre circulation des marchandises sûre et transparente, à même d’offrir une protection maximale des consommateurs et de l’environnement et de lutter contre la fraude et la contrefaçon de manière efficace et homogène sur l’ensemble du territoire de l’Union» (6).

2.7.

Le Comité a par ailleurs souligné la nécessité et l’importance «d’introduire des mesures de modernisation, telles que la simplification de la législation douanière et l’achèvement de l’informatisation interopérationnelle des services douaniers en vue d’assouplir les pratiques commerciales et de renforcer la coordination des activités de prévention et de répression» (7).

2.8.

En 2012 déjà, le Conseil s’était prononcé (8) sur la nécessité d’améliorer la gouvernance interne de l’union douanière et sur l’opportunité d’une coopération avec d’autres agences et avec le secteur privé, afin de fournir un meilleur service aux opérateurs. Par ailleurs, dans ses conclusions de juin 2014, il a recommandé d’améliorer l’évaluation des prestations, en indiquant quelques secteurs, et a demandé que soient élaborés des indicateurs de performance clés.

2.9.

Dans ses conclusions relatives au financement des douanes du 23 mars 2017, le Conseil a invité la Commission à «évaluer la possibilité de financer les besoins en équipements techniques au titre des futurs programmes financiers de la Commission» ainsi qu’à «améliorer la coordination et la coopération entre les autorités douanières et d’autres services répressifs à des fins de financement».

2.10.

Le Parlement européen, quant à lui, dans sa résolution du 7 avril 2017 (9), a fait observer que «l’efficacité des procédures douanières revêt une importance capitale non seulement pour la facilitation des échanges, mais aussi pour la mise en œuvre d’une législation efficace et appropriée en matière de lutte contre la contrefaçon et la contrebande de marchandises soumises à accises entrant sur le territoire de l’Union», et que «les services douaniers œuvrent à la charnière entre la protection de la libre circulation des biens, et donc la protection des consommateurs, au sein de l’Union et l’application des dispositions des accords commerciaux».

3.   Les propositions de la Commission

3.1.

Il est proposé, par voie de règlement, un nouvel instrument financier pour les équipements de contrôle douanier dans le cadre d’un Fonds pour la gestion intégrée des frontières (FGIF) émargeant à la ligne budgétaire «Gestion des migrations et des frontières», en vue de fournir un soutien renforcé aux États membres s’agissant d’assurer l’équivalence dans l’application des contrôles douaniers sur l’ensemble du territoire de l’union douanière, en corrigeant les déséquilibres existant entre les bureaux de douane situés dans les différents États membres.

3.2.

Le nouvel instrument de financement, doté d’une enveloppe de 1,3 milliard d’EUR pour la période 2021-2027, vise à couvrir les équipements douaniers destinées aux quatre types de frontières [terrestres, maritimes, aéroportuaires (10) et postales].

3.3.

Les financements seront mis à la disposition de tous les États membres et les besoins de chaque type de frontière seront évalués. L’équipe d’experts douaniers de la frontière terrestre est et sud-est (CELBET), qui regroupe les 11 États membres compétents pour les frontières terrestres de l’Union européenne, a déjà commencé ses travaux dans ce domaine, tandis que les travaux portant sur d’autres types de frontières débuteront bientôt, de sorte que les besoins des États puissent être évalués et que les fonds puissent être attribués dès que l’instrument entrera en vigueur, en 2021, pour les 27 États membres (11).

3.4.

Les objectifs énoncés devraient faire l’objet d’une coordination et d’une certitude juridique accrues ainsi que d’une plus grande efficacité et complémentarité, au moyen d’une approche centralisée et d’une gestion directe: sont prévues pour les États membres des subventions allant jusqu’à 80 % des coûts éligibles d’actions d’achat, de maintenance et de mise à niveau d’équipements de contrôle douanier, conformément à des normes prédéfinies, par type de frontière.

3.5.

L’instrument est étroitement lié au nouveau programme Douane (12), dont les instruments de collaboration serviront à l’évaluation des besoins s’agissant d’équipements innovants de contrôle douanier et, le cas échéant, à la formation «conjointe» (13) des personnels des douanes en vue d’une meilleure utilisation des équipements eux-mêmes.

4.   Observations générales

4.1.

Le CESE est fermement convaincu que, face aux défis croissants qui se posent en matière de contrôle aux frontières extérieures de l’Union, il est indispensable de mettre en œuvre un système efficace qui soit en mesure de concilier la protection des personnes, l’économie sociale de marché, la sécurité de la production et du commerce durables entre les États membres et les échanges avec les pays tiers.

4.2.

Le Comité apprécie l’effort déployé par la Commission européenne en vue de renforcer les fonds et les moyens d’action, dans le but de renforcer les contrôles aux frontières extérieures et d’assurer des contrôles douaniers novateurs et de qualité, dans le contexte du renforcement de l’union douanière.

4.3.

Le CESE juge cependant tout à fait insuffisante la dotation financière de 1,3 milliard d’EUR consacrée au nouvel instrument — soit environ 186 millions d’EUR par an — qui correspond à moins d’un trentième de l’enveloppe de 34,9 milliards d’EUR destinée de manière générale aux frontières et aux migrations pour la période 2021-2027.

4.4.

Le CESE estime également important:

d’octroyer une priorité à l’équipement des frontières qui sont soumises aux plus fortes pressions en matière de contrôle, telles les frontières maritimes,

d’accélérer les travaux des équipes d’évaluation agissant dans ce domaine (14),

de garantir une répartition géographique équitable,

de respecter la proportionnalité, liée aux flux de marchandises et de personnes, en complémentarité avec le Fonds pour la sécurité.

4.4.1.

Le CESE considère qu’il est essentiel de garantir des normes de qualité et d’innovation des équipements douaniers, afin de protéger au mieux la culture sociale et les intérêts économiques et financiers de l’Union et de ses États membres, par les moyens suivants:

la lutte, jusqu’à présent inefficace, contre le commerce illicite (15),

la rationalisation et la simplification des procédures liées au commerce licite,

la protection de la sécurité du marché intérieur de l’Union européenne,

la protection de l’environnement et de la santé des citoyens,

le respect des droits fondamentaux du travail,

la protection des consommateurs,

la gestion des risques,

la perception des droits de douane.

4.5.

Le CESE demande que soit assurée une diffusion maximale aux programmes annuels de travail et aux actions envisagées, de même qu’aux mécanismes d’attribution des subventions, gérées par la Commission, en favorisant la mutualisation des achats d’équipements, qui doivent être innovants (16).

4.6.

Le CESE recommande une coordination étroite avec le programme Douane, destiné à financer les infrastructures et systèmes informatiques, y compris la numérisation des interactions entre les opérateurs commerciaux et les douanes, et avec le programme Horizon, utile pour identifier les techniques innovantes en matière de contrôle douanier.

5.   Observations particulières

5.1.

Dès lors que plus de 200 millions d’EVP (17) sont déplacés chaque année, ce qui correspond à plus de 10 millions de conteneurs, il s’avère très difficile d’effectuer des contrôles ponctuels à de nombreux points de passage maritimes et routiers. Il serait dès lors opportun de réaliser des contrôles lorsque ces conteneurs sont en transit, au moyen d’une révision des matériaux de leur structure (18) qui permette une reconnaissance par des drones ou via le système Galileo.

5.2.

Il serait opportun de mettre à jour la Convention de Genève de 1972 et les normes ISO de 1967, lesquelles ont été établies avant les profondes évolutions intervenues au XXIe siècle, notamment l’essor de la mondialisation et du phénomène aujourd’hui préoccupant qu’est la contrefaçon (19).

5.3.

Il y a lieu de mettre à jour avec célérité la panoplie des équipements douaniers, de manière à pouvoir suivre au plus près l’évolution de l’internet des objets, de la cybersécurité, de la traçabilité numérique et des applications technologiques de plus en plus avancées, afin d’accélérer leur déploiement et de favoriser leur utilisation avisée, au moyen du «Référentiel européen des compétences des métiers de la douane» (20). À cet égard, il importe que le nouveau mécanisme de soutien financier prévoie la constitution d’une réserve d’intervention rapide en vue de la diffusion des équipements innovants, tout en révisant la liste des équipements admis.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  À l’heure actuelle, seuls 11 États membres ayant des frontières extérieures terrestres à l’est et au sud-est ont dressé le nécessaire inventaire des équipements et des types d’interventions et ont fixé les normes applicables à chaque catégorie.

(2)  Il s’agit de 2 140 bureaux de douane. Voir https://ec.europa.eu/info/publications/annual-activity-report-2016-taxation-and-customs-union_en

(3)  Très utile pour contrôler le contenu des innombrables conteneurs.

(4)  Les subventions qui dérogent au règlement financier sont attribuées aux États membres, qui deviennent propriétaires des matériels: article 7, article 10, paragraphe 2, article 195, point f), et article 197 du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du 18 juillet 2018.

(5)  Le Référentiel européen des compétences des métiers de la douane vise à harmoniser et à rehausser les normes des performances douanières dans l’ensemble de l’Union européenne. © Union européenne, 2015. Le Référentiel européen des compétences des métiers de la douane expose les composantes du référentiel des compétences des métiers de la douane dans l’Union européenne et présente l’approche utilisée pour la définition des compétences. Il explique également les raisons du choix de certaines compétences pour chaque section, et insiste particulièrement sur les critères utilisés pour définir la liste des compétences opérationnelles (par exemple, référence au code des douanes de l’Union, liens avec les compétences observées sur le terrain et objectifs axés sur l’avenir).

(6)  Voir JO C 229 du 31.7.2012, p. 68.

(7)  Ibidem, note 6.

(8)  Voir JO C 80 du 19.3.2013, p. 11.

(9)  Voir http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+REPORT+A8-2017-0162+0+DOC+XML+V0//FR

(10)  L’Union européenne compte environ 400 aéroports civils.

(11)  La proposition est présentée pour une Union de 27 États membres, conformément à la notification par le Royaume-Uni de son intention de se retirer de l’Union européenne et d’Euratom.

(12)  Voir le document COM(2018) 442 final, sur lequel le CESE a élaboré un avis distinct (INT/860) (voir page 45 du présent Journal officiel).

(13)  Voir l’extension du programme «Visites de travail».

(14)  À l’heure actuelle, seuls 11 États membres ayant des frontières extérieures terrestres à l’est et au sud-est ont dressé le nécessaire inventaire des équipements et des types d’interventions et ont fixé les normes applicables à chaque catégorie.

(15)  En 2017, ce sont 31,4 millions d’articles qui ont été saisis, pour une valeur de 582 millions d’EUR. Il s’agissait pour 25 % de contrefaçons alimentaires, pour 11 % de jouets et pour 1,8 % de cigarettes (Source: Commission européenne).

(16)  Voir le rapport de la Commission sur la stratégie informatique pour les douanes [COM(2018) 178 final].

(17)  Une unité EVP (Équivalent vingt pieds), correspond à un conteneur box de 20 pieds, soit 28 tonnes de poids et 40 m3.

(18)  D’ores et déjà de nombreux conteneurs ont des structures en bois ou en d’autres matériaux.

(19)  Voir JO C 345 du 13.10.2017, p. 25.

(20)  Voir note 6.


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/73


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen et au Comité des régions intitulée “Plan d’action: financer la croissance durable”»

[COM(2018) 97 final]

(2019/C 62/12)

Rapporteur:

Carlos TRIAS PINTÓ

Saisine

Commission européenne, 10.4.2018

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE)

 

 

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

7.9.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

164/6/5

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Afin de relever les principaux défis auxquels doit faire face l’union des marchés de capitaux (UMC) et d’améliorer la résilience de la zone euro, un système solide de financement de la croissance durable conçu pour le long terme est le facteur le plus important pour restaurer la confiance dans les marchés et mettre en relation l’épargne avec les investissements durables, fournissant ainsi des sources de financement complémentaires pour les petites et moyennes entreprises (PME) et les projets d’infrastructures vertes et sociales.

1.2.

Le Comité accueille favorablement le plan d’action de la Commission, partageant l’avis selon lequel «l’Europe [peut] devenir la destination privilégiée des investissements durables» sur la scène mondiale (1). Il estime qu’il est important d’assurer la compétitivité à long terme de l’Union européenne (UE). De manière plus générale, il s’agit de promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable, le plein emploi productif et un travail décent pour tous (objectif de développement durable no 8).

1.3.

Ces défis doivent être relevés de manière harmonieuse, par un effort conjoint de tous, notamment des acteurs du secteur financier, des entreprises, des citoyens et des autorités. Mener à bien la transition vers un modèle de croissance durable est également une tâche complexe; il s’agit incontestablement d’un processus graduel tenant compte des spécificités sectorielles.

1.4.

Une vision globale, la coopération et une intégration plus poussée entre les États membres devraient prévaloir. Il est de la plus haute importance que, dans ce domaine, l’ensemble de l’Union parle d’une seule voix et suive la même approche. Cela permettra non seulement de contribuer à la réalisation des objectifs fixés, mais également de progresser dans d’autres domaines importants, tels que l’union de l’énergie, l’union bancaire, l’union des marchés des capitaux et la stratégie numérique.

1.5.

Les modèles économiques durables doivent pouvoir s’appuyer sur un système financier diversifié, dans lequel coexistent sur un pied d’égalité des établissements bancaires de tailles diverses et différents modèles économiques, ainsi que d’autres acteurs financiers. Pour ce faire, il est impératif de compléter les règles et d’en améliorer la cohérence et la bonne application, dans le respect du principe de proportionnalité.

De l’avis du CESE, la construction de la nouvelle architecture financière, qui réoriente les flux de capitaux vers une économie plus durable, doit aller de pair avec l’inclusion financière et la cohésion sociale dans une Europe où personne n’est laissé de côté. En effet, l’écart croissant entre les revenus des citoyens peut constituer un obstacle à une croissance durable, et la situation actuelle doit être rééquilibrée grâce à la gouvernance d’entreprise et institutionnelle.

1.6.

Il conviendrait d’assurer un niveau approprié de cohérence entre les divers cadres financiers existants au niveau mondial, en prenant comme référence commune les objectifs des Nations unies en matière de développement durable (ODD) et en les confrontant à la taxinomie durable (2). La nouvelle taxinomie que propose le plan d’action devrait être promue à l’échelle planétaire et incorporée dans le droit européen de manière uniforme et simultanée dans tous les États membres, en veillant à sa révision et à sa mise à jour régulières.

1.7.

En résumé, le CESE soutient résolument la feuille de route de la Commission sur le financement d’une croissance durable, qui devrait rendre la chaîne de valeur plus durable dans son ensemble, mais souhaite formuler plusieurs considérations concernant les actions du plan et sa mise en œuvre:

I.

Une approche globale, recourant à la méthodologie du cycle de vie, pour intégrer la matérialité financière (3) dans le processus d’investissement, exige que l’investissement soit durable et que l’activité de prêt soit responsable: l’un sans l’autre serait incohérent et ralentirait l’achèvement de l’union financière (banque et capital).

II.

La taxinomie doit être dynamique et se construire de manière progressive sur la base d’une définition claire des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) s’appliquant aux activités économiques durables: un point de départ approprié serait la configuration des facteurs environnementaux (E), tout en introduisant des garde-fous dans les domaines social et de la bonne gouvernance des entreprises.

III.

Les dix actions présentent une forte cohérence interne et interagissent entre elles. Il est donc nécessaire d’assurer une bonne adéquation entre la configuration de la nouvelle taxinomie (action 1) et sa prise en considération par les agences de notation (action 6) pour le développement de systèmes de notation basés sur la publication d’informations fiables par les entreprises (action 9) en complément à des labels (action 2) et des indicateurs de référence en matière de durabilité (action 5). Les acteurs du système financier disposeront ainsi d’une base fiable pour intégrer les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance dans leurs décisions d’investissement (action 7) sur la base de conseils préalables et d’une interaction proactive avec leurs clients (action 4). Ce dispositif sera mis en œuvre sous le signe de l’obligation fiduciaire d’agir dans l’intérêt supérieur des investisseurs ou des bénéficiaires (découlant du «principe de la personne prudente», présent dans l’acquis de l’UE).

IV.

La normalisation et, le cas échéant, l’étiquetage des produits financiers durables pourraient être complétées par le nouveau cadre européen pour les obligations garanties (4) et alimenter les projets de produits durables paneuropéens, en commençant par le domaine des pensions.

V.

Il est extrêmement important d’harmoniser les différentes incitations destinées à stimuler les investissements durables, pour autant que l’on puisse justifier les externalités positives associées. Une méthodologie harmonisée pour les indicateurs de faibles émissions de carbone doit servir de guide pour le calcul d’autres impacts. Il convient, en gardant à l’esprit la résilience et la stabilité du secteur financier, d’examiner la possibilité d’introduire un facteur de soutien vert pour délimiter correctement leurs périmètres. À cet égard, le CESE souscrit à l’approche du Parlement européen lorsqu’il promeut l’intégration des risques en matière de durabilité dans le dispositif de Bâle IV (5). L’on pourrait envisager d’autres solutions qui profitent directement aux emprunteurs et investisseurs finaux, telles que les incitations fiscales.

VI.

La publication d’informations non financières de haute qualité, dans la mesure du possible harmonisées, complètes, pertinentes et comparables, devrait être recherchée pour faciliter les contrôles externes. Pour atteindre cet objectif, il y a lieu d’évaluer également l’impact de la directive relative aux informations non financières (2014/95/UE). De même, l’établissement de traitements comptables d’autres types est une question qu’il convient de traiter en parallèle.

VII.

Les autorités européennes de surveillance et leur comité mixte devraient pouvoir s’appuyer sur des ressources techniques spécialisées nécessaires [il existe de nombreuses instances disposant d’une longue expérience en matière d’investissement socialement responsable (ISR)] afin d’élaborer les normes techniques liées aux actes délégués proposés par la Commission européenne ainsi que la supervision ultérieure de l’énorme chantier réglementaire, en établissant des procédures proportionnées et efficaces sans verser dans l’excès de technocratie que l’on observe souvent.

VIII.

De même, le dépositaire d’un investissement doit être en mesure de s’acquitter de sa mission de surveillance de l’activité de la société de gestion ou de la société d’investissement de manière efficace; leur indépendance doit dès lors être garantie. Pour ce faire, il y a lieu notamment de disposer d’une politique réglementant les conflits d’intérêts en cas de liens d’actionnariat ou de participations croisées (6).

IX.

Dans le contexte de la proposition de la Commission relative au cadre financier pluriannuel (CFP) pour la période 2021-2027 (7), le CESE estime que la proposition constitue un pas dans la bonne direction; elle devrait toutefois se montrer plus ambitieuse si l’UE veut être en mesure de tenir les engagements du programme de développement durable à l’horizon 2030. À cet égard, le CESE demande une augmentation d’au moins 30 % des dépenses de l’UE contribuant à la réalisation des objectifs climatiques (8) sans mettre en péril les autres engagements. Le Comité se réjouit des augmentations substantielles en termes de points de pourcentage en faveur des engagements pour l’environnement et l’action pour le climat (+ 46 %). Toutefois, les montants budgétaires prévus demeurent nettement insuffisants pour financer la transition vers un développement durable et la lutte contre le changement climatique.

1.8.

Selon certaines études (9), les investisseurs souhaitent que leurs investissements prennent en compte les aspects climatiques, environnementaux et sociaux. Afin de garantir un accès plus aisé et plus sûr pour les investisseurs, il conviendrait de créer des «produits phares paneuropéens de financement durable», en commençant par les «produits paneuropéens d’épargne-retraite individuelle» (PEPP). La promotion internationale de ces produits sûrs et durables constituerait un moyen d’attirer les investissements étrangers en Europe.

1.9.

Il est extrêmement important de communiquer sur ces actions si l’on veut que les citoyens sachent de ce que l’Union européenne fait pour eux. Une responsabilité partagée entre tous les acteurs publics et privés est nécessaire, et une éducation financière (10) devrait être obligatoire pour s’assurer que les citoyens comprennent cette nouvelle approche et ainsi encourager à la fois l’investissement de détail socialement responsable et la production durable de biens et de services.

1.10.

Enfin, le CESE souligne les possibilités offertes par l’intelligence artificielle pour mettre en concordance les préférences des investisseurs finaux avec la destination de leurs investissements. Compte tenu des expériences en matière de valeur ajoutée de l’«apprentissage automatique ESG» (qui combine des indicateurs ISR, des critères de référence de durabilité, etc.), il faudrait étudier l’application de la nouvelle taxinomie dans le contexte de ces initiatives émergentes. Il y a lieu également d’analyser les solutions d’apprentissage automatique destinées à encourager les banques et les investisseurs à accroître leurs prêts à certains secteurs ou activités qui prennent en compte les principes ESG.

1.11.

Le CESE invite publiquement les colégislateurs à rapidement examiner et adopter les trois propositions législatives découlant du plan d’action qui ont été adoptées par la Commission le 24 mai 2018.

2.   Introduction: vers le nouveau scénario

2.1.

L’accélération de la financiarisation ou de la profondeur financière des économies a commencé en 1971 à partir du moment où les États-Unis ont abandonné l’étalon-or pour le dollar et que la monnaie est devenue davantage fiduciaire, immatérielle et tributaire de la confiance. Jusque dans les années quatre-vingt, la masse monétaire (M2) représentait environ 50 % du PIB mondial, à l’instar des produits financiers dérivés.

2.2.

Après avoir chuté pendant la crise, ce chiffre est revenu aux niveaux antérieurs en 2015, multipliant les actifs financiers par quatre par rapport à l’agrégat M2 et les produits dérivés par plus de 10.

2.3.

Ce déséquilibre entre l’économie réelle et l’économie financière ne cesse de s’accentuer avec la récente émergence de la technologie financière (FinTech) et de l’assurance (InsurTech), qui rend nécessaires des efforts accrus de réglementation et de surveillance pour assurer la stabilité financière.

2.4.

Les 17 objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies à l’horizon 2030 et l’accord de Paris pour l’adaptation et la résilience au changement climatique devraient garantir la stabilité, la reprise et un meilleur équilibre entre le caractère inclusif des sociétés et la prospérité des économies.

2.5.

Conformément à l’esprit des traités de l’UE et des politiques menées par la suite, le passage à une économie circulaire à faible intensité de carbone et plus efficace dans l’utilisation des ressources est essentiel pour garantir la compétitivité à long terme de l’UE, mais aussi pour intégrer de manière équilibrée les dimensions économique, sociale et de gouvernance.

2.6.

En effet, la réponse européenne au programme à l’horizon 2030 doit respecter nos traités et retrouver une vision à long terme de la durabilité dans laquelle la croissance économique, la cohésion sociale et la protection de l’environnement vont de pair et se soutiennent mutuellement.

2.7.

Le système financier peut jouer un rôle important s’agissant de relever les défis de la durabilité, en particulier pour ce qui est d’attirer les fonds nécessaires pour combler un déficit d’investissement annuel de 180 milliards d’EUR, ce qui est nécessaire pour les objectifs de l’UE en matière de climat et d’énergie d’ici à 2030 (11). À cet égard, le Comité souscrit à l’observation du groupe à haut niveau sur la finance durable, selon lequel la transformation de l’économie de l’UE doit avoir lieu dans l’économie réelle en encourageant une coopération stable entre les acteurs publics et privés.

2.8.

La transition vers une économie durable doit être accompagnée par les technologies et l’innovation numérique et devrait protéger et promouvoir des valeurs universelles (12), comme l’a déclaré le secrétaire général des Nations unies. Les risques juridiques et opérationnels liés aux chaînes de bloc, cryptomonnaies et contrats intelligents augmentent en raison de leur manque de réglementation et de leur opacité. Mieux protéger les consommateurs et les investisseurs, préserver l’intégrité des marchés et éviter les pratiques nuisibles (évasion fiscale, blanchiment d’argent ou financement du terrorisme) impose d’encourager la transparence et la sécurité des réseaux financiers innovants (13).

2.9.

Les projets liés aux objectifs de la COP 21 (14) nécessitent un capital suffisant, stable et engagé, aussi bien financier qu’immatériel (capital humain, technologique et autres formes de capital relationnel, y compris le capital institutionnel).

2.10.

Il est urgent d’adapter les politiques publiques, d’encourager les acteurs privés et d’augmenter les ressources budgétaires de l’UE, en favorisant la transparence et une vision à long terme dans l’économie.

2.11.

Une approche durable exige un lien plus étroit, plus complet et plus global avec les politiques spécifiques telles que l’union de l’énergie, la stratégie numérique et le socle européen des droits sociaux, afin de stimuler les investissements sociaux et verts, tant publics que privés.

2.12.

Cette démarche est également au cœur du projet de l’union européenne des marchés des capitaux, et le CESE partage l’avis selon lequel les capitaux privés, les financements du Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI) et d’autres fonds de l’UE devraient être combinés de manière efficace pour réorienter les investissements vers les entreprises qui présentent des externalités sociales et environnementales positives.

2.13.

Il est temps d’agir. L’Europe a été à l’avant-garde de la durabilité au cours des vingt-huit dernières années, mais elle n’est certainement pas le seul acteur.

3.   Une finance au service d’un monde plus durable

3.1.

Nous sommes de plus en plus confrontés aux conséquences catastrophiques et imprévisibles du changement climatique et de l’épuisement des ressources. Ces phénomènes tendent souvent à aggraver l’exclusion sociale et les inégalités

3.2.

L’article 3 du traité sur l’UE dispose que celle-ci doit promouvoir une croissance durable, respectueuse de l’environnement. L’urgence climatique a désormais été hissée au rang de priorité absolue, y compris pour le CESE, et elle s’impose comme un cadre global d’action pour les pouvoirs publics, mais aussi pour les acteurs économiques, les travailleurs et les citoyens. En conséquence, une vaste transition économique, sociale et environnementale doit être organisée et, surtout, financée.

3.3.

Il y a lieu de relever ces défis de façon harmonieuse, grâce aux efforts conjoints de toutes les parties prenantes. Un rôle important revient au secteur financier s’agissant de canaliser les fonds, l’épargne et les investissements des citoyens, des épargnants et des investisseurs dans l’économie. En définitive, c’est dans l’économie que la transition aura lieu effectivement; le rôle des entreprises est donc essentiel et indispensable. Les pouvoirs publics devront quant à eux assumer leurs responsabilités à cet égard.

3.4.

L’Europe ne pourra adopter une position forte que si le plan suscite un consensus maximal. Les États membres doivent se rassembler et unir leurs forces. Les approches individuelles et la défense des intérêts propres de chacun doivent laisser la place à un projet conjoint pour le futur qui n’omette pas de sauvegarder l’avenir des prochaines générations. En effet, la réponse européenne au programme à l’horizon 2030 appelle une approche à long terme de la durabilité et des objectifs clairs dans le cadre desquels la croissance économique, la cohésion sociale et la protection de l’environnement vont de pair et se soutiennent mutuellement.

3.5.

Une approche à long terme de la croissance durable devrait aller de pair avec des politiques publiques qui évaluent de manière appropriée les effets externes négatifs et les options d’investissement durables et non durables, et s’accompagner également de la bonne prévisibilité émanant d’une meilleure intégration de la politique industrielle dans les chaînes de valeur mondiales, dans l’ensemble des États membres. Cela devrait se produire dans le cadre d’une analyse approfondie, suivie d’un processus politique adéquat devant être soutenu par la Commission et les États membres.

3.6.

Le CESE souligne qu’une finance durable devrait intégrer les dimensions environnementale, économique, sociale et de gouvernance dans une approche équilibrée, holistique et d’une portée générale. Elle devrait être cohérente avec l’ensemble des objectifs de développement durable et l’accord de Paris sur le changement climatique, en établissant des conditions minimales transversales incontournables. Ce seuil minimum infranchissable est ancré dans les conventions internationales sur les droits des populations vulnérables (comme les femmes et les filles, les enfants, les réfugiés et les travailleurs migrants, les handicapés, etc.) (15) et appliqué grâce au respect des règles de bonne gouvernance budgétaire.

3.7.

Dans la mesure où il est largement avéré que les citoyens européens souhaitent voir leur épargne et leurs investissements liés à des objectifs sociaux et environnementaux, ceux-ci doivent avoir prise sur les questions de finance durable et être familiarisés avec elles.

3.8.

Pour ce faire, il faut que le système financier s’appuie davantage à l’avenir sur des activités transparentes, concrètes et facilement compréhensibles pour les citoyens de l’UE. L’amélioration de l’accès à l’information sur les performances en matière de durabilité et la promotion de l’éducation financière (une meilleure compréhension du fonctionnement de la finance) sont des éléments essentiels à cet égard.

4.   Réorienter les flux de capitaux vers une économie plus durable

4.1.

Depuis sa création, le Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI) a mobilisé des investissements publics et privés dans des projets européens d’importance stratégique et a été géré conformément à la liste de projets de la Banque européenne d’investissement (BEI) (investissements dans l’efficacité énergétique et l’utilisation rationnelle des ressources, dans les secteurs de l’eau, du numérique, des transports, etc.).

4.2.

Toutefois, au-delà de l’EFSI, des efforts sont nécessaires pour les étendre à d’autres secteurs, en particulier ceux axés sur les infrastructures et les institutions sociales qui valorisent le capital intangible que représentent les jeunes, les femmes, ainsi que d’autres catégories sociales de personnes exclues ou vulnérables.

4.3.

L’épargne endogène est une source essentielle de croissance économique solide, et cela implique de financer les projets durables des PME par l’intermédiaire des banques locales.

4.4.

De l’avis du CESE, il conviendrait d’augmenter le financement de l’EFSI en y intégrant les capitaux des agences financières et des banques publiques des États membres de l’UE, qui devraient agir comme un réseau permettant de développer ensemble une perspective à long terme plus stratégique et plus inclusive, fondée sur une définition commune de la notion de «durable» et qui esquisse une feuille de route de la transition pour décarboner les entreprises.

4.5.

Dans le même temps, le CESE invite la Banque centrale européenne (BCE) à envisager la possibilité d’un taux d’intérêt vert et social afin d’encourager les investissements et les prêts durables, et appuie le Parlement européen lorsqu’il demande de tenir explicitement compte de l’accord de Paris et des objectifs environnementaux, sociaux et de gouvernance dans ses lignes directrices destinées à orienter ses programmes d’achat.

4.6.   Un système de classification unifié des activités durables

4.6.1.

Les méthodes traditionnelles de calcul et d’évaluation d’impact doivent être réexaminées. Il convient de définir des indicateurs quantitatifs et qualitatifs plus fiables qui concilient les valeurs économiques et environnementales prioritaires avec celles de la société et de la survie de l’humanité.

4.6.2.

Le CESE convient avec la Commission de l’urgence de lancer la première étape de l’élaboration d’une «taxinomie de la durabilité», rigoureuse mais dynamique, afin d’assurer la cohérence du marché et de donner des orientations claires sur ce qui est écologique, social et relève de la bonne gouvernance, dans une perspective holistique.

4.6.3.

La clé de voûte de ce processus est un groupe d’experts techniques sur la finance durable, qui, en toutes circonstances, doit disposer d’une haute qualification et d’une connaissance précise des secteurs industriels stratégiques pour établir une taxinomie écologique et sociale rigoureuse et crédible.

4.6.4.

Le mandat du groupe devrait commencer par la définition d’objectifs clairs du point de vue du contenu et du calendrier, la première étape consistant à réunir la nouvelle taxinomie avec d’autres nomenclatures internationales existantes (activités économiques, professions, études, etc.), afin de se conformer plus étroitement aux critères et références des Nations unies.

4.6.5.

La taxinomie européenne devrait comporter trois niveaux:

une norme minimale établie sur la base des objectifs de développement durable (ODD) à l’horizon 2030 et de l’accord de Paris, ainsi que du principe «d’abord, ne pas nuire» conformément à l’analyse des risques économiques, sociaux et de gouvernance;

un niveau intermédiaire qui définisse les activités qui présentent dans les faits un «impact positif» vérifiable selon la définition de l’initiative Finance du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE FI);

un niveau incluant des activités susceptibles d’accélérer une transformation positive et de relever les enjeux d’ordre écologique, économique et sociale social, conformément aux besoins des différents acteurs qui prendront comme référence ladite taxonomie.

4.6.6.

Il est urgent de classer les différents types de profits découlant des investissements qui peuvent être attribués à l’introduction du critère de durabilité (taxinomie). En outre, les critères positifs devraient être complétés par des relevés des effets préjudiciables pour l’environnement (16) qui permettraient le recensement des actifs non durables.

4.6.7.

La nouvelle taxinomie devrait être liée à la stratégie et au plan d’investissement de l’UE en vue d’une transition vers une économie à faible intensité de carbone. Elle devrait inclure les activités financières en faveur de la réduction des émissions dans les secteurs couverts par le système d’échange de quotas d’émission (SEQE) (17) et dans les secteurs relevant du règlement sur la répartition de l’effort (18).

4.7.   Normes et labels pour les produits financiers durables

4.7.1.

Permettre un accès plus aisé et plus sûr des investisseurs aux marchés financiers durables est une condition essentielle à leur expansion. Il y a lieu de configurer soigneusement les normes européennes en matière de financement durable, en définissant des normes minimales en matière d’investissement socialement responsable (ISR).

4.7.2.

Pour ce faire, il s’agit dans un premier temps d’instaurer une norme officielle de l’UE applicable aux obligations vertes et d’envisager la création d’un label ou d’un certificat de l’UE pour les obligations vertes, moyennant un examen externe obligatoire, afin de garantir l’incidence positive des investissements. Dans le contexte du «Plan d’action relatif aux services financiers pour les consommateurs: de meilleurs produits, un plus grand choix», le CESE recommande (19) que la Commission définisse des produits simples, aisément comparables et pleinement transparents, qui présentent les mêmes caractéristiques.

4.7.3.

Cela ouvre la possibilité d’offrir des «produits phares durables paneuropéens» et de fournir des outils de comparaison (20) appropriés, indépendants et obligatoirement certifiés pour différents produits financiers durables dans les différentes juridictions de l’UE.

4.7.4.

Les dispositions relatives aux produits paneuropéens d’épargne-retraite individuels (PEPP) (21), telles que prévues dans la proposition législative que la Commission a adoptée le 29 juin 2017, auraient pour effet d’exiger exigent des prestataires de retraite qu’ils indiquent publiquement si et de quelle manière ils incluent les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance dans leurs systèmes de gestion des risques. Toutefois, ces dispositions ne les obligent pas à prendre en compte ces facteurs dans leurs politiques d’investissement. Prévoir une obligation en ce sens contribuerait à répandre leur utilisation comme voie vers la durabilité.

4.7.5.

Le CESE invite les États membres à étendre au moment opportun cette obligation à tous les produits liés aux pensions. Cela contribuerait à étendre leur utilisation pour en faire l’une des solutions durables aux difficultés du régime actuel par répartition.

4.8.   Favoriser l’investissement dans des projets durables

4.8.1.

Selon les objectifs stratégiques de la politique industrielle revisitée de l’UE, la réorientation de l’allocation de capitaux vers des investissements à long terme devrait être coordonnée avec ceux destinés à l’aide au développement des PME, au soutien aux régions moins développées, à la modernisation des infrastructures et à l’autonomisation des personnes par l’éducation et la formation.

4.8.2.

Pour la réalisation d’investissements durables dans les infrastructures, une politique macroprudentielle d’une grande amplitude tenant compte des impacts physiques (exposition croissante aux risques liés au changement climatique) est nécessaire, conformément à la directive Solvabilité II. Par exemple, les codes de construction visant à réduire l’impact des catastrophes naturelles obligeraient les compagnies d’assurance à réajuster la gestion des risques selon les nouveaux principes de l’assurance durable.

4.8.3.

Le CESE soutient le renforcement de l’EFSI 2.0 et du FEDD. S’agissant du cadre financier pluriannuel 2021-2027, il se félicite de la création d’InvestEU, qui devrait mobiliser davantage les capitaux privés et être en mesure d’atteindre le marché des obligations, des assurances et des fonds de pension.

4.8.4.

D’autres capitaux privés devraient être trouvés afin d’encourager et d’aider les entreprises, en particulier les PME, à investir dans l’innovation et la R & D.

4.8.5.

Enfin, le CESE recommande de mieux recenser les cas où les initiatives publiques et privées parviennent à réaliser le plus grand nombre d’infrastructures durables et résilientes, de manière à les reproduire dans l’UE ainsi que dans les pays partenaires, sous la forme de solutions mises à l’échelle.

4.9.   Considérations relatives à la durabilité dans le conseil financier

4.9.1.

Comme il l’a déclaré dans son avis sur les Obligations des investisseurs institutionnels et des gestionnaires d’actifs en matière de durabilité (22), le CESE est favorable à une modification de la directive MiFID II et de la directive sur la distribution d’assurances afin de garantir de quelle manière les préférences des investisseurs en matière de durabilité peuvent être intégrées à cette législation. Les conseillers seraient ainsi en mesure de formuler des recommandations appropriées sur les produits financiers, en fournissant des informations claires sur les risques et les avantages potentiels de la prise en compte des divers facteurs de durabilité.

4.9.2.

Le CESE soutient l’inclusion, par l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF), de dispositions sur les préférences en matière de durabilité dans ses orientations portant sur l’évaluation du caractère approprié.

4.10.   Indicateurs de référence en matière de durabilité

4.10.1.

Une méthodologie commune pour mesurer la performance non financière de l’investissement durable est un objectif optimal. Dès lors, le CESE se félicite des initiatives de régulation visant l’harmonisation des indicateurs de référence, incluant les émetteurs bas carbone, laquelle constitue une première étape qui devrait être étendue à d’autres paramètres de durabilité.

4.10.2.

Le CESE invite dès lors la Commission à étendre son champ d’action au domaine social par l’intermédiaire du groupe d’experts techniques chargé de consulter toutes les parties prenantes et de publier un rapport sur la conception et la méthodologie de l’indice de référence en carbone.

5.   Intégrer systématiquement la durabilité dans la gestion des risques

La durabilité porte sur l’ensemble des risques associés à la production de richesse et ne peut négliger l’impact de l’extraction, de l’acquisition et de la détérioration de ressources.

5.1.   Durabilité dans les secteurs des études de marché et des notations de crédit

5.1.1.

Le CESE a insisté sur le fait que les agences de notation doivent être exemptes de tout conflit d’intérêts afin de garantir l’indépendance de ces prestataires de recherches/notations. En outre, il importe qu’elles fournissent en temps opportun une justification transparente de leur méthodologie, au cas par cas.

5.1.2.

Les agences de notation de crédit ne tiennent pas suffisamment compte de l’influence des puissants courants environnementaux, sociaux et de gouvernance sur la solvabilité future des émetteurs. Le CESE appelle de ses vœux des normes européennes claires et la surveillance de l’intégration des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance lors des procédures de notation effectuées au sein de l’Union par l’ensemble des agences de notation de crédit. Il demande également la mise en place d’un processus d’accréditation pour une marque «Finance verte» par les agents certifiés de l’AEMF.

5.1.3.

Il conviendrait également d’envisager une accréditation des acteurs (banques, gestionnaires de fonds, etc.). Cela créerait des obligations supplémentaires pour les différents acteurs financiers et contrecarrerait certaines tendances à utiliser un programme de produits durables à des fins de blanchiment écologique.

5.1.4.

Enfin, le CESE suggère d’étudier la possibilité d’instaurer une notation verte souveraine. Une notation «verte» claire, en parallèle à une notation du risque-pays, permettrait également d’encourager les pays à améliorer en permanence leurs performances. Dans le même temps, elle pourrait être un facteur d’attraction des investissements étrangers.

5.2.   Obligations des investisseurs institutionnels et des gestionnaires d’actifs en matière de durabilité: obligation fiduciaire

5.2.1.

Les autorités européennes de surveillance (AES) de l’Union européenne doivent assurer le respect strict des fonctions des services d’intermédiation financière.

5.2.2.

Cela demande une approche plus holistique et stratégique que celle envisagée dans le plan d’action de la Commission, donnant la priorité aux relations dans les domaines de l’éducation, des facteurs, du genre, de la géographie, de la race ou de l’ethnie, de la religion, de la culture ou d’autres domaines de la diversité.

5.2.3.

Un élément fondamental des obligations légales des investisseurs devrait être d’échanger de manière proactive avec leurs clients de manière à comprendre leurs intérêts non financiers, en fournissant également des informations claires sur les risques et avantages financiers potentiels de la prise en compte des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance.

5.2.4.

Les autorités de régulation, les investisseurs, les gestionnaires d’actifs, les employés et les conseillers de l’industrie financière doivent agir dans le meilleur intérêt du bénéficiaire (par exemple les futurs retraités) ou du client (investisseurs particuliers ou institutionnels). Tous les actes de gouvernance et les opérations de vote doivent être orientés vers la protection de la valeur durable des actifs de placement, conformément aux obligations fiduciaires. Ils doivent rendre compte de la manière dont ils utilisent leurs droits de vote en tant que détenteurs d’actifs de fonds.

5.2.5.

En clarifiant les obligations des investisseurs en ce qui concerne les facteurs de durabilité, l’UE pourrait renforcer les investissements à longue échéance (la finance durable est par définition liée au long terme).

5.3.   Exigences prudentielles applicables aux banques et aux entreprises d’assurance

5.3.1.

Le CESE a récemment insisté sur le rôle que les banques pourraient jouer grâce à leurs fonctions d’intermédiation entre placements conscients et investissements socialement responsables. Il recommande que les exigences de fonds propres des banques bénéficient d’un traitement plus favorable pour investir dans l’économie verte et dans les opérations non complexes et à long terme de «crédit solidaire» tels que les prêts hypothécaires, en particulier ceux liés à l’efficacité énergétique, à l’installation de panneaux solaires, etc. En outre, il serait opportun d’envisager d’appliquer des majorations de capital pour les investissements dans les actifs préjudiciables à l’environnement, afin d’encourager une transition positive vers des activités à caractère durable. L’on pourrait envisager d’autres solutions qui profitent directement aux emprunteurs et investisseurs finaux, telles que les incitations fiscales. Le mécanisme de surveillance unique (MSU) devrait exercer une surveillance spécifique en la matière (23).

5.3.2.

Néanmoins, dans le calcul des actifs pondérés en fonction du risque, la mise à jour des modèles de notation bancaire doit toujours refléter le niveau de risque le plus récent associé à ces actifs durables, en préservant un niveau élevé de protection des consommateurs.

5.3.3.

Il y a lieu dès lors de mieux définir le périmètre du «facteur de soutien vert», en l’étayant de manière complète et rigoureuse au moyen d’éléments probants sur la base d’une définition claire et précise de ce que l’on entend par «investissements verts». La recherche et l’innovation responsables (RRI), dans le cadre d’Horizon 2020 et du futur programme Horizon Europe, pourraient constituer un excellent moyen pour obtenir des résultats scientifiques.

5.3.4.

En résumé, pour préserver la résilience et la stabilité financière, ce nouveau scénario exige de réaliser une bonne combinaison de la gestion des risques financiers en tenant compte des incidences environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) sur la rentabilité financière et en adaptant les règles en conséquence dans le cadre d’un processus dynamique. Comme le déclare la résolution du Parlement européen sur la finance durable (24), la Commission devrait promouvoir l’intégration des risques en matière de durabilité dans le dispositif de Bâle IV.

6.   Favoriser la transparence et le long terme

6.1.1.

La finance durable a besoin d’un cadre d’incitations qui redirige les flux de capitaux vers les investissements nécessaires afin d’assurer une transition environnementale et sociale équitable pour l’Europe, dans le cadre de laquelle sa position de premier plan sous l’angle des valeurs apporte aux entreprises européennes un avantage compétitif.

6.2.   Publication d’informations et règles comptables

6.2.1.

Le CESE note que la directive de l’UE sur la publication d’informations non financières a été transposée sans grande ambition ni méthodologie harmonisée. Son incidence s’est limitée aux grandes entreprises. Dès lors, elle a peu contribué à des investissements durables, équitables et de grande ampleur en Europe.

6.2.2.

La durabilité suscite un certain nombre de nouvelles préoccupations et de nouveaux défis sur le plan de la divulgation d’informations non financières, tels que la transformation numérique, les nouvelles mesures, la normalisation, les missions obligatoires, les nouveaux modèles économiques durables, etc. En effet, les taxinomies et les méthodologies utilisées pour les rapports devraient être normalisées autant que possible et les règles devraient être adaptées afin que les informations non financières soient disponibles en plus grand nombre et soient de meilleure qualité. Cela permettrait aux autorités de régulation et de surveillance des marchés d’avoir une meilleure vue d’ensemble des tendances à l’échelle mondiale et, dès lors, une plus grande capacité à agir en conséquence. Le stade actuel est désigné sous le nom de «bilan de qualité» et tiendra compte de considérations conformes aux recommandations du groupe de travail sur la publication d’informations financières relatives au climat œuvrant sous les auspices du Conseil de stabilité financière, après la consultation publique lancée par la Commission européenne.

6.2.3.

En ce qui concerne les plateformes de financement participatif, la «fiche d’informations clefs sur l’investissement» devrait reprendre également les principaux risques et bénéfices non tangibles mais significatifs sur le plan financier qui, d’un point de vue comptable (25), sont liés à un projet de financement participatif.

6.2.4.

Le CESE soutient également la résolution du Parlement européen sur la norme internationale d’information financière (IFRS 9) (26) et demande d’urgence une évaluation de l’impact des IFRS sur les investissements durables.

6.2.5.

Le CESE se félicite que le groupe consultatif pour l’information financière en Europe (EFRAG) ait été chargé d’évaluer l’incidence des IFRS nouvelles ou révisées sur les investissements durables et d’étudier la possibilité de traitements comptables d’autres types.

6.2.6.

Le CESE suggère également que la Commission invite l’AEMF:

à évaluer les pratiques actuelles du marché de la notation de crédit, en analysant dans quelle mesure il est tenu compte des considérations environnementales, sociales et de gouvernance;

à inclure l’information sur la durabilité environnementale et sociale dans ses orientations en matière de publication d’informations adressées aux agences de notation de crédit, et à envisager le cas échéant des mesures supplémentaires.

6.3.   Gouvernance des entreprises et court-termisme excessif des marchés des capitaux

6.3.1.

De nombreux investisseurs aimeraient savoir si les sociétés utilisent des méthodes comptables précises et transparentes et si les actionnaires ordinaires sont autorisés à voter sur des questions importantes. Ils veulent aussi que les entreprises évitent les conflits d’intérêts dans le choix des membres de leur conseil d’administration, des agences de notation et des auditeurs.

6.3.2.

Il est temps de prendre sérieusement en considération non seulement les facteurs E (environnementaux) et S (sociaux) — normes, labels, facteurs de soutien vert et social pour les exigences prudentielles, indicateurs de référence de durabilité — mais aussi le facteur G (de gouvernance d’entreprise), en supprimant tous les avantages pour les entreprises qui s’abstiennent de publier de manière transparente des informations sur certains points essentiels, tels que la gouvernance fiscale, les droits de l’homme, la corruption, le blanchiment d’argent et d’autres activités illicites, et en les excluant des classements durables.

7.   Exécution du plan d’action

7.1.

Le CESE réclame fermement une coordination de l’ensemble des institutions, agences et mécanismes européens concernés, si nécessaire en modifiant leurs mandats de manière à les conformer au calendrier de mise en œuvre du plan d’action.

7.2.

L’incertitude quant à l’avenir et le manque d’information sur les risques à long terme sont les principales contraintes pour l’horizon temporel des analyses (en effet, seules quelques analyses couvrent plus de cinq ans).

7.3.

Les autorités européennes de surveillance devraient également jouer un rôle important pour contrôler la durabilité. Afin de parvenir à une méthodologie commune de l’UE pour l’analyse de scénarios pertinents, les facteurs de risques environnementaux, sociaux et de gouvernance à plus long terme devraient être étudiés et le Comité européen du risque systémique (CERS) pourrait les intégrer progressivement dans ses tests de résistance.

7.4.

Enfin, l’Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV) devrait élaborer des normes internationales pour la réglementation et le contrôle (27) dans le domaine de la finance durable et promouvoir le respect de celles-ci afin de donner une cohérence à l’échelle mondiale à la nouvelle architecture de la durabilité.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Voir le plan d’action: financer la croissance durable [COM(2018) 97 final], section 6 «La voie à suivre».

(2)  Voir le projet de taxinomie de la BEI: https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/180131-sustainable-finance-final-report-annex-3_en.pdf

(3)  Un cadre d’analyse de la matérialité porte sur les facteurs qui sont les plus pertinents pour les performances financières des entreprises’ y compris les facteurs de durabilité financière.

(4)  Les obligations garanties sont des titres de créance émis par des établissements de crédit et garantis par un panier d’actifs cantonné, auquel les détenteurs d’obligations, en tant que créanciers privilégiés, peuvent directement avoir recours. Voir le nouvelles propositions de règlement COM(2018) 93 final — 2018/042 (COD) et COM(2018) 94 final — 2018/043 (COD).

(5)  Le dispositif de Bâle est un accord international de régulation qui a introduit une série de réformes visant à améliorer la réglementation, la surveillance et la gestion des risques dans le secteur bancaire. Toutes les normes du Comité de Bâle sont des exigences minimales qui s’appliquent aux banques actives à l’international et qui, par conséquent, aideront à progresser dans le monde dans la même direction. y compris en ce qui concerne les dispositions relatives à la durabilité dans ce cadre. https://www.bis.org/bcbs/basel3.html

(6)  https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv:OJ.L_.2016.078.01.0011.01.FRA

(7)  Pour la position globale du CESE, voir l’avis du CESE sur le cadre financier pluriannuel après 2020 (JO C 440 du 6.12.2018, p. 106).

(8)  La Commission européenne a proposé que 25 % au moins des dépenses de l’UE contribuent aux objectifs dans le domaine du climat pendant la période 2021-2027 (au cours de la période 2014-2020, cette proportion était fixée à 20 %).

(9)  https://www.morganstanley.com/pub/content/dam/msdotcom/ideas/sustainable-signals/pdf/Sustainable_Signals_Whitepaper.pdf

(10)  Voir le rapport de l’OICV/OCDE: The Application of Behavioural Insights to Financial Literacy and Investor Education Programmes and Initiatives.

(11)  Voir ci-dessus, Plan d’action, Introduction générale, paragraphe 1.1.

(12)  Le but est de définir de quelle manière le système des Nations Unies soutiendra l’utilisation de ces technologies pour accélérer l’achèvement du programme de développement durable à l’horizon 2030 et faciliter leur alignement sur les valeurs inscrites dans la charte de l’ONU, la déclaration universelle des droits de l'homme et les normes du droit international. http://www.un.org/en/newtechnologies/images/pdf/SGs-Strategy-on-New-Technologies-FR.pdf

(13)  Voir l’avis du CESE sur la communication de la Commission sur les technologies financières (plan d’action pour les technologies financières) (JO C 367 du 10.10.2018, p. 61).

(14)  COP 21: Conférence des Nations unies sur les changements climatiques 2015.

(15)  Voir en particulier les principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, la charte des droits fondamentaux de l’UE et les normes fondamentales du travail de l’Organisation internationale du travail.

(16)  Voir la «recommandation du Conseil de l’Organisation de coopération et de développement économiques sur des approches communes pour les crédits à l’exportation bénéficiant d’un soutien public et le devoir de diligence environnementale et sociale».

(17)  Tels qu’énumérés dans la directive 2003/87/CE, annexe 1, modifiée par la directive 2009/29/CE.

(18)  Règlement relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les États membres de 2021 à 2030 contribuant à l’action pour le climat afin de respecter les engagements pris en vertu de l’accord de Paris et modifiant le règlement (UE) no 525/2013.

(19)  Voir l’avis du CESE sur le thème «Services financiers pour les consommateurs» (JO C 434 du 15.12.2017, p. 51).

(20)  Sur la base des «principes clefs pour les outils de comparaison».

(21)  Fin 2016, les actifs des régimes de retraite privés par capitalisation dépassaient 38 000 milliards de dollars des États-Unis dans l’OCDE.

(22)  Voir l’avis du CESE sur les obligations des investisseurs institutionnels et des gestionnaires d’actifs en matière de durabilité, paragraphe 3.8 (voir page 97 du présent Journal officiel).

(23)  Voir l’avis du CESE sur «L’achèvement de l’union bancaire» (JO C 237 du 6.7.2018, p. 46).

(24)  http://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20180529IPR04517/meps-back-resolution-on-sustainable-finance

(25)  Les éléments des états financiers sont considérés comme significatifs s’ils peuvent influencer les décisions économiques prises par les utilisateurs. La notion de «significatif» est le principe comptable universellement accepté selon lequel les entreprises doivent déclarer tout ce qui touche à ces domaines. https://www.business-case-analysis.com/materiality-concept.html

(26)  http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2016-0381+0+DOC+XML+V0//FR

(27)  Voir Methodology for Assessing Implementation of the IOSCO Objectives and Principles of Securities Regulation (Méthodologie d’évaluation de la mise en œuvre des objectifs et principes de la régulation financière de l’Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV).


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/83


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant dispositions communes relatives au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen plus, au Fonds de cohésion et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, et établissant les règles financières applicables à ces Fonds et au Fonds “Asile et migration”», au Fonds pour la sécurité intérieure et à l’instrument relatif à la gestion des frontières et aux visas»

[COM(2018) 375 final — 2018/0196 (COD)]

(2019/C 62/13)

Rapporteur:

Stefano MALLIA

Consultation

Parlement européen, 11.6.2018

Conseil européen, 19.6.2018

Base juridique

Articles 177 et 304 ainsi qu’article 322, paragraphe 1, du TFUE

 

 

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

3.10.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

111/0/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

La politique de cohésion est l’une des politiques les plus tangibles de l’Union européenne. Elle a une incidence directe sur la vie quotidienne des citoyens. C’est pourquoi le Comité économique et social européen (CESE) s’oppose fermement à la proposition de la Commission visant à réduire le budget de l’Union européenne de 10 % en termes réels. À cet égard, le CESE exhorte les États membres à trouver des solutions afin que ce budget soit maintenu au même niveau que durant la période de programmation 2014-2020 à la valeur de 2020.

1.2.

Le CESE estime qu’il est nécessaire de mettre en place une stratégie politique claire qui soit conforme aux engagements pris par l’Union européenne au niveau mondial. Il insiste pour que la Commission renouvelle la stratégie Europe 2020 et aligne les priorités du nouveau règlement portant dispositions communes (RPDC) sur cette stratégie. Le CESE recommande également à la Commission d’intégrer de manière effective les objectifs de développement durable (ODD) dans les règlements relatifs à la politique de cohésion, en veillant à leur prise en compte transversale dans l’ensemble des priorités des fonds.

1.3.

Le CESE est d’avis que les conditions économiques créées par le règlement portant dispositions communes (conditionnalité macroéconomique, diminution du cofinancement, etc.) engendreront un environnement trop rigide et pourraient nuire aux investissements. Dès lors, le CESE:

rejette la conditionnalité macroéconomique permettant de pénaliser des régions et des citoyens qui ne sont pas responsables des décisions macroéconomiques prises au niveau national ou européen;

invite la Commission à maintenir la règle de dégagement à N + 3;

demande à la Commission d’envisager de nouveau l’augmentation des taux de cofinancement.

1.4.

Le CESE apprécie grandement les efforts de simplification, de flexibilité et d’efficacité. Ceux-ci vont dans la bonne direction. Il est toutefois regrettable que le nouveau règlement ne constitue pas un ensemble unique de règles.

1.5.

Le CESE estime que les règles relatives à la concentration thématique sont trop strictes. Il propose que l’un des objectifs stratégiques soit choisi par les États membres. À cet égard, le Comité encourage les États membres à envisager l’adoption de l’objectif stratégique 5, car celui-ci peut les assurer de trouver les solutions les plus adaptées à leurs problèmes spécifiques.

1.6.

Le CESE recommande à la Commission d’élaborer les outils nécessaires pour permettre aux régions présentant des handicaps structurels et permanents [îles, régions de montagne, etc. (1)] de s’attaquer efficacement à leurs problèmes spécifiques et complexes. Cette question ne saurait rester de la seule compétence des autorités nationales. Le CESE préconise également que les projets mis en œuvre dans ces domaines bénéficient de taux de cofinancement plus élevés.

1.7.

Le CESE recommande de trouver des solutions adaptées pour répondre à la situation de ces États ou territoires classés en tant que régions de convergence au cours du programme 2007-2013 et qui bénéficiaient d’un taux de cofinancement de 80 % au cours de la période 2014-2020. En effet, ceux-ci seront désormais considérés comme des régions en transition au cours de la période 2021-2027 et se verront appliquer un taux de cofinancement de 55 %.

1.8.

Le CESE estime que la Commission devrait renforcer davantage les synergies en trouvant un moyen de réintégrer le Fonds européen agricole pour le développement rural dans le règlement et en renforçant les liens avec le Fonds social européen Plus (FSE+). Par ailleurs, le CESE plaide pour une plus grande intégration avec les autres programmes et instruments de financement (Horizon 2020, InvestEU, etc.), et entre ceux-ci.

1.8.1.

Ces liens devraient également apparaître dans la programmation des fonds. Le CESE encourage les États membres à élaborer et mettre en œuvre des programmes multi-fonds qui s’attaquent aux problèmes de manière intégrée. Le CESE pense que l’intégration devrait également s’appliquer en matière de coopération territoriale: il est essentiel d’établir des liens pertinents entre zones urbaines et rurales, urbaines et périurbaines et ainsi d’adopter une approche territorialisée.

1.9.

La mise en œuvre d’une «gouvernance à niveaux et à acteurs multiples» associant les partenaires économiques et sociaux au processus de décision et de mise en œuvre constitue l’une des principales conditions du succès de la politique de cohésion. En ce qui concerne le code de conduite, le CESE prend note de l’insatisfaction des partenaires sociaux européens et demande qu’il soit révisé et mis à jour en les consultant directement. Le Comité demande également que le code de conduite soit rendu contraignant.

1.10.

Le CESE rejette la suppression des principes de promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes, de non-discrimination, d’accessibilité des personnes handicapées et de développement durable, de la proposition de nouveau règlement portant dispositions communes. Il recommande donc vivement de reprendre l’article 7 du règlement portant dispositions communes d’application pour la période 2014-2020 dans la proposition de nouveau règlement portant dispositions communes, et d’ancrer ce principe directement dans le corps du texte du règlement proposé relatif au Fonds européen de développement régional (FEDER) et au Fonds de cohésion. En outre, le CESE propose avec insistance d’inclure l’accessibilité pour les personnes handicapées à l’article 67, relatif à la sélection des opérations, de la proposition de règlement portant dispositions communes.

1.11.

Il considère qu’un effort général pour rendre la communication plus efficace est d’une importance essentielle. Trop souvent, les citoyens n’ont qu’une connaissance réduite, voire aucune de la participation de l’Union européenne dans les projets que celle-ci finance. Par conséquent, le CESE demande à la Commission de mettre en place une stratégie d’information plus efficace en direction de ses citoyens et des différents types de bénéficiaires.

2.   Observations générales

2.1.

Le CESE regrette profondément que le budget de la politique de cohésion ait été réduit de 10 % en termes réels. Le CESE rejette fermement les coupes proposées dans le budget de l’Union européenne à cet égard et propose aux États membres de trouver des solutions pour que ce budget puisse être maintenu au niveau actuel à la valeur de 2020.

2.2.

La politique de cohésion est l’un des leviers les plus importants pour rapprocher les citoyens de la vision de l’intégration européenne. Elle apporte une véritable valeur ajoutée pour ce qui est de créer des emplois, une croissance durable et des infrastructures modernes, de surmonter les obstacles structurels, de renforcer le capital humain et d’améliorer la qualité de vie de la population. C’est la raison pour laquelle le CESE se félicite vivement que toutes les régions soient éligibles à un financement.

2.2.1.

La politique de cohésion de l’Union européenne doit faire partie intégrante d’une stratégie européenne d’investissement caractérisée par une approche territoriale forte, visant à doter chaque région des outils nécessaires pour renforcer sa compétitivité. Elle doit conduire à une transformation économique et structurelle, assurant dans chaque région une base résiliente fondée sur ses propres atouts (2).

2.3.

Le CESE prend acte du fait que la nouvelle approche, qui repose toujours sur trois catégories (régions moins développées, en transition, plus développées), est plus adaptée. Si la méthode de détermination des montants reste largement basée sur le produit intérieur brut par habitant, de nouveaux critères ont été ajoutés (chômage des jeunes, faiblesse du niveau d’éducation, changement climatique, accueil et intégration des migrants). Le CESE est d’avis que cette méthode reflète mieux la réalité sur le terrain. Toutefois, conformément à l’analyse d’impact requise par le comité d’examen de la réglementation (3); il estime que cette approche pourrait être davantage affinée.

2.4.

Le CESE est profondément préoccupé par la proposition de la Commission visant à réduire les taux de cofinancement et son effet sur la participation des bénéficiaires qui sont dans des situations financières moins favorables. L’inclusion de la taxe sur la valeur ajoutée en tant que dépense éligible est la bienvenue, bien ce soit déjà en partie le cas pour la période en cours.

2.5.

Il convient également de noter qu’il existe des cas dans lesquels des pays ou des régions classés en tant que régions de convergence au cours du programme 2007-2013 qui bénéficiaient d’un taux de cofinancement de 80 % au cours de la période 2014-2020, seront désormais considérés comme des régions en transition au cours de la période 2021-2027 et bénéficieront dès lors d’un taux de cofinancement de 55 %, ce qui signifie une baisse massive du soutien à ces régions. Le CESE estime que de telles situations doivent être traitées de manière spécifique. En outre, il convient de noter que dans les projets bénéficiant d’un financement privé, les bénéficiaires ne bénéficieront du cofinancement que sur la partie publique.

2.6.

La priorité de l’Union européenne vis-à-vis des régions ultrapériphériques doit être de renforcer les liens qui les unissent avec le continent européen et le sentiment d’appartenance au projet européen parmi leurs citoyens (4). Le CESE accueille favorablement le fait que les régions ultrapériphériques continueront à bénéficier d’un soutien spécial de l’Union européenne.

2.7.

Le CESE regrette toutefois que la politique de cohésion n’offre toujours pas de solutions globales aux défis des territoires aux caractéristiques spécifiques mentionnés à l’article 174 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (5). Des études montrent que les autorités centrales ne prennent pas toujours en compte les zones spécifiques mentionnées audit article 174. Le CESE est donc d’avis que la Commission devrait encourager à ce que les acteurs régionaux et locaux soient associés à la manière dont les États membres prennent en compte leurs territoires présentant des caractéristiques spécifiques, tout en respectant les cadres institutionnels et juridiques en vigueur dans les territoires en question.

3.   Principes généraux

3.1.

Le CESE rejette la suppression des principes de promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes, de non-discrimination, d’accessibilité des personnes handicapées et de développement durable, de la proposition de nouveau règlement portant dispositions communes. L’acquis européen a développé une approche transversale de ces principes dans la programmation et la mise en œuvre des fonds (article 7 du RPDC actuel et article 16 du RPDC 2007-2013).

3.1.1.

Par conséquent, il recommande vivement d’incorporer l’article 7 du règlement portant dispositions communes en vigueur pour la période 2014-2020 dans la proposition de nouveau règlement portant dispositions communes, et d’ancrer ce principe directement dans le corps du texte du règlement proposé relatif au FEDER et au Fonds de cohésion. En outre, le CESE suggère avec insistance d’inclure l’accessibilité pour les personnes handicapées à l’article 67, relatif à la sélection des opérations, de la proposition de règlement portant dispositions communes.

3.2.

Puisque l’Union européenne est partie à la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, le CESE estime qu’il y a lieu d’ancrer cette convention dans la base juridique de la proposition de règlement portant dispositions communes.

3.3.

Le CESE est fermement convaincu qu’un véritable partenariat à tous les niveaux avec les partenaires économiques et sociaux et les acteurs de la société civile organisée dans la préparation, l’exécution et l’évaluation ex post des programmes et des projets entrepris dans le cadre de la politique de cohésion de l’Union européenne contribue à améliorer la qualité et l’efficacité de leur mise en œuvre. Ayant lui-même demandé l’élaboration d’un code de (bonne) conduite, le CESE soutient fermement l’initiative de la Commission et approuve les recommandations qui y sont proposées (article 6) (6). Le CESE constate qu’il pourrait s’avérer nécessaire d’adapter davantage la proposition de la Commission afin que soient pris en compte les problèmes spécifiques à certains secteurs (en particulier les défis en matière de sécurité au niveau national) traités par les programmes en matière de migration et de sécurité.

3.4.

Le CESE croit fermement que le partenariat entre les autorités administratives et les partenaires économiques et sociaux aux niveaux régional, national et de l’Union européenne, sous la forme d’une gouvernance à niveaux et à acteurs multiples, est l’une des conditions essentielles du succès de la politique de cohésion. Il doit constituer la condition de base pour l’attribution des accords de partenariat et des fonds européens. Le CESE accueille favorablement la nouvelle formulation contraignante et demande expressément au législateur de maintenir le libellé actuel, à savoir le terme «implique».

3.5.

En ce qui concerne le code de conduite, le CESE a pris note de l’insatisfaction des partenaires sociaux européens et demande qu’il soit révisé et mis à jour en les consultant directement. Le Comité demande que le code de conduite soit rendu contraignant.

3.6.

Afin d’accroître les compétences et l’efficacité du partenariat, le CESE demande l’introduction de mesures de renforcement des capacités et d’assistance technique à l’intention des partenaires visés à l’article 6. Le CESE souhaite également qu’un mécanisme de consultation annuel soit mis en place avec les partenaires concernés.

3.7.

Le CESE est d’accord que chaque membre des comités de suivi dispose d’une voix. Afin d’assurer un juste équilibre dans la prise de décision, la pondération des voix devrait être de 50 % pour les autorités administratives et les autorités désignées à l’article 6, paragraphe 1, point a), et de 50 % pour les partenaires économiques et sociaux mentionnés aux points b) et c) du même paragraphe. Le CESE fait observer qu’il pourrait s’avérer nécessaire d’affiner cette proposition de manière à prendre en compte certaines questions sensibles telles que les enjeux de sécurité nationale.

4.   Simplification

4.1.

Le CESE estime qu’il est de la plus haute importance de réduire sensiblement la charge administrative superflue pour les bénéficiaires tout en maintenant un niveau élevé d’assurance de la légalité et de la régularité. Le CESE reconnaît et salue le fait que la proposition de la Commission traite de multiples questions relatives à la simplification.

4.2.

Le CESE propose d’appliquer systématiquement le principe «une fois pour toutes» du Small Business Act, de manière ce que les gestionnaires de projet n’aient à transmettre qu’une seule fois les pièces liées aux formalités administratives, d’audit et de contrôle à l’autorité de gestion directe compétente, laquelle sera responsable de leur transmission aux autorités nationales et européennes de gestion.

4.3.

Le CESE recommande également l’établissement d’un système de contrôle et d’audit de minimis ultrasimplifié pour les très petits projets: si l’autorité de gestion immédiate constate et atteste que les résultats attendus ont été obtenus, aucun autre contrôle ou audit ne devraient être requis.

4.4.

Il est exagéré de qualifier le règlement portant dispositions communes d’ensemble unique de règles. Même si sept fonds relèvent de ce règlement, il se caractérise par un manque de cohérence en comportant un grand nombre d’«exceptions aux règles»: par exemple le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, le Fonds pour l’asile et l’immigration, le Fonds pour la sécurité intérieure et l’instrument de gestion des frontières et des visas font souvent l’objet de dispositions différentes. Conformément aux conclusions du groupe de haut niveau sur la simplification pour l’après-2020 (7), le CESE estime que le paquet réglementaire devrait être beaucoup moins complexe et éviter la microgestion des fonds.

4.5.

Si le CESE prend acte de l’intégration des nouveaux fonds alloués à la gestion de la crise migratoire et aux questions de sécurité (8) dans le règlement portant dispositions communes, il regrette vivement que le Fonds européen agricole pour le développement rural ne relève pas du règlement et que les liens avec le Fonds social européen Plus soient plus ténus que dans le règlement précédent. Le CESE demande à la Commission de reconsidérer cette décision.

4.6.

Le CESE est d’accord qu’il faut donner la priorité à la suspension des engagements et non des paiements pour éviter d’aggraver les crises. Les paiements ne doivent être suspendus que lorsqu’une action immédiate est demandée et en cas de non-conformité significative.

5.   Flexibilité

5.1.

Pour faciliter la création et la croissance des entreprises, l’Union européenne doit soutenir les réformes visant à créer un environnement propice à l’investissement dans lequel les entreprises peuvent prospérer, et améliorer les conditions-cadres favorisant l’esprit d’entreprise. Les fonds de cohésion doivent être utilisés pour fournir de meilleures conditions de croissance aux jeunes pousses et aux jeunes petites et moyennes entreprises innovantes ainsi que pour faciliter les successions dans les entreprises familiales. À cet égard, le CESE estime que la politique de cohésion doit fournir un cadre stable mais flexible (9).

5.2.

En ce qui concerne les transferts obligatoires vers le mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE), le CESE fait observer que le montant total des fonds à transférer est maintenu au même niveau qu’actuellement, alors que le budget global a été réduit de 10 %. Par conséquent, le pourcentage du montant total des fonds qui sera transféré sera en fait plus élevé qu’il ne l’est au cours la période de programmation actuelle. Le CESE approuve l’approche globale pour autant que le budget global de la politique de cohésion reste au niveau de celui de la période 2014-2020.

5.3.

En outre, 100 % des fonds transférés au MIE sont actuellement réservés pour chaque État membre. La proposition pour la nouvelle période est que 70 % seulement soient réservés pour l’État membre concerné, les 30 % restants étant alloués à des projets choisis par la Commission. Le CESE rejette fermement la démarche proposée.

5.4.

Le CESE se félicite qu’il n’y ait plus de règles spécifiques pour les investissements générateurs de recettes. Le CESE fait également observer qu’il n’y aura pas de procédure applicable aux «grands projets» (au lieu de cela, les projets stratégiques feront l’objet d’un suivi par le comité de suivi). Bien qu’il s’agisse là d’une évolution positive, le CESE s’inquiète de la manière dont la validité des grands projets pourra continuer à être garantie.

5.5.

Le CESE se réjouit également de la possibilité d’adapter les objectifs et les ressources des programmes en fonction de l’évolution des circonstances, ce qui permettrait, en cas de catastrophe naturelle, de mobiliser des fonds de l’Union européenne dès le premier jour (10).

5.6.

Le CESE convient que les subventions ne peuvent à elles seules combler les importantes lacunes en matière d’investissement. Elles peuvent être efficacement complétées par des instruments financiers possédant un effet de levier et plus proches du marché. Le CESE se félicite donc qu’il devienne plus facile de combiner des subventions et des instruments financiers et que le nouveau cadre comprenne également des dispositions spéciales pour attirer davantage de capitaux privés.

5.7.

Le CESE exprime son soutien à la simplification de l’assistance technique aux États membres et précise que les partenaires visés à l’article 6 devraient également en bénéficier.

6.   Efficacité

6.1.

Le CESE regrette que la Commission n’ait pas lancé un processus participatif aboutissant à l’adoption d’une stratégie globale et intégrée pour une Europe durable à l’horizon 2030 et au-delà. On peut se demander sur quelles priorités la Commission propose d’axer l’accord de partenariat et les programmes opérationnels des États membres.

6.2.

Le CESE recommande à la Commission d’aligner la politique de cohésion sur le programme des Nations unies à l’horizon 2030 et ses objectifs de développement durable, et cela dans le texte principal du règlement portant dispositions communes qui porte sur l’ensemble des fonds.

6.3.

Le CESE est préoccupé par les nouvelles règles de concentration thématique. Le CESE estime que la concentration des fonds sur deux priorités est trop restrictive. Il est préoccupé par l’adoption par la Commission d’une approche uniforme en la matière. Le CESE estime que la concentration thématique doit être suffisamment souple pour permettre de fixer des priorités de financement qui répondent aux différents besoins de développement aux niveaux national et régional.

6.4.

Le CESE se félicite du renforcement du lien avec le semestre européen par l’intermédiaire des recommandations par pays (11). Il rejette cependant la conditionnalité macroéconomique permettant de pénaliser des régions et des citoyens qui ne sont pas responsables des décisions macroéconomiques prises au niveau national ou européen (12). Le CESE convient qu’il est également important d’assurer une complémentarité et une coordination totales avec le nouveau programme renforcé d’appui aux réformes.

6.5.

Dans la mesure où elles peuvent aider à simplifier l’accès au financement, le CESE se réjouit des synergies renforcées entre certains programmes («recours au label d’excellence»), mais dans la plupart des cas, la proposition n’est pas suffisamment claire (par exemple, quant à la question de savoir si les Fonds structurels peuvent être combinés avec le Feader dans le cas de l’outil de développement local mené par les acteurs locaux).

6.6.

En ce qui concerne les règles de dégagement, le CESE déplore la proposition de remplacer la règle N + 3 par la règle N + 2 et invite la Commission à reconsidérer sa position. Il souhaite que soient pris en considération les besoins des pays qui ont rencontré des difficultés à mettre en œuvre les programmes, et accroître la flexibilité dont ils bénéficient plutôt que de la réduire.

6.7.

En outre, il convient de noter que les capacités administratives, en particulier dans les petits États membres et les régions, pourraient être mises à rude épreuve au cours des premières phases de la période 2021-2027. Cette question doit être envisagée à la lumière du fait que les États membres, qui sont encore en train de procéder à la clôture de la période de programmation actuelle, seront mis sous pression pour commencer à mettre en œuvre les deux dernières années de la nouvelle période de programmation (en raison de l’approche 5 + 2) et cela dans le contexte d’une règle N + 2, ainsi que d’un montant de préfinancement revu à la baisse.

6.8.

Compte tenu du fait que les petites entreprises, les micro-entreprises et les organisations de la société civile peuvent éprouver de manière générale des difficultés à tirer profit des possibilités offertes par les fonds européens, le CESE demande que soient soutenues les actions permettant de renforcer leur accès à l’information, de leur fournir des services de guidance et de mentorat et d’accroître leurs capacités d’intervention.

7.   Programmation et mise en œuvre

7.1.

Le CESE salue le fait que les objectifs stratégiques (OS) soient moins nombreux et apparaissent plus souples que leurs prédécesseurs. Il regrette par contre qu’ils ne s’inscrivent pas dans un contexte stratégique plus large.

7.2.

Le CESE se réjouit tout particulièrement du nouvel objectif stratégique intitulé «L’Europe plus proche des citoyens» (OS5). Le CESE espère que, conformément à sa dénomination [et aux exigences de l’article 17, paragraphe 3, point g)], les États membres prépareront et mettront en œuvre leurs programmes en respectant cet objectif en étroite collaboration avec les citoyens, ainsi que les partenaires économiques et sociaux et les organisations de la société civile.

7.3.

Le CESE est préoccupé par le fait que seules les cinq premières années seraient programmées dans un premier temps. Il perçoit les avantages de cette approche, mais craint qu’elle ne génère une lourde charge administrative pour les autorités, qui risquent également de ne pas respecter les règles de dégagement.

7.4.

La simplification des documents de programmation (accord de partenariat, programmes opérationnels) est la bienvenue. Le CESE approuve en particulier la simplification de l’accord de partenariat est convaincu de la nécessité d’un document stratégique de haut niveau en la matière. Il est donc important que des efforts soient déployés pour que les programmes des États membres restent conformes aux priorités de l’Union européenne et en synergie les uns avec les autres. Le CESE se félicite également de la simplification des actes délégués. Afin d’éviter le risque de surréglementation par les autorités de gestion, le CESE demande à la Commission européenne d’associer les acteurs économiques et sociaux à l’élaboration des actes délégués.

7.5.

Le CESE estime qu’il est essentiel de proposer des solutions simples pour faire le lien entre les différentes initiatives (stratégies et programmes) liées à la politique de cohésion des différents niveaux territoriaux, de manière horizontale (par exemple les stratégies macrorégionales avec les programmes transnationaux) et de manière verticale (entre les différents niveaux territoriaux). C’est pourquoi le CESE accueille favorablement l’article 17 et encourage la Commission à poursuivre ses efforts dans ce sens.

7.6.

Plus de la moitié de la population mondiale vit aujourd’hui dans les villes et ce chiffre devrait atteindre 70 % d’ici à 2050 (13). Le CESE se félicite donc de l’augmentation du budget du FEDER consacré au développement urbain durable intégré, mais regrette qu’elle ne concerne pas également le FSE+.

7.7.

Le CESE estime que fonder le développement territorial sur des stratégies territoriales intégrées est la bonne approche, car elle permet au niveau local de déterminer ses possibilités et ses besoins, et de lancer des actions en partenariat entre tous les acteurs locaux afin de répondre aux besoins spécifiques mis en évidence. Le Comité estime qu’il s’agit là d’une bonne démarche de gouvernance qui devrait être fortement encouragée et amplifiée. À cet égard, le CESE se réjouit de l’obligation prévue à l’article 6 d’associer les partenaires à la préparation et à la mise en œuvre des stratégies territoriales.

7.8.

Le CESE accueille aussi de manière favorable tout autre outil intégré tel que mentionné à l’article 22, point c), dans la mesure où ce type d’outil peut aider à trouver et à mettre en œuvre des solutions sur mesure et efficaces au niveau local, mais regrette que l’utilisation en soit limitée à l’objectif stratégique no 5. Un tel outil devrait être mis à disposition de tous les objectifs stratégiques. Étant donné que les explications concernant ce nouvel instrument sont assez vagues, le CESE recommande à la Commission de les développer afin d’encourager les États membres à faire pleinement usage de cette option.

7.9.

Le CESE estime que pour mieux refléter la réalité et faire en sorte que l’intérêt local soit représenté dans les actions de la nouvelle initiative urbaine européenne, la société civile devrait être étroitement associée à son mécanisme de gouvernance et y être représentée. Le CESE est très favorable à la mise en place d’un tel mécanisme de gouvernance à l’échelle européenne, avec la participation des acteurs concernés de la société civile.

7.10.

Le CESE est fermement convaincu que les fonds relevant de la politique de cohésion sont les plus visibles pour les citoyens et les acteurs économiques et sociaux. Les actions soutenues constituent l’un des meilleurs remparts contre l’euroscepticisme et les mouvements opposés à l’Europe. Il est dès lors nécessaire de mettre à disposition des informations directement et facilement accessibles, ciblées selon l’activité professionnelle des personnes concernées, par exemple des orientations en matière de bonnes pratiques. Le CESE demande à la Commission de mettre au point un plan stratégique de communication en partenariat avec tous les partenaires concernés.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Article 174 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

(2)  https://www.businesseurope.eu/sites/buseur/files/media/position_papers/ecofin/2017-06-09_eu_cohesion_policy.pdf

(3)  SEC(2018) 268 (pour l’heure, en anglais uniquement).

(4)  JO C 161 du 6.6.2013, p. 52.

(5)  JO C 209 du 30.6.2017, p. 9.

(6)  JO C 44 du 15.2.2013, p. 23.

(7)  http://ec.europa.eu/regional_policy/sources/newsroom/pdf/simplification_proposals.pdf

(8)  JO C 75 du 10.3.2017, p. 63.

(9)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 1.

(10)  JO C 173 du 31.5.2017, p. 38.

(11)  https://www.eesc.europa.eu/sites/default/files/resources/docs/qe-02-17-362-fr-n.pdf et https://www.eesc.europa.eu/sites/default/files/resources/docs/qe-01-14-110-fr-c.pdf

(12)  JO C 191 du 29.6.2012, p. 30.

(13)  http://www.un.org/en/development/desa/news/population/world-urbanization-prospects-2014.html


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/90


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au Fonds européen de développement régional et au Fonds de cohésion»

[COM(2018) 372 final — 2018/0197 (COD)]

(2019/C 62/14)

Rapporteur:

Ioannis VARDAKASTANIS

Corapporteure:

Ester VITALE

Consultation

Parlement européen, 11.6.2018

Conseil européen, 19.6.2018

Base juridique

Articles 177, 178, 304 et 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

3.10.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

138/0/1

Le présent avis du Comité économique et social européen (CESE) porte sur la proposition présentée par la Commission européenne le 29 mai 2018 relative à un règlement du Conseil et du Parlement européen (1) relatif au Fonds européen de développement régional et au Fonds de cohésion pour la période allant de 2021 à 2027. Il comprend également quelques brèves observations relatives à certaines dispositions de la proposition de règlement portant dispositions communes (RPDC) (2) qui touchent directement à des aspects importants de la structure, des contenus, de l’articulation et de la mise en œuvre par la suite du Fonds européen de développement régional (FEDER) et du Fonds de cohésion.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE réaffirme tout son attachement à la politique de cohésion, ainsi que tout son engagement en sa faveur, car il considère qu’elle constitue un instrument essentiel pour rapprocher l’Union européenne de ses citoyens et pour lutter contre les disparités entre régions et les inégalités entre citoyens de l’Union.

1.2.

Tout en comprenant le raisonnement suivi par la Commission, le CESE réprouve totalement les coupes opérées dans la politique de cohésion en général, et en particulier celles de 12 % dans le FEDER et de 46 % dans le Fonds de cohésion. Il demande donc à la Commission européenne, au Parlement européen et au Conseil d’augmenter la proposition de budget, de manière à maintenir au moins le même volume de ressources, à prix constants, que dans le cadre financier actuel.

1.3.

Le CESE souligne que réduire les taux de cofinancement de l’Union européenne empêchera de mettre en œuvre des projets, notamment par les États membres qui connaissent des difficultés budgétaires et, bien entendu, par ceux qui ont été les plus durement touchés par la crise.

1.4.

Le CESE demande à la Commission d’assouplir les critères de cofinancement, afin de prendre en compte la situation économique et financière de chaque État membre et d’appliquer la règle recommandée par le Comité dans plusieurs de ses avis récents, selon laquelle il ne doit pas être tenu compte des dépenses d’investissement lors du contrôle du respect des objectifs de déficit du pacte de stabilité et de croissance.

1.5.

Le CESE estime que la proposition de la Commission de rétablir la règle «N + 2» n’est justifiée par aucun élément concret et probant ni par les analyses des résultats de l’application de la règle «N + 3». Il désapprouve donc cette proposition et demande à la Commission de maintenir la règle «N + 3» pour la nouvelle période de programmation.

1.6.

Le CESE se félicite de la proposition de la Commission de simplifier l’utilisation des Fonds pour ce qui est de leur structure, de leur administration et de leur gestion, et de permettre ainsi d’en faciliter un accès plus aisé et plus efficace. Toutefois, cette simplification des Fonds ne devrait pas reléguer au second plan les principes et les valeurs qui font partie intégrante de l’acquis de l’Union européenne.

1.7.

Le CESE se félicite que la proposition de la Commission améliore la gouvernance à multi-niveaux en mettant l’accent sur la gestion partagée, en renforçant la participation des organisations de la société civile et des autres parties prenantes au processus de programmation, de mise en œuvre, d’évaluation et de suivi de l’utilisation des Fonds. Il s’impose toutefois de faire pleinement respecter à tous les niveaux le code de conduite européen en matière de partenariat et de le renforcer par la voie de garanties et de mesures qui en autorisent l’application complète. Le respect de ce code devrait être considéré comme une condition favorisante pour l’accès au Fonds. Cette démarche permettra de conférer aux parties prenantes et aux organisations de la société civile le pouvoir de jouer un rôle crucial en tant que corps intermédiaires, rapprochant les projets de leurs bénéficiaires finaux.

1.8.

Le CESE fait observer qu’il n’existe à l’échelon de l’Union européenne aucune participation structurée des organisations de la société civile au processus de suivi de la mise en œuvre de la politique de cohésion. Par conséquent, il recommande fermement à la Commission de mettre sur pied un forum européen de la société civile pour la cohésion auquel participent les partenaires sociaux, les organisations de la société civile et d’autres parties prenantes et qui consultera chaque année les partenaires sociaux et les organisations de la société civile sur l’état de la mise en œuvre de la politique de cohésion tout au long du cycle de programmation courant de 2021 à 2027.

1.9.

Le CESE recommande à la Commission d’intégrer de manière effective les objectifs de développement durable (ODD) dans la politique de cohésion, par la voie du règlement portant dispositions communes et du règlement relatif au FEDER et au Fonds de cohésion, en y assurant leur inclusion transversale dans l’ensemble des priorités des Fonds et non pas seulement en matière d’action climatique.

1.10.

Le CESE préconise d’aider les zones à faible densité de population, les zones isolées, les petites îles et les zones montagneuses, conformément à l’article 174 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, en appliquant les mêmes exigences en matière de concentration thématique, le même champ d’intervention de l’aide et les mêmes avantages, ainsi que les mêmes dérogations, que ceux dont bénéficient les régions ultrapériphériques. Il convient d’axer les stratégies d’investissement sur les objectifs des macrorégions et de coopération territoriale et transfrontalière, notamment en vue de s’attaquer à des phénomènes complexes tels que les migrations.

1.11.

Le CESE recommande d’augmenter le budget alloué à la coopération territoriale européenne et à Interreg pour la nouvelle période de programmation afin d’en réaliser dans les faits les missions et les objectifs. Le CESE propose également de fournir au FEDER un soutien suffisant pour la mise en œuvre du mécanisme transfrontalier. En outre, le CESE estime qu’il convient d’axer les stratégies d’investissement sur les objectifs des macrorégions et des régions de bassins maritimes.

1.12.

Le CESE demande à la Commission de prendre en compte d’autres indicateurs sociaux, en sus du revenu national brut (RNB) par habitant, aux fins de la classification des États membres en fonction des exigences en matière de concentration thématique qui s’appliquent à eux.

1.13.

Le CESE approuve l’idée de la concentration thématique mais demande à la Commission d’équilibrer la répartition des exigences en matière de concentration thématique dans le domaine de l’investissement entre les objectifs stratégiques (OS), sachant que l’allocation destinée aux OS 3 à 5 apparaît insuffisante pour répondre aux besoins socioéconomiques et pour construire une Europe plus proche de ses citoyens.

1.14.

Le CESE déplore que les propositions de la Commission pour tous les règlements aient omis d’incorporer de manière transversale l’égalité, la non-discrimination et l’accessibilité pour les personnes handicapées. Par conséquent, il recommande fermement d’incorporer l’article 7 du règlement portant dispositions communes en vigueur pour la période 2014-2020 dans la proposition de nouveau règlement portant dispositions communes, et d’ancrer ce principe directement dans le corps du texte du règlement proposé relatif au FEDER et au Fonds de cohésion. En outre, le CESE recommande fermement d’insérer l’accessibilité des personnes handicapées dans l’article 67 de la proposition de règlement portant dispositions communes relatif à la sélection des opérations.

1.15.

Le CESE souligne qu’il convient d’ancrer pleinement la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (CNUDPH) dans le corps du texte du règlement proposé relatif au FEDER et au Fonds de cohésion, ainsi que dans le règlement portant dispositions communes. Il convient d’intégrer pleinement notamment la CNUDPH dans la base juridique du règlement relatif au FEDER et au Fonds de cohésion, et il convient de faire de l’accessibilité pour les personnes handicapées un critère obligatoire d’éligibilité.

1.16.

Le CESE demande à la Commission de veiller à exclure la construction ou la rénovation d’infrastructures de soins institutionnels ségrégatives du champ d’intervention de l’aide fournie au titre du FEDER et du Fonds de cohésion. En lieu et place, il s’impose de promouvoir l’inclusion sociale grâce à la transition des soins en institution vers la prise en charge de proximité.

1.17.

Le CESE se félicite de l’amélioration de la coordination entre les différents fonds, ainsi que du lien établi entre ces derniers et le semestre européen et les programmes d’appui à la réforme.

1.18.

Le CESE estime que l’insertion de conditionnalités macroéconomiques, dont il est décidé à l’échelon national et européen, crée pour les régions, les municipalités locales, d’autres parties prenantes et les citoyens de sérieux obstacles lors de l’utilisation des fonds; par conséquent, le CESE les désapprouve entièrement et demande à la Commission de reconsidérer les critères d’inclusion.

1.19.

Le CESE estime qu’il est nécessaire d’accorder la priorité à la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux dans le cadre de la politique de cohésion et non pas seulement du FSE+. Il recommande donc fermement d’allouer un minimum de 10 % à l’OS 4 du FEDER, en mettant en place l’initiative régionale en matière de durabilité sociale et d’accessibilité.

2.   Observations générales

2.1.

Le CESE tient toujours, comme il n’a cessé de le faire depuis de nombreuses années, la politique de cohésion pour l’un des éléments fondamentaux pour réaliser l’intégration de l’Union européenne; il est donc d’avis qu’en des temps d’incertitude et de montée du populisme, du nationalisme et de l’euroscepticisme, la politique de cohésion constitue le véritable processus qui relie les citoyens dans le projet de l’Union européenne.

2.2.

Le CESE fait valoir que la politique de cohésion et ses instruments de financement auraient pu servir à proposer aux citoyens de l’Union un discours neuf et positif sur le projet de l’Union européenne.

2.3.

Le CESE souligne par conséquent le manque d’ambition politique de la proposition de la Commission, qui se manifeste dans la pratique par les coupes opérées, dans la proposition relative au CFP 2021-2027, de 12 % et de 46 % respectivement dans les budgets du FEDER et du Fonds de cohésion, à prix constants, par rapport aux budgets actuels. La Commission préconise ces coupes alors même qu’elle fait valoir dans l’exposé des motifs de sa proposition que «dans de nombreux pays, le FEDER et le Fonds de cohésion représentent au moins 50 % des investissements publics». Elles auront ainsi des effets négatifs sur les pays qui stabilisent actuellement leurs économies alors qu’ils se remettent de la crise et que leurs citoyens s’efforcent de composer avec les mesures d’austérité. Dans de nombreux pays, les niveaux de pauvreté et d’inégalité restent élevés, voire continuent même de s’accroître dans certains cas, avec des écarts importants entre les pays, ainsi qu’entre les régions et au sein de celles-ci et entre les différents groupes de population, s’agissant notamment des indicateurs sociaux concernant les femmes, les Roms, les personnes handicapées, les personnes âgées, etc.

2.4.

Étant donné l’importance primordiale du FEDER et du Fonds de cohésion pour le développement économique et social et la cohésion des régions en Europe, le CESE réclame que le financement des politiques de cohésion soit maintenu dans le CFP 2021-2027, au moins avec les mêmes ressources, à prix constants, que dans le cadre financier actuel (3).

2.5.

La proposition de la Commission de réduire les taux de cofinancement pour les trois catégories (4) de régions amoindrit la capacité d’accéder et d’utiliser les fonds sur un pied d’égalité, notamment pour ceux des États membres qui connaissent des grandes difficultés en ce qui concerne leurs dépenses et ceux qui ont été les plus touchés par la crise.

2.6.

Le CESE soutient les efforts visant à simplifier la politique de cohésion et se félicite de la réduction du nombre d’objectifs de 11 à 5, laquelle permettra de concentrer les ressources sur les thèmes prioritaires de la compétitivité des entreprises et des droits des citoyens. Cependant, réduire, clarifier et abréger les règles ne devrait pas signifier de réduire l’efficacité des réglementations s’agissant de réaliser leurs objectifs généraux et spécifiques. Plus particulièrement, une simplification accrue ne devrait pas se traduire par une mise à l’écart dans la proposition de règlement des principes transversaux qui sont un élément et un bienfait de l’acquis européen.

2.7.

Simplifier au moyen de la combinaison des Fonds et de la facilitation de l’accès pour les bénéficiaires notamment en s’appuyant davantage sur une gestion effectuée par les États membres, ainsi qu’au moyen du recours accru aux options de simplification des coûts, constitue autant de mesures indispensables au renforcement de l’efficacité des investissements. L’extension du principe de l’audit unique et le fait de s’appuyer davantage sur les autorités nationales, régionales et locales permettront également d’améliorer l’efficacité des dépenses d’assistance technique. Le CESE accueille favorablement le renforcement de l’«e-cohésion» et l’échange électronique de données car ceux-ci permettront d’accroître la transparence et l’efficacité du FEDER et du Fonds de cohésion. Le CESE se félicite de la proposition de la Commission de renforcer la coopération régionale par le truchement des stratégies de spécialisation intelligentes (S3).

2.8.

Le CESE voit dans la coopération territoriale européenne une modalité essentielle pour soutenir les régions transfrontalières spécifiques souvent confrontées à des problèmes en matière d’infrastructure, d’offre de services publics et de communication et de transports, découlant notamment de leurs caractéristiques géographiques et/ou historiques. Le Comité estime qu’Interreg devrait être un outil de promotion concrète de la convergence économique et sociale de ces régions, sous régions et territoires locaux et suggère donc d’augmenter le budget de cet instrument. En outre, le CESE recommande vivement que les financements du FEDER viennent soutenir un fonctionnement et une mise en œuvre efficaces du mécanisme transfrontalier.

2.9.

Bien que le préambule mentionne les principes d’égalité, de non-discrimination et d’accessibilité, le CESE est fermement convaincu de la nécessité de les ancrer pleinement dans le corps du texte du règlement relatif au FEDER et au Fonds de cohésion, leur conférant ainsi le statut de critères obligatoires d’éligibilité à l’octroi de financements, ainsi que de celle d’insérer l’accessibilité des personnes handicapées dans l’article 67 de la proposition de règlement portant dispositions communes relatif à la sélection des opérations (5).

2.10.

La classification des régions est toujours déterminée par la méthode dite «de Berlin», qui ne tient compte que du revenu national brut et de la population de chaque région pour établir les exigences en matière de concentration thématique qui lui sont applicables (6). La Commission a néanmoins décidé d’enrichir la méthode de détermination des montants alloués au moyen de nouveaux indicateurs, tels que le chômage, l’immigration nette ou encore les émissions de gaz à effet de serre. Cependant, même cette solution contribue à accroître l’exactitude de la répartition des fonds par rapport aux besoins des régions, les exigences en matière de concentration thématique seront toujours déterminées par une méthode de classification qui ne tient pas compte de ces inégalités.

2.10.1.

Par conséquent, de nombreuses régions des États membres du «groupe 1» pourraient bénéficier d’une allocation correcte au regard des inégalités qu’elles subissent en dehors du cadre du RNB, mais elles devraient ensuite composer ensuite avec les exigences en matière de concentration thématique, ce qui pourrait limiter leur capacité de combattre ces mêmes inégalités. Les explications fournies dans l’analyse d’impact, à la demande du comité d’examen de la réglementation (7), concernant le choix de la «méthode de Berlin» ne précisent pas les raisons pour lesquelles d’autres indicateurs pertinents n’ont pas été pris en compte. Par conséquent, le CESE demande à la Commission de reconsidérer cette approche.

2.11.

Les zones à faible densité de population, conformément à l’article 174 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ainsi que les zones isolées, telles que les petites îles, sont des régions confrontées à des problèmes spécifiques de communication, notamment d’accès à Internet, et de transport. De surcroît, elles manquent souvent d’infrastructures sociales (santé, éducation, etc.). Dans ces régions, le caractère dispersé de la population et le manque de possibilités d’emploi, qui entraînent un taux inquiétant de vieillissement, débouchent sur une augmentation progressive du coût de la prestation de services publics, de sorte qu’il est plus difficile de développer des programmes en faveur de l’emploi et d’attirer les entreprises.

2.11.1.

La proposition prévoit de consacrer une partie du budget à ces régions ainsi qu’à celles classées comme régions ultrapériphériques. Toutefois, la classification des régions place les régions ultrapériphériques dans le «groupe 3», ne prenant en compte que le RNB par habitant et négligeant les caractéristiques particulières des zones à faible densité de population. Le CESE envisage l’adoption d’une approche spécialisée, avec un financement suffisant et des exigences correctes en matière de concentration thématique, afin de répondre aux difficultés rencontrées par les zones isolées et à faible densité de population et considère que ces dernières devraient par conséquent bénéficier du champ d’intervention des aides en vertu de la concentration thématique et des dérogations qui s’appliquent aux régions ultrapériphériques.

2.12.

Le CESE se félicite de l’amélioration de la coordination entre les sept Fonds exécutés en gestion partagée, obtenue principalement au moyen de la proposition de règlement portant dispositions communes, qui satisfait une revendication majeure des parties prenantes. En ce qui concerne le FEDER et le Fonds de cohésion, leur combinaison avec le programme d’appui aux réformes proposé (8) revêt une importance toute particulière, car elle permettra d’établir un lien entre la mise en œuvre des programmes et les recommandations formulées dans le cadre du semestre européen, pour autant que celles-ci soient soutenables sur le plan social, et d’améliorer l’efficacité des investissements. Cette combinaison devrait prévoir des négociations spécifiques entre les autorités nationales et européennes, avec la participation pleine et active des partenaires sociaux et des organisations de la société civile.

2.13.

Le CESE reconnaît toute l’importance de combiner différents types de fonds et d’instruments avec les Fonds de la politique de cohésion, notamment ses instruments financiers, permettant ainsi d’en couvrir plus efficacement les objectifs. La mobilisation de capitaux privés garantit également, et démultiplie, la valeur ajoutée des investissements et une répartition plus large des bénéfices.

2.14.

Le CESE se félicite de l’accroissement de la flexibilité s’agissant de modifier les Fonds et les programmes en vue de les adapter aux nouveaux imprévus, comme le propose la Commission. Le lien proposé entre les recommandations par pays d’une part, et la période de programmation et l’évaluation à mi-parcours d’autre part, est important pour l’efficacité des Fonds. Il convient toutefois d’être très attentif, si ces changements deviennent trop fréquents, car ils seraient susceptibles de dénaturer la programmation. En outre, la proposition visant à laisser des ressources non programmées jusqu’aux deux dernières années est de nature à rendre leur utilisation difficile, pour des raisons de temps.

2.15.

Le CESE prend acte de l’augmentation proposée par la Commission du pourcentage de fonds alloués aux objectifs climatiques dans le cadre du CFP 2021-2027 comparé au précédent, à savoir 30 % des dépenses du FEDER et 37 % de celles du Fonds de cohésion. Néanmoins, compte tenu de l’importance cruciale de ces objectifs et de la capacité des deux Fonds de contribuer à leur réalisation, le Comité estime qu’il conviendrait d’envisager une augmentation supplémentaire.

2.16.

La Commission tient compte des objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies pour justifier les dépenses proposées dans le cadre des objectifs en matière de climat. Le CESE estime qu’elle devrait envisager un alignement plus large avec les ODD du règlement qu’elle propose et de ses cinq priorités pour la programmation et la mise en œuvre des fonds, de les intégrer aux objectifs liés à la pauvreté. Il convient d’y procéder en s’assurant de l’inclusion dans la proposition de règlement des dimensions sociales et économiques des ODD.

2.17.

La Commission présente un modèle de gouvernance à multi-niveaux, qui met l’accent sur la gestion partagée des programmes entre la Commission et les États membres, ces derniers ayant désormais une responsabilité plus directe. La répartition des responsabilités est également plus claire, et la contribution des collectivités territoriales, des partenaires sociaux et des organisations de la société civile (9) a été accrue. Toutefois, il convient de mettre en place des garanties et des mesures spécifiques pour conférer aux partenaires sociaux et aux organisations de la société civile le pouvoir de jouer un rôle crucial en tant que corps intermédiaires, développant des projets de manière plus efficace et les rapprochant de leurs bénéficiaires finaux.

2.18.

Le CESE fait valoir la nécessité d’un surcroît de partenariat, de participation et d’association des organisations de la société civile et des autres parties prenantes dans le suivi de la politique de cohésion à l’échelon de l’Union. De fait, le CESE note qu’il pourrait lui-même remédier à ce déficit à l’échelon de l’Union d’une manière volontariste, inclusive et efficace. Il propose par conséquent de mettre sur pied un forum européen de la société civile pour la cohésion afin de suivre la politique y afférente, sachant qu’il est disposé à en faciliter pleinement le fonctionnement.

2.19.

Le CESE se félicite que la Commission ait choisi de changer l’approche traditionnelle de l’assistance technique, en supprimant l’objectif prioritaire utilisé pour orienter celle-ci. En lieu et place, la proposition suggère un taux forfaitaire général à hauteur de 2,5 % de chaque programme de manière à assurer jusqu’à 100 % de l’investissement, en vue de couvrir les dépenses d’assistance technique. D’autres investissements effectués au titre de l’assistance technique peuvent également être cofinancés, si nécessaire, au-delà de ce taux de 2,5 %. Le CESE se félicite de cette approche simplifiée. En sus de donner la priorité au principe de proportionnalité ainsi que d’améliorer la flexibilité et la gouvernance du partenariat, la Commission a décidé de ne pas limiter le montant de l’allocation relative aux capacités institutionnelles des partenaires, y compris celles des organes représentant la société civile.

2.20.

Le CESE n’approuve pas la proposition de modifier la règle «N + 3» en règle «N + 2» et invite la Commission à reconsidérer sa position. L’approche en matière de flexibilité dans ces conditions devrait être plus proche des besoins des pays, des régions, des sous-régions, des communautés locales et des parties prenantes qui ont connu les plus grandes difficultés dans la mise en œuvre des programmes; elle devrait adapter les procédures de mise en œuvre aux capacités des différents États membres et aux conditions qui prévalent en leur sein. Le rétablissement de la règle «N + 2» exige également un niveau plus élevé d’efficacité en matière de programmation et de mise en œuvre, et donne une année de moins pour la certification des paiements.

3.   Observations particulières

3.1.

Le CESE estime que les objectifs spécifiques pour le FEDER et le Fonds de cohésion (visés à l’article 2) devraient couvrir des domaines tels que l’économie sociale et l’accessibilité des infrastructures et des services à tous les citoyens de l’Union européenne, et qu’il devrait être fait spécifiquement référence aux zones et aux îles à faible densité de population, conformément à l’article 174 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

3.2.

Le CESE estime qu’il convient de réviser en conséquence les annexes I et II afin de prendre en compte les zones mentionnées précédemment dans des indicateurs communs de réalisation et de résultat, ainsi que dans des indicateurs de performance.

3.3.

Bien que le CESE reconnaisse l’importance de la valeur ajoutée des objectifs stratégiques que sont l’OS 1 et l’OS 2, il relève qu’imputer des pourcentages très élevés à ces deux domaines pour chacun des trois groupes de régions saperait l’efficacité du FEDER et du Fonds de cohésion s’agissant d’atteindre les OS 3 à 5. Il demande donc à la Commission de retravailler les exigences en matière de concentration thématique (article 3, paragraphe 4) afin d’équilibrer les efforts en vue de traiter de manière adéquate les inégalités sociales, y compris la pauvreté et la discrimination, ce qui est nécessaire afin de réaliser une croissance inclusive.

3.4.

Le CESE souligne le lien étroit qu’entretient le développement urbain avec la modernisation des infrastructures et services locaux et avec l’innovation en la matière, et se félicite donc de l’inclusion d’une initiative urbaine européenne au sein du FEDER liée au programme urbain de l’Union européenne. Toutefois, le CESE recommande vivement à la Commission d’accroître son soutien financier à cette initiative et de lui conférer dans le même temps un caractère transversal afin de couvrir les trois piliers des objectifs de développement durable du programme à l’horizon 2030, par exemple, de manière à développer des villes intelligentes et accessibles.

3.5.

Le CESE se félicite de l’insertion de la condition favorisante horizontale no 4, qui requiert des cadres nationaux pour la mise en œuvre de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées. Toutefois, il estime que:

3.5.1.

Puisque l’Union européenne est partie à la CNUDPH et qu’elle a donc l’obligation de l’appliquer, il est judicieux d’ancrer cette convention dans la base juridique de la proposition de règlement relatif au FEDER et au Fonds de cohésion.

3.5.2.

L’accessibilité des personnes souffrant d’un handicap, y compris l’accessibilité aux biens, aux services et aux infrastructures, devrait être incluse dans le champ d’application du règlement proposé et posée comme un critère obligatoire pour le financement des projets dans chacun des secteurs couverts. Le CESE recommande donc vivement d’inclure dans le corps du règlement le point 5 de l’introduction de la proposition de règlement relatif au FEDER et au Fonds de cohésion, qui prévoit que «[l]es États membres devraient également respecter les obligations découlant de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées et garantir l’accessibilité conformément à l’article 9 de celle-ci et dans le respect du droit de l’Union harmonisant les exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services».

3.5.3.

L’acquis européen a développé une approche transversale de la promotion de l’égalité, de la non-discrimination et de l’accessibilité des personnes handicapées dans le cadre de la programmation et de la mise en œuvre des fonds par le biais de l’article 7 du règlement portant dispositions communes de l’actuel CFP 2014-2020 (10) et de l’article 16 du règlement portant dispositions communes relatif à la période 2007-2013. Le CESE recommande donc vivement de réintégrer dans le nouveau règlement proposé portant dispositions communes l’article 7 de celui de l’actuel CFP 2014-2020.

3.6.

Le CESE est déçu de constater que la proposition de règlement ne prévoit pas de poursuivre l’engagement pris au titre du FEDER et lancé dans le cadre du CFP 2014-2020 en vue de promouvoir la transition des soins en institution vers la prise en charge de proximité. L’article 2, paragraphe 1, point d), de la proposition de règlement FEDER donne la priorité au renforcement de l’intégration socioéconomique «au moyen de mesures intégrées, notamment en ce qui concerne le logement et les services sociaux». S’il s’agit d’une disposition importante, il n’est cependant pas certain que cet objectif spécifique suffise pour assurer l’intégration des citoyens, notamment des plus défavorisés parmi eux, au sein de la communauté au moyen d’investissements ciblés en faveur de la désinstitutionalisation. Au vu de l’importance cruciale que revêtent les investissements du FEDER pour l’inclusion sociale, le CESE propose de faire en sorte de n’investir dorénavant les ressources du FEDER que dans des services qui soutiennent l’inclusion sociale et d’exclure l’utilisation des fonds pour la construction ou la rénovation d’infrastructures de soins institutionnels ségrégatives du champ d’application du FEDER et du Fonds de cohésion. Il est fondamental non seulement de maintenir mais aussi de renforcer tant l’incitation positive que l’obligation négative dans la proposition de règlement FEDER.

3.7.

Bien qu’il soit proposé qu’un tiers des financements du FSE+ appuie la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux, le CESE est fermement convaincu qu’il convient de donner la priorité aux financements du budget du FEDER afin de soutenir efficacement la mise en œuvre de l’OS 4. Le CESE recommande donc fermement d’allouer un minimum de 10 % audit OS 4 du FEDER, en mettant en place l’initiative régionale en matière de durabilité sociale, afin de promouvoir l’inclusion sociale et l’accessibilité de manière systématique et cohérente.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  COM(2018) 372 final — 2018/0197 (COD), COM(2018) 372 final — Annexe I, COM(2018) 372 final — Annexe II.

(2)  COM(2018) 375 final.

(3)  Voir l’avis du CESE sur le Cadre financier pluriannuel après 2020 (JO C 440 du 6.12.2018, p. 106).

(4)  Voir l’avis du CESE sur le Cadre financier pluriannuel après 2020 (JO C 440 du 6.12.2018, p. 106).

(5)  L’article 7 du règlement portant dispositions communes pour la période 2014-2020 a été supprimé, la Commission ayant opté pour l’introduction d’une obligation pour les États membres concernant la sélection des projets, au moyen de l’article 67 de la proposition de règlement portant dispositions communes pour le CFP 2021-2027. Toutefois, ledit article 67 ne mentionne aucunement l’accessibilité.

(6)  La nouvelle proposition relative à une concentration thématique du FEDER classifie les États membres en trois groupes selon leur revenu national brut (RNB): le «groupe 1», à savoir les pays dont le ratio RNB est égal ou supérieur à 100 % de la moyenne de l’Union; le «groupe 2», ceux dont le ratio RNB est égal ou supérieur à 75 % mais inférieur à 100 % de la moyenne de l’Union; et le «groupe 3», les pays dont le ratio RNB est inférieur à 75 % de la moyenne de l’Union ainsi que les régions ultrapériphériques dans le cas des programmes relevant de l’objectif «Investissement pour l’emploi et la croissance». Conformément aux exigences de concentration thématique relatives aux différents groupes de régions, il est proposé que les États membres du «groupe 1» allouent au moins 85 % de leurs ressources à l’OS 1 et à l’OS 2, ainsi qu’au moins 60 % à l’OS 1; que les pays du «groupe 2» allouent au moins 45 % de leur budget aux priorités au titre de l’OS 1, ainsi qu’au moins 30 % à l’OS 2; et que les membres du groupe 3 allouent au moins 35 % de leurs ressources à l’OS 1, ainsi qu’au moins 30 % à l’OS 2.

(7)  SEC(2018) 268 (pour l’heure, en anglais uniquement).

(8)  COM(2018) 391 — 2018/0213 (COD).

(9)  Il s’agit notamment des partenaires environnementaux et des organismes chargés de promouvoir l’inclusion sociale, les droits fondamentaux, les droits des personnes handicapées, l’égalité hommes-femmes et la non-discrimination, tels que visés à l’article 6 de la proposition de règlement portant dispositions communes.

(10)  Règlement (UE) no 1301/2013.


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/97


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la publication d’informations relatives aux investissements durables et aux risques en matière de durabilité et modifiant la directive (UE) 2016/2341»

[COM(2018) 354 final — 2018/0179 (COD)]

(2019/C 62/15)

Rapporteur:

Carlos TRIAS PINTÓ

Saisine

Conseil, 6.7.2018

Parlement européen, 5.7.2018

Base juridique

Article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

3.10.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

174/7/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Les acteurs financiers contribuent à la transition de l’économie européenne vers un système plus écologique, plus résilient et circulaire, dans la mesure où ils intègrent les facteurs ESG (1), à savoir:

ils le font dans le cadre de leurs activités de conseil aux investisseurs finaux, en leur demandant quelles sont leurs préférences en matière de durabilité,

dans la constitution ou la sélection d’un portefeuille d’actifs financiers,

dans la publication transparente et la justification fiable de la prise de décision ainsi que

dans les informations précontractuelles sur la prise en compte ex ante des risques et des prévisions d’incidence, et

dans les rapports périodiques faisant état de l’incidence globale du produit financier pour ce qui est de la durabilité, moyennant l’utilisation des indicateurs de durabilité pertinents.

1.2.

Les objectifs de développement durable (ODD(2) et l’accord de Paris sur le changement climatique constituent le frontispice des piliers de la durabilité partagée, et le plan d’action de la Commission sur la finance durable (3) va cimenter cette nouvelle architecture.

1.3.

Le point de départ consiste à définir progressivement à partir de données scientifiques rigoureuses quelles activités sont durables, en utilisant une méthodologie d’analyse coûts-bénéfices tout au long du cycle de vie du projet, qui valorise les externalités environnementales, sociales et économiques.

1.4.

Commencer par le vecteur «E» (des critères ESG) suppose de toujours respecter (4) les garanties sociales convenues au niveau international (5), de même que le socle européen des droits sociaux (6). De l’avis du Comité économique et social européen (CESE), les garanties doivent aller jusqu’à la lettre «G», sans oublier la bonne gouvernance fiscale (en entreprise et institutionnelle).

1.5.

Le CESE salue l’élaboration du plan d’action. Le présent avis se concentre sur les actions visant à réorienter les flux de capitaux vers des investissements durables et, partant, touche au cœur des obligations fiduciaires des acteurs des marchés de capitaux, dont la partie faible, l’investisseur final, pourra aligner ses décisions d’investissement prises en toute connaissance de cause sur ses préférences en matière de durabilité. Tant le nouveau règlement proposé que la révision de la directive apportent solidité, cohérence et efficacité à la mise en œuvre de ce plan d’action.

1.6.

Nombreux sont ceux qui évoquent l’ élan à saisir pour faire de nécessité vertu et consolider «l’Europe des valeurs» en assumant nos responsabilités en matière de durabilité. En ce sens, le CESE encourage vivement l’élaboration de produits financiers paneuropéens durables, étant convaincu qu’ils serviront à une Europe qui fait plus et mieux.

1.7.

Le CESE approuve la proposition de la Commission de créer une plateforme sur la finance durable, composée d’experts représentant tant le secteur public que le secteur privé. Le CESE devrait en faire partie.

1.8.

Enfin, le Comité souligne la nécessité de garantir une participation accrue de la société civile et des partenaires sociaux tout au long du processus.

2.   Contexte de l’avis

2.1.   Cadre général: plan d’action: financer la croissance durable

2.1.1.

Sur le long chemin à parcourir pour achever l’union financière, la révision à mi-parcours de l’union des marchés des capitaux (CMU) a été axée sur la mobilisation de l’épargne européenne, en encourageant les investissements privés durables. Le plan d’action sur le financement de la croissance durable, lancé par la Commission le 8 mars 2018, a établi une feuille de route intelligente et précise afin de répondre à cet engagement.

2.1.2.

Le Comité économique et social européen a accueilli très favorablement l’initiative, dont les dix actions prévoient une série de mesures cohérentes et bien articulées entre elles, qu’il conviendrait d’adopter avant la fin de l’année 2019.

2.1.3.

La proposition de modification du cadre réglementaire, objet du présent avis, touche à la fonction fiduciaire des acteurs financiers.

2.1.4.

Cela concerne en particulier l’action 7 du plan d’action dans lequel l’intégration de la durabilité dans les portefeuilles d’investissement et une publication correcte d’informations la concernant a pour corollaire l’action 4, relative aux conseils fournis aux investisseurs finaux. Cela concerne également en partie l’action 9, dès lors que la publication d’informations extrafinancières, de qualité et harmonisées, par les entreprises est une condition sine qua non.

2.1.5.

En parallèle, dans le cadre de ce premier cycle cohérent de mesures que prévoit le plan d’action, le CESE adopte une position sur la taxinomie (action 1) et les indices de durabilité (7) (action 5).

2.2.   Obligations des investisseurs institutionnels et des gestionnaires d’actifs en matière de durabilité

2.2.1.

Il est proposé d’adopter un règlement sur l’intégration des questions de développement durable dans le processus décisionnel et sur la publication des informations relatives aux investissements durables et aux risques en matière de durabilité, accompagné de la modification de la directive (UE) 2016/2341 concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle (IRP), et assorti d’actes délégués de la Commission européenne en vue d’adapter de manière cohérente les directives MiFID II et IDD, avec l’aide des autorités de surveillance.

2.2.2.

Il s’agit de veiller à ce que les gestionnaires d’actifs, les investisseurs institutionnels, les distributeurs de produits d’assurance et les conseillers en investissement intègrent les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans leurs décisions d’investissement (action 7) et leur processus de conseil (action 4), et ce au titre de leur obligation de servir au mieux l’intérêt des investisseurs ou des bénéficiaires.

2.2.3.

Les gestionnaires d’actifs et les investisseurs institutionnels devraient indiquer comment leurs investissements sont alignés sur ces objectifs de durabilité et rendre compte régulièrement des performances non financières de ces investissements, au moyen d’indicateurs d’impact ad hoc. Cela suppose une plus grande transparence à l’égard des investisseurs finaux, qui pourront prendre des décisions éclairées, à partir de produits comparables et ne donnant pas lieu à l’«écoblanchiment» ni au «blanchiment social».

2.2.4.

La réglementation proposée s’applique aux gestionnaires d’actifs (8), aux investisseurs institutionnels (entreprises d’assurance régies par la directive «solvabilité II» et fonds de retraite professionnelle soumis à la directive IORP II), aux distributeurs de produits d’assurance régis par la directive sur la distribution d’assurances (IDD) et aux conseillers et gestionnaires de portefeuilles individuels dont l’activité est réglementée par la directive MiFID II.

2.2.5.

Les dispositions proposées couvrent tous les produits financiers offerts et les services (gestion de et conseil en portefeuilles) fournis par les entités précédemment mentionnées, indépendamment du fait qu’elles poursuivent des objectifs d’investissements durables ou non.

2.2.6.

Un indice «bas carbone» dans l’Union européenne ou un indice «bilan carbone positif» serait considéré comme un point de référence uniquement pour les produits et services qui poursuivent un objectif de faibles émissions de carbone, de même que d’autres indices s’appliqueront aux produits et services visant des objectifs d’impact environnemental et/ou social.

2.2.7.

De la sorte, les investisseurs tiendront compte de la couverture des risques en matière de durabilité dans l’évaluation de la performance de leurs investissements à long terme et se conformeront aux obligations dites «fiduciaires», pour servir au mieux l’intérêt des investisseurs finaux ou des bénéficiaires finaux.

2.2.8.

De même, le secteur financier remplira une fonction indispensable de réajustement aux risques liés au changement climatique ainsi qu’aux défis environnementaux, sociaux et en matière de gouvernance, en réorientant progressivement les flux de capitaux privés vers des investissements durables, et en choisissant pour ce faire des activités, des projets et des entreprises qui soient adaptés.

2.2.9.

Pour sa part, l’Union européenne renforcera les fonds publics afin d’attirer davantage d’investissements privés. En particulier, le Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI 2.0), en vigueur depuis le 31 décembre 2017 et maintenant élargi et renforcé, propose un objectif d’investissement intelligent du point de vue climatique de 40 %, et poursuivra son ascension dans le cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027.

3.   Observations générales

3.1.

Dans la transition vers des économies plus durables et inclusives, une approche équilibrée des risques ESG ainsi qu’un alignement adéquat des acteurs du système financier contribueront à la stabilité financière systémique.

3.2.

Dans le cadre du plan d’action de la Commission européenne, le CESE s’est prononcé (9), en termes généraux, sur les obligations en matière de durabilité pour les investisseurs institutionnels et les gestionnaires d’actifs.

3.3.

Plus précisément, le CESE préconise d’inclure les produits financiers liés aux pensions dans la nouvelle taxinomie et les indices de référence, qui peuvent être associés à des investissements à long terme au titre du EFSI 2.0 et du futur fonds «InvestEU» prévu dans le CFP pour la période 2021-2027.

3.4.

Ainsi, les futurs «produits paneuropéens d’épargne-retraite individuelle» (PEEP) pourraient constituer un produit durable emblématique, étant donné le grand intérêt que présente la création d’un flux de ressources financières à long terme qui permette de répondre simultanément à la diversité des enjeux de la société européenne à savoir, pour résumer, assurer le bien-être futur des personnes tout en finançant des infrastructures durables solides. De l’avis du CESE, ce serait l’option d’investissement par défaut, qui doit permettre à l’épargnant en PEPP de récupérer le capital investi, notamment par le soutien subsidiaire institutionnel de l’Union européenne (10).

3.5.

Outre la mobilisation de l’épargne interne, il y a lieu d’attirer davantage d’investissements vers l’Europe. Au-delà des stimuli associés à l’investissement durable, de nombreuses études montrent que les investisseurs cherchent à avoir accès à des marchés de capitaux plus vastes, susceptibles généralement de générer des rendements plus élevés sur les investissements.

3.6.

Pour une intégration du marché des capitaux, il faut également prévoir des réformes et des mesures d’incitation qui favorisent les régimes individuels et collectifs de retraite paneuropéens durables, à la condition de garantir dans le même temps un système public de retraite solide, en élargissant la base actuelle des affiliés aux régimes de sécurité sociale. Il faut encourager également la réalisation d’investissements durables à partir des fonds de réserve, lorsqu’ils existent, des systèmes publics de retraite.

