ISSN 1977-0936

Journal officiel

de l'Union européenne

C 75

European flag  

Édition de langue française

Communications et informations

60e année
10 mars 2017


Numéro d'information

Sommaire

page

 

I   Résolutions, recommandations et avis

 

AVIS

 

Comité économique et social européen

 

521e session plénière du CESE des 14 et 15 décembre 2016

2017/C 75/01

Avis du Comité économique et social européen sur L’économie de la fonctionnalité (avis d’initiative)

1

2017/C 75/02

Avis du Comité économique et social européen intitulé Promouvoir les entreprises innovantes et à forte croissance (avis d’initiative)

6

2017/C 75/03

Avis du Comité économique et social européen sur le Cadre approprié pour la transparence des entreprises (avis d’initiative)

14

2017/C 75/04

Avis du Comité économique et social européen sur Les principaux facteurs sous-jacents qui influencent la politique agricole commune après 2020 (avis d’initiative)

21

2017/C 75/05

Avis du Comité économique et social européen sur Pour la prise en compte du nudge dans les politiques européennes (avis d’initiative)

28


 

III   Actes préparatoires

 

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

 

521e session plénière du CESE des 14 et 15 décembre 2016

2017/C 75/06

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Un agenda européen pour l’économie collaborative[COM(2016) 356 final]

33

2017/C 75/07

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen — Programme de travail annuel de l’Union en matière de normalisation européenne pour 2017[COM(2016) 357 final]

40

2017/C 75/08

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 1286/2014 du Parlement européen et du Conseil sur les documents d’informations clés relatifs aux produits d’investissement packagés de détail et fondés sur l’assurance en ce qui concerne sa date de mise en application[COM(2016) 709 final — 2016/0355 (COD)]

44

2017/C 75/09

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 345/2013 relatif aux fonds de capital-risque européens et le règlement (UE) no 346/2013 relatif aux fonds d’entrepreneuriat social européens[COM(2016) 461 final]

48

2017/C 75/10

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 99/2013 du Parlement européen et du Conseil relatif au programme statistique européen 2013-2017, en le prolongeant pour la période 2018-2020[COM(2016) 557 final — 2016/0265(COD)]

53

2017/C 75/11

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (UE) no 1316/2013 et (UE) 2015/1017 en vue de prolonger la durée d’existence du Fonds européen pour les investissements stratégiques et d’introduire des améliorations techniques concernant ce Fonds et la plateforme européenne de conseil en investissement[COM(2016) 597 final — 2016/0276 (COD)]

57

2017/C 75/12

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — Réexamen/révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel 2014-2020 — Un budget de l’Union européenne axé sur les résultats[COM(2016) 603 final] sur la Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (UE, Euratom) no 1311/2013 fixant le cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020[COM(2016) 604 final — 2016/0283 (APP)] et sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et modifiant le règlement (CE) no 2012/2002, les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1305/2013, (UE) no 1306/2013, (UE) no 1307/2013, (UE) no 1308/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014, (UE) no 652/2014 du Parlement européen et du Conseil et la décision no 541/2014/UE du Parlement européen et du Conseil[COM(2016) 605 final — 2016/0282 (COD)]

63

2017/C 75/13

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Conseil modifiant la directive (UE) 2016/1164 en ce qui concerne les dispositifs hybrides faisant intervenir des pays tiers[COM(2016) 687 final — 2016/0339 (CNS)]

70

2017/C 75/14

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi nécessitant des compétences élevées[COM(2016) 378 final — 2016/0176 (COD)]

75

2017/C 75/15

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services[COM(2016) 128 final — 2016/0070 (COD)]

81

2017/C 75/16

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant des normes pour l’accueil des ’personnes demandant la protection internationale (refonte)[COM(2016) 465 final], sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissant des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection, et modifiant la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée[COM(2016) 466 final] et sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une procédure commune en matière de protection internationale dans l’Union et abrogeant la directive 2013/32/UE[COM(2016) 467 final]

97

2017/C 75/17

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la prise en compte des émissions et des absorptions de gaz à effet de serre résultant de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie dans le cadre d’action pour le climat et l’énergie à l’horizon 2030 et modifiant le règlement (UE) no 525/2013 du Parlement européen et du Conseil relatif à un mécanisme pour la surveillance et la déclaration des émissions de gaz à effet de serre et pour la déclaration d’autres informations ayant trait au changement climatique[COM(2016) 479 final — 2016/0230(COD)] et sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les États membres de 2021 à 2030 en faveur d’une union de l’énergie résiliente et afin de respecter les engagements pris en vertu de l’accord de Paris et modifiant le règlement (UE) no 525/2013 du Parlement européen et du Conseil relatif à un mécanisme pour la surveillance et la déclaration des émissions de gaz à effet de serre et pour la déclaration d’autres informations ayant trait au changement climatique[COM(2016) 482 final — 2016/0231(COD)]

103

2017/C 75/18

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un plan pluriannuel pour les stocks démersaux de la mer du Nord et les pêcheries exploitant ces stocks, et abrogeant le règlement (CE) no 676/2007 du Conseil et le règlement (CE) no 1342/2008 du Conseil[COM(2016) 493 final — 2016/0238 (COD)]

109

2017/C 75/19

Avis du Comité économique et social européen sur le Paquet aérien II, composé de la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant des règles communes dans le domaine de l’aviation civile et instituant une Agence de la sécurité aérienne de l’Union européenne, et abrogeant le règlement (CE) no 216/2008 du Parlement européen et du Conseil[COM(2015) 613 final — 2015/0277 (COD)] et du Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil — Le programme européen de sécurité aérienne[COM(2015) 599 final]

111

2017/C 75/20

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: Les plateformes en ligne et le marché unique numérique — Perspectives et défis pour l’Europe[COM(2016) 288 final]

119

2017/C 75/21

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: Renforcer le système européen de cyber-résilience et promouvoir la compétitivité et l’innovation dans le secteur européen de la cybersécurité[COM(2016) 410 final]

124

2017/C 75/22

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Renforcement des relations commerciales bilatérales entre l’Union européenne et la Turquie et modernisation de l’union douanière

129

2017/C 75/23

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Vivre dignement: de la dépendance vis-à-vis de l’aide à l’autonomie — Les déplacements forcés et le développement[COM(2016) 234 final]

138

2017/C 75/24

Avis du Comité économique et social européen sur Une politique arctique intégrée de l’Union européenne[JOIN(2016) 21 final]

144


FR

 


I Résolutions, recommandations et avis

AVIS

Comité économique et social européen

521e session plénière du CESE des 14 et 15 décembre 2016

10.3.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/1


Avis du Comité économique et social européen sur «L’économie de la fonctionnalité»

(avis d’initiative)

(2017/C 075/01)

Rapporteur:

Thierry LIBAERT

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Décision de l’assemblée plénière

21 janvier 2016

Compétence

Section spécialisée «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section spécialisée

4 octobre 2016

Adoption en session plénière

15 décembre 2016

Session plénière no

521

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

169/0/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Par le présent avis, le Comité économique et social européen (CESE) exprime son souhait de voir la société entrer dans une transition économique pour passer d’une phase de surexploitation des ressources et de gaspillage à une phase plus durable, axée sur la valorisation plus de la qualité que de la quantité, et plus intensive en emplois. Le CESE affirme sa volonté de voir l’Europe prendre l’initiative en matière d’invention de nouvelles formes d’économie.

1.2.

Le CESE considère qu’il convient de soutenir l’économie de la fonctionnalité (EF) dans la mesure où elle permet de répondre à tout ou partie des enjeux énoncés. Elle est non pas une fin en soi, mais un moyen au service d’objectifs nouveaux assignés au modèle de consommation.

1.3.

Étant donné que de nombreuses incertitudes ou inconnues entourent les vertus supposées de l’EF pour les aspects économiques, environnementaux, sociaux, il convient de réaliser une évaluation complète de types de produits ou de services afin de pouvoir définir les atouts et, le cas échéant, les conditions à respecter pour un déploiement vertueux de l’EF.

1.4.

Il conviendra ensuite de promouvoir l’affichage des impacts (environnementaux, sociaux, économiques, etc.) du produit ou du service acquis selon une solution d’EF — «accès» ou «usage» versus «propriété». Un tel affichage permettra au consommateur de savoir s’il est plus pertinent d’opter pour un achat du produit ou du service et de faire des choix éclairés. La qualité et la crédibilité de l’information fournie par les entreprises sont cruciales dans cette perspective. Il s’agit donc de définir des autorités et des mécanismes qui garantissent celles-ci aux yeux des consommateurs.

1.5.

Le CESE recommande que les États membres et les parties prenantes promeuvent la consommation responsable, avant tout au cours de la phase d’éducation, en mettant l’accent sur l’EF. Cette dernière, pour autant qu’elle soit déployée intelligemment, peut aider à surmonter de nombreux défis liés à la consommation aujourd’hui.

1.6.

