ISSN 1977-0936

Journal officiel

de l'Union européenne

C 434

European flag  

Édition de langue française

Communications et informations

60e année
15 décembre 2017


Numéro d'information

Sommaire

page

 

I   Résolutions, recommandations et avis

 

AVIS

 

Comité économique et social européen

 

528e session plénière du CESE des 20 et 21 septembre 2017

2017/C 434/01

Avis du Comité économique et social européen sur l’Impact de la révolution numérique en matière de santé sur l’assurance maladie (avis d’initiative)

1

2017/C 434/02

Avis du Comité économique et social européen concernant l’Analyse de la transparence, de la méthodologie et des ressources des analyses et évaluations d’impact que la Commission européenne lance en vue d’améliorer la qualité de la législation européenne (avis d’initiative)

11

2017/C 434/03

Avis du Comité économique et social européen sur Un système fiscal favorable à une concurrence équitable et à la croissance économique (avis d’initiative)

18

2017/C 434/04

Avis du Comité économique et social européen sur Le nouveau contexte des relations stratégiques UE-CELAC et le rôle de la société civile (avis d’initiative)

23

2017/C 434/05

Avis du Comité économique et social européen sur les Rôle et perspectives des partenaires sociaux et autres organisations de la société civile dans le contexte des nouvelles formes de travail (avis exploratoire à la demande de la présidence estonienne)

30

2017/C 434/06

Avis du Comité économique et social européen sur les Fourniture et développement de compétences, y compris les compétences numériques, dans le contexte des nouvelles formes de travail: nouvelles politiques et évolution des rôles et des responsabilités (avis exploratoire à la demande de la présidence estonienne)

36


 

III   Actes préparatoires

 

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

 

528e session plénière du CESE des 20 et 21 septembre 2017

2017/C 434/07

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen Développer l’union douanière de l’UE et sa gouvernance[COM(2016) 813 final]

43

2017/C 434/08

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Plan d’action relatif aux services financiers pour les consommateurs: de meilleurs produits, un plus grand choix[COM(2017) 139 final]

51

2017/C 434/09

Avis du Comité économique et social européen sur: Proposition de directive du Conseil concernant une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS) [COM(2016) 683 final — 2016/0336(CNS)] — Proposition de directive du Conseil concernant une assiette commune pour l’impôt sur les sociétés [COM(2016) 685 final — 2016/0337(CNS)]

58

2017/C 434/10

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 648/2012 en ce qui concerne l’obligation de compensation, la suspension de l’obligation de compensation, les obligations de déclaration, les techniques d’atténuation des risques pour les contrats dérivés de gré à gré non compensés par une contrepartie centrale, l’enregistrement et la surveillance des référentiels centraux et les exigences applicables aux référentiels centraux[COM(2017) 208 final — 2017/090 (COD)] et sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 1095/2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité européenne des marchés financiers) et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 en ce qui concerne les procédures d’agrément des contreparties centrales et les autorités qui y participent, ainsi que les conditions de reconnaissance des contreparties centrales des pays tiers[COM(2017) 331 final — 2017/0136 (COD)]

63


FR

 


I Résolutions, recommandations et avis

AVIS

Comité économique et social européen

528e session plénière du CESE des 20 et 21 septembre 2017

15.12.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 434/1


Avis du Comité économique et social européen sur l’«Impact de la révolution numérique en matière de santé sur l’assurance maladie»

(avis d’initiative)

(2017/C 434/01)

Rapporteur:

Alain COHEUR

Décision de l’assemblée plénière

26 janvier 2017

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

 

 

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section spécialisée

5 septembre 2017

Adoption en session plénière

20 septembre 2017

Session plénière no

528

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

174/0/1

1.   Conclusions

1.1.

Pour le Comité économique et social européen (CESE), face à la révolution numérique dans le domaine de la santé, il est indispensable de maintenir et de promouvoir des systèmes d’assurance maladie/santé au bénéfice de tous, solidaires, inclusifs et non discriminatoires. En effet, l’inclusion et l’accès équitable de tous à des services de santé (numériques ou non) de qualité et l’attachement à ceux-ci sont autant de conditions d’une couverture santé universelle.

1.2.

Conformément aux avis précédents (1), le CESE considère que l’égalité d’accès aux soins, qui est un objectif essentiel des politiques de santé, peut bénéficier des apports du numérique si plusieurs conditions sont respectées:

une couverture territoriale égale tenant compte des zones faiblement desservies par les opérateurs du numérique (accès, débit);

une réduction de la fracture numérique en termes d’usages entre les citoyens, les professionnels de la santé et les acteurs des systèmes d’assurance maladie/santé;

une interopérabilité de l’ensemble de l’architecture numérique (bases de données, dispositifs médicaux) facilitant la continuité des soins dans chaque structure et entre ces structures;

une protection des données de santé qui ne peuvent en aucun cas être utilisées au détriment des patients.

1.3.

L’essor de la télémédecine, des objets connectés et des nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives (NBIC) ne doit pas aboutir à considérer les individus comme de simples corps connectés qui pourraient être analysés, contrôlés et surveillés à distance par un programme informatique tout-puissant. La technicisation de la santé incite en réalité à l’inverse, c’est-à-dire à réaffirmer la place de la relation interpersonnelle et du lien social au fondement de la pratique de la médecine et du soin.

1.4.

Le CESE insiste sur le défi que représente l’hyper-responsabilisation du citoyen amené à autogérer sa santé, auquel s’ajoute celui de l’hyper-individualisation. Avec la médecine prédictive, d’une part, et les outils connectés, d’autre part, la connaissance des risques de santé de l’individu comme de leur suivi tend à progresser, incitant à des politiques plus personnalisées. La révélation de ces risques et les écarts constatés entre individus posent des questions éthiques importantes dans le cadre de la préservation d’une couverture assurantielle solidaire.

2.   Recommandations

2.1.

Le CESE rappelle que pour réussir la révolution numérique, nos systèmes d’assurance maladie/santé performants doivent:

a)

mettre le numérique au service de la réalisation et de l’activation de nos droits fondamentaux en matière de santé et non de leur affaiblissement. Le numérique doit être un vecteur de renforcement des capacités individuelles et collectives ainsi qu’un puissant levier au service de l’effectivité des droits et du développement de nouvelles formes d’organisation et de gouvernance de la santé;

b)

réaffirmer les valeurs de solidarité et d’universalité au fondement de notre système de santé, dont la préservation relève de tous.

2.2.

En aucun cas le déploiement du numérique ne doit conduire à une remise en cause des principes de redistribution et de mutualisation des risques sanitaires et sociaux, véritables clés de voûte de la solidarité collective.

2.3.

Le CESE souligne la nécessité:

de développer et de faciliter l’accès à la littératie en santé numérique des citoyens afin d’encourager une approche critique de l’information en santé;

de garantir une information de qualité en matière de santé, notamment en incitant à la mise en place de procédures de labellisation/accréditation des applications de santé;

de renforcer les relations de confiance entre les patients, les professions de santé et les acteurs des systèmes d’assurance maladie/santé;

de mettre en place un système de formation adapté tant aux usagers qu’aux professionnels de la santé pour assurer une utilisation efficiente, sécurisée et protectrice des technologies numériques et faciliter les changements dans le système de santé;

de consolider le dialogue social en tant qu’espace indispensable de concertation pour accompagner les changements à venir;

de mettre en œuvre des dispositifs de sécurisation du traitement des données personnelles afin d’éviter des pratiques qui conduisent à utiliser ces données en matière assurantielle (accès, remboursement, etc.) à des fins commerciales ne répondant pas à une finalité de santé publique;

de promouvoir un cadre réglementaire évolutif tenant compte de l’ensemble de l’écosystème («multi-parties-prenantes») et du rôle joué par les organisations d’assurance maladie/santé en tant que tiers de confiance dans leurs relations avec les assurés/affiliés;

de soutenir l’évolution de la nomenclature des soins remboursables et des services de bien-être offerts en prenant en compte les innovations techniques permises par le numérique;

d’accompagner l’évolution vers une médecine des «4 P» (2) par le développement des services solidaires des organismes d’assurance maladie/santé, en réponse aux besoins des citoyens.

3.   Contexte

3.1.

L’essor du numérique impulse des évolutions d’une ampleur et d’un rythme sans précédent à la sphère de la santé. Avec l’explosion des objets connectés et des applications mobiles de santé, l’exploitation des mégadonnées, l’avènement des NBIC et l’offre florissante de nouveaux services de santé, le numérique conduit à une transformation globale de notre système de santé.

3.2.

Loin de se résumer à sa dimension technique ou scientifique, l’innovation numérique en santé est multiple par l’innovation des usages qu’elle intègre. Ces nouveaux usages accompagnent une innovation sociale de grande ampleur en permettant l’émergence de nouvelles réponses aux besoins sanitaires et sociaux.

3.3.

Sont ainsi directement impactés les rapports entretenus dans le cadre d’un écosystème complexe entre:

a)

le citoyen, par la connaissance de son état de santé;

b)

les professions médicales et paramédicales et leur relation avec le patient;

c)

le système d’assurance maladie dans ses différents modes d’organisation, de gestion et de financement.

3.4.

Concernant le rapport de l’individu à sa santé, chaque individu devient plus conscient de l’importance de sa santé et de la manière de se prendre en charge. Jusqu’à présent, en raison de la difficulté d’accéder à des informations médicales et de l’ignorance ainsi générée, l’individu était plongé dans l’incertitude face aux risques de la maladie. Désormais, il disposera d’une multitude de dispositifs (par exemple les objets connectés) lui permettant de mesurer son état de santé et d’adapter son mode de vie en conséquence.

3.5.

La disponibilité des sources d’information amène chaque individu à devenir un acteur de la santé capable d’identifier, de comparer et de choisir le service de santé le plus adapté à ses besoins. L’«e-patient» devient un contributeur de la médecine prédictive, un producteur de données de santé et un acteur de sa santé et de celles des autres. À ce titre, le consentement éclairé constitue un axe central en lien avec la protection des données, la gouvernance intégrée et l’utilisation des données.

3.6.

Les nouvelles technologies invitent à mettre l’accent sur la prévention plus que sur le traitement des maladies mêmes. Elles permettront également de mettre en place des thérapeutiques plus efficaces, moins intrusives et plus individualisées en fonction des caractéristiques génétiques et biologiques de chacun tandis que la disponibilité en temps réel des informations améliore la réponse thérapeutique.

3.7.

Les professions de santé sont amenées à évoluer vers de nouvelles compétences et de nouveaux domaines d’action se déclinant à plusieurs niveaux, notamment vers un autre mode relationnel reposant davantage sur la relation de confiance réciproque avec le patient, une appropriation progressive des outils numériques en lien avec les formations, une modification des représentations techniques de la prestation des soins, ainsi qu’une approche collaborative et de partage par l’intermédiaire de systèmes interopérables.

3.8.

Le dialogue social doit accompagner ces changements et renforcer les dispositifs de formation du personnel de santé.

3.9.

Concernant les systèmes d’assurance maladie, l’accès à des services de santé performants et de qualité, tant publics que privés, reste un objectif à atteindre pour chaque citoyen. Dans ce contexte, l’assurance maladie se verra fortement impactée car l’enjeu à l’avenir sera de construire, en amont du risque, des solutions et des parcours personnalisés dans les limites des principes de la mutualisation, tout en préservant sa fonction traditionnelle qui est de permettre aux personnes qui tombent malades d’accéder aux services de santé.

3.10.

L’innovation médicale générée par le numérique est potentiellement porteuse de changements profonds pour l’assurance maladie. La dynamique qui se met en place conduit à une individualisation de la médecine et des traitements à travers deux sources d’information:

a)

le décryptage du génome:

la dimension prédictive d’un tel décryptage peut donner une toute nouvelle dimension à l’approche de prévention (avec le décryptage du génome, la probabilité d’un risque de santé est «connue» et la prévention a dès lors plus de sens), et introduire des enjeux majeurs dans le champ de l’assurance maladie;

b)

les dispositifs d’«e-santé»:

parmi ces dispositifs figurent, entre autres, les objets connectés, qui relèvent du domaine du self data (automesure) et permettent aux personnes de connaître et d’améliorer leur état de santé.

Image

Dès lors, une série de questions et d’observations doivent être traitées:

a)

Ces sources nouvelles de connaissance pourraient-elles amener à créer de nouvelles offres et de nouveaux services sur mesure plus adaptés aux usages des assurés?

b)

Aurons-nous demain une couverture santé en lien avec les probabilités de maladies que nous annonce notre décryptage génomique?

c)

Le passage d’une approche curative à une approche préventive est-il entériné? Quelles conséquences sur le pilotage de l’assurance santé et le financement dans un contexte économique difficile? Faut-il rembourser les programmes personnalisés de prévention médicalisée dans le cadre des plateformes numériques?

d)

Le bien-être (3) se substitue-t-il désormais à la santé? Cette transformation du système de santé n’amène-t-elle pas à concevoir une médecine holistique et moins curative?

e)

Avec ces mutations, la vision de la relation patient/médecin et assuré/assureur va-t-elle changer en profondeur en passant d’un modèle «vertical» à un modèle plus «horizontal» où le patient questionne et développe des «savoirs profanes»?

f)

Face à la puissance économique des géants du numérique, ne faut-il pas relancer les investissements en recherche et développement conduits par les pouvoirs publics?

4.   Impacts de la numérisation sur le citoyen/patient

4.1.

La transformation numérique offre la possibilité aux individus d’agir sur leur état de santé, sachant toutefois qu’il existe certaines barrières qui en bloquent l’accès. L’accès démultiplié à des connaissances, des infrastructures et des services innovants personnalisés en matière de santé pourrait permettre à chacun de devenir acteur de sa propre santé mais aussi de contribuer — en tant qu’aidant, producteur d’informations et fournisseur de données — à améliorer la santé des autres.

4.2.

L’avènement de cette individualisation se caractérise par une santé qualifiée de «santé des 4 P»:

participative: des données médicales sont produites et suivies par les patients eux-mêmes, aidés par un nombre croissant d’objets connectés. La relation entre le patient et le médecin (qui n’est plus la source unique de savoir médical) évolue. Le patient devient «actient»;

préventive: les patients collectant de manière régulière les informations concernant leur santé sont de plus en plus conscientisés au maintien d’une bonne santé, ce qui ouvre la voie à une santé plus axée sur la prévention;

personnalisée: l’afflux continu de données personnelles de plus en plus précises et variées permet également le développement d’une santé de plus en plus personnalisée;

prédictive: enfin, les avancées technologiques, permettant par exemple la numérisation du génome complet des personnes, ouvrent la voie à une santé qui se veut de plus en plus prédictive.

4.3.

Littératie et risque d’une nouvelle fracture en santé — celle du numérique

4.3.1.

La littéracie en santé signifie la capacité des individus à obtenir, comprendre et utiliser l’information de manière à promouvoir et à maintenir une bonne santé. Cela implique d’atteindre un niveau de connaissances, de compétences et de confiance personnelles permettant de prendre des mesures pour améliorer la santé personnelle et communautaire en changeant les modes et les conditions de vie.

4.3.2.

Le numérique tend à accentuer les inégalités sociales sur le plan de la santé en renforçant le lien de cause à effet entre l’état de santé d’un individu et ses capacités cognitives (par exemple la capacité à trouver et comprendre une information de qualité en matière de santé) et financières (comme la possibilité de s’équiper des dispositifs les plus performants). Ces inégalités sont renforcées chez les personnes âgées, les plus vulnérables, et celles vivant dans les zones faiblement couvertes par les opérateurs du numérique.

4.3.3.

L’utilisation des applications en santé nécessite un niveau de connaissances permettant d’accéder à l’information en santé, de la comprendre, de l’évaluer et de l’utiliser en vue de prendre des décisions quotidiennes en ce qui concerne les soins de santé, la prévention des maladies et la promotion de la santé. Or, un faible niveau de littératie fait courir de nombreux risques en matière de santé, avec des conséquences en termes d’espérance de vie en bonne santé, de décès prématuré, de qualité de vie et de coûts pour l’individu et la société.

4.3.4.

Il ne faut cependant pas négliger l’émergence d’une fracture numérique au sein des professions médicales et paramédicales. Celle-ci peut être résolue par un renforcement du système éducatif grâce à un programme de formation consacré à l’apprentissage des nouveaux rapports induits par le numérique dans la relation soignant/soigné.

4.4.   L’hyper-responsabilisation, autre risque majeur du numérique

4.4.1.

Les pratiques de quantification dans le domaine de la santé favorisent la microgestion individuelle de la santé et l’hyper-responsabilisation, au détriment d’une appréhension plus collective. Elles font des individus des entrepreneurs eux-mêmes responsables de leur bon ou mauvais comportement de santé, et peuvent détourner l’attention des causes environnementales ou socio-économiques des problèmes de santé publique.

4.4.2.

La non-anticipation des effets du numérique sur l’individualisation, l’accroissement des inégalités sociales de santé et une commercialisation accrue de la santé peuvent mettre en danger nos modèles d’assurance maladie/santé solidaire et universelle.

5.   Impacts de la numérisation pour et parmi les professionnels de la santé

5.1.   Le dossier médical électronique, pierre angulaire de l’organisation des soins de santé

5.1.1.

Le numérique apporte des moyens de décloisonner le système de santé en facilitant la mise en commun d’informations entre structures hospitalières, cabinets libéraux, réseaux de santé et services à domicile. Des moyens de transmission sûrs et rapides des informations recueillies par différents intervenants représentent une condition nécessaire de la coordination des soins et de la prise en charge globale du patient. L’organisation de la continuité des soins et la prise en charge pluridisciplinaire du patient sont beaucoup plus aisées à mettre en œuvre. La disponibilité, la rapidité d’accès, l’échange et le partage de données facilitent la décision médicale. Les plus-values de l’échange informatisé de données entre professionnels de santé pour la qualité des soins sont directes.

5.1.2.

Le dossier médical électronique devient un outil de la coordination et de la qualité des soins au profit du patient grâce au partage des données par les acteurs autorisés, pour autant que ce partage ait fait l’objet du consentement préalable du patient, hormis les cas d’urgence ou d’impossibilité. Les règles propres au dossier médical électronique informatisé concernent toutes les garanties spécifiques données au patient au sujet des données numériques, en termes de protection de sa vie privée et d’accès à ces données. Le respect du secret entourant le dossier médical et administratif doit être pleinement assuré.

5.1.3.

Le dossier médical électronique permet d’éviter les erreurs liées à la mauvaise lisibilité d’un document (ordonnance, protocole d’un examen médical) et facilite l’accès aux bases de connaissances médicamenteuses de même qu’à une prescription plus sûre, car étayée par les caractéristiques du patient. L’informatisation de la pratique médicale participe à la limitation des risques d’erreur et à la réduction des risques iatrogéniques.

5.1.4.

Les fonctions de rappels et d’alarmes permises par l’informatisation d’un dossier médical facilitent l’amélioration des actes de prévention (vaccination, dépistage), la surveillance des malades atteints de pathologies chroniques et des connaissances médicamenteuses, l’amélioration de la qualité des soins fournis aux patients, ainsi que le renforcement des compétences du prestataire de soins en matière de diagnostic et de prescription du traitement.

5.1.5.

Par ailleurs, avec la numérisation des informations rassemblées autour du patient contribuant à améliorer le processus de décision médicale, l’on assistera au cours des prochaines années à une mutation radicale des pratiques médicales. Plus aucun diagnostic médical ne pourra être réalisé sans système d’expert ou d’outils venant de l’intelligence artificielle. Une telle révolution est le fruit du développement en parallèle de la génomique, des neurosciences et des NBIC, dans le cadre de laquelle seules les machines pourraient, désormais, être capables de traiter l’ensemble des données.

5.2.   Place de l’humain au cœur du développement de nouvelles pratiques médicales

5.2.1.

Les évolutions technologiques rendent possibles et confirment le développement de la télémédecine, qui permet l’émergence de nouvelles pratiques médicales et paramédicales. La télémédecine présente les avantages suivants: une meilleure couverture sanitaire de territoires isolés et une limitation des déplacements pour les personnes fragilisées, un suivi à distance des malades leur évitant l’hospitalisation, un partage d’expertises à distance, une dimension d’éducation thérapeutique par la télésurveillance et la concertation multidisciplinaire grâce à la téléconsultation et à la télé-expertise.

5.2.2.

La télémédecine, la communication professionnelle informatisée, la dématérialisation des documents, la mise en commun des compétences diffusées et le partage des ressources intellectuelles ou médicotechniques doivent permettre des gains de temps pour les professionnels de santé, qui peuvent alors être réinvestis au chevet du patient, dans le colloque singulier avec ce dernier, et conduire à améliorer considérablement la relation avec le patient.

6.   Impacts de la numérisation sur la gestion de l’assurance maladie/santé

6.1.   Mégadonnées (big data)

6.1.1.

L’informatisation progressive de nos systèmes de santé a incontestablement contribué à améliorer, d’une part, la gestion administrative et financière des dossiers d’assurabilité de chaque citoyen (gain de place, de temps et de consommables, productivité à la hausse, archivage facilité et sécurisé, gain écologique) et, d’autre part, la rapidité du remboursement des prestataires de soins et des établissements hospitaliers, tout en augmentant les contrôles et en diminuant le risque d’erreurs dans la facturation des prestations.

6.1.2.

La dématérialisation des formulaires administratifs, bien qu’elle n’apporte pas de gain direct pour la qualité des soins, a réduit les délais de transmission des formulaires et simplifié les démarches administratives. Elle facilite toutefois l’exercice de la médecine, permettant au médecin de se concentrer davantage sur l’art de guérir et moins sur les inévitables actes administratifs connexes.

6.1.2.1.

Aujourd’hui, les mégadonnées sont générées lorsque toutes les données de tous les patients/assurés sont compilées, y compris celles provenant des applications de santé. Il s’agit de la capacité d’analyser l’ensemble des données provenant d’une multitude de sources. Cela suppose de disposer des moyens de relier les données entre elles et d’extraire, de façon automatique et rentable, des informations utiles de données non structurées.

6.1.3.

Par l’intermédiaire des applications, les données ne sont plus stockées chez le médecin, à l’hôpital ou auprès des organismes d’assurance maladie/santé, mais bien sur des appareils ou sur des plateformes de stockage en ligne (cloud) dont la maison-mère ne se situe plus nécessairement dans le pays d’affiliation à l’assurance maladie, ni même en Europe.

6.1.4.

L’interopérabilité représente une clé de voûte tant au niveau européen (avec le «marché unique numérique») qu’au niveau national. Un «cadre d’interopérabilité des systèmes d’information de santé» est à développer et à mettre en œuvre. Un tel référentiel d’interopérabilité compile des principes et normes à respecter pour échanger des données de santé en toute sécurité en intégrant tous les acteurs de l’«e-santé».

6.2.   Protection des données

6.2.1.

La propriété et la protection des données sont un enjeu de première importance pour le citoyen/patient et constituent un droit fondamental devant être respecté. Le citoyen/patient doit pouvoir disposer librement de ses données. Cela passe par le consentement libre, éclairé et continu des citoyens sur la collecte et l’utilisation de leurs données. S’y ajoutent la reconnaissance d’un droit effectif à leur portabilité et le développement de solutions de type «Blue Button» (4) pour la mise à disposition de l’historique personnel des individus.

6.2.2.

Le règlement général sur la protection des données (RGPD) qui entrera en vigueur le 25 mai 2018 réglemente cette matière au niveau européen. Par ailleurs, la déclaration de l’Association médicale mondiale sur les considérations éthiques concernant les bases de données de santé et les biobanques (déclaration de Taipei) doit également être prise en compte.

6.3.   Assurance maladie/santé en pleine mutation

6.3.1.

La numérisation est en marche dans l’assurance. D’abord cantonnée à des propositions de valeur d’information et de comparaison (comparateurs, souscription en ligne, etc.) ou liées à la dématérialisation des formulaires médico-administratifs, elle ira bien au-delà de ces maillons transactionnels. Les nouvelles méthodes de quantification, popularisées par le terme «mégadonnées», vont transformer radicalement le modèle économique de l’assurance et de nouveaux produits vont faire leur apparition.

6.3.2.

Ce tournant impacte fortement et logiquement:

les métiers liés à la production de données, à leur stockage, à leur fourniture, à leur traitement et à leur transformation, grâce à des algorithmes, et ceux qui ont une forte valeur ajoutée en information;

le statut du patient qui, à l’égard des professions de santé, devient un agent actif de sa santé et tend à sortir de sa situation de dépendance vis-à-vis de celles-ci.

6.3.3.

Au fur et à mesure de l’évolution de la technologie et du développement des applications de santé, tout individu pourra désormais «objectiver» son activité physique, son alimentation, ses interactions avec les autres, voire l’ensemble des déterminants de sa santé.

6.3.4.

L’utilisation de données de masse concernant les individus pourrait signifier le passage d’un modèle de couverture des risques et de leur mutualisation à un modèle de couverture des comportements et d’individualisation de l’offre assurantielle conduisant à une hyperindividualisation. Si les assureurs privés aux visées lucratives semblent être en mesure de se positionner assez naturellement, l’évolution pourrait être plus compliquée pour les acteurs mutualistes et les acteurs publics de l’assurance maladie, dont les missions fondamentales seraient soumises à des tensions.

6.3.5.

Les gestionnaires de l’assurance maladie/santé entrent à leur tour dans une phase de vulnérabilité face à cette évolution car ils se trouvent à la croisée de tout un écosystème multidimensionnel composé des industriels, des médecins, des gouvernements, des régulateurs, des investisseurs et des patients.

6.3.6.

Les gestionnaires de l’assurance maladie/santé doivent faire face à une forte inertie liée à une réglementation très stricte des données sensibles en matière de santé, au fonctionnement et au financement complexes du secteur médico-hospitalier, à une chaîne de valeur (adhésion, encaissement des cotisations, liquidation des prestations) assez rigide et peu réactive, à une réglementation sur les produits d’assurance de plus en plus stricte et parfois même au corporatisme des professions médicales.

6.3.7.

Cependant, tous les gestionnaires de l’assurance maladie/santé n’ont pas ou plus les mêmes capacités d’action financière, et les besoins en fonds propres nécessaires à cette activité apparaissent de plus en plus comme une barrière à leur propre développement. La puissance économique des géants du numérique leur ouvre des portes pour investir directement dans ce qu’ils perçoivent comme un marché.

6.3.8.

Malgré une meilleure connaissance des risques individuels en santé, il est indispensable de maintenir nos systèmes de santé sur la logique d’assurance collective et solidaire. C’est dans l’articulation entre l’adhésion individuelle et la protection collective contre l’ensemble des risques de santé que nos systèmes d’assurance maladie/santé ont été les plus performants.

6.4.   Adaptation des mécanismes de remboursement

6.4.1.

Il n’existe, à l’heure actuelle, que peu d’exemples de prise en charge financière (remboursement) pour l’utilisation d’applications mobiles dans le parcours de soins d’une personne. L’un des obstacles majeurs à l’heure actuelle serait justement l’absence de modèles de remboursement adéquats qui intègrent les nouvelles réalités technologiques.

6.4.2.

Il y a le modèle classique de l’intervention étatique, où le remboursement est aux mains des institutions et autorités nationales qui statuent sur les prestations de santé mobile remboursables (5), mais il y a également des initiatives prises par les acteurs des systèmes d’assurance maladie, dont les mutuelles (6).

6.4.3.

Des systèmes de remboursement novateurs comme les programmes d’incitation et de prévention qui ont pour but d’agir sur la prévention plus que sur la médication sont aussi mis en place.

6.5.   Nouveaux enjeux pour les organisations d’assurance maladie/santé

6.5.1.

Pour les organisations gestionnaires de l’assurance maladie/santé obligatoire tant publiques que privées (comme les mutuelles) qui seront fortement impactées, les enjeux à l’avenir seront de:

développer des dispositifs de prévention, de diagnostic et de suivi des traitements adaptés et individualisés, de construire en amont du risque des solutions et des parcours personnalisés dans les limites des principes de la mutualisation, tout en préservant sa fonction traditionnelle qui est de permettre aux personnes qui tombent malades d’accéder aux soins;

mettre en adéquation l’offre de services de santé avec les besoins évolutifs des patients;

accompagner les patients en évitant les risques de stigmatisation et de culpabilisation: les mutuelles jouent déjà un rôle important dans la prévention, le suivi de la prise en charge et le suivi des patients; ce rôle devrait également être étendu aux organismes publics d’assurance maladie/santé;

lutter contre les inégalités sociales en santé, qui peuvent être générées par la fracture numérique, en accroissant la littéracie (via, notamment, le renforcement des compétences);

réduire les comportements à risque et surveiller la conformité aux prescriptions des professionnels de santé. La recherche d’outils efficaces, répondant aux besoins, est un enjeu fondamental;

privilégier la qualité de vie des adhérents. Cet enjeu renvoie également à des objectifs économiques et de maîtrise du risque et, par conséquent, de dépenses de santé;

systématiser la gestion électronique des dossiers des patients et des relations avec les prestataires de soins, entre autres, avec la numérisation des attestations de soins donnés, le dossier médical électronique et le carnet de santé numérique;

adapter les remboursements aux nouvelles formes de prise en charge et de suivi des patients par les professionnels de santé;

devenir tiers de confiance pour ce qui concerne l’utilisation et la gestion des flux de données de santé ainsi que leur collecte, sachant qu’il existe un risque de commercialisation non autorisée de ces données.

6.5.2.

Les mutuelles de santé, qui ont été les précurseurs de l’assurance maladie, peuvent désormais viser la promesse d’un accompagnement permanent et individualisé de chacun de leurs adhérents. Tant pour les produits/services qu’elles proposent que pour l’accompagnement de l’individu dans sa recherche du bien-être ou son parcours de soin, les mutuelles de santé doivent pouvoir être présentes, quel que soit le canal de communication, dans la vie de leurs adhérents, et leur proposer une réponse adaptée à leurs besoins.

7.   Impacts des acteurs «disrupteurs» du numérique sur l’assurance maladie/santé et la société

7.1.

Nonobstant, l’ensemble des éléments cités précédemment, qui témoignent de la complexité des enjeux du numérique dans le domaine de la santé, et l’arrivée des nouveaux acteurs de l’internet vont soumettre nos systèmes d’assurance maladie/santé à une prise de pouvoir économique.

7.2.

Ce bouleversement est certes permis par l’apparition de capteurs, devenus économiquement accessibles et techniquement «fiables», mais aussi et surtout par la capacité de centralisation et d’analyse des données, par l’intermédiaire d’un smartphone ou d’une interface internet. C’est ainsi que s’est développé un écosystème d’applications mobiles centrées sur le principe d’objectifs, de communauté et de «ludification». Celui-ci permet aux constructeurs d’environnements mobiles de définir les normes de la gestion des données de santé par l’intermédiaire de leurs services dédiés (7).