3.7.

Par ailleurs, le CESE a fait valoir que les services d’intermédiation financière doivent, en tant qu’élément essentiel de leurs obligations légales, interagir de manière dynamique avec leurs clients afin de leur fournir des informations claires sur les risques et les avantages financiers potentiels de la prise en compte des facteurs ESG. Dans le cas de l’«investisseur de détail», il faut vérifier qu’il a clairement compris l’ensemble des informations fournies.

3.8.

Par conséquent, le CESE soutient également l’adaptation de la directive MiFID II et la directive sur la distribution d’assurances (IDD), et il est partisan que l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) inclue des dispositions sur les préférences en matière de durabilité dans ses orientations relatives à l’évaluation du caractère approprié. En particulier, et sans préjudice des objectifs principaux de ces directives pour assurer la protection des investisseurs, il est indispensable d’étudier si et de quelle manière les préférences des investisseurs en matière de durabilité peuvent être intégrées à cette législation, afin que les conseillers financiers soient en mesure de formuler des recommandations appropriées sur les produits financiers les plus adéquats pour leurs clients et respectant autant que possible les préférences de ceux-ci.

3.9.

En définitive, le CESE salue la révision cohérente et simultanée du système européen de surveillance financière visant à intégrer les risques importants en matière de durabilité (11) du point de vue financier aux missions de surveillance microprudentielle, et estime que les exigences en matière de fonds propres et de liquidité actuelles doivent être bien pesées sur la base de ces nouveaux éléments.

3.10.

Enfin, le CESE hausse la voix, une fois de plus, pour faire part de son vif regret de voir que même les pays les plus avancés n’ont pas réussi à combler l’écart entre les hommes et les femmes. Á cet égard, les finances durables offrent des réponses efficaces: l’investissement réalisé dans une optique de genre (12) peut inclure le financement d’entreprises détenues par des femmes, des entreprises ayant une longue histoire d’emploi féminin ou qui améliorent la vie de des femmes et des jeunes filles grâce à leur produits et services.

3.11.

De plus, selon le Boston Consulting Group, aussi bien la génération Y (millennials) que les femmes cherchent de plus en plus à aligner leurs objectifs spécifiques de financement et d’investissement sur leurs valeurs, sans pour autant revoir à la baisse leurs attentes en matière de retour sur investissement. En d’autres termes, ces catégories recherchent une valeur ajoutée qui aille au-delà des revenus financiers.

4.   Observations spécifiques

4.1.

Le CESE estime que la base juridique choisie pour cette réglementation, l’article 114 du TFUE, est adaptée étant donné qu’il s’agit de préserver des «conditions de concurrence équitables» pour les différents acteurs financiers, tout en garantissant un niveau élevé de protection des consommateurs (investisseurs finaux).

4.2.   Proposition de règlement

4.2.1.

Le CESE soutient l’harmonisation, au moyen de ce règlement, des règles que doivent suivre les investisseurs institutionnels et les gestionnaires d’actifs dans le cadre du processus d’investissement, en tenant compte des facteurs de risques et de durabilité, et en se conformant aux exigences de transparence qui permettront une comparaison objective entre les produits financiers durables. Il souligne également le rôle important que joueront les autorités de surveillance dès le stade de la conception des normes techniques pour le processus de production et de publication de l’information, pour lequel il faudra pouvoir compter sur des avis techniques spécialisés.

4.2.2.

Le CESE se félicite des définitions exhaustives reprises à l’article 2 et souligne comme positif le fait d’envisager conjointement les aspects environnementaux, sociaux et de gouvernance, ce qui a pour corollaire l’élaboration d’une nouvelle taxinomie y relative. Cette approche en matière de réglementation est reflétée dans le point o), étant donné que les investissements durables ne doivent pas seulement se fonder sur les objectifs environnementaux énoncés au point i) [qui se réfère à l’article 2 de la proposition de règlement sur la nouvelle taxinomie (13)] mais également satisfaire aux points ii) et iii) qui se réfèrent à la dimension sociale et à celle de la gouvernance. Ces dispositions ont pour but de faciliter l’obligation d’information imposée aux acteurs du marché qui intègrent déjà des facteurs sociaux et de gouvernance dans leurs portefeuilles d’investissements, et le CESE estime qu’il convient de les définir explicitement comme des garanties au titre de la «taxinomie verte».

4.2.3.

Le CESE souscrit à l’idée selon laquelle tous les acteurs publient sur leur site internet les critères d’intégration des facteurs (14) importants en matière de durabilité sur le plan financier ainsi que des risques financiers qui sont associés à leur catalogue de produits. Toutefois, cela ne sera utile que si l’information est la plus standardisée possible et mise à jour simultanément par tous les acteurs de la chaîne d’investissement.

4.2.4.

L’information précontractuelle est extrêmement importante et doit être claire, pertinente, objective et comparable. Il importe de classer par type les informations spécifiques pour chaque famille de produits et d’indiquer clairement les indicateurs d’incidence ou les indices de référence, y compris la méthode de calcul.

4.2.5.

Enfin, le CESE approuve les règles prévues pour l’information des investisseurs finaux sur l’incidence de leur investissements. Il demande quant à lui instamment à l’autorité européenne de surveillance compétente pour chaque cas de surveiller étroitement si les conditions de fréquence, de mise à jour et de fourniture d’informations objectives sont remplies, pour assurer la cohérence avec les stratégies de commercialisation associées à chaque produit.

4.3.   Proposition de modification de la directive (UE) 2016/2341

4.3.1.

Le CESE est favorable à ce que tous les actes délégués visant à intégrer les facteurs ESG dans les directives qui touchent aux investisseurs institutionnels et aux gestionnaires d’actifs découlent du «principe de prudence» et, par conséquent, fournissent un cadre sûr et fiable pour les politiques d’investissement, de nature à établir un équilibre entre les conditions de concurrence entre les acteurs et à assurer un degré élevé de protection des consommateurs.

4.3.2.

Il souscrit dès lors à la révision de cette directive, dans l’objectif de sa mise en conformité avec les autres directives et les fonds concernés par ce règlement.

4.4.   Actes délégués (MiFID II et directive sur la distribution d’assurances)

4.4.1.

Ils se réfèrent à l’action 4 du plan d’action et visent un alignement avec l’action 7, dans le cadre d’un exercice d’articulation cohérente des différents actes réglementaires. Le CESE soutient les amendements prévus relatifs aux actes délégués préalables, afin de garantir qu’il sera bien demandé à l’investisseur final quelles sont ses préférences en matière de durabilité, ce qui, à son tour, doit clairement apparaître dans les recommandations du conseiller.

4.5.

En plus de soutenir les premières mesures prises par la Commission pour suivre la feuille de route liée au plan d’action sur le financement de la croissance durable, le CESE émet les observations suivantes:

4.5.1.

Il est impératif de tirer parti de l’expérience et des preuves empiriques apportées par les acteurs financiers qui négocient déjà des titres et la Commission européenne doit dès lors canaliser de manière ordonnée et systématique la contribution que représentent les pratiques de marché, en tant que facteur essentiel pour une élaboration satisfaisante de la nouvelle taxinomie.

4.5.2.

Il faudra par conséquent, dans le cadre des nouvelles actions pour «Mieux légiférer», veiller à une interaction accrue entre la Commission européenne et les principales parties intéressées: rencontres en mode présentiel ou virtuel, ateliers spécialisés, nouveaux outils, etc., et tout cela sans sous-estimer les tâches confiées au groupe technique d’experts en finances durables ou d’autres groupes ad hoc pour les actes délégués de la Commission ni la procédure actuelle de consultation, dont la portée reste limitée.

4.5.3.

Pour achever l’union des marchés de capitaux, il est essentiel d’encourager la combinaison des ressources publiques et privées, en ouvrant différentes voies pour réorienter les flux de capitaux et faire converger diverses sources afin de générer un co-investissement durable (fondations, associations, donateurs, financement participatif sous forme de capital, etc.), en appliquant le principe de non-discrimination, en supprimant les obstacles transfrontaliers et les entraves administratives, conformément aux législations des États membres, et en harmonisant le traitement fiscal.

4.5.4.

De l’avis du CESE, les coûts de l’intégration de la durabilité dans les portefeuilles de gestion d’actifs sont abordables, même pour les acteurs de plus petite taille, qui peuvent facilement les compenser grâce au chiffre d’affaires accru généré par leur gain de réputation.

4.5.5.

L’action 9 du plan (améliorer la publication d’informations sur la durabilité) doit servir de levier pour faciliter aux petites et moyennes entreprises la fourniture d’informations de qualité relatives à la durabilité et leur faciliter ainsi la levée de fonds pour un financement durable.

4.5.6.

La principale préoccupation réside dans les obligations de conformité globalement très technocratiques et asphyxiantes pour les entités qui ont moins de moyens. Les autorités de surveillance, en particulier l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) et l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP), ne doivent demander que les informations pertinentes et ainsi faciliter les tâches de transmission de données et de justification.

4.5.7.

Le CESE approuve le délai de douze mois prévu pour l’application du règlement, étant donné que dans le cas des produits d’investissement de détail packagés et les produits d’investissement (15) basés sur des assurances, le processus a pu être parachevé en six mois.

4.5.8.

Enfin, le CESE se demande si, à la lumière de l’expérience acquise avec l’initiative «Mieux légiférer», il ne serait pas excessif d’accorder une période de soixante mois comme délai maximal pour réexaminer la mise en œuvre de ce règlement.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Environnementaux, sociaux et de gouvernance.

(2)  Les objectifs de développement durable (ODD) sont nés de la conférence des Nations unies sur le développement durable, qui s’est tenue à Rio de Janeiro en 2012.

(3)  COM(2018) 97 final.

(4)  Engagement conjoint dans le cadre du dialogue entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission (également appelé «Trilogue»).

(5)  En particulier, les principes directeurs des NU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et les normes fondamentales du travail de l’Organisation internationale du travail.

(6)  Voir l’avis du CESE sur le «Socle européen des droits sociaux» (JO C 125 du 21.4.2017, p. 10).

(7)  Avis du CESE ECO/467 — «Finance durable: taxinomie et valeurs de référence» (voir page 103 du présent Journal officiel).

(8)  Relevant de la directive sur les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) et de la directive sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs (AIFM), les fonds de capital-risque européens (EuVECA) et les fonds d’entreprenariat social européens (FESE).

(9)  Avis du CESE ECO/456 — «Finances durables (communication)» (voir page 73 du présent Journal officiel).

(10)  Il faudra pour cela limiter les commissions perçues par les producteurs et intermédiaires de PEPP, de même que créer des normes minimales d’harmonisation fiscale.

(11)  Un cadre d’analyse de la matérialité porte sur les facteurs qui sont les plus pertinents pour les performances financières des entreprises, y compris les facteurs de durabilité financière.

(12)  Sarah Kaplan et Jackie VanderBurg, de U.S. Trust, ont constaté que les femmes qui lancent et développent des entreprises dans le monde entier subissent un écart collectif en matière de crédit estimé à 320 milliards de dollars des États-Unis.

(13)  COM(2018) 353 final.

(14)  Un cadre d’analyse de la matérialité porte sur les facteurs qui sont les plus pertinents pour les performances financières des entreprises, y compris les facteurs de durabilité financière.

(15)  documents d’informations clés relatifs aux produits d’investissement packagés de détail et fondés sur l’assurance


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/103


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur l’établissement d’un cadre pour favoriser les investissements durables»

[COM(2018) 353 final — 2018/0178 (COD)]

et la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2016/1011 en ce qui concerne les indices de référence correspondant à une faible intensité de carbone et les indices de référence correspondant à un bilan carbone positif»

[COM(2018) 355 final — 2018/0180 (COD)]

(2019/C 62/16)

Rapporteur:

Daniel MAREELS

Consultation

Conseil de l’Union européenne, 6.7.2018

Parlement européen, 5.7.2018

Base juridique

Article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

3.10.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

182/0/0

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement les propositions relatives à la taxinomie, qui marquent une première étape dans la mise en œuvre du plan d’action sur le financement de la croissance durable (1). Ces propositions définissent ce qui constitue une «activité économique durable sur le plan environnemental», permettant ainsi de déterminer en quoi consiste un «investissement durable sur le plan environnemental», qui représente l’enjeu essentiel dans ce contexte.

1.2.

Le Comité accueille en outre favorablement la proposition relative à l’élaboration de nouveaux indices de référence «bas carbone» et «bilan carbone positif».

1.3.

À la lumière des objectifs du plan d’action, il est extrêmement important de poser dès le départ une base solide pour toutes les réalisations subséquentes. La taxinomie joue ce rôle de fondement et le Comité souscrit pleinement à l’option choisie de commencer par là.

1.4.

Ce fondement se doit par ailleurs d’être conforme aux grandes ambitions affichées dans le plan d’action, selon lesquelles «l’Europe est bien placée pour endosser [le] rôle» de chef de file au niveau mondial. Il importe à présent d’agir dans le respect de cette ambition et d’établir la taxinomie en conséquence.

1.5.

Il est primordial que l’Union européenne dans son ensemble parle d’une seule voix et suive la même approche en la matière. La taxinomie européenne doit donc être en mesure de dépasser et de remplacer les différentes approches qui coexistent actuellement dans les États membres, qu’elles soient appliquées à titre individuel ou de manière plus répandue. Lorsque la situation le permet, il convient de s’appuyer sur les cadres internationaux existants.

1.6.

Une telle démarche serait également bénéfique pour le marché intérieur, notamment lorsqu’il s’agit d’attirer des capitaux pour des investissements durables dans l’ensemble de l’Union européenne. Les acteurs du marché bénéficieraient en effet de coûts moins élevés et les investisseurs disposeraient quant à eux d’un choix plus vaste.

1.7.

Le plan d’action et sa mise en œuvre posent de sérieux défis. Ils s’inscrivent clairement dans un environnement en pleine évolution et en perpétuelle mutation. La taxinomie doit donc être considérée également comme un instrument évolutif qui doit être évalué et adapté régulièrement.

1.8.

Compte tenu de ce qui précède, le Comité partage l’avis selon lequel l’approche souple et graduelle retenue dans les propositions doit être privilégiée. Il est judicieux de commencer par un nombre limité de domaines et de n’imposer, dans un premier temps, qu’un nombre restreint d’obligations légales.

1.9.

Comme exposé ci-dessus, les propositions actuelles abordent la situation sous l’angle écologique. Pour ce qui est de la situation dans son ensemble, le Comité continue cependant de demander que l’on accorde suffisamment d’attention à la cohérence globale. S’il est positif que des garanties minimales doivent être respectées en matière sociale et de gouvernance, des mesures supplémentaires n’en restent pas moins souhaitables. Il s’agira donc de s’occuper à l’avenir de l’élargissement aux objectifs de durabilité sociale et de gouvernance.

1.10.

Le Comité soutient pleinement le choix de la mise en place d’une taxinomie de l’Union européenne présentant un niveau élevé de granularité. Il est essentiel d’établir de manière sûre et claire quelles sont les activités réellement durables sur le plan environnemental et d’écarter dès le départ tout doute en la matière.

1.11.

Il est également crucial que la taxinomie soit pratique à utiliser. Une telle caractéristique bénéficie notamment aux consommateurs et aux investisseurs. Il y a lieu par ailleurs d’approuver pleinement la décision de n’utiliser la taxinomie que lorsqu’elle est stable et confirmée.

1.12.

La taxinomie doit notamment intégrer le fait qu’elle sera appliquée par les entreprises. Ce sont elles en effet qui assureront pour une large part la «véritable» transition vers une économie durable. Une approche tenant compte des différences entre les secteurs et de la taille des entreprises se justifie pleinement. Il y a également lieu de prévenir toute distorsion de concurrence lors des démarches visant à mobiliser des fonds pour des activités économiques durables sur le plan environnemental.

1.13.

Dans le même temps, la taxinomie doit pouvoir être appliquée aussi bien dans un environnement d’envergure internationale que dans un contexte local. Le Comité est intimement persuadé qu’il convient non seulement d’éviter que ces mesures soient trop axées sur les besoins des très grandes entités, mais aussi de s’assurer qu’elles bénéficient aux petites et moyennes entreprises (PME).

1.14.

Il est positif que les autorités européennes de surveillance soient amenées à jouer un rôle clé dans l’établissement de la taxinomie de l’Union européenne. Celle-ci doit pouvoir être utilisée par toutes les institutions financières et pour tous les produits financiers, tout en restant applicable à toutes les activités économiques concernées. Il convient par ailleurs de veiller à ce qu’elle soit compatible avec la législation financière européenne. La charge et les coûts connexes liés à la réglementation et à la surveillance doivent être limités autant que faire se peut, notamment sur la base du principe de proportionnalité.

1.15.

Le Comité estime que l’information et la communication revêtent elles aussi une importance capitale. Il estime dès lors qu’il est tout à fait approprié d’accorder une grande attention à l’information et à la communication avec toutes les parties concernées, y compris l’environnement opérationnel des entreprises, et avec le grand public. Un plan pourrait être élaboré en vue d’informer le mieux possible toutes les parties prenantes et les citoyens et d’entamer le dialogue avec eux de manière à susciter leur adhésion. L’éducation et les formations financières en la matière pourraient également s’inscrire dans une telle démarche. Ce sont les hommes et les femmes qui font la différence!

2.   Contexte (2)

2.1.

Sur le plan international, l’adoption du programme de développement durable des Nations unies à l’horizon 2030 (2015) et de l’accord de Paris sur le changement climatique (2016) a modifié en substance l’attitude adoptée face au changement climatique et à la dégradation de l’environnement. En d’autres termes, il a été choisi au niveau mondial de s’orienter vers un environnement plus durable.

2.2.

L’Union européenne n’a pas attendu ces textes internationaux pour prendre des initiatives, mais les choses se sont considérablement accélérées depuis leur adoption. Par ailleurs, la transition vers la durabilité nécessite des efforts considérables et des investissements importants. Dans les seuls domaines du climat et de l’énergie, on évoque des montants s’élevant à 180 milliards d’EUR par an.

2.3.

Ainsi, un groupe d’experts à haut niveau a été institué en 2016. Il a été chargé d’élaborer la stratégie de l’Union européenne en matière de finance durable. Ce groupe d’experts a notamment présenté deux initiatives en ce qui concerne le système financier européen:

2.3.1.

la première consiste à améliorer la contribution du système financier à la croissance durable et inclusive;

2.3.2.

la seconde consiste à renforcer la stabilité financière en intégrant les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans la prise de décisions en matière d’investissement.

2.4.

Le groupe a également formulé huit recommandations dont il estime qu’elles sont les principaux éléments constitutifs d’un système financier durable. Au titre de l’une de ces recommandations, le groupe demande de prévoir un système de classification techniquement fiable au niveau de l’Union européenne, à savoir une «taxinomie», afin de clarifier le contenu des qualificatifs «vert» et «durable». Cette précision permet de déterminer ce qu’est une activité économique «durable sur le plan environnemental».

2.5.

Pour donner suite aux travaux du groupe d’experts, la Commission a lancé, au printemps 2018, un plan d’action sur le financement de la croissance durable. Ce plan inclut notamment les propositions à l’examen.

2.6.

Ces propositions (3), datées du 24 mai 2018, visent à:

2.6.1.

fixer les bases d’une taxinomie, comme indiqué ci-dessus. L’on pourra ainsi également déterminer ce qui constitue un «investissement durable»;

2.6.2.

établir des règles claires pour les investisseurs. Ces règles, en particulier celles à l’intention de certains acteurs du système financier, visent à appréhender de manière plus claire et plus cohérente la question de savoir comment intégrer les risques liés aux facteurs ESG dans le cadre des décisions d’investissement et des conseils aux investisseurs;

2.6.3.

imposer de nouvelles exigences en matière de transparence pour certains acteurs du système financier, notamment en ce qui concerne leur façon d’intégrer les règles visées au paragraphe 2.6.2 ci-dessus dans les décisions et conseils précités. Ils devront également montrer la manière dont ils réalisent leurs objectifs de durabilité;

2.6.4.

créer de nouveaux indices de référence «bas carbone» et «bilan carbone positif» applicables par leurs administrateurs afin d’assurer une certaine sécurité à cet égard à leurs utilisateurs.

3.   Observations et commentaires

3.1.

Le CESE accueille favorablement les propositions à l’examen, qui constituent une première étape dans la mise en œuvre du plan d’action sur le financement de la croissance durable. Celle-ci consiste avant tout à définir une taxinomie, laquelle permet de définir dans quels cas il est possible de parler d’«activité économique durable sur le plan environnemental» et, partant, de déterminer en quoi consiste un «investissement durable sur le plan environnemental», qui constitue en définitive l’enjeu essentiel dans ce contexte.

3.2.

Ces propositions sont par ailleurs loin d’être les seules à contribuer à la réalisation de cet objectif. Il s’agit en effet d’une thématique extrêmement complexe qui nécessitera d’entreprendre une multitude d’actions et d’initiatives. Certaines d’entre elles sont déjà sur la table, d’autres devraient être déposées dans un futur proche ou à plus longue échéance.

3.3.

À la lumière des objectifs du plan d’action, il est extrêmement important de poser dès le départ une base solide sur laquelle toutes les réalisations subséquentes peuvent s’appuyer. La taxinomie joue ce rôle de fondement et le Comité souscrit pleinement à l’option choisie de commencer par là. Il s’agit en effet, en premier lieu, de comprendre exactement les contours des notions de «vert» et «durable».

3.4.

Ce fondement se doit par ailleurs d’être conforme aux grandes ambitions affichées dans le plan d’action. Il y est notamment affirmé que «l’Europe est bien placée pour endosser [le] rôle» de chef de file au niveau mondial. Il importe à présent d’agir en ce sens et d’établir la taxinomie en conséquence.

3.5.

Il s’agit donc de faire en sorte que la taxinomie soit incontestable et reconnue par toutes les parties prenantes concernées. Si tel n’était pas le cas, l’ensemble des évolutions futures et la réalisation des objectifs fixés pourraient en être affectés. Un tel défaut doit être évité à tout prix.

3.6.

La taxinomie européenne doit donc également être en mesure de dépasser et de remplacer les différentes approches qui coexistent actuellement dans les États membres, qu’elles soient appliquées à titre individuel ou de manière plus répandue. Cela ne signifie cependant pas que les expériences positives accumulées jusqu’à présent doivent être balayées d’un revers de la main. Il convient de les mettre à profit lorsque la situation le permet. À cet égard, il importe également que la taxinomie s’appuie sur les cadres internationaux existants.

3.7.

Au bout du compte, il est primordial que l’Union européenne dans son ensemble parle d’une seule voix et suive la même approche dans ce domaine. Une telle démarche serait également bénéfique pour le marché intérieur, étant donné qu’elle permettrait d’attirer plus facilement des capitaux pour des investissements durables dans l’ensemble de l’Union européenne. Les acteurs du marché bénéficieraient en effet de coûts moins élevés étant donné qu’ils ne seraient plus tenus de respecter des normes différentes selon les États membres. Les investisseurs disposeraient quant à eux d’un choix plus vaste et pourraient investir plus facilement par-delà les frontières.

3.8.

Comme l’indique à juste titre le plan d’action, la «science qui sous-tend la durabilité est dynamique et en évolution, tout comme les attentes sociales et les besoins des investisseurs et des marchés» (4). La taxinomie doit donc être considérée comme un instrument évolutif qui devra être régulièrement évalué et, au besoin, adapté ou corrigé. Il s’agira de progresser à un rythme soutenu sans pour autant aller trop vite.

3.9.

À la lumière de ce qui précède, le Comité partage l’avis selon lequel une approche souple et graduelle doit être privilégiée. Un tel constat s’applique aussi, au demeurant, à la réalisation des différentes actions et des divers objectifs prévus dans le plan d’action.

3.10.

Il est donc judicieux de commencer par un nombre limité de domaines (5) et de n’imposer, dans un premier temps, qu’un nombre restreint d’obligations légales (6). Cette méthode permettra à chacun de se familiariser avec la nouvelle approche et d’acquérir l’expérience nécessaire. En outre, les circonstances évoluent rapidement et il convient de tenir compte du fait qu’une transition économique demande toujours un certain temps. Une évaluation régulière des résultats obtenus et des progrès accomplis est donc tout aussi appropriée. Le Comité souscrit aux modalités prévues, qui consistent en une évaluation tous les trois ans.

3.11.

Dans la lignée de ce qui précède, le Comité soutient l’approche qui sous-tend les propositions actuelles concernant la dimension environnementale. Pour ce qui est de la situation dans son ensemble, il continue cependant de demander que l’on accorde suffisamment d’attention à la cohérence globale. À cet égard, il est positif que les principes énoncés dans le socle européen des droits sociaux aient été intégrés et qu’il soit exigé que l’activité économique soit exercée dans le respect aussi bien des garanties minimales internationales en matière sociale et de travail que des normes comptables. Il y a toutefois lieu de constater que lesdites garanties sont des garanties minimales et qu’il reste indiqué de prendre des mesures supplémentaires. De même, il s’agira également de s’employer à l’avenir à les étendre aux objectifs de durabilité sociale et de gouvernance.

3.12.

Dans le même temps, il est nécessaire de tendre d’emblée vers le plus de clarté et de sécurité possible. Le Comité soutient pleinement le choix de la mise en place d’une taxinomie de l’Union européenne présentant un niveau élevé de granularité. Cette approche permet d’apporter à tout moment un maximum de clarté sur les activités qui sont réellement durables sur le plan environnemental et de lever dès le départ toute incertitude en la matière. Elle aidera également à mesurer la contribution aux objectifs écologiques et à la cartographier, ce qui est non seulement important en soi, mais aussi dans la perspective des développements à venir.

3.13.

Outre la clarté et la sécurité, il est aussi crucial que la taxinomie et toutes les décisions ultérieures qui seront prises sur cette base soient pratiques à utiliser. Diverses parties prenantes qui, le plus souvent, ne sont pas des spécialistes vont en effet y être confrontées. Elles vont devoir être formées à «parler la même langue». En outre, le point de vue ne sera pas toujours le même pour les entreprises que pour les acteurs du secteur financier.

3.14.

La réglementation doit donc également être conçue en tenant compte des besoins des entreprises, en gardant à l’esprit leurs activités et le fait qu’elles se situent en bout de chaîne. Elle doit par ailleurs pouvoir être appliquée aussi bien dans un environnement d’envergure internationale que par de petites entreprises dans un contexte local. Au vu des grandes différences qui existent entre les entreprises, une approche sectorielle se justifie pleinement en l’espèce. Il ne fait aucun doute pour le Comité que ces dispositions doivent également bénéficier aux PME, d’autant plus que ces dernières constituent l’épine dorsale de l’économie européenne. Les critères doivent donc absolument être modulables.

3.15.

Il y a lieu d’éviter toute distorsion de la concurrence entre entreprises lors des démarches visant à mobiliser des fonds pour des activités économiques durables sur le plan environnemental. Les critères d’examen technique doivent être établis de telle manière que toutes les activités économiques concernées dans un secteur économique particulier puissent être considérées comme durables sur le plan environnemental et être traitées de la même façon si elles contribuent dans la même mesure aux objectifs environnementaux qui ont été définis. À cet égard, le Comité demande que l’on accorde une attention particulière aux défis qui se poseront lors de l’harmonisation des critères d’examen technique de différents secteurs et sous-secteurs économiques et des règles de confidentialité des données.

3.16.

Toujours en lien avec le caractère pratique de l’utilisation évoqué plus haut, le Comité se félicite du fait que la Commission a largement pris en compte les travaux du comité d’examen de la réglementation. Il y a donc lieu d’approuver la modification des textes visant à permettre l’utilisation de la taxinomie uniquement lorsqu’elle est stable et confirmée.

3.17.

De la même manière, et dans un souci de compatibilité avec la législation financière européenne, il est positif que les autorités européennes de surveillance [AES (7)] soient amenées à jouer un rôle clé dans l’établissement de la taxinomie de l’Union européenne. Leur intervention permettra de garantir que cette taxinomie puisse être utilisée par les institutions financières et être adaptée aux produits financiers. Il y a lieu à cet égard de tenir compte du principe de proportionnalité, au bénéfice des institutions locales et de petite dimension. Il s’agit dans l’ensemble de limiter autant que possible la charge et les coûts connexes liés à la réglementation et à la surveillance.

3.18.

L’attention accordée au caractère pratique de l’utilisation ne bénéficiera pas seulement aux entreprises et aux acteurs du système financier, mais aussi aux consommateurs et aux investisseurs. Ces derniers en tireront également profit. Elle permettra en effet d’obtenir encore plus de clarté et de sécurité au sujet des investissements durables qu’ils envisagent ou auxquels leurs fonds sont alloués.

3.19.

De manière plus générale, l’attention portée aux principes de sécurité et de clarté et aux possibilités concrètes d’utilisation évoqués plus haut permet d’assurer que les chances de réussir et de réaliser effectivement et complètement les objectifs du plan d’action soient les plus grandes possible.

3.20.

Le Comité accueille en outre favorablement l’élaboration de nouveaux indices de référence «bas carbone» et «bilan carbone positif». Ces indices contribuent à un meilleur fonctionnement du marché unique en mettant un terme à la fragmentation actuelle et assurent une plus grande protection et plus de transparence au bénéfice des investisseurs en fournissant des informations plus nombreuses et de meilleure qualité. Ils augmenteront en outre la quantité et la qualité des informations des entreprises ayant trait au climat, ainsi que leur comparabilité. Ils peuvent enfin apporter une contribution majeure aux projets et actifs qui participent à la réalisation des objectifs climatiques contenus dans l’accord de Paris sur le climat.

3.21.

Le Comité estime que l’information et la communication revêtent elles aussi une importance capitale. Il existe également d’autres manières de contribuer de manière significative aux objectifs du plan d’action et à toutes les démarches entreprises dans ce cadre. Le Comité estime dès lors qu’il est tout à fait approprié d’accorder une grande attention à l’information et à la communication avec toutes les parties concernées et avec le grand public. Un plan pourrait être élaboré à l’intention de toutes les parties prenantes afin de les informer le mieux possible et d’entamer le dialogue avec elles, de manière à susciter leur adhésion, faisant de chacune d’elles un partenaire pour atteindre les objectifs. L’éducation et les formations financières pourraient également s’inscrire dans une telle démarche. Les hommes et les femmes peuvent changer le cours de choses!

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  COM(2018) 97 final.

(2)  Cette section s’appuie dans une large mesure sur l’exposé des motifs de la proposition de règlement et sur le plan d’action «Financer la croissance durable» — COM(2018) 97 final.

(3)  COM(2018) 353 final et COM(2018) 355 final.

(4)  COM(2018) 353 final, p. 7.

(5)  En particulier le domaine de l’environnement, et seulement ultérieurement d’autres domaines tels que le domaine social.

(6)  Telles que, par exemple, l’article 4 de la proposition de règlement.

(7)  Également connues sous l’acronyme ESA, pour l’anglais «European Supervisory Authorities».


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/108


Avis du Comité économique et social européen sur

la «Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 92/83/CEE concernant l’harmonisation des structures des droits d’accise sur l’alcool et les boissons alcooliques»

[COM(2018) 334 final — 2018/0173 (CNS)]

la «Proposition de directive du Conseil établissant le régime général d’accise

(refonte)»

[COM(2018) 346 final — 2018/0176 (CNS)]

la «Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à l’informatisation des mouvements et des contrôles des produits soumis à accise

(refonte)»

[COM (2018)341 final — 2018/0187 (COD)]

et la «Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (UE) no 389/2012 concernant la coopération administrative dans le domaine des droits d’accise en ce qui concerne le contenu du registre électronique»

[COM(2018) 349 final — 2018/0181 (CNS)]

(2019/C 62/17)

Rapporteur:

Jack O’CONNOR

Consultation

Parlement européen, 5.7.2018

Conseil de l’Union européenne, 13.6.2018

Commission européenne, 25.5.2018

Base juridique

Articles 113 et 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

3.10.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

193/0/9

1.   Résumé et conclusions

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement les mesures contenues dans ce train de mesures proposées par la Commission. Le Comité estime qu’elles permettront dans une large mesure d’atteindre les objectifs définis, à savoir apporter plus de certitude et de clarté concernant le traitement de certains produits alcooliques, faciliter les échanges transfrontières dans le cadre de systèmes rationalisés et modernisés, ainsi que réduire les charges administratives et juridiques qui pèsent sur les petites entreprises.

1.2.

Le CESE est conscient du fait que la contribution des recettes des droits d’accises varie d’un État membre à l’autre, notamment en ce qui concerne les droits d’accise appliqués aux produits alcooliques. En outre, les rapports à certains produits, objectifs sociaux (tels que la santé) et objectifs relatifs aux entreprises (tels que la promotion des petites entreprises et l’innovation) diffèrent d’une culture à l’autre. Par conséquent, il convient de veiller de manière générale à prévoir une marge d’appréciation la plus large possible afin de permettre aux États membres d’adapter les droits d’accise sur les produits alcooliques en fonction des besoins et objectifs nationaux compte tenu de la structure de taxation et des contextes culturel et social. Le CESE constate avec satisfaction que les modifications proposées vont dans ce sens.

1.3.

Dans la mesure où les définitions sont clarifiées et harmonisées (économiquement et juridiquement indépendant, cidre, etc.), où l’accès des petits producteurs au commerce transfrontalier est simplifié et modernisé sur le plan administratif par la mise en œuvre de systèmes informatiques actualisés et où les procédures et conditions concernant l’alcool dénaturé sont précisées, le CESE est favorable aux mesures contenues dans l’ensemble des propositions de révision. Ces dernières permettront de réduire l’incertitude juridique et administrative, tant pour les États membres que pour les opérateurs économiques, ce qui se traduira par une réduction des coûts et la suppression des entraves. En outre, il convient de commander un rapport sur le marché illicite des boissons spiritueuses.

1.4.

Deux points sont source de préoccupation. Le premier point est la proposition visant à relever le seuil en dessous duquel des taux réduits sont applicables aux bières de 2,8 % à 3,5 % vol. Bien que ce point soit présenté comme une mesure sanitaire, il est à craindre qu’elle augmente paradoxalement la consommation alcoolique. Toutefois, étant donné que cette mesure serait laissée à la discrétion des États membres, le CESE est favorable à la proposition, mais demande que cette dernière soit révisée dans un délai de cinq ans afin d’en évaluer l’incidence dans les États membres appliquant cette proposition.

1.4.1.

Le second concerne la proposition de la Commission visant à rationaliser la méthode appliquée pour mesurer le degré Plato de la bière en tant que «produit fini», au motif que cette mesure devrait être effectuée au terme du processus de brassage. La Cour de justice de l’Union européenne a récemment interprété la directive actuelle et a statué qu’aux fins de la perception des droits d’accise, le degré Plato doit être mesuré avant l’ajout de sucre. Toutefois, le CESE relève que cette méthode n’est appliquée que dans trois États membres. Cela obligerait onze États membres à modifier leur méthode, les autres États membres n’utilisant pas la méthode Plato. Par conséquent, afin de limiter les perturbations au strict minimum, le CESE est favorable aux propositions de la Commission. Cette dernière n’entraînerait un changement de méthode pour seulement trois États membres.

2.   Résumé des propositions de la Commission

2.1.

Les propositions de la Commission sont divisées en deux parties: la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 92/83/CEE concernant l’harmonisation des structures des droits d’accise sur l’alcool et les boissons alcooliques et la proposition de directive du Conseil établissant le régime général d’accise (refonte). Elle présente également deux autres propositions, de nature administrative, qui soutiennent les propositions figurant dans la directive du Conseil établissant le régime général d’accise. Il s’agit de la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (UE) no 389/2012 concernant la coopération administrative dans le domaine des droits d’accise en ce qui concerne le contenu du registre électronique et de la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à l’informatisation des mouvements et des contrôles des produits soumis à accise (refonte).

2.2.

Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 92/83/CEE: les propositions de la Commission concernent quatre domaines: i) le traitement de l’alcool dénaturé, ii) les taux d’accise réduits pour les petits producteurs et la classification de certaines boissons alcooliques, iii) les boissons alcooliques à faible titre alcoométrique et iv) la mesure du degré Plato des bières sucrées/aromatisées.

2.2.1.

Traitement de l’alcool dénaturé: à l’heure actuelle, l’on constate des incohérences dans la reconnaissance mutuelle de l’alcool totalement dénaturé (ATD) entre les États membres tandis que les interprétations des utilisations indirectes de l’alcool partiellement dénaturé (APD) divergent. La Commission propose de a) clarifier la reconnaissance mutuelle de l’ATD et de moderniser les procédures de notification par les États membres de nouvelles formules relatives à ces alcools, b) garantir l’égalité de traitement des APD pour les utilisations indirectes, c) demander que les mouvements de l’alcool partiellement dénaturé dont le titre alcoométrique acquis excède 90 % vol. et des produits non finis contenant de l’alcool se clôturent dans le cadre du système d’informatisation des mouvements et des contrôles des produits soumis à accises (EMCS).

2.2.2.

Taux d’accise réduits pour les petits producteurs et classification des boissons alcooliques: les États membres peuvent accorder des taux réduits aux petits producteurs de bière et d’alcool éthylique. Les petits producteurs doivent être «juridiquement et économiquement indépendants», mais ce concept n’est pas défini de manière adéquate. Il en résulte une incertitude et des coûts administratifs/judiciaires. En outre, les États membres ne peuvent accorder de taux réduits aux petits producteurs d’autres boissons alcooliques. Cela désavantage les petits producteurs de cidre. La Commission propose a) de définir le concept «juridiquement et économiquement indépendant» et d’introduire un certificat uniforme dans l’ensemble de l’Union européenne pour les petits brasseurs, y compris les fabricants de cidre (1) et b) d’instaurer des taux réduits facultatifs pour les petits fabricants de cidre indépendants (2).

2.2.3.

Boissons alcooliques à faible titre alcoométrique: les États membres peuvent appliquer des taux réduits aux boissons alcooliques à faible titre alcoométrique. Cette mesure ne concerne que certains produits alcooliques (la bière par exemple). La Commission propose de relever le seuil de 2,8 % vol. à 3,5 % vol (3). Il a été avancé que le seuil fixé pour la bière à faible titre alcoométrique est trop bas, ce qui nuit à l’innovation et ne favorise que peu le développement de ce sous-secteur. En conséquence, les consommateurs n’optent pas pour des bières à faible titre alcoométrique, ce qui est préjudiciable pour la politique de la santé.

2.2.4.

Mesure du degré Plato 7 des bières sucrées/aromatisées: la bière est soumise à des droits d’accise, établis en référence au degré Plato 7 de «produit fini», dans 14 États membres. Onze États effectuent la mesure à la fin du processus de brassage, tandis que les trois autres États y procèdent avant l’ajout de sirop de sucre ou de substances aromatiques. (Les autres États membres ne suivent pas la méthode Plato et établissent plutôt la mesure du titre alcoométrique acquis). Le terme «produit fini» n’est pas défini dans la directive, ce qui donne lieu à trois interprétations différentes. Il en résulte des divergences lors de la mesure et, par conséquent, conduit à des différences dans les droits d’accise appliqués aux produits qui peuvent avoir la même teneur en alcool. Il est également affirmé que les procédures de contrôle sont lourdes, compte tenu de la variation des prescriptions relatives à l’établissement du degré Plato dans les trois interprétations différentes (par exemple la surveillance requise dans la brasserie plutôt qu’à partir de la bouteille). La Cour de justice de l’Union européenne (4) a interprété la directive actuelle et en a conclu que le degré Plato doit être mesuré avant le processus final, soit en excluant les substances ajoutées. La Commission propose de clarifier la disposition relative à la mesure du degré Plato de la bière, en particulier au moment où celle-ci devrait être effectuée (5). Elle propose l’évaluation à la fin du processus (c’est-à-dire en prenant en considération les substances ajoutées). Cela permettra effectivement de clarifier la définition de la notion de «produit fini».

2.3.

Proposition de directive du Conseil établissant le régime général d’accise (refonte). Ce deuxième train de mesures, de nature technique, comprend des mesures visant à rationaliser le transport de marchandises soumises à accise. Les procédures en matière d’accise et de douane ne sont pas toujours alignées ou synchronisées, ce qui crée des problèmes lorsque des produits soumis à accise sont importés ou exportés. Dans certains cas, les procédures d’accise sont difficiles à appliquer ou varient sensiblement d’un État membre à l’autre. En outre, étant donné le risque fiscal élevé lié au maintien et à l’octroi de la suspension des droits à des produits soumis à accise, ce régime est principalement utilisé par les grandes entreprises. Les petites et moyennes entreprises (PME) appliquent des procédures plus favorables en cas de petits envois et de mouvements peu nombreux mais ces dernières entraînent une hausse de la charge réglementaire par mouvement. Cela débouche sur des coûts administratifs et de mise en conformité supplémentaires, et exige des efforts de la part des entreprises ainsi que des autorités nationales. En effet, certaines étapes des procédures doivent être effectuées manuellement et doivent respecter des critères qui varient d’un État membre à l’autre. En outre, ces différentes étapes sont source de fraude fiscale. La Commission propose un certain nombre de mesures afin de rationaliser et de simplifier ces processus en ce qui concerne les interactions entre importations et exportations des produits soumis à accise, les droits entre les entreprises et les situations exceptionnelles.

2.3.1.

Interactions entre les importations: il n’existe pas de norme relative aux exigences en matière de documentation liée à la demande d’exonération du droit d’accise lors de la mise en libre pratique. Lors de la mise en libre pratique, une exonération de frais peut être réclamée si les marchandises doivent quitter le lieu d’importation dans le cadre de l’EMCS, mais il n’y a pas d’exigence de preuve standard, contrairement aux dispositions applicables pour l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée à l’importation pour les livraisons intra-UE. La Commission propose d’exiger que l’expéditeur et le destinataire soient déclarés (les États membres ont la possibilité d’exiger l’identification du mouvement des droits d’accise en rapport avec les produits).

2.3.2.

Interactions entre les exportations: il n’existe pas de synchronisation harmonisée entre l’EMCS et l’ECS. Les mouvements doivent être clos manuellement alors que les exportations non validées ne sont pas communiquées à l’EMCS. Cela peut entraîner des charges administratives pour les entreprises (par exemple, retard dans la libération des garanties), une éventuelle fraude et des distorsions du marché. La Commission propose une obligation d’identification de l’expéditeur de produits soumis à accise et le code de référence administratif (CRA) des mouvements EMCS. Il existera également une obligation de rapporter à l’AMCS les situations exceptionnelles concernant les exportations (par exemple la non-sortie de l’Union européenne, l’invalidation de la déclaration) afin d’améliorer la synchronisation.

2.3.3.

Alignement en matière de transit: outre l’association de l’EMCS et de l’ECS, d’autres procédures sont utilisées pour superviser l’exportation de produits soumis à accise, à savoir le régime du transit interne et externe et les contrats de transport uniques. L’utilisation de ces procédures simplifie les opérations d’exportation pour les opérateurs économiques car elle leur permet de clore la procédure d’exportation au début du transit et, par conséquent, de clore le mouvement dans l’EMCS. L’utilisation de ces procédures d’exportation simplifiées a toutefois créé de nombreux problèmes: peu de preuves relatives à l’exemption du régime d’accise, aucune preuve attestant la sortie effective, garanties accordées avant la sortie effective des biens et faible supervision. Cela peut occasionner des possibilités de fraude et des incertitudes juridiques qui créent des difficultés et de la confusion au niveau des entreprises. À l’heure actuelle, il n’est pas juridiquement possible de clore un mouvement de produits soumis à accise par l’ouverture d’un transit. La Commission propose d’autoriser les opérateurs économiques à suivre une procédure simplifiée pour l’exportation des produits soumis à accise dans le cadre du régime du transit externe après exportation au lieu d’appliquer l’EMCS jusqu’à la frontière extérieure. Cela permettrait une gestion adéquate des garanties et empêcherait la disparition des marchandises à destination, étant donné que ces dernières, qui sont devenues des marchandises non-UE dès le début du transit externe, seraient sous surveillance douanière jusqu’à ce qu’elles quittent le territoire douanier.

2.3.4.

Droits du commerce B2B payés: le régime qui s’applique actuellement aux mouvements de marchandises pour lesquels des droits B2B sont acquittés repose sur une procédure écrite manuelle. Il est utilisé par les PME, car il ne requiert pas d’entrepôt fiscal pour l’expédition ou les recettes. Mais la procédure est dépassée, floue et lourde. La Commission propose que ces mouvements soient automatisés en étendant la portée de l’EMCS, ce que facilitera la création de deux nouvelles catégories: l’expéditeur et le destinataire certifiés. Cela permettrait une simplification, une réduction des coûts pour les PME et une plus grande efficacité.

2.3.5.

Situations exceptionnelles: les situations exceptionnelles sont définies par la survenue d’une série d’imprévus: la quantité de marchandises arrivant à destination est inférieure à la quantité déclarée lors de l’envoi (y compris les pertes naturelles telles que l’évaporation du pétrole) ou supérieure; les expéditeurs refusent d’assumer la responsabilité des marchandises; l’annulation officielle du mouvement, etc. Ces situations ne sont pas décrites en détail dans la législation, ce qui a pour conséquence que les États membres suivent des procédures divergentes pour évaluer les marchandises manquantes, et traiter les refus et les seuils de pertes acceptables. Cela peut entraîner complexité et confusion. Les directives garantissent déjà une approche commune de la mesure des quantités. La Commission admet qu’elle doit davantage sensibiliser les autorités nationales à leur existence. Toutefois, elle propose une nouvelle intervention afin de normaliser les seuils de pertes acceptables.

2.4.

Elle présente également deux autres propositions, de nature administrative, qui soutiennent les propositions figurant dans la directive du Conseil établissant le régime général d’accise.

2.4.1.

La proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (UE) no 389/2012 concernant la coopération administrative dans le domaine des droits d’accise en ce qui concerne le contenu du registre électronique porte sur l’automatisation du contrôle des mouvements de produits soumis à accise qui ont été mis à la consommation dans un État membre et qui sont déplacés vers un autre État membre en vue d’y être livrés à des fins commerciales.

2.4.2.

La proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à l’informatisation des mouvements et des contrôles des produits soumis à accise (refonte) accompagne le règlement du Conseil susmentionné et met en œuvre l’automatisation de la surveillance des mouvements de produits soumis à accise.

3.   Remarques

3.1.   Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 92/83/CE

3.1.1.

Traitement de l’alcool dénaturé (paragraphe 2.2.1 ci-dessus). Le CESE estime que les propositions de la Commission sont bonnes et qu’elles doivent être poursuivies. En outre, il convient de mieux appréhender le fonctionnement du marché illicite des boissons spiritueuses. Par conséquent, un rapport devrait être commandé à ce sujet de sorte que l’on puisse développer de meilleurs outils pour y faire face.

3.1.2.

Taux d’accise réduits pour les petits producteurs et classification de certaines boissons alcooliques (paragraphe 2.2.2 ci-dessus). Sur cette question également, le CESE estime que les propositions de la Commission permettraient de résoudre les problèmes actuels et de clarifier la situation, tout en améliorant le régime d’accise de manière à continuer à favoriser l’appui aux petits producteurs. Le CESE estime qu’à l’avenir, la Commission devrait envisager d’introduire un taux d’accise réduit similaire assorti de seuils révisés pour les distillateurs de produits spiritueux.

3.1.3.

Boissons alcooliques à faible titre alcoométrique (paragraphe 2.2.3 ci-dessus). Les propositions de la Commission en la matière sont plus controversées. Il existe peu d’éléments permettant de démontrer que l’innovation concernant les produits est mise à mal. Des données empiriques révèlent la présence croissante de bières à faible titre alcoométrique chez les producteurs, y compris les petits producteurs. Toute incidence positive sur la santé nécessite que l’on incite les consommateurs de bières à titre alcoométrique standard à privilégier l’alcool à faible titre alcoométrique, dont le volume a été modifié. Dans le cas contraire, il se pourrait que les consommateurs de bière à faible titre alcoométrique augmentent leur teneur en alcool. Cependant, le CESE reconnaît que ces propositions ne sont pas contraignantes pour les États membres. Chacun d’eux continuerait à décider s’il maintient un seuil et réduit les taux d’accise. Par conséquent, le CESE accepte ces propositions. Toutefois, dans un délai de cinq ans, il convient de procéder à un état des lieux dans les États membres qui appliquent ces dispositions, afin d’établir dans quelle mesure la consommation de produits à faible titre alcoométrique a augmenté au détriment des produits présentant un taux d’alcool normal.

3.1.4.

Mesure du degré Plato des bières sucrées/aromatisées (paragraphe 2.2.4 ci-dessus): le CESE reconnaît que les propositions de la Commission sur ce point pourraient susciter la controverse, en particulier à la lumière de l’interprétation faite par la Cour de justice de l’Union européenne de la directive actuelle. L’affirmation selon laquelle le processus de mesure de la teneur en alcool avant l’ajout de sucre est lourd sur le plan administratif est contestée par les représentants des opérateurs économiques. Toutefois, à l’heure actuelle, seuls trois États membres procèdent à cette mesure avant l’ajout de sucre tandis que les onze autres États appliquant la méthode Plato utilisent la méthode préconisée dans les propositions de la Commission. De ce fait et étant donné les avantages retirés d’une définition cohérente de la notion de «produit fini», le changement de méthodologie par trois États membres aurait moins d’effets perturbateurs que si l’on impose cette mesure à onze États membres. Il convient en outre de noter que lorsque ces produits sont exportés, les différences dans la méthode Plato ne sont pas pertinents, car la mesure de la différence du titre alcoométrique acquis VCR est requis. Le CESE estime dès lors que les propositions de la Commission sont celles qui ont les effets les moins perturbateurs et qu’elles auraient l’avantage de protéger les recettes fiscales.

3.2.   Proposition de directive du Conseil établissant le régime général d’accise (refonte)

3.2.1.

Le CESE estime que les mesures contenues dans cette proposition de directive du Conseil concernant les interactions entre les importations et les exportations, l’alignement en matière de transit, les droits du commerce B2B payés, et d’autres situations exceptionnelles, auront l’effet escompté, à savoir la rationalisation du transport de marchandises soumises à accise, l’alignement des procédures en matière d’accise et de douane, la réduction des coûts administratifs et de mise en conformité assumés par les opérateurs économiques ainsi que les autorités nationales, et la lutte contre la fraude. Le Comité appuie ces propositions.

3.3.   Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (UE) no 389/2012 et la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à l’informatisation des mouvements et des contrôles des produits soumis à accise (refonte)

3.3.1.

Le CESE est favorable à ces propositions étant donné qu’elles facilitent, sur le plan administratif, la mise en œuvre des propositions figurant dans la directive du Conseil établissant le régime général d’accise.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Article 4 et article 13 bis.

(2)  Article 13.

(3)  Article 5.

(4)  Dans l’affaire C-30/17 — Kompania Piwowarska, 17 mai 2018.

(5)  Article 3.


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/113


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les titres adossés à des obligations souveraines»

[COM(2018) 339 final — 2018/0171 (COD)]

(2019/C 62/18)

Rapporteur:

Daniel MAREELS

Consultation

Parlement européen, 5.7.2018

Conseil de l’Union européenne, 6.7.2018

Base juridique

Articles 114 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

3.10.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

201/3/8

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement les propositions relatives aux titres adossés à des obligations souveraines («SBBS», pour sovereign bond-backed securities), qui s’inscrivent dans le contexte plus large de l’achèvement de l’union bancaire et de la mise en place d’une union des marchés des capitaux. Le Comité a été, dans le passé, un fervent partisan et défenseur de ces deux unions. En outre, les propositions peuvent aussi contribuer positivement à la stabilité financière et à la résilience.

1.2.

D’un point de vue conceptuel, les SBBS sont censés s’attaquer à l’interdépendance traditionnellement forte entre les banques et leurs pays d’origine («émetteurs souverains»). Depuis la crise financière, le Comité a demandé que des mesures soient prises dans ce sens et a plaidé avec insistance pour une réduction de cette interdépendance. Aussi le CESE se réjouit-il de voir cette question traitée dans la proposition à l’examen, sans préjudice des efforts qui ont été déployés précédemment.

1.3.

En effet, les SBBS peuvent amener les banques à réduire leur exposition à la dette publique de leur pays d’origine et à mieux diversifier leurs portefeuilles de dettes souveraines. À cela s’ajoute le fait qu’il n’y a pas de partage des risques et des pertes entre les États membres de la zone euro. Le cas échéant, ceux-ci sont entièrement pris en charge par les investisseurs ayant acheté des SBBS.

1.4.

À l’heure actuelle, les SBBS seraient assimilés à des «titrisations» aux fins de l’application de la réglementation, ce qui rendrait l’investissement dans ceux-ci peu attrayant pour les banques. Pour le Comité, il est parfaitement justifié que cette situation soit corrigée. L’alignement des SBBS sur les obligations d’État en euros émises par des pays de la zone euro (expositions souveraines) devrait permettre aux investisseurs du secteur financier d’investir dans des SBBS aux mêmes conditions que pour les obligations d’État sous-jacentes de la zone euro.

1.5.

Les propositions mettent simplement en place un cadre facilitant le développement de SBBS par le marché. De l’avis du Comité, il importe au plus haut point que ce cadre soit clair, opérant et efficace en toutes circonstances. Il ne doit pas non plus avoir d’effets négatifs ou préjudiciables.

1.6.

En ce qui concerne le cadre réglementaire proposé, la position du CESE est nuancée. Il est disposé à accueillir favorablement un certain nombre d’éléments, tels que le principe de l’émission des SBBS par une entité ad hoc (ou SPE, pour special purpose entity). D’autres éléments, tels que l’auto-attestation, par les SPE, de la composition du portefeuille sous-jacent, mériteraient quant à eux d’être améliorés. Compte tenu de l’importance de cette question, une surveillance plus stricte, voire préalable, par l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) semble appropriée.

1.7.

Un certain nombre de points restent également en suspens. Ainsi, l’on peut se demander si les SBBS resteront efficaces et opérants en toutes circonstances. En outre, quel sera leur sort en temps de crise générale ou de crise dans un ou plusieurs États membres? Quelles sont les conséquences de la division des émissions en tranches, dans la mesure où il apparaît désormais que les tranches seniors (qui présentent moins de risques) ne pourront entrer sur le marché que si le nombre d’investisseurs pour les tranches juniors (plus risquées) est suffisant? Les émissions semblent de ce fait revêtir un caractère hasardeux et précaire, et cette faiblesse compromet à tout le moins le succès éventuel des SBBS.

1.8.

De même, une approche positive de la part des «marchés» et d’autres acteurs majeurs en matière de SBBS est essentielle. Ceux-ci doivent être en effet être prêts à s’atteler à la tâche et à veiller à ce que cet instrument devienne réalité. Quant aux marchés et aux représentants des États membres, ils se sont montrés assez critiques au cours des consultations préparatoires des parties prenantes. Le Comité juge indispensable de mettre en place un dialogue et une concertation avec tous les acteurs concernés pour trouver des solutions communes et constructives.

1.9.

D’une manière générale et eu égard à toutes les considérations qui précèdent, le CESE est d’avis que la seule manière de voir si les banques, pour leurs investissements, passeront des obligations en provenance de leur pays d’origine aux SBBS et si les investisseurs sont disposés à acheter les tranches juniors en quantités suffisantes pour justifier la création de SBBS, est de tester ce nouvel instrument financier sur le marché.

1.10.

Enfin, le Comité estime que la question de l’acquisition éventuelle de SBBS par des épargnants et consommateurs privés mérite une réflexion plus approfondie. Compte tenu, d’une part, de la complexité particulière de ce produit et d’autre part, de sa division en tranches, le CESE est enclin à penser que cette possibilité ne peut être envisagée que pour les tranches seniors, et pas pour les tranches juniors. Le risque n’est limité que pour les tranches seniors, comparables à la détention directe d’obligations d’État par ces mêmes épargnants et consommateurs.

2.   Contexte

2.1.

Le 24 mai 2018, la Commission a publié sa proposition (1) relative au développement, induit par le marché, de titres adossés à des obligations souveraines (mieux connus sous leur appellation anglaise, sovereign bond-backed securities, ou SBBS).

2.2.

Cette proposition s’inscrit dans le contexte plus large de l’achèvement de l’union bancaire et de la mise en place d’une union des marchés des capitaux (UMC). Elle vise plus particulièrement à distendre le lien entre les banques et les gouvernements nationaux («émetteurs souverains») et entend ainsi miser sur la réduction des risques et le partage privé des risques. De par la nature transnationale de l’instrument proposé, l’objectif est aussi de contribuer à une intégration et une diversification accrues des marchés financiers pour les obligations d’État dans le marché intérieur.

2.3.

Dans le passé, les banques détenaient plutôt d’importantes quantités d’obligations souveraines émises par le gouvernement de leur pays d’origine, ce qui, comme l’a montré la crise financière, comporte certains risques. Depuis lors, il a donc été préconisé de réduire cette dépendance.

2.4.

La réponse apportée avec les SBBS vise à offrir aux banques la possibilité de mieux diversifier géographiquement leur portefeuille d’obligations souveraines. Ainsi, cette solution tient également compte, d’une part, de la baisse de l’offre de telles obligations, et d’autre part, de l’augmentation de la demande des institutions financières pour ce type d’actifs, notamment en raison des nouvelles exigences réglementaires imposant la détention de réserves suffisantes d’actifs très liquides.

2.5.

Les SBBS sont un instrument financier d’un nouveau type et la proposition à l’examen vise à éliminer les obstacles qui ont empêché leur développement jusqu’à présent. En substance, le cadre d’appui proposé poursuit concrètement deux objectifs:

2.5.1.

la mise en place d’un cadre général pour les SBBS, qui permettrait de «standardiser» ce nouvel instrument, ce qui doit également favoriser sa liquidité;

2.5.2.

en lien avec ce qui précède, la suppression des obstacles réglementaires qui empêchent l’utilisation et l’achat de SBBS. Cela revient pour l’essentiel à appliquer une sorte d’approche «par transparence» aux investisseurs qui acquièrent ce type de SBBS. D’un point de vue réglementaire, les règles applicables seront les mêmes que s’ils avaient détenu les obligations souveraines sous-jacentes.

2.6.

Une caractéristique particulière et, dans le même temps, essentielle des SBBS concerne leur portefeuille sous-jacent. Pour parvenir à la répartition géographique des risques précitée au sein de l’union bancaire et du marché unique, le portefeuille doit être composé d’obligations souveraines de tous les États membres de la zone euro. Le fait que seules les émissions en euros sont prises en considération constitue une restriction supplémentaire. Elles sont regroupées dans les SBBS en fonction du poids économique de l’État membre concerné.

2.7.

Un autre élément très spécifique réside dans le fait que ce sont les investisseurs qui supportent les risques et les pertes. Les SBBS sont divisés en tranches, et les investisseurs peuvent choisir entre la tranche senior ou la tranche junior, respectivement peu ou très risquées. Les portefeuilles sous-jacents sont du reste leur seule garantie, étant donné qu’il est prévu que les émetteurs de SBBS sont des entités ad hoc qui ne sont pas autorisées à exercer d’autres activités et ne peuvent pas faire l’objet d’une demande de réparation (2).

2.8.

Également en ce qui concerne les investisseurs, une sorte d’approche «par transparence» sera adoptée pour le traitement réglementaire des SBBS, comme indiqué ci-dessus. Cela signifie que l’on ne prend pas en considération l’«emballage» juridique de cet instrument en tant que «titrisation» (3), mais plutôt l’obligation souveraine sous-jacente contenue dans les SBBS. Le cas échéant, les investisseurs bénéficieront, pour les SBBS qui remplissent toutes les conditions, du même traitement réglementaire — exigences de fonds propres, limites de concentrations et de liquidité — que pour les obligations souveraines qu’ils détiennent directement.

2.9.

Les propositions présentées aujourd’hui définissent les conditions et les exigences applicables aux SBBS ainsi que leur traitement prudentiel, mais ce sera en fin de compte au «marché» de les utiliser. Il appartiendra finalement aux opérateurs et aux investisseurs de décider si ce nouvel instrument financier deviendra réalité et, dans l’affirmative, comment et dans quelle mesure il sera utilisé.

3.   Commentaires et observations

3.1.

Le Comité accueille favorablement la proposition relative aux titres adossés à des obligations souveraines («SBBS», pour sovereign bond-backed securities), qui s’inscrit dans le contexte plus large de l’achèvement de l’union bancaire et de la mise en place d’une union des marchés des capitaux. Le Comité a été, dans le passé, un fervent partisan et défenseur de ces deux unions (4).

3.2.

La proposition à l’examen vise plus particulièrement à réduire l’interdépendance entre les banques et leur pays d’origine. Depuis la crise financière, le Comité a plaidé avec insistance en ce sens et se réjouit dès lors de voir cette question traitée dans cette proposition, compte tenu d’un contexte dans lequel l’on observe simultanément une diminution de l’offre et une augmentation de la demande d’obligations souveraines.

3.3.

En tant que nouvel instrument financier, les SBBS sont susceptibles d’améliorer et de développer la diversification de l’exposition des banques et d’autres établissements financiers aux obligations souveraines (les «portefeuilles d’obligations souveraines»). Cela contribue sans aucun doute à la réduction des risques dans le secteur financier.

3.4.

La proposition met simplement en place un cadre facilitant le développement de SBBS par le marché, sans aller elle-même aussi loin. Si le développement effectif des SBBS est assuré par le marché, cela se traduira par la création d’un nouvel instrument financier et d’un marché pour ce dernier. La Commission en a estimé l’impact selon deux scénarios (5). Si les SBBS ne sont créés qu’en faible quantité, cela correspondra à un montant d’environ 100 milliards d’EUR; en revanche, une approche plus vaste, c’est-à-dire un volume de plus de 1 500 milliards d’EUR, devient macroéconomiquement pertinent.

3.5.

Une large diffusion des SBBS offre également un potentiel d’intégration accrue des marchés financiers, et contribuerait ainsi à l’accroissement de la stabilité financière et de la résilience du système financier.

3.6.

Pour le Comité, il importe que le cadre d’appui proposé soit clair, efficace et opérant en toutes circonstances et n’ait pas d’effets négatifs ou préjudiciables. En outre, et afin de multiplier les chances de succès, une approche positive des «marchés» et d’autres acteurs clés est essentielle. Ceux-ci doivent être en effet être prêts à s’atteler à la tâche et à veiller à ce que les SBBS deviennent réalité.

3.7.

Quant aux marchés et aux représentants des États membres, ils se sont montrés assez critiques au cours des consultations préparatoires des parties prenantes. Ainsi, les acteurs du marché étaient assez partagés quant à la viabilité des SBBS. Les «gestionnaires de la dette publique» estiment quant à eux que les SBBS ne permettront ni de briser l’interdépendance entre banques et emprunteurs souverains, ni de créer des actifs à faible risque. Enfin, les représentants des États membres ont récemment laissé entendre qu’ils n’étaient pas convaincus de la nécessité immédiate des SBBS (6). Le Comité juge indispensable de mettre en place un dialogue et une concertation avec tous les acteurs concernés pour trouver des solutions communes et constructives.

3.8.

Sans préjudice de ce qui précède et de ce qui suit, le Comité est favorable, dans les grandes lignes, au cadre réglementaire proposé pour les SBBS, d’autant plus qu’il met fin à la pénalisation dont font actuellement l’objet des instruments similaires, tout en adoptant une «approche comparative».

3.9.

L’accord du Comité est notamment motivé par le fait que la réalisation et l’émission des SBBS devront être assurées par des entreprises du secteur privé. Il apparaît justifié que l’institution émettrice soit une entité ad hoc (special purpose entity, ou SPE) qui ne peut pas exercer d’autres activités. Cela rend les choses plus claires pour tout le monde.

3.10.

Le répartition et la diversification évoquées au paragraphe 3.3 se traduisent par l’inclusion obligatoire des obligations souveraines émises en euros par tous les États membres de la zone euro en fonction de leur poids économique (7). Cette inclusion rend en outre certaines obligations souveraines plus intéressantes pour les investisseurs internationaux. Cela vaut en particulier pour les obligations souveraines de certains pays qui seraient autrement émises sur de petits marchés moins liquides.

3.11.

Compte tenu de l’importance de l’inclusion obligatoire des obligations souveraines de tous les États membres en fonction de leur poids, mentionnée dans le paragraphe précédent, le Comité remet en question le système envisagé d’auto-attestation par les entités émettrices. À cet égard, il se demande s’il ne faudrait pas prévoir une surveillance plus stricte et préalable par l’AEMF.

3.12.

Un autre point important est le fait que ce nouvel instrument ne prévoit pas de partage des risques et des pertes entre les États membres de la zone euro. Ces risques et pertes sont entièrement pris en charge par les investisseurs ayant acheté des SBBS.

3.13.

En tant qu’institution émettrice, l’entité ad hoc émet une série de titres représentatifs de créances sur le produit du portefeuille sous-jacent. Ces titres présentent des niveaux de risques différents, du plus faible [tranches seniors (8)] au plus élevé (tranches juniors). Dans les faits, il apparaît que cela revient à dire que les tranches seniors ne seront mises sur le marché que s’il y a un nombre suffisant d’investisseurs pour la tranche junior (9). Chaque émission est dès lors hasardeuse et précaire. Cette faiblesse compromet le succès éventuel des SBBS.

3.14.

En outre, l’on peut également se demander si les SBBS resteront efficaces et opérants en toutes circonstances. Quel sera leur sort en temps de crise générale ou de crise dans un ou plusieurs États membres? Ce point est d’autant plus important que les événements récents ont une nouvelle fois démontré que les marchés financiers réagissent rapidement à ce type de situations.

3.15.

Par ailleurs, il y a lieu de clarifier quelles seraient les conséquences de la création d’un marché des SBBS en plus du marché existant des obligations souveraines des différents États membres. Plusieurs questions se posent à cet égard. Ainsi, des volumes suffisants seront-ils disponibles en toutes circonstances? Et si ce n’est pas le cas? La création d’un marché supplémentaire entraînera-t-elle une fragmentation et un fractionnement?

3.16.

Le cadre réglementaire permet également aux épargnants et aux consommateurs d’acquérir et de détenir les SBBS (10). Dans la mesure où il s’agit de produits particulièrement complexes, on pourrait être tenté de leur refuser ce droit. Mais peut-être faut-il nuancer cette approche en limitant cette interdiction aux tranches juniors, précisément parce qu’elles présentent des risques potentiellement importants. Il pourrait en aller autrement pour les tranches seniors, qui comportent un faible risque et soutiennent certainement la comparaison avec la détention directe d’obligations souveraines par les mêmes épargnants et consommateurs. Le Comité demande une réflexion plus approfondie sur cette question.

3.17.

Enfin, le Comité estime tout à fait approprié, aux fins de l’application de la réglementation, l’alignement des SBBS sur les obligations souveraines de la zone euro libellées en euros (expositions souveraines). Cela devrait permettre aux investisseurs du secteur financier d’investir dans des SBBS aux mêmes conditions que pour les obligations d’État sous-jacentes de la zone euro.

3.18.

Dans les grandes lignes et sous réserve de toutes les observations qui précèdent, le Comité est d’avis que la mise en place de SBBS est une idée attrayante d’un point de vue conceptuel, mais que les propositions relatives à sa concrétisation appellent une approche nuancée pour un certain nombre de questions. En outre, les réflexions et réactions critiques des acteurs du marché et d’autres parties prenantes ne peuvent pas rester sans réponse. Cependant, dans l’ensemble, le Comité approuve l’approche de la Commission selon laquelle une «véritable» réponse ne peut être apportée dans la pratique que si le concept est testé sur les marchés «réels».

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  COM(2018) 339 final.

(2)  Sauf dans des cas exceptionnels, tels que l’utilisation abusive de l’appellation SBBS.

(3)  Auquel cas les exigences réglementaires seraient plus strictes.

(4)  Voir JO C 81 du 2.3.2018, p. 117; JO C 237 du 6.7.2018, p. 46 et JO C 177 du 18.5.2016, p. 21.

(5)  SWD(2018) 252 final, p. 70.

(6)  Pour plus de détails à propos de ces préoccupations et commentaires, voir le point 3 de l’exposé des motifs de la proposition de règlement (p. 6).

(7)  Voir article 4, paragraphe 2, de la proposition de règlement; pour les chiffres relatifs au poids économique des États membres concernés, voir https://www.ecb.europa.eu/ecb/orga/capital/html/index.fr.html

(8)  Les tranches seniors devraient représenter la plus grande partie des émissions, les tranches juniors la plus petite.

(9)  En règle générale, les tranches juniors bénéficient d’un rendement plus élevé en contrepartie de ce risque important.

(10)  Voir article 3, point 6) de la proposition de règlement.


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/118


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le programme Fiscalis aux fins de la coopération dans le domaine fiscal»

[COM(2018) 443 final — 2018/0233 (COD)]

(2019/C 62/19)

Rapporteur:

Krister ANDERSSON

Consultation

Parlement européen, 14.6.2018

Conseil de l’Union européenne, 4.7.2018

Base juridique

Articles 114 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

3.10.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

194/2/0

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement la proposition de règlement de la Commission établissant un nouveau programme Fiscalis. Les autorités fiscales nationales restent confrontées à un problème de capacités et de coopération insuffisantes, et le CESE convient du fait qu’il est urgent d’améliorer le fonctionnement de la politique fiscale, y compris la coopération administrative et le soutien aux autorités fiscales.

1.2.

Le CESE partage le constat selon lequel une interaction plus efficace des autorités fiscales est importante pour la cohérence et le fonctionnement du marché unique, et il convient du fait qu’un degré aussi élevé de coopération et de coordination ne peut être atteint qu’au niveau de l’Union.

1.3.

Le CESE craint que le budget de 270 millions d’EUR qui est proposé ne se révèle insuffisant au regard du vaste programme mis en avant par la Commission et de la rapidité du processus de numérisation en cours. Il recommande par conséquent un examen à mi-parcours de l’adéquation du financement.

1.4.

Le CESE considère qu’il est important de prendre en considération le développement du numérique et il se félicite que la Commission se fixe pour objectif d’assurer la coordination, au niveau de l’Union, des systèmes électroniques européens avec d’autres actions utiles concernant l’administration en ligne.

1.5.

Le CESE encourage la Commission à s’entretenir avec les États membres pour élaborer un programme de formation élémentaire commun à destination des autorités fiscales afin d’améliorer le fonctionnement du marché unique. Il estime que des efforts éducatifs communs pourraient éventuellement aboutir à la création d’une future académie fiscale de l’Union à l’intention desdites autorités.

1.6.

Au regard des conclusions de l’évaluation du programme actuel, le CESE observe que les actions relatives aux audits conjoints, aux projets de groupe, aux visites de travail et aux équipes d’experts aux fins de la collaboration informatique ont figuré au rang des outils les plus efficaces, et il invite instamment la Commission à donner la priorité à ces actions dans le nouveau programme Fiscalis.

1.7.

Le CESE se félicite de l’introduction de programmes de travail pluriannuels pour réduire la charge administrative pesant aussi bien sur la Commission que sur les États membres.

1.8.

Le CESE estime qu’il est important que la société civile au sens large prenne part activement au programme Fiscalis.

2.   Introduction et contexte

2.1.

Dans le cadre de son train de mesures concernant le prochain cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027 (1), adopté le 2 mai 2017, la Commission a publié une proposition de renouvellement de l’engagement financier au titre du programme Fiscalis.

2.2.

La proposition de la Commission porte sur la prolongation de l’actuel programme Fiscalis 2020, qui a été établi par le règlement (UE) no 1286/2013 du Parlement européen et du Conseil et qui est mis en œuvre par la Commission en coopération avec les États membres et les pays associés.

2.3.

La proposition de la Commission vise à faciliter les simplifications et les ajustements, par 1) un recours accru aux montants forfaitaires/coûts unitaires, 2) la simplification et la réduction de la typologie des actions afin de permettre une plus grande flexibilité, 3) une définition améliorée des «composants communs» et des «composants nationaux», reflétant davantage la réalité des systèmes électroniques et leurs caractéristiques, et 4) la possibilité d’adopter des programmes de travail pluriannuels afin d’éviter la charge administrative annuelle liée à la comitologie.

2.4.

La portée du programme serait elle aussi ajustée pour l’ouvrir à la participation des États membres, des pays en voie d’adhésion, des pays candidats et des candidats potentiels, ainsi qu’aux pays couverts par la politique européenne de voisinage et aux pays tiers moyennant le respect de certaines conditions.

2.5.

La Commission propose de doter le programme Fiscalis d’un budget de 270 millions d’EUR pour la période 2021-2027, en augmentation par rapport à son enveloppe de 223,2 millions d’EUR pour la période 2014-2020. En outre, la grande majorité du budget serait consacrée à des activités de renforcement des capacités informatiques.

2.6.

Le programme a pour objectif général de soutenir les autorités fiscales et la fiscalité en vue d’améliorer le fonctionnement du marché unique, de promouvoir la compétitivité de l’Union et de protéger les intérêts financiers et économiques de l’Union et de ses États membres.

2.7.

La Commission considère que ce programme soutiendra la politique fiscale et les autorités fiscales au moyen d’activités de renforcement des capacités informatiques et administratives et d’une coopération opérationnelle, permettant ainsi d’apporter des réponses communes rapides à des problèmes émergents tels que la fraude fiscale, l’évasion fiscale et l’évitement fiscal, le passage au numérique et les nouveaux modèles économiques, tout en évitant les charges administratives inutiles pour les citoyens et les entreprises dans le cadre des opérations transfrontières.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE accueille favorablement la proposition de règlement de la Commission établissant un nouveau programme Fiscalis. Les autorités fiscales nationales restent confrontées à un problème de capacités et de coopération insuffisantes, tant au sein de l’Union européenne qu’avec les pays tiers, et le CESE convient du fait qu’il est urgent d’améliorer le fonctionnement de la politique fiscale, y compris la coopération administrative et le soutien aux autorités fiscales.

3.2.

Le CESE partage le constat selon lequel une interaction plus efficace des autorités fiscales est importante pour la cohérence et le fonctionnement du marché unique, et il convient du fait qu’un degré aussi élevé de coopération et de coordination ne peut être atteint qu’au niveau de l’Union. Le CESE a également la conviction qu’un cadre à l’échelle de l’Union est susceptible d’augmenter le taux de participation et, en conséquence, d’accroître le potentiel et la compétitivité du marché unique.

3.3.

Le CESE partage l’idée selon laquelle une approche au niveau de l’Union prévoyant une nouvelle orientation axée sur la fourniture d’un soutien aux autorités fiscales nationales contribuerait à prévenir et combattre la fraude fiscale, l’évasion fiscale et l’évitement fiscal, tout en réduisant les charges administratives inutiles pour les citoyens et les entreprises dans le cadre des opérations transfrontières. Le CESE convient aussi du fait que cette approche aura pour effet d’améliorer le fonctionnement du marché unique, de promouvoir la compétitivité de l’Union et de protéger les intérêts financiers et économiques de l’Union et de ses États membres.

3.4.

Le CESE craint que le budget de 270 millions d’EUR qui est proposé ne se révèle insuffisant au regard du vaste programme mis en avant par la Commission et de la rapidité du processus de numérisation en cours. Il recommande par conséquent un examen à mi-parcours de l’adéquation du financement.

3.5.

Le CESE considère qu’il est important de prendre en considération le développement du numérique et il se félicite que la Commission se fixe pour objectif d’assurer la coordination, au niveau de l’Union, des systèmes électroniques européens avec d’autres actions utiles concernant l’administration en ligne.

3.6.

Au regard des conclusions de l’évaluation du programme actuel, le CESE observe que les actions relatives aux audits conjoints, aux projets de groupe, aux visites de travail et aux équipes d’experts aux fins de la collaboration informatique ont figuré au rang des outils les plus efficaces. Par conséquent, il souhaiterait que la priorité soit donnée à ces actions dans le nouveau programme Fiscalis.

3.7.

Le CESE encourage la Commission à s’entretenir avec les États membres pour élaborer un programme de formation élémentaire commun à destination des autorités fiscales afin d’améliorer le fonctionnement du marché unique. Il estime que des efforts éducatifs communs pourraient éventuellement aboutir à la création d’une future académie fiscale de l’Union à l’intention desdites autorités.

3.8.

Le CESE se félicite de l’introduction de programmes de travail pluriannuels pour accroître l’efficacité du marché unique et réduire la charge administrative pesant aussi bien sur la Commission que sur les États membres.

3.9.

Le CESE observe qu’à l’heure actuelle, l’échange d’informations ne porte que sur la communication des informations et non sur leur traitement. Or, pour assurer une coopération étendue et fructueuse entre les États membres dans le domaine du renforcement des capacités informatiques, il considère que la fonction de traitement dans l’échange d’informations doit être davantage développée.

3.10.

Le CESE estime qu’il est important que la société civile au sens large prenne part activement au programme Fiscalis, afin qu’elle puisse s’emparer des progrès accomplis à mesure que celui-ci évoluera et en assurer le suivi.

3.11.

Le CESE reconnaît et salue le caractère novateur du mécanisme plus simple et plus direct qui permet d’adapter ou d’étendre les systèmes électroniques européens aux fins de la coopération avec des pays tiers non associés au programme et avec des organisations internationales.

3.12.

Le CESE se félicite que la proposition soit cohérente par rapport aux autres propositions de programmes d’action de l’Union qui visent des objectifs similaires dans le but de faire reculer les pratiques frauduleuses, d’accroître l’efficacité des institutions et d’améliorer le fonctionnement du marché unique.

3.13.

Le CESE souscrit à l’idée de consacrer la grande majorité du budget proposé à des activités de renforcement des capacités informatiques. Il approuve également le choix d’une d’architecture informatique combinant des composants communs et des composants nationaux, au lieu d’un système entièrement centralisé. Un modèle électronique européen tenant compte des préférences, exigences et contraintes nationales facilitera la réalisation proportionnée de l’interopérabilité et de l’interconnectivité dans l’intérêt du marché intérieur.

3.14.

Le CESE souligne que la répartition des responsabilités entre la Commission et les États membres est un principe important en vue d’assurer conjointement le développement et l’exploitation des systèmes électroniques européens. Ce principe facilite la recherche d’une solution adéquate à la fois du point de vue plus global de l’Union et au regard de qui est applicable et opérant dans chaque État membre, afin d’aboutir, espérons-le, à une coopération optimisée entre les participants.

3.15.

Les administrations fiscales ne seraient pas les seules bénéficiaires d’une administration plus efficace. Le CESE estime qu’un environnement fiscal plus favorable profitera aussi aux entreprises de l’Union et stimulera la croissance. La réduction des coûts de mise en conformité et des charges administratives permet aux entreprises de se concentrer sur leurs activités principales, de produire de la croissance et de créer des emplois.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  COM(2018) 321 final.


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/121


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le programme d’appui aux réformes»

[COM(2018) 391 final — 2018/0213 (COD)]

(2019/C 62/20)

Rapporteur:

Petr ZAHRADNÍK

Consultation

Parlement européen, 14.6.2018

Conseil de l’Union européenne, 27.6.2018

Base juridique

Article 175, troisième alinéa, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

3.10.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

194/3/7

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) approuve, et fait siens, les motifs présidant à la création du programme d’appui aux réformes, qui doit inciter les États membres de l’Union européenne à mettre en œuvre des réformes structurelles d’importance, envisager les réformes structurelles comme une action globale et servir d’instrument complémentaire en vue de les réaliser sur une base volontaire. Le CESE propose que lors de la réalisation des réformes structurelles — appuyées par ce programme — l’on en suive également à l’échelon des États membres les retombées et les conséquences sociales.

1.2.

Le CESE est partisan d’un lien fort entre le programme d’appui aux réformes et le semestre européen. Dans le même temps, il est convaincu que la réussite des réformes structurelles devrait se manifester à moyen terme aussi en ce qui concerne l’évolution de la convergence économique au sein de l’Union européenne. Le CESE est également d’avis que le lien entre le programme d’appui aux réformes et le semestre européen peut être encore plus fort et plus direct que ne le prévoit la proposition de règlement.

1.3.

Le CESE estime que pour réussir le lancement du programme d’appui aux réformes et obtenir les bénéfices escomptés, il serait judicieux de répondre encore mieux aux quelques questions qui restent ouvertes pour lesquelles la Commission européenne n’a pas apporté d’explications tout à fait univoques.

1.4.

Dans le fil de la nouvelle conception du cadre financier pluriannuel de l’Union européenne pour la période 2021-2027, qui présuppose aussi l’obtention de synergies significatives entre ses différents chapitres, le CESE est convaincu de la nécessité de détailler plus avant les possibilités du programme de manière à obtenir réellement dans les faits lesdites synergies. Le CESE se féliciterait de l’élaboration d’un manuel pratique qui permettrait aux bénéficiaires de s’orienter plus aisément parmi les possibilités de combinaisons réciproques avec d’autres chapitres du futur cadre financier pluriannuel, sachant notamment qu’il s’agit là d’un tout nouvel élément du fonctionnement de ce dernier. Dans le cadre du renforcement des synergies qui est souhaité, le CESE recommande également d’appliquer la possibilité de relier directement les moyens du programme au programme opérationnel correspondant dans le cadre de la politique de cohésion.

1.5.

Le CESE recommande également de clarifier et définir plus avant les modalités d’évaluation de la réussite des réformes (et donc aussi des conditions pour le déboursement effectif des moyens financiers dans le cadre du programme). Dans le même temps, le CESE est d’avis que c’est précisément en ce qui concerne l’obtention d’un accord sur le contenu des programmes de réforme entre la vision de la Commission européenne et celle des États membres que la société civile organisée peut jouer un rôle très actif. Dans ce contexte, le CESE se félicite de la liaison étroite prévue entre le programme et les programmes nationaux de réforme. À cet égard, il recommande également d’effectuer un suivi minutieux de la programmation des réformes dans le temps et de faire face efficacement au risque potentiel d’aléa moral. Le CESE juge plus que souhaitable la création d’une plateforme de coopération entre les États membres sur les questions relatives à la forme et à la nature des réformes structurelles.

1.6.

Le CESE est d’avis que la nécessité de réformes structurelles se présente non seulement à l’échelon de chacun des États membres, mais également à celui de l’Union européenne dans son ensemble, dès lors que ces réformes ont une incidence transfrontière, voire même souvent paneuropéenne. Étant donné que le programme est conçu comme géré centralement, le CESE déplore qu’il ne soit pas possible de régler par son truchement en particulier des projets de nature structurelle qui revêtent de l’importance pour toute l’Europe et il recommande d’élargir à ce type de réformes les possibilités qu’offre le programme.

1.7.

Le CESE n’est pas tout à fait certain que la méthode du versement a posteriori de l’appui fourni dans le cadre du programme (sachant que le décalage peut durer jusqu’à plusieurs années à compter de la mise en œuvre de la mesure de réforme) constitue pour un État membre une motivation suffisante pour envisager de mettre en œuvre une réforme structurelle.

2.   Contexte général de la proposition et éléments factuels essentiels

2.1.

L’un des obstacles de long terme les plus significatifs à une croissance économique plus forte et plus convaincante dans l’Union européenne réside dans l’existence d’une série de défaillances et de déséquilibres structurels, qui trouvent leur solution dans la mise en œuvre rigoureuse de réformes structurelles (1). La récente crise économique a permis de mettre en relief certains d’entre eux de manière plus manifeste encore. Dans le même temps, elle a permis d’établir un critère pour juger de la réussite des réformes mises en œuvre. Afin de garantir la réussite du programme, il est utile de tirer également les enseignements d’exemples de réformes qui se sont révélées infructueuses ou mal préparées, avec de graves effets économiques et sociaux, et d’éviter de reproduire de telles pratiques à l’avenir.

2.2.

Les réformes structurelles recouvrent les mesures de politique économique qui établissent à long terme les paramètres fondamentaux porteurs de la structure économique et du cadre institutionnel et juridique en rapport. Elles prennent la forme aussi bien de l’élimination des obstacles existants que de la mise en œuvre d’éléments entièrement nouveaux des instruments de politique économique qui reflètent les tendances de l’évolution actuelle et future. La forme et la nécessité des réformes structurelles ne sont pas les mêmes dans les différents pays de l’Union européenne (2).

2.3.

Tout en étant doté d’un volume bien plus important de moyens financiers et d’un champ d’application de l’appui sensiblement élargi et bien plus précis, le programme proposé d’appui aux réformes prolonge l’instrument du programme d’appui à la réforme structurelle, mis en œuvre dès 2017 principalement sous la forme d’une assistance technique (3).

2.4.

L’on peut concevoir le programme d’appui aux réformes comme une contribution essentielle du budget de l’Union européenne — dans l’esprit de ses innovations actuelles — destinée à garantir une valeur ajoutée européenne, une flexibilité accrue, des synergies entre chacun de ses différents chapitres et la simplification de ses procédures. Cette contribution devrait se manifester sous la forme d’une activité d’investissement accrue à long terme, sachant que le processus du semestre européen doit constituer un test et un point d’ancrage pour évaluer le caractère adéquat des réformes structurelles (4).

2.5.

Il apparaît donc ainsi indiqué de considérer le programme d’appui aux réformes non pas dans une perspective isolée, mais comme une pièce nouvelle de la mosaïque complexe des instruments du futur budget de l’Union européenne, par rapport auxquels il doit afficher un degré élevé de synergie, ce qui vaut avant tout pour la politique de cohésion et le mécanisme européen de stabilisation des investissements.

2.6.

En outre, l’annonce de la conception de ce programme s’est inscrite dans la présentation en décembre 2017 de nouveaux instruments budgétaires pour une zone euro stable dans le cadre de l’Union européenne. Les États membres de la zone euro ne sont cependant nullement favorisés dans la proposition de règlement par rapport à ceux qui n’en font pas partie, bien que le programme devrait constituer l’une des variantes d’une solution de compromis en ce qui concerne l’établissement d’un budget distinct pour la zone euro.

2.7.

Le programme d’appui aux réformes dispose des trois outils proposés que sont:

l’outil d’aide à la mise en place des réformes sous la forme d’un instrument d’appui financier (doté d’une allocation de 22 milliards d’EUR),

l’instrument d’appui technique (qui prolonge directement le programme d’appui aux réformes structurelles et est doté de 840 millions d’EUR),

le mécanisme de soutien à la convergence destinés aux États qui ne font pas partie de la zone euro (doté de 2,16 milliards d’EUR).

2.8.

L’objectif essentiel du programme est de soutenir les gouvernements et le secteur public des États membres dans leurs efforts pour concevoir et réaliser des réformes structurelles. Le bénéfice qu’il apporte doit être une contribution à une croissance durable de l’économie de l’Union européenne et à la réalisation du socle européen des droits sociaux.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE est d’avis que les motifs présidant à la proposition de créer un programme d’appui aux investissements sont tout à fait pertinents et que conformément auxdits motifs, le fonctionnement en pratique du programme devrait produire des bénéfices. Dans le même temps, le CESE est cependant convaincu que la proposition pose un grand nombre d’interrogations qui n’ont fait l’objet ni de réponses ni d’explications tout à fait claires, et qu’il importe au plus haut point d’apporter des réponses plus convaincantes et plus univoques à ces questions avant de lancer à plein régime ce programme dans son fonctionnement concret.

3.2.

Le CESE exige que soient présentées d’une manière plus concrète et parlante des situations où se manifestent les synergies possibles, comme par exemple avec la politique de cohésion, auxquelles se réfèrent tant la proposition de règlement relatif au cadre financier pluriannuel que la proposition de règlement portant dispositions communes pour sept fonds.

3.3.

L’obtention du bénéfice, ou au contraire l’échec d’une mesure donnée de réforme, n’intervient souvent qu’après un certain laps de temps, qui peut facilement dépasser aussi bien l’horizon de trois ans fixé pour la mise en œuvre de la réforme que l’horizon suivant, de cinq ans, fixé pour sa durabilité. Le CESE s’intéresse à la manière dont le programme entend évaluer la réussite des réformes dont l’on tient pour acquis qu’elles peuvent bénéficier d’un appui, mais dont le résultat est susceptible de ne se manifester qu’à un horizon très lointain. Dans ce contexte, le CESE s’intéresse également à la manière dont sera réglé un éventuel litige entre la Commission européenne et un État membre s’agissant de déterminer si une proposition de réforme donnée est judicieuse et si la réforme réalisée est couronnée de succès. Dans ce contexte, le CESE recommande la création d’une plateforme de coopération entre les États membres sur les questions relatives à la nature des réformes structurelles.

3.4.

Le CESE est d’avis que la société civile organisée pourrait contribuer de manière significative à l’obtention d’un consensus entre la Commission européenne et les États membres en ce qui concerne la forme que prennent les réformes, car elle est à de nombreux égards impartiale, à même de fournir un avis objectif et matériellement compétente, et elle représente un pont capable de prévenir les conflits éventuels, et de les résoudre le cas échéant.

3.5.

Le CESE prend acte de la corrélation proclamée avec le processus du semestre européen, sachant qu’il estime que leur lien réciproque pourrait être encore plus immédiat. Dans le cas de l’outil d’aide à la mise en place des réformes, ladite corrélation pourrait se manifester s’agissant par exemple de déterminer l’allocation financière. Le CESE prend acte du fait que le seul critère à cette fin est le nombre d’habitants de l’État membre concerné. Néanmoins, il recommande toutefois de réfléchir également à la possibilité de recourir à une matrice multicritères, qui prenne en compte le degré de nécessité de la réalisation des réformes structurelles dans les conditions que connaît l’État membre concerné.

3.6.

La proposition de règlement mentionne que la Commission européenne veille à ce que les actions menées au titre de ce programme soient complémentaires par rapport aux autres programmes dans le cadre du futur budget de l’Union européenne. Le CESE recommande d’élaborer un manuel explicatif plus détaillé sur la manière dont interviendra cette complémentarité, car il estime qu’il s’agit là d’une question très importante aux fins de l’obtention d’effets de synergie dans le cadre du financement de l’Union européenne. Cette complémentarité importe avant tout en relation avec les dispositions communes pour sept fonds (et parmi ceux-ci, en tout premier lieu avec les instruments de la politique de cohésion), tout en sachant qu’une cohérence devrait prévaloir s’agissant aussi de déterminer les conditions favorisantes (le CESE recommande que le programme s’axe en priorité sur leur réalisation dans le cadre des efforts de réforme).

3.7.

Le CESE se félicite vivement de la cohérence et du lien proposés entre le programme et les programmes nationaux de réforme que les États membres élaborent dans le cadre de leurs obligations découlant du semestre européen et qu’ils présentent à la Commission européenne.

3.8.

Le CESE déplore que la proposition de programme prévoie que les réformes structurelles soient exclusivement liées aux besoins spécifiques des États membres et qu’elle n’envisage pas de réformes structurelles d’une portée transfrontière, voire même paneuropéenne. Et ce d’autant plus que ce programme est conçu comme géré centralement. Étant donné que ce programme requiert un degré extraordinairement élevé d’interaction de la part des États membres (qui en assureront de facto l’exécution concrète), la question se pose de savoir pourquoi l’on conçoit précisément ce programme comme géré centralement, et non comme un programme exécuté selon les modalités de la gestion partagée.

3.9.

Le CESE souscrit à la liste des activités et des engagements en matière de réformes (article 6 de la proposition), dont il se félicite et qu’il considère comme une base tout à fait représentative pour choisir la mesure qui répondra aux conditions concrètes qui prévalent dans l’État membre. Dans ce contexte, le CESE recommande toutefois de définir ce que l’on entend aux fins de ce programme par une réforme structurelle (5), et ce tout particulièrement afin d’éviter des chevauchements inutiles de son contenu avec les actions de réforme soutenues au titre d’autres chapitres du budget de l’Union européenne.

3.10.

Le CESE marque également son accord avec la liste des critères auxquels l’État membre doit satisfaire dans le cadre du programme afin de faire reconnaître ses engagements en matière de réforme (article 11 de la proposition).

3.11.

Le CESE exprime cependant des doutes quant à savoir si le programme représente une véritable incitation à réaliser des réformes structurelles. Ses doutes se fondent sur le fait que l’aide peut être même versée à un horizon de trois ans après communication de la décision, une fois accomplis les engagements en matière de réforme. Le CESE est d’avis que le remboursement en une seule fois et a posteriori de l’aide après une période relativement longue à compter du lancement des actions de réforme ne constitue pas un instrument excessivement motivant.

4.   Observations particulières

4.1.

Sachant que le financement de l’appui fourni dans le cadre de ce programme n’est pas lié aux charges qu’engendrent et requièrent les réformes proposées, le CESE invoque la nécessité d’un suivi très minutieux de la part d’experts en ce qui concerne l’approbation des engagements en matière de réforme et l’évaluation finale des réformes structurelles du point de vue du respect des conditions de la discipline macroéconomique et budgétaire.

4.2.

Le CESE réclame une explication de la thèse avancée dans la proposition selon laquelle le programme doit compenser les coûts politiques élevés qui se manifestent à court terme dans le cas de certaines réformes structurelles et doit éliminer les obstacles liés à ces réformes.

4.3.

Le CESE recommande d’élaborer des règles plus détaillées et plus univoques aux fins de l’évaluation des modifications apportées aux réformes (article 13 de la proposition).

4.4.

Le CESE recommande de prêter attention à la programmation des réformes dans le temps, qui consiste en la possibilité d’adapter dans le temps la réalisation des réformes à l’obtention de l’appui que fournit le programme, et au problème connexe de l’aléa moral. Le CESE recommande également de prêter attention à l’éventualité où des réformes déjà réalisées se trouveraient soutenues au titre du programme.

4.5.

La proposition de règlement ouvre la possibilité qu’une partie des moyens destinés par exemple à la politique de cohésion puisse être transférée vers ce programme. Le CESE recommande de prévoir la possibilité d’un transfert, voire d’une fusion même en sens inverse, par lequel les moyens du programme pourraient être directement reliés aux programmes opérationnels correspondants dans le cadre de la politique de cohésion.

4.6.

Pour ce qui est de l’instrument d’appui technique, le CESE se félicite de la continuité directe avec le programme d’appui aux réformes structurelles et de l’exploitation de la fenêtre de tir pour adapter l’appui aux efforts de réforme structurelle (à la différence par exemple de l’assistance technique fournie dans le cadre de la politique de cohésion).

4.7.

Pour ce qui est du mécanisme de soutien à la convergence, le CESE fait observer que certains États membres de l’Union européenne qui n’appartiennent pas à la zone euro sont, sur le plan structurel, mieux parés pour y entrer que certains de ses membres actuels. Le principal obstacle auquel se heurtent ces États ne relève pas de motifs économiques (bien souvent, ils affichent une croissance supérieure du produit intérieur brut en lien avec un degré élevé de convergence réelle, une discipline budgétaire exemplaire, un excédent de leur balance extérieure ou un faible taux de chômage), mais de motifs politiques (sur lesquels le mécanisme de soutien à la convergence n’est pas en mesure d’influer).

4.8.

S’agissant du mécanisme de soutien à la convergence, le CESE demande aussi qu’il soit plus précisément expliqué si l’engagement en matière de réforme présente d’une manière ou d’une autre un caractère différent dans son cadre et dans celui de l’outil d’aide à la mise en place des réformes.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Dans ses avis, le CESE prend pour point de départ la définition des réformes structurelles telle que formulée dans son avis sur le thème «Achever l’Union économique et monétaire — propositions pour la prochaine législature européenne» (JO C 451 du 16.12.2014, p. 10).

(2)  Concernant le lien entre les réformes structurelles et les autres composantes de la politique économique dans le contexte de l’Union européenne, une description est apportée par les avis du CESE sur la «Politique économique de la zone euro (2017)» (supplément d’avis) (JO C 81 du 2.3.2018, p. 216), et sur la «Politique économique de la zone euro (2017)» (JO C 173 du 31.5.2017, p. 33).

(3)  Voir l’avis du CESE sur l’«Appui aux réformes structurelles dans les États membres» (JO C 237 du 6.7.2018, p. 53).

(4)  Voir l’avis du CESE sur le «Document de réflexion sur l’avenir des finances de l’Union européenne» (JO C 81 du 2.3.2018, p. 131).

(5)  Voir de nouveau les avis CESE sur la «Politique économique de la zone euro (2017) (supplément d’avis)» (JO C 81 du 2.3.2018, p. 216) et sur la «Politique économique de la zone euro (2017) (JO C 173 du 31.5.2017, p. 33).


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/126


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la création d’un mécanisme européen de stabilisation des investissements (MESI)»

[COM(2018) 387 final — 2018/0212 (COD)]

(2019/C 62/21)

Rapporteur:

Philip VON BROCKDORFF

Corapporteur:

Michael SMYTH

Consultations

Parlement européen, 11.6.2018

Conseil, 25.6.2018

Base juridique

Articles 175, paragraphe 3, et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

3.10.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

196/2/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE note qu’au niveau actuel d’intégration politique et sociétale, un grand budget fédéral dans la zone euro n’est pas réaliste. Toutefois, le mécanisme européen de stabilisation des investissements (MESI) proposé vise à améliorer le caractère stabilisateur des politiques budgétaires nationales face aux chocs asymétriques. Le CESE estime qu’il s’agit là d’une avancée vers une plus grande intégration de la zone euro, voire d’une tentative d’encourager les États membres n’appartenant pas à la zone euro à adopter la monnaie unique.

1.2.

Le CESE est conscient du fait que le mécanisme européen de stabilisation des investissements (MESI) diffère du mécanisme européen de stabilité (MES), lequel a servi de filet de sécurité pendant la crise financière. Il convient toutefois d’établir une distinction claire entre les deux fonds. La portée du MESI est beaucoup plus limitée et le CESE s’inquiète de la taille du fonds au cas où des chocs asymétriques affecteraient deux ou plusieurs États membres.

1.3.

Les prêts accordés au titre du MESI pourraient stimuler dans une certaine mesure l’investissement public en cas de chocs asymétriques. Le CESE fait cependant remarquer qu’il est peu probable que leur impact se fasse sentir immédiatement. La reprise économique prendra du temps et les effets positifs pourraient ne se faire sentir qu’à moyen et à long terme.

1.4.

De l’avis du CESE, retenir le chômage comme seul critère pour activer le mécanisme pourrait donner lieu à certaines insuffisances en ce qui concerne la rapidité de la fonction de stabilisation. Il suggère par conséquent de recourir à d’autres indicateurs complémentaires qui précèdent généralement le chômage lorsqu’il s’agit de prédire l’imminence d’un choc de grande ampleur, de manière à déclencher un premier niveau de soutien avant que le «grand» choc ne se répercute dans toute son ampleur sur l’indicateur du chômage.

1.5.

Étant donné que le MESI n’est pas considéré comme «supplémentaire» par rapport aux autres instruments financiers, à savoir le mécanisme de soutien des balances des paiements et le mécanisme européen de stabilisation financière (MESF), le CESE est d’avis qu’y recourir réduirait la capacité globale d’emprunt. Il incombe dès lors à la Commission européenne d’équilibrer en permanence les remboursements en suspens de la part des États membres concernés, ainsi que les passifs éventuels.

1.6.

Le CESE n’est pas opposé à la supervision par la Commission des investissements publics financés par les prêts octroyés au titre du MESI. Il estime toutefois que l’État membre en question devrait disposer d’une marge de manœuvre suffisante pour déterminer le type d’investissement requis. Il plaide dès lors pour qu’un équilibre soit trouvé entre le pouvoir de contrôle de la Commission, d’une part, et la marge d’appréciation de l’État membre concerné en matière de dépenses publiques, d’autre part.

1.7.

Le CESE invite instamment la Commission à se pencher sur la façon dont un mécanisme d’assurance destiné à rétablir la stabilisation macroéconomique pourrait fonctionner dans toute l’Union européenne. Il est d’avis qu’un régime d’assurance à l’échelle de l’Union bien conçu, qui agirait comme un stabilisateur automatique dans un contexte marqué par les chocs macroéconomiques, serait beaucoup plus efficace que le MESI tel qu’il est proposé. Au cas où une autre crise économique et financière frapperait l’Union européenne dans l’intervalle, le CESE plaide en faveur d’une approche coordonnée afin de déployer tous les instruments financiers concernés, y compris le MESI.

2.   Contexte

2.1.

La Commission européenne propose pour le prochain cadre financier pluriannuel un mécanisme européen de stabilisation des investissements (MESI), dont l’objectif global est de renforcer l’Union économique et monétaire en inscrivant la zone euro dans le budget à long terme de l’Union. Le MESI prendrait la forme de prêts adossés pouvant aller jusqu’à 30 milliards d’EUR, garantis par le budget de l’Union européenne et assortis d’une bonification d’intérêts pour couvrir le coût de l’emprunt.

2.2.

Cette bonification serait financée par les contributions des États membres correspondant à un pourcentage du revenu monétaire alloué aux banques centrales nationales par la BCE (pratique communément appelée «seigneuriage») et collectée par un fonds de soutien à la stabilisation (FSS). Un accord serait conclu au niveau intergouvernemental afin de déterminer le calcul des contributions financières des États membres et les règles relatives à leur transfert.

2.3.

Le montant du prêt qui serait accordé à un État membre éligible serait déterminé par une formule reposant sur un certain nombre de critères, parmi lesquels:

i)

le niveau maximal d’investissement public admissible que le MESI pourrait financer;

ii)

l’augmentation du chômage; et

iii)

un seuil défini sur la base du taux de chômage national trimestriel, s’il a augmenté de plus d’un point de pourcentage par rapport au taux de chômage observé au même trimestre de l’année précédente.

La Commission pourrait néanmoins augmenter le montant d’un prêt accordé au titre du MESI jusqu’à concurrence du niveau maximal d’investissement public admissible au cas où les États membres concernés auraient subi un choc asymétrique de grande ampleur particulièrement grave.

2.4.

La proposition de règlement est, pour l’essentiel, fondée sur les principes fondamentaux de solidarité au niveau de l’Union européenne et de responsabilité de chaque État membre. Les documents suivants font mention du MESI: le discours du président de la Commission européenne sur l’état de l’Union 2017 (1), le rapport des cinq présidents de juin 2015 (2), le document de réflexion sur l’approfondissement de l’Union économique et monétaire de mai 2017 (3) et la position de la Commission sur la poursuite de l’approfondissement de l’Union économique et monétaire présentée en décembre 2017 (4).

2.5.

Parallèlement au MESI, la Commission propose également un programme d’appui à la réforme structurelle (PARS) visant à fournir un soutien, en cas de besoin, aux réformes économiques dans tous les États membres. Le PARS serait composé de trois éléments: un mécanisme axé sur les réformes, un appui technique et un mécanisme de soutien à la convergence pour aider les États membres dont la monnaie n’est pas l’euro à rejoindre la zone euro. Cette question fera l’objet d’un avis distinct du CESE.

2.6.

Le MESI poursuit deux objectifs principaux:

i)

contribuer à stabiliser l’investissement public en période de chocs asymétriques dus à un changement des conditions économiques susceptible d’avoir des incidences différentes selon les États membres. Comme l’a montré la crise financière, maintenir la stabilité de l’investissement public en temps de crise est un défi énorme pour les pays qui, comme la zone euro, ont une monnaie commune; et

ii)

soutenir la relance économique en cas de chocs économiques dans la zone euro et dans les États membres qui participent au mécanisme de taux de change européen (MCE II) et qui ne peuvent plus utiliser leur politique monétaire comme levier pour s’adapter aux chocs.

2.7.

Il convient de rappeler que le cadre actuel de la politique économique de la zone euro demeure incomplet. Alors que la politique monétaire est centralisée, les politiques budgétaires nationales sont toujours décentralisées; cette dichotomie peut faire peser une lourde charge sur un État membre touché par un choc asymétrique, comme l’ont montré les conséquences de la crise financière.

2.8.

Le MESI vise, dès lors, à compléter les stabilisateurs automatiques nationaux lorsque ces derniers — conçus pour atténuer les fluctuations de l’activité économique d’un État membre et déclenchés automatiquement, sans action explicite du gouvernement — se révèlent inopérants. En théorie, le MESI pourrait avoir pour effet de protéger l’économie en atténuant principalement les chocs économiques internes, et contribuer ainsi à la relance. Il pourrait également contribuer à réduire le risque de contagion aux autres États membres.

2.9.

Lorsqu’il sont confrontés à une crise, les États membres risquent de perdre leur accès aux marchés financiers. Dans ce cas, l’État membre concerné dispose d’une «boîte à outils» qui comprend notamment le mécanisme européen de stabilité (MES) ou le programme de soutien à la balance des paiements (BDP). À l’heure actuelle, toutefois, il n’existe pas de mécanisme destiné à soutenir un État membre qui subirait un choc asymétrique sans perdre nécessairement son accès aux marchés financiers. Le MESI entend dès lors combler cette lacune en octroyant des prêts à l’État membre en question.

2.10.

La Commission européenne préconise, pour renforcer l’efficacité du mécanisme proposé, de mesurer les chocs asymétriques à l’aide d’un «déclencheur à double activation fondé sur le chômage». Ce déclencheur serait activé lorsque les taux de chômage nationaux, ayant dépassé un niveau jugé «normal», seraient considérés comme un indicateur pertinent de l’impact d’un choc asymétrique de grande ampleur dans un État membre spécifique.

2.11.

Ce mécanisme, en octroyant des prêts aux États membres touchés par des chocs économiques, part du principe que les politiques macroéconomiques et budgétaires ont été appliquées conformément au pacte de stabilité et de croissance (PSC), un ensemble de règles qui visent à garantir que les pays de l’Union européenne ont pour objectif d’assainir leurs finances publiques et de coordonner leurs politiques budgétaires, ainsi qu’à la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques. Cette prodédure a pour but de déceler, de prévenir et de corriger l’apparition de déséquilibres macroéconomiques potentiellement préjudiciables et susceptibles de nuire à la stabilité économique d’un État membre donné, de la zone euro ou de l’Union européenne dans son ensemble.

2.12.

Avec le temps, le MESI pourra être complété — par l’intermédiaire du Fonds de soutien à la stabilisation (FSS) — par des ressources financières supplémentaires externes au budget de l’Union européenne et provenant des sources suivantes: le MES (futur Fonds monétaire européen) et un mécanisme d’assurance volontaire à mettre en place par les États membres.

3.   Observations générales

3.1.

De l’avis du CESE, compte tenu du niveau actuel d’intégration politique et sociétale, un grand budget fédéral dans la zone euro n’est pas réaliste. Le CESE a toujours soutenu la Commission dans ses efforts visant à promouvoir et compléter l’Union économique et monétaire (UEM) (5). Dans le même temps, le Comité a souvent souligné ses préoccupations quant au manque d’engagement politique des États membres, pourtant essentiel à l’achèvement de l’UEM (6). Les propositions pour le MESI semblent tenir compte de cet élément et constituent dès lors une sorte de solution intermédiaire. La dichotomie entre une politique monétaire centralisée et des politiques budgétaires nationales est donc appelée à durer. Le côté positif de la proposition est que le MESI vise à mieux stabiliser les politiques budgétaires nationales en cas de chocs asymétriques et d’assurer une viabilité à long terme. En ce sens, le CESE voit la proposition comme un pas en avant vers un renforcement de l’intégration de la zone euro, voire comme une tentative d’encourager les États membres n’appartenant pas à la zone euro à adopter la monnaie unique.

3.2.

Le mécanisme proposé présuppose l’adhésion au pacte de stabilité et de croissance, ce qui implique une politique budgétaire et macroéconomique saine. Le CESE voit dans cette initiative une tentative de parvenir à une convergence budgétaire et monétaire en veillant à ce que les États membres respectent les critères d’éligibilité, ce qui implique une gestion budgétaire et une politique macroéconomique saines. Cela signifie également que le MESI ne serait accessible qu’aux États membres qui respectent le pacte de stabilité et de croissance, c’est-à-dire à ceux qui ont déjà entrepris des réformes structurelles et des ajustements budgétaires. Cette condition pourrait inciter les États membres à adhérer pleinement au pacte de stabilité et de croissance et dissiper les craintes concernant l’approbation de dépenses destinées à des États membres engagés dans un processus de réformes structurelles et d’ajustements budgétaires.

3.3.

Le MESI n’entraînera dès lors pas de «transferts permanents» entre les États membres de la zone euro; les gouvernements ne seront éligibles au bénéfice d’une aide que s’ils ont satisfait aux règles budgétaires fondamentales de l’Union au cours des deux années précédentes. Le CESE observe toutefois que le MESI est destiné uniquement aux États membres dont les politiques macroéconomique et budgétaire sont saines; les prêts seraient accordés dans des circonstances exceptionnelles, au cas où les chocs asymétriques se manifesteraient sous la forme de taux de chômage supérieurs à la normale. Néanmoins, tout en reconnaissant l’importance de la discipline de marché et de la discipline budgétaire, le CESE marque son accord avec l’objectif d’une fonction de stabilisation et admet qu’il s’agit d’un premier pas vers un mécanisme de stabilisation plus élaboré.

3.4.

Le CESE comprend que la Commission n’ait pu fournir une liste définitive des chocs asymétriques qui pourraient prendre, notamment, la forme d’une crise de liquidité. Il estime que la réponse appropriée à une crise de liquidité est le programme d’opérations monétaires sur titres (OMT) de la Banque centrale européenne, sous réserve que l’État membre participe au programme du MES et non au MESI. Le CESE reconnaît qu’établir une liste exhaustive des chocs asymétriques ne serait pas approprié et prend acte des simulations macroéconomiques que la Commission a effectuées sur la base de données antérieures quant à l’efficacité d’une fonction de stabilisation en tant que mécanisme de prévention de crise.

3.5.

Le CESE est conscient du fait que le MESI diffère du mécanisme européen de stabilité (MES), qui a servi de filet de sécurité pendant la crise financière. Le MES est plus étroitement associé à un programme de renflouement; soumis à des conditions plus strictes, il dispose d’une capacité de prêt de 500 milliards d’EUR et peut être utilisé par les États membres ayant perdu leur capacité à emprunter sur les marchés de capitaux.

3.6.

Il y a lieu dès lors d’établir une distinction claire entre les deux fonds. Le champ d’application du MESI est beaucoup plus limité; même s’il est destiné à tout État membre quelle que soit sa taille, le CESE est d’avis que le fonds proposé, de 30 milliards d’EUR, serait plus adapté aux États membres de petite taille, qu’ils soient membres de la zone euro ou non. Le CESE s’interroge dès lors sur la taille du fonds au cas où des chocs asymétriques affecteraient deux ou plusieurs États membres. Le MESI proposé ne peut par conséquent être considéré comme la solution définitive pour les États membres confrontés à des difficultés exceptionnelles telles qu’une catastrophe naturelle, une crise énergétique ou une crise bancaire localisée.

4.   Observations particulières

4.1.

Le CESE reconnaît qu’en appliquant la formule permettant de déterminer le montant du prêt pour l’État membre éligible (les États membres de la zone euro et les pays qui aspirent à entrer dans le mécanisme de change européen), les prêts accordés stimuleraient dans une certaine mesure l’investissement public (en supposant que ces investissements soient de qualité) en période de chocs asymétriques, mais il est peu probable que leur incidence soit immédiate. La reprise économique prendra du temps et les effets positifs pourraient ne se faire sentir qu’à moyen et à long terme. La proposition, par conséquent, doit être plus réaliste quant aux objectifs visés et aux résultats éventuels du MESI.

4.2.

Le CESE relève que retenir le chômage comme seul critère d’activation du mécanisme de soutien peut donner lieu à certaines insuffisances quant à la rapidité de la fonction de stabilisation. Il serait souhaitable de prendre également en considération d’autres indicateurs complémentaires généralement précurseurs du chômage et permettant de prédire l’imminence d’un choc de grande ampleur, de manière à pouvoir déclencher un niveau initial de soutien avant que le «grand» choc se répercute intégralement sur l’indicateur du chômage. Il est possible qu’une fois que le taux de chômage a augmenté de manière significative, la capacité productive de l’économie ait déjà subi des dommages. À titre d’exemple, une économie qui connaît une forte chute de ses exportations de biens et de services ne connaît pas nécessairement une hausse simultanée du chômage.

4.3.

Il serait utile dès lors de disposer d’un instrument qui puisse être activé avant que les symptômes ne se fassent pleinement sentir sur le marché du travail. En d’autres termes, il y a lieu de compléter le critère du chômage par un ensemble d’indicateurs d’alerte précoce qui pourrait inclure l’évolution des exportations de biens et de services, l’évolution du niveau des stocks, ainsi que d’autres grands indicateurs indiquant clairement la présence d’un choc économique. De la sorte, le mécanisme de stabilisation proposé serait beaucoup plus rapide et beaucoup plus efficace.

4.4.

En outre, l’obligation pour un État membre d’avoir dépassé le taux de chômage moyen sur une période de 15 ans pour pouvoir prétendre à une aide pourrait aller à l’encontre de l’intérêt des pays qui ont réduit avec succès leur chômage structurel. Un laps de temps plus court, de cinq ans par exemple, serait plus approprié.

4.5.

Le CESE note que le MESI, tel qu’il est proposé, serait autorisé à emprunter des fonds sur les marchés des capitaux et à prêter cet argent aux États membres à un taux d’intérêt subventionné pour couvrir les coûts des emprunts. Comme on l’a vu, cette bonification serait financée par ce que l’on appelle le «seigneuriage» et collectée par un Fonds de soutien à la stabilisation (FSS). Le CESE est d’avis que les États membres devraient faire la preuve a priori de leur engagement politique et financier.

4.6.

Étant donné que le MESI n’est pas considéré comme venant en complément des instruments existants, le montant total des crédits disponibles pour le mécanisme de soutien à la balance des paiements, le mécanisme européen de stabilisation financière (MESF) et le MESI lui-même pourrait faire l’objet d’un plafond «unique». En théorie du moins, un nouvel instrument du type du MESI aboutirait, dans la pratique, à réduire la capacité d’octroi de prêt du MESF de 30 milliards d’EUR. Il incombe dès lors à la Commission européenne d’équilibrer en permanence les remboursements dus par les États membres concernés, ainsi que les passifs éventuels.

4.7.

Le CESE estime que les champs d’application du MESI et du MESF sont assez similaires. Tous deux ont pour objet de fournir un soutien financier aux États membres. Cependant, alors que le MESI et le MESF ont chacun leurs propres conditions d’éligibilité, le CESE estime que les conditions du MESF continueraient à prévaloir, ce qui limiterait quelque peu l’efficacité du MESI.

4.8.

Le CESE renvoie à la bonification d’intérêts dont l’État membre concerné bénéficierait. En cas de crise, toutes choses étant égales par ailleurs, cette bonification d’intérêt pourrait avoir pour effet un renchérissement du coût du paiement des intérêts en raison des risques présentés par un État membre confronté à une crise. Cette situation aurait à son tour une incidence négative sur les finances publiques de l’État membre en question. L’efficacité des investissements publics de qualité et par conséquent du MESI lui-même est dès lors essentielle pour réduire tout risque de marché touchant l’État membre concerné et le coût des emprunts à moyen et à long terme.

4.9.

S’agissant de la surveillance de l’investissement public dont l’État membre concerné ferait l’objet de la part de la Commission, comme le requiert la proposition de règlement, le CESE ne formule pas d’objection de principe, mais estime que l’État membre en question devrait disposer d’une marge de manœuvre suffisante pour déterminer le type d’investissement requis, et plaide dès lors pour qu’un équilibre soit trouvé entre le pouvoir de contrôle de la Commission, d’une part, et la marge d’appréciation de l’État membre concerné quant aux dépenses publiques, d’autre part. De même, le CESE est d’avis que l’investissement public doit être considéré comme un instrument de solidarité.

4.10.

Enfin, le CESE note que la proposition de la Commission prévoit la possibilité de revoir ce régime à la hausse — c’est-à-dire de créer un mécanisme d’assurance permettant de garantir la stabilisation macroéconomique. Cela revient, de l’avis du CESE, à reconnaître les limites du MESI, ainsi que le fait que les propositions dans leur forme actuelle devront, en dernière instance, être complétées par un mécanisme de stabilisation à grande échelle, par exemple un régime d’assurance à l’échelle de l’Union qui agirait comme stabilisateur automatique contre les chocs macroéconomiques. Au cas où une autre crise économique et financière frapperait l’Union européenne dans l’intervalle, le CESE plaide en faveur d’une approche coordonnée afin de déployer tous les instruments financiers concernés, y compris le MESI.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Lettre d’intention adressée au président Antonio Tajani et au premier ministre Jüri Ratas, Jean-Claude Juncker, discours sur l’état de l’Union, le 13 septembre 2017.

(2)  Rapport des cinq présidents «Compléter l’Union économique et monétaire européenne», 22 juin 2015.

(3)  COM(2017) 291 final.

(4)  COM(2017) 821 final.

(5)  Voir par exemple l’avis du CESE sur la politique économique de la zone euro, JO C 173 du 31.5.2017, p. 33 et l’avis du CESE sur le thème Approfondissement de l’Union économique et monétaire à l’horizon 2025, JO C 81 du 2.3.2018, p. 124.

(6)  Voir par exemple l’avis du CESE sur le Train de mesures «Union économique et monétaire», JO C 262 du 25.7.2018, p. 28.


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/131


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le programme InvestEU»

[COM(2018) 439 final — 2018/0229 (COD)]

(2019/C 62/22)

Rapporteur:

Petr ZAHRADNÍK

Consultation

Conseil de l’Union européenne, 7.9.2018

Parlement européen, 14.6.2018

Base juridique

Article 175, troisième alinéa, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

3.10.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

204/1/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite que le paquet de règlements relatifs au futur cadre financier pluriannuel contienne une proposition visant à renforcer l’activité d’investissement dans l’Union européenne (qui n’a toujours pas retrouvé son niveau d’avant la crise), notamment les projets d’investissement à long terme d’un intérêt public marqué, en observant le critère de développement durable (conformément à l’engagement de l’Union européenne de le respecter dans le cadre du programme de développement durable à l’horizon 2030). Le CESE apprécie d’ailleurs cette solution car les domaines prioritaires du programme InvestEU et le cadre temporel de leur mise en œuvre concordent dans une large mesure avec le programme de développement durable à l’horizon 2030 ou prennent ce dernier comme point de départ. Pour le succès du fonctionnement du programme à l’examen, il est souhaitable de tirer pleinement parti de la participation des organisations de la société civile et des partenaires socioéconomiques.

1.2.

Le CESE apprécie l’effort déployé par la Commission européenne en vue de créer un instrument financier d’ensemble, et il souscrit également à l’orientation donnée à son contenu. Sa gestion unifiée, sa transparence accrue et la possibilité de synergies qu’il propose offrent, par rapport à la situation actuelle, davantage d’occasions d’atteindre les effets escomptés. Le CESE souligne la nécessité de soumettre les projets à un test rigoureux sur le marché et de veiller ainsi au caractère adéquat des projets concrets qui se prêtent à un recours aux instruments financiers. Le succès de cet instrument est fortement conditionné par la qualité du fonctionnement de son système de suivi.

1.3.