De manière plus générale, le CESE recommande d’accélérer les recherches et les réalisations concernant de nouveaux modes de production et de consommation en lien avec l’EF:

l’écoconception des produits, qui permet dès l’origine d’assurer la durabilité des ressources utilisées en prenant en compte l’impact environnemental des biens tout au long de leur cycle de vie: l’EF peut impliquer de nouvelles conceptions de produits, plus réparables, modulables, etc.,

l’économie circulaire, en lien avec l’avis du CESE sur le paquet «Économie circulaire» (1), qui vise une approche «cradle to cradle» (du berceau au berceau) dans le but de transformer les déchets d’une entreprise en ressources pour d’autres: l’EF peut permettre de mieux valoriser les coproduits et les externalités de certains aux fins de la production d’autres,

l’économie collaborative, notamment au travers de l’avis du CESE du 21 janvier 2014 (2), qui s’appuie, dans ses fondements théoriques, sur l’EF: les développements de ces formes d’échanges peuvent, de concert, à certaines conditions, accélérer les bénéfices de l’EF, notamment sur le plan environnemental,

l’économie du bien commun, en lien avec l’avis du CESE du 17 septembre 2015 (3),

l’économie du partage à laquelle a été spécialement consacré l’avis du CESE du 13 mai 2016 (4).

1.7.

Un paquet législatif européen permettrait de structurer les offres d’EF, en lien notamment avec les problématiques nouvelles de consommation — la consommation collaborative, l’obsolescence, la compréhension de ces modèles par le consommateur — et un contexte juridique et fiscal plus favorable aux entreprises innovantes.

1.8.

La territorialisation de l’EF permet de répondre aux nouveaux enjeux de développement durable des territoires, au moyen de l’expérimentation de nouveaux modèles économiques. L’EF est utile pour mettre en valeur les atouts des territoires, sortir de la standardisation de la production de masse, en partie responsable du désenchantement de la consommation actuelle, et prendre en compte l’ensemble des externalités du système productif. En outre, de par leur densité qui favorise les logiques de mutualisation, les villes constituent l’un des territoires les plus propices au développement de solutions d’EF.

1.9.

Pour faire face à la transition fondamentale vers un nouveau modèle économique avec des conséquences majeures et systémiques dans de nombreux domaines, il est recommandé qu’une nouvelle structure transversale permanente soit créée au sein du CESE pour analyser ces développements.

1.10.

Une plateforme d’échange pour rendre visibles à l’échelle européenne les initiatives d’EF serait utile dans un contexte où les bons exemples sont encore peu nombreux et ne bénéficient pas toujours de la visibilité qu’ils méritent. Cette plateforme pourrait s’intégrer dans le projet de plateforme européenne sur l’économie circulaire approuvé par le CESE lors du vote de son avis sur le paquet «Économie circulaire» présenté par la Commission européenne.

1.11.

L’économie de la fonctionnalité peut permettre de réarticuler les différentes valeurs composant la valeur d’un bien. Les valeurs d’usage, mais aussi la valeur «travail», doivent ainsi trouver un moyen de coexister au sein de l’EF.

1.12.

La clarification et la simplification des enjeux assurantiels des modèles d’EF seront cruciales, et il conviendra donc de les rendre plus explicites pour le consommateur final, dans une logique de développement des nouvelles offres d’EF.

2.   Définition et contenu: de la propriété à l’usage

2.1.

L’EF vise à développer l’usage des produits plutôt que leur possession. Il s’agit cependant d’aller au-delà de la simple incorporation de «services» ajoutés à un «produit», et bien de considérer l’ensemble des changements de la consommation en prenant mieux en compte l’usager final, des modèles économiques plus économes en ressources, allant même jusqu’à la production de cobénéfices pour les territoires. Dans cette optique, les entreprises vendent non pas un produit, mais une fonction facturée selon son utilisation. Dès lors, les industriels ont a priori intérêt à développer dans le cadre de leur modèle économique des objets solides, réparables, faciles à entretenir, ainsi qu’à assurer une chaîne de production et une logistique adaptées.

2.1.1.

Le paradigme économique sous-jacent reste que la valeur réside dans les bénéfices retirés de l’utilisation, c’est-à-dire la valeur d’usage, mais aussi dans le bien ou le service lui-même, ou dans le regard que les autres portent sur ce dernier, c’est-à-dire sa valeur «travail» ou sa valeur d’échange.

2.1.2.

Dans le schéma économique traditionnel, les producteurs créent la valeur et les consommateurs la détruisent au travers de la consommation. Dans l’EF, les intérêts des deux parties doivent se rejoindre, ou en tout cas converger, pour que chacun préserve, voire crée, de la valeur. Avec la révolution numérique en cours, la production et l’exploitation des données produites à partir des usages et de leurs connaissances constituent par exemple l’une de ces nouvelles ressources et valeurs créées par les deux parties.

2.1.3.

Les nouvelles dynamiques émergentes autour de la figure, toute théorique pour l’heure, du «prosommateur» (néologisme articulant les deux rôles historiquement distincts du producteur et du consommateur) illustrent cette reconfiguration de rapports économiques très linéaires ou verticaux en des schémas et des organisations plus maillés ou horizontaux.

2.1.4.

L’EF peut favoriser la dématérialisation de l’économie en intégrant l’ensemble des coûts dans le prix final. Elle doit permettre de favoriser le découplage entre l’activité économique et l’impact environnemental.

2.2.

Deux écoles théoriques renvoient à deux modèles plus ou moins aboutis d’application du concept d’EF. La première considère une offre de service centrée sur l’usage et renvoie à l’idée générale d’économie de services. Elle repense les rapports de propriété, mais ne questionne guère les produits. La seconde se concentre sur les externalités de l’EF qui permettent de définir de nouvelles solutions, où la vente de biens et de services est pensée comme un ensemble intégré (questionnant le travail ou encore la production de ressources immatérielles notamment pour le territoire) et où le consommateur fait partie intégrante de la solution conçue.

2.3.

L’approche que préconise le CESE se veut équilibrée. L’idée n’est pas de promouvoir uniformément l’EF, mais de le faire à la condition qu’elle apporte des réponses aux nouveaux enjeux énoncés.

3.   Enjeux

3.1.

L’EF est intéressante dans la mesure où elle est susceptible en théorie, ou en tout cas à certaines conditions, de répondre à des enjeux multiples liés à la consommation d’aujourd’hui, qu’ils soient économiques, sociaux, environnementaux ou culturels.

3.2.

Dans le cadre d’une approche intégrée, notamment au sein des territoires, elle peut susciter des cobénéfices ou externalités positives. Ainsi, à titre d’exemple, au moyen de modes de travail coopératifs et transversaux, des collectivités incluent dans leurs prestations d’éclairage public non seulement la performance économique et la sécurisation des espaces publics, mais aussi la réduction de la pollution lumineuse, ainsi que la réduction de la consommation d’énergie. L’intégration de ces différents objectifs, plutôt que l’optimisation d’un paramètre unique, permet de répondre à de multiples enjeux avec des coûts maîtrisés.

3.2.1.

En mutualisant les investissements, l’EF est un moyen de promouvoir l’innovation au service du développement durable, et notamment les innovations technologiques propres ou vertes. Ces dernières, souvent plus intensives en capital que les solutions classiques, trouvent ainsi un modèle économique favorisant leur diffusion par l’intermédiaire des consommateurs, qui, pris individuellement, ne disposeraient pas de capacités financières suffisantes. Par exemple, un contrat de performance énergétique pourra permettre à l’usager de disposer de technologies et de services d’efficacité énergétique parfois coûteux au moyen d’une prestation modique et payée mensuellement.

3.3.

Sur le plan environnemental, les modes actuels de consommation fondés sur la propriété individuelle entraînent une sous-utilisation des biens et, par conséquent, un gaspillage considérable de ressources naturelles [par exemple, une voiture est aujourd’hui inutilisée 95 % du temps et, en ville, elle n’est généralement utilisée que par à peine plus d’une personne (1,2)].

3.3.1.

L’acquisition d’un service de mobilité (un siège sur un nombre de kilomètres donné, une voiture pour une durée et un kilométrage définis, etc.) permet d’intensifier l’utilisation de ces ressources. L’EF peut donc augmenter l’intensité d’utilisation de nombreux biens de consommation, et par là même créer davantage de valeur pour une moindre empreinte environnementale.

3.3.2.

La tarification des services d’EF, intégrant l’ensemble des coûts du produit et des services et pas uniquement le coût marginal, permet une meilleure appréhension des coûts réels par l’usager. Cela donne un signal-prix plus proche des impacts réels de la production, et encourage ainsi les comportements plus responsables (par exemple, dans l’achat d’une heure d’autopartage, l’utilisateur paie l’amortissement du véhicule, l’assurance, le parking, l’essence, etc., soit, au total, l’ensemble des coûts calculés au prorata. Le consommateur sera ainsi plus sensible à un usage raisonné dudit véhicule par rapport à un usage «propriétaire» où seule l’essence est généralement perçue comme un coût d’usage).