7.3.

Il est à craindre que les «GAFAMA» (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft et Alibaba) (8) et d’autres à venir soient demain les maîtres de cette nouvelle médecine reposant de plus en plus sur les technologies de l’information et sur leur décryptage. Or, il s’agit là précisément du métier des chefs de file de l’économie numérique, qui utilisent ces technologies pour prendre le contrôle des écosystèmes dans tous les secteurs.

7.4.

La force de ces plateformes est de faire reposer leur modèle de développement sur la fourniture de masse d’un produit ou d’un service connecté à la population, leur donnant accès à des données abondantes qui sont monétisées. La monétisation des données permet d’offrir de nombreux services gratuits assurant une fréquentation de masse et nourrissant un cercle vertueux où chacun s’efforce de confiner le consommateur dans un écosystème le plus fermé possible. Présentant des coûts marginaux de fourniture des services quasi nuls, le modèle économique de l’internet favorise naturellement les plus gros acteurs, qui accaparent une grande partie de la valeur créée et qui disposent dès lors de capacités d’investissements immenses.

7.5.

Il est à craindre que seuls les «GAFAMA» soient en mesure de tirer parti de ces données diffusées gratuitement, en les croisant avec toutes celles qu’ils récoltent par ailleurs sur le comportement des individus. Face aux géants du numérique, présents et à venir, il est essentiel de préserver, à la fois pour les citoyens, les gouvernements et les institutions (notamment les institutions de protection sociale) européens, leur souveraineté dans les domaines de l’identification, de la récolte et de l’utilisation des données de santé d’un point de vue légal et éthique.

7.6.

La valeur ajoutée de ces informations, notamment en santé, est dès lors captée et contrôlée par ces plateformes et non plus par les producteurs du système de santé. Il ne reste plus qu’à mettre ces informations à disposition des «demandeurs» qui pourront les utiliser.

7.7.

La protection des données appréhendée à travers le prisme des «5 V» (volume, vélocité, variété, véracité, valeurs) représente une valeur économique nécessitant un cadre réglementaire évolutif en lien avec l’ensemble de l’écosystème («multi-parties-prenantes») et ce, afin d’éviter toute exploitation à des fins purement commerciales.

Bruxelles, le 20 septembre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO C 458 du 19.12. 2014, p. 54; JO C 242 du 23.7.2015, p. 48; JO C 13 du 15.1.2016, p. 14; JO C 13 du 15.1.2016, p. 40; JO C 288 du 31.8.2017, p. 1.

(2)  Voir le paragraphe 4.2.

(3)  «Les domaines du bien-être, de la santé et des soins s’inscrivent dans un continuum entre normal et pathologique et ce continuum sert d’ailleurs la médecine.»

(4)  Présentation de l’initiative Blue Button: le Blue Button fut lancé en 2010 par l’administration des États-Unis afin de constituer une plateforme de suivi, de contrôle et de téléchargement des données personnelles de santé des vétérans américains. Il leur permet ainsi d’accéder à leurs comptes rendus de prise en charge, leurs données d’assurance maladie et leur historique de santé (allergies, analyses médicales, etc.), et de les télécharger. Source: http://www.va.gov/bluebutton/

(5)  La France a franchi une étape avec la prise en charge de Diabeo, à la suite de l’avis rendu par la commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé. La solution Diabeo est un logiciel couplé à une télésurveillance médicale et une prestation technique d’apprentissage de l’utilisation du logiciel. Le logiciel Diabeo vise à aider le patient dans le calcul quotidien des doses d’insuline lente et rapide, selon des objectifs prédéfinis par le médecin prescripteur. Il est disponible par l’intermédiaire d’une application sur terminal mobile (smartphone ou tablette) pour le patient, et d’un portail internet.

(6)  Développé par une mutuelle française (MGEN) et relayé, en Belgique, par une mutualité belge (Solidaris), Vivoptim, un programme d’«e-santé» inédit pour prévenir et accompagner le risque cardiovasculaire, propose un ensemble de services individualisés, grâce aux outils numériques et aux objets connectés, qui se déclinent en trois programmes d’accompagnement et treize parcours de prévention adaptés à la situation, aux attentes et aux besoins de chacun, de la prévention pour les personnes en bonne santé à la gestion de la maladie chronique.

(7)  La structure de marché des kiosques d’applications se partage essentiellement entre les cinq plus grands magasins d’applications [90 % des téléchargements: Play (Android), App Store (Apple), Windows Phone Store (Microsoft), App World (BlackBerry) et Ovi (Nokia)].

(8)  Les géants du marché, les «GAFAMA» (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft et Alibaba) tendent à acquérir le monopole du contrôle de la «m-santé». Le domaine de la santé publique est totalement investi par ces multinationales qui y voient un potentiel d’expansion économique.


15.12.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 434/11


Avis du Comité économique et social européen concernant l’«Analyse de la transparence, de la méthodologie et des ressources des analyses et évaluations d’impact que la Commission européenne lance en vue d’améliorer la qualité de la législation européenne»

(avis d’initiative)

(2017/C 434/02)

Rapporteur:

Denis MEYNENT

Décision de l’assemblée plénière

26 janvier 2017

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

Avis d’initiative

 

 

Compétence

Section spécialisée «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section spécialisée

5 septembre 2017

Adoption en session plénière

20 septembre 2017

Session plénière no

528

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

142/0/5

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) rappelle que l’objectif premier du programme REFIT (1) est d’améliorer la qualité et l’efficacité de la législation européenne et d’élaborer des réglementations simples, compréhensibles et cohérentes, sans remettre en question les objectifs stratégiques des politiques de l’Union européenne déjà établis ni agir au détriment de la protection des citoyens, des consommateurs, des travailleurs et du dialogue social, ou encore de l’environnement (2). La réglementation européenne est un facteur d’intégration essentiel. Bien proportionnée, elle constitue un gage de protection, de promotion de la législation européenne et de sécurité juridique important pour tous les acteurs et citoyens européens (3).

1.2.

Malgré les progrès réalisés jusqu’ici, notamment sous l’influence des travaux du comité d’examen réglementaire (CER), le Comité souhaiterait que l’écosystème européen en matière d’analyse d’impact évolue encore, afin d’en renforcer la qualité et de favoriser la prise en compte de la société civile organisée lors de la conception et de la mise en œuvre de la législation.

1.3.

Il est donc notamment essentiel:

que le cahier des charges des études préliminaires ou complémentaires soit transparent, accessible, pluraliste et incite à la formulation de scénarios alternatifs faisant clairement apparaître les conséquences réelles des différentes options possibles;

qu’un registre européen des analyses d’impact ainsi que toutes les données pertinentes disponibles (scientifiques, statistiques, etc.), y compris l’avis des parties prenantes, soit aisément consultable et accessible dans les autres langues de l’Union européenne, particulièrement les résumés exécutifs des analyses d’impact;

que le caractère équilibré des analyses d’impact de toute proposition législative soit assuré en donnant aux dimensions économiques, sociales et environnementales, y compris aux petites et moyennes entreprises (PME) et aux microentreprises, toute l’importance qui leur revient.

1.4.

Le Comité plaide pour une approche qualitative qui fonctionne à part égale avec l’analyse quantitative et prenne en compte la recherche des bénéfices attendus de la législation.

1.5.

Le Comité appelle la Commission à demeurer vigilante afin que la réduction des charges règlementaires et administratives n’obère pas l’efficacité et la qualité globale des politiques de l’Union, surtout dans les domaines sociaux et environnementaux, de la protection des consommateurs et vis-à-vis des PME et des microentreprises.

1.6.

Enfin, dans la cadre de l’analyse d’impact, le Comité souhaite:

qu’une approche méthodologique convergente soit suivie entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission en matière d’analyse d’impact, qui puisse être partagée avec les organes consultatifs pour faciliter le travail respectif des institutions et permettre de formuler des amendements et des avis;

que l’implication du Comité dans le contrôle de la qualité soit renforcée en lui donnant la possibilité d’évaluer certaines analyses d’impact, du point de vue méthodologique et de la prise en compte des dimensions sociales, environnementales ou territoriales. À cet égard, le Comité insiste pour que l’article 9 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) soit systématiquement pris en compte de manière concrète;

que des échanges réguliers se déroulent avec le CER sur les méthodes en matière d’analyse d’impact (AI) et de bonnes pratiques, notamment en matière d’emploi ou de cohésion territoriale ou ayant un impact sur les PME et les microentreprises.

2.   Introduction

2.1.

L’analyse d’impact (AI) se présente comme une démarche d’analyse continue et critique des incidences, positives et négatives, de la réglementation en projet de l’Union européenne, aux niveaux économiques, sociaux et environnementaux. Quinze ans après son lancement, l’AI est devenue une des pierres de touche de l’agenda «Mieux légiférer» de l’Union.

2.2.

Le système d’analyse d’impact intervient à un stade très précoce du cycle politique. L’AI précède toute nouvelle initiative susceptible d’avoir des impacts économiques, environnementaux et sociaux. Une évaluation et un bilan de santé («Fitness check») de la législation existante ou des politiques de l’Union sont également réalisés régulièrement. L’étape d’analyse d’impact initiale («inception impact assessment») trace les grandes lignes de l’analyse d’impact en balayant les différents types d’options (du statu quo à une harmonisation complète). Intervient alors l’analyse d’impact proprement dite, dont le projet est passé en revue par le CER. Après la phase de mise en œuvre de la législation, une évaluation analyse l’efficacité, l’efficience, la pertinence et la valeur ajoutée européenne de la législation concernée. Le CER passe en revue les évaluations majeures de la législation de l’Union européenne. Le «Mieux légiférer» est donc présent à tous les stades de la procédure. Il tend à s’ouvrir de plus en plus aux parties prenantes, à chaque étape, au travers de nombreux mécanismes de consultation

2.3.

L’accord interinstitutionnel «Mieux légiférer» (AII) de mai 2015 (4) reflète la position commune entre les trois institutions concernant l’AI. Au regard des avancées, le Comité retient deux enseignements principaux:

l’absence de méthodologie commune: chaque institution est responsable de la définition de sa propre méthode d’évaluation, même si l’AI de la Commission doit toujours servir de base aux travaux afin d’assurer une approche convergente;

l’engagement pour le Conseil et le Parlement d’effectuer une analyse d’impact préalable au dépôt d’amendements «substantiels» lorsque cela est jugé nécessaire.

2.4.

Institué en mai 2015, le CER a mis près de deux ans pour être au complet. Il dispose d’une autorité renforcée et de responsabilités larges qui incluent l’examen de la qualité des projets d’AI, du bilan de santé et des évaluations majeures de la législation existante de l’Union européenne (5). La professionnalisation du CER a réduit la minoration de la prise en compte des impacts sociaux et environnementaux. Le CER a révisé 60 AI en 2016 dont 25, soit 42 %, ont reçu un avis initial négatif obligeant leurs auteurs à une nouvelle soumission devant le comité. Actuellement, le Comité limite ses avis à l’analyse d’impact. À l’avenir, il pourrait utilement juger la manière dont la proposition législative reflète l’analyse d’impact et en tient compte.

3.   Évaluation du processus d’AI

3.1.   Une analyse d’impact multidimensionnelle

3.1.1.

L’AI repose sur une batterie de critères et de tests relatifs notamment aux impacts:

économiques, sociaux et environnementaux,

sur les consommateurs,

sur les petites et les microentreprises,

sur le commerce et les investissements internationaux,

sur la charge administrative et règlementaire,

en matière de subsidiarité et de proportionnalité,

au niveau de la cohésion régionale et territoriale.

3.1.2.

Les analyses d’impact de la Commission présentent, en principe, un caractère intégré couvrant, pour chaque cas, les impacts économiques, sociaux et environnementaux les plus significatifs et les plus pertinents.

3.1.3.

Au fil des ans, le Conseil et, parfois, le Parlement européen ont ajouté des demandes de critères supplémentaires:

un test sur la dimension extérieure de la compétitivité («competitiveness proofing»),

un test sur le respect des droits fondamentaux,

un test sur la compatibilité des propositions avec l’économie numérique,

un test concernant le respect du principe d’innovation.

3.1.4.

Ces différents critères obligent parfois la Commission à devoir mettre en balance les différents objectifs ou préoccupations: hiérarchiser les critères entre eux; décider que tel ou tel critère doit prévaloir sur les autres comme le(s) critère(s) décisif(s); arbitrer les choix politiques au regard de critères concurrents:

subsidiarité versus harmonisation,

compétitivité versus protection sociale et qualité de l’emploi,

principe de précaution versus principe d’innovation, etc.

3.1.5.

L’étude sur le système d’AI de la Commission, réalisée en 2007 par The Evaluation Partnership (TEP) (6), un consultant privé britannique, avait signalé une série de défaillances, notamment en matière de protection sociale et environnementale. Selon TEP, la mauvaise qualité des AI était due à des erreurs dans le «timing», dans les mécanismes de contrôle de la qualité des évaluations, dans le manque de suivi et d’assistance des AI (formation, coordination, données incomplètes ou manquantes, etc.). En 2010, la Cour des comptes a estimé que «dans la pratique, les travaux d’analyse d’impact de la Commission présentaient une asymétrie entre les trois piliers, ainsi qu’entre les coûts et les avantages» (7).

3.1.6.

À cet égard, le Comité réitère sa demande que l’article 9 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (8) soit systématiquement utilisé comme base du travail d’évaluation (9).

3.2.   La boîte à outils sur le «Mieux légiférer»  (10) au regard de la protection sociale et de l’emploi

3.2.1.

Une «boîte à outils» («toolbox») a été mise au point par la Commission dans sa communication (11) du 19 mai 2015 sur le mieux légiférer. Elle offre un guide détaillé de l’AI au travers de 59 instruments (outils, critères, tests, etc.) censés aider la Commission mais également les autorités compétentes des États membres.

3.2.2.

Parmi les 59 outils proposés, deux d’entre eux intéressent plus particulièrement le CESE. Il s’agit des outils no 7 [«requirements for social partner initiatives» (exigences relatives aux initiatives des partenaires sociaux)] et no 25 [«employment, working conditions, income distribution and inequality» (emploi, conditions de travail, répartition des revenus et inégalités].

3.2.3.

En réalité, ces outils apparaissent plutôt comme une liste indicative de questions à se poser en cas d’initiative qui révélerait un impact social ou sur l’emploi. Les questions sont générales, neutres et peu mobilisatrices. Ainsi, l’outil no 25 pose, parmi d’autres, les questions suivantes:

l’option conduit-elle à la création directe d’emplois ou à des pertes d’emplois dans des secteurs spécifiques, des professions, des niveaux de compétences, des régions, des pays (ou une combinaison de ceux-ci) avec des conséquences pour des groupes sociaux et/ou spécifiques? Lesquels?

l’option affecte-t-elle directement ou indirectement la protection de l’emploi, en particulier la qualité des contrats de travail, le risque de travail non déclaré ou le faux travail indépendant?

l’option aura-t-elle un impact sur les inégalités et la répartition des revenus et des richesses dans l’Union ou dans l’une de ses parties?

3.2.4.

Ces questions se résument souvent à décrire une série de conséquences possibles, négatives et positives. Elles incitent peu à développer des analyses plus approfondies pour ce qui concerne la qualité ou le volume de l’emploi notamment.

3.2.5.

En outre, il semblerait que, dans certains cas, les critères sociaux et environnementaux ne soient pas repris de façon systématique et approfondie dans les AI de la Commission, et ce depuis plusieurs années (12), même si la Commission fait valoir, de son côté, qu’elle tient compte des impacts sociaux dans 70 % des AI et des impacts environnementaux dans 45 % des cas.

3.3.   Une méthodologie de la Commission à préciser

3.3.1.

Les directions générales (DG) sont responsables des méthodes analytiques et des modèles sur lesquels les services de la Commission se basent pour établir leurs propositions législatives. Le plus souvent, les directions générales effectuent les analyses d’impact en interne sur la base des lignes directrices concernant l’AI (13) et de la «boîte à outils». Dans certains cas, la DG concernée a recours à un consultant externe, choisi sur base d’une procédure ouverte et transparente, pour approfondir un point particulier de l’AI.

3.3.2.

Sur l’ensemble des 59 outils de la «boîte à outils», deux ou trois seulement apparaissent comme des outils qui peuvent guider la décision pour ce qui concerne la qualité de l’emploi, la protection sociale, le niveau de rémunération, etc. Il s’agit clairement d’un domaine où la «boîte à outils» doit être renforcée.

3.4.   Glissement progressif de l’AI vers la réduction des coûts?

3.4.1.   La quantification des charges règlementaires et administratives

3.4.1.1.

Le programme REFIT a pour objectif d’identifier les charges inutiles, les incohérences ou les mesures inefficaces et de prendre les mesures nécessaires pour y remédier. En 2013, dans le cadre de REFIT, une cartographie de l’ensemble du stock législatif de l’Union a été réalisée.

3.4.1.2.

Le Conseil «Compétitivité» de l’Union européenne a demandé à la Commission d’élaborer et de fixer des objectifs de réduction dans les domaines où la charge est particulièrement lourde, notamment pour les PME (14).

3.4.1.3.

Le Conseil «Compétitivité» du 26 mai 2016 a également «salué la volonté de la Commission, dans le cadre de l’AII, d’approfondir la quantification de ses efforts de simplification et de réduction des charges administratives, de présenter un examen annuel de la charge et, dans la mesure du possible, de quantifier le potentiel de réduction de la charge réglementaire ou le potentiel d’économies que recèle chacune de ses propositions ou chacun de ses actes législatifs» (15).

3.4.2.

Le Comité appelle la Commission à demeurer vigilante afin que les réductions de la charge réglementaire n’obèrent pas l’efficacité et la qualité globale des politiques de l’Union, surtout dans les domaines sociaux, environnementaux, de la protection des consommateurs et vis-à-vis des PME et des microentreprises.

4.   Propositions et recommandations

4.1.

Malgré les progrès déjà réalisés, l’écosystème européen en matière d’AI doit encore évoluer. Nous proposons sept pistes d’amélioration afin de renforcer la qualité de l’AI et de favoriser la prise en compte de la société civile organisée lors de la conception et de la mise en œuvre de la législation.

4.2.   Un cahier des charges pour des études en matière d‘AI qui soit transparent, accessible et pluraliste

4.2.1.

Le Comité demande que la Commission indique plus clairement la méthodologie utilisée pour calculer les incidences de son initiative, le champ d’application de l’étude et les limites éventuelles de l’étude (limites territoriales, groupes cibles, etc.).

4.2.2.

Si des parties ou sous-parties significatives de l’AI sont externalisées, le Comité demande que soit publié le nom du lauréat.

4.2.3.

Il est important que la spécification du cahier des charges décrive clairement des scénarios alternatifs faisant apparaître les conséquences de toutes les options possibles incluant:

la compétitivité de l’Union et de ses entreprises,

la protection sociale ou environnementale,

le développement des micro et petites entreprises,

l’égalité de genre,

la cohésion territoriale, etc.

4.2.4.

Il est important que soit finalement privilégiée une proposition qui combine au mieux les différentes dimensions au regard de l’article 3, paragraphe 3, du traité sur l’Union européenne (16) et de l’article 9 du TFUE (17).

4.2.5.

Pour aider les colégislateurs à rédiger leurs amendements, les AI doivent prévoir des pistes alternatives qui envisagent, par exemple, des scénarios plus favorables à l’emploi, à la protection sociale ou environnementale, à la cohésion territoriale ou à la politique des consommateurs.

4.3.   Élargissement du registre européen des AI

4.3.1.

La transparence est un prérequis indispensable pour la bonne gouvernance. Un registre (18) des documents de la Commission présente la liste des analyses d’impact et des avis correspondants du CER. Ce registre est toutefois peu connu du grand public et n’est accessible qu’en anglais.

4.3.2.

Le Comité demande dès lors que la Commission envisage de mieux faire connaitre ce site, en collaboration avec les organisations intermédiaires, y fasse figurer les avis des parties prenantes et les études pertinentes, notamment les résumés des AI, et en facilite la lecture dans les autres langues de l’Union européenne.

4.4.   Nécessité d’une approche qualitative

4.4.1.

Le CESE plaide pour que l’approche quantitative ou monétaire fonctionne à part égale avec une approche qualitative, qui privilégie une dimension humaine de proximité, d’égalité de genre et de contact avec le réel. Les raisons qui appellent à investir dans une approche qualitative sont notamment les suivantes:

la difficulté de saisir les effets à moyen et à long terme pour l’intérêt général de l’Union. Les approches par les coûts parviennent difficilement à capter les évolutions réelles en termes sociétaux ou de développement durable;

l’absence de données disponibles ou fiables. Les méthodes économétriques et quantitatives ne peuvent pas calculer l’ensemble des impacts. Le plus souvent, elles se contentent de généraliser et d’agréger des données, souvent partielles et incomplètes, faisant l’impasse sur des éléments d’information non mesurables: qualité du dialogue social, évolution de la protection sociale, degré d’inclusion régionale, niveau réel de précarité et d’exclusion, etc.;

l’incomparabilité des données. Les méthodes quantitatives diffèrent par nature. Les échantillons, années de référence, données scientifiques varient de méthode à méthode. Dès lors, il est souvent difficile d’établir des comparaisons entre les méthodes et d’en tirer des enseignements utiles;

la confidentialité. Les approches confidentielles sont basées sur des échantillons, des sondages, des enquêtes d’opinion partielles. Par nature, ces approches omettent certaines informations confidentielles sur le climat social d’une entreprise, sur une branche d’activité ou sur un secteur.

4.4.2.

Les AI doivent toujours privilégier une approche coûts-bénéfices. La réduction du nombre de maladies, de nuisances, d’émissions polluantes et d’accidents ne pourra jamais se décider sur la base de données exclusivement quantitatives. Une concurrence plus juste, un commerce équitable et de meilleures conditions de travail ne se décideront pas sur base d’analyses quantitatives. Il est crucial que la Commission accorde la primauté à une analyse qualitative, dans l’intérêt de l’ensemble des parties prenantes.

4.5.   Nécessité d’une approche méthodologique convergente au niveau de la matrice de recherche

4.5.1.

Bien que l’AII ait conclu que chaque institution pouvait développer sa propre méthodologie, le Comité propose qu’une réflexion de fond, ouverte également au Comité, soit menée à ce sujet entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission.

4.5.2.

Il s’agit moins de suggérer une méthodologie uniforme que de s’entendre au préalable sur une matrice méthodologique convergente, à savoir sur les éléments méthodologiques de base, tels que la définition du champ de l’étude, la stratégie de recherche, le choix des outils, les options privilégiées, etc.

4.5.3.

À terme, l’intention est de privilégier un dialogue s’agissant des choix méthodologiques privilégiés par la Commission afin de faciliter le travail d’amendement de chaque institution.

4.5.4.

De cette manière, les propositions du Comité formulées dans ce cadre pourraient trouver un écho plus favorable auprès des colégislateurs.

4.6.   Évaluation ciblée de la qualité des AI par le Comité

4.6.1.

Le CESE dispose d’une unité dédiée à l’évaluation qualitative ex post de certaines législations européennes ciblées. À l’avenir, cette unité pourrait faciliter l’action des membres du Comité et analyser aussi certaines AI, passer en revue les aspects méthodologiques et donner un avis sur la prise en compte éventuelle des dimensions économiques, sociales, environnementales ou territoriales. Ce travail permettrait également de faciliter l’élaboration des éventuels avis consultatifs du CESE liés aux projets législatifs préparés par ces mêmes analyses d’impact.

4.6.2.

Un dialogue régulier entre le CESE et la Commission européenne devrait être mis en place concernant les consultations et les analyses d’impact.

4.7.   Coopération du CESE avec le CER

4.7.1.

Il convient de réfléchir à des voies de collaboration informelle mais néanmoins régulière entre le CER et le Comité.

4.7.2.

Au-delà d’échanges de vues informels et de coopérations ponctuelles, il importe de favoriser une collaboration dynamique avec le Comité dans deux directions:

la tenue d’échanges de vues réguliers sur les approches méthodologiques en matière d’AI et de bonnes pratiques, sur la question des amendements substantiels des propositions de la Commission ainsi que sur l’exercice de simplification et de réduction de la charge règlementaire;

une information appropriée du Comité en amont de toute initiative de la Commission qui inclut une dimension substantielle en matière sociale, d’emploi, environnementale et de cohésion territoriale au niveau de l’AI. À cette fin, le Comité devrait figurer parmi les destinataires auxquels la Commission adresse ses évaluations préliminaires («inception evaluation») et ses analyses d’impact.

4.7.3.

De son côté, le Comité élaborera, le cas échéant, une fiche synthétique présentant ses principales recommandations sur le champ d’application de l’analyse d’impact proprement dite et fera part de toute autre donnée ou information qui pourrait être pertinente pour le travail d’AI de la Commission et l’examen y lié de la part du CER.

4.7.4.

Le Comité fera également part de son évaluation ex-post concernant la mise en œuvre et l’application de la législation.

Bruxelles, le 20 septembre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  L’abréviation désigne le programme pour une réglementation affûtée et performante.

(2)  JO C 303 du 19.8.2016, p. 45.

(3)  JO C 303 du 19.8.2016, p. 45.

(4)  Accord interinstitutionnel «Mieux légiférer» (JO L 123 du 12.5.2016, p. 1).

(5)  Dans son rapport annuel 2016 (https://ec.europa.eu/info/law/law-making-process/regulatory-scrutiny-board_en#annual-reports).

(6)  The Evaluation Partnership Limited (2007) (http://ec.europa.eu/smart-regulation/impact/key_docs_en.htm).

(7)  «L’analyse d’impact dans les institutions européennes soutient-elle la prise de décision?», rapport spécial de la Cour des comptes européenne no 3, 2010, paragraphe 64, p. 36.

(8)  L’article 9 du TFUE stipule: «Dans la définition et la mise en œuvre de ses politiques et actions, l’Union prend en compte les exigences liées à la promotion d’un niveau d’emploi élevé, à la garantie d’une protection sociale adéquate, à la lutte contre l’exclusion sociale ainsi qu’à un niveau élevé d’éducation, de formation et de protection de la santé humaine.»

(9)  JO C 24 du 28.1.2012, p. 29.

(10)  http://ec.europa.eu/smart-regulation/guidelines/toc_tool_en.htm

(11)  Better regulation Guidelines, SWD(2015) 111 du 19 mai 2015.

(12)  Renda, A., Schrefler, L., Luchetta, G., et Zavatta, R., «“Assessing the costs and benefits of regulation”, A CEPS — Economisti Associati Study for the European Commission», 2013

(http://ec.europa.eu/smart-regulation/impact/commission_guidelines/docs/131210_cba_study_sg_final.pdf), cité par Schömann, I., dans «EU Refit machinery “cutting red tape” at the cost of the acquis communautaire», Policy brief 5/2015, ETUI, 2015.

(13)  Les lignes directrices concernant l’analyse d’impact établies par la Commission et d’autres documents correspondants peuvent être consultés à l’adresse suivante: http://ec.europa.eu/smart-regulation/impact/index_fr.htm

(14)  Paragraphe 9 des conclusions du Conseil «Améliorer la règlementation pour renforcer la compétitivité», document no 8849/16 du 18 mai 2016.

(15)  Paragraphe 7 des conclusions du Conseil du 26 mai 2016«Améliorer la règlementation pour renforcer la compétitivité», document no 8849/16 du 18 mai 2016.

(16)  «L’Union établit un marché intérieur. Elle œuvre pour le développement durable de l’Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement. Elle promeut le progrès scientifique et technique.»

(17)  Voir note de bas de page no 6.

(18)  Ce registre est consultable sur le site de la Commission européenne à l’adresse suivante: http://ec.europa.eu/transparency/regdoc/?fuseaction=ia


15.12.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 434/18


Avis du Comité économique et social européen sur «Un système fiscal favorable à une concurrence équitable et à la croissance économique»

(avis d’initiative)

(2017/C 434/03)

Rapporteur:

Petru Sorin DANDEA

Décision de l’assemblée plénière

26 janvier 2017

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

 

 

Compétence

section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

7 septembre 2017

Adoption en session plénière

20 septembre 2017

Session plénière no

528

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

149/6/18

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Conjuguée à l’évasion fiscale, la planification agressive promue par certaines entreprises en matière de fiscalité entraîne des pertes de recettes considérables pour les budgets des États membres. Le CESE recommande aux États membres d’intensifier leurs efforts pour lutter contre ce phénomène extrêmement dommageable, en instaurant aussi rapidement que possible les réglementations fiscales requises.

1.2.

Ayant bien conscience que les initiatives de lutte contre la planification fiscale agressive ne peuvent produire de résultats que si elles sont déployées à l’échelle mondiale, le CESE conseille à la Commission et aux États membres de poursuivre et intensifier les actions de négociation au niveau des organisations internationales, comme l’OCDE et le G20, afin d’élaborer une réglementation efficace pour combattre l’évasion fiscale.

1.3.

Le CESE salue la décision du Conseil approuvant les critères proposés par la Commission pour déterminer les juridictions connues comme étant des paradis fiscaux. Il estime que la mesure ne représentera une étape importante dans la lutte contre la planification fiscale agressive que si ladite liste est complétée par des sanctions applicables à ces juridictions, ainsi qu’aux entreprises qui continueront de recourir à la planification fiscale agressive dans le cadre de leurs opérations de nature financière. Ces sanctions pourraient comprendre l’interdiction de l’accès aux fonds publics pour les entreprises concernées.

1.4.

Le Comité recommande aux États membres de s’abstenir de continuer à encourager la concurrence fiscale en recourant à de nombreuses décisions fiscales qui ne sont pas justifiées par la réalité économique des opérations mais avantagent certaines entreprises de manière injustifiée par rapport à leurs concurrentes.

1.5.

Le CESE estime que l’harmonisation et la simplification des réglementations fiscales doivent constituer une priorité pour les États membres. En outre, il conviendrait que la suppression complète des obstacles de nature fiscale vienne compléter les efforts d’harmonisation.

1.6.

La mondialisation a conduit à transférer la charge fiscale sur les capitaux dans le domaine du marché du travail, d’où un renchérissement des coûts de la main-d’œuvre et un approfondissement des inégalités. Le CESE préconise que dans le cadre des réformes menées en matière fiscale, les États membres envisagent de reporter la charge fiscale du domaine de l’emploi vers celui de la finance ou des pratiques néfastes à l’environnement.

1.7.

Le CESE propose que l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS) soit étendue au niveau du marché unique et même au-delà. Cette démarche créerait un système d’imposition plus prévisible et favorable pour le monde de l’entreprise, en réduisant les coûts de mise en conformité des investissements transfrontières.