Le CESE apprécie qu’en sus du soutien aux infrastructures durables, aux petites et moyennes entreprises et à la recherche et l’innovation, le programme InvestEU s’axe aussi sur les investissements sociaux et les compétences. Il apporte ainsi la preuve de toute l’importance des investissements sociaux pour le développement futur de l’Union européenne. Dans ce contexte, le CESE est favorable à un lien robuste du programme InvestEU dans le domaine des investissements sociaux et des compétences avec les instruments classiques de subvention pour soutenir la politique sociale, en premier lieu avec le Fonds social européen et les instruments de soutien à l’emploi des jeunes, ainsi qu’avec les programmes en faveur de l’emploi et des innovations sociales, en vue d’obtenir des investissements d’une robustesse maximale dans des infrastructures sociales durables, dans les entreprises sociales, dans les services et centres de développement du capital humain.

1.4.

Le CESE souligne à cette occasion qu’il convient, également dans le cadre du programme InvestEU, de ne pas sous-estimer ni de négliger les investissements sociaux, qui doivent occuper une place aussi importante que les investissements destinés en premier lieu au développement et à l’activité des entreprises. Cette observation découle, entre autres, des résultats présentés en décembre 2017 par le groupe de travail de haut niveau sur l’investissement dans les infrastructures sociales en Europe présidé par M. Romano Prodi. En l’occurrence, les investissements publics peuvent jouer le rôle d’accélérateur des investissements privés.

1.5.

Sachant qu’InvestEU constitue un type nouveau de programme, le CESE serait favorable à la possibilité d’élaborer un manuel concret et convivial pour les utilisateurs afin d’établir une typologie adéquate des projets, des exemples de leurs synergies avec les autres chapitres du cadre financier pluriannuel et d’une mise en œuvre adéquate au regard des conditions qui prévalent dans les États membres.

1.6.

Le CESE apprécie les retombées positives que l’on escompte du programme InvestEU sur le développement des marchés financiers dans les États membres; il souligne dans ce contexte la forte nécessité d’une structure appropriée pour les partenaires chargés de la mise en œuvre, particulièrement à l’échelon national.

2.   Contexte général de la proposition et éléments factuels essentiels

2.1.

La crise économique récente a réduit substantiellement le volume de l’activité d’investissement dans l’Union européenne, qui n’a depuis toujours pas retrouvé toute son ampleur. C’est pourquoi toutes les composantes essentielles de la politique économique de l’Union européenne doivent se donner pour objectif de trouver des moyens de relancer à long terme les investissements, y compris ceux qui répondent à l’intérêt public, également en associant davantage les petites et moyennes entreprises, sachant qu’il conviendrait alors de respecter le point de vue de la société civile.

2.2.

Le volume des ressources publiques disponibles à l’échelon national et européen n’étant pas suffisant pour réaliser des investissements d’intérêt public, il est dès lors souhaitable d’associer à ce processus les ressources du capital privé selon des règles qui permettent de répondre à l’intérêt public. L’un des moyens de réaliser cet objectif consiste à établir dans le cadre du budget de l’Union européenne un équilibre entre les instruments financiers remboursables et les instruments fondés sur le principe de subvention.

2.3.

Les instruments financiers remboursables qui exploitent les possibilités qu’offre le budget de l’Union européenne aussi bien au niveau central que national ont connu un développement significatif notamment aux fins du cadre financier pour la période 2014-2020; néanmoins, l’ampleur de leur utilisation n’est pourtant pas optimale. Il existe une marge d’amélioration au regard notamment de la nécessité d’aligner de manière systémique à l’échelon central un grand nombre d’instruments qui ne sont pas coordonnés, dans le cadre d’un mécanisme unique de gestion; le programme InvestEU constitue l’un des exemples pour y parvenir.

2.4.

L’on peut concevoir le programme InvestEU comme une contribution essentielle du budget de l’Union européenne, dans l’esprit de ses innovations actuelles, visant à garantir une valeur ajoutée européenne, une flexibilité accrue, des synergies entre chacun de ses différents chapitres et la simplification de ses procédures; dans le cas dudit programme, cette contribution devrait se manifester sous la forme d’une activité d’investissement accrue à long terme (puisqu’il s’agit de mobiliser d’ici à 2027 des investissements d’un montant total de 650 milliards d’EUR), d’un renforcement du rôle du marché financier y compris en ce qui concerne les projets d’intérêt public, et d’une allocation plus efficace des moyens budgétaires de l’Union européenne, qui, du fait même de leur rentabilité, réussissent naturellement le test sur le marché.

2.5.

Ainsi, il apparaît donc indiqué de considérer le programme InvestEU non pas dans une perspective isolée, mais comme une pièce importante de la mosaïque complexe des instruments du futur budget de l’Union européenne, qui manifeste à l’évidence une tendance nouvelle dans l’allocation de ses dépenses qui contribuera de manière déterminante à surmonter la division traditionnelle et sans avenir à long terme entre contributeurs nets et bénéficiaires nets.

2.6.

Le programme InvestEU s’inscrit dans la continuité des pratiques en vigueur, et jugées positives, du Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI) et partant, du plan d’investissement pour l’Europe, qu’il élargit encore de manière significative. Il conviendrait d’appliquer le principe d’évolution progressive sur lequel repose l’EFSI en fusionnant tout l’éventail des instruments financiers conçus de manière centralisée à l’échelon de l’Union européenne.

2.7.

Le programme InvestEU se compose de trois parties:

le Fonds InvestEU, dont l’objectif principal et de mobiliser les ressources publiques et privées à des fins d’investissement en recourant à la garantie du budget de l’Union,

la plateforme de conseil InvestEU, qui complète le Fonds en fournissant une expertise professionnelle pour les projets d’investissement à la recherche de financements,

le portail InvestEU, qui complète le Fonds et se présente sous la forme d’une base de donnée aisément accessible et conviviale pour ses utilisateurs, qui met en relation les investisseurs et les projets soutenus.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE se félicite du maintien et de l’extension d’un instrument financier fondé sur le principe de la garantie, qu’il considère comme essentiel notamment pour l’évolution future à long terme du budget de l’Union européenne et de son exécution. Le CESE considère que la dotation de base en capital du programme InvestEU d’un montant de 15,2 milliards d’EUR, tout comme le montant total de la garantie à hauteur de 47,5 milliards d’EUR, répond de manière adéquate au besoin de susciter des investissements d’un montant de 650 milliards d’EUR d’ici à 2027. Le CESE estime qu’un taux de 40 % de provisionnement de la garantie de l’Union est adapté au regard des volets d’action retenus pour le programme et des projets qui bénéficient d’un soutien dans leur cadre.

3.2.

Le CESE tient ainsi pour pertinent le choix de la teneur des volets d’action du programme, qui sont axés sur les infrastructures durables, les petites et moyennes entreprises, la recherche et l’innovation et les investissements sociaux et les compétences, tout comme la répartition entre eux du montant total de la garantie dont ils bénéficient. Le CESE considère qu’il s’agit là des domaines les plus pertinents aux fins d’un recours intensif aux instruments financiers.

3.3.

Le CESE voit deux avantages fondamentaux à l’établissement du programme InvestEU, qui n’ont pu être obtenus jusqu’à présent dans une telle mesure dans le cadre du financement par le budget de l’Union européenne et du recours aux instruments financiers: il intervient une unification en un seul programme de plusieurs programmes jusqu’alors éparpillés, permettant ainsi de renforcer les effets de synergies entre eux, et dans le même temps, il est mis davantage l’accent sur l’efficacité des moyens alloués du budget de l’Union européenne en raison de la nécessité de se soumettre au test sur le marché. Le CESE voit dans le renforcement en tant que tel d’un instrument fondé sur des garanties une occasion unique de garantir des moyens suffisants pour réaliser des investissements d’intérêt public qu’il n’aurait été en aucun cas possible de mener à bien au moyen des procédures d’utilisation du budget de l’Union européenne en vigueur jusqu’à présent; c’est pourquoi il tient ce principe pour très prometteur à long terme. Le CESE perçoit l’idée d’ensemble du programme InvestEU comme une manifestation importante de la valeur ajoutée européenne.

3.4.

Le CESE apprécie également les principaux bénéfices escomptés du programme InvestEU, à savoir: constituer un instrument suffisamment robuste à même de continuer à relancer l’activité d’investissement et d’aider celle-ci à se maintenir à long terme au moins à son niveau antérieur à 2009; dans le même temps, accroître aussi la transparence et l’efficacité du système d’instruments financiers gérés de manière directe à l’échelon de l’Union et inspirer de manière indirecte la mise en œuvre des instruments financiers à l’échelon des États membres (notamment de ceux d’entre eux au sein desquels cette manière d’exécuter les moyens budgétaires ne rencontre guère de succès); ensuite, traiter des véritables priorités de développement de l’Union européenne et utiliser des méthodes modernes de financement dans le cadre de leur réalisation. Le CESE estime également qu’il importe que la nature précise du contenu de l’aide fournie par le programme InvestEU soit orientée en fonction des indicateurs et des instruments utilisés dans le cadre du semestre européen, y compris les engagements des États membres sous la forme des programmes nationaux de réforme.

3.5.

Le CESE, dans le contexte de ce qu’il avance dans le paragraphe précédent, souligne l’importance d’un système de suivi ayant un fonctionnement de haute qualité, qui assurera le suivi du critère de rentabilité du programme InvestEU et évaluera ainsi le succès de l’emploi des investissements privés et publics; dans ce cadre, le rôle des investissements publics permettra d’obtenir un effet d’accélération (d’entraînement) avec les synergies suscitées (effet de contagion) sur les investissements privés en aval.

3.6.

Il est conforme à l’approche générale du CESE, ainsi qu’à nombre de ses avis dans ce domaine, d’axer le programme InvestEU sur la réalisation d’objectifs transversaux, conçus aussi à de nombreux égards d’un point de vue transfrontière, en s’appuyant sur la simplification, la flexibilité, les synergies et le caractère remboursable, lorsqu’intervient une appropriation progressive de la règle selon laquelle le budget de l’Union européenne ne doit pas nécessairement être synonyme de subvention, mais peut être alloué ou investi d’une autre manière. De ce fait, se produit un saut qualitatif d’une «simple» redistribution des dépenses inscrites au budget vers de véritables investissements d’intérêt public.

3.7.

L’adoption de la démarche décrite plus haut permet d’accroître la marge de manœuvre pour augmenter le volume total des investissements soutenus, ce qu’il n’aurait pas été possible de réaliser à l’aide des méthodes traditionnelles. En outre, ce mécanisme permet d’associer des ressources financières privées aussi aux projets d’intérêt public, tout particulièrement dans les cas où se présente un risque de défaillance du marché. Il existe ici un créneau vide en matière d’investissement, dans lequel le capital privé ne s’aventurera jamais en l’absence d’une garantie publique adéquate.

3.8.

Le CESE recommande que la proposition de règlement décrive et détermine plus avant et de manière plus explicite les possibilités concrètes de combiner les différentes ressources avec les possibilités qu’offre le programme InvestEU; les possibilités de combiner les ressources constituent un objectif déclaré, qui peut cependant se heurter à des obstacles pratiques en l’absence d’un manuel explicatif. Du point de vue du budget de l’Union européenne, il conviendrait de permettre au sein d’un projet de combiner différentes ressources financières, ce dans deux directions: sous la forme de la contribution des fonds dans le cadre de la gestion partagée en faveur du programme InvestEU, tout comme sous celle de la contribution du programme InvestEU aux instruments financiers nationaux, créés sur mesure, mis en œuvre dans le cadre de la gestion partagée. Les règles d’application y afférentes garantissant une telle flexibilité devraient figurer dans le règlement.

3.9.

De même, le CESE recommande d’établir une typologie des projets qui se prêtent au programme InvestEU, ainsi que de ceux pour lesquels il demeurera plus judicieux de recourir au principe de subvention (c’est-à-dire de ceux pour lesquels la rentabilité financière directe est improbable, voire impossible, y compris à un horizon de long terme).

3.10.

Dans le contexte de la proposition relative au programme InvestEU et dans le cadre plus large de l’ensemble de mesures relatives au cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027, le CESE recommande d’évaluer les retombées économiques qu’a produites jusqu’à présent l’EFSI pour chacun des États membres, y compris des vues d’ensemble sur l’état de l’exécution des moyens financiers et des bénéfices que ceux-ci ont permis d’obtenir. Cette évaluation revêtira une importance toute particulière pour pouvoir axer directement le programme InvestEU, en ce qu’il constitue un instrument nouveau dans le cadre du financement de l’Union européenne, sur les véritables priorités d’investissement et se garer de certaines des insuffisances associées aux modalités d’utilisation du budget de l’Union européenne qui prévalaient jusqu’à présent. Ici aussi, apparaît un espace pour inclure les entités de la société civile organisée, par le truchement de laquelle il est possible de faire valoir l’utilité des projets européens du point de vue de la prospérité et du bien-être et de l’expliciter de manière compréhensible.

4.   Observations particulières

4.1.

Le CESE se félicite de la possibilité, dans le cadre du programme InvestEU, d’établir sur une base volontaire un compartiment spécialisé au moyen de ressources destinées initialement par exemple à la politique de cohésion. Comme il s’agit d’une modalité nouvelle de répartition des ressources, le CESE recommande d’élaborer un manuel d’instructions afin de faciliter de semblables opérations.

4.2.

Le CESE attire l’attention sur la nécessite de faire concorder plus précisément la délimitation de la teneur des quatre principaux volets d’action du programme InvestEU avec la spécification plus détaillée des actions soutenues dans le cadre de l’annexe II. Aux fins d’une meilleure orientation pratique des promoteurs de projets, le CESE recommande de développer plus minutieusement l’annexe II avec pour objectif de parvenir à un degré plus élevé de cohérence de son contenu avec le libellé du chapitre II de la proposition de règlement.

4.3.

Le CESE se féliciterait qu’une solution soit indiquée pour le cas où, pour une raison ou une autre, les ressources pour la garantie provenant du budget de l’Union européenne ne seraient pas suffisantes pour assurer le volume escompté des investissements ou pour le cas où les conditions de rentabilité du fonds viendraient à se détériorer.

4.4.

Le CESE est d’avis que le programme InvestEU constitue l’une des possibilités pour développer les institutions du marché financier dans les États membres; c’est aussi pour cette raison qu’il estime qu’il est très bénéfique de ménager davantage de place aux partenaires chargés de la mise en œuvre à l’échelon national. Dans ce contexte, il souligne la nécessité de sélectionner ces derniers très soigneusement, mais en s’abstenant de toute discrimination, en s’appuyant sur les exigences pertinentes fondées sur leur compétence, tout en permettant cependant leur représentation juste et équitable entre les États membres.

4.5.

Le CESE considère qu’il est essentiel que les partenaires chargés de la mise en œuvre soient capables de contribuer sur le long terme à la réalisation des objectifs du programme InvestEU, qu’il s’agisse de s’assurer non seulement qu’il fonctionne sans accroc mais aussi qu’il soit à même de contribuer par ses propres ressources financières et d’amener dans le système d’autres investisseurs privés et publics nationaux, qu’il fournisse la couverture adéquate dans le cadre du territoire et du secteur concernés et qu’il soit avant tout capable de remédier de manière précise et exhaustive aux défaillances du marché et aux situations d’investissement sous-optimales.

4.6.

Le CESE demande que soient expliquées plus précisément la manière dont s’exercera le rôle du partenaire chargé de la mise en œuvre privilégié, c’est-à-dire de la Banque européenne d’investissement, et la manière dont l’on s’assurera que l’activité dudit partenaire chargé de la mise en œuvre privilégié ne conduise pas à marginaliser les autres partenaires chargés de la mise en œuvre, et avant tout ceux qui opèrent à l’échelon national.

4.7.

Le CESE recommande que le compartiment «UE» du Fonds s’axe réellement sur la promotion des projets de portée transfrontière et que soient promus dans son cadre les projets qui s’attachent aux situations de défaillance du marché ou aux situations d’investissement sous-optimales qui touchent l’ensemble de l’Union, et qui procurent ainsi une valeur ajoutée européenne évidente.

4.8.

C’est pourquoi le CESE se félicite de l’obligation pour les partenaires chargés de la mise en œuvre de couvrir le territoire d’au moins trois États membres. Dans le même temps, le CESE estime toutefois qu’il existe une marge de manœuvre pour traiter des besoins spécifiques d’investissement nationaux et régionaux, qui devraient être en premier lieu assurés par le compartiment de l’État membre concerné, en étroite synergie avec l’enveloppe nationale garantie dans le cadre de la politique de cohésion. Le CESE souligne dans ce contexte l’importance des investissements dans le capital humain et dans les infrastructures sociales, qui contribuent à réaliser le potentiel de croissance à long terme (apprentissage tout au long de la vie, réseau de services sociaux et logement abordable) et à assurer la compétitivité du système économique de l’Union européenne.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/136


Avis du Comité économique et social européen sur la

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Construire une Europe plus forte: le rôle des politiques en faveur de la jeunesse, de l’éducation et de la culture»

[COM(2018) 268 final]

sur la «Proposition de recommandation du Conseil en faveur de la reconnaissance mutuelle automatique des diplômes de l’enseignement supérieur et secondaire de deuxième cycle et des acquis de périodes d’apprentissage effectuées à l’étranger»

[COM(2018) 270 final — 2018/0126 (NLE)]

sur la «Proposition de recommandation du Conseil relative à des systèmes de qualité élevée pour l’éducation et l’accueil de la petite enfance»

[COM(2018) 271 final — 2018/0127 (NLE)]

et sur la «Proposition de recommandation du Conseil relative à une approche globale de l’enseignement et de l’apprentissage des langues»

[COM(2018) 272 final — 2018/0128 (NLE)]

(2019/C 62/23)

Rapporteure:

Mme Tatjana BABRAUSKIENĖ

Consultation

Commission européenne, 18.6.2018

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section spécialisée

26.9.2018

Adoption en session plénière

18.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

117/0/2

1.   Conclusions et recommandations

Le CESE:

1.1.

accueille favorablement l’initiative à l’examen, qui s’inscrit dans le prolongement de la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux (SEDS) visant à garantir le droit à une éducation, une formation et un apprentissage tout au long de la vie inclusifs et de qualité. Cette proposition est essentielle pour élargir et approfondir la coopération entre les États membres tout en garantissant leur compétence nationale en matière d’éducation, de formation et d’apprentissage tout au long de la vie;

1.2.

estime que la nouvelle initiative devrait s’inscrire dans une vision à long terme des politiques d’éducation et de formation tout au long de la vie et sous tous ses aspects menées par l’Union européenne, dans le contexte de la stratégie Europe 2020 et du cadre stratégique Éducation et formation 2020 et en préparation des prochaines stratégies de l’Union européenne. Ce canevas englobe les visions et les stratégies concernant l’enseignement et la formation professionnels ainsi que l’éducation et la formation des adultes;

1.3.

souligne que l’éducation devrait avant toute chose se concentrer sur une approche globale de l’apprentissage, sur la citoyenneté en démocratie et sur les valeurs européennes communes, afin de garantir la paix, la sécurité, la liberté, la démocratie, l’égalité, l’état de droit, la solidarité et le respect mutuel, des marchés ouverts, une croissance durable, ainsi que l’inclusion et la justice sociales, dans le respect et l’enrichissement de la diversité culturelle et en favorisant un sentiment d’appartenance;

1.4.

fait observer que le rôle de l’éducation, de la formation et de l’apprentissage tout au long de la vie est de préparer et soutenir les jeunes comme les adultes pour qu’ils deviennent des citoyens démocrates responsables et aptes à occuper des emplois équitables, productifs et de qualité, et qu’ils soient dotés des compétences adéquates;

1.5.

estime que l’espace européen de l’éducation devrait être ouvert à tous et encourage dès lors les pouvoirs publics à prendre des mesures pour rendre l’apprentissage formel et non formel véritablement inclusif et pour promouvoir et valoriser l’apprentissage informel;

1.6.

attire l’attention des pouvoirs publics sur les lacunes qui subsistent sur le plan des inégalités d’accès à une éducation de qualité pour les enfants issus de milieux défavorisés sur le plan social et économique, en particulier parmi les groupes minoritaires, les migrants, les enfants handicapés et ceux qui vivent en zone rurale dans certaines régions d’Europe. Il est fondamental que l’espace européen de l’éducation soutienne activement l’intégration des migrants et des réfugiés dans le système éducatif et le marché du travail, en mettant spécifiquement l’accent sur la validation et la reconnaissance de leurs études, de leurs formations et de leurs expériences professionnelles;

1.7.

est d’avis que pour atteindre les objectifs de l’initiative à l’examen, il est nécessaire de réaliser des investissements nationaux durables dans l’éducation, supérieurs à 5 % du PIB dans chacun des États membres, et d’apporter le soutien des instruments de financement existants de l’Union européenne, y compris le programme Erasmus+ et le processus du semestre européen;

1.8.

considère que dans le contexte du cadre européen de compétences clés, l’apprentissage des langues et la validation des connaissances linguistiques acquises de manière non formelle et informelle devraient être soutenus par un financement public durable. L’apprentissage des langues devrait cibler tous les citoyens, les jeunes comme les adultes, et soutenir les personnes qui en ont besoin, et il convient dans le même temps d’en faire la promotion dans le contexte de l’apprentissage en famille et de l’améliorer dans le cadre de l’apprentissage formel et non formel;

1.9.

soutient la demande formulée dans la proposition, d’accroître l’investissement dans la formation initiale et le perfectionnement professionnel continu des enseignants en langues afin de pallier la pénurie de professeurs qualifiés dans ces matières;

1.10.

se réjouit que la proposition ait pour objectif d’encourager davantage les pouvoirs publics à améliorer l’accès à l’éducation des jeunes enfants et à en relever la qualité. Des efforts supplémentaires sont en effet nécessaires pour assurer un équilibre entre vie professionnelle et vie privée, pour veiller à ce qu’un service d’éducation et d’accueil de la petite enfance de qualité et d’un prix abordable soit un droit accordé à tous les enfants et à leurs familles, et pour valoriser le rôle important de l’apprentissage en famille, qui aide les parents à prendre confiance dans leur rôle et contribue à l’éducation et à la formation des adultes;

1.11.

soutient la proposition visant à assurer des conditions de travail encourageantes pour le personnel responsable de l’éducation et de l’accueil de la petite enfance et à renforcer sa professionnalisation, et demande instamment que l’on garantisse l’attractivité de la profession d’enseignant ainsi que l’équilibre et l’égalité entre les hommes et les femmes en son sein;

1.12.

prend acte de l’importance que revêt la reconnaissance transfrontière des périodes d’étude correspondant à toutes les formes d’enseignement secondaire et supérieur, ainsi que des qualifications secondaires supérieures acquises dans le cadre de l’enseignement et la formation généraux et professionnels qui ouvrent l’accès à l’enseignement supérieur dans le pays d’origine. La mobilité à des fins d’apprentissage revêt une importance cruciale pour une participation active à la société et au marché du travail, et elle devrait être renforcée par la confiance dans les programmes d’études et les qualifications, et fondée sur des systèmes d’assurance de la qualité bien développés;

1.13.

fait observer que les outils, instruments et principes européens en matière d’enseignement supérieur et d’enseignement professionnel devraient se compléter et se conforter mutuellement (CEC, ECVET, CERAQ, EQAR), tandis que le principe des acquis d’apprentissage doit être pleinement mis en œuvre au niveau européen afin de parvenir à une reconnaissance automatique de la mobilité à des fins d’apprentissage en Europe;

1.14.

souligne que l’initiative devrait également mettre l’accent sur la reconnaissance de l’apprentissage formel, non formel et informel à l’étranger et prendre acte du rôle joué par les parties prenantes, les partenaires sociaux et la société civile dans la reconnaissance des acquis d’apprentissage, ainsi que du rôle assumé par le personnel d’orientation dans l’accompagnement de ce processus; encourage le groupe consultatif pour le CEC et le Cedefop à améliorer l’inventaire européen de la validation de l’apprentissage non formel et informel et les lignes directrices européennes qui lui sont afférentes, en tant que normes de qualité à destination des pouvoirs publics, des partenaires sociaux et des parties prenantes en vue d’améliorer les processus de validation;

1.15.

souligne que la réalisation d’une éducation de qualité élevée et inclusive dans le contexte de l’éducation et de l’accueil de la petite enfance, l’amélioration de l’apprentissage des langues et la reconnaissance mutuelle des certificats de fin d’études secondaires doivent faire l’objet de discussions à tous les niveaux entre les pouvoirs publics, les employeurs et les syndicats, dans le cadre d’un dialogue social efficace mené de concert avec d’autres parties prenantes.

2.   Contexte politique

2.1.

La responsabilité des politiques relatives à l’éducation et à la culture incombe en premier lieu aux États membres. Au fil des ans, toutefois, l’Union européenne a endossé un rôle complémentaire important en la matière, comme le prévoit l’article 165 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Il est dans l’intérêt commun de tous les États membres d’exploiter pleinement le potentiel de l’éducation et de la culture comme moteurs de la création d’emplois, de la croissance économique et de la justice sociale, ainsi que de vivre l’identité européenne dans toute sa diversité.

2.2.

Le socle européen des droits sociaux a été proclamé lors du sommet social tenu à Göteborg en novembre 2017 et consacre le droit à un accès égal à l’éducation, à la formation et à l’apprentissage tout au long de la vie, conformément aux orientations tracées dans la communication COM(2017) 673 de la Commission. Ces discussions ont débouché sur les conclusions du Conseil européen du 14 décembre 2017 invitant les États membres, le Conseil et la Commission à œuvrer à la réalisation du programme débattu à Göteborg.

2.3.

Le premier «train de mesures sur l’espace européen de l’éducation» contenait une recommandation du Conseil [référence COM(2018) 23], adoptée le 22 mai 2018 et inspirée de la déclaration de Paris sur la promotion de l’éducation à la citoyenneté et aux valeurs communes de liberté, de tolérance et de non-discrimination que les ministres de l’éducation ont adoptée en 2015. L’annonce en avait été faite dans la communication COM(2016) 379 de la Commission du 14 juin 2016.

2.4.

Le 22 mai, la Commission a publié le second train de mesures comportant de nouvelles propositions en vue de mettre en place un «espace européen de l’éducation» d’ici à 2025.

2.5.

Le présent avis du CESE porte sur le deuxième train de mesures en faveur de l’éducation, qui met l’accent sur les défis supplémentaires à relever afin de créer un espace européen de l’éducation inclusif et de qualité, par exemple l’apprentissage des langues, la reconnaissance mutuelle automatique des études de niveau secondaire et une éducation de qualité pour les jeunes enfants.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE considère que la création de l’espace européen de l’éducation pour élargir la coopération entre les États membres, tout en garantissant leur compétence nationale en matière d’éducation, de formation et d’apprentissage tout au long de la vie, constitue une stratégie essentielle pour répondre aux mutations sociales, économiques, démographiques, environnementales et technologiques et pour progresser en la matière, afin d’assurer l’insertion de l’Europe en tant que puissance économique dans la concurrence à l’échelle de la planète tout en la dotant d’une forte dimension sociale.

3.2.

Cette initiative représente un excellent prolongement de la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux pour garantir le droit à un accès égal à un enseignement général et professionnel inclusif et de qualité et à une orientation tout au long de la vie (1), conformément aux dispositions contenues dans la communication COM(2017) 673 de la Commission qui annonçait l’espace européen de l’éducation.

3.3.

Le CESE souligne que nous avons pour objectif commun d’axer avant toute chose l’éducation sur une approche globale de l’enseignement, de la formation et de l’apprentissage tout au long de la vie, en portant une attention particulière à la citoyenneté en démocratie ainsi qu’aux valeurs européennes communes et à l’identité européenne, afin de garantir la paix, la sécurité, la liberté, la démocratie, l’égalité, l’état de droit, la solidarité et le respect mutuel, une croissance durable, ainsi que l’inclusion et la justice sociales, dans le respect et l’enrichissement de la diversité culturelle et d’un sentiment d’appartenance à l’Union européenne.

3.4.

S’il convient de souligner le rôle crucial de l’éducation, de la formation et de l’apprentissage tout au long de la vie pour préparer et soutenir les jeunes à devenir des citoyens démocrates et aptes à occuper des emplois équitables et de qualité, l’espace européen de l’éducation devrait également être ouvert à tous, une attention tout particulière devant être portée à l’égalité entre les sexes, et encourager les pouvoirs publics à prendre des mesures pour assurer le caractère véritablement inclusif de l’apprentissage formel, informel et non formel, dans le respect de la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées.

3.5.

En ce sens, comme il l’avait déjà exprimé dans un avis antérieur (2), le CESE estime que l’espace européen de l’éducation devrait également suggérer aux pouvoirs publics des pistes quant à la manière de soutenir activement l’intégration des migrants et des réfugiés dans le système éducatif et le marché du travail, en insistant particulièrement sur la validation et la reconnaissance de leurs études, de leurs formations et de leurs expériences professionnelles.

3.6.

Les systèmes d’éducation et de formation ont besoin de temps pour être réformés et adaptés. Le CESE souhaiterait que la nouvelle initiative s’inscrive dans une vision à long terme pour les politiques d’éducation, de formation et d’apprentissage tout au long de la vie de l’Union, baptisée «Un espace européen de l’apprentissage tout au long de la vie à l’horizon 2025», dans le contexte de la stratégie Europe 2020 et du cadre stratégique Éducation et formation 2020 et en préparation des prochaines stratégies de l’Union européenne.

3.7.

Afin d’assurer une éducation et un accueil de la petite enfance de qualité élevée et inclusifs, l’amélioration de l’apprentissage des langues et la reconnaissance mutuelle des certificats de fin d’études secondaires, ces initiatives doivent faire l’objet de discussions à tous les niveaux entre les pouvoirs publics, les employeurs et les syndicats, dans le cadre d’un dialogue social efficace mené de concert avec d’autres parties prenantes, et surtout les enseignants et les autres éducateurs, les parents, le personnel d’orientation et les apprenants, mais aussi les mouvements associatifs et les organisations de la société civile.

3.8.

Le CESE reconnaît que l’initiative des «universités européennes» constitue un processus émanant de la base qui encourage les universités à former des réseaux pour créer des diplômes communs, renforcer la mobilité des apprenants et faciliter l’apprentissage des langues. Tout en rappelant la position qu’il a exprimée dans un avis antérieur (3), il encourage l’ouverture et la diversité dans la création de réseaux d’enseignants, de chercheurs et d’étudiants, et il préconise la possibilité d’établir des réseaux englobant toutes les universités dans le cadre du processus de Bologne.

3.9.

S’il prend acte de l’idée de la carte d’étudiant européen, le CESE recommande que cette initiative soit fondée sur le système éprouvé de la carte d’étudiant et qu’elle actualise les cartes déjà existantes. Il rappelle sa position exprimée dans un avis antérieur (4) en réaffirmant que la valeur ajoutée de toute nouvelle carte doit apparaître clairement et qu’une telle carte doit être complémentaire de celles qui existent déjà.

3.10.

Pour atteindre les objectifs de l’espace européen de l’éducation, il est nécessaire de réaliser des investissements nationaux durables dans l’éducation, supérieurs à 5 % du PIB dans chacun des États membres, et d’apporter le soutien des instruments de financement existants de l’Union européenne dans le cadre du prochain cadre financier pluriannuel, en particulier le programme Erasmus+ et le Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI). Le CESE souhaite qu’une éducation, une formation et un apprentissage tout au long de la vie envisagés de manière globale et inclusive fassent partie des priorités du futur programme Erasmus+ et de la future stratégie en faveur de la jeunesse. Il se félicite du rôle joué par le semestre européen pour appuyer les réformes structurelles visant à améliorer les politiques éducatives conformément à l’initiative à l’examen.

3.11.   Améliorer l’enseignement et l’apprentissage des langues

3.11.1.

Le CESE considère que cette initiative est essentielle car les niveaux de maîtrise des langues par les étudiants à l’issue de l’enseignement obligatoire sont généralement faibles, et il existe de fortes disparités d’un État membre à l’autre (5). Dans un contexte de mobilité intra-européenne croissante et du nombre inédit d’élèves en provenance de pays tiers qui sont locuteurs d’autres langues, nous devons reconsidérer les défis et les opportunités qui se profilent afin de faire du multilinguisme un authentique atout de l’Union européenne. Une valeur égale devrait être attribuée aux langues, ce pourquoi il y a lieu de soutenir l’apprentissage des langues de l’Union européenne aussi bien que de celles des pays tiers.

3.11.2.

Les écoles ont besoin d’un soutien pour créer un environnement d’apprentissage multilingue tout en trouvant le juste équilibre entre l’apprentissage des langues étrangères et un haut degré de maîtrise et de développement de la communication dans la ou les langues maternelles. L’apprentissage intégré des contenus et des langues peut favoriser la mobilité et l’intégration. Il est essentiel de faire un usage plus efficace des outils numériques et en ligne pour l’apprentissage des langues. À cette fin, il faut en garantir la qualité et la certification, ainsi que leur accessibilité, une assistance et leur caractère économiquement abordable pour tous, en tenant compte du fait que certaines personnes peuvent avoir besoin d’aide pour financer, choisir et utiliser des outils adaptés qu’elles pourront mettre à profit.

3.11.3.

Le CESE se félicite que la proposition insiste sur l’apprentissage des langues dans la perspective d’un renforcement de la compréhension mutuelle, de la mobilité et, partant, de la citoyenneté européenne. L’on dénombre 64 millions d’adultes faiblement qualifiés qui ont besoin d’améliorer leurs compétences élémentaires, y compris linguistiques (6), pour devenir des citoyens européens actifs, conserver leur emploi et améliorer leurs perspectives professionnelles. Pour les individus, l’apprentissage des langues ouvre des horizons personnels et professionnels, pour la société, il favorise la sensibilisation culturelle, la compréhension mutuelle et la cohésion sociale, et pour les entreprises, il fournit des travailleurs dotés des compétences linguistiques et interculturelles qui les aident à s’imposer et à croître sur les marchés mondiaux.

3.11.4.

L’apprentissage des langues devrait cibler tous les individus et soutenir ceux qui en ont besoin, et il convient dans le même temps de l’améliorer dans le cadre de l’apprentissage formel, non formel et informel, de le mettre en œuvre suivant le cadre européen de compétences clés et de le soutenir par un financement public durable.

3.11.5.

Les lignes directrices pour l’emploi de 2018 (7) proposent d’«encourager la mobilité des apprenants et des travailleurs afin de renforcer leur employabilité et de tirer pleinement parti des possibilités offertes par le marché européen du travail». Un déficit de compétences linguistiques peut être considéré comme un obstacle majeur à la mobilité. Le CESE souligne que la proposition devrait cibler les apprenants bien au-delà de ceux enrôlés dans l’enseignement obligatoire et mettre l’accent sur l’apprentissage des langues pour tous, de l’enfance à l’âge de la retraite, en portant une attention particulière à l’enseignement et la formation professionnels initiaux et continus, à l’enseignement supérieur et à l’éducation et la formation des adultes.

3.11.6.

Une politique d’apprentissage des langues devrait viser à un apprentissage par la pratique, grâce à des échanges d’étudiants, au volontariat et à d’autres activités, telles que le corps européen de solidarité, soutenues par les programmes Erasmus+ présent et futurs.

3.11.7.

La pénurie d’enseignants en langues qualifiés pose de fait un grave problème, et le CESE se félicite de l’invitation qui est adressée dans la proposition, à accroître les investissements dans la formation professionnelle initiale et continue des enseignants en langues, afin de répondre aux exigences en matière de qualifications professionnelles des États membres de l’Union européenne.

3.12.   Des systèmes de qualité pour l’éducation et l’accueil de la petite enfance

3.12.1.

Le critère de la stratégie européenne Éducation et formation 2020 prévoyant l’enrôlement dans des systèmes d’éducation et d’accueil de la petite enfance de 95 % des enfants entre l’âge de quatre ans et celui fixé pour l’enseignement obligatoire a presque été atteint. Cependant, parmi les plus de 32 millions d’enfants d’un âge inférieur à celui de l’enseignement obligatoire que compte l’Union européenne, 17 millions n’ont toujours pas accès à des services destinés à la petite enfance. En outre, des lacunes subsistent sur le plan de l’égalité d’accès des enfants issus de milieux défavorisés sur le plan social et économique, en particulier parmi les groupes minoritaires, les migrants, les enfants handicapés et ceux qui vivent dans des zones rurales et certaines régions d’Europe.

3.12.2.

Le CESE se réjouit que la proposition ait pour objectif d’encourager davantage les pouvoirs publics à améliorer l’accès à l’éducation des jeunes enfants et à en relever la qualité. Des efforts supplémentaires sont en effet nécessaires pour veiller à ce qu’un service d’éducation et d’accueil de la petite enfance de qualité et d’un prix abordable soit un droit accordé à tous les enfants et à leurs familles. Des services de qualité jouent un rôle décisif dans l’amélioration des résultats en matière d’éducation, y compris en ce qui concerne le développement de compétences sociales. La participation à une éducation et à un accueil de qualité pour les jeunes enfants donne lieu à davantage de maîtrise des compétences de base et constitue une mesure de prévention efficace contre le décrochage scolaire.

3.12.3.

La Commission souligne la forte cohérence de sa proposition au regard d’autres politiques de l’Union. Le CESE apprécie particulièrement le lien établi avec la «proposition de directive concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et aidants» (8), qui reconnaît la nécessité de fournir des services formels d’accueil efficaces et de qualité dans toute l’Europe. Le CESE a soutenu cette interaction mutuelle dans bon nombre de ses avis en vue d’accroître la participation des femmes au marché du travail et de réduire les écarts de rémunération injustifiés, mais aussi de reconnaître le rôle important joué par l’apprentissage en famille, qui aide les parents à prendre confiance dans leur rôle et contribue à l’éducation et la formation des adultes.

3.12.4.

Il y a lieu de soutenir le personnel chargé de l’éducation et de l’accueil des jeunes enfants pour mieux le professionnaliser et lui offrir des conditions de travail encourageantes. La formation initiale et le perfectionnement professionnel continu du personnel enseignant dans le secteur de l’éducation et de l’accueil des jeunes enfants devraient être d’une qualité élevée tout en répondant aux besoins des éducateurs comme des enfants, quant à la manière par exemple de garantir un enseignement inclusif en transmettant des valeurs démocratiques.

3.12.5.

D’après l’OCDE (2015) (9), la profession d’enseignant accuse un fort déséquilibre entre les sexes puisque 7 professeurs sur 10 sont des femmes. Dans les pays de l’OCDE (2015), 97 % des enseignants à l’école maternelle sont des femmes, et 83 % à l’école primaire; or cette part n’est que de 43 % dans l’enseignement supérieur. Le déséquilibre entre les femmes et les hommes parmi le personnel et le fait d’attirer davantage d’enseignants de sexe masculin afin de s’assurer que les enfants soient confrontés à des modèles masculins positifs dans le secteur de l’éducation et de l’accueil des jeunes enfants sont des enjeux au sujet desquels il reste urgent d’agir, la question du déséquilibre entre les sexes étant liée à la situation actuelle en matière de statut, de salaire et de conditions de travail des enseignants du secteur.

3.13.   La reconnaissance mutuelle automatique des diplômes et des périodes d’étude passées à l’étranger

3.13.1.

Le CESE se réjouit que l’initiative vise à garantir que tout étudiant, apprenti ou élève qui a validé une expérience d’apprentissage à l’étranger, que ce soit pour une certification ou une période de mobilité à des fins d’apprentissage, puisse faire reconnaître cette expérience automatiquement pour la poursuite de ses apprentissages. La mobilité à des fins d’apprentissage permet d’acquérir des compétences et des expériences qui sont cruciales pour une participation active à la société et au marché du travail, et elle devrait être renforcée en favorisant la confiance dans les programmes d’études et les qualifications.

3.13.2.

Dans la perspective d’éviter la répétition d’années ou de périodes scolaires complètes, le CESE souligne l’importance que revêt la reconnaissance transfrontière des périodes d’étude correspondant à l’enseignement secondaire et supérieur, ainsi que des qualifications secondaires supérieures qui ouvrent l’accès à l’enseignement supérieur dans le pays d’origine.

3.13.3.

Le CESE souligne que l’initiative devrait également mettre l’accent sur la reconnaissance de l’apprentissage formel, non formel et informel à l’étranger et prendre acte du rôle joué par les parties prenantes, les partenaires sociaux et la société civile dans la reconnaissance des acquis d’étude et d’apprentissage (10). À cet égard, il rappelle l’éminence de la recommandation du Conseil du 20 décembre 2012 relative à la validation de l’apprentissage non formel et informel ainsi que l’importance d’apporter de nouvelles améliorations aux systèmes de validation nationaux. Le CESE encourage le groupe consultatif pour le CEC et le Cedefop à améliorer l’inventaire européen de la validation de l’apprentissage non formel et informel (11) et les lignes directrices européennes qui lui sont afférentes (12), en tant que normes de qualité à destination des pouvoirs publics, des partenaires sociaux et des parties prenantes en vue d’améliorer les processus de validation. Il convient de veiller particulièrement à bien saisir les conditions nécessaires, les synergies et les avantages d’une meilleure coordination entre la validation de l’apprentissage non formel et informel, d’une part, et les services d’orientation et de conseil, d’autre part (13).

3.13.4.

La perméabilité et la confiance entre les systèmes d’enseignement professionnel et supérieur restent problématiques, d’un pays à l’autre mais aussi à l’intérieur des États eux-mêmes. Il conviendrait d’accorder la même valeur à l’enseignement universitaire qu’à la filière professionnelle. Les outils et instruments européens en matière d’enseignement supérieur et d’enseignement professionnel devraient se conforter mutuellement (CEC, ECVET, CERAQ, EQAR), tandis que le principe des acquis d’apprentissage doit être pleinement mis en œuvre afin de parvenir à une reconnaissance automatique de la mobilité à des fins d’apprentissage en Europe.

Bruxelles, le 18 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  JO C 173 du 31.5.2017, p. 1.

(2)  JO C 264 du 20.7.2016, p. 19.

(3)  JO C 71 du 24.2.2016, p. 11.

(4)  JO C 132 du 3.5.2011, p. 55.

(5)  Eurydice: données clés sur l’enseignement des langues en Europe, édition 2017.

(6)  Cedefop (2017); «Investing in skills pays off: The economic and social cost of low-skilled adults in the EU» (Il est avantageux d’investir dans les compétences: le coût économique et social des adultes sous-qualifiés au sein de l’Union européenne); Luxembourg: Office des publications; document de recherche du Cedefop; no 60.

(7)  https://ec.europa.eu/info/publications/2018-european-semester-employment-guidelines_en

(8)  COM(2017) 253 final — 2017/085 (COD).

(9)  OCDE, Regards sur l’éducation, 2017.

(10)  JO C 13 du 15.1.2016, p. 49.

(11)  http://www.cedefop.europa.eu/en/events-and-projects/projects/validation-non-formal-and-informal-learning/european-inventory

(12)  http://www.cedefop.europa.eu/en/publications-and-resources/publications/3073

(13)  Cedefop (à paraître), «Validation de l’apprentissage non formel et informel et orientation professionnelle».


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/142


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Mobiliser, connecter et autonomiser les jeunes: une nouvelle stratégie de l’Union européenne en faveur de la jeunesse»

[COM(2018) 269 final]

(2019/C 62/24)

Rapporteur:

Michael McLOUGHLIN

Corapporteur:

Adam ROGALEWSKI

Consultation

Commission européenne, 18.6.2018

Base juridique

Article 165 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section spécialisée

26.9.2018

Adoption en session plénière

18.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

116/4/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite de la stratégie de l’Union européenne en faveur de la jeunesse pour la période 2019-2027 (ci-après la «Stratégie») et en particulier de l’institution dans ce cadre d’un coordonnateur européen des activités relatives à la jeunesse.

1.2.

Le Comité estime qu’au regard du caractère intersectoriel de la stratégie, il convient d’en resserrer les liens avec les programmes existants de l’Union européenne, tels que par exemple Erasmus+, la garantie pour la jeunesse ou le corps européen de solidarité.

1.3.

Le CESE estime que pour être efficace, la stratégie doit se concentrer sur les trois axes suivants:

l’approche intersectorielle, en adoptant une vision globale des jeunes et de leurs besoins ainsi que de leurs droits,

le coordonnateur de l’Union européenne pour la jeunesse, nouvelle fonction créée, qui devrait s’attacher en premier lieu à piloter une action intersectorielle et occuper un poste de haut niveau, et

la politique de l’Union européenne en faveur de la jeunesse devrait être intégrée au processus du semestre européen, afin de mettre davantage l’accent sur l’obtention de résultats, en particulier dans les domaines intersectoriels.

1.4.

Le CESE est d’avis qu’il y a lieu d’étendre le champ de la stratégie au moyen de mesures visant à protéger et soutenir les jeunes et à les doter de droits, de connaissances et de compétences pour qu’ils puissent relever les défis mondiaux tels que la numérisation, le changement climatique et la montée du populisme.

1.5.

Le CESE recommande de doter la stratégie de très hautes visées pour le travail intersectoriel concernant les autres politiques de l’Union européenne en rapport, notamment en matière d’emploi, d’éducation, de santé, de migration et d’égalité.

1.6.

Le CESE recommande que la stratégie accorde davantage d’attention aux problèmes d’emploi dont pâtissent les jeunes, notamment en ce qui concerne le débat sur l’avenir du travail, ainsi que d’autres questions sociales telles que la santé mentale, l’égalité et l’éducation.

1.7.

Tout en convenant avec la Commission de la nécessité que la stratégie promeuve la démocratie, le CESE estime qu’elle devrait également encourager un engagement civique plus large, et notamment le vote, le volontariat, les organisations non gouvernementales dirigées par des jeunes ainsi que la démocratie sur le lieu de travail et le dialogue social.

1.8.

Le CESE est convaincu de la nécessité de promouvoir une participation des jeunes aux processus de prise de décision qui aille au-delà de manifestations ponctuelles. Entre outre, dans le cadre de l’approfondissement du dialogue de l’Union européenne en faveur de la jeunesse, il convient d’accroître le rôle des organisations bénévoles de jeunes ainsi que des conseils nationaux de la jeunesse et de recourir à des canaux supplémentaires. Les institutions de l’Union européenne devraient jouer un rôle de chef de file à cet égard, le CESE jouant un rôle de premier plan parmi les institutions qui renforcent la participation des jeunes à l’échelle de l’Union européenne.

1.9.

Il convient d’encourager une augmentation des dépenses en faveur du travail des jeunes en sus d’investissements à long terme dans les services publics, particulièrement là où ces derniers ont subi des coupes.

1.10.

La stratégie doit reprendre une approche fondée sur les droits en s’appuyant, par exemple et le cas échéant, sur la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant.

1.11.

Elle doit également accorder plus d’attention aux jeunes femmes et aux filles, aux jeunes LGBTIQ+, aux jeunes handicapés ainsi qu’aux jeunes migrants et réfugiés.

1.12.

Il y a lieu d’exiger une convergence accrue vers le haut entre les États membres pour ce qui est de la politique de la jeunesse, ainsi que des plans nationaux concernant des domaines similaires pour faciliter ce mouvement. Le processus lié aux indicateurs, qui a été engagé dans le cadre de la dernière stratégie, doit être renforcé pour atteindre cet objectif.

1.13.

Le CESE suggère que le portail européen de la jeunesse devrait utiliser le plus grand nombre possible d’outils en ligne s’agissant de la participation actuelle de la jeunesse.

1.14.

Tout en se félicitant de la nouvelle stratégie de l’Union européenne spécifiquement consacrée à la jeunesse, le CESE recommande vivement l’intégration de la problématique des jeunes dans l’ensemble des travaux de toutes les directions générales (DG) de la Commission européenne.

2.   Contexte

2.1.

La stratégie proposée constitue le troisième cadre proposé par l’Union européenne qui soit centré sur les jeunes classes d’âge en Europe. La nouvelle stratégie se concentre sur trois domaines d’action: mobiliser, connecter, autonomiser, alors que la stratégie de l’Union européenne en faveur de la jeunesse pour la période 2010-2018 en comptait huit, intitulés comme suit: emploi et esprit d’entreprise; inclusion sociale; participation; éducation et formation; santé et bien-être; activités de volontariat; les jeunes dans le monde; créativité et culture.

2.2.

Parmi les changements les plus importants qu’apporte la nouvelle stratégie figurent: l’institution d’un coordonnateur européen des activités relatives à la jeunesse; le remplacement du dialogue structuré avec la jeunesse par le dialogue de l’Union européenne sur la jeunesse, et la dilution de toute une série d’objectifs antérieurs dans des lignes générales intersectorielles qui visent à ouvrir des canaux de communication entre les jeunes et les décideurs politiques.

2.3.

Comme ce fut le cas pour les stratégies précédentes, la garantie pour la jeunesse ne relève pas de la stratégie mais est une composante du Fonds social européen+.

2.4.

Le champ de la stratégie couvre de nombreuses initiatives menées à l’échelon tant des États membres que de l’Union européenne. De très importants travaux sont accomplis dans le cadre d’Erasmus+, de la garantie pour la jeunesse, de l’initiative pour l’emploi des jeunes et du Fonds social européen. D’autres domaines importants évoqués en l’occurrence sont la stratégie en matière de compétences et le corps européen de solidarité. Dans le même temps, d’autres politiques ont une incidence considérable sur les jeunes dans le cadre des domaines dits intersectoriels (comme par exemple les transports, les affaires sociales, la santé, l’action extérieure et l’agriculture). En outre, tous les États membres ont chacun leur propre approche des politiques de la jeunesse et d’autres questions qui ont une incidence sur les jeunes.

2.5.

Les questions touchant à la jeunesse s’inscrivent, entre autres, dans le socle européen des droits sociaux, le programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations unies et les objectifs de développement durable que celui-ci prévoit.

2.6.

Le CESE a déjà adopté de nombreux avis liés aux questions touchant à la jeunesse, tels que ceux sur l’initiative pour l’emploi des jeunes (1), sur la garantie pour la jeunesse (2), sur le corps européen de solidarité (3) ou encore, plus récemment, sur un cadre européen pour un apprentissage efficace et de qualité (4). Il a également procédé à l’évaluation, du point de vue de la société civile, de la mise en œuvre des politiques de l’Union européenne en faveur de l’emploi des jeunes dans six États membres choisis, et tout particulièrement de celle de la garantie pour la jeunesse.

2.7.

À l’occasion de l’audition conduite par des jeunes que le CESE a organisée pour l’élaboration de son avis, ceux-ci ont exprimé un sentiment de très grande incertitude. Ils ont témoigné de fortes pressions et du peu d’acceptation de ceux qui empruntaient une voie différente ou de ceux qui quittaient précocement le système scolaire. Certains jeunes ont évoqué l’obligation de commencer à penser à leur retraite alors qu’ils ne sont que des adolescents. Le passage vers le monde du travail continue de constituer un défi et un mécontentement s’est fait jour face à la discrimination envers les jeunes en matière de salaires à emploi égal, qui se fonde tout simplement sur l’âge. Le logement et les transports constituaient également des problèmes cruciaux, tout comme la numérisation et les difficultés liées à la reconnaissance et à la validation des compétences acquises par la voie de l’apprentissage non-formel.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE accueille favorablement la stratégie. Il estime qu’il devrait s’agir d’un plan exhaustif qui débouche effectivement sur les résultats escomptés et procure une valeur ajoutée aux jeunes, qui doit être supérieure à la somme de ses parties et plus efficace qu’une simple juxtaposition de différentes mesures. Le CESE est d’avis qu’il convient d’en resserrer les liens avec les programmes existants de l’Union européenne, tels que Erasmus+, la garantie pour la jeunesse ou le corps européen de solidarité.

3.2.

La notion d’approche globale des questions politiques a gagné récemment en popularité et est devenue courante à l’échelon tant de l’Union européenne que de ses États membres. Cette démarche globale est judicieuse car elle reconnaît que les problèmes sociaux ne s’inscrivent pas toujours dans des catégories administratives précises. Il s’avère toutefois extrêmement difficile de briser la compartimentation traditionnelle des services, qu’il s’agisse de leurs missions, de leurs budgets et de leurs cultures, et il est nécessaire de faire en sorte qu’une «approche commune» ne se mue pas en une sorte de remède universel lorsqu’un problème est trop compliqué ou que les décideurs politiques veulent tout simplement choisir d’autres options.

3.3.

Le CESE estime que la mise en œuvre de la politique de l’Union européenne en faveur de la jeunesse devrait bénéficier d’un surcroît de visibilité et de pérennité à l’échelon de l’Union européenne et de ses États membres, pour autant que l’on entende qu’elle fasse l’objet d’une évaluation appropriée, par exemple dans le cadre du semestre européen et du tableau de bord social.

3.4.

De manière générale, la stratégie proposée doit laisser une plus grande place à une approche fondée sur les droits. Il s’agit là d’une affaire d’importance, sachant que la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant (qui bien évidement ne couvre pas tous les éléments qui relèvent de la catégorie de la jeunesse) est conçue de cette manière et qu’elle prévoit des examens réguliers des performances des États en recourant à des méthodes de mesure convenues. Les propositions sont solides pour ce qui est de la nature même du travail socioéducatif et du rôle du secteur bénévole; cet aspect revêt une importance cruciale dans la mesure où se manifestent au plan international de nouvelles approches plus instrumentalisantes en matière de «travail avec les jeunes».

3.5.

Le CESE estime que la stratégie devrait se donner pour objectif de favoriser une convergence vers le haut entre États membres dans le domaine des politiques de la jeunesse. Ceci se justifie tout particulièrement du fait des financements considérables (Erasmus, par exemple) que l’Union européenne fournit à tous les États membres. Dans d’autres domaines du financement de l’Union européenne prévaut une démarche de cofinancement qui favorise la convergence et renforce une approche commune dans toute l’Union. Le Comité estime qu’il y a beaucoup d’enseignements à tirer à cet égard pour la stratégie.

3.6.

Tout en convenant avec la Commission du rôle crucial des travailleurs socioéducatifs et des avantages uniques qu’ils apportent aux jeunes dans leur passage vers l’âge adulte, le CESE fait valoir que la qualité du travail socioéducatif est largement tributaire du financement des services publics. Dans quelques États membres, du fait de coupes dans le secteur public et de gels des salaires, non seulement la qualité du travail socioéducatif s’est détériorée, mais de nombreux postes sont également demeurés vacants dans ce secteur. Par conséquent, le Comité réclame davantage d’investissements dans les services publics.

3.7.

Nonobstant, c’est à juste titre que la Commission fait observer que les États membres doivent consacrer leurs propres ressources aux politiques de la jeunesse. À cet égard, les propositions relatives au suivi des financements sont très encourageantes mais celui-ci doit englober les travaux menés par les États membres et d’autres domaines politiques intersectoriels. Le CESE estime qu’il convient de procéder à ce suivi en y associant les partenaires sociaux et les organisations de la société civile à tous les niveaux.

3.8.

Le Comité convient avec la Commission de la nécessité que les États membres explorent des formes innovantes et alternatives de participation démocratique. Toutefois, il est fermement convaincu qu’un soutien accru, y compris financier, s’impose en faveur des formes existantes d’engagement sociétal, telles que le bénévolat des jeunes, les conseils de la jeunesse, la participation à des organisations de la société civile, les syndicats ou les comités d’entreprises. Les jeunes étant l’avenir de l’Europe, ils doivent être encouragés à participer aux élections locales et européennes ainsi qu’à être actifs dans toutes les formes de participation civique et politique.

3.9.

Le CESE estime que dans le cadre du champ d’action de la stratégie qui est axée sur trois domaines d’action: MOBILISER, CONNECTER et AUTONOMISER, le dernier volet devrait être élargi pour inclure des actions visant à protéger et à soutenir les jeunes de même qu’à leur faire acquérir les compétences nécessaires pour relever les défis mondiaux tels que la numérisation, le changement climatique et la montée du populisme. Puisque l’une des priorités de l’Union européenne est de «protéger» ses citoyens, le Comité estime que cette priorité devrait également s’appliquer aux jeunes, de la même façon qu’elle couvre la population adulte. Ces derniers devraient également bénéficier de l’idée de «justice numérique» promue par le Comité (5), qui vise à préserver les citoyens européens des aspects négatifs de la révolution numérique ou dans le cadre plus large de la «transition juste» défendue par l’Organisation internationale du travail (OIT).

Les jeunes et le monde du travail

3.10.

Bien que la stratégie se doive d’être claire et de ne pas prévoir trop d’objectifs, le CESE estime que la stratégie actuelle devrait accorder davantage d’attention aux problèmes sociaux et d’emploi dont pâtissent les jeunes, notamment en ce qui concerne le débat sur l’avenir du travail. Parmi ces problèmes figurent, entre autres, la numérisation, le travail en plateforme, la fragmentation et la précarisation du marché du travail, qui frappent tout particulièrement les jeunes.

3.11.

Étudier et travailler constituent le quotidien de nombreux jeunes. De ce fait, le CESE estime que de futures politiques de l’Union européenne en faveur de la jeunesse devraient favoriser la démocratie sur le lieu de travail, notamment en promouvant le dialogue social et en protégeant les droits des jeunes en matière d’emploi. Sur le marché du travail, les jeunes devraient être traités comme la population adulte, en particulier bénéficier sur un pied d’égalité d’un salaire minimum (6), d’un accès à la retraite et d’une protection contre les contrats de travail précaires (qu’il s’agisse de contrats «zéro heure» et de stages non rémunérés ou encore d’emploi indépendant factice). Les jeunes devraient avoir voix au chapitre également au sein de la société et sur leurs lieux de travail. En outre, la participation des jeunes aux structures de représentation sur le lieu de travail (les syndicats et les comités d’entreprises) devrait être davantage encouragée, comme c’est le cas dans certains pays, où il existe des instances de représentation des jeunes spécifiques sur les lieux de travail.

3.12.

Certains jeunes sont en outre des parents et des politiques de l’Union européenne telles qu’une nouvelle directive concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée présentent un intérêt pour les jeunes qui travaillent et assument dans le même temps l’éducation et la charge de leurs proches. Du fait de la numérisation des postes de travail, les jeunes connaîtront indubitablement une autre situation en matière d’emploi que leurs parents. Le CESE suggère d’accorder plus d’attention aux politiques sociales et de l’emploi dans la stratégie, étant donné l’importance que revêtent les politiques du marché du travail pour la vie des jeunes générations.

3.13.

Le marché du travail importe tout particulièrement car dans de nombreux pays, les jeunes ont été ceux qui ont été les plus touchés par le chômage au cours des années qui ont suivi la crise économique de 2008. Bien que le taux de chômage des jeunes se soit réduit, le nombre de ceux d’entre eux qui demeurent sans emploi était presque le double de ceux qui occupent un emploi (7). Dans de nombreux cas, les emplois récemment créés sont de qualité inférieure ou donnent un accès plus limité aux marchés de l’emploi permanent et à plein temps que ce n’était le cas avant la crise (contrats temporaires et contrats «zéro heure», par exemple).

L’éducation et la santé des jeunes

3.14.

La stratégie vise à faire entendre auprès des décideurs politiques la voix des jeunes qui ne sont pas représentés. Pour y parvenir, il est nécessaire d’agir plus avant en vue d’intégrer au sein de la société les jeunes qui sont éloignés du marché de l’emploi et du système éducatif. En dépit d’une légère baisse du nombre de jeunes ne travaillant pas et ne suivant pas d’études ou de formation (désignés par l’acronyme NEET — «Not in Éducation, Employment or Training»), 10,9 % des personnes âgées de 15 à 24 ans et 17,7 % des jeunes entre 25 et 29 ans étaient encore victimes de cette situation en 2017. L’amélioration des aptitudes et des compétences a une incidence positive sur l’employabilité des jeunes, mais à lui seul, ce facteur ne suffit pas à déclencher l’augmentation de leur emploi. Cette absence d’occupation a des conséquences importantes sur la vie et les aspirations des jeunes, car elle peut les mener à la pauvreté et à l’exclusion sociale. De plus, pour les pouvoirs publics, le fait de ne pas amener cette population vers le système éducatif ou vers l’emploi représente un coût qu’Eurofound a estimé (en 2012 et en 2014) à 1,2 % du produit national brut. En outre, la population des jeunes qui ne travaillent pas et ne suivent pas d’études ou de formation présente une probabilité plus élevée de soutenir des idéologies extrémistes et xénophobes.

3.15.

L’article 4 du socle européen des droits sociaux sur le soutien actif à l’emploi stipule que: «Les jeunes ont droit à une formation continue, à l’apprentissage, à un stage ou à une offre d’emploi de qualité dans les quatre mois suivant la perte de leur emploi ou la fin de leur scolarité. La stratégie en faveur de la jeunesse devrait contribuer à l’application de ce principe, en particulier par la constitution d’alliances entre la société civile et les partenaires sociaux pour la conception et le suivi des différentes politiques prises en ce sens. Une attention particulière devrait être accordée aux stratégies d’approche pour repérer les jeunes qui sont plus éloignés du marché du travail et leur faire réintégrer le marché de l’emploi ou le système éducatif.»

3.16.

La stratégie européenne en faveur de la jeunesse devrait donc se déployer dans un cadre paneuropéen afin de toucher ces groupes. La réussite de cette entreprise dépend de l’élément essentiel que constitue une étroite coopération entre les pouvoirs publics nationaux, les partenaires sociaux européens, les conseils nationaux de la jeunesse et le secteur de la jeunesse.

3.17.

De manière générale, les jeunes consacrent une grande partie de leur temps à l’éducation, que ce soit à plein temps ou à temps partiel; il s’agit là également d’un domaine pour lequel l’échelon de l’Union n’a que des compétences limitées, hormis celle de veiller à ce que «toute personne [ait] droit à une éducation inclusive et de qualité, à la formation et à la formation tout au long de la vie, afin de maintenir ou d’acquérir des compétences lui permettant de participer pleinement à la société et de gérer avec succès les transitions sur le marché du travail», tel que visé par le premier principe du socle européen des droits sociaux. Derechef, c’est là un domaine qui relevait d’un pilier spécifique de la stratégie précédente.

3.18.

Le domaine de la santé mentale des jeunes est au cœur du travail socioéducatif et de toute interaction des spécialistes avec les jeunes. De manière générale, la santé relève de la compétence des États membres, mais la santé mentale est un aspect de la santé publique pour lequel l’Union européenne est compétente, aussi convient-il de lui ménager une place éminente dans le cadre du travail intersectoriel envisagé par la stratégie. Il faut par conséquent être particulièrement attentifs à des questions telles que l’anxiété, la dépression et le taux de suicide parmi les jeunes.

3.19.

À l’échelon des États membres, il existe un nombre croissant de bonnes pratiques s’agissant de travailler avec les jeunes. De la même manière, il a été prouvé que le travail socioéducatif a un effet positif sur la santé mentale des jeunes. Le CESE estime que le domaine de la santé mentale des jeunes requiert un surcroît d’attention dans le cadre de la stratégie.

3.20.

De même, nombre de politiques nationales s’attachent avant tout à la santé physique des jeunes. En la matière, il existe un certain nombre de sujets de préoccupation. C’est de plus en plus le cas de l’obésité chez les enfants et les jeunes, tout comme de la toxicomanie et des euphorisants légaux. Bien que les États membres soient encore susceptibles d’adopter des approches assez divergentes, une approche intersectorielle des questions touchant à la jeunesse ne peut en ignorer les problèmes et se doit d’entrer en contact avec elle, en s’appuyant sur les compétences de l’Union européenne y afférentes. Ces domaines constituaient des piliers spécifiques de la stratégie précédente et il importe de continuer d’y accorder une attention soutenue dans le cadre du travail intersectoriel.

Égalité

3.21.

Il existe un lien fort entre le travail socioéducatif, la politique de la jeunesse et l’égalité. Dans ce domaine, l’Union européenne a beaucoup agi et tous les États membres ont mis en place une législation. Néanmoins, il subsiste de nombreux cas de discriminations auxquelles se heurtent les jeunes, notamment en matière de logement et de services, et ils sont plus dépendants que d’autres de services tels que les transports publics. Souvent, la législation en matière d’égalité peut s’attacher davantage en premier lieu à leurs aînés. Neuf raisons universelles sont à l’origine de l’interdiction de la discrimination dans les États membres de l’Union européenne. Nous devons veiller à ce que les jeunes faisant l’objet de ce type de discrimination soient couverts de manière adéquate par la stratégie européenne en faveur de la jeunesse. Si plusieurs groupes sont touchés, nous tenons à mettre en exergue les suivants, qui ont besoin de se voir accorder une attention accrue dans le document:

les jeunes handicapés,

les jeunes migrants et réfugiés,

les jeunes femmes et les filles,

et les jeunes LGBTIQ+.

3.22.

De nombreuses politiques de l’Union européenne relatives aux jeunes ont été récemment axées sur la radicalisation. Toutefois l’intégration doit s’inscrire dans le cadre d’un vaste ensemble de mesures offertes aux jeunes et cela doit être souligné dans la stratégie. Elle cadre aussi naturellement avec les programmes pour l’emploi des jeunes.

4.   Observations spécifiques

4.1.

Le CESE se félicite qu’ait été instituée la nouvelle fonction de coordonnateur européen des activités relatives à la jeunesse, lequel devrait être à l’écoute de la jeunesse et exercer une influence en ce qui a trait à la dimension intersectorielle de la politique de la jeunesse. Il convient de mettre l’accent sur cette dernière. Le coordonnateur devrait également encourager et faciliter une démarche similaire au niveau des États membres et devrait donc se joindre à la Commission lors de chaque réunion du Conseil à laquelle cette dernière assiste.

4.2.

Les propositions relatives à des plans d’action nationaux dans le domaine de la jeunesse sont également fort bienvenues. Il faut des objectifs clairs, assurer un suivi et progresser dans le soutien aux jeunes. Le CESE approuve vivement la considération de la Commission relative à la nécessité de renforcer les liens entre le financement et l’idée d’un plan d’action national.

4.3.

Il est extrêmement judicieux de passer d’un dialogue structuré à un dialogue sur la jeunesse plus inclusif. Toutefois, il est nécessaire d’inclure davantage, ce qui pourrait se faire en élargissant le type et la nature des organisations concernées et en ajoutant d’autres groupes. Les organisations bénévoles de jeunes et les conseils nationaux de la jeunesse devraient continuer à jouer un rôle central dans ces travaux, au regard de leur proximité vis-à-vis des jeunes et de l’énorme expérience dont ils disposent.

4.4.

S’il est judicieux de consolider le portail européen de la jeunesse en tant que point d’entrée unique pour que les jeunes puissent prendre contact avec l’Union européenne, il convient néanmoins de veiller tout particulièrement à sa disponibilité grâce à une connexion gratuite à l’internet et à l’accès au matériel informatique tout spécialement en ce qui concerne les groupes défavorisés de la jeunesse au sein des États membres. La Commission doit également assurer le suivi des mouvements incessants des jeunes sur les plateformes de médias sociaux.

4.5.

Les propositions à l’examen indiquent que les jeunes bénéficient d’un avantage en matière d’évolution technologique. Toutefois, il convient également de noter qu’il existe des exclus du monde numérique parmi les jeunes aussi. Ceux qui travaillent auprès des jeunes doivent également avoir conscience aussi bien des avantages que des inconvénients (par exemple des problèmes de santé mentale et des défis posés par les fausses nouvelles) liés à l’investissement des jeunes dans les technologies.

4.6.

Si la mobilité constitue une valeur européenne essentielle et si elle joue un rôle central dans les programmes destinés à la jeunesse, elle peut présenter des inconvénients, notamment dans les pays victimes de l’émigration, du déclin de leur population ou de la fuite de leurs cerveaux ou de leur main d’œuvre. Il serait toutefois possible d’améliorer cette situation en se prévalant de la nouvelle population des migrants et des réfugiés en Europe.

4.7.

Le CESE tient pour précieuses les propositions de la Commission relatives à la validation de l’apprentissage non formel et informel. Il serait encourageant de disposer de quelques modèles aboutis à cet égard dans le secteur de la jeunesse et ailleurs.

4.8.

Heureusement, il existe à présent davantage de manifestations destinées à la jeunesse auxquelles participent les institutions, de sorte qu’il serait intéressant de toutes les évaluer. Il conviendrait également de vérifier s’il serait possible de réaliser une plus grande synergie entre elles. Le dialogue structuré présente l’avantage de revêtir le caractère d’une action continue plutôt que ponctuelle. La participation continue des jeunes aux décisions qui les concernent devrait constituer une priorité et il importe qu’elle intervienne dans tous les domaines politiques et pas seulement en matière de politique de la jeunesse. Les institutions qui n’organisent que des manifestations ponctuelles devraient s’orienter vers une participation continue des jeunes à leurs travaux.

4.9.

Le CESE estime qu’à une époque caractérisée par les fausses nouvelles et une confiance excessive dans les outils en ligne, il importe de donner un rôle de premier plan à une information indépendante à l’intention de la jeunesse. La relation avec des adultes de confiance devrait rester une caractéristique essentielle du travail socioéducatif et de la politique de la jeunesse.

4.10.

De l’avis du CESE, la stratégie, parallèlement à d’autres politiques de l’Union européenne à l’intention de la jeune génération, devrait constituer un instrument important pour lutter contre le sentiment anti-européen et contre le populisme parmi les jeunes.

4.11.

Tout en se félicitant de la nouvelle stratégie de l’Union européenne spécifiquement consacrée à la jeunesse, le CESE recommande vivement l’intégration de la problématique des jeunes dans l’ensemble des travaux de toutes les directions générales (DG) de la Commission européenne.

Bruxelles, le 18 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  JO C 268 du 14.8.2015, p. 40.

(2)  JO C 271 du 19.9.2013, p. 101.

(3)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 160.

(4)  JO C 262 du 25.7.2018, p. 41.

(5)  JO C 237 du 6.7.2018, p. 1.

(6)  JO C 125 du 21.4.2017, p. 10.

(7)  JO C 125 du 21.4.2017, p. 10.


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/148


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Un nouvel agenda européen de la culture»

[COM(2018) 267 final]

(2019/C 62/25)

Rapporteur:

Antonello PEZZINI

Consultation

Commission européenne, 18.6.2018

Base juridique

Article 167 du TFUE

 

 

Compétence

Section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section spécialisée

26.9.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

182/1/0

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE est convaincu que l’Europe constitue une communauté culturelle fondée sur des valeurs communes et que l’économie sociale de marché est un signe distinctif du mode de vie européen, qui associe la liberté économique aux droits sociaux et aux principes du respect des droits de l’homme.

1.2.

Le CESE considère qu’il est essentiel de consolider et de développer la dimension culturelle européenne reposant sur les valeurs communes consacrées par les traités, qui constituerait le moteur du processus d’intégration et la pierre angulaire de l’identité culturelle européenne du fait de sa contribution à la construction d’une société inclusive, pluraliste, cohésive et compétitive.

1.2.1.

Le CESE estime que seuls le développement du sentiment d’appartenance à l’Europe et l’identité culturelle commune peuvent renforcer la construction européenne et les diversités culturelles et linguistiques.

1.2.2.

Le patrimoine culturel matériel et immatériel européen constitue, du point de vue du CESE, le ciment des peuples d’Europe, un lien étroit qui les soude dans leur identité, ainsi qu’une précieuse ressource stratégique de cohésion sociale.

1.3.

De l’avis du CESE, c’est précisément parce que l’Europe (1) traverse actuellement une crise politique et identitaire qu’il est extrêmement important de rendre à la culture ce rôle central dans la transmission des liens identitaires, afin de faire des valeurs communes énoncées dans les traités une réalité.

1.4.

Le CESE, tout en saluant l’initiative visant à faire de la culture un thème prioritaire, préconise de profiter de la réactivation de ce programme pour mener une réflexion sur l’avènement d’une nouvelle Renaissance européenne, destinée à créer un espace culturel européen (ECE) (2) fondé sur des valeurs communes telles que la solidarité, la confiance et la responsabilité partagée.

1.5.

Le CESE estime qu’un nouvel agenda européen de la culture devrait être mû par une vision stratégique partagée, qui définisse, aux fins de la réalisation de l’ECE:

les valeurs identitaires communes de liberté et de solidarité,

les principes fondamentaux de la liberté de circulation, d’établissement et de prestation, en Europe, des personnes, biens et services opérant dans le domaine culturel,

des systèmes de gestion et la conception d’interventions ciblant le patrimoine culturel,

des actions concrètes de restauration et de conservation de l’immense patrimoine artistique qui rendent la culture européenne vivante aux yeux des jeunes générations (3),

la valorisation de la culture européenne dans les relations internationales,

la redynamisation de la gouvernance en matière de politiques européennes, afin de donner davantage d’espace aux acteurs qui produisent et façonnent la culture dans le cadre des expressions culturelles et des industries culturelles et créatives,

le soutien au regroupement des petites entreprises créatives, notamment celles ayant des finalités sociales,

des synergies et échanges de processus culturels contribuant à renforcer le partage des multiples expressions de la société européenne.

1.6.

En ce qui concerne l’offre culturelle, il est nécessaire que les destinataires des mesures puissent les comprendre et y accéder aisément, par le biais de nouveaux médias multilingues, de sorte que l’espace culturel européen soit effectivement le patrimoine de tous.

1.7.

En ce qui concerne la demande culturelle, le Comité est d’avis qu’il est essentiel de prendre des mesures ciblant spécifiquement les bénéficiaires de la politique culturelle européenne, afin d’améliorer le niveau de participation au développement de l’identité des valeurs européennes, par le biais d’initiatives telles qu’un «Erasmus de la citoyenneté culturelle» et le lancement d’une charte européenne de la culture destinée aux citoyens européens.

1.8.

Le CESE est convaincu de pouvoir jouer un rôle proactif dans le cadre d’un dialogue culturel structuré, afin de renforcer la citoyenneté démocratique, l’identité culturelle et le partage des multiples expressions créatives de la société, y compris par le biais d’initiatives communes, telles que le lancement d’une semaine européenne de la culture, des nuits de la culture européenne, et la nomination d’ambassadeurs européens de la culture.

1.9.

Le Comité s’engage à assurer un suivi des données de la feuille de route de la nouvelle stratégie et à achever l’ECE, sur la base de la présentation de rapports périodiques par la Commission.

2.   Introduction

2.1.

La culture est au cœur du projet européen et constitue la pierre angulaire de l’«unité dans la diversité» qui définit l’Union européenne. Il s’agit d’un des fondements du vivre-ensemble et d’une valeur susceptible d’enrichir notre humanité, qui est un élément incontournable de notre comportement social et de la façon dont nous exprimons notre citoyenneté au quotidien.

2.2.

La culture constitue dès lors la ressource stratégique de la cohésion sociale et du dialogue interculturel par excellence, ainsi qu’une occasion majeure de valoriser notre histoire commune en exploitant la grande richesse que recèle la diversité culturelle des régions européennes et du patrimoine matériel et immatériel commun.

2.3.

Le traité de Lisbonne a accordé une grande importance à la culture: dans son préambule, il est explicitement fait référence à la volonté de s’inspirer «des héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe», et à des objectifs prioritaires tels que le respect de «la richesse de sa diversité culturelle et linguistique, et […] la sauvegarde et […] le développement du patrimoine culturel européen».

2.3.1.

Bon nombre de ces valeurs, qui constituent le fondement de la société européenne, sont mises en exergue dans le traité: «L’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme […]» Ces valeurs communes, qui font désormais partie intégrante du patrimoine culturel européen, émergent et doivent prendre de plus en plus d’espace dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice et la solidarité.

2.3.2.

La charte des droits fondamentaux, intégrée dans le traité, a établi, confirmé et synthétisé un recensement détaillé de valeurs, en partie déjà énoncées dans le traité.

2.3.3.

L’action de l’Union européenne vise donc à encourager la coopération entre les États membres, de manière que leurs compétences spécifiques en matière de politique culturelle soient de plus en plus associées aux valeurs communes auxquelles ils ont souscrit, et que ces dernières s’intègrent dans le tissu des relations sociales.

2.3.4.

Le comportement adopté par les citoyens dans les relations sociales et la vie de tous les jours suit des modèles qu’ils ont a priori assimilés (4). Cependant, ces modèles sont acquis par le biais de l’instruction (5) et de l’enseignement (6), et sont renforcés par les relations qui se développent avec l’entourage.

2.3.5.

D’où l’importance de diffuser et d’insister sur les valeurs qui constituent la base commune de la civilisation européenne, en particulier à l’égard des jeunes, dès la préadolescence, car c’est alors que se consolident les «neurones miroirs», qui simulent les actions, les sentiments et les émotions que nous observons chez autrui (7).

2.4.

La notion de culture (8) est dynamique en tant que telle. Elle implique dès lors l’élaboration, par les responsables de l’Union européenne et les États membres, d’une série d’actions éducatives et illustratives. Les valeurs précitées, inscrites dans le traité, ne sont pas sorties d’un chapeau: fruit de considérations et d’expériences acquises dans le cadre de la vie sociale, assurant la coexistence pacifique et le renforcement de la confiance des populations, elle doivent faire l’objet de processus de formation et d’interactions sociales, axés en particulier sur les jeunes générations afin de les amener à adopter et à partager les valeurs éthiques.

2.5.

En dehors de sa valeur sur les plans social et identitaire, la culture est de plus en plus reconnue comme un moteur économique stratégique permettant de développer la richesse par habitant, le bien-être et le PIB global de l’Union européenne, ainsi que les relations internationales.

2.6.

On estime que les secteurs de la culture et de la création contribuent à hauteur de 4,2 % au PIB de l’Union européenne, avec une croissance de l’emploi de 1,5 %. En valeurs absolues, la culture a généré 89,9 milliards d’EUR en 2016 (soit une augmentation de 1,8 % par rapport à 2015), un chiffre porté à plus de 250 milliards d’EUR si l’on tient compte des activités connexes, ce qui a fourni de l’emploi à 1,5 million de personnes (9).

2.7.

La participation à la culture constitue un élément clef de l’engagement de l’Europe, mais dans le contexte de la crise économique et financière qui l’a frappée en 2008, et qui s’est ensuite répercutée sur le plan social et au niveau politique, elle a été revue à la baisse dans tous les pays européens, et plus particulièrement dans les pays du sud de l’Europe (10).

2.8.

L’agenda européen de la culture adopté en 2007 (11) avait engagé l’Union européenne et les États membres à:

promouvoir la diversité culturelle,

préserver le patrimoine culturel,

surmonter les obstacles à la libre circulation des opérateurs dans le secteur,

soutenir la contribution des entreprises culturelles et créatives.

2.8.1.

Le programme de travail de l’Union européenne (2015-2018) en faveur de la culture a fixé quatre grandes priorités pour la coopération européenne en matière de politique culturelle:

une culture accessible et ouverte à tous,

la préservation et la mise en valeur du patrimoine culturel,

le soutien aux secteurs de la culture et de la création dans une économie innovante,

la promotion de la diversité culturelle.

2.9.

Le Parlement a adopté de nombreuses résolutions (12) et recommandations sur l’accès équitable aux services culturels, la culture dans les relations extérieures de l’Union européenne et la mobilité, ainsi que sur les secteurs de la culture et de la création.

2.10.

Lors de sa réunion du 23 mai 2018, le Conseil de l’Union européenne a adopté des conclusions sur l’intégration du patrimoine culturel dans les autres politiques de l’Union européenne et sur l’approfondissement du dialogue avec les organisations de la société civile.

2.11.

Pour sa part, à plusieurs reprises, le CESE a pris position en faveur de la valorisation des secteurs de la culture et de la création, ainsi que du soutien à une stratégie de l’Union européenne dans le domaine des relations culturelles internationales (13), y compris la contribution des zones rurales au patrimoine culturel européen (14).

3.   Les propositions du nouvel agenda

3.1.

Les principaux éléments du nouvel agenda proposé par la Commission peuvent se résumer comme suit:

promouvoir la participation culturelle, la mobilité des artistes et la protection du patrimoine, tout en exploitant le potentiel de la culture et de la diversité culturelle en faveur de la cohésion sociale et du bien-être,

favoriser l’art et la culture dans l’éducation,

intensifier les relations culturelles internationales,

renforcer les liens avec la politique industrielle,

exploiter le potentiel de la culture pour renforcer l’identité européenne,

mettre en place une coopération étroite avec les États membres et la société civile.

3.2.

Les trois dimensions clefs proposées peuvent être résumées comme suit:

3.2.1.

Dimension sociale: exploiter le potentiel de la culture et de la diversité culturelle au bénéfice de la cohésion sociale et du bien-être;

3.2.2.

Dimension économique: soutenir la créativité culturelle dans l’éducation et l’innovation, la croissance par la création de nouveaux emplois, et le développement d’industries culturelles et de compétences (15);

3.2.3.

Dimension extérieure — renforcer les relations culturelles internationales: soutien de la culture dans les pays candidats à l’élargissement et dans les Balkans occidentaux, dans les pays méditerranéens, et actions du Fonds de développement ACP (16);

3.2.4.

Dimension transversale: initiatives «Année européenne du patrimoine culturel» et «Capitales européennes de la culture», nouveau plan d’action européen pour les biens culturels 2019-2022, développement de Digital4Culture, répertoire en ligne de films européens, appui à la transformation numérique.

3.3.

La collaboration stratégique dans le cadre du nouveau programme sera soutenue par le programme Europe créative et d’autres programmes européens.

4.   Observations générales

4.1.

Le CESE considère qu’il est essentiel de consolider et de développer une dimension culturelle européenne fondée sur les valeurs communes consacrées par les traités, afin de consolider le sentiment d’appartenance dans le cadre de la construction d’une société inclusive, cohésive et compétitive.

4.2.

Le patrimoine culturel matériel et immatériel européen constitue le ciment des peuples d’Europe, un lien étroit qui les soude dans leur identité, surtout en cette période où l’Union européenne traverse une crise d’identité et de solidarité.

4.3.

Le CESE estime que précisément au vu de la crise politique, d’identité, et de gouvernance que traverse actuellement l’Europe, il serait opportun de rendre à la culture européenne le rôle de passeur des valeurs identitaires qui lui est propre, également à travers la consolidation de parcours de formation européens.

4.4.

Ce processus d’intégration des valeurs doit constituer le fondement d’un saut qualitatif réalisé sous la forme d’un nouveau programme de la culture et doit aboutir à un véritable espace culturel européen (ECE) (17), basé sur des valeurs communes, à l’instar de l’Espace européen de la recherche et en conjonction avec celui-ci.

4.5.

Ce nouvel ECE devrait être sous-tendu par les actions suivantes, assorties d’un calendrier de mise en œuvre:

4.5.1.

le renforcement des politiques et des outils culturels européens en vue d’appuyer et de diffuser les valeurs identitaires, sur la base du sentiment d’appartenance à un ensemble de valeurs communes;

4.5.2.

la pleine mise en œuvre de la liberté de circulation, d’établissement et de prestation de services, sur l’ensemble du territoire européen, des personnes physiques et morales actives dans le secteur culturel;

4.5.3.

une «économie de la culture» centrée sur des systèmes fondés sur l’intégration sociale, qui promeut de nouveaux modes de conservation et de restauration du patrimoine culturel et le développement des industries créatives, y compris au moyen de formes nouvelles d’entreprise, à forte valeur sociale;

4.5.4.

la promotion de la culture européenne dans les relations internationales, à la fois comme outil de relance de la diplomatie culturelle, comme mécanisme d’influence (soft power) dans les relations extérieures de l’Europe, et comme multiplicateur économique dans les échanges internationaux, capable de faire des artistes/créateurs des «ambassadeurs de la culture européenne»;

4.5.5.

les mécanismes ascendants, pour donner plus d’espace à l’ensemble des acteurs qui produisent, développent et façonnent directement la culture dans les secteurs de l’art et des industries culturelles et créatives.

4.6.

Le CESE estime qu’il est nécessaire de relever les défis communs en créant un véritable «marché intérieur de la culture» européen qui favorise:

la mobilité des artistes, des services des entreprises culturelles,

la mobilité des œuvres d’art,

la coopération dans le cadre de projets transnationaux,

le dialogue interculturel,

des actions spécifiques visant à renforcer l’identité culturelle européenne,

des actions de restauration et de conservation de l’immense patrimoine artistique européen, incluant des mesures de durabilité et de R&I multimédia (18),

le renforcement de l’indépendance créative,

le développement d’une culture alliant l’humain et le numérique capable de réduire le champ d’influence de l’algorithme des fausses informations et de la désinformation en ligne.

4.7.

De l’avis du CESE, il est essentiel de promouvoir, par l’éducation, et en particulier auprès des jeunes, la conviction selon laquelle, d’une part, la diversité culturelle et les multiples formes d’art constituent des clefs du développement humain et de l’affirmation des libertés fondamentales, et d’autre part, l’échange de processus culturels contribue au renforcement de la citoyenneté démocratique.

4.8.

Le CESE souligne la nécessité d’intégrer et d’ancrer le nouveau programme européen de la culture dans le prochain cadre financier pluriannuel de l’Union, dans une nouvelle vision stratégique partagée et enrichie.

4.9.

Il est indispensable, selon le CESE, que les bénéficiaires des programmes et des actions normatives structurelles et financières de soutien en aient une perception claire, transparente et accessible sur les réseaux sociaux.

4.10.

Le CESE estime également indispensable de mener une action ciblant spécifiquement les destinataires finaux de la politique européenne de la culture, afin d’améliorer les taux de participation, qui ont fort baissé du fait de la crise économique et financière, qui a également eu des retombées en matière sociale.

4.10.1.

Du point de vue du CESE, le lancement d’un Erasmus de la citoyenneté permettant la diffusion de la culture et du tourisme en Europe et l’adoption d’une charte européenne de la culture, facilitant l’accès aux trésors culturels européen, ainsi que le lancement de la semaine et des nuits européennes de la culture pourraient s’avérer utiles, en particulier pour les jeunes générations.

5.   Observations particulières

5.1.

Un guide d’utilisation numérique, dont le site internet est mis à jour en temps réel et est très convivial, et mis à disposition dans les différentes langues officielles de l’Union, doit garantir la facilité d’utilisation des multiples outils communautaires existants, dont voici une première liste indicative:

ICD II, instrument de financement de la coopération au développement (19)

Programme Interreg MED (20) et Programme MED Culture (2014-2018) (21)

IEV, instrument de voisinage, anciennement IEVP (22)

IAP II (2014-20) (23)

Réseau Natura 2020 (24)

Plan d’action pour la nature, les populations et l’économie (Natura 2000) (25)

LIFE (2014-2020) (26)

Fonds structurels (27)

EMODnet, Phase III, observation marine et sites sous-marins (28)

Croissance bleue de l’Union européenne, dans les secteurs marin, des transports et du tourisme (29)

Leader+, réhabilitation du patrimoine rural et culturel (30)

L’Europe pour les citoyens (2014-2020) pour l’histoire et la diversité de l’Union (31)

Les aides d’État en faveur de la conservation de la culture et du patrimoine (32)

Le trafic illicite des biens culturels (33)

Copernicus (anciennement GMES), informations satellitaires pour la surveillance du patrimoine culturel (34)

EDEN — Destinations européennes d’excellence

COSME, programme qui finance des initiatives en faveur de la culture et du tourisme (35)

Itinéraires culturels du Conseil de l’Europe et de la CE

le «C3 Monitor» permet de contrôler et de comparer quelque 170 villes culturelles et créatives dans 30 pays européens, le dynamisme culturel (Cultural Vibrancy), l’économie créative (Creative Economy), l’environnement propice (Enabling Environment)

le partenariat public-privé (PPP) consacré à l’efficacité énergétique des bâtiments historiques

le patrimoine culturel pour le développement durable du programme Horizon 2020

la plateforme numérique Europeana, qui propose plus de 50 millions d’enregistrements de livres, œuvres musicales, œuvres d’art, en appliquant des méthodes de recherche avancées

la stratégie numérique pour l’étude du patrimoine cinématographique européen (36)

les investissements dans le patrimoine culturel en application des règlements relatifs à la politique de cohésion (37)

Erasmus+ (38)

Label du patrimoine européen instituant un label attribué aux sites situés dans l’Union (39)

le programme Europe créative (2014-2020) comporte un volet Media consacré au secteur audiovisuel (sous-programme Media), un volet culturel consacré aux secteurs créatifs et culturels (sous-programme Culture) et un volet intersectoriel consacré à tous les secteurs créatifs et culturels (volet transsectoriel(40).

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Les nombreux mouvements et tendances populistes et souverainistes en témoignent.

(2)  Par analogie avec l’espace européen de la recherche (EER) et en vue de le renforcer.

(3)  Voir par exemple ces services spécialisés de restauration: www.opencare.it

(4)  Nihil est in intellectu quod prius non fuerit in sensu (J. Locke) — Rien n’est dans l’intellect qui n’ait d’abord été dans les sens.

(5)  Du latin «instruere»: préparer, construire.

(6)  Imprimer des signes et des modèles.

(7)  Voir les résultats dans le domaine des neurosciences qui illustrent l’imitation des actions et des modèles.

(8)  Du latin «colere»: cultiver.

(9)  Source: Eurostat.

(10)  Rapport intitulé «Cultural access and participation» http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/ebs/ebs_399_en.pdf

(11)  Voir JO C 287 du 29.11.2007.

(12)  Voir JO C 377 E du 7.12.2012, p. 142, JO C 93 du 9.3.2016, p. 95 — Textes P8_TA(2016)0486.

(13)  JO C 288 du 31.8.2017, p. 120.

(14)  NAT/738 (JO C 440 du 6.12.2018, p. 22).

(15)  En particulier avec la conversion du programme PISA de STEM (sciences, technologies, ingénierie et mathématiques) à STEAM (sciences, technologies, ingénierie, arts et mathématiques) et dans la sphère numérique.

(16)  Afrique, Caraïbes et Pacifique.

(17)  Voir notamment Conseil de l’Europe — Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur la valeur du patrimoine culturel pour la société (STCE no 199), 18/03/08 Faro, 27 octobre 2005.

(18)  Voir note 14 de bas de page.

(19)  Règlement (UE) no 233/2014 (JO L 77 du 15.3.2014, p. 44).

(20)  Programme Interreg MED.

(21)  Programme MED Culture.

(22)  Règlements (UE) no 232/2014 (JO L 77 du 15.3.2014, p. 27) et (UE) no 236/2014 (JO L 77 du 15.3.2014, p. 95).

(23)  Règlement (UE) no 231/2014 (JO L 77 du 15.3.2014, p. 11).

(24)  Directives «Habitats» (92/43/CEE) (JO L 206 du 22.7.1992, p. 7) et «Oiseaux sauvages» (2009/147/CE) (JO L 20 du 26.1.2010, p. 7).

(25)  COM(2017) 198 final.

(26)  Règlement (UE) no 1293/2013 (JO L 347 du 20.12.2013, p. 185).

(27)  Les cinq Fonds: FEDER, FSE, Cohésion, Feader et FEAMP.

(28)  Décision (UE) 2017/848 (JO L 125 du 18.5.2017, p. 43).

(29)  Résolution du PE du 2 juillet 2013 [2012/2297(INI)] (JO C 75 du 26.2.2016, p. 24).

(30)  Règlement (UE) no 1305/2013 (JO L 347 du 20.12.2013, p. 487).

(31)  Règlement (UE) no 390/2014 (JO L 115 du 17.4.2014, p. 3).

(32)  Règlements (UE) no 651/2014 (JO L 187 du 26.6.2014, p. 1) et (UE) 2015/1588 (JO L 248 du 24.9.2015, p. 1).

(33)  Lutte contre le trafic illicite des biens culturels.

(34)  Règlement (UE) no 377/2014 (JO L 122 du 24.4.2014, p. 44).

(35)  Règlement (UE) no 1287/2013 (JO L 347 du 20.12.2013, p. 33).

(36)  COM(2010) 487 final et COM(2014) 477 final.

(37)  JO L 347 du 20.12.2013.

(38)  Règlement (UE) no 1288/2013 (JO L 347 du 20.12.2013, p. 50).

(39)  Décision no 1194/2011/UE (JO L 303 du 22.11.2011, p. 1).

(40)  Règlement (UE) no 1295/2013 (JO L 347 du 20.12.2013, p. 221).


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/155


Avis du Comité économique et social européen sur

la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen “Renforcer la protection des lanceurs d’alerte au niveau de l’UE”»

[COM(2018) 214 final]

et la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la protection des personnes dénonçant les infractions au droit de l’Union»

[COM(2018) 218 final]

(2019/C 62/26)

Rapporteure:

Franca SALIS-MADINIER

Consultation

Parlement européen, 28.5.2018

Conseil de l’Union européenne, 29.5.2018

Commission, 18.6.2018

Base juridique

Article 43, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section spécialisée

26.9.2018

Adoption en session plénière

18.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

158/77/15

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) considère que la protection des lanceurs d’alerte constitue, en sus de cette fonction première, un instrument important pour aider les entreprises à mieux traiter des actes illicites ou contraires à l’éthique.

1.2.

Le CESE apprécie le fait que certaines entreprises aient mis en place des procédures visant à protéger les lanceurs d’alerte et que sur les 28 États membres, dix d’entre eux disposent déjà de cadres complets couvrant la protection des lanceurs d’alerte.

1.3.

Le CESE considère qu’il convient d’évaluer le champ d’application de la directive sur la base de l’évaluation de sa mise en œuvre, et que celui-ci devrait être suffisamment large pour préserver l’intérêt général.

1.4.

Le CESE incite la Commission à revoir la base juridique de la directive pour y inclure également les droits des travailleurs en référence à l’article 153 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

1.5.

Les anciens employés, les représentants syndicaux des travailleurs et les personnes morales au sens de l’article 3 sont en mesure de lancer l’alerte en bénéficiant de la même protection; ils doivent figurer clairement à l’article 2 de cette directive.

1.6.

Le CESE recommande (article 13) une procédure de signalement à deux paliers permettant au lanceur d’alerte d’accéder d’abord, selon son choix, à la voie interne ou aux autorités compétentes; puis, le cas échéant, à la société civile/aux médias, par équité et pour une sécurité juridique.

1.7.

Le CESE recommande que les lanceurs d’alerte puissent s’adresser aux représentants syndicaux à toute étape de l’alerte et que ces derniers soient habilités à les représenter et à leur apporter conseil et soutien.

1.8.

La directive doit inciter plus clairement à une négociation du dispositif d’alerte interne, en tant qu’objet de dialogue social, avec les représentants syndicaux des travailleurs, conformément à la recommandation du Conseil de l’Europe de 2014 et au rapport du Parlement européen de 2017.

1.9.

Le CESE recommande qu’en cas de dévoilement de son identité, le lanceur d’alerte, ayant fait un signalement sous couvert d’anonymat, bénéficie de la protection accordée par la directive.

1.10.

Le CESE recommande à l’article 15, paragraphe 5, un amendement du prima facie de la charge de la preuve. Il suffit que le lanceur d’alerte «présente des éléments de fait qu’il a effectué une alerte».

1.11.

Le CESE recommande à l’article 15, paragraphe 6, que la réparation des dommages ne soit pas renvoyée au droit national (variable), mais que la directive prévoie une réparation intégrale des dommages, sans plafond, à l’instar de la législation du Royaume-Uni.

1.12.

Le CESE demande la suppression de l’article 17, paragraphe 2, superfétatoire (les sanctions pour diffamation ou dénonciation calomnieuse sont prévues par le droit national).

1.13.

Le CESE incite la Commission à ajouter une clause explicite de non-régression à l’article 19, afin de garantir que la mise en œuvre de la directive ne permette en aucun cas de réduire les droits des lanceurs d’alerte, accordés antérieurement à la directive, dans les États membres et dans les domaines auxquels elle s’applique, lorsque les droits déjà existants sont plus favorables.

1.14.

Le CESE recommande que la publication des rapports périodiques des entités publiques et des États membres soit rendue obligatoire.

1.15.

Le CESE incite la Commission à prévoir dans la directive des campagnes de sensibilisation à l’échelon européen et national, notamment à destination de la jeunesse, pour faire évoluer la perception des lanceurs d’alerte.

2.   Contexte de l’avis

2.1.

Des activités illicites et des abus de droit peuvent survenir dans toute organisation, privée ou publique. Ils peuvent revêtir des formes très diverses, telles que la corruption ou la fraude, la faute professionnelle, l’évasion fiscale ou la négligence et, si l’on n’y remédie pas, ils peuvent causer un préjudice grave à l’intérêt public et au bien-être des citoyens dans un ou plusieurs États membres de l’Union européenne (UE).

2.2.

Pouvoir anticiper, remédier ou mettre fin à une situation de risque est bénéfique pour les entreprises, les citoyens, les travailleurs (morts ou blessés, poursuites judiciaires, pertes financières, risque d’atteinte à la réputation). L’alerte éthique que la Commission propose de protéger par cette directive est une alerte faite au nom de l’intérêt général, bénéficiant à la société dans son ensemble.

2.3.

Les personnes travaillant pour une organisation ou en relation avec celle-ci dans le cadre de leur activité professionnelle sont souvent les premières à être informées d’actes répréhensibles. Les personnes qui signalent (au sein de l’organisation concernée ou auprès d’une autorité extérieure) ou révèlent de tels actes — les lanceurs d’alerte — peuvent donc jouer un rôle important pour y mettre fin. Cependant, nombreux sont ceux qui s’abstiennent. Selon des études internationales, les raisons majeures du silence sont: la peur de représailles, la crainte que l’alerte soit vaine et l’ignorance de la personne à qui s’adresser. 85 % des personnes interrogées lors de la consultation publique menée en 2017 par la Commission estiment que les travailleurs signalent très rarement ou rarement les menaces ou préjudices à l’intérêt public par crainte de conséquences juridiques et financières, mais aussi en raison d’une perception négative des lanceurs d’alerte. Dans certains pays, demeure la confusion entre lanceur d’alerte, traître ou délateur. Or alerter est un acte de courage, contrairement à la délation qui est un acte de lâcheté.

2.4.

Pour ces raisons, il est important d’assurer une protection efficace des lanceurs d’alerte. Des instruments existent déjà au niveau international, ainsi que dans divers États membres. Le Conseil de l’Europe, le Parlement européen, le Conseil de l’UE, ainsi que les organisations de la société civile et les syndicats ont déjà réclamé la mise en place d’une législation à l’échelle de l’UE sur la protection des lanceurs d’alerte agissant dans l’intérêt public. Certaines entreprises européennes ont mis en place des procédures visant à protéger les lanceurs d’alerte. La proposition de la Commission part du constat qu’actuellement, la protection des lanceurs d’alerte dans l’Union européenne est inadéquate, fragmentée entre les États membres et inégale d’un secteur à l’autre.

2.5.

La Commission propose donc une directive instaurant la protection des lanceurs d’alerte dans des domaines ciblés, complétée par une communication établissant un cadre politique au niveau de l’UE, incluant des mesures de soutien aux autorités nationales.

2.6.

Cette proposition vise à établir un ensemble de normes minimales communes offrant une protection contre les représailles aux lanceurs d’alerte qui signalent des infractions au droit de l’UE concernant: i) les marchés publics; ii) les services financiers; iii) le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme; iv) la sécurité des produits; v) la sécurité des transports; vi) la protection de l’environnement; vii) la sûreté nucléaire; viii) la sécurité des denrées alimentaires et des aliments pour animaux; ix) la santé et le bien-être des animaux; x) la santé publique; xi) la protection des consommateurs; xii) le respect de la vie privée, la protection des données et la sécurité des réseaux et systèmes d’information.

2.7.

Elle s’applique également aux atteintes aux règles de l’UE en matière de concurrence, aux violations et abus de la réglementation applicable à la fiscalité des entreprises et aux préjudices portés aux intérêts financiers de l’UE.

2.8.

Conformément à la proposition, les États membres devront veiller à ce que les entreprises d’au moins 50 salariés (ou dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 10 millions d’EUR) et les entités publiques mettent en place des canaux et des procédures de signalement internes pour la réception et le suivi des signalements. Ils devront aussi veiller à ce que les autorités compétentes soient dotées de canaux de signalement externes. Ces canaux doivent garantir la confidentialité des identités et des informations. Les petites et microentreprises sont exemptées de l’obligation d’un dispositif interne (sauf dans le domaine financier ou des secteurs sensibles).

2.9.

La proposition interdit les représailles, directes ou indirectes, à l’encontre des lanceurs d’alerte, et énonce les mesures que les États membres devront prendre pour assurer leur protection.

2.10.

Enfin, elle prévoit des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives qui sont nécessaires pour décourager: i) les entraves aux signalements, les mesures de représailles, les procédures vexatoires contre les informateurs et les violations au devoir de confidentialité de leur identité; et ii) les dénonciations malveillantes et abusives.

3.   Observations générales

3.1.

À ce jour, seuls 10 États membres de l’UE sur 28 se sont déjà dotés de législations globales concernant la protection des lanceurs d’alerte. En Europe, la fragmentation et les failles de cette protection sont délétères pour l’intérêt public et sont susceptibles d’entraver les signalements. Dans le cas de crimes transfrontaliers ou commis dans des multinationales, un lanceur d’alerte ne bénéficie pas de la même protection selon la législation et la jurisprudence de l’État qui lui sont appliquées.

3.2.

Le CESE accueille favorablement l’objectif d’encourager l’alerte responsable et volontaire, en vue de défendre l’intérêt public.

3.3.

En 2016 (1), la Commission a fait observer que l’application du droit de l’Union restait un défi et s’est engagée à «mettre davantage l’accent sur le contrôle de son application afin de servir l’intérêt général». L’objectif poursuivi est une législation proactive et non réactive, et qui soit un «élément systémique du contrôle de l’application du droit de l’Union».

3.4.

Le CESE constate que la proposition de directive est cohérente avec le corpus européen antérieur (Conseil de l’Europe, Parlement, Commission), en termes de normes et de finalités, notamment avec la recommandation CM/Rec(2014)7 du Conseil de l’Europe du 30 avril 2014, et conforme pour une grande part aux normes internationales. Cette proposition s’inscrit par ailleurs en complémentarité avec les dispositifs sectoriels de l’Union existants (services financiers, transport, environnement) et avec les politiques de l’Union (lutte anti-corruption, finance durable, fiscalité plus équitable).

3.5.

Dans le respect du principe de subsidiarité, le champ matériel a été restreint aux infractions au droit de l’Union (activités illicites et abus de droit) et aux domaines spécifiques où:

1)

il est nécessaire de renforcer l’application de la loi;

2)

la quasi-absence de signalement des infractions est un facteur clé;

3)

les infractions peuvent causer un préjudice grave à l’intérêt public.

3.6.

Cependant, le CESE estime que l’articulation entre le droit de l’UE et le droit national, qui peut être source de différends et de difficultés dans l’application des principes inscrits dans la directive, devra être clarifiée.

3.7.

Le CESE souligne l’aspect positif de la directive qui incite les États à mettre en place un droit national «de grande ampleur et cohérent» (global) sur la base des principes de la recommandation du Conseil de l’Europe et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Il serait important d’assurer, dans le même temps, le bon fonctionnement des cadres bien établis dans les États membres, dans la mesure où ils respectent les principes énoncés dans la directive.

3.8.

De la même façon, la mention de l’adoption de dispositions plus favorables selon les États membres est positive. Cependant, le CESE juge indispensable qu’une clause de non-régression y soit ajoutée, car cette directive ne doit pas servir à supprimer ou amoindrir les dispositions nationales plus avantageuses.

3.9.

Enfin, le CESE recommande d’évaluer la directive à la lumière des éléments de fait susceptibles d’apparaître à l’avenir et sur la base de l’évaluation de sa mise en œuvre. Il juge pertinente la mention d’une extension ultérieure possible du champ matériel de la directive, au vu de cette évaluation.

3.10.

Le CESE réaffirme l’importance de la mise en œuvre de cette directive dans les États membres pour un meilleur fonctionnement de la démocratie face aux enjeux présents ou à venir, un renforcement de l’état de droit, des libertés et de l’intégrité publiques, sachant que la liberté de dire la vérité (ou parrêsia) a toujours été considérée comme un pilier essentiel de la démocratie.

3.11.

Le CESE est favorable à la création d’une agence européenne de signalement ou d’un médiateur européen qui serait responsable de la coordination des autorités de signalement nationales et de la surveillance des lignes d’alerte.

4.   Observations particulières

4.1.

Le CESE considère comme inacceptable qu’il n’ait pas été possible de mettre en place une consultation des partenaires sociaux sur la proposition de la directive, comme prévu par l’article 154 du TFUE. La Commission ne doit pas renouveler cette pratique.

4.2.

Le Comité recommande que le domaine social soit aussi couvert par la directive en ajoutant l’article 153 du TFUE aux 16 références légales de la directive. Le CESE souligne qu’à l’article 1er (champ d’application matériel) concernant les infractions au droit qu’un lanceur d’alerte peut signaler, la protection des travailleurs est omise. Discriminations, harcèlements, violences au travail, etc. ne figurent pas dans la proposition. Il préconise donc d’intégrer ces sujets dans la directive.

5.   Champ d’application personnel

5.1.

Le CESE prend acte du champ personnel très large auquel la directive s’applique: tout travailleur du secteur public ou privé ayant obtenu des informations dans le contexte professionnel. La notion de travailleur est large: tout travailleur dépendant au sens de l’article 45 du TFUE et indépendant au sens de l’article 49 du TFUE, mais aussi tout bénévole, stagiaire non rémunéré, consultant, fournisseur, sous-traitant, actionnaire ou membre d’un conseil d’administration. La directive devrait contribuer à réduire le risque d’atteinte à la réputation auquel les entreprises pourraient être exposées.

5.2.

Les anciens employés, les représentants syndicaux des travailleurs et les personnes morales au sens de l’article 3 sont en mesure de lancer l’alerte en bénéficiant de la même protection; ils doivent figurer clairement à l’article 2 de cette directive.

5.3.

Le CESE relève que les fonctionnaires de l’UE devraient bénéficier d’une protection égale à celle des travailleurs des États membres.

6.   Procédures d’alerte

6.1.

Lorsqu’il s’agit de mettre en place des dispositifs d’alerte interne, le CESE recommande que les travailleurs et leurs représentants syndicaux soient activement associés à leur conception et à leur mise en œuvre.

6.2.

Le CESE considère que le principe d’une alerte graduée (interne, autorités compétentes, public) répond au principe de l’alerte responsable. Toutefois, le CESE considère que le lanceur d’alerte doit avoir un égal choix d’accès à la voie interne ou aux autorités compétentes et recommande donc une procédure à deux, et non à trois paliers, par équité et pour une sécurité juridique. D’une part, des études internationales, même dans des pays exempts de l’obligation du canal interne (Royaume-Uni, Irlande), montrent que le salarié recourt d’abord à la voie interne par loyauté; il n’y a donc pas de risque d’un contournement massif de la voie interne. Par ailleurs, en cas d’obligation du canal interne, il est difficile de prévoir toutes les dérogations nécessaires. D’autre part, des législations nationales prévoient la saisine directe des autorités (par exemple pour les crimes ou délits). Enfin, cette obligation ne s’adresse qu’aux salariés, les autres travailleurs en étant exemptés. D’où une rupture du principe d’égalité et une insécurité juridique.

6.3.

Le CESE considère que, sur le lieu de travail, le lanceur d’alerte doit pouvoir s’adresser aux représentants syndicaux et être représenté par eux à tout stade de la procédure d’alerte. Ces derniers, par leur proximité des travailleurs, peuvent jouer un rôle essentiel de conseil et de protection.

6.4.

Le CESE recommande que les garanties de suivi dont bénéficient les alertes externes soient également appliquées aux alertes internes: accusé de réception de l’alerte, retour sur le traitement donné au signalement.

6.5.

Des études montrent que les personnes les plus vulnérables, ou en possession de dossiers pouvant mettre en danger leur vie ou leur famille, se voient contraintes à l’anonymat. Si l’identité d’un lanceur d’alerte, ayant fait un signalement sous couvert d’anonymat, se voit révélée, le CESE considère qu’il doit bénéficier de la protection accordée par la directive. Enfin, le fait qu’un dossier soit parvenu sous couvert d’anonymat ne doit pas être un prétexte à ne pas traiter l’alerte.

7.   Protection des lanceurs d’alerte: la charge de la preuve et la réparation des dommages

7.1.

Selon la proposition de directive, le lanceur d’alerte qui subit des représailles doit prouver en prima facie que ces représailles sont la conséquence du signalement (double test) pour bénéficier de la charge de la preuve. Or, conformément au principe de renversement de la charge de la preuve (voir la directive sur la discrimination), il appartient à l’employeur de prouver que les mesures de représailles ne sont pas la conséquence de l’alerte.

7.2.

La directive doit préciser les mesures de réparation en cas de représailles (article 15, paragraphe 6) et ne pas les renvoyer au cadre juridique national, dont on a vu qu’il varie selon les pays ou qu’il est inexistant. Il est nécessaire que, pour protéger efficacement les lanceurs d’alerte de toute forme de sanctions, directes ou indirectes, la directive prévoie l’obligation d’une réparation intégrale des dommages, sans plafond (y compris les années de retraite perdues en cas de licenciement), à l’instar du «Public Interest Disclosure Act» de 1998.

8.   Sanctions

8.1.

Le CESE considère que le but de la directive est de faciliter l’alerte et de la protéger. À ce titre, il convient de supprimer l’article 17, paragraphe 2, qui crée un amalgame entre l’alerte responsable et la diffamation ou la dénonciation calomnieuse, délits qui figurent déjà dans les législations nationales.

9.   Clause plus favorable et clause de non-régression

9.1.

Le CESE salue la possibilité prévue par la directive que les États membres puissent se doter d’une législation plus favorable aux droits des lanceurs d’alerte. Cependant, une clause de non-régression explicite doit y être ajoutée afin de préserver les législations ou les dispositions plus favorables existant dans certains États.

10.   Rapports, évaluation et révision

10.1.

Un bilan de la mise en œuvre de la directive devrait être rendu obligatoire, grâce à la publication des rapports annuels (données anonymisées et statistiques) des entités publiques et des États membres, afin que le rapport de la Commission prévu pour 2027 puisse être alimenté, et les populations informées.

Bruxelles, le 18 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  JO C 18 du 19.1.2017, p. 10.


ANNEXE

Les amendements suivants, qui ont recueilli au moins un quart des suffrages exprimés, ont été rejetés au cours des débats:

Paragraphe 3.11

Ajouter un nouveau paragraphe:

3.11.

Le CESE recommande de traiter de manière plus complète la question de prévenir les risques d’une dégradation de la situation des entreprises publiques et privées en lien avec l’utilisation abusive ou la divulgation illicite d’informations sensibles. Il convient d’assurer une protection suffisante de la réputation des entreprises et des organisations en cas d’acte malveillant.

Exposé des motifs

La réputation d’une organisation est essentielle pour toutes ses parties prenantes, à commencer par ses employés.

Résultat du vote

Voix pour

84

Voix contre

130

Abstentions

15

Paragraphe 4.1

Supprimer:

4.1.

Le CESE considère comme inacceptable qu’il n’ait pas été possible de mettre en place une consultation des partenaires sociaux sur la proposition de la directive, comme prévu par l’article 154 du TFUE. La Commission ne doit pas renouveler cette pratique.

Exposé des motifs

Étant donné que la proposition n’est pas fondée sur l’article 153 du TFUE, la consultation des partenaires sociaux n’est pas obligatoire.

Résultat du vote

Voix pour

79

Voix contre

133

Abstentions

18

Paragraphe 4.2

Modifier comme suit:

4.2.

Le Comité reconnaît que la base juridique de la directive est suffisamment large pour garantir une protection adéquate des lanceurs d’alerte. Il préconise néanmoins, par souci de sécurité juridique, d’en clarifier la portée juridique applicable aux droits des travailleurs. recommande que le domaine social soit aussi couvert par la directive en ajoutant l’article 153 du TFUE aux 16 références légales de la directive. Le CESE souligne qu’à l’article premier (champ d’application matériel) concernant les infractions au droit qu’un lanceur d’alerte peut signaler, la protection des travailleurs est omise. Discriminations, harcèlements, violences au travail, etc. ne figurent pas dans la proposition. Il préconise donc d’intégrer ces sujets dans la directive.

Exposé des motifs

Dès lors que les vues divergent au sujet de la base juridique de la directive, ce point doit être clarifié par la Commission pour ce qui concerne la question des droits des travailleurs (article 153 du TFUE).

Résultat du vote

Voix pour

82

Voix contre

139

Abstentions

14

Paragraphe 6.2

Modifier comme suit:

6.2.

Le CESE considère que le principe d’une alerte graduée (interne, autorités compétentes, public) répond au principe de l’alerte responsable, en particulier dans le but de repérer et d’arrêter rapidement et efficacement les infractions à la source, et ainsi d’atténuer les risques internes ou externes. Toutefois, le CESE considère que le lanceur d’alerte doit avoir un égal choix d’accès à la voie interne ou aux autorités compétentes et recommande donc une procédure à deux, et non à trois paliers, par équité et pour une sécurité juridique. D’une part, des études internationales, même dans des pays exempts de l’obligation du canal interne (Royaume-Uni, Irlande), montrent que le salarié recourt d’abord à la voie interne par loyauté; il n’y a donc pas de risque d’un contournement massif de la voie interne. Par ailleurs, en cas d’obligation du canal interne, il est difficile de prévoir toutes les dérogations nécessaires. D’autre part, des législations nationales prévoient la saisine directe des autorités (par exemple pour les crimes ou délits). Enfin, cette obligation ne s’adresse qu’aux salariés, les autres travailleurs en étant exemptés. D’où une rupture du principe d’égalité et une insécurité juridique.

Exposé des motifs

Il est important que l’entreprise ait la possibilité de résoudre d’abord le problème en interne, avant qu’il ne soit rendu public par le lanceur d’alerte. La procédure de signalement à deux paliers permet plus facilement de repérer et d’arrêter rapidement et efficacement les infractions à la source.

Résultat du vote

Voix pour

78

Voix contre

145

Abstentions

11

Paragraphe 7.2

Modifier comme suit:

7.2.

La directive doit préciser précise les mesures de réparation en cas de représailles (article 15, paragraphe 6) et ne pas les renvoyer renvoie au cadre juridique national, dont on a vu qu’il varie selon les pays ou qu’il est inexistant. Il est nécessaire que, pour Pour protéger efficacement les lanceurs d’alerte de toute forme de sanctions, directes ou indirectes, la mise en œuvre de la directive doit être minutieusement contrôlée et évaluée au regard de l’efficacité du cadre national. prévoie l’obligation d’une réparation intégrale des dommages, sans plafond (y compris les années de retraite perdues en cas de licenciement), à l’instar du «Public Interest Disclosure Act» de 1998.

Exposé des motifs

Il est important que les systèmes de sanction et de réparation fondés sur les cadres nationaux satisfassent aux objectifs fondamentaux de la directive quant à la protection des lanceurs d’alerte, tout en respectant les principes des systèmes juridiques nationaux. Il s’agit là de l’un des principaux aspects à contrôler dans le contexte de la mise en œuvre de la directive.

Résultat du vote

Voix pour

82

Voix contre

144

Abstentions

10

Paragraphe 8.1

Modifier comme suit:

8.1.

Le CESE considère que le but de la directive est de faciliter l’alerte et de la protéger. À ce titre, il convient de clarifier supprimer l’article 17, paragraphe 2, qui pourrait créer crée un amalgame entre l’alerte responsable et la diffamation ou la dénonciation calomnieuse, délits qui figurent déjà dans les législations nationales.

Exposé des motifs

S’il est nécessaire de traiter les conséquences de divulgations fausses, trompeuses et injustifiées en prévoyant des sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives, il convient de préciser dûment la portée de ces sanctions dans les États membres.

Résultat du vote

Voix pour

87

Voix contre

147

Abstentions

6

Paragraphe 1.4

Modifier comme suit:

1.4.

Le CESE reconnaît queincite la Commission à revoir la base juridique de la directive est suffisamment large pour assurer une protection adéquate des lanceurs d’alerte y inclure également les droits des travailleurs en référence à l’article 153 du traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE). Il préconise néanmoins, par souci de sécurité juridique, d’en clarifier la portée juridique applicable aux droits des travailleurs.

Exposé des motifs

Les articles retenus par la Commission comme base juridique peuvent garantir pleinement un renforcement de l’application du droit de l’Union, en introduisant de nouvelles dispositions sur la protection des lanceurs d’alerte afin de renforcer le bon fonctionnement du marché unique et la mise en œuvre correcte des politiques de l’Union et, dans le même temps, d’assurer des normes élevées et cohérentes en matière de protection des lanceurs d’alerte dans les instruments sectoriels de l’Union, lorsque des règles applicables existent déjà. Toutefois, en vue d’éviter toute confusion quant à la base juridique relative aux droits des travailleurs, il est nécessaire d’apporter des précisions.

Résultat du vote

Voix pour

84

Voix contre

133

Abstentions

6

Paragraphe 1.4

Ajouter un nouveau paragraphe après le paragraphe 1.4:

Le CESE est convaincu qu’il convient de mettre en place un cadre légal visant à protéger les lanceurs d’alerte de manière à permettre de distinguer les informations qui ne se prêtent qu’à une divulgation au sein de l’entreprise de celles qui se prêtent à une communication aux autorités, voire même au grand public. Ce point est particulièrement important lorsqu’il est question de secrets d’affaires.

Exposé des motifs

La proposition devrait indiquer clairement que les lanceurs d’alerte doivent toujours communiquer les informations contenant des secrets d’affaires au sein de l’entreprise, en interne, car une fois que ces informations ont été rendues publiques, les dommages causés à l’entreprise sont irréversibles.

Résultat du vote

Voix pour

89

Voix contre

149

Abstentions

7

Paragraphe 1.6

Modifier comme suit:

1.6.

Le CESE recommande (article 13) une procédure de signalement à deux paliers permettant au lanceur d’alerte d’accéder d’abord, selon son choix, à la voie interne dans le but de repérer et d’arrêter rapidement et efficacement les infractions ou aux autorités compétentes; puis, le cas échéant, aux autorités publiques compétentes, et si cela s’impose, à la société civile/aux médias, par équité et pour une sécurité juridique.

Exposé des motifs

Il est important que l’entreprise ait la possibilité de résoudre d’abord le problème en interne, avant qu’il ne soit rendu public par le lanceur d’alerte. La procédure de signalement à deux paliers permet plus facilement de repérer et d’arrêter rapidement et efficacement les infractions à la source.

Résultat du vote

Voix pour

89

Voix contre

144

Abstentions

8

Paragraphe 1.10

Supprimer:

1.10

Le CESE recommande à l’article 15, paragraphe 5 un amendement du prima facie de la charge de la preuve. Il suffit que le lanceur d’alerte «présente des éléments de fait qu’il a effectué une alerte».

Exposé des motifs

Cette recommandation ne se fonde pas sur le texte du projet d’avis (7.1). Bien qu’il puisse être contesté, le principe de renversement de la preuve a été énoncé de manière neutre dans le texte.

Résultat du vote

Voix pour

93

Voix contre

148

Abstentions

7

Paragraphe 1.11

Modifier comme suit:

1.11.