3.4.

En termes sociaux, en réduisant les coûts d’accès à un produit ou à un service, que ce soit grâce à la mutualisation d’un investissement réalisé collectivement ou en limitant le coût de l’usage voulu au seul coût d’accès, l’EF peut permettre à un plus grand nombre de consommateurs d’accéder à des services auxquels ils ne pouvaient prétendre jusqu’alors. La question cruciale, d’un point de vue tant économique que juridique ou assurantiel, est alors celle de l’investisseur et du détenteur du capital mis à disposition des utilisateurs. Sur ces questions, les enjeux des nouvelles règlementations à créer apparaissent majeurs.

3.4.1.

Les questions sociales sont nombreuses, et de la même manière que pour les enjeux environnementaux, elles doivent être explorées sérieusement afin de pouvoir décider de l’intérêt ou non de l’EF dans ce domaine, et surtout des conditions de déploiement de l’EF pour un progrès social.

3.5.

Le changement de paradigme que suppose le passage de la «propriété» à «l’accès» n’est pas anodin. Il sous-tend un basculement d’un modèle de consommation fondé sur l’ostentation et le désir mimétique vers une consommation plus apaisée, moins construite dans des logiques compulsives, en tout cas moins dépendantes de la propriété de biens matériels.

3.6.

Le numérique peut permettre d’étendre le champ de l’EF en sortant de la sphère exclusive, en tout cas originelle, du «B-to-B». En réduisant les coûts de diffusion et de déploiement notamment, les solutions numériques peuvent apporter à chacun des solutions d’EF dans des champs très divers (musique, mobilité, équipements, logements, etc.). Dans ces perspectives, afin de favoriser la cohabitation avec le modèle économique existant, un cadre fiscal et réglementaire adapté doit être pensé et déployé rapidement.

3.7.

Les travaux et retours d’expériences récents montrent que les pratiques d’EF réussissent et sont adoptées dès lors que les solutions améliorent l’expérience de l’usager et la qualité de vie du consommateur, plus qu’en fonction de critères uniquement économiques ou environnementaux. Le cas de l’autopartage l’illustre, dans le cadre de la question cruciale du parking en centre-ville que ce système permet de résoudre, ou encore celui du streaming, grâce à la possibilité d’accéder quasiment instantanément à un catalogue pléthorique.

4.   Freins et limites

4.1.

L’EF peut aboutir dans certains cas à une accélération des rythmes de consommation et de renouvellement des produits. Ainsi, dans la téléphonie mobile ou la vente de véhicules en location de longue durée, il n’est pas certain intuitivement que ces modèles (location de longue durée avec option d’achat généralement) concourent à prolonger la durée de vie des produits ou à en améliorer le recyclage en fin de vie.

4.2.

Si les grands groupes industriels sont les plus connus pour la mise en œuvre d’exemples concrets, des secteurs plus traditionnels comme l’agriculture, par exemple via les achats collectifs, mais aussi les start-up ont un rôle à jouer dans la consolidation et la diffusion de l’EF au sein de la société. En outre, il apparaît que les petites et moyennes entreprises sont également susceptibles de trouver des solutions nouvelles pour leurs clients dans ce concept et sa mise en œuvre. Des structures, sous forme de coopératives, peuvent aussi favoriser des modes de gouvernance plus horizontaux et où l’usager est pleinement partie prenante.

4.3.

En réduisant les coûts d’accès à un produit ou à un service, l’EF peut constituer un atout pour les citoyens les plus modestes. Elle permet notamment une certaine souplesse et flexibilité dans l’accès aux services et aux produits. Cependant, dans le même temps, elle peut accroître la vulnérabilité de ces citoyens les plus modestes, dès lors qu’ils ne seraient plus en mesure de payer les droits d’accès, d’usage ou d’abonnement à un service. De ce point de vue, et dans le contexte actuel de précarité croissante dans de nombreux pays européens, la propriété peut sembler préférable et donc plus sécurisante pour des publics précaires. En outre, concernant l’accès à certains biens et services, l’inégalité d’accès est une question non pas seulement de capital économique (ressources financières), mais aussi de capital culturel ou éducatif (milieu social, formations).

4.4.

Dans une perspective sociétale, l’EF peut rendre le consommateur, et donc le citoyen, encore un peu plus dépendant des organisations économiques ou d’un système technique et économique donné. Une fois inscrit dans un service donné, il est difficile, voire impossible, de réparer, amender, modifier, etc., le produit mis à disposition. Ainsi, l’EF peut renforcer l’hétéronomie si les services n’associent pas suffisamment les utilisateurs à la conception des produits et des solutions développés. Des modèles économiques et de gouvernement qui favorisent l’autonomie des consommateurs (dans leurs choix, pratiques et usages) seront à rechercher et à promouvoir.

4.5.

Le numérique peut permettre d’étendre le champ d’application de l’EF à l’ensemble des consommateurs. Cependant, il pose aussi de nombreuses questions: captation de valeur par certaines plateformes, optimisation ou évitement de l’impôt, respect de la vie privée (via notamment l’utilisation des données collectées), concentration économique (monopoles de plateformes) et des questions propres au travail (comme mentionné au paragraphe 1.6).

4.6.

Sur tous ces risques ou freins, le simple passage à «l’économie de services» ne peut prémunir l’EF contre de tels risques. Une approche plus intégrée de l’EF, questionnant à la fois la gouvernance de l’entreprise, le travail, le rapport au territoire, et prenant en compte le consommateur dès la conception du service et tout au long du cycle de vie du produit, peut permettre de les dépasser.

4.7.

Néanmoins, sur plusieurs de ces points, et notamment en matière de concurrence ou de respect de la vie privée, une intervention juridique est sûrement nécessaire.

5.   Pour une dynamique européenne de l’économie de la fonctionnalité

5.1.

Nombreuses sont les raisons pour lesquelles l’Union européenne doit se saisir du thème de l’EF. Elles sont de nature environnementale, sociale et culturelle, mais aussi économique. De plus, les enjeux numériques, et de manière générale le lien avec les nouveaux modèles économiques, tels que l’économie collaborative, circulaire, etc., sont importants dans le cadre de cette réflexion, notamment par rapport à la vitesse des bouleversements apportés.

5.2.

En Europe, l’EF apparaît comme un moyen pour les entreprises de recréer de la valeur ajoutée et de promouvoir des solutions intensives en termes d’emploi (notamment en aval, dans le domaine de l’entretien, de la réparation, etc., mais aussi en amont, dans l’élaboration de modèles économiques innovants et la conception de services associés), et notamment de renforcer la compétitivité de certaines filières. En développant des offres de services au plus près des besoins des consommateurs plutôt qu’une production standardisée et peu adaptée, elle peut permettre de renouer un lien de confiance entre entreprises et consommateurs et redonner du sens à la consommation.

5.3.

Alors que les services d’innovation des grandes entreprises, les territoires et un grand nombre d’experts s’engagent en faveur de la promotion de l’EF, il est étonnant de constater la faiblesse de la dynamique européenne. Bien que l’EF se situe au cœur de l’économie circulaire, elle n’est aucunement mentionnée dans le récent rapport de la Commission intitulé «Boucler la boucle» sur ce thème.

5.3.1.

Malgré ces incertitudes et ces limites, dans la situation politique et économique incertaine qui prévaut aujourd’hui en Europe, l’EF constitue une opportunité pour l’Europe de valoriser et de développer les savoir-faire et compétences de nombreux acteurs.

Bruxelles, le 15 décembre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO C 264 du 20.7.2016, p. 98.

(2)  JO C 177 du 11.6.2014, p. 1.

(3)  JO C 13 du 15.1.2016, p. 26.

(4)  JO C 303 du 19.8.2016, p. 36.


10.3.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/6


Avis du Comité économique et social européen intitulé «Promouvoir les entreprises innovantes et à forte croissance»

(avis d’initiative)

(2017/C 075/02)

Rapporteur:

M. Antonio GARCÍA DEL RIEGO

Décision de l’assemblée plénière

21 janvier 2016

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

29 novembre 2016

Adoption en session plénière

14 décembre 2016

Session plénière no

521

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

220/1/8

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE encourage la Commission à poursuivre les efforts qu’elle déploie pour élaborer des propositions d’action visant à promouvoir la création d’entreprises innovantes et à forte croissance, et recommande que ces initiatives soient menées, pilotées et coordonnées par une unité unique, responsable de l’évaluation, du suivi et de la réalisation de synergies entre les politiques innovantes menées par différentes directions générales. Ces propositions d’action devraient renforcer le marché unique et consolider les grappes d’entreprises ainsi que les écosystèmes dans lesquels les jeunes entreprises innovantes sont créées, développer la composante des capitaux propres dans les marchés européens des capitaux, promouvoir un programme universitaire qui mettrait l’accent sur les emplois de l’avenir et réduire au minimum les coûts et les formalités administratives nécessaires à la création d’entreprises.