1.8.

Le CESE prône que la formule de répartition des bénéfices imposables, dans le cadre de l’opération de consolidation qu’implique l’ACCIS, repose autant que possible sur le principe de la taxation des bénéfices à l’endroit où a eu lieu l’activité qui les a dégagés. De cette manière, il serait plus facile de parvenir au consensus nécessaire pour que le dispositif soit approuvé. Si les récentes mesures prises par l’UE pour lutter contre l’évasion fiscale ne sont pas suivies d’effets et si l’ACCIS n’atteint pas ses objectifs, il pourrait être envisagé d’adopter un taux d’imposition minimum afin d’éviter un nivellement par le bas.

1.9.

Pour ce qui concerne les ressources budgétaires propres de l’UE, le CESE conseille aux États membres de chercher des solutions pour mettre en œuvre les recommandations du groupe de haut niveau sur ces ressources. En les augmentant, il sera possible d’appuyer davantage les politiques de développement et de cohésion dans les États membres.

1.10.

La monnaie unique reste l’une des réalisations les plus remarquables de l’UE. Du fait du morcellement du système fiscal européen, elle n’a cependant pas développé tout son potentiel. Le CESE réitère sa proposition de créer un «serpent fiscal», sur le modèle du «serpent monétaire» (1) qui fonctionnait avant l’introduction de la monnaie unique. Il estime que dans un premier temps, le dispositif pourrait couvrir les trois types de recettes fiscales qui génèrent 90 % des rentrées budgétaires dans les États membres: la TVA, l’impôt sur le revenu et les cotisations au régime de sécurité sociale.

1.11.

Le CESE estime qu’introduire le système de la majorité qualifiée dans le domaine de la fiscalité directe permettrait de soutenir davantage les efforts déployés afin d’harmoniser les réglementations (2) en matière de fixation des bases d’imposition pour les taxes principales. Il serait possible de progresser plus rapidement dans la promotion des politiques fiscales, démarche qui s’avérerait bénéfique pour le marché intérieur et dégagerait un potentiel de croissance significatif, étant donné qu’un dispositif harmonisé permettrait de réduire considérablement les coûts de mise en conformité des entreprises et de créer un système fiscal plus prévisible dans l’UE.

2.   Contexte

2.1.

La fiscalité joue un rôle fondamental dans la lutte pour la justice sociale et une économie juste. Par conséquent, elle présente également des dimensions sociale, liée au genre et intergénérationnelle. Les gouvernements collectent des recettes destinées à financer de manière suffisante et pérenne les systèmes de protection et de sécurité sociale et les services publics, dont bénéficient les citoyens et les entreprises. D’autre part, la fiscalité constitue un outil fondamental pour redistribuer plus équitablement le revenu et la richesse dans la société et réduire ainsi les inégalités sociales.

2.2.

Combinées avec la planification fiscale agressive à laquelle certaines entreprises exerçant une activité transnationale recourent pour éluder le paiement de l’impôt, la fraude et l’évasion fiscales, ainsi que les activités de marché noir, alimentent les inégalités croissantes qui découlent de la crise économique et des programmes d’austérité et elles représentent ainsi un danger majeur. Les pertes subies par les États membres du seul fait de l’érosion de la base d’imposition et du transfert de bénéfices se comptent en centaines de milliards d’euros, même si l’on s’en tient aux estimations les plus prudentes.

2.3.

La mondialisation a accru la vitesse et le volume des mouvements de capitaux. La tendance à les déplacer vers des zones où ils peuvent avoir un taux de rendement accru, en raison de réglementations fiscales plus favorables, a causé des problèmes aux gouvernements, qui ont été obligés de prendre en compte ces mouvements internationaux de capitaux dans la conception de leurs politiques fiscales, davantage que leurs propres priorités de nature économique et sociale au niveau national.

2.4.

Ces dernières années, la concurrence fiscale promue par les États membres (3) s’est traduite par des pertes définitives de recettes de l’impôt, qui ont eu une incidence non seulement sur le financement de services publics essentiels mais aussi sur celui des investissements publics, qui constituent l’un des principaux moteurs de la croissance. Si, à court terme, la réduction du niveau de taxation peut apporter des avantages aux États qui favorisent ainsi la concurrence fiscale, sur le long terme, la réduction des recettes budgétaires s’est avérée préjudiciable pour la croissance économique en général (4). Les États membres encouragent la concurrence fiscale par les nombreuses exonérations qu’ils accordent dans le domaine des taxes à la consommation ou des impôts sur le revenu, mais aussi par leurs décisions fiscales en faveur de multinationales.

2.5.

Le morcellement des réglementations en matière fiscale qui prévaut actuellement au sein de l’Union européenne, où pratiquement chacun des États membres dispose de son propre système fiscal, fait qu’en règle générale, ils deviennent plus vulnérables au phénomène de planification fiscale agressive. Il s’ensuit que les pertes de recettes peuvent être importantes pour les budgets nationaux. De même, cette fragmentation fiscale excessive sape le marché unique et diminue la compétitivité de l’UE par rapport à ses principaux concurrents au niveau mondial. Une harmonisation des politiques fiscales au niveau de l’UE peut, d’une part, conduire à une augmentation des recettes budgétaires dans tous les États membres et, d’autre part, créer un environnement plus favorable aux entreprises en simplifiant les réglementations et en réduisant ainsi les coûts de mise en conformité. L’harmonisation devrait éliminer les lacunes et les disparités qui existent dans les différents régimes fiscaux des États membres et de l’un à l’autre.

2.6.

L’opinion publique s’est montrée particulièrement virulente lors de la mise au jour, ces dernières années, de scandales liés à des opérations d’évasion fiscale réalisées par des personnalités très riches ou des entreprises multinationales. Ces scandales, connus sous le nom de «Panama Papers», «LuxLeaks» ou «Apple», ont dévoilé des opérations financières s’élevant à des dizaines, voire des centaines de milliards d’euros, dont le but était d’éluder le paiement des taxes dans les États membres.

2.7.

Éliminer les exonérations en matière de taxes à la consommation et d’impôt sur le revenu mais aussi mieux harmoniser les bases imposables déboucherait sur une augmentation significative des rentrées budgétaires et stimulerait les investissements à l’échelle du marché intérieur. On sait qu’en raison des coûts élevés de mise en conformité, les petites et moyennes entreprises ne disposent que d’accès réduits et de faibles possibilités, s’agissant de développer des investissements hors frontière.

2.8.

Dans ce contexte, la Commission européenne, agissant à la demande du Conseil, avance une série de réglementations visant à réduire dans des proportions notables l’évasion fiscale et la planification fiscale agressive mais aussi à éviter une double imposition des entreprises dans l’UE. Toutefois, étant donné que le domaine de la fiscalité directe reste de la compétence exclusive des États membres, les progrès sont limités, certaines des dispositions proposées par la Commission n’ayant pas réussi à dégager un consensus au niveau du Conseil.

2.9.

Parmi les mesures les plus importantes avancées par la Commission européenne pour lutter contre l’évasion fiscale et la planification fiscale agressive figurent l’amélioration du mécanisme d’échange automatique de renseignements (EADR) entre les administrations fiscales nationales; l’introduction de la règle générale anti-abus dans la réglementation relative aux sociétés; l’instauration, pour les entreprises multinationales, d’une obligation de déclarer les bénéfices réalisés et les taxes correspondantes payées pays par pays (DPPP), ou encore la reprise du projet relatif à la détermination de l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS). De même, de nombreuses mesures ont été introduites pour réduire la fraude dans la zone d’application de la TVA et faire baisser de 15 % la perte de recettes («écart de TVA»).

2.10.

Par ailleurs, la Commission a participé activement au processus de négociation mené au niveau de l’OCDE qui a abouti, en 2015, à la signature d’un accord connu sous le nom de BEPS (érosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices). Il s’agit d’une norme qui a pour objet d’instaurer des règles fiscales plus strictes en matière d’échanges à l’échelle transnationale et vise, notamment, à lutter contre les opérations de planification fiscale agressive. Les États membres sont dans une phase de mise en œuvre des mesures proposées par cette norme et ont pris des dispositions supplémentaires dans ce domaine.

3.   Les propositions du Comité

3.1.   La lutte contre l’évasion fiscale et la planification fiscale agressive

3.1.1.

La planification fiscale agressive pratiquée par certaines entreprises inflige des pertes de recettes considérables aux budgets des États membres. Le CESE estime que dans la mesure où elle produit une érosion des assiettes fiscales, obligeant de ce fait les États membres à augmenter le niveau des taxes, la planification fiscale agressive constitue en soi une pratique immorale qui a une incidence grave sur le fonctionnement du marché intérieur et crée, sur le plan de l’équité, des distorsions des systèmes fiscaux au détriment des contribuables. En effet, dans de nombreux cas, les citoyens ou les petites entreprises paient dans l’absolu des taxes plus élevées que les grandes sociétés. Le Comité recommande aux États membres de redoubler d’efforts afin d’introduire au plus vite des réglementations visant à lutter contre ce phénomène extrêmement préjudiciable.

3.1.2.

Plus d’une centaine de pays ont participé aux négociations, tenues au niveau de l’OCDE, qui ont abouti à l’élaboration de la série de mesures contenues dans la norme BEPS. Les dispositions prises pour lutter contre l’évasion fiscale et la planification fiscale agressive ne peuvent être couronnées de succès que dans la mesure où elles deviennent des normes acceptées au niveau international. Le CESE recommande que la Commission et les États membres poursuivent et intensifient leurs efforts de négociation au niveau des organisations internationales en vue d’établir des réglementations efficaces et correctement mises en œuvre pour lutter contre l’évasion fiscale et la planification fiscale agressive.

3.1.3.

Le Conseil a approuvé les critères proposés par la Commission pour dresser la liste des juridictions connues comme étant des paradis fiscaux. Le CESE estime que cette mesure ne représentera une étape importante dans la lutte contre la planification fiscale agressive que si ladite liste est assortie de sanctions applicables à ces juridictions, ainsi qu’aux entreprises qui continueront de recourir à la planification fiscale agressive dans le cadre de leurs opérations de nature financière. Ces mesures pourraient comprendre l’interdiction de l’accès aux fonds publics pour les entreprises concernées.

3.1.4.

Le système relatif aux décisions fiscales a été introduit à l’initiative de la Commission, en 2015, dans le cadre de l’échange automatique et obligatoire d’informations. Il convient que les États membres utilisent ce dispositif afin de mettre en évidence les décisions fiscales qui créent une distorsion de concurrence sur le marché, en permettant à des entreprises de bénéficier d’exonérations ou d’exemptions de paiement des taxes qui sont susceptibles de constituer une aide d’État injustifiée. Le Comité recommande aux États membres de s’abstenir désormais d’encourager la concurrence fiscale en recourant à de nombreuses décisions fiscales qui ne sont pas justifiées par la réalité économique des opérations mais avantagent ces entreprises de manière injustifiée par rapport à leurs concurrentes.

3.2.   La réforme fiscale au niveau de l’Union européenne

3.2.1.

Le morcellement du système fiscal de l’UE est dommageable pour le marché unique, en ce qu’il réduit les possibilités d’investissements transfrontières, en particulier pour les PME. Le CESE estime que l’harmonisation et la simplification des réglementations fiscales doivent constituer une priorité pour les États membres. En outre, il conviendrait que la suppression complète des obstacles de nature fiscale vienne compléter les efforts d’harmonisation.

3.2.2.

La mondialisation a conduit à transférer la charge fiscale sur les capitaux dans le champ du marché du travail, entraînant un renchérissement des coûts de la main-d’œuvre et un approfondissement des inégalités. Le CESE recommande d’effectuer un transfert de la charge fiscale du domaine de l’emploi vers celui des pratiques financières ou environnementales néfastes.

3.2.3.

La Commission a relancé récemment sa proposition visant à mettre en place une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS) pour les entreprises de grande taille, dont le chiffre d’affaires dépasse 750 millions d’EUR. Cette initiative de la Commission pourrait conduire à une harmonisation du système d’imposition des revenus des entreprises dans l’Union européenne. Si le dispositif s’avère efficace, en créant des emplois et en suscitant des investissements grâce à une meilleure perception de recettes budgétaires, mais aussi en établissant un système d’imposition plus prévisible et plus favorable à l’environnement des entreprises, le CESE propose qu’il soit étendu à l’échelle de l’UE, voire au-delà.

3.2.4.

Le CESE prône que la formule de répartition des bénéfices imposables, dans le cadre de l’opération de consolidation qu’implique l’ACCIS, repose autant que possible sur le principe de la taxation des bénéfices à l’endroit où a eu lieu l’activité qui les a dégagés. De cette manière, il serait plus facile de parvenir au consensus nécessaire pour que le dispositif soit approuvé. Si les récentes mesures prises par l’UE pour lutter contre l’évasion fiscale ne sont pas suivies d’effets et si l’ACCIS n’atteint pas ses objectifs, il pourrait être envisagé d’adopter un taux d’imposition minimum afin d’éviter un nivellement par le bas.

3.2.5.

Le CESE estime qu’accroître les ressources propres de l’UE permettra d’appuyer davantage les politiques de développement et de cohésion dans les États membres. C’est pourquoi il conseille aux États membres de chercher des solutions pour mettre en œuvre les recommandations du groupe de haut niveau sur les ressources propres.

3.2.6.

Dans le cadre des efforts visant à harmoniser les systèmes fiscaux de l’UE, le CESE réitère sa proposition de créer un «serpent fiscal», sur le modèle du «serpent monétaire» qui fonctionnait avant l’introduction de la monnaie unique. S’il est possible que les décideurs politiques considèrent que ce dispositif est assez difficile à mettre en œuvre, en raison de la complexité des systèmes fiscaux en vigueur dans les États membres, le CESE estime toutefois qu’il pourrait dans un premier temps couvrir les trois types de recettes fiscales qui génèrent 90 % des rentrées budgétaires dans les États membres: la TVA, l’impôt sur le revenu et les cotisations au régime de sécurité sociale.

3.2.7.

En matière de fiscalité directe, ce sont les États membres qui gardent le contrôle, conformément aux dispositions du traité sur l’Union européenne. Le CESE estime qu’introduire le système de la majorité qualifiée dans le domaine de la fiscalité directe permettrait de soutenir davantage les efforts déployés afin d’harmoniser les réglementations en matière de fixation des bases d’imposition pour les taxes principales. Il serait possible de progresser plus rapidement dans la promotion des politiques fiscales, démarche qui s’avérerait bénéfique pour le marché intérieur et dégagerait un potentiel de croissance significatif, étant donné qu’un dispositif harmonisé permettrait de réduire considérablement les coûts de mise en conformité des entreprises et de créer un système fiscal plus prévisible dans l’UE.

3.2.8.

L’existence de la zone euro, en tant que région à monnaie unique qui, dans le futur, couvrira la majorité des États membres, exige une harmonisation des systèmes fiscaux et des régimes de protection sociale. Suivant les avis exprimés par des experts des politiques monétaires, le morcellement des systèmes fiscaux dans la zone euro a eu pour effet d’aggraver les effets de la récente crise économique et financière. Persister dans cette situation, qui implique qu’une monnaie unique existe dans une zone économique dotée de systèmes fiscaux différents, fragilisera encore le marché unique. Une harmonisation des assiettes fiscales pour les principaux types de taxes et d’impôts réduira le coût que supportent les entreprises pour se mettre en règle et devrait ainsi dégager des ressources supplémentaires qu’elles pourront affecter à des investissements, à la recherche et à l’innovation.

3.2.9.

En matière de profits, l’instauration d’un système différencié, favorisant les entreprises qui les réinvestissent stimulera la croissance et la création d’emplois supplémentaires dans l’UE. De même, une mesure susceptible d’encourager la croissance économique consisterait à supprimer toutes les exonérations fiscales octroyées aux sociétés qui redistribuent la majeure partie de leurs bénéfices sous forme de dividende.

3.2.10.

Dans la zone euro, une harmonisation fiscale fondée sur le principe de la convergence et d’une fiscalité adéquate dégagera les ressources nécessaires pour relancer les investissements publics et faciliter ainsi ceux du privé.

Bruxelles, le 20 septembre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO C 230 du 14.7.2015, p. 24, paragraphe 1.11.

(2)  JO C 198 du 10.7.2013, p. 34, paragraphes 3.4 et 3.6.

(3)  Business and Economics Research Journal, volume 6, no 2, 2015, pp. 52-53.

(4)  COM(2009) 201 final, pp. 5-6.


15.12.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 434/23


Avis du Comité économique et social européen sur «Le nouveau contexte des relations stratégiques UE-CELAC et le rôle de la société civile»

(avis d’initiative)

(2017/C 434/04)

Rapporteur:

Mário SOARES

Corapporteur:

Josep PUXEU ROCAMORA

Décision de l’assemblée plénière

30 mars 2017

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

 

 

Compétence:

Section REX

 

 

Adoption en session plénière

21 septembre 2017

Session plénière no

528

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

179/15/31

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

La région de l’Amérique latine et des Caraïbes (ALC), réunie aujourd’hui au sein de la Communauté des États latino-américains et des Caraïbes (CELAC), est une région qui, depuis des siècles, partage avec l’Europe les mêmes principes et valeurs, nourrissant ainsi une vision commune du monde. Ainsi, la constitution d’un bloc UE-CELAC renforcé et doté d’une stratégie commune face aux défis mondiaux, permettra à celui-ci de s’exprimer d’une voix plus puissante et efficace sur la scène internationale.

1.2.

L’Union européenne et ses États membres constituent le principal investisseur et la partie coopérante la plus importante de la région ALC. Des liens politiques, économiques, sociaux, culturels et historiques se sont tissés au fil des siècles, lesquels se reflètent aussi dans la tenue de sommets des chefs d’État et de gouvernement tous les deux ans, d’une assemblée parlementaire et dans la conclusion de différents types d’accord et surtout dans la constitution d’un vaste réseau social.

1.3.

Les nouveaux défis mondiaux rendent nécessaires le renforcement de ce bloc et, surtout, la définition d’une nouvelle stratégie qui aille au-delà du formalisme et des grandes déclarations et lui permette de s’exprimer d’une voix forte et résolue sur la scène internationale. Dans le nouveau paysage géopolitique, la région latino-américaine renforce son statut de priorité stratégique de la politique étrangère de l’UE.

1.4.

Le CESE souligne avec satisfaction que la commission des affaires étrangères du Parlement européen étudie une résolution sur le même sujet, dans laquelle elle part du principe que la CELAC est un partenaire clé pour l’Union européenne et que les priorités de l’action extérieure de l’UE en ce qui concerne la CELAC doivent être le renforcement du dialogue politique et de la coopération dans les domaines de la migration, du changement climatique, des énergies renouvelables, de la lutte contre le crime organisé et de l’approfondissement des relations politiques, culturelles et socio-économiques.

1.4.1.

Le CESE espère que le prochain sommet des chefs d’État UE-CELAC des 26 et 27 octobre se montrera à la hauteur des défis auxquels sont confrontés aujourd’hui le monde et la planète, et qu’il définira une stratégie pour renforcer les liens stratégiques, politiques, économiques, sociaux et culturels entre les deux régions.

1.4.2.

Le CESE encourage à progresser sur la voie d’un accord-cadre global entre l’Union européenne et la CELAC qui inclue les principes d’action en matière de dialogue politique, de coopération et de développement durable. Cette approche pourrait servir de base pour une intervention géopolitique à l’échelle mondiale et renforcerait la voix de nos deux régions sur la scène internationale.

1.4.3.

Le CESE invite tous les dirigeants politiques de l’UE, d’Amérique latine et des Caraïbes à reconnaître et à valoriser la participation de la société civile. À cet égard, il importe de:

formaliser dans toutes les négociations un dialogue structuré avec la société civile organisée, dont la participation devra se baser sur des critères de représentativité des organisations et d’équilibre entre les différents secteurs représentés. Dans le cas concret des accords de libre-échange, il convient de garantir la participation effective de la société civile à chaque étape des négociations ainsi que durant leur mise en œuvre et l’évaluation des résultats,

prévoir, dès le début, les ressources matérielles nécessaires et suffisantes pour tous les mécanismes de participation visés dans les accords, afin qu’ils puissent mener à bien les tâches qui leur incombent,

accepter que la transparence et le dialogue formel et régulier avec les autorités sont à la base de la confiance nécessaire à une action de qualité de la part des acteurs concernés,

se concentrer sur une seule structure, institutionnalisée, dotée des ressources financières adéquates, ainsi que sur le suivi et le contrôle des accords signés, selon le principe «un seul organe de la société civile pour un seul accord».

1.4.4.

Le CESE réaffirme que les objectifs prioritaires de la société civile sont, entre autres, le renforcement de la démocratie, le développement humain durable, la justice et la cohésion sociale, la protection des ressources naturelles et de l’environnement, l’application pleine et entière des droits de l’homme et des normes du travail, l’avenir du travail décent et la lutte contre les inégalités.

1.4.5.

Le CESE considère que participer activement au processus de construction d’un monde dans lequel il est possible de vivre en paix dans la différence et le dialogue, relève de sa mission, un monde dans lequel tous les pays et toutes les populations peuvent trouver les voies de leur développement et construire, en s’appuyant sur leur culture, une société démocratique, inclusive et de bien-être. Le CESE revendique sa place dans ce processus.

2.   Un contexte mondial complexe et en mutation

2.1.

Le monde est confronté aujourd’hui à des défis divers dont la résolution est très complexe: l’accélération du changement climatique, la multiplication des conflits armés avec pour conséquence l’exode de milliers de réfugiés, le retour du nationalisme et d’une vision unilatérale du règlement des conflits, y compris le retour de la menace nucléaire.

2.2.

Le commerce se développe dans l’ensemble d’une manière qui, d’un point de vue politique, pourrait déboucher sur un meilleur équilibre entre les différentes régions du monde, mais qui maintient toutefois, et parfois augmente, l’écart entre les riches et les pauvres, y compris au sein d’une même région ou d’un même pays.

2.3.

Le respect des droits de l’homme et des normes internationales des Nations unies ou de l’OIT est menacé dans de nombreuses régions du monde, tandis que les droits des femmes, des enfants et des minorités ethniques, religieuses ou culturelles continuent d’être violés et les libertés fondamentales d’être bafouées, ce qui met en péril la sécurité et la qualité de vie de la population.

2.4.

L’accord sur le changement climatique conclu à Paris a bénéficié d’un large soutien, y compris de pays tels que les États-Unis et la Chine, traditionnellement réticents à s’engager dans cette voie. Il est aujourd’hui menacé par la nouvelle administration américaine qui a annoncé son intention de s’en retirer, ce qui met en suspens le plan en matière d’énergies propres, une législation mise en place en 2015 afin de réduire les émissions du secteur de l’énergie et d’accroître la production d’énergie renouvelable.

2.5.

Après une période au cours de laquelle le monde semblait commencer à trouver des points d’équilibre, les incidences sociales de la dérive des marchés résultant de la crise financière qui a éclaté en 2007 se sont fait sentir. Loin de se réduire, les conflits se sont aggravés et la divergence entre les intérêts des différents pays et régions s’accentue.

2.6.

En Europe, la réapparition de différences marquées en ce qui concerne la coopération entre l’UE et la Russie ou entre l’UE et la Turquie (pays qui poursuit toujours les négociations en vue de son adhésion à l’Europe) montre clairement que cet équilibre précaire est rompu ou du moins gravement menacé.

2.7.

L’élection d’une nouvelle administration américaine, et en particulier son attitude peu claire et apparemment moins amicale vis-à-vis de l’UE, rendra le contexte international encore plus complexe. La suspension des négociations du PTCI, l’avertissement lancé aux Nations unies indiquant qu’à l’heure de prendre des décisions son action ne se conformera pas toujours aux critères en vigueur au sein de l’Organisation, la non ratification du PTP, les intentions de modifier les politiques migratoires et la remise en cause des pratiques habituelles entre pays alliés engendrent l’insécurité et contribuent à l’instabilité de la scène internationale.

2.8.

L’on ne pourra venir à bout de cette menace ainsi que d’autres dangers et défis que d’une manière globale au moyen d’engagements négociés et réalisables, mais, dans le même temps, contraignants afin de fournir de véritables solutions, plus complexes et nécessairement multilatérales.

3.   Europe: acteur mondial et partenariats stratégiques

3.1.

Le CESE estime que si l’Europe entend continuer à jouer un rôle de premier plan dans le contexte international actuel, qui est complexe, elle a besoin de partenaires et d’alliés avec lesquels elle peut partager non seulement le développement et le commerce, mais aussi les mêmes valeurs et principes fondamentaux. C’est cela qui peut et doit constituer la valeur ajoutée de l’Union européenne.

3.2.

Jusqu’à présent, l’Europe a défini une stratégie en relation avec l’Amérique latine et les Caraïbes qui se fonde, entre autres, sur les éléments suivants:

la promotion de la cohésion sociale,

le soutien à l’intégration régionale de l’Amérique latine,

la promotion de la coopération «Sud-Sud»,

la signature d’accords d’association, de dialogue politique et de coopération, commerciaux ou de partenariat stratégique (accords avec le Mexique et le Chili (2002), accord de coopération économique avec les quinze pays des Caraïbes (2008), accord d’association avec l’Amérique centrale (2012), accord commercial multipartite avec le Pérou et la Colombie (2010) et avec l’Équateur (2014), accord de dialogue politique et de coopération avec Cuba, partenariat stratégique avec le Brésil (2008)) (1).

3.3.

Le sommet des chefs d’État et de gouvernement d’Europe, d’Amérique latine et des Caraïbes, et plus tard, le sommet avec la CELAC et l’Assemblée parlementaire euro-latino-américaine (EurLat), institution parlementaire du partenariat stratégique birégional, sont les manifestations politiques de cette stratégie.

3.4.

Au niveau mondial, l’Europe s’est engagée fermement dans le cadre des objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies, des objectifs du programme à l’horizon 2030 et de ceux des accords de Paris. L’UE a fait siens les engagements suivants:

la défense des droits sociaux, du travail et culturels,

la promotion d’un développement économique durable et plus équitable,

la préservation de la planète et la lutte contre les effets négatifs du changement climatique,

le respect et la pleine application des droits de l’homme,

la contribution à la préservation de la paix, le soutien au multilatéralisme et l’élimination des conflits existants par la négociation.

3.5.

À cet égard, un bloc UE-CELAC solide aurait plus de poids sur la scène internationale et il serait essentiel pour la préservation des valeurs que l’UE et la CELAC, dans leur ensemble, partagent. Le temps semble donc venu de se demander si cette stratégie, qui a sans conteste donné lieu à des réalisations et des résultats précieux, suffit pour relever les défis mondiaux auxquels sont confrontées les deux régions.

3.6.

Le CESE estime qu’il est indispensable de lancer un débat interrégional sérieux, qui expose ouvertement non seulement les succès engrangés jusqu’à présent, mais aussi les lacunes ou les restrictions qui subsistent, qui tire des enseignements des actions accomplies, qui réponde aux défis du présent et respecte les valeurs et les principes communs et qui crée ainsi une relation fondée sur une coopération et une légitimité nouvelles et plus larges pour l’avenir.

4.   Un nouvel élan dans les relations UE-CELAC

4.1.

La situation mondiale offre une nouvelle occasion d’établir des liens plus solides et plus efficaces entre les pays ALC et l’Europe, qu’il serait intéressant de concrétiser dans le futur accord UE-Mercosur (2). Cet accord constitue un enjeu majeur pour l’UE. S’il est adopté, l’ensemble de la région latino-américaine, à l’exception de la Bolivie et du Venezuela, entretiendra sur le plan politique et économique des liens étroits avec l’Union. De même, la renégociation de l’accord avec le Mexique est de la plus haute importance pour ce pays, tandis que pour l’Europe il représente la possibilité de renforcer sa présence dans le cadre du recul prévisible des échanges entre le Mexique et les États-Unis.

4.2.

Les relations de l’UE avec l’Amérique latine et les Caraïbes doivent apporter la démonstration qu’elles sont utiles pour tous, c’est-à-dire aussi bien pour les États européens que les États latino-américains et des Caraïbes et, surtout, pour leurs populations.

4.3.

Un élément clé de l’interaction entre les dimensions politique, sociale, environnementale et économique du développement est l’investissement productif dans les deux régions. L’UE et ses États membres restent le principal investisseur dans la région. Les pays d’Amérique latine et des Caraïbes sont le deuxième partenaire commercial de l’UE et, ensemble, l’Union européenne et la CELAC représentent un tiers des membres des Nations unies et près de 25 % du PIB mondial.

4.4.

Un partenariat plus approfondi entre l’Amérique latine et l’Union européenne permettrait d’accélérer la croissance économique, de faire des progrès en termes de changements structurels en faveur de secteurs qui se fondent sur une utilisation intensive de la connaissance, de réduire la pauvreté, de renforcer l’inclusion sociale et de protéger l’environnement.

Tout cela sera possible:

en approfondissant les accords de partenariat afin de ménager des espaces pour les investissements, en particulier dans de nouvelles activités qui se fondent sur une utilisation intensive de la connaissance et dans l’emploi de qualité,

en encourageant la création de petites et moyennes entreprises, grâce à de nouveaux emplois dans les réseaux,

en investissant dans des domaines qui favorisent une croissance durable, le travail décent, l’inclusion sociale et la durabilité environnementale,

en stimulant l’innovation et la démocratisation des nouvelles technologies et en contribuant à leur généralisation, en particulier de celles de l’information et de la communication (TIC),

en construisant des infrastructures inclusives et respectueuses de l’environnement, qui facilitent l’accès aux services de base dans un nouveau cadre de développement urbain et qui favorisent la cohésion territoriale,

en promouvant des investissements dans les technologies permettant d’atténuer le réchauffement climatique,

en accroissant l’utilisation des énergies respectueuses de l’environnement grâce à une diversification en faveur des énergies provenant des sources renouvelables non conventionnelles, et en tirant parti de l’expérience des entreprises européennes dans ce domaine afin de progresser vers une économie verte,

en promouvant et en renforçant les organisations patronales et syndicales en tant qu’acteurs clés du dialogue social, afin de favoriser le développement du tissu productif local de la manière la plus harmonieuse possible, y compris le recul de l’économie informelle.

4.5.