Pour protéger efficacement les lanceurs d’alerte de toute forme de sanctions, directes ou indirectes, la mise en œuvre de la directive doit être minutieusement contrôlée et évaluée au regard de l’efficacité du cadre national. Le CESE recommande à l’article 15, paragraphe 6, que la réparation des dommages ne soit pas renvoyée au droit national (variable), mais que la directive prévoie une réparation intégrale des dommages, sans plafond, à l’instar de la législation du Royaume-Uni.

Exposé des motifs

Il est important que les systèmes de sanction et de réparation fondés sur les cadres nationaux satisfassent aux objectifs fondamentaux de la directive quant à la protection des lanceurs d’alerte, tout en respectant les principes des systèmes juridiques nationaux. Il s’agit là de l’un des principaux aspects à contrôler dans le contexte de la mise en œuvre de la directive.

Résultat du vote

Voix pour

95

Voix contre

143

Abstentions

9

Paragraphe 1.12

Modifier comme suit:

1.12.

Le CESE demande la suppressionde clarifier l’article 17, paragraphe 2, qui pourrait créer un amalgame entre l’alerte responsable et la superfétatoire (les sanctions pour diffamation ou la dénonciation calomnieuse sont prévues par le droit national).

Exposé des motifs

Voir l’exposé des motifs de l’amendement relatif au paragraphe 8.1.

Résultat du vote

Voix pour

96

Voix contre

147

Abstentions

7


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/165


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au Fonds social européen plus (FSE+)»

[COM(2018) 382 final — 2018/0206 (COD)]

(2019/C 62/27)

Rapporteur:

Krzysztof BALON

Corapporteure:

Cinzia DEL RIO

Consultation

Parlement européen, 11.6.2018

Conseil de l’Union européenne, 19.6.2018

Base juridique

Article 46, point d), article 149, article 153, paragraphe 2, point a), article 164, article 168, paragraphe 5, article 175, troisième alinéa, et article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section spécialisée

26.9.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

183/2/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement la proposition de la Commission relative au Fonds social européen plus (FSE+), qui vise à améliorer la cohérence et les synergies entre les instruments de l’Union européenne, fusionner certains fonds de l’Union européenne et simplifier certaines procédures. Tout en soulignant certains aspects essentiels de la proposition, le CESE invite à prendre à son sujet, avant les élections au Parlement européen qui se tiendront l’an prochain, une décision prompte, responsable et équilibrée.

1.2.

L’Europe a besoin d’un dosage judicieux des politiques économique, sociale et d’investissement pour rester compétitive dans l’économie mondiale et garantir des emplois de qualité, une éducation et une formation de qualité, universellement disponibles et accessibles, l’égalité de l’accès aux services de santé, ainsi que l’inclusion sociale et la participation active dans la société. Il est nécessaire de prévoir un budget de l’Union européenne qui puisse répondre aux défis majeurs qui se font jour, tels que le chômage des jeunes, l’inadéquation des compétences, le chômage de longue durée, l’évolution rapide du marché de l’emploi et l’incidence des nouvelles formes de travail sur les citoyens, défis qui engendrent une nouvelle forme d’exclusion sociale des groupes marginalisés, à quoi s’ajoutent des taux de pauvreté qui restent élevés dans certains pays. En outre, les défis entièrement nouveaux résultant de la numérisation exigent des approches novatrices concernant le financement de l’Union européenne (1).

1.3.

Le CESE est très critique sur le fait que la proposition prévoie des coupes financières dans la politique de cohésion de l’Union européenne. Pour ce qui est du FSE+ en particulier, la baisse est de 6 % en termes réels. En outre, le CESE manifeste son désaccord avec la suppression de la part minimale (actuellement fixée à 23,1 %) réservée au FSE+ dans le total des financements au titre de la politique de cohésion. Étant donné que le FSE+ est le principal instrument de financement pour la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux (SEDS), le CESE demande qu’il lui soit réservé une enveloppe de 30 % du total des ressources allouées aux politiques de cohésion économique, sociale et territoriale, et recommande qu’au sein du FSE+, 30 % des ressources soient consacrées aux mesures d’inclusion sociale.

1.4.

Il conviendra de procéder avec précaution à la fusion des différents fonds et programmes au sein du nouveau «fonds parapluie FSE», en tenant compte de tout gain d’efficacité et d’efficience qui pourrait être apporté par rapport à des cadres de mise en œuvre distincts. Le CESE demande à la Commission de simplifier davantage les règles du FSE+, tant pour les autorités de gestion que les bénéficiaires, tout en garantissant que les projets subventionnés sont conformes aux valeurs de l’Union européenne. La condition favorisante en matière d’inclusion active, en vertu de laquelle les États membres, pour pouvoir être éligibles à recevoir des financements octroyés par le FSE+, doivent avoir mis au point des stratégies nationales de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, devrait continuer de s’appliquer à tous les États membres au cours de la prochaine période de programmation financière posée par le cadre financier pluriannuel (CFP).

1.5.

Le FSE+ devrait être utilisé en cohérence avec la charte des droits fondamentaux, la convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant (CNUDE) et la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (CNUDPH). Le respect des règles du code de conduite européen en matière de partenariat (CCEP) devra être considéré comme une condition favorisante pour l’accès au Fonds; par ailleurs, les accords de partenariat et les programmes opérationnels devraient être soumis à une révision et à des sanctions s’ils ne respectent pas pleinement les obligations découlant dudit code de conduite.

1.6.

L’Union européenne gagnerait à tirer pleinement parti de l’expérience et des capacités des partenaires sociaux et des autres organisations de la société civile (OSC) opérant au niveau local, national et européen, en les associant, ainsi que les utilisateurs des services et en fonction de leurs différents rôles, aux missions de programmation, de mise en œuvre, de suivi et d’évaluation des financements de l’Union européenne. Les partenaires sociaux et les autres organisations de la société civile sont des acteurs clés dans le projet démocratique européen. Dans le contexte du FSE+, cela signifie que les pouvoirs publics devraient faciliter leur accès aux ressources disponibles. Le CESE appuie la révision de la composition du comité du FSE+, selon les modalités décrites à l’article 40, paragraphe 2, du règlement, et conformément à l’article 6, paragraphe 1, point c), du règlement portant dispositions communes et dans le respect des principes du code de conduite européen en matière de partenariat (CCEP).

1.7.

Il conviendra de consacrer une proportion suffisante des ressources disponibles aux projets menés par de petites organisations locales ainsi qu’aux réattributions, ce afin de soutenir les activités des organisations qui agissent à l’échelon local. Il convient que les contributions en nature soient traitées sur le même pied que les contributions financières.

1.8.

La «transnationalité» (ou les activités transfrontières) devrait en règle générale faire partie des programmes opérationnels de tous les États membres. Ce principe est nécessaire pour favoriser un sentiment d’identité européenne chez les citoyens des différents États membres.

1.9.

Le CESE estime qu’il importe de viser un niveau élevé de financement pour les domaines d’action qui sont essentiels pour l’avenir de l’Europe et de sa population, à savoir notamment: des emplois de qualité pour les jeunes; des initiatives en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes; l’inclusion et l’emploi des groupes vulnérables; l’apprentissage tout au long de la vie et le perfectionnement professionnel, compte tenu de la mutation rapide et de la numérisation du marché du travail; un renforcement des services publics d’intérêt général, et un renforcement des capacités de l’administration publique, des partenaires sociaux — avec une approche axée sur le renforcement du dialogue social et de la réalisation d’activités conjointes — et des autres OSC, en prévoyant notamment leur participation à la gestion des fonds afin de garantir une meilleure gouvernance.

1.10.

Compte tenu du rôle croissant joué par l’économie sociale dans la dimension sociale de l’Union européenne, le CESE considère aussi que le soutien aux activités d’économie sociale devrait devenir un objectif spécifique distinct du FSE+.

1.11.

Le CESE se félicite de la proposition de la Commission de définir de nouveaux indicateurs pour l’allocation des fonds. Néanmoins, le système actuel reste essentiellement basé sur le produit intérieur brut (PIB). En outre, le CESE estime qu’il convient d’améliorer la corrélation entre le FSE+ et les recommandations par pays du semestre européen. Il se dit préoccupé par le fait que des conditions strictes pourraient être appliquées. Il souligne par conséquent que cette corrélation devrait faire l’objet d’une négociation entre les autorités nationales et européennes, avec la participation pleine et active des partenaires sociaux et des autres organisations de la société civile.

1.12.

Il y a lieu que les partenaires sociaux et les autres OSC soient considérés comme des partenaires égaux dans les comités de suivi et qu’ils aient le droit de vote et la possibilité d’exercer des fonctions spécifiques de pilotage. Ce suivi devrait également évaluer les progrès accomplis dans la réalisation des mesures d’inclusion sociale, plutôt que de se limiter à appliquer un jeu établi d’indicateurs quantitatifs.

1.13.

Le CESE souligne l’importance de maintenir le FSE+ dans le champ d’application de la politique de cohésion économique, sociale et territoriale.

1.14.

Le CESE n’est pas d’accord avec la proposition de réduire le taux de cofinancement européen du FSE+. En tout état de cause, une telle réduction ne devrait pas être imputée aux promoteurs des projets.

2.   Introduction — Propositions de la Commission pour le cadre financier pluriannuel 2021-2027 et situation actuelle de l’Union européenne sur le plan social

2.1.

Le 2 mai 2018, la Commission européenne a publié une communication relative à ses propositions pour le cadre financier pluriannuel (CFP) pour la période 2021-2027, puis, du 29 au 31 mai et le 1er juin 2018, respectivement, des communications relatives aux règlements sur le CFP et le Fonds social européen plus.

2.2.

Comme l’a demandé le Parlement européen, le budget de l’Union européenne devrait être porté à 1,3 % PIB (la proposition ne le porte qu’à 1,08 %), et le système de ressources propres devrait être réformé afin de stabiliser le financement des nouvelles mesures et de remédier aux difficultés internes qui se font jour. Seule une augmentation du budget pourra permettre à l’Union européenne, même à l’issue du Brexit, de respecter son engagement de mettre en œuvre les objectifs de développement durable des Nations unies (ODD) ainsi que le socle européen des droits sociaux, qui établit des objectifs et des principes visant une nouvelle politique sociale et du travail au niveau européen, afin de promouvoir des emplois de qualité, l’égalité des chances, une éducation et une formation de qualité, qui doivent être universellement disponibles et accessibles, afin de répondre aux mutations rapides touchant le marché du travail et garantir des conditions de travail équitables, ainsi qu’une inclusion et une protection sociales plus larges permettant à tous de participer activement à la société.

2.3.

L’Europe doit rester compétitive dans l’économie mondiale et garantir des normes sociales et d’emploi élevées. Le CESE invite à prendre, avant les élections européennes, une décision prompte, responsable et équilibrée concernant tant le CFP que la proposition relative au FSE+.

2.4.

L’Union européenne est aujourd’hui confrontée à de nouveaux défis découlant de la nécessité de sortir d’une longue période de crise économique et sociale, et elle doit gérer les effets de l’évolution rapide du marché de l’emploi et les nouvelles formes de travail qui y sont liées, les niveaux insuffisants de qualification, la faible mobilité de la main-d’œuvre, l’insuffisance des performances des politiques actives du marché du travail (PAMT) et des systèmes d’éducation et de formation, ainsi que les «nouvelles» formes d’exclusion sociale associées à des groupes marginalisés, notamment les Roms et les migrants.

2.5.

Le taux de chômage des jeunes reste élevé dans l’Union, à quoi s’ajoute le recours croissant à des contrats de travail atypiques, également et surtout pour les jeunes, avec une prévalence constamment élevée du taux de jeunes ne travaillant pas et ne suivant pas d’études ou de formation (NEET). L’inadéquation entre l’offre de compétences et les besoins des employeurs a été soulignée dans plusieurs avis du CESE. C’est la raison pour laquelle le défi actuel est d’accroître la qualité de l’emploi et de faire de l’emploi des jeunes une priorité. Toutefois, dans certains États membres, le taux de chômage d’autres groupes, tels que les femmes, les personnes âgées et les migrants, devient alarmant et exige des solutions spécifiques.

2.6.

L’introduction de nouvelles technologies, de la numérisation et de l’intelligence artificielle a une grande incidence sur l’emploi: une instruction de base de qualité, une formation de haut niveau et efficace, l’apprentissage tout au long de la vie, le perfectionnement, la reconversion et l’adaptation de la main-d’œuvre à l’évolution des besoins de l’économie de l’Union européenne par des aptitudes et compétences ciblées constitueront autant d’outils indispensables pour saisir au mieux les opportunités d’emploi de demain et stimuler la compétitivité des entreprises (2). Ces outils doivent s’accompagner d’un dosage judicieux des politiques économique, sociale et d’investissement, axées sur une croissance inclusive et durable tirée par l’innovation.

2.7.

Un autre aspect critique est le niveau de pauvreté parmi la population: 118 millions de citoyens de l’Union européenne (soit 23,7 % de sa population totale) vivent encore dans la pauvreté et l’exclusion sociale, ou sont exposés à ce risque (3). Dans le même temps, dans certains pays, le taux de pauvreté des travailleurs se maintient à des niveaux élevés, avec une augmentation sensible du sous-emploi (4).

3.   Aspects essentiels de la proposition de règlement relatif au Fonds social européen plus

3.1.

Afin de renforcer la cohérence et les synergies entre les instruments de l’Union européenne qui sont complémentaires, de permettre davantage de souplesse, de rendre les fonds plus réactifs en cas de problèmes et de simplifier leur programmation et leur gestion, le nouveau Fonds social européen plus (FSE+) fusionne les Fonds et programmes du cadre financier pluriannuel 2014-2020 suivants:

le Fonds social européen (FSE) et l’initiative pour l’emploi des jeunes (IEJ),

le Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD),

le programme pour l’emploi et l’innovation sociale (EaSI) et

le programme d’action de l’Union dans le domaine de la santé (programme «Santé»).

3.2.

Le budget total alloué au FSE+ s’élève à environ 101 milliards d’EUR (en prix courants) pour la période 2021-2027, dont 100 milliards d’EUR pour le volet du FSE+ relevant de la gestion partagée (ex-FSE et ex-FEAD). L’enveloppe financière pour les volets du FSE+ relevant de la gestion directe s’élèvera à 1,174 milliard d’EUR à prix courants, dont 761 millions d’EUR pour l’emploi et l’innovation sociale et 413 millions d’EUR pour la santé. Le FSE+ intègre également l’initiative pour l’emploi des jeunes (IEJ), avec 10 % de l’enveloppe financière ciblant les jeunes âgés de 15 à 29 ans. Au moins 25 % des ressources nationales provenant du FSE+ seront affectés à la promotion de l’inclusion sociale et à la lutte contre la pauvreté. Les États membres devront en outre affecter au moins 2 % de leurs ressources provenant du FSE+ à des mesures visant les plus démunis.

3.3.

Afin de simplifier la mise en œuvre du FSE+, de réduire la charge administrative qui pèse sur les bénéficiaires et de mettre davantage l’accent sur l’obtention de résultats, plusieurs dispositions sont introduites dans le règlement portant dispositions communes (RPDC). Le règlement FSE+ prévoit aussi des mesures de lutte contre la privation matérielle afin de répondre ainsi à la demande des parties intéressées de maintenir des exigences plus légères pour ce type d’assistance et de simplifier les exigences en matière de collecte de données, de suivi et d’établissement de rapports.

4.   Observations générales concernant le règlement proposé

4.1.

Le CESE accueille favorablement la proposition de la Commission de créer un Fonds FSE+, notamment en raison:

de son alignement sur le socle européen des droits sociaux,

de ses lignes directrices pour parvenir à des résultats en matière de qualité grâce à une amélioration des indicateurs,

de la reconnaissance de la nécessité d’une simplification et d’une flexibilité accrue,

de l’accent qui est mis sur trois domaines politiques: l’emploi, l’éducation et l’inclusion sociale,

de l’introduction d’une priorité «actions innovatrices» à l’appui de l’innovation sociale et des expérimentations sociales, qui renforcent les approches ascendantes fondées sur des partenariats,

de sa cohérence et de sa compatibilité avec d’autres programmes de financement tels qu’Erasmus (5) et le Fonds européen de développement régional (FEDER), au titre du chapitre «Investir dans le capital humain» du cadre financier pluriannuel (CFP),

du fait qu’il regroupe dans un cadre unique divers fonds et programmes afin d’améliorer la lutte contre la pauvreté, l’exclusion sociale, le chômage et le sous-emploi dans l’Union européenne.

4.2.

Le CESE critique le fait que le volume global du prochain cadre financier pluriannuel, tel que proposé, s’élève à environ 1 100 milliards d’EUR, ce qui, en termes réels, est inférieur à celui du CFP en cours. En outre, le CESE critique vivement la coupe financière à laquelle il est proposé de procéder dans la politique de cohésion de l’Union européenne, laquelle s’élève à environ 7 % dans le cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027. En ce qui concerne spécifiquement le FSE+, il représenterait, selon la proposition, 27 % du total des fonds alloués à la politique de cohésion. En termes réels, cela signifie une baisse de 6 % pour le FSE+. En outre, le CESE manifeste son désaccord avec la suppression de la part minimale (actuellement fixée à 23,1 %) réservée au FSE+ dans le total des financements au titre de la politique de cohésion. Étant donné que le FSE+ est le principal instrument de financement pour la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux, le CESE demande aussi qu’il lui soit réservé une enveloppe de 30 % des ressources allouées aux politiques de cohésion économique, sociale et territoriale, et recommande que 30 % des ressources du FSE+ soient consacrées aux mesures d’inclusion sociale. Le CESE n’est pas d’accord avec la proposition visant à réduire le taux de cofinancement européen du FSE +. En tout état de cause, une telle réduction ne devrait pas être imputée aux promoteurs des projets.

4.3.

Dans ce cadre, le CESE rappelle résolument que les financements, tant au niveau de l’Union européenne qu’à celui des États membres, devraient viser les éléments suivants:

répondre aux problèmes de qualité de vie et d’équilibre entre vie professionnelle et vie privée;

investir dans une éducation et une formation inclusives et de qualité, qui doivent être accessibles et abordables pour tous et axées sur les besoins actuels et futurs du marché du travail;

lutter contre le chômage — tout particulièrement le chômage de longue durée et celui des jeunes —, l’inadéquation des compétences et le sous-emploi, et promouvoir la formation et les conditions de travail équitables, y compris pour les travailleurs concernés par les nouvelles formes de travail (non traditionnelles), qui dans certains cas sont même illégales;

répondre aux problèmes démographiques et garantir à tous une protection sociale appropriée et pérenne, tout au long du cycle de vie;

promouvoir l’accessibilité pour les personnes handicapées et leur intégration;

élaborer, tester, évaluer et appliquer plus largement les solutions innovantes, ainsi que renforcer les approches ascendantes et les expérimentations sociales fondées sur des partenariats associant les pouvoirs publics, le secteur privé, les partenaires sociaux et les autres organisations de la société civile;

promouvoir l’égalité des chances et lutter contre toutes les formes de discrimination;

améliorer l’employabilité et l’intégration socioéconomique des groupes marginalisés, y compris les personnes sans abri;

soutenir l’intégration des migrants;

fournir des aides familiales et de proximité individualisées, en améliorant l’accès à des services sociaux durables et de qualité à des prix abordables, ainsi qu’aux services de santé et de logement;

promouvoir les actions communes entre les partenaires sociaux;

soutenir le renforcement des capacités des administrations et des institutions, des partenaires sociaux et des organisations de la société civile.

4.4.

Les Fonds structurels de l’Union européenne étant des facteurs essentiels d’une Europe plus compétitive, plus cohésive, plus résiliente et plus sociale, les États membres ont la responsabilité particulière d’investir les fonds relevant du FSE+ dans des services sociaux fournis par les organismes publics, les acteurs de l’économie sociale et d’autres organisations à but non lucratif.

4.5.

Il conviendra de procéder avec précaution à la fusion des différents fonds et programmes au sein de ce nouveau «fonds parapluie FSE», en tenant compte de tout gain d’efficacité et d’efficience qui pourrait être apporté par rapport à des cadres de mise en œuvre distincts (6).

4.6.

La Commission propose de fusionner l’initiative pour l’emploi des jeunes (IEJ) et le FSE+ afin de garantir la cohérence et l’efficacité des mesures axées sur la jeunesse. La proposition vise à renforcer les politiques de l’emploi dans les États membres. Les procédures d’accès aux financements au titre de l’IEJ gagneraient à être simplifiées et à garantir une répartition claire des ressources. À défaut, il pourrait être plus utile de laisser l’IEJ à l’état d’initiative distincte sur le plan financier. En outre, des mesures doivent être prises pour veiller à ce que les calculs exigeant des États membres qu’ils consacrent au moins 10 % du budget du FSE+ à l’IEJ soient efficaces et raisonnables. Il convient d’éviter le risque de voir l’IEJ marginalisée et le budget qui lui est consacré diminuer comme peau de chagrin sur la période 2021-2027 (7).

4.7.

Il importe également de reconnaître que les partenaires sociaux et, à égalité avec eux, les autres organisations de la société civile sont des acteurs essentiels du projet démocratique européen et que, partant, les pouvoirs publics doivent leur faciliter l’accès aux ressources disponibles.

4.8.

L’Union européenne gagnerait à tirer pleinement parti de l’expérience et des capacités des partenaires sociaux et des autres OSC opérant au niveau local, national et européen, en les associant, en fonction de leurs différents rôles, ainsi que les utilisateurs des services, à la programmation, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation des financements de l’Union européenne (8). À cette fin, il conviendra de faire clairement référence au code de conduite européen en matière de partenariat. Le respect de ce code devra être considéré comme une condition favorisante pour l’accès au Fonds. Les partenaires sociaux et les autres organisations de la société civile devraient, une fois qu’ils ont reçu un soutien adéquat, élaborer des instruments d’évaluation appropriés et, dans la mesure du possible, recourir à l’expertise des bénéficiaires directs (9). Cela ne pourra se faire qu’avec une réduction des charges administratives et une simplification des règles de financement applicables aux aides pour les partenaires sociaux et autres OSC.

4.9.

Il conviendra de consacrer une part suffisante des ressources disponibles aux projets menés par de petites organisations locales ainsi qu’aux réattributions. Cette démarche permettrait de soutenir les organisations et les groupes d’entraide actifs à l’échelon local, ainsi que d’éviter ou d’atténuer l’effet dissuasif de la charge bureaucratique excessive liée au cofinancement pesant sur les organisations de la société civile. Il convient que les contributions en nature soient traitées sur le même pied que les contributions financières.

4.10.

Il convient de noter que, dans la plupart des cas, les instruments financiers tels que les prêts, les garanties ou les parts sociales ne fournissent pas un financement adéquat en faveur des projets sociaux. Par conséquent, il y a lieu de choisir les subventions comme principal mécanisme de mise en œuvre, à moins que d’autres instruments financiers se révèlent plus efficaces.

4.11.

Le CESE demande à la Commission européenne de simplifier davantage les règles du FSE+, tant pour les autorités de gestion que les bénéficiaires. Toutefois, la Commission et les autorités de gestion devraient prendre des mesures spécifiques afin de faire en sorte que la simplification n’expose pas les OSC travaillant pour et avec les personnes touchées par la pauvreté et l’exclusion sociale à des risques financiers. Les risques de ce type sont notamment associés aux exigences très importantes en matière de recueil de données personnelles.

4.12.

Il y a lieu de veiller à ce que toute simplification de la réglementation relative aux Fonds n’aboutisse pas à la suppression de mécanismes (par exemple, les conditions favorisantes) qui sont en place pour garantir la conformité des projets financés par les Fonds de l’Union européenne avec ses valeurs, et en particulier l’obligation de respecter les droits de l’homme. La condition favorisante en matière d’inclusion active, en vertu de laquelle les États membres, pour pouvoir être éligibles à recevoir des financements octroyés par le FSE+, doivent avoir mis au point des stratégies nationales de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, devrait continuer de s’appliquer à tous les États membres au cours de la prochaine période de programmation financière posée par le cadre financier pluriannuel (CFP).

4.13.

Étant donné que le FSE+ est un Fonds européen, la transnationalité (ou les activités transfrontières) devrait en règle générale faire partie des programmes opérationnels de tous les États membres. Ce principe est indispensable pour favoriser un sentiment d’identité européenne chez les citoyens des différents États membres et rendrait l’aide financière offerte par l’Union à ses citoyens beaucoup plus visible. Afin de faciliter la mise en œuvre de projets transfrontières, les bonnes pratiques et les modèles de réussite pour la période de financement actuelle (2014-2020) devraient être maintenus et partagés entre les États membres.

5.   Observations particulières et exigences concernant le règlement proposé

5.1.

Le CESE estime qu’il importe de viser, à titre d’objectifs spécifiques (10) pour le FSE+, un niveau élevé de financement pour les domaines d’action qui sont essentiels pour l’avenir de l’Europe et de sa population, à savoir notamment:

des emplois de qualité pour les jeunes,

des initiatives en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes,

l’inclusion et l’emploi des groupes vulnérables, tels que les personnes handicapées et les migrants,

l’accès à l’apprentissage tout au long de la vie, compte tenu de la mutation rapide et de la numérisation du marché du travail,

un renforcement des services publics d’intérêt général, sachant qu’ils contribuent à une meilleure qualité de vie et à un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée,

un renforcement des capacités des administrations publiques, des partenaires sociaux et des autres OSC afin de garantir une meilleure gouvernance, notamment de la gestion des fonds.

5.2.

Compte tenu du rôle croissant de l’économie sociale dans la dimension sociale de l’Union européenne, le CESE considère aussi que le soutien aux activités d’économie sociale devrait devenir un objectif distinct au sein du FSE+ (11). Les mesures envisagées devraient se concentrer sur l’ensemble de l’économie sociale, dans toute la diversité qu’elle présente dans les différents États membres. La Commission est invitée à collaborer avec les États membres afin de promouvoir un écosystème favorable à l’économie sociale.

5.3.

Le CESE se félicite de la proposition de la Commission de définir de nouveaux indicateurs pour l’allocation des fonds pour des questions telles que le chômage des jeunes, les faibles niveaux d’éducation, le changement climatique et l’accueil et l’intégration des migrants, de façon à mieux tenir compte de la situation économique et sociale des régions et des territoires en Europe et de les aligner sur le tableau de bord social du socle européen des droits sociaux. Néanmoins, le système actuel de répartition des fonds reste essentiellement basé sur le PIB (12).

5.4.

Le CESE estime qu’il importe au plus haut point d’améliorer la corrélation entre le FSE+ et les recommandations par pays du semestre européen. En même temps, il se dit préoccupé par le fait que des conditions strictes pourraient être appliquées. Il souligne par conséquent que cette corrélation devrait faire l’objet d’une négociation entre les autorités nationales et européennes, avec la participation pleine et active des partenaires sociaux et des autres organisations de la société civile (13), dès lors qu’il importe de garantir une stratégie à moyen terme comme à long terme.

5.5.

Le CESE souligne l’importance de maintenir le FSE+ dans le champ d’application de la politique de cohésion économique, sociale et territoriale, compte tenu de la forte complémentarité entre la croissance, les objectifs en matière d’emploi et l’inclusion sociale. La valeur ajoutée du FSE+ par rapport à l’action des États membres est liée aux besoins territoriaux et à son intégration avec d’autres Fonds structurels en vue de réaliser des initiatives cohérentes et globales au niveau local. Dans ce cadre, la dimension locale/régionale est essentielle pour la programmation et la mise en œuvre d’interventions sur mesure.

5.6.

Le CESE se félicite de l’obligation qui est imposée aux États membres de faire participer de manière appropriée les partenaires sociaux et les autres organisations de la société civile à la mise en œuvre des politiques soutenues par le FSE+ et d’allouer un montant approprié de ressources du FSE+ au renforcement des capacités et aux actions communes. Ce dispositif devrait inclure une approche spécifique pour le développement des capacités des partenaires sociaux, en conformité avec la déclaration quadripartite de 2016 sur «Un nouveau départ pour un dialogue social fort», et faire en sorte que les autorités de gestion allouent les ressources, en fonction des besoins, sous la forme de formations, de mesures de mise en réseau et d’un renforcement du dialogue social, ainsi qu’aux activités menées conjointement par les partenaires sociaux (14).

5.7.

En vue d’encourager la participation adéquate des autres organisations de la société civile à l’action soutenue par le FSE+, notamment dans les domaines de l’inclusion sociale, de l’égalité entre les hommes et les femmes et de l’égalité des chances, les autorités de gestion doivent assurer l’allocation d’un montant approprié de ressources du FSE+ au renforcement des capacités de ces organisations.

5.8.

Il y a lieu que les États membres fassent pleinement usage de l’article 17 du code de conduite européen en matière de partenariat (CCEP). Sachant que les accords de partenariat et les programmes opérationnels résultent de négociations entre la Commission européenne et les autorités nationales, la Commission pourrait se montrer plus exigeante au moment d’approuver ces accords et elle devrait en réclamer la révision s’ils ne respectent pas pleinement les obligations découlant du principe de partenariat (15). En outre, pour la nouvelle période 2021-2027, le CCEP devrait être révisé et le rôle des partenaires sociaux et des autres organisations de la société civile clairement défini. Le CESE appuie la révision de la composition du comité du FSE+, selon les modalités décrites à l’article 40, paragraphe 2, du règlement, et conformément à l’article 6, paragraphe 1, point c), du règlement portant dispositions communes et dans le respect des principes du code de conduite européen en matière de partenariat (CCEP). L’article 40, paragraphe 2, devrait donc préciser que chaque État membre désigne pour participer au comité du FSE+ un représentant du gouvernement, un représentant des organisations de travailleurs, un représentant des organisations d’employeurs et un représentant de la société civile.

5.9.

La Commission devrait préciser les attentes minimales auxquelles les autorités des États membres seront tenues de satisfaire dans le cadre de la mise en œuvre du partenariat, y compris pour ce qui est des sanctions en cas de mise en œuvre insuffisante. Tout cas de non-respect, par un État membre, du code de conduite européen en matière de partenariat devrait être pénalisé par un éventail de mesures, allant jusqu’à la suspension des paiements pour les manquements les plus graves, tel qu’il prévu dans les orientations relatives aux Fonds structurels et d’investissement européens (16).

5.10.

Les comités de suivi devraient fonctionner de manière plus transparente et constructive, et exercer des fonctions spécifiques de pilotage. Il y a lieu que les partenaires sociaux et les OSC soient considérés comme des partenaires égaux et, en conséquence, comme des membres de plein droit des comités de suivi ayant le droit de voter. Les actions de suivi devraient également veiller à ce que tous les fonds soient utilisés en cohérence avec la charte des droits fondamentaux et les normes internationales en matière de droits de l’homme, notamment la convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant (CNUDE) et la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (CNUDPH), ratifiées par l’Union européenne et 27 de ses États membres. En outre, ce suivi devrait également évaluer les progrès accomplis dans la réalisation des mesures d’inclusion sociale, et non pas se limiter à appliquer un jeu établi d’indicateurs quantitatifs (17).

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Voir par exemple l’avis du CESE sur le cadre financier pluriannuel après 2020 (JO C 440 du 6.12.2018, p. 106).

(2)  Voir JO C 237 du 6.7.2018, p. 8.

(3)  Commission européenne, Rapport conjoint sur l’emploi 2017.

(4)  Eurostat et données statistiques de l’Union européenne sur le revenu et les conditions de vie (EU-SILC). Ce paragraphe ainsi que d’autres paragraphes du présent document reprennent les positions exprimées par le CESE dans son rapport d’information relatif au suivi de l’avis SOC/537, qui a été transmis à la Commission européenne après avoir été adopté par le CESE lors de sa 534e session plénière, tenue les 18 et 19 avril 2018. Ce rapport d’information reprend fréquemment des éléments de l’avis figurant au JO C 173 du 31.5.2017, p. 15.

(5)  L’avis du CESE relatif au programme Erasmus (voir page 194 du présent Journal officiel) recommande de garder l’intitulé «Erasmus+».

(6)  Voir le rapport final concernant l’étude Study on the monitoring and evaluation systems of the ESF (Étude sur les systèmes d’évaluation et de suivi du FSE), CONTRACT NO VC/2017/0131, Implementing Framework Contract No. VC/2013/0017, p. 50.

(7)  Voir l’initiative lancée par le Forum européen de la jeunesse: https://www.youthforum.org/sites/default/files/2018-07/_ESF%2B%20data%20analysis_website.pdf

(8)  Voir JO C 173 du 31.5.2017, p. 15.

(9)  Ibidem, et «Suivi de l’avis SOC/537».

(10)  Voir les articles 3 et 4 du règlement proposé.

(11)  Voir l’article 4 du règlement proposé.

(12)  Voir l’article 4 du règlement proposé.

(13)  Voir l’article 7 du règlement proposé.

(14)  Voir l’article 8 du règlement proposé.

(15)  Voir l’article 4 du règlement proposé.

(16)  Voir l’article 34 du règlement proposé.

(17)  Voir les articles 38 et 39 du règlement proposé.


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/173


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la protection du budget de l’Union en cas de défaillance généralisée de l’état de droit dans un État membre»

[COM(2018) 324 final — 2018/0136 (COD)]

(2019/C 62/28)

Rapporteur:

Jukka AHTELA

Consultation

Commission européenne, 18.6.2018

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section spécialisée

26.9.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

156/2/7

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite de la proposition de règlement formulée par la Commission établissant un nouvel outil qui permettrait de prendre des mesures correctives d’ordre économique à l’égard des États membres qui commettent des violations graves et persistantes des valeurs visées à l’article 2 du traité sur l’Union européenne (TUE). Le CESE relève que la Commission dispose déjà de compétences similaires pour adopter des mesures correctives afin d’encourager le respect des règles de la bonne gouvernance économique (1), et se déclare en faveur de la proposition d’élaborer des mesures correctives afin de protéger l’état de droit. À cet égard, le CESE se félicite du recours au vote à la majorité qualifiée inversée aux fins de l’adoption au sein du Conseil de l’acte d’exécution relatif aux mesures appropriées à prendre proposé par la Commission en vertu du règlement à l’examen.

1.2.

Le CESE fait valoir toute l’importance du respect de l’état de droit pour les citoyens européens, tout comme pour les initiatives, l’innovation et les investissements réalisés par les entreprises. Il recommande toutefois de modifier la proposition à l’examen afin d’y inclure une notion plus large de l’état de droit qui comprenne la protection des droits fondamentaux et les garanties qui protègent la démocratie pluraliste. L’état de droit n’est que l’une des valeurs sur lesquelles se fonde l’Union européenne, comme l’énonce l’article 2 du TUE. Il se manifeste concrètement dans le cadre de la relation triangulaire d’interdépendance, d’indissociabilité qu’il entretient avec les droits fondamentaux et la démocratie. Seule la garantie de ces trois valeurs, prises conjointement les unes avec les autres, permet de prévenir les abus de pouvoir de l’État.

1.3.

Le CESE convient que le respect effectif de l’état de droit est une condition indispensable pour que les citoyens aient confiance en l’assurance que les dépenses de l’Union dans les États membres sont suffisamment protégées. Le CESE se félicite que la proposition renforcera encore la protection des intérêts financiers de l’Union européenne. Toutefois, le CESE demande instamment que le mécanisme proposé par la Commission soit automatiquement déclenché dans le cas où une défaillance généralisée de l’état de droit menacerait de porter atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne.

1.4.

En outre, le CESE est d’avis que le principal objectif de la proposition devrait consister à protéger les valeurs visées à l’article 2 du TUE par le truchement de la protection des finances de l’Union européenne. Par conséquent, le CESE recommande de modifier la proposition de manière à habiliter la Commission à proposer un acte d’exécution en vertu du règlement lorsque pèse une menace sérieuse, persistante et systématique sur l’état de droit, les droits fondamentaux ou encore les normes qui garantissent une démocratie pluraliste, sachant qu’une telle situation, de par sa nature même, pourrait constituer un risque immédiat pour les intérêts financiers de l’Union européenne.

1.5.

Le CESE encourage la Commission à continuer de développer, à titre de mesure préventive, des voies pour le débat politique sur les valeurs visées à l’article 2 du TUE dans les États membres. Le CESE presse dès lors la Commission de proposer de créer un système de contrôle périodique et indépendant de l’application desdites valeurs dans les États membres, dans le droit fil des propositions qu’ont formulées antérieurement le CESE et le Parlement européen.

1.6.

Le CESE recommande qu’il soit lui-même inclus parmi les organismes que la Commission tiendra informés des mesures proposées ou adoptées en vertu du texte législatif à l’examen, et qu’il soit nommément cité parmi les sources pertinentes d’information aux fins du constat par la Commission de l’existence d’une défaillance grave de l’état de droit. Le CESE pourrait ainsi apporter une contribution significative et efficace à la protection des valeurs visées à l’article 2 du TUE et garantir que la société civile ait voix au chapitre.

2.   Introduction et vue d’ensemble de la proposition

2.1.

La proposition de la Commission à l’examen entend protéger le budget de l’Union en cas de défaillance généralisée de l’état de droit dans les États membres. La Commission justifie sa proposition en invoquant la nécessité de protéger les intérêts financiers de l’Union en exigeant des États membres qu’ils maintiennent des sauvegardes suffisamment solides s’agissant de la manière de gérer et de dépenser les fonds de l’Union européenne. Dès à présent, les États membres ont l’obligation de prouver qu’ils ont réellement mis en place des institutions et des procédures de sauvegarde de manière à garantir l’efficacité et la légalité de la dépense des fonds de l’Union européenne. Il n’est toutefois pas possible de garantir le fonctionnement correct de ces mécanismes nationaux de vérification en l’absence d’une supervision qui prend la forme d’un pouvoir judiciaire, d’un parquet et d’organismes d’enquête de lutte contre la fraude et la corruption, tous caractérisés par leur indépendance.

2.2.

La proposition de la Commission permettrait de suspendre ou de corriger des paiements, d’interdire de conclure de nouveaux engagements juridiques, de réduire des engagements ou d’interrompre les délais de paiement, afin de réagir à la manifestation de défaillances généralisées de l’état de droit. Ces dispositions s’appliqueront à tous les fonds de l’Union. La Commission peut établir le constat de l’existence de défaillances généralisées de l’état de droit notamment dans les cas suivants: la mise en péril de l’indépendance du pouvoir judiciaire; le fait de ne pas prévenir ou corriger et sanctionner les décisions arbitraires ou illégales d’autorités publiques; le retrait à des autorités publiques de ressources financières et humaines perturbant leur bon fonctionnement; l’absence de toute mesure en vue d’éviter les conflits d’intérêts entre autorités publiques; la limitation par l’État de la disponibilité et de l’efficacité de voies de recours.

2.3.

Selon la proposition à l’examen, les défaillances visées précédemment pourraient donner lieu à des mesures correctives dès lors qu’elles risquent d’affecter la bonne gestion financière et la protection des intérêts financiers de l’Union, en empêchant: les autorités nationales d’exécuter le budget de l’Union européenne; les enquêtes ou la répression de la fraude et de la corruption; le contrôle juridictionnel effectif des autorités nationales; la prévention de la fraude et de la corruption et l’imposition de sanctions effectives et dissuasives; le recouvrement de fonds indûment versés; la coopération effective et en temps utile aux enquêtes de l’Office européen de lutte antifraude et aux poursuites du Parquet européen.

3.   Observations générales

3.1.

Comme le pose l’article 2 du traité sur l’Union européenne, cette dernière est fondée sur les valeurs communes à ses États membres, dont notamment l’état de droit. Le respect de l’état de droit permet également de garantir la sécurité juridique et des conditions de concurrence équitables pour les activités des entreprises, l’innovation, l’investissement, et d’assurer une concurrence loyale sur l’ensemble du marché intérieur dans l’intérêt des consommateurs et des citoyens. Il s’agit là d’une condition indispensable pour établir la confiance mutuelle nécessaire au fonctionnement sans accroc de l’Union européenne. Violer l’état de droit entrave un développement équilibré sur le plan économique et social et conforme aux objectifs de développement durable, qui constitue l’élément moteur qui permet à l’Union européenne et à ses gouvernements de poursuivre l’objectif primordial de l’Union «de promouvoir la paix, ses valeurs et le bien-être de ses peuples», comme le pose l’article 3 du TUE.

3.2.

Le CESE déplore que les traités sur l’Union européenne ne prévoient pas de manière explicite l’obligation pour les États membres de continuer à satisfaire aux critères de Copenhague après leur adhésion (2). Le CESE relève que les institutions de l’Union européenne ne disposent pas d’instruments suffisamment robustes et bien adaptés qui soient à même de protéger à l’heure actuelle contre les menaces qui pèsent à l’heure actuelle sur l’état de droit, les droits fondamentaux et la démocratie pluraliste dans les États membres.

3.3.

L’état de droit se caractérise par son interdépendance et son indissociabilité des garanties qui protègent la démocratie pluraliste et le respect des droits fondamentaux. Il garantit que les gouvernements se conforment aux normes des droits fondamentaux et la démocratie pluraliste garantit que les gouvernements mènent des politiques qui font progresser le bien-être de leurs peuples. En soi, préserver l’état de droit ne garantit pas que la législation respecte les droits fondamentaux ni qu’elle soit élaborée conformément à une procédure inclusive et légitime qui se fonde sur un débat public et la participation de citoyens bien informées, pluralistes et équilibrées. Afin d’éviter une simple «administration par le droit», il est nécessaire de veiller au respect des droits fondamentaux et des normes de la démocratie pluraliste en sus de celui de l’état de droit.

3.4.

La Commission qualifie la proposition de règlement à l’examen de moyen de protéger le budget de l’Union européenne et partant, de protéger l’état de droit. Le CESE convient que le respect effectif de l’état de droit est une condition indispensable à l’assurance que les dépenses de l’Union dans les États membres sont suffisamment protégées. Toutefois, le CESE considère davantage la proposition à l’examen comme un instrument possible pour protéger l’ensemble des valeurs visées à l’article 2 du TUE par le truchement du budget de l’Union européenne.

3.5.

Le CESE souligne qu’il importe de prouver aux citoyens de l’Union que l’administration des Fonds de cette dernière est exempte de toute corruption et s’effectue conformément au droit de l’Union européenne. Il importe tout autant que l’Union protège les valeurs sur lesquelles elle se fonde et qui ont été proclamées pour le bien de ses citoyens. En vertu de ce règlement, il convient d’habiliter la Commission à agir dès que les valeurs visées à l’article 2 du TUE sont menacées de manière grave, systématique et persistante, car cette menace, de par sa nature même, pourrait constituer un risque immédiat pour les finances de l’Union européenne.

3.6.

Récemment, des résolutions du Parlement européen et des déclarations de la Commission européenne et de la présidence du Conseil ont mis en relief les menaces croissantes qui pèsent au sein de l’Union européenne sur l’état de droit, les droits fondamentaux et les normes de la démocratie pluraliste. Alors que la situation qui prévaut dans certains États membres jette les défis les plus aigus, l’autoritarisme populiste, qui est contraire aux valeurs fondatrices de l’Union européenne et souvent opposé à l’Union elle-même, continue de gagner en puissance dans l’ensemble des États membres.

3.7.

Le CESE relève les lacunes des instruments dont les institutions de l’Union disposent à l’heure actuelle afin de protéger les valeurs visées à l’article 2 du TUE. Les procédures d’infraction tendent à s’appliquer trop étroitement en ce qu’elles s’attachent à des questions juridiques de caractère technique pour prévenir ou parer des attaques concertées contre l’état de droit. Si l’article 7 du TUE permet au Conseil de réagir de manière globale à des mesures qui visent à saper l’état de droit, il s’est avéré extrêmement difficile de fédérer une volonté politique suffisante pour déclencher cette procédure.

3.8.

Pour ce qui est du cadre pour l’état de droit, bien qu’il soit plus aisé à déclencher que l’article 7, il demeure une procédure non contraignante, dont on peut douter de l’efficacité lorsque l’on a affaire à des gouvernements nullement disposés à coopérer de bonne foi avec la Commission. En outre, les seuils nécessaires pour déclencher les procédures prévues par le cadre pour l’état de droit et l’article 7 sont si élevés qu’au moment où l’on utilise ces instruments, les défaillances dans l’application des valeurs visées à l’article 2 du TUE sont devenues extrêmement graves et de ce fait, plus difficiles encore à résoudre.

3.9.

Au vu de l’acuité croissance des défis et de l’absence d’outils appropriés et efficaces, le CESE demande à la Commission européenne de poursuivre de manière encore plus pressante le débat politique sur la manière dont l’Union européenne peut mieux protéger les valeurs visées à l’article 2 du TUE, ainsi que de concevoir des instruments supplémentaires pour protéger l’état de droit, les droits fondamentaux et les garanties de la démocratie pluraliste.

3.10.

Le CESE fait état de son avis sur le «Mécanisme européen de contrôle du respect de l’état de droit et des droits fondamentaux», par lequel il approuve la création à l’échelon de l’Union européenne d’un mécanisme pour surveiller le respect de l’état de droit et des droits fondamentaux au moyen d’un suivi indépendant et d’un dialogue réguliers entre les États membres et les institutions de l’Union (3).

3.11.

Le CESE réaffirme sa position selon laquelle la création d’un tel mécanisme de prévention, comme proposé par le Parlement européen, complèterait les instruments existants dont dispose l’Union européenne pour protéger les valeurs visées à l’article 2 du TUE (4). La création d’un mécanisme de prévention permettrait de discerner les lacunes dans l’application desdites valeurs lorsqu’elles se manifestent à l’échelon national et d’y remédier à un stade précoce.

3.12.

Le CESE propose une mesure supplémentaire consistant à établir à l’échelon européen une plate-forme ou un forum annuel de la société civile, auxquels il participerait, en premier lieu pour permettre aux décideurs de l’Union européenne de pouvoir être alertés de manière précoce par les organisations de terrain des atteintes à l’article 2 du TUE dès que celles-ci se profilent, et en second lieu, pour faciliter l’apprentissage mutuel et la collaboration transnationale des organisations de la société civile qui œuvrent avant tout à l’échelon national.

3.13.

Il importe que l’Union européenne envisage les manières de soutenir les organisations de la société civile et les médias qui suivent les problèmes qui touchent l’article 2 dès qu’ils se profilent, et qui en rendent compte. Le CESE estime qu’un instrument de financement destiné à soutenir les organisations de la société civile qui promeuvent les valeurs posées par l’article 2 du TUE au sein des États membres complèterait grandement la proposition à l’examen, en permettant de rallier sur le terrain des soutiens à ces valeurs auprès du grand public. À cet égard, le CESE invite à se reporter à son avis en rapport relatif aux propositions d’un nouveau Fonds pour la justice, les droits et les valeurs (5) et demande au Conseil et au Parlement européen d’accroître substantiellement les ressources allouées à ce Fonds dans le cadre de leur décision sur le cadre financier pluriannuel après 2020.

4.   Observations spécifiques

4.1.

Le CESE estime qu’il est crucial de disposer d’un contrôle juridictionnel effectif par des juridictions indépendantes des actes ou des omissions des autorités publiques, mais pas uniquement à la seule fin de garantir une dépense efficace des fonds de l’Union européenne conformément au droit de l’Union. Il s’agit aussi du seul moyen de garantir à tous les citoyens de l’Union européenne une protection efficace de leurs droits qui découlent du droit de l’Union, ainsi que l’uniformité de l’interprétation de ce dernier dans l’ensemble des États membres, dont le marché commun et l’espace de liberté, de sécurité et de justice sont tributaires.

4.2.

Le CESE approuve le recours au vote à la majorité qualifiée inversée pour adopter au sein du Conseil l’acte d’exécution relatif aux mesures appropriées à prendre. Cette méthode permettra de prendre des mesures de manière objective dès lors que la Commission estime qu’un État membre subit des déficiences généralisées et de minimiser ainsi le risque d’inaction ou de partialité politique qui pourrait intervenir lorsqu’un vote au Conseil est requis.

4.3.

Le CESE comprend les problèmes que peut engendrer l’énumération de davantage de critères détaillés en vue de déterminer l’existence de défaillances généralisées. Néanmoins, il se demande si l’introduction de tels critères détaillés ne permettrait pas renforcer la proposition à l’examen. Établir des critères plus détaillés pourrait contribuer à s’assurer que des allégations de partialité ou d’un manque d’objectivité ne viennent pas saper la légitimité de la décision de la Commission. Une fois adoptée la proposition à l’examen, on pourrait inclure de tels critères sous la forme de lignes directrices élaborées par la Commission, qui pourraient s’inscrire dans le prolongement des critères de la Commission elle-même établis par le cadre pour l’état de droit et de la liste des critères de l’état de droit de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise).

4.4.

Le CESE a fait valoir l’interdépendance de l’état de droit, de la démocratie et des droits fondamentaux, comme le constate l’article 2 de la proposition de la Commission. En sus d’un surcroît de critères détaillés de l’état de droit, la proposition à l’examen devrait également prévoir des critères qui permettent à la Commission de déterminer l’existence d’une menace grave, systématique et persistante pesant sur le respect des droits fondamentaux ou les garanties de la démocratie pluraliste. Dès lors que la situation qui prévaut au sein d’un État membre répond à ces critères, il convient également d’habiliter la Commission à adopter des mesures correctives en vertu du règlement à l’examen.

4.5.

Le CESE note que la Commission prendra en compte toute information pertinente, notamment les décisions de la Cour de justice, les rapports de la Cour des comptes et les conclusions et recommandations formulées par les organisations internationales concernées. Certains organes de surveillance du Conseil de l’Europe, tels que la Commission de Venise et le Groupe d’États contre la corruption (GRECO), jouent un rôle important dans le suivi de l’état de droit dans les États membres. La Commission de Venise a publié plusieurs avis relatifs à l’état de droit dans un certain nombre d’États membres de l’Union européenne et le GRECO publie périodiquement des recommandations à l’intention des États membres. De même, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), les médiateurs nationaux et les associations de juges et les réseaux judiciaires établissent régulièrement des rapports sur le fonctionnement des mécanismes nationaux judiciaires de lutte contre la corruption et la fraude.

4.6.

D’autres organismes internationaux suivent et évaluent périodiquement l’application dans les États membres des normes relatives aux droits fondamentaux et aux garanties de la démocratie pluraliste, notamment l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, la Cour européenne des droits de l’homme, le Conseil des droits de l’homme et les organes conventionnel de protection des droits de l’homme des Nations unies. En outre, des organisations indépendantes de la société civile constituent aussi des sources fiables d’informations et d’analyses. Mentionner expressément ces entités dans la proposition à l’examen permettrait de reconnaître le rôle spécial qui leur incombe dans la sauvegarde des valeurs énoncées à l’article 2 du TUE.

4.7.

En outre, le CESE, en tant qu’institution représentative de la société civile de l’Union européenne, estime que ses propres analyses et observations présentent un intérêt tout particulier pour la Commission lorsque celle-ci établit le constat de l’existence de défaillances graves de l’état de droit dans un État membre donné, tant en vertu du règlement à l’examen que d’autres instruments. À cet égard, le CESE attire l’attention de la Commission sur le groupe d’étude sur les droits fondamentaux et l’état de droit qu’il a mis en place, et qui s’attachera tout particulièrement à la protection des valeurs visées à l’article 2 du TUE.

4.8.

Inclure le CESE parmi les organismes que la Commission tiendra informés des mesures proposées ou adoptées en vertu du texte législatif à l’examen, ainsi que parmi les sources pertinentes d’information aux fins du constat par la Commission de l’existence d’une défaillance grave de l’état de droit, permettrait au CESE d’apporter une contribution significative et efficace à la protection des valeurs visées à l’article 2 du TUE et de garantir que la société civile ait voix au chapitre.

4.9.

Le CESE souscrit pleinement à l’objectif de la Commission de faire retomber le poids des conséquences du déclenchement du mécanisme proposé sur les épaules de ceux qui sont responsables des lacunes constatées et non sur les bénéficiaires individuels des fonds de l’Union européenne, tels que les étudiants Erasmus, les chercheurs ou les organisations de la société civile (6).

4.10.

Le CESE note que d’après la proposition, si des mesures sont prises, l’État membre concerné n’en conserve pas moins sa compétence d’attribuer les fonds en question. Le CESE estime que cette situation, toute raisonnable qu’elle soit sur le plan juridique, ne permettra guère en pratique d’empêcher un État membre de refuser d’attribuer les fonds en question et de reporter la réprobation sur la Commission pour en retirer des avantages politiques. Comme il est peu probable que le grand public discerne les finesses des mécanismes de la législation de l’Union, les États membres seraient capables d’établir un lien direct entre les coupes dans les financements et la décision de la Commission. Il en résulterait une situation où la Commission pourrait être dissuadée de prendre des mesures à l’encontre d’un État membre du fait des possibles levées de bouclier dans l’opinion publique. Ce risque se présente tout particulièrement dans les États membres dont le gouvernement contrôle ou influence les médias publics et privés, ce qui est souvent le cas dans les États membres qui connaissent des défaillances graves de l’état de droit.

4.11.

Le CESE encourage la Commission à étudier des solutions afin d’atténuer le risque que des bénéficiaires individuels ne subissent des conséquences négatives et que des mesures prises en vertu du règlement à l’examen ne soient sapées, afin d’en tirer un profit politique, par les gouvernements qui violent les valeurs visées à l’article 2 du TUE. La Commission pourrait envisager d’autres voies pour s’assurer que les Fonds de l’Union européenne parviennent aux bénéficiaires auxquels ils sont destinés. À cette égard, une possibilité pourrait consister à créer une agence exécutive qui reprendrait la gestion directe des fonds concernés.

4.12.

S’agissant de mettre un terme à des défaillances généralisées dans l’optique de lever toute mesure prise en vertu du règlement à l’examen, le CESE fait valoir toute l’importance d’un dialogue ouvert entre l’État membre concerné et les institutions de l’Union, tel que le suggère la proposition. Les institutions et les États membres doivent prendre en compte les points de vue des organisations de la société civile sur la situation qui prévaut au sein de l’État membre concerné et sur le caractère approprié des mesures prises tant pour mettre un terme aux défaillances généralisées que pour éviter que ces dernières ne se reproduisent à l’avenir.

Bruxelles, le 18 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  JO L 347 du 20.12.2013, p. 320, article 23.

(2)  Établis par le Conseil de Copenhague en 1993.

(3)  JO C 34 du 2.2.2017, p. 8.

(4)  2015/2254(INL).

(5)  Avis SOC/599 (voir page 178 du présent Journal officiel) sur les documents COM(2018) 383 final et COM(2018) 384 final.

(6)  SWD(2018) 98 final, p. 16.


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/178


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le programme “Droits et valeurs”»

[COM(2018) 383 final — 2017/0207 (COD)]

et la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le programme “Justice”»

[COM(2018) 384 final — 2017/0208 (COD)]

(2019/C 62/29)

Rapporteur:

Jean-Marc ROIRANT

Consultation

Conseil européen, 21.6.2018

Commission européenne, 18.6.2018

Parlement européen, 14.6.2018

Base juridique

Article 81, paragraphes 1 et 2, article 82, paragraphe 1, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Article 16, paragraphe 2, article 19, paragraphe 2, article 21, paragraphe 2, et articles 24, 167, 168 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section spécialisée

26.9.2018

Adoption en session plénière

18.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

135/2/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite de la proposition de la Commission européenne, qui consiste en la fusion de programmes existants, en ce qu’elle constitue un instrument indispensable à la promotion des valeurs et de l’histoire de l’Union européenne, des droits fondamentaux, de la démocratie et de l’état de droit, ainsi qu’à la participation et au soutien d’une société civile dynamique et diverse et à l’engagement des communautés locales.

1.2.

Le CESE demande que l’on veille à assurer la cohérence, sur le plan des orientations stratégiques et du financement, entre les politiques intérieures et extérieures de l’Union européenne liées à son engagement en faveur des droits de l’homme et de la démocratie, et préconise un financement global de 1,4 milliard d’EUR, dont au moins 500 millions devraient être affectés au volet relatif à l’engagement et à la participation des citoyens.

1.3.

Le CESE est d’avis que le Fonds devrait s’appuyer sur une approche véritablement participative et ascendante, de manière à répondre aux défis qui se posent aujourd’hui à l’Union lorsqu’il s’agit de promouvoir les droits et les valeurs de l’Union européenne, de faire progresser la démocratie, de renforcer la confiance des citoyens vis-à-vis de l’Union en leur permettant de participer directement à la définition de son avenir, et de soutenir une société civile dynamique.

1.4.

Le CESE demande également que l’on recoure à des instruments de financement innovants pour pouvoir renforcer la participation et les capacités de la société civile à l’échelon local, national et transnational, par exemple au moyen d’une aide technique, d’actions préparatoires menées par des partenaires plus expérimentés ou de subventions en cascade, de façon à permettre différents niveaux de subventions ou une procédure de demande en deux étapes. Il demande qu’une partie des fonds soit spécifiquement affectée aux organisations de la société civile, à savoir au moins 50 % des différents volets.

1.5.

Le CESE salue la décision d’étendre la durée des subventions de fonctionnement sur une base pluriannuelle pour tous les programmes et volets du Fonds et insiste sur la nécessité de continuer à assurer la durabilité et la continuité des actions.

1.6.

Le CESE propose de donner au Fonds un nouvel intitulé, à savoir «Citoyens, droits et valeurs», et de rebaptiser «L’Europe pour les citoyens» le volet «Engagement et participation des citoyens» du programme «Droits et valeurs», de manière à assurer la cohérence avec les objectifs du Fonds, qui sont étroitement liés à la dimension de la citoyenneté et aux thèmes de l’émancipation, de la participation des détenteurs de droits, de la protection des victimes ainsi que de notre histoire et notre mémoire communes.

1.7.

Le CESE regrette que les actions liées à la liberté d’expression des médias, à leur pluralisme et à la nécessité de lutter contre les fausses informations et la désinformation ciblée aient été retirées de la version finale du programme «Droits et valeurs» et propose dès lors d’établir des synergies avec le programme «Europe créative», compte tenu de la pertinence de telles actions pour les valeurs de l’Union européenne et pour la promotion d’une société démocratique et pluraliste.

1.8.

Le CESE préconise d’étendre davantage l’appui financier au titre du programme «Justice» aux organisations de la société civile, de façon à couvrir les activités allant des actions de sensibilisation, d’apprentissage mutuel, d’échange, d’analyse et de suivi à celles de formation et de renforcement des capacités, et demande que la participation des organisations de la société civile au programme «Justice» fasse l’objet d’un suivi.

1.9.

Le CESE prend acte des travaux qu’entreprend actuellement la Commission en lien avec la mise en œuvre d’une action préparatoire proposée par le Parlement européen en vue de créer un fonds européen de soutien financier pour les litiges liés aux violations des normes démocratiques, de l’état de droit et des droits fondamentaux ciblant les organisations de la société civile, et demande que ces activités soient intégrées dans le programme «Justice».

1.10.

Le CESE estime que ce Fonds constitue un instrument important pour renforcer l’intégration des questions d’égalité entre les hommes et les femmes dans les politiques et le budget ainsi que la collecte de données ventilées par sexe. Il se félicite en particulier de l’inclusion de mesures visant à prévenir toutes les formes de violence à l’encontre des femmes, des enfants et des jeunes et à lutter contre celles-ci dans le programme «Droits et valeurs», et demande une plus grande cohérence et davantage de synergies avec les activités du programme «Justice» relatives aux droits des victimes et au respect de ces droits. Il demande également une ventilation par sexe des indicateurs de chacun des deux programmes.

1.11.

Le CESE se félicite de la proposition d’élargir le champ d’intervention des points de contact nationaux du programme «L’Europe pour les citoyens» aux différents volets du programme «Droits et valeurs», étant donné leur rôle efficace de liaison avec les bénéficiaires potentiels sur le terrain et de soutien à ces derniers. Il demande que les entités désignées soient indépendantes de leur gouvernement national et aient une connaissance approfondie des besoins du secteur de la société civile et des acteurs locaux. Il réclame un financement adéquat, l’élaboration de lignes directrices concernant le rôle et les tâches de ces points de contact, des moyens d’accroître la visibilité du programme, ainsi que l’organisation de formations.

2.   Description de la proposition

2.1.

L’avis du CESE porte sur le Fonds pour la justice, les droits et les valeurs, qui comprend deux propositions distinctes de règlement du Parlement européen et du Conseil, l’une établissant le programme «Justice» et l’autre le programme «Droits et valeurs», qui poursuivent des objectifs complémentaires pour la période 2021-2027.

2.2.

Le Fonds a pour but de soutenir des sociétés ouvertes, démocratiques, pluralistes et inclusives, ainsi que de donner des moyens d’action aux citoyens en protégeant et en promouvant les droits et les valeurs et en poursuivant la mise en place d’un espace européen de la justice, ce qui constitue une priorité essentielle dans le contexte actuel de l’Union européenne, caractérisé par la montée de l’extrémisme et du radicalisme, la polarisation croissante, les réformes qui mettent à l’épreuve l’état de droit et le rétrécissement de l’espace civique.

2.3.

Afin de promouvoir les valeurs et les droits européens, tels qu’ils sont consacrés dans les articles 2 et 3 du traité sur l’Union européenne (TUE) et dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, le Fonds regroupe plusieurs instruments existants, à savoir les programmes «Droits, égalité et citoyenneté», «L’Europe pour les citoyens» et «Justice», en vue de surmonter la fragmentation, de combler les lacunes actuelles et de relever les nouveaux défis, et notamment la confiance des citoyens dans la démocratie et le soutien à la défense des valeurs et des droits fondamentaux.

2.4.

Outre la promotion de l’égalité et des droits et la lutte contre les violences, la proposition de programme «Droits et valeurs» vise à soutenir une société civile dynamique, encourager la participation démocratique et sociale des citoyens et favoriser la riche diversité de la société européenne, qui se fonde sur notre histoire et notre mémoire communes. Elle fait notamment suite aux appels en faveur d’un fonds européen pour la démocratie, les valeurs et les droits humains lancés par le CESE (1), par le Parlement européen (2) et par un réseau de 80 organisations non gouvernementales issues de 22 pays (3).

2.5.

Le programme «Justice» s’appuie sur les articles 81 et 82 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), relatifs à la coopération judiciaire dans les affaires civiles et pénales, tandis que le programme «Droits et valeurs» repose sur une combinaison de différents articles du TFUE: l’article 16, paragraphe 2, sur la protection des données, l’article 19, paragraphe 2, sur la lutte contre les discriminations, l’article 24 sur le soutien aux initiatives citoyennes européennes, l’article 167 sur la culture et le patrimoine culturel, l’article 168 sur la promotion d’un niveau élevé de protection de la santé humaine et de prévention, ainsi que l’article 21, paragraphes 1 et 2, sur le droit des citoyens à la libre circulation.

2.6.

Les deux programmes seront dotés des ressources suivantes: 305 millions d’EUR pour le programme «Justice» et 642 millions d’EUR pour le programme «Droits et valeurs», dont 233 millions seront affectés à l’engagement et à la participation des citoyens et 408 millions aux volets «Égalité et droits» et «Daphné».

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE accueille favorablement la proposition de la Commission européenne, qu’il considère comme un instrument indispensable pour promouvoir avec efficacité les droits de l’homme, la démocratie, l’état de droit, le respect des minorités, les droits des groupes victimes de discriminations et d’exclusion et des personnes défavorisées, comme les personnes handicapées et la communauté rom, ainsi que la participation d’une société civile diverse et dynamique, le soutien à cette dernière et le renforcement de ses capacités, tels qu’ils sont consacrés dans les traités de l’Union, dans la charte des droits fondamentaux et dans les traités internationaux sur les droits de l’homme approuvés par l’Union européenne et les États membres, comme la convention relative aux droits des personnes handicapées.

3.2.

Le CESE apprécie les efforts déployés par la Commission pour renforcer le respect des valeurs visées à l’article 2 du TUE, et salue, à cet égard, la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la protection du budget de l’Union en cas de défaillance généralisée de l’état de droit dans un État membre, telle que présentée par la Commission. Cette proposition complète les propositions à l’examen sur les programmes «Justice» et «Droits et valeurs», et permettra d’exercer une pression économique sur les États membres qui commettent des violations graves et répétées des valeurs consacrées à l’article 2 du TUE. Si la première de ces deux propositions vise à protéger l’état de droit en exerçant une pression par le haut, la seconde doit permettre de protéger celui-ci et les autres valeurs visées audit article 2 en éveillant le soutien de l’opinion publique sur le terrain. Le CESE renvoie à cet égard à son avis connexe sur «le budget de l’Union et l’état de droit» (4).

3.3.

Le CESE déplore que le Fonds s’appuie exclusivement sur des programmes existants ayant permis d’engranger des résultats positifs, et estime qu’il doit être élargi et déployé à plus grande échelle pour répondre aux réalités nouvelles au sein de l’Union européenne, gagner en visibilité et faire en sorte que les valeurs énoncées à l’article 2 du TUE soient promues et protégées intégralement.

3.4.

Le CESE appelle à garantir la cohérence, sur le plan des orientations stratégiques et du financement, entre les politiques intérieures et extérieures de l’Union européenne liées à son engagement en faveur des droits de l’homme et de la démocratie. Dans ce contexte, il rappelle les conclusions du Conseil relatives au plan d’action en faveur des droits de l’homme et de la démocratie, dans le cadre duquel l’Union s’est engagée à intensifier ses efforts pour promouvoir un environnement sûr et propice permettant à la société civile et aux médias indépendants de prospérer (5).

3.5.

Le CESE se félicite de la base juridique proposée aussi bien pour le programme «Droits et valeurs» que pour le programme «Justice», étant donné qu’elle permet au Parlement européen et au Conseil de l’Union européenne d’être associés sur un pied d’égalité au processus décisionnel dans un domaine qui revêt une importance fondamentale pour les citoyens et la société civile dans son acception la plus large. Il considère cependant que cette base juridique devrait offrir une marge de manœuvre suffisante sur le plan des domaines thématiques et du soutien à la société civile à tous les niveaux, et propose que la possibilité d’inclure une référence à l’article 11, paragraphes 1 et 2, du TUE soit envisagée.

3.6.

Le CESE estime que le budget proposé est extrêmement faible au regard des défis actuels qui se posent à l’Union européenne dans ce domaine, qui revêt une importance capitale pour les sociétés européennes, et préconise (6) un financement global d’au moins 1,4 milliard d’EUR (7), dont au moins 500 millions devraient être affectés au volet relatif à l’engagement et à la participation des citoyens.

3.7.

Le CESE prend également acte des évaluations positives des programmes qui ont été intégrés au Fonds et souligne que la disponibilité limitée des fonds, conjuguée à la demande élevée pour le programme «L’Europe pour les citoyens» et pour le volet «Daphné» du programme «Droits et égalité», a suscité des frustrations parmi les candidats. Il déplore que malgré cela, la hausse proposée soit très limitée.

3.8.

Les noms du Fonds et des programmes devraient être modifiés pour les rendre plus cohérents avec l’intitulé du programme et ses objectifs, lesquels sont étroitement liés à la dimension citoyenne et à l’émancipation, à la participation des détenteurs de droits, à notre histoire et notre mémoire communes, ainsi qu’à la rubrique correspondante du cadre financier pluriannuel: «Investir dans le capital humain, la cohésion et les valeurs». Le CESE considère dès lors qu’il conviendrait de renommer le Fonds «Citoyens, droits et valeurs». En outre, le volet du programme «Droits et valeurs» ayant trait à l’engagement et à la participation des citoyens devrait être rebaptisé «L’Europe pour les citoyens», afin d’assurer la cohérence avec les intitulés des autres volets et d’assurer une meilleure visibilité.

3.9.

Afin de relever aussi les défis auxquels l’Union est actuellement confrontée s’agissant de promouvoir les droits et les valeurs européennes, de favoriser la démocratie, de renforcer la confiance des citoyens dans l’Union européenne grâce à leur participation directe à la construction de l’avenir de l’Europe, ainsi que de renforcer les capacités et de soutenir une société civile dynamique, le Fonds devrait reposer sur une approche véritablement ascendante et participative, dans laquelle les indications juridiques viendraient en appui de ces objectifs, plutôt que d’être à l’origine de leur définition. En outre, le soutien et le renforcement des capacités devraient couvrir les activités de la société civile indépendante, ainsi que des organisations à l’échelon local, régional, national et transnational qui promeuvent la mise en œuvre des valeurs de l’Union européenne et en assurent le suivi.

4.   Observations spécifiques

4.1.

Le CESE accueille favorablement l’inclusion, parmi les activités du programme, du soutien aux organisations de la société civile visant à encourager et faciliter la participation active à la construction d’une Union plus démocratique ainsi que la prise de conscience de ses droits et valeurs. Il considère cependant que cette activité devrait être soutenue par un objectif global qui devrait être intégré à l’article 4, point a), et consistant à «renforcer la capacité des organisations de la société civile à accroître la participation civique et démocratique». L’article 4, point b), devrait en outre indiquer explicitement que la promotion de la participation civique et démocratique des citoyens devrait être soutenue à l’échelon local, régional et national.

4.2.

Le CESE se félicite de l’attention continue portée à la prévention de toutes les formes de violence à l’encontre des femmes, des enfants et des jeunes et à la lutte contre celles-ci, que ce soit dans le cadre du programme «Droits et valeurs» ou en promouvant les voies de recours pour les victimes au titre du programme «Justice». Il constate que les personnes handicapées sont deux à cinq fois plus sujettes aux violences domestiques et prend acte de la hausse du nombre d’actes de violence à l’encontre des personnes âgées ainsi que des violences envers les migrants, la communauté rom et les minorités ethniques; il réclame des efforts supplémentaires et insiste sur la nécessité d’assurer une plus grande cohérence et davantage de synergies au sein des deux programmes du Fonds.

4.3.

Le CESE estime que ce Fonds offre une nouvelle occasion d’intégrer les questions d’égalité entre les hommes et les femmes dans les politiques et le budget et de collecter des données ventilées par sexe. De telles mesures permettent de promouvoir une plus grande égalité en analysant l’impact différent que produit le financement sur les femmes, les filles, les hommes et les garçons, ainsi qu’en fixant des objectifs et en allouant les fonds de manière plus efficace en vue de soutenir ces objectifs. Le Comité demande en particulier une ventilation par sexe des indicateurs du programme «Droits et valeurs».

4.4.

Le CESE insiste sur le caractère essentiel et unique des activités d’apprentissage mutuel et d’échange de bonnes pratiques parmi les communautés locales au sein du programme «L’Europe pour les citoyens» et préconise une implication plus étroite des citoyens dans les jumelages entre villes au moyen de partenariats, afin de renforcer la démarche ascendante qui sous-tend ces actions. Il prend acte en particulier de l’expérience positive que constitue le développement local mené par les acteurs locaux (8) lorsqu’il s’agit d’assurer la participation des communautés et acteurs locaux et le renforcement de leurs capacités.

4.5.

Le CESE se félicite des efforts constants qui sont déployés pour améliorer la compréhension de l’Union, de son histoire et de sa diversité culturelle. Il considère que, compte tenu de la montée de l’extrémisme et du radicalisme, les objectifs en la matière devraient explicitement inclure des activités commémoratives ainsi qu’une réflexion critique sur la mémoire historique.

4.6.

Le CESE regrette que les actions liées à la liberté d’expression des médias, à leur pluralisme et à la nécessité de lutter contre les fausses informations et la désinformation ciblée aient été retirées de la version finale du programme «Droits et valeurs». Compte tenu de l’importance de ces actions pour les valeurs de l’Union européenne et la promotion d’une société démocratique et pluraliste, il propose d’établir des synergies avec le programme «Europe créative».

4.7.

Le CESE préconise d’étendre davantage l’appui financier au titre du programme «Justice» à toutes ses activités, à savoir les actions de sensibilisation, d’éducation du public et de mobilisation, d’apprentissage mutuel, d’échange, d’analyse et de suivi, ainsi que la formation et le renforcement des capacités.

4.8.

Le CESE prend acte des travaux qu’entreprend actuellement la Commission en lien avec la mise en œuvre d’une action préparatoire proposée par le Parlement européen en vue de créer un fonds européen de soutien financier pour les litiges liés aux violations des normes démocratiques, de l’état de droit et des droits fondamentaux ciblant les organisations de la société civile, et demande que ces activités soient intégrées dans le programme «Justice».

4.9.

Les points de contact nationaux ont globalement fait la preuve de leur efficacité dans le soutien à l’approche ascendante du programme «L’Europe pour les citoyens», en assurant la liaison avec les bénéficiaires potentiels sur le terrain et en les soutenant. Le CESE accueille favorablement l’élargissement de leur rôle aux autres volets du programme «Droits et valeurs», tout en insistant sur la nécessité de garantir un financement adéquat et de désigner des entités qui soient indépendantes de leur gouvernement national et qui possèdent une connaissance approfondie du secteur de la société civile, des acteurs locaux et de leurs besoins. Il demande l’élaboration de lignes directrices sur l’indépendance, le rôle et les tâches de ces points de contact, y compris concernant la manière d’accroître la visibilité du programme et l’organisation de formations.

4.10.

Le CESE se félicite de l’inclusion, au sein du programme «L’Europe pour les citoyens», de réunions dans le cadre du dialogue civil, et estime qu’il conviendrait de maintenir de telles réunions et de les étendre à tous les volets du Fonds, pour permettre un échange approfondi sur les valeurs, les droits, la démocratie et l’état de droit, sur la base de l’article 11 du traité relatif au dialogue avec la société civile. Ces réunions devraient être ouvertes aux acteurs concernés autres que les bénéficiaires du programme et comprendre des discussions sur les priorités futures dudit programme.

4.11.

Le CESE accueille favorablement le fait que le financement de toutes les actions du programme sera géré de manière directe et indirecte et inclura à la fois des subventions de fonctionnement et des subventions à l’action. Il fait valoir que la disponibilité des petites subventions est essentielle pour garantir la participation et le soutien des organisations de la société civile aux différentes actions du Fonds, et en particulier pour conserver une approche ascendante, en s’adressant à des bénéficiaires aux niveaux national et local.

4.12.

Le CESE estime par ailleurs que le même mode de gestion directe des différents volets serait profitable au programme «Droits et valeurs» en ce qu’il assurerait une meilleure cohérence dans la mise en œuvre, et il relève en particulier l’évaluation positive de l’Agence exécutive «Éducation, audiovisuel et culture», sous la supervision de la Commission, pour ce qui est de la gestion des différents types de subventions, des modalités de financement, de l’utilisation des coûts simplifiés et du faible pourcentage d’erreurs.

4.13.

Le CESE demande que les programmes mettent en œuvre les nouvelles dispositions des règlements financiers les plus récents, telles que l’utilisation du cofinancement en nature ainsi que la prise en compte du travail volontaire en tant que coût éligible, étant donné leur pertinence particulière pour la société civile. Il rappelle en outre la nécessité de limiter l’utilisation du cofinancement et de recourir davantage à des mesures de simplification telles que les montants et taux forfaitaires ainsi que les coûts unitaires. Il invite la Commission à associer les organisations de la société civile à l’élaboration et au suivi de lignes directrices pour la mise en œuvre de ces règles. Il appelle en outre les autorités nationales à inclure également dans leurs programmes de financement public des dispositions prévoyant l’éligibilité du cofinancement en nature, y compris le travail volontaire.

4.14.

Le CESE salue la décision d’étendre la durée des subventions de fonctionnement sur une base pluriannuelle pour tous les programmes et volets du Fonds et insiste sur la nécessité de continuer à assurer la durabilité et la continuité des actions.

4.15.

Le CESE préconise également le développement de nouveaux outils pour pouvoir renforcer la participation de la société civile au niveau national, en particulier dans les domaines où ses capacités sont insuffisantes, par exemple grâce à la fourniture d’une assistance technique efficace, à des actions préparatoires menées par des partenaires plus expérimentés ou à des subventions en cascade, ce qui permettrait par exemple différents niveaux de subventions ou une procédure de demande en deux étapes.

4.16.

Le CESE se félicite de l’inclusion d’un indicateur relatif aux organisations de la société civile pour permettre les actions de soutien et de renforcement des capacités au titre du programme «Droits et valeurs» et considère que la même démarche devrait être entreprise dans le cadre du programme «Justice». Il demande par ailleurs qu’une partie des fonds soit spécifiquement affectée aux organisations de la société civile, à savoir au moins 50 % des différents volets.

4.17.

Le CESE invite la Commission à organiser, en coopération avec lui, une réunion annuelle visant à promouvoir la coordination entre les bailleurs de fonds publics et privés dans les domaines couverts par le Fonds, afin d’étudier les possibilités de synergies et de tirer des enseignements des bonnes pratiques.

Bruxelles, le 18 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 9.

(2)  Résolution du Parlement européen relative à un instrument pour les valeurs européennes [2018/2619(RSP)] et résolution du Parlement européen sur le thème «Le prochain CFP: préparation de la position du Parlement sur le CFP post-2020» [2017/2052(INI)].

(3)  https://megacampaign.eu/support-csos-ask-your-mep-to-vote-for--the-european-values-instrument-resolution

(4)  SOC/598 (voir page 173 du présent Journal officiel).

(5)  Communication conjointe au Parlement européen et au Conseil — Plan d’action en faveur des droits de l’homme et de la démocratie (2015-2019) «Garder les droits de l’homme au centre des priorités de l’Union européenne» (JOIN/2015/0016 final).

(6)  Voir JO C 81 du 2.3.2018, p. 9.

(7)  Pour assurer la cohérence avec le soutien apporté par l’Union européenne dans le cadre d’un financement extérieur, tel que l’instrument européen pour la démocratie et les droits de l’homme.

(8)  JO C 129 du 11.4.2018, p. 36.


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/184


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le Fonds “Asile et migration”»

[COM(2018) 471 final — 2018/0248 (COD)]

et la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant, dans le cadre du Fonds pour la gestion intégrée des frontières, l’instrument de soutien financier dans le domaine de la gestion des frontières et des visas»

[COM(2018) 473 final — 2018/0249 (COD)]

(2019/C 62/30)

Rapporteur:

Giuseppe IULIANO

Saisine

Conseil européen, 25.7.2018

Parlement européen, le 2.7.2018

Base juridique

Article 77, paragraphe 2; article 78, paragraphe 2; article 79, paragraphes 2 et 4, et paragraphe 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section spécialisée

26.9.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

101/0/3

1.   Conclusions

1.1.

La migration est une constante historique dans l’Union européenne et a un impact certain sur l’avenir de cette dernière et des sociétés qui la composent. La gestion commune de la migration dans l’Union européenne est un processus inachevé; ces dernières années, cette situation a dégénéré en une crise institutionnelle qui a mis en évidence le fait que l’Europe ne parle pas d’une seule voix. La crise actuelle s’explique par l’incapacité de l’Union européenne à mettre en place le régime d’asile européen commun et à accorder une protection appropriée aux centaines de milliers de déplacés et demandeurs d’asile qui se présentent à nos frontières.

1.2.

Le Comité économique et social européen (CESE) estime que les politiques de liberté, de sécurité et de justice doivent être basées sur la protection des droits fondamentaux garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

1.3.

L’Europe doit faire face à des changements profonds dans les domaines de la migration, de l’asile et des frontières extérieures. De même, il est impératif de reprendre le travail effectué par les différentes institutions européennes afin de réviser les instruments existants et de proposer des solutions de remplacement permettant de développer une politique de migration et d’asile commune, globale et cohérente, conformément aux principes et aux obligations découlant du traité et du droit international.

1.4.

Il est indispensable, si l’on veut répondre aux préoccupations des citoyens et éviter un désenchantement croissant à l’égard du projet européen, d’avancer sur la voie d’une politique globale de la migration et de l’asile qui renforce l’intégration et la coopération entre les États membres et inclue de manière plus claire les positions des différentes institutions européennes. Le CESE est conscient que faute d’apporter des solutions et de répondre aux attentes des citoyens dans ces domaines, l’on suscitera un sentiment de déception et un euroscepticisme croissants.

1.5.

Le CESE est préoccupé par l’augmentation de l’intolérance, du racisme et de la xénophobie à l’encontre des personnes migrantes et réfugiées dans les pays de l’Union européenne, et constate également le risque de détérioration, dans certains pays, de la protection des droits fondamentaux.

1.6.

Le CESE se félicite de la création de nouveaux fonds, de nature très différente, qui assureront la continuité des travaux entrepris, ainsi que de l’augmentation de leur enveloppe financière. Il rappelle que les fonds sont des instruments qui doivent contribuer à approfondir une politique européenne d’immigration et d’asile à caractère global. Les fonds couvrent des thèmes aussi divers que la migration, l’asile et la gestion des frontières extérieures; le Comité déplore toutefois l’absence de toute référence aux voies d’accès légales à l’Union européenne pour assurer également le bon fonctionnement dans ces domaines.

1.7.

Le CESE salue la référence à l’article 80 en tant que base juridique du règlement, en ce qu’il prévoit expressément que les politiques communes concernant l’asile, la migration et les frontières extérieures sont régies par le principe de solidarité et de partage équitable des responsabilités entre les États membres qui appliquent les dispositions de Schengen en matière de frontières extérieures et de visas (1). Il juge nécessaire de renforcer la mise en œuvre du principe de solidarité afin que ce dernier ne soit pas considéré comme une question rhétorique.

1.8.

L’égalité de traitement et les politiques de lutte contre la discrimination sont les piliers des politiques européennes, y compris de celles qui ont trait à l’intégration des ressortissants de pays tiers. Le CESE craint que la suppression du terme «intégration» du titre puisse être comprise comme le fait que cette question passe au second plan des préoccupations.

1.9.

Le CESE estime nécessaire de rétablir les mentions à l’approfondissement de la coopération entre les États membres en matière d’asile et de migration, s’agissant plus particulièrement du soutien au financement de l’échange des bonnes pratiques en matière d’asile, notamment par la création de réseaux et par l’échange d’informations sur la migration légale et l’intégration des ressortissants de pays tiers.

1.10.

Le CESE se félicite de l’importance accordée à la flexibilité dans les deux fonds, qui implique de reconnaître la nécessité de mieux répondre aux besoins de chaque État membre dans un cadre d’action commun. De même, il accueille favorablement la simplification des procédures ainsi que la reconnaissance de l’importance de l’évaluation.

1.11.

Le CESE se félicite du fait que la gestion des frontières serve à renforcer la sécurité intérieure de l’Union tout en respectant pleinement les droits fondamentaux, mais regrette qu’il ne soit pas fait spécifiquement mention de la protection de ces droits dans les zones de frontières.

1.12.

Il juge indispensable de rappeler aux États membres que la surveillance des frontières maritimes comprend non seulement la sécurité et le contrôle des frontières, mais également les actions de recherche et de sauvetage en mer. Il y a lieu à cet égard de renvoyer à l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) (2) de 2012, qui interdit le refoulement non seulement sur le territoire d’un État, mais également dans son action extraterritoriale, y compris en haute mer.

1.13.

Dans plusieurs de ses avis (3), le CESE a proposé que les frontières extérieures de l’espace Schengen soient considérées par l’Union européenne comme des frontières communes et qu’à ce titre, leur gestion relève de la responsabilité partagée de l’Union européenne et des États membres.

2.   Contexte

2.1.

La migration est une constante historique dans l’Union européenne qui a un impact certain sur l’avenir de cette dernière et des sociétés qui la composent. La gestion commune de la migration dans l’Union européenne est un processus inachevé; ces dernières années, cette situation a dégénéré en une crise institutionnelle qui a mis en évidence le fait que l’Europe ne parle pas d’une seule voix. Il est impératif de reprendre le travail effectué par les différentes institutions européennes afin de réviser les instruments existants et de proposer des solutions de remplacement permettant de développer une politique de migration et d’asile commune, globale et cohérente, conformément aux principes et aux obligations découlant du droit international et du traité.

2.2.

La migration figure parmi les priorités politiques de la Commission, dont le principal objectif est de traiter cette question de manière globale. L’agenda européen en matière de migration adopté en 2015 combine une réaction immédiate à la situation de crise humanitaire aux frontières européennes et des mesures à long terme destinées à gérer les migrations de façon globale.

2.3.

La crise en Méditerranée a mis en évidence les besoins immédiats et révélé les limites structurelles de la politique et des instruments de l’Union européenne en matière de migration. L’Union européenne doit trouver le juste équilibre et envoyer un message clair aux européens, à savoir que la migration peut être mieux gérée de manière collective. Le Fonds «Asile et migration» (FAM) et l’instrument de soutien financier à la gestion des frontières et des visas font partie de ce processus.

2.4.

Dans le contexte du cadre financier pluriannuel 2021-2027, la Commission a proposé d’accroître sensiblement le budget global pour la gestion des migrations et des frontières, en proposant de doter le nouveau FAM d’un montant total de 10,415 milliard d’EUR (en prix courants) (4) et le Fonds pour la gestion intégrée des frontières de 9,318 milliards d’euros (en prix courants).

2.5.

Le FAM souhaite contribuer à une gestion globale de la migration, de l’intégration et du retour, ainsi que du système européen commun d’asile (SECA), en fournissant un soutien aux États membres dans un cadre de solidarité et de partage des responsabilités entre ces derniers.

2.6.

L’instrument de soutien financier à la gestion des frontières et des visas, dans le cadre du Fonds pour la gestion intégrée des frontières, vise à aider les États membres à mieux mettre en œuvre les mesures communes ayant trait au franchissement des frontières intérieures par les personnes, aux contrôles aux frontières et à la politique commune des visas. Une bonne gestion des frontières extérieures est indispensable à la mise en place d’un espace sans frontières intérieures, au sein duquel les personnes et les marchandises peuvent circuler librement.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE se félicite que soit cité comme base juridique des deux instruments l’article 80 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui rappelle que les politiques communes en matière d’asile, de migration et de frontières extérieures sont régies par le principe de solidarité et de partage équitable des responsabilités entre les États membres.

3.2.

Les deux fonds devraient être mis en œuvre sur la base d’orientations claires et précises quant aux systèmes de gestion et de contrôle et aux exigences en matière d’audit. Il y a lieu d’encourager une simplification des procédures et une réduction des charges administratives dans ces domaines et d’élaborer des mesures qui garantissent une plus grande transparence, un renforcement de la responsabilisation et le respect des objectifs en ce qui concerne les fonds qui sont transférés aux États membres.

3.3.

Les instruments devraient être coordonnés avec les autres dispositions existantes, éviter les chevauchements et fonctionner en parfaite complémentarité avec les différentes agences de l’Union œuvrant dans ces domaines. Le travail doit se faire en cohérence avec les politiques de l’Union européenne concernées telles que la gestion des frontières, la sécurité intérieure, l’inclusion sociale et l’intégration des ressortissants de pays tiers et les politiques extérieures de l’Union.

3.4.

Les instruments doivent être souples afin de répondre aux défis de l’évolution dans le domaine de la gestion des frontières et des visas. Par conséquent, outre la contribution fixe pour chaque État membre participant, le Comité se félicite que les fonds restants soient consacrés à des actions spécifiques par lesquelles la contribution de l’Union européenne apporte une valeur ajoutée.

3.5.

Les instruments doivent servir à exprimer la solidarité et le partage de responsabilité entre les États membres qui appliquent pleinement les dispositions de Schengen concernant les frontières extérieures et les visas (ou qui se préparent à y participer pleinement) et être utilisés dans l’intérêt de la politique commune de gestion des frontières extérieures de l’Union. Pour garantir un bon fonctionnement de Schengen, il convient que les frontières extérieures, qui sont des frontières communes, soient gérées au niveau européen.

3.6.

Il est impératif d’unifier la terminologie de la migration dite «irrégulière» ou «sans papiers» dans les textes, et de suivre à cet égard les recommandations du Conseil de l’Europe (5) et du Parlement européen (6).

3.7.

L’Union européenne a besoin d’une politique commune en matière de migration, avec des instruments et des filières permettant la migration régulière et ordonnée, ainsi que la protection du droit d’asile. Le CESE déplore que les considérants insistent tout particulièrement sur les arrivées irrégulières ou le contrôle des frontières et ne fassent pas mention de la nécessité d’innover et de progresser vers un système migratoire européen global. L’on ne saurait non plus faire abstraction de la réforme du système de Dublin.

4.   Observations particulières

4.1.

Le CESE juge opportunes les propositions concernant les deux instruments financiers, reconnaissant que l’assistance technique et financière fournie par l’Union européenne aux États membres au cours de la période 2015-2017 au titre, notamment, du Fonds «Asile, migration et intégration» (7) a contribué à l’amélioration de la gestion dans les domaines de l’asile, de la migration et des frontières extérieures.

4.2.

Il salue l’augmentation du budget de ces fonds, pour autant qu’elle serve l’objectif de contribuer à une politique migratoire de l’Union européenne globale, commune, cohérente et conforme aux principes du droit international, qui tienne compte à la fois des besoins des sociétés d’accueil et des citoyens de l’Union européenne et collabore étroitement avec des partenaires dans le monde entier.

4.3.

Le CESE juge nécessaire de rétablir la mention du mot «intégration» dans le nom du FAM, compte tenu du défi que constitue l’inclusion pour les États membres.

4.4.

Il se réjouit que le FAM reconnaisse le rôle des autorités locales et régionales (y compris celles des régions ultrapériphériques), des acteurs sociaux et des organisations de la société civile dans l’intégration à court et à long terme des ressortissants de pays tiers, y compris sur le marché du travail. Il regrette qu’aucune voie novatrice permettant d’améliorer l’accès de ces acteurs au FAM ne soit proposée et rappelle l’importance de garantir et de respecter le principe de subsidiarité.

4.5.

Il y a lieu de se féliciter de ce que le recours au soutien opérationnel de ce fonds permette de déterminer si un État membre respecte l’acquis de l’Union en la matière et satisfait ou non aux obligations contraignantes des traités, ou s’il existe un risque clair de violation des valeurs de l’Union en matière d’asile et de retour. Il conviendrait de préciser en détail les conséquences de ce non-respect dans le cadre du fonctionnement du FAM. Le CESE réitère son d’accord à la possibilité, pour la Commission, d’intervenir dans des situations d’urgence, pour autant que ladite intervention se fasse conformément à une procédure transparente prévoyant d’informer immédiatement les législateurs européens (Parlement et Conseil) (8). De même, il juge opportun d’engager immédiatement des procédures d’infraction en cas d’inexécution des obligations dans ces domaines par les États membres.

4.6.

La coopération avec les pays tiers pour une gestion adéquate des flux de demandeurs d’asile requiert non seulement des incitations économiques, mais aussi une coopération dans le domaine technique et en matière de renforcement institutionnel. Le Fonds fiduciaire d’urgence pour l’Afrique est un instrument nécessaire, mais non exclusif: outre une dotation budgétaire adéquate, il convient de rechercher une association réelle et co-responsable poursuivant des objectifs communs relevant des Objectifs de développement durable entre les États membres de l’Union européenne et les pays africains. Un effort devrait être entrepris afin d’améliorer la coordination entre ces actions en matière de migration et d’asile et les actions de la DG DEVCO visant à renforcer les institutions et à soutenir les processus démocratiques, tout en veillant toujours à éviter la duplication et le manque de cohérence.

4.7.

Le CESE juge nécessaire de recourir à un suivi plus étroit de l’obligation de coopérer et de mettre en place des mécanismes de coordination avec les autorités chargées de gérer le FSE+ et le FEDER dans chaque État membre afin d’en renforcer la coordination et le caractère transversal et d’étudier les moyens de les appliquer lorsqu’ils relèvent également des administrations infranationales.

4.8.

Le FAM doit apporter une valeur ajoutée accrue au renforcement du régime d’asile européen commun, aux capacités des États membres à aider les personnes ayant besoin d’une protection internationale, à la promotion du recours aux voies légales d’accès au territoire de l’Union et au soutien à l’intégration des ressortissants de pays tiers en situation légale.

4.9.

En termes d’intégration, la clef de répartition ne tient compte que des flux d’arrivées annuels et des pourcentages globaux de population étrangère; elle n’utilise aucun indicateur de nature qualitative qui pourrait également servir à mieux cerner les besoins spécifiques des États membres. Il est nécessaire de mieux préciser les objectifs à cet égard et de définir des indicateurs (9) permettant d’évaluer en continu le succès de la contribution du FAM dans ces domaines.

4.10.

Il semble indispensable de garantir l’évaluation du FAM — tant à mi-parcours que rétrospectivement — et de se doter de mécanismes flexibles permettant de procéder à des corrections dans les actions évaluées. Le CESE estime nécessaire de combiner évaluation d’impact et évaluation des résultats, s’agissant en particulier des actions mises en œuvre par différents niveaux administratifs au sein de chaque État membre.

4.11.

Réduire les incitations à la migration irrégulière grâce à une politique durable en matière de retour et de réadmission n’est pas évident. Le CESE juge indispensable une politique de retour et de réadmission efficace qui garantisse les droits de l’homme des personnes concernées, et souligne la nécessité d’améliorer l’évaluation de ces politiques et de leur impact réel sur la réduction des flux de migration irréguliers.

4.12.

De même, il estime indispensable de mettre en avant la nécessité de lutter contre l’emploi irrégulier, notamment de migrants en situation d’irrégularité administrative ou en cas d’abus et d’exploitation par le travail. Le CESE se félicite du fait que le FAM puisse servir à financer des mesures visant à lutter contre les incitations à la migration irrégulière, y compris l’emploi irrégulier, qui peut constituer un facteur d’attraction favorisant l’afflux de migrants irréguliers, de concurrence déloyale entre les entreprises, ainsi qu’un espace de violation des droits (10).

4.13.

Le CESE juge très positive l’affectation de ressources au cadre de l’Union européenne en matière de réinstallation (et d’admission humanitaire). Il forme le vœu que le programme de réinstallation ciblé de l’Union fasse de cet engagement une réalité effectivement mise en œuvre par les États membres. Le CESE a déjà exprimé son soutien à un programme de réinstallation ciblé de l’Union qui traduise cette initiative en une réalité qui soit effectivement mise en œuvre par les États membres, au moyen d’incitations financières pour les États membres les plus engagés.

4.14.

L’instrument de soutien financier à la gestion des frontières et des visas réaffirme la volonté de l’Union européenne de contribuer à assurer sa sécurité intérieure tout en respectant pleinement les droits fondamentaux; le CESE regrette toutefois qu’il ne soit spécifiquement fait mention de la protection de ces droits ni dans les zones frontalières, ni dans le cas des personnes qui ne sont pas des ressortissants de l’Union européenne.

4.15.

Le CESE se félicite que l’instrument permette aux États membres de mettre en œuvre des projets avec un pays tiers ou sur le territoire de ce dernier, toujours sous réserve d’une consultation préalable de la Commission. Il estime qu’il conviendrait de fournir d’avantage d’informations sur les conditions de cette consultation (ou sur la communication de l’information) en définissant des critères clairs, qui prennent également en compte la situation des droits de l’homme dans le pays de destination. Cela semble indispensable, étant donné que les actions entreprises avec un pays tiers peuvent inclure la surveillance, la détection, l’identification, le traçage, l’interception et la prévention du franchissement non autorisé des frontières.

4.16.

Le CESE déplore que le règlement assimile à plusieurs reprises la lutte contre la migration irrégulière à la lutte contre la criminalité transfrontière, sans faire la différence entre les objectifs fallacieux de la seconde et ceux de la première.

4.17.

En ce qui concerne la gestion des frontières, le CESE trouve décevant que l’on continue à considérer la sécurité comme une question essentiellement «militaire», alors même que la «Stratégie globale pour la politique étrangère et de sécurité de l’Union européenne» souligne que l’Union européenne «encouragera la sécurité humaine à travers une approche intégrée». Une telle approche suppose d’entreprendre des actions qui cherchent, notamment, à réduire la pauvreté et les inégalités, à promouvoir la bonne gouvernance et les droits de l’homme, à apporter une aide au développement et à s’attaquer aux causes profondes des conflits et de l’insécurité.

4.18.

Le CESE salue le fait que le texte mentionne que l’objectif de l’instrument est aussi de contribuer à assurer la protection des migrants et à leur sauver la vie, et qu’il rappelle aux États membres que la surveillance des frontières maritimes a pour objet non seulement la sécurité et le contrôle des frontières, mais également les opérations de recherche et de sauvetage en mer.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Voir l’avis SOC/582 sur le thème «Révision du code des visas» (JO C 440 du 6.12.2018, p. 12).

(2)  Affaire Hirsi Jamaa et autres c. Italie (requête no27765/09).

(3)  JO C 303 du 19.8.2016, p. 109; JO C 451 du 16.12.2014, p. 1; JO C 458 du 19.12.2014, p. 7; JO C 44 du 11.2.2011, p. 162.

(4)  Pour plus de détails sur ces chiffres, voir ECO/460 «Cadre financier pluriannuel pour la période postérieure à 2020» (JO C 440 du 6.12.2018, p. 106).

(5)  Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Résolution 1509 (2006).

(6)  Résolution du Parlement européen du 14 janvier 2009 sur la situation des droits fondamentaux dans l'Union européenne 2004-2008 [2007/2145(INI)].

(7)  En avril 2014, a été adopté le règlement (UE) no 516/2014 qui établit un programme spécifique de financement de l’Union européenne en matière d’asile et de migration pour la période 2014-2020, dans le but de contribuer, au moyen d’une assistance financière, à la gestion efficace des flux migratoires et à la mise en œuvre et au développement d’une approche commune de l’Union européenne en matière d’asile et de migration. Le FAMI avait un quadruple objectif: 1) renforcer et développer la mise en place du régime d’asile européen commun (RAEC); 2) soutenir la migration légale dans les États membres, en fonction de leurs besoins économiques et sociaux, et promouvoir l’intégration effective des ressortissants de pays tiers; 3) améliorer des stratégies justes et efficaces de retour, en vue de lutter contre l’immigration irrégulière et 4) accroître la solidarité et le partage des responsabilités entre les États membres, en accordant une attention particulière à ceux qui sont le plus touchés par les flux de migration et d’asile.

(8)  JO C 303 du 19.8.2016, p. 109.

(9)  OCDE/UE (2015), Les indicateurs de l’intégration des immigrés 2015, ou les «indicateurs de Saragosse».

(10)  Voir les avis adoptés (JO C 204 du 9.8.2008, p. 70 et JO C 75 du 10.3.2017, p. 81).


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/189


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le Fonds pour la sécurité intérieure»

[COM(2018) 472 final — 2018/0250 (COD)]

(2019/C 62/31)

Rapporteur:

José Antonio MORENO DÍAZ

Saisine

Parlement européen, 2.7.2018

Conseil, 25.7.2018

Base juridique

Article 82, paragraphe 1, article 84, article 87, paragraphe 2, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence:

Section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section spécialisée

26.9.2018

Adoption en session plénière

18.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

141/3/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) souscrit à la nécessité de conférer davantage de moyens aux actions et programmes opérationnels et de prévention en matière de sécurité, ainsi qu’à la création à cet effet d’un fonds souple et transparent, dont la répartition réponde à des critères opérationnels et à ses finalités, établis avec clarté et prévisibilité, visant à renforcer lesdits actions et programmes.

1.2.

L’articulation du Fonds de sécurité doit permettre d’approfondir une politique préventive. Il est à cette fin indispensable de pouvoir compter sur la société civile et de coopérer activement avec elle, s’agissant notamment de prêter assistance aux victimes et de les aider à s’organiser, de la surveillance des acteurs de la sécurité et de la prévention de la radicalisation.

1.3.

Les crédits du Fonds, qu’ils soient destinés à des pays de l’Union ou à des pays tiers, doivent exclusivement être octroyés à des institutions publiques garantissant effectivement un respect scrupuleux des droits de l’homme.

1.4.

Le CESE doit être pris en compte en tant qu’observateur lors de la création et du développement de ce Fonds afin que l’opinion de la société civile organisée puisse valablement se faire entendre au niveau de l’Union européenne.

1.5.

Nous attirons l’attention sur la nécessité de prendre en considération le risque que représente la radicalisation violente de groupes d’extrême droite.

1.6.

Nous attirons l’attention sur la nécessité de s’attaquer aux mécanismes de financement et aux flux de capitaux des groupes criminels organisés.

1.7.

Le CESE estime qu’il est nécessaire de dépasser l’action purement réactive et d’aller plus loin dans les politiques préventives, en se penchant sur les causes profondes qui font que certaines personnes se radicalisent pour représenter une menace pour leurs congénères, ainsi que sur les mécanismes de financement des groupes violents.

1.8.

Les droits de l’homme, en partant de la même philosophie que celle sur laquelle se fonde l’Union, doivent être partie intégrante et condition nécessaire de toute action. Ainsi, dans le cas d’un fonds de financement, les dotations du Fonds devraient être refusées à tout organisme ne se conformant pas à ces normes minimales. Il en est ainsi s’agissant de la récente proposition de la Commission (1) relative à des mesures financières pour garantir l’état de droit dans les États membres, ainsi que du groupe sur les droits fondamentaux et l’état de droit constitué au sein du CESE.

2.   Texte de la proposition

2.1.

Le présent document reprend à son compte, à des fins méthodologiques, le contenu de l’article 2 de la proposition de la Commission en ce qui concerne les définitions des différents concepts entrant en jeu dans son développement.

2.2.

Le CESE partage le constat formulé dans la proposition à l’examen, à partir de la base que constitue la réalité des menaces pour la sécurité en Europe, lesquelles se sont intensifiées et diversifiées au cours des dernières années sous la forme d’attentats terroristes, de nouvelles formes de criminalité organisée et de cybercriminalité.

2.3.

La sécurité revêt une dimension intrinsèquement transfrontière et exige dès lors de la part de l’Union européenne une réponse ferme et coordonnée: outre la sécurité intérieure, l’Union européenne doit faire face à des menaces extérieures complexes qu’aucun État membre ne peut affronter seul.

2.4.

La sécurité demeurera un thème central pour l’Union européenne dans les années à venir, et les citoyens européens attendent de l’Union et de leurs gouvernements nationaux qu’ils leur procurent la sécurité dans un monde incertain et en mutation rapide. Ainsi, il est souhaitable de procéder à des actions dans le domaine éducatif et pédagogique sur la prévention de comportements violents, notamment par le biais des manuels et du matériel scolaires, en privilégiant une vision fondée sur le respect des droits fondamentaux, du pluralisme et de la diversité.

2.5.

Il est clair que les défis auxquels est confrontée l’Union européenne, en particulier le terrorisme international, ne peuvent être traités individuellement par les États membres et sans le soutien financier et technique de l’Union européenne. À une époque où le terrorisme (qu’il soit issu de l’extérieur de nos frontières ou qu’il soit d’origine interne, qu’il soit religieux ou relevant de l’extrémisme politique, en particulier d’extrême droite) ainsi que d’autres menaces découlant du trafic de stupéfiants, de la traite des êtres humains en vue de leur exploitation et d’autres formes graves de criminalité ne connaissent pas les frontières, il incombe aux États membres d’assurer la sécurité publique de leurs citoyens dans le plein respect des droits fondamentaux consacrés par les textes de l’Union européenne et par les traités internationaux.

2.6.

L’Union européenne peut et doit étayer ces mesures et, à cet égard, les traités prévoient la nécessité d’assurer un niveau élevé de sécurité, notamment par des mesures préventives et par une coordination et une coopération entre autorités policières et judiciaires et autres autorités compétentes, comme les agences décentralisées.

2.7.

L’Agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs (Europol), l’Agence de l’Union européenne pour la formation des services répressifs (CEPOL) et l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT), remplissent des fonctions clés sur le plan opérationnel ainsi qu’en matière de coordination et d’appui dans la mise en œuvre des priorités, des objectifs et des activités de l’Union européenne dans le domaine de la sécurité.

2.8.

Le Fonds pour la sécurité intérieure est créé pour faciliter la coopération et l’échange d’informations transfrontières entre les agents des services répressifs des États membres et d’autres autorités concernées. Cette coopération se concrétisera notamment par l’interopérabilité des différents systèmes informatiques de l’Union européenne concernant la sécurité, rendant plus efficace et efficiente la gestion des frontières et des flux migratoires, ainsi que par des actions opérationnelles conjointes et des aides à la formation, à la construction d’installations essentielles liées à la sécurité, à la mise en place de la collecte et du traitement des données des dossiers passagers en conformité avec l’acquis correspondant de l’Union européenne et à l’achat des équipements techniques nécessaires.

2.9.

Le Fonds vise à intensifier la coopération opérationnelle transfrontière en matière de prévention, de détection et de recherche d’infractions pénales transfrontières, et à soutenir les efforts destinés à renforcer les capacités de prévention de cette forme de criminalité, y compris le terrorisme, notamment grâce à une coopération accrue entre les pouvoirs publics, la société civile et les partenaires privés dans tous les États membres.

2.10.

Le fait que la société civile se soit jointe aux préoccupations exprimées en matière de sécurité s’est révélé très utile, et nécessaire, s’agissant d’améliorer le respect des droits fondamentaux, de veiller à éviter tout excès de pouvoir de la part des autorités, et de dénoncer certains comportements indésirables, mais qui sont une tentation constante. Dans le cadre démocratique qui est le nôtre, nous ne pouvons nous laisser mener par un souci d’efficacité à tout prix relevant d’une perspective exclusivement sécuritaire. Par conséquent, le Fonds en cours de création doit être ouvert au financement de programmes susceptibles de renforcer cette surveillance et de soutenir les structures juridiques propres à soumettre l’action des forces de sécurité à un contrôle indépendant par les juridictions compétentes. Il en va de même s’agissant de sa tâche indispensable en matière de prévention de la radicalisation, de formation et de sensibilisation de la société.

2.11.

Les organisations non gouvernementales et le reste de la société civile apportent déjà une contribution considérable et de qualité à la sécurité, notamment par les actions suivantes:

prévention et poursuite d’actions excessives ou peu respectueuses des droits de l’homme par les forces de sécurité des États membres,

prévention et poursuite de la radicalisation idéologique dans tous les domaines,

sensibilisation de la société en faveur des victimes, intégration sociale et soutien de celles-ci,

articulation de l’organisation et capacité d’intervention et de proposition des victimes et de tous ceux qui se montrent solidaires avec elles, ainsi que de toutes les personnes concernées par la problématique de la sécurité,

intervention dans le domaine de l’éducation, en particulier des plus jeunes, au titre d’une fonction essentielle de sensibilisation, d’une part, et de prévention de la radicalisation, de l’autre,

de nombreuses autres actions qui profitent indirectement à la sécurité tant intérieure qu’extérieure, telles que celles déjà citées de surveillance de l’action des forces de sécurité, d’éducation et de sensibilisation, de protection et d’organisation des victimes, etc.,

il convient, dans cette perspective, que la société civile exerce un suivi continu de l’utilisation du Fonds.

2.12.

Toute cette gamme d’actions doit bénéficier d’un soutien direct de la part des autorités de l’Union; de plus, étant donné qu’elle contribue à garantir la sécurité, elle doit également se voir affecter des crédits de l’enveloppe susmentionnée.

2.13.

Tant l’Union européenne que les États membres doivent également être conscients du fait que certaines organisations de la société civile peuvent — de manière directe ou indirecte — promouvoir des discours ou des agissements qui portent atteinte aux valeurs et droits de l’Union européenne.

2.14.

La présente proposition vise avant tout à accroître la flexibilité dans la gestion du futur Fonds, par rapport à la présente période de programmation. Il est également important de se doter des outils nécessaires pour que les financements servent les priorités de l’Union et les actions qui présentent une forte valeur ajoutée pour celle-ci. Étant donné qu’il faudra de nouveaux mécanismes d’attribution des fonds entre les régimes de gestion directe, indirecte et partagée pour faire face aux nouveaux défis et priorités, ces mécanismes devraient aussi permettre la participation des membres actifs de la société civile mentionnés au point précédent, avec les finalités visées. Nous proposons dès lors que le CESE soit pris en compte en tant qu’observateur lors de la création et du développement de ce Fonds afin que l’opinion de la société civile organisée puisse valablement se faire entendre au niveau de l’Union européenne.

2.15.

Compte tenu de l’importance de la dotation du Fonds (2 500 000 000 EUR), les critères de répartition de ces crédits doivent être clarifiés. Il y a lieu de maintenir la souplesse qui s’impose, sans que cela n’empêche de préciser clairement les lignes budgétaires entre lesquelles seront répartis les crédits.

2.16.

Ces lignes budgétaires devront suivre un critère de simplicité qui évite que l’accès au Fonds ne soit soumis à des contraintes bureaucratiques excessives, et elles seront régies par le principe de la confiance mutuelle. La clarté et la prévisibilité en la matière contribueront à faire en sorte que les responsables des différents États puissent lancer des actions de «task-force» ou d’intervention rapide, avec la garantie qu’elles seront couvertes ou soutenues par les dotations du Fonds.

2.17.

Le CESE accueille favorablement la proposition; il considère comme opportune la création d’un Fonds pour la sécurité intérieure sur la base de l’article 3, paragraphe 2, du traité sur l’Union européenne, que justifient en outre les objectifs visés à l’article 67 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), dans le respect des principes de solidarité et de partage équitable des responsabilités énoncés à l’article 80 du TFUE ainsi que des principes de subsidiarité — s’agissant d’une compétence non exclusive — et de proportionnalité, au moyen d’un règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la création d’un Fonds pour la sécurité intérieure.

2.18.

En tout état de cause, la création d’un Fonds pour la sécurité intérieure vise à fournir un instrument complémentaire au travail des agences et des fonds dont dispose déjà l’Union, ainsi qu’à celui des organismes existants à l’échelon national; l’objectif général du Fonds est de contribuer à un niveau de sécurité élevé dans l’Union, notamment en s’attaquant au terrorisme et à la radicalisation, à la grande criminalité organisée et à la cybercriminalité, de même qu’en aidant et protégeant les victimes de la criminalité. À cet effet, le Fonds contribue à la réalisation des objectifs spécifiques suivants: l’échange d’informations, l’intensification des opérations transfrontières conjointes et le renforcement des capacités à des fins de prévention, dans le cadre d’une collaboration constante entre les différents pouvoirs publics, la société civile et les partenaires privés dans les États membres (2). À cet égard, il importe également de s’attaquer aux mécanismes de financement et aux flux de capitaux des organisations criminelles, ce dont le Fonds doit tenir compte dans ce chapitre.

2.19.

Enfin, il y a lieu de rappeler que le CESE a participé en qualité d’observateur au groupe de haut niveau sur la prévention de la radicalisation mis en place par la Commission européenne en 2017 (3).

3.   Recommandations

3.1.

Le Fonds devrait s’interroger sur les causes profondes pour lesquelles certaines personnes s’établissent et s’organisent en groupes qui représentent une menace pour leurs congénères, au moyen d’études et de recherches de fond servant à prévenir les situations objectives.

3.2.

La création du Fonds repose sur les investissements et les avancées qui l’ont précédé, tels que le programme «Sécurité et protection des libertés», l’instrument pour la coopération policière et le volet politique en matière de drogue du programme «Justice». En tout état de cause, il y a lieu d’approfondir l’affirmation selon laquelle «[l]e mécanisme permettra de traiter des priorités nouvelles ou de prendre des mesures urgentes et de les mettre en œuvre par le mode de mise à disposition le mieux adapté à la réalisation de l’objectif» (4). L’innovation est une priorité, notamment lorsque les groupes contre lesquels on lutte sont très innovants.

3.3.

Les critères de répartition du Fonds devraient être purement opérationnels, de manière à financer des actions et des programmes indépendamment de critères tels que le nombre d’habitants ou la superficie du pays. Une autre considération primordiale est la transparence totale de la dotation et du fonctionnement du Fonds, qui sera ouvert aux médias et à la société civile de manière à ce qu’ils puissent contrôler le respect des conditions imposées pour disposer des crédits afférents.

3.4.

Il importe également de prévoir lors de la mise en place du Fonds une évaluation future de son importance et de son efficacité, par la réalisation à intervalles réguliers d’une étude actualisée sur sa situation générale qui permettra d’en apprécier l’évolution.

3.5.

Le Comité économique et social souhaite attirer l’attention sur plusieurs de ces nouvelles priorités qui, bien que n’étant pas reprises dans le document, méritent une prise en compte spécifique dans la mesure où elles sont susceptibles de constituer un aspect important de l’objectif de prévention de la radicalisation, en particulier, problème qui peut même faire l’objet d’une certaine complicité de la part de certaines autorités.

3.6.

Sont visés ici en l’état les mouvements d’extrême droite ou d’ultradroite, néonazis, antisémites, de suprématie blanche ou de toute autre forme d’apologie de la discrimination sur la base de la race, de l’origine, du sexe, etc., qui constituent une menace réelle pour la sécurité et pour l’état de droit lui-même, et qui sont de la compétence de l’Union, dans la mesure notamment où ces mouvements, en dépit de leurs motivations ultranationalistes, commencent à percevoir l’intérêt de s’internationaliser et de coordonner leurs activités avec des membres de même obédience dans d’autres pays (5).

3.7.

La protection et l’aide aux victimes des réseaux de traite des êtres humains semblent être subordonnées à une coopération effective et efficace en ce qui concerne la poursuite des responsables de ces agissements. Cela étant, l’objectif fondamental des travaux de l’Union et du Fonds est de protéger les victimes, et l’on ne saurait faire dépendre la protection de ces dernières de la qualité de la collaboration qu’elles apportent aux poursuites à l’encontre des responsables de leurs maux.

3.8.

Il ne fait cependant aucun doute que la nécessaire allocation de moyens financiers du Fonds en cours de création, tant aux victimes directement qu’aux institutions qui contribuent à leur protection et à leur intégration, induira de manière naturelle cette coopération et profitera, ne serait-ce qu’à moyen terme, aux actions de répression et de prévention.

3.9.

La prévention de la radicalisation est un volet important; nous ne pouvons pas nous permettre de couvrir uniquement le spectre d’une éventuelle radicalisation dans une seule direction en ayant à l’esprit les attentats les plus graves survenus au cours des dernières années, commis par des groupes islamistes extrémistes; il y a lieu d’être très attentifs à l’extrémisme politique et idéologique, dont le terreau et la croissance sont complètement différents, ainsi que leurs victimes potentielles.

3.10.

Un autre point sur lequel le CESE se doit d’apporter une note critique à la proposition est celui des évaluations ex post, des consultations des parties intéressées et des analyses d’impact. À l’évidence, du point de vue de l’efficacité par rapport aux objectifs des instruments mis en œuvre, il y a lieu de se féliciter de leurs coûts, de leur logique, de leur pertinence, de leur cohérence et de leur complémentarité. Toutefois, l’analyse ne comporte pas d’évaluation visant à déterminer si ces instruments ont contribué à améliorer, outre la coopération, l’échange de connaissances et de bonnes pratiques et la confiance entre les pouvoirs publics, les aspects liés aux droits fondamentaux, auxquels la proposition ne consacre même pas ne serait-ce qu’un petit paragraphe, mais un simple engagement de pure forme, à la fin de l’article 3.

3.11.

Compte tenu des tensions historiques entre sécurité et droits fondamentaux, un instrument comme celui qui est proposé, visant au renforcement de la sécurité, pour nécessaire qu’il soit, doit comporter des objectifs spécifiques d’amélioration du respect des droits fondamentaux dans le cadre de la sécurité. Il ne faut jamais tolérer que l’amélioration de la sécurité se fasse au détriment des droits fondamentaux.

3.12.

Dans le cas où un pays, qu’il appartienne ou non à l’Union, n’atteste pas la pertinence de cet instrument dans l’action de ses services répressifs, refuse de recevoir la formation appropriée ou n’accepte pas de se soumettre à des mécanismes de contrôle de leur action au titre de ce chapitre, il ne doit pas bénéficier de financements du Fonds et doit être exclu de celui-ci. Le respect de normes minimales en matière de respect des droits de l’homme doit être une condition sine qua non pour pouvoir bénéficier d’un soutien des autres membres de l’Union, que ce soit par l’intermédiaire du Fonds de sécurité ou de tout autre mécanisme de solidarité.

3.13.

Concernant le paragraphe relatif à la cohérence avec les autres politiques de l’Union, il convient d’attirer l’attention sur la nécessaire création d’une synergie et d’une cohérence avec le Fonds «Asile, migration et intégration», le Fonds pour la gestion intégrée des frontières et l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes. C’est précisément à cet égard que l’on s’interroge sur la priorité excessive accordée par ces fonds et par l’Agence à l’objectif de sécurité par rapport à d’autres tâches relevant de la responsabilité de l’ensemble des autorités et des acteurs européens, dans le droit fil de l’appel déjà lancé en faveur d’une plus grande prise de conscience débouchant sur de meilleures garanties concernant le respect des droits fondamentaux.

3.14.

Le Fonds est et doit rester ouvert s’agissant de soutenir des actions de coopération avec des pays tiers. Les crédits afférents ne peuvent cependant être attribués directement aux autorités de ces pays, mais à des travaux et à des programmes réalisés en commun entre les autorités des États membres et des pays tiers. La coopération doit être totalement subordonnée au contrôle du financement octroyé par le Fonds, au respect des droits de l’homme par les pays bénéficiaires de cette coopération, et surtout au caractère public des entités collaboratrices pouvant bénéficier d’un tel financement, lesquelles doivent être contrôlées et gérées par l’État. Il convient d’éviter à tout prix que les crédits provenant du Fonds servent, en définitive, à financer des groupes ou des groupuscules incontrôlés, voire susceptibles de devenir un risque pour la sécurité dans leur pays ou dans l’Union elle-même.

3.15.

Les instruments internationaux en matière de droit de la mer, ainsi que la convention de Genève relative au statut des réfugiés et les autres textes relatifs à la protection des personnes qui se trouvent dans la situation difficile de franchir des frontières par des canaux non conventionnels font obligation à l’Union européenne et à tous ses membres de mettre le sauvetage en mer au cœur des préoccupations de leur politique en matière de sécurité des frontières et d’accueillir dans les ports plus proches les rescapés et les passagers clandestins qui arrivent au port, de respecter leurs droits fondamentaux et d’appliquer à ces personnes les procédures de refoulement ou de rapatriement avec toutes les garanties précises de leurs droits, en particulier du droit à la reconnaissance de leur statut de réfugié. Le Fonds devrait également être utilisé à ces fins, tant à travers le financement des besoins des États que dans le cadre du soutien à la société civile, comme expliqué ci-dessus.

Bruxelles, le 18 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  COM(2018) 324 final.

(2)  Article 3, paragraphes 1 et 2, de la proposition.

(3)  Rapport final du groupe d’experts de haut niveau sur la prévention de la radicalisation (HLCEG-R).

(4)  Page 3 de l’exposé des motifs de la proposition.

(5)  Rapport final du groupe d’experts de haut niveau sur la prévention de la radicalisation (HLCEG-R); recommandations politiques. 2.5 en matière d’idéologie et de polarisation, le groupe reconnaît qu’il faut également prêter attention à la montée de l’extrémisme de droite et à la tendance prononcée à la polarisation dans la société.