1.1.1.

La Commission devrait poursuivre ses travaux pour faire appliquer les règles existantes du marché unique: les projets d’harmonisation à long terme comme les normes de comptabilité et d’insolvabilité, la reconnaissance automatique des diplômes de formation professionnelle et des titres universitaires, l’accélération de la mise en œuvre du marché unique numérique et le déploiement complet de l’union des marchés des capitaux (1) aideraient grandement l’Union européenne à tirer parti de toutes les possibilités offertes par un véritable marché unique. Des règles simples et efficaces en matière de marchés transfrontières devraient doper le commerce en ligne transfrontière, en réduisant la fragmentation juridique du droit de la consommation, ainsi que les coûts de mise en conformité pour les entreprises.

1.1.2.

Les financements par apport de fonds propres doivent être encore étendus afin de soutenir les jeunes entreprises dans leur phase de développement. Cet impératif suppose, entre autres, un système fiscal plus neutre, qui traite de manière égale l’endettement et l’apport de fonds propres, en autorisant la déductibilité tant des intérêts que des dividendes (2). Les jeunes pousses devraient pouvoir recourir aux «options d’achat d’action» pour attirer et retenir les talents.

1.1.3.

Il y a lieu de créer et de promouvoir une culture de la prise de participation, y compris par des initiatives éducatives et non-législatives. Le système financier européen doit développer les produits d’investissement liquide adaptés aux investisseurs de détail, afin de les inciter à investir dans de petites entreprises innovantes.

1.1.4.

La réduction des formalités administratives inutiles et de la «surréglementation» est également primordiale pour limiter au maximum les charges administratives et éviter aux entrepreneurs de gaspiller de l’argent et du temps.

1.1.5.

Dans tous les États membres qui adoptent de nouvelles mesures politiques visant à faire de l’Union européenne un pôle d’attraction de talents, il y a lieu de renforcer et d’accélérer le développement de nouvelles formes de collaboration entre les universités et les entreprises, en y associant tout à la fois de grandes firmes et des sociétés plus petites.

1.1.5.1.

Le CESE encourage la Commission à lever tous les obstacles juridiques aux échanges d’étudiants et de jeunes entrepreneurs (3), par exemple en créant un programme Erasmus pour les jeunes entrepreneurs.

1.1.5.2.

Afin de faire connaître les entreprises prometteuses, le CESE plaide pour la création d’une base de données intégrée dans la plateforme européenne de conseil en investissement (EIAH) et le portail européen de projets d’investissement (EIPP) (4). Elle regrouperait les entreprises européennes à forte croissance, dans différents secteurs, sélectionnées sur la base de critères objectifs et transparents, et permettrait une comparaison et un étalonnage des différentes entreprises.

1.1.6.

Le CESE est d’avis que le partage et l’évaluation des bonnes pratiques constituent des aides précieuses pour expérimenter de nouvelles politiques (5).

1.2.

Le Fonds européen d’investissement (FEI) et la Banque européenne d’investissement (BEI) sont invités à soutenir les entreprises innovantes au moyen de capital-risque et de capitaux d’amorçage spécifiques afin de faciliter le transfert technologique à partir des universités et centres de recherche. Ce soutien pourrait prendre la forme de garanties de prêts, qui permettraient de surmonter la résistance initiale au financement privé.

1.3.

Le Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI), un fonds de 21 milliards d’EUR constitué de garanties de l’Union européenne et de capital de la BEI, devrait jouer un rôle essentiel pour ce qui est d’aider les projets innovants à prendre de l’ampleur et à arriver jusqu’au marché. En outre, l’EFSI pourrait être un modèle pour les futurs projets de l’Union européenne: la méthode traditionnelle de financement des projets par subventions serait remplacée par un modèle plus efficace axé sur l’investissement, qui ferait «affluer» les fonds pour les projets. L’EFSI a financé avec succès des secteurs relativement risqués qui auraient aisément pu être ignorés (6).

1.4.

Le CESE réclame la constitution d’une boîte à outils plus vaste pour l’investissement afin de stimuler les investissements en phase de croissance, comprenant également des «fonds asymétriques», qui apporteraient des retours différents en fonction de la catégorie d’investisseur en capital, ainsi que des instruments de financement alternatifs tels que le financement participatif (7). La création de sous-marchés devrait également être envisagée afin de permettre aux petites et moyennes entreprises (PME) européennes d’accéder plus facilement aux marchés.

1.5.

La Commission devrait se pencher sur les asymétries réglementaires entre l’Europe et les États-Unis en ce qui concerne les investissements dans les logiciels et supprimer les contraintes réglementaires qui empêchent le secteur financier européen d’investir dans le développement numérique.

2.   Analyse de la situation actuelle

2.1.

Les PME constituent un élément essentiel de l’économie européenne et apportent une contribution significative à la création d’emplois et à la croissance économique (8).

2.1.1.

En 2015, le nombre de PME dans l’Union européenne s’élevait à plus de 22,3 millions, soit 99,8 % du nombre total des entreprises non financières; elles employaient 90 millions de personnes (66,9 % de l’emploi total), ont généré 57,8 % de la valeur ajoutée totale (9) et ont créé 85 % des nouveaux emplois. L’Europe doit veiller à permettre la création d’une nouvelle lignée de PME pour compenser les 200 000 faillites qui surviennent chaque année (10) et touchent 1,7 million de travailleurs. Pour la croissance économique de demain, ce sont toutefois les entreprises désireuses d’innover, de croître et d’exporter qui sont le facteur décisif.

2.2.

La création d’entreprises («jeunes pousses») à forte croissance revêt une importance considérable en raison de l’accent qu’elles mettent sur l’innovation dans les secteurs qui croissent rapidement et présentent une importante valeur ajoutée. Ce sont ces entreprises qui créeront les emplois de demain et stimuleront la croissance de la productivité, laquelle joue un rôle essentiel dans l’amélioration du niveau de vie. Alors que l’Europe fait état de progrès dans certains domaines, elle est à la traîne pour ce qui est du passage des entreprises de la phase de démarrage à la phase d’expansion, qui devrait, en fin de compte, aboutir à la croissance et à la création d’emplois dont l’Europe a besoin (11).

2.3.

Le présent avis d’initiative porte essentiellement son attention sur les entreprises dites «en expansion»(scale-ups), qui sont des sociétés à forte croissance, dont les effectifs (ou le chiffre d’affaires) augmentent à un rythme supérieur à 20 % par an sur une période de trois ans et qui emploient 10 salariés ou davantage au début de la période considérée (12). Une caractéristique marquante des entreprises en expansion est le recours à des modèles économiques extrêmement évolutifs. L’évolutivité est la capacité à croître du point de vue de l’accès au marché, des revenus et de la structure, sous l’effet, par exemple, d’une duplication rapide du modèle d’entreprise sur différents marchés ou de nouvelles pratiques de gestion.

2.3.1.

Une étude de l’OCDE portant sur 11 pays (13) a révélé que les entreprises en expansion représentaient moins de 10 % du total des entreprises mais qu’elles créaient jusqu’à deux tiers de tous les nouveaux emplois (14).

2.4.

Les jeunes pousses ont tendance à être moins rentables à court terme et sont tributaires des financements externes. Si ces entreprises innovantes sont incapables de financer leurs projets d’expansion, elles n’arrivent pas enclencher leur expansion, et leur potentiel sous-jacent de croissance de la productivité et de création d’emplois risque d’être étouffé.

2.4.1.

Selon une étude de la Banque mondiale (15), le taux moyen des prêts non productifs accordés aux PME dans les marchés développés en 2007 était de 6,93 %, soit plus du double de ceux consentis aux grandes entreprises (2,54 %). Le pourcentage de prêts improductifs a augmenté de manière spectaculaire pendant la crise au Portugal, en Espagne, en Italie et en Irlande, atteignant un niveau compris entre 10 et 25 %.

2.4.1.1.

Les politiques qui encouragent les banques à accorder des prêts à des entreprises qui présentent davantage de risques, en particulier à celles qui sont en phase de démarrage, pourraient déboucher sur la création d’une série de banques à risque, une contraction du crédit et une instabilité financière accrue (16).

2.5.

L’Europe doit se concentrer sur le bon fonctionnement de la «transition du financement», actuellement défaillante.

2.5.1.

La transition du financement comporte quatre chapitres: la phase de démarrage (financement par des subventions, du capital d’amorçage, la famille et les amis), la phase de croissance du capital (financement participatif, microfinancement, investisseurs providentiels), la croissance soutenue (titrisation, fonds de capital-investissement, capital-risque, investisseurs institutionnels, placements privés de dette), et la sortie (acquisition, marchés boursiers).

3.   Éléments constitutifs du développement d’un écosystème d’innovation propice à l’expansion

3.1.