Cette approche favoriserait le bien-être économique et social des deux régions, ce qui contribuerait sans aucun doute à créer des emplois, notamment grâce à:

de nouveaux débouchés commerciaux pour les entreprises dans des secteurs non traditionnels, comme les nouvelles technologies, l’économie verte et les réseaux sociaux,

l’expansion des marchés traditionnels notamment dans les secteurs des télécommunications, de l’automobile, de l’industrie pharmaceutique, de l’électricité et des banques,

l’ouverture de nouveaux marchés pour les PME,

l’approvisionnement en ressources naturelles et denrées alimentaires, tout en soutenant la préservation de la biodiversité et la viabilité environnementale,

la promotion de l’économie sociale et solidaire en tant que mécanisme d’amélioration du tissu socioéconomique, la légalisation de l’économie souterraine ou la réduction de la migration.

4.6.

L’UE et la CELAC ont devant elles des défis, mais aussi des occasions de développement positif dans des domaines essentiels pour les deux régions qui seraient fortement favorisées par une action conjointe, cela concerne notamment:

une éducation et une formation de qualité pour tous,

des emplois décents pour les jeunes et les femmes,

la mobilité et la reconnaissance des droits, notamment en faisant bon usage des vertus éprouvées du programme Erasmus d’échange d’étudiants.

4.7.

Le CESE estime que la relation entre l’action publique et le secteur privé doit avoir pour objectif la promotion du développement économique, une meilleure collaboration entre entreprises et des investissements financiers favorisant la croissance. Il souligne la nécessité de lutter contre l’économie informelle, le sous-développement et la faible compétitivité des PME et invite à faciliter et à renforcer la mobilité birégionale en veillant à la cohérence réciproque des droits de travailleurs et en promouvant la coordination des régimes de sécurité sociale.

4.8.

Le CESE considère qu’il est capital d’aller au-delà d’une vision fragmentaire des relations entre les deux régions et de considérer l’économie, les droits de l’homme et le développement durable comme un tout indissociable. La coopération et le soutien mutuel sont essentiels si nous voulons mener à bien un plan d’action et un programme commun permettant de relever les défis les plus importants de notre monde, tels que la pauvreté, le changement climatique et les conflits armés.

5.   Participation de la société civile: limitations et perspectives

5.1.

La valeur, la présence et la participation active des sociétés civiles organisées des deux régions et le fait qu’elles échangent des expériences, partagent des projets et participent activement aux actions décidées doivent être respectés, reconnus et assumés comme des éléments essentiels d’un nouveau modèle de relations stratégiques.

5.2.

Le CESE estime quant à lui que la société civile des deux régions se trouve devant une occasion à saisir et un grand défi à relever, car la relation birégionale a besoin d’une dimension renouvelée, qui ne sape ni ne néglige ce qui a déjà été accompli, mais qui va de l’avant dans un sens plus politique et plus stratégique.

5.3.   Limitations

5.3.1.

Bien que ces dernières années la présence de la société civile a de plus en plus été reconnue comme essentielle pour le renforcement d’une stratégie birégionale, dans la réalité elle continue à se heurter à des limites qui nuisent à une participation plus effective et efficace, notamment parce que:

la participation de la société civile organisée n’est pas suffisamment institutionnalisée,

les ressources financières permettant sa participation régulière aux activités et actions font défaut,

un dialogue formel et ouvert avec les autorités s’avère difficile,

l’absence de transparence dans la négociation d’accords, principalement de nature commerciale, entrave fortement la possibilité d’analyser ces accords et de transmettre aux autorités respectives les propositions et les revendications de la société,

la multiplication des structures de suivi dans les accords signés rend leur suivi complexe et difficile.

5.4.   Perspectives

5.4.1.

Dépasser ces obstacles suppose un plan d’action et un programme qui:

renforcent de manière réaliste, équilibrée et ambitieuse le partenariat birégional, en rendant ses acteurs plus confiants et le processus plus transparent,

confèrent une légitimité sociale aux participants, en incluant et en développant des thèmes vraiment importants pour les citoyens des deux régions,

comprennent des mesures permettant au bloc UE-CELAC de se projeter sur la scène internationale, tout en garantissant le respect des valeurs et des principes qu’elles partagent et qui les caractérisent,

reconnaissent les asymétries comme un défi qui doit être relevé et proposent des mécanismes transitoires permettant de les dépasser ou de les réduire.

5.5.

Le CESE souligne que, pour que tout type de négociations de l’UE avec l’Amérique latine et les Caraïbes soit couronné de succès, il est essentiel de formaliser un dialogue structuré avec la société civile organisée, qui garantisse sa participation effective à tous les stades des négociations et lors de la mise en œuvre et l’évaluation des résultats. À cet égard, le CESE accueille très positivement la mise en place du comité consultatif mixte UE-Chili, à la constitution duquel il a contribué aux côtés des organisations de la société civile chilienne.

5.6.

Le CESE soutient que les relations entre les sociétés civiles de l’UE et d’Amérique latine ont pour objectifs prioritaires le renforcement de la démocratie, le développement humain durable, la justice et la cohésion sociale, la protection des ressources naturelles et de l’environnement, l’application pleine et entière des droits de l’homme et le respect du travail décent.

5.7.

Le fait que les sociétés civiles organisées européennes, latino-américaines et caribéennes ne disposent pas d’un accès structuré et large aux informations a été signalé à de nombreuses reprises comme étant un problème essentiel dans le suivi des relations de l’UE avec l’Amérique latine et les Caraïbes et l’un des principaux obstacles à l’élaboration, en temps opportun, de propositions émanant de la société civile. Le CESE réaffirme que l’accès aux informations doit être l’un des axes prioritaires dans les relations entre les deux régions et, à cette fin, il est indispensable d’établir des règles et des procédures claires pour l’accès aux informations et leur diffusion.

5.8.

Si les parties signataires des accords accordent réellement de l’importance à la participation de la société civile, il convient alors de prévoir d’emblée les ressources matérielles nécessaires et suffisantes pour que tous les mécanismes de participation visés dans les accords puissent mener à bien les missions qui leur incombent.

5.9.

Le CESE se félicite de la transformation de la Fondation UE-ALC en organisation internationale susceptible de contribuer significativement à renforcer le partenariat birégional en lui donnant un nouvel élan, et réitère sa proposition aux chefs d’État de l’UE et de la CELAC, présentée dans sa déclaration de Santiago du Chili de 2012, qui plaide pour que la coopération effective et réelle avec les institutions représentatives des organisations de la société civile organisée des deux continents constitue un volet important du programme de travail de la Fondation.

5.10.

Le CESE demande instamment que les politiques et actions adoptées visent à renforcer la cohérence et les effets positifs de la relation entre les deux régions, afin de garantir leur qualité et leur pertinence et de s’assurer que les sociétés civiles concernées se les approprient.

6.   Propositions de la société civile

6.1.

Le sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne et de la Communauté des États latino-américains et des Caraïbes (UE-CELAC) se tiendra les 26 et 27 octobre 2017 au Salvador. Dans un contexte de refroidissement des relations entre les États-Unis et l’Amérique latine, le CESE estime que ce sommet devrait œuvrer à renforcer les liens stratégiques, politiques, économiques, sociaux et culturels entre l’UE et l’Amérique latine et les Caraïbes.

6.2.

Le CESE encourage les responsables politiques des deux régions à exercer une action et une présence de plus en plus efficaces, qui contribuent à la protection de la planète, luttent contre le changement climatique, préservent la biodiversité et le développement durable, promeuvent le bien-être des personnes, participent à l’éradication de la pauvreté, garantissent la cohésion sociale et territoriale, encouragent les services d’éducation et de santé de qualité pour tous, l’égalité des sexes et la culture des populations, défendent la paix, valorisent le rôle des institutions internationales et soutiennent le multilatéralisme.

6.3.

Le CESE considère que participer activement au processus de construction d’un monde dans lequel il est possible de vivre en paix dans la différence et le dialogue, relève de sa mission, un monde dans lequel tous les pays et toutes les populations peuvent trouver les voies de leur développement et construire, en s’appuyant sur leur culture, une société démocratique, inclusive et de bien-être. Le CESE revendique sa place dans ce processus.

6.4.

Le CESE invite tous les dirigeants politiques de l’UE, d’Amérique latine et des Caraïbes à reconnaître et à valoriser la participation de la société civile afin d’associer le plus grand nombre possible de leurs citoyens au processus décisionnel. Sans vouloir exclure personne, le CESE estime que la participation institutionnelle et institutionnalisée est celle qui permet une participation structurée et plus efficace.

6.5.

La promotion du travail décent doit devenir une priorité de la politique de coopération de l’Union européenne avec l’Amérique latine et les Caraïbes; dans cette perspective, il convient de concrétiser les engagements à respecter et d’appliquer les conventions fondamentales de l’OIT et de prévoir des mécanismes de vérification de leur mise en œuvre avec la participation de la société et des syndicats dans toutes les politiques et négociations UE-ALC.

6.6.

Dans le contexte géopolitique du moment, le Comité considère que les accords d’association, les accords commerciaux, les accords de dialogue politique et les partenariats stratégiques restent des instruments importants, mais qu’aujourd’hui, ils ne sont plus les seuls instruments possibles. Il est essentiel aujourd’hui que ceux qui partagent des valeurs et des conceptions culturelles, historiques et politiques prennent conscience de la nécessité de former un bloc stratégique, capable d’exercer une influence sur la scène internationale. Les accords doivent être l’aboutissement de cette prise de conscience et non son instrument.

6.7.

Le CESE encourage à progresser sur la voie d’un accord-cadre global entre l’Union européenne et la CELAC qui intègre les principes d’action en matière de dialogue politique, de coopération et de développement durable et économique. Cette approche pourrait servir de base à une intervention géopolitique de portée mondiale qui définit la méthode à employer chaque fois que les principes et les valeurs que nous partageons sont en péril.

6.8.

Le CESE estime qu’il est extrêmement important de reconnaître la participation de la société civile organisée, en tant qu’acteur qui contribue à sensibiliser l’ensemble de la population afin de faciliter, encourager et favoriser l’adoption de solutions globales en faveur de la paix, du développement durable, du commerce équitable et du bien-être de tous les peuples et régions.

Bruxelles, le 21 septembre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  En 2016, les négociations avec le Mercosur ont repris dans la perspective de conclure un accord d’association.

(2)  Le Mercosur représente, en termes de population, 250 millions d’habitants, ce qui en fait la cinquième économie mondiale, avec un PIB qui atteint 2 000 milliards de dollars. Plus de 5 % des investissements étrangers directs de l’UE se retrouvent dans le Mercosur. L’Union est le principal investisseur dans la région. Les exportations de l’UE à destination du Mercosur ont atteint 41,633 milliards d’EUR en 2016 et les importations de l’UE en provenance du Mercosur, 40,330 milliards d’EUR pour cette même année. Il s’agit du dixième marché d’exportation de l’UE.


15.12.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 434/30


Avis du Comité économique et social européen sur les «Rôle et perspectives des partenaires sociaux et autres organisations de la société civile dans le contexte des nouvelles formes de travail»

(avis exploratoire à la demande de la présidence estonienne)

(2017/C 434/05)

Rapporteure:

Franca SALIS-MADINIER

Corapporteure:

Jukka AHTELA

Consultation

Présidence estonienne du Conseil, 17 mars 2017

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section spécialisée

19 juillet 2017

Adoption en session plénière

20 septembre 2017

Session plénière no

528

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

185/2/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) estime plus nécessaire que jamais de reconnaître le rôle du dialogue social et de la négociation collective à tous les niveaux et de le renforcer en cette période de grandes mutations numériques, écologiques et démographiques, qui engendrent de profonds changements pour les travailleurs, les employeurs et leurs relations en tant que partenaires sociaux.

1.2.

Le CESE considère que les transformations en cours sont d’une telle ampleur qu’elles appellent une réflexion collective, large et inclusive. La méthode repose sur un dialogue social à tous les niveaux et sur la participation de toutes les parties prenantes pour chercher continuellement de nouvelles réponses pertinentes, faire des propositions et inventer le monde de demain.

1.3.

Les acteurs que sont les partenaires sociaux doivent être lucides concernant l’accélération et l’ampleur des bouleversements, déterminés à en limiter les effets néfastes, et persuadés que l’économie du partage peut engendrer des évolutions positives et des opportunités à saisir.

1.4.

Le CESE est convaincu que les objectifs et les principes fondamentaux du dialogue social demeurent valables dans le nouveau monde du travail. Le dialogue social, qui inclut entre autres l’information, la consultation et la participation des travailleurs, doit se fonder sur la confiance réciproque et le respect des pratiques nationales.

1.5.

Le Comité a réaffirmé, dans nombre de ses avis, le rôle central du dialogue social dans les nouvelles formes du travail (1). Le dialogue social doit jouer un rôle de premier plan à tous les niveaux pertinents, et ce en respectant pleinement l’autonomie des partenaires sociaux.

1.6.

Le CESE considère que l’on ne saurait prévoir à ce jour l’ensemble des opportunités et des défis qu’engendrera l’économie numérique. Le rôle du dialogue social et sociétal n’est pas de s’opposer à ces transitions, mais de les orienter au mieux pour profiter de tous les bénéfices qu’elles peuvent représenter pour la croissance, pour la promotion des innovations et des compétences, pour des emplois de qualité, et pour le financement durable et solidaire des protections sociales.

1.7.

Comme l’a déjà affirmé le CESE, la représentation syndicale et la négociation collective pour les travailleurs des plateformes sont remises en question (2). Il convient dès lors de lever les obstacles à l’exercice des droits fondamentaux garantis par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et par les conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT) (3).

1.8.

Le numérique défie les méthodes traditionnelles de gestion et de direction, il appelle à une gestion participative et à l’établissement de règles du jeu collectives. Ce nouveau mode de gestion doit prévoir des lieux d’expression et une participation des salariés à la résolution des problèmes et au partage des pratiques pour renforcer les repères communs, les savoir-faire professionnels et optimiser les ressources humaines dans le processus d’innovation et de développement de l’entreprise.

1.9.

Dans le même temps, le CESE reconnaît que les nouvelles formes de travail, accompagnées d’une désintermédiation et de mutations rapides et incessantes, requièrent une adaptation des structures et des modalités du dialogue social.

1.10.

Le CESE recommande de respecter l’autonomie des partenaires sociaux qui, par le biais de la négociation collective, sont engagés à trouver des formes innovantes de dialogue social et des réponses adaptées aux besoins des employeurs ainsi que des travailleurs, tant dans les entreprises traditionnelles que dans l’économie numérique.

1.11.

Le CESE relate dans le présent avis quelques premières expériences, des réponses et des solutions innovantes, des pratiques syndicales et des résultats de négociations collectives qui répondent aux défis posés par ces mutations.

1.12.

Le CESE constate que la numérisation et ses effets sur le travail doivent être une priorité au niveau européen ainsi que pour tous les États membres et devenir un enjeu central du dialogue social. Le CESE recommande de:

suivre le développement, les tendances, les menaces et les opportunités de la numérisation et leur impact sur les relations industrielles, les conditions de travail et le dialogue social;

renforcer l’efficacité et la pertinence du dialogue social dans les évolutions du monde du travail, par des moyens appropriés tels que le partage d’informations, la réalisation d’études prospectives, la mutualisation des bonnes pratiques et un cadre juridique et non juridique approprié.

1.13.

Ces profondes transformations que connaît le monde du travail soulèvent également la question d’une coopération accrue entre les partenaires sociaux et les autres organisations de la société civile. Le CESE a déjà déclaré qu’il fallait faire une distinction claire entre dialogue social et dialogue civil, mais bien qu’ils ne puissent pas être fusionnés, ils ne devraient pas non plus être complètement séparés l’un de l’autre (4). D’ailleurs, parmi les initiatives citées par le présent avis figurent des concertations larges au niveau des gouvernements associant, aux débats plus généraux sur l’impact global du numérique, d’autres parties prenantes de la société civile.

2.   Introduction

2.1.

Comme en 1985, lorsque les partenaires sociaux et le dialogue social se sont vu conférer une légitimité et un rôle majeur dans la construction européenne, le CESE recommande, en cette période de grandes transformations, de renforcer le rôle des partenaires sociaux à tous les niveaux, tout en reconnaissant le rôle des représentants de la société civile.

2.2.

Les nouvelles formes de travail fragmenté et l’augmentation du nombre de travailleurs atypiques nécessitent l’implication de ces travailleurs par une information et une consultation accrues, ainsi que par une adaptation des droits collectifs et des dispositions en matière de temps de travail et des droits sociaux (5).

3.   La réalité du travail sur les plateformes

3.1.

Selon l’Eurobaromètre (6), 17 % des citoyens européens utilisent des plateformes numériques en tant que clients et travailleurs. Ils sont en majorité hautement qualifiés et urbains. Parmi ces citoyens, seulement 5 % de travailleurs offrent d’une manière régulière des services et du travail sur les plateformes et 18 % le font sporadiquement. Le travail sur les plateformes en tant qu’activité principale est donc encore marginal, mais il augmente. En revanche, les impacts du numérique et de l’intelligence artificielle sur le travail dans les entreprises traditionnelles sont bien plus importants et sans vouloir négliger le travail sur les plateformes, le dialogue social doit se concentrer sur ces évolutions qui modifient profondément la nature et l’organisation du travail.

3.2.

Le CESE demande qu’une enquête soit menée sur le statut contractuel des microtravailleurs et sur les autres nouvelles formes de relations d’emploi, ainsi que sur les obligations des intermédiaires, en vue des négociations sur les conditions de travail. Des clarifications sont nécessaires vis-à-vis de ces formes de travail et du régime fiscal et de sécurité sociale applicables.

3.3.

Le CESE recommande que la Commission européenne, l’Organisation de cooépration et de développement économiques (OCDE) et l’OIT collaborent avec les partenaires sociaux en vue de développer des dispositions appropriées en matière de conditions de travail décentes et de protection des travailleurs en ligne ainsi que des travailleurs soumis à d’autres nouvelles formes de relations du travail. Le CESE est d’avis qu’il serait bénéfique d’élaborer une approche au niveau de l’Union, tout en relevant que la plupart des actions devront être menées à l’échelon national sectoriel, ou sur le lieu de travail (7).

3.4.

Le CESE est particulièrement concerné par la remise en question de la représentation syndicale et du droit à la négociation collective des travailleurs du numérique. On pourrait ainsi appliquer des règles de concurrence aux travailleurs indépendants, qui sont en réalité dans une situation similaire à celle d’un salarié dépendant. Il convient dès lors d’examiner au cas par cas le statut des travailleurs concernés et, s’ils exercent une activité salariée, de lever les obstacles qui tendraient à exclure ces travailleurs de la négociation collective et de la représentation syndicale (8).

4.   Numérique et thèmes prioritaires pour les partenaires sociaux dans le dialogue social

4.1.

Le CESE estime que les questions relatives à l’emploi, aux transitions professionnelles, à la formation tout au long de la vie (9), notamment à la formation, aux protections sociales et à la pérennité de leur financement (10), aux conditions de travail et de rémunération, ainsi qu’à la sécurité du revenu figurent parmi les thèmes majeurs du dialogue social à l’ère de la numérisation.

5.   L’emploi et la formation professionnelle

5.1.

L’évolution qualitative et quantitative que connaîtra l’emploi suite à la transition numérique est difficile à appréhender, d’autant plus que les effets peuvent varier selon les secteurs et les métiers.

5.2.

Néanmoins, il incombe aux partenaires sociaux d’anticiper ces évolutions pour adapter les compétences des travailleurs aux nouvelles professions (11). La formation tout au long de la vie et l’adaptation de son contenu aux compétences numériques sont prioritaires. Dans certains États membres, il existe des droits minimaux à un congé de formation professionnelle rémunéré. Il y a lieu d’examiner si ces droits constituent, pour les travailleurs comme pour les employeurs, un instrument adéquat pour s’adapter aux besoins en matière de qualifications, et s’il est nécessaire d’envisager des mesures au niveau européen afin de généraliser ces expériences dans l’Union (12).

6.   La protection sociale

6.1.

Le fonctionnement des systèmes de sécurité sociale doit être réexaminé et adapté le cas échéant, car il a été élaboré pour des carrières salariales continues, qui sont de moins en moins la norme. En dix ans, le nombre d’européens qui travaillent à temps partiel a augmenté de 11 millions (ils sont aujourd’hui 44 millions) et le nombre de travailleurs ayant un contrat temporaire a augmenté de plus de 3 millions (22 millions au total) (13).

6.2.

Au niveau européen et national, des choix politiques en matière financière et fiscale doivent être faits pour assurer la pérennité de nos systèmes de protection sociale et ces sujets constituent une thématique pour le dialogue social.

7.   L’évolution juridique du lien de subordination

7.1.

Le CESE a estimé dans un avis (14) que la définition même du travail et la distinction structurante entre salariat et travail indépendant doivent évoluer juridiquement afin de ne pas laisser sans protection les travailleurs du numérique. Le CESE appelle à une clarification des statuts et des relations dans l’économie numérique afin d’assurer que tout travailleur bénéficie de droits et d’une protection sociale adéquats. Les partenaires sociaux ont un rôle essentiel à jouer pour veiller à ce que ce processus aboutisse à un résultat favorable, équitable et durable, et que toutes les zones d’ombre en matière de droits et de protection soient levées.

8.   Les impacts sur le travail

La numérisation a un impact profond tant sur les organisations existantes que sur les nouvelles entités. L’impact de la numérisation sur les méthodes de travail, comme l’augmentation rapide du travail à distance dans de nombreux secteurs, est un phénomène en forte croissance. D’après une étude récente d’Eurofound, dans l’ensemble de l’EU-28, environ 17 % des salariés en moyenne sont des télétravailleurs ou des travailleurs mobiles en technologies de l’information et de la communication (TIC) (15).

8.1.

L’augmentation du nombre de télétravailleurs et de travailleurs mobiles oblige les partenaires sociaux à trouver de nouvelles voies et des méthodes innovantes pour atteindre ces travailleurs qui ne sont plus physiquement présents dans les locaux des entreprises.

9.   Surveillance et contrôle du travail

9.1.

Si les TIC et la numérisation offrent des opportunités d’autonomie dans la gestion du temps et des lieux de travail pour certains travailleurs (car leur évaluation se base davantage sur le résultat que sur les heures de présence), pour d’autres, les technologies de l’information et de la communication imposent une surveillance et un contrôle accrus de leur travail.

9.2.

Les partenaires sociaux, par l’intermédiaire du dialogue social, doivent relever ces défis pour protéger les intérêts collectifs de tous ces travailleurs et garantir un travail de qualité.

10.   Les travailleurs hyperconnectés et les risques pour la santé

10.1.

Si l’utilisation de plus en plus intensive des TIC peut représenter, pour certains travailleurs, une opportunité d’autonomie et une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie privée, lorsqu’elle est mal maîtrisée, elle constitue également un risque pour la santé. L’augmentation du nombre de travailleurs souffrant de stress et de burn-out est une réalité préoccupante et coûteuse, à laquelle le dialogue social doit trouver des solutions. La Commission a avancé une proposition de directive sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et aidants dans le cadre du paquet de mesures accompagnant le socle européen des droits sociaux (16).

10.2.

Les TIC (17) peuvent aussi brouiller les frontières entre vie professionnelle et vie privée. Un dialogue large pour limiter la disponibilité permanente des travailleurs ainsi que leur formation à l’utilisation efficace des TIC sont des réponses nécessaires, tout comme de nouveaux droits, tel que celui à la déconnexion récemment reconnu en France.

11.   Participation des travailleurs aux instances de décision

11.1.

La tendance à une autonomie accrue qu’offre la numérisation à certains travailleurs représente un défi pour les entreprises, leurs instances, leur gouvernance, ainsi que pour les méthodes de gestion et les structures hiérarchiques traditionnelles des entreprises. Ces évolutions nécessitent davantage de formes de dialogue social, des informations, des consultations et une participation forte des travailleurs. Ceux-ci peuvent contribuer eux-mêmes à des pratiques innovantes et à des processus de développement bénéfiques à l’entreprise et à ses parties prenantes.

11.2.

Au vu de ce contexte, le CESE estime qu’une influence et une participation accrues des travailleurs dans les instances de décision sont nécessaires. La confiance des travailleurs et de leurs organisations syndicales et leur contribution, à tous les niveaux et instances pertinents, que ce soit au niveau local et/ou à celui des conseils de surveillance et d’administration, est capitale. Leur participation à l’anticipation des évolutions, à la gestion et aux décisions portant sur ces changements est essentielle pour aborder les effets des transformations numériques et créer un esprit et une culture tournés vers l’innovation. Selon un rapport d’Eurofound, la majorité des dirigeants d’entreprise est convaincue que la participation des salariés aux choix des entreprises constitue un avantage concurrentiel (18).

11.3.

Pour le CESE, il est nécessaire de prendre en compte des formes appropriées de consultation et d’information des travailleurs dans les nouvelles organisations de travail. Au niveau national comme dans les entreprises, les partenaires sociaux devraient trouver les solutions les plus adaptées pour garantir la participation de ces acteurs.

12.   Les premiers résultats du dialogue social portant sur le numérique dans les États membres: principes et bonnes pratiques

12.1.

Dans un certain nombre d’États membres, les gouvernements ont amorcé un dialogue sur les enjeux et les défis de la numérisation. Les syndicats, les employeurs, les chercheurs et les représentants de la société civile y ont été associés.

12.2.

Le CESE relate les initiatives prises dans un certain nombre de pays pour anticiper les nouvelles formes de travail. Ces initiatives associent partenaires sociaux et acteurs de la société civile, y compris les organisations de jeunesse et de lutte contre la pauvreté.

12.2.1.

L’Allemagne a été pionnière avec la publication, en 2015, du livre vert intitulé «Travail 4.0 — Réimaginer le travail», ouvrant la voie au dialogue avec les partenaires sociaux et d’autres parties prenantes sur la mise en œuvre du numérique.

12.2.2.

En France, un Conseil national du numérique a été créé et le rapport «Rapport Mettling» a été publié en 2015. Les syndicats, les employeurs et les citoyens ont été associés à l’élaboration de ce rapport qui comporte un certain nombre de recommandations que doivent appliquer les entreprises.

12.2.3.

De telles initiatives prises par les gouvernements et associant partenaires sociaux, monde académique et représentants de la société civile ont également été déployées en Autriche, en Finlande, en Suède, au Portugal, en Italie, en Espagne, en Hongrie et au Danemark.

Le CESE considère que les résultats de ce dialogue multi-parties prenantes doit être consolidé au niveau européen et que les besoins et problématiques exprimés doivent être pris en compte dans les initiatives européennes pour contribuer à harmoniser le cadre de référence.

13.   Partenaires sociaux et évolution des thèmes du dialogue social et des actions syndicales face au numérique

13.1.

Des expérimentations, que le CESE relate ci-après de manière non exhaustive, entreprises dans de nombreux États membres, montrent l’évolution des pratiques syndicales et l’acquisition de nouveaux droits grâce aux négociations collectives portant sur les nouvelles formes de travail.

13.2.

En France, deux nouveaux droits ont été reconnus: le premier, inscrit dans la loi «Travail» d’août 2016, est le droit à la déconnexion, qui répond aux risques d’un travail sans frontières et sans limites. Ce droit garantit aux travailleurs qui utilisent les TIC la possibilité de limiter la connexion permanente.

13.3.

Le dialogue social au niveau des entreprises traduit ce droit à la déconnexion par des accords collectifs d’entreprise ou de branche. Des accords de télétravail et de travail mobile ont aussi été négociés dans un certain nombre d’entreprises. Un accord sur le numérique, le premier en Europe, a aussi été signé en 2016 entre partenaires sociaux au sein d’un groupe de télécommunications. Il prévoit notamment la création d’un comité avec les partenaires sociaux chargé d’anticiper les nouvelles compétences dont auront besoin les salariés en raison des évolutions numériques.

13.4.

Le second nouveau droit obtenu en France est le compte personnel d’activité. L’ensemble des travailleurs (salariés, travailleurs indépendants ou «faux» indépendants ainsi que les travailleurs des plateformes) en bénéficient et peuvent cumuler, grâce à lui, le droit à la formation, à la prévoyance sociale, au chômage et à la retraite sur un seul compte transférable.

13.5.

En outre, des pratiques syndicales innovantes commencent à voir le jour: certains syndicats ont créé une plateforme pour les travailleurs indépendants, qui propose de nouveaux services tels qu’une assurance santé, des garanties de prévoyance et des services juridiques adaptés à leur activité.

13.6.

En Allemagne et en Suède, le syndicat allemand IG Metall et le syndicat suédois Unionen ont conclu, en juin 2016, un partenariat pour suivre et évaluer le travail sur les plateformes numériques en vue d’anticiper les changements provoqués par la nouvelle économie et de développer des outils numériques de communication syndicale, afin d’organiser les travailleurs indépendants et les travailleurs participatifs (crowd-workers). L’accès à la plateforme syndicale ainsi créée est transnational et s’adresse aux travailleurs par-delà les frontières nationales. En Allemagne, un accord de branche sur le travail mobile a également été conclu et prend en compte les nouvelles modalités de travail: télétravail, travail nomade, travail à domicile.

13.7.

En Italie, les syndicats ont négocié, dans certaines entreprises, des accords pour les travailleurs atypiques qui prévoient des garanties en matière de couverture prévoyance et maladie, qui étaient jusqu’au présent réservées aux travailleurs salariés classiques, ainsi qu’une assistance juridique adaptée.

13.8.

Au Danemark, dans de nombreux autres pays de l’Union européenne ainsi qu’aux États-Unis, les nouvelles formes de travail numérique ont été largement critiquées par les syndicats car elles échappent aux réglementations du travail en vigueur dans les secteurs traditionnels ainsi qu’aux impositions fiscales. La société de transport Uber, emblème du travail sur les plateformes, a été au cœur des débats sur l’économie numérique. L’enjeu était de faire reconnaître les chauffeurs d’Uber comme des travailleurs dépendants, et à ce titre, de contraindre Uber à les déclarer, à verser des cotisations patronales et à respecter les réglementations du travail (19). Les organisations syndicales ont notamment pour objectif de négocier, au nom des travailleurs des plateformes, des salaires minimaux, la transparence des critères qui gouvernent les algorithmes et déterminent leur notation et évaluation ainsi que des conditions de travail décentes (20).

13.9.

Aux Pays-Bas, des travailleurs en contrats flexibles ou «indépendants» ont également commencé à se syndiquer.

13.10.

Le dialogue social européen dans la métallurgie a abouti à une position commune signée par le syndicat Industriall et l’organisation des employeurs, la CEEMET, sur l’impact de la numérisation et les actions à mener (21).

13.11.

Au niveau européen, Business Europe, UNI Europa, le CEEP et l’UEAPME ont signé une déclaration commune sur les effets du numérique dans le monde du travail et ont pointé les défis majeurs qui attendent les responsables européens et les partenaires sociaux (22).

Bruxelles, le 20 septembre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO C 125 du 21.4.2017, p. 10; JO C 303 du 19.8.2016, p. 54, et JO C 13 du 15.1.2016, p. 161.