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/194


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant “Erasmus”, le programme de l’Union pour l’éducation, la formation, la jeunesse et le sport, et abrogeant le règlement (UE) no 1288/2013»

[COM(2018) 367 final — 2018/0191 (COD)]

(2019/C 62/32)

Rapporteure:

Tatjana BABRAUSKIENĖ

Corapporteure:

Imse SPRAGG NILSSON

Consultation

Parlement européen, 14.6.2018

Conseil, 21.6.2018

Base juridique

Article 165, paragraphe 4, article 166, paragraphe 4, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section spécialisée

26.9.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

186/3/1

1.   Conclusions et recommandations

Le CESE:

1.1.

accueille favorablement l’objectif du prochain programme Erasmus de doter les citoyens des connaissances, qualifications et compétences nécessaires pour relever les défis sociaux et économiques, et de se concentrer en priorité sur les jeunes citoyens européens;

1.2.

espère que le futur programme Erasmus envisagera l’éducation et la formation dans une perspective globale, dans le cadre de laquelle les compétences clés (1) et les qualifications de base jouent un rôle essentiel aux côtés du renforcement continu des compétences dans le cadre de l’apprentissage tout au long de la vie, en accordant une attention particulière à la validation et la reconnaissance;

1.3.

suggère que la dénomination du programme demeure inchangée et que le nom «Erasmus+», qui symbolise le regroupement de tous les programmes dans un cadre unique, soit conservé;

1.4.

se félicite de la proposition de doubler le budget du programme mais demande qu’il soit plutôt triplé, ce qui témoignerait d’un engagement plus affirmé en faveur du développement éducatif, professionnel et personnel des personnes dans les domaines de l’éducation, de la formation, de la jeunesse et du sport, en vue de garantir une véritable ouverture et l’accès pour tous;

1.5.

estime qu’un budget accru devrait aller de pair avec une flexibilité et une responsabilité plus importantes au niveau national;

1.6.

attire l’attention sur le fait que les actions relevant du chapitre «jeunesse» se sont avérées les plus efficaces pour atteindre les jeunes moins favorisés et que cela devrait se refléter dans la répartition des financements;

1.7.

estime que si DiscoverEU doit faire partie du programme, cette initiative devrait comporter une forte dimension d’apprentissage;

1.8.

souligne que l’expérience physique ne doit pas être éclipsée ou remplacée par les outils virtuels, mais bien rester complémentaire à ces outils;

1.9.

souscrit à l’augmentation du nombre d’objectifs concernant l’éducation et la formation des adultes et l’enseignement et la formation professionnels continus (EFPC), et suggère que le champ d’application élargi se reflète dans l’allocation des fonds;

1.10.

demande que l’accent soit davantage mis sur la coopération transsectorielle (action clé no 2) dans le cadre de l’approche d’apprentissage tout au long de la vie, avec un budget suffisant pour mettre en œuvre des projets politiques de grande envergure;

1.11.

se félicite de l’augmentation du budget consacré au personnel, notamment en ce qui concerne la mobilité des enseignants et des formateurs, en vue de soutenir leur développement professionnel initial et continu;

1.12.

accueille favorablement l’intention louable de la proposition d’accorder des subventions à petite échelle pour soutenir ceux qui n’ont aucune expérience de présentation de candidatures au programme;

1.13.

recommande de donner la priorité, dans le chapitre relatif à la jeunesse du nouveau programme, aux activités et organisations «reposant sur le volontariat» au lieu d’utiliser une terminologie parlant de grande et petite tailles. En outre, l’octroi de subventions aux événements de grande ampleur destinés à la jeunesse européenne devrait être envisagé;

1.14.

se félicite en outre que la proposition souligne combien il importe qu’un organisme d’audit indépendant évalue les performances des agences nationales;

1.15.

est d’avis que le futur programme doit être promu et défendu par les services d’orientation professionnelle dans les établissements d’enseignement et de formation, les services de l’emploi et d’autres organisations, de manière à toucher des groupes cibles plus larges;

1.16.

estime que la proposition devrait encourager la diffusion à l’échelon européen et dans l’ensemble de l’Union européenne des résultats des projets ainsi que la poursuite des projets qui se sont révélés excellents;

1.17.

insiste sur l’absolue nécessité pour la commission permanente responsable de la gestion du programme d’accorder à l’ensemble des parties prenantes et partenaires sociaux pertinents au niveau européen une position permanente au sein de sa structure;

1.18.

se félicite des activités de participation des jeunes. Il s’agit d’un format considéré comme un réel succès dans le cadre de Jeunesse en action (et appelé alors initiatives en faveur de la jeunesse), qui permet à des jeunes n’appartenant à aucune organisation de participer au programme.

2.   Introduction

2.1.

Après le programme financier de l’Union européenne visant à soutenir l’éducation, la formation, la jeunesse et le sport par l’intermédiaire du programme Erasmus+ actuel (2014-2020), la Commission européenne a publié la prochaine génération du programme sous le nom «Erasmus» dans le contexte du cadre financier pluriannuel 2021-2027.

2.2.

Le programme Erasmus+ précédent a largement contribué à soutenir l’éducation et la formation au niveau européen, national, régional et local, à développer un sentiment d’appartenance à l’Union européenne (l’«identité européenne» dans toute sa diversité) et à encourager la compréhension mutuelle, la citoyenneté démocratique, l’intégration européenne et l’équité sociale, l’intégration sur le marché du travail et, partant, la croissance économique.

2.3.

L’intention est que la prochaine génération du programme, dotée d’un budget multiplié par deux, soit renforcée et étendue en touchant un plus grand nombre de groupes cibles, qu’elle soit plus inclusive, soutienne les projets à petite échelle et favorise la participation d’organisations n’ayant aucune expérience de présentation de candidatures au programme. Il continuera à couvrir les écoles, l’enseignement et la formation professionnels, l’enseignement supérieur et l’éducation et la formation des adultes, y compris l’apprentissage non formel et informel ainsi que les activités de volontariat, et la jeunesse et le sport, mais d’une manière plus rationnelle, sur la base de l’évaluation à mi-parcours et des consultations des parties prenantes.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE souligne que tous devraient avoir accès à une éducation et une formation de qualité ainsi qu’à la mobilité d’apprentissage. L’engagement pris dans le cadre du nouveau programme Erasmus en faveur de l’inclusion et de l’égalité comme objectifs essentiels est crucial. À l’heure actuelle, les statistiques indiquent que la majorité des étudiants de l’enseignement supérieur ayant fait l’expérience de la mobilité sont issus de milieux familiaux universitaires et privilégiés sur le plan socioéconomique (2). L’insuffisance des bourses Erasmus destinées aux étudiants de l’enseignement supérieur qui étudient à l’étranger et le coût élevé de la vie dans un autre pays ont été cités par 63 % des étudiants non mobiles en 2016 comme les principaux obstacles à la participation aux programmes d’échange Erasmus au niveau universitaire (3). Le soutien financier limité du programme a contribué au développement d’un important déficit d’accessibilité entre étudiants issus de différents milieux socioéconomiques.

3.2.

Le prochain programme Erasmus revêt une importance capitale pour renforcer la compréhension mutuelle et un sentiment d’appartenance à l’Union européenne et améliorer les qualifications et les compétences des jeunes, de manière à leur permettre ainsi d’agir en tant que citoyens démocrates et d’avoir de meilleures perspectives sur le marché du travail. Il est primordial, pour soutenir la participation de tous et les valeurs européennes communes, de favoriser l’intégration sociale, d’améliorer la compréhension interculturelle et de prévenir la radicalisation grâce à la participation des jeunes aux processus démocratiques, soutenue par la mobilité à des fins d’apprentissage et la coopération entre les citoyens, les établissements d’enseignement et de formation, les organisations, les parties prenantes et les États membres de l’Union européenne. Toutes ces mesures sont d’une importance capitale pour l’avenir de l’Union.

3.3.

Le CESE accueille favorablement l’objectif du prochain programme Erasmus de doter les jeunes citoyens européens, en tant que futurs bénéficiaires, des connaissances, qualifications et compétences nécessaires pour participer à un marché du travail en constante évolution et relever les défis sociaux, économiques et environnementaux. À cet effet, les systèmes éducatifs devront être modernisés, rendus accessibles et adaptés à l’ère numérique, et les apprenants devront être mieux préparés à devenir des citoyens démocratiquement actifs et des candidats sérieux à des emploi de qualité et équitables.

3.4.

Le CESE espère que le futur programme Erasmus envisagera l’éducation et la formation dans une perspective globale, dans le cadre de laquelle les compétences clés et les qualifications de base, notamment dans les domaines «STEAM» (4), jouent un rôle essentiel aux côtés du renforcement continu des compétences dans le cadre de l’apprentissage tout au long de la vie. Il devrait avant toute chose soutenir la citoyenneté en démocratie et les valeurs européennes communes, afin de garantir la paix, la sécurité, la liberté, la démocratie, l’égalité, l’état de droit, la solidarité et le respect mutuel, et de contribuer à des marchés ouverts, à une croissance durable et à l’inclusion et la justice sociales, dans le respect et l’enrichissement d’un sentiment d’appartenance et de la diversité culturelle.

3.5.

En ce qui concerne l’objectif politique, le CESE soutient le fait que le règlement soit fondé sur le socle européen des droits sociaux (SEDS). Le Comité estime que le prochain programme Erasmus devrait servir d’outil en faveur de la mise en œuvre du premier principe dudit socle, afin de veiller à ce qu’une éducation, une formation et un apprentissage tout à long de la vie de qualité et inclusifs deviennent un droit pour tous.

3.6.

Il approuve également le fait que le règlement se fonde sur la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (5) afin de garantir le droit à l’égalité et l’accès pour tous. Le CESE demande que la version finale du règlement insiste encore davantage pour que le programme veille à ce que l’égalité de traitement, l’équité et l’équilibre hommes-femmes s’appliquent et se trouvent renforcés.

3.7.

S’il est clair que le nouveau programme Erasmus a pris en compte «les personnes handicapées et les migrants, ainsi que les citoyens de l’Union vivant dans des régions reculées», le CESE demande de garantir, dans la répartition du budget, l’octroi d’une aide individuelle et d’un soutien financier spécifiques aux personnes handicapées, conformément à la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (6).

3.8.

Une aide financière accrue pour tous les jeunes est nécessaire pour favoriser leur mobilité à des fins d’apprentissage et offrir aux personnes issues de milieux socioéconomiquement défavorisés, y compris les migrants nouvellement arrivés, davantage de possibilités d’accéder à une éducation et une formation de qualité, et favoriser leur intégration dans la société.

3.9.

La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne garantissant le traitement équitable de tous (et pas seulement celui des citoyens de l’Union), il convient que les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile disposent également du soutien nécessaire pour obtenir la reconnaissance de leur niveau d’éducation et de formation et bénéficier de la formation complémentaire qui permettra leur intégration dans le système d’enseignement et sur le marché du travail de l’Union européenne.

3.10.

Le CESE se félicite également du fait que le prochain programme Erasmus se concentrera sur la mise en œuvre de la déclaration de Paris sur la promotion de l’éducation à la citoyenneté et aux valeurs communes de liberté, de tolérance et de non-discrimination  (7), étant donné que la prévention de l’extrémisme et de la radicalisation en Europe est aujourd’hui plus importante que jamais.

4.   Observations particulières

4.1.

Le CESE souligne l’importance de la complémentarité du programme avec les objectifs et les activités stratégiques des États membres et de l’Union. Parmi les objectifs politiques que le programme devrait mettre en œuvre figurent l’espace européen de l’éducation, la stratégie de l’Union en faveur de la jeunesse et le futur cadre stratégique pour l’éducation et la formation et ses programmes sectoriels. Devrait également y figurer une explication de la manière dont le programme soutiendra les États membres, les partenaires sociaux et les autres parties prenantes dans leurs efforts visant à atteindre les indicateurs et les critères de référence de ces stratégies futures.

4.2.

Le CESE préconise de tripler le budget d’Erasmus, une mesure qui témoignerait d’un engagement plus affirmé en faveur de la mobilité à des fins d’apprentissage et soulignerait la nécessité d’investir dans la cohésion sociale, les valeurs européennes, l’intégration et la citoyenneté. Le nouveau programme Erasmus devra couvrir les objectifs stratégiques supplémentaires, comme indiqué plus haut. Les responsables politiques devront s’assurer que les taux de réussite dans certains volets du programme ne soient pas d’une faiblesse inacceptable, comme ce fut le cas dans les programmes précédents.

4.3.

Le CESE considère que le prochain programme Erasmus doit être complémentaire à d’autres fonds et programmes de l’Union, et notamment au futur FSE+. Dans le même temps, le Comité souhaiterait souligner que les budgets nationaux de l’éducation, de la formation, de la jeunesse et du sport doivent eux-mêmes être viables et que le budget du programme Erasmus ne peut en aucun cas servir à combler leur déficits d’investissement. Le processus du semestre européen devrait continuer à jouer un rôle actif en vue d’assurer des investissements nationaux équitables et durables dans les domaines de l’éducation, de la formation et de l’apprentissage tout au long de la vie.

4.4.

Le CESE souligne combien il importe que le budget du prochain programme Erasmus favorise la coopération entre les États membres en vue d’améliorer leurs systèmes d’éducation et de formation conformément aux objectifs et activités politiques définis sur une base démocratique et discutés et approuvés par le Conseil et le Parlement européen en consultation avec les partenaires sociaux et le CESE. Un budget accru devrait aller de pair avec une flexibilité et une responsabilité plus importantes au niveau national. Cela s’applique aux objectifs liés au contenu, comme toute modification apportée au programme en vue de l’aligner sur les évolutions politiques et socioéconomiques actuelles et à venir en Europe.

4.5.

Le CESE approuve le fait que la proposition de la Commission permettra aux pays tiers de participer au programme et y voit une opportunité pour la poursuite de l’internationalisation et un moyen de renforcer la coopération entre différents établissements d’enseignement ainsi qu’entre jeunes et organisations sportives du monde entier. Elle offrira en effet aux jeunes dans les pays partenaires davantage de possibilités d’étudier et de se former en Europe et vice versa. Un accès plus aisé et une aide administrative, financière et sociale suffisante pour ces participants sont nécessaires afin de garantir une place à l’éducation européenne sur la scène internationale de l’enseignement.

4.6.

Le CESE note l’importance accrue attribuée aux outils de coopération virtuelle et convient que, comme le souligne la proposition, les solutions telles que la mobilité mixte sont un excellent moyen de faciliter l’accès aux groupes confrontés à des obstacles particuliers à la mobilité physique, tels que les étudiants vivant dans des zones reculées, ceux qui ont charge de famille ou encore les personnes handicapées. Ces outils ont le potentiel d’accroître la coopération et la communication transnationale et d’aider à la préparation et à l’orientation des futurs participants. Le CESE souligne toutefois que les outils virtuels ne devraient pas remplacer l’expérience physique mais bien rester complémentaires à celle-ci. Il y a lieu de donner la priorité aux investissements en faveur d’une mobilité physique de qualité.

4.7.

Le CESE préconise que la proposition fasse mention des obstacles bureaucratiques qui pourraient apparaître lorsque des groupes d’apprenants de nationalités et de statuts différents souhaitent prendre part à une initiative de mobilité, notamment si le pays de destination n’est pas un État membre de l’Union européenne (s’il prévoit, par exemple, des conditions de délivrance des visas ou des restrictions d’accès différentes selon la nationalité).

4.8.

Le CESE estime que le nom du programme revêt une importance cruciale et qu’il importe de s’assurer que le grand public comprenne parfaitement ce que le programme soutient et qu’il couvre bien toutes les phases de l’éducation et toutes les formes d’apprentissage, et pas seulement l’enseignement supérieur, la moitié des fonds du programme Erasmus étant consacrée à la promotion de l’éducation et de la formation en général, à celle de l’éducation et de la formation des adultes et à l’aide à la jeunesse et au sport, permettant ainsi aux jeunes et au personnel de passer un certain temps à l’étranger. Toutefois, maintenant que le signe «+» symbolisant le regroupement de l’ensemble des programmes dans un même cadre disparaîtra du nom du programme, celui-ci risque de «perdre» des acteurs en dehors du secteur de l’enseignement supérieur. Le CESE propose dès lors que le nom «Erasmus+» soit maintenu.

4.9.

Le CESE souscrit à l’augmentation du nombre d’objectifs concernant l’éducation et la formation des adultes et l’enseignement et la formation professionnels continus (EFPC), et suggère que le champ d’application élargi se reflète dans l’allocation des fonds. Le CESE attire l’attention sur le fait que l’éducation et la formation des adultes ciblent également les personnes défavorisées sur le plan socioéconomique, réfugiés compris. Le CESE se déclare dès lors préoccupé par le fait qu’une fois de plus, l’éducation et la formation des adultes et l’aide aux adultes peu qualifiés se verront attribuer la plus petite part du budget. Le CESE n’est pas convaincu que ce montant, ajouté au budget du futur FSE+, sera suffisant pour soutenir les 70 millions d’adultes peu qualifiés devant être intégrés dans le marché du travail, conserver leur emploi ou encore être aidés dans leur transition d’un emploi à l’autre.

4.10.

Si le CESE apprécie les efforts consentis afin d’augmenter le budget de l’EFP, il convient de noter qu’aucune mesure particulière n’est envisagée pour assurer un EFP de meilleure qualité, attrayant, accessible et inclusif. Dans le même temps, il convient d’améliorer la mobilité pour les apprenants de l’EFP et l’apprentissage [actuellement, seulement 1 % des apprentis européens optent pour un séjour à l’étranger au cours de leur formation (8); l’objectif fixé pour 2020 est de 6 %] conformément à la recommandation du Conseil relative à un cadre européen pour un apprentissage efficace et de qualité (EFQEA) (9), au système européen de crédits d’apprentissages pour l’enseignement et la formation professionnels (ECVET) et au cadre européen de référence pour l’assurance de la qualité dans l’enseignement et la formation professionnels (CERAQ).

4.11.

Le CESE souhaiterait savoir de quelle manière l’«approche de l’apprentissage tout au long de la vie» est mise en pratique, et estime qu’il convient de se focaliser davantage sur la coopération transsectorielle (action clé no 2), avec un budget suffisant pour mettre en œuvre des projets politiques de grande envergure, compte tenu de leur potentiel élevé tant au niveau national qu’à l’échelon de l’Union européenne, comme l’indique le rapport d’information du CESE sur l’évaluation à mi-parcours d’Erasmus+ (10).

4.12.

Par ailleurs, le CESE se félicite de l’augmentation du budget consacré au personnel, notamment en ce qui concerne la mobilité des enseignants et des formateurs, en vue de soutenir leur développement professionnel initial et continu. La mobilité des enseignants, des formateurs et des autres membres du personnel (éducatif) est essentielle pour contribuer à améliorer la qualité de l’éducation et de la formation. Elle favorise aussi l’indispensable coopération entre les établissements d’enseignement et d’autres organisations, ainsi que leur internationalisation. Le CESE estime que la proposition pourrait apporter une aide supplémentaire aux enseignants, aux formateurs, aux autres membres du personnel (éducatif), aux professeurs d’université et aux chercheurs qui doivent être remplacés dans leur emploi pendant leurs périodes de mobilité. Ils devraient être soutenus dans leur apprentissage des langues et leurs congés de mobilité devraient être considérés comme faisant partie intégrante de leur emploi et reconnu comme s’inscrivant dans leur développement personnel et professionnel continu.

4.13.

Le CESE est d’avis que le prochain programme Erasmus doit être promu et défendu par les services d’orientation professionnelle dans les établissements d’enseignement et de formation et les services de l’emploi, et s’engager davantage dans des campagnes médiatiques, de manière à toucher des groupes cibles plus larges.

4.14.

Le CESE suggère que le règlement mentionne l’importance de lier l’octroi des ressources budgétaires et des subventions à l’application de procédures strictes d’évaluation de la qualité et à la description des acquis d’apprentissage. La proposition devrait également accorder une attention particulière à la validation et la reconnaissance de l’éducation et de la formation à l’étranger et en ligne. Ainsi, elle devrait faire référence à la recommandation du Conseil relative à la validation de l’apprentissage non formel et informel (11), au EFQEA (12), au processus de Bologne et à ses valeurs fondamentales et aux systèmes de crédit nationaux, aux outils et instruments européens tels que le cadre européen des certifications (CEC), le registre européen pour la garantie de la qualité dans l’enseignement supérieur (EQAR), l’ECVET et le CERAQ.

4.15.

Le programme Erasmus est un élément crucial s’agissant de soutenir les efforts et le travail quotidien des organisations de jeunesse, concernant notamment l’aide en faveur de l’apprentissage non formel et informel ainsi que le développement du travail socio-éducatif. Pour cette raison, il y a lieu de se réjouir de la proposition prévoyant le maintien du chapitre consacré à la jeunesse en tant qu’entité distincte dans le prochain programme. Néanmoins, afin de toucher davantage de jeunes, et en particulier ceux qui sont défavorisés, les activités relevant de ce chapitre revêtent une importance déterminante. Selon l’évaluation intermédiaire du programme actuel, les actions relevant du chapitre consacré à la jeunesse et mettant en œuvre des approches d’apprentissage inclusives et non formelles sont celles qui sont parvenues avec le plus de succès à toucher les jeunes moins favorisés. Ceci devrait être pris en considération dans le cadre de l’octroi des financements pour les différents chapitres. Le chapitre consacré à la jeunesse devrait donc pouvoir bénéficier d’un meilleur financement. En outre, l’octroi de subventions aux événements de grande ampleur destinés à la jeunesse européenne devrait être envisagé (des subventions par manifestation plutôt qu’au prorata du nombre de participants), car cela augmenterait significativement le nombre de jeunes touchés par Erasmus+.

4.16.

Le service volontaire européen (SVE), un élément clé du précédent programme Erasmus+, a été supprimé. Les activités relevant désormais de la compétence du corps européen de solidarité et non plus d’Erasmus+, il importe de développer et de clarifier davantage les liens entre ces deux programmes.

4.17.

Le CESE est préoccupé par le manque de composantes éducatives dans DiscoverEU. Le programme Erasmus+ a pour élément central la mobilité et se caractérise par une forte dimension d’apprentissage. Si cela fait défaut dans l’initiative DiscoverEU, elle n’a pas sa place au sein d’Erasmus+. En outre, il y a lieu de se féliciter du soutien dont bénéficient les jeunes dans leur démarche d’exploration du continent européen, vu la valeur ajoutée que cela apporte, sur le plan notamment de la découverte de pays, de cultures, de langues et de peuples différents. Toutefois, DiscoverEU donne l’impression d’être une initiative principalement destinée aux jeunes privilégiés. Elle ne couvre en effet que les frais de déplacement et exclut donc les jeunes défavorisés qui ne peuvent se permettre de voyager. En outre, le rôle des organisations de jeunesse dans la mise en œuvre de cette initiative nécessite de plus amples explications. Elle ne sera véritablement utile et porteuse de sens que si elle est dotée d’une dimension d’apprentissage et inclut réellement tous les jeunes.

4.18.

Il apparaît particulièrement nécessaire de simplifier et de rationaliser les candidatures aux projets proposés au titre du prochain programme Erasmus. Selon le rapport d’information du CESE sur l’évaluation à mi-parcours du programme Erasmus+ (13) et une étude menée par les partenaires sociaux (14), le programme n’inclut pas suffisamment les organisations de toutes tailles et de tous types, provenant de toutes les zones géographiques et régions de l’Union européenne. Le CESE accueille dès lors favorablement l’intention louable de la proposition d’accorder des subventions à petite échelle pour soutenir ceux qui n’ont aucune expérience de présentation de candidatures au programme. Cependant, la simplification doit veiller à prévenir toute mauvaise gestion. Par conséquent, le Comité se félicite que la proposition souligne combien il importe qu’un organisme d’audit indépendant évalue les performances des agences nationales.

4.19.

Concernant le chapitre consacré à la jeunesse, la terminologie proposée, qui fait référence à des organisations de petite ou de grande taille, ne correspond pas à la réalité des bénéficiaires. Le CESE recommande dès lors plutôt de donner la priorité, dans le nouveau programme, aux activités et aux organisations «reposant sur le volontariat», dans le cadre desquelles les jeunes jouent un rôle essentiel dans la direction que prend leur propre développement éducatif. Par ailleurs, des mouvements de jeunesse locaux devraient être autorisés à s’enregistrer comme bénéficiaires en tant qu’organisations de jeunesse autonomes, indépendamment de l’entité juridique nationale. Ils devraient recevoir les orientations dont ils ont besoin de la part de leurs agences nationales respectives. Cela contribuerait à orienter les financements vers les initiatives des jeunes eux-mêmes et à réduire le risque de voir une part importante des fonds octroyée à des opérateurs professionnels, comme cela a malheureusement été le cas dans le cadre du programme actuel, ce qui a été critiqué au cours des consultations du CESE concernant l’examen à mi-parcours.

4.20.

La diffusion et la viabilité des projets sont également très importantes. La proposition devrait encourager une diffusion adéquate de leurs résultats, notamment une diffusion coordonnée à l’échelon européen et dans l’ensemble de l’Union européenne, ainsi que la poursuite des projets qui se sont révélés excellents.

4.21.

Il y a lieu de prévoir des subventions de fonctionnement de taille égale pour les secteurs de l’éducation formelle et non formelle. Cela permettrait de renforcer les complémentarités et de doter le secteur de l’éducation non formelle des moyens nécessaires pour proposer des programmes de haute qualité. En outre, la subvention de fonctionnement devrait être proportionnelle à la portée d’impact liée aux priorités du programme, ainsi qu’au coût d’exploitation des plateformes européennes.

4.22.

En outre, le CESE estime que le prochain programme devrait permettre aux projets au niveau européen de poser leur candidature via une structure centralisée plutôt que par l’intermédiaire d’agences nationales. Cela permettrait de garantir un meilleur accès aux organisations et réseaux européens, ainsi que de lutter contre le double financement de projets parallèles.

4.23.

Le budget du programme étant fondé sur la contribution financière des citoyens de l’Union européenne, le CESE souligne l’importance de doter le futur programme d’une gouvernance démocratique et insiste sur l’absolue nécessité pour la commission permanente responsable de la gestion du programme d’accorder à l’ensemble des parties prenantes et partenaires sociaux pertinents au niveau européen une position permanente au sein de sa structure, et pas seulement un statut d’observateur sur une base ad hoc.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Recommandation du Conseil du 22 mai 2018 relative aux compétences clés pour l’éducation et la formation tout au long de la vie. Les compétences clés sont les suivantes: littérisme et langues; mathématiques, sciences et ingénierie; compétences numériques; compétences personnelles, sociales et d’apprentissage; compétences civiques; esprit d’entreprise; et sensibilité et expression culturelles. Cela recouvre aussi un ensemble complet de valeurs, d’aptitudes et d’attitudes nécessaires pour une participation appropriée aux sociétés démocratiques.

(2)  L’étude d’impact Erasmus (2014) indiquait que près des deux tiers des étudiants avaient au moins un parent cadre, professionnel ou technicien.

(3)  What are the obstacles to student mobility during the decision and planning phase? (Quels sont les obstacles à la mobilité des étudiants au cours de la phase de décision et de planification?) Intelligence brief No. 02 (2016), http://www.eurostudent.eu/download_files/documents/EV_IB_mobility_obstacles.pdf

(4)  Sciences, technologies, ingénierie, arts et mathématiques (STEAM, Science, Technology, Engineering, Art and Mathematics).

(5)  http://www.europarl.europa.eu/charter/pdf/text_fr.pdf

(6)  http://www.un.org/disabilities/documents/convention/convoptprot-f.pdf

(7)  http://ec.europa.eu/dgs/education_culture/repository/education/news/2015/documents/citizenship-education-declaration_fr.pdf

(8)  http://www.institutdelors.eu/wp-content/uploads/2018/01/extendingerasmus-fernandesbertoncini-june2017.pdf?pdf=ok

(9)  http://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2018/03/15/quality-and-effective-apprenticeships-council-adopts-european-framework/

(10)  https://www.eesc.europa.eu/fr/our-work/opinions-information-reports/information-reports/evaluation-mi-parcours-derasmus

(11)  https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32012H1222%2801%29

(12)  http://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2018/03/15/quality-and-effective-apprenticeships-council-adopts-european-framework/

(13)  https://www.eesc.europa.eu/fr/our-work/opinions-information-reports/information-reports/evaluation-mi-parcours-derasmus

(14)  ETUC — ETUCE — CEEP — EFEE: Investment in Education, 2017, https://www.etuc.org/sites/default/files/publication/files/investment_in_education_and_training_-etuc_-ceep.pdf


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/201


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le programme “Corps européen de solidarité” et abrogeant le [règlement relatif au corps européen de solidarité] et le règlement (UE) no 375/2014»

[COM(2018) 440 final — 2018/0230 (COD)]

(2019/C 62/33)

Rapporteur:

Michael McLOUGHLIN

Saisine

Parlement européen, 2.7.2018

Conseil de l’Union européenne, 10.7.2018

Base juridique

Article 165, paragraphe 4, article 166, paragraphe 4, article 214, paragraphe 5, et article 294 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section spécialisée

26.9.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

184/1/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement l’engagement visant à renouveler le corps européen de solidarité, dont le budget est augmenté et la participation élargie.

1.2.

Le CESE apprécie la base juridique nouvelle et complète du corps européen de solidarité, un budget spécifique et la fusion avec l’initiative des volontaires de l’aide de l’Union européenne (1).

1.3.

Nous avons besoin d’une nouvelle politique européenne globale en matière de volontariat, qui traitera toutes les questions pertinentes et engagera les États membres au-delà du concept du corps européen de solidarité.

1.4.

Le CESE se félicite de la ventilation du budget qui donne la priorité au volet du volontariat, et souhaite que cela continue.

1.5.

À l’avenir, l’Union européenne a besoin d’élaborer deux programmes de soutien indépendants l’un de l’autre, portant d’une part sur les jeunes et d’autre part sur le volontariat, tout en acceptant qu’il puisse y avoir des chevauchements entre les deux.

1.6.

Il convient de veiller en particulier à garantir que les priorités de l’Union en matière de politique étrangère, notamment les plus dures, n’influencent pas le corps européen de solidarité après sa fusion avec les volontaires de l’aide de l’Union européenne.

1.7.

Des statistiques fiables, notamment en ce qui concerne l’incidence sur les populations locales des actions menées par le corps européen de solidarité, doivent être produites à temps pour contribuer à l’évaluation et à la prise de décision au sujet de ce dernier, et même dans le cas où celles-ci seraient négatives, il convient de les rendre publiques.

1.8.

Le volet «emploi» doit faire l’objet d’une réglementation très stricte et d’une révision régulière, afin de garantir que les engagements pris à son égard soient remplis.

1.9.

Conformément à une approche d’apprentissage tout au long de la vie, il ne devrait pas y avoir de restrictions d’âge concernant le corps européen de solidarité, étant donné qu’il devrait être un appui au bénévolat.

1.10.

Le CESE réaffirme que le corps européen de solidarité devrait se limiter au secteur non marchand et que cette valeur devrait être maintenue indépendamment des organismes qui réalisent les projets.

1.11.

Il convient de faciliter le partage de bonnes pratiques en matière de bénévolat, et de lui donner la priorité; il faudrait pour cela associer les États membres de l’Union européenne de manière à recueillir toutes les informations nécessaires et à rendre plus faciles de nouvelles évolutions politiques dans ce domaine.

1.12.

Les agences nationales devraient bénéficier d’une aide supplémentaire pour traiter le volet «emploi» et les questions relatives au marché du travail.

1.13.

Les principaux documents relatifs à l’égalité de traitement des personnes effectuant un apprentissage ou un stage, ainsi que d’autres mesures soulignées dans le présent rapport, devraient être utilisés et faire l’objet d’un rapport dans le cadre du suivi du corps européen de solidarité.

1.14.

Les principales plateformes de la société civile dans ce domaine (Le Forum européen de la jeunesse et le Centre européen du volontariat) devraient être associées de manière centralisée à la réglementation et à la surveillance du corps européen de solidarité.

1.15.

Il serait souhaitable de simplifier et de rationaliser ce programme.

1.16.

L’Union européenne a besoin de montrer sa volonté d’investir dans d’autres formes et dans d’autres types de bénévolat, au-delà du seul corps européen de solidarité.

2.   Historique

2.1.

La Commission européenne propose de fixer le budget total du corps européen de solidarité à 1,26 milliard d’EUR en prix courants pour la période allant du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2027. Cela permettrait à quelque 350 000 jeunes d’y participer entre 2021 et 2027, en plus des 100 000 participants que la Commission à l’intention de soutenir d’ici à la fin de l’année 2020.

2.2.

Étant donné l’existence d’un potentiel de développement de la solidarité envers les victimes de crises et de catastrophes dans les pays tiers, la proposition à l’examen prévoit d’étendre le champ d’application du corps européen de solidarité pour y inclure un soutien aux opérations d’aide humanitaire dans des pays tiers, notamment celles qui se déroulent dans le voisinage des régions ultrapériphériques de l’Union européenne.

2.3.

Le corps européen de solidarité a pour objectif de renforcer la participation des jeunes et des organisations à des activités de solidarité accessibles et de qualité. C’est un moyen de renforcer la cohésion, la solidarité et la démocratie en Europe et dans d’autres pays, et de répondre à des défis sociétaux et humanitaires sur le terrain, en s’attachant particulièrement à promouvoir l’insertion sociale.

2.4.

Le corps européen de solidarité permettra aux participants d’améliorer et de valider leurs compétences, et facilitera leur intégration sur le marché du travail.

2.5.

Ce programme proposera des activités pouvant être menées dans un pays différent du pays de résidence des participants (activités et volontariat transfrontières visant à soutenir des opérations d’aide humanitaire), et des activités réalisables dans leur pays de résidence (activités nationales). Il sera mis en œuvre dans le cadre de deux volets d’actions:

volet no 1: participation de jeunes à des activités de solidarité répondant à des défis de société; ces actions contribuent en particulier à renforcer la cohésion, la solidarité et la démocratie dans l’Union et au-delà tout en relevant des défis de société, des efforts particuliers visant à promouvoir l’insertion sociale;

volet no 2: participation de jeunes à des activités de solidarité relevant de l’aide humanitaire («Corps volontaire européen d’aide humanitaire»): ces actions contribuent en particulier à fournir une aide humanitaire fondée sur les besoins et visant à protéger des vies, à prévenir et à atténuer les souffrances des personnes et à préserver la dignité humaine, ainsi qu’à renforcer les capacités et la résilience des populations vulnérables ou frappées par des catastrophes.

2.6.

Toute entité publique ou privée établie dans un pays participant, ainsi que les organisations internationales, peuvent demander à bénéficier d’un financement au titre du corps européen de solidarité. L’organisation participante doit obtenir un label de qualité, qui est une condition préalable pour bénéficier d’un financement ou pour mettre en œuvre toute action qu’elle financerait elle-même, au titre du corps européen de solidarité.

2.7.

Il convient de veiller spécialement à faire en sorte que les activités soutenues par le corps européen de solidarité soient accessibles à tous les jeunes, notamment aux plus défavorisés. Des mesures spécifiques devraient être mises en place dans le but de promouvoir l’insertion sociale et la participation des jeunes défavorisés, et pour prendre en compte les contraintes imposées par l’éloignement d’un certain nombre de zones rurales et des régions ultrapériphériques de l’Union européenne et des pays et territoires d’outre-mer.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE accueille favorablement l’engagement de renouveler le corps européen de solidarité, dont le budget est augmenté et la participation élargie. Il estime toutefois qu’il reste encore des questions à traiter, et nombre d’entre elles ont été soulevées dans un précédent avis (2) sur ce sujet. D’autres avancées ainsi que des problèmes potentiels relatifs à la fusion avec les volontaires de l’aide de l’Union européenne existent également, entraînant l’élargissement du volet du volontariat aux pays voisins, aux pays en phase de préadhésion et aux régions ultrapériphériques de l’Union européenne.

3.2.

Cet avis met en particulier l’accent sur ce qui est nouveau ou novateur dans la proposition à l’examen. En effet, ladite communication prévoit une base juridique nouvelle et complète pour le corps européen de solidarité, un budget spécifique et une fusion effective avec l’initiative des volontaires de l’aide de l’Union européenne. Le corps européen de solidarité devient donc une entité unique au titre de la présente proposition, par opposition à la somme des huit entités différentes qui coexistaient jusqu’à présent, ce qui est une bonne chose.

3.3.

Le CESE, dans son précédent avis, avait formulé plusieurs demandes au sujet du corps européen de solidarité (3), qui semblent être toujours d’actualité. La plupart d’entre elles n’ayant pas été suivies d’effet, il convient d’en répéter certaines et d’autres nécessitent des systèmes et structures en vue d’éviter des conséquences qui semblaient déjà préoccupantes alors. Une partie de ces demandes portent sur:

la garantie d’un contrôle de qualité des participants accédant au corps européen de solidarité,

la garantie d’un contrôle de la qualité des projets et des personnes au sein des populations locales,

le rôle des ressources en ligne destinées à soutenir les volontaires,

la question de l’«argent frais»,

le rôle des organisations autres que celles à but non lucratif,

la définition du volontariat,

le rôle des organisations de jeunesse,

la nécessité de soutenir les participants qui se préparent à participer au corps européen de solidarité,

les actions de soutien et de suivi qui contribueront à garantir une probabilité plus grande que l’engagement au sein du corps européen de solidarité débouche sur un volontariat tout au long de la vie et sur d’autres actions exprimant la solidarité.

3.4.

Le CESE estime important que les plateformes des organisations de la société civile concernées, telles que le Forum européen de la jeunesse et le Centre européen du volontariat, soient formellement intégrées à l’organe de contrôle du corps européen de solidarité, de manière à garantir que la voix de la société civile soit entendue et que le retour d’information provenant du terrain et des utilisateurs du programme fasse partie du processus de gestion du programme.

3.5.

Il est important d’examiner de près la fusion avec les volontaires de l’aide de l’Union européenne. Il s’agit d’une action de type très différent. S’il existe effectivement une grande marge de simplification et de rationalisation de ce processus, les questions de développement suscitent des interrogations différentes et spécifiques, qui sont liées à la culture, au pouvoir et au type des projets. La proposition à l’examen reconnaît qu’il s’agit d’une difficulté. Il est important de ne pas précipiter les choses uniquement par commodité administrative.

3.6.

Le programme des volontaires de l’aide de l’Union européenne est relativement limité, mais il s’adresse à davantage de personnes que les seuls jeunes, or la proposition s’avère muette sur ce point. Comme l’a montré l’évaluation externe du programme des volontaires de l’aide de l’Union européenne, celui-ci comprenait une norme européenne de la gestion de volontaires, il conviendrait donc de ne pas perdre cet acquis ou ce système en fusionnant ce programme avec le corps européen de solidarité.

3.7.

Les données issues du portail du corps européen de solidarité (4) doivent être analysées afin que l’on puisse commencer à étudier son impact, bien que son exploitation n’en soit qu’à ses débuts. Les systèmes d’évaluation et de retour d’information seront d’une importance cruciale. Au-delà de ceux-ci, des systèmes officiels destinés à assurer une cohérence, tels que l’accès au médiateur européen, doivent être garantis à la fois aux participants et aux autres parties prenantes.

3.8.   Le soutien au volontariat

3.8.1.

Le soutien proposé aux personnes engagées dans le volontariat peut prendre de nombreuses formes, et la plus grande partie de celui-ci continuera à relever de la responsabilité des États membres. La Commission souligne que le corps européen de solidarité n’est qu’un programme, et n’en est qu’un seul aspect. Toutefois, il en est venu à être considéré comme une mesure prioritaire dotée d’un capital politique important. Cela peut lui retirer son potentiel au service d’une approche plus spécifique de l’aide au volontariat.

3.8.2.

Le fait que le corps européen de solidarité pourrait détourner certaines personnes d’autres formes de volontariat constitue bien évidemment un sujet d’inquiétude. De même, si le CESE se félicite toujours du soutien apporté aux organisations de la société civile, il craint qu’il puisse également être plus attrayant de choisir une organisation de la société civile plutôt qu’une administration publique ou qu’un bénévolat individuel, ou encore de faire le choix du volontariat international au lieu du volontariat local.

3.8.3.

Le volontariat est un concept très disparate. Il peut être extrêmement limité dans le temps, ou au contraire très large. Il peut impliquer de l’altruisme, de l’enthousiasme et surtout du temps, à différents degrés. Le volontariat est, sans aucun doute, un bien public et, dans le même temps, il peut servir des intérêts économiques et sociaux essentiels consistant à soulager l’État d’une certaine pression et d’assurer la réalisation de tâches essentielles, souvent à un échelon très local. L’État doit donc, à l’instar de l’Union européenne, soutenir le volontariat. Alors que le corps européen de solidarité n’est qu’un programme, l’accent mis sur le bénévolat effectif à plein temps dans un contexte international souligne cette approche. Par conséquent, avec la meilleure volonté du monde, d’autres types de volontariat risquent de ne pas bénéficier de la même attention.

3.8.4.

L’aide publique au volontariat doit être diversifiée et nécessairement couvrir le monde du travail, des dispositions flexibles du système de sécurité sociale, la certification, l’approche des autorités publiques dans le domaine de la santé et de l’éducation, la question de la compensation, le cas échéant, la formation et bien d’autres sujets encore. Il est essentiel que l’Union européenne souligne que toutes ces questions sont en jeu, et si elle ne peut posséder des compétences dans tous les domaines, elle doit cependant faire preuve de prudence lorsqu’elle donne la priorité à une forme par rapport à une autre dans le financement qu’elle met à disposition. Une politique vaste et globale en matière de bénévolat est nécessaire plutôt qu’un programme unique, indépendamment de la qualité de l’accueil ou du financement qui lui sont réservés.

3.8.5.

Malgré ces nouvelles propositions et après quelques ajustements initiaux, il subsiste quelques questions générales sur la raison d’être et les objectifs. Au niveau le plus élevé, il convient d’établir si le corps européen de solidarité est un programme de volontariat ou un soutien au développement destiné aux jeunes. Il peut être difficile de poursuivre ces deux objectifs.

3.8.6.

Il pourrait dès lors être préférable de dissocier la logique et la raison d’être du soutien au volontariat, qui peut prendre différentes formes, des programmes destinés aux jeunes, qui pourraient bénéficier d’un soutien dans le cadre de la stratégie en faveur de la jeunesse. Leur mélange ou leur éventuel chevauchement devraient n’être dus qu’à leur conception, et être de principe, et non dépendre de leur histoire et des financements disponibles. Effectivement, il semblerait plus approprié à l’avenir de disposer de programmes à part entière pour soutenir les jeunes et le volontariat, même s’il devait y avoir certains chevauchements. Ce pourrait être l’approche à suivre s’il était possible, par exemple, de repartir d’une «page blanche».

3.8.7.

Le corps européen de solidarité s’est vu fixer un grand nombre d’objectifs. Il convient de s’interroger régulièrement au sujet de la raison d’être du programme, afin de savoir si ce dernier constitue le meilleur moyen pour y répondre. En règle générale, le CESE estime encore que le corps européen de solidarité devrait être exclusivement réservé à des organisations à but non lucratif. Il peut supposer des partenariats avec des organisations à but lucratif, mais l’activité doit être clairement menée à bien par un organisme non marchand et, le cas échéant, être régie par un accord juridiquement contraignant à cet égard.

3.9.   Le volet «emploi»

3.9.1.

Le volet «emploi» du corps européen de solidarité fait l’objet d’une grande attention. Le CESE a la conviction qu’il nécessite une réglementation extrêmement stricte, et qu’il devrait certainement être proposé par des organisations à but non lucratif. Il semble que le travail et les efforts qu’entraîne la création de ce volet, pour un nombre très limité de places, doivent faire l’objet d’un suivi constant. Avec la meilleure volonté du monde, les agences nationales (les mêmes que celles d’Erasmus+) ne sont pas censées disposer de connaissances suffisantes sur les questions de l’emploi et du marché du travail.

3.9.2.

Si un volet «emploi» doit subsister, celui-ci doit correspondre aux normes les plus élevées dans ce domaine. Une série de normes et de documents externes dans le domaine du volontariat, du travail et des jeunes continue d’être pertinents en la matière et le CESE continue de les approuver et de les recommander à la Commission, à l’agence exécutive et aux agences nationales:

a)

l’agenda politique pour le volontariat en Europe (PAVE) (5);

b)

la charte européenne sur les droits et les responsabilités des volontaires du Forum européen de la Jeunesse (6);

c)

la charte européenne sur la qualité des stages et des apprentissages (7);

d)

la décision du Bureau du Parlement européen relative aux stages non rémunérés (8).

3.10.   Un programme pour la jeunesse?

3.10.1.

À juste titre, l’accent est largement mis sur l’expérience, le bien-être et le développement des jeunes participants, ce que nous approuvons entièrement. Il convient également d’accorder la même importance à la qualité des interventions, de veiller à ce que celles-ci atteignent leurs objectifs et qu’elles respectent les attentes et des normes d’application dans leurs domaines respectifs. Il ne saurait y avoir de compromis entre la qualité du projet et la qualité du résultat pour le participant, toutes deux ayant la même importance.

3.10.2.

Si le volontariat des jeunes constitue un objectif spécifique et prioritaire à ce stade, il serait temps également, dans le cadre de l’apprentissage tout au long de la vie, de commencer à débattre de l’opportunité de fixer une limite d’âge pour le corps européen de solidarité et ses activités connexes. Dans la société, nombreuses sont les personnes qui ont quelque chose à offrir, et de fait, quelque chose à apprendre, et la solidarité entre les générations est tout aussi importante.

4.   Observations spécifiques

4.1.

Il est difficile de savoir si les données sur les progrès réalisés jusqu’à présent ont été suffisantes pour prendre de nouvelles décisions au sujet de la consolidation et de la fusion avec de nouveaux domaines. Le service volontaire européen (SVE) (9) suivait une logique claire en tant que programme destiné à la jeunesse. Le CESE n’est pas convaincu que le SVE ait fait l’objet d’évaluations d’impact en nombre suffisant avant la mise en place du corps européen de solidarité. Bien qu’une grande partie du SVE soit devenu aujourd’hui le corps européen de solidarité, il est à craindre que le budget disponible ait favorisé ce processus, au contraire d’une vision en faveur du volontariat. Le degré de participation des jeunes à la prise de décision au sujet de ce changement n’est pas non plus connu.

4.2.

La fusion des programmes européens consacrés à l’aide humanitaire et au service des volontaires est un grand changement, qui devrait répondre à une logique claire et explicite. Certaines des politiques extérieures de l’Union mettent de plus en plus l’accent sur la sécurité, et la crise des réfugiés a également exercé une influence en ce sens. Cela peut également contribuer à modifier la nature du corps européen de solidarité, si celui-ci est utilisé dans le cadre de l’action extérieure de l’Union européenne. Cette fusion introduit également une limite d’âge dans la dimension humanitaire, qui n’était pas présente auparavant.

4.3.

Les objectifs de la nouvelle stratégie de l’Union européenne en faveur de la jeunesse (10) relatifs à l’augmentation de l’engagement dans le volontariat dans les États membres, au-delà du corps européen de solidarité, pourraient trouver une meilleure expression dans la proposition à l’examen. La stratégie européenne 2019-2027 en faveur de la jeunesse semble avoir des objectifs plus ambitieux consistant à encourager les États membres à renforcer les politiques en matière de volontariat ainsi que les stratégies visant à encourager davantage de jeunes à y participer. Il serait important qu’un financement spécifique soit également prévu, de manière à offrir aux États membres des espaces en vue d’échanger de bonnes pratiques liées aux politiques et aux stratégies en matière de volontariat, par exemple dans l’objectif de restaurer le groupe d’experts sur la mobilité des jeunes bénévoles. En particulier, le CESE espère que l’outil de reconnaissance des acquis d’apprentissage du corps européen de solidarité pourrait être utilisé dans toutes les formes d’engagement volontaire en dehors de ce programme proprement dit. La base juridique de la proposition à l’examen ne l’exclut pas, mais il serait utile de mettre en place un objectif plus large dans ce domaine.

4.4.

La nouvelle proposition promet de simplifier les procédures, ce qui est une bonne nouvelle. À cet égard, des précisions seraient utiles aux parties prenantes. Les projets de solidarité au niveau local constituent une évolution positive, et devraient constituer une priorité.

4.5.

Une partie du matériel promotionnel lié au corps européen de solidarité insiste très largement sur les possibilités individuelles et sur le développement. Ces éléments doivent à l’évidence faire partie de l’offre, mais il est en revanche de la plus haute importance que le produit final comme le résultat du volontariat soit également souligné et encouragé. Étant donné l’existence de l’initiative DiscoverEU (11), il convient d’être attentifs à ne pas laisser émerger l’impression que l’aide apportée par l’Union européenne serait prioritairement destinée à financer des «années sabbatiques» pour les jeunes les plus favorisés.

4.6.

Le CESE soutient résolument la ventilation indicative de 90 % destiné au volontariat dans la mise en place du budget du programme, ainsi que la perspective de renforcer l’accompagnement des personnes défavorisées. La répartition budgétaire dans les différents volets devrait être maintenue, sauf dans les cas où la faiblesse de la demande entraînerait les agences nationales à procéder à des changements entre les lignes budgétaires. De manière générale, la répartition devrait se faire en fonction des demandes des organisations participantes.

4.7.

Il sera nécessaire de doter suffisamment les agences nationales, en particulier si l’on veut qu’elles puissent répondre à tous les défis et notamment les nouvelles actions relatives au volet professionnel du corps européen de solidarité, ainsi que pour leur permettre de coopérer avec les agences pour l’emploi et d’autres mécanismes nationaux pertinents.

4.8.

Le SVE disposait d’un cadre solide de formation formelle et informelle. Le concept d’Erasmus qui a été mis au point pour les travailleurs du secteur de la culture pourrait être utile au corps européen de solidarité. L’éducation non formelle est un domaine très sensible. Il convient d’examiner l’approche PISA, qui permet aux étudiants d’obtenir des crédits pour mener des travaux pratiques de type Erasmus.

4.9.

Le corps européen de solidarité comporte une dimension de suivi, mais il n’est envisagé que du point de vue du partage des connaissances. Il convient de rechercher un engagement des participants à plus long terme dans des actions solidaires, y compris à travers un engagement bénévole à temps partiel (le plus courant) pendant leurs loisirs, indépendamment de la possibilité de volontariat qu’offre le corps européen de solidarité.

4.10.

Il est important d’analyser l’ajout de la dimension de l’emploi, et d’y répondre. Certaines des mesures d’efficacité prévues dans l’évaluation ex ante sont davantage axées sur le rendement, plutôt que sur les résultats, et les futures évaluations devront aborder cette question.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  https://webgate.ec.europa.eu/echo/eu-aid-volunteers_en/

(2)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 160.

(3)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 160.

(4)  https://europa.eu/youth/solidarity_fr

(5)  http://www.kansalaisareena.fi/EYV2011Alliance_PAVE_copyfriendly.pdf

(6)  https://www.youthforum.org/fr/charte-sur-les-droits-et-les-responsabilites-des-volontaires

(7)  https://www.youthforum.org/fr/charte-europeenne-sur-la-qualite-des-stages-et-des-apprentissages

(8)  https://www.socialistsanddemocrats.eu/fr/newsroom/unpaid-internships-european-parliament-and-elsewhere-must-be-banned-say-sds

(9)  https://europeanvoluntaryservice.org/

(10)  https://ec.europa.eu/youth/policy/youth-strategy_fr

(11)  https://europa.eu/youth/discovereu_fr


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/207


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la réduction de l’incidence sur l’environnement de certains produits en plastique»

[COM(2018) 340 final — 2018/0172 (COD)]

(2019/C 62/34)

Rapporteure:

Maria NIKOLOPOULOU

Saisine

Conseil, le 15.6.2018

Parlement européen, le 11.6.2018

Base juridique

Article 192, paragraphe 1, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Décision de l’assemblée plénière

17.4.2018

 

 

Compétence

Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

5.10.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

210/3/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) souscrit à la proposition de directive sur les articles en plastique à usage unique; il estime qu’elle est un élément essentiel dans le cadre de la stratégie en faveur de l’économie circulaire et pour atteindre les objectifs de développement durable.

1.2.

Le Comité fait notamment valoir que la transition vers la durabilité nécessite en premier lieu le concours de l’ensemble des acteurs politiques, économiques, sociaux et culturels, ce qui suppose d’impliquer également chaque citoyen dans un nouveau paradigme de production, de consommation et de recyclage des produits. C’est pourquoi l’éducation, la formation et les campagnes de sensibilisation représentent des exigences fondamentales à tous les niveaux, en particulier en ce qui concerne les jeunes d’âge scolaire.

1.3.

Le Comité estime que la proposition de la Commission est un important projet pilote, qui met spécifiquement l’accent sur les produits plastiques les plus répandus dans les mers et les océans. Toutefois, la proposition pourrait être encore plus ambitieuse et devrait aller de pair avec une feuille de route et d’autres initiatives afin d’assurer une mise en œuvre efficace.

1.4.

Le Comité formule notamment les recommandations suivantes:

1.4.1.

envisager d’étendre la liste des dix articles en plastique à usage unique et d’y inclure d’autres produits pour lesquels des substituts durables sont déjà disponibles sur le marché dans des quantités et à un prix appropriés;

1.4.2.

clarifier le principe selon lequel tous les produits biodégradables doivent également être compostables et définir des délais spécifiques de photodégradation sur terre et en mer;

1.4.3.

les pêcheurs peuvent être un facteur déterminant pour le nettoyage des mers et des océans. Les incitations au retour à terre des engins de pêche doivent être étendues dès que possible à tous les déchets collectés au cours de la pêche. La mise en œuvre d’un nouveau système de nettoyage des mers et des océans nécessite de mobiliser l’ensemble des parties prenantes et des autorités locales. En outre, tous les ports, y compris les plus petits, doivent disposer d’un système avancé de collecte et de gestion transparente des déchets;

1.4.4.

bien que 90 % des produits en plastique à usage unique présents sur le marché européen soient produits dans des pays tiers, il est essentiel d’accompagner toutes les entreprises du secteur dans la transition vers une production plus durable. Il y a lieu notamment d’encourager, à l’aide d’instruments financiers et fiscaux, l’innovation et le développement de secteurs tels que l’écoconception, le bioplastique et les matières premières secondaires. L’Union européenne pourra ainsi bénéficier d’une croissance significative de sa balance commerciale, favoriser le développement d’entreprises plus durables et accroître le nombre d’emplois de qualité.

1.4.5.

Le principe «pollueur-payeur», établi par la directive 2004/35/CE, est un pilier essentiel de la proposition de la Commission et est à la base d’une répartition plus équitable et plus équilibrée des coûts de la gestion et du recyclage des déchets. La bonne application de la directive permettra de réduire ces coûts pour les entreprises qui disposent de processus certifiés de prévention de la pollution ou de récupération directe des produits polluants fabriqués;

1.4.6.

Un renforcement de la coordination avec les autres législations existantes en matière de gestion et de recyclage des déchets s’impose; à cet égard, il y a lieu de mettre l’accent sur le tri des déchets. En outre, il serait important que les États membres prévoient un système harmonisé d’autorisations et de sanctions;

1.4.7.

la stratégie sur les articles en plastique à usage unique n’aura qu’un effet limité si la Commission n’intervient pas au moyen d’une stratégie ad hoc en faveur d’une gestion et d’un contrôle plus durables des eaux intérieures (lacs et rivières), d’où proviennent 80 % des déchets présents dans les mers. Le Comité recommande de favoriser la diffusion de systèmes de gouvernance associant les pouvoirs publics, le secteur privé et la société civile organisée, tels que les «contrats rivière», qui devraient être considérés comme une condition fondamentale de l’accès à certains fonds pour la protection de l’environnement (par exemple Interreg);

1.4.8.

La mise en place de systèmes d’étiquetage et de traçabilité pour les articles en matière plastique pourrait représenter une valeur ajoutée dans les processus de gestion et de recyclage des déchets. La création d’un logo spécifique pourrait renforcer la confiance des consommateurs, notamment pour les produits fabriqués à partir de matières premières secondaires;

1.4.9.

la directive devrait faire l’objet d’une révision tous les trois ans au lieu de tous les six ans. Cette proposition est motivée par le fait que les mécanismes de surveillance sont déjà actifs et validés (méthode de comptage). Cette mesure permettrait en outre de résoudre d’éventuelles difficultés au cours de la phase de mise en œuvre et, au besoin, de modifier ou d’étendre la liste des dix articles en fonction de l’état de mise en œuvre de la directive et de l’évolution de la situation dans le domaine de l’éco-conception;

1.4.10.

Il y a lieu de diffuser davantage les nombreuses bonnes pratiques existantes dans l’économie circulaire en renforçant la plateforme du CESE intitulée «Plateforme européenne des parties prenantes de l’économie circulaire», qui est un outil efficace pour l’échange d’expériences entre toutes les parties intéressées.

2.   Introduction

2.1.

Dans l’Union européenne, les déchets plastiques représentent entre 80 % et 85 % des déchets marins, lesquels sont constitués à 50 % d’articles en plastique à usage unique, tandis que 27 % sont des engins de pêche qui contiennent des matières plastiques provenant de la pêche traditionnelle et de l’aquaculture, abandonnés ou perdus en mer.

2.2.

Les dix articles en plastique à usage unique que l’on trouve le plus souvent sur les plages européennes représentent 86 % de tous les articles trouvés et 43 % du total des déchets marins. Il s’agit de produits d’usage courant dont la composition n’est pas toujours associée au plastique (1): récipients alimentaires, gobelets pour boissons, bâtonnets de coton-tige, assiettes, pailles, tiges pour ballons, récipients pour boissons et leurs bouchons et couvercles, filtres de produits du tabac, lingettes humides et sacs plastique. Ces dix articles, ainsi que les engins de pêche contenant des matières plastiques, représentent environ 70 % de l’ensemble des déchets marins retrouvés (2).

2.3.

Les produits en plastique à usage unique, généralement réalisés en polyéthylène et polypropylène, mettent en moyenne 300 ans pour se dégrader dans l’environnement; dans certains cas, leur photodégradation peut prendre jusqu’à 1 000 ans. En outre, la dégradation ne signifie pas l’absorption du plastique dans le cycle de vie de la nature; il se transforme en microplastiques et devient invisible à l’œil humain.

2.4.

Le plastique est l’une des grandes inventions du XXe siècle et l’une de celles qui ont le plus influencé nos vies. Ses caractéristiques physiques (souplesse, légèreté et résistance) en font un matériau aux innombrables applications; c’est le cas des produits en plastique à usage unique, idéaux pour l’usage externe (par exemple pour les pique-niques). Cela signifie que les articles en plastique à usage unique sont des produits dont le risque de dispersion dans la nature est élevé, quelles que soient la volonté de nombreux consommateurs et l’efficacité des systèmes de gestion et de recyclage des déchets. Il s’agit d’un risque et d’un impact sur l’environnement disproportionnés, surtout si l’on considère que la durée d’utilisation prévue de ces produits peut ne pas excéder les cinq minutes.

2.5.

Les produits en plastique à usage unique, s’ils n’entrent pas dans la chaîne de gestion des déchets, s’accumulent dans les mers et les océans et ont des effets nuisibles pour l’environnement et pour la santé humaine étant donné qu’ils pénètrent dans la chaîne alimentaire. En outre, ce phénomène touche plusieurs secteurs de l’économie tels que le tourisme, la pêche et le transport maritime.

2.6.

Le problème des déchets marins revêt un caractère transfrontalier qu’illustrent les îles de plastique (3). L’Union européenne s’est engagée à agir contre ce phénomène, conformément aux objectifs de développement durable des Nations unies (4) et de l’accord de Paris (COP 21). La stratégie sur les matières plastiques (5) a représenté un premier pas dans cette direction, dans le cadre du plan d’action en faveur de l’économie circulaire (6).

3.   Synthèse de la proposition de la Commission

3.1.

La proposition de directive a pour objectif de prévenir et de réduire les déchets plastiques (macroplastiques) en mer provenant des produits en plastique à usage unique et des engins de pêche contenant des matières plastiques en complétant les mesures déjà prévues dans le cadre de la stratégie sur les matières plastiques et en corrigeant les lacunes détectées dans les actions et la législation en vigueur.

3.2.

La directive est également liée à l’initiative visant à éliminer les sacs en plastique à usage unique (en faveur d’autres, fabriqués à partir de bioplastique ou de matériaux compostables), qui a changé radicalement et en peu de temps les habitudes des consommateurs et donné des résultats très positifs pour l’environnement (7).

3.3.   Produits en plastique à usage unique (2P2U)

3.3.1.

Au terme du comptage effectué sur différentes plages européennes, la proposition s’articule autour des dix produits en plastique à usage unique que l’on retrouve le plus souvent sur les plages. La Commission a prévu une série de mesures sur la base de la disponibilité de produits de substitution durables et à des prix abordables. Si ces articles existent déjà sur le marché, l’on prévoit d’éliminer leurs équivalents les plus polluants (par exemple les pailles, les assiettes et les bâtonnets de coton-tiges). Dans le cas contraire, la Commission propose un ensemble de mesures visant à réduire la consommation par le biais de campagnes de sensibilisation et de promotion de l’écoconception afin de produire le plus rapidement possible des matériaux de substitution biocompatibles et recyclables (par exemple les récipients pour aliments, les gobelets pour boissons, les ballons, les emballages et les sachets, les récipients pour boissons, les filtres de produits du tabac, les lingettes humides et les sacs en plastique légers).

3.3.2.

La directive prévoit l’application du régime de la responsabilité élargie des producteurs pour tous les produits ne relevant pas de la mesure de restriction d’accès au marché afin de contribuer aux coûts de prévention et de gestion des déchets.

3.3.3.

La Commission propose également un système d’étiquetage destiné à informer les consommateurs sur la gestion des déchets afin d’encourager le tri sélectif et le recyclage. Cette mesure prévoit également de signaler les comportements à éviter (par exemple l’utilisation de lingettes humides).

3.3.4.

La proposition prévoit des mesures concrètes concernant la conception des produits (par exemple, les bouchons attachés aux bouteilles), ainsi que des objectifs ambitieux en matière de recyclage (90 % de recyclage séparé pour les bouteilles en plastique à usage unique).

3.4.   Engins de pêche contenant des matières plastiques

3.4.1.

La directive propose un système intégré et plus moderne de collecte des engins de pêche contenant des matières plastiques, reposant sur trois éléments clefs: mettre en place un mécanisme spécifique et des appareils de tri sélectif dans les ports, inciter les pêcheurs à rapporter à terre les engins de pêche contenant des matières plastiques ou les déchets abandonnés en mer, et instaurer un régime de responsabilité élargie du producteur pour les fabricants d’engins de pêche contenant des matières plastiques, y compris les PME. Les fonds collectés grâce au régime de la responsabilité élargie du producteur seront utilisés pour financer la prévention de la production de déchets (campagnes de sensibilisation) et la gestion des déchets, y compris le nettoyage des déchets de produits en plastique à usage unique.

3.5.

Une grande partie des articles en plastique à usage unique est fabriquée en dehors de l’Union européenne. Par conséquent, la proposition pourrait favoriser un développement productif européen, qui serait soutenu par une forte demande intérieure. Il est à souhaiter, dès lors, que cette réglementation contribue également à accélérer la croissance d’une économie concurrentielle, durable et décarbonisée, ce qui constituerait un avantage évident pour la balance commerciale avec les pays tiers et aurait des effets positifs sur la création d’emplois de qualité.

4.   Observations générales

4.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) a été l’un des pionniers du développement durable reposant sur la sensibilisation à la fois des citoyens et de l’ensemble des acteurs politiques, économiques, sociaux, environnementaux et culturels. C’est la raison pour laquelle l’éducation à tous les niveaux joue un rôle essentiel dans l’édification des bases d’un nouveau mode de production, de consommation et de vie fondé sur le respect de l’environnement. Les entreprises, dans le cadre de la responsabilité sociale des entreprises, sont une pièce maîtresse de cet effort de sensibilisation et d’éducation. La société civile organisée a déjà réalisé de nombreuses actions volontaires qui pourraient représenter une importante valeur ajoutée à l’initiative de la Commission.

4.2.

Le CESE rappelle que la pollution est un problème mondial. Toute initiative européenne, quelles qu’en soient la vision et la portée, sera insuffisante si elle ne s’accompagne pas d’un projet plus vaste de développement durable, qui associe à la fois les grands concurrents de l’Union et les pays en voie de développement. Le CESE recommande notamment de créer des synergies avec des pays tiers limitrophes dans la gestion durable des mers fermées telles que la mer Noire et la mer Méditerranée. En conséquence, le Comité attend de l’Union européenne qu’elle joue un rôle croissant dans les processus de développement durable.

4.3.

Le CESE soutient la proposition visant à prévenir et à réduire le nombre des déchets plastiques dans la mer issus des articles en matière plastique à usage unique et des engins de pêche contenant des matières plastiques. Il approuve l’idée consistant à se concentrer sur un nombre limité de produits à forte incidence sur l’environnement, conformément à la logique du «projet pilote», et considère cette initiative comme un pas important vers la création d’une économie réellement durable dans le cadre du plan d’action pour l’économie circulaire (8) et un complément à la stratégie sur les matières plastiques (9). Cependant, le Comité estime que l’initiative de la Commission pourrait être plus ambitieuse: elle pourrait étendre la liste à tous les produits durables déjà disponibles dans des quantités et à des prix adéquats (par exemple les capsules de café) et en garantir la salubrité, en associant à sa démarche l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).

4.4.

Le CESE juge opportune la proposition consistant à ne restreindre la commercialisation que lorsqu’il existe déjà des produits de substitution durables, respectueux de l’environnement et des personnes, et à des prix abordables pour les consommateurs.

4.5.

Pour résoudre le problème de l’accumulation de déchets plastiques, il y a lieu de souligner l’importance, outre la gestion des déchets, des habitudes de consommation et du modèle de production. Il est essentiel à cet égard que les gouvernements des États membres mettent en place tous les instruments nécessaires afin d’encourager l’usage de produits plastiques durables, en promouvant et en soutenant les processus de production et de consommation les plus rationalisés. Dans le même temps, il importe de sensibiliser les citoyens dès l’âge scolaire afin qu’ils adoptent un comportement responsable et participent à la collecte sélective des déchets.

4.6.

Les articles en plastique à usage unique sont des produits qui présentent un risque élevé de dispersion dans l’environnement, quelles que soient la volonté de nombreux consommateurs et l’efficacité des systèmes de gestion et de recyclage des déchets. L’impossibilité de créer un mécanisme de collecte et de recyclage des déchets efficace à 100 % rend nécessaire de mettre en place dans les meilleurs délais des solutions de rechange durables, et de prendre des mesures pour réduire le niveau de pollution (10).

4.7.

L’écoconception constitue un facteur clef dans la création de produits de substitution biocompatibles en remplacement des articles les plus polluants. Le Comité recommande que le nouveau cadre financier de l’Union européenne prévoie d’investir des ressources suffisantes dans ce secteur, notamment par le biais du nouveau programme Horizon. Le CESE estime que l’innovation «verte» dans le domaine des bioplastiques et des matières premières secondaires, de même que l’utilisation d’enzymes du type «PETase», capable de «manger» le plastique, peuvent représenter une valeur ajoutée pour l’ensemble de l’Union du point de vue économique, social et environnemental.

4.8.

Le Comité préconise l’adoption d’une approche ciblée pour les articles en matière plastique destinés à être transformés en matières premières secondaires. Il est important, notamment, que le plastique ne contienne aucun additif chimique toxique susceptible d’entraver le recyclage et de causer des dommages aux personnes, aux entreprises et à l’environnement. Il est en outre important de prévoir une «fin de vie» pour ces articles, le plastique ne pouvant être soumis à des recyclages indéfiniment.

4.9.

De l’avis du CESE, l’une des limites les plus évidentes de l’initiative est l’absence d’une réglementation qui complète le concept de «biodégradabilité». En effet, le fait qu’un produit en plastique soit biodégradable n’est pas synonyme d’éco-durabilité. Les produits en matière plastique, et les produits en plastique à usage unique en particulier, peuvent se transformer en microplastiques et polluer l’environnement en pénétrant dans la chaîne alimentaire. C’est la raison pour laquelle le Comité recommande d’intervenir le plus rapidement possible afin de clarifier le principe selon lequel tous les produits plastiques «biodégradables» doivent en outre être «compostables», c’est-à-dire ni toxiques ni dangereux pour l’environnement. À cet égard, il s’impose également de prévoir des délais spécifiques en matière de biodégradabilité, sur terre comme en mer, conformément à la norme harmonisée EN 13432 (11). Enfin, il est essentiel de créer un étiquetage européen soumis à des mécanismes de contrôle appropriés afin d’éviter les fraudes.

4.10.

Le CESE soutient la proposition prévoyant de favoriser le retour des engins de pêche contenant des matières plastiques au moyen d’incitations pour les pêcheurs. Il fait observer que l’activité de tri des déchets n’est ni facile ni rapide; il espère dès lors que les incitations seront proportionnelles au temps passé par les pêcheurs à trier les déchets.

4.10.1.

Cette mesure devrait être étendue au retour à terre de tous les déchets collectés au cours de l’activité de pêche, opération pour laquelle, selon les lois en vigueur, les pêcheurs sont tenus de payer pour décharger les déchets dans les ports. Cela signifie qu’à l’heure actuelle les pêcheurs paient pour nettoyer la mer et décharger à terre des déchets qu’ils n’ont pas produits, mais ramassés. Le Comité recommande par conséquent que les mesures actuellement en vigueur en matière de gestion des déchets soient réexaminées dans le cadre du nouveau Fonds européen pour la pêche 2021-2026, afin d’encourager les comportements proactifs et responsables.

4.10.2.

Compte tenu de l’importance des volumes de déchets, qu’ils soient flottants ou immergés, les pêcheurs peuvent représenter une valeur ajoutée de premier plan pour leur collecte. L’instauration récente de limites pour plusieurs stocks de pêche permet de considérer ces incitations comme un élément de compensation économique (12). De cette manière, l’activité de nettoyage, après une formation adéquate et une participation directe des associations de pêcheurs, pourrait devenir une nouvelle activité économique aussi attrayante que la pêche touristique (économie bleue), très pratiquée pendant les périodes d’interruption naturelle de la pêche. Cette mesure devrait être incluse dans le nouveau Fonds européen pour la pêche et sa mise en œuvre faire l’objet d’une initiative législative européenne spécifique.

4.11.

Le Comité est favorable à l’introduction du régime de responsabilité élargie du producteur, conforme au principe «pollueur-payeur». Jusqu’ici, ce sont d’autres secteurs productifs (tourisme (13), transport maritime, pêche) et les citoyens (par le biais de taxes supplémentaires sur la collecte, la gestion et le recyclage des déchets) qui ont payé les coûts de la pollution en mer. Il importera, au moment de la mise en œuvre dudit régime, de vérifier que ce principe s’appliquera bien aux entreprises qui fabriquent réellement des produits polluants, et qu’il ne sera pas répercuté sur le prix final payé par les consommateurs (14).

4.12.

Le Comité, conformément aux critères de la directive 2004/35/CE (15), invite la Commission et les États membres à envisager la possibilité de réduire la charge financière pour les entreprises qui mènent des actions certifiées de récupération directe de la pollution engendrée par leurs produits (par exemple au moyen d’un système privilégiant les emballages consignés). L’examen de ces bonnes pratiques, bien qu’il relève de la compétence des autorités nationales, devrait également être soumis à un contrôle européen de deuxième niveau.

4.13.

Le CESE est conscient du fait que la transition vers une économie circulaire implique une série de coûts élevés pour de nombreuses entreprises. C’est la raison pour laquelle il souhaite que ce processus, si indispensable du point de vue de l’environnement, s’accompagne d’incitations financières et fiscales permettant aux entreprises d’entreprendre la transition vers une production durable. Il est important que ce processus soit géré et surveillé au niveau européen afin d’éviter toute situation de concurrence déloyale au sein du marché unique.

4.14.

La transition vers l’économie circulaire peut représenter une chance pour l’ensemble de l’Union européenne en termes de compétitivité et d’emploi. Pour saisir cette opportunité, il convient d’élaborer un système performant d’éducation et de formation. Cela suppose également un système adéquat de mesures actives en faveur de l’emploi afin de mettre à niveau les compétences des travailleurs.

4.15.

Le CESE souscrit à l’idée d’élaborer une directive afin que chaque État membre mette en œuvre la réglementation en tenant compte de ses spécificités nationales; il serait toutefois important de limiter dès que possible les disparités en termes d’autorisations et de sanctions (16). À cet égard, il est primordial que les gouvernements nationaux associent la société civile organisée à tous les stades du processus, depuis l’élaboration de la législation jusqu’à sa mise en œuvre, son suivi et son évaluation. Lors de l’entrée en vigueur de la directive, même s’il existe dans certains cas des limites de temps pour la réalisation des objectifs fixés, de nombreux autres (comme par exemple le recyclage du PET) ne sont soumis à aucun calendrier prédéfini. Le CESE estime que l’absence de dates précises et identiques pour tous est susceptible d’aggraver les situations de déséquilibre au stade de la transposition de la législation.

4.16.

Le Comité note que les mécanismes de surveillance sont déjà actifs et validés (méthode de comptage). Pour cette raison, il préconise une révision de la directive tous les trois ans au lieu de tous les six ans comme dans la proposition initiale. Une telle mesure permettrait de résoudre les éventuelles difficultés au cours de la phase de mise en œuvre et, au besoin, de modifier ou d’étendre la liste des dix articles en plastique à usage unique en fonction de l’état de mise en œuvre de la directive et de l’évolution de la situation dans le domaine de l’écoconception.

5.   Observations particulières

5.1.

Selon le PNUE (17), 80 % des déchets accumulés dans les mers et les océans ont été produits à terre et se déversent dans la mer après avoir suivi le cours des rivières. D’où la nécessité de prendre des mesures de plus en plus coordonnées afin d’éviter que les déchets parviennent à la mer. Les actions relatives aux produits en plastique à usage unique amélioreront la situation des lacs et des rivières; cependant, rien n’est prévu pour les engins de pêche. C’est la raison pour laquelle le CESE recommande d’étendre cette législation aux lacs et aux rivières, par le biais d’une stratégie à l’échelon européen en faveur d’une gestion plus durable des eaux intérieures.

5.2.

Les contrats de rivière (18) sont une bonne pratique qui connaît un grand succès en Europe et qui peut se révéler très efficace pour gérer les eaux intérieures, s’agissant du risque hydrogéologique et environnemental. Cet instrument tire sa force de la gouvernance ouverte qui permet d’associer au niveau local et régional tous les acteurs publics et privés ainsi que la société civile organisée. Ces expériences devraient être recueillies au moyen de la création d’une base de données européenne afin de faciliter un développement organique et structuré dans l’ensemble de l’Union européenne. En accord avec le nouveau programme Horizon Europe, qui prévoit que 35 % du budget devraient être consacrés à des actions en faveur du climat et de l’environnement, le Comité recommande de faire de ces contrats une condition essentielle d’accès à certains fonds européens en matière de recherche et d’innovation pour la durabilité environnementale, ainsi qu’aux fonds destinés à la protection territoriale en ce qui concerne le risque hydrogéologique et environnemental (par exemple Interreg).

5.3.

Le Comité juge indispensable que l’application de la directive soit cohérente et s’effectue en coordination avec la législation existante de l’Union européenne dans le domaine des déchets et de l’eau, la directive-cadre sur les déchets (19), la directive sur les emballages et les déchets d’emballage (20), la directive-cadre «stratégie pour le milieu marin» (21) et la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (22). Il estime de même qu’il y a lieu d’accorder une attention particulière à la réglementation européenne en matière de gestion des déchets (23).

5.3.1.

Il est important de disposer de structures de gestion des déchets (par exemple la collecte séparée des déchets compostables en vue d’un retraitement efficace et approprié dans les usines de recyclage) et de dispenser des informations claires aux consommateurs. Une séparation adéquate favorisera également l’utilisation de la technique d’impression en 3-D, les matières plastiques pouvant être utilisées facilement en tant que matière première pour créer de nouveaux objets.

5.3.2.

Bien qu’ils ne fassent pas partie des produits en plastique à usage unique, le Comité invite la Commission à tenir compte du phénomène des biofiltres que l’on retrouve de plus en plus fréquemment sur de nombreuses plages européennes du fait des dysfonctionnements dans la gestion des eaux usées.

5.4.

La numérisation peut se révéler un allié de taille dans la lutte contre la pollution et en faveur d’une économie durable. La mise en place de systèmes d’étiquetage et de traçabilité pour les articles en matière plastique pourrait représenter une valeur ajoutée dans les processus de gestion et de recyclage des déchets. La création d’un logo spécifique pourrait renforcer la confiance des consommateurs, surtout s’agissant des produits fabriqués à partir de matières premières secondaires (24).

5.5.

Le Comité préconise la mise en place d’un cadre commun de haute qualité de certifications environnementales. Une telle initiative est indispensable pour permettre aux entreprises d’atteindre les normes les plus élevées en matière de durabilité, en évitant tout chevauchement avec les exigences et les charges financières supplémentaires.

5.6.

Le CESE tient une nouvelle fois à soulever la question des différents systèmes portuaires existants dans l’Union européenne (25). L’Europe compte des centaines de petits ports qui constituent un élément clef pour le développement des petites communautés locales qui vivent de la mer et de la pêche. La proposition de la Commission prévoit un processus de modernisation (de méthode, de technologie et d’infrastructure) qui serait difficilement réalisable au niveau local sans le soutien financier de l’Union européenne. Ce processus est essentiel pour lutter contre le dépeuplement et préserver tout à la fois les spécificités des productions locales et les communautés elles-mêmes.

5.6.1.

Le Comité recommande que les fonds collectés par l’intermédiaire du régime de la responsabilité élargie des producteurs sur la base de la directive (UE) 2018/851 soient aussi destinés à rénover les infrastructures portuaires, dans le respect des normes les plus strictes en matière de collecte et de gestion des déchets. Dans le même temps, le CESE juge essentiel d’associer les institutions et la société civile au niveau local dans le cadre d’une approche ciblée axée sur les petites municipalités côtières (de moins de 5 000 habitants) afin qu’elles trouvent ensemble des solutions communes et moins onéreuses à long terme.

5.7.

Le CESE, conjointement avec la Commission, dispose d’une plateforme sur l’économie circulaire (26) qui a déjà obtenu des résultats non négligeables en promouvant la collecte et l’échange de nombreuses expériences et bonnes pratiques entre les différents acteurs concernés et en favorisant la diffusion et la reproduction de ces dernières. Cette plateforme est un outil essentiel, qui mériterait de faire l’objet d’une diffusion plus large.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  95 % des filtres de cigarettes sont fabriqués à partir de plastique. https://www.noordzee.nl/hele-noordzeekust-schoon-2764-vrijwilligers-ruimen-11163-kilo-afval-op/

(2)  Le comptage des déchets sur les plages est une méthode reconnue au plan international pour mesurer la composition des déchets marins. La communauté scientifique le considère comme un indicateur très fiable pour l’élaboration de politiques. La méthode de comptage repose sur des rapports établis par les États membres et compilés par le CCR dans le cadre de la mise en œuvre de la directive-cadre «Stratégie pour le milieu marin» 2008/56/CE. Source: Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), 2017.

(3)  Les îles de plastique se trouvent dans les eaux internationales; un accord à l’échelle mondiale est nécessaire afin de les éliminer. Ces îles se sont formées au fil des ans à la suite des courants marins par l’accumulation d’une grande partie du plastique en provenance de pays en voie de développement — principalement d’Asie du Sud-Est.

(4)  ODD no 3, 9, 12 et 14 (Santé et bien-être; Industrie, innovation et infrastructure; Consommation et production responsable; Vie aquatique).

(5)  COM(2018) 28 final.

(6)  COM(2015) 614 final.

(7)  Directive (UE) 2015/720 (JO C 214 du 8.7.2014, p. 40).

(8)  JO C 264 du 20.7.2016, p. 98, JO C 367 du 10.10.2018, p. 97.

(9)  JO C 283 du 10.8.2018, p. 61.

(10)  JO C 230 du 14.7.2015, p. 33.

(11)  UNI EN 13432: 2002 est une norme harmonisée du Comité européen de normalisation sur les caractéristiques qu’un matériau doit posséder pour être qualifié de biodégradable ou de compostable.

(12)  JO C 283 du 10.8.2018, p. 61.

(13)  JO C 209 du 30.6.2017, p. 1.

(14)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 22.

(15)  La directive 2004/35/CE met en œuvre le principe «pollueur-payeur». Cela signifie qu’une entreprise qui provoque des dommages environnementaux, étant responsable de ceux-ci, doit prendre les mesures de prévention ou de réparation nécessaires et en supporter tous les coûts.

(16)  JO C 283 du 10.8.2018, p. 61.

(17)  PNUE, Marine plastic debris and microplastics (Débris plastiques marins et microplastiques), 2016.

(18)  Les contrats de rivière constituent une bonne pratique diffusée pour la première fois en France dans les années quatre-vingt-dix. Leur importance et leur utilité ont été établies en 2000 à l’occasion du Forum mondial de l’eau. Dans une première phase, les contrats de rivière ont eu pour objet la prévention du risque hydrogéologique. Puis, dans de nombreux pays de l’Union européenne, ils sont devenus un outil essentiel de la gestion responsable et durable des eaux intérieures grâce à leur approche ascendante.

(19)  Directive 2008/98/CE.

(20)  Directive 1994/62/CE.

(21)  Directive 2008/56/CE.

(22)  Directive 91/271/CEE.

(23)  Directive 2008/98/CE.

(24)  JO C 283 du 10.8.2018, p. 61.

(25)  JO C 288 du 31.8.2017, p. 68.

(26)  https://circulareconomy.europa.eu/platform/fr


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/214


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des règles régissant l’aide aux plans stratégiques devant être établis par les États membres dans le cadre de la politique agricole commune (les “plans stratégiques relevant de la PAC”) et financés par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), et abrogeant le règlement (UE) no 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil et le règlement (UE) no 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil»

[COM(2018) 392 final — 2018/0216 (COD)]

la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (UE) no 1306/2013»

[COM(2018) 393 final — 2018/0217 (COD)]

et la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (UE) no 1308/2013 portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits agricoles, (UE) no 1151/2012 relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires, (UE) no 251/2014 concernant la définition, la description, la présentation, l’étiquetage et la protection des indications géographiques des produits vinicoles aromatisés, (UE) no 228/2013 portant mesures spécifiques dans le domaine de l’agriculture en faveur des régions ultrapériphériques de l’Union et (UE) no 229/2013 portant mesures spécifiques dans le domaine de l’agriculture en faveur des îles mineures de la mer Égée»

[COM(2018) 394 final — 2018/0218 (COD)]

(2019/C 62/35)

Rapporteur:

John BRYAN

Consultation

Parlement européen, 11.6.2018

Conseil de l’Union européenne, 22.6.2018

Base juridique

Article 43, paragraphe 2, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Décision du Bureau

22.5.2018

 

 

Compétence

Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

5.10.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

201/11/19

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Une politique de la politique agricole commune (PAC) forte, dotée d’un solide budget reposant sur le modèle européen d’agriculture et de production alimentaire et soutenant une politique agricole européenne et un secteur agricole durables sur le plan économique, social et environnemental, auquel s’appliquent les normes les plus élevées, et contribuant à garantir la compétitivité du secteur agricole, revêt une grande importance pour l’Union européenne et pour l’ensemble de ses citoyens. La modernisation et la simplification de la PAC dans le cadre de cette réforme sont essentielles pour faire en sorte que celle-ci soit mieux à même de répondre aux besoins d’un secteur agricole européen plus durable et plus viable qui soit durable dans toute l’Europe, ainsi que de relever les nouveaux défis qui s’imposent en matière de changement climatique et d’environnement.

1.2.

Les propositions visant à réduire le budget de la PAC ne sont pas acceptables. Le maintien pour la PAC d’une enveloppe financière appropriée est une condition préalable de la durabilité (économique, environnementale et sociale) de l’agriculture de l’Union européenne, dans l’optique de préserver les revenus et l’emploi et d’assurer la production de biens publics environnementaux, et partant, de contribuer de façon décisive à la vitalité de l’environnement rural ainsi qu’à la stabilité de l’économie dans son ensemble. Le Comité économique et social européen (CESE) soutient le point de vue selon lequel le budget de l’Union européenne devrait être porté à 1,3 % du revenu national brut (RNB) afin d’assurer un financement adéquat aussi bien à la PAC qu’aux nouveaux objectifs et problèmes inventoriés.

1.3.

Le CESE se félicite de la nouvelle orientation proposée pour la PAC sur le plan de la subsidiarité, avec une plus grande responsabilité et une plus grande souplesse accordées aux États membres dans le cadre des plans stratégiques de la PAC ainsi que du nouveau modèle de mise en œuvre axé sur les résultats. Le CESE entend toutefois veiller à ce que la PAC reste une politique commune forte dans l’ensemble des États membres et à ce que le marché unique soit totalement préservé. Il est essentiel de maintenir la structure actuelle de la PAC qui s’articule autour de deux piliers, avec, au titre du premier pilier, des paiements directs élevés venant soutenir les revenus agricoles et, au titre du second pilier, des mesures de développement rural destinées à appuyer les secteurs, les régions et les infrastructures sociales vulnérables, et à promouvoir des exploitations plus durables et plus innovantes. L’organisation commune des marchés (OCM) et un marché unique efficace sont également d’une importance cruciale.

1.4.

En ce qui concerne les propositions pour la PAC, il convient de considérer positivement le fait d’accorder une importance accrue et un niveau d’ambition plus élevé en matière d’environnement et de changement climatique. Les objectifs spécifiques sont clairs et forts, couvrant des questions clés telles que l’eau, l’air et le sol, le paysage et la biodiversité, ou encore la production durable de denrées alimentaires de qualité. Pour atteindre leurs objectifs, les mesures énoncées dans le texte du règlement doivent toutefois être décrites de manière plus claire et plus précise. Pour atteindre ces objectifs, il est essentiel de disposer d’un budget de la PAC adéquat, assorti des incitations financières appropriées pour les agriculteurs.

1.5.

Il est prévu de faire en sorte que 40 % des dépenses agricoles soient affectées aux objectifs européens de lutte contre le changement climatique. Le CESE se félicite de cette ambition, mais il attend que l’Union fixe un ensemble de mesures clairement définies en la matière.

1.6.

Affirmés à plusieurs reprises lors des réformes précédentes de la PAC, les engagements en matière de simplification au niveau des exploitations agricoles doivent être tenus — le CESE en est fermement convaincu — dans le cadre de la présente réforme. Le CESE s’inquiète toutefois du fait que les nouvelles conditions de subsidiarité et de conditionnalité concernant les plans stratégiques de la PAC, aussi bien pour le premier que pour le second pilier, les exigences réglementaires en matière de gestion (ERMG) ou les bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) auront tendance à accroître plutôt qu’à réduire la charge administrative pesant sur les agriculteurs individuels.

1.7.

Il est impératif que les paiements directs au titre du premier pilier de la PAC et le financement au titre du second pilier soient pleinement préservés pour garantir des exploitations viables et durables. Les paiements directs ne devraient bénéficier qu’aux véritables agriculteurs, et des critères objectifs clairs devraient être adoptés au niveau européen afin de mieux définir ce qu’il conviendrait d’entendre par «un véritable agriculteur».

1.8.

Il est positif de soutenir davantage le renouvellement des générations et les jeunes agriculteurs. Ce soutien accru devrait s’accompagner de mesures additionnelles permettant un renouvellement efficace des générations.

1.9.

Toutes les propositions en matière de convergence interne ou externe, de forfaitarisation, de dégressivité ou de redistribution doivent se faire sur la base de critères objectifs et non discriminatoires, et ne sauraient en aucun cas porter atteinte à des unités agricoles viables ni saper les conditions de concurrence équitables ou la compétitivité des agriculteurs dans les différentes régions de l’Union européenne.

1.10.

Une réduction excessive du financement du second pilier est inacceptable, dans la mesure où un solide programme de développement rural est essentiel pour soutenir les régions et les secteurs plus vulnérables, et ouvrir la voie à un développement territorial plus équilibré.

2.   Principaux enjeux de la réforme de la PAC 2021-2027

Introduction

2.1.

Le CESE prend bonne note des propositions législatives relatives à la réforme de la PAC et, en particulier, de l’intérêt et de l’ambition accrus dont elles témoignent en matière de changement climatique et d’environnement; il s’oppose à la réduction des crédits alloués à la PAC, car un budget fort est nécessaire pour garantir un secteur agricole durable et préserver les revenus agricoles; il prend acte également des changements qui vont dans le sens d’une subsidiarité accrue, et il estime qu’il est nécessaire de parvenir à des résultats tangibles en matière de simplification au niveau des exploitations agricoles.

2.2.

Le CESE livre dans le présent avis sur les propositions législatives une liste détaillée de propositions de modifications et d’amendements, et il demande que celles-ci soient prises en compte dans les débats à venir au Parlement européen et au Conseil.

Le modèle européen d’agriculture et de production agricole

2.3.

Une PAC forte, soutenant une politique agricole européenne durable sur le plan économique, social et environnemental est essentielle pour l’Union européenne en termes de sécurité et de souveraineté alimentaires, et aussi pour répondre à la demande croissante de denrées alimentaires de meilleure qualité de la part des 512 millions de citoyens de l’Union (1). En outre, l’Union doit être consciente de l’augmentation de la population mondiale, laquelle devrait atteindre quelque 9,5 milliards d’habitants d’ici à 2050, 3 milliards d’entre eux vivant dans des régions touchées par le stress hydrique, lequel entraîne une augmentation des disettes et des famines. Le CESE estime par conséquent nécessaire que l’Union européenne se focalise également sur le transfert de connaissances et l’échange d’expériences sur la façon de produire ailleurs dans le monde, au niveau local et de manière durable, davantage de nourriture de meilleure qualité.

2.4.

La PAC doit non seulement produire des résultats bénéficiant à tous les citoyens européens et aux populations rurales, conformément aux objectifs fixés par le traité de Rome, mais elle doit aussi relever les nouveaux défis en matière de climat et de développement, tels qu’ils sont formulés dans les engagements pris par l’Union européenne dans le cadre de l’accord de Paris et des objectifs de développement durable des Nations unies.

2.5.

Le CESE est fermement convaincu que la politique de la PAC pour la période 2021-2027 doit soutenir et faciliter le modèle européen d’agriculture et de production alimentaire dans toutes les parties de l’Europe en tenant compte de la structure des exploitations familiales, des coopératives, des groupements de producteurs et des autres formes d’agriculture, ainsi que des denrées alimentaires produites selon des normes qui sont les plus élevées au monde (2). Il faudrait que la nouvelle PAC traite plus efficacement le problème des faibles revenus agricoles et s’emploie à réduire l’écart qui existe entre les revenus des agriculteurs et les salaires versés dans le reste de l’économie (3). Le modèle agricole européen ne peut être obtenu aux conditions et aux prix du marché mondial. Le modèle agricole européen étant ainsi plus que jamais menacé par les évolutions actuelles, il doit être soutenu et encouragé par une politique agricole commune forte (4).

2.6.

Tout en reconnaissant les effets positifs du commerce pour le secteur agricole, il est essentiel que la politique agricole européenne, par le truchement de la PAC, préserve un niveau de normes le plus élevé possible dans les domaines de l’agriculture, de la production alimentaire, des contrôles environnementaux, de la santé et de la sécurité, ainsi que dans celui des droits des travailleurs au niveau mondial. Le CESE estime qu’une approche politique européenne beaucoup plus cohérente est nécessaire vis-à-vis des accords commerciaux internationaux dans les secteurs de l’agriculture et de l’alimentation, ainsi que vis-à-vis de la PAC (5). Alors même que la PAC s’efforce de garantir les normes les plus élevées, on observe que, dans certaines négociations commerciales, notamment celles avec le Mercosur, l’Union donne son aval à des importations de denrées alimentaires qui ne répondent aucunement aux normes de sécurité alimentaire européennes et qui sont produites selon des normes environnementales moins strictes. L’on ne saurait tolérer que la mondialisation porte atteinte aux normes, aux marchés et aux citoyens européens.

2.6.1.

Le Comité relève avec inquiétude qu’au Royaume-Uni, un grand nombre d’agriculteurs ont voté pour le Brexit, en raison, semble-t-il, de l’intrusivité et de la complexité que cette politique présente sur le terrain. Afin d’éviter que des problèmes similaires surviennent dans d’autres États membres, contribuant ainsi à accroître la pression populiste et antieuropéenne, le CESE demande à la Commission de veiller à ce que les mesures de simplification réelles et pratiques au niveau de l’exploitation constituent une composante essentielle des propositions de la PAC pour la période 2021-2027.

2.7.

Compte tenu de la diversité de l’agriculture, du patrimoine culinaire et des perspectives de marché de l’Europe, la différenciation par la qualité constitue un objectif stratégique et une partie intégrante de l’avenir de l’agriculture européenne, au même titre que les actions visant à améliorer l’efficacité et la compétitivité. La PAC devrait dès lors, comme cela fut le cas par le passé, offrir différentes façons de promouvoir une politique de qualité. Pour parvenir à cet objectif, la qualité devrait également être mise en avant lors de l’élaboration des plans stratégiques de la PAC.

2.8.

Toute proposition de modification de la PAC impliquant la subsidiarité doit s’assurer que le marché unique européen ne sera pas affecté et qu’il continuera de fonctionner avec vigueur et efficacité. Il est essentiel que les plans stratégiques nationaux de la PAC n’interfèrent nullement avec le fonctionnement du marché unique.

La nécessité d’un solide budget de la PAC

2.9.

Les propositions visant à réduire le budget de la PAC, pour le faire passer d’un niveau 38 % du budget de l’Union européenne sur la période 2014-2020 à 28,5 % pour la période 2021-2027 ne sont pas acceptables pour le CESE, au vu notamment de l’augmentation du budget global de l’Union. Selon la méthode de calcul utilisée, la réduction du budget de la PAC varie de 3 % à 4 % à prix courants, et de 11 % à 16 % par rapport aux prix de l’année 2018 (en tenant compte d’un taux d’inflation de 2 % par an) (6). Pour les fonds de développement rural, les réductions proposées, aux prix de 2018, excèdent 25 %.

1 000  EUR

2014-2020

(EU-28 + FED)

7*2020

(EU-27 + FED)

2014-2020

(EU-27 + FED)

2021-2027

Variation en % par rapport à EU-27

2020*7

Variation en % par rapport à EU-27

2014-2020

CFP (prix courants)

1 115 919

1 151 866

1 063 101

1 279 408

+ 11

+ 20

% du RNB

1,03

1,14

1,16

1,11

 

 

PAC (prix courants)

420 015

394 659

391 849

378 920

– 4

– 3

CFP (prix 2018)

1 136 105

1 107 138

1 082 320

1 134 583

+ 2

+ 5

PAC (prix 2018)

428 354

379 334

399 608

336 623

– 11

– 16

Source: document de travail des services de la Commission «Comparison Table between the Multiannual Financial Framework 2021-2027 Proposal and the Multiannual Financial Framework 2014-2020».

2.10.

À l’instar de la commission des budgets du Parlement européen, le CESE estime que le budget de l’Union européenne devrait être porté à 1,3 % du RNB. La part actuelle en pourcentage du financement de la PAC dans le budget de l’Union devrait rester inchangée. Un tel engagement assurerait les ressources permettant au budget de la PAC de répondre aux objectifs et aux ambitions de cette politique, tout en relevant les autres défis majeurs, notamment celui que constitue le Brexit. Sans un budget de la PAC correctement financé, il ne sera pas possible d’atteindre les objectifs avancés par la Commission dans ses propositions législatives.

2.11.

Les réductions opérées dans le budget de la PAC ne sont pas compatibles avec les objectifs politiques assignés à cette politique par l’article 39 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment:

assurer un niveau de vie équitable à la population agricole, notamment par le relèvement du revenu individuel de ceux qui travaillent dans l’agriculture,

assurer des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs.

Le CESE s’oppose vigoureusement aux réductions excessives du budget du second pilier de la PAC (le Feader) qui sont prévues dans les propositions: en effet, elles affectent de manière disproportionnée de nombreux États membres pour lesquels le second pilier représente une part comparativement plus importante de l’ensemble des crédits de la PAC; il souligne en outre que les crédits du second pilier soutiennent, dans l’ensemble du secteur agricole européen, les secteurs et les domaines les plus vulnérables ainsi que les investissements, la modernisation, l’apprentissage, l’efficacité des ressources et le bien-être animal.

Transferts entre piliers et cofinancement

2.12.

Le CESE est préoccupé par le degré de flexibilité accordé aux États membres en ce qui concerne le transfert de fonds entre les deux piliers de la PAC. Afin de les empêcher de se soustraire à leurs obligations de cofinancement au titre du second pilier, le CESE est d’avis que les États membres ne devraient être autorisés à utiliser la faculté de transférer des crédits entre piliers qu’à la condition qu’ils cofinancent intégralement ces transferts. Il n’est pas favorable à ce que les États membres soient autorisés à transférer des fonds du second pilier vers le premier (7).

Structure de la PAC et mesures nouvelles

2.13.

Les propositions législatives maintiennent les principales composantes de la PAC (le premier pilier pour les paiements directs, le second pilier pour les mesures en faveur du développement rural et l’OCM, notamment pour les mesures de soutien du marché), conformément à la promesse du commissaire Hogan que cette réforme allait représenter une évolution plutôt qu’une révolution.

2.14.

Le CESE se félicite de la proposition de l’article 14 qui prévoit un total de quatre types différents de paiements découplés ainsi que des paiements couplés susceptibles d’aider à la stabilisation des revenus:

l’«aide de base au revenu» — important: le CESE propose de supprimer ici la mention «pour un développement durable» et de l’intégrer dans le titre de l’article 14, car seule une combinaison véritablement équilibrée des quatre paiements découplés permettra d’aboutir à une durabilité accrue et appropriée;

l’«aide redistributive complémentaire au revenu» — il convient ici aussi de supprimer la mention «pour un développement durable» et de l’intégrer dans le titre;

l’aide complémentaire au revenu pour les jeunes agriculteurs; et

les «programmes pour le climat et l’environnement».

2.15.

Les propositions contiennent de nouvelles mesures concernant des conditions environnementales et climatiques pour tous les paiements octroyés au titre de la PAC (premier et second piliers), ainsi que de nouvelles propositions en matière de subsidiarité dans le cadre du nouveau modèle de mise en œuvre (les «plans stratégiques de la PAC») conçu pour fournir aux États membres davantage de responsabilité et de flexibilité quant à la manière dont ils atteignent des objectifs spécifiques, surmontent des problèmes particuliers et appliquent les règles. Le renforcement de la subsidiarité ne doit pas se traduire par une plus grande renationalisation mais conduire à l’adaptation des mesures générales aux particularités de chaque territoire.

2.16.

Le CESE se félicite du maintien des aspects essentiels de la PAC en ce qui concerne les paiements au titre du premier et du second pilier, en soulignant l’importance des paiements directs pour les agriculteurs et les revenus agricoles, et il approuve également l’attention accrue accordée aux questions de conditionnalité et de mise en œuvre dans les domaines de l’environnement et du changement climatique.

Être plus ambitieux en matière d’environnement et de changement climatique

2.17.

Tout en rappelant que les agriculteurs contribuent déjà à la protection de l’environnement et du climat, le CESE prend acte de l’intérêt et de l’ambition accrus dont témoignent les propositions relatives à l’environnement et au changement climatique, ainsi que de leur harmonisation avec les engagements de l’Union définis dans le cadre de l’accord de Paris et des objectifs de développement durable. Il souligne toutefois que la réalisation de ces objectifs ambitieux ne doit pas nuire à la compétitivité du secteur et nécessitera un budget de la PAC adéquat.

2.18.

La société exige que la production alimentaire et l’agriculture soient durables sur le plan environnemental et, pour répondre à ces exigences, il est essentiel que la PAC soit modernisée et ciblée. La durabilité se compose de trois éléments indissociables, de nature économique, sociale et environnementale. En termes d’importance, ils sont tous équivalents. Obtenir des résultats en matière de protection de l’environnement et de lutte contre le changement climatique est un élément essentiel de la nouvelle PAC. Le CESE se félicite que l’un des trois objectifs généraux définis dans les propositions soit de «renforcer la protection de l’environnement et l’action pour le climat et contribuer aux objectifs de l’Union liés à l’environnement et au climat» (8). Ces mesures devraient bénéficier d’un soutien budgétaire suffisant afin de ne pas mettre en péril la viabilité globale des exploitations familiales.

2.19.

Le CESE est heureux de constater que, parmi les neuf objectifs spécifiques définis dans les propositions, trois sont consacrés aux améliorations en matière d’environnement et de changement climatique, à savoir:

contribuer à l’atténuation du changement climatique et à l’adaptation à ce dernier, ainsi qu’aux énergies renouvelables,

favoriser le développement durable et la gestion efficace des ressources naturelles telles que l’eau, les sols et l’air,

contribuer à la protection de la biodiversité, renforcer les services écosystémiques et préserver les habitats et les paysages.

Il est essentiel que les actions et les initiatives pertinentes menées au titre des programmes pour le climat et l’environnement soient complétées par une composante incitative qui favorisera une adoption par les agriculteurs tout en adressant à l’opinion publique un signal fort.

2.20.

La nouvelle «approche globale de la PAC», qui sera reprise dans les plans stratégiques des États membres, devrait conjuguer les interventions et les exigences du premier comme du second pilier de la PAC. La nouvelle conditionnalité renforcée prévoit des propositions supplémentaires en matière d’environnement et d’écologisation, à savoir:

l’atténuation des changements climatiques, comme le maintien des prairies permanentes, la protection adéquate des zones humides et des tourbières, l’interdiction du brûlage du chaume,

la protection de l’eau par la mise en œuvre des actions européennes concernant la politique hydrique, la lutte contre la pollution par les phosphates, la directive sur les nitrates et la mise en place de bandes tampons le long des cours d’eau, ainsi que l’utilisation d’un outil durable pour les nutriments (plans de gestion des nutriments),

la protection et la qualité des sols, avec une insistance sur la gestion du travail du sol en vue de réduire le risque de dégradation des sols, l’absence de sols nus pendant les périodes les plus sensibles et la rotation des cultures.

2.21.

En ce qui concerne la biodiversité et les paysages, les propositions relatives à la conditionnalité apportent des précisions sur la conservation des oiseaux sauvages, des habitats naturels, ainsi que de la flore et de la faune sauvages: une part minimale de la surface agricole consacrée à des zones ou des éléments non productifs, le maintien des particularités topographiques, l’interdiction de tailler les haies et les arbres durant la période de nidification et de reproduction des oiseaux et des mesures visant à éviter les espèces envahissantes (BCAE 9), l’établissement de bandes tampons le long des cours d’eau (BCAE 4) ou la rotation des cultures (BCAE 8). Toutefois, le CESE propose que l’Union assortisse les BCAE d’objectifs quantitatifs clairs qui devraient être contraignants pour les États membres.

2.22.

Le CESE se félicite de l’obligation faite aux États membres d’affecter au moins 30 % du budget du Feader à des interventions directement consacrées à l’environnement et au changement climatique, et aussi de réserver 40 % du budget total (FEAGA et Feader) à des dépenses en rapport avec le changement climatique.

2.23.

Il est prévu de faire en sorte que 40 % des dépenses agricoles soient affectées aux objectifs européens de lutte contre le changement climatique. Le CESE se félicite de cette ambition, mais il attend que l’Union fixe un ensemble de mesures clairement définies en la matière.

2.24.

Le CESE fait observer qu’il est essentiel que les plans stratégiques des États membres donnent la priorité aux interventions en matière d’environnement et de changement climatique contribuant à la résilience et à la rentabilité à long terme des exploitations ou au maintien de l’emploi, et que leur mise en œuvre soit axée sur la réalisation d’objectifs.

Subsidiarité — Plans stratégiques de la PAC et nouveau modèle de mise en œuvre

2.25.

Le CESE soutient le concept de modification de la PAC, qui consiste à délaisser l’approche actuelle fondée sur la conformité au profit d’une approche axée sur les résultats et à accorder aux États membres plus de souplesse et de responsabilités grâce à la subsidiarité dans le cadre du nouveau modèle de mise en œuvre et des plans stratégiques de la PAC.

2.26.

Le CESE entend toutefois veiller à ce que la PAC reste une politique commune dans l’ensemble des États membres et à ce que le marché unique soit totalement préservé. Les plans stratégiques de la PAC ne sauraient aucunement autoriser les États membres à renationaliser les marchés ou encore à créer des obstacles ou des restrictions à une concurrence loyale au sein du marché unique. La mise en œuvre de ces plans stratégiques ne doit en aucun cas être vue comme une étape vers le co-financement de l’ensemble de la PAC.

2.27.

Il est d’une importance cruciale que des conditions de concurrence équitables soient maintenues en ce qui concerne la mise en œuvre au niveau des exploitations agricoles, en particulier pour ce qui est de la conditionnalité et des BCAE. Il est essentiel d’empêcher les États membres et leurs régions de procéder à une surenchère réglementaire ou à des variations par petites touches dans leurs plans de mise en œuvre.

2.28.

Le CESE se réjouit que les plans stratégiques de la PAC imposent aux États membres de contribuer davantage à la réalisation des objectifs spécifiques qui ont été définis en matière d’environnement et de climat. Il faudrait que les agriculteurs se voient proposer un «menu de mesures» permettant la meilleure adaptation possible à la spécificité de leur situation (par exemple, à l’impossibilité de pratiquer la rotation des cultures dans les rizières ou dans des cultures pluriannuelles ou permanentes).

2.29.

La proposition qui fait obligation aux États membres d’élaborer et de présenter des plans stratégiques de la PAC pour le premier comme pour le second pilier va rendre le système plus complexe qu’actuellement. Il est essentiel que cette exigence ne puisse retarder la mise en œuvre, et en aucune circonstance, la liquidation efficace et en temps opportun des paiements directs aux agriculteurs ne devra s’en trouver entravée. Il y a lieu dans ce contexte d’associer les régions et de tirer pleinement profit de leur expertise.

2.30.

Au même titre que les principaux éléments figurant dans les propositions, le CESE propose que les plans stratégiques de la PAC au niveau des États membres traitent des points suivants:

la manière dont un État membre aborde un problème spécifique à un pays sur son propre territoire, par exemple l’abandon des terres/la désertification dans certaines régions d’Europe du Sud, la qualité de l’eau/les nitrates dans certains régions d’Europe du Nord-Ouest, la perte de biodiversité en Europe;

un plan au niveau de l’État membre sur la simplification au niveau de l’exploitation;

un plan d’exécution et des échéances fixées pour tous les paiements au titre de la PAC;

un système d’incitations pour de bonnes performances environnementales et climatiques;

des objectifs de performance et de mise en œuvre au niveau national.

Simplification et conditionnalité

2.31.

Le CESE soutient fermement la simplification et demande que l’engagement politique pris en la matière soit mis en œuvre au niveau des exploitations agricoles dans le cadre des nouvelles propositions de la PAC. Tout en prenant acte de certains éléments positifs, le mode de fonctionnement proposé pour le nouveau modèle de mise en œuvre, la conditionnalité renforcée, l’introduction d’indicateurs dans le premier pilier et l’obligation d’élaborer des plans stratégiques détaillés de la PAC sont des dispositions particulièrement inquiétantes qui vont à l’encontre d’une véritable simplification.

2.32.

Malgré les avancées positives en matière de simplification dans le règlement Omnibus, l’extension du système de carton jaune et l’adoption de la technologie satellitaire pour la vérification des superficies, les propositions de la PAC conservent un volume important d’exigences détaillées assorties de lourdes charges bureaucratiques qui pèsent sur les agriculteurs indépendants, dont la grande majorité exploitent seuls leur ferme et dont les revenus subissent de fortes pressions.

2.33.

Le CESE se déclare préoccupé de constater une certaine contradiction dans l’approche adoptée par les propositions de la Commission, tiraillée entre simplification et subsidiarité. D’un côté, la Commission plaide en faveur d’une simplification, et de l’autre, les nouvelles propositions relatives au modèle de mise en œuvre et aux plans stratégiques de la politique agricole qui s’étendent aux deux piliers, ainsi que les exigences réglementaires en matière de gestion (ERMG) et de BCAE (annexe III) (9), qui sont plus nombreuses et plus détaillées, rendent cette politique plus complexe et plus lourde à mettre en œuvre sur le plan administratif, tant au niveau des États membres que des exploitations agricoles. Les différentes catégories d’exemption établies dans le cadre de la composante écologique prévue pour la période 2014-2020 doivent être reprises dans les règles relatives à la conditionnalité pour l’après-2020.

2.34.

Pour parvenir à une véritable simplification au niveau des exploitations agricoles tout en maintenant des contrôles complets et adéquats, il est nécessaire de réduire le volume et la charge bureaucratique pesant sur les agriculteurs. Le système actuel de mise en œuvre de la PAC repose sur des exigences détaillées à l’échelle de l’Union européenne, et prévoit des contrôles rigoureux, des sanctions et des mécanismes d’audit (10). l’utilisation renforcée des technologies, de l’inspection par satellite et de la télédétection, une augmentation des tolérances et des inspections ne sauraient autoriser des retards de paiements (11). Eu égard au recours accru à la télédétection, la définition adéquate des zones admissibles devrait également être du ressort des autorités responsables du suivi.

2.35.

Le régime actuel d’inspection et de sanction est conçu pour prendre sur le fait et punir, et non pour corriger et améliorer. Le CESE propose le concept de «droit de rectification» avec un modèle de résiliation introduit au niveau de l’exploitation qui permettrait aux agriculteurs de remédier sans pénalité aux cas de non-respect non intentionnels.

2.36.

Il est absolument nécessaire, en ce qui concerne les programmes du second pilier, de poursuivre le travail de simplification et d’allégement de la charge administrative au niveau de l’Union et des États membres (12).

2.37.

Les États membres devraient être tenus de consacrer un chapitre spécial de leur plan stratégique à la simplification et à la manière dont ils se proposent de réduire la charge administrative pesant sur les agriculteurs, et aussi préciser en quoi les dispositions proposées diffèrent du régime en vigueur.

Renouvellement des générations

2.38.

Le CESE se félicite de l’attention accrue accordée au renouvellement des générations, ainsi que des propositions d’aides supplémentaires aux jeunes agriculteurs qui ont besoin d’un accès facilité à la terre, à la formation et au financement. Il convient d’encourager les agriculteurs qui cessent leur activité et transmettent leur exploitation à un jeune agriculteur.

3.   Propositions spécifiques du CESE

Véritables agriculteurs

3.1.

Le CESE soutient fermement l’objectif consistant à réserver exclusivement les paiements directs aux véritables agriculteurs. La propriété foncière seule ne devrait donner droit à une personne de recevoir des paiements directs si celle-ci n’exerce pas d’activité agricole. Toutefois, cette situation qui affecte pratiquement toutes les exploitations européennes doit être reconnue.

3.2.

Le CESE estime que des notions essentielles, telles que celles de «véritable agriculteur» ou de «critère d’éligibilité» devraient être définies d’une manière claire, fiable, uniforme au niveau de l’Union européenne afin d’assurer des conditions équitables, de prévenir les avantages/désavantages concurrentiels et d’empêcher tout affaiblissement des règles communes.

3.3.

Outre l’examen des revenus et de la main-d’œuvre occupée sur l’exploitation, comme cela est proposé, il convient d’élargir la définition du «véritable agriculteur» afin d’inclure des critères objectifs et non discriminatoires, tels que, notamment, le revenu, le patrimoine, le temps investi, le rendement ou l’éducation. Dans la logique des modifications récemment apportées au règlement omnibus, les États membres pourraient maintenir la flexibilité afin de mieux cibler l’admissibilité aux aides. Il devrait ainsi être possible de concevoir un cadre commun tout en laissant aux États membres la possibilité d’adapter la définition aux besoins et conditions qui se présentent réellement sur leur territoire.

Jeunes agriculteurs

3.4.

Le CESE propose que la définition du «jeune agriculteur» soit revue afin de garantir que les paiements bénéficient exclusivement à de véritables jeunes agriculteurs. Le soutien à l’intégration de nouveaux venus devrait être une mesure prioritaire dans le cadre du second pilier.

Objectifs généraux

3.5.

Le CESE entend souligner que, si l’on ne s’emploie pas au préalable à assurer la pérennité du secteur agricole sur le plan économique, il ne sera pas possible d’atteindre les objectifs généraux d’une agriculture intelligente, résiliente et diversifiée, de la sécurité alimentaire, de la préservation de l’environnement et de l’action pour le climat, ainsi que du renforcement du tissu socio-économique des zones rurales. La viabilité du secteur agricole doit être un objectif général de la PAC.

Objectifs spécifiques

3.6.

Le CESE soutient pleinement les neuf objectifs spécifiques de la PAC exposés dans les propositions législatives. Toutefois, il propose que le point f) comprenne l’objectif supplémentaire d’éviter la déprise agricole et de protéger les terres agricoles contre les acquisitions. En outre, le CESE pense qu’un développement territorial équilibré devrait faire partie des objectifs spécifiques. De même, le CESE préconise de reformuler comme suit l’objectif de l’article 6, paragraphe 1, point b), «accroître la compétitivité», afin d’être plus complet: «accroître la viabilité des exploitations sur les marchés locaux, nationaux et internationaux». Le CESE suggère également de mettre l’accent sur les objectifs consistant à promouvoir l’inclusion sociale et d’intégrer le développement d’infrastructures sociales comme un objectif spécifique.

Indicateurs

3.7.

Le CESE considère que la proposition de mettre en place des indicateurs permettant de mesurer la réalisation des objectifs, définis sous la forme de valeurs intermédiaires et de valeurs cibles quantifiées, sur la base des critères détaillés énoncés à l’annexe I (13), devrait s’appliquer strictement au niveau national et ne pas accroître la charge administrative pesant sur les agriculteurs. Les nouveaux indicateurs de la PAC doivent être simples, réalistes, aisément quantifiables, contrôlables et applicables aux réalités locales. Ils doivent être directement reliés aux objectifs définis pour la PAC.

Bonnes conditions agricoles et environnementales

3.8.

Le CESE propose que le taux de charge minimal et maximal des prairies soit pris en compte dans le contexte du maintien des terres dans de bonnes conditions agricoles et environnementales.

Services de conseil agricole

3.9.

Le soutien et la poursuite du développement du système AKIS, y compris les services de conseil, l’échange de connaissances et la formation professionnelle, semblent essentiels pour aider les agriculteurs à recourir à des innovations et des technologies nouvelles, lesquelles viendront contribuer à leur tour à améliorer la compétitivité et la durabilité. Toute initiative de l’Union européenne en ce qui concerne les services de conseil ou les systèmes d’innovation doit s’appuyer sur les dispositifs existants au niveau des États membres et se concentrer sur l’apport de valeur ajoutée. Compte tenu de la pression exercée sur le budget de la PAC, les propositions législatives devraient indiquer clairement qu’il ne saurait y avoir de fuite de paiements directs au titre du premier pilier de la PAC vers des professionnels non agricoles.

Paiements directs

3.10.

Le CESE reconnaît pleinement et souligne l’importance vitale que revêtent, pour le soutien des revenus agricoles, les paiements directs du premier pilier de la PAC. À cet égard, il estime que ces paiements au titre du premier pilier doivent être totalement protégés, et que les ajustements éventuels apportés à un nouveau soutien au revenu de base devraient être limités au strict minimum.

Plafonnement et réduction des paiements

3.11.

Dans sa proposition, la Commission prévoit deux types de paiements directs différents, à savoir quatre paiements directs découplés et divers paiements directs couplés.

3.12.

En ce qui concerne les paiements découplés, le CESE a pris clairement position dans ses avis en affirmant que: «Les paiements directs au titre du premier pilier devraient être plafonnés à un niveau équitable et raisonnable pour les agriculteurs individuels (par exemple, à un niveau équivalant à un revenu comparable pour un travailleur qualifié). Il conviendrait de pouvoir procéder à des ajustements et de tenir compte des partenariats, des coopératives et des entreprises, ainsi que du nombre de salariés bénéficiant de la sécurité sociale» (14).

3.13.

Il a également recommandé de ne pas appliquer le plafond aux paiements qui récompensent des services publics, en particulier dans le domaine de l’environnement et du climat pour lesquels il a appelé de ses vœux une claire composante incitative.

3.14.

Le Comité préconise également une augmentation de la prime accordée aux herbages.

3.15.

Le CESE approuve le principe de la prise en compte des salaires conformément à l’article 15, paragraphe 2, points a) et b), mais ne juge pas opportun qu’ils soient déduits à 100 %. Il n’est pas justifié que les budgets publics financent les salaires d’une catégorie professionnelle spécifique ainsi que les impôts et cotisations qui y sont liés, ni même que le travail non rémunéré soit totalement intégré dans les calculs. Il conviendrait de prévoir ici un taux maximal de 50 %.

Convergence des paiements

3.16.

Le CESE soutient les propositions sur la convergence externe en vue de la poursuite de l’harmonisation du niveau des paiements directs de soutien entre les États membres. La proposition vise à combler 50 % de l’écart existant entre la moyenne actuelle du niveau de paiements directs des États membres et 90 % de la moyenne européenne des paiements directs de 2021 à 2027. Sous réserve d’un budget adéquat pour la PAC, toutefois, les propositions de la Commission pourraient être plus ambitieuses, notamment s’agissant des États membres qui perçoivent le moins d’aides. De l’avis du Comité, à la fin de la prochaine période budgétaire, le niveau des paiements directs devrait atteindre au moins 85 % de la moyenne de l’Union européenne.

3.17.

Le nivellement des paiements constitue une approche simpliste qui ne tient compte d’aucun critère objectif, comme le niveau des investissements réalisés dans l’exploitation, le type de système d’exploitation agricole, le niveau de revenu, les besoins en main-d’œuvre, la viabilité future de l’exploitation et le degré de dépendance de cette dernière à l’égard des paiements directs ou encore l’engagement de l’agriculteur dans son activité.

3.18.

Pour bénéficier de la convergence interne et parvenir à des droits au paiement d’une valeur supérieure ou égale à 75 % de la moyenne d’ici à l’année 2026, les agriculteurs devraient être tenus de respecter certains critères objectifs.

Réserve nationale

3.19.

Le CESE soutient le concept de réserve nationale destinée aux jeunes agriculteurs et aux nouveaux entrants. Toutefois, ses critères d’attribution doivent être tels que l’octroi des droits ne fasse pas l’objet d’abus et qu’ils ne soient alloués qu’aux véritables agriculteurs, sur la base de critères objectifs et précis, tels que l’âge, le revenu, le niveau de formation, le temps investi et le rendement.

3.20.

En outre, il faudrait instituer comme obligation que les droits attribués au titre de la réserve nationale soient activés et utilisés par le destinataire pendant une période minimum fixée par l’État membre, et il devrait être impossible pour les destinataires de ladite réserve de revendre les droits attribués avant l’écoulement de cette période de dix ans.

Aide redistributive complémentaire au revenu

3.21.