Les écosystèmes d’innovation réussie qui sont le terreau des entreprises en expansion se caractérisent par la présence de vigoureux réseaux interconnectés, regroupant des établissements d’enseignement supérieur et de recherche, de grandes entreprises et des investisseurs en capital-risque, ainsi que par l’existence de talents créatifs et entrepreneuriaux (17).

3.1.1.

Normalement, les jeunes pousses voient le jour dans des pôles technologiques constitués autour d’universités de premier plan, lesquelles jouent un rôle moteur dans le développement d’un environnement dynamique pour les entreprises, parce qu’avec leurs étudiants comme leurs professeurs, elles offrent des réservoirs de talents. Des grappes d’entreprises puissantes et bien connectées améliorent la productivité des entreprises, dictent la direction et le rythme de l’innovation et stimulent l’émergence de nouvelles entreprises. Les États-Unis et la Chine, ainsi que certains centres européens, mènent un combat de longue haleine pour attirer les talents et le capital et favoriser l’innovation.

3.1.2.

Toutefois, la fragmentation des marchés européens du travail empêche la transition des jeunes pousses vers des entreprises en expansion. À cet égard, il est crucial de faciliter la mobilité de la main-d’œuvre dans l’Union européenne et d’attirer des talents en provenance de pays tiers qui peuvent agir comme un aimant, afin de créer ainsi un cercle vertueux.

3.1.3.

Un programme Erasmus pour jeunes entrepreneurs pourrait être encouragé. Une telle initiative, conforme au principe directeur de croissance et d’emploi, est susceptible de faciliter la mobilité et serait bien accueillie par les entreprises.

3.1.3.1.

Certaines politiques ont récemment été adoptées en vue d’attirer des talents issus de pays extérieurs à l’Union. La «carte bleue», instaurée en 2009, a permis d’accélérer l’entrée de migrants qualifiés recrutés par un employeur de l’Union européenne (18). À l’échelon national, certains pays européens ont déjà créé des procédures de visa spécifiques pour les entrepreneurs, et d’autres s’engagent également sur cette voie (19).

3.1.4.

Oxbridge, c’est-à-dire la région d’influence qui englobe les universités d’Oxford et de Cambridge, au Royaume-Uni, offre un exemple de réussite remarquable d’une plateforme technologique. La communauté britannique de scientifiques spécialisés dans les technologies de pointe a continué à croître et à innover pendant la longue période de récession et de stagnation économique entre 2008 et 2012 (20).

3.1.4.1.

Toutefois, de nombreuses universités en Europe n’ont ni le prestige, ni la structure, ni la volonté nécessaires pour créer les conditions de développement de partenariats entre les entreprises et les universités ou pour militer en faveur d’un tel programme d’innovation auprès de leur gouvernement (21). Les responsables universitaires et les gouvernements devraient nouer des liens avec les entreprises en investissant dans des structures de transfert de technologie sur les campus et dans l’éducation à l’esprit d’entreprise (22).

3.1.5.

Les entreprises issues de l’essaimage créées à la suite de transferts technologiques des universités éprouvent des difficultés d’expansion en raison du manque de fonds et de l’absence d’une gestion spécialisée. Par conséquent, il est essentiel qu’elles puissent compter sur un soutien public institutionnel afin de surmonter les réticences initiales des bailleurs de fonds privés, qui hésitent à investir dans des entreprises issues de l’essaimage ayant un profil technique, car elles sont perçues comme étant trop techniques et risquées, et souvent ne sont pas bien comprises.

3.2.

Bien qu’ils aient un niveau d’instruction similaire, les Européens créent beaucoup moins souvent de nouvelles entreprises que les Américains. Cette disparité trouve son origine dans toute une série de raisons, parmi lesquelles figurent un niveau élevé d’aversion au risque, le poids des charges administratives, les carences concernant la culture de la seconde chance et l’enseignement axé sur l’esprit d’entreprise, ainsi que l’absence d’une culture des fonds propres. Il conviendrait également de veiller au développement précoce de l’esprit d’entreprise dans l’enseignement primaire et secondaire.

3.2.1.

De fait, au moment de créer une nouvelle entreprise, le risque de faire faillite est la principale crainte ressentie par 43 % des Européens, contre 19 % seulement des Américains. Aux États-Unis (23), le régime de faillite des entreprises, relativement efficace et non punitif, de même qu’une meilleure acceptation des faillites d’entreprises dans l’opinion publique contribuent à mieux faire accepter la prise de risque. Développer une culture davantage axée sur l’entreprise devrait devenir une priorité pour les décideurs politiques comme les établissements d’enseignement.

3.2.1.1.

Selon une étude récente, les entreprises fondées par des entrepreneurs qui en sont à leur deuxième tentative ont un chiffre d’affaires plus élevé, enregistrent une croissance de l’emploi plus importante et présentent de meilleures chances d’obtenir un financement extérieur (24). En Espagne, seuls 20 % des chefs d’entreprise qui créent une entreprise pour la première fois voient leur initiative couronnée de succès, alors que, contre toute attente, le taux de réussite de ceux qui retentent leur chance grimpe à 80 %.

3.3.

Les entreprises innovantes et à forte croissance sont souvent plus exposées au risque qu’un financement sous forme de prêt bancaire leur soit refusé, parce qu’elles manquent de capital, lequel représente un élément essentiel des évaluations de crédit des banques (25). Les financements par apport de fonds propres sont dès lors essentiels pour les jeunes pousses et les entreprises qui ont d’importants projets d’expansion mais des flux de trésorerie incertains ou négatifs. Il conviendrait dès lors, en renfort des prêts bancaires, d’améliorer la diversité et la souplesse des sources de financement, en accordant une attention particulière au rôle du financement par apport de fonds propres.

3.4.

Il conviendrait de créer et d’encourager une culture de la prise de participation en Europe, et les systèmes financiers européens doivent développer des produits d’investissement qui conviennent aux investisseurs de détail et leur fournissent la liquidité nécessaire pour investir dans de petites entreprises innovantes.

3.4.1.

En raison de l’absence de financement après la phase de démarrage, les jeunes pousses européennes ne peuvent pas se développer aussi rapidement que leurs homologues américaines et doivent dégager des revenus plus tôt qu’elles, afin de continuer à exister, ou elles sont vendues à un stade plus précoce, à un prix bradé. En effet, en 2009, dans le classement des 1 000 premières entreprises européennes du point de vue de la capitalisation boursière, on n’en trouvait, en 2009, que 5 % à avoir été créées ex nihilo depuis 1980, alors qu’aux États-Unis, elles étaient 22 % dans ce cas (26).

3.4.1.1.

Fait notable, plus de la moitié de l’ensemble du capital-risque disponible au niveau mondial est investie aux États-Unis, contre 15 % seulement en Europe. En 2013, les jeunes pousses américaines ont bénéficié de 26 milliards d’EUR de capital-risque alors que leurs homologues européennes n’en ont reçu que 5 milliards, tandis que les investisseurs providentiels ont fourni 6 milliards d’EUR aux jeunes entreprises européennes et 20 milliards à celles des États-Unis.

3.4.1.2.

L’Union européenne souffre donc d’un important déficit en ce qui concerne les capitaux investis par les investisseurs providentiels et les investissements en capital-risque, les premiers y étant trois fois plus élevés aux États-Unis et les seconds, cinq fois. C’est là une différence cruciale, s’agissant du type de capital qui est nécessaire pour transformer des sociétés en entreprises plus grandes et plus performantes.

3.4.1.3.

Cela s’explique principalement par la forte fragmentation du secteur européen du capital-risque en raison des frontières nationales. La valeur moyenne des fonds européens de capital-risque, qui s’élève à environ 60 millions d’EUR, représente seulement la moitié de celle des fonds américains, et 90 % des investissements en capital-risque dans l’Union européenne se concentrent dans huit États membres seulement (le Danemark, l’Allemagne, l’Espagne, la France, les Pays-Bas, la Finlande, la Suède et le Royaume-Uni) (27). En raison de la diversité des règles applicables dans les différents États membres, les sociétés de capital-risque doivent supporter des coûts élevés liés à la collecte de fonds dans toute l’Europe. Par conséquent, elles sont de petite taille et disposent de moins de fonds propres pour soutenir les entreprises en expansion. Si les marchés européens du capital-risque étaient aussi profonds que ceux des États-Unis, 90 milliards d’EUR de fonds supplémentaires auraient été disponibles pour financer les entreprises entre 2008 et 2013 (28).

3.4.1.4.

Le manque de participation des investisseurs privés est également problématique. Au cours des dix dernières années, le secteur européen du capital-risque est devenu de plus en plus tributaire des institutions du secteur public, dont la contribution s’est élevée à 31 % (29) de l’investissement total en 2015, contre seulement 15 % (30) en 2007. Il ne faut pas viser à réduire la proportion d’argent public mais plutôt à accroître les sources privées. La base d’investisseurs doit être élargie et diversifiée pour permettre au secteur de devenir autonome à long terme.