(2)  JO C 303 du 19.8.2016, p. 54.

(3)  Articles 12 et 28 de la charte, et conventions nos 87 et 98 de l’OIT; voir aussi plus loin, paragraphes 3.2 et suivants.

(4)  JO C 458 du 19.12.2014, p. 1.

(5)  Comme l’a reconnu Marianne Thyssen, lors de la conférence conjointe ETUI/CES organisée en juin 2016 sur le thème «Façonner le nouveau monde du travail».

(6)  Eurobaromètre Flash 438, 2016.

(7)  JO C 303 du 19.8.2016, p. 54.

(8)  JO C 303 du 19.8.2016, p. 54.

(9)  Avis du CESE sur les «Compétences/nouvelles formes de travail» (voir page 36 du présent Journal officiel).

(10)  Sur la nécessaire adaptation de la fiscalité et des cotisations du travail dans les plateformes pour financer la protection sociale, voir JO C 13 du 15.1.2016, p. 161.

(11)  Avis du CESE sur les «Compétences/nouvelles formes de travail» (voir page 36 du présent Journal officiel).

(12)  JO C 13 du 15.1.2016, p. 161.

(13)  Document de réflexion sur la dimension sociale de l’Europe, avril 2017.

(14)  JO C 75 du 10.3.2017, p. 33.

(15)  «Travailler en tout temps, en tout lieu: les effets sur le monde du travail», Eurofound, 2017.

(16)  Communication de la Commission européenne intitulée «Initiative visant à promouvoir l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et aidants qui travaillent», avril 2017.

(17)  Voir l’étude d’Eurofound «Travailler en tout temps, en tout lieu: les effets sur le monde du travail», 2017.

(18)  «Work organisation and employee involvement in Europe», 2013; voir également JO C 161 du 6.6.2013, p. 35.

(19)  En Angleterre, un jugement a condamné Uber dans l’affaire M. Y Aslam, M. J Farrar et autres contre Uber; Uber a fait appel.

(20)  «Les impacts sociaux de la digitalisation de l’économie», Christophe Degryse, Working Paper ETUI 2016.02; «ReformsWatch», service d’information en ligne d’ETUI, 2016; «Trade unions must organise people working through platforms», Gunhild Wallin, juin 2016 et «Digitalisation and working life: lessons from the Uber cases around Europe», Eurofound, janvier 2016.

(21)  «An Industriall Europe & CEEMET joint position», 8 décembre 2016.

(22)  Déclaration des partenaires sociaux européens sur la numérisation, signée au sommet social tripartite, le 16 mars 2016.


15.12.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 434/36


Avis du Comité économique et social européen sur les «Fourniture et développement de compétences, y compris les compétences numériques, dans le contexte des nouvelles formes de travail: nouvelles politiques et évolution des rôles et des responsabilités»

(avis exploratoire à la demande de la présidence estonienne)

(2017/C 434/06)

Rapporteur:

Ulrich SAMM

Corapporteure:

Indrė VAREIKYTĖ

Consultation

Présidence estonienne du Conseil, 17 mars 2017

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section spécialisée

19 juillet 2017

Adoption en session plénière

20 septembre 2017

Session plénière no

528

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

198/5/16

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

La numérisation va considérablement changer notre vie professionnelle. Nous devons agir maintenant pour garantir la disponibilité de compétences appropriées pour l’avenir, de sorte que l’Europe reste compétitive et soit capable de créer de nouvelles entreprises et de nouveaux emplois, garantir que les personnes demeurent capables de s’insérer sur le marché du travail tout au long de leur carrière professionnelle, et assurer le bien-être pour tous. La vitesse à laquelle la numérisation et l’automatisation se déploient s’accompagne aussi de risques sociaux auxquels nous devons faire face à l’aide des efforts coordonnés de toutes les parties prenantes, qu’il s’agisse des décideurs politiques ou des partenaires sociaux et de la société civile.

1.2.

Compte tenu de la disponibilité de réseaux à haut débit à très haute capacité, dans l’avenir, l’on observera un nombre croissant de formes de travail atypique, dont le travail (multiple) à temps partiel, des emplois avec plusieurs contractants et l’«externalisation ouverte en ligne» (crowdworking) dans le cadre de laquelle les travailleurs proposent leurs compétences sur les plateformes internet en tant que membres d’un réseau de professionnels hautement qualifiés et spécialisés. Au regard de cette croissance des emplois atypiques, le CESE insiste sur le fait qu’il y a lieu d’accorder une priorité absolue à la fourniture d’une protection sociale et à la prévention de la pauvreté (également celle des personnes âgées).

1.3.

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement certaines initiatives nationales des syndicats et de la société civile qui fournissent des orientations aux microtravailleurs (crowdworkers) et qui ont déjà mené sporadiquement à la mise en place d’un code de conduite pour les plateformes d’externalisation ouverte en ligne. Le CESE aimerait que la Commission reprenne cet accomplissement et l’applique à l’échelle européenne. Il faudra remédier à l’aggravation de l’asymétrie des informations entre les consommateurs et les entreprises en recourant à des méthodes telles que, par exemple, les codes de déontologie des professions libérales.

1.4.

Le travail est également en train de changer dans les entreprises traditionnelles. En particulier, le travail à forte intensité de connaissance peut être effectué dans des conditions de moins en moins contraignantes, ce qui répond d’une part au souhait de flexibilité exprimé par de nombreux travailleurs, mais peut d’autre part se traduire par une intensification et des charges accrues. Un environnement de travail de plus en plus multilocal nécessite de nouvelles compétences sociales.

1.5.

L’automatisation et la robotisation auront une incidence significative sur l’avenir du travail. Elles peuvent se substituer aux travaux monotones, difficiles ou dangereux, et les «robots collaboratifs» de la nouvelle génération peuvent devenir des partenaires physiques pour les travailleurs, et peuvent être particulièrement utiles pour les personnes qui souffrent d’un handicap physique. Si les robots actuels remplacent principalement les travailleurs manuels, les professions intellectuelles seront également concernées lorsque l’intelligence artificielle leur sera appliquée. L’automatisation et la robotisation sont susceptibles de stabiliser l’économie dans une société vieillissante.

1.6.

Un nombre significatif d’emplois seront touchés par l’introduction d’un nombre croissant de robots sur le lieu de travail. L’on peut s’attendre à ce que, comme par le passé, une plus grande richesse dans la société engendrera de la croissance et des nouveaux emplois dans des secteurs spécifiques tels que la culture, l’art, le tourisme, le travail social, l’éducation, la communication, les divertissements ou les soins de santé. Cependant, ces changements pourraient se produire plus rapidement que par le passé et engendrer ainsi des distorsions qui nécessiteraient un dialogue social à un stade précoce.

1.7.

L’apprentissage tout au long de la vie, notamment en ce qui concerne les compétences numériques, sera une nécessité pour tous, et demandera toujours plus de souplesse de la part des personnes, des entreprises et de tous les systèmes d’éducation et de formation. Au-delà de l’enseignement formel, beaucoup plus de temps devra être consacré à la formation professionnelle et à l’apprentissage informel, qui devraient être soutenus autant que possible par un système de certificats et de normes harmonisé à l’échelle de l’Union européenne. Dans ce contexte, le CESE a déjà proposé par ailleurs ses réflexions sur des mesures au niveau européen en matière de congés de formation.

1.8.

L’éducation de base devrait inclure un apprentissage numérique interactif plus important. Les compétences numériques peuvent toutefois aller au-delà de la programmation et inclure l’apprentissage de ce qui se passe derrière le «clic de la souris»: comprendre le système, les interconnexions, les incidences sociales et les problèmes de protection de la vie privée et de sécurité.

1.9.

Les futures compétences devront répondre aux besoins de la société et aux exigences du marché du travail. Cet objectif ne pourra être atteint que grâce à une coopération étroite entre les partenaires sociaux et les systèmes éducatifs publics et privés. La volatilité accrue des marchés s’accompagnera de défis à relever, étant donné que les entreprises et les travailleurs devront s’adapter suffisamment rapidement. Il s’agit d’un défi qui concerne en particulier les systèmes de formation professionnelle.

1.10.

Les organisations publiques et privées (écoles, universités, chambres de commerce, syndicats, centres de formation) doivent offrir une formation professionnelle dans le domaine des nouvelles technologies, notamment pour ceux qui n’ont pas la capacité d’organiser des formations eux-mêmes, comme les petites et moyennes entreprises (PME), les professions libérales et les travailleurs indépendants.

1.11.

C’est l’enseignement général qui est l’outil le plus adéquat pour affronter l’évolution à long terme, susceptible d’apporter des défis nouveaux et imprévisibles devant lesquels les compétences actuelles peuvent devenir très vite obsolètes. La capacité à gérer l’inconnu sera proportionnelle à la qualité de l’éducation générale. Une formation générale étendue constitue également la meilleure base pour apprendre à repérer les informations fiables sur internet et devenir moins vulnérables face aux informations mensongères.

1.12.

Le CESE accueille favorablement les différentes initiatives de la Commission en lien avec l’apprentissage tout au long de la vie, les compétences et les emplois numériques, la nouvelle stratégie en matière de compétences et Erasmus+. Le répertoire de bonnes pratiques créé par la Commission peut servir de facilitateur pour un débat à l’échelle de l’Union qui devrait mener à l’adoption de lignes directrices et de normes fondées sur les bonnes pratiques. La société civile organisée peut et va jouer un rôle important à cet égard.

2.   Introduction

2.1.

La technologie numérique joue un rôle de plus en plus important dans notre économie et notre vie sociale. Elle sera cruciale pour le développement de nouveaux modèles économiques (économie collaborative, fonctionnelle, circulaire, économie du partage). Par ailleurs, la mondialisation, les migrations, le vieillissement de la population, le changement climatique et la nécessité de solutions durables auront des incidences majeures sur l’environnement social, en général, et sur notre vie professionnelle, en particulier. Le présent avis exploratoire examine les nouvelles formes de travail qui sont actuellement en pleine évolution, en mettant l’accent sur les compétences nécessaires, y compris les compétences numériques, ainsi que sur les nouvelles politiques et l’évolution des rôles et des responsabilités, tandis qu’un avis exploratoire élaboré en parallèle par le CESE traite des nouvelles formes de travail et du rôle et des perspectives des partenaires sociaux et autres organisations de la société civile (1).

2.2.

Afin que l’Europe reste compétitive et soit en mesure de créer de nouvelles entreprises et de nouveaux emplois et de veiller au bien-être de tous, il convient de donner la priorité au développement de compétences appropriées. La rapidité avec laquelle la numérisation et l’automatisation se déploient engendre également des craintes au sein de la population, en particulier parmi les travailleurs, et des incertitudes dans les entreprises, au regard des grands défis à relever. Notre société doit faire face à ces défis et s’adapter aux changements dans les plus brefs délais, à l’aide des efforts coordonnés de toutes les parties prenantes des pouvoirs publics et de la société civile. L’Europe peut jouer un rôle de chef de file au niveau mondial, en proposant un développement moderne fondé sur ses propres valeurs.

2.3.

Le CESE a la conviction que l’avenir du travail devrait constituer une priorité essentielle dans les débats portant sur le socle européen des droits sociaux  (2). Des questions spécifiques ont d’ores et déjà été abordées dans des avis du CESE portant sur le marché unique numérique et les PME (3), sur la nouvelle stratégie en matière de compétences (4), sur la société européenne du gigabit (5), sur le thème «Renforcer la culture numérique, les compétences numériques et l'insertion numérique» (6), sur le thème «Industrie 4.0 et transformation numérique: voie à suivre» (7) ainsi que dans le rapport d’information du CESE sur l’évaluation à mi-parcours du programme Erasmus+ (8).

3.   L’avenir du travail

3.1.

Les réseaux à haut débit à très haute capacité ouvriront la voie à l’utilisation d’une grande variété d’applications et d’environnements nouveaux, tels que l’internet des objets, l’automatisation, l’informatique en nuage, l’exploration des mégadonnées ou les nouveaux modèles d’entreprises fondés sur une logique axée sur les services. Cette tendance présentera l’avantage de pouvoir porter dans des zones décentralisées et/ou difficilement accessibles en raison de leurs caractéristiques orographiques ces compétences techniques qui sont aujourd’hui l’apanage exclusif des grandes concentrations urbaines. Des outils tels que la téléexpertise, la télésurveillance et l’offre de télérapports permettront de suivre à distance les personnes vulnérables, directement à leur domicile, et de disposer, même dans les petites localités, de compétences ultraspécialisées. Il est important de reconnaître que la manière de travailler de presque toutes les catégories et professions changera et que les prévisions en ce qui concerne l’évolution de la situation au cours des prochaines décennies comportent d’importantes incertitudes. Nous devons prendre conscience du fait qu’il faut être prêt à affronter l’inconnu.

3.2.

L’avenir verra une différenciation croissante dans l’organisation des entreprises. D’une part, nous avons les entreprises traditionnelles qui disposent d’un personnel permanent et doivent offrir un environnement de travail attrayant; ce sont les entreprises dites «bienveillantes» (caring companies) (9). D’autre part, nous avons un nombre croissant d’entreprises dont l’organisation est «fluide» et qui s’appuient également de plus en plus sur les «microtravailleurs». Cela leur permet de réagir de manière très flexible aux changements que connaissent les marchés. Ces travailleurs forment un réseau de professionnels hautement qualifiés et spécialisés, bien que, dans une certaine mesure, il arrive aussi que des collaborateurs moins qualifiés proposent leurs compétences sur les plateformes internet. L’on prévoit également le développement d’une variété de formes hybrides en ce qui concerne l’organisation des entreprises. Par exemple, les entreprises traditionnelles peuvent sous-traiter une partie de leurs activités à des microtravailleurs. Il faudra remédier à l’aggravation de l’asymétrie des informations entre les consommateurs et les entreprises en recourant à des méthodes telles que, par exemple, les codes de déontologie des professions libérales.

3.3.

Les microtravailleurs jouissent de la liberté de disposer d’un horaire de travail et d’un lieu de travail flexibles. Ils proposent leurs compétences sur le marché, parfois pour des microtâches, au meilleur prix. L’absence de sécurité sociale dans ce type de travail indépendant («nomades numériques») s’accompagne toutefois de risques considérables. La tendance observée dans notre société, à savoir l’abandon d’un emploi «normal» au profit d’un emploi «atypique», comme le travail (multiple) à temps partiel et les emplois avec plusieurs contractants, constitue un sérieux défi pour nos systèmes de sécurité sociale  (10). Les quatre composantes de la flexicurité (11) doivent également s’appliquer à ces nouvelles formes de travail: 1) des dispositions contractuelles flexibles et fiables; 2) une éducation et une formation complètes tout au long de la vie; 3) des politiques actives du marché du travail; et 4) des systèmes de sécurité sociale modernes.

3.4.

Le travail est également en train d’évoluer dans les entreprises traditionnelles ayant un personnel permanent. Le lieu sur lequel les tâches et travaux à forte intensité de connaissance, tels que les travaux d’ingénierie ou les projets de recherche et de développement, sont effectués importe relativement peu. Ce type de travail peut être effectué dans des conditions de moins en moins contraignantes, ce qui répond d’une part au souhait de flexibilité exprimé par de nombreux travailleurs, mais peut d’autre part se traduire par une intensification et des charges accrues. Trouver l’équilibre souhaité entre vie professionnelle et vie privée est devenu l’un des critères essentiels au moment de choisir un employeur. Notre société se dirige vers un environnement de travail multilocal qui demande à tous ceux qui y travaillent de nouvelles compétences sociales. La connectivité 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 peut contribuer à concilier vie privée et vie professionnelle, mais elle peut aussi être un fardeau et entraîner des risques pour la santé.

3.5.

L’automatisation et la robotisation ont une incidence significative sur l’avenir du travail. Les avantages sont évidents: une productivité et une fiabilité accrues, et le remplacement des travaux monotones, lourds ou dangereux. Les «robots collaboratifs» de la nouvelle génération peuvent devenir des partenaires physiques pour les travailleurs, et être particulièrement utiles pour les personnes qui souffrent d’un handicap physique. L’intelligence artificielle permettra l’automatisation de travaux complexes, ce qui aura une incidence non seulement sur les travaux manuels, mais aussi sur les professions intellectuelles (secteur des assurances, services financiers, traduction, conseils juridiques, etc.) (12). L’automatisation et la robotisation sont susceptibles de stabiliser l’économie dans une société vieillissante.

3.6.

Les robots remplacent dans un premier temps les travailleurs humains, mais de nouveaux emplois pourraient être créés par la suite. La question de savoir combien d’emplois sont touchés et combien de nouveaux emplois pourraient, dans le même temps, être créés est souvent débattue sur les forums publics. La tendance est claire, mais les chiffres varient grandement. Par exemple, le Forum économique mondial a prédit la perte de plus de 5,1 millions d’emplois dans quinze grandes économies développées et émergentes suite aux changements radicaux qui se produiront sur le marché du travail entre 2015 et 2020, compte tenu du fait que l’intelligence artificielle, la robotique, les nanotechnologies et d’autres facteurs socioéconomiques se substituent aux travailleurs humains, tandis que par ailleurs, ces mêmes avancées technologiques pourraient aussi créer 2 millions de nouveaux emplois (13). Il ne fait aucun doute qu’avec les robots la productivité s’accroîtra, ce qui est bon pour l’économie et pour notre société, puisque le produit intérieur brut (PIB) augmentera. Il est presque impossible de prédire de quelle manière le PIB excédentaire sera utilisé pour créer de nouveaux emplois (14). Nous pouvons tirer des enseignements du passé, en observant qu’une plus grande richesse dans la société s’était accompagnée d’une croissance et de la création de nouveaux emplois dans des secteurs spécifiques tels que la culture, l’art, le tourisme, le travail social, l’éducation, la communication, les divertissements ou les soins de santé. Nous pouvons nous attendre à ce que cette tendance se poursuive, même si elle peut s’avérer plus rapide que dans le passé, ce qui peut engendrer des distorsions de concurrence pour lesquelles le dialogue social pourrait s’avérer nécessaire à un stade précoce.

3.7.

En outre, la numérisation et la robotisation des transports seront porteuses de profonds changements en ce qui concerne la nature du travail et la demande de compétences professionnelles. Le CESE souligne l’importance de faire face à ces changements structurels en favorisant une transition juste et fluide et en remédiant au déficit de compétences (15).

4.   Fournir les qualifications et les compétences

4.1.

Les compétences sont une condition préalable indispensable pour transformer les connaissances en résultats qui augmentent notre bien-être; l’ère numérique s’accompagne toutefois de nouveaux défis. Il est à prévoir que les travailleurs titulaires de contrats de travail atypiques, souvent privés d’accès à des programmes de formation classiques en entreprise, seront de plus en plus nombreux. Les compétences techniques et sociales, notamment la capacité de communiquer et d’interagir avec des personnes dans des contextes différents et en employant différents outils techniques, ainsi que les compétences entrepreneuriales et une approche centrée sur la responsabilité envers la société, constituent certes une condition préalable, mais la plupart des systèmes éducatifs sont encore incapables de fournir ces compétences, car ils ont été conçus pour une autre époque. Le Comité invite une nouvelle fois les États membres, en collaboration avec les institutions et les agences de l’Union, ainsi que les entreprises européennes, à renforcer leurs capacités et à introduire des solutions plus innovantes dans les domaines de l’éducation et du développement des compétences, y compris des dispositifs de formation et de reconversion sur le lieu de travail, étant donné que l’Europe a besoin d’un véritable changement de paradigme en ce qui concerne les objectifs et le fonctionnement du secteur de l’enseignement, ainsi que la vision de sa place et de son rôle dans la société (16).

4.2.

La numérisation ouvre la voie à des technologies accessibles et personnalisées pouvant offrir des parcours d’apprentissage plus centrés sur l’apprenant et créer un continuum entre l’apprentissage formel, non formel et informel. Les solutions numériques peuvent être intégrées dans des stratégies d’apprentissage tout au long de la vie et constituer un outil puissant pour réduire les écarts en matière de réalisations et d’opportunités. Toutefois, cela dépend fortement de la façon dont la technologie numérique est introduite et utilisée dans les environnements d’apprentissage.

4.3.

Pour améliorer les expériences et les résultats en matière d’apprentissage, il faut mettre l’apprenant au centre du système éducatif: c’est lui ou elle qui doit gérer son apprentissage, sa formation et son perfectionnement. Cette approche permettrait de faire des apprenants des citoyens numériques actifs, capables d’exploiter les connaissances qu’ils ont acquises en contrôlant la nature, le lieu, le rythme et le calendrier de leur apprentissage en fonction de leurs points de vue, de leurs valeurs et de principes tels que la solidarité et le respect de la différence qui font partie intégrante de l’identité européenne. Les futurs investissements dans les technologies doivent dès lors être étroitement liés à des investissements dans les personnes et à un accès accru aux possibilités d’apprentissage tout au long de la vie.

4.4.

Les futures compétences devront également répondre aux besoins de la société et aux exigences du marché du travail. Cet objectif ne pourra être atteint que grâce à une coopération étroite entre les établissements éducatifs publics et privés ainsi que tous les groupes d’intérêts concernés, et notamment les partenaires sociaux et les entreprises. La volatilité accrue des marchés s’accompagnera de défis à relever, étant donné que les entreprises et les travailleurs devront s’adapter suffisamment rapidement. En 2010 (17), le CESE a exprimé son soutien à la création de conseils sectoriels pour l’emploi et les compétences à l’échelle de l’Union européenne. Jusqu’à présent, des conseils sectoriels n’ont été créés que dans deux secteurs, tandis que les projets de mise en place de ces conseils dans quatorze autres secteurs en sont encore à leurs balbutiements. Le CESE aimerait demander à la Commission européenne d’expliquer pourquoi cette évolution est si lente et ne bénéficie pas du soutien nécessaire de la part des secteurs et des institutions nationales.

4.5.

Les apprenants doivent être dirigés vers des pratiques innovantes de création de connaissances, ce qui suppose de combiner les espaces sociaux, physiques, numériques, virtuels et mobiles d’apprentissage et d’apprendre à apprendre. L’apprentissage fondé sur des recherches et des projets, l’apprentissage qui se base sur les phénomènes, les activités sollicitant la participation des étudiants, l’apprentissage collaboratif et l’apprentissage inversé, par exemple, débouchent tous sur des processus d’apprentissage plus axés sur la réflexion et la participation. L’une des voies possibles pour réduire ou supprimer les écarts entre l’innovation dans la technologie et la pédagogie est de relier plus efficacement les structures de l’apprentissage formel, non formel et informel.

4.6.

L’apprentissage tout au long de la vie est une nécessité pour la société et pour tous les acteurs concernés. Il commence par une éducation générale solide — un élément clé dans le développement individuel qui contribue à préparer une personne à affronter des défis nouveaux et imprévisibles — et se poursuit sur une période nettement plus longue avec la formation professionnelle et l’apprentissage informel, lequel devrait être soutenu par un système de certificats et de normes, harmonisé à l’échelle de l’Union, et aussi par des outils communs appropriés pour déterminer la comparabilité et l’équivalence des résultats de l’apprentissage. Les exigences en matière d’apprentissage deviendront de plus en plus importantes au regard de la demande croissante de flexibilité en ce qui concerne les personnes, les entreprises et tous les systèmes d’éducation et de formation. Partant, l’approche interdisciplinaire jouera un rôle de plus en plus important.

4.7.

Le CESE rappelle sa proposition (18) selon laquelle il convient de vérifier si des mesures européennes sont nécessaires afin que les expériences positives des États membres en matière de congés de formation soient diffusées dans l’ensemble de l’Union.

4.8.

Les systèmes actuels ne sont généralement pas adaptés à la structure des marchés de l’emploi numériques, dans lesquels les emplois atypiques seront prédominants. Ces systèmes sont accessibles aux travailleurs exerçant des emplois traditionnels, le cas échéant via la formation en milieu professionnel. Il convient donc de les actualiser pour permettre à toutes les personnes qui sont sur le marché du travail d’avoir accès à des formations. L’Europe devra mobiliser beaucoup plus de fonds pour investir dans la formation; à défaut, la formation adaptée deviendra le privilège d’une minorité. Il s’agit là d’un véritable problème, seules les personnes dotées de compétences à jour ayant une chance appréciable de trouver des emplois décents et justement rémunérés.

4.9.

Les compétences numériques devraient être enseignées dès le plus jeune âge scolaire (19), et l’éducation de base devrait également inclure un apprentissage numérique interactif plus important (20). Les compétences numériques peuvent toutefois aller au-delà de la programmation et inclure l’apprentissage de ce qui se passe derrière le «clic de la souris»: comprendre le système, les interconnexions, les incidences sociales et les problèmes de protection de la vie privée et de sécurité.

4.10.

Les outils numériques jouent un rôle important dans la transformation et le soutien de l’enseignement et, partant, peuvent mener à un engagement accru des apprenants et à de meilleurs résultats (21). Étant donné que les éducateurs et les enseignants auront un rôle de plus en plus important à jouer, ils devront adapter leurs compétences à de nouvelles approches, technologies et connaissances dans le nouvel environnement éducatif. La préparation qualitative des éducateurs sera dès lors essentielle ainsi que leur statut en matière de flexibilité professionnelle, de rémunération, de garanties sociales, etc. En vue d’assurer un changement qualitatif dans l’ensemble des systèmes éducatifs européens, le CESE recommande de s’inspirer des exemples actuels qui ont prouvé leur efficacité au sein de l’Union européenne (22) et invite à investir davantage dans la formation professionnelle initiale et continue des enseignants et autres éducateurs.

4.11.

En plus de l’assistance aux acteurs de l’éducation formelle dans leurs efforts à fournir une éducation tout au long de la vie, il convient d’accorder un soutien supplémentaire aux prestataires d’éducation non formelle. Ils sont à même d’atteindre les groupes défavorisés et vulnérables et de les faire accéder à des possibilités d’apprentissage tout au long de la vie, y compris celle de valider les compétences acquises au moyen des ressources et des outils offerts par l’apprentissage numérique, en ligne et ouvert, et par le biais de différentes méthodes d’évaluation et d’autoévaluation formatives et sommatives.

4.12.

Les technologies digitales peuvent non seulement améliorer les processus d’enseignement et d’apprentissage, mais aussi favoriser de nouvelles méthodes d’évaluation, y compris l’auto-évaluation, susceptibles de compléter les approches sommatives traditionnelles, à savoir des méthodes qui font de l’évaluation un élément à part entière de l’apprentissage grâce à l’intelligence artificielle, l’analyse de l’apprentissage et de nouvelles manières de relier l’évaluation aux supports pédagogiques. L’utilisation de techniques d’analyse permet un retour d’information rapide et donc une évaluation en temps réel et contribue ainsi à un apprentissage plus personnalisé.

4.13.

Dans le secteur de la science et de la recherche de niveau universitaire, la numérisation de chaque domaine de recherche suppose le traitement d’énormes volumes de données scientifiques. Une infrastructure adéquate de données (au niveau national et international) permettra également d’accéder à ces données et de les analyser à distance. Alors que l’Union prévoit de mettre en place les infrastructures nécessaires pour accélérer la science et l’innovation, l’on estime qu’un demi-million d’experts en données seront nécessaires en Europe d’ici à 2025 (23). L’Europe doit rassembler tous les efforts pour développer de telles compétences de base en matière de données. L’éducation nationale de haut niveau joue un rôle important à cet égard et doit être complétée par des programmes européens tels qu’Erasmus+ et les actions Marie Skłodowska-Curie.

5.   Le rôle des politiques publiques et de la société civile

5.1.

L’Europe a beaucoup de bons exemples à offrir quant à la manière de faire face aux besoins de compétences nouvelles dans l’ère numérique. Le CESE accueille favorablement les différentes initiatives de la Commission en lien avec l’apprentissage tout au long de la vie, les compétences et les emplois numériques, la nouvelle stratégie en matière de compétences et Erasmus+. Le répertoire de bonnes pratiques créé par la Commission peut servir de facilitateur pour un débat à l’échelle de l’Union visant la définition de lignes directrices et de normes fondées sur les bonnes pratiques. La société civile organisée peut et va jouer un rôle important à cet égard.

5.2.

Le CESE tient à souligner le travail très respecté accompli par les agences de l’Union européenne, telles qu’Eurofound et le Cedefop. Une meilleure coopération interagences pourrait accroître l’impact et attirer davantage l’attention des États membres et des institutions de l’Union.

5.3.

Il est indispensable à présent de développer un système permettant de fournir les compétences et les aptitudes nécessaires pour le travail de l’avenir. Dans la mesure du possible, il devrait se fonder sur l’évaluation des compétences et des exercices d’anticipation visant à déterminer les besoins en compétences à long terme à tous les niveaux, tandis qu’à l’échelon européen, il y a lieu de renforcer la mise en place de conseils sectoriels sur l’emploi et les compétences afin d’éviter les pénuries et les inadéquations en matière de compétences. Il s’agit d’une tâche urgente pour l’ensemble des parties prenantes, y compris les institutions publiques et privées concernées.

5.4.

Il est nécessaire de déterminer clairement les rôles des différents niveaux d’enseignement formels et d’établir les liens entre ceux-ci; par exemple: encourager la créativité et l’imagination — au niveau préscolaire; combiner la créativité et des connaissances solides et favoriser l’esprit critique et l’adaptation des connaissances — au niveau scolaire; ajouter des qualifications interdisciplinaires spécialisées — au niveau de l’enseignement et de la formation professionnels; et étendre les connaissances et les réflexions professionnelles interdisciplinaires — au niveau de l’éducation supérieure.

5.5.

L’enseignement et la formation professionnels que les entreprises offrent à leurs employés sont essentiels. À cet égard, la coopération entre les entreprises, les universités et les institutions professionnelles sera cruciale. Il y aura un nombre croissant d’organisations qui fourniront une éducation non-formelle, c’est-à-dire des activités éducatives organisées en dehors du système formel en place. La société civile pourrait créer de nouveaux forums d’éducation pour le développement des compétences, en coopération avec différents acteurs, établissements et groupes d’intérêts.

5.6.

Les PME ont besoin d’un soutien extérieur spécifique car, généralement, elles disposent de ressources limitées pour la formation, en particulier lorsque de nouvelles technologies émergent et que les compétences y afférant ne sont pas encore disponibles en interne. Des institutions telles que les chambres de commerce ou les organisations représentant les professions libérales pourraient, en lien avec les écoles, les universités et les centres de formation privés, ainsi qu’avec les institutions fondées sur un partenariat public-privé, être utiles dans la fourniture de programmes d’enseignement.

5.7.