Alors que l’aide redistributive complémentaire a enregistré de très bons résultats dans certains pays, elle risque, dans d’autres contextes, de réduire encore davantage le niveau des paiements directs et des revenus des agriculteurs qui sont les plus tributaires de ces paiements directs pour leurs revenus, sachant que l’on compte parmi eux de nombreux agriculteurs à temps plein, et d’entraîner un transfert des paiements à des agriculteurs qui exercent à temps partiel ou qui sont moins dépendants de ces paiements par rapport à leur revenu total.

3.22.

Les propositions soulignent l’importance des paiements directs pour les revenus agricoles et montrent clairement que la garantie d’un niveau adéquat d’aides et, par conséquent, de revenus agricoles, reste un élément clé pour l’avenir, si l’on veut garantir la sécurité alimentaire, réaliser les ambitions dans les domaines environnemental et climatique, et stimuler la vitalité du monde rural. Toutefois, le CESE fait aussi valoir que toute option consistant à redistribuer une part importante des paiements directs aux exploitations et aux régions dont la productivité est la plus faible conduira à court terme à une diminution de la compétitivité de l’Union européenne (15) sur les marchés internationaux; dans le même temps, une telle mesure serait davantage à la hauteur des attentes des consommateurs et des citoyens concernant une orientation de la PAC qui soit davantage en phase avec les besoins du marché intérieur.

3.23.

Le CESE est d’avis que l’aide redistributive complémentaire au revenu, dans l’hypothèse où elle était appliquée, devrait être financée uniquement par les fonds libérés au titre du plafonnement et, afin de réduire les fortes disparités qui existent dans le secteur, être ciblée et réservée aux agriculteurs dont les revenus dépendent principalement de l’agriculture.

Aide complémentaire au revenu pour les jeunes agriculteurs

3.24.

Le CESE soutient la proposition d’aide complémentaire au revenu pour les jeunes agriculteurs. Pour que cette mesure ne porte pas préjudice aux véritables agriculteurs, il conviendra d’élaborer des mécanismes appropriés afin d’éviter d’accorder des aides financières qui ne conduiraient pas à une véritable implication dans des activités agricoles.

Programme volontaire pour le climat et l’environnement («programme écologique»)

3.25.

Le CESE prend note de l’introduction, dans le premier pilier, d’un système d’écologisation volontaire en faveur du climat et de l’environnement au niveau des exploitations agricoles. Toutefois, il importe que le «programme écologique» proposé dans le cadre du premier pilier ne décourage ou ne dissuade pas les agriculteurs de se porter candidats et de participer à d’importants programmes relatifs à l’environnement et à la lutte contre le changement climatique au titre du second pilier.

3.26.

Des dispositions devraient être prises pour permettre un paiement pour les herbages destinés à la production de bétail, assorties d’un seuil minimal et maximal de têtes de bétail. En outre, des dispositions devraient être prises dans ce cadre pour permettre des paiements visant le bien-être des animaux au prorata du nombre de têtes, comme c’est actuellement le cas pour ce type de régime.

Paiements couplés

3.27.

Les paiements couplés ont un rôle très important à jouer dans la protection des secteurs et des zones vulnérables. Les paiements couplés peuvent fournir des paiements directs essentiels, plus élevés et ciblés, à des secteurs à faibles revenus, tels que l’élevage extensif de vaches allaitantes ou l’élevage ovin, les cultures protéagineuses ou l’élevage en région de montagne, lorsque le maintien d’une activité d’élevage est indispensable à l’équilibre de l’écosystème. De manière générale, l’option des paiements couplés devrait continuer à faire l’objet de restrictions mais devrait être possible pour aider à prévenir l’abandon des terres ainsi que pour promouvoir et encourager l’élevage pastoral (16).

Développement rural

3.28.

Le CESE soutient les huit grandes interventions de l’Union européenne dans le cadre du développement rural. Comme il l’a déjà signalé, le CESE est opposé à toutes les réductions proposées concernant le financement du second pilier, dans la mesure où elles affecteraient de manière disproportionnée certains États membres et feraient planer un doute sur la possibilité d’une évolution intelligente, durable et concurrentielle de l’agriculture.

3.29.

Le Comité estime que, suivant la démarche de la PAC actuelle, il conviendrait de prévoir des interventions spécifiques en matière de bien-être animal qui s’inscriraient dans le cadre des programmes de développement rural, et que ces dispositions devraient être incluses dans l’une des interventions générales.

3.30.

Le CESE propose qu’une proportion plus élevée du paiement soit affectée aux coûts de transaction ou aux incitations, de manière à accroître la participation des agriculteurs et la consommation des crédits.

3.31.

Il considère que les engagements en matière d’environnement, de climat et d’autres questions de gestion devraient être envisagés pour des périodes d’une durée supérieure à sept ans, pour autant que leur financement soit assuré en proportion.

3.32.

Le CESE estime que les paiements pour les zones soumises à des contraintes naturelles (17) devraient être obligatoires dans les aires concernées afin de prévenir la déprise agricole dans les États membres. En outre, les propositions devraient comporter des mesures concernant les taux de charge minimum et maximum et fixer une fourchette pour la période que les animaux devraient passer au pâturage. Les paiements pour les zones soumises à des contraintes naturelles devraient pouvoir être assimilés à des dépenses environnementales relevant du second pilier.

3.33.

Dans le cadre des propositions relatives aux contraintes naturelles et à d’autres contraintes propres à une zone spécifique, il est important de consacrer le principe voulant qu’il n’y ait pas de restriction sans compensation. Pour changer les pratiques, il est très important que pareille compensation soit calculée en fonction de la perte totale et que des incitations appropriées soient versées.

3.34.

Le CESE est favorable à une liste positive de propositions d’investissement par opposition à une liste négative.

3.35.

Le CESE estime que les propositions relatives aux outils de gestion des risques devraient être facultatives, et non obligatoires, au niveau des États membres. D’une manière générale, le CESE considère que la meilleure protection contre la fluctuation des revenus est constituée par une aide directe importante au titre du premier pilier, et qu’il conviendrait de ne pas rogner ladite aide, de quelque manière que ce soit, pour transférer des fonds vers des régimes d’assurance ou des fonds de mutualisation. En outre, il propose que tout financement de la gestion des risques s’effectue sur une base sectorielle.

3.36.

Le CESE se félicite de la nouvelle flexibilité et de la diversité des soutiens, tels qu’ils sont prévus dans le cadre des instruments financiers.

Réserve de crise

3.37.

Le CESE reconnaît la nécessité d’un fonds de réserve de crise permanent efficace et dûment financé. Le CESE propose que les crédits destinés à la réserve de crise relèvent d’un nouveau poste de dépenses, extérieur au budget de la PAC, et par conséquent, ne pas impliquer une réduction des paiements directs aux agriculteurs. Dans le cadre de la législation sur la PAC en vigueur, les fonds inutilisés de la réserve de crise pour 2020 devront être restitués aux agriculteurs en 2021.

Organisation commune des marchés

3.38.

Les propositions législatives laissent quasiment inchangée l’OCM, qui se trouve assortie d’un filet de sécurité sous la forme d’interventions publiques et de stockage privé, ainsi que de mesures exceptionnelles. En outre, l’OCM prévoit des normes de commercialisation et des règles de coopération pour les agriculteurs. De l’avis du CESE, la Commission devrait envisager de renforcer la régulation du marché afin de garantir de meilleurs revenus.

3.39.

Le CESE estime que les propositions devraient réexaminer et redéfinir les prix de référence, compte tenu de l’évolution des coûts de production, et activer des seuils de déclenchement pour l’introduction d’un soutien au marché à des niveaux plus concrets, avec pour visée de fournir, si nécessaire, un soutien au marché plus réaliste et plus pertinent. La Commission devrait se concentrer sur les instruments de gestion du marché, notamment en limitant les fluctuations des prix des produits agricoles, principale source de revenus des agriculteurs.

Paiements

3.40.

Le CESE propose que le paiement des avances versées à compter du 16 octobre de chaque année soient portées à 80 % (elles sont actuellement de 50 %, mais un niveau de 70 % est d’ordinaire autorisé) pour les paiements directs, et à 90 % (ils sont actuellement de 75 %, mais en général autorisés jusqu’à 85 %) au titre des mesures de développement rural.

Calendrier

3.41.

Le calendrier de l’accord sur le CFP et les nouvelles propositions de la PAC restent flous, en particulier dans le contexte des prochaines élections au Parlement européen. La réforme proposée introduit plusieurs nouveaux éléments tels que le plan stratégique, un élément fondamental de la réforme que les administrations nationales auront du mal à mettre en œuvre, et une nouvelle structure de la PAC qui établit certaines obligations pour les agriculteurs (nouvelle conditionnalité renforcée, respect des indicateurs du plan stratégique etc.) dont l’adoption et la mise en œuvre par les agriculteurs eux-mêmes exigeront un certain temps. Le CESE préconise que soit conclu sans tarder un accord sur le CFP avant les élections au Parlement européen de mai 2019, ainsi qu’un accord sur l’avenir de la PAC, afin que les agriculteurs et le secteur agricole puissent faire des plans pour l’avenir, de façon correcte et avec certitude. Il est dès lors essentiel qu’une période de transition adaptée, fondée sur le système de soutien actuel, soit adoptée longtemps à l’avance pour toute période postérieure à l’année 2020 avant l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions.

Chaîne alimentaire

3.42.

Le CESE réitère son appel en faveur du développement d’une politique alimentaire globale au sein de l’Union (18). En particulier, le CESE se félicite que la Commission ait mis l’accent sur le rôle important de la PAC pour promouvoir des régimes alimentaires plus sains, pour rendre les denrées alimentaires plus nutritives, et favoriser l’accès aux fruits et légumes pour les citoyens européens. Des propositions concrètes et des recommandations en la matière seront formulées dans un avis d’initiative en cours d’élaboration. Le CESE accueille favorablement les propositions visant à renforcer la place de l’agriculteur dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Une plus grande transparence des prix du marché est essentielle à tous les niveaux, du consommateur au producteur primaire. En outre, il conviendrait de renforcer les mesures incitatives et le soutien apportés aux organisations de producteurs.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Eurostat — Population de l’Union européenne au 1er janvier 2017.

(2)  Avis du CESE sur «Une redéfinition possible de la politique agricole commune» (JO C 288 du 31.8.2017, p. 10).

(3)  Exposé de R. Ramon i Sumoy, DG Agri, unité C 1, devant le groupe d’étude du CESE, le 25 juin 2018.

(4)  JO C 354 du 28.12.2010, p. 35.

(5)  JO C 283 du 10.8.2018, p. 69, paragraphes 10.2, 10.3 et 10.4.

(6)  Document de travail de l’Union européenne qui compare les propositions pour le CFP 2021-2027 avec le CFP 2014-2020.

(7)  JO C 283 du 10.8.2018, p. 69, paragraphe 7.13.

(8)  COM(2018) 392 final, article 5 — Objectifs généraux, p. 46.

(9)  COM(2018) 392 final, annexe 3 — Règles relatives à la conditionnalité conformément à l’article 11.

(10)  COM(2018) 392 final, p. 3.

(11)  JO C 283 du 10.8.2018, p. 69, paragraphes 1.9 et 6.4.

(12)  Programmes du second pilier de la PAC — Évaluation ex post des programmes de développement rural 2007-2013.

(13)  COM(2018) 392 final, annexe I — Indicateurs de réalisation, de résultat et d’impact, conformément à l’article 7.

(14)  JO C 288 du 31.8.2017, p. 10, et JO C 283 du 10.8.2018, p. 69.

(15)  COM(2018) 392 final, p. 7.

(16)  The Policy Roadmap for the EU Sheep meat Sector (La feuille de route politique pour le secteur européen de la viande ovine) — Recommandations du Forum européen sur la viande ovine, présidé par John Bryan.

(17)  Superficies soumises à des contraintes naturelles ou à d’autres contraintes spécifiques.

(18)  JO C 129 du 11.4.2018, p. 18.


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/226


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un programme pour l’environnement et l’action pour le climat (LIFE) et abrogeant le règlement (UE) no 1293/2013»

[COM(2018) 385 final — 2018/209 (COD)]

(2019/C 62/36)

Rapporteur général:

Lutz RIBBE

Consultation

Parlement européen, 14.6.2018

 

Conseil, 2.7.2018

Base juridique

Articles 192, paragraphe 1, et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Décision de l’assemblée plénière

22.5.2018

 

 

Compétence

Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

5.10.2018

Adoption en session plénière

18.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

133/7/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Au sein de l’Union européenne, la nature et l’environnement traversent une sérieuse crise. Le programme LIFE, qui bénéficie selon le Comité économique et social européen (CESE) d’une enveloppe budgétaire bien trop faible, ne constitue pas une réponse adéquate et ne pourra rien changer de manière substantielle à la crise environnementale actuelle. Toutefois, le CESE approuve en principe expressément la poursuite de ce programme.

1.2.

Outre un renforcement notable du programme LIFE, il serait nécessaire d’assurer une plus grande cohérence de l’ensemble des politiques de l’Union. Le CESE a déjà critiqué à plusieurs reprises cette incohérence qui nuit à la nature et à l’environnement, en vain.

1.3.

Ces dernières décennies, l’approche d’intégration privilégiée par la Commission s’est avérée inadaptée s’agissant de financer la protection de la biodiversité. C’est pourquoi le CESE maintient sa proposition de développer le programme LIFE pour en faire un véritable mécanisme de financement du réseau Natura 2000.

1.4.

Au cours de la prochaine période de programmation financière, l’approche d’intégration pourrait éventuellement fonctionner pour ce qui est des mesures de lutte contre le changement climatique, puisqu’au moins 25 % des fonds de l’Union devraient être affectés à des mesures relatives au climat.

1.5.

Le Comité se félicite en particulier que le nouveau programme LIFE puisse soutenir financièrement les contributions au développement et à la mise en œuvre d’initiatives ascendantes en faveur de concepts économiques novateurs, décentralisés et durables.

1.6.

Le CESE accueille favorablement le fait que le nouveau règlement LIFE soit moins restrictif et qu’il permette également, entre autres, le financement intégral des projets. Dans le même temps, il se réjouit que le soutien aux organisations importantes pour la poursuite du développement et la mise en œuvre de la politique environnementale européenne soit rendu possible.

2.   Contexte

2.1.

La Commission a présenté ses propositions concernant la programmation financière à moyen terme pour la période 2021-2027. Compte tenu de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne et de la définition de nouvelles priorités, les répercussions seront considérables sur l’actuelle politique de financement de l’Union et en particulier sur certains domaines de programmes.

2.2.

Ainsi, la structure de financement du cadre financier pluriannuel prévoyait jusqu’à présent 58 programmes différents, dont le nombre devrait être abaissé à 37.

2.3.

Le programme LIFE n’est pas affecté par ce changement structurel; il devrait être maintenu comme programme autonome doté d’une ligne budgétaire propre, dans le but de soutenir le développement et l’utilisation de solutions innovantes pour remédier aux problèmes environnementaux et climatiques, à l’exemple de la transition vers l’énergie propre. Dans le cadre du prochain budget de l’Union, le programme LIFE sera doté de ressources propres d’un montant de 5,45 milliards d’EUR.

3.   Observations générales

3.1.

Ces dernières années, le CESE a toujours considéré le programme LIFE comme un élément précieux de la politique européenne de protection de la nature et de l’environnement, et il se félicite donc de son maintien en tant que programme autonome dans la nouvelle période de programmation 2021-2027.

3.2.

Le Comité constate, de manière générale, que la nature et l’environnement connaissent une crise sérieuse au sein de l’Union. Cette situation s’explique par le fait, d’une part, que les programmes de financement de l’Union européenne en faveur de la protection de la nature et de l’environnement bénéficient d’une enveloppe budgétaire bien trop faible. D’autre part, il convient de dénoncer le manque de cohérence entre les différentes politiques sectorielles de l’Union. Le CESE prie instamment la Commission et le Conseil de remédier à ces dysfonctionnements, qu’il a déjà critiqués à plusieurs reprises. Dans le cas contraire, le programme LIFE, qui permet sans nul doute de financer de très bons projets, demeurera purement symbolique.

3.3.

Le Comité relève une grave contradiction entre, d’une part, les priorités politiques établies dans les déclarations, les stratégies, les concepts et la législation et, d’autre part, l’intégration de ces prétendues priorités politiques dans le budget. En principe, le budget révèle la vérité quant aux réelles priorités politiques.

3.4.

Le CESE s’est exprimé pour la dernière fois au sujet du programme LIFE dans son avis intitulé «Évaluation à mi-parcours du programme LIFE» (1), dans lequel il a présenté diverses propositions de réforme, qui n’ont malheureusement pas été prises en compte dans la nouvelle proposition de règlement. Elles portaient entre autres sur le domaine de compétences et l’enveloppe financière du programme LIFE.

L’enveloppe financière du programme LIFE

3.5.

Si l’augmentation de l’enveloppe financière du programme LIFE, qui passe de 3,45 milliards d’EUR pour la période de financement 2014-2020 à 5,45 milliards d’EUR pour la période 2021-2027, semble dans un premier temps absolument considérable, l’affectation de crédits au nouveau sous-programme «Transition vers l’énergie propre» permet à elle seule de relativiser cette hausse. Il convient également de préciser qu’environ 2,6 milliards d’EUR, soit presque la moitié du montant, constituent des crédits d’engagement qui, selon les prévisions actuelles, ne pourraient être dépensés qu’après 2027.

3.6.

Pour la période de programmation actuelle, le domaine «Action pour le climat» est doté d’un montant de 864 millions d’EUR, qui s’élèvera à 1,95 milliard d’EUR au cours de la nouvelle période et comprendra notamment 1 milliard d’EUR destiné au nouveau sous-programme «Transition vers l’énergie propre», actuellement financé dans le cadre du programme «Horizon 2020». L’augmentation réelle de l’actuel domaine «Action pour le climat», soit environ 100 millions d’EUR (sur une période totale de sept ans), apparaît donc trop faible.

3.7.

Pour la période de financement en cours, 2,59 milliards d’EUR sont affectés au domaine «Environnement et utilisation rationnelle des ressources», sur lesquels 1,15 milliard d’EUR est consacré à la biodiversité. La nouvelle période de programmation prévoit une augmentation significative de cette somme, qui atteindrait alors 2,15 milliards d’EUR, soit une hausse de presque 100 %; cependant, ce chiffre doit lui aussi être remis en perspective.

3.8.

En effet, comme l’écrit à très juste titre la Commission au considérant 14, «le manque de financement adéquat est une des principales causes de la mise en œuvre insuffisante de la législation sur la nature et de la stratégie en matière de biodiversité». La Cour des comptes européenne a également souligné tout particulièrement le sous-financement de la protection de la biodiversité dans son rapport spécial sur le réseau Natura 2000 (2).

3.9.

L’augmentation prévue ne permet en aucune mesure de résoudre ce problème, au contraire. Le CESE s’inquiète vivement du sous-financement considérable du réseau Natura 2000 en particulier, lequel est fondamental pour la protection de la biodiversité européenne. Selon les prévisions du Comité, cette situation s’aggravera au cours de la nouvelle période de financement 2021-2027, en raison de la réduction des crédits destinés au Feader et au développement régional.

3.10.

Au lieu de renforcer le programme LIFE, comme l’estime nécessaire le CESE, la Commission propose d’intensifier l’approche d’intégration, c’est-à-dire le financement à partir d’autres lignes budgétaires. Le Comité reconnaît que l’intégration peut fonctionner si des ressources budgétaires correspondantes affectées à un objectif précis sont disponibles ailleurs. Il se réfère en particulier à la lutte contre le changement climatique, en raison du fait, entre autres, que la Commission ait proposé de consacrer au moins 25 % du budget européen à des actions liées au climat (3).

3.11.

En ce qui concerne la protection de la biodiversité, l’approche d’intégration qui consiste à assurer le financement du réseau Natura 2000 avant tout au moyen des Fonds de l’Union européenne en faveur du développement régional ainsi que du deuxième pilier de la politique agricole commune est toutefois un lamentable échec. C’est pourquoi le CESE avait déjà plaidé, dans son avis sur l’évaluation à mi-parcours du programme LIFE (4), adopté le 23 février 2017, pour que ledit programme «devienne l’instrument central du financement du réseau Natura 2000». Dans ce contexte, il renvoie à cet avis-ci ainsi qu’à d’autres avis (5) et continue à se prononcer en faveur d’un renforcement correspondant du programme LIFE à cette fin. Une autre proposition en vue de réaliser des objectifs environnementaux ambitieux pourrait consister, en cas d’infractions dans le cadre de la PAC, à réaffecter d’éventuels soldes restants à des mesures destinées à préserver la diversité biologique.

3.12.

Si l’on se base sur les calculs utilisés pour déterminer le financement nécessaire à la mise en place du réseau Natura 2000 en Allemagne, et qu’on les applique à l’EU-28, on obtient ainsi des besoins financiers qui pourraient atteindre jusqu’à 21 milliards d’EUR par an (6). La hausse de 1 milliard d’EUR, sur une période de sept ans, du budget consacré au domaine biodiversité et protection de la nature du programme LIFE n’est donc rien de plus qu’une goutte d’eau dans l’océan.

3.13.

En outre, une grande partie des frais indiqués ci-dessus relatifs au réseau Natura 2000 doivent être engagés pour l’entretien durable et la gestion des plus de 27 000 sites concernés. Or, même en vertu de la nouvelle proposition, le programme LIFE n’offre que peu de possibilités pour financer des frais d’entretien à long terme des sites Natura 2000 et ne pourra donc pas, de l’avis du CESE, apporter une contribution suffisante afin de résoudre la crise de la biodiversité dans l’Union, contrairement aux exigences visées au considérant 14.

3.14.

À cet égard, le CESE se déclare extrêmement déçu que sa suggestion n’ait pas été reprise. Certes, la Commission explique dans sa proposition de règlement que, dans le cadre de l’analyse d’impact, elle a examiné les possibilités de «renforcer le rôle que joue le programme [LIFE] dans la mise en œuvre de la politique de l’Union en matière de nature et de biodiversité. […] [L]’option d’un grand fonds en gestion partagée au titre de LIFE [a] été jugée inefficace», mais le CESE ne voit pas comment le sous-financement notable du réseau Natura 2000 doit être corrigé. Le Comité n’a d’ailleurs jamais demandé un fonds en gestion partagée, lequel serait effectivement difficile à gérer de manière efficace. Au contraire, il a recommandé de transformer complètement cet instrument financier européen pour l’environnement que constitue le programme LIFE, et de s’en servir pour financer les engagements de l’Union relatifs à la mise en œuvre des directives correspondantes sur la protection de la nature.

3.15.

Le considérant 18 indique en outre que le programme LIFE doit, à l’avenir, soutenir aussi des projets qui contribuent à la mise en œuvre de la directive-cadre sur l’eau (2000/60/CE). Le CESE s’en félicite en principe, mais souligne que sans une nouvelle augmentation des ressources, il en résultera un sous-financement additionnel des autres parties importantes du programme. Le Comité émet également cette réserve concernant le financement, évoqué au considérant 19, de projets relatifs à la mise en œuvre de la directive-cadre «stratégie pour le milieu marin» (2008/56/CE).

3.16.

Le CESE s’étonne que le règlement LIFE présenté ne se réfère qu’une seule fois et ce, uniquement de façon marginale, au concept innovant d’«infrastructure verte». Étant donné que le programme de financement RTE-V pour l’«infrastructure verte», proposé dans la communication de la Commission (7) du 6 mai 2013, ne figure pas dans le cadre financier pluriannuel 2021-2027, le CESE suggère que le programme LIFE, avec des moyens nettement plus importants, devrait également financer de manière explicite des projets relatifs à l’infrastructure verte.

3.17.

Il apparaît aujourd’hui d’ores et déjà que les objectifs en matière de protection de la biodiversité fixés au niveau européen pour 2020 ne seront pas atteints. Si, au cours de la période financière 2021-2027, les ressources disponibles sont encore moins importantes, il est à craindre que l’Union n’obtienne aucune amélioration significative avant même 2030. Cette grave crise de la biodiversité nécessite de renforcer massivement le programme LIFE. Le CESE prie par conséquent le Conseil et le Parlement européen, lors de la poursuite du débat relatif à la programmation financière à moyen terme, d’examiner et de prendre en considération les idées qu’il a formulées.

4.   Observations particulières

4.1.

Dans l’exposé des motifs de sa proposition de règlement, la Commission souligne à plusieurs reprises la petite envergure des projets financés, ce qui différencie le programme LIFE, par exemple, d’«Horizon Europe». Il est écrit que le programme LIFE «aid[e] les citoyens à agir sur le climat pour le bien de leurs communautés». Le CESE estime que précisément cette approche, qui consiste à soutenir les initiatives ascendantes émanant d’acteurs concernés de la société civile, revêt une importance capitale et mérite encore d’être défendue.

4.2.

Il importe toutefois d’aller plus loin que ce que la Commission prévoit aux considérants 8 et 10. Les projets qui «facilit[ent] l’utilisation de technologies déjà disponibles» sont assurément positifs, mais le rôle des «citoyens» va bien au-delà de la mise en œuvre de processus développés.

4.3.

En effet, le Conseil européen de l’innovation évoqué dans la proposition de règlement n’est pas le seul à pouvoir, comme l’écrit la Commission, «fournir une aide» au développement, «au déploiement et à la commercialisation des idées novatrices».

4.4.

Des petites et moyennes entreprises, des groupes d’initiative civils petits ou grands, des syndicats, des particuliers ou des communes, entre autres, sont aussi en mesure de le faire. Ils développent d’ailleurs déjà des idées, des pratiques ou des technologies adaptées innovantes, parfois même très simples, auxquelles ni la politique ou l’administration, ni les entreprises implantées n’avaient pensé ou ne voulaient réfléchir jusqu’à présent.

4.5.

Le programme LIFE devrait contribuer à encourager précisément ces efforts, d’autant plus qu’il est souvent très difficile, justement pour ces structures non établies, de bénéficier d’un soutien à l’innovation.

4.6.

Il convient d’expliquer ces propos à l’aide de deux exemples, qui pourraient tout à fait correspondre au nouveau sous-programme «Transition vers l’énergie propre»:

4.6.1.

Chacun sait que la mise en place d’une infrastructure de recharge pour les véhicules électriques est une mission importante, à laquelle doivent aussi s’atteler les responsables politiques. Des initiatives citoyennes commencent à envisager, par exemple, d’utiliser directement et de manière décentralisée l’électricité produite dans des installations éoliennes coopératives afin d’exploiter des stations de recharge gérées en commun ou d’alimenter des stations privées dans les habitations personnelles, dans le quartier résidentiel ou sur le lieu de travail. La riche expérience désormais acquise avec les «stations de recharge solaire», à savoir des abris pour voitures équipés d’installations photovoltaïques, pourrait ainsi être appliquée aux installations éoliennes. De toutes nouvelles possibilités de participation s’ouvriraient alors pour les acteurs de la société civile et elles revêtiraient une grande importance pour le développement de l’économie régionale comme pour l’acceptation des nouvelles structures d’approvisionnement à construire (8). Ainsi, l’ambition de l’Union européenne de «placer le citoyen au centre de la transition énergétique» pourrait également se concrétiser. Cependant, ces nouvelles approches conceptuelles ne sont généralement pas développées par les acteurs traditionnels de l’approvisionnement en électricité. Elles nécessitent un soutien initial, en particulier car il est très souvent indispensable d’examiner profondément le cadre juridique et les points de détails techniques. Il est primordial que le programme LIFE soutienne de telles innovations, qui ne sont justement pas encore «commercialisables».

4.6.2.

Il en va de même pour une approche novatrice qui a été conçue dans la ville de Łapy, en Podlachie, mais qui ne peut être mise en œuvre, tout simplement faute de financements pour réaliser les études approfondies nécessaires. Comme de nombreuses autres communes dans les États d’Europe centrale et orientale, cette ville souffre de taux d’émissions élevés provenant des systèmes de chauffage urbain au charbon. Des calculs ont démontré que le fait de remplacer le charbon par des sources d’énergie renouvelables, par exemple la biomasse, ou à faible taux d’émissions, comme le gaz, entraînerait une hausse des prix à la consommation, ce qui ne serait pas acceptable pour la société. Une démarche qui consisterait à construire et exploiter une installation éolienne communale afin de transformer, grâce à des pompes à chaleur, l’électricité produite en énergie de chauffage, permettrait très probablement d’en abaisser les prix. Cependant, la commune manque de moyens pour réaliser les études techniques et juridiques préliminaires requises, qui sont absolument nécessaires à la mise en œuvre d’un tel projet pilote, et elle ne bénéficie jusqu’à présent d’aucun autre soutien.

4.7.

C’est pourquoi le CESE se félicite que le sous-programme «Transition vers l’énergie propre» constitue une nouvelle priorité dans le domaine «Action pour le climat» du programme LIFE, recouvrant, avec 1 milliard d’EUR pour la période 2021-2027, près de 20 % du budget total de 5,45 milliards d’EUR.

4.8.

Le Comité estime qu’il est nécessaire, en ce qui concerne le programme LIFE, de choisir des procédures de demande et de mise en œuvre aussi simples que possible. Il salue les efforts constants de la Commission visant à réduire davantage la charge administrative inhérente à la candidature et à la mise en place des projets.

4.9.

Le nouveau règlement LIFE comprend beaucoup moins de restrictions que le programme actuellement en vigueur et il accorde ainsi à la Commission une flexibilité bien plus grande s’agissant de la sélection et du financement des projets. Le CESE est d’avis que l’utilisation des fonds sera dès lors nettement plus efficace.

4.10.

Des projets pertinents et innovants ne devraient pas échouer pour la seule raison que les demandeurs ne disposent éventuellement pas de possibilités de cofinancement suffisantes. Le Comité prend acte avec satisfaction du fait que le nouveau règlement LIFE ne contienne plus d’article excluant un financement intégral des projets (voir l’article 20 de l’ancien règlement).

4.11.

Le CESE se félicite en outre que le programme LIFE continue d’être sans cesse amélioré et que le rôle de catalyseur que doivent exercer ce programme et les projets qu’il finance soit mis en valeur. Cependant, le Comité ne voit pas très bien de quelle manière cette fonction de catalyseur doit concrètement prendre forme.

4.12.

Le CESE considère tout à fait envisageable que la Commission sélectionne un nombre déterminé de projets financés, parmi ceux qui semblent particulièrement innovants, et qu’elle demande aux porteurs de ces projets, dans le cadre d’un projet de suivi plus petit, de décrire plus précisément les circonstances responsables notamment du succès ou de l’échec du projet. Nombre d’idées novatrices (voir paragraphe 3.8) sont aujourd’hui mises en échec en raison des contraintes administratives ou parce que le cadre réglementaire est absent voire constitue un obstacle. Pour que les responsables politiques puissent tirer les leçons et les conséquences des projets financés par le programme LIFE, il importe de connaître avec précision les facteurs de réussite et d’échec.

4.13.

Il est énoncé au considérant 17 que l’opinion publique est très sensibilisée aux questions de pollution atmosphérique et qu’elle s’attend à ce que «les pouvoirs publics prennent des mesures». Ce constat est exact, et le programme LIFE peut aussi à l’avenir apporter une contribution à cet égard, notamment par l’application, dans des politiques concrètes, de recommandations appropriées issues des projets.

4.14.

Néanmoins, il n’est ni envisageable, ni tolérable, d’attribuer au programme LIFE une fonction en quelque sorte de «dépanneur» pour compenser l’absence d’action des autorités. Il aurait déjà été possible d’améliorer sensiblement la qualité de l’air en Europe, si, par exemple, a) les valeurs limites déjà fixées étaient résolument respectées, b) l’internalisation promise des coûts externes était réalisée de manière systématique et c) les subventions néfastes pour l’environnement étaient supprimées, comme on le promet depuis des années.

4.15.

C’est la raison pour laquelle les aspects relatifs à la mise en œuvre de la législation sont également abordés au considérant 27, notamment les procédures de surveillance et d’autorisation, ainsi que la qualité des services d’inspection environnementale et de contrôle de l’application de la loi. Étant donné leur contribution à ces objectifs, il convient, en vertu de l’article 12 de la proposition, d’«autoriser l’octroi de subventions», c’est-à-dire un financement institutionnel, au réseau de l’Union européenne pour l’application et le respect du droit de l’environnement (IMPEL), au réseau des procureurs européens pour l’environnement (ENPE) et au forum des juges de l’Union européenne pour l’environnement (EUFJE) «sans appel à propositions». Le CESE approuve une telle mesure et souligne l’importance de soutenir également, de manière relativement peu bureaucratique, d’autres acteurs majeurs de la société qui peuvent faire avancer la politique environnementale de l’Union, tel que le prévoit l’article 10, paragraphe 5, de la proposition.

Bruxelles, le 18 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  JO C 173 du 31.5.2017, p. 7.

(2)  Cour des comptes européenne, rapport spécial no 1/2017 «Des efforts supplémentaires sont nécessaires pour exploiter pleinement le potentiel du réseau Natura 2000» (2017).

(3)  Le CESE juge cette part encore trop faible et demande qu’elle atteigne 40 % [voir l’avis du CESE sur le «Pacte européen “finance-climat”» (voir page 8 du présent Journal officiel)].

(4)  JO C 173 du 31.5.2017, p. 7.

(5)  Voir l’avis NAT/681 du CESE sur «La politique de l’Union européenne en matière de biodiversité» (JO C 487 du 28.12.2016, p. 14).

(6)  Voir l’avis du CESE (JO C 129 du 11.4.2018, p. 90).

(7)  COM(2013) 249 final.

(8)  Voir l’avis du CESE sur les effets d’une nouvelle structure d’approvisionnement en énergie neutre en carbone, décentralisée et numérique (JO C 367 du 10.10.2018, p. 1).


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/231


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision no 1313/2013/UΕ relative au mécanisme de protection civile de l’Union»

[COM(2017) 772 final — 2017/0309 (COD)]

(2019/C 62/37)

Rapporteur:

Dimitris DIMITRIADIS

Saisine

Commission européenne, 18.6.2018

Base juridique

Articles 196 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Décision du Bureau

26.6.2018

 

 

Compétence

Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

5.10.2018

Adoption en session plénière

18.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

205/2/1

1.   Conclusions et recommandations

Conclusions

1.1.

Eu égard aux nouvelles conditions, en évolution permanente, qui sont créées par les phénomènes liés au changement climatique et exercent une incidence considérable sur l’activité et l’existence humaines, le Comité économique et social européen (CESE) appelle les organes européens à lancer des actions et politiques communes neuves.

1.2.

Pour affronter ces phénomènes, il s’impose de faire preuve d’une vigilance accrue et de développer solidairement non seulement des plans mais également des solutions concrètes. C’est dans cette direction que s’inscrit la proposition de révision du mécanisme de protection civile de l’Union européenne rescEU, qui, pour la première fois, comprendra des moyens aériens d’extinction des incendies de forêts, ainsi que des capacités de recherche et de sauvetage en milieu urbain, des hôpitaux de campagne et des équipes médicales d’urgence.

1.3.

Le CESE juge important que la proposition prévoie qu’outre les quatre capacités décrites, la Commission pourra, par délégation, définir des capacités supplémentaires dont rescEU devra être doté, et qu’elle aura ainsi la garantie de disposer de la souplesse nécessaire.

1.4.

Le CESE estime que par sa proposition, la Commission fait droit à la notion de solidarité européenne mais que les États membres ne s’en trouvent en aucune manière exonérés de leurs responsabilités et du rôle qu’il leur revient de jouer.

1.5.

Avec le nouveau mécanisme de protection civile, l’Union européenne dans son ensemble et chaque État membre en particulier bénéficieront collectivement des capacités d’une structure qui disposera de ses propres moyens, mais aussi d’autres moyens auxquels les pays de l’Union apporteront leur contribution.

1.6.

Le CESE considère qu’en avançant la proposition à l’examen, la Commission a non seulement compris qu’il était nécessaire de diffuser l’information de manière ordonnée mais aussi que les connaissances doivent être communiquées sous une forme structurée aux acteurs intéressés, si l’on veut qu’il en soit tiré parti.

1.7.

Éduquer la population et la préparer en conséquence à faire face aux catastrophes doit absolument constituer la clé de voûte d’une protection civile commune, menée en coopération tant avec les États membres qu’avec les pays tiers participants aux actions communes, en collaboration active avec les collectivités régionales et locales.

1.8.

Si la protection civile est l’affaire de tous comme de chacun en particulier, la responsabilité individuelle ne constitue toutefois pas le seul facteur capable d’améliorer la réponse aux défis: l’effort collectif et la prise de conscience commune jouent un plus grand rôle à cet égard. Dans un tel contexte, il est indispensable que la société civile, les organisations non gouvernementales, les volontaires et les intervenants indépendants se mobilisent et participent tant à l’élaboration qu’à l’exécution de plans d’interventions d’urgence en cas de catastrophes naturelles.

1.9.

Par des actions collectives, le secteur de l’entreprise et les personnes qui y travaillent peuvent aider la société à s’adapter aux effets dommageables du changement climatique, voire à les contrer, ainsi qu’à réduire, autant que faire se peut, les conséquences des catastrophes naturelles ou les cause de celles qui, en parallèle, sont provoquées par l’homme, par exemple en ce qui concerne la question des émissions de gaz et de particules.

1.10.

Les technologies novatrices d’aujourd’hui et les outils numériques (internet des objets) doivent être mis au service des forces qui gèrent le cycle d’action en matière de protection civile, à chacun de ses échelons. Qu’ils soient développés au stade de la prévention ou pour contrôler, diriger ou informer les capacités présentes sur le terrain, ces outils sont susceptibles, pour autant qu’ils soient bien utilisés, de parer aux dangers.

1.11.

Le CESE estime que le mécanisme rescEU qui est proposé par la Commission est à même:

a)

d’envoyer aux citoyens européens un puissant message de solidarité européenne, en ce moment où l’Union européenne en a particulièrement besoin;

b)

de faire progresser la coopération en ce qui concerne les pays en voie d’adhésion à l’Union européenne mais aussi l’émergence de la mentalité correspondante de solidarité qui doit régner entre ses États membres;

c)

de faire que les pays qui coopèrent ainsi au sein des institutions européennes investiront des domaines sensibles et importants, en leur donnant conscience de la portée concrète qu’une union d’États comme l’Union européenne revêt en dehors des thématiques qui sont habituellement discutées;

d)

de favoriser la coopération régionale, par des accords bilatéraux, et de contribuer à réduire les tensions dans des zones sensibles sur le plan politique, comme l’ont prouvé maints exemples du passé, où la lutte contre de grandes catastrophes naturelles a été menée en commun.

1.12.

Le CESE fait observer qu’en plus des éléments présentés par la Commission concernant l’ampleur que les phénomènes et catastrophes naturels ont prise jusqu’en 2017, l’été de l’année en cours démontre qu’il est nécessaire de revoir et compléter le cadre qui régit actuellement le mécanisme de protection civile de l’Union européenne. Les incendies, vagues de chaleur ou inondations, qui ont connu une intensité inédite sur tout le territoire de l’Union européenne, même dans des régions passant jusque là pour être exemptes de ce genre de calamités, et qui sont liés au changement climatique, mais aussi les séismes de forte intensité et à haut degré de récurrence qui, de manière imprévisible, provoquent des destructions et des pertes massives, démontrent qu’il est nécessaire de prendre des initiatives du type de celles que la Commission propose avec rescEU.

1.13.

Le CESE a la conviction que dans les années à venir, les questions de protection civile devront être abordées sous un angle de plus en plus global et recouvrir des politiques d’intervention à tous les échelons de l’activité humaine. Il relève qu’en matière de protection civile, il est nécessaire d’adopter sur-le-champ, au sein de l’Union européenne, un cadre politique et réglementaire plus étendu.

Recommandations

1.14.

Tout en concevant les problèmes et les obligations qui, pour la Commission, découlent de la législation européenne en vigueur, ressortissant principalement au droit primaire, le Comité considère qu’il faut déployer tous les efforts possibles pour que les États membres adhèrent à l’idée d’une approche commune concernant les questions de protection civile, en particulier dans le domaine de la prévention, de la réaction et du redressement.

1.15.

S’effectuant certes sur une base volontaire mais donnant lieu à un financement, l’élaboration d’études d’évaluation nationale des risques et de plans d’action de prévention et de réaction au niveau local, régional et national devrait constituer un élément incitant les États membres de l’Union à maximiser les avantages apportés par rescEU.

1.16.

En coopération avec les États membres, la Commission devrait élaborer des principes généraux et lignes directrices pour une modification des législations nationales qui les doterait d’un cadre législatif européen commun, moderne et caractérisé par la compatibilité, pour des questions comme l’alerte précoce, le volontariat et sa participation institutionnalisée à tous les niveaux du cycle d’action en matière de protection civile, ou encore l’obligation qu’ils consacrent un certain pourcentage de leurs budgets à des actions de prévention, pour ne prendre que ces exemples.

1.17.

Le CESE considère que créer des procédures administratives communes dans les États membres ferait émerger en la matière une «langue commune» qui maximiserait les avantages procurés par le mécanisme rescEU et ménagerait la souplesse et l’efficacité voulues pour en tirer tout le parti possible, en particulier pour les opérations d’urgence.

1.18.

Le CESE juge qu’il conviendra de mettre à profit des ressources telles que les groupements européens de coopération territoriale (GECT), afin d’assurer à l’échelon transfrontalier une action commune des États membres en matière de protection civile.

1.19.

Le CESE a la conviction qu’il conviendra de déployer une initiative pour encourager les entreprises qui innovent et les jeunes pousses à perfectionner, développer ou créer de nouveaux instruments de haute technologie dans les domaines de la prévention et de la réaction, tels que, entre autres exemples, des dispositifs de prévision, d’alerte ou d’intervention.

1.20.

Les incendies de forêt sont une illustration, parmi d’autres, de la nécessité d’élaborer pareils systèmes, en exploitant simultanément les atouts de l’industrie européenne dans les domaines de l’aéronautique, de l’informatique, de l’automobile, des dispositifs de lutte contre le feu, etc.

1.21.

Le CESE a la conviction que la Commission devra associer activement à sa démarche la communauté des scientifiques et des chercheurs pour dialoguer sur les actions qu’il est indiqué d’entreprendre aux différents stades du cycle de la protection civile.

1.22.

Pour permettre un échange de bonnes pratiques, d’informations sur les nouvelles possibilités offertes par la technologie ou sur d’autres points encore, il serait opportun de prendre l’initiative de créer un forum européen annuel qui pourrait être placé sous l’égide du CESE et auquel prendraient part des membres de la communauté scientifique et des dirigeants responsables des questions de protection civile.

1.23.

Il est indispensable que la Commission recommande aux États membres une série de bonnes pratiques, en particulier en matière de prévention et de redressement, en y introduisant des modèles qui assureront viabilité et durabilité.

1.24.

Le CESE voit dans le mouvement du volontariat et, partant, dans la société civile l’un des principaux leviers qui actionnent les mécanismes de protection civile. Aussi estime-t-il indispensable de prévoir, tout à la fois, de les soutenir par des ressources et équipements à l’échelon européen et de les inscrire institutionnellement dans le nouveau mécanisme rescUE.

1.25.

Une question dont il conviendra sans doute de débattre dans les organes de l’Union européenne, aux fins de créer un cadre uniforme pour sa gestion, sera celle d’assurer l’intégration des travailleurs qui le désirent dans les rangs des équipes de volontaires, en prenant les dispositions appropriées pour garantir leurs droits fondamentaux, comme une assurance et le droit à un congé non refusable pour s’absenter de leur travail, en tout cas lorsqu’ils participent à des opérations de protection civile sur le terrain.

1.26.

Pour les équipes volontaires de protection civile et les moyens mis en œuvre, il serait utile de créer un système européen commun de certifications qui serait complété par des formations ad hoc au niveau local, régional, national ou européen.

1.27.

Le CESE rappelle à la Commission qu’il faudrait conférer directement aux Fonds structurels et d’investissement européens la flexibilité voulue pour financer les travaux de redressement et de rétablissement quand une catastrophe s’est produite, en soulignant que cet effort doit s’accompagner d’études pour qu’il favorise le développement durable mais aussi qu’il conforte dans leur vie quotidienne les populations des régions sinistrées, les campagnes en particulier, afin d’éviter qu’elles ne soient désertées.

1.28.

Il serait utile que les «capacités» qui pourraient être achetées ou louées, comme cela est prévu dans le cadre du nouveau mécanisme rescEU, cumulent, le cas échéant, plusieurs possibilités d’utilisation, de manière à rentabiliser au mieux l’investissement. Les moyens aériens, par exemple, pourraient être employés tout à la fois pour éteindre les feux de forêt, effectuer des opérations de recherche et de sauvetage, surveiller les frontières en cas de catastrophes transfrontières et, bien évidemment, mener des actions de prévention.

1.29.

Prévoir des possibilités d’utilisation mixte des capacités, couvrant tout à la fois le domaine de la sécurité (safety) et de la protection (security), constitue peut-être une voie pour non seulement économiser des ressources mais favoriser également le déploiement d’activités d’intervention intégrées menées par l’Union européenne et contribuer à l’objectif de complémentarité des actions.

1.30.

La répartition dispersée des capacités qu’il est prévu d’instaurer dans le cadre de rescEU doit faire l’objet d’une étude distincte, qui tiendra compte non seulement des facteurs géographiques, géologiques et financiers, mais s’effectuera aussi et surtout en prenant en considération, en fonction des risques encourus, les possibilités directes de réaction et de couverture des régions de l’Union européenne face à chaque type de danger.

1.31.

Le CESE propose que d’une manière générale et, à tout le moins, lorsque le mécanisme européen est enclenché et intervient, que l’État membre ou la région qui sont compétents établissent un dossier de catastrophe, dont le modèle pourrait être conçu par la Commission, afin de «bâtir» un savoir-faire et d’améliorer les pratiques d’intervention ultérieures, de manière à constituer ainsi une base de données couvrant tout l’Europe. De même, il est suggéré d’établir des indicateurs pour mesurer les délais d’intervention de rescEU et son impact concret.

1.32.

Le CESE voit d’un œil favorable l’hypothèse que la mise en œuvre des dispositions de planification concernant les évaluations des risques et leur gestion constituent une condition ex ante au titre de la politique de cohésion et du Fonds européen agricole pour le développement rural. Il fait toutefois observer qu’il faudrait faire précéder pareille action d’une vaste campagne d’information, afin de ne pas perturber le processus productif.

1.33.

Le CESE juge nécessaire que la participation des États membres à la réserve européenne de protection civile soit augmentée. Il conviendrait néanmoins que les mesures préparatoires qu’ils arrêteront pour y participer comprennent aussi des investissements de leur part dans du matériel supplémentaire, de manière à éviter que leurs moyens ne se trouvent affaiblis, d’une part, et à parvenir, d’autre part, à renforcer la capacité opérationnelle de l’Union tout entière.

1.34.

Le CESE estime qu’il convient de rappeler qu’au stade du rétablissement après tout type de catastrophe, le secteur de la petite et moyenne entreprise doit bénéficier d’une sollicitude toute particulière, car il constitue le principal moteur de la vie économique et sociale au quotidien.

2.   Observations générales (historique)

2.1.

Le mécanisme de protection civile de l’Union fournit un cadre pour coopérer et dispenser une aide dans des situations de besoins importants et exceptionnels, qu’elles surviennent à l’intérieur ou à l’extérieur de l’Union européenne. Le cadre législatif afférent a été tracé par la décision 2001/792/CE, Euratom du Conseil instituant un mécanisme communautaire visant à favoriser une coopération renforcée dans le cadre des interventions de secours relevant de la protection civile.

2.2.

Dans les années qui ont suivi, la décision initiale a été modifiée, tour à tour, par la décision 2007/779/CE, Euratom du Conseil instituant un mécanisme communautaire de protection civile et par la décision no 1313/2013/UE du Parlement européen et du Conseil relative au mécanisme de protection civile de l’Union.

2.3.

Le mécanisme rassemble actuellement les 28 États membres de l’Union européenne, les pays de l’Espace économique européen (EEE), en l’occurrence l’Islande et la Norvège, ainsi que le Monténégro, la Serbie, l’ancienne République yougoslave de Macédoine et la Turquie. Le CESE est d’avis qu’il serait particulièrement utile que d’autres pays y participent également, afin d’augmenter sa souplesse et la rapidité de ses interventions mais aussi la bonne utilisation de ses ressources.

2.4.

Le 23 novembre 2017, la Commission a adopté une proposition accompagnée d’une communication, visant à modifier le cadre législatif du mécanisme de protection civile de l’Union. Reposant sur le savoir tiré de l’expérience accumulée, le texte proposé poursuit les objectifs suivants:

a)

mettre en place une réserve spéciale de capacités (moyens) de l’Union européenne en matière de protection civile;

b)

assurer un déploiement plus rapide de l’aide et réduire les formalités administratives;

c)

prendre des mesures supplémentaires en matière de prévention et de préparation.

2.5.

Le principal moyen de financement avait été constitué jusqu’à présent par le Fonds de solidarité de l’Union européenne (FSUE), institué en 2002 par le règlement (CE) no 2012/2002.

2.6.

Antérieurement, le CESE a déjà exprimé ses positions sur des questions concernant la protection civile, les catastrophes naturelles et le Fonds de solidarité, par ses avis NAT/314/2006 (1), ΝΑΤ/375/2008 (2), ΝΑΤ/438/2009 (3), ECO/355/2013 (4) et ECO/426/2017 (5).

2.7.

Dans son fonctionnement actuel, les principaux éléments sur lesquels s’appuie le mécanisme de protection civile de l’Union sont le centre de coordination de la réaction d’urgence (ERCC, Emergency Response Coordination Centre), à Bruxelles, le système commun de communication et d’information d’urgence (CECIS, Common Emergency Communication and Information System), les équipes d’intervention, les modules de protection civile et les équipes d’assistance technique, avec les moyens à leur disposition, ainsi que le programme de formation et celui d’échange d’experts.

3.   La configuration actuelle du mécanisme

3.1.

Le traité de Lisbonne a défini de nouveaux domaines de compétences ouverts à l’intervention de l’Union européenne. En matière de protection civile, les attributions qui lui ont été nouvellement attribuées revêtent principalement un caractère de soutien.

3.2.

Le traité de Lisbonne entend notamment améliorer la capacité de l’Union européenne à faire face aux catastrophes, qu’elles soient naturelles ou dues à l’homme. Ainsi, son article 196 lui octroie la possibilité de prendre des mesures portant sur la prévention des risques, la préparation des acteurs de la protection civile, l’intervention en cas de catastrophes naturelles ou d’origine humaine, la coopération opérationnelle entre les services nationaux de protection civile et la cohérence des actions entreprises au niveau international.

3.3.

En outre, ces dispositions relatives à la protection civile se combinent avec l’impératif de la solidarité mentionné à l’article 222 du traité, lequel habilite l’Union européenne à porter assistance à un État membre qui a subi une attaque terroriste ou a été victime d’une catastrophe naturelle ou d’origine humaine.

3.4.

Il est devenu patent aujourd’hui que les phénomènes météorologiques extrêmes qui découlent du changement climatique atteignent également l’Europe. Le CESE rejoint la Commission et le Parlement européen pour estimer que du point de vue des catastrophes naturelles, 2017 et 2018 ont été des années éprouvantes sur le continent européen, prélevant un lourd tribut en vies humaines et destructions de vastes étendues de forêts, de biens et d’infrastructures. Les activités agricoles, sylvicoles, commerciales et industrielles ont été lourdement touchées, tandis que des phénomènes comme les feux de forêt ont pris une ampleur inquiétante dans des contrées du Nord de l’Union européenne qui, jusqu’à présent, passaient pour être à l’abri vis-à-vis de ce phénomène en tout cas.

3.5.

Le CESE considère que dans le nouvel environnement qui se crée, le mécanisme européen de protection civile, tel qu’il existe aujourd’hui, a fait son temps, étant donné qu’il s’avère mal assuré, lent et inefficace, en particulier lorsque des catastrophes naturelles surviennent à un même moment donné dans des régions différentes. Un autre grand handicap réside dans les ressources particulièrement réduites dont il dispose, ne couvrant que les frais de transport, à l’exclusion de toutes les dépenses opérationnelles ou autres, lesquelles sont souvent beaucoup plus élevées.

3.6.

Dans le même temps, il apparaît aujourd’hui que les États membres ne sont pas en mesure, dès lors qu’ils ne peuvent compter que sur leurs seuls moyens, de faire face à l’occurrence de catastrophes majeures, étant donné que le coût qu’ils devront supporter s’ils doivent chacun acheter ou louer la totalité du matériel d’intervention sera prohibitif et que, par conséquent, il s’impose qu’ils puissent compter sur des interventions se situant au niveau européen.

3.7.

À titre d’exemple emblématique, on relèvera que le prix d’achat d’un bombardier d’eau moderne et efficace, du type Canadair, tel que largement utilisé dans les États membres, est estimé à quelque trente millions d’euros, alors même que la production de ces appareils est interrompue et que même si elle reçoit de nouvelles commandes, la société qui les fabrique ne peut en livrer qu’un ou deux exemplaires neufs par an.

3.8.

Par ailleurs, et même s’il est prévu actuellement de pouvoir activer le mécanisme de dégagement de ressources lorsqu’un État est menacé par une catastrophe majeure, le cas qui se produit le plus fréquemment est que les autres pays de l’Union européenne soient dans l’incapacité de fournir une quelconque aide, soit qu’ils manquent manifestement de moyens, soit parce que même dans les quelques-uns qui en disposent, l’évolution des conditions leur interdit d’entreprendre quelque activité opérationnelle que ce soit dans un autre État membre.

3.9.

Vu les moyens sur lesquels peut compter actuellement le mécanisme de protection civile, la disposition susmentionnée de l’article 222 du traité de Lisbonne devient souvent inopérante, étant donné que les ressources sont limitées, que les lourdeurs bureaucratiques sont un frein pour toute réaction immédiate et intervention rapide et que les interconnexions au niveau des connaissances et de l’échange de bonnes pratiques restent cantonnées au plan théorique.

4.   Observations générales sur la proposition de la Commission

4.1.

Le CESE réitère qu’il est nécessaire d’améliorer, de modifier et de faire évoluer le mécanisme de protection civile de l’Union européenne pour le transformer en un dispositif européen intégré, axé sur la gestion des catastrophes, en ayant pour objectif qu’il couvre la totalité du cycle de l’action en matière de protection civile, qui commence par la prévention pour s’achever avec le redressement de la situation.

4.2.

En proposant de renforcer sa capacité de gestion face auxdites catastrophes, par le mécanisme rescEU, l’Union européenne et ses États membres peuvent non seulement prouver qu’ils présentent un visage humain, au plan des principes comme sur le terrain, mais font également, en ces temps où il est nécessaire d’en revenir aux racines de l’Europe, une démonstration de cette unité et de cette solidarité qui sont des principes essentiels tant de ses traités fondateurs que des accords qui en découlent.

4.3.

Il conviendra de souligner qu’en pratique, il n’existe pas, jusqu’à présent, de dispositions européennes sérieuses qui inciteraient à élaborer des propositions énergiques et à conclure des alliances solides pour faire face à ces événements catastrophiques, et que les efforts spontanés en ce sens s’avèrent régulièrement inutiles et inefficaces. Le besoin se fait sentir de manière plus pressante d’augmenter la fréquence des exercices entre pays exposés à des dangers communs et partageant les mêmes frontières, en y faisant participer des volontaires et en les formant, ainsi que de prendre, en parallèle, des mesures d’incitation en faveur des collectivités pour que les effectifs de volontaires y soient plus nombreux, en les déchargeant de tâches telles que la réserve ou en en allégeant le poids.

4.4.

Le CESE marque son accord avec le renforcement des mécanismes de prévention et de préparation, en combinaison avec l’augmentation de la capacité de résistance des infrastructures et des écosystèmes. Indépendamment de la baisse des pertes en vies humaines, de la protection dont bénéficiera la société et du gain financier direct qui découlera de la réduction des besoins de réaction, cette démarche assurera une meilleure protection des activités de production agricole, étant donné qu’elle réduira les risques de catastrophes dues à des incendies ou des inondations, qui portent des coups violents au secteur primaire.

4.5.

Quand elle reconnaît que quelle que soit leur origine, naturelle, comme les inondations, incendies ou séismes, par exemple, ou anthropique, dans le cas des accidents technologiques, des attaques terroristes, etc., les dangers revêtent à présent des formes changeantes et émergentes, la Commission pose un constat qui concorde totalement avec la forme que prennent ces périls à l’époque actuelle et avec l’action démultiplicatrice que l’on s’accorde à reconnaître au changement climatique. La notion de «résilience» qui a été introduite dans le domaine de la gestion des risques de catastrophes reflète la manière dont il convient d’exercer toute activité économique en général, mais aussi, tout particulièrement, dans le domaine des infrastructures. Pour évaluer et renforcer leur résilience, il y a lieu de recourir aux outils numériques les plus modernes et d’utiliser les technologies qui sont à la pointe de l’innovation.

4.6.

Pour la première fois, la conception qui a été développée afin de renforcer la capacité de prévention, de préparation et de réaction concernant les catastrophes, mais aussi de rétablissement une fois qu’elles se sont produites, met l’accent sur les piliers fondamentaux qui sous-tendent le soutien au principe du développement durable. Le CESE adhère pleinement à l’explicitation complète qui est faite de la notion de protection civile sur l’ensemble de son cycle, car c’est la nécessité d’une vigilance en matière sociale, économique et environnementale qui se trouve ainsi mise en évidence. Cette approche globale donne la garantie que tout l’éventail des acteurs responsables participe à la totalité du cycle, ainsi qu’à la diffusion et à la communication des savoir-faire et des pratiques. Pour que cette démarche soit couronnée de succès, il conviendra de recourir à des programmes et exercices ou formations menés en commun par des groupes de pays qui présentent des caractéristiques communes quant à leur exposition aux risques.

4.7.

Le mécanisme s’inscrit dans le contexte du programme 20/20 des Nations unies et dans celui de la stratégie mondiale pour la gestion des risques de catastrophes, telle que définie dans le cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophes (UNISDR), et, plus précisément de sa première priorité, consistant à «comprendre les risques de catastrophe».

4.8.

Le CESE marque également son accord avec le principe général d’instituer un réseau de connaissances et de formation, suivant la description qu’en fait la Commission. Il fait toutefois observer qu’il y a lieu que la communauté scientifique et universitaire y soit associée de manière institutionnelle et qu’il convient de la charger de mener des activités de recherche, sous la forme de travaux et d’études, pour décrire et évaluer les risques potentiels, la vulnérabilité qui en découle et l’exposition des communautés aux dangers. Il apparaît nécessaire de s’assurer du concours de l’initiative privée et des entreprises, ainsi que de la société civile, eu égard à la somme d’expérience et de savoir qu’elles ont accumulée mais aussi dans le souci que les structures de la collectivité puissent être mobilisées plus aisément et directement au niveau local lorsque des catastrophes surviennent. Par ailleurs, informer et former les citoyens concernant les différents dangers auxquels ils doivent faire face apparaît être une question d’importance hautement prioritaire.

4.9.

Le CESE approuve les capacités spécifiques que la Commission propose de développer dans le cadre de rescEU, s’agissant de constituer une réserve de moyens en bombardiers d’eau, pompes à haut débit, dispositifs de recherche et de sauvetage en milieu urbain, ainsi que de capacités opérationnelles à développer dans le secteur de la santé publique, par l’acquisition d’unités d’hôpitaux de campagne et d’équipes médicales d’urgence, comme décrit au paragraphe 2 du chapitre 3.1 de sa communication. Le CESE estime qu’il est nécessaire de garantir que ces moyens soient interopérables et se prêtent à être utilisés de manière souple, afin qu’il soit possible de dégager des économies d’échelle, dans une perspective de développement durable. Il serait par exemple possible d’envisager l’achat de moyens aériens qui serviraient tout à la fois: a) à lutter contre les incendies depuis les airs; b) à réaliser une surveillance et des patrouilles aériennes pour donner rapidement l’alerte; c) à effectuer des opérations de recherche et de sauvetage; d) à transférer des malades de zones d’accès difficile ou d’îles éloignées. Il serait ainsi possible d’employer utilement ces capacités aériennes tout au long de l’année, de sorte qu’elles seraient amorties plus rapidement et dans des conditions financièrement avantageuses.

4.10.

Le CESE propose de créer des structures régionales, dans les régions qui risquent davantage d’avoir besoin d’une intervention immédiate. En outre, il convient de renforcer les communautés locales en les dotant des moyens nécessaires pour une première réaction, ainsi que de constituer à cet échelon des équipes bien formées, disposant de systèmes d’alerte précoce. Par ailleurs, il apparaît absolument indispensable d’élaborer et de diffuser des manuels communs certifiés, fournissant des lignes directrices.

4.11.

Le CESE se félicite que les domaines de financement des actions de protection civile en faveur des États membres aient été élargis, par exemple avec l’adaptation, le rétablissement, mais aussi le relèvement du pourcentage de cofinancement dans le domaine du transport. Par exemple, lorsqu’un séisme provoque des ravages de grande ampleur, le cofinancement entre l’Union européenne et l’État membre concerné se justifie absolument pour transporter et déployer de petites unités de logement et pour aménager un site approprié, par la réalisation des travaux nécessaires afin de le doter d’infrastructures et d’équipements d’utilité collective, à savoir électricité, adduction d’eau, communications, égouts; de manière que l’activité socio-économique puisse reprendre au plus vite et que la cohésion sociale soit assurée.

4.12.

Le CESE n’est pas opposé à ce que les frais de fonctionnement soient pris en compte pour ce qui touche au cofinancement, tout en faisant observer qu’il y a lieu de prévoir un mécanisme objectif d’estimation et, surtout, d’évaluation de leur coût, afin que les ressources soient utilisées de manière appropriée. Il estime par ailleurs indispensable d’exploiter toutes les sources substitutives de financement, comme les Fonds structurels ou le cofinancement par la Banque européenne d’investissement.

4.13.

Dans toute une série d’avis, le CESE a toujours pris position en faveur de la nécessité d’alléger les procédures bureaucratiques et d’assurer l’indispensable souplesse dans l’utilisation des fonds européens, sans qu’il soit porté atteinte à la transparence du processus et au contrôle indépendant exercé sur lui, qui constituent des conditions sine qua non pour garantir que les contributions des citoyens européens empruntent des circuits légaux et efficaces.

4.14.

Le CESE approuve que la Commission fasse référence au combat à mener contre les effets du terrorisme, et il estime nécessaire de disposer d’un cadre bien déterminé pour des actions de prévention, de réaction (au niveau des conséquences) et de redressement. Dans un avenir immédiat, elle pourrait élaborer à cet égard un plan pour développer également une panoplie de moyens de réserve destinés à faire face aux catastrophes naturelles qui sont dues à des accidents chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires (CBRN), sans que les entreprises actives dans ces secteurs ne s’en trouvent exonérées ni de leurs responsabilités, ni de leurs obligations. Le Comité fait observer que l’absence de réaction en temps utile à de tels accidents peut notamment porter un coup fatal à la production du secteur primaire et induire ainsi, sur le long terme, des conséquences énormes pour l’approvisionnement et la santé de toute la population.

4.15.

Le CESE estime que dans le cadre de rescEU, il est indispensable de mobiliser la société civile grâce à une reconnaissance institutionnelle, en la faisant participer à l’élaboration des politiques et à la prévention mais aussi à la réaction face aux catastrophes, chaque fois qu’envisageable. De même, il convient que le corps européen de solidarité soit associé à la démarche.

5.   Observations particulières

5.1.

Le CESE tient également pour nécessaire de renforcer le rôle des collectivités régionales et locales dans le domaine de la protection civile et dans le nouveau mécanisme de l’Union, en entreprenant:

a)

de les associer au stade de la prévention, de la conception et de la mise en œuvre de mesures de gestion des risques et de leur prise en charge, qu’ils soient d’origine naturelle ou anthropique;

b)

de soutenir leurs capacités spécifiques et de les intégrer dans le dispositif prévu, étant donné qu’elles sont appelées à intervenir en première ligne en cas de catastrophe;

c)

de tirer parti des compétences dont elles disposent pour les activités de tout type qui, dans le but d’assurer une coordination et un développement opérationnel, sont lancées pour éliminer au maximum les doubles emplois et favoriser l’interopérabilité;

d)

de renforcer leur rôle dans les contextes de coopération transfrontalière, par la mise en œuvre de plans, programmes et formations conjoints.

Bruxelles, le 18 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  JO C 139 du 11.5.2001, p. 27.

(2)  Avis du CESE sur l’«Amélioration du mécanisme communautaire de protection civile — Une réponse aux catastrophes naturelles» (JO C 204 du 9.8.2008, p. 66).

(3)  Avis du CESE sur «Une approche communautaire de la prévention des catastrophes naturelles ou d’origine humaine» (JO C 318 du 23.12.2009, p. 97).

(4)  Avis du CESE sur le «Règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 2012/2002 du Conseil instituant le Fonds de solidarité de l’Union européenne» (JO C 170 du 5.6.2014, p. 45).

(5)  Avis du CESE sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 1303/2013 en ce qui concerne des mesures spécifiques destinées à fournir une assistance supplémentaire aux États membres victimes de catastrophes naturelles» (JO C 173 du 31.5.2017, p. 38).


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/238


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant la réutilisation des informations du secteur public (refonte) et la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions «Vers un espace européen commun des données»

[COM(2018) 234 final — 2018/0111 (COD); COM(2018) 232 final]

(2019/C 62/38)

Rapporteure:

Baiba MILTOVIČA

Consultation

Parlement européen, 28.5.2018

Conseil de l’Union européenne, 4.6.2018

Commission européenne, 18.6.2018

 

 

Base juridique

Articles 114 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

6.9.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

122/0/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

La réutilisation des informations provenant du secteur public renforce l’économie des données dans l’Union européenne et favorise le développement de la société et l’augmentation du bien-être général. Le Comité économique et sociale européen (CESE) estime que la directive, ainsi que les améliorations et compléments qu’elle prévoit, revêtent une portée toute particulière pour apporter une solution à ces questions, tellement importantes pour la collectivité, qui se posent en rapport avec l’exécution de la stratégie du marché unique numérique.

1.2.

Le CESE a évalué la conformité, au regard des objectifs d’amélioration, des changements qu’il est envisagé d’apporter à la directive; d’une manière générale, il porte un jugement positif sur la proposition de directive de la Commission et est convaincu que les modifications envisagées auront une incidence bénéfique pour tous les objectifs généraux d’amélioration, tout en considérant, néanmoins, que les changements projetés ne sont pas suffisants pour produire des avancées dans les points problématiques.

1.3.

Le CESE a examiné la communication de la Commission «Vers un espace européen commun des données» et exprime son soutien aux principes fondamentaux et aux actions qui y sont énoncés, étant donné qu’ils donneront aux entreprises et aux administrations publiques un accès plus aisé aux données provenant de tout un éventail de sources, secteurs et disciplines et en favoriseront la réutilisation.

1.4.   Conclusions

1.4.1.

Le Comité est d’avis que les changements envisagés dans la directive en rapport avec les objectifs généraux concernant son amélioration présentent les visées suivantes:

maximiser ses effets positifs actuels concernant les informations du secteur public, renforcer l’économie des données dans l’Union européenne, augmenter le volume de données du secteur public qui est disponible pour une réutilisation,

garantir, au niveau de l’Union européenne, des conditions comparables en ce qui concerne l’accès aux données, et assurer une concurrence équitable (paragraphe 3.2.2 de l’avis),

réduire à long terme la charge administrative des détenteurs et utilisateurs d’informations réutilisables du secteur public (paragraphe 3.2.3 de l’avis),

renforcer la position des PME sur le marché des données, en veillant à ce qu’elles n’aient pas à affronter des obstacles qui les empêchent de réutiliser les données publiques à des fins commerciales (paragraphe 3.2.4 de l’avis). Il convient toutefois de ne pas compromettre cet objectif de renforcement des PME en instaurant des interdictions trop sévères de verrouillage des données, qui empêcheraient que des projets novateurs puissent être élaborés et mis en œuvre à l’échelle locale en collaboration avec de telles entreprises.

1.4.2.

Le Comité considère que dans l’ensemble, les modifications qu’il est projeté d’apporter à la directive concernant les points problématiques relevés améliorent la situation actuelle, qu’ils auront des effets positifs et qu’ils sont axés sur la résolution de ces problèmes. Concernant chacun d’entre eux pris individuellement, il émet toutefois les remarques suivantes:

«données dynamiques et interfaces de programmation d’applications (API)»: les changements proposés ne correspondent qu’en partie seulement aux améliorations qui seraient nécessaires, étant donné qu’il n’est pas possible d’en vérifier ou d’en prévoir les effets, et qu’en particulier, leurs résultats à court terme pourraient être insuffisants (paragraphes 3.1.3 et 3.3.1 de l’avis),

«tarification»: les modifications font droit à la nécessité d’améliorer la situation dans ce domaine problématique et elles contribueront à résoudre les questions de tarification majorée et favoriseront la réutilisation des données, notamment en les rendant plus accessibles pour les entreprises de la catégorie des PME (paragraphes 3.1.5 et 3.3.2 de l’avis); il fait toutefois observer que pour les entreprises publiques, il est primordial de bénéficier d’une compensation adéquate pour les dépenses encourues,

«champ d’application de la directive sur les informations du secteur public»: les modifications ne sont pas suffisantes car l’extension de ce champ d’application revêt un caractère de pure forme, qui n’aboutit pas réellement à augmenter les obligations et ne résout pas la problématique concrète (paragraphes 3.1.1, 3.1.3 et 3.3.3 de l’avis),

«verrouillage des données du secteur public»: les amendements apportés sont insuffisants et ne représenteront qu’un progrès partiel et indirect vers la résolution de ce problème (paragraphes 3.1.4 et 3.3.4 de l’avis).

1.5.   Recommandations

1.5.1.

Point de vue du CESE: les options d’«interventions à faible intensité législative» que la Commission a retenues ne résolvent pas avec une efficacité suffisante diverses problématiques qui ont été relevées antérieurement en ce qui concerne le fonctionnement de la directive (paragraphe 4.1.3 de l’avis).

Recommandation du CESE: dès lors qu’une des motivations et visées essentielles qui sont à la base des modifications apportées à la directive consiste à résoudre les problèmes qui y ont été recensés, il est indispensable d’adopter une posture plus active et ciblée et d’opter pour les pistes d’«interventions à forte intensité législative» pour la résolution de chaque question concrète, le cas échéant en modifiant les options mentionnées dans l’analyse d’impact.

1.5.2.

Point de vue du CESE: il est nécessaire de remédier aux faiblesses détectées par le comité d’examen de la réglementation, ainsi que de prendre les mesures de correction correspondantes en ce qui concerne les modifications de la directive (paragraphe 4.1.2 de l’avis).

Recommandation du CESE: l’une des actions rectificatives doit consister en ce que le texte de la directive indique de manière explicite et précise quel document prime lorsqu’elle entre en conflit avec d’autres textes, comme le règlement général sur la protection des données (RGPD), la directive sur les bases de données et celle sur les infrastructures d’information géographique (Inspire).

1.5.3.

Point de vue du CESE: dans le document, l’analyse d’impact ne reflète pas suffisamment le point de vue des parties intéressées concernant le choix à effectuer entre les pistes de l’intervention à «faible» et à «forte intensité législative» (paragraphe 4.1.4 de l’avis).

Recommandation du CESE: il conviendrait de procéder à une évaluation supplémentaire concernant la position des parties prenantes sur le choix entre les différentes voies possibles pour résoudre chaque problème, ainsi que de jauger le poids de chacun de ces acteurs au sein de la société, de manière à pouvoir choisir de manière plus objective et fondée une option à suivre pour apporter une solution aux problématiques prises individuellement.

1.5.4.

Point de vue du CESE: si l’on considère qu’il devient de plus en plus souvent nécessaire d’obtenir rapidement des informations ou des documents, le délai maximal de vingt jours ouvrables fixé pour la mise à disposition des documents est, dans certains cas, d’une longueur excessive (paragraphe 3.1.2 de l’avis).

Recommandation du CESE: examiner l’éventualité de ménager davantage de souplesse en la matière.

1.5.5.

Point de vue du CESE: le texte de la proposition de directive et le document d’analyse d’impact ne tiennent pas suffisamment compte de diverses problématiques importantes pour les acteurs intéressés (paragraphe 4.2.1 de l’avis).

Recommandation du CESE: réaliser des évaluations supplémentaires concernant pareilles problématiques qui n’ont pas été suffisamment approfondies:

la diminution de l’emploi qui pourrait affecter le secteur public sous l’effet de l’automatisation et la nécessité de procéder à la requalification des travailleurs et de résoudre les problèmes sociaux,

l’égalité des droits et des obligations entre le secteur public et privé pour ce qui concerne l’accessibilité des données,

les compensations à octroyer aux entreprises publiques,

la protection des infrastructures sensibles,

le souci d’éviter les doubles emplois entre la directive et les textes normatifs régissant un secteur ou un territoire donné,

les atteintes à la concurrence pour les entreprises publiques.

1.5.6.

Point de vue du CESE: dans la proposition de refonte de la directive, la Commission a expressément souligné la nécessité d’apporter des modifications pour remédier aux insuffisances de la directive relevées précédemment. Toutefois, elle n’apporte aucune amélioration notable concernant celles-ci, car elle ne parvient pas à trouver un équilibre entre les différents intérêts des divers groupes de parties prenantes. En particulier, les conditions prévues en matière d’échange d’informations ne sont pas les mêmes pour les entreprises publiques et les entreprises privées.

Recommandation du CESE: le Comité invite la Commission à reconsidérer sa position relative aux améliorations concernant les problèmes relevés dans le cadre de l’évaluation de la directive précédente. Il conviendrait qu’elle précise:

les objectifs à atteindre par la refonte de la directive, en tenant compte de la situation actuelle caractérisée par la diversité des intérêts et préoccupations des différents groupes de parties prenantes,

les conditions de la transition permettant d’avancer de manière progressive dans la réalisation des objectifs de la refonte de la directive, en faisant le lien entre les différents points de la directive et d’autres documents législatifs ou activités de manière à trouver un équilibre entre les intérêts divergents des groupes de parties intéressées.

2.   Aperçu du contenu du projet de directive

2.1.   Contexte des modifications apportées à la directive

2.1.1.

Dans les États membres, le secteur public produit un fort volume de données, qui garantissent que les prestations de services par des acteurs du privé ou du public s’effectuent avec une efficacité accrue et que la prise de décision soit assise sur des bases plus solides, si bien que depuis plusieurs années, l’Union européenne favorise la réutilisation des informations du secteur public (d’État), ou «ISP». Le réexamen de la directive sur les informations du secteur public constitue, en ce qui concerne l’accessibilité et la réutilisation des données financées sur des fonds publics, une initiative de poids, que la Commission a annoncée dans l’examen à mi-parcours de la mise en œuvre de la stratégie pour le marché unique numérique (MUN).

2.1.2.

La Commission a réexaminé la directive et l’a adaptée aux évolutions les plus récentes dans le domaine de la gestion et de l’utilisation des données:

le 17 novembre 2003 a été adoptée la directive 2003/98/CE du Parlement européen et du Conseil concernant la réutilisation des informations du secteur public, ou «directive ISP».

Ladite directive visait à faciliter la réutilisation de ces informations du secteur public dans toute l’Union en harmonisant les conditions fondamentales relatives à leur réemploi et en éliminant les principaux obstacles qui s’y opposaient dans le marché intérieur,

en juillet 2013, la directive 2003/98/CE a été modifiée par la directive 2013/37/UE.

Ces modifications ont instauré une obligation d’autoriser la réutilisation des données publiques généralement accessibles et ont étendu le champ d’application de la directive. Elles ont imposé une règle de tarification par défaut, qui limite le montant des redevances concernées aux coûts marginaux encourus pour la reproduction, la mise à disposition et la diffusion de l’information et ont fait obligation aux organismes du secteur public de montrer davantage de transparence concernant les règles et conditions tarifaires qu’ils appliquent,

le 25 avril 2018 a été publiée une proposition de modifications de la directive sur les informations du secteur public qui en donne une version remaniée [COM(2018) 234 final]. Elle modifie en profondeur ladite directive 2003/98/CE et y ajoute plusieurs dispositions nouvelles. Conformément à son article 13, il a été procédé à un réexamen de la manière dont elle a fonctionné jusqu’à présent et à un relevé des points où elle posait des problèmes. C’est pour parvenir à une meilleure exploitation du potentiel des informations émanant du secteur public que la directive de refonte prévoit des améliorations pour plusieurs des domaines dans lesquels l’évaluation a noté l’existence de difficultés.

2.1.3.

Les modifications qu’il est proposé d’apporter à la directive constituent une proposition qui s’inscrit dans le cadre du troisième train de mesures sur les données, que la Commission a adopté le 25 avril 2018 et qui comprend la communication «Vers un espace européen commun des données» (1), laquelle procède à un examen fouillé de la question de l’accès du secteur privé aux données d’intérêt public et fixe les principes fondamentaux pour le partage de données des entreprises, tant entre elles (B2B) qu’avec le secteur public (B2G).

2.1.3.1.

Concernant la réutilisation des données entre les entreprises du secteur privé (B2B), les grands principes mentionnés dans la communication sont:

la transparence,

la création commune de valeur,

le respect des critères commerciaux de chacune des parties,

la garantie d’une concurrence non faussée,

un verrouillage des données réduit au minimum.

2.1.3.2.

Pour ce qui est de la réutilisation des données du privé dans le secteur public (B2G), la communication énumère les grands principes suivants:

la proportionnalité dans l’utilisation des données du secteur privé,

la limitation de la finalité,

l’impératif du «ne pas nuire»,

les conditions de réutilisation des données,

la réduction des restrictions concernant les données du secteur privé,

la transparence et la participation du public.

2.2.   Objectifs des modifications apportées à la directive

2.2.1.

Objectifs généraux:

maximiser l’effet positif de la directive existante concernant les informations du secteur public, renforcer l’économie des données dans l’Union européenne, augmenter le volume de données du secteur public qui est disponible pour une réutilisation,

garantir, au niveau de l’Union européenne, des conditions comparables en ce qui concerne l’accès aux données, en assurant une concurrence équitable,

réduire la charge administrative des détenteurs d’informations réutilisables du secteur public,

renforcer la position des PME sur le marché des données, en veillant à ce qu’elles n’aient pas à affronter des obstacles qui les empêchent de réutiliser les données publiques à des fins commerciales).

2.2.2.

Objectifs particuliers:

apporter des améliorations dans les quatre principaux domaines problématiques recensés lors de l’évaluation du fonctionnement antérieur de la directive.

2.3.   Principaux domaines problématiques (améliorables) dans le fonctionnement antérieur de la directive

2.3.1.

Domaine problématique des «données dynamiques» et interfaces de programmation d’applications (API)

L’accès en temps réel aux données que possèdent les institutions du secteur public n’est pas total, en particulier dans le cas de celles de type dynamique, qui sont modifiées à intervalles réguliers.

Des lacunes sont constatées quant à la présence de moyens techniques adaptés (interfaces de programmation d’applications, ou «API») et à leur utilisation.

2.3.2.

Domaine problématique de la «tarification»

Pour la réutilisation de leurs données, les organismes du secteur public invoquent diverses dispositions, actuellement autorisées, qui définissent des situations dérogatoires et ils exigent des redevances qui sont bien plus élevées qu’il ne serait nécessaire pour couvrir leurs coûts et font ainsi subir au marché des distorsions qui favorisent les grandes sociétés et posent des obstacles aux petites et moyennes entreprises, lesquelles ne peuvent se permettre d’acheter ces informations publiques.

2.3.3.

Domaine problématique du «champ d’application de la directive sur les informations du secteur public»

La directive sur les informations du secteur public ne s’applique pas aux organismes actifs dans le secteur des services d’utilité publique et des transports.

Son champ d’application ne couvre pas les données provenant de la recherche financée sur fonds publics.

2.3.4.

Domaine problématique du «verrouillage des données du secteur public»

Les détenteurs de données du secteur public passent des accords d’exclusivité avec le secteur privé pour tirer davantage de profits de leurs données, et ils en limitent ainsi le nombre de réutilisateurs potentiels.

2.4.   Pistes possibles et solution retenue pour apporter des améliorations dans les domaines problématiques

2.4.1.

S’agissant des actions envisageables pour le futur, l’analyse d’impact (2) a examiné les options suivantes:

a)

un scénario de référence, consistant à maintenir l’approche actuelle sans y apporter de changement;

b)

l’abandon de l’action actuelle de l’Union européenne, par l’abrogation de la directive sur les informations du secteur public;

c)

la prise de mesures juridiques de nature exclusivement non contraignante;

d)

une solution intégrée, combinant des modifications de la directive sur les informations du secteur public avec une législation non contraignante.

2.4.2.

Choix d’une piste pour améliorer les points problématiques:

parmi les différentes pistes, l’option a) a été retenue comme scénario de base et comparée aux résultats que produiraient les autres démarches,

les variantes b) et c) ont été écartées d’emblée,

tandis que l’approche d) a été prise comme base pour la création de deux sous-variantes, dont tous les éléments présentent une intensité législative:

faible pour la première,

forte pour la seconde.

La solution retenue par la Commission consiste en un train de mesures mixte, qui prévoit des interventions réglementaires de moindre intensité, avec une mise à jour des dispositions non contraignantes existantes, et constitue donc une «intervention à faible intensité législative».

3.

Observations générales

Le Comité a procédé à une évaluation des changements envisagés par la directive en suivant trois perspectives:

les principales modifications et adjonctions apportées au texte de base de la directive (paragraphe 3.1 de l’avis),

la conformité des modifications et compléments apportés à la directive au regard des objectifs généraux (paragraphe 3.2 de l’avis),

la conformité des modifications et compléments apportés à la directive au regard des principaux domaines susceptibles d’être améliorés (paragraphe 3.3 de l’avis).

3.1.   Principales modifications et adjonctions apportées au texte de base de la directive

3.1.1.   Chapitre premier de la directive — Dispositions générales

Modifications à l’article premier de la directive — Objet et champ d’application:

Les modifications élargissent le champ d’application de la directive en y englobant les données qui ressortissent au domaine des services publics et des prestations de transport ou qui sont issues de la recherche.

Le texte de l’exposé des motifs de la directive (3) précise:

qu’en ce qui concerne les «données dans le secteur des transports et des services d’utilité publique», «un ensemble limité d’obligations s’appliquera» pour les entreprises publiques: elles «peuvent facturer au-dessus des coûts marginaux de diffusion et ne sont pas tenues de divulguer les données qu’elles ne veulent pas divulguer»,

que s’agissant des «données de la recherche», les États membres seront tenus d’élaborer des politiques de libre accès aux données résultant de la recherche; cette disposition est en fait vide de contenu au niveau de l’Union européenne, car comme c’est le cas jusqu’à présent, elle laisse aux pays qui la constituent la faculté de trancher en ce qui concerne toutes ces activités.

Point de vue du CESE:

Le Comité est partiellement favorable aux modifications envisagées, tout en estimant qu’elles ne contribueront pas suffisamment à résoudre le problème du champ d’application de la directive sur les informations du secteur public, dont l’extension peut aboutir à des distorsions de marché entre entreprises du public et du privé qui opèrent sur le même marché. En étendant ledit champ d’application aux entreprises privées, il serait possible de résoudre cette difficulté et, dans le même temps, d’encourager l’innovation dans les entreprises publiques.

Les modifications envisagées exigeront un surcroît de travail et de moyens financiers.

3.1.2.   Chapitre II de la directive — Demandes de réutilisation

Modifications à l’article 4 de la directive — Exigences applicables au traitement des demandes de réutilisation:

Il est prévu des situations qui font exception aux exigences applicables pour le traitement des demandes de réutilisation.

Point de vue du CESE: le Comité est favorable aux modifications envisagées en ce qui concerne les exceptions, tout en estimant cependant que si l’on considère qu’il devient de plus en plus souvent nécessaire d’obtenir rapidement des informations ou des documents, le délai maximal de vingt jours ouvrables actuellement fixé pour la communication de ces éléments peut être raccourci dans le cas de demandes touchant à des données qui se prêtent à être aisément mises à disposition.

3.1.3.   Chapitre II de la directive — Demandes de réutilisation

Modifications à l’article 5 de la directive — Formats disponibles:

Il est précisé que les organismes du secteur public et les entreprises publiques mettent les données dynamiques à disposition aux fins de réutilisation aussitôt qu’elles ont été recueillies, en recourant à des interfaces adaptées de programmation d’applications (API).

Il est prévu que dans les cas où leur mise à disposition immédiate excède les capacités financières et techniques de l’organisme du secteur public ou de l’entreprise publique, l’accès aux documents doit être assuré dans un délai qui ne préjudicie pas indûment à l’exploitation de leur potentiel économique.

L’option retenue, qui invite les États membres, de manière «non contraignante», à s’employer à «mettre les données dynamiques à disposition en temps utile et d’instaurer des API», est celle de l’«intervention à faible intensité législative».

Point de vue du CESE:

Le Comité endosse en partie les modifications qu’il est prévu d’apporter et il juge que globalement, elles aideront à apporter une solution à la problématique des «données dynamiques», tout en relevant qu’il n’est pas possible d’effectuer des contrôles ou des prévisions quant aux effets des modifications préconisées, et, en particulier, que leur incidence à court terme pourrait ne pas s’avérer suffisante.

Initialement, les détenteurs de données augmenteront leurs tarifs, car ils devront développer des interfaces de programmation d’applications et introduire de nouvelles technologies, mais ils peuvent espérer tirer des avantages à long terme de l’optimalisation de leurs méthodes de travail; en outre, il y a lieu de tenir compte des changements que l’automatisation pourrait produire pour l’emploi dans le secteur public, ainsi que de la nécessité de répondre aux difficultés sociales.

Modifications à l’article 10 de la directive — Disponibilité et réutilisation des données de la recherche:

Il est indiqué que les États membres encouragent la mise à disposition des données de la recherche, en adoptant les politiques et les mesures nécessaires à l’échelon national afin de rendre librement accessibles les données résultant de la recherche financée au moyen de fonds publics («politiques de libre accès»).

Point de vue du CESE: le Comité adhère partiellement à la formulation du texte tel que remanié, car il estime que, dans l’ensemble, elle améliorera le fonctionnement de la directive sur les informations du secteur public, mais il juge que ce libellé ne parvient pas à apporter une solution suffisante au problème du «champ d’application de la directive sur les informations du secteur public», car il prend la forme d’une formule purement déclarative, qui n’édicte aucune règle au niveau de l’Union européenne, laissant les États membres entièrement libres de décider en ce qui concerne toutes les activités envisageables.

3.1.4.   Chapitre IV de la directive — Non-discrimination et commerce équitable

Modifications à l’article 12 de la directive — Interdiction des accords d’exclusivité:

Il est prévu qu’en cas d’occurrence d’une situation où bien que n’équivalant pas à l’octroi de droits exclusifs, des dispositifs juridiques ou pratiques sont susceptibles de limiter la réutilisation de documents, ils devront être rendus publics au moins deux mois avant leur entrée en vigueur.

L’option prévue, qui relève de l’«intervention à faible intensité législative», se borne à prescrire des obligations de transparence, sans interdire, comme en dispose la variante à «forte intensité législative», les activités qui aboutissent à verrouiller les données concernées.

Point de vue du CESE: le Comité approuve pour partie les modifications qui sont projetées, considérant qu’elles favoriseront des progrès pour résoudre le problème du «verrouillage des données du secteur public». Il convient toutefois de ne pas compromettre cet objectif de renforcement des PME en instaurant des interdictions trop sévères de verrouillage des données, qui empêcheraient que des projets novateurs puissent être élaborés et mis en œuvre à l’échelle locale en collaboration avec de telles entreprises.

3.1.5.   Chapitre V de la directive — Ensembles de données de forte valeur

Modifications à l’article 13 de la directive — Liste des ensembles de données de forte valeur:

La Commission définit les modalités régissant l’établissement de la liste des ensembles de données de forte valeur, ainsi que leur publication et leur réutilisation.

Point de vue du CESE:

Le Comité est favorable aux modifications projetées, car elles contribueront à accroître le niveau de réutilisation des informations des services publics.

Il faut prendre en considération que des dépenses supplémentaires sont à prévoir pour l’élaboration technologique des procédures en la matière et que les détenteurs des données subiront une baisse de leurs rentrées.

Le texte ne fixe pas précisément la manière dont la liste des données de forte valeur sera dressée, tenue à jour et exploitée.

Il ne prévoit explicitement de mécanismes de compensation au profit des détenteurs de données quand ils les fournissent gratuitement.

3.2.   Conformité des modifications et compléments apportés à la directive au regard des objectifs généraux

3.2.1.    Objectif: maximiser ses effets positifs actuels concernant les informations du secteur public, renforcer l’économie des données dans l’Union européenne, augmenter le volume de données du secteur public qui est disponible pour une réutilisation

Point de vue du CESE: les modifications prévues sont, dans leur ensemble, axées sur la réalisation de cet objectif général.

3.2.2.    Objectif: garantir, au niveau de l’Union européenne, des conditions comparables en ce qui concerne l’accès aux données, en assurant une concurrence équitable

Point de vue du CESE: les modifications prévues visent, d’une manière directe et dépourvue d’ambiguïté, la réalisation de cet objectif général:

en apportant des améliorations concernant les conditions de tarification (article 6 de la directive),

en durcissant la réglementation concernant les possibilités de conclure des accords d’exclusivité (article 12 de la directive),

en prescrivant strictement un accès gratuit aux données, s’agissant de celles formant des ensembles à forte valeur ajoutée (article 13 de la directive),

dans le même temps, le CESE attire l’attention sur le risque que des obligations unilatérales s’appliquant à des entreprises publiques qui sont en concurrence directe avec des entreprises privées, conduisent à des distorsions sur le marché.

3.2.3.    Objectif: réduire la charge administrative des détenteurs d’informations réutilisables du secteur public

Point de vue du CESE: il est permis de porter une appréciation globalement positive sur les modifications prévues:

en ce qui concerne le recours aux nouveaux moyens technologiques, elles réduiront à long terme la charge administrative des détenteurs d’informations réutilisables dans le secteur public, grâce aux articles 5 et 13 de la directive,

toutefois, il faut prendre en considération les changements qu’elles peuvent induire pour l’emploi dans ledit secteur et tenir compte de la nécessité d’apporter une solution aux problèmes sociaux qui peuvent en résulter.

3.2.4.    Objectif: renforcer la position des PME sur le marché des données, en veillant à ce qu’elles n’aient pas à affronter des obstacles qui les empêchent de réutiliser les données publiques à des fins commerciales

Point de vue du CESE: les modifications prévues tendent à la réalisation de cet objectif, et aboutiront, si elles sont mises en œuvre, à améliorer la position des PME du point de vue des possibilités dont elles disposent pour réutiliser les données du secteur public, grâce aux articles 6, 12 et 13 de la directive, mais la production, l’innovation et le développement des PME ne doivent pas être entravés par une obligation excessive de transmission des données des partenaires de coopération du secteur public ou par l’interdiction des droits exclusifs.

3.3.   Conformité des modifications et compléments apportés à la directive au regard des principaux domaines susceptibles d’être améliorés

3.3.1.   Domaine susceptible d’être amélioré: les «données dynamiques et API »

Améliorations prévues:

Renforcer l’invitation «non contraignante», adressée aux États membres, de mettre les données dynamiques à disposition en temps utile et d’instaurer des interfaces de programmation d’applications (article 5 de la directive).

Durcir la prescription que les États membres garantissent la possibilité de réutiliser un nombre limité d’ensembles de données à forte valeur (article 13 de la directive).

Point de vue du CESE:

Les modifications prévues répondent en partie aux besoins d’améliorer la situation du secteur qui pose problème (paragraphe 3.1.3 de l’avis).

Si, à long terme, les changements envisagés contribueront à résoudre les questions de l’accès aux données dynamiques et favoriseront leur réutilisation et le recours aux nouvelles technologies pour leur échange automatique, grâce aux interfaces de programmation d’applications, la mise à disposition des données en temps utile devrait être une obligation appliquée de manière flexible, de manière à pouvoir compenser les difficultés liées aux situations locales et à tenir compte des pratiques sur le terrain.

3.3.2.   Domaine susceptible d’être amélioré: la «tarification »

Améliorations prévues:

Définir des règles plus restrictives concernant la faculté dont disposent les États membres d’invoquer des exceptions à la règle générale selon laquelle les organismes du secteur public ne peuvent facturer des montants supérieurs aux coûts marginaux de diffusion (article 6 de la directive).

Prévoir une liste des ensembles de données à forte valeur auxquels un libre accès devra être assuré dans tous les États membres (article 13 de la directive).

Point de vue du CESE:

Les modifications prévues répondent aux besoins d’améliorer la situation du secteur qui pose problème (paragraphe 3.1.5 de l’avis). Dans le même temps, le CESE souligne qu’une compensation adéquate pour les frais encourus est d’une importance essentielle pour les entreprises publiques.

Les changements ainsi prévus contribueront à résoudre les questions de tarification majorée et favoriseront la réutilisation des données, notamment en les rendant plus accessibles pour les entreprises de la catégorie des PME.

3.3.3.   Domaine susceptible d’être amélioré: le «champ d’application de la directive sur les informations du secteur public »

Améliorations prévues:

Il est prévu d’étendre l’objet et le champ d’application de la directive (article premier de la directive).

Les États membres seront tenus d’élaborer des politiques de libre accès aux données résultant de la recherche financée au moyen de fonds publics tout en conservant une certaine souplesse de mise en œuvre (article 10 de la directive).

Point de vue du CESE: les modifications envisagées ne suffisent pas pour améliorer la situation dans le domaine qui pose problème (paragraphes 3.1.1 et 3.1.3 de l’avis).

3.3.4.   Domaine problématique du «verrouillage des données du secteur public »

Améliorations prévues: il est préconisé de donner une définition plus stricte des exigences de non-exclusivité et de transparence concernant les accords public-privé impliquant des informations du secteur public (articles 11 et 12 de la directive).

Point de vue du CESE:

Les modifications envisagées ne suffisent pas pour améliorer la situation dans le domaine qui pose problème (paragraphe 3.1.4 de l’avis).

Même si les changements qui sont projetés apporteront un progrès partiel pour surmonter la difficulté que pose le verrouillage des données et favoriseront leur réutilisation, il importe d’éviter que des mesures excessives destinées à éviter ce verrouillage n’entravent les projets et les partenariats innovants.

4.   Observations particulières

4.1.   Analyse d’impact des modifications prévues

4.1.1.

L’analyse d’impact des changements envisagés constitue un document important, qui a servi de base pour tirer des conclusions et arrêter des décisions, aboutissant à procéder dans le texte de la directive à des modifications et des compléments qui produiront à leur tour des effets importants pour tous les États membres de l’Union européenne.- En conséquence, il importe tout particulièrement d’avoir toute assurance pour ce qui a trait à la méthodologie suivie afin d’évaluer l’impact des changements, ainsi qu’à l’objectivité et la fiabilité des résultats obtenus.

4.1.2.

Le comité d’examen de la réglementation (4) a relevé dans le rapport d’analyse d’impact les déficiences suivantes:

il ne reflète pas suffisamment les avis des parties prenantes et, en particulier, ne tient pas compte comme il le devrait des inquiétudes exprimées par les acteurs intéressés concernant la sécurité des données à caractère personnel et la protection des bases de données,

il ne fournit pas assez d’explications quant à la manière dont les modifications envisagées s’accordent avec la directive sur les bases de données et le règlement général sur la protection des données (RGPD),

il ne décrit pas avec assez de détail les différentes options de modification possibles et ces possibilités forment un éventail qui, par son uniformité, est trop étroit pour offrir un véritable choix entre des voies différentes.

Point de vue du CESE:

Il est nécessaire de remédier aux faiblesses détectées par le comité d’examen de la réglementation.

Il convient d’engager, s’il y a lieu, les actions de correction correspondantes en ce qui concerne les modifications à la directive.

4.1.3.

La synthèse succincte de l’analyse d’impact (5) évoque les différents intérêts exprimés par les groupes concernés:

les détenteurs de données, à savoir les représentants du secteur public, sont plutôt favorables au maintien du statu quo en ce qui concerne la réutilisation des données du secteur public, ou au scénario de l’«intervention de faible intensité législative»,

les réutilisateurs, y compris les PME, accordent leur préférence aux pistes de modifications propres à assurer des avancées plus rapides et efficaces pour augmenter le volume des données réutilisées, c’est-à-dire à des pistes à «forte intensité législative».

Point de vue du CESE:

Bien que la directive ait pour objectif d’accroître l’ampleur de la réutilisation de données et de conforter la position des PME sur ce marché de la donnée, les distorsions du marché éventuelles ne doivent pas être perdues de vue. Par conséquent, la Commission n’en a pas moins choisi l’option de l’«intervention à faible intensité législative» et, dès lors, ne parvient pas à tirer pleinement parti du réservoir d’amélioration possible dans les domaines qui posent problème.

Pour garantir des avancées plus efficaces vers la réalisation des objectifs que poursuivent les modifications apportées à la directive, il convient d’évaluer les résultats des mesures adoptées.

4.1.4.

L’analyse d’impact a cerné et évalué les points de vue de chaque groupe d’acteurs concernés (6):

Pour déterminer des interventions propres à résoudre chaque problème, en choisissant entre les options de l’action à «faible» ou à «forte» intensité législative, il est d’une importance capitale de recueillir l’avis des groupes intéressés.

Le document d’analyse d’impact traduit les positions de ces différents groupes de parties prenantes concernant l’évaluation générale de la manière dont la directive fonctionne et les changements qui seraient souhaitables.

Point de vue du CESE:

Le document d’analyse d’impact ne reflète pas de manière suffisamment concrète le point de vue des parties intéressées concernant le choix à effectuer entre les pistes de l’intervention à «faible» et à «forte» intensité législative.

Au sein de ces groupe d’acteurs concernés, il n’a pas opéré de distinction en fonction des intérêts, attentes, types d’information ou formes d’activités qui sont en jeu, par exemple en faisant la différence entre les détenteurs de données qui ne perçoivent pas de rémunération pour leur fourniture, ceux qui en reçoivent une, leurs utilisateurs, les grandes et les petites et moyennes entreprises, ou les autres institutions du secteur public.

Il ne définit pas la position de chaque catégorie de parties prenantes concernant les différentes options envisageables pour résoudre chaque problème.

Il ne jauge ni le poids spécifique, quantitatif, que chacun de ces groupes concernés présente par rapport à l’ensemble de la société, ni, par conséquent, la véritable ampleur de leur représentativité et de leur influence propres.

4.2.   Autres questions insuffisamment traitées concernant la directive

4.2.1.

Le Comité estime que le texte du projet de directive et le document d’analyse d’impact ne tiennent pas suffisamment compte de diverses problématiques importantes pour les acteurs intéressés, et il recommande d’examiner plus avant les questions suivantes:

l’égalité des droits et des obligations entre le secteur public et privé pour ce qui concerne l’accessibilité des données,

le dédommagement du secteur public pour compenser la fourniture de données au titre de l’obligation de les rendre accessibles gratuitement,

la protection des «infrastructures sensibles», à savoir les cas de figure qui, en rapport avec les «infrastructures sensibles», font exception pour l’application de la directive,

le souci d’éviter les doublons, étant donné qu’il convient d’harmoniser la directive avec les actes législatifs qui existent dans le secteur en ce qui concerne l’échange de données et leur exploitation,

les menaces pour la concurrence, les entreprises publiques pouvant être mises en danger lorsqu’elles doivent fournir gratuitement des informations à des firmes privées qui sont leurs concurrentes,

le risque d’une diminution du niveau de l’emploi dans le secteur public sous l’effet de l’automatisation et la nécessité de procéder à la requalification de ses travailleurs et de résoudre les problèmes sociaux.

4.3.   Communication «Vers un espace européen commun des données»

4.3.1.

Le Comité approuve et soutient la Commission quand, dans sa communication, elle fait valoir que l’accès aux données du secteur public et aux données obtenues au moyen de fonds publics, ainsi que la réutilisation de ces informations, constituent des éléments essentiels d’un espace européen commun de données. Cette position est en parfaite cohérence avec les activités menées en rapport avec la révision de la directive concernant la réutilisation des informations du secteur public. Ladite communication énumère les buts que poursuit cette refonte, et le Comité estime que les avancées accomplies vers la réalisation de ces objectifs augmenteront la disponibilité de données propres à être réutilisées.

4.3.2.

Le Comité porte un jugement positif sur les grands principes que formule la communication pour le partage des données des entreprises, tant entre elles (B2B) qu’avec les instances du secteur public (B2G), et il estime qu’ils pourraient ainsi jeter des bases solides pour mener ultérieurement des activités avec les acteurs intéressés.

4.3.3.

Le Comité exprime son soutien aux mesures qui sont exposées dans la communication et il considère qu’elles donneront aux entreprises et aux administrations publiques un accès plus aisé aux données provenant de tout un éventail de sources, secteurs et disciplines dans l’Union européenne et qu’elles en favoriseront la réutilisation.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions «Vers un espace européen commun des données», COM(2018) 232 final.

(2)  Analyse d’impact, SWD(2018) 127.

(3)  Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant la réutilisation des informations du secteur public (refonte), COM(2018) 234 final.

(4)  Avis du comité d’examen de la réglementation, SEC(2018) 206.

(5)  Résumé de l’analyse d’impact, SWD(2018) 128 final.

(6)  Analyse d’impact, SWD(2018) 127.


ANNEXE

L’assemblée plénière a adopté des amendements visant à supprimer les passages ci-dessous, qui figuraient dans l’avis de la section spécialisée; le maintien de chacun de ces paragraphes a toutefois recueilli au moins un quart des voix exprimées:

Modifications à l’article premier de la directive — Objet et champ d’application:

Les modifications élargissent le champ d’application de la directive en y englobant les données qui ressortissent au domaine des services publics et des prestations de transport ou qui sont issues de la recherche.

Le texte de l’exposé des motifs de la directive (1) précise:

qu’en ce qui concerne les «données dans le secteur des transports et des services d’utilité publique», «un ensemble limité d’obligations s’appliquera» pour les entreprises publiques: elles «peuvent facturer au-dessus des coûts marginaux de diffusion et ne sont pas tenues de divulguer les données qu’elles ne veulent pas divulguer»,

que s’agissant des «données de la recherche», les États membres seront tenus d’élaborer des politiques de libre accès aux données résultant de la recherche; cette disposition est en fait vide de contenu au niveau de l’Union européenne, car comme c’est le cas jusqu’à présent, elle laisse aux pays qui la constituent la faculté de trancher en ce qui concerne toutes ces activités.

Point de vue du CESE:

Le Comité est partiellement favorable aux modifications envisagées, tout en estimant qu’elles ne contribueront pas suffisamment à résoudre le problème du champ d’application de la directive sur les informations du secteur public, dont l’extension revêt un caractère de pure forme, sans s’accompagner d’un véritable élargissement des obligations et responsabilités.

Les modifications envisagées exigeront un surcroît de travail et de moyens financiers, en l’occurrence des dépenses à brève échéance pour les détenteurs de données, mais elles produiront sur le long terme des avantages tant pour eux que pour les acteurs qui réutilisent ces informations.

Résultat du vote

Voix pour:

80

Voix contre:

52

Abstentions:

16

3.1.2.   Chapitre II de la directive — Demandes de réutilisation

Modifications à l’article 4 de la directive — Exigences applicables au traitement des demandes de réutilisation:

Il est prévu des situations qui font exception aux exigences applicables pour le traitement des demandes de réutilisation.

Point de vue du CESE: le Comité est favorable aux modifications envisagées en ce qui concerne les exceptions, tout en estimant cependant que si l’on considère qu’il devient de plus en plus souvent nécessaire d’obtenir rapidement des informations ou des documents, le délai maximal de vingt jours ouvrables actuellement fixé pour la communication de ces éléments est d’une longueur excessive et qu’il conviendrait de le raccourcir, en optimisant les procédures de travail des organismes du secteur public.

Résultat du vote

Voix pour:

83

Voix contre:

55

Abstentions:

7

3.1.4.   Chapitre IV de la directive — Non-discrimination et commerce équitable

Modifications à l’article 12 de la directive — Interdiction des accords d’exclusivité:

Il est prévu qu’en cas d’occurrence d’une situation où bien que n’équivalant pas à l’octroi de droits exclusifs, des dispositifs juridiques ou pratiques sont susceptibles de limiter la réutilisation de documents, ils devront être rendus publics au moins deux mois avant leur entrée en vigueur.

L’option prévue, qui relève de l’«intervention à faible intensité législative», se borne à prescrire des obligations de transparence, sans interdire, comme en dispose la variante à «forte intensité législative», les activités qui aboutissent à verrouiller les données concernées.

Point de vue du CESE: le Comité approuve pour partie les modifications qui sont projetées, considérant qu’elles favoriseront des progrès pour résoudre le problème du «verrouillage des données du secteur public»; néanmoins, comme le résultat qui sera obtenu ne suffira pas à y apporter une solution de fond, il juge qu’il serait plus fructueux, dans cette problématique, d’opter pour l’approche qui interdirait les activités aboutissant à verrouiller les données.

Résultat du vote

Voix pour:

80

Voix contre:

60

Abstentions:

12

3.2.2.    Objectif: garantir, au niveau de l’Union européenne, des conditions comparables en ce qui concerne l’accès aux données, en assurant une concurrence équitable

Point de vue du CESE: les modifications prévues visent, d’une manière directe et dépourvue d’ambiguïté, la réalisation de cet objectif général:

en apportant des améliorations concernant les conditions de tarification (article 6 de la directive),

en durcissant la réglementation concernant les possibilités de conclure des accords d’exclusivité (article 12 de la directive),

en prescrivant strictement un accès gratuit aux données, s’agissant de celles formant des ensembles à forte valeur ajoutée (article 13 de la directive)

Résultat du vote

Voix pour:

80

Voix contre:

61

Abstentions:

9

3.2.4.    Objectif: renforcer la position des PME sur le marché des données, en veillant à ce qu’elles n’aient pas à affronter des obstacles qui les empêchent de réutiliser les données publiques à des fins commerciales

Point de vue du CESE: les modifications prévues tendent à la réalisation de cet objectif, et aboutiront, si elles sont mises en œuvre, à améliorer la position des PME du point de vue des possibilités dont elles disposent pour réutiliser les données du secteur public, grâce aux articles 6, 12 et 13 de la directive, mais elles auraient pu s’avérer plus efficaces si l’on avait choisi l’option d’une «intervention à forte intensité législative».

Résultat du vote

Voix pour:

76

Voix contre:

53

Abstentions:

6

3.3.1.   Domaine susceptible d’être amélioré: les «données dynamiques et API »

Améliorations prévues:

Renforcer l’invitation «non contraignante», adressée aux États membres, de mettre les données dynamiques à disposition en temps utile et d’instaurer des interfaces de programmation d’applications (article 5 de la directive).

Durcir la prescription que les États membres garantissent la possibilité de réutiliser un nombre limité d’ensembles de données à forte valeur (article 13 de la directive).

Point de vue du CESE:

Les modifications prévues répondent en partie aux besoins d’améliorer la situation du secteur qui pose problème (paragraphe 3.1.3 de l’avis).

Si, à long terme, les changements envisagés contribueront à résoudre les questions de l’accès aux données dynamiques et favoriseront leur réutilisation et le recours aux nouvelles technologies pour leur échange automatique, grâce aux interfaces de programmation d’applications, il faut néanmoins bien voir que dans la mesure où l’impératif «de mettre les données dynamiques à disposition en temps utile» ne s’impose que de manière «non contraignante» aux États membres, il n’est pas possible d’effectuer des contrôles ou des prévisions quant aux effets des modifications préconisées, et, en particulier, que leur incidence à court terme pourrait ne pas s’avérer suffisante.

Résultat du vote

Voix pour:

77

Voix contre:

58

Abstentions:

10

3.3.3.   Domaine susceptible d’être amélioré: le «champ d’application de la directive sur les informations du secteur public »

Améliorations prévues:

Il est prévu d’étendre l’objet et le champ d’application de la directive (article premier de la directive).

Les États membres seront tenus d’élaborer des politiques de libre accès aux données résultant de la recherche financée au moyen de fonds publics tout en conservant une certaine souplesse de mise en œuvre (article 10 de la directive).

Point de vue du CESE:

Les modifications envisagées ne suffisent pas pour améliorer la situation dans le domaine qui pose problème (paragraphes 3.1.1 et 3.1.3 de l’avis).

Effectuée par le recours à l’option de l’«intervention à faible intensité législative», l’extension du champ d’application de la directive revêt un caractère de pure forme, qui n’aboutit pas réellement à augmenter les obligations et ne résout pas la problématique concrète.

Résultat du vote

Voix pour:

78

Voix contre:

61

Abstentions:

10

3.3.4.   Domaine problématique du «verrouillage des données du secteur public »

Améliorations prévues: il est préconisé de donner une définition plus stricte des exigences de non-exclusivité et de transparence concernant les accords public-privé impliquant des informations du secteur public (articles 11 et 12 de la directive).

Point de vue du CESE:

Les modifications envisagées ne suffisent pas pour améliorer la situation dans le domaine qui pose problème (paragraphe 3.1.4 de l’avis).

Même si les changements qui sont projetés apporteront un progrès partiel pour surmonter la difficulté que pose le verrouillage des données et favoriseront leur réutilisation, la solution prévue de l’«intervention à faible intensité législative» ne résoudra pas avec suffisamment d’efficacité le problème dudit verrouillage tel qu’il a été relevé, et le Comité estime qu’il serait plus efficace d’emprunter la voie de l’«intervention à forte intensité législative».

Résultat du vote

Voix pour:

82

Voix contre:

57

Abstentions:

8

4.1.3.

La synthèse succincte de l’analyse d’impact (2) évoque les différents intérêts exprimés par les groupes concernés:

les détenteurs de données, à savoir les représentants du secteur public, sont plutôt favorables au maintien du statu quo en ce qui concerne la réutilisation des données du secteur public, ou au scénario de l’«intervention de faible intensité législative»,

les réutilisateurs, y compris les PME, accordent leur préférence aux pistes de modifications propres à assurer des avancées plus rapides et efficaces pour augmenter le volume des données réutilisées, c’est-à-dire à des pistes à «forte intensité législative».

Point de vue du CESE:

Bien que la directive ait pour objectif d’accroître l’ampleur de la réutilisation de données et de conforter la position des PME sur ce marché de la donnée, la Commission n’en a pas moins choisi l’option de l’«intervention à faible intensité législative» et, dès lors, ne parvient pas à tirer pleinement parti du réservoir d’amélioration possible dans les domaines qui posent problème.

Pour garantir des avancées plus efficaces vers la réalisation des objectifs que poursuivent les modifications apportées à la directive, il est indispensable d’adopter une démarche plus active et ciblée et d’opter pour des pistes relevant de l’«intervention à forte intensité législative» afin de résoudre chaque problème concret, au besoin en modifiant les différentes pistes mentionnées dans le document d’analyse d’impact.

Résultat du vote

Voix pour:

87

Voix contre:

58

Abstentions:

6


(1)  Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant la réutilisation des informations du secteur public (refonte), COM(2018) 234 final.

(2)  Résumé de l’analyse d’impact, SWD(2018) 128 final.


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/254


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions “L’Europe en mouvement — Une mobilité durable pour l’Europe: sûre, connectée et propre”»

[COM(2018) 293 final]

(2019/C 62/39)

Rapporteure:

Giulia BARBUCCI

Consultation

Commission européenne, 18.6.2018

 

 

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

4.10.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

201/3/7

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement le troisième train de mesures sur la mobilité, qu’il considère comme une nouvelle étape vers une mobilité durable pour l’Europe. Il observe toutefois que la proposition de la Commission se borne à examiner presque exclusivement le transport routier. Pour développer une mobilité véritablement durable et sûre, il convient d’élaborer un projet plus ambitieux, en prenant en compte toutes les formes de transport disponibles et en portant une attention particulière à l’intermodalité dans le transport de marchandises et de passagers.

1.2.

Le CESE estime que les propositions de la Commission en faveur d’une mobilité sûre, connectée et propre impliqueront des efforts considérables sur le plan économique, en premier lieu pour les États membres, afin d’adapter les infrastructures matérielles et numériques (5G). Il est donc important de soutenir ces initiatives par des financements adéquats couvrant une longue période, en fixant des objectifs réalistes et réalisables.

1.3.

Le CESE accueille favorablement le «plan d’action stratégique sur la sécurité routière» et souscrit à l’objectif de la «vision zéro» visant à enregistrer zéro décès et zéro blessé grave dans des accidents de la route d’ici à 2050. L’approche du «système sûr» prônée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pourra certainement contribuer à cette ambition, en limitant le nombre d’accidents et en minimisant le nombre de victimes parmi les passagers et les piétons. En outre, il apparaît prioritaire d’harmoniser les règles nationales relatives au code de la route et les sanctions afférentes, et d’étendre dans le même temps l’obligation concernant les dispositifs de sécurité des automobiles à l’ensemble des véhicules circulant sur les routes, dans le cadre du transport de marchandises comme de passagers et des transports aussi bien publics que privés. Enfin, le Comité recommande que les nouveaux véhicules «sûrs» soient d’un coût abordable pour les consommateurs et les entreprises.

1.4.

La numérisation, la connectivité et l’automatisation constituent les principaux instruments au moyen desquels développer la méthode du «système sûr» et s’approcher de l’objectif de la «vision zéro». Le CESE soutient le projet de réaliser un réseau routier automatisé, connecté et sûr. Il recommande à la Commission de tenir compte de l’état disparate de l’infrastructure routière et autoroutière dans les différents États membres et, surtout, d’étendre le projet aux centres urbains, où se produisent la majorité des accidents graves non mortels.

1.5.

Dans sa proposition, la Commission insiste sur l’importance de développer les véhicules autonomes et sur leur rôle dans le renforcement de la sécurité. Toutefois, elle ne définit pas de stratégie détaillée par laquelle aboutir à une circulation automatisée, une démarche qui est peut-être de nature à favoriser les progrès dans ce domaine, mais qui pourrait poser des problèmes aux États membres s’agissant d’adapter les politiques des transports aux nouvelles technologies et à leurs usages. En outre, le CESE relève des problèmes de faisabilité technique pour garantir des conditions de sécurité maximale dans un système de «trafic mixte», où circulent des véhicules à conduite humaine, assistée et automatisée.

1.6.

L’automatisation intégrale des véhicules soulève de nombreuses interrogations éthiques, économiques, en matière d’emploi, sur le plan de leur acceptation par la société et du point de vue de la responsabilité juridique. Le CESE invoque le principe en vertu duquel seul l’être humain, en tant que tel, est à même d’opérer des choix «éthiques», les machines devant, quel que puisse être leur degré de perfectionnement, accompagner l’homme et non se substituer à lui. Il importe d’associer pleinement la société civile organisée à la gouvernance du processus et d’engager des actions de dialogue social et de négociation collective pour prévenir d’éventuelles retombées négatives sur l’emploi et sur les travailleurs.

1.7.

Le CESE soutient les propositions en faveur d’une plus grande durabilité des transports ainsi que le plan d’action stratégique sur les batteries visant à réduire le déficit énergétique européen et à créer une chaîne de valeur pour les batteries. Il souligne toutefois que plusieurs facteurs font obstacle au déploiement complet de ce plan: la dépendance aux matières premières provenant de pays tiers; le manque de carburants de substitution; les retards dans la gestion, la transformation et l’élimination des batteries usées; le déficit de main-d’œuvre qualifiée.

1.8.

Il est de ce fait indispensable d’investir substantiellement dans la recherche et l’innovation afin de mettre au point de nouveaux carburants de substitution complètement renouvelables et à empreinte neutre. Il sera tout aussi important d’investir dans l’éducation et la formation, en associant les universités et les centres de recherche, afin de disposer d’une main-d’œuvre qualifiée.

1.9.

La transition vers les voitures électriques passera par le renouvellement d’une grande partie du parc automobile européen en à peine plus d’une dizaine d’années. Les véhicules plus propres et sûrs devront être d’un coût abordable pour tous, les citoyens comme les entreprises, et les États devraient faciliter la transition à l’aide d’incitations fiscales adéquates.

1.10.

Avec le renouvellement du parc automobile se posera aussi le problème de devoir éliminer et recycler une grande partie du stock de véhicules existant. Ce thème devrait être central dans les stratégies que la Commission élabore dans le cadre de l’économie circulaire. La société civile organisée devrait être associée à tous les stades du processus de transition, et elle est invitée à informer et sensibiliser les citoyens dans la perspective d’une mobilité durable.

2.   Introduction

2.1.

Le secteur des transports a de longue date connu de nombreuses évolutions et transformations et s’est imposé comme l’un des facteurs essentiels du développement. L’innovation, la technologie, la numérisation et la connectivité sont en train de révolutionner à nouveau les transports, dans le sens d’une amélioration de la sécurité, de l’accessibilité, de la durabilité, de la compétitivité et de l’emploi.

2.2.

Dans le prolongement de la stratégie pour une mobilité à faible taux d’émissions (1), l’Union européenne a mis en place un programme ad hoc pour ce secteur, qui s’échelonne sur trois trains de mesures en matière de mobilité (2) respectivement publiés en mai 2017, novembre 2017 et mai 2018. Le présent avis porte sur la dernière initiative législative en date, intitulée «L’Europe en mouvement».

2.3.

La communication de la Commission et les propositions contenues dans le train de mesures portent essentiellement sur le secteur du transport routier et se concentrent tout particulièrement sur les automobiles, sans prendre en considération toutes les autres formes de transport.

3.   Contenu essentiel de la proposition

3.1.

La communication COM(2018) 293 de la Commission intitulée «L’Europe en mouvement — Une mobilité durable pour l’Europe: sûre, connectée et propre» constitue le document principal du troisième train de mesures sur la mobilité dès lors qu’il en fixe le cadre de référence. Celui-ci s’articule autour de trois axes: sécurité; connectivité et automatisation; durabilité. En outre, les deux annexes à la communication contiennent d’importantes initiatives relatives au plan d’action stratégique sur la sécurité routière et au plan d’action stratégique sur les batteries.

3.2.   Une mobilité sûre

3.2.1.

En dépit des progrès enregistrés ces dernières années, le nombre d’accidents graves ou mortels sur les routes reste trop élevé. En 2017, les accidents ont fait 25 300 morts et 135 000 blessés graves, occasionnant des coûts économiques et sociaux extrêmement élevés. Puisque 90 % des accidents sont provoqués par une erreur humaine, la Commission estime que l’automatisation, la connectivité et de nouvelles normes de conception peuvent contribuer sensiblement à juguler ce phénomène dramatique (3), avec pour objectif de parvenir à zéro décès et zéro accident grave sur les routes d’ici à 2050 («vision zéro»). Cette stratégie prévoit un objectif intermédiaire consistant à réduire le nombre de décès et de blessés graves de 50 % d’ici à 2030.

3.2.2.