3.4.1.5.

Afin d’encourager les partenariats public-privé, on pourrait envisager de recourir aux fonds asymétriques. Il s’agit de fonds de capital-risque dans lesquels les investisseurs bénéficient de conditions et de retours sur investissement différents en fonction de leurs objectifs; ces fonds reconnaissent la diversité des intérêts des partenaires selon le type de collaboration. Ils existent déjà en Grèce, aux Pays-Bas, en Finlande et au Royaume-Uni.

3.4.2.

La création de sous-marchés devrait également être envisagée afin de permettre aux PME européennes d’accéder plus facilement aux marchés. Ceux-ci devraient permettre de faibles coûts d’admission ainsi qu’une approche flexible, adaptée aux besoins des entreprises dynamiques de plus petite taille. L’Alternative Investment Market (AIM) de Londres, le Nouveau marché de Paris ou le Mercado Alternativo Bursatil (MAB) de Madrid en sont de bons exemples. Ce système de réglementation souple peut être une arme à double tranchant. Les petites entreprises peuvent accéder plus facilement à la Bourse pour émettre des actions mais, en revanche, les investisseurs inexpérimentés pourraient éprouver des difficultés à évaluer le profil de risque exact d’une entreprise.

3.4.3.

Une réglementation sectorielle spécifique peut parfois limiter la capacité des entreprises européennes à investir dans le développement technologique en comparaison de leurs homologues américaines. Ainsi, il existe une asymétrie réglementaire entre les entités financières européennes, américaines et suisses en ce qui concerne les investissements requis dans les logiciels et d’autres actifs incorporels, essentiels au développement numérique.

3.4.3.1.

Le secteur bancaire est, de loin, le plus gros secteur informatique au monde: 700 milliards d’USD sont dépensés pour l’innovation informatique — 1 EUR sur 5 étant dépensé par le secteur financier, soit 5 à 10 % de l’investissement total (31). Par conséquent, le secteur bancaire est à la fois un acteur majeur de la transformation numérique et le principal bailleur de fonds de l’économie numérique.

3.4.3.2.

Néanmoins, le cadre réglementaire pénalise les investissements dans l’informatique, qui lui sont indispensables. La réglementation financière devrait traiter les logiciels comme un actif ordinaire et ne devrait pas contraindre les banques de l’Union européenne à déduire cet investissement aux fins du calcul des exigences de fonds propres.

3.5.

La différence de traitement fiscal suivant les États membres et les types de financement constitue un obstacle au développement de marchés des capitaux paneuropéens, et cette carence a des effets tant sur les investisseurs et que sur les émetteurs.

3.5.1.

La plupart des systèmes fiscaux en Europe favorisent le financement par la dette plutôt que par le capital, en autorisant une déduction des coûts liés au paiement d’intérêts, alors qu’il n’en est prévu aucune pour le paiement de dividendes en cas d’apport de fonds. Il serait possible de remédier à ce traitement privilégié de la dette en permettant de déduire fiscalement les coûts liés au financement tant par l’apport de fonds propres que par l’emprunt (32).

3.5.1.1.

Les incitations fiscales jouent un rôle important dans l’octroi d’un financement à des entreprises à forte croissance en phase de démarrage, et plusieurs gouvernements de par le monde autorisent des déductions fiscales pour les particuliers et les entreprises qui investissent soit dans de jeunes pousses spécialisées dans les technologies de pointe, soit dans les fonds de capital-risque qualifiés (33).

3.5.1.2.

Les programmes d’options sur actions constituent un avantage traditionnellement attrayant pour les salariés et les propriétaires de jeunes pousses, car bon nombre d’entre eux pourraient ainsi renoncer à une compensation salariale. Dans la majorité des États membres, le traitement fiscal des options d’achat d’actions est prohibitif, ces dernières étant considérées comme un revenu ordinaire et imposées au taux marginal. Un traitement fiscal privilégié des options d’achat d’actions devrait être encouragé, comme pour les Incentive Stock Options (ISOs) (34) aux États-Unis.

3.5.2.

Il est onéreux pour une entreprise de se conformer à ses obligations en matière de TVA, notamment si elle vend des biens ou des services à l’échelle transfrontière. Le CESE se félicite que la Commission ait annoncé, dans le cadre de sa stratégie pour un marché unique numérique, qu’elle présentera des propositions législatives d’ici à la fin de l’année 2016 afin de réduire la charge administrative que la multiplicité des régimes de TVA fait peser sur les entreprises. Parmi ces mesures, la Commission propose d’introduire un seuil exempt de TVA afin d’aider les jeunes pousses et les microentreprises (35).

3.6.

Libérer pleinement le potentiel du marché unique est indispensable si l’on veut que les jeunes entreprises puissent proposer au plus tôt leurs services et leurs produits dans l’ensemble de l’Union européenne et se développer rapidement afin d’affronter la concurrence sur les marchés mondiaux.

3.6.1.

Des règles simples et efficaces en matière de marchés transfrontières pour les consommateurs et les entreprises constituent une priorité de la stratégie pour un marché unique numérique. Elles permettraient de doper le commerce en ligne transfrontière dans l’Union européenne, en mettant fin à la fragmentation juridique du droit des contrats à la consommation. L’élimination des obstacles dus aux divergences entre les droits des contrats devrait permettre d’accroître la consommation dans l’Union européenne de 18 milliards d’EUR, et le produit intérieur brut augmenterait de 4 milliards d’EUR par rapport à son niveau actuel (36).

3.7.

Les charges administratives inutiles constituent également une source de gaspillage de temps et d’argent pour les entrepreneurs.

3.7.1.

Sur la période 2013-2015, le coût moyen de lancement d’une entreprise dans l’Union européenne s’élevait à 4,1 % du PIB par habitant, contre 1,17 % aux États-Unis (37).

3.7.2.

En ce qui concerne le temps nécessaire pour créer une entreprise dans l’Union européenne, il fallait en moyenne 11,6 jours pour qu’elle soit enregistrée. Aux États-Unis, lancer une entreprise ne demande que 6 jours.

3.8.

L’asymétrie de l’information est une autre raison pour laquelle l’Europe ne produit pas suffisamment d’entreprises à forte croissance. Les investisseurs ne disposent pas d’une vision globale de l’ensemble des possibilités d’investissement. En outre, des limitations supplémentaires pèsent sur les investisseurs non européens, qui éprouvent des difficultés à comprendre les spécificités des différents marchés nationaux. Un portail spécialisé, intégré à la plateforme européenne de conseil en investissement (EIAH) et au portail européen de projets d’investissement (EIPP) (38), contribuerait à assurer la visibilité des projets à forte croissance et à réduire l’asymétrie de l’information.

4.   Exemples de bonnes pratiques parmi d’autres

4.1.

Un certain nombre de pays ont développé des bonnes pratiques pour soutenir les jeunes pousses et les entreprises en expansion. Le CESE recommande à la Commission d’étudier soigneusement les possibilités de les mettre en œuvre au niveau européen.

4.1.1.

L’Allemagne oblige les entreprises à adhérer à une chambre de commerce et d’industrie allemande (IHK), laquelle fournit en échange une aide et des conseils (39).

4.1.2.

Il conviendrait d’explorer les systèmes de garantie de prêt par le gouvernement comme il en existe en France, en Italie, en Pologne et au Royaume-Uni, ainsi que le cofinancement public tel qu’il est pratiqué en Allemagne et en Suède (40).

4.1.3.

Avec les programmes EIS, SEIS et VCT (41), le Royaume-Uni a mis en place des régimes d’incitations fiscales afin d’accroître les flux de fonds dans des actifs plus risqués.

4.1.4.

En Italie, la région du Piémont a créé, dans douze grappes industrielles, des réseaux rassemblant des entreprises, des universités et des pouvoirs locaux (42).

4.1.5.

Au Pays basque espagnol, la coopérative elkar-lan encourage la création d’autres coopératives, en effectuant une analyse complète de rentabilité du projet et en assurant la formation et l’accès aux subventions et aux aides financières (43).

4.1.6.

Comme l’a démontré le cas de l’Estonie, la numérisation des services publics pourrait constituer une percée décisive pour stimuler la croissance des entreprises innovantes de haute technologie. À l’échelle paneuropéenne, le développement de l’administration en ligne aurait un énorme impact.

4.1.7.

À l’ère de l’économie fondée sur les données, les actifs incorporels, difficiles à estimer et à évaluer en utilisant les mécanismes de financement traditionnels, peuvent constituer un avantage concurrentiel. L’Office de la propriété intellectuelle du Royaume-Uni a mis au point un moyen pour déterminer et évaluer ces actifs du point de vue de la trésorerie (44).

4.1.8.