L’apprentissage informel jouera un rôle de plus en plus important en tant que processus se poursuivant véritablement tout au long de la vie et permettant à chaque individu d’acquérir des compétences et des connaissances à partir d’expériences quotidiennes; ce secteur pourrait être amélioré sur le plan qualitatif avec l’aide de programmes à financement public proposés par des chaînes de télévision, des plateformes internet et d’autres médias. Des normes et des certificats seraient utiles pour pouvoir mesurer et comparer les résultats d’apprentissage, notamment dans le cas de changement d’emploi.

5.8.

En ce qui concerne l’ensemble des formes d’enseignement, il convient d’améliorer les outils existants pour déterminer la comparabilité et l’équivalence de l’apprentissage informel. Il convient de revoir les systèmes de reconnaissance des acquis antérieurs en matière d’éducation, d’apprentissage et de compétences afin de fournir des normes fiables et accessibles pour tous et de pouvoir aider les apprenants à prendre conscience de leurs propres expériences, compétences et connaissances.

5.9.

La sécurité sociale et la négociation collective sont problématiques, en particulier pour les microtravailleurs et ceux qui ont un emploi atypique. Un nombre croissant de «nomades numériques» sont, avec l’âge, menacés par la pauvreté. Les politiques publiques doivent mettre en place des réglementations pour traiter ce problème. Certaines initiatives de dialogue social qui traitent ces questions existent déjà. Le syndicat IG Metall en Allemagne en est un bon exemple. Il a créé la plateforme internet «faircrowdwork.org» pour fournir des orientations aux microtravailleurs, laquelle a élaboré, conjointement avec d’autres parties prenantes, un code de conduite pour les plateformes de microtravailleurs. Le CESE souhaite que les bonnes pratiques recensées soient déployées dans toute l’Europe.

Bruxelles, le 20 septembre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Avis du CESE sur le thème «Rôle et perspectives des partenaires sociaux et autres organisations de la société civile dans le contexte des nouvelles formes de travail», adopté en septembre 2017 (voir page 30 du présent Journal officiel).

(2)  JO C 125 du 21.4.2017, p. 10.

(3)  Avis d’initiative du CESE sur le thème «Marché unique numérique — Tendances et opportunités pour les PME», qui doit être adopté en octobre 2017.

(4)  JO C 173 du 31.5.2017, p. 45.

(5)  JO C 125 du 21.4.2017, p. 51.

(6)  JO C 318 du 29.10.2011, p. 9.

(7)  JO C 389 du 21.10.2016, p. 50.

(8)  Évaluation à mi-parcours d’Erasmus+, rapport d’information adopté le 31 mai 2017.

(9)  Bauer, Wilhelm et al. (2012). Arbeitswelten 4.0. Wie wir morgen arbeiten und leben (Les environnements de travail 4.0. Comment nous travaillerons et vivrons demain), Dieter Spath, Stuttgart, Fraunhofer Verlag.

(10)  JO C 303 du 19.8.2016, p. 54; JO C 13 du 15.1.2016, p. 161.

(11)  Voir la communication sur «Une stratégie pour des compétences nouvelles et des emplois: une contribution européenne au plein emploi» [COM(2010) 682 final].

(12)  Voir l’avis du CESE sur le thème «L’intelligence artificielle — Les retombées de l’intelligence artificielle pour le marché unique (numérique), la production, la consommation, l’emploi et la société», adopté le 31 mai 2017 (JO C 288 du 31.8.2017, p. 1).

(13)  Forum économique mondial, Employment, Skills and Workforce Strategy for the Fourth Industrial Revolution: The Future of Jobs, Global Challenge Insight Report, janvier 2016, p. 13.

(14)  JO C 181 du 21.6.2012, p. 14.

(15)  Voir l’avis du CESE sur «Les conséquences de la numérisation et de la robotisation des transports sur l’élaboration des politiques de l’Union européenne», adopté en juillet 2017 (JO C 345 du 13.10.2017, p. 52).

(16)  JO C 173 du 31.5.2017, p. 45.

(17)  JO C 347 du 18.12.2010, p. 1.

(18)  JO C 13 du 15.1.2016, p. 161.

(19)  JO C 451 du 16.12.2014, p. 25.

(20)  Par exemple au Japon, le développement de jeux est inscrit au programme dès l’âge de cinq ans et en Estonie, la programmation de base et visuelle est enseignée à partir de la deuxième année d’enseignement primaire. De tels exemples peuvent servir de modèles précurseurs.

(21)  Institut de prospective technologique, Policy brief on ICT for Learning, Innovation and Creativity, 2008.

(22)  Parmi ces exemples figurent le système d’éducation finlandais dans son ensemble, le lycée à Ørestad à Copenhague (Danemark) l’établissement préscolaire Egalia à Stockholm (Suède), etc.

(23)  Groupe d’experts de haut niveau de la Commission sur le nuage européen pour la science ouverte, Realising the European Open Science Cloud, 2016, p. 12.


III Actes préparatoires

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

528e session plénière du CESE des 20 et 21 septembre 2017

15.12.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 434/43


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen «Développer l’union douanière de l’UE et sa gouvernance»

[COM(2016) 813 final]

(2017/C 434/07)

Rapporteur:

Dimitris DIMITRIADIS

Consultation

Commission européenne, 17 février 2017

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section spécialisée

5 septembre 2017

Adoption en session plénière

20 septembre 2017

Session plénière no

528

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

162/0/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et sociale européen (CESE) estime qu’une union douanière efficace constitue non seulement un préalable obligé pour le processus d’intégration européenne, afin d’assurer la libre circulation des marchandises et de renforcer la compétitivité de l’Union européenne (UE), sa puissance commerciale et son poids dans les négociations, mais représente aussi un enjeu important en vue d’établir une union de la sécurité, étant donné qu’elle contribue largement à combattre les menaces qui, en matière sécuritaire, sont apparues de fraîche date et sont sans précédent, tout en protégeant la sécurité des citoyens et leurs intérêts financiers.

1.2.

Le CESE considère que la nouvelle réglementation douanière a pour objectif principal de simplifier les procédures et de les adapter aux données les plus récentes et qu’une mise en œuvre opérante du code des douanes de l’Union (CDU) contribuerait à conforter la compétitivité de l’UE à l’échelle mondiale.

1.3.

Le CESE adhère à la proposition de la Commission de développer la gouvernance de l’union douanière mais considère que pour qu’elle soit instaurée de manière exhaustive, il est nécessaire de mener une action de réforme à de multiples niveaux et de procéder à une intervention dynamique de nature technique, sans modifier les compétences de l’UE, ni perturber les équilibres entres organes institutionnels. Le CESE souligne néanmoins que toute réforme qui sera engagée ne devra entraver ni la facilitation des échanges commerciaux licites, ni la protection des droits fondamentaux.

1.4.

Le CESE est d’avis qu’une mise en œuvre efficace de l’union douanière implique en premier lieu de s’efforcer de réduire au minimum le risque d’interprétations divergentes de la part des administrations des États membres. Auparavant, il y a lieu de parvenir à l’interopérabilité des systèmes informatisés en la matière et de réaliser le passage à un environnement totalement numérique, en tenant compte de la diversité des ressources sur lesquelles reposent l’organisation et le fonctionnement des autorités nationales.

1.5.

De l’avis du CESE, il apparaît indispensable de passer au dédouanement centralisé automatique, afin de faciliter la coordination des actions visant à prévenir et réprimer les activités criminelles et à sauvegarder les intérêts financiers de l’UE, de manière à protéger les droits, les intérêts et la sécurité des entreprises et des consommateurs européens. En conséquence, il réclame la création du parquet européen, qui contribuerait utilement à cet objectif.

1.6.

Le CESE considère qu’il y a lieu d’élaborer une stratégie douanière commune à l’UE, qui prendra en considération le double rôle joué par les services douaniers, à savoir le contrôle des frontières, avec des missions mixtes, les contrôles de douane et la perception des droits, ainsi que la contribution qu’ils apportent pour prévenir et réprimer l’activité criminelle. Dans le même temps, il convient de veiller à optimaliser les ressources matérielles et les moyens humains, en investissant dans l’extension et la revalorisation des premières et, en priorité, dans le perfectionnement professionnel et l’opérationnalité des seconds, ainsi qu’à développer l’action de soutien administratif de l’UE pour ce qui concerne l’application de la législation correspondante et le suivi plus serré de cette mise en œuvre.

1.7.

Le CESE a pour position qu’il importe de développer la stratégie en prenant en considération la diversité des acteurs économiques qui sont appelés à se conformer à la législation douanière et la nécessité pressante de tirer parti des nouvelles technologies et des innovations, dans le respect général et intégral des données personnelles des citoyens et des entreprises, ainsi que des droits de la propriété intellectuelle, industrielle et commerciale, mais aussi en faisant droit au facteur humain, qui constitue la force motrice des autorités douanières. Une attention toute particulière doit être accordée aux micro-entreprises, aux petites et moyennes entreprises (PME) et aux consommateurs.

1.8.

Le CESE pense qu’il s’impose de renforcer le bon fonctionnement du mode opératoire décentralisé, passant par la coopération administrative, grâce à une coordination centralisée par une agence ou un organisme de soutien sous la direction de la Commission et à la participation du groupe de politique douanière, le but étant d’apporter une assistance pour les questions relatives à la mise en œuvre du code des douanes de l’Union. Cette instance serait notamment responsable du bon déroulement des programmes concernant l’action opérationnelle de la formation continue, en particulier pour ce qui touche aux questions de sécurité, ainsi que l’offre de spécialisation poussée et la promotion de l’expertise des professionnels du secteur douanier. Dans le même temps, elle pourrait adopter des lignes directrices visant à apporter une réponse rapide et directe à de nouveaux défis.

1.9.

Aux yeux du CESE, c’est également un enjeu d’une importance cruciale que d’étendre et de renforcer les programmes «Douane 2020» et «Fiscalis 2020», lesquels peuvent jouer un rôle de catalyseur pour l’objectif d’absorption des financements prévus aux fins de la gouvernance (formation, diffusion d’information, action opérationnelle, équipement, etc.).

1.10.

Le CESE espère une intensification du processus qui débouche sur la conclusion d’accords d’assistance administrative réciproque avec des partenaires commerciaux, dans une totale cohérence par rapport à la collaboration toujours plus intense qui se développe en matière d’échanges économiques avec des pays hors UE et à l’accord sur la facilitation des échanges (AFE) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

1.11.

Selon l’analyse du CESE, il apparaît indispensable de prendre des mesures clés dans les domaines de la protection et de la sécurité, pour lesquels les autorités douanières ont déjà à relever des défis. Il a dès lors la conviction qu’il est nécessaire d’institutionnaliser davantage encore et de coordonner de manière centralisée la coopération entre les autorités douanières et policières. Par ailleurs, il y a lieu de donner plus de force à la collaboration intersectorielle entre les agences européennes et les services décentralisés, afin d’intensifier l’action menée, ainsi que d’accroître, par le truchement de ses États membres, la présence de l’Union à ses frontières extérieures. La coopération devra notamment viser à lutter contre le financement du terrorisme et le trafic illicite d’armement, ainsi qu’à approfondir le contrôle des biens à usage double et de la technologie afférente. Par ailleurs, il est nécessaire de mener une lutte efficace et opérante contre la contrefaçon et le piratage.

1.12.

Le CESE juge nécessaire que toutes les actions qui seront développées prévoient obligatoirement un dialogue ouvert avec les acteurs intéressés (entreprises, consommateurs, autorités douanières, agents des douanes, syndicats et organisations de la société civile), afin de parvenir à formuler de la manière la plus adéquate et la plus exhaustive quels sont les problèmes à résoudre, tout en tenant compte des enjeux pour chaque partie.

1.13.

Enfin, le CESE défend l’idée que quelle que soit la procédure qui sera suivie pour moderniser l’union douanière, il faudra également prendre sérieusement en considération les changements que le Brexit induira aux frontières extérieures de l’UE.

2.   Observations générales concernant l’union douanière

2.1.

L’union douanière a toujours constitué une condition préliminaire d’une importance capitale pour l’intégration européenne, en particulier s’agissant d’assurer une mise en œuvre homogène et opérante de la libre circulation des biens, selon des modalités sûres, transparentes, respectueuses de l’environnement ainsi que du consommateur et efficaces aux fins de la lutte contre les actes pénalement punissables à caractère transfrontière (1).

2.2.

Constituant le socle du marché unique, l’union douanière doit, par conséquent, en épouser pleinement les besoins. Elle apporte par ailleurs une contribution significative au renforcement de la compétitivité de l’Union sur le plan des échanges mondiaux. De plus, les droits à l’importation représentent une ressource particulièrement importante pour le budget européen. Concrètement, ces revenus ont atteint 18,6 milliards d’euros en 2015, soit un montant qui correspond à quelque 13,6 % du budget de l’UE.

2.3.

Indépendamment des mesures de protection sous forme d’interdictions ou de dispositions visant à assurer la sûreté et la sécurité des citoyens de l’UE, la création de l’union douanière nécessite également d’instaurer ou d’adapter des dispositions consistant, par exemple, à adopter une politique commerciale commune et le tarif douanier extérieur commun, de même qu’un régime tarifaire préférentiel, établi par les accords d’association conclus entre l’UE et les pays voisins et candidats potentiels à l’adhésion, mais aussi par des accords de libre-échange passés avec des pays tiers.

2.4.

L’union douanière a pour objectif de faciliter les échanges légaux, dans la mesure où elle permet de déployer des efforts pour lutter contre la fraude dans les transactions commerciales mais aussi, par ailleurs, pour empêcher les mouvements de marchandises et les opérations financières qui sont illicites et susceptibles d’être utilisés à des fins illégales ou terroristes.

3.   Contenu essentiel de la communication

3.1.

En publiant cette communication, la Commission a voulu lancer un débat sur la modernisation de l’union douanière, eu égard aux nouvelles conditions actuelles, qui sont apparues, au fil du temps, du fait:

des défis internes posés par l’élargissement et l’approfondissement de l’UE et des fortes disparités qui existent, du point de vue qualitatif et sur le plan législatif, entre les administrations publiques et ont inévitablement abouti à réduire d’autant leurs ressources et augmenter les besoins nécessaires à leur fonctionnement,

des défis et menaces extérieurs dans le domaine de la sécurité, qui sont en augmentation constante, l’exemple le plus notable en étant le terrorisme importé et la criminalité transfrontière, tout comme des phénomènes liés à la mondialisation du commerce international, tels que l’évolution constante dans les modèles entrepreneuriaux et les chaînes d’approvisionnement et le volume croissant des échanges, découlant de la conclusion d’accords avec des pays tiers, mais aussi le recours à l’internet,

étant entendu que l’objectif est de procéder à une réforme structurelle des volets essentiels de l’union douanière et d’instaurer un nouveau modèle pour sa gouvernance.

3.2.

Dans sa communication, la Commission insiste sur la nécessité de gagner en efficacité, en modernisant l’architecture de l’union douanière, de façon à accroître la coopération entre les autorités douanières de l’UE et à créer des structures capables d’évoluer avec une certaine adaptabilité et souplesse.

3.3.

La communication à l’examen ne suggère pas d’étendre les compétences de l’UE à des domaines nouveaux mais traduit un effort destiné à moderniser les politiques de l’union douanière, en les aidant à devenir plus souples et efficaces, pour qu’elles puissent réagir à des conditions en mutation constante.

4.   Aspects problématiques à prendre en considération

4.1.

Le remaniement du code des douanes de l’Union y a introduit des modifications d’importance, visant à simplifier et faciliter les échanges. Dans l’ensemble, la législation douanière et celle relative à la libre circulation des marchandises n’en continuent pas moins à présenter une grande complexité, puisque l’on recense quelque 1 127 textes actuellement en vigueur (accords, directives, règlements et décisions) (2). Dans une telle situation, il est ardu d’en invoquer telle ou telle disposition si l’on n’est pas préalablement familiarisé avec le droit européen.

4.2.

Il est clair que le régime antérieur comportait de larges zones de flou, laissant des marges pour que s’y immiscent des dispositions particulières de droit national, aux effets ambigus, nuisant à l’uniformité de la mise en œuvre. La codification exhaustive effectuée par le code des douanes de l’Union entraîne une applicabilité et une prise d’effet directes du droit européen mais son application continue à être assurée exclusivement par les systèmes douaniers nationaux, lesquels présentent des différences substantielles sur le plan de l’organisation, d’où morcellement, alourdissement du poids de l’administration, dysfonctionnements bureaucratiques et retards (3). En outre, la période de transition, de par son extrême longueur, est génératrice d’incertitudes et peut s’avérer pénalisante pour les entreprises, en particulier les microentreprises et les petites et moyennes entreprises, ainsi que pour les consommateurs.

4.3.

Alors qu’elles étaient traditionnellement chargées de récolter les droits de douane et les droits indirects, les autorités douanières sont à présent également appelées à contribuer au renforcement des frontières extérieures de l’UE et à la lutte contre les pratiques illégales qui ont des répercussions dommageables à l’extérieur comme à l’intérieur de ses frontières.

4.4.

Étant donné qu’il existe des disparités fondamentales pour ce qui a trait aux systèmes douaniers, aux mécanismes de contrôle, à l’infrastructure logistique, demandeuse de davantage d’équipements de haute technologie, à la dotation de la douane en moyens humains et aux ressources, les élargissements de l’UE ont encore alourdi le modèle décentralisé, qui requiert de coordonner et former à de nouvelles compétences plus de 120 000 agents douaniers.

4.5.

Si l’introduction des nouvelles technologies dans l’industrie européenne et la mise en place du marché unique numérique constituent des évolutions positives, tout comme la réforme du système de TVA qui est proposée, elles rendent toutefois encore plus prégnante la nécessité d’assouplir les procédures douanières et de les adapter à la complexité des échanges dans le monde d’aujourd’hui. Ce constat s’applique également à l’évolution des modes de production et de consommation, à l’augmentation des échanges commerciaux internationaux et aux menaces mondiales susceptibles d’entraver l’essor du commerce mondial, dans le cadre duquel s’inscrit également la politique commerciale de l’UE.

5.   Concept et principes fondamentaux de la gouvernance de l’union douanière

5.1.

La notion de gouvernance douanière doit se fonder sur les éléments constitutifs suivants:

des compétences mixtes, consistant, d’une part, à effectuer les contrôles douaniers et à collecter des droits (missions d’ordre purement économique) et, d’autre part, à prévenir les menaces mondiales qui pèsent sur l’Union (activités criminelles, terrorisme, crime organisé, atteintes à l’environnement et risques croissants liés au commerce de marchandises dangereuses) et contribuer à les réprimer,

l’investissement dans une mise en œuvre plus efficace, grâce à l’optimisation des ressources matérielles et technologiques, mais aussi humaines, nécessitant d’investir sérieusement pour développer et mettre à niveau les premières et de donner par ailleurs la priorité à la formation permanente et à l’opérationnalité des secondes, afin d’accroître leur professionnalisme et de garantir leur responsabilisation,

une action de soutien administratif de l’UE dans le domaine de la mise en œuvre homogène de la législation correspondante et d’un suivi plus intense de son application,

un renforcement de l’interconnectivité entre les autorités douanières nationales,

un étoffement de la coopération institutionnelle, visant à améliorer les délais de réaction et à parvenir dans toute la mesure du possible à la disponibilité opérationnelle la plus complète,

une approche transsectorielle en matière de sécurité, entre les autorités douanières et celles chargées de faire appliquer la loi, par la création de synergies et l’échange d’informations,

l’adaptation aux changements apportés par le train de mesures législatives pour la mise en place du marché unique numérique et la réforme de la TVA,

l’exploitation des nouvelles technologies et des innovations, dans le respect, toutefois, des données à caractère personnel des citoyens et des entreprises,

le souci prioritaire, dans tous les projets, de protéger le consommateur et de faciliter le dédouanement, sur la base du principe «Penser d’abord aux PME»,

les principes de la bonne administration, de la sécurité juridique et de la transparence,

l’accent mis sur la priorité au facteur humain et à la préservation de l’emploi.

6.   Les réformes indispensables à caractère général

6.1.

Conformément aux propositions avancées par la Commission — et auxquelles le CESE donne son adhésion —, il conviendra d’étoffer la vision opérationnelle de l’union douanière en une stratégie cohérente, dotée d’un calendrier précis et fondée sur les principes qui ont été exposés ci-dessus et sur les points analysés ci-après.

6.2.

Il s’impose de réaliser une étude d’impact et un rapport d’évaluation concernant le nouveau code des douanes européen, dont une version intermédiaire sera élaborée dans le courant de 2017, en suivant le modèle d’études antérieures mais en embrassant un plus large spectre et en abordant l’ensemble des champs d’intervention (4), de façon que la stratégie s’emploie à éliminer les points problématiques, lacunes, doubles emplois, incohérences et dispositions dépassées et à asseoir les étapes suivantes de cette initiative sur des bases solides (5). Ladite étude devra aussi examiner tout particulièrement les répercussions touchant au potentiel humain des douanes.

6.3.

Il conviendra de mettre l’accent sur l’échange d’informations et de bonnes pratiques entre douanes et autorités administratives, à réaliser par un recours systématique et méthodique aux technologies de l’information. À cette fin, il y a lieu de réaliser une évaluation, dans une perspective douanière, des bases de données qui existent actuellement.

6.4.

Un modèle décentralisé et favorable aux entreprises, fondé sur la structure administrative des États membres n’est susceptible d’être opérant que s’il est à l’écoute des autorités administratives nationales. Aussi est-il nécessaire de créer des structures institutionnelles permanentes et souples. À cette fin, il est proposé de constituer une instance ou agence de soutien, qui sera placée sous la houlette de la Commission et à laquelle prendra part le groupe de politique douanière, avec les objectifs suivants:

apporter une assistance pour les questions de mise en œuvre de la législation, notamment en rédigeant un guide cohérent d’application du code des douanes de l’Union européenne et en systématisant les autres textes,

assurer la gestion de l’infrastructure informatique, en y associant notamment l’institut de formation des personnels des douanes (6). Sur la base du cadre de compétence des douanes de l’UE, cet institut sera responsable:

d’assurer une spécialisation poussée et de favoriser l’expertise des professionnels du secteur douanier, sur la base des parcours de formation européens,

d’organiser des programmes d’action opérationnelle et de formation continue, qui seront spécifiquement axés sur les problématiques de sécurité,

de réaliser un guide cohérent pour la mise en œuvre du code des douanes de l’Union européenne et ses dispositions d’application et systématiser la législation afférente,

d’assurer une gestion commune des systèmes informatiques, de manière à parvenir à ce que les informations et les procédures soient accessibles sur une plate-forme unique, pour faciliter la tâche vis-à-vis des entreprises de pays tiers. Dans cette perspective, il conviendra d’encourager immédiatement le passage à un environnement sans papier, en créant un point de référence commun pour simplifier les procédures, comme le prévoit le code des douanes de l’Union,

de donner la possibilité de prendre de décisions pour l’adoption de lignes directrices visant à réagir de manière rapide et directe à des nouveaux défis.

S’agissant de cet organisme, le CESE maintient sa position et recommande de constituer un groupe européen d’intervention rapide, qui soutiendra les autorités douanières dans leur mission spécifique et de haute portée, en particulier dans le cas de celles qui opèrent aux frontières extérieures de l’Union.

6.5.

Le CESE estime que le groupe de politique douanière de la Commission, qui travaille de manière informelle et dont les compétences sont très réduites et l’influence négligeable pour l’instant, peut jouer un rôle notable dans la nouvelle ère de gouvernance douanière (7). En conséquence, le CESE recommande de rédiger un règlement intérieur de cette instance et préconise que les États membres collaborent pour qu’elle fonctionne aussi efficacement que possible. Le CESE attache en outre une importance notable à l’idée de renforcer vigoureusement la coopération existante entre les États membres et les groupes d’experts sur les questions de politique douanière.

6.6.

Le CESE considère que le programme «Douanes 2020» a produit des résultats positifs pour diffuser et communiquer des informations relatives à l’union douanière, tant auprès des agents des douanes que des entreprises. Il constitue un outil appréciable pour la coopération de l’UE avec les pays en voie d’adhésion ou candidats potentiels à l’adhésion à l’Union (8), de sorte que l’élargir et l’étendre au-delà des limites qui lui ont été assignées dans le temps contribuera à simplifier les actions horizontales (9) pour les questions suivantes:

une action continue et de qualité en matière de formation technique et d’information du personnel intéressé, s’appuyant sur des données et modèles européens,

un volet d’investissement et de financement, visant à mettre à niveau et moderniser les infrastructures liées au contrôle non invasif et en laboratoire, ainsi que les cadres nationaux pour la réalisation d’un système numérique unique.

6.7.

Par ailleurs, le CESE considère que le programme «Fiscalis 2020», qui a pour visée d’améliorer les systèmes fiscaux des États membres, pourrait contribuer tout autant à développer des actions communes et à encourager une coopération plus étroite des autorités du fisc et des douanes au niveau interétatique.

6.8.

Le CESE soutient la Commission dans les efforts qu’elle déploie, tels que décrits notamment dans la communication sur le plan d’action pour la TVA, afin de renforcer cette coopération en créant une boîte à outils qui sera à la disposition des autorités des États membres, tant celles chargées d’élaborer la loi que les autres, lorsqu’elles s’efforcent de lutter contre la fraude fiscale en rapport avec la TVA. Cette panoplie d’instruments aidera à faciliter la transition vers le régime définitif de l’UE en matière de TVA pour le commerce transfrontière, fondé sur le principe du pays de destination.

6.9.

Le CESE soutient les initiatives s’inscrivant dans les normes et le cadre du dialogue mené au sein de l’Organisation mondiale des douanes (OMD) et, en conséquence, se félicite de l’instauration du statut d’opérateur économique agréé et des accréditations et certifications uniques. Il invite dès lors la Commission à examiner la possibilité de les affiner éventuellement dans le sens d’une nouvelle réduction des contraintes administratives et des obstacles à charge des entreprises.

6.10.

Dans le même contexte, le CESE juge qu’il est indispensable de s’employer à pérenniser et mettre en œuvre l’accord de l’OMC sur la facilitation des échanges, qui simplifie et clarifie les procédures internationales d’import-export, les formalités douanières et les exigences en matière de transit. De surcroît, il estime qu’il est crucial d’intensifier le processus de conclusion d’accords d’assistance administrative réciproque avec les partenaires commerciaux de l’UE, dans une démarche cohérente avec la collaboration commerciale toujours plus serrée menée avec les pays tiers.

6.11.

Le CESE salue la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur le cadre juridique de l’Union régissant les infractions douanières et les sanctions qui y sont applicables, qui a malheureusement accumulé un retard important: son adoption, moyennant l’incorporation des positions exprimées par le Parlement en première lecture mais également des observations déjà formulées par le CESE (10), contribuera à rendre le droit en la matière plus uniforme et à assurer une plus grande sécurité juridique.

6.12.

Le CESE considère qu’il est indispensable de créer un guichet unique européen (portail) qui, fondé sur le principe du contrôle unique, réduira au maximum les charges administratives et simplifiera dans une mesure exceptionnelle les procédures de dédouanement. Cette initiative nécessitera de développer immédiatement la base des certificats au niveau de l’Union et d’automatiser leur contrôle.

6.13.

Le CESE est préoccupé par les changements que le Brexit est susceptible de produire aux frontières de l’UE. Il n’en est pas moins favorable à ce que les négociations soient menées dans une pleine transparence et en toute bonne foi. Il y aura lieu, à son estime, de garantir l’attachement au processus de paix en Irlande du Nord et d’éviter que ne soit mise en place une frontière «dure», sans toutefois que l’Union et ses intérêts ne se trouvent lésés.

7.   Les réformes de nature spécifique à effectuer (coopération policière et judiciaire concernant les affaires pénales, santé et sécurité et mesures environnementales)

7.1.

Dans ce domaine, l’accent devra être mis sur le souci de protéger les frontières extérieures de l’UE face aux menaces, en développant des synergies avec les pays voisins ou les États candidats et candidats potentiels à l’adhésion, ainsi qu’avec les autorités douanières correspondantes, afin de gérer les risques découlant de situations exceptionnelles du point de vue de la sécurité (fraude et activités délictueuses connexes, terrorisme, accidents sanitaires, vétérinaires et phytosanitaires, ou encore environnementaux), tout en étudiant la possibilité de renforcer la coopération internationale pour les mêmes motifs, notamment avec les partenaires commerciaux potentiels et actuels.

7.2.

Il est nécessaire de mener un examen systématique sur la nécessité de réformer d’autres législations spécifiques qui, d’application depuis plus d’une décennie sans avoir été modifiées, exercent un impact considérable sur l’administration douanière. La plate-forme REFIT pourrait constituer un instrument utile pour évaluer si le cadre de normes de la législation douanière est adapté à sa finalité de ce point de vue. Le CESE souligne toutefois que toute réforme qui sera engagée ne devra entraver ni la facilitation des échanges commerciaux licites, ni la protection des droits fondamentaux.

7.3.

Le CESE se félicite qu’une stratégie et un plan d’action de l’UE sur la gestion des risques en matière douanière aient été élaborés et mis en œuvre et fait observer qu’il est nécessaire d’intensifier les efforts dans les domaines qui n’entrent pas dans le champ de compétence des douanes, comme le relève le rapport d’avancement 2016 de la Commission.

7.4.

Tout en applaudissant les efforts déployés au niveau bilatéral, le CESE estime en outre qu’une institutionnalisation plus poussée et une coordination centrale sont nécessaires en ce qui concerne la coopération des autorités douanières, judiciaires et policières, dans l’optique de lutter plus efficacement contre le financement du terrorisme et du trafic d’armement et de protéger les droits de la propriété intellectuelle, les biens à usage double et la technologie afférente, en procédant à des contrôles fondés sur les risques, comme le prévoit le système commun de gestion des risques en matière douanière (SCGR) et en tenant dûment compte de la stratégie et du plan d’action de l’UE sur la gestion des risques en matière douanière ainsi que du plan d’action de la Commission destiné à renforcer la lutte contre le financement du terrorisme. Par ailleurs, il est nécessaire de renforcer les efforts déployés pour mener une lutte efficace et opérante contre la contrefaçon et le piratage.

7.5.

Il y a lieu d’accélérer les procédures de modification du règlement (CE) no 1889/2005 du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 relatif aux contrôles de l’argent liquide entrant ou sortant de la Communauté, en se fondant sur les résultats de la consultation publique et sur les recommandations du groupe d’action financière.

7.6.

Pour ces objectifs spécifiques, il faudra procéder à un réexamen de la liste noire des pays qui refusent de lutter de manière satisfaisante contre le blanchiment d’argent. Le Parlement européen a récusé ladite liste, au motif qu’elle ne correspondait pas totalement aux données à jour, et en conséquence, il est demandé d’intensifier les contrôles, comme prévu dans la directive en cours de révision (quatrième directive sur la lutte contre le blanchiment d’argent).