Afin de contribuer à la réalisation de ces objectifs, l’Union européenne a l’intention de mettre en œuvre de nouveaux instruments technologiques et réglementaires en s’appuyant sur l’approche du «système sûr» de l’OMS. Celle-ci part du principe que si les accidents ne peuvent être complètement éliminés, il est néanmoins possible d’intervenir pour réduire le nombre de morts et de blessés graves.

3.2.3.

L’Union européenne entend remédier aux causes des accidents d’une manière intégrée par un empilement de couches de protection qui garantit qu’en cas de défaillance d’une couche, une autre prendra le relais. Ce processus implique l’introduction d’équipements technologiques dans les voitures et les infrastructures routières, ainsi qu’un échange croissant d’informations entre celles-ci. Chaque mesure fait l’objet d’une initiative législative ad hoc:

a)

Plan d’action stratégique sur la sécurité routière (4). Le plan d’action prévoit un objectif de «zéro décès» ainsi que des critères pour renforcer la gouvernance européenne, une augmentation des financements pour la modernisation du réseau routier au titre du mécanisme pour l’interconnexion en Europe (200 millions d’EUR), l’application de l’approche du «système sûr», de nouvelles exigences visant à accroître la sécurité des véhicules, des objectifs en matière d’automatisation et de connectivité de véhicule à véhicule et entre l’infrastructure routière et les véhicules, ainsi qu’une proposition visant à exporter les normes de sécurité européennes dans des pays tiers (et en priorité vers ceux des Balkans occidentaux).

b)

Règlement relatif à la protection des occupants des véhicules et des usagers vulnérables de la route (5). Il est notamment prévu d’introduire des dispositifs avancés de freinage d’urgence et d’avertissement en cas de déviation de la trajectoire et d’apporter des modifications à la conception de l’habitacle des véhicules lourds pour améliorer la visibilité des cyclistes et des piétons, en embarquant également des capteurs permettant de les détecter.

c)

Directive sur la gestion de la sécurité des infrastructures routières (6). Le texte fixe l’objectif de cartographier les risques sur l’ensemble du réseau européen, sans se limiter aux seules autoroutes du réseau transeuropéen de transport (RTE-T) mais en élargissant également le diagnostic à toutes les autres autoroutes et routes principales. Les axes urbains en seront en revanche exclus. La directive prévoit également de meilleures normes de qualité pour l’infrastructure routière (avec un marquage au sol et des panneaux de signalisation clairs et l’introduction de nouvelles technologies comme l’alerte de franchissement involontaire de ligne).

3.3.   Une mobilité connectée et automatisée

3.3.1.

La stratégie de la Commission en faveur d’une «mobilité connectée et automatisée» (7) prolonge une voie déjà tracée au niveau de l’Union, en particulier dans la communication sur «L’intelligence artificielle pour l’Europe» (8) et la «déclaration d’Amsterdam», dans laquelle les États membres ont demandé à la Commission d’élaborer une stratégie européenne en matière de conduite automatisée et connectée, d’adapter le cadre réglementaire, de soutenir les processus de recherche et d’innovation et de diffuser des «systèmes de transport intelligents, coopératifs et interopérables».

3.3.2.

La Commission regroupe dans un document unique des objectifs de long terme (réduction des émissions, du trafic et des accidents): offrir un soutien concret à l’industrie automobile en lien avec la recherche et l’innovation, et répondre rapidement aux interrogations éthiques et sociales, comme celles portant sur le nouveau rapport entre l’homme et la machine, la cybersécurité et les conséquences des technologies en question sur l’emploi, avant la mise sur le marché de voitures entièrement automatisées.

3.3.3.

Parmi les principaux avantages offerts par l’automatisation figure l’accès à la mobilité pour tous ceux qui en sont aujourd’hui exclus, et en premier lieu les personnes âgées et handicapées. Afin d’exploiter au mieux les possibilités offertes par l’automatisation, il est fondamental que les véhicules et les infrastructures routières échangent constamment des informations, sachant qu’un «système mixte» pourrait voir le jour dans les prochaines années, dans lequel interagiraient des véhicules équipés de technologies diverses (conduite humaine, assistée et automatisée). Pour compléter ce cadre, et dans la perspective d’un développement de l’intermodalité, des exigences ad hoc sont également fixées concernant un système de guichet unique maritime européen (9) et l’information électronique pour le transport de marchandises (10).

3.4.   Une mobilité propre

3.4.1.

La décarbonation des transports et la transition vers une énergie propre représentent l’un des aspects essentiels du troisième train de mesures sur la mobilité. Cette initiative s’inscrit dans le cadre plus large du plan d’action en faveur de l’économie circulaire. Pour atteindre des niveaux plus élevés de durabilité et de compétitivité, l’Union européenne lance une série d’initiatives:

a)

le plan d’action stratégique sur les batteries (11), motivé par l’exigence d’accroître l’autosuffisance énergétique de l’Europe, dans le prolongement de la création de l’«alliance européenne pour les batteries» qui regroupe des acteurs industriels, des États membres et la Banque européenne d’investissement. Le plan vise la production de batteries qui soient durables à tous les stades de la chaîne de valeur, à commencer par l’extraction des matières premières (primaires et secondaires), lors de la phase de conception et de production des cellules et blocs de batteries, ainsi que pendant leur utilisation, réutilisation, recyclage et élimination;

b)

le règlement sur les émissions des nouveaux véhicules lourds (12) visant à définir une série de paramètres en matière d’émissions de dioxyde de carbone (CO2) pour les camions et autobus, qui intègre et complète la réglementation en vigueur. L’initiative prévoit en outre des mesures incitant les entreprises à acquérir des véhicules plus efficaces sur le plan énergétique et moins polluants. Cette mesure s’inscrit dans le cadre d’une proposition visant l’entrée en vigueur rapide de nouvelles règles de conception relatives à l’aérodynamisme et au poids des véhicules lourds en vue de réduire les émissions de CO2 (13);

c)

le règlement facilitant la comparaison entre différents carburants qui établit une unité de mesure unique pour encourager l’acquisition de nouveaux véhicules à faible incidence sur l’environnement (14);

d)

le règlement sur l’étiquetage des pneumatiques (15) fournissant des informations concernant leurs normes de sécurité, leur efficacité énergétique et leur production de bruit;

e)

la révision du cadre de taxation des produits énergétiques pour promouvoir la mobilité électrique;

f)

le règlement concernant des mesures de rationalisation pour la réalisation du réseau transeuropéen de transport (RTE-T) (16) visant à accélérer les procédures d’autorisation des projets.

3.5.

Toutes ces initiatives s’accompagnent d’un investissement total de 450 millions d’EUR dans le cadre du mécanisme pour l’interconnexion en Europe, afin de financer des projets qui contribuent à la sécurité routière, à la numérisation et à la multimodalité. Toujours au titre de ce programme, 4 millions d’EUR supplémentaires seront consacrés à la cybersécurité et à la mobilité coopérative, connectée et automatisée.

4.   Observations générales

4.1.

Le CESE accueille favorablement le troisième train de mesures sur la mobilité, qu’il considère comme une nouvelle étape vers une mobilité plus sûre, accessible et durable. Il observe toutefois que la proposition de la Commission se borne à examiner presque exclusivement une partie seulement du secteur du transport routier. Afin de développer une mobilité durable et sûre, il convient d’étudier toutes les formes de transport disponibles, en prévoyant une connectivité toujours plus resserrée, efficace et opérante entre les transports publics et privés, pour réduire les temps de trajet et les volumes de trafic.

4.2.

Le train de mesures se compose d’une série d’initiatives législatives connexes, dont le CESE a estimé qu’elles méritaient de faire l’objet d’un examen approfondi spécifique dans des avis distincts. C’est pourquoi le présent avis se concentre sur l’analyse de la communication de référence et doit être lu et compris dans le prolongement des précédents avis du CESE concernant le premier et le second trains de mesures sur la mobilité, ainsi que de ceux qu’il a élaborés de manière coordonnée avec celui-ci afin d’analyser certains aspects spécifiques de l’initiative à l’examen (17).

4.3.

Le CESE considère que la communication de la Commission et les propositions afférentes sont conformes aux précédents avis qu’il a rendus sur ces questions et qu’elles peuvent contribuer à améliorer les normes de sécurité, tout comme la compétitivité de l’ensemble du secteur automobile européen.

4.4.

Le CESE fait observer que la communication de la Commission n’est pas étayée par une analyse d’impact adéquate des mesures qu’elle propose. Plus particulièrement, ses conséquences pour la propriété et l’utilisation des véhicules et pour l’évolution ultérieure des volumes de trafic n’apparaissent pas clairement. Dans un contexte de promotion des transports, ces volumes pourraient augmenter plutôt que diminuer, ce qui rallongerait le temps que les citoyens consacrent à leurs déplacements et, partant, augmenterait le risque d’accident. Il est essentiel que la Commission défende une vision globale et ambitieuse des transports en envisageant l’intermodalité entre les transports publics et privés comme un facteur d’efficacité, de qualité de vie et de sécurité. Le CESE souligne qu’il importe de produire des analyses d’impact adéquates pour toutes les propositions mettant en avant des mesures concrètes. Dans le cadre de la planification des nouveaux modes de transport, il importe de ne pas ralentir le large déploiement de solutions technologiques intelligentes (par exemple pour l’éclairage) qui renforcent l’efficacité des transports, en particulier des transports publics, et réduisent les risques d’accident.

4.5.

Le Comité souscrit à l’objectif de la «vision zéro», qui doit être atteint grâce à l’approche du «système sûr». Il sera nécessaire à cet effet d’associer tous les secteurs et tous les usagers de la route aux fins d’une gouvernance renforcée. Il importe que les indicateurs concernant la réalisation des objectifs fixés soient clairs et réalistes et qu’ils puissent faire l’objet d’un suivi. Le CESE espère en particulier que la société civile organisée sera activement associée à toutes les phases de l’élaboration, de la mise en œuvre, du suivi et de l’évaluation de la stratégie.

4.6.

Le CESE porte un regard positif sur le choix de consacrer 450 millions d’EUR (sur la période 2018-2020) à la numérisation et à la sécurité routière dans le cadre du mécanisme pour l’interconnexion en Europe. Il rappelle cependant la nécessité d’augmenter sensiblement, dans le prochain cadre financier pluriannuel (CFP) pour la période 2021-2027, l’enveloppe financière disponible pour garantir une continuité sur le long terme, afin de pouvoir atteindre les objectifs ambitieux que s’est fixés l’Union européenne.

4.7.

Le Comité estime que la cartographie des risques sur l’ensemble du réseau européen RTE-T et sur toutes les autoroutes et routes principales représente une étape cruciale pour planifier l’ampleur et la nature des interventions infrastructurelles sur les réseaux routiers européens. Il importe que les infrastructures physiques et numériques soient développées en parallèle. Il est important également de compléter dans les meilleurs délais la couverture 5G de l’ensemble des réseaux autoroutiers et principaux en Europe, afin de rendre possible une connectivité effective entre les routes et les véhicules et de véhicule à véhicule. Le CESE observe cependant que l’état des réseaux routiers et autoroutiers est très variable d’un pays européen à l’autre. Il est donc important d’accompagner les différents États membres dans ce processus fondamental de modernisation à l’aide de financements adéquats et en fixant des objectifs réalistes et réalisables.

4.8.

Le CESE souscrit à la proposition de la Commission de rendre obligatoires certaines caractéristiques importantes en matière de sécurité des véhicules, que ce soit au niveau des technologies (ajustement intelligent de l’allure, freinage d’urgence autonome, etc.) ou sur le plan de la conception (amélioration de la visibilité directe dans les camions). Il espère toutefois que tous les nouveaux dispositifs de sécurité seront également étendus à l’ensemble des formes de transport routier, afin de rendre le cadre réglementaire complet, clair et homogène.

4.9.

La proposition concernant un nouveau système d’étiquetage des pneumatiques, contenant des spécifications relatives aux normes de sécurité (mais aussi en matière d’environnement et de bruit), pourrait représenter un facteur important dans la réduction des accidents, en favorisant des choix conscients et éclairés chez les consommateurs. Il importe que les indications figurant sur les étiquettes apparaissent comme immédiatement claires et compréhensibles aux consommateurs.

4.10.

Sur le plan de la sécurité routière, il importe aussi que l’Union européenne amorce une trajectoire d’homogénéisation progressive des règles en vigueur au niveau national et des sanctions afférentes (marquage sur les routes, vitesse, usage des ceintures et casques, interdiction de la conduite en état d’ébriété ou sous l’influence de stupéfiants, etc.). Ces mesures devraient s’accompagner du développement de technologies personnelles adéquates pour faire face à d’éventuels risques ou dangers (éthylotests antidémarrage, alerte en cas de somnolence du conducteur, etc.). Il importe également que les divers équipements technologiques n’entraînent pas une augmentation excessive du coût des véhicules. Les véhicules plus sûrs doivent être accessibles pour tous (18).

4.11.

L’objectif de la «vision zéro» fonde de grands espoirs sur le développement d’une mobilité connectée et automatisée. Si le CESE considère que l’automatisation pourrait jouer un rôle important dans la réduction des accidents, il estime cependant qu’il est essentiel de relever certaines préoccupations et interrogations qu’elle suscite par rapport à la trajectoire de développement tracée par la Commission. C’est la raison pour laquelle il est important d’améliorer les technologies existantes, et de prévoir en parallèle des processus de contrôle des technologies anciennes comme nouvelles pour garantir des niveaux de sécurité satisfaisants. L’absence d’une stratégie détaillée par laquelle aboutir à une circulation automatisée est peut-être de nature à favoriser les progrès dans ce domaine, mais elle pourrait poser des problèmes aux États membres s’agissant d’adapter les politiques des transports aux nouvelles technologies et à leurs usages.

4.11.1.

Une telle stratégie devrait être développée en maximisant le rôle dévolu à l’automatisation et à la connectivité pour assister l’être humain. Le Comité se dit préoccupé en particulier de constater à quel point la Commission opère un rapprochement entre les niveaux de conduite assistée et de conduite complètement automatisée (l’être humain devenant un simple passager). L’automatisation complète pose en effet un problème d’acceptation sur le plan social et économique, d’une part, mais aussi des difficultés sur le plan de la faisabilité technologique et infrastructurelle, d’autre part, compte tenu de la nécessité de garantir une sécurité maximale dans un système mixte, où circulent des véhicules sans conduite assistée, d’autres bénéficiant de cette dernière, et d’autres encore complètement automatisés. Avant d’être mis sur le marché, des véhicules entièrement automatisés devraient donc faire l’objet d’une phase d’expérimentation garantissant des niveaux d’efficacité et de sécurité similaires à ceux des avions et des trains.

4.11.2.

Si le CESE porte un regard favorable sur les propositions visant à établir un échange d’informations numérisé dans les transports maritimes (guichet unique maritime et reconnaissance des documents relatifs aux marchandises), il considère cependant qu’elles pourraient être davantage développées.

4.12.

Le CESE accueille favorablement le plan d’action stratégique sur les batteries, qui place l’alliance européenne pour les batteries au centre du processus, mettant en évidence le problème de la lourde dépendance énergétique de l’Union à l’égard des pays tiers.

4.12.1.

Le choix de créer une chaîne de valeur des batteries, suivant le modèle de l’économie circulaire, est certainement louable. Le Comité souligne cependant que plusieurs facteurs font aujourd’hui obstacle au déploiement complet de ce plan: la dépendance aux matières premières provenant de pays tiers (comme le lithium); l’état embryonnaire de la recherche sur des matières premières de substitution exploitables dans l’économie circulaire; l’incapacité de gérer intégralement l’activité de transformation des batteries usées (matières premières secondaires) et leur élimination; le déficit de main-d’œuvre qualifiée.

4.12.2.

Le CESE considère en particulier qu’un financement substantiel de la recherche et de l’innovation s’impose pour surmonter ces problèmes. Les fonds dégagés pour la période 2018-2020 sont certes importants, mais ils doivent trouver un prolongement dans le prochain CFP pour la période 2021-2027. Il est essentiel notamment de soutenir la recherche sur d’autres sources d’énergie complètement renouvelables, propres et dont l’empreinte sur l’environnement est neutre, afin de surmonter certaines limites évidentes des batteries actuellement utilisées pour les moteurs électriques, sur le plan de la disponibilité des matières premières et de leur incidence sur l’environnement. Il est indispensable aussi de constituer un large vivier de main-d’œuvre qualifiée, en puisant dans les fonds du programme Erasmus+ et en associant les universités et les centres de recherche.

4.12.3.

Le Comité relève que l’initiative de la Commission aboutira au renouvellement presque complet de l’ensemble du parc automobile européen en une dizaine d’années, ce qui posera un nouveau problème lié à l’élimination et au recyclage de millions de véhicules. Ce thème devrait être central dans les stratégies que la Commission élabore dans le cadre de l’économie circulaire. La société civile organisée doit être associée à tous les stades du processus de transition, et elle est invitée à informer et sensibiliser le public dans la perspective d’une mobilité durable.

4.13.

Le CESE soutient l’initiative visant à fixer également des seuils d’émissions de CO2 pour les véhicules lourds, comme c’est déjà le cas pour d’autres catégories de véhicules. Compte tenu des difficultés que les petites et moyennes entreprises du secteur des transports sont susceptibles de rencontrer pour rénover leurs parcs de véhicules, le Comité recommande aux États membres de soutenir la transition vers une économie à faibles émissions de CO2 grâce à des incitations fiscales spécifiques.

4.14.

Le CESE estime que la proposition de simplification concernant la mise en place de réseaux RTE-T devrait prendre dûment en considération les procédures juridictionnelles pour être entièrement efficace (19).

5.   Observations particulières

5.1.

La classification des risques portant sur les autoroutes européennes et les routes nationales ne prend pas en compte le développement d’une technologie adéquate et coordonnée dans les villes, là où se produisent la majorité des accidents graves non mortels. En outre, il serait important d’engager ce processus également dans les six États des Balkans occidentaux qui ont déjà entamé leurs négociations d’adhésion à l’Union.

5.2.

Le système eCall dans les voitures, qui avertit automatiquement les autorités routières et les services de santé en cas d’accident, constitue certainement un autre facteur à même de réduire les répercussions des accidents de la route. Le CESE espère que cet équipement sera rendu obligatoire dans tous les véhicules les plus répandus et exposés au risque d’accident (véhicules lourds, autobus et motocycles), et que l’Union européenne favorisera une intégration accrue des services d’intervention d’urgence en matière de sécurité routière et de secours aux victimes.

5.3.

Les questions éthiques représentent un aspect crucial du développement de l’automatisation. Les situations dans lesquelles les machines pourraient être amenées à opérer des choix «éthiques» sont particulièrement controversées. Le CESE invoque à nouveau le principe en vertu duquel seuls les êtres humains peuvent, en tant que tels, opérer des choix éthiques, les machines devant, quel que puisse être leur degré de perfectionnement, accompagner l’homme et non se substituer à lui.

5.4.

Pour ce qui concerne le développement et la mise sur le marché de véhicules complètement automatisés, le CESE invite la Commission à en analyser plus minutieusement les conséquences du point de vue de l’emploi et sur le plan social. Le Comité craint en particulier que des pans entiers de certains secteurs professionnels puissent disparaître en un laps de temps assez bref (par exemple, les transporteurs) et que les postes de travail perdus ne soient pas compensés par de nouveaux emplois. En outre, face à un tel scénario, l’Union européenne se retrouverait confrontée à un nombre extrêmement élevé de chômeurs dont les compétences et les connaissances seraient difficilement adaptables dans le nouveau système de transports automatisés. Il est dès lors nécessaire d’anticiper, par le dialogue social et la négociation collective, la gestion des processus de transformation et la mise en place de parcours de formation pour doter l’ensemble des travailleurs du secteur des compétences requises.

5.5.

Le Comité considère que les compagnies d’assurance devraient encourager l’acquisition de véhicules plus sûrs par la réduction des primes. De manière plus générale, le CESE estime qu’il est essentiel d’engager une réflexion sérieuse sur les aspects juridiques liés à l’introduction de véhicules entièrement automatisés, en précisant pour commencer à qui incombe la responsabilité civile ou pénale en cas d’accident de la route.

5.6.

Le Comité s’interroge sur le système adopté par la Commission pour comparer différents carburants (20). Ce système, qui repose sur le coût par tranche de 100 kilomètres parcourus par une voiture, ne tient en réalité pas compte de nombreux paramètres indispensables pour quantifier le coût réel du carburant, ce qui risque de créer de la confusion parmi les consommateurs. En outre, le mécanisme de consultation des consommateurs mis en œuvre par la Commission a, de fait, marginalisé le rôle du CESE et des associations de consommateurs actives dans le secteur, et s’est concentré sur un échantillon non significatif sur le plan statistique (3 000 répondants dans trois États membres de l’Union européenne), en présentant des options trop similaires.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  COM(2016) 501 final.

(2)  COM(2017) 283 final, COM(2017) 675 final et COM(2018) 675 final.

(3)  COM(2016) 686 final.

(4)  COM(2018) 293 final, annexe 1.

(5)  COM(2018) 286 final.

(6)  COM(2018) 274 final.

(7)  COM(2018) 283 final.

(8)  COM(2018) 237 final.

(9)  COM(2018) 278 final.

(10)  COM(2018) 279 final.

(11)  COM(2018) 293 final, annexe 2.

(12)  COM(2018) 284 final.

(13)  COM(2018) 275 final.

(14)  Règlement d’exécution (UE) 2018/732 de la Commission (JO L 123 du 18.5.2018, p. 85).

(15)  COM(2018) 296 final.

(16)  COM(2018) 277 final.

(17)  TEN/668, Guichet unique maritime européen harmonisé et Systèmes d’information électronique pour le transport de marchandises (voir page 265 du présent Journal officiel); TEN/669, Mise en œuvre des projets RTE-T (voir page 269 du présent Journal officiel); TEN/675, Normes d’émissions de CO2 des camions et Poids et dimensions des véhicules routiers (voir page 286 du présent Journal officiel); TEN/672, Mécanisme pour l’interconnexion en Europe (JO C 440 du 6.12.2018, p. 191); TEN/673, Mobilité connectée et automatisée (voir page 274 du présent Journal officiel); TEN/674, Étiquetage des pneumatiques (voir page 280 du présent Journal officiel); TEN/667, Gestion de la sécurité des infrastructures routières (voir page 261 du présent Journal officiel); INT/863, Sécurité des véhicules/protection des usagers vulnérables (JO C 440 du 6.12.2018, p. 90).

(18)  JO C 157 du 28.6.2005, p. 34.

(19)  TEN/669, Mise en œuvre des projets RTE-T (voir page 269 du présent Journal officiel).

(20)  Règlement d’exécution (UE) 2018/732.


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/261


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2008/96/CE concernant la gestion de la sécurité des infrastructures routières»

[COM(2018) 274 final — 2018/0129 (COD)]

(2019/C 62/40)

Rapporteur:

Brian CURTIS

Consultation

Parlement européen, 31.5.2018

Conseil de l’Union européenne, 8.6.2018

Base juridique

Article 91, paragraphe 1, point c), du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

4.10.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

204/2/6

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement la proposition de modification de la directive 2008/96/CE concernant la gestion de la sécurité des infrastructures routières (GSIR). En particulier, le Comité considère que les mesures proposées par la Commission devraient permettre de remédier aux lacunes de l’actuelle directive (harmonisation, partage d’informations et portée limitée) et jouer un rôle clé dans la mise en œuvre du plan d’action stratégique sur la sécurité routière.

1.2.

Le Comité approuve l’initiative «Vision Zero», qui vise à ramener à zéro le nombre de décès et d’accidents graves sur les routes d’ici à 2050, et ce, par l’adoption de l’approche pour un système sûr, promue par l’Organisation mondiale de la santé. La mise en œuvre de cette stratégie nécessitera la participation de tous les secteurs et de tous les usagers de la route afin de renforcer la gouvernance. Il est important que les indicateurs soient clairs et qu’ils puissent faire l’objet d’un suivi. Les organisations de la société civile doivent être activement associées à toutes les étapes de l’élaboration, de la mise en œuvre, du suivi et de l’évaluation de la stratégie.

1.3.

Le Comité est d’avis qu’une procédure de cartographie des risques systématique et proactive au sein du réseau RTE-T et sur toutes les autoroutes, ainsi que toutes les routes principales, constitue une étape cruciale dans la planification de nouvelles mesures relatives aux infrastructures. Néanmoins, compte tenu de l’état d’avancement variable du processus de mise en œuvre de la directive GSIR, il est important de fixer des objectifs et des échéances réalistes pour tous les États membres, et de soutenir financièrement les régions accusant le plus de retard, y compris six pays des Balkans occidentaux. En outre, le Comité estime que le champ d’application de la directive GSIR devrait être étendu à toutes les routes principales rurales et urbaines, afin de réduire drastiquement le nombre d’accidents graves et mortels d’ici à 2030.

1.4.

Le CESE considère que l’obtention d’excellents résultats en matière de sécurité routière constitue un objectif stratégique, mais qu’il convient d’accroître le budget dans le prochain cadre financier pluriannuel 2021-2027, afin de garantir la continuité à long terme, de sorte que les objectifs ambitieux que l’Union européenne s’est elle-même fixés puissent être réalisés. En particulier, le Comité fait remarquer que la stratégie de l’Union européenne porte essentiellement sur le financement de la construction de nouvelles infrastructures, mais que des fonds suffisants devraient également être dévolus à l’entretien et à la réfection des routes existantes. Par ailleurs, le CESE est convaincu que la fixation d’un budget plus conséquent pour les transports aura une incidence positive supplémentaire sur la croissance et l’emploi en Europe.

1.5.

Le Comité soutient la proposition relative aux nouvelles exigences de performance en matière de signalisation et de marquage afin de déployer des systèmes de mobilité coopérative, connectée et automatisée (STI-C). Le CESE recommande d’étendre cette approche à tous les moyens de transport disponibles (intermodalité), afin de maximiser l’impact d’une telle stratégie. En outre, le CESE estime que toute stratégie concernant la sécurité routière doit commencer par l’éducation et la formation adéquates des conducteurs privés et professionnels, étant donné que l’erreur humaine reste la principale cause des accidents.

1.6.

Il souscrit à la proposition de prendre systématiquement en compte les usagers de la route vulnérables dans toutes les procédures de gestion de la sécurité. En particulier, le Comité recommande le développement en parallèle d’autres dispositions spécifiques relatives à la sécurité des véhicules afin de boucler la boucle.

2.   Introduction

2.1.

La sécurité routière au sein de l’Union européenne s’est considérablement améliorée ces dernières décennies. Entre 2001 et 2010, le nombre de tués sur les routes européennes a reculé de 43 %, et de 19 % supplémentaires entre 2010 et 2016. Néanmoins, le nombre de décès sur les routes reste élevé [25 620 personnes ont perdu la vie sur les routes de l’Union européenne en 2016 (1)] et les statistiques montrent une stagnation progressive dans le processus de l’Union européenne visant une mobilité sûre.

2.2.

C’est pourquoi la déclaration de La Valette a encouragé la Commission européenne à lancer une nouvelle initiative visant à adapter la directive 2008/96/CE concernant la gestion de la sécurité des infrastructures routières (GSIR) pour tenir compte des changements en matière de mobilité résultant des tendances sociétales et des développements technologiques. Cette initiative, centrée sur la sécurité routière, joue un rôle essentiel dans le plan d’action stratégique sur la sécurité routière (2), qui a été publié en mai 2018, dans le cadre du troisième train de mesures en faveur de la mobilité (3).

3.   Contenu essentiel de la proposition

3.1.

En dépit des progrès réalisés ces dernières années, le nombre d’accidents mortels ou graves sur les routes reste trop élevé. Dans la mesure où 90 % des accidents sont dus à une erreur humaine, la Commission estime que l’automatisation, la connectivité, ainsi que de nouvelles normes de conception des routes et des véhicules pourraient réduire le nombre d’accidents et leurs conséquences pour les conducteurs, les passagers et les usagers de la route vulnérables (par exemple les cyclistes).

3.2.

En particulier, la Commission a fixé l’objectif «Vision zero», qui vise à ramener à zéro le nombre de décès et d’accidents graves sur les routes d’ici à 2050. La proposition introduit également un objectif intermédiaire de réduction de moitié du nombre de décès et de blessés graves d’ici à 2030.

3.3.

Pour y parvenir, l’Union européenne a l’intention d’adopter de nouveaux outils technologiques et réglementaires en s’inspirant de l’approche pour un système sûr ( SAFE System (4) de l’Organisation mondiale de la santé. Cette approche se fonde sur le principe suivant: si l’on ne peut supprimer totalement les accidents, l’on peut prendre des mesures pour réduire le nombre de tués et de blessés graves.

3.4.

L’actuelle directive GSIR a été adoptée en 2008 afin de veiller à ce que les considérations relatives à la sécurité routière soient au cœur de toutes les étapes de planification, de conception et d’exploitation des infrastructures routières. Néanmoins, l’état d’avancement dans la mise en œuvre de cette directive varie fort d’un État membre à l’autre. Ces différences correspondent souvent à un niveau plus élevé d’accidents graves et mortels (5). C’est pourquoi il est essentiel d’harmoniser les règles en matière de sécurité et d’améliorer la sécurité avérée des infrastructures routières. Les États membres devraient bénéficier d’un soutien financier spécifique dans le cadre du mécanisme pour l’interconnexion en Europe (200 millions d’EUR) pour la période 2018-2020.

3.5.

La directive révisée vise à atteindre les objectifs mentionnés plus haut en introduisant les mesures suivantes:

rendre obligatoires la transparence et le suivi des procédures de gestion de la sécurité des infrastructures;

mettre en place une évaluation de l’ensemble du réseau routier et une procédure de cartographie des risques systématique et proactive en vue d’évaluer la sécurité «inhérente», ou intrinsèque, des routes dans l’ensemble de l’Union européenne;

étendre le champ d’application de la directive au-delà du réseau transeuropéen de transport (RTE-T) afin de couvrir les autoroutes et routes principales qui se trouvent en dehors du réseau ainsi que toutes les routes situées en dehors des zones urbaines, qui sont construites, en tout ou en partie, à l’aide de fonds de l’Union européenne. [Le réseau RTE-T se caractérise par d’importants volumes de trafic, mais grâce à des normes de sécurité élevées, les accidents mortels ne sont pas particulièrement fréquents (8 %)]. Le principal réseau routier de l’Union européenne représente 39 % de l’ensemble des décès sur les routes de l’Union. L’action coordonnée de l’Union européenne sur le principal réseau routier (y compris la partie ne faisant pas partie du RTE-T) devrait contribuer à la réalisation des objectifs «Vision Zero»;

fixer des exigences générales de performance en matière de signalisation et de marquage afin de déployer plus facilement des systèmes de mobilité coopérative, connectée et automatisée;

rendre obligatoire la prise en compte systématique des usagers de la route vulnérables dans toutes les procédures de gestion de la sécurité.

4.   Observations générales

4.1.

Le CESE se félicite de la proposition de la Commission visant à modifier la directive 2008/96/CE concernant la gestion de la sécurité des infrastructures routières. En particulier, le Comité souscrit à la déclaration de La Valette et est convaincu qu’une approche européenne renforcée est nécessaire pour obtenir de meilleurs résultats en matière de sécurité routière.

4.2.

Le troisième train de mesures sur la mobilité est composé d’un ensemble d’initiatives législatives connexes. Le Comité a décidé de consacrer un avis à chaque proposition législative. Le présent avis doit dès lors être lu et pris en considération compte tenu des avis antérieurs du CESE, mais aussi des avis élaborés en lien avec celui-ci, qui abordent des aspects spécifiques du troisième train de mesures sur la mobilité (6).

4.3.

Le Comité approuve l’objectif de la stratégie «Vision Zero», basé sur l’approche pour un système sûr. Cela nécessitera la participation de tous les secteurs et de tous les usagers de la route afin de renforcer la gouvernance. Il est important que les indicateurs fixés en vue de réaliser ces objectifs soient clairs et qu’ils puissent être surveillés. Les organisations de la société civile doivent être activement associées à toutes les étapes de l’élaboration, de la mise en œuvre, du suivi et de l’évaluation de la stratégie.

4.4.

Le CESE se félicite de la décision de consacrer un montant de 200 millions d’EUR (période 2018-2020) à la sécurité routière. Le CESE estime toutefois qu’il est nécessaire d’accroître le budget prévu dans le prochain cadre financier pluriannuel (CFP) pour la période 2021-2027, afin de garantir la continuité à long terme, de sorte que les objectifs ambitieux que l’Union européenne s’est elle-même fixés puissent être réalisés (7). (La Commission européenne estime à quelque 500 milliards d’EUR les investissements nécessaires pour mettre en place le réseau RTE-T central, étalés sur la période 2021-2030, et l’achèvement du réseau global à quelque 1 500 milliards d’EUR.)

4.5.

Le CESE est convaincu que la prévision d’un budget plus conséquent pour les transports aura une incidence positive supplémentaire sur la croissance et l’emploi en Europe. Les fonds investis auront un effet de levier, et contribueront ainsi à créer 13 millions d’emplois par an jusqu’en 2030, et à engendrer des recettes supplémentaires pouvant aller jusqu’à 4 500 milliards d’EUR (1,8 % du produit intérieur brut de l’Union européenne). En d’autres termes, chaque milliard d’euros investi dans le réseau RTE-T devrait créer jusqu’à 20 000 emplois (8).

4.6.

Le Comité est d’avis que l’initiative relative à une procédure de cartographie des risques systématique et proactive au sein du réseau RTE-T et sur toutes les autoroutes (en dehors du réseau RTE-T), ainsi que toutes les routes principales, constitue une étape cruciale dans la planification de l’ampleur et des caractéristiques des mesures relatives aux infrastructures du réseau routier européen. Néanmoins, compte tenu de l’état d’avancement variable du processus de mise en œuvre de la directive GSIR, il est important de fixer des objectifs et des échéances réalistes pour tous les États membres, et d’adopter des mesures financières adéquates pour soutenir les régions et les pays accusant le plus de retard (9).

4.7.

Le Comité attire l’attention sur le fait que la stratégie de l’Union européenne porte essentiellement sur le financement de la construction de nouvelles infrastructures. Néanmoins, des fonds suffisants doivent également être affectés à l’entretien et la réfection des routes existantes, étant donné que ces facteurs sont également d’une importance cruciale pour le maintien d’un haut niveau de sécurité routière.

4.8.

Il est crucial de fixer de nouvelles exigences générales de performance en matière de signalisation et de marquage afin de déployer des systèmes de mobilité coopérative, connectée et automatisée. Le Comité considère qu’il est indispensable de permettre aux véhicules et aux infrastructures routières de partager en permanence des informations afin de pouvoir faire face au «système de trafic mixte», qui se caractérise par l’utilisation de diverses technologies: conduite humaine, assistée et automatique (10). Afin de mener à bien la stratégie pour une mobilité sûre, il est important d’étendre cette approche à tous les moyens de transport disponibles (intermodalité), ce qui aura une incidence directe sur la réduction et la sécurité des volumes de trafic (11).

4.9.

Le CESE est convaincu que les nouvelles technologies pourront contribuer de manière significative à l’amélioration des normes de sécurité routière en tenant compte de leurs limites intrinsèques et des précautions nécessaires à leur utilisation. En outre, le CESE estime que toute stratégie concernant la sécurité routière doit commencer par l’éducation et la formation adéquates des conducteurs privés et professionnels, étant donné que l’erreur humaine reste l’une des principales causes d’accidents.

4.10.

Le CESE souscrit à la proposition de prendre systématiquement en compte les usagers de la route vulnérables dans toutes les procédures de gestion de la sécurité. Cette approche prend en compte les nouvelles tendances et habitudes des citoyens de l’Union européenne (par exemple, augmentation du nombre de cyclistes). Le Comité recommande le développement en parallèle d’autres dispositifs spécifiques relatifs à la sécurité des véhicules, et ce afin de boucler la boucle (par exemple, systèmes avancés de freinage d’urgence, avertissement de franchissement de ligne et conception différente des cabines de poids lourds pour améliorer la visibilité des cyclistes et des piétons, ou encore capteurs permettant de déceler leur présence) (12).

5.   Observations particulières

5.1.

Le CESE estime important que des infrastructures physiques et numériques soient développées en parallèle. Il importe également de finaliser dans les meilleurs délais la couverture 5G sur l’ensemble des autoroutes et des principaux réseaux routiers, afin de permettre une connectivité efficace entre les routes et les véhicules, ainsi qu’entre véhicules (13). Dans ce cas également, le CESE recommande qu’un soutien financier adéquat et à long terme soit prévu dans le prochain CFP 2021-2027.

5.2.

Le Comité, dans la droite ligne de la recommandation du Conseil européen pour la sécurité des transports (14), fait valoir que le champ d’application de la directive GSIR devrait être étendu à toutes les routes principales rurales et urbaines. Cette approche plus large est nécessaire si l’on veut enregistrer une réelle réduction drastique des accidents mortels et graves d’ici à 2030. Cette proposition se fonde sur le fait que la proposition de la Commission aura une incidence sur la moitié des accidents se produisant sur les routes de l’Union européenne, et que la grande majorité des accidents entraînant des blessures graves se produisent sur des routes situées en zone urbaine.

5.3.

En 2015, l’Union européenne a lancé une nouvelle stratégie visant à étendre la stratégie RTE-T aux pays des Balkans occidentaux (15). Cette initiative, soutenue par l’intermédiaire du cadre d’investissement en faveur des Balkans occidentaux (CIBO) et du mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE), devrait avoir un impact crucial sur le processus d’élargissement de l’Union européenne. Le CESE recommande notamment la mise en œuvre du plan d’action stratégique sur la sécurité routière dans le cadre de cet ambitieux projet d’infrastructure. Cette mesure doit être conforme à la proposition de la Commission visant à étendre le champ d’application de la directive GSIR aux infrastructures routières situées en dehors des zones urbaines, achevées grâce au soutien financier de l’Union européenne. En particulier, il devrait permettre à six pays des Balkans occidentaux d’adhérer à l’Union sans accuser un retard en matière de sécurité et d’infrastructures.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Base de données de l’Union européenne sur les accidents de la route, 2016.

(2)  COM(2018) 293 final, annexe 1.

(3)  COM(2018) 293 final.

(4)  Organisation mondiale de la santé, «SAuver des VIES — Module technique sur la sécurité routière», 2017.

(5)  CARE — Banque de données communautaire sur les accidents de la circulation routière.

(6)  TEN/666 — Une mobilité durable en Europe, Barbucci, 2018 (voir page 254 du présent Journal officiel); TEN/668 — Guichet unique maritime européen harmonisé + Systèmes d’information électronique pour le transport de marchandises, Back, 2018 (voir page 265 du présent Journal officiel); TEN/669 — Mise en œuvre des projets RTE-T, Dumitru Fornea, 2018 (voir page 269 du présent Journal officiel); TEN/675 — Poids et dimensions des véhicules routiers, Back, 2018 (voir page 286 du présent Journal officiel); TEN/672 — Mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE), Plosceanu et Watson, 2018 (JO C 440 du 6.12.2018, p. 19); TEN/673 — Mobilité connectée et automatisée, Samm, 2018 (voir page 274 du présent Journal officiel); TEN/674 — Étiquetage des pneumatiques, 2018 (voir page 280 du présent Journal officiel); TEN/667 (voir page 261 du présent Journal officiel); INT/863 — Sécurité des véhicules/protection des usagers vulnérables, Hencks, 2018 (JO C 440 du 6.12.2018, p. 90).

(7)  COM(2018) 277.

(8)  TEN/672 — Mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE), Plosceanu et Watson, 2018.

(9)  TEN/669 — Mise en œuvre des projets RTE-T, Dumitru Fornea, 2018.

(10)  TEN/673 — Mobilité connectée et automatisée, Samm, 2018.

(11)  TEN/666 — Une mobilité durable pour l’Europe, Barbucci, 2018.

(12)  INT/863 — Sécurité des véhicules/protection des usagers vulnérables, Hencks, 2018.

(13)  TEN/673 — Mobilité connectée et automatisée, Samm, 2018.

(14)  COM(2018) 274 final, p. 7.

(15)  http://europa.eu/rapid/press-release_STATEMENT-15-4826_fr.htm


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/265


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un système de guichet unique maritime européen et abrogeant la directive 2010/65/UE»

[COM(2018) 278 final — 2018/0139 (COD)]

et sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les informations électroniques relatives au transport de marchandises»

[COM(2018) 279 final — 2018/0140 (COD)]

(2019/C 62/41)

Rapporteur:

Stefan BACK

Consultation

Parlement européen, 11.6.2018

Conseil, 14-15.6.2018

Base juridique

Article 91, article 100, paragraphe 2, article 192, paragraphe 1, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

4.10.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

210/2/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE salue les deux propositions qui constituent l’une et l’autre une étape importante de la mutation numérique des transports, qui était l’un des objectifs énoncés dans le livre blanc de 2011 sur la politique des transports, ainsi qu’un progrès dans la mise en œuvre de la nouvelle stratégie industrielle présentée par la Commission en octobre 2017, des conclusions du Conseil du 5 décembre 2017 sur la mutation numérique des transports et enfin de la déclaration des Journées du transport numérique, signée à Tallinn le 10 novembre 2017.

1.2.

Le CESE est satisfait que la forme d’un acte législatif ait été retenue. L’expérience montre en effet qu’il est nécessaire d’imposer aux États membres des règles claires et contraignantes si l’on veut garantir le bon fonctionnement d’un système d’information électronique dans l’ensemble de l’Union européenne.

1.3.

Chaque proposition vise un degré d’harmonisation suffisant, tenant compte de la nature des tâches à accomplir.

1.4.

Le CESE souligne que la pertinence des exigences en matière de normes et de certification qui seront définies par la Commission dans les actes délégués ou les actes d’exécution sera d’une importance cruciale pour la bonne application des concepts avancés, ainsi que pour la confiance que les utilisateurs voudront bien accorder aux solutions numériques. En ce qui concerne la proposition concernant les informations relatives au transport de marchandises, il pourrait être essentiel de rendre le dispositif proposé obligatoire, non seulement pour les pouvoirs publics, mais aussi pour les utilisateurs.

1.5.

Le CESE estime qu’un parfait fonctionnement des systèmes, garantissant la sécurité, l’intégrité des communications, le respect de la vie privée et la confidentialité des informations commerciales ainsi que, le cas échéant, d’autres informations sensibles, sont autant d’éléments essentiels pour instaurer la confiance. Le CESE attire l’attention sur les travaux en cours au sein de la commission économique pour l’Europe du Conseil économique et social des Nations unies (CEE-ONU) visant à garantir des normes élevées et universelles en la matière.

1.6.

Le CESE souhaiterait que la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les informations électroniques relatives au transport de marchandises [COM(2018) 279] (la proposition sur les informations relatives au transport de marchandises) évolue sans tarder vers un système qui s’impose également aux utilisateurs, de manière à améliorer les gains d’efficacité, les réductions de coûts et la valeur ajoutée environnementale. La révision du règlement prévu à l’article 15 de la proposition pourrait offrir une occasion opportune d’y parvenir.

1.7.

Le CESE déplore également que le champ d’application de la proposition sur les informations relatives au transport de marchandises se limite aux exigences en matière d’information prévues par les actes de l’Union portant sur les conditions auxquelles les activités de transport peuvent être effectuées, en vertu du chapitre consacré aux transports dans le TFUE. Le CESE estime que les avantages de la numérisation devraient également s’appliquer à d’autres exigences administratives concernant ces opérations de transport. Le point 3.8 ci-dessous contient une proposition de libellé. Il est important d’envoyer, de façon générale, un signal en ce sens, sans préjudice des dispositions spécifiques actuelles ou futures.

1.8.

Le CESE attire aussi l’attention sur la valeur ajoutée potentielle qu’il y aurait à pouvoir soumettre, dans le monde entier, les informations aux autorités sous format électronique en usant de normes harmonisées telles que celles qu’élabore la CEE-ONU.

1.9.

En ce qui concerne plus particulièrement la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un système de guichet unique maritime européen et abrogeant la directive 2010/65/UE [COM(2018) 278] (la proposition relative au guichet unique maritime), le CESE craint que l’option qu’elle contient, qui consiste à laisser ouverte la possibilité d’introduire des exigences nationales spécifiques, puisse facilement faire obstacle au bon fonctionnement du marché intérieur. Le CESE fait le vœu que la mise en œuvre de cette option donne lieu à un suivi étroit de la part de la Commission, et qu’un dialogue permanent entre cette dernière et les États membres contribue à limiter ces exigences nationales spécifiques.

1.10.

Le CESE souligne l’importance de s’attaquer aux conséquences sociales de la mutation numérique dans ce contexte également. Une telle volonté passera par une information fournie suffisamment en amont, l’instauration d’un dialogue, la prise en compte du caractère évolutif des métiers, et par la nécessité de développer de nouvelles compétences tout en permettant à la main-d’œuvre de s’adapter au contexte nouveau. De l’avis du CESE, la mutation numérique des transports peut accroître l’attrait professionnel de ce secteur, et partant contribuer à résoudre les problèmes de recrutement auquel il est actuellement confronté.

2.   Les propositions de la Commission

2.1.

La Commission a présenté deux propositions liées entre elles, à savoir:

la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un guichet unique maritime européen harmonisé et abrogeant la directive 2010/65/UE [COM(2018) 278] (la proposition relative au guichet unique maritime), et

la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les informations électroniques relatives au transport de marchandises [COM(2018) 279] (la proposition sur les informations relatives au transport de marchandises).

2.2.

Les deux propositions sont liées sur le plan fonctionnel puisqu’elles instaurent un système de communication électronique entre les entreprises et les pouvoirs publics afin de faciliter le contrôle du respect d’un certain nombre d’obligations juridiques grâce à un système garantissant le caractère authentique et l’intégrité des informations fournies, ainsi que le respect des exigences sur le plan de la vie privée.

2.3.

La proposition relative au guichet unique maritime vise à remplacer la directive 2010/65/UE qui poursuivait un objectif similaire, mais qui s’est avérée inefficace, puisqu’elle donnait aux États membres une trop grande latitude dans la mise en œuvre; un défaut qui s’est traduit par des variations en matière de normes, de procédures et d’extension de la notification numérique, ce qui a entraîné une charge administrative accrue pour le transport maritime ainsi que des procédures administratives résiduelles devant être effectuées manuellement.

2.4.

Il apparaît que le système de guichet unique maritime en tant que tel est ouvert à tous les navires juridiquement soumis à des obligations de déclaration à leur entrée dans les ports des États membres.

2.5.

La proposition sur les informations relatives au transport de marchandises vise à établir l’obligation pour les autorités des États membres d’accepter une documentation électronique aux fins de conformité à l’obligation faite aux entreprises de soumettre des documents attestant le respect des exigences découlant d’un certain nombre d’actes législatifs européens concernant le transport de marchandises ainsi que les conditions de transfert des déchets. À cette fin, ladite proposition crée un système d’information électronique pour le transport de marchandises (eFTI) qui consiste en un cadre pour la fourniture de services comprenant un ensemble de données, de procédures et de règles d’accès communes, d’obligations applicables aux plateformes et aux services eFTI, ainsi qu’un système de certification.

2.6.

L’option prévue dans la proposition est accessible aux opérateurs soumis aux obligations en matière d’information juridique ou de documentation énoncées dans la proposition.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE accueille favorablement les deux propositions, qui poursuivent l’objectif général de numérisation des transports défini initialement dans le livre blanc de 2011 sur la politique des transports, repris ultérieurement, par exemple, dans le cadre de la stratégie pour un marché unique numérique ou dans la nouvelle stratégie industrielle présentée par la Commission en octobre 2017, ainsi que dans les conclusions du Conseil du 5 décembre 2017 sur la mutation numérique des transports qui faisaient suite à la déclaration des Journées du transport numérique, signée à Tallinn le 10 novembre 2017.

3.2.

Le CESE réitère son soutien à des solutions innovantes, et se déclare satisfait que la forme d’un acte législatif ait été choisie, sachant qu’il est nécessaire d’imposer aux États membres des règles claires et contraignantes si l’on entend garantir le bon fonctionnement d’un système d’information électronique dans l’ensemble de l’Union européenne.

3.3.

Dans ce contexte — et en raison du caractère essentiellement non contraignant de son contenu — le CESE rappelle ses mises en garde quant aux difficultés d’exécution de la directive, que la proposition de guichet unique maritime devrait, en cas d’adoption, abroger.

3.4.

Ceci étant dit, le CESE convient qu’il pourrait être nécessaire de trouver un équilibre entre harmonisation complète et interopérabilité. Il est évident qu’une harmonisation poussée s’impose dans le contexte d’un système destiné à faciliter le dédouanement des navires à leur entrée et à leur sortie des ports européens, ce qui implique, par exemple, de pouvoir disposer d’une interface parfaitement opérationnelle entre les bateaux et la côte, fonctionnant selon des normes et des procédures harmonisées. Un degré moindre d’harmonisation peut être accepté dans le cadre d’un système qui sert essentiellement à garantir des procédures adéquates et sécurisées, destinées à mettre à la disposition des pouvoirs publics la documentation garantissant que la législation européenne est respectée.

3.5.

Dans ce contexte, le CESE considère que chacune des deux propositions vise le niveau d’harmonisation qui convient.

3.6.

Le CESE prend note du fait que la proposition sur les informations relatives au transport de marchandises crée fondamentalement une possibilité, et non l’obligation, que la documentation puisse être transmise sous format électronique. Le CESE accepte les justifications de ce choix à ce stade, tout en souhaitant néanmoins une évolution rapide vers un système obligatoire, dans la mesure où celui-ci faciliterait considérablement le contrôle de la conformité à toutes les étapes, et permettrait de réduire la consommation de papier, au bénéfice, en particulier, des personnels opérationnels, notamment des chauffeurs routiers. La révision du règlement prévu à l’article 15 de la proposition pourrait offrir une occasion opportune de s’emparer du problème.

3.7.

En vertu de son article 1er, paragraphe 2, la proposition «s’applique aux exigences en matière d’informations réglementaires énoncées dans les actes de l’Union établissant les conditions pour le transport de marchandises sur le territoire de l’Union conformément au titre VI de la troisième partie du traité, ou établissant les conditions pour les transferts de déchets.» Le CESE se demande si une telle formulation ne limite pas excessivement le droit de communiquer des informations et des documents sous format électronique. Il peut sembler que les actes de l’Union énumérés à l’annexe I de la proposition sur les informations relatives au transport de marchandises sont uniquement ceux traitant directement des conditions d’accès au marché.

3.8.

Le CESE considère que d’autres exigences en matière de documentation administrative ou d’information pourraient également bénéficier du droit de soumission sous format électronique. C’est le cas, par exemple, des notifications de détachement et des informations à fournir dans le cadre de détachements de travailleurs, ou encore des informations produites pour démontrer le respect des dispositions relatives aux temps de conduite et de repos. Pour le CESE, le champ d’application de la proposition pourrait être élargi en ajoutant les termes «et autres dispositions les concernant» après l’expression «pour les transferts de déchets» à l’article 1er, paragraphe 2. Le CESE considère qu’il est important d’envoyer plus généralement un signal en ce sens, sans préjudice des dispositions spécifiques actuelles ou futures.

3.9.

Le CESE attire également l’attention, dans une perspective de développement durable, sur l’importance de réduire la quantité de papier imprimé, un aspect qui est également évoqué dans la proposition sur les informations relatives au transport de marchandises.

3.10.

Le CESE prend note des dispositions spécifiques contenues dans les deux propositions pour garantir la confidentialité des informations commerciales et, dans le cas du guichet unique maritime, d’autres informations sensibles. En outre, le CESE souhaite attirer l’attention sur le niveau élevé de sécurité contre les manipulations, et le haut degré de protection de la vie privée inhérent à une «Pipeline Data Exchange Structure (PDES)» (structure en circuit d’échange de données) à la fois bien conçue et bien gérée.

3.11.

Le CESE souligne l’importance des travaux en cours au sein de la CEE-ONU sur les questions exposées au paragraphe 3.10 ci-dessus et, en particulier, son livre blanc sur le «Data Pipeline Concept for Improving Data Quality in the Supply Chain» (le concept de circuit de données pour améliorer la qualité des données tout au long de la chaîne d’approvisionnement). Pour le CESE, il s’agit là d’un argument supplémentaire pour donner la plus grande extension possible à l’obligation de produire la documentation sous format électronique.

3.12.

Le CESE attire l’attention ici sur la valeur ajoutée potentielle qu’il y aurait à pouvoir soumettre aux autorités, dans le monde entier, les informations sous format électronique en usant de normes harmonisées, telles que celles qu’élabore la CEE-ONU.

3.13.

En ce qui concerne les deux propositions, la tâche qui incombe à la Commission en matière d’élaboration de normes et de critères de certification est cruciale. Le CESE souligne qu’il est essentiel de disposer d’un cadre qui inspire la confiance et fonctionne sans inutile complexité afin de garantir la bonne marche des systèmes proposés et produire la valeur ajoutée escomptée. Ce cadre constitue également un facteur essentiel pour instaurer la confiance à l’égard des solutions numériques dans l’ensemble du secteur des transports.

3.14.

Le CESE insiste sur la nécessité, dans ce contexte également, de s’attaquer aux aspects sociaux de la mutation numérique. De toute évidence, la numérisation va transformer l’environnement de travail, créer de nouveaux emplois et imposer de recourir à de nouvelles compétences, et il importe de se pencher suffisamment tôt sur la nécessité de donner à la main-d’œuvre les moyens de s’adapter aux circonstances nouvelles. Le CESE souligne également l’importance de communiquer rapidement les informations et de permettre que s’engage un dialogue quant aux changements à venir. De l’avis du CESE, la mutation numérique des transports peut accroître l’attrait professionnel de ce secteur, et partant, contribuer à résoudre les problèmes de recrutement auquel il est actuellement confronté.

4.   Observations particulières

4.1.   La proposition de guichet unique maritime

4.1.1.

Par rapport à la directive 2010/65/UE, la proposition relative à la proposition de guichet unique maritime est très complète. Elle apparaît capable de fournir un cadre adéquat pour faciliter l’accomplissement des formalités d’arrivée et de départ, et elle semble par conséquent avoir corrigé les éléments manquants et l’absence d’harmonisation qui avait produits des effets négatifs affectant les utilisateurs lors de la mise en œuvre de la directive 2010/65/UE.

4.1.2.

Le CESE approuve le choix de la Commission de ne pas proposer un guichet unique européen, mais plutôt des guichets uniques nationaux. Même si de solides arguments plaident en faveur d’un guichet unique à l’échelle de l’Union européenne, une solution fondée sur les guichets uniques nationaux permettra d’éviter les coûts irrécupérables découlant des investissements déjà réalisés au niveau national, et de considérer que de telles exigences administratives nationales spécifiques peuvent être nécessaires.

4.1.3.

Le CESE souligne que l’harmonisation visant à faciliter le bon fonctionnement du marché intérieur constitue un élément clé de la proposition, et qu’il importe de veiller à ce qu’elle ne soit pas mise en cause.

4.1.4.

Par conséquent, le CESE émet quelques réserves quant à l’option laissée ouverte pour des exigences nationales spécifiques, lesquelles pourraient facilement faire obstacle au bon fonctionnement du marché intérieur. Le CESE demande donc à la Commission de suivre de près les exigences nationales spécifiques du point de vue du marché intérieur, et de maintenir un dialogue permanent avec les États membres afin de limiter autant que possible lesdites exigences nationales spécifiques.

4.2.   La proposition sur les informations électroniques relatives au transport de marchandises

4.2.1.

Au premier chef, le CESE prend note du rôle décisif que joueront les actes d’exécution et les actes délégués que la Commission va adopter au titre de la présente proposition, et il souligne l’importance de ceux d’entre eux qui prendront effet rapidement, dans la mesure où ils sont essentiels au bon fonctionnement du règlement proposé.

4.2.2.

À cet égard, le CESE attire l’attention de la Commission sur le livre blanc de la CEE-ONU susmentionné, et notamment sur les éléments qui concernent la «Pipeline Data Exchange Structure (PDES)» (la structure en circuit d’échange de données) qui s’y trouve décrite comme une structure pertinente pour garantir un système sûr et inviolable d’échange de données aux différents stades d’un circuit de transport.

4.2.3.

Le CESE insiste sur les déclarations effectuées plus haut concernant le haut degré de sécurité dont doit se prévaloir un système d’échange de documents électroniques intelligemment conçu et appliqué, et il souligne à nouveau que l’objectif de contrôle de la conformité figurant dans la présente proposition constitue un argument de poids en faveur d’un examen de l’obligation d’une documentation en format électronique dans le cadre du réexamen du règlement prévu à l’article 15 de la proposition concernant les informations relatives au transport de marchandises.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/269


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant des mesures de rationalisation en vue de progresser dans la réalisation du réseau transeuropéen de transport»

[COM(2018) 277 final — 2018/0138 (COD)]

(2019/C 62/42)

Rapporteur:

Dumitru FORNEA

Consultation

Parlement européen, 11.6.2018

Conseil, 15.6.2018

Base juridique

Article 172, premier alinéa, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Décision de l’assemblée plénière

22.5.2018

Compétence

«Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

4.10.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

210/3/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) a la ferme conviction que les initiatives regroupées dans le troisième paquet «L’Europe en mouvement» sont nécessaires pour mettre en place un cadre juridique efficace au niveau européen, mais aussi pour réaffirmer l’engagement politique et financier des États membres en faveur du développement du réseau transeuropéen de transport RTE-T dans les délais fixés, à savoir la finalisation du réseau central d’ici à 2030 et celle du réseau global d’ici à 2050.

1.2.

Le CESE constate que la proposition de règlement apporte une valeur ajoutée par le fait que, sur la base des meilleures pratiques recensées dans l’Union, elle régit certains aspects essentiels dont dépendent non seulement le respect des délais de mise en œuvre des projets, mais également le maintien de leur attractivité et celui de l’intérêt des investisseurs publics ou privés à participer à des appels d’offres publics pour des contrats dans le domaine de l’infrastructure de transport.

1.3.

Le CESE accueille favorablement l’approche de la Commission comme opportune et pertinente par rapport à l’objectif principal de la proposition de règlement, qui est la réduction des retards rencontrés dans la mise en œuvre des projets d’infrastructure RTE-T. En effet, ces retards peuvent être considérablement réduits par la reconnaissance du statut prioritaire des projets d’intérêt commun, l’établissement d’autorités compétentes uniques, qui devraient disposer d’un personnel compétent et de moyens adéquats, et regrouper entités et organismes concurrents de manière à conduire à une réelle simplification administrative, l’intégration et la coordination des procédures ou encore l’application d’une seule législation nationale en cas de passation de marchés par une entité commune.

1.4.

Le CESE se félicite de l’initiative de la Commission visant à établir un niveau de référence pour la durée des procédures d’autorisation et considère qu’il est raisonnable de limiter à un maximum de trois ans la durée de l’ensemble de la procédure d’octroi des autorisations, mais souligne toutefois qu’il est important de prendre en compte les points de vue des autorités nationales compétentes de manière que les délais proposés soient réalistes par rapport aux situations concrètes des États membres.

1.5.

Le CESE estime que, dans certains États membres, le respect des délais obligatoires prévus dans la proposition de règlement à l’examen nécessitera d’adopter des mesures juridiques et administratives à caractère de réforme, qui permettront aux institutions juridiques et administratives concernées d’accélérer leurs méthodes de travail et d’en renforcer l’efficacité, de sorte qu’elles ne risquent pas d’être assignées devant les juridictions (nationales ou européennes) pour non-respect des délais fixés.

1.6.

Le CESE approuve les mesures d’assistance technique proposées à l’article 9 mais signale à la Commission qu’il est nécessaire d’apporter des précisions supplémentaires concernant les critères d’éligibilité et la procédure à suivre pour bénéficier de l’assistance technique envisagée dans la proposition de règlement.

1.7.

Le CESE estime qu’il est possible d’accélérer le rythme de mise en œuvre des projets d’infrastructure à la condition d’établir au niveau européen des conditions contractuelles standard et des modalités spécifiques pour les procédures d’adjudication.

1.8.

Le Comité pense que les autorités nationales peuvent limiter les conflits liés à la mise en œuvre des projets RTE-T en associant les parties concernées/intéressées dès la phase de conception des infrastructures de transport, et en organisant efficacement et en temps utile des consultations avec les citoyens, les organisations de la société civile et des autorités locales compétentes.

1.9.

Le CESE attire l’attention sur le fait qu’il est essentiel, pour assurer un environnement politique et social propice à la mise en œuvre des politiques européennes en matière d’infrastructures de transport, de prendre conscience et d’identifier suffisamment tôt les actions à caractère dénigrant pour des projets RTE-T. Les autorités européennes peuvent neutraliser les effets destructeurs de la désinformation en maintenant un contact permanent avec les médias ou encore en renforçant les mécanismes institutionnels permettant de garantir l’information correcte et la consultation des citoyens.

1.10.

Le CESE note une incohérence dans le texte de la proposition dans la mesure où, dans les définitions figurant à l’article 2, point e), «projet transfrontière d’intérêt commun», cette notion ne concerne que les projets mis en œuvre par une entité commune. Toutefois, à l’article 7, paragraphe 2, et à l’article 8, paragraphe 1, la même notion semble également couvrir des projets dans le cadre desquels aucune entité commune n’a été mise en place.

1.11.

Le CESE a la conviction qu’il est possible de renforcer les mécanismes de coordination transfrontière prévus pour le réseau RTE-T en dotant les coordinateurs européens de pouvoirs accrus et en améliorant leurs moyens d’action. Pour une utilisation optimale de l’expérience et des capacités des coordonnateurs européens, il serait peut-être nécessaire de réviser la législation régissant leurs compétences dans le sens d’une extension de celles-ci, avec pour objectif de renforcer le leadership européen dans la mise en œuvre des projets d’infrastructures de transport transfrontalières menés par les États membres.

1.12.

Le CESE fait remarquer qu’il ne ressort pas clairement du document quelles sont les sanctions pour non-respect des dispositions légales établies par la proposition de règlement. L’objectif principal étant la réduction des retards, il est nécessaire de clarifier ce point afin de consolider la force juridique du règlement et de veiller à ce que les citoyens, la société civile, les pouvoirs publics et les juridictions nationales ou européennes puissent bénéficier d’un cadre juridique transparent et prévisible.

2.   Observations générales

2.1.

La proposition de règlement qui fait l’objet du présent avis a été lancée par la Commission en mai 2018 afin de compléter les initiatives regroupées dans le troisième paquet «L’Europe en mouvement», en mettant l’accent sur les mesures juridiques et administratives susceptibles d’accélérer le rythme de mise en œuvre des programmes d’investissement pour la réalisation du réseau transeuropéen de transport (RTE-T) dans les délais fixés (finalisation du réseau central d’ici à 2030 et du réseau global d’ici à 2050).

2.2.

La Commission européenne estime à quelque 500 milliards d’EUR les investissements nécessaires pour mettre en place le réseau RTE-T central, étalés sur la période 2021-2030, et l’achèvement du réseau global à quelque 1 500 milliards d’EUR. Les montants investis dans cette infrastructure européenne de transport auront un effet de levier en contribuant à créer 13 millions d’années-emplois jusqu’en 2030 et à générer des recettes supplémentaires pouvant aller jusqu’à 4 500 milliards d’EUR (1,8 % du produit intérieur brut de l’Union européenne).

2.3.

En juin 2018, la Commission a annoncé son intention d’allouer 30,6 milliards d’EUR au financement du mécanisme pour l’interconnexion en Europe dans le cadre financier pluriannuel 2021-2027. Nominalement, ce montant représente une progression de 47 % par rapport à la période 2014-2020. Toutefois, l’engagement de l’Union européenne et sa contribution importante à la réalisation du RTE-T ne sont pas suffisants sans l’engagement sérieux des États membres, qui doivent trouver des solutions alternatives pour assurer le cofinancement ou le financement intégral des projets d’infrastructures de transport.

2.4.

La mise en œuvre des programmes d’investissement dans le réseau RTE-T suppose à la fois l’identification des investisseurs et la mise à disposition des fonds nécessaires, ainsi que la création des conditions juridiques et administratives qui permettront que les investissements se fassent dans les délais et aux normes de qualité établis. Il ressort de consultations publiques que toutes les parties prenantes (les investisseurs publics et privés, les entreprises, les organisations de la société civile et les citoyens) demandent que les procédures bureaucratiques liées à la mise en œuvre des projets d’infrastructures soient efficaces et prévisibles, conformes aux principes du développement durable et en phase avec l’évolution des technologies numériques, et qu’elles ciblent les résultats prévus par les politiques publiques européennes et nationales de promotion de la mobilité dans l’Union européenne.

2.5.

L’article 6 de la proposition de règlement fixe les étapes et les délais pour la mise en œuvre de la procédure d’octroi des autorisations: une phase de demande préalable, qui n’excède pas deux ans, et une phase d’évaluation de la demande et de prise de décision par l’autorité compétente unique, qui n’excède pas un an. Les délais fixés dans la proposition sont sans préjudice direct notamment des procédures de recours administratif et judiciaire devant une cour ou un tribunal.

2.6.

Dans la phase précédant la demande figurent les délais que l’autorité compétente unique doit respecter pour l’achèvement d’étapes essentielles de cette phase. Dès lors:

dans un délai de maximum deux mois à compter de la notification par un promoteur de projet, l’autorité compétente unique doit approuver ou non le lancement de la procédure d’octroi des autorisations, ou notifier par écrit si elle estime que le projet n’est pas suffisamment avancé;

au plus tard trois mois après le début de la procédure d’octroi des autorisations, l’autorité compétente unique, en collaboration étroite avec le promoteur de projet et les autres autorités concernées, élabore et communique une description détaillée de la demande qui doit être introduite en vue de l’octroi des autorisations nécessaires à la mise en œuvre du projet;

au plus tard deux mois après la date de dépôt du dossier de demande complet, l’autorité compétente doit confirmer par écrit au promoteur du projet que son dossier de demande est complet.

2.7.

À la lumière des considérations susmentionnées, la Commission poursuit quatre objectifs principaux avec cette initiative législative:

I.

réduire les retards accumulés dans la mise en œuvre des projets d’infrastructures pour la réalisation du réseau RTE-T;

II.

clarifier davantage les procédures à suivre par ceux qui promeuvent/mettent en œuvre les projets, en particulier dans le cadre des procédures d’octroi d’autorisations ou de marchés publics, mais aussi pour les demandes relatives aux aides d’État ou dans d’autres situations prévoyant la participation d’une autorité publique;

III.

s’assurer de l’application systématique d’un cadre unique pour les projets transfrontaliers mis en œuvre par une entité commune, sauf quand les États membres participants en décident autrement;

IV.

apporter une plus grande clarté pour les citoyens et la société civile en renforçant le cadre de transparence pour leur participation à la planification et à la mise en œuvre des projets relatifs au RTE-T.

3.   Observations spécifiques

3.1.

Le CESE considère que l’achèvement du réseau RTE-T ne sera pas possible sans un engagement politique fort de la part des États membres, sans un leadership et une coopération renforcée au niveau européen. Sur la base des meilleures pratiques recensées dans l’Union européenne, la proposition de règlement apporte une valeur ajoutée par le fait qu’elle régit certains aspects essentiels dont dépendent non seulement le respect des délais de mise en œuvre des projets, mais également le maintien de leur attractivité et celui de l’intérêt des investisseurs publics ou privés à participer à des appels d’offres publics pour des contrats dans le domaine des infrastructures de transport.

3.2.

Le CESE accueille favorablement l’approche de la Commission comme opportune et pertinente par rapport aux aspects essentiels faisant l’objet de la proposition de règlement, notamment la reconnaissance du statut prioritaire des projets RTE-T d’intérêt commun, la mise en place de procédures intégrées d’octroi des autorisations, la désignation d’une autorité compétente unique pour l’octroi des autorisations, la fixation de la durée de la procédure d’autorisation et de mise en œuvre de l’autorisation, la coordination de la procédure d’octroi des autorisations pour les projets transfrontières, la simplification des procédures relatives aux marchés publics dans le cadre des projets transfrontières d’intérêt commun, l’assistance technique de l’Union européenne en vue de l’application du règlement et de la mise en œuvre des projets d’intérêt commun;

3.3.

L’option stratégique de la Commission d’ actions contraignantes restreintes devant être décentralisées et mises en œuvre au niveau national se comprend dans le contexte des évolutions politiques actuelles dans certains États membres et nous offre une image intéressante sur la façon dont les gouvernements nationaux se positionnent par rapport aux initiatives législatives de l’Union européenne qui préconisent la coopération au niveau européen dans les domaines relevant de la subsidiarité.

3.4.

Si les délais pour les procédures d’autorisation prévus dans la proposition de règlement sont les bienvenus, ils sont plutôt optimistes compte tenu des contraintes découlant du respect des législations nationales en matière d’investissements et de marchés publics.

3.5.

Le CESE se félicite de l’initiative de la Commission visant à établir un niveau de référence pour la durée des procédures d’autorisation, mais souligne toutefois qu’il est important de consulter les autorités nationales compétentes de manière que les délais proposés soient réalistes parrapport aux situations concrètes des États membres. L’expérience accumulée à ce jour montre que le temps nécessaire pour accomplir les différentes étapes de la procédure, notamment celle de l’approbation des documents techniques, des indicateurs technico-économiques et des procédures de marché public, de conclusion des contrats correspondants et de leur exécution dans les délais et les conditions prévus par la législation nationale, pourrait dépasser largement les délais proposés par le règlement à l’examen.

3.6.

Certains retards enregistrés jusqu’à présent dans la mise en œuvre des projets RTE-T sont dus à des architectures institutionnelles nationales inappropriées et, dans certains cas, excessivement politisées, dans le cadre desquelles les pouvoirs publics n’ont pas été capables de se réformer et d’adopter des méthodes de travail modernes, continuant de fonctionner sur la base de procédures administratives obsolètes et abandonnées depuis longtemps par les organisations utilisant à grande échelle les applications de la révolution numérique.

3.7.

Dans la situation susmentionnée, le règlement à l’examen aura un impact direct sur les structures administratives des États membres dont les résultats sont en-deçà du niveau fixé à l’échelon européen. Il y a lieu d’envisager une réforme de ces institutions et, à cet égard, l’assistance technique proposée à l’article 9 est la bienvenue pour les États membres qui y feront appel lors de la mise en œuvre des projets en vue de la réalisation du réseau central RTE-T. Il semble toutefois nécessaire d’apporter des précisions supplémentaires concernant les critères d’éligibilité et la procédure à suivre pour bénéficier de l’assistance technique envisagée dans la proposition de règlement.

3.8.

Une grande partie des retards est principalement imputable à des contentieux causés par des conflits entre diverses parties intéressées ou concernées dans le cadre de la mise en œuvre des projets. L’administration de la justice implique notamment d’assurer un équilibre entre les droits des citoyens et le droit de l’État. La compétence exclusive des États membres dans le domaine de la justice, mais aussi le cadre juridique national et européen particulièrement complexe en ce qui concerne les procédures d’autorisation pour les projets d’infrastructure donnent lieu à une mosaïque de conditionnalités juridiques inévitables, susceptible d’affaiblir sensiblement les objectifs ambitieux de la Commission.

3.9.

La durée des recours administratifs et des procès dans les tribunaux et les effets des conditions suspensives, les défis d’ordre technique dans la réalisation des travaux d’infrastructure, l’absence de documents administratifs absolument nécessaires pour garantir la légalité ou l’absence des fonds nécessaires ont une incidence sur la durée des procédures d’autorisation des projets. Par conséquent, les institutions européennes seront obligées de tenir compte de ces aspects lorsqu’elles prendront la décision finale concernant les délais d’autorisation régis au niveau européen par la proposition de règlement.

3.10.

De même, une meilleure formation et spécialisation des magistrats, des fonctionnaires de justice et des avocats dans le domaine des projets d’infrastructures d’intérêt public pourrait contribuer, dans le plein respect de la légalité, à réduire la durée des procédures et à renforcer la qualité de la justice.

3.11.

Les procédures d’appel d’offres et de passation des marchés relatifs aux travaux d’infrastructure de transport prennent un temps considérable, ce qui contribue de manière significative à l’accumulation de retards dans la mise en œuvre des projets RTE-T. Le CESE estime qu’il est possible d’accélérer le rythme de mise en œuvre des projets d’infrastructure à la condition d’établir au niveau européen des conditions contractuelles standard et des modalités spécifiques pour les procédures d’adjudication.

3.12.

Le Comité pense que les autorités nationales peuvent limiter les conflits liés à la mise en œuvre des projets RTE-T en associant les parties concernées/intéressées dès la phase de conception des infrastructures de transport, et en organisant efficacement et en temps utile des consultations avec les citoyens, les organisations de la société civile et des autorités locales compétentes. Le dialogue social et civil au niveau national, régional et local pourrait apporter une contribution déterminante, tant dans le processus d’acceptation publique des projets d’infrastructures de transport que dans le cadre de l’amélioration du mode de fonctionnement de l’administration, en définissant et mettant en œuvre des procédures d’autorisation intégrées.

3.12.1.

Le CESE note une incohérence dans le texte de la proposition dans la mesure où, dans les définitions figurant à l’article 2, point e), «projet transfrontière d’intérêt commun», cette notion ne concerne que les projets mis en œuvre par une entité commune. Toutefois, à l’article 7, paragraphe 2, et à l’article 8, paragraphe 1, la même notion semble également couvrir des projets dans le cadre desquels aucune entité commune n’a été mise en place.

3.13.

Dans certains États membres, les projets d’infrastructures RTE-T ou RTE-E font l’objet de campagnes de désinformation et de dénigrement du fait qu’ils entrent parfois en contradiction avec les intérêts géopolitiques de certains États ou groupes d’intérêts souhaitant capitaliser politiquement sur les réalisations ou l’absence de réalisations dans le cadre de la mise en œuvre des projets d’infrastructure soutenus par l’Union européenne. Il est essentiel, pour assurer un environnement politique et social propice à la mise en œuvre des politiques européennes en matière d’infrastructures de transport, de prendre conscience et d’identifier suffisamment tôt ce type de menaces. Les autorités européennes peuvent neutraliser les effets destructeurs de la désinformation en maintenant un contact permanent avec les médias ou encore en renforçant les mécanismes institutionnels permettant de garantir l’information correcte et la consultation des citoyens.

3.14.

Le CESE a la conviction qu’il est possible de renforcer les mécanismes de coordination transfrontière prévus pour le réseau RTE-T en dotant les coordinateurs européens de pouvoirs accrus et en améliorant leurs moyens d’action. La proposition de règlement aborde cette question et précise le rôle important de ces coordinateurs RTE-T, qui sont non seulement habilités à suivre de près la procédure d’octroi des autorisations pour les projets européens d’intérêt commun, mais également à rendre compte régulièrement des progrès accomplis. Pour une utilisation optimale de l’expérience et des capacités des coordonnateurs européens, il serait peut-être nécessaire de réviser la législation régissant leurs compétences dans le sens d’une extension de celles-ci, avec pour objectif de renforcer le leadership européen dans la mise en œuvre des projets d’infrastructures de transport transfrontalières menés par les États membres.

3.15.

Le CESE constate que le mode de sanction en cas de non-respect des dispositions légales établies dans la proposition à l’examen n’est pas prévu. Clarifier ce point permettrait de renforcer la force juridique du règlement et de veiller à ce que les citoyens, la société civile, les pouvoirs publics et les juridictions nationales ou européennes puissent bénéficier d’un cadre juridique transparent et prévisible.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/274


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — En route vers la mobilité automatisée: une stratégie de l’Union européenne pour la mobilité du futur»

[COM(2018) 283 final]

(2019/C 62/43)

Rapporteur:

M. Ulrich SAMM

Consultation

Commission européenne, 18.6.2018

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

4.10.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

207/1/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE accueille favorablement la communication sur la mobilité connectée et automatisée, qui contient une abondance de nouveaux dispositifs destinés aux consommateurs et aux entreprises du secteur des transports. Le CESE est convaincu des avantages de la mobilité automatisée pour notre société, en ce qu’elle offrira de nouveaux services pour la mobilité des personnes, plus de débouchés pour l’économie du partage et des possibilités d’optimisation du trafic, avantageuses sur le plan environnemental, et qu’elle assurera la mobilité de ceux qui ne sont pas eux-mêmes en mesure de conduire.

1.2.

L’industrie automobile de l’Union, forte de son expertise dans le développement de technologies liées aux véhicules, est bien placée pour saisir ces opportunités, pour autant toutefois que l’Union européenne définisse des normes permettant un fonctionnement transfrontière et une interopérabilité entre différentes marques de voitures.

1.3.

L’une des caractéristiques essentielles de la conduite automatisée ou semi-automatisée est qu’elle pourrait améliorer significativement la sécurité active des véhicules terrestres et qu’elle pourrait réduire sensiblement le nombre d’accidents mortels, voire les éliminer entièrement. Cependant, des accidents mortels impliquant des véhicules automatisés lors de la phase d’expérimentation pourrait marquer le coup d’arrêt de cette technologie. En conséquence, le CESE recommande que la réalisation de tous les projets pilotes et procédures d’essais en matière de conduite autonome réponde aux normes de sécurité les plus strictes, quand bien même cette condition contraignante pourrait ralentir les développements par rapport à la concurrence dans les pays tiers. Sur le long terme, une telle démarche aboutira à de meilleurs produits, qui seront mieux acceptés.

1.4.

Le CESE a la conviction que les voitures sans conducteur (niveau 5 d’automatisation) ne seront acceptées qu’à la condition qu’elles soient aussi sûres que les autres systèmes de transport de passagers, comme les trains ou les avions gros-porteurs, en garantissant une sécurité proche de 100 %. Cet impératif constituera un obstacle de poids tant que les véhicules autonomes circuleront sur les mêmes routes que les voitures conventionnelles et les autres usagers de la route, (cyclistes, piétons et véhicules à usage spécial). La «sécurité à 100 %» n’en pourrait pas moins constituer un facteur essentiel pour résoudre les questions éthiques spécifiques que soulèvent les véhicules autonomes.

1.5.

Le CESE reconnaît que les véhicules semi-automatisés (de niveaux 1 à 4), dotés de divers dispositifs d’assistance, peuvent déjà faire baisser le nombre d’accidents mortels, et il soutient par conséquent la démarche de la Commission consistant, dans le cadre de la révision du règlement sur la sécurité générale des véhicules à moteur, à embarquer davantage de nouvelles fonctions de sécurité dans les véhicules. Il relève toutefois deux points problématiques, qui peuvent faire obstacle à leur acceptation par le grand public, à savoir a) les coûts supplémentaires et b) la complexité croissante que présente la conduite d’une automobile.

1.6.

La formation traditionnelle qui est dispensée pour l’obtention d’un permis de conduire ne couvre pas les technologies les plus modernes des dispositifs d’assistance. Il est évident qu’une formation supplémentaire est nécessaire en la matière. Le CESE estime que l’industrie automobile doit, de concert avec les municipalités, mettre sans plus attendre à la disposition des conducteurs particuliers et professionnels des stages et sites de formation, faute de quoi la mise en place des nouvelles technologies liées à la sécurité sera considérablement entravée.

1.7.

La formation à la conduite semi-automatisée, qui exige de nouvelles compétences et implique de nouvelles responsabilités, sera essentielle pour moderniser la profession de chauffeur et répondre à la demande croissante en matière de transport.

1.8.

Le CESE reconnaît que si l’on parvient à introduire une automatisation complète (de niveau 5) à l’avenir, celle-ci pourrait en définitive entraîner des destructions d’emplois à grande échelle (conducteurs d’autobus et de camion). Il affirme que les avantages de l’automatisation doivent être partagés par la société dans son ensemble et, en conséquence, il invite instamment les partenaires sociaux à planifier les évolutions futures de manière concertée et, finalement, à négocier collectivement de nouveaux accords portant sur l’introduction de cette technologie dans le transport routier.

1.9.

Il conviendrait de remanier la directive sur la responsabilité concernant les produits de sorte qu’elle couvre à la fois les biens meubles et les services, aussi bien que les produits comportant des logiciels intégrés, afin que les consommateurs n’aient pas de recherches à effectuer pour déterminer à qui incombe la responsabilité. En outre, dans un environnement numérique à la complexité accrue, la charge de la preuve en cas de produit défectueux constitue elle aussi un sujet de préoccupation et devrait être réglementée d’une manière qui soit lisible pour le consommateur. Le Comité demande en particulier à la Commission d’anticiper les modifications à apporter à la directive sur l’assurance en lien avec les véhicules à moteur sans conducteur et de garantir l’indemnisation des victimes d’accidents.

1.10.

Du fait d’une connectivité accrue, il est possible d’accéder partout dans le monde aux données des véhicules. Nous savons, à la lumière de l’expérience acquise dans le secteur des smartphones et des ordinateurs personnels, qu’une telle situation crée d’importantes difficultés sur le plan de la sûreté, de la sécurité et de la vie privée. Les mêmes normes ne sauraient s’appliquer aux véhicules, pour lesquels existe un risque de mort ou de blessure. Le CESE souligne par conséquent que toute nouvelle réglementation sur l’accès aux données des véhicules doit respecter le principe de la priorité accordée à la sécurité.

1.11.

Le CESE se félicite de l’approche adoptée par la Commission, qui consiste à réglementer en priorité la protection des véhicules contre les cyberattaques, afin d’assurer une communication sûre et fiable entre les véhicules et l’infrastructure ainsi qu’un niveau de protection des données suffisant, en conformité avec le règlement général sur la protection des données.

1.12.

Le CESE est disposé à participer à l’évaluation des incidences sociales, économiques et environnementales de la mobilité sans conducteur que la Commission entend réaliser, ainsi qu’à prendre part au forum de l’Union européenne afin d’examiner certaines questions éthiques spécifiques.

2.   Introduction

2.1.

L’initiative intitulée «L’Europe en mouvement» comprend un certain nombre de propositions législatives présentées dans trois trains de mesures. Le premier d’entre eux visait à traduire l’ambition que nourrit l’Europe d’accomplir des progrès rapides en vue de mettre sur pied, d’ici à 2025, un système de mobilité propre, compétitive et connectée, qui est essentiel au bon fonctionnement d’un espace européen unique des transports (1). Le second mettait davantage l’accent sur les instruments permettant de réduire les émissions liés au transport routier (2). Enfin, le troisième train de mesures, qui est actuellement mis en place et qui fait l’objet du présent avis, insiste sur les questions de sécurité dans le cadre de la stratégie présentée dans la communication et intitulée «En route vers la mobilité automatisée» (3).

2.2.

Selon toute probabilité, la numérisation révolutionnera tout particulièrement les technologies des transports terrestres. En conséquence, la communication à l’examen doit être replacée dans un contexte plus large, au regard d’autres enjeux tels que l’avenir du travail, la recherche et l’innovation, l’intelligence artificielle et le programme en matière de compétences.

3.   Contenu essentiel de la proposition

3.1.

Dans sa communication, la Commission propose une nouvelle approche globale au niveau de l’Union pour avancer vers une mobilité connectée et automatisée, en établissant un programme européen ambitieux, en définissant une vision commune et en prévoyant des actions de soutien pour le développement et le déploiement de technologies, services et infrastructures essentiels.

3.2.

La Commission souscrit au projet de la «vision zéro» à l’horizon 2050 car la conduite automatisée pourrait potentiellement changer la donne et réduire significativement le nombre d’accidents mortels, voire les éliminer entièrement. En ce sens, elle contribue aussi à la réalisation des objectifs de développement durable, en l’espèce celui relatif à la santé et au bien-être et celui relatif aux villes et collectivités durables.

3.3.

Afin de renforcer l’Union européenne dans le domaine des technologies et des infrastructures pour la mobilité automatisée, la Commission prévoit le financement de divers instruments et propose une série d’initiatives:

le mécanisme pour l’interconnexion en Europe, doté de 450 millions d’EUR pour soutenir la numérisation dans les transports, dans le but de faciliter l’automatisation,

des essais à grande échelle à partir de corridors transfrontières 5G,

des priorités en matière de financement de la recherche et de l’innovation (Horizon 2020 et le prochain programme-cadre).

3.4.

D’ici à 2019, l’Union européenne livrera gratuitement les services de haute précision initiaux de Galileo, qui seront les premiers services de navigation de ce genre offerts au niveau mondial.

3.5.

Afin de mettre en place un marché intérieur pour l’adoption de la mobilité automatisée en toute sécurité, la Commission propose (essentiellement dans le cadre de la révision du règlement sur la sécurité générale des véhicules à moteur):

de travailler avec les États membres à l’élaboration de lignes directrices visant à assurer une approche harmonisée des évaluations nationales ad hoc de la sécurité des véhicules automatisés,

de· lancer avec les États membres et les parties prenantes des travaux sur une nouvelle approche de la certification de la sécurité des véhicules pour ceux qui sont automatisés,

de nouvelles fonctions de sécurité pour les véhicules automatisés dans le cadre de la révision du règlement sur la sécurité générale des véhicules à moteur,

de réglementer les enregistreurs de données pour véhicules automatisés,

de réglementer la circulation en convoi afin d’assurer la normalisation de l’échange de données entre marques différentes,

de réglementer la protection des véhicules contre les cyberattaques,

de répondre à la nécessité de disposer de spécifications relatives à l’accès aux données des véhicules pour les besoins des pouvoirs publics,

d’adopter un règlement délégué pour assurer des communications fiables et sécurisées entre les véhicules et l’infrastructure ainsi qu’un niveau de protection des données suffisant, en conformité avec le règlement général sur la protection des données.

3.6.

Donnant à la suite d’une conclusion du Conseil, la Commission entend évaluer les incidences sociales, économiques et environnementales de l’automatisation et de la numérisation dans le domaine des transports, en tenant compte des nouvelles compétences dont celui-ci a besoin. À cette fin, la Commission:

consultera les parties intéressées sur les incidences sociales, économiques et environnementales de la mobilité sans conducteur,

soutiendra l’acquisition de nouvelles compétences, la réorientation et la requalification de la main-d’œuvre dans le secteur grâce à la nouvelle stratégie en matière de compétences pour l’Europe,

mettra sur pied un forum de l’Union européenne pour aborder les questions éthiques spécifiques soulevées par la mobilité sans conducteur.

4.   Observations générales

4.1.

La numérisation et l’automatisation opérant à partir d’un internet rapide et fiable offrent une abondance de nouveaux dispositifs à destination des consommateurs et des entreprises qui recherchent une amélioration de la qualité et du confort, plus de souplesse, des services économiquement abordables et une sécurité accrue dans le transport routier.

4.2.

L’industrie automobile de l’Union européenne, forte de son expertise dans le développement de technologies liées aux véhicules, est bien placée pour saisir ces opportunités. Le CESE souligne que l’objectif général doit consister à harmoniser les systèmes ou à trouver des solutions techniques pour permettre à ces derniers d’opérer par-delà les frontières, car il s’agit d’un aspect crucial pour le fonctionnement sans accroc du marché intérieur.

4.3.

La connectivité entre les véhicules et entre ces derniers et des infrastructures fixes constitue un élément essentiel indispensable à l’avenir pour tirer pleinement parti des technologies numériques. Par conséquent, le CESE porte un jugement favorable sur le calendrier prévu pour le déploiement de l’infrastructure européenne de haut débit à forte capacité qui fournirait une couverture 5G ininterrompue avec une connectivité internet à très haute capacité le long de tous les grands axes de transport terrestre (4).

4.4.

Le CESE encourage une fois encore la Commission à poursuivre plus avant le projet de la «vision zéro» à l’horizon 2050. L’une des caractéristiques essentielles de la conduite automatisée ou semi-automatisée est qu’elle pourrait améliorer significativement la sécurité active des véhicules terrestres et qu’elle pourrait réduire sensiblement le nombre d’accidents mortels, voire les éliminer entièrement.

5.   Acceptation par le public et incidences sociales et économiques

5.1.

Les nouvelles technologies ne pourront être déployées avec succès que lorsque leurs incidences sociales et économiques en auront elles aussi été convenablement prises en compte. Leur acceptation par le public est essentielle à l’introduction de la mobilité automatisée.

5.2.

Le CESE est convaincu des avantages de la mobilité connectée et automatisée pour notre société, en ce qu’elle offrira de nouveaux services pour la mobilité des personnes et davantage de possibilités pour l’économie du partage et l’environnement, et qu’elle assurera la mobilité de ceux qui ne sont pas eux-mêmes en mesure de conduire.

5.3.

Pour ce qui concerne les questions de sécurité et de responsabilité, il convient de distinguer clairement la conduite semi-automatisée de la conduite autonome. Dans les véhicules semi-automatisés (de niveaux 1 à 4), les nouvelles technologies (radar, caméra, laser) assistent le chauffeur, tandis que les voitures autonomes (de niveau 5) n’ont quant à elles pas du tout besoin de conducteur. Dans le premier cas, le conducteur demeure responsable en toutes circonstances, alors que dans le second, la question de la responsabilité doit être clarifiée. Le CESE a la conviction que les voitures autonomes doivent satisfaire aux mêmes normes de sécurité que les autres systèmes de transport de passagers, tels que les trains ou les avions gros-porteurs. Si l’erreur humaine est éliminée, alors les systèmes de transport automatisés doivent être sûrs à 100 %.

5.4.

Notre société est jusque dans une certaine mesure tolérante à l’égard de l’erreur humaine, ce qui explique pourquoi elle accepte que 25 000 accidents mortels se soient produits sur les routes de l’Union européenne en 2016. La situation est assez différente pour les autres systèmes de transport dans lesquels les passagers sont passifs. L’exigence d’une sécurité à 100 % pour les véhicules autonomes constituera un obstacle de poids tant que ceux-ci circuleront sur les mêmes routes que les voitures conventionnelles et les autres usagers de la route, (cyclistes, piétons et véhicules à usage spécial).

5.5.

Des accidents mortels impliquant des véhicules automatisés lors de la phase d’expérimentation pourraient marquer le coup d’arrêt de cette technologie, quand bien même la fréquence des accidents serait relativement faible. En conséquence, le CESE recommande que la réalisation de tous les projets pilotes et procédures d’essais en matière de conduite autonome réponde aux normes de sécurité les plus strictes. Cette condition contraignante est susceptible de ralentir les développements par rapport à la concurrence dans les pays tiers, mais elle permettra par ailleurs de renforcer leur acceptation par le public et elle aboutira, sur le long terme, à de meilleurs produits. Le CESE observe que la sécurité à 100 % des véhicules automatisés ne pourrait devenir une réalité qu’à condition de revoir substantiellement la conception du système routier.

5.6.

Aux fins de l’élaboration de lignes directrices pour les véhicules hautement automatisés, le CESE renvoie au principe d’une approche où l’homme reste aux commandes, sur laquelle il a déjà insisté à de multiples reprises dans d’autres avis. En vertu de ce principe, seuls les êtres humains prennent des «décisions responsables», ce qui a des conséquences pour la conception des véhicules autonomes et l’environnement dans lequel ils sont autorisés à évoluer. Cependant, les actions critiques du point de vue de la sécurité qui sont effectuées par les véhicules sans conducteur, par exemple pour éviter les accidents, peuvent soulever de sérieuses «questions éthiques» au niveau de leur programmation, auxquelles il convient d’apporter des réponses.

5.7.

Le CESE reconnaît que les véhicules semi-automatisés (de niveaux 1 à 4) peuvent déjà faire baisser le nombre d’accidents mortels, et il soutient par conséquent la démarche de la Commission consistant, dans le cadre de la révision du règlement sur la sécurité générale des véhicules à moteur, à embarquer davantage de nouvelles fonctions de sécurité dans les véhicules. Il relève toutefois deux points problématiques, qui peuvent faire obstacle à leur acceptation par le grand public, à savoir a) que des fonctionnalités techniques supplémentaires peuvent accroître sensiblement le coût des voitures et b) que des systèmes d’assistance plus nombreux peuvent rendre la conduite d’une automobile beaucoup plus complexe.

5.8.

La formation traditionnelle qui est dispensée pour l’obtention d’un permis de conduire (véhicules légers, camions et bus) n’a jusqu’à présent pas couvert et n’aborde toujours pas les technologies les plus modernes des dispositifs d’assistance. Il est évident qu’une formation supplémentaire est nécessaire en la matière, pour les néophytes comme pour les conducteurs expérimentés. En outre, les consommateurs doivent être informés en termes clairs et dépourvus d’ambiguïté des fonctions d’un véhicule moderne au moment de l’achat, de la location ou du partage d’une voiture. Le CESE propose que l’industrie automobile, de concert avec les municipalités, mette à la disposition des conducteurs particuliers et professionnels des stages et sites de formation. L’épreuve de conduite à laquelle seraient soumis les nouveaux conducteurs souhaitant obtenir un permis devrait inclure une formation à la sécurité portant sur l’utilisation des nouvelles technologies et fonctions d’automatisation. La formation à la conduite semi-automatisée sera essentielle pour moderniser la profession de chauffeur et elle pourrait exiger de nouvelles compétences et impliquer de nouvelles responsabilités.

5.9.

Le CESE reconnaît que si l’on parvient à introduire une automatisation complète (de niveau 5) à l’avenir, celle-ci pourrait en définitive entraîner des destructions d’emplois à grande échelle (conducteurs d’autobus et de camion). Le Comité invite la Commission à prendre acte des inquiétudes plus larges que suscite l’introduction de nouvelles technologies, de la numérisation et de l’automatisation dans un large éventail de secteurs (transports, industrie manufacturière, services financiers, etc.), quant à la possibilité qu’elle entraîne des destructions d’emplois à grande échelle, qui ne seraient remplacés que par un nombre relativement faible de nouveaux postes de travail créés. Le CESE affirme que les avantages des nouvelles technologies, de la numérisation et de l’automatisation doivent être partagés par la société dans son ensemble, et qu’elles ne doivent pas simplement servir à réduire les coûts du travail au bénéfice des entreprises privées. Pour autant, il importe également de relever que, aujourd’hui déjà, les chauffeurs professionnels ne se contentent pas de piloter un véhicule et que, à l’avenir, lorsque les besoins purement liés à la conduite auront diminué (avec le niveau 5 d’automatisation), les missions qui sont celles des professionnels des activités de transport pourront être élargies, ce qui pourrait largement compenser la réduction de leurs tâches uniquement liées à la conduite.

5.10.

Le CESE reconnaît sans ambages que l’introduction de systèmes semi-automatisés (de niveaux 1 à 4) et entièrement automatisés (de niveau 5) dans les camions et les bus aura des incidences sur l’emploi et les conditions de travail. C’est pourquoi il invite instamment les partenaires sociaux à planifier les évolutions futures de manière concertée et, finalement, à négocier collectivement de nouveaux accords portant sur l’introduction de nouvelles technologies, de la numérisation et de l’automatisation dans le transport routier. Il y lieu de se féliciter que certains syndicats (par exemple Unite au Royaume-Uni) aient d’ores et déjà élaboré des accords type de négociation collective pour protéger les emplois, garantir une reconversion et un perfectionnement professionnel et veiller à ce que toutes les économies de coûts fassent l’objet d’un partage équitable avec les travailleurs.

5.11.

Il conviendrait de remanier la directive sur la responsabilité concernant les produits de sorte qu’elle couvre à la fois les biens meubles et les services, aussi bien que les produits comportant des logiciels intégrés, afin que les consommateurs n’aient pas de recherches à effectuer pour déterminer à qui incombe la responsabilité (voir aussi l’avis INT/857). En outre, dans un environnement numérique à la complexité accrue, la charge de la preuve en cas de produit défectueux constitue elle aussi un sujet de préoccupation et devrait être réglementée d’une manière qui soit lisible pour le consommateur.

5.12.

Le CESE se réjouit que les règles de l’Union relatives à la protection des données soient de plus en plus reconnues au niveau international comme établissant certaines des normes les plus avancées au monde en la matière, et il se félicite de l’approche adoptée par la Commission, qui consiste à réglementer en priorité la protection des véhicules contre les cyberattaques, afin d’assurer une communication sûre et fiable entre les véhicules et l’infrastructure ainsi qu’un niveau de protection des données suffisant, en conformité avec le règlement général sur la protection des données.

5.13.

Du fait d’une connectivité accrue, il est possible d’accéder partout dans le monde aux données des véhicules. Cette possibilité ouvre la voie à un immense potentiel encore inexploité. Toutefois, elle comporte aussi des risques et des défis significatifs sur le plan de la sûreté, de la sécurité et de la vie privée. Les véhicules requièrent des normes bien plus strictes en la matière que, par exemple, les smartphones. Le Comité invite instamment l’Union européenne à élaborer des normes de ce type et à négocier en conséquence des accords mondiaux portant sur ces normes.

5.14.

L’accès aux données des véhicules revêt une très haute importance du point de vue de la concurrence dans le domaine des services après-vente, en particulier pour les prestataires indépendants de services de réparation et d’entretien, et peut avoir des conséquences sur les choix des consommateurs comme sur les coûts. Il encourage la Commission à mettre en œuvre dans les meilleurs délais les règles relatives à l’utilisation des données, d’autant plus que les constructeurs automobiles de l’Union européenne ont déjà mis en avant des propositions détaillés (par exemple le système détaillé «Nevada» qu’ils ont récemment mis au point; source: VDA) pour créer une plateforme équitable d’échange de données avec des tiers de manière sûre et non discriminatoire, tout en tenant compte des droits des consommateurs en matière de respect de la vie privée.

5.15.

La Commission devrait prendre en considération le fait que l’infrastructure requise pour l’exploitation de voitures connectées et autonomes présente de grandes variations d’un État membre à l’autre. En outre, il convient que les autorités de surveillance du marché dans tous les États membres disposent de ressources suffisantes pour faire face aux nouvelles technologies.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  JO C 246 du 28.7.2017, p. 64.

(2)  JO C 262 du 25.7.2018, p. 75.

(3)  COM(2018) 283 final.

(4)  JO C 125 du 21.4.2017, p. 51.


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/280


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur l’étiquetage des pneumatiques en relation avec l’efficacité en carburant et d’autres paramètres essentiels et abrogeant le règlement (CE) no 1222/2009»

[COM(2018) 296 final — 2018/0148 (COD)]

(2019/C 62/44)

Rapporteur:

András EDELÉNYI

Consultation

Parlement européen, 11.6.2018

Conseil, 14.6.2018

Base juridique

Article 194, paragraphe 2, ainsi qu’articles 114 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Transports, énergie, infrastructures et société de l’information

Adoption en section spécialisée

4.10.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

215/1/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite du nouveau réexamen, par le législateur européen, des performances et de la qualité globales ainsi que de l’étiquetage des pneumatiques utilisés dans l’Union européenne, conformément à ses propres prescriptions. Les pneumatiques, en tant que seul point de contact entre le véhicule et la route, contribuent sensiblement à la sécurité du transport général et au niveau de consommation de carburant.

1.1.1.

Le CESE convient que l’amélioration de l’étiquetage des pneumatiques fournira aux consommateurs de plus amples informations sur l’efficacité en carburant, la sécurité et le bruit, leur permettant d’obtenir des renseignements pertinents et comparables lors de l’achat de pneumatiques neufs et de prendre une décision en connaissance de cause.

1.1.2.

Un autre aspect important est qu’un bon étiquetage permet au consommateur de faire son choix sur la base d’un équilibre plus réaliste entre les critères de décision que sont les données de performance, l’image de marque et les niveaux de prix. Il aide également les acheteurs éclairés à prendre des décisions d’achat rentables et respectueuses de l’environnement qui soient à la fois bonnes pour l’environnement et permettent de faire des économies, ce qui constitue un facteur non négligeable.

1.1.3.

Le CESE reconnaît que la proposition de règlement concourra à renforcer l’efficacité du système d’étiquetage des pneumatiques afin de garantir des véhicules plus propres, plus sûrs et plus silencieux et d’optimiser la contribution de ce système à la modernisation et à la décarbonation du secteur des transports.

1.1.4.

Le développement, la production et le rechapage de pneumatiques de haute qualité peuvent indirectement contribuer, dans une large mesure, au maintien d’une fabrication européenne à haute valeur ajoutée et, partant, d’emplois de qualité. En ce qui concerne la société dans son ensemble, cela pourrait faire baisser les coûts totaux pour l’utilisateur final ainsi que les dépenses, tant du point de vue financier que dans le domaine de la santé et de la sécurité contre les accidents.

1.1.5.

Le CESE approuve le réexamen du système d’étiquetage des pneumatiques, car il contribue aux efforts déployés par l’Union européenne pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et la pollution atmosphérique et ainsi améliorer la sécurité du transport routier, la protection de la santé ainsi que l’efficacité économique et environnementale.

1.1.6.

Le CESE estime que le système de mobilité de demain doit impérativement être sûr, propre et efficient pour tous les citoyens de l’Union. L’objectif est de rendre la mobilité européenne plus sûre et accessible, l’industrie européenne plus compétitive, les emplois européens plus stables, tout en rendant l’Union moins polluée et mieux adaptée à la nécessité de lutter contre le changement climatique. La réalisation de cet objectif nécessitera le plein engagement de l’Union, des États membres et des parties concernées.

1.2.

Le CESE se félicite du renforcement de l’obligation d’afficher l’étiquette dans des situations où les consommateurs ne voient pas le ou les pneumatiques qu’ils envisagent d’acheter (lorsque les pneumatiques sont stockés ailleurs ou lors d’un achat à distance ou sur l’internet).

1.2.1.

Le Comité approuve que la proposition prévoie l’inclusion des pneumatiques dans la base de données sur les produits établie récemment au titre du règlement (UE) 2017/1369 afin d’améliorer la surveillance du marché et l’information des consommateurs.

1.2.2.

Le CESE est favorable à ce que les fournisseurs soient tenus de saisir les informations dans la nouvelle base de données sur les produits. Il s’agit d’informations qu’ils doivent déjà fournir actuellement, sur demande, aux autorités nationales de surveillance du marché. La charge supplémentaire ainsi imposée est donc considérée comme minimale et proportionnée aux avantages, en particulier lorsque l’on peut dans ce cadre recourir à la connexion aux bases de données existantes et éviter d’inonder les consommateurs d’informations.

1.2.3.

Il conviendrait de prolonger d’un an le délai de mise en œuvre du règlement afin de permettre une préparation minutieuse. Concernant la date de référence, il y a lieu de tenir compte de la date de fabrication indiquée sur le produit plutôt que de la date de mise sur le marché, qui entraîne des risques de doublons ou de double encodage.

1.2.4.

Une bonne initiative est la proposition relative à l’indication obligatoire, sur l’étiquette, du comportement sur la neige et du tout nouveau logo relatif au verglas (conçu en vue de son introduction par ISO d’ici à décembre 2018), ce qui est surtout pertinent pour les pays du nord de l’Europe. Une méthode d’essai sûre de l’adhérence sur le verglas doit encore être développée et adoptée définitivement, et une introduction progressive est dès lors justifiée.

1.2.5.

Le CESE se félicite de l’augmentation du nombre et de l’importance des éléments relatifs à la sécurité parmi les paramètres figurant sur l’étiquette. Cela ne semble toutefois pas compatible avec la modification proposée du modèle de l’étiquette, notamment ses proportions internes et ses dimensions.

1.2.6.

Le système de réexamen périodique du règlement, facilité par la recherche, l’analyse d’impact et la consultation, fonctionne bien et, en raison de la très grande complexité du sujet, devrait être maintenu à l’avenir, préalablement à toute modification technique substantielle. Les pouvoirs délégués de la Commission entre deux réexamens sont justifiés pour les modifications mineures logiques motivées par les progrès techniques.

1.2.7.

Les classes de paramètres existantes conviennent pour au moins un cycle de réexamen supplémentaire, étant donné qu’une modification de l’échelle n’est pas justifiée au vu des classes supérieures qui sont aujourd’hui pratiquement vides.

1.2.8.

Il appartient aux États membres d’inciter les fabricants à obtenir des résultats stables et de bonne qualité en matière d’émissions et de développement technique, mais il y a lieu de les maintenir, sur la base de principes uniformes, au niveau de la classe C et au-delà.

1.2.9.

L’on pourrait encourager à l’avenir l’inclusion d’indications relatives au kilométrage et à l’abrasion sur l’étiquette ou parmi les données techniques. Toutefois, tant que nous ne disposons pas d’une méthode d’essai normalisée adéquate, nous ne pouvons pas nous permettre de nuire à la crédibilité de l’étiquetage en raison d’informations incertaines et insuffisamment fondées.

1.2.10.

Il y a lieu de se réjouir de l’introduction future d’un étiquetage des pneumatiques rechapés de classe C3. Ici aussi, il conviendra préalablement de mettre au point des méthodes d’essai pertinentes et fiables. Il faudra veiller à protéger les petites et moyennes entreprises (PME) exerçant des activités de rechapage contre tout coût excessif lié aux méthodes d’essai.

1.2.11.

Il est essentiel, pour garantir le succès de l’ensemble de la réglementation, de fournir une information adéquate et de veiller à ce que la communauté des consommateurs et utilisateurs dispose des connaissances nécessaires et soit bien préparée grâce à la formation, à la diffusion d’informations, à des campagnes et à des conseils d’achat, et à une large participation de la société civile.

2.   Introduction: contexte et contenu essentiel de la proposition

2.1.

La proposition de règlement à l’examen abroge et remplacera le règlement (CE) no 1222/2009 (1) sur l’étiquetage des pneumatiques en relation avec l’efficacité en carburant et d’autres paramètres essentiels (ci-après le «règlement sur l’étiquetage des pneumatiques» ou «REP»).

2.1.1.

Avant sa mise en application en 2012, le REP a été modifié à deux reprises en 2011. Une première fois pour inclure une nouvelle méthode d’essai d’adhérence sur sol mouillé, ensuite afin d’ajouter une procédure plus stricte d’alignement des laboratoires pour la mesure de la résistance au roulement. La proposition actuellement présentée par la Commission intègre ces deux modifications.

2.2.

En 2009, l’Union a adopté deux ensembles de règles concernant les pneumatiques, compte tenu des nouveaux besoins et des avis professionnels:

le REP, qui établit les exigences de l’Union relatives à l’harmonisation des informations concernant les paramètres des pneumatiques à fournir aux utilisateurs finaux afin de permettre un choix éclairé de l’acheteur; et

le règlement (2) sur les prescriptions pour l’homologation relatives à la sécurité générale des véhicules à moteur (ci-après le «RSG»), établissant les exigences techniques harmonisées auxquelles les pneumatiques doivent satisfaire avant de pouvoir être mis sur le marché de l’Union.

2.2.1.

Le RSG établit des exigences minimales, notamment pour les pneumatiques, en ce qui concerne: i) la résistance au roulement; ii) l’adhérence sur sol mouillé; et iii) le bruit de roulement externe des pneumatiques.

2.3.

Ces exigences sont entrées en vigueur le 1er novembre 2012, tandis qu’une deuxième série d’exigences plus strictes concernant la résistance au roulement est entrée en vigueur le 1er novembre 2016 (de plus amples ajustements entreront en application en 2018 et en 2020).

2.3.1.

Le cadre général pour l’étiquetage énergétique a été mis à jour en 2017 avec l’adoption du règlement (UE) 2017/1369 (3). Celui-ci a abrogé et remplacé la directive 2010/30/UE et a introduit plusieurs nouveaux éléments, notamment une base de données dans laquelle sont enregistrés les produits ainsi que de nouvelles règles sur la publicité visuelle et sur les ventes à distance et par l’internet.

2.4.

Le 17 décembre 2008, le Conseil avait déjà consulté le CESE sur la première proposition, et la section compétente avait adopté son avis le 12 mars 2009 (TEN/369; rapporteur: Virgilio Ranocchiari). Le CESE avait quant à lui adopté son avis lors de sa 452e session plénière, le 25 mars 2009.

2.5.

Afin d’évaluer l’efficacité du règlement (CE) no 1222/2009, la Commission européenne a commandé une étude et une analyse d’impact détaillées [SWD(2018) 189 final], dont les conclusions lui ont servi de base pour présenter sa proposition de modification. Elle a ajouté deux paramètres au RSG, à savoir, la possibilité d’indiquer: iv) l’adhérence sur la neige; et v) l’adhérence sur le verglas. La corrélation entre les paramètres mesurés et les domaines concernés est présentée dans le tableau ci-dessous:

Domaine

Paramètre

Résistance au roulement

Adhérence sur sol mouillé

Bruit

Neige

Verglas

Environnement

x

 

x

 

 

Énergie

x

 

 

 

 

Sécurité

 

x

 

x

x

3.   Observations générales

3.1.

Les transports représentent plus de 30 % de la consommation d’énergie dans l’Union européenne. Le transport routier est quant à lui responsable de 22 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) totales. L’objectif de la communication de 2016 intitulée «Une stratégie européenne pour une mobilité à faible taux d’émissions» est de réduire, d’ici à 2050, les émissions de GES dues aux transports d’au moins 60 % par rapport à leur niveau de 1990. Le troisième train de mesures sur la mobilité vise à diminuer les émissions des voitures et poids lourds, à améliorer la sécurité du transport routier et à réduire la pollution. Il contribue également à réduire la dépendance de l’Union en matière d’importation d’énergie. Les pneumatiques des véhicules ont une incidence sur la consommation de carburant (et donc sur les émissions de GES), le bruit et la sécurité.

3.2.

Un bilan du règlement actuel sur l’étiquetage des pneumatiques a montré que ce dernier n’était pas suffisant pour atteindre pleinement l’objectif d’augmentation de l’efficacité environnementale des transports routiers par la promotion de pneumatiques sûrs, à faible niveau de bruit et efficaces en carburant. Cela s’explique principalement par:

a)

la faible visibilité et le manque de sensibilisation du public à l’égard de l’étiquetage des pneumatiques;

b)

des problèmes de respect des dispositions et l’application inadaptée de la réglementation par les États membres;

c)

des classes de performance incertaines et des informations incomplètes et erronées.

3.3.

L’action réglementaire de l’Union garantit:

a)

les mêmes informations uniformisées pour les utilisateurs finaux dans l’État membre où ils achètent leurs pneumatiques, quel qu’il soit;

b)

des coûts réduits pour les fournisseurs, qui peuvent commercialiser leurs pneumatiques dans toute l’Union avec une seule et même étiquette.

3.4.

Ces avantages sont avant tout bénéfiques pour les consommateurs, augmentent la sécurité et renforcent la compétitivité de l’industrie européenne des pneumatiques. Ils facilitent le commerce de pneumatiques dans le marché intérieur, tout en offrant aux consommateurs des coûts globaux plus bas et une plus large gamme de produits. Pour que cette action à l’échelle de l’Union porte ses fruits, le travail de surveillance du marché doit être uniforme dans toute l’Union en vue de soutenir le marché intérieur. Il y a lieu d’encourager les fabricants à investir des ressources dans la conception, la fabrication et la vente de pneumatiques efficaces en énergie.

3.5.

La consultation publique ouverte a révélé un consensus sur le besoin d’améliorer la connaissance de l’étiquetage au moyen de campagnes de sensibilisation, d’un étiquetage en ligne obligatoire et de l’étiquetage des pneumatiques d’origine vendus avec les voitures neuves. Pour améliorer la confiance des consommateurs, les répondants ont convenu qu’il fallait accroître la surveillance du marché et créer une meilleure plateforme pour les autorités afin qu’elles mettent en œuvre et coordonnent les activités.

3.6.

Il y a lieu d’approuver l’augmentation du nombre et de l’importance des paramètres relatifs à la sécurité parmi les propriétés figurant sur l’étiquette. Cela ne semble toutefois pas compatible avec la diminution relative de l’espace occupé par la représentation de ces paramètres, qui entraîne une modification de l’aspect de l’étiquette. L’on ne comprend pas non plus pourquoi les dimensions de l’étiquette doivent être modifiées.

3.7.

L’analyse d’impact approfondie a montré que la confiance dans les systèmes d’étiquetage était une question sensible et importante, ce qui fait peser une forte responsabilité sur la réglementation, puisqu’il convient de sélectionner et de communiquer un petit nombre de paramètres d’information précis et fiables. Par ailleurs, il s’agit d’une tâche coûteuse pour les organes nationaux compétents de surveillance du marché, car ils doivent protéger non seulement les consommateurs mais aussi les fabricants honnêtes afin que ces derniers ne se retrouvent pas dans une situation concurrentielle désavantageuse par rapport à des entreprises qui sont moins fiables, voire ne le sont pas du tout, et dès lors ont des coûts moins élevés et pratiquent des prix inférieurs.

3.8.

La coexistence de tous les éléments précités peut créer le cadre approprié pour soutenir la recherche, le développement et l’innovation, orienter efficacement les objectifs et les ressources clés qui leur sont allouées.

4.   Observations spécifiques

4.1.

Afin d’introduire de nouvelles exigences et d’adapter les annexes au progrès technique, la Commission européenne — sur la base d’une délégation de pouvoir — devra consulter des experts. Cependant, la modification de ce règlement sur la base d’une délégation de pouvoir doit se limiter aux mesures découlant des progrès technologiques, et ne doit pas porter sur des changements substantiels tels que de nouvelles dispositions relatives au kilométrage, à l’abrasion ou aux pneumatiques rechapés, pour lesquels le réexamen périodique est proposé. Cela permet de mieux légiférer (4). Il y a lieu d’assurer à cet égard une forte représentation des organisations professionnelles de la société civile. En effet, ces organisations — contrairement aux autres institutions, qui disposent de données ponctuelles, cycliques et/ou indirectes — reçoivent des informations directes et actualisées en permanence par l’intermédiaire de la communauté des utilisateurs (consommateurs individuels et gestionnaires de flottes automobiles).

4.2.

Sur la base du rapport de recherche établi en vue du réexamen du règlement et des données issues d’études du marché, le CESE estime qu’il est trop tôt pour modifier les classes de paramètres: en effet, en ce qui concerne les classes de résistance au roulement et d’adhérence sur sol mouillé, moins de 1 % des produits sur le marché obtiennent un A, cette catégorie étant donc pratiquement vide. En vertu du règlement (UE) 2017/1369, une modification de l’échelle n’est justifiée que si 30 % des produits ont atteint la classe la plus élevée. Par ailleurs, une échelle comportant de 6 à 7 échelons dont les deux plus élevés seraient inutilisés, n’est pas très motivante. D’un point de vue technique, il y a lieu de tenir compte également du fait que des essais effectués sur une même série de pneumatiques peuvent parfois donner lieu à une différence de deux classes.

4.3.

Le CESE approuve l’ambition d’introduire à l’avenir des paramètres relatifs au kilométrage et à l’abrasion — à condition que des données claires et significatives soient disponibles. Il fait toutefois observer qu’à cet égard, aucune méthode d’essai adéquate et adaptée (en dehors de l’essai pratique) n’a été trouvée au cours des cent dernières années. Ces paramètres d’essai devraient en effet refléter et caractériser une utilisation durable, changeante et à long terme. La modélisation en laboratoire de tous ces paramètres, de manière efficace et à un coût raisonnable, consiste nécessairement en un essai de surcharge accéléré, qui ne sera certainement pas représentatif de la diversité des exigences réelles et des différents comportements naturels dans ces conditions. Ces essais, effectués dans des conditions diverses, aboutissent à une classification et un classement différents des produits en ce qui concerne le kilométrage et les valeurs d’abrasion.

4.3.1.

On peut en conclure qu’il serait dangereux, et fatal pour la crédibilité de l’étiquetage, que le consommateur constate dans la pratique des prestations contraires aux informations figurant sur l’étiquette. Aucun problème de ce type ne se pose pour les autres paramètres, puisque l’on procède à la modélisation et à la démonstration d’un comportement ponctuel et passager. L’inclusion des deux paramètres ci-dessus sur l’étiquette est très risquée, et n’est pas recommandée pour le moment.

4.3.2.

La détection de plusieurs incidences négatives sur l’environnement montre l’importance de réduire l’usure: d’une part les particules de plastique présentes dans les eaux, même si la proportion de caoutchouc y est relativement faible, et d’autre part, la présence dans l’air, certes à des concentrations minimes, de benzopyrène, issu selon toute vraisemblance de la valorisation énergétique, lequel est à son tour responsable, dans une large mesure, de la formation du smog et de certaines affections des voies respiratoires.

4.4.

D’une manière générale, le CESE partage le point de vue selon lequel le rechapage de pneumatiques de classe C3 permet d’accroître, au niveau mondial, les économies de matières premières et d’énergie. Il convient toutefois de noter que seuls les trois paramètres figurant actuellement sur l’étiquette peuvent s’appliquer aux pneumatiques rechapés, et de manière limitée. En cas de données relatives à la durée de vie et à l’abrasion, la responsabilité de la qualité est encore plus vaguement répartie entre le fabricant de la carcasse du pneu et le rechapeur. Par conséquent, l’inclusion de ces paramètres sur l’étiquette n’est pas recommandée. Compte tenu de leur part de marché négligeable, il n’est pas raisonnable, d’un point de vue économique et environnemental, d’inclure les pneumatiques rechapés C1 et C2 dans le champ d’application du REP. Il conviendrait en revanche d’envisager la possibilité d’un étiquetage volontaire, par les fabricants, de ces pneumatiques rechapés C1 et C2, pour répondre à la demande des acheteurs souhaitant un minimum de performance d’étiquetage.

4.4.1.

Le CESE met en garde contre l’augmentation exponentielle du nombre d’entrées dans la base de données des produits qu’entraînera l’inclusion des pneumatiques rechapés, en comparaison des pneus neufs. La combinaison du rechapeur et du fabricant de carcasse, le nombre de rechapages et les diverses techniques de rechapage sont autant d’éléments qui génèrent un nouveau numéro d’article. La multitude d’essais sur les produits représente une charge financière trop élevée pour les fabricants, qui sont en très grande majorité des PME, et le consommateur ne parvient pas à appréhender la très grande diversité des produits.

4.5.

Le CESE estime que le délai de préparation en vue de la mise en œuvre du règlement à l’examen est court, et qu’il conviendrait de le prolonger d’un an. Il serait beaucoup plus simple et plus gérable, pour les produits couverts par ces dispositions, de prendre en considération la date de fabrication plutôt que celle de mise sur le marché. En effet, la date de fabrication figure de manière permanente sur le pneumatique et permet de réduire le risque de double saisie dans la base de données.

4.6.

En outre, le nouveau règlement à lui seul ne permettra toujours pas aux consommateurs de comparer les performances et les prix des pneumatiques en fonction de la consommation de carburant. Bien que des informations sur la consommation soient souvent disponibles dans les points de vente ou dans les instructions d’utilisation des véhicules, la majorité des consommateurs ne disposent toujours pas de connaissances suffisantes ni d’informations complètes en la matière.

4.6.1.

Comme les performances des pneumatiques sont en outre liées mais aussi en opposition entre elles, les informations porteront donc sur la meilleure optimisation possible du choix entre ces paramètres. Cela ne permet toutefois pas au consommateur d’opérer un choix pleinement informé parce qu’il n’a pas conscience des liens entre les paramètres fournis.

4.6.2.