Au Royaume-Uni, une équipe spéciale au sein de Tech City UK, appelée «Future Fifty», soutient les 50 principales entreprises numériques du Royaume-Uni en phase d’expansion. Le programme permet aux entreprises de bénéficier de l’expertise des pouvoirs publics et du secteur privé, crée des liens avec la base des investisseurs institutionnels du Royaume-Uni, et leur offre un soutien taillé sur mesure pour les aider à se développer rapidement et à jeter les bases de l’OPI (45), des fusions et acquisitions et de l’expansion mondiale (46).

4.1.9.

En 2015, le gouvernement fédéral américain a mis en place le programme STEM, qui a pour objectif d’inciter les enfants à étudier les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques. Un de ses piliers essentiels consiste à préparer les étudiants aux futurs besoins du marché du travail (47). L’accent est de plus en plus mis sur les compétences transférables et le STEAM, le «A» faisant référence aux arts.

5.   Initiatives prises par la Commission européenne afin de promouvoir la création et la croissance des jeunes pousses

5.1.

La Commission européenne a réalisé un effort remarquable pour soutenir les entrepreneurs, en lançant, au cours de ces dernières années, de nombreuses initiatives, menées sous l’égide de différentes directions générales: DG Réseaux de communication, contenu et technologies (48), DG Éducation, jeunesse, sport et culture (49), DG Marché intérieur, industrie, entrepreneuriat et PME (50), DG Recherche et innovation (51) et DG Stabilité financière, services financiers et union des marchés des capitaux (52).

5.2.

Nombre de ces initiatives sont récentes, et il est encore trop tôt pour en apprécier les effets. Le CESE estime toutefois que la Commission est sur la bonne voie et l’encourage à poursuivre son activité dans ce sens, en concertation permanente avec les acteurs européens et nationaux concernés.

Bruxelles, le 14 décembre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Le CESE a fait part de son soutien aux initiatives relatives à l’union des marchés des capitaux dans ses avis sur «Un plan d’action pour la mise en place d’une union des marchés des capitaux» (JO C 133 du 14.4.2016, p. 17), sur la «Titrisation» (JO C 82 du 3.3.2016, p. 1) et sur les «Prospectus» (JO C 177 du 18.5.2016, p. 9).

(2)  Le CESE a maintes fois réclamé des mesures pour supprimer les distorsions fiscales en faveur de l’endettement, par exemple dans son avis sur le «Financement des entreprises: recherche de nouveaux mécanismes financiers» (JO C 451 du 16.12.2014, p. 20).

(3)  Voir l’avis du CESE sur «Des universités engagées pour donner forme à l’Europe» (JO C 71 du 24.2.2016, p. 11).

(4)  Plateforme européenne de conseil en investissement: http://www.eib.org/eiah/index.htm.

Portail européen de projets d’investissement: https://ec.europa.eu/eipp/desktop/fr/index.html.

(5)  Voir paragraphe 4.

(6)  Forum numérique européen, From Start-up to Scale-up: Growing Europe’s Digital Economy, Sergey Filippov et Paul Hofheinz, 2016, p. 3-5.

(7)  Ibid., p. 5.

(8)  Définition européenne des PME (JO L 124 du 20.5.2003, p. 36).

(9)  http://www.eif.org/news_centre/publications/eif_annual_report_2015.pdf.

(10)  Faillite et deuxième chance pour les chefs d’entreprise honnêtes en faillite — Politique de la Commission européenne, Journée de l’entrepreneur, 12 novembre 2015.

(11)  Une jeune pousse se définit généralement comme une entreprise conçue de manière à rechercher un modèle économique reproductible et évolutif. Ces entreprises nouvellement créées sont habituellement très innovantes et reposent en général sur des idées, des technologies ou des modèles d’entreprise qui n’existaient pas auparavant. En revanche, une entreprise en expansion (scale-up) est caractérisée par une expansion et une croissance rapides en matière d’accès au marché, de revenus ou de nombre de salariés. Voir l’Octopus High Growth Small Business Report 2015 (Londres, Octopus, 2015).

(12)  https://www.linkedin.com/pulse/20141201163113-4330901-understanding-scale-up-companies.

(13)  Royaume-Uni, Finlande, Espagne, Italie, États-Unis, Canada, Norvège, Pays-Bas, Danemark, Nouvelle-Zélande, Autriche.

(14)  Aubrey, T., Thillaye, R., et Reed, A., Supporting investors and growth firms, 2015, p. 11.

(15)  http://siteresources.worldbank.org/INTFR/Resources/BeckDemirgucKuntMartinezPeria.pdf.

(16)  Aubrey, T., Thillaye, R., et Reed, A., Supporting investors and growth firms, 2015, p. 21.

(17)  Tataj, D., Innovation and Entrepreneurship. A Growth Model for Europe beyond the Crisis, Tataj Innovation Library, New York, 2015.

(18)  https://www.apply.eu/directives/.

(19)  http://tech.eu/features/6500/European-start-up-visa.

(20)  www.cambridge.gov.uk/sites/default/files/documents/cnfe-aap-io-employment-sector-profile.pdf.

(21)  Clustering for Growth, How to build dynamic innovation clusters in Europe, p. 11.

(22)  Voir l’avis du CESE sur «Des universités engagées pour donner forme à l’Europe» (JO C 71 du 24.2.2016, p. 11).

(23)  Faillite et deuxième chance pour les chefs d’entreprise honnêtes en faillite — Politique de la Commission européenne.

(24)  Étude réalisée par Kathryn Shaw, professeur à la Stanford Graduate School of Business.

(25)  Aubrey, T., Thillaye, R., et Reed, A., Supporting investors and growth firms, 2015, p. 40.

(26)  http://eref.knowledge-economy.net/uploads/documents/Born%20to%20Grow.pdf.

(27)  Commission européenne, «Construire l’union des marchés de capitaux», livre vert.

(28)  Ibid.

(29)  http://www.investeurope.eu/media/476271/2015-european-private-equity-activity.pdf.

(30)  http://www.investeurope.eu/media/340371/141109_EVCA_FOF_scheme.pdf.

(31)  Fédération bancaire de l’Union européenne, 16 septembre 2016.

(32)  Fatica, S., Hemmelgarn, T., et Nicodème, G., The Debt-Equity Tax Bias: Consequences and Solutions, Taxation Papers/Working Paper 33-2012, Commission européenne: http://ec.europa.eu/taxation_customs/resources/documents/taxation/gen_info/economic_analysis/tax_papers/taxation_paper_33_en.pdf.

(33)  Voir par exemple le paragraphe 4.3.

(34)  https://www.law.cornell.edu/cfr/text/26/1.422-2.

(35)  http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-16-1024_fr.htm.

(36)  http://europa.eu/rapid/press-release_IP-15-6264_fr.htm.

(37)  www.theglobaleconomy.com/USA/Cost_of_starting_business

(38)  Voir la note de bas de page 4.

(39)  http://www.dihk.de/en.

(40)  Aubrey, T., Thillaye, R., et Reed, A., Supporting investors and growth firms, 2015, p. 36.

(41)  Enterprise Investment Scheme (EIS — dispositif pour l’investissement dans les entreprises), Seed Enterprise Investment Scheme (SEIS — dispositif pour l’investissement dans les jeunes pousses) et Venture Capital Trust (VCT — fonds de capital-risque).

(42)  cordis.europa.eu/piedmont/infra-science_technology_en.html.

(43)  www.elkarlan.coop.

(44)  https://www.gov.uk/government/publications/banking-on-ip.

(45)  Offre publique initiale ou introduction en bourse.

(46)  http://futurefifty.com/.

(47)  https://www.whitehouse.gov/the-press-office/2015/03/23/fact-sheet-president-obama-announces-over-240-million-new-stem-commitmen.

(48)  Plan d’action «Entrepreneuriat 2020».

(49)  Programme Erasmus.

(50)  Stratégie pour le marché unique.

(51)  Horizon 2020, programme pour la recherche et l’innovation.

(52)  Union des marchés de capitaux.


10.3.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/14


Avis du Comité économique et social européen sur le «Cadre approprié pour la transparence des entreprises»

(avis d’initiative)

(2017/C 075/03)

Rapporteure:

Mme Vladimíra DRBALOVÁ

Décision de l’assemblée plénière

21 janvier 2016

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

29 novembre 2016

Adoption en session plénière

14 décembre 2016

Session plénière no

521

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

219/3/14

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité estime qu’il est essentiel que les entreprises soient transparentes et il approuve toutes les initiatives qui visent à rendre durable et prévisible à long terme l’exercice de leurs activités. La transparence est importante pour toutes les parties, pour les entreprises elles-mêmes, et pour améliorer leur image et renforcer la confiance des travailleurs, des consommateurs et des investisseurs.

1.2.

Le Comité tient pour acquis que la plupart des entreprises actives dans l’Union européenne sont effectivement transparentes. Néanmoins, une série de scandales a récemment mis en évidence la nécessité d’améliorer la transparence pour en faire de manière générale une composante des stratégies durables des entreprises. De plus en plus, les investisseurs et les actionnaires sont attentifs non seulement aux indicateurs de rentabilité des entreprises mais aussi aux indicateurs qualitatifs de RSE (1), qui contribuent à réduire les risques sociaux et à garantir un développement durable des entreprises. Pour satisfaire les besoins des entreprises et des autres parties intéressées, les informations devraient être pertinentes et pouvoir être collectées efficacement sur le plan des coûts.