7.7.

Le CESE demande instamment au Conseil et au Parlement de faire aboutir la création du Parquet européen, chargé de mener des enquêtes sur les auteurs d’infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, d’engager des poursuites à leur encontre et de les traduire en justice, et il appelle toutes les parties à se joindre à cet effort.

7.8.

Le CESE juge également qu’il conviendra, sur le modèle de la stratégie pour la gestion intégrée des frontières et sur la base du règlement (UE) 2016/1624, avec une référence particulière au programme européen en matière de sécurité, de renforcer et d’intensifier la coopération intersectorielle et interservices entre les agences européennes, décentralisées ou non, telles que l’Office européen de police (Europol), l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex), l’Agence européenne pour la sécurité maritime (EMSA), l’Unité de coopération judiciaire européenne (Eurojust), l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), ou d’autres instances encore, dans le but:

de renforcer le dialogue entre agences et la mobilisation des autorités douanières s’agissant de promouvoir l’action et la présence de l’Union à ses frontières extérieures, par le truchement de ses États membres, aux fins de la prévention et de la détection des infractions, ainsi que des enquêtes à mener en la matière,

de créer un système d’alerte rapide pour l’échange d’informations et de données (partage de données sur la chaîne d’approvisionnement et d’informations relatives aux risques), se situant dans le droit fil des dispositions prévues par la législation européenne sur la protection des données à caractère personnel et tenant dûment compte de la stratégie rénovée de sécurité intérieure (2015-2020),

de moderniser les contrôles douaniers et de développer la coordination de la coopération douanière au niveau de l’UE,

de collecter, échanger et consigner les bonnes pratiques afin de partager et mutualiser les capacités et les compétences,

de préparer la transition vers un système de frontières intelligentes.

Bruxelles, le 20 septembre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO C 229 du 31.7.2012, p. 68.

(2)  Étude d’autoévaluation (évaluation du fonctionnement de l’union douanière par les services nationaux des douanes). Étude d’évaluation de l’union douanière par les entreprises et les autres autorités (contrat spécifique no 13 pour la réalisation du contrat-cadre TAXUD/2010/CC/101, DG TAXUD, 2013).

(3)  Voir, par exemple, l’avis du CESE sur l’état de l’union douanière (JO C 271 du 19.9.2013, p. 66).

(4)  Communication de la Commission européenne sur la réforme de la gouvernance de l’union douanière (DG TAXUD — A1, juillet 2015).

(5)  Résolution du Parlement européen du 19 janvier 2017 sur les défis à relever dans le cadre de la mise en œuvre du code des douanes de l’Union européenne [2016/2017(RSP)], P8_TA(2017)0011.

(6)  Le CESE avait également avancé cette proposition dans son avis sur le code des douanes de l’Union européenne (JO C 229 du 31.7.2012, p. 68), sous la forme d’un institut de formation des personnels des douanes. La Commission européenne n'a pas repris cette proposition dans ledit code des douanes.

(7)  Groupe de politique douanière — Membres titulaires (niveau des directeurs généraux des autorités douanières de l’UE — E00944).

(8)  Ont pris part au programme les 28 États membres de l’Union et 6 pays en voie d’adhésion ou candidats à l’adhésion.

(9)  Voir, par exemple, http://ec.europa.eu/taxation_customs/business/customs-cooperation-programmes/customs-2020-programme_fr

(10)  JO C 487 du 28.12.2016, p. 57.


15.12.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 434/51


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Plan d’action relatif aux services financiers pour les consommateurs: de meilleurs produits, un plus grand choix»

[COM(2017) 139 final]

(2017/C 434/08)

Rapporteur:

Michael IKRATH

Corapporteur:

Carlos TRIAS PINTÓ

Consultation

Commission européenne, 26 avril 2017

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section spécialisée

5 septembre 2017

Adoption en session plénière

20 septembre 2017

Session plénière no

528

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

136/0/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE se félicite que la Commission européenne, à ce stade, s’abstienne de toute intervention réglementaire et l’assure de son soutien dans sa détermination à mettre en œuvre les règles de concurrence correspondantes, si cela se révèle nécessaire pour garantir des conditions de concurrence équitables et protéger les consommateurs.

1.2.

Le CESE accueille favorablement l’initiative de la Commission européenne visant à approfondir le marché unique à travers le plan d’action, ce qui implique, d’une part, une extension progressive de l’Union économique et monétaire et, d’autre part, une harmonisation accrue des produits et des services financiers en combinaison avec l’innovation numérique, tout en maintenant des conditions de concurrence équitables et neutres du point de vue de la technologie et du modèle commercial.

1.3.

Le CESE demande aux États membres de redoubler d’efforts afin de garantir une mise en œuvre approfondie, harmonisée, coordonnée et systématique du large éventail de normes paneuropéennes en cours d’application en s’assurant de leur caractère pleinement inclusif pour les consommateurs, tout en protégeant ces derniers des nombreux risques liés aux nouveaux scénarios financiers.

1.4.

Le CESE fait observer qu’il convient d’accorder une attention particulière aux banques de détail traditionnelles («boring banks») en tant qu’intermédiaires clefs de ces produits et services. Traditionnellement, ces établissements, notamment les banques régionales ou locales, jouissent d’un niveau élevé de confiance auprès des consommateurs de l’UE, et la tendance à changer de fournisseur est assez limitée. Toutefois, il convient de donner une plus grande visibilité aux produits transfrontières, symbole de l’idée du marché unique et de la libre circulation des personnes et des biens.

1.5.

Dans le même temps, il y a lieu de prendre en considération les préoccupations des consommateurs, qui concernent par exemple les différences de langue et de législation, les frais plus élevés pour les non-résidents, le refus d’accès à certains services et produits financiers pour les non-résidents, les différences fiscales, la surexploitation de la législation relative au blanchiment d’argent et les risques liés aux opérations de change.

1.6.

Le CESE invite la Commission à effectuer une étude afin de déterminer combien d’emprunteurs à faible pouvoir économique, qui ne disposent pas d’un accès au crédit à la consommation dans leur pays, ont recours aux services transfrontières (loan shopping) et sont ainsi confrontés à un risque élevé de surendettement.

1.7.

Pour renforcer la comparabilité et la transparence des produits et des services financiers, et créer des conditions de concurrence équitables entre les États membres, le CESE recommande d’adopter des mesures permettant de s’assurer que les régimes fiscaux pour les produits et les services ne sont plus un obstacle à une concurrence loyale.

1.8.

Le CESE invite la Commission à garantir des instruments adéquats, indépendants et obligatoirement certifiés de comparaison entre les différents produits financiers dans les différentes juridictions qui composent l’Union européenne.

1.9.

Le CESE recommande de mettre en place une réglementation pour les géants de l’informatique non européens tels que Google, Apple et autres, qui, grâce à leurs bases de données clients, peuvent offrir des produits personnalisés en vente directe sans être soumis aux règles de la consommation de l’UE et à d’autres dispositions légales.

1.10.

Le CESE est fermement convaincu que la numérisation modifie de façon continue et constante les habitudes de consommation. Par conséquent, il salue et soutient l’approche de la Commission en faveur du développement du marché unique numérique, qui accorde une attention particulière aux services financiers. C’est à juste titre que la Commission met l’accent sur l’élimination des obstacles qui entravent la distribution numérique transfrontière (blocage géographique). De l’avis du CESE, c’est là la seule possibilité de créer un véritable marché unique des services financiers pour les consommateurs.

1.11.

Dans le domaine du FinTech et dans l’intérêt d’une réglementation durable, et pour préserver le plus possible la stabilité financière, le Comité est d’avis que des conditions de concurrence équitables doivent exister entre tous ceux qui proposent les services financiers visés et que les mêmes garanties pour les consommateurs que celles existant dans le domaine bancaire traditionnel doivent prévaloir à tout moment.

1.12.

Le CESE recommande à la Commission de définir des produits supplémentaires simples, présentant des caractéristiques identiques et, de ce fait, comparables et transparents, en plus des produits de consommation déjà prévus par le plan d’action. Ces derniers présentent l’avantage de pouvoir être offerts comme «produits phares» dans l’ensemble de l’UE au moyen de différents systèmes de distribution (entreprises de technologie financière, succursales classiques, etc.), afin de renforcer la confiance des consommateurs dans les produits. Disposant d’informations fiables sur le produit et sur la transparence de ce dernier, le consommateur peut choisir sans risque le meilleur fournisseur dans l’ensemble de l’UE.

1.13.

L’indépendance entre les différentes parties engagées dans la gestion d’un même service financier, en évitant tout conflit d’intérêts, devrait être renforcée, étant donné que cela facilite la bonne gouvernance et l’efficacité du contrôle des services financiers.

1.14.

Le CESE insiste sur la nécessité de réexaminer périodiquement l’incidence de chaque réglementation sur le développement des produits et des services financiers offerts aux consommateurs, tout en renforçant comme il convient les moyens dont disposent les autorités de contrôle. De même, il rappelle qu’il est indispensable de disposer d’un mécanisme de règlement extrajudiciaire des litiges [alternative dispute resolution (ADR)] et d’un mécanisme de résolution en ligne des litiges [online dispute resolution (ODR)] efficaces dans le domaine des opérations transfrontalières et qu’il s’agit là d’un facteur clef pour renforcer la confiance des consommateurs.

1.15.

En dernier ressort, si l’on veut que les résultats obtenus pour les citoyens et les entreprises soient efficaces et efficients tout en engendrant un minimum de coûts, le Comité est d’avis que toute action et tout texte en la matière doit s’inspirer et tenir compte des principes du programme REFIT. Sans compromettre les objectifs clairs définis dans ce domaine, il importe que toute future législation et réglementation y relative reste simple et supprime les charges inutiles. De même, pour qu’un véritable marché unique sans fragmentation devienne réalité, toute surréglementation au niveau national ou régional doit être évitée.

2.   Contexte

2.1.

Le plan d’action à l’examen a pour objectif de fournir aux consommateurs européens un plus grand choix et un meilleur accès aux services financiers dans l’ensemble de l’Union.

2.2.

Il concerne des services financiers (par exemple, les dépôts sur les comptes courants, les services de paiement, les cartes de crédit, les crédits hypothécaires et autres prêts ainsi que divers types d’assurance) qui constituent une composante importante de la vie quotidienne des consommateurs.

2.3.

Le plan d’action est une partie intégrante du développement d’un marché unique plus approfondi et plus équitable. En ce qui concerne les services financiers, cela signifie que la concurrence entre les prestataires de services financiers et les choix offerts aux consommateurs doivent être améliorés, afin de permettre à ces derniers de bénéficier de prix plus avantageux ainsi que d’une amélioration de la qualité des produits et des innovations.

2.4.

Les consommateurs doivent pouvoir faire librement leur choix dans le large éventail de services et de produits financiers disponibles dans l’ensemble de l’Union, quel que soit l’État membre dans lequel est installé le fournisseur.

2.5.

Les fournisseurs de services et de produits financiers doivent avoir la possibilité de tirer parti d’un marché à l’échelle de l’Union (le marché intérieur).

2.6.

L’Union a d’ores et déjà adopté toute une série de mesures destinées à établir un marché unique des services financiers pour les consommateurs, comme par exemple la directive sur les comptes de paiement (1), la directive sur le crédit hypothécaire (2), la directive sur la distribution d’assurances (3), le plan d’action pour la mise en place d’une union des marchés des capitaux (4), la stratégie pour le marché intérieur européen (5) et la stratégie pour le marché unique numérique (6).

2.7.

Le plan d’action à l’examen a été élaboré sur la base d’une consultation menée à partir du livre vert de la Commission (7) afin de recenser et de supprimer les derniers obstacles.

2.8.

Le plan d’action comporte trois axes principaux:

le renforcement de la confiance des consommateurs et de leur position,

la réduction des obstacles légaux et réglementaires,

le soutien durable au développement de services numériques innovants.

Afin de permettre leur mise en œuvre,12 actions ont été définies.

2.9.

Compte tenu du fait que seuls 7 % des consommateurs utilisent actuellement des services financiers en provenance d’un autre État membre, le plan d’action donne la priorité au développement des technologies financières et du commerce en ligne.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE rappelle que la création d’un marché unique des services financiers de l’UE passe nécessairement par une harmonisation des différentes initiatives de l’Union relatives au marché financier. C’est ainsi, par exemple, que l’union des marchés de capitaux s’applique à tous les États membres, alors que l’union bancaire et ses trois piliers ne concernent que la zone euro, laissant de côté les marchés des «nouveaux» États membres. Ce constat montre qu’il existe des limites invisibles à l’ambition de fourniture transfrontière de services et de produits financiers.

3.2.

C’est la raison pour laquelle le CESE estime qu’il convient (parallèlement à un approfondissement accru du marché unique des services financiers) d’élargir l’Union économique et monétaire: sans la participation progressive de tous les pays à la monnaie unique — dans le domaine du numérique notamment — le plan d’action ne peut réellement aboutir. En outre, des monnaies numériques alternatives telles que le bitcoin risquent également de profiter de cette situation, ce qui pourrait nuire à la sécurité, à la protection des données et à la confiance des consommateurs en matière de services financiers transfrontières.

3.3.

Le CESE souligne qu’à l’heure actuelle, pour le consommateur, le secteur des services financiers demeure un modèle économique local et régional. Dès lors, étant donné que des craintes et incertitudes subsistent en ce qui concerne les contours du nouveau scénario financier, il souscrit aux conclusions de la Commission selon lesquelles «la majorité des consommateurs continuera à privilégier l’offre locale» (8).

3.4.

Le CESE considère que les différents régimes fiscaux auxquels ils sont soumis dans les États membres constituent un élément essentiel pour assurer la comparabilité et la transparence des produits financiers. Dans de nombreux cas, l’attractivité des produits de base réside dans les incitations fiscales dont ne bénéficient toutefois que les contribuables nationaux. En outre, la lutte contre l’évasion fiscale, qui met en doute l’honnêteté fiscale des titulaires de comptes à l’étranger, constitue un véritable obstacle pour les marchés financiers transfrontières. Par conséquent, le CESE invite la Commission à inclure dans le plan d’action davantage de propositions dans ce domaine.

3.5.

Malgré les efforts considérables déployés par la Commission, d’après l’enquête Eurobaromètre spécial 446, seuls 7 % des citoyens de l’UE ont eu recours à des services financiers transfrontières. Par ailleurs, on ne sait pas très bien combien, parmi les emprunteurs à faible pouvoir économique qui ne disposent pas d’un accès au crédit à la consommation dans leur pays, ont recours aux services transfrontières (loan shopping) et sont ainsi confrontés à un risque élevé de surendettement. Le CESE propose dès lors de mener une étude sur cette question.

3.6.

Il convient toutefois de ne pas oublier que la demande de services transfrontières concerne les régions ayant une même langue en commun. Cela étant dit, même au sein des marchés nationaux, moins d’un tiers des consommateurs changent de fournisseur. Cette situation s’explique principalement par le degré de satisfaction plus élevé dont jouissent les banques de détail traditionnelles locales ou régionales (voir l’enquête Eurobaromètre spécial 446). À cet égard, le CESE attire l’attention sur le fait que la rentabilité de la banque de détail régionale, en particulier, est soumise à de fortes pressions depuis le début de la crise financière. Il y a lieu par conséquent d’examiner la manière dont les banques pourront supporter les coûts élevés découlant de la proportion relativement faible de clients d’autres États membres. Le CESE invite instamment la Commission à se pencher sur d’autres raisons de ce faible pourcentage d’achat transfrontalier de produits financiers, telles que les différences de langue et de législation, les frais plus élevés pour les non-résidents, le refus d’accès à certains services et produits financiers pour les non-résidents, les différences fiscales, la surexploitation de la législation relative au blanchiment d’argent et les risques liés aux opérations de change, etc.

3.7.

Dans ce contexte, le CESE estime nécessaire de veiller tout particulièrement à ce que le rôle des prestataires de services financiers qui bénéficient de la confiance des consommateurs, à savoir les banques de détail régionales et locales, soit préservé. À cette fin, il convient de disposer d’une réglementation bancaire beaucoup plus différenciée allant dans le sens d’une application plus cohérente du principe de proportionnalité (9). Ce n’est qu’à cette condition que ces banques pourront réussir en tant que «champions» ou «suiveurs» de l’innovation.

3.8.

De l’avis du CESE, c’est un préalable pour que les visées légitimes de la Commission puissent être prises en compte, à savoir que le secteur financier tire parti des technologies modernes nécessaires au développement du marché intérieur tout en restant sain du point vue économique et sûr, pour les consommateurs comme pour les investisseurs.

3.9.

Le CESE est fermement convaincu que la numérisation modifie de façon continue et constante les habitudes de consommation. Par conséquent, il salue et soutient l’approche de la Commission en faveur du développement du marché unique numérique, qui accorde une attention particulière aux services financiers. C’est à juste titre que la Commission met l’accent sur l’élimination des obstacles qui entravent la distribution numérique transfrontière (blocage géographique). De l’avis du CESE, c’est là la seule possibilité de créer un véritable marché unique des services financiers pour les consommateurs. Toutefois, d’autres mesures (voir paragraphe 3.6) sont également nécessaires.

3.10.

Le CESE partage l’avis de la Commission selon lequel les travaux futurs devront porter en premier lieu sur la mise en œuvre adéquate de la législation déjà adoptée (voir paragraphe 2.6). En second lieu, des mesures supplémentaires sont nécessaires pour garantir que les consommateurs peuvent tirer parti des avantages que présente un marché financier unique à l’échelle de l’Union européenne.

3.11.

À cet égard, le CESE se félicite que le plan d’action soit assorti d’un ambitieux train de mesures et espère que les législateurs nationaux, les autorités de surveillance et les organisations de consommateurs prendront pleinement part à leur mise en œuvre. En l’occurrence, les partenaires sociaux ont également un rôle essentiel à jouer.

3.12.

De même, le CESE se félicite que les acteurs du marché puissent bénéficier de possibilités plus nombreuses de développer leurs propres services financiers, en particulier dans le domaine de l’innovation numérique. Ainsi, les conditions du marché, actuellement très différentes selon les États membres, se trouvent correctement prises en compte eu égard à l’objectif commun.

3.13.

Le CESE recommande à la Commission de définir, outre les produits de consommation qui figurent déjà dans le plan d’action, d’autres produits qui soient simples, présentent les mêmes caractéristiques et soient aisément comparables et pleinement transparents. De tels produits présentent l’avantage de pouvoir être proposés en tant que «produits phares» dans l’ensemble de l’UE à travers différents systèmes de distribution (entreprises de technologie financière, succursales classiques, etc.), afin de renforcer la confiance des consommateurs dans les produits. Disposant d’informations fiables sur le produit et sur la transparence de ce dernier (terminologie harmonisée, usage raisonnable des descriptions techniques, clauses contractuelles facilement lisibles et compréhensibles), le consommateur peut choisir sans risque le meilleur fournisseur dans l’ensemble de l’UE.

3.14.

Le CESE est d’avis que l’alliance efficace de nouvelles technologies en ligne et de produits de consommation comparables et transparents sera d’une importance cruciale pour la poursuite de l’approfondissement d’un marché unique dans le secteur des services financiers.

3.15.

Le CESE se félicite dès lors que le document de réflexion sur l’approfondissement de l’Union économique et monétaire que la Commission a présenté le 1er juin comporte des aspects essentiels portant sur l’harmonisation des produits et services financiers au sein de l’UE. Il convient notamment d’établir des conditions de concurrence équitables entre les différents États membres et entre les fournisseurs de services financiers. Les propositions de l’Union concernant l’UEM simplifient encore la comparabilité et la présentation de produits financiers «transfrontières» spécifiques.

3.16.

De même, dans ce contexte, le CESE estime qu’il est capital de soutenir la réglementation durable des sociétés de technologie financière (FinTech). Lors de la crise financière de 2008-2010, les banques de détail traditionnelles ne parvenaient plus à accomplir correctement leur mission principale — l’octroi de prêts aux PME et aux particuliers —, notamment parce qu’elles étaient soumises à une réglementation très rigide (Bâle 3/CRD IV), alors que l’offre des sociétés de technologie financière ne relevait pas de cette même réglementation. Par conséquent, le CESE plaide en faveur de l’établissement de conditions de concurrence équitables, avant même la mise en place du plan d’action en faveur des services financiers transfrontières pour les consommateurs, au moyen d’une réglementation s’appliquant aux banques de détail traditionnelles et aux FinTech (10).

3.16.1.

Il est impératif que la Commission aborde les préoccupations des consommateurs relatives à la technologie financière, comme par exemple la protection des données à caractère personnel et de la vie privée, les mécanismes de recours, les risques de surendettement, les conséquences d’une insolvabilité potentielle de ces plateformes, le manque de conseils indépendants et responsables sur les produits et services qu’elles offrent, les risques d’exclusion financière des consommateurs ne disposant pas des connaissances numériques nécessaires, l’exploitation et l’utilisation des mégadonnées, la disponibilité et l’accessibilité de ces produits, de manière à restaurer la confiance des consommateurs dans les institutions financières, sérieusement mise à mal en raison de la crise.

3.17.

Le CESE invite les États membres à veiller à ce que la mise en œuvre de chacune des mesures de ce plan d’action suive et respecte à tout moment la directive sur les exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services, conformément à l’acte législatif européen sur l’accessibilité.

3.18.

Le plan d’action n’atteindra l’efficacité souhaitée que s’il va de pair avec un renforcement progressif (tant qualitatif que quantitatif) de la mission de contrôle des autorités financières, notamment par la mise en place d’actions systématiques de surveillance du comportement des fournisseurs de services financiers dans l’application de la directive concernant les marchés d’instruments financiers (MiFID II) et de la directive révisée sur les services de paiement (DSP2), et en veillant à l’équilibre complexe entre respect de la vie privée et transparence ainsi qu’à la distinction entre les fonctions de conseil et de commercialisation du produit. Il convient également d’accorder une attention particulière aux agences de notation de crédit et aux services d’intermédiaires financiers indépendants, comme le soulignait déjà le CESE dans son avis sur le livre vert.

3.19.

L’éducation et la formation tout au long de la vie sont nécessaires pour lutter contre l’analphabétisme financier, lequel peut conduire au surendettement et à l’exclusion financière et sociale.

4.   Observations particulières

4.1.

En conséquence des observations formulées au paragraphe 3, le CESE recommande à la Commission de concentrer ses efforts sur la mise en œuvre rapide des mesures figurant au titre de l’action no 4 (améliorer la qualité et la fiabilité des sites internet comparateurs de services financiers), de l’action no 8 (examiner les règles nationales de protection des consommateurs), de l’action no 10 (technologies financières) et de l’action no 11 (identification électronique).

4.2.   (Action no 11)

Le CESE considère que les incohérences dans la mise en œuvre nationale des dispositions en vigueur en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux (par exemple, celles relatives à l’exigence de résidence) constituent un sérieux obstacle au développement ultérieur du marché unique de détail. Il y a lieu de tout mettre en œuvre afin de disposer de moyens d’identification électronique propres à garantir que de nouvelles relations de clientèle peuvent être entamées le plus rapidement possible au sein du marché unique. Il convient de s’attaquer aux problèmes relatifs à la sécurité et à la responsabilité afin de renforcer la confiance des consommateurs dans les procédures d’identification électronique.

4.3.

Le CESE salue dès lors tout particulièrement les mesures proposées au titre de l’action no 11, telles que l’application du règlement sur l’identification électronique (règlement eIDAS) — par exemple son extension aux relations contractuelles d’entreprises à consommateurs (B2C) — ainsi que la promotion de nouveaux moyens de «dématérialisation du processus de souscription» (par exemple l’identification vidéo). À cet égard, le CESE soutient la position correspondante du Parlement européen (11) sur la cinquième directive relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux (12). Toutes ces procédures numériques ne doivent nuire ni à la protection des données, ni à celle de la vie privée.

4.4.   (Action no 10)

Afin de veiller à ce que l’innovation financière évolue de pair avec la protection des consommateurs, le CESE plaide en faveur de la création d’un cadre dédié à l’expérimentation de nouveaux services financiers (13), lesquels, après avoir été testés en collaboration avec les parties prenantes, pourront venir compléter la gamme des produits financiers standardisés (conformément au paragraphe 3.12).

4.5.   (Action no 8)

Le CESE soutient les mesures proposées au titre de l’action no 8 visant à repérer et à supprimer les cas de surréglementation injustifiée dans la transposition par les États membres de la législation de l’Union. Néanmoins, les règles de protection des consommateurs ne doivent pas être affaiblies.

4.6.

Le CESE recommande en outre d’examiner la législation en vigueur relative aux services financiers sous l’angle de son impact attendu sur le marché unique, ainsi que sa pertinence numérique. Les informations fournies aux consommateurs doivent être compréhensibles, simples et appropriées, et leur permettre de faire des choix qui soient adaptés à leurs besoins. Les obligations excessives en matière d’information, de conseil et de documentation sont particulièrement préjudiciables au développement d’un marché unique numérique dans le domaine des services financiers. En ce sens, il conviendrait d’adopter une approche d’évaluation globale.

4.7.   (Action no 1)

En ce qui concerne la proposition de l’action no 1 consistant à étendre le règlement (14) sur les paiements transfrontières aux paiements effectués dans d’autres devises que l’euro, le CESE souligne que les coûts pour les fournisseurs sont beaucoup plus élevés que lorsqu’ils sont libellés en euros. Le CESE considère dès lors qu’une différence de prix par rapport aux paiements effectués en euros est justifiée. Il préconise par conséquent d’appliquer, pour les transactions dans d’autres devises que l’euro, des prix qui permettent de couvrir les coûts et qui tiennent compte, conformément au principe de proportionnalité, de la taille du fournisseur chargé de l’exécution et de la fréquence des transferts effectués.

4.8.   (Action no 2)

La Commission devrait renforcer la transparence des exigences en matière de change dynamique.

4.9.   (Action no 3)

Le CESE est favorable en principe à cette mesure de la Commission, mais fait observer que la mise en œuvre jusqu’à présent incorrecte du règlement SEPA (15) par certains acteurs du marché est une source de problèmes qui ne relèvent ni de la responsabilité des consommateurs, ni de celle des fournisseurs de services financiers. Le CESE demande dès lors à la Commission de donner la priorité à la pleine application de l’article 9 du règlement SEPA (interdiction de la discrimination fondée sur l’IBAN). C’est le seul moyen d’étendre le service de changement de compte bancaire de manière à le rendre efficace au sein du marché unique.

4.10.   (Action no 4)

Le CESE estime que le respect des «principes clefs pour les outils de comparaison» est indispensable et invite la Commission à contrôler strictement les portails internet existants en collaboration avec les parties intéressées, en particulier les organisations de consommateurs. Les sites web de comparaison devraient respecter certains critères d’indépendance et de transparence. De même, ils devraient être obligatoirement certifiés.

Le CESE propose d’examiner avec les parties prenantes l’éventualité de la création d’un portail internet indépendant de comparaison paneuropéen qui intégrerait les produits financiers transfrontières phares susmentionnés (voir paragraphe 3.13).

4.11.   (Action no 9)

Le CESE est favorable aux dispositions proposées visant à favoriser l’harmonisation de l’évaluation de la solvabilité au niveau européen, étant donné que l’ouverture transfrontière de crédits à la consommation par des consommateurs à faible pouvoir économique comporte un risque d’endettement. Il soutient dès lors la création de critères minimum harmonisés pour l’évaluation de la solvabilité qui tiennent compte des normes d’évaluation de crédit existantes (directive 2008/48/CE (16), directive 2014/17/UE (17)). Il convient de veiller à cet égard à ne pas remettre en question les modèles d’évaluation de la solvabilité établis sur la base d’algorithmes découlant de Bâle III (Credit Tech).

4.12.   (Action no 7)

Le CESE soutient les efforts déployés par la Commission pour trouver des moyens d’éviter le surendettement des consommateurs. L’éducation financière, la formation tout au long de la vie, ainsi que le prêt responsable, la réglementation et la législation sur l’insolvabilité des consommateurs (18) doivent être au centre des préoccupations. Dans le but de promouvoir une éducation financière plus ambitieuse et harmonisée, le CESE recommande à la Commission d’inscrire la culture financière comme une compétence supplémentaire dans le contexte de la révision en cours du cadre européen de compétences clefs. Les partenaires sociaux ont une responsabilité particulière à cet égard.

4.13.

De même, il est indispensable que la Commission accorde une attention particulière aux crédits à la consommation express, lesquels manquent souvent de transparence, comportent toutes sortes de clauses abusives et, dans le même temps, génèrent des pratiques commerciales trompeuses légitimées par leur présence dans les grands médias (presse, radio et télévision). À cet égard, le CESE demande aux autorités de contrôle des États membres d’exercer une surveillance appropriée du comportement sur le marché de ces entreprises, en étroite coopération avec les organisations de consommateurs.

Bruxelles, le 20 septembre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO L 257 du 28.8.2014, p. 214.

(2)  JO L 60 du 28.2.2014, p. 34.

(3)  JO L 26 du 2.2.2016, p. 19.

(4)  COM(2015) 468 final; avis du CESE, JO C 133 du 14.4.2016, p. 17.

(5)  COM(1999) 624 final.

(6)  COM(2016) 176 final.

(7)  COM(2015) 630 final.

(8)  Livre vert sur les services financiers de détail dans le marché unique, COM(2007) 226, paragraphe 10, page 7.

(9)  JO C 209 du 30.6.2017, p. 36.

(10)  JO C 246 du 28.7.2017, p. 8.

(11)  A8-0056/2017.

(12)  COM(2016) 450; avis du CESE, JO C 34 du 2.2.2017, p. 121.

(13)  Voir: JO C 246 du 28.7.2017, p. 8, par. 1.4.1.

(14)  JO L 266 du 9.10.2009, p. 11.

(15)  JO L 257 du 28.8.2014, p. 214.

(16)  JO L 133 du 22.5.2008, p. 66.

(17)  JO L 60 du 28.2.2014, p. 34.

(18)  JO C 311 du 12.9.2014, p. 38.


15.12.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 434/58


Avis du Comité économique et social européen sur:

Proposition de directive du Conseil concernant une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS)

[COM(2016) 683 final — 2016/0336(CNS)]

Proposition de directive du Conseil concernant une assiette commune pour l’impôt sur les sociétés

[COM(2016) 685 final — 2016/0337(CNS)]

(2017/C 434/09)

Rapporteur:

Michael McLOUGHLIN

Consultation

Conseil de l’Union européenne, 21 novembre 2016

Base juridique

Article 115 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

7 septembre 2017

Adoption en session plénière

20 septembre 2017

Session plénière no

528

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

182/2/11

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) souscrit aux objectifs établis dans les propositions de la Commission concernant une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS).