Le CESE recommande que les organisations professionnelles, nationales comme européennes, les organes civils et policiers chargés de la sécurité routière et des transports, et les organismes d’apprentissage de la conduite de véhicules intègrent dans leurs programmes d’éducation, de communication et de formation continue et dans leurs examens la connaissance des pneumatiques ainsi que de l’ensemble des paramètres techniques et des symboles qui seront applicables à l’avenir en vertu du règlement.

4.6.3.

Il serait également important que le fabricant, de son côté, veille à ce que ses partenaires commerçants, qui sont souvent des vendeurs de pneumatiques, informent l’acheteur de manière adéquate à propos du véhicule vendu ou des pneus qu’il souhaite acquérir et, dans la mesure du possible, lui proposent des options alternatives assorties de conseils.

4.6.4.

Selon le CESE, l’Union devrait faire en sorte que les États membres préparent des campagnes d’information et de sensibilisation non seulement à propos du règlement, mais aussi sur d’autres questions relatives aux pneumatiques, telles que l’utilisation de pneus adaptés à la saison, l’utilisation générale des pneumatiques, etc.

4.7.   Observations en vue d’un examen ultérieur

4.7.1.

À plus long terme, l’Union devrait envisager l’introduction de renseignements consultatifs concernant la recyclabilité en fin de vie des pneumatiques, non pas sur l’étiquette mais plutôt dans la documentation technique et le matériel promotionnel technique.

4.7.2.

Après la prochaine période de réexamen du règlement, il pourrait être utile de réexaminer la nécessité d’appliquer une différenciation supplémentaire en ce qui concerne les pneumatiques neige (dans le cadre des tests, dans la documentation technique et le matériel promotionnel technique ou sur l’étiquette).

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  JO L 342 du 22.12.2009, p. 46.

(2)  JO L 200 du 31.7.2009, p. 1.

(3)  JO L 198 du 28.7.2017, p. 1.

(4)  JO L 123 du 12.5.2016, p. 1.


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/286


Avis du Comité économique et social européen sur la«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des normes de performance en matière d’émissions de CO2 pour les nouveaux véhicules lourds»

[COM(2018) 284 final — 2018-0143 (COD)]

et sur la «Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 96/53/CE du Conseil en ce qui concerne le délai fixé pour la mise en œuvre des règles spéciales relatives à la longueur maximale pour les cabines améliorant les performances aérodynamiques, l’efficacité énergétique et les performances en matière de sécurité»

[COM(2018) 275 final — 2018/0130 (COD)]

(2019/C 62/45)

Rapporteur:

Stefan BACK

Consultation

Parlement européen, 11.6.2018 et 5.7.2018

Conseil, 8.6.2016 et 5.7.2018

Base juridique

Article 91, paragraphe 1, article 192, paragraphe 1, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

4.10.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

216/2/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE se félicite de la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 96/53/CE du Conseil (ci-après: «La proposition de décision») et note qu’elle concerne uniquement la mise en œuvre anticipée des modifications de fond de la directive 96/51/CE, déjà convenue. Le CESE souligne la nécessité de tenir compte de l’environnement de travail des conducteurs lors de l’adoption des règles et prie instamment la Commission de consulter les parties prenantes appropriées à cet égard.

1.2.

De même, le CESE se félicite de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des normes de performance en matière d’émissions de CO2 des véhicules utilitaires lourds neufs (1) (ci-après la «proposition de règlement»); c’est une approche équilibrée qui vise à répondre à la nécessité de réduire les émissions de CO2 provenant de véhicules utilitaires lourds afin de contribuer à la mise en œuvre des engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris, compte tenu des modalités spécifiques arrêtées par le Conseil européen d’octobre 2014 en ce qui concerne le secteur des transports.

1.3.

Enfin, le CESE se félicite de l’objectif de la proposition de règlement visant à promouvoir l’innovation et la compétitivité de l’industrie automobile de l’Union européenne concernant les véhicules utilitaires lourds à émissions faibles, afin de faire face à la concurrence de la Chine, du Japon et des États-Unis d’Amérique dans ce secteur.

1.4.

Il regrette toutefois la complexité de la proposition, qui la rend difficile d’accès. Le CESE déplore également l’absence d’une terminologie et de critères communs pour désigner ce que la proposition de règlement appelle «véhicules à émission nulle et à faibles émissions», dans la mesure où des termes différents sont utilisés dans les autres propositions relatives au train de mesures sur la mobilité. Une terminologie commune et, dans la mesure du possible, des critères communs eussent rendu les textes plus clairs.

1.5.

De l’avis du CESE, le choix d’une approche technologiquement neutre s’impose compte tenu de la dynamique de l’évolution dans le domaine des sources d’énergie de substitution et de la nécessité d’éviter toute solution nationale susceptible de constituer un obstacle au bon fonctionnement du marché intérieur.

1.6.

La réduction de 15 % des émissions de CO2 pour la période 2020-2025 est ambitieuse, mais elle est conforme au taux de réduction adopté par le Conseil européen d’octobre 2014 et à ce que l’on peut raisonnablement exiger du secteur des transports.

1.7.

Le CESE se félicite également de la flexibilité qu’offre le système débit/crédit proposé.

1.8.

Le CESE souligne l’importance de la prévisibilité tant en ce qui concerne l’industrie automobile que le secteur des transports, compte tenu du temps et des investissements nécessaires pour élaborer de nouveaux produits et du besoin de prévisibilité concernant le cadre juridique à l’heure d’effectuer des investissements dans des équipements neufs. Pour cette raison, le CESE souhaiterait également des objectifs plus précis concernant la trajectoire du CO2 après 2030.

1.9.

Le CESE attire l’attention sur le fait que l’innovation se traduit souvent par des changements dans les conditions de travail et par un besoin d’adaptation à de nouvelles exigences. Pour ce faire, des efforts doivent être consentis afin de rendre possible la transformation d’une manière socialement durable et de faciliter le dialogue entre les partenaires sociaux.

1.10.

Le CESE souligne également l’importance de tester les performances réelles des véhicules en matière d’émissions de CO2 dans des conditions de conduite réelles, compte tenu par exemple des effets supplémentaires sur les niveaux d’émissions de CO2 de la numérisation et de techniques de conduite plus efficaces qui permettent d’améliorer l’efficacité, de mieux utiliser les capacités et de réduire les coûts par unité transportée.

1.11.

Le CESE est d’avis, par conséquent, que la proposition de règlement contribuerait également à l’amélioration de la compétitivité de l’industrie européenne des transports.

1.12.

Le CESE relève un manque de clarté dans la proposition de règlement en ce qui concerne le statut des «véhicules professionnels» (voir point 5.1). Il estime que les effets du statut particulier des véhicules professionnels devraient être mieux expliqués, le cas échéant au moyen d’un ajout au considérant 17.

1.13.

Les recettes générées par les pénalités à verser en cas de non-respect des objectifs fixés par la proposition de règlement devraient, de l’avis du CESE, être affectées au financement du développement de l’innovation et de solutions de transport durables afin de réduire l’empreinte carbone des véhicules utilitaires lourds.

1.14.

Enfin, le CESE fait remarquer que l’expression «prime sur les émissions excédentaires» utilisée à l’article 8 pour désigner ce qui est en fait une sanction ne semble pas appropriée et devrait être remplacée, par exemple, par les mots «pénalité pour émissions excédentaires».

2.   Contexte

2.1.

Dans le cadre de l’accord de Paris, l’Union européenne s’est engagée à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) afin de prévenir les effets négatifs du changement climatique. L’engagement de l’Union européenne a été pris sur la base des conclusions du Conseil européen d’octobre 2014, lequel appelait à une réduction d’au moins 40 % d’ici à 2030, bien que proposant un objectif moins ambitieux — une réduction de 30 % — pour les secteurs ne relevant pas du système d’échange de quotas d’émission, notamment les transports (2).

2.2.

La stratégie européenne pour une mobilité à faible taux d’émissions (3) (ci-après: «La stratégie pour une mobilité à faible taux d’émissions») établit un premier objectif de réduction d’au moins 60 % des émissions de GES d’ici à 2050 par rapport aux niveaux de 1990, et un second consistant à faire en sorte que les véhicules à émissions faibles représentent une part importante du marché d’ici 2030.

2.3.

L’un des principaux objectifs de l’initiative «L’Europe en mouvement» (le train de mesures sur la mobilité) est de traduire dans la réalité la stratégie de mobilité à faible taux d’émissions et la stratégie revisitée pour la politique industrielle de l’Union européenne (4). Le train de mesures sur la mobilité a été présenté en trois étapes: les 31 mai et 8 novembre 2017 et le 17 mai 2018. Les communications globales qui accompagnent les trois volets de ce train de mesures ont mis en lumière l’importance de mettre en œuvre cette stratégie; un certain nombre de propositions en ce sens ont été émises, notamment la proposition de règlement concernant la surveillance et la communication des données relatives aux émissions de CO2 et à la consommation de carburant des véhicules utilitaires neufs (5) et la proposition de règlement établissant des normes de performance en matière d’émissions pour les voitures particulières neuves et les véhicules utilitaires légers neufs dans le cadre de l’approche intégrée de l’Union visant à réduire les émissions de CO2 des véhicules légers et modifiant le règlement (CE) no 715/2007 (6). Il convient de souligner que l’objectif de ces mesures n’est pas seulement environnemental, mais qu’il vise aussi à maintenir la compétitivité de l’Union européenne face à des pays tels que la Chine, le Japon et les États-Unis, qui ont déjà adopté des normes environnementales pour les véhicules utilitaires lourds.

2.4.

Les deux propositions examinées dans le présent avis s’inscrivent dans la troisième tranche du paquet et portent sur les normes de performance en matière d’émissions pour les nouveaux véhicules utilitaires lourds, ainsi que sur la réduction du délai de transposition en droit national des règles spéciales relatives à la longueur maximale pour les cabines améliorant les performances aérodynamiques.

3.   Les propositions

3.1.   Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 96/53/CE du Conseil en ce qui concerne le délai fixé pour la mise en œuvre des règles spéciales relatives à la longueur maximale pour les cabines améliorant les performances aérodynamiques, l’efficacité énergétique et les performances en matière de sécurité (7) (ci-après: «la proposition de décision»)

3.1.1.

Les règles spéciales auxquelles il est fait référence ci-dessus visent à permettre l’utilisation de cabines plus aérodynamiques, ce qui permettrait d’améliorer la performance énergétique et de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Dans sa version actuelle, la directive 96/53/CE prévoit un moratoire de trois ans pour l’introduction des cabines aérodynamiques à compter de la fin de la période de transposition. Il est désormais proposé de réduire ce délai à quatre mois à compter de l’entrée en vigueur de la décision, afin de rendre possible l’utilisation des cabines aérodynamiques sans retard inutile. La mise en œuvre suppose une modification des règles sur la réception par type.

3.1.2.

La proposition de décision ne modifie pas les dispositions de fond de la directive 96/53/CE.

3.2.   Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des normes de performance en matière d’émissions de CO2 pour les véhicules utilitaires lourds neufs (8) (traduction provisoire) (la «proposition de règlement»)

3.2.1.

La proposition de règlement fixe des objectifs pour les réductions d’émissions de CO2 causées par les véhicules utilitaires lourds couverts par la proposition de règlement selon le calendrier suivant: un premier objectif de 15 % pour la période 2025-2029 et, pour la période courant à partir du 1er janvier 2030, un second, d’au moins 30 %, devant faire l’objet d’un réexamen en 2022. Les émissions de référence se basent sur des données pour l’année 2019, établies par le suivi prévu dans la proposition de règlement concernant la surveillance et la communication des données relatives aux émissions de CO2 et à la consommation de carburant des véhicules utilitaires lourds neufs (émissions pour l’année de référence) (9).

3.2.2.

La proposition de règlement couvre les camions dont le poids total en charge est supérieur à 16 tonnes, les tracteurs, ainsi que — en ce qui concerne les incitations prévues par les dispositions spéciales applicables aux véhicules à émission nulle et à faibles émissions — les autocars, autobus et camions qui, autrement, ne relèvent pas de la proposition de règlement. Les véhicules professionnels et les véhicules utilitaires lourds qui ne sont pas destinés à l’acheminement de marchandises ne sont en principe pas concernés par les objectifs de réduction des émissions de CO2 prévus par la proposition de règlement.

3.2.3.

Dès 2020, les émissions spécifiques moyennes de chaque constructeur à compter de 2019 seront calculées pour chaque année calendaire précédente, conformément à des actes d’exécution, sur la base des informations recueillies dans le cadre de la proposition de règlement sur le suivi (voir point 3.2.1) et du futur facteur d’émission nulle et de faibles émissions.

3.2.4.

Pour les véhicules à émission nulle et à faibles émissions, un facteur d’émission nulle et de faibles émissions sera défini par la Commission à partir de 2020 pour chaque constructeur sur la base de 2019. Chaque véhicule à émission nulle ou à faibles émissions sera comptabilisé comme deux véhicules. Le facteur d’émission nulle ou de faibles émissions réduira les émissions spécifiques moyennes d’un maximum de 3 %, ou, en ce qui concerne les autobus, les autocars et les camions qui ne relèvent normalement pas du champ d’application du règlement, d’un maximum de 1,5 %.

3.2.5.

À partir de 2026, les objectifs d’émissions spécifiques des constructeurs pour l’année suivante seront définis par la Commission par voie d’actes d’exécution, sur la base des données de l’année précédente. Ils seront basés sur les objectifs fixés par le règlement, les émissions de l’année de référence (2019), la part des fabricants dans chaque catégorie de véhicules ainsi que le kilométrage annuel et la charge utile de chaque catégorie.

3.2.6.

Un système de crédits et de dettes d’émissions sera mis en place. Crédits et dettes d’émission seront calculés sur la base de la différence entre une trajectoire de réduction — qui sera fixée pour chaque constructeur sur la base des émissions pour l’année de référence et des objectifs pour 2025 et 2030 — et les émissions spécifiques moyennes d’un constructeur; une différence positive donne lieu à un crédit. En revanche, une différence négative entre les émissions spécifiques moyennes et l’objectif d’émissions spécifiques d’un constructeur donne lieu à une dette d’émissions.

3.2.7.

Les crédits d’émission pourront être acquis au cours de la période 2019-2029, mais les crédits acquis au cours de la période 2019-2024 ne pourront être pris en compte que dans le cadre de l’objectif d’émissions spécifiques pour 2025. Les dettes acquises pour la période 2025-2029 ne pourront dépasser 5 % de l’objectif d’émissions spécifiques du constructeur en 2025 multiplié par le nombre de véhicules lourds du constructeur pour cette année («limite de dette d’émission»). Les dettes et les crédits pourront être reportés au cours de la période 2025-2028, mais devront être totalement apurés en 2029.

3.2.8.

Les émissions excédentaires pour une année donnée ou pour la période 2025-2029 se traduiront par l’imposition par la Commission d’une prime sur les émissions excédentaires, calculée sur la base de 6 800 EUR/gCO2/tkm. Les primes sur les émissions excédentaires entrent dans les recettes du budget général de l’Union.

3.2.9.

La proposition de règlement comporte également des dispositions relatives au contrôle de la conformité des véhicules et à la publication des données et de la performance du constructeur.

4.   Observations générales

4.1.   La proposition de décision

4.1.1.

Le CESE soutient l’initiative visant à permettre une mise en œuvre anticipée des dispositions relatives à l’utilisation de cabines conçues pour améliorer l’efficacité énergétique, et donc pour réduire les émissions et améliorer la compétitivité de l’industrie automobile européenne. Le CESE souligne que la proposition n’implique aucune modification de fond de la directive 96/53/CE, mais qu’elle adapte uniquement le calendrier de mise en œuvre.

4.1.2.

Le CESE note que de nouvelles réglementations sont nécessaires avant la mise sur le marché de cabines aérodynamiques qui excèdent les dispositions actuelles en matière de poids et de dimensions du véhicule. Conformément à l’article 9 de la directive (UE) 2015/719, ces nouvelles règles couvriront les quatre domaines suivants:

les performances aérodynamiques,

la sécurité des usagers de la route vulnérables, par exemple la visibilité, l’élimination des angles morts, etc.,

la réduction des dommages ou des blessures causés aux automobilistes et aux autres usagers de la route en cas de collision,

la sécurité et le confort des chauffeurs, comme par exemple les dimensions intérieures de la cabine.

4.1.3.

Le CESE demande instamment à la Commission de consulter les parties prenantes intéressées, par exemple les syndicats représentant les chauffeurs, les transporteurs de marchandises par route etc., avant de finaliser ces propositions.

4.1.4.

Le CESE part du principe que les règles pertinentes en matière de réception par type garantiront un environnement de travail pour les chauffeurs au moins équivalents aux normes en vigueur.

4.2.   La proposition de règlement

4.2.1.

Le CESE se félicite de la proposition de la Commission, laquelle semble préconiser un équilibre raisonnable entre les objectifs visant à réduire les émissions de GES en matière de mobilité et à encourager l’innovation dans l’industrie automobile européenne tout en améliorant sa compétitivité. Cette proposition fait suite à celle sur la surveillance et la communication des données relatives aux émissions de CO2 des véhicules utilitaires lourds, mentionnée au point 2.3 et accueillie favorablement par le CESE.

4.2.2.

Le CESE prend note de l’extrême complexité de la proposition de règlement. Il déplore le fait qu’il ait été apparemment impossible d’élaborer un texte plus clair et plus facilement accessible. À cet égard, le CESE regrette également que la terminologie utilisée pour désigner les véhicules à émissions faibles — ou nulles — soit si différente dans les trois propositions relatives aux émissions de CO2 des véhicules qui font partie du train de mesures sur la mobilité. À titre d’exemple, l’article 4 et le tableau no 2 de l’annexe à la proposition comportant des modifications de la directive 2009/33/CE relative à la promotion de véhicules propres et économes en énergie (10), ainsi que l’article 3 de la proposition de refonte du règlement (CE) no 715/2007 sur les normes d’émission de CO2 pour les voitures et les camionnettes (11) utilisent tous trois des définitions différentes pour les émissions faibles — ou nulles. La proposition de règlement utilise une troisième terminologie. Il est regrettable qu’une terminologie commune et cohérente n’ait pu être trouvée.

4.2.3.

Le CESE, outre les objectifs environnementaux de la proposition, accueille très favorablement le volet «compétitivité», compte tenu du fait que des normes d’émission de CO2 et des systèmes de surveillance pour les véhicules utilitaires lourds sont d’ores et déjà en place notamment en Chine, au Japon et aux États-Unis. Il est dès lors essentiel que l’industrie automobile de l’Union européenne soit encouragée à parvenir à des normes similaires, afin d’être en mesure de soutenir efficacement la concurrence sur ces marchés ainsi que sur d’autres.

4.2.4.

Le CESE se félicite de l’approche technologiquement neutre de la proposition de règlement, qui devrait créer les conditions d’une approche large qui permette de développer des systèmes de propulsion à émissions faibles ou nulles, et de poursuivre le développement du moteur à combustion.

4.2.5.

Le CESE attire l’attention sur l’importance de mettre en place des systèmes de propulsion alternatifs pour les véhicules utilitaires lourds qui tiennent compte également du contexte commercial dans lequel ces véhicules sont généralement utilisés. À cet égard, le CESE appelle également l’attention sur le large éventail de solutions actuellement disponibles ainsi que sur l’évolution dynamique dans ce domaine, signe que la situation est en constante évolution. Aussi souligne-t-il l’importance, notamment en ce qui concerne les véhicules utilitaires lourds, d’éviter les solutions nationales divergentes qui font obstacle au fonctionnement du marché intérieur en entravant la mobilité transfrontalière.

4.2.6.

Le CESE prend acte de l’objectif de réduction de 15 % des émissions de CO2 au cours de la période 2020-2025; il estime qu’il s’agit là d’un objectif ambitieux, compte tenu du fait que ce type d’obligation est nouveau pour les véhicules utilitaires lourds, lesquels sont également une catégorie de véhicules nouvelle pour les exigences énoncées dans la proposition de règlement.

4.2.7.

Le CESE constate néanmoins avec satisfaction que l’objectif fixé est nettement inférieur à l’objectif général de réduction des émissions de CO2 fixé pour l’Union européenne, ce qui est conforme à la position adoptée par le Conseil européen d’octobre 2014 concernant les exigences pouvant raisonnablement être imposées au secteur des transports. Dans ce contexte, le CESE se félicite également du système de débit/crédit proposé, lequel prévoit une flexibilité qui pourrait se révéler nécessaire, du moins pendant un certain temps.

4.2.8.

La prévisibilité est importante tant pour l’industrie automobile que pour le secteur des transports. Dans le cas de l’industrie automobile, la question consiste à savoir à quoi l’on peut s’attendre lors de l’élaboration de nouveaux modèles et de nouvelles solutions techniques, tous deux étant des projets à long terme. S’agissant du secteur des transports, la question est de pouvoir faire des choix éclairés, par exemple à l’heure d’investir dans un nouveau véhicule. C’est pourquoi il est important de définir des objectifs plus précis pour la trajectoire des émissions de CO2 après 2030.

4.2.9.

L’innovation pourrait, elle aussi, conduire à des modifications des conditions de travail dans l’industrie automobile, et à la nécessité de nouvelles compétences. Une telle évolution pourrait aussi résulter de la modification de l’environnement de travail et des nouvelles technologies, qui pourraient faire peser de nouvelles exigences, par exemple sur les chauffeurs. Il convient de prendre suffisamment en compte la dimension sociale de l’évolution technologique afin de garantir des conditions de travail adéquates et une formation permettant d’acquérir de nouvelles compétences. Le dialogue entre les partenaires sociaux est également nécessaire pour assurer une transition durable.

4.2.10.

La proposition de règlement traite uniquement des caractéristiques techniques du véhicule. Par conséquent, le CESE aimerait également attirer l’attention sur la numérisation des transports — y compris sur le développement de véhicules automatisés et les nouvelles habitudes de conduite — qui, outre qu’elle améliorera les performances des véhicules en matière d’émissions de CO2, permettra de réduire l’empreinte carbone des véhicules utilitaires lourds. De même, l’amélioration potentielle de l’efficacité résultant de la numérisation — par exemple grâce à une meilleure planification des trajets et au groupage de cargaisons, rendus possibles par les plateformes numériques — pourrait avoir des effets non négligeables sur les performances en matière d’émissions.

4.2.11.

Une plus grande efficacité et une meilleure utilisation des capacités permettront également de réduire les coûts par unité transportée et, partant, d’améliorer la compétitivité de l’industrie des transports.

4.2.12.

Il importe dès lors que les simulations de données fournies par l’outil de calcul de la consommation énergétique des véhicules (VECTO), destinées à être utilisées à des fins de contrôle et de normes, soient complétées par des données réelles. Aussi le CESE se félicite-t-il que la Commission ait déclaré, dans le contexte de l’adoption par le Parlement européen de la résolution législative sur le règlement sur la surveillance des émissions de CO2 des véhicules utilitaires lourds, qu’elle entend compléter les méthodes actuelles en matière de collecte de données par des essais sur route permettant d’évaluer la performance des véhicules utilitaires lourds (12) en situation réelle.

5.   Observations particulières — La proposition de règlement

5.1.

Selon l’exposé des motifs, des exemptions aux normes en matière d’émissions de CO2 sont prévues pour les véhicules professionnels. Des exemptions spécifiques sont énoncées à l’article 1er, deuxième alinéa (calcul des émissions de CO2 de référence) et à l’article 4 (émissions spécifiques moyennes d’un constructeur). En revanche, ces exemptions ne sont mentionnées ni à l’article 2 (champ d’application) ni à l’article 6 (objectifs d’émissions spécifiques des constructeurs). Dès lors, la situation de ces véhicules dans le cadre de la proposition de règlement ne semble pas tout à fait claire. Il semble toutefois que les véhicules professionnels soient en fait couverts par les objectifs de réduction d’émissions de CO2 tels que définis à l’article 1er, points a) et b), et qu’ils soient pris en compte dans la détermination des objectifs d’émissions des constructeurs ainsi qu’aux fins de l’établissement de dettes d’émission à l’article 7. De l’avis du CESE, les effets du statut particulier des véhicules professionnels devraient être mieux expliqués, le cas échéant au moyen d’un ajout au considérant 17.

5.2.

L’expression «prime sur les émissions excédentaires» qui figure à l’article 8 de la proposition de règlement évoque davantage une taxe à percevoir qu’une pénalité à payer, ce dont il s’agit dans les faits. Il pourrait être utile, dans un souci de clarté, de modifier le libellé et de lui préférer l’expression «pénalité pour émissions excédentaires», qui correspond davantage à la réalité.

5.3.

L’article 8 de la proposition de règlement prévoit que le montant des primes sur les émissions excédentaires entre dans les recettes du budget général de l’Union. De l’avis du CESE, ces sommes devraient être affectées à l’élaboration de solutions durables soit dans le secteur de l’automobile, soit dans celui des transports.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  COM(2018) 284 final — 2018/0143/COD.

(2)  Conclusions du Conseil européen, 24 octobre 2014.

(3)  COM(2016) 501 final.

(4)  COM(2017) 479 final.

(5)  COM(2017) 279 final — 2017/0111 (COD).

(6)  COM(2017) 676 final — 2017/0293 (COD).

(7)  COM(2018) 275 final — 2018/0130 (COD).

(8)  COM(2018) 284 final — 2018/0143 (COD).

(9)  COM(2017) 279 final — 2017/0111 (COD).

(10)  COM(2017) 653 final — 2017/0291/COD.

(11)  COM(2017) 676 final — 2017/0293/COD.

(12)  Parlement européen P8_TA-PROV (2018) 0246.


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/292


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le programme pour une Europe numérique pour la période 2021-2027»

[COM(2018) 434 final — 2018/0227 (COD)]

(2019/C 62/46)

Rapporteur:

Norbert KLUGE

Corapporteur:

Ulrich SAMM

Consultation

Parlement européen, 14.6.2018

Conseil, 25.6.2018

Base juridique

Articles 172, 173, paragraphe 3, et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Décision du Bureau du Comité

19.6.2018

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

4.10.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

212/0/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite que la Commission européenne ait établi le «Programme pour une Europe numérique». Ce dernier met en exergue l’intention de faire de l’Europe un acteur prééminent de la numérisation et d’en renforcer la puissance économique dans le cadre de la concurrence mondiale. Le «Programme pour une Europe numérique» poursuit l’objectif de permettre de réaliser un marché unique numérique et de donner un tour positif à la transformation numérique pour tous les citoyens de l’Union. Ce programme recèle le potentiel pour réussir avec efficacité, mais uniquement lorsque ses éléments de détail encore indéterminés à ce jour seront correctement établis.

1.2.

Les chercheurs figurent parmi les initiateurs des évolutions de la société et de l’économie. Les compétences et les aptitudes constituent le préalable d’une recherche de haut niveau, tout comme de la mise en œuvre du programme dans la pratique. Partant, elles figurent parmi les facteurs de réussite du programme. Le CESE prend acte de la haute importance qu’accorde de ce fait le programme au soutien à la recherche et au développement.

1.3.

Pour mettre les résultats de la recherche et du développement au service de tous les citoyens de l’Union européenne, ainsi que pour les diffuser, le CESE entend intensifier le dialogue entre la recherche, les partenaires sociaux et les organisations de la société civile organisée. Il s’impose de présenter des thématiques compliquées de manière telle qu’elles soient abordables et compréhensibles par des non-spécialistes. Le CESE propose en outre de lier le programme aux principes du soutien à la recherche auxquels pourvoit Horizon 2020 (Horizon Europe) et qui se fondent entre autres sur le respect de la charte européenne du chercheur et des principes de «la recherche et l’innovation responsables» et de la «science ouverte».

1.4.

Le CESE tient pour positif que la promotion des compétences numériques ait été élevée au rang de clef de voute du programme. Les compétences et les aptitudes numériques constituent un préalable à la réalisation des quatre autres objectifs spécifiques. Il est regrettable que le budget alloué à cet objectif soit inférieur à celui des autres objectifs spécifiques. Le CESE soutient de ce fait la proposition du Parlement européen de porter le budget y afférent de 700 millions d’EUR (soit 7,6 % du budget total) à 830 millions d’EUR (soit 9 % du budget total). Toutefois, le CESE souligne également que la responsabilité des questions d’éducation incombe tout particulièrement aux États membres et à leurs budgets nationaux. Le CESE constate les fortes disparités qui prévalent entre les États membres de l’Union européenne en matière de budgets alloués au renforcement des compétences numériques. C’est pourquoi il demande à la Commission d’attirer l’attention des États membres sur la responsabilité importante qui leur incombe dans ce domaine, de manière que toutes les personnes puissent bénéficier de la même manière de la numérisation.

1.5.

Le CESE tient pour nécessaire de former et de recruter des spécialistes hautement qualifiés, en vue d’accroître l’attrait qu’exerce sur ce groupe l’Europe en tant que lieu de travail dans le cadre de la concurrence mondiale. Toutefois, le CESE souligne également que le programme ne doit pas mettre uniquement l’accent sur les efforts tout particuliers déployés pour attirer les aptitudes et les capacités hautement qualifiées et avancées sur le plan numérique. Il convient de soutenir pleinement les entreprises, leurs travailleurs, tout comme les consommateurs, lorsqu’il s’agit de déployer et d’utiliser les technologies numériques tant élémentaires qu’avancées. Cette démarche est déterminante pour le nombre et la qualité des emplois et pour la compétitivité de l’Europe. Le CESE constate qu’à l’heure actuelle, nombre d’entreprises, de travailleurs et de citoyens ne disposent pas toujours ni des équipements techniques ni des aptitudes élémentaires. Dans ce contexte, le CESE met en relief les conclusions du Conseil européen du 19 octobre 2017, selon lesquelles les investissements dans les compétences numériques devraient viser à «donner à tous les européens la capacité et les moyens d’agir» (1).

1.6.

Le «Programme pour une Europe numérique» connaîtra le succès dans ce domaine s’il joue le rôle de «chef de file» et s’il garde un œil sur d’autres programmes de soutien de l’Union européenne qui poursuivent des objectifs similaires. Il convient de faire participer des ressources, telles que celles provenant par exemple du FSE+, au financement des mesures nécessaires.

1.7.

Le CESE souhaite que lors la mise en place des pôles d’innovation numérique, l’on associe comme il se doit les partenaires sociaux et la société civile. Ces derniers doivent se voir accorder l’accès aux pôles d’innovation numérique. En tant qu’entités non étatiques, ils peuvent accroître la visibilité de l’action des pôles d’innovation et améliorer leur acceptation.

Le CESE entend prévenir à l’avance un possible déséquilibre social lors de la mise en œuvre du programme. Sachant que la numérisation touche chacun des aspects de la vie et chacun des êtres humains, il est nécessaire au plus au point que tous les citoyens puissent en profiter. C’est pourquoi il importe au CESE que le programme soit conçu de manière que les avantages et les possibilités que procure l’Europe numérique soient ouverts à une participation de l’ensemble de la société européenne. La numérisation en Europe doit être inclusive. Personne ne saurait être exclu du progrès numérique en raison de facteurs tels que le genre, le statut social, l’éducation, le faible niveau de formation, les aptitudes numériques, l’origine, l’âge ou encore les handicaps. Il s’impose de distribuer de manière équitable les «dividendes numériques» qui en découlent grâce à des mesures politiques appropriées. Ceux-ci ne sauraient assurer des avantages uniquement à un petit nombre de groupes d’intérêt. Les mesures de mise en œuvre du programme doivent tenir compte du principe valable dans l’Union européenne selon lequel chaque personne est et demeure propriétaire de ses données.

1.8.

Le CESE entend ancrer davantage le programme dans les réalités sociales. Il s’impose de tenir compte des effets de la numérisation en matière de politiques du marché de l’emploi, ainsi que de ses conséquences variables sur les régions. C’est pourquoi il considère qu’un critère essentiel pour juger de la réussite du programme réside dans le fait que la numérisation engendre de la participation économique et des emplois et que cette évolution intervienne dans toutes les régions d’Europe.

1.9.

Le CESE souhaite que l’on puisse voir l’Union européenne comme un acteur dans le monde qui transmette les connaissances et soit à même de suivre le rythme de la Chine et des États-Unis d’Amérique dans la concurrence mondiale. Le fait que les entreprises et leurs travailleurs fassent confiance à la technologie relève tout autant de cette vision. Le «Programme pour une Europe numérique» est tout particulièrement susceptible d’apporter une valeur ajoutée là où les États membres ne sont pas en mesure, à eux seuls, de faire grand-chose. Ceci vaut notamment pour la question prioritaire de la cybercriminalité dans le cadre de la conception commune de méthodes et de stratégies de lutte contre les cyberattaques venues de l’extérieur de l’Europe. Il s’agit par exemple de la mise sur pied d’une industrie européenne indépendante des microprocesseurs.

1.10.

Le CESE est en faveur de l’idée que toute action entreprise dans le cadre du programme respecte des principes éthiques. À cet égard, le CESE rappelle son exigence d’appliquer le principe selon lequel l’humain contrôle la machine («human-in-command»), notamment lors de la poursuite du développement et de l’application de l’intelligence artificielle dans le monde du travail. Sur la base de tels principes éthiques, d’autres mesures législatives sont indispensables (pour ce qui est, par exemple, des questions liées à la responsabilité, de la protection des données, de celle des travailleurs ou de celle des consommateurs). En définitive, la poursuite de la numérisation de notre société ne pourra réussir que si l’on enclenche, outre la législation, des évolutions culturelles qui sensibilisent aux avantages et aux risques des évolutions numériques.

2.   Contexte — Le programme pour une Europe numérique

2.1.

Le 2 mai 2018, la Commission européenne a adopté une proposition relative au prochain cadre financier pluriannuel 2021-2027. Dans le contexte de ce cadre financier, la Commission européenne a publié le 6 juin 2018 le règlement relatif au programme pour une Europe numérique pour la période 2021-2027.

2.2.

Au moyen de ce programme pour une Europe numérique, la Commission européenne entend flanquer la stratégie pour un marché unique numérique d’un cadre financier solide et combler le retard d’investissement. À cette fin, elle a établi un budget total de 9,2 milliards d’EUR. L’objectif général du programme consiste à faciliter le passage des entreprises au numérique. Il convient d’accroître les avantages que procure la transformation numérique, dont doivent profiter tous les citoyens européens, toutes les administrations publiques et toutes les entreprises dans l’Union européenne.

2.3.

Le programme pour une Europe numérique comporte cinq objectifs spécifiques: 1) le calcul à haute performance, 2) l’intelligence artificielle, 3) la cybersécurité et la confiance, 4) les compétences numériques avancées, 5) la garantie d’une large utilisation des technologies numériques dans l’ensemble de l’économie et de la société. Il traite en outre de la transformation numérique de l’industrie.

2.4.

En ce qui concerne le premier objectif spécifique, à savoir le «calcul à haute performance», des «superordinateurs» doivent permettre de créer des capacités pour pouvoir mieux traiter des quantités de données qui ne cessent de croître. Grâce aux 2,7 milliards d’EUR dont il est doté, le programme doit renforcer les capacités de l’Union européenne en matière de calcul à haute performance et de traitement des données et veiller à ce qu’elles soient totalement exploitées pour lutter contre le changement climatique, pour améliorer les soins de santé et la sécurité.

2.5.

Pour ce qui est de l’objectif spécifique «Intelligence artificielle», la Commission européenne veut employer les 2,5 milliards d’EUR prévus à développer et à renforcer les capacités de l’Union européenne dans ce domaine. Il s’agit là notamment de permettre de renforcer la constitution, l’accès sécurisé et le stockage de vastes ensembles de données et d’algorithmes. En outre, il s’agit de renforcer les installations existantes d’essai et de recherche en matière d’intelligence artificielle dans les États membres et de stimuler la coopération entre les institutions. Les entreprises et les institutions publiques doivent appliquer les progrès technologiques.

2.6.

En ce qui concerne l’objectif spécifique «Cybersécurité et confiance», une dotation de 2 milliards d’EUR doit permettre de faire en sorte que l’Union dispose des capacités technologiques et industrielles pour asseoir son économie, sa société et sa démocratie. Ces investissements servent notamment à acquérir, de concert avec les États membres, des outils et des équipements avancés de cybersécurité, à assurer le déploiement des solutions de cybersécurité les plus récentes dans tous les secteurs de l’économie, à tirer parti de manière optimale des connaissances européennes existantes, ainsi qu’à renforcer les capacités en la matière au sein des États membres et du monde de l’économie privée.

2.7.

Pour tirer parti des investissements dans les technologies numériques, il est indispensable de disposer d’une société et d’une main d’œuvre armées des compétences requises. Dans le cadre du quatrième objectif spécifique, la Commission entend, au moyen de 700 millions d’EUR, promouvoir des compétences numériques avancées, notamment dans les domaines du calcul à haute performance, de l’intelligence artificielle, des registres distribués (comme par exemple les chaînes de blocs), tout comme de la cybersécurité. Il s’agit à plus long terme de concevoir et de mener à bien des formations et des cours à l’intention des étudiants, des spécialistes en informatique et des travailleurs. De même, il s’agit de favoriser des formations et des cours à court terme, tout comme la formation sur le lieu de travail. La transmission des aptitudes doit intervenir notamment au sein des pôles d’innovation numérique.

2.8.

Le cinquième objectif spécifique doit permettre de soutenir les administrations publiques et la mise à disposition de services dans des domaines d’intérêt public. Une dotation de 1,3 milliard d’EUR doit permettre par exemple de garantir le déploiement et l’utilisation de technologies numériques modernes dans le secteur public et dans des domaines tels que la santé et les soins, l’éducation, les transports et les secteurs de la culture et de la création. De surcroît, il s’agit de soutenir toutes les administrations publiques, ainsi que l’industrie, et notamment les petites et moyennes entreprises (PME), lors du déploiement des technologies numériques.

3.   Observations générales

3.1.

La numérisation et les mutations du monde du travail et du monde vivant qu’entraînent les progrès des technologies, sont omniprésentes. À l’heure actuelle, il n’est pratiquement pas un aspect de la vie qui ne soit déjà touché.

3.2.

Le CESE salue l’établissement d’un «Programme pour une Europe numérique» par la Commission européenne car cette démarche prouve toute l’importance que cette dernière attache à cette question. L’établissement de ces priorités peut apporter une valeur ajoutée européenne manifeste grâce à la stimulation d’une technologie avancée de pointe qui aidera à résoudre les questions les plus complexes de notre société contemporaine et sera bénéfique pour l’emploi et la compétitivité, ainsi que pour les conditions générales de vie de tous les citoyens. La preuve en est que la Commission européenne pose dans sa communication relative au cadre financier pluriannuel l’hypothèse d’un doublement des investissements dans le domaine numérique (2). Le CESE souligne également la nécessité d’investissements sociaux dans le contexte de la transformation numérique, afin que l’ensemble de la société puisse en profiter. L’on souligne que l’être humain doit toujours conserver le contrôle sur la machine («human-in-command»), notamment dans le domaine de l’intelligence artificielle.

3.3.

Le CESE se réjouit que la Commission européenne soutienne au moyen du «Programme pour une Europe numérique» le déploiement des capacités numériques et leur utilisation optimale. Le CESE convient avec la Commission européenne que les capacités numériques sous-tendent l’innovation dans des domaines d’intérêt public et dans les entreprises. Pour que la transition numérique de l’Union européenne soit bénéfique, il est indispensable de disposer des technologies numériques les plus avancées ainsi que des aptitudes adéquates. Le CESE estime que le budget prévu est conséquent, sans être comparable à ceux des concurrents que sont les États-Unis d’Amérique et la Chine. Il est de fait convaincu que ce budget permet d’atteindre les objectifs prévus mais signale qu’il est nécessaire d’accroître considérablement les investissements au sein des États membres de l’Union européenne afin de maintenir l’Europe à un niveau de classe mondiale.

3.4.

Il tient à cœur au CESE que tout soit fait pour que l’ensemble de la société européenne puisse participer aux évolutions technologiques. Le «Programme pour une Europe numérique» devrait se donner pour objectif de distribuer équitablement au sein de toute la population européenne les dividendes numériques qui seront produits au cours des années et décennies à venir dans les différents domaines, tels que par exemple la propriété des données. Puisque la numérisation touche chacun des aspects de la vie et chacun des êtres humains, il est nécessaire au plus haut point que tous en profitent. Cette transition numérique ne portera pleinement ses fruits en termes de bénéfices économiques et sociaux que si l’Europe parvient à déployer des réseaux de très haute capacité, aussi bien dans les zones rurales que dans les zones urbaines, et dans tous les segments de la société. À cette fin, des investissements publics sont nécessaires, dès lors que le marché ne pourra pas, à lui seul, couvrir toutes les zones isolées et garantir aux personnes les plus vulnérables de notre société un accès minimal au numérique.

3.5.

Pour le CESE, il importe qu’une approche conjointe et coordonnée puisse créer une valeur ajoutée dans l’Union européenne qu’à eux seuls, les différents États membres ne seraient pas en mesure d’apporter. Il s’agit notamment de la mise sur pied d’une industrie européenne indépendante des microprocesseurs grâce au programme de soutien au calcul à haute puissance (3), de la conception commune de méthodes et de stratégies de lutte contre les cyberattaques venues de l’extérieur (4), de l’établissement de normes pour le marché unique numérique, d’une application rigoureuse du règlement général européen sur la protection des données, et de la poursuite de leur développement notamment en vue d’applications de l’intelligence artificielle (5) et de la conduite autonome (6). Le recours aux valeurs européennes (telles que la protection des données, celle de la vie privée, la protection sociale, le développement durable) dans le développement de l’intelligence artificielle pourrait précisément devenir un avantage concurrentiel lorsque les citoyens seront davantage conscients des méthodes pratiquées par des pays tiers en matière d’utilisation des données (États-Unis) et du potentiel des systèmes d’intelligence artificielle en matière de surveillance (Chine).

3.6.

Le CESE se félicite qu’à plusieurs reprises, le «Programme pour une Europe numérique» mette en avant la numérisation de l’industrie. Il ne fait aucun doute que la transformation numérique ne peut réussir que si toutes les entreprises et leurs travailleurs en profitent. De ce fait, il serait souhaitable d’intégrer cet aspect de manière plus cohérente encore dans le programme, de sorte qu’il soit possible de faire apparaître les progrès réalisés au moyen également, par exemple, d’indicateurs de la numérisation des entreprises selon leur taille.

3.7.

Afin de renforcer les capacités techniques et numériques, une grande partie du budget sera orienté vers des projets de recherche et des programmes d’innovation. Le CESE fait valoir la nécessité de lier étroitement ce soutien aux principes du soutien à la recherche auxquels pourvoit Horizon 2020 (Horizon Europe), qui se fondent sur le respect de la charte européenne du chercheur (7), tout comme des principes de la «recherche et innovation responsables» (8) et de la «science ouverte» (9). Seul un ancrage dans ces principes permettra de garantir que la recherche soit mise au service de l’humanité. Il y a lieu de mettre les résultats de la recherche à la portée des non-spécialistes, ainsi que de les diffuser, tout comme de les exploiter. En bref, la recherche doit être utile à la société.

3.8.

Afin d’assurer la pertinence de la recherche pour l’ensemble de la société européenne, il convient de tenir régulièrement des manifestations sous forme de dialogues. À ces occasions, les chercheurs pourraient échanger entre eux, mais également avec le reste de la société et exercer une stimulation réciproque.

3.9.

En ce sens, l’on peut se réjouir que l’un des objectifs du programme consiste à permettre aux administrations publiques et aux entreprises de participer à cette évolution. Le CESE approuve les échanges entre les différents acteurs. Le CESE encourage la Commission européenne à mener cet échange dans l’ensemble des régions, des secteurs et des entreprises, quelle que soit leur taille. Il est possible de faciliter l’adoption de technologies avancées par les entreprises, et notamment par les PME, grâce à des partenariats et un environnement propice de l’industrie. En outre, le CESE appelle de ses vœux le respect du principe de partenariat et la participation des partenaires sociaux, tout comme des organisations de la société civile, à la mise en œuvre du «Programme pour une Europe numérique». Le dialogue social entre les partenaires sociaux appuie la mise en œuvre du programme pour une Europe numérique auprès des travailleurs.

3.10.

Le CESE tient pour nécessaire de former et de recruter des spécialistes hautement qualifiés, en vue d’accroître l’attrait qu’exerce sur ce groupe l’Europe en tant que lieu de travail dans le cadre de la concurrence mondiale. Toutefois, le CESE souligne également que le «Programme pour une Europe numérique» ne doit pas s’adresser uniquement aux travailleurs hautement qualifiés et disposant de compétences numériques avancées. C’est précisément parce que le «Programme pour une Europe numérique» poursuit l’objectif de réaliser le marché unique numérique et de donner un tour positif à la transition numérique qu’il importe de faire profiter tous les citoyens ainsi que tous les travailleurs de l’Union de ce robuste programme de soutien. Si cette visée venait à échouer, il se présente le risque d’une aggravation supplémentaire de la fracture sociale en Europe. Comme le CESE l’a fait valoir dans d’autres avis, l’impératif primordial pour réaliser le marché unique numérique consiste à combler le déficit en qualifications, également en ce qui concerne les compétences numériques (10). Dans le programme à l’examen, la Commission européenne renvoie à des programmes de soutien tels que le FSE+ ou le FEDER, en vue de transmettre des connaissances numériques élémentaires. Comme les structures de ces programmes les empêchent d’intervenir de manière exhaustive en Europe, il convient que le «Programme pour une Europe numérique» couvre de la même manière les différents niveaux de qualification. Si les moyens nécessaires mis à disposition au sein de ce programme s’avéraient insuffisants pour garantir que tous sans exception retirent des avantages de la numérisation, il convient de poser ces exigences à l’endroit d’autres programmes tels que le FSE+. Le «Programme pour une Europe numérique» devrait en l’affaire jouer le rôle de chef de file et garder un œil sur les autres programmes, de manière à pouvoir réaliser ses objectifs. Dans le cas contraire, seule une minorité bénéficierait en définitive des différents programmes d’aide de l’Union européenne.

3.11.

Dans ce contexte, le CESE fait valoir l’objectif de viser une société inclusive, au sein de laquelle l’on favorise l’égalité de tous. Dans le cadre de la transformation numérique, personne ne saurait être désavantagé en raison de facteurs tels que le genre, le statut social, l’éducation, les qualifications, les aptitudes numériques, l’origine, l’âge ou encore les handicaps.

4.   Observations particulières

4.1.

Le CESE approuve l’objectif de la Commission européenne de favoriser un accès plus aisé des entreprises, et notamment des PME, aux capacités et aux technologies numériques. Toutefois, en se concentrant sur les technologies avancées, le programme néglige le fait que de nombreux travailleurs, tout comme de nombreuses entreprises, ont avant tout besoin à l’heure actuelle d’un soutien concernant l’équipement de base de la numérisation. Le CESE met en relief le caractère déterminant pour la compétitivité et l’emploi en Europe que revêt un soutien plein et entier des entreprises afin de déployer les technologies numériques tant élémentaires qu’avancées. Le CESE encourage la recherche d’un dialogue social entre les partenaires sociaux également dans le domaine des investissements qui découlent du programme.

4.2.

Le CESE se félicite de l’objectif spécifique «Cybersécurité et confiance» du programme. La cybersécurité est tout aussi importante pour le développement que pour le fonctionnement de nos démocraties. La confiance que placent les entreprises et les travailleurs dans la cybersécurité est cruciale pour la réussite du programme.

4.3.

Le programme devrait s’ancrer aussi fermement que possible dans les réalités sociales. Il convient de prendre en compte les effets de la numérisation en matière de politiques de marché de l’emploi, ainsi que ses conséquences variables sur les différentes régions. De ce fait, le CESE estime qu’il importe, lors de la mise en œuvre du programme, de mettre en évidence les possibilités qui découlent de la numérisation en matière de participation économique et d’emplois. Par ailleurs, il importe au plus haut point de favoriser ces possibilités dans les régions d’Europe. La coopération prévue avec Fonds européen de développement régional (FEDER) et le Fonds de cohésion se prête à cette fin. Il y a lieu de procéder régulièrement à des échanges entre le «Programme pour une Europe numérique», le FEDER et le Fonds de cohésion. De surcroît, les pôles d’innovation qui sont créés sur le terrain dans les régions devraient poursuivre l’objectif du développement régional.

4.4.

Il convient de mettre en œuvre le quatrième objectif spécifique concernant les «compétences numériques avancées», tout comme la numérisation de l’industrie, au moyen notamment des pôles d’innovation. Ces derniers devraient servir de voie d’accès aux capacités numériques les plus récentes. Le CESE se félicite vivement du souci du détail qui a présidé à la conception de la mise en œuvre du programme. Le CESE approuve l’objectif de créer au moins un pôle d’innovation par État membre et de proposer d’autres entités aux États membres ultrapériphériques de l’Union européenne. L’on plaide en faveur d’une coopération entre les pôles d’innovation. Le CESE observe d’un œil critique la forte charge administrative liée à la mise en place des pôles d’innovation. En la matière, des consortiums transfrontières pourraient s’avérer utiles. En outre, la participation des partenaires sociaux et de la société civile devrait constituer un préalable pour les pôles d’innovation numérique. Une telle participation permet d’en adapter les travaux aux besoins des entreprises locales et de leurs travailleurs, ainsi qu’à ceux d’autres utilisateurs des technologies, et de permettre à de larges pans de la population de bénéficier de leurs avantages.

4.5.

L’objectif spécifique consistant à favoriser des compétences numériques avancées est la clef de voute de la réalisation des quatre autres objectifs spécifiques. Aussi, il est regrettable que le budget qui lui est alloué soit inférieur à celui des autres objectifs spécifiques. Le CESE soutient la proposition avancée par le Parlement européen de porter le budget y afférent de 700 millions d’EUR (soit 7,6 % du budget total) à 830 millions d’EUR (soit 9 % du budget total) (11). Toutefois, le CESE souligne également que la responsabilité des questions d’éducation incombe tout particulièrement aux États membres et à leurs budgets nationaux. Le CESE doute toutefois de la mesure dans laquelle la Commission sera à même de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires afin de sensibiliser les États membres à l’urgence d’une éducation numérique de toutes les catégories de la population dès l’école primaire. Les budgets alloués à cette fin varient fortement d’un État membre à l’autre. Afin que personne ne soit exclu des programmes de formation continue du fait de la faiblesse des budgets nationaux, l’Union européenne devrait observer attentivement la mise en œuvre de cet objectif spécifique et communiquer publiquement sur les conclusions qu’elle en tire.

4.6.

Le CESE, tout comme le Parlement européen (12), constate que l’ensemble des actions réalisées dans le cadre du programme respectent des principes d’éthique. Notamment en ce qui concerne les travaux menés dans le domaine de l’intelligence artificielle, il importe d’observer les principes en place à l’heure actuelle et ceux qui demeurent à concevoir (13). À cet égard, le CESE rappelle l’exigence qu’il a posée concernant le principe du contrôle de l’être humain sur la machine («human-in-command»), qui doit constituer un fil directeur essentiel de toute évolution future. Sur la base de tels principes éthiques, d’autres mesures législatives sont indispensables (pour ce qui est, par exemple, des questions liées à la responsabilité, de la protection des données ou de celle des consommateurs). En définitive, la poursuite de la numérisation de notre société ne pourra réussir que si l’on encourage, outre la législation, également une évolution culturelle correspondante dans le sens d’une sensibilisation en matière d’avantages et de risques.

4.7.

Le CESE souhaite qu’en sus du renforcement des capacités et de leur mise à disposition, l’on place au centre de l’objectif spécifique «Intelligence artificielle» la question de la responsabilité juridique dans le contexte du recours à l’intelligence artificielle et aux systèmes automatisés. L’on peut se féliciter de l’obligation prévue de rendre les banques de données accessibles gratuitement également aux PME. Le secteur public devrait également s’en voir accorder l’accès. En outre, il convient de préparer les entreprises à ces travaux, et il s’impose de disposer d’une orientation juridique claire sur l’identité du responsable en cas d’accident ou dans des cas similaires. La protection des travailleurs, tout comme des citoyens, revêt la même importance que la création de croissance économique.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  EUCO 14/17 — Réunion du Conseil européen (19 octobre 2017) — Conclusions.

(2)  COM(2018) 98 final: Un cadre financier pluriannuel nouveau et moderne pour une Union européenne qui met en œuvre ses priorités avec efficience au-delà de 2020.

(3)  JO C 283 du 10.8.2018, p. 89.

(4)  JO C 227 du 28.6.2018, p. 86.

(5)  Voir les avis du CESE sur l’«Intelligence artificielle», dossier INT/806 (JO C 288 du 31.8.2017, p. 1), sur «L’intelligence artificielle pour l’Europe», dossier INT/851 (JO C 440 du 6.12.2018, p. 51) et sur le thème «Lutter contre la désinformation en ligne», dossier TEN/664 (JO C 440 du 6.12.2018, p. 183).

(6)  Voir les avis du CESE sur la «Mobilité connectée et automatisée», dossier TEN/673 (voir page 274 du présent Journal officiel), et sur l’«Internet des objets», dossier INT/846 (JO C 440 du 6.12.2018, p. 8).

(7)  https://euraxess.ec.europa.eu/jobs/charter (en anglais uniquement).

(8)  https://ec.europa.eu/programmes/horizon2020/en/h2020-section/science-and-society (en anglais uniquement).

(9)  https://ec.europa.eu/research/openscience/ (en anglais uniquement).

(10)  Voir l’avis du CESE sur la «Stratégie pour un marché unique numérique en Europe», dossier TEN/574 (JO C 71 du 24.2.2016, p. 65).

(11)  Projet d’avis — 2018/0227 (COD).

(12)  Projet de rapport — 2018/0227 (COD).

(13)  https://ec.europa.eu/digital-single-market/en/high-level-expert-group-artificial-intelligence (en anglais uniquement).


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/298


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 391/2009 en ce qui concerne le retrait du Royaume-Uni de l’Union»

[COM(2018) 567 final — 2018/0298 (COD)]

(2019/C 62/47)

Rapporteur général:

Séamus BOLAND

Saisine

Parlement européen, 10.9.2018

Conseil de l’Union européenne, 10.9.2018

Base juridique

Article 100, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Décision du Bureau

18.9.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

122/0/0

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) souscrit à la proposition de la Commission visant à modifier le règlement (CE) no 391/2009 relatif aux inspections et à la certification des navires, rendue nécessaire en raison du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE).

1.2.

Le CESE est d’avis que les modifications proposées créeront un environnement favorable et recommande à la Commission de promouvoir une coopération plus étroite entre toutes les institutions européennes et nationales concernées et les organismes agréés, avec lesquels les États membres ont signé des accords d’habilitation.

1.3.

Le CESE se félicite que cette proposition soit une source de sécurité juridique pour un secteur dont un certain nombre d’acteurs sont fortement tributaires lorsqu’il s’agit d’assurer un transport sans heurts de marchandises dans le respect avéré des normes de sécurité les plus strictes. Il préconise dès lors son adoption de toute urgence.

1.4.

Le CESE accueille favorablement l’intention affichée par la Commission de faire rapport sur les effets de la proposition à l’issue d’une période d’application appropriée et recommande l’adoption de mesures suffisantes, en particulier face aux conséquences qui outrepasseraient le champ d’application des modifications apportées au règlement.

2.   Observations générales

2.1.

Le 23 juin 2016, à l’occasion d’un référendum sur son appartenance à l’Union européenne, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a voté en faveur d’une sortie de l’Union. Cette décision s’applique également au territoire de Gibraltar.

2.2.

Le 29 mars 2017, le Royaume-Uni a notifié son intention de se retirer de l’Union. Cela signifie que l’ensemble du droit primaire et secondaire de l’Union cessera de s’appliquer au Royaume-Uni à partir du 30 mars 2019 (la «date de retrait»). Le Royaume-Uni deviendra alors un pays tiers.

2.3.

Sous réserve du contenu de l’accord de retrait, actuellement en cours de négociation, il est clair que le droit de l’Union en matière de transport maritime ne s’appliquera plus au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (y compris Gibraltar). Au titre du droit de l’Union, la reconnaissance au niveau de l’Union européenne des organismes prestataires de services d’inspection et de visite des navires battant le pavillon de l’un des États membres ne peut se poursuivre que moyennant un accord sur la proposition.

2.4.

L’article 8, paragraphe 1, du règlement (CE) no 391/2009 (ci-après le «règlement») exige que les «organismes agréés» chargés de l’inspection et de la visite des navires soient évalués tous les deux ans par la Commission, en association avec l’État membre qui cherche à faire reconnaître l’organisme en question. Or, à l’issue de son retrait, le Royaume-Uni ne pourra plus participer aux évaluations effectuées conformément audit article 8, paragraphe 1, en ce qui concerne les organismes pour lesquels il joue le rôle d’État membre initiateur.

2.5.

La perte attendue de l’agrément de l’Union européenne par les «organismes» dont la procédure d’agrément a été initiée par le Royaume-Uni laisse entrevoir, en toute logique, des effets néfastes sur la compétitivité et l’attrait des pavillons des États membres de l’EU-27 qui ont habilité ces organismes agréés à agir en leur nom aux fins de l’inspection, de la visite et de la certification réglementaires des navires. Nombre des organismes concernés possèdent des accords d’habilitation avec les 27 autres États membres, qui deviendraient caducs après le retrait du Royaume-Uni.

2.6.

La proposition de la Commission vise dès lors à renforcer la sécurité juridique, à garantir la continuité des activités pour les armateurs concernés et à maintenir la compétitivité des pavillons des États membres de l’EU-27.

2.7.

La sortie de l’Union impliquera, pour le Royaume-Uni, la fin de sa participation à l’ensemble des activités relevant de l’article 8, paragraphe 1, du règlement (CE) no 391/2009. Les organismes tributaires de l’adoption de la proposition seront néanmoins en mesure de poursuivre leurs travaux.

3.   Contenu essentiel de la proposition de la Commission

3.1.

La proposition de la Commission vise à rétablir la sécurité juridique dans la réglementation des affaires maritimes, qui sera mise à mal par le retrait du Royaume-Uni de l’Union.

3.2.

En supprimant la nécessité d’un État initiateur, la proposition permettra en effet aux organismes de travailler aux côtés de la Commission, en association avec les États membres disposant d’accords d’habilitation avec eux pour poursuivre la certification et les inspections de navires.

3.3.

La proposition cherche à assurer l’agrément des «organismes» qui agissaient précédemment au nom du Royaume-Uni en sa qualité d’État membre initiateur pour le compte de la Commission. L’objectif serait de garantir le maintien des modalités existantes entre ces organismes et les autres États membres de l’EU-27. Celles-ci couvrent notamment la réalisation de visites et d’inspections des navires, de manière à assurer une sécurité permanente.

3.4.

À cet effet, la proposition modifierait l’article 8, paragraphe 1, du règlement en adaptant la disposition selon laquelle seul l’État membre initiateur participe au processus d’évaluation régulière au nom de la Commission. Dans les faits, cela signifierait que les évaluations pourraient être menées par les organismes agréés agissant au nom de la Commission.

3.5.

La proposition vise à assurer la continuité des activités et la compétitivité des pavillons des 27 États membres qui travailleront avec les organismes concernés.

3.6.

Le règlement limite son champ d’application à la correction des «conséquences néfastes» du retrait du Royaume-Uni de l’Union.

4.   Observations du CESE

4.1.

Le CESE constate que la réglementation régissant les affaires maritimes, et en particulier le transport maritime, a évolué d’une manière qui garantit l’harmonisation de tous les échanges et de toutes les activités à travers l’Union européenne, y compris le Royaume-Uni.

4.2.

Le CESE souscrit à l’objectif central de la proposition, à savoir la nécessité de protéger les pavillons de l’Union européenne et d’éviter toute insécurité juridique après le Brexit.

4.3.

Le CESE constate que les trois principales entités actuellement concernées sont l’Agence européenne pour la sécurité maritime (EMSA), l’American Bureau of Shipping (ABS) et Lloyds.

4.4.

Le CESE observe qu’en l’absence de la proposition à l’examen, les États membres ne seraient pas en mesure de continuer à travailler avec les organismes agréés pour la flotte battant leur pavillon. Ils devraient changer le pavillon de leurs navires pour les immatriculer sur le registre d’un État non membre de l’Union européenne. De telles mesures auraient de sérieuses conséquences pour les contrats actuels avec ces organismes et pour la continuité du secteur.

4.5.

Le CESE estime que l’industrie du transport maritime joue un rôle central dans le commerce mondial et la circulation des marchandises. Il est en outre primordial que les systèmes de réglementation assurent une sécurité maximale pour tous les acteurs concernés.

4.6.

Le CESE souligne qu’une incapacité à adopter la proposition à l’examen pourrait paralyser le transport mondial de marchandises et menacer sérieusement l’économie de l’Union européenne. Cette proposition doit donc absolument être adoptée sans délai.

4.7.

Le CESE prend acte de l’observation de la Commission selon laquelle elle fera rapport, à l’issue d’une certaine période d’application, sur les conséquences du règlement qui n’ont pas encore été détectées.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/301


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1316/2013 en ce qui concerne le retrait du Royaume-Uni de l’Union»

[COM(2018) 568 final — 2018/0299 (COD)]

(2019/C 62/48)

Rapporteur général:

Stefan BACK

Consultations

Parlement européen, 10.9.2018

Conseil, 11.9.2018

Base juridique

Articles 172 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Décision du Bureau

18.9.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

118/1/0

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement la proposition en sa qualité de mesure de préparation qui répond à la nécessité d’assurer un réseau RTE-T cohérent et d’adapter le corridor de réseau central «mer du Nord-Méditerranée» à l’hypothèse selon laquelle le Royaume-Uni ne participerait pas au réseau RTE-T.

1.2.

Le CESE recommande que la Commission tienne compte de la situation de l’Irlande à la suite du retrait du Royaume-Uni et prenne sérieusement en considération les effets négatifs que ce retrait pourrait avoir sur l’économie de l’Union et de l’Irlande. Dans ces conditions, nous recommandons que des précautions particulières soient prises lors de la conception des tracés adaptés.

1.3.

Le CESE estime qu’une ou plusieurs liaisons directes entre la partie continentale de l’Union européenne et la République d’Irlande sont nécessaires pour préserver la cohésion du corridor de réseau central «mer du Nord-Méditerranée» et pour assurer les opérations de transport entre l’Irlande et la partie continentale de l’Union européenne sans contrôle aux frontières.

1.4.

Le CESE pense que lorsque le Royaume-Uni ne participera plus au réseau RTE-T et lorsque, en raison des contrôles aux frontières, les transports passant par les Royaume-Uni seront ralentis, les itinéraires de flux de trafic de et vers l’Irlande seront probablement modifiés.

1.5.

Le CESE note que la configuration des corridors figurant dans la proposition de la Commission à l’examen a été remise en cause au cours de la procédure de consultations qui a précédé la proposition, et ce pour différentes raisons, dont la pertinence du choix des ports et la nécessité de revoir également le tracé du corridor du réseau central «Atlantique».

1.6.

Le CESE rappelle que l’objectif du réseau RTE-T est de garantir la cohésion, l’efficacité et la durabilité des transports, le réseau central présentant la plus haute importance stratégique pour l’atteindre.

1.7.

Par conséquent, le CESE s’interroge sur la configuration du nouveau tronçon de corridor proposé dans la mesure où il pourrait ne pas correspondre aux flux de trafic à venir et risque donc de ne pas rencontrer l’objectif des corridors du réseau central RTE-T visant à faciliter les principaux flux à longue distance.

1.8.

Le CESE note également que certains ports qui pourraient prendre une place importante dans cette nouvelle situation ne sont pas des ports du réseau central et ne remplissent dès lors pas les critères de base pour participer à un corridor de réseau central, et qu’une révision du règlement sur les orientations RTE-T n’est pas prévue avant 2023.

1.9.

Le CESE maintient qu’il n’est probablement pas encore possible de prévoir avec certitude la manière dont les flux de transport vont évoluer dans le cas où la proposition serait appliquée.

1.10.

Par conséquent, le CESE convient que la configuration proposée est une manière appropriée de gérer la situation jusqu’à ce que des changements apparaissent dans les flux de trafic.

1.11.

Toutefois, le CESE déplore qu’aucune analyse d’impact n’ait été effectuée afin de vérifier l’adéquation de la configuration proposée, par exemple en ce qui concerne les denrées périssables, et d’examiner la configuration la plus performante et durable pour un itinéraire censé remplacer le pont terrestre du Royaume-Uni en tant que liaison du réseau RTE-T de et vers l’Irlande.

1.12.

Le CESE recommande dès lors qu’une clause de révision spécifique soit ajoutée à la proposition disposant qu’il convient que la Commission révise le règlement adopté dans les deux années de son entrée en vigueur. Cette révision devra être fondée sur une évaluation des changements effectifs intervenus dans les flux de transport entre la République d’Irlande et la partie continentale de l’Union européenne et servir de base à des propositions appropriées concernant le tracé des corridors du réseau central RTE-T concernés.

1.13.

Dans l’attente de cette révision, le CESE ne perçoit pas de motif pour modifier la proposition sur le fond, sachant que la situation des ports existants du réseau central de la Manche qui participent actuellement au corridor «mer du Nord-Méditerranée» ou au corridor du réseau central «Atlantique» restera inchangée à la suite de la modification.

1.14.

Le CESE s’interroge sur la raison pour laquelle la proposition à l’examen ne suggère pas de supprimer les liaisons existantes qui arrivent au Royaume-Uni ou qui passent par le Royaume-Uni. Si la législation de l’Union européenne relative au réseau RTE-T ne s’applique pas au Royaume-Uni, la mise en œuvre de ces liaisons sera dépourvue de base juridique. Il semblerait donc judicieux de les supprimer.

2.   La proposition

2.1.

Dans le cadre des mesures envisagées afin de préparer le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne (Brexit), la Commission européenne a présenté une proposition de règlement modifiant le règlement (UE) no 1316/2013 en ce qui concerne le retrait du Royaume-Uni de l’Union (ci-après la «proposition»).

2.2.

Le Royaume-Uni, à la suite de sa notification de sortie de l’Union européenne en date du 29 mars 2017, devrait la quitter effectivement à partir du 30 mars 2019, en vertu de l’article 50 du traité sur l’Union européenne. À moins qu’un accord de retrait ratifié n’en dispose autrement, la législation de l’Union européenne ne s’appliquera plus au Royaume-Uni à partir du 30 mars 2019 et le Royaume-Uni deviendra un État tiers, non couvert par le réseau RTE-T et ne participant pas aux corridors du réseau central RTE-T.

2.3.

Dans sa communication intitulée «Préparation du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne le 30 mars 2019» [COM(2018) 556], la Commission a souligné l’importance de se préparer à tous les résultats envisageables des négociations de retrait en cours, y compris la possibilité de ne pas parvenir à un accord.

2.4.

La proposition à l’examen vise une situation dans laquelle les négociations en cours entre le Royaume-Uni et l’Union européenne n’aboutiraient pas à des dispositions transitoires dans un accord de retrait. Elle vise en particulier à préserver une liaison directe dans le corridor de réseau central «mer du Nord-Méditerranée» avec la République d’Irlande à la suite de la disparition du tronçon qui passe par le Royaume-Uni et qui participe à ce corridor.

2.5.

La proposition modifie le tracé du corridor en ajoutant la ligne suivante: «Baile Átha Cliath/Dublin/Corcaigh/Cork — Zeebrugge/Antwerpen/Rotterdam». La modification s’applique à compter du jour suivant la date à laquelle le règlement (UE) no 1316/2013 cessera de s’appliquer au Royaume-Uni.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE accueille favorablement la proposition en sa qualité de mesure qui répond à la nécessité d’assurer un réseau RTE-T cohérent et de préserver le corridor de réseau central «mer du Nord-Méditerranée», même dans l’hypothèse où les négociations en cours relatives au retrait et aux dispositions transitoires entre l’Union européenne et le Royaume-Uni n’aboutiraient pas à un accord. La proposition fait donc partie du travail de préparation entrepris par la Commission dans la perspective du scénario le plus pessimiste dans lequel le Royaume-Uni quitterait l’Union européenne sans accord.

3.2.

La proposition s’appliquera, après adoption, à partir du jour où le Royaume-Uni quittera l’Union européenne et où la législation de l’Union européenne ne lui sera plus applicable, le Royaume-Uni n’étant dès lors pas couvert par le réseau RTE-T.

3.3.

Le CESE note qu’une ou plusieurs liaisons directes entre la partie continentale de l’Union européenne et la République d’Irlande sont nécessaires pour préserver la cohésion du corridor de réseau central «mer du Nord-Méditerranée» et pour assurer les opérations de transport entre l’Irlande et la partie continentale de l’Union européenne sans contrôle aux frontières.

3.4.

Le CESE insiste fortement sur la gravité de la situation à laquelle l’Irlande sera confrontée en termes d’économie et de bien-être, compte tenu en particulier des effets prévisibles et imprévisibles que les changements peuvent produire.

3.5.

Il est donc fondamental que toute nouvelle liaison renforce la connectivité de l’Irlande avec la partie continentale de l’Union européenne. Alors qu’une grande partie du transport routier irlandais vers l’Europe continentale passe actuellement par le Royaume-Uni, il convient effectivement d’ajouter de nouvelles liaisons maritimes entre, d’une part, Dublin et Cork, ports irlandais du réseau central, et, d’autre part, les ports du corridor «mer du Nord-Méditerranée» situés sur le continent.

3.6.

Le CESE note que la configuration proposée représente un scénario où le Royaume-Uni ne participe pas au réseau RTE-T et où, en raison des contrôles aux frontières, les transports passant par le Royaume-Uni seront ralentis, et que, dans cette nouvelle situation, les itinéraires de flux de trafic de et vers l’Irlande changeront probablement.

3.7.

Le CESE observe par ailleurs que le tracé actuellement proposé par la Commission a été remis en question à la fois en détail et dans les grandes lignes. Pendant la procédure de consultation précédant la proposition, la feuille de route, qui est largement suivie par la proposition, a été remise en cause par les responsables d’un certain nombre de ports de la côte sud de la Manche et par l’association des ports français, ainsi que par les autorités régionales, qui ont soulevé un problème quant à l’intégration des ports de Dunkerque, Calais, Le Havre, Roscoff et Brest dans la liaison proposée du corridor «mer du Nord-Méditerranée» et quant à la modification du tracé du corridor du réseau central «Atlantique». De la même manière, diverses parties prenantes irlandaises se sont interrogées sur l’efficacité d’une longue liaison maritime pour remplacer un «pont terrestre» passant par le Royaume-Uni, dans la mesure où des routes maritimes plus courtes existent, comme par exemple celle allant de l’Irlande vers des ports en Bretagne. Il a été confirmé que des routes maritimes plus courtes seraient plus adéquates, par exemple pour les denrées périssables.

3.8.

L’objectif du réseau RTE-T est de garantir la cohésion, l’efficacité et la durabilité des transports. Le réseau central présente la plus haute importance stratégique pour atteindre ces objectifs, et les corridors de réseau central visent à faciliter les principaux flux à longue distance dans le réseau central (1).

3.9.

Par conséquent, le CESE s’interroge sur le tracé du nouveau tronçon de corridor et estime que la modification du tracé du corridor pourrait ne pas correspondre aux flux de trafic à venir et risque ainsi de ne pas rencontrer l’objectif du réseau central RTE-T visant à faciliter les principaux flux à longue distance (2).

3.10.

Le CESE note que certains ports qui pourraient prendre une place importante dans cette nouvelle situation, comme Brest ou Roscoff, ne sont pas des ports du réseau central et ne remplissent dès lors pas les critères de base pour participer à un corridor de réseau central, et qu’une révision du règlement sur les orientations RTE-T n’est pas prévue avant 2023.

3.11.

Le CESE estime également qu’il n’est probablement pas encore possible de prévoir avec certitude la manière dont les flux de transport vont évoluer dans le cas où la proposition serait appliquée.

3.12.

Par conséquent, le CESE convient que la configuration proposée est une manière appropriée de gérer la situation jusqu’à ce que des changements apparaissent dans les flux de trafic.

3.13.

Toutefois, le CESE déplore qu’aucune analyse d’impact n’ait été effectuée afin de vérifier l’adéquation de la configuration proposée, par exemple en ce qui concerne les denrées périssables, et d’examiner la configuration la plus performante et durable pour un itinéraire censé remplacer le pont terrestre du Royaume-Uni en tant que liaison principale du réseau RTE-T entre la République d’Irlande et la partie continentale de l’Union européenne, compte tenu de la difficulté de prévoir les changements qui interviendront dans les flux de transport à la suite de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne sans accord de retrait.

3.14.

Selon le CESE, il semblerait que les effets potentiels au niveau économique, social et environnemental de la mesure proposée soient suffisamment significatifs pour justifier une analyse d’impact comme prévu dans l’accord interinstitutionnel «Mieux légiférer» (3).

3.15.

Le CESE recommande dès lors qu’une clause de révision spécifique soit ajoutée à la proposition disposant qu’il convient que la Commission révise le règlement adopté dans les deux années de son entrée en vigueur. Cette révision devra être fondée sur une évaluation des changements effectifs intervenus dans les flux de transport entre la République d’Irlande et la partie continentale de l’Union européenne et servir de base à des propositions appropriées concernant le tracé des corridors du réseau central RTE-T concernés.

3.16.

Dans l’attente de cette révision, le CESE ne perçoit pas de motif pour modifier le contenu de la proposition, sachant également que la situation des ports du réseau central de la Manche qui participent actuellement au corridor restera inchangée à la suite de la modification.

4.   Observations spécifiques

4.1.

Le CESE s’interroge sur la raison pour laquelle la proposition à l’examen ne suggère pas de supprimer les liaisons qui arrivent au Royaume-Uni et qui passent par le Royaume-Uni. Si la législation de l’Union européenne relative au RTE-T ne s’applique pas au Royaume-Uni, la mise en œuvre de ces liaisons ne pourra pas être effectuée légalement en vertu du droit de l’Union. Il semblerait donc judicieux de les supprimer.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Article 38 du règlement (UE) no 1315/2013 du Parlement européen et du Conseil (JO L 348 du 20.12.2013, p. 1).

(2)  Article 43, paragraphe 1, du règlement (UE) no 1315/2013.

(3)  JO L 123 du 12.5.2016, p. 1. Voir également la communication de la Commission sur le thème «Améliorer la réglementation» [COM(2016) 615 final] et la communication de la Commission sur le thème «Mener à son terme le programme pour une meilleure réglementation» [COM(2017) 651 final, point 2.3].


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/305


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil mettant fin aux changements d’heure saisonniers et abrogeant la directive 2000/84/CE»

[COM(2018) 639 final — 2018/0332 (COD)]

(2019/C 62/49)

Rapporteure générale:

Maria NIKOLOPOULOU

Saisine

Saisine du Parlement européen, 13.9.2018

Saisine du Conseil, 19.9.2018

Base juridique

Article 114, paragraphe 1, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Décision du Bureau

18.9.2018

 

 

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

 

 

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

109/1/6

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) prend acte de la proposition de la Commission européenne visant à supprimer les changements d’heure saisonniers. Le Comité signale un certain nombre de limites importantes concernant la méthode, les délais et le contenu. C’est pourquoi il juge indispensable de prévoir plus de temps pour le débat et l’analyse. Il est essentiel de parvenir à un large consensus parmi les citoyens et à un soutien unanime de tous les États membres afin de garantir une mise en œuvre efficace, harmonisée et consensuelle de la proposition.

1.2.

Le CESE reconnaît que, comme le montre la récente consultation publique en ligne, certains citoyens européens souhaitent la suppression du dispositif actuel, qui a établi un système harmonisé de changement d’heure semestriel. Le Comité voit dans les consultations publiques en ligne bien conduites un outil permettant de donner des indications sur les préférences de la population, ainsi qu’un complément aux processus démocratiques établis. Il regrette que les gouvernements nationaux et la société civile organisée n’aient pas été suffisamment consultés avant la publication en urgence de la proposition.

1.3.

Le Comité estime que la consultation publique menée par la Commission a soulevé une question importante pour certains citoyens de l’Union européenne, principalement parce que ce thème a été débattu pendant plusieurs années dans certains États membres, alors qu’il ne l’a pas été dans d’autres. Toutefois, la Commission n’a pas tenu suffisamment compte du fait qu’une grande majorité des participants provenaient d’un seul pays, que la proposition a été rejetée dans certains États membres et qu’il n’y a pas une unanimité manifeste sur les avantages réels de supprimer le système harmonisé actuel ni sur la question de savoir s’il serait préférable d’opter pour l’heure d’hiver ou l’heure d’été.

1.4.

Le Comité souligne que la procédure d’urgence adoptée par la Commission a été critiquée dans plusieurs États membres, les citoyens considérant que les priorités de l’Union se situent ailleurs (crise économique, chômage, immigration, etc.), ce qui est susceptible de donner lieu à des problèmes d’acceptation sociale de l’initiative.

1.5.

Selon la proposition de directive, le principe de subsidiarité aura pour effet que chaque pays sera libre de conserver l’heure d’été ou celle d’hiver pendant toute l’année, en remplacement du système harmonisé actuel, qui a largement démontré son efficacité. Le CESE, tout comme la Commission, considère que l’unanimité entre tous les États membres sur la question du choix de l’heure est indispensable si l’on veut garantir le niveau actuel d’harmonisation. Dans le cas contraire, les différences d’heure entre les pays qui se trouvent actuellement dans le même fuseau horaire risquent de provoquer une fragmentation et une distorsion du marché intérieur.

1.6.

Le Comité note que la mise en œuvre de l’initiative impliquerait une reprogrammation de l’ensemble des systèmes et appareils numériques au niveau mondial, avec un coût économique évident pour les entreprises et les pouvoirs publics, ainsi que des répercussions possibles sur les personnes. Le passage à un nouveau système d’heure nécessitera au préalable une longue période de test pour les technologies de l’information et de la communication (TIC) afin de garantir une mise en œuvre efficace. En cas de résultat négatif de l’analyse d’impact prévue en 2024, un retour en arrière rapide serait inconcevable en raison des coûts supplémentaires et de l’impact sur la crédibilité des institutions européennes. Cela prouve encore une fois la nécessité de disposer de plus de temps pour approfondir les études, élargir la collecte de données, asseoir la volonté politique et accroître l’acceptation sociale des citoyens, avant de procéder à un changement aussi délicat pour les États, les citoyens et les entreprises.

2.   Contenu essentiel de la proposition de la Commission

2.1.

La législation de l’Union européenne concernant les dispositions relatives à l’heure d’été a été introduite pour la première fois en 1980 dans le but d’unifier les pratiques en la matière et les dates nationales de passage à l’heure d’été, garantissant ainsi une approche harmonisée du changement d’heure au sein du marché unique.

2.2.

Depuis 2001, les modalités relatives à l’heure d’été dans l’Union européenne sont régies par la directive 2000/84/CE, qui prévoit l’obligation pour tous les États membres de passer à l’heure d’été le dernier dimanche de mars et de revenir à leur heure légale (dite «heure d’hiver») le dernier dimanche d’octobre.

2.3.

Toutefois, sur la base du principe de subsidiarité, la décision relative à l’heure légale relève de la compétence individuelle de chaque État membre, pour l’ensemble de son territoire ou les différentes parties de celui-ci.

2.4.

Récemment, le système de changements d’heure semestriels a été mis en question par un nombre croissant d’États membres, comme l’a montré la consultation publique organisée par la Commission entre le 4 juillet et le 16 août 2018, dans le cadre de laquelle 4,6 millions de réponses ont été reçues, dont 84 % en faveur de la suppression des changements d’heure semestriels, contre 16 % souhaitant les maintenir. Les partisans de la suppression des changements d’heure ont exprimé une préférence pour l’heure d’été (60 %). Il est important de noter qu’une grande majorité des participants provenaient d’un seul pays (l’Allemagne, avec 3,1 millions de réponses) et que la proposition a été rejetée dans certains pays (Grèce et Chypre) ou n’a recueilli aucune majorité claire (Malte).

2.5.

Dans sa résolution du 8 février 2018, le Parlement européen a soutenu l’idée d’un changement du dispositif actuel et a invité la Commission à présenter une proposition législative. Les ministres des transports ont récemment abordé cette question lors des réunions du Conseil de juin 2018 et de décembre 2017, sans parvenir à une véritable unanimité. La question n’a pas été débattue par d’autres ministres compétents et n’a pas fait l’objet de discussions lors des réunions entre chefs d’État ou de gouvernement. Le CESE n’a pas non plus été consulté au préalable.

2.6.

La proposition vise à abroger le mécanisme actuel qui prévoit un changement d’heure semestriel harmonisé, en conservant la même heure tout au long de l’année. Cette heure sera fixée, dans le respect du principe de subsidiarité, par chaque État membre. La Commission espère que tous les pays sans exception adopteront la même heure d’été et d’hiver afin de maintenir l’harmonisation actuelle et d’éviter la fragmentation du marché intérieur. La proposition entrerait en vigueur le 1er avril 2019.

2.7.

La Commission reconnaît que les recherches disponibles sur les avantages liés au changement d’heure en matière d’énergie, de santé, de sécurité routière et dans le domaine de l’agriculture ne permettent pas toujours de tirer des conclusions. Il a été démontré par contre que l’absence d’harmonisation de l’heure pourrait avoir une incidence sur le marché unique, les transports aériens, maritimes et routiers, ainsi que sur les personnes voyageant à des fins de loisirs ou de travail (1).

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE juge intéressant la proposition de la Commission européenne visant à supprimer les changements d’heure saisonniers, prévus par la directive 2000/84/CE, mais signale une série de limites importantes en ce qui concerne la méthode, les délais et le contenu. Le Comité juge indispensable de prévoir plus de temps pour le débat et l’analyse, afin de parvenir à un véritable consensus entre les citoyens et à un soutien unanime de tous les États membres. Ces conditions sont essentielles pour assurer une mise en œuvre efficace et harmonisée de la proposition.

3.2.

Le Comité considère que la méthode utilisée par la Commission — une consultation publique en ligne menée entre juillet et août 2018 — permet de disposer de données intéressantes sur les attentes d’une partie de la population européenne, mais ne constitue pas le seul outil permettant d’évaluer l’opinion publique. Compte tenu des nombreuses incidences politiques, économiques et sociales, il aurait fallu associer et consulter la société civile organisée et un plus grand nombre d’États membres avant de présenter la proposition.

3.3.

Le Comité note que la consultation publique n’a pas permis de constater un véritable consensus entre tous les États membres (la proposition a été rejetée en Grèce et à Chypre) et, surtout, qu’une grande majorité des participants ne provenaient que d’un seul pays (l’Allemagne). Cela montre qu’il existe un intérêt réel pour cette question dans certains pays, mais pas partout dans l’Union européenne. Le Comité estime, en particulier, qu’une consultation publique en ligne ne saurait remplacer les processus de consultation démocratique à tous les niveaux et à chaque étape législative (avant, pendant et après).

3.4.

Le Comité relève que la procédure d’urgence adoptée par la Commission a été critiquée dans certains États membres, où les citoyens considèrent que l’Union européenne devrait avoir d’autres priorités urgentes (crise économique, chômage, immigration, etc.), en soulignant que cela pourrait donner lieu à des problèmes d’acceptation sociale de l’initiative. En outre, certains gouvernements nationaux n’ont pas encore arrêté de position précise en ce qui concerne l’abrogation des règles actuelles ou le choix de l’heure à adopter (été ou hiver), et ne considèrent pas que cette question soit une priorité.

3.5.

En ce qui concerne le contenu, le Comité estime que l’idée d’organiser un débat sur le sujet est intéressante, mais constate que la proposition actuelle de la Commission présente certaines limites qui justifieraient de prolonger la durée de la discussion afin de parvenir à un large consensus entre tous les citoyens et à l’unanimité parmi les États membres:

3.5.1.

Le choix de l’heure est une compétence nationale. Selon la nouvelle proposition de directive, le principe de subsidiarité signifie que chaque pays est libre de conserver l’heure d’été ou celle d’hiver tout au long de l’année. Le risque est que, si tous les pays ne parviennent pas à l’unanimité sur l’alignement de l’heure, garantissant ainsi le même niveau de mise en œuvre harmonisée qu’à l’heure actuelle, les coûts engendrés par les différences entre les pays auraient de graves répercussions sur le marché intérieur (fragmentation), ce qui entraînerait davantage de problèmes que d’avantages. La Commission reconnaît ce problème dans son analyse d’impact. Le Comité juge dès lors nécessaire de parvenir à un consensus plus large avant la présentation officielle de la proposition de la Commission.

3.5.2.

La Commission souligne elle-même que l’initiative repose sur une série d’études menées par divers États membres et associations, qui ne permettent pas de tirer de conclusions ou se contredisent entre elles. Le Comité recommande de procéder à une analyse d’impact plus approfondie, associant tous les secteurs économiques et sociaux dans tous les pays de l’Union européenne afin de pouvoir déterminer quel système est le plus adéquat.

3.6.

L’adaptation technologique des systèmes au niveau mondial a un coût économique évident pour les entreprises et les gouvernements, comme elle peut avoir des répercussions sur les personnes. En outre, une longue période de test préalable des TIC est indispensable pour garantir sa mise en œuvre efficace.

3.7.

Même si la Commission prévoit un mécanisme d’évaluation de l’impact de la directive (en 2024), le Comité souligne que le coût du changement d’heure est assez élevé. Pour cette raison, si le bilan de cette évaluation est négatif, il n’est pas réaliste d’imaginer un retour en arrière rapide du fait des coûts économiques et de l’impact sur la crédibilité des institutions européennes.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Étude réalisée pour le compte de la DG MOVE par ICF International: L’application de l’heure d’été en Europe, 19 septembre 2014.


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/308


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 1303/2013 en ce qui concerne les ressources affectées à la cohésion économique, sociale et territoriale et rectifiant ce règlement en ce qui concerne les ressources affectées à l’objectif “Investissement pour la croissance et l’emploi”»

[COM(2018) 498 final — 2018/0265 (COD)]

(2019/C 62/50)

Consultation

Parlement européen, 5.7.2018

Conseil de l’Union européenne, 19.7.2018

Base juridique

Articles 177 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

214/0/2

Ayant estimé que le contenu de la proposition est entièrement satisfaisant et n’appelle aucun commentaire de sa part, le Comité, lors de sa 538e session plénière des 17 et 18 octobre 2018 (séance du 17 octobre 2018), a décidé, par 214 voix pour et 2 abstention, de rendre un avis favorable au texte proposé.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/309


Avis du Comité économique et sociale européen sur la «Proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil portant établissement d’un cadre pour l’interopérabilité des systèmes d’information de l’Union européenne (frontières et visas) et modifiant la décision 2004/512/CE du Conseil, le règlement (CE) no 767/2008, la décision 2008/633/JAI du Conseil, le règlement (UE) 2016/399, le règlement (UE) 2017/2226, le règlement (UE) 2018/XX [le règlement ETIAS], le règlement (UE) 2018/XX [règlement sur système d’information Schengen (SIS) dans le domaine des vérifications aux frontières] et le règlement (UE) 2018/XX [le règlement eu-LISA]

[COM(2018) 478 final — 2017/0351 (COD)]

et la «Proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil portant établissement d’un cadre pour l’interopérabilité des systèmes d’information de l’Union européenne (coopération policière et judiciaire, asile et migration) et modifiant le règlement (UE) 2018/XX [le règlement Eurodac], le règlement (UE) 2018/XX [le règlement SIS dans le domaine répressif], le règlement (UE) 2018/XX [le règlement ECRIS-TCN] et le règlement (UE) 2018/XX [le règlement eu-LISA]

[COM(2018) 480 final — 2017/0352 (COD)]

(2019/C 62/51)

Saisine

Parlement européen, 10.9.2018

Base juridique

Article 16, paragraphe 2, article 74 et article 77, paragraphe 2, points a), b), d) et e), du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

196/2/5

Ayant estimé que le contenu de la proposition est satisfaisant et que par ailleurs il avait déjà fait l’objet de son avis SOC/573 (Train de mesures sur l’interopérabilité), adopté le 23 mai 2018 (1), le Comité, lors de sa 538e session plénière des 17 et 18 octobre 2018 (séance du 17 octobre 2018), a décidé, par 196 voix pour, 2 voix contre et 5 abstentions, de rendre un avis favorable au texte proposé et de se référer à la position qu’il avait soutenue dans le document susmentionné.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  JO C 283 du 10.8.2018, p. 48.


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/310


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur l’agence européenne de contrôle des pêches (texte codifié)»

[COM(2018) 499 final — 2018/0263 (COD)]

(2019/C 62/52)

Consultation

Parlement européen, 5.7.2018

Conseil de l’Union européenne, 17.7.2018

Base juridique

article 43, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

208/0/5

Ayant estimé que le contenu de la proposition est entièrement satisfaisant et n’appelle aucun commentaire de sa part, le Comité, lors de sa 538e session plénière des 17 et 18 octobre 2018 (séance du 17 octobre 2018), a décidé, par 208 voix pour, aucune voix contre et 5 abstentions, de rendre un avis favorable au texte proposé.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/311


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de décision du Conseil relative à l’association des pays et territoires d’outre-mer à l’Union européenne, y compris les relations entre l’Union européenne, d’une part, et le Groenland et le Royaume de Danemark, d’autre part (“décision d’association outre-mer”)»

[COM(2018) 461 final]

(2019/C 62/53)

Saisine

Commission européenne, 12.7.2018

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE)

Compétence

Section spécialisée «Relations extérieures»

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

207/0/6

Ayant estimé que le contenu de la proposition est satisfaisant et n’appelle aucun commentaire de sa part, le Comité, lors de sa 538e session plénière des 17 et 18 octobre 2018 (séance du 17 octobre 2018), a décidé, par 207 voix pour, 0 voix contre et 6 abstentions, de rendre un avis favorable au texte proposé.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/312


Avis du Comité économique et social européen sur «Politique économique de la zone euro (2018) (supplément d’avis)»

[COM(2017) 770 final]

(2019/C 62/54)

Rapporteur:

Javier DOZ ORRIT

Décision du Bureau du Comité

22.5.2018

Base juridique

Article 29, point a), des modalités d’application du règlement intérieur

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

3.10.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

132/1/6

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) approuve les objectifs de la recommandation du Conseil et une partie de ses propositions. Toutefois, il marque son désaccord concernant la proposition d’orientation globalement neutre de la politique budgétaire et la manière dont la recommandation sur les salaires est formulée. Il rappelle dès lors la position qu’il a exprimée dans un avis antérieur sur la proposition de recommandation de la Commission (1).

1.2.

La politique économique de la zone euro devrait être conçue dans le cadre d’un projet de réforme de l’Union économique et monétaire (UEM) de nature à remédier aux déficits de structure et de fonctionnement dont elle pâtit depuis sa création, et miser sur une plus grande intégration et une gouvernance plus démocratique. Le CESE fait part de sa préoccupation quant à l’impasse dans laquelle se trouve actuellement le processus de réforme, au manque d’engagement d’un nombre non négligeable de gouvernements, voire à l’hostilité de quelques-uns d’entre eux ainsi qu’à l’absence de leadership politique fort pour faire face à ces circonstances.

1.3.

Le CESE estime que les recommandations du Conseil devraient s’inscrire dans le cadre d’une stratégie globale de politique économique ayant comme référence le programme de développement durable à l’horizon 2030 et les objectifs de développement durable (ODD) ainsi que la mise en œuvre de l’accord de Paris sur le changement climatique. Cette stratégie devrait préparer la société européenne à opérer des transitions équitables vers un modèle économique écologique et numérique.

1.4.

Les raisons internes justifiant une orientation budgétaire modérément positive sont, de l’avis du CESE, la fin de la politique monétaire expansionniste de la Banque centrale européenne (BCE); le fait que l’Union européenne accuse un déficit d’investissement préoccupant, en particulier public, qui hypothèque son avenir économique et social; le fait que ce déficit d’investissement contribue à son tour à des taux de croissance très bas pour ce qui est de la productivité et la persistance d’excédents excessifs des balances des comptes courants d’États importants de la zone euro.

1.5.

Certains des États de la zone euro affichant les plus gros excédents n’investissent pas: ils accumulent des taux annuels de formation net de capital public négatifs. Le CESE est d’avis qu’une augmentation des dépenses d’investissement dans ces pays est une nécessité d’un point de vue de politique économique, tant pour eux que pour l’ensemble de la zone euro et de l’Union européenne.

1.6.

Selon le CESE, le bon dosage des politiques monétaire et budgétaire pour renforcer la croissance de la zone euro, qui a été réclamé au cours des dernières années par la BCE, le Fonds monétaire international (FMI) et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), se justifie également par l’impact prévisible du protectionnisme commercial et l’instabilité engendrée par les risques géopolitiques mondiaux.

1.7.

Un effort budgétaire accru est également rendu nécessaire par des raisons sociales et politiques: l’Union européenne et les États doivent s’engager plus résolument dans la lutte contre la pauvreté et l’inégalité et en faveur d’une plus grande cohésion sociale, en particulier en finançant dans une mesure suffisante la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux. De l’avis du CESE, s’ils ne le font pas, les crises politiques que nous vivons s’aggraveront et les tendances nationalistes et anti-européennes s’accentueront, mettant en péril l’existence même de l’Union européenne.

1.8.

La recommandation d’augmenter les salaires, si elle est appliquée strictement, ne concernerait qu’un nombre limité de pays. Le CESE estime que la maîtrise des coûts salariaux unitaires ne doit pas venir de la baisse ou du gel des salaires, mais de la croissance de la productivité favorisée par une augmentation des investissements, une innovation accrue et une meilleure formation des travailleurs. En tout état de cause, les niveaux de rémunération sont déterminés par les partenaires sociaux par le biais de conventions collectives. Le semestre européen devrait proposer des modifications législatives à même de les renforcer dans les États dans lesquels elles ont été mises à mal pendant la crise et de les rétablir où elles font défaut en dépit de l’article 28 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. De même il convient d’adopter des mesures supplémentaires afin d’améliorer les salaires inférieurs.

1.9.

La création d’emplois de qualité doit constituer une des priorités de la politique économique. Le CESE est d’avis que la réduction de la précarité (caractère très temporaire du travail et bas salaires) que subissent surtout les jeunes devrait également être l’une des recommandations prioritaires du semestre européen.

1.10.

Il convient de promouvoir la création d’environnements favorables à l’investissement et à l’innovation dans les entreprises, notamment pour faire face à la numérisation des activités économiques.

1.11.

Faciliter le financement des entreprises devrait être une autre des priorités de la politique économique. Le CESE rappelle que l’union bancaire et l’union des marchés des capitaux sont très importantes pour ce qui est de financer l’activité économique, et se déclare préoccupé par les retards et les obstacles qui en entravent le développement, et notamment le volume de créances douteuses dans certains États membres.

1.12.

Le CESE estime que les autorités européennes devraient s’engager concrètement dans la lutte contre le détournement des fonds publics, la fraude fiscale et la planification fiscale agressive, le blanchiment d’argent, les paradis fiscaux et la concurrence fiscale déloyale entre les États membres. Il ne s’agit pas là que d’éthique politique et de respect des lois; cela peut également être un facteur de stabilisation des finances publiques.

2.   Les orientations du Conseil et de la Commission

2.1.

Contrairement à ce qui était le cas en 2017, la recommandation du Conseil concernant la politique économique de la zone euro (2) (23 janvier 2018) ne diffère pas sensiblement de la proposition de la Commission (22 novembre 2017) (3). Après avoir convenu que l’orientation générale pour la politique budgétaire en 2018 devait être globalement neutre, le Conseil ajoute qu’il faudrait mettre à profit l’embellie économique afin de créer des réserves budgétaires.

2.2.

Dans les autres recommandations, le Conseil et la Commission préconisent tous deux que les États membres accordent la priorité aux réformes visant à accroître la productivité et le potentiel de croissance, à améliorer l’environnement des entreprises, l’innovation et l’investissement, et à contribuer à la création d’emplois de qualité, en réduisant les inégalités. Les États membres dont la balance courante affiche un excédent important devraient promouvoir la hausse des salaires tandis que ceux qui présentent un déficit de la balance courante ou une dette extérieure élevée devraient chercher à contenir la progression des coûts salariaux unitaires. Il y a lieu, enfin, de poursuivre les efforts de parachèvement de l’union bancaire. Les recommandations spécifiques par pays de 2018 mettent en évidence la bonne conjoncture économique de l’Union européenne, laquelle devrait servir, selon la Commission, à consolider les améliorations structurelles obtenues au cours des dernières années et à achever la correction des déséquilibres macroéconomiques dans la majorité des États membres.

2.3.

Le chapitre «Recommandations spécifiques» aborde le socle européen des droits sociaux, l’amélioration de la qualité de l’emploi et de la négociation collective ainsi que le dialogue social et la hausse des salaires, de même que la réforme des administrations publiques, y compris des mesures de lutte contre la corruption, et l’amélioration de l’environnement des entreprises, ainsi que les relations entre les deux sphères et le financement des entreprises. Tout en prônant l’orientation budgétaire neutre, il recommande la réforme des systèmes de retraite et de santé pour faire face au vieillissement de la population.

3.   Observations générales et particulières

Stratégie en matière de politique économique et réforme de l’UEM

3.1.

Le CESE fait à nouveau valoir la nécessité d’une stratégie générale de politique économique qui tienne compte des accords internationaux et des objectifs de durabilité environnementale, de la réduction de la dépendance énergétique, de la révolution numérique et d’autres défis mondiaux. Le Comité se félicite des initiatives de la Commission dans ces domaines mais, comme il l’a exprimé dans son avis sur le train de mesures «Union économique et monétaire» (4), il n’existe pas, selon lui, de stratégie économique au niveau européen qui les englobe ni de ressources suffisantes pour les financer.

3.2.

Le CESE est préoccupé par le fait que le processus de réforme de l’UEM soit en train de perdre de son élan en raison de l’absence de volonté et de direction politique, du retard pris dans l’adoption des décisions et du manque d’engagement de la part d’un nombre assez important de gouvernements de la zone euro; cela accroît le risque que l’Europe ne soit pas préparée pour la prochaine récession.

3.3.

Une politique économique qui favorise une croissance durable doit reposer aussi bien sur la promotion d’un environnement pour les entreprises qui soit favorable à l’investissement et à l’amélioration de la productivité que sur la promotion de la cohésion sociale, notamment par le biais de mesures qui contribuent à l’éradication de la pauvreté et à la réduction des inégalités sociales.

3.4.

Le CESE demande à la Commission de veiller à la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux et de suivre les recommandations de l’avis sur son financement (5), et il déplore que les recommandations du Conseil et la proposition de CFP pour la période 2021-2027 de la Commission ne précisent rien à cet égard. En outre, il conviendrait de tenir compte des recommandations du groupe de haut niveau sur l’investissement dans les services sociaux et les aides sociales (6).

3.5.

Le CESE estime que les recommandations annuelles sur l’orientation de la politique économique de la zone euro devraient s’inscrire dans le cadre d’une stratégie globale de politique économique ayant comme référence le programme de développement durable à l’horizon 2030 et les ODD ainsi que la mise en œuvre de l’accord de Paris sur le changement climatique. La politique économique doit promouvoir la construction d’un modèle économique européen durable, qui réduise la dépendance énergétique par l’utilisation d’énergies propres et renouvelables, et intègre les conséquences de la révolution numérique, tout en assurant des transitions justes pour les travailleurs.

La recommandation du Conseil: raisons pour une orientation budgétaire modérément positive

3.6.

Le CESE réaffirme les conclusions de son avis sur la recommandation de recommandation du Conseil concernant la politique économique de la zone euro (7), dans lequel il marquait son accord avec les objectifs de la proposition de recommandation de la Commission ainsi qu’avec une grande partie de ses propositions mais exprimait aussi son désaccord quant à l’orientation globalement neutre de la politique budgétaire préconisée pour la zone euro. Le CESE demande une fois encore de fixer une orientation budgétaire globale positive dans la zone euro, en s’appuyant principalement sur une expansion budgétaire des pays ayant une balance des paiements excédentaire et un niveau d’endettement soutenable à long terme.

3.7.

Le CESE estime que cette orientation aiderait à surmonter l’héritage négatif des longues et lourdes des mesures d’assainissement budgétaire mises en œuvre dans certains États membres. Les États membres qui affichent des excédents de leurs comptes courants devraient mettre en œuvre des mesures visant à promouvoir l’investissement et les dépenses sociales durables et à soutenir la demande intérieure et le potentiel de croissance ainsi qu’à faciliter de la sorte le rééquilibrage.

3.8.

Le CESE reconnaît que la marge de manœuvre pour une politique budgétaire cohérente au niveau de l’Union européenne est restreinte en raison du caractère limité de l’Union économique qui repose principalement sur la coordination des politiques économiques des États qui en font partie, comparée à une union monétaire intégrale. Le Comité attire en particulier l’attention sur le fait que, jusqu’à présent, la Commission et le Conseil ont accordé très peu d’attention à la nature asymétrique du processus du semestre européen, qui a pour unique objectif de garantir que des mesures correctives soient prises dans les États membres dont les soldes sont déficitaires. La Commission et le Conseil devraient proposer des mesures susceptibles de prévenir à la fois les déficits et les excédents excessifs.

Le déficit d’investissement dans la zone euro

3.9.

Une autre raison de remettre en cause l’orientation budgétaire neutre est le déficit d’investissement dans la zone euro et dans l’Union européenne. L’investissement n’a pas retrouvé les niveaux d’avant la crise. L’investissement public a diminué, passant d’une valeur pratiquement constante de 3,2 % du PIB (entre 1997 et 2007 et entre 2009 et 2013), à 2,6 % du PIB en 2017 et 2018 (8). Ce déficit est l’un des facteurs les plus négatifs de la situation économique et hypothèque gravement l’avenir de l’économie et des sociétés européennes. Aussi le CESE réitère-t-il sa demande (9) d’appliquer la dénommée «règle d’or» consistant à ne pas prendre en compte les coûts d’investissement dans le calcul effectué pour mesurer le respect des objectifs de déficit du pacte de stabilité et de croissance (PEC), compte tenu de la viabilité des finances publiques à long terme. Le Comité attire l’attention sur le fait que les dépenses d’investissement productif peuvent également contribuer à une telle viabilité.

3.10.

Il convient de souligner que l’on constate aussi ce déficit d’investissement dans des États membres qui devraient contribuer à une politique budgétaire européenne plus active, et en particulier l’Allemagne. Un exemple significatif pourrait être l’investissement public dans ce pays. Au cours de la période 2013-2017, le taux d’investissement public allemand, en pourcentage de son PIB, était de 2,1 % (10), soit l’un des plus bas de la zone euro. Son taux net de formation de capital public (qui tient compte de la dépréciation du stock de capital) était négatif sur la même période: -0,08 %, comme il l’avait été pour la période 2003-2007 (-0,11 %), pour ne s’élever qu’à +0,06 % sur la période 2008-2012. Entretemps, le taux net de formation de capital privé, qui représentait entre 6 % et 8 % du PIB dans les années 1990, a baissé entre 2008 et 2017, passant de 3,2 % à 2,2 % du PIB. Dans le même temps, l’Allemagne a financé des investissements dans d’autres pays. L’excédent de sa balance des paiements, qui représentait 8,0 % du PIB en 2017, devrait s’établir à 7,9 % en 2018 et à 7,6 % en 2019. Les recommandations du Conseil et de la Commission devraient envoyer un signal fort et contribuer à corriger le faible niveau de l’investissement intérieur en Allemagne. Une meilleure crédibilité des politiques économiques pour ce qui est de leur viabilité devrait favoriser les investissements dans le secteur privé également dans d’autres pays qui enregistrent un excédent dans leur balance des comptes courants (11).

3.11.

Le CESE demande à la Commission et au Conseil de faire de la croissance des taux d’investissement, en vertu de l’article 3 du traité de l’Union européenne, une priorité des orientations de la politique économique de la zone euro, jusqu’à ce qu’ils retrouvent les niveaux antérieurs à la crise. Cette croissance devrait être orientée vers un modèle de développement durable dans ses trois dimensions: économique, sociale et environnementale.

Croissance économique et facteurs de risque

3.12.

Selon les prévisions économiques de l’été de la Commission (12), les perspectives de croissance devraient demeurer inchangées, avec toutefois une certaine décélération: 2,4 % (2017), 2,1 % (2018) et 2,0 % (2019) dans la zone euro et 2,6 % (2017), 2,3 % (2018) et 2,1 % (2019) dans l’EU-27. Dans le reste du monde (hors UE), la croissance serait respectivement de 3,9 % en 2017, 4,2 % en 2018 et 4,1 % en 2019. L’assouplissement de la mise en œuvre du pacte de stabilité et de croissance (PSC), introduit par la Commission en janvier 2015 (13) au moyen de la «clause d’investissement» et de la «clause des réformes structurelles», a sans aucun doute contribué à produire ces effets positifs. C’est ce qu’indique la récente évaluation des résultats dans la communication de la Commission relative au réexamen de la flexibilité dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance (14).

3.13.

La politique monétaire expansionniste touche à sa fin. L’assouplissement quantitatif (quantitative easing) prendra fin en décembre prochain, au moment où la BCE cessera d’acheter des actifs. À partir de l’été 2019, après l’évaluation des perspectives d’inflation à moyen terme, les taux d’intérêt de référence commenceront à augmenter. Depuis plusieurs années, Mario Draghi, président de la BCE, demande que la politique budgétaire, assortie de réformes structurelles appropriées, aille de pair avec la politique monétaire afin de consolider la relance et d’atteindre les objectifs en matière d’inflation. C’est ce qu’ont fait également le FMI, l’OCDE et de nombreuses enceintes académiques. Pour ce qui est de la politique budgétaire, la demande n’a pas été retenue par les responsables politiques européens. Maintenant que la politique monétaire est en retrait, il est d’autant plus nécessaire que la politique budgétaire soit plus active dans l’ensemble de la zone euro.

3.14.

Il existe d’autres facteurs, économiques et sociaux, et des déséquilibres politiques internes, de même que des facteurs de risque économique et des incertitudes sur le plan géopolitique à l’échelle mondiale qui devraient également conduire à s’appuyer sur la politique budgétaire pour renforcer la croissance et réparer les conséquences de la crise, lesquelles demeurent vives dans de nombreux États européens. Ce que propose le CESE est de nature à contribuer à assurer une meilleure viabilité financière à moyen terme et à réduire le déséquilibre des excédents excessifs.

3.15.

Remédier à l’instabilité politique et combattre les forces centrifuges qui se développent au sein de l’Union européenne depuis la crise et contestent son existence même nécessiterait d’ambitieux projets de réforme de l’UEM et de l’Union européenne, davantage d’intégration et de démocratie et une dimension sociale plus forte, ainsi qu’un renforcement de la croissance à l’aide des politiques budgétaires et fiscales, avec un modèle qui favorise la réduction des inégalités dans la redistribution du revenu. Cela est possible sans remettre en cause la viabilité future des finances publiques. Il faudrait également mettre en œuvre une stratégie pour achever l’UEM par l’inclusion dans celle-ci de tous les États membres de l’Union européenne qui n’en sont pas constitutionnellement exonérés.

3.16.

L’apparition de foyers d’instabilité géopolitique dans le monde, dont certains au voisinage immédiat de l’Union européenne, la détérioration des relations transatlantiques dans les domaines du commerce, de l’environnement et des politiques extérieure, de sécurité et de défense, résultant des décisions de l’administration américaine actuelle, conduisent le CESE à souligner l’importance pour l’Union européenne de pouvoir s’appuyer sur une économie forte qui consoliderait son leadership politique dans le monde. Une guerre commerciale sur plusieurs fronts, et son corollaire de montée du nationalisme économique et politique, serait un scénario économique et géopolitique à haut risque. L’Union européenne doit chercher à l’éviter et, le cas échéant, être prête à y faire face.

3.17.

Malgré la hausse des prix du pétrole et des matières premières, l’inflation dans la zone euro devrait se stabiliser autour de 1,7 % entre 2017 et 2019 (prévisions d’été), l’inflation sous-jacente s’établissant à 1,1 %, bien loin de l’objectif d’inflation. Le Comité voit là de nouvelles raisons de plaider contre l’abandon de la politique monétaire expansionniste au moment précis où l’on pratique une orientation budgétaire neutre, voire négative, telle que la préconise le comité budgétaire européen pour 2019 (15).

Salaires, emploi et négociation collective

3.18.

L’augmentation réelle moyenne des salaires en 2017 n’a été que de 0,2 % par rapport à l’année précédente dans les dix-neuf pays de la zone euro. Dans sept d’entre eux, elle a été négative. Les salaires devraient augmenter respectivement de 0,9 % et 0,3 % en 2018 et 2019 (16). Selon les prévisions, les coûts salariaux unitaires réels dans la zone euro devraient diminuer au cours des trois années considérées de -0,3 %, -0,1 % et -0,6 %. En revanche, la productivité réelle par personne employée, qui a augmenté de 0,8 % en 2017, augmentera à nouveau de 1 % en 2018 et 2019 (17).

3.19.

Le taux de chômage dans la zone euro était en 2017 de 9,1 %, soit un niveau supérieur à celui d’avant la crise; il s’élevait alors à 8,4 % (2004-2008). L’écart entre les États membres est très important; en 2017, le taux de chômage variait de 3,8 % en Allemagne à 21,5 % en Grèce. Le taux de chômage des jeunes demeure très élevé, supérieur à 15 %, avec des écarts importants entre les pays et des valeurs extrêmes en Grèce (43,2 %), en Espagne (35 %) et en Italie (32,5 %). Le taux du travail temporaire continue à augmenter: il était en moyenne de 12,2 % en 2017 contre 11,5 % en 2012. Le travail à temps partiel est lui aussi en augmentation: 19,4 % en 2017 contre 17,5 % en 2007 (18).

3.20.

Malgré la reprise économique, il existe dans de nombreux pays un décalage entre les emplois antérieurs et les nouveaux, plus précaires et moins bien rémunérés. Ce décalage est également de nature générationnelle dès lors qu’il touche dans une plus large mesure les jeunes. Il touche également une grande partie des travailleurs de l’économie numérique dont l’emploi dépend des plateformes en ligne. Les recommandations du Conseil et du semestre européen font état de préoccupations quant à l’amélioration de la qualité de l’emploi. Le CESE demande que soient précisément définis les plans et les mesures visant à faire de cet objectif une priorité. La participation des partenaires sociaux, par l’intermédiaire du dialogue social et de la négociation collective, à l’adoption des mesures nécessaires est essentielle. Il est également capital d’adopter des mesures permettant une hausse significative des salaires inférieurs. Il faut également promouvoir une participation accrue des organisations de la société civile à l’amélioration des conditions sociales et de vie des travailleurs.

3.21.

La recommandation du Conseil sur la hausse des salaires, si elle est appliquée à la lettre, ne concernerait qu’un nombre limité de pays et pourrait conduire à des disparités supplémentaires entre eux et à un accroissement des inégalités. Le CESE estime que c’est à travers l’accroissement de la productivité, favorisé par une augmentation des investissements, une innovation accrue et une meilleure formation des travailleurs, que devrait être améliorée la compétitivité des économies européennes les plus en retard et non au moyen de dévaluations internes qui, de plus, ont des conséquences sociales indésirables. L’augmentation des salaires est également propice à la croissance de la demande intérieure et à l’équilibre fiscal grâce à l’augmentation des recettes fiscales.

3.22.

En tout état de cause, les niveaux de rémunération sont déterminés par les partenaires sociaux par le biais de conventions collectives. Les législations peuvent également y contribuer dans une partie des États membres, tout du moins s’agissant des salaires minimaux. Le semestre européen devrait inciter les États membres à adopter des mesures qui visent à renforcer la négociation collective, fondée sur l’autonomie des partenaires sociaux et le dialogue social, en particulier dans les États où ils ont été affaiblis par les politiques de gestion de la crise ou dans lesquels ce droit n’existe pas à l’heure actuelle en dépit de l’article 28 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Productivité, environnement des entreprises et financement de l’investissement privé

3.23.

Le CESE est préoccupé par la baisse du taux de croissance de la productivité de l’Union européenne au cours des dernières décennies. Une récente étude (19) de l’OCDE montre que le taux de croissance moyen de la production par heure travaillée dans l’Union européenne a été de 0,6 % au cours de la période 2007-2016 (en déclin constant par rapport aux 2,2 % atteints en 1990 et 2000), soit un niveau inférieur aux taux moyens enregistrés dans l’OCDE (0,8 %) et très en retrait par rapport aux pays hors OCDE (5,0 %) au cours de la même période. Lors de la présentation de l’étude (20), Ángel Gurría, secrétaire général de l’OCDE, a déclaré que la croissance de la productivité exige, outre une bonne réglementation et une bonne gouvernance, davantage d’investissements dans le domaine de la recherche, du développement et de l’innovation, ainsi que dans l’éducation et la formation professionnelle. Le CESE souscrit pleinement à ce point de vue.

3.24.

Dans cette même étude, l’OCDE souligne que le budget de l’Union européenne est limité et que son poids par rapport au RNB européen est en diminution depuis 1993 (21). Le CESE est très préoccupé par la perspective de voir cette tendance se poursuivre si le CFP postérieur à 2020 était adopté tel que proposé par la Commission, car cela rendrait plus difficile la réalisation de la convergence économique et sociale vers le haut entre les États européens. Comme indiqué dans le document de réflexion sur l’approfondissement de l’Union économique et monétaire (22) le fait que l’on ne soit pas encore parvenu à un accord pour achever l’UEM en suivant les pistes explorées dans les documents de réflexion sur l’avenir de l’Europe influe négativement sur cette situation.

3.25.

Le Comité partage également la recommandation du Conseil relative à l’augmentation de la productivité, notamment en ce qui concerne le rôle en la matière de l’investissement en R + D + I, et les recommandations par pays qui font référence à l’amélioration des administrations publiques et de l’environnement des entreprises.

3.26.

Promouvoir la croissance suppose d’encourager les investissements des entreprises. Le CESE rappelle l’importance d’une mise en place rapide de l’union des marchés des capitaux et de l’achèvement du processus menant à la création de l’union bancaire. Le Comité est préoccupé par les retards qu’accuse l’union bancaire, par le fait qu’aucun dispositif de soutien commun n’est encore prévu pour le Fonds de résolution unique à partir du Mécanisme européen de stabilité (MES), ainsi que par les obstacles auxquels se heurte la création d’un système européen de garantie des dépôts (SEGD), lesquels vont bien au-delà des craintes justifiées que peut susciter le volume de créances douteuses de certains pays (23).

La lutte contre la criminalité fiscale et pour une fiscalité équitable

3.27.

Il est et il sera très difficile de garantir la viabilité des finances publiques et de mener des politiques sociales et d’investissement fortes aussi longtemps que les niveaux actuels de fraude et d’évasion fiscale, de blanchiment d’argent dans les paradis fiscaux et de concurrence fiscale déloyale entre les États membres de l’Union européenne se maintiendront. Dans la revue Finance & Développement du FMI est présenté un article (24) important expliquant que près de 40 % de l’investissement direct étranger (IDE) dans le monde, soit quelque 12 000 milliards de dollars, sont en fait des investissements «fantômes», c’est-à-dire qu’ils vont à des entités qui n’ont aucune substance économique. Les recours à des intermédiaires, ou des entités «de transfert», n’implique pas, en soi, l’optimisation fiscale, mais certainement des possibilités accrues d’optimisation fiscale et d’évasion fiscale. Selon le même article, 9,8 % de la richesse mondiale se trouvent dans des paradis fiscaux.

3.28.

Le CESE fait à nouveau valoir la nécessité de mettre d’urgence en œuvre des mesures supplémentaires efficaces de lutte contre le détournement de fonds publics, l’évasion fiscale, le blanchiment d’argent, les paradis fiscaux et la concurrence fiscale déloyale, en commençant par l’application de la 5e directive relative au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme (25), et d’élaborer une liste cohérente, fiable et unique de paradis fiscaux auxquels appliquer des sanctions appropriées.

3.29.

Il convient également de prendre des mesures efficaces contre la planification fiscale agressive pratiquée par les entreprises multinationales, en particulier dans le secteur de l’économie numérique. Cette lutte sans merci doit combiner des mesures globales et d’autres mesures susceptibles d’être appliquées dans l’Union européenne. Dans le même temps, il y a lieu d’instaurer progressivement un système d’harmonisation fiscale appropriée dans la zone euro et dans l’Union européenne.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Avis du CESE sur la «Recommandation de recommandation du Conseil concernant la politique économique de la zone euro» (JO C 197 du 8.6.2018, p. 33).

(2)  Recommandation du Conseil concernant la politique économique de la zone euro.

(3)  Voir COM(2017) 770 final.

(4)  JO C 262 du 25.7.2018, p. 28.

(5)  JO C 262 du 25.7.2018, p. 1.

(6)  Investir dans l’aide sociale - Un impératif européen, novembre 2017.

(7)  JO C 197 du 8.6.2018, p. 33.

(8)  Prévisions économiques européennes — printemps 2018. Annexe statistique, p. 165.

(9)  Formulée dans son avis sur la «Recommandation de recommandation du Conseil concernant la politique économique de la zone euro» (JO C 197 du 8.6.2018, p. 33) et des avis antérieurs.

(10)  Ces données, ainsi que toutes celles relatives aux investissements, sont extraites de l’article Understanding (the lack of) German public investment [Comprendre l’(absence d’)investissement public allemand] de A. Roth et G. Wolff, posté sur le blog de la Fondation Bruegel le 6 juin 2018.

(11)  Tel est le cas des Pays-Bas, de l’Irlande, de Malte et de la Slovénie au sein de la zone euro, ainsi que du Danemark, qui n’en fait pas partie.

(12)  Prévisions économiques européennes — été 2018.

(13)  Voir la communication de la Commission intitulée «Utiliser au mieux la flexibilité offerte par les règles existantes du pacte de stabilité et de croissance», COM(2015) 12 final.

(14)  Voir COM(2018) 335 final.

(15)  Comité budgétaire européen, Évaluation de l’orientation budgétaire appropriée pour la zone euro en 2019, 18 juin 2018.

(16)  Prévisions économiques européennes — printemps 2018. Annexe statistique, p. 172.

(17)  Ibid., p. 172-174 et Eurostat.

(18)  Ibid., p. 171 et Eurostat.

(19)  2018 OECD Economic Surveys of the Euro Area and the EU. Présentation et synthèse, 19 juin 2018, p. 21.

(20)  Bruxelles, 19 juin 2018, Fondation Bruegel.

(21)  Ibid, OCDE, p. 25-30.

(22)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 124.

(23)  La position du CESE sur les créances douteuses est présentée dans son avis sur le paquet «Prêts non performants» (ECO/2018)(JO C 367 du 10.10.2018, p. 43).

(24)  Piercing The Veil: Some $12 Trillion Worldwide Is Just Phantom Corporate Investment (Lever le voile: Quelque 12 000 milliards de dollars dans le monde ne sont que des investissements fantômes), par J. Damgaard, T. Elkjaer et N. Jahannesen; Finance&Development, 10 juin 2018.

(25)  Directive (UE) 2018/843 du Parlement européen et du Conseil (JO L 156 du 19.6.2018, p. 43).