1.3.

Le Comité relève que les gouvernements des États membres devraient stimuler et encourager les entreprises à jouer la transparence, car celle-ci constitue aussi une grande chance à saisir sur le plan commercial, et qu’ils devraient les soutenir afin qu’elles satisfassent à ces exigences.

1.4.

Le Comité estime qu’il est important de s’attacher dans le même temps tant à l’utilité et à l’ampleur des informations fournies qu’à leur qualité et à leur véracité. Il conviendrait d’axer l’amélioration de la transparence à la fois sur les résultats obtenus et sur le processus de communication de rapports et de publication d’informations. L’établissement de rapports devrait revêtir une dimension prospective tout en fournissant des informations sur les réalisations passées.

1.5.

Le Comité recommande à la Commission de prévoir des mesures supplémentaires pour permettre aux entreprises de respecter leurs obligations de transparence et de rester compétitives sur le plan mondial.

1.6.

Le Comité est conscient du fait que, de manière générale, les petites et moyennes entreprises (PME) exercent leurs activités dans des conditions différentes. C’est pourquoi il conviendrait de simplifier les règles qui s’appliquent à elles, afin de leur permettre de faire rapport d’une manière plus adaptée, à même de garantir une pleine transparence. Le Comité accueille favorablement le projet consistant à renforcer les capacités des PME pour les aider à répondre à ces défis.

1.7.

Le Comité estime que toute autre initiative en matière de publication d’informations devra s’attacher aux besoins réels d’information des parties intéressées, et que ces informations devraient reposer sur un ensemble d’indicateurs communs et, simultanément, prendre en considération la nature de l’entreprise et le secteur dans lequel elle exerce son activité.

1.8.

Le Comité fait valoir que les politiques menées au sein d’une entreprise en matière de responsabilité sociale des entreprises (RSE) et de transparence sont inefficaces si elles ne bénéficient pas de l’engagement de ses salariés, et qu’il conviendrait dès lors d’associer ces derniers dans le cadre d’une concertation entre les partenaires sociaux.

1.9.

Alors que le cercle des destinataires des rapports d’entreprise s’élargit, un nombre croissant de groupes de parties intéressées se préoccupent de plus nombreux aspects des activités des entreprises. Le Comité estime dès lors qu’il importe de procéder à une évaluation du modèle actuel de publication de rapports et de l’adapter à ses objectifs.

2.   Contexte général

2.1.

En 2010, la Commission a publié une communication exposant 50 propositions pour améliorer le marché unique. Les entreprises aussi doivent contribuer à cet effort commun en faisant preuve de la responsabilité et de la transparence qui leur incombent, tant à l’égard de leurs travailleurs et de leurs actionnaires que de la société en général. La Commission a souligné que leur gouvernance pouvait être encore améliorée, notamment en ce qui concerne la composition et la diversité des conseils d’administration, y compris la représentation des femmes, en vue de renforcer l’emploi, l’esprit d’entreprise et les échanges commerciaux (2). On a pris conscience de la contribution de l’éthique et des valeurs de l’entreprise à la reprise économique.

2.2.

En 2011, la Commission a publié une nouvelle stratégie de l’Union européenne pour la période 2011-2014 en matière de responsabilité sociale des entreprises  (3), dans laquelle elle apporte une nouvelle définition de cette dernière comme étant «la responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu’elles exercent sur la société». L’une de ses composantes fondatrices résidait dans un programme d’action visant l’intégration de rapports financiers et sociaux.

2.3.

En 2012, le Comité a adopté son avis sur cette nouvelle stratégie de l’Union européenne en matière de RSE (4), qui soulignait que, dans un contexte économique et politique difficile, l’initiative politique de la RSE offrait une occasion de nouer un dialogue positif avec le monde de l’entreprise. Il est important de reconnaître les différentes motivations qui sous-tendent l’engagement dans la RSE. La communication aborde diverses retombées positives, qui devraient bénéficier d’une meilleure promotion, tout comme les exemples de meilleures pratiques, afin d’informer et d’encourager les entreprises et de les amener à s’engager plus vigoureusement dans la RSE.

2.4.

Au cours des dernières années, le Comité a élaboré de nombreux autres avis dont il sera fait mention dans ce qui suit. Ces avis font valoir l’importance de la responsabilité sociale des entreprises, de la transparence des entreprises, de la publication d’informations non financières et de l’association à cette démarche des parties intéressées concernées, à savoir les investisseurs, les consommateurs, les travailleurs et leurs représentants syndicaux, les organisations non gouvernementales (ONG). Dans le présent avis, le Comité entend mettre l’accent sur la nécessité d’un cadre approprié pour l’ensemble du processus.

3.   Pour des entreprises socialement responsables et transparentes

3.1.

La crise économique de 2008 et ses conséquences sociales ont quelque peu mis à mal la confiance des citoyens dans les entreprises. Le public et les investisseurs ont tourné leur attention sur la performance sociale et éthique des entreprises. Un nombre croissant de groupes de parties intéressées se préoccupent à présent de plus nombreux aspects des activités des entreprises.

3.2.

Les investisseurs veulent la transparence et la maîtrise de leurs investissements et ils veulent connaître la manière dont leur argent influe en bien ou en mal sur l’environnement et la société. Pour ces investisseurs, les sources les plus importantes d’informations non financières sont les rapports en matière de développement durable ou de responsabilité sociale des entreprises, ainsi que les rapports annuels. Les déclarations politiques qualitatives sont importantes pour évaluer la rétribution financière, mais les indicateurs clés quantitatifs de performances sont considérés comme essentiels.

3.3.

Les travailleurs sont les premières victimes d’entreprises peu respectueuses des règles légales et de leur manque de transparence. Or, les salariés jouent un rôle déterminant dans le développement de leur entreprise: la pérennité de leur emploi, leur rémunération, leur santé, leurs conditions de travail en dépendent. Ils ont le droit d’exiger la transparence et d’être associés à l’information et à la prise de décision concernant la situation financière et les politiques sociales, environnementales et économiques de leur entreprise.

3.4.

Les consommateurs veulent la transparence et s’attendent à la trouver dans les domaines précis qui leur importent. L’entreprise, dans sa relation avec les autres parties prenantes (salariés, citoyens, consommateurs), a tout intérêt à pratiquer la transparence. Souvent, il s’agit tout simplement de fournir des informations aux clients et de les aider à prendre des décisions d’achat en toute connaissance de cause. Au bout du compte, ce seront ces entreprises qui profiteront de la loyauté de clients plus avertis  (5). À cet égard, les industries alimentaires constituent un secteur hautement sensible. Les recherches les plus récentes du Centre for Food Integrity (CFI — Centre pour l’intégrité alimentaire) (6) prouvent qu’un surcroît de transparence se traduit par un surcroît de confiance des consommateurs dans les denrées alimentaires, et elles indiquent clairement le chemin pour y parvenir.

3.5.

Dans le contexte de la mondialisation, un grand nombre de partenaires commerciaux et de parties intéressées sont désireux d’obtenir davantage d’informations sur un éventail élargi d’activités des entreprises d’un grand nombre de pays.

3.6.

La transparence suscite la confiance, et les entreprises ont besoin de la confiance de la société. Toutefois, il y a souvent un décalage entre les attentes des citoyens et ce qui leur semble être la réalité du comportement des entreprises. Ce décalage s’explique en partie par le comportement irresponsable de certaines entreprises ainsi que par la façon dont certaines entreprises exagèrent leurs mérites dans le domaine environnemental ou social. Il s’explique parfois aussi par la connaissance insuffisante que les citoyens ont des réalisations des entreprises et des contraintes qui leur sont imposées.

3.7.

Pour cette raison, la Commission européenne a lancé, en 2009, une série d’ateliers sur la transparence des entreprises. Les entreprises européennes ont accueilli ceux-ci favorablement en ce qu’ils constituaient une initiative opportune, précisément en période de crise, lorsque la transparence et la RSE en général pouvaient contribuer à restaurer la confiance du public dans l’entrepreneuriat que la crise économique actuelle avait quelque peu écornée. Cette initiative s’adressait à différents groupes de parties intéressées (les employeurs, les syndicats, les ONG, les médias). Ce sondage devait servir à la Commission de fil directeur pour ses étapes ultérieures.

3.7.1.

Les enseignements tirés de cette initiative sont les suivants:

De nombreuses entreprises ont d’ores et déjà obtenu des résultats positifs en matière de transparence. La RSE est à présent ancrée dans la stratégie commerciale des entreprises.

L’accès aux informations est important pour diverses parties intéressées; néanmoins, celles-ci requièrent diverses