1.2.

Le CESE préconise de mettre tout en œuvre pour avancer sur la voie de l’ACCIS de manière consensuelle, de façon à tenir compte du caractère sensible de ces questions lorsqu’il s’agit de subsidiarité et de souveraineté des États.

1.3.

Le CESE comprend les raisons qui sous-tendent l’approche en deux étapes adoptée par la Commission, mais demande instamment que la deuxième phase soit mise en œuvre rapidement après l’obtention d’un accord sur l’assiette commune, car ce n’est qu’après la consolidation que les entreprises en ressentiront les principaux bénéfices. Dès la première étape, l’on observera certes un certain nombre d’avantages en matière de lutte contre la planification fiscale agressive, mais c’est la consolidation qui permettra de parachever l’objectif poursuivi.

1.4.

Le CESE reconnaît que la Commission a relancé la proposition relative à l’ACCIS à la fois pour soutenir le marché unique et pour combattre la planification fiscale agressive, en attribuant les revenus là où la valeur est créée. Le CESE invite instamment les États membres à poursuivre l’achèvement des deux étapes, étant donné qu’il s’agit d’une mesure efficace pour lutter contre la fraude et favoriser la croissance.

1.5.

Comme en 2011, le CESE recommande de revoir la formule de répartition de l’ACCIS. La Commission et les États membres devraient examiner l’opportunité d’en exclure la propriété intellectuelle. Il pourrait en outre s’avérer également nécessaire de modifier le facteur «ventes par destination» afin de garantir une mise en œuvre équitable. Le Comité craint que si l’on applique cette disposition, bon nombre de petits États membres exportateurs ne perdent des montants importants de revenus imposables au bénéfice des États membres de l’Union européenne (UE) qui sont de plus grands consommateurs. Le CESE considère que la proposition devrait avoir pour but de parvenir à une formule équitable et d’éviter systématiquement tout déséquilibre.

1.6.

Le CESE demande instamment de bien veiller à ce que les propositions relatives aux amortissements reflètent le vécu réel des entreprises. Les provisions pour amortissement pourraient s’avérer insuffisantes pour certaines catégories d’immobilisations soumises à une obsolescence très rapide résultant du rythme de l’évolution technologique.

1.7.

Le CESE accueille favorablement la reconnaissance du traitement fiscal du financement par fonds propres pour les investissements des entreprises, en ce que celui-ci place le financement par l’emprunt sur un pied d’égalité avec le financement sur fonds propres. Néanmoins, les sociétés rencontrant des difficultés économiques ne doivent pas être confrontées à une charge fiscale plus élevée.

1.8.

Le CESE recommande de veiller à un juste équilibre entre les États membres et, partant, d’examiner en détail l’incidence des propositions à l’examen sur chaque État membre s’agissant de l’attractivité des investissements ainsi que de la création et du maintien d’emplois. Le CESE souligne que les États membres devraient fournir les informations nécessaires à cette fin.

1.9.

Le CESE recommande que les propositions relatives à l’ACCIS réduisent, dans toute la mesure du possible, la complexité des procédures, compte tenu de l’objectif déclaré de certitude et de simplicité. Cette conformité est particulièrement importante pour le traitement des immobilisations incorporelles dans le bilan des sociétés.

1.10.

Le CESE invite instamment la Commission à répondre à la nécessité de souplesse et à veiller à ce que les États et les sociétés soient en mesure de s’adapter à l’évolution du contexte économique international ou national tout en respectant les procédures de l’UE et en coopérant mutuellement.

1.11.

L’ACCIS serait toutefois plus efficace et plus susceptible de recueillir l’unanimité requise si un certain nombre de préoccupations essentielles, exposées dans le présent avis, étaient prises en compte.

2.   Proposition de la Commission

2.1.

La proposition réactualisée concernant l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés se compose d’un ensemble unique de règles servant à calculer les bénéfices imposables des entreprises dans l’UE et visant à apporter une importante contribution à la croissance, à la compétitivité et à l’équité dans le marché unique. Grâce à l’ACCIS, les entreprises transfrontières ne devraient se conformer qu’à un seul système européen pour calculer leur revenu imposable, plutôt qu’à différentes règles nationales. Les entreprises rempliraient une seule déclaration fiscale pour l’ensemble de leurs activités dans l’UE et compenseraient les pertes enregistrées dans un État membre avec les bénéfices engrangés dans un autre. Les transactions intragroupes ne seraient plus imposées au niveau de l’entité, éliminant ainsi les problèmes liés à la fixation des prix de transfert dans le domaine de l’ACCIS. Les bénéfices imposables consolidés seraient répartis entre les États membres dans lesquels le groupe est actif, au moyen d’une clé de répartition. Chaque État membre appliquerait ensuite à sa part des bénéfices son propre taux d’imposition national sur les sociétés.

2.2.

Il y a également de nouvelles dispositions par rapport à la proposition de 2011. En premier lieu, les propositions de 2016 plaident pour l’établissement de règles obligatoires plutôt que facultatives, pour régir les groupes consolidés dont le chiffre d’affaires annuel atteint ou dépasse 750 millions d’EUR; en deuxième lieu, elles contiennent des règles visant à encourager les entreprises à lever des fonds propres pour financer les investissements afin de lutter contre les distorsions fiscales en faveur de l’endettement; et en troisième lieu, elles prévoient une «super-déduction» en faveur des activités de recherche et développement (R&D). Dans le cadre de l’assiette commune, un mécanisme temporaire de compensation transfrontière des pertes avec récupération ultérieure est proposé jusqu’à l’introduction de la consolidation. La seconde phase prévue dans les propositions sera mise en route après l’obtention d’un accord politique sur les propositions concernant l’assiette commune. D’ici là, la seconde phase reste en attente d’examen par le Conseil.

2.3.

La proposition actuelle de la Commission consiste en deux propositions distinctes de directives du Conseil: une proposition relative à une assiette commune pour l’impôt sur les sociétés (ACIS) et une autre sur une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS). La séparation des deux éléments en deux propositions distinctes est une différence essentielle entre les propositions de 2016 et de 2011. La Commission propose une approche par étapes, l’ACIS venant en premier lieu, et l’ACCIS lui succédant plus tard.

2.4.

La Commission a également relancé la proposition relative à l’ACCIS pour lutter contre la planification fiscale agressive et soutenir le marché unique, reconnaissant qu’elle «aurait peu de chances d’être adoptée intégralement si l’on ne procédait pas par étapes». Toutefois, la Commission insiste sur le fait que la consolidation est partie intégrante des propositions. Le caractère obligatoire de l’ACCIS pour les entreprises ayant un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’EUR s’inscrit dans le cadre d’une stratégie visant à renforcer les perspectives de croissance et à lutter contre la planification fiscale agressive. La Commission estime que les propositions sont plus attrayantes pour les entreprises de manière générale en termes de respect des règles et de complexité et qu’elles privilégient les fonds propres par rapport à l’endettement lorsqu’il s’agit d’allègement fiscal. La compensation transfrontière des pertes dans un État par les bénéfices dans un autre est également considérée par la Commission comme un avantage des propositions à l’examen.

2.5.

La Commission indique que les règles actuelles en matière de fiscalité internationale des entreprises «ne sont plus adaptées au contexte moderne». Elle considère également que les asymétries peuvent se produire lorsque des règles nationales sont élaborées sans tenir compte des questions internationales. Les propositions de 2016, tout en étant obligatoires pour les grands groupes, prévoient aussi un système de respect facultatif pour les entités soumises à l’impôt sur les sociétés dans l’Union dont le chiffre d’affaire est inférieur à 750 millions d’EUR. La Commission considère que ces propositions permettent d’attribuer les revenus là où la valeur est créée.

2.6.

La Commission reconnaît le caractère ambitieux des propositions et, par conséquent, la nécessité de leur mise en œuvre par étapes. En effet, elle explique que les débats difficiles sur la question de la consolidation sont susceptibles de retarder d’autres volets importants sur lesquels il peut exister un consensus plus large. Les deux propositions sont toutefois toujours présentées ensemble dans le cadre d’une même initiative. La Commission souligne, en outre, que la consolidation demeure un élément essentiel de l’initiative et que les principaux obstacles fiscaux rencontrés par les groupes concernés ne peuvent être traités que par la consolidation.

3.   Les avantages de la proposition

3.1.

La proposition de la Commission comporte des avantages importants pour les entreprises et les citoyens. Elle permettra de réduire les coûts de conformité et la complexité pour les grandes entreprises ainsi que pour celles qui choisissent d’appliquer le système proposé et exercent leurs activités commerciales dans l’ensemble de l’UE; il s’agit en outre d’un élément clé pour poursuivre l’achèvement du marché unique et créer des conditions équitables pour tous. Si elle est mise en place correctement, l’ACCIS peut jouer un rôle essentiel pour lutter contre la planification fiscale agressive et restaurer la confiance des citoyens dans le système fiscal. Une approche commune de l’assiette fiscale permettra de garantir que tous les États de l’UE adoptent une approche similaire, et surtout qu’ils comptabilisent les mêmes éléments et autorisent les mêmes déductions. À l’heure actuelle, les sociétés multinationales peuvent appliquer des assiettes fiscales et des taux d’imposition différents dans les divers États membres et, parfois, recourir à des entités offshore pour payer des taux effectifs extrêmement faibles. L’ACCIS résout ces problèmes.

3.2.

La planification fiscale agressive fait baisser les recettes fiscales. L’ampleur de la planification fiscale agressive représente un sujet de grave préoccupation pour les citoyens de l’Union européenne. Celle-ci a pris de nombreuses mesures pour s’attaquer à ce problème et a adopté le plan d’action à l’examen. L’un des objectifs de l’ACCIS est d’examiner comment approfondir cette approche et garantir une fiscalité des entreprises efficace au sein de l’UE.

3.3.

La réduction considérable des prix de transfert au sein de l’UE qui découle de l’ACCIS permettra de lutter contre les pratiques conduisant à une planification fiscale agressive. Par exemple, des actifs tels que la propriété intellectuelle sont souvent utilisés parce qu’il est difficile de déterminer leur valeur ou que l’entreprise elle-même leur attribue une valeur peu représentative de ce que serait leur valeur normale sur le marché. Ils font souvent l’objet d’échanges internes entre les structures d’une même entreprise.

3.4.

L’ACCIS peut lutter contre la planification fiscale agressive en déterminant où se déroule l’activité économique réelle. Des entreprises peuvent employer un certain nombre de personnes et/ou disposer d’actifs considérables dans un État membre mais ne réaliser que très peu, voire pas du tout, de bénéfices dans ledit État. Actuellement, les entreprises qui disposent d’une structure à l’échelle européenne peuvent organiser leurs activités de manière à ce que la majeure partie de leurs bénéfices européens aboutisse dans un siège implanté dans une juridiction de l’UE qui applique les taux d’imposition les plus bas et/ou les déductions les plus généreuses. Cette pratique, conjuguée au prix de transfert des actifs incorporels, peut aboutir à de très faibles taux d’imposition effectifs pour des sociétés multinationales qui réalisent un chiffre d’affaires très élevé dans de nombreux pays. Les propositions relatives à l’ACCIS peuvent contribuer à résoudre ces problèmes. La formule figurant dans les propositions est axée sur le lieu où se déroule l’activité économique, sachant que la vente, la main-d’œuvre et les actifs constituent des composantes essentielles de cette dernière. Les autorités fiscales nationales ont également un rôle à jouer s’agissant de ces questions.

3.5.

L’adoption de l’ACCIS devrait permettre de remédier aux problèmes de compétitivité de toutes les entreprises. La proposition à l’examen devrait dès lors prendre en compte les différentes difficultés auxquelles sont confrontées les PME ainsi que les grandes entreprises.

4.   Observations générales

4.1.

Le CESE se félicite des propositions concernant une assiette commune pour l’impôt sur les sociétés et une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés en tant que moyens pour renforcer le marché unique en simplifiant la situation fiscale des grandes entreprises et pour lutter contre la planification fiscale agressive. Le contexte économique et politique général au niveau européen et international a connu d’importants changements depuis 2011. La précédente proposition concernant l’ACCIS n’avait pas permis d’enregistrer des avancées significatives. Le Comité espère que les nouvelles propositions, qui tiennent compte des évolutions mondiales, seront plus efficaces.

4.2.

Le débat sur l’ACCIS progressant, il importe que la consolidation reste l’objectif premier. La proposition gagnerait en outre à être moins complexe, dans la mesure du possible. Le CESE encourage la Commission à développer les deux aspects de la proposition de manière aussi consensuelle que possible.

4.3.   Le système de répartition de l’ACCIS

4.3.1.

Un certain nombre de questions se posent quant à la formule de répartition. Le CESE est préoccupé par le fait qu’il n’y ait pas eu de tentative visant à expliquer ou à définir de manière adéquate dans quelle mesure la formule générale (un tiers immobilisations, un tiers main-d’œuvre et un tiers ventes par destination) reflète correctement la réalité économique de l’entreprise dans le cadre de la répartition des bénéfices imposables entre les États membres. La proposition actuelle pourrait entraîner des changements importants pour ce qui est du lieu où les bénéfices sont perçus au regard du fisc, ce qui aura des effets importants et inconnus sur les entreprises et les États membres. Les recettes fiscales étant un élément fondamental de la gestion économique, les incidences pourrait donc être graves. Le CESE considère que la proposition devrait avoir pour but de parvenir à une formule équitable et d’éviter systématiquement tout déséquilibre.

4.3.2.

Bien que l’accent placé sur des questions telles que les installations, les machines et les effectifs soit pertinent, il ne donne pas un tableau complet de l’industrie moderne. La stratégie pour un marché unique numérique, par exemple, met pour sa part l’accent sur l’importance de la propriété intellectuelle. De même, l’évolution de la situation en ce qui concerne l’union des marchés de capitaux pourrait se concentrer sur les actifs financiers.

4.3.3.

Les inquiétudes du Comité proviennent en grande partie des éléments suivants:

1)

la proposition d’exclure la propriété intellectuelle des immobilisations. La propriété intellectuelle est un facteur économique facile à transférer dans le cadre du calcul des bénéfices. Le CESE reconnaît qu’elle est difficile à évaluer, raison pour laquelle la Commission ne l’a pas intégrée dans sa proposition; il invite dès lors les États membres à réfléchir à la meilleure manière de traiter cette question importante. Il s’agit d’un point particulièrement pertinent étant donné que la propriété intellectuelle est un moteur important de création de valeur économique et qu’elle dicte de plus en plus la direction que prennent les économies modernes. Cette disposition est également incompatible avec l’accent que la Commission continue de mettre sur le marché unique numérique;

2)

la proposition d’inclure les «ventes par destination» dans la clé de répartition. Le Comité craint que si l’on applique cette disposition, bon nombre de petits États membres exportateurs ne perdent des montants importants de revenus imposables au bénéfice des États membres de l’UE qui sont de plus grands consommateurs. L’impact économique et social de l’inclusion de ce critère n’est pas connu et l’on gagnerait à quantifier son incidence; le cas échéant, il y a lieu de le réexaminer;

3)

l’introduction d’un système complet à l’échelle de l’Union pour le calcul et la consolidation de l’impôt sur les sociétés représenterait un changement majeur dans l’environnement des entreprises de l’UE et pourrait stimuler le marché unique. Elle devrait dès lors être soigneusement analysée et il serait nécessaire d’effectuer des analyses d’impact nationales. Pour toutes les grandes entreprises internationales, les normes financières et comptables internationales existantes sont un ensemble de règles important. Toute divergence par rapport à celles-ci dans le processus de planification des activités des entreprises ferait peser des charges supplémentaires sur ces dernières au lieu de leur permettre de réaliser des économies. La formule de répartition de l’ACCIS ayant été mise au point par la Commission exclusivement à cet effet, elle semble, de prime abord, en contradiction avec certaines normes comptables internationales;

4)

étant donné qu’en matière fiscale, tout particulièrement, la clarté et l’uniformité des notions revêtent une importance capitale, le Comité recommande que la directive traite de tous les éléments essentiels et tout spécialement de la définition des notions.

4.4.   Financement des entreprises: endettement ou fonds propres

4.4.1.

Les propositions de la Commission attachent beaucoup d’importance au traitement fiscal de l’endettement par rapport à celui des fonds propres dans le cadre du financement des entreprises. En tant qu’élément important de la stratégie industrielle, la promotion des fonds propres peut être considérée comme utile dans la mesure où elle permet de diversifier les risques dans une entreprise et d’éviter de nombreux aspects de la volatilité lors de la planification.

4.4.2.

Plus précisément, le Comité craint que l’approche choisie puisse s’avérer procyclique, dans la mesure où une diminution du capital en période difficile ou un recours à l’endettement faute d’autres solutions générerait une augmentation du revenu imposable et aggraverait ainsi la situation des entreprises au moment où elles affrontent les moments les plus durs. Cela aurait des retombées sur les emplois et la croissance. Le CESE estime dès lors qu’il est nécessaire de réfléchir à l’approche retenue.

5.   Observations particulières

5.1.

La Commission estime que ses propositions soutiennent fermement les entreprises et la création d’un régime plus simple et plus efficace pour se conformer aux règles et exercer des activités. Si la promotion du marché unique et les besoins des entreprises peuvent être considérés comme des objectifs prioritaires de l’UE, la raison d’être de l’Union mise en place par ses États membres est de répondre à leurs besoins. À tout le moins, la Commission devra procéder à une évaluation systématique de l’impact sur chaque État membre des changements proposés sur les recettes fiscales, les investissements et l’emploi, en s’appuyant sur les analyses des bases de données internationales et sur les données des États membres. Le CESE invite instamment les États membres à donner accès à toutes les données pertinentes à la Commission, et propose qu’une analyse d’impact soit réalisée pour chacune des deux phases de l’ACCIS.

5.2.

Bien que la suppression des prix de transfert soit un élément essentiel des propositions, il est clair que ceux-ci continueront à exister dans les cas où des groupes ont des activités tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’UE. Cela supposera inévitablement des régimes distincts et séparés pour de nombreuses entreprises. Il convient donc de prêter attention à l’architecture des groupes à l’intérieur et à l’extérieur de l’UE et des structures mixtes. Au lieu de jouer sur la base d’imposition et des dispositifs hybrides comme c’est le cas actuellement, les possibilités d’évasion pourraient alors se déplacer de manière à tirer parti des structures des sociétés et des groupes.

5.3.

Le CESE demande que le débat sur l’ACCIS suive les procédures de l’UE une fois qu’un accord aura été trouvé. Si la politique doit faire preuve d’une certaine flexibilité par rapport à un contexte en évolution, il convient toutefois aussi de prévoir un mécanisme bien structuré qui permette d’adapter la politique à la conjoncture économique.

5.4.

La recherche et le développement sont traités de manière très satisfaisante. Une «super-déduction» dans ce domaine accroîtra naturellement de manière significative l’activité et contribuera à la compétitivité. Il importerait de placer les mesures proposées en la matière dans leur contexte en les comparant à celles déjà prévues par les États membres (qui sont assez variées). Si la déduction pour la croissance et l’investissement est importante, il est tout aussi essentiel qu’en tant que nouvelles mesures d’incitation, cette déduction ainsi que, bien sûr, la «super-déduction» pour la R&D, ne deviennent pas une nouvelle forme de pratique fiscale abusive lorsqu’elles seront mises en œuvre.

5.5.

La Commission doit prendre en compte les possibles conflits susceptibles de survenir entre les autorités fiscales et l’autorité fiscale principale. Des conflits concernant l’imposition des filiales au sein d’un groupe et la répartition des bénéfices pourraient surgir et faire perdre le temps gagné grâce à l’élimination des problèmes liés aux prix de transfert.

5.6.

Il y a lieu de préciser la manière dont les États membres effectuent les audits dans les filiales d’un groupe lorsque les autorités fiscales de l’État membre concerné souhaitent effectuer un tel audit.

5.7.

Les dispositions relatives aux durées d’amortissement pourraient s’avérer incompatibles avec certaines pratiques des entreprises. Une certaine souplesse devrait être envisagée à cet égard. De nombreuses entreprises remplacent leur équipement (par exemple leurs ordinateurs) tous les ans ou tous les deux ans afin de devancer l’obsolescence. Ce processus ne fera que s’accélérer pour un certain nombre de catégories d’immobilisations au cours des prochaines années en raison de l’évolution rapide de la technologie.

5.8.

Il reste important de lutter contre l’évasion fiscale au travers de l’arbitrage des codes comptables, dans la mesure où celui-ci pourrait rester possible avant la mise en place de la consolidation.

5.9.

Les propositions permettent en outre aux sociétés multinationales d’exclure les entités intermédiaires, y compris celles qui sont implantées dans des paradis fiscaux, car ces dernières ne se trouvent pas dans l’UE. Cette question doit être réglée par différentes méthodes, telles que les règles sur les prix de transfert et les sociétés étrangères contrôlées, ainsi qu’un principe général de lutte contre l’évasion fiscale.

Bruxelles, le 20 septembre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


15.12.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 434/63


Avis du Comité économique et social européen sur la

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 648/2012 en ce qui concerne l’obligation de compensation, la suspension de l’obligation de compensation, les obligations de déclaration, les techniques d’atténuation des risques pour les contrats dérivés de gré à gré non compensés par une contrepartie centrale, l’enregistrement et la surveillance des référentiels centraux et les exigences applicables aux référentiels centraux»

[COM(2017) 208 final — 2017/090 (COD)]

et sur la

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 1095/2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité européenne des marchés financiers) et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 en ce qui concerne les procédures d’agrément des contreparties centrales et les autorités qui y participent, ainsi que les conditions de reconnaissance des contreparties centrales des pays tiers»

[COM(2017) 331 final — 2017/0136 (COD)]

(2017/C 434/10)

Rapporteur:

Petru Sorin DANDEA

Consultation

Parlement européen, COM(2017) 208 final — 31 mai 2017; COM(2017) 331 final — 11 septembre 2017

Conseil de l’Union européenne, COM(2017) 208 final — 6 juin 2017; COM(2017) 331 final — 22 août 2017

Base juridique

Articles 114 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

7 septembre 2017

Adoption en session plénière

20 septembre 2017

Session plénière no

528

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

145/0/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) salue l’initiative en cours, qui comporte les deux propositions de règlement à l’examen, et il encourage la Commission à accélérer la mise en œuvre intégrale du règlement sur l’infrastructure du marché européen (EMIR).

1.2.

Le CESE apprécie tout particulièrement que la proposition actuelle de la Commission vienne mettre en œuvre celles du programme-cadre REFIT et qu’elle ait été présentée à l’issue d’une vaste consultation publique, laquelle a permis non seulement de consulter tous les acteurs intéressés mais aussi de simplifier les réglementations, d’y apporter des améliorations qualitatives et de réduire les coûts de mise en conformité sans que la stabilité financière s’en trouve compromise.

1.3.

Il importe, de l’avis du CESE, que les mesures que la Commission met en avant soient conformes au plan d’action sur l’union des marchés des capitaux et, en particulier, à ses dispositions relatives à la titrisation.

1.4.

Le CESE considère que l’initiative de la Commission est justifiée et il se félicite qu’elle maintienne l’objectif initial du règlement EMIR, étant donné qu’à l’échelle mondiale, la valeur notionnelle des dérivés de gré à gré excède 544 000 milliards d’EUR.

1.5.

Le CESE recommande que les types de transactions et d’instruments sur dérivés fassent l’objet d’une normalisation, car ce faisant, il est possible d’augmenter de manière significative la qualité des données.

1.6.

Le CESE est d’accord avec la proposition, formulée par la Commission, d’instaurer un seuil de compensation qui soit applicable aux petites contreparties, étant donné qu’elles éprouvent des difficultés à trouver des fournisseurs de compensations.

1.7.

Le CESE soutient la Commission quand elle propose de prolonger la période durant laquelle les fonds de pension seront dispensés de l’obligation de compensation centrale, étant donné que l’on n’a toujours pas trouvé de solution pour qu’ils disposent des liquidités nécessaires sans nuire aux intérêts de leurs membres.

1.8.

Le CESE salue la proposition qu’avance la Commission de créer un nouveau mécanisme de surveillance au sein de l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF). Le CESE recommande à la Commission d’allouer les ressources financières requises à la formation du personnel qui travaillera dans le nouveau service de l’AEMF, étant donné la complexité de l’activité de surveillance qu’il devra déployer.

2.   La proposition de la Commission européenne

2.1.

En mai et juin, la Commission a présenté deux propositions de règlement (1) modifiant le règlement (UE) no 648/2012 en ce qui concerne l’obligation de compensation, la suspension de l’obligation de compensation, les obligations de déclaration, les techniques d’atténuation des risques pour les contrats dérivés de gré à gré non compensés par une contrepartie centrale, l’enregistrement et la surveillance des référentiels centraux et les exigences applicables aux référentiels centraux (EMIR).

2.2.

Les deux propositions de règlement ont été assorties de documents de travail des services de la Commission, ainsi que d’analyses d’impact.

2.3.

Dans la première proposition de règlement, la Commission suggère une réglementation plus simple et efficace des instruments financiers dérivés. Elle souhaite répondre aux grands défis de l’heure et à ceux qui se dessinent en ce qui concerne la compensation des dérivés de gré à gré. La proposition aborde quatre éléments: les obligations de déclaration, les contreparties non financières, les contreparties financières et les fonds de pension.

2.4.

Dans sa seconde proposition de règlement, la Commission avance un dispositif de surveillance renforcée des contreparties centrales dans le cadre du marché des produits dérivés. Le texte vise à améliorer encore la stabilité financière de l’Union européenne, en créant un nouveau mécanisme de surveillance du marché des dérivés dans le cadre de l’Autorité européenne des marchés financiers.

3.   Observations générales et particulières

3.1.

La modification du règlement EMIR fait partie intégrante des efforts que la Commission déploie pour mieux réglementer les dérivés. Au cours de ces dernières années, toute une série de dispositions du règlement ont été mises en œuvre par le truchement d’actes délégués, directives et règlements. Le CESE salue cette initiative en cours et encourage la Commission à accélérer la mise en œuvre intégrale du règlement EMIR.

3.2.

Le CESE apprécie tout particulièrement que la proposition actuelle de la Commission vienne mettre en œuvre celles du programme-cadre REFIT et qu’elle ait été présentée à l’issue d’une vaste consultation publique, laquelle a permis non seulement de consulter tous les acteurs intéressés mais aussi de simplifier les réglementations, d’y apporter des améliorations qualitatives et de réduire les coûts de mise en conformité sans que la stabilité financière s’en trouve compromise.

3.3.

Il importe, de l’avis du CESE, que les mesures que la Commission met en avant soient conformes au plan d’action sur l’union des marchés des capitaux et, en particulier, à ses dispositions relatives à la titrisation.

3.4.

L’initiative de la Commission ne porte pas atteinte à l’objectif principal du règlement EMIR, qui est de surveiller et de superviser les dérivés de gré à gré, pour parer au risque systémique, mais aussi de réduire le volume de ce type d’instruments, en particulier ceux qui revêtent un caractère spéculatif. Le CESE considère que l’initiative de la Commission est justifiée, étant donné qu’à l’échelle mondiale, la valeur notionnelle des dérivés de gré à gré excède 544 000 milliards d’EUR.

3.5.

La modification que propose la Commission en ce qui concerne les obligations de déclaration réduira les charges administratives et simplifiera les procédures de communication pour la plupart des contreparties. Elle aboutira aussi, estime-t-elle, à une amélioration qualitative des données déclarées. Le CESE est d’avis qu’il est possible d’augmenter de manière significative la qualité des données par une normalisation des types de transactions et d’instruments.

3.6.

La Commission propose d’instaurer un seuil de compensation, applicable aux petites contreparties. Dans sa proposition, elle vient en aide, étant donné la difficulté qu’elles ont à trouver des fonds de compensation, à ces petites entités, qui peuvent être des banques ou des fonds d’investissement de taille réduite. Le CESE marque son accord avec cette suggestion.

3.7.

Dans le cadre de sa proposition de règlement, la Commission souhaite prolonger la période durant laquelle les fonds de pension sont exemptés de l’obligation de participer à la compensation centrale pour les portefeuilles de dérivés de gré à gré qu’ils détiennent. Étant donné que les fonds de pension ne disposent pas des liquidités voulues pour pouvoir prendre part à la compensation centrale et qu’ils jouent un rôle de choix pour garantir des revenus aux personnes âgées, le Comité soutient la mesure préconisée par la Commission.

3.8.

La seconde proposition de règlement instaure des règles et des responsabilités nouvelles en ce qui concerne la surveillance des contreparties centrales dans l’Union mais également à l’extérieur de ses frontières. Le règlement proposé a pour effet de mieux définir le cadre de la coopération entre banques centrales et autorités de surveillance. Le CESE accueille favorablement la proposition de la Commission.

3.9.

La proposition de règlement prévoit de créer un nouveau mécanisme de surveillance, dans le cadre de l’AEMF, à laquelle des compétences seront octroyées pour surveiller les contreparties centrales, tant dans l’Union européenne qu’à l’extérieur de ses frontières. La Commission souhaite mieux superviser les contreparties centrales hors Union, en particulier celles qui sont susceptibles de jouer un rôle important dans les opérations de compensation sur son territoire. Le CESE recommande à la Commission d’allouer les ressources financières requises à la formation du personnel qui travaillera dans le nouveau service de l’AEMF, étant donné la complexité de l’activité de surveillance qu’il devra déployer.

3.10.

Eu égard aux défis que les contrats dérivés de gré à gré posent concernant l’épargne de la population, mais aussi du point de vue systémique, le CESE réitère sa proposition (2) que soient lancés des programmes d’éducation financière. La Commission pourrait financer des programmes analogues à l’intention des petits investisseurs.

Bruxelles, le 20 septembre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  COM(2017) 208 final — Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 648/2012 en ce qui concerne l’obligation de compensation, la suspension de l’obligation de compensation, les obligations de déclaration, les techniques d’atténuation des risques pour les contrats dérivés de gré à gré non compensés par une contrepartie centrale, l’enregistrement et la surveillance des référentiels centraux et les exigences applicables aux référentiels centraux et COM(2017) 331 final — Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 1095/2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité européenne des marchés financiers) et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 en ce qui concerne les procédures d’agrément des contreparties centrales et les autorités qui y participent, ainsi que les conditions de reconnaissance des contreparties centrales des pays tiers.

(2)  Voir le paragraphe 4.7 de l’avis du CESE sur les marchés d’instruments financiers (JO C 143 du 22.5.2012, p. 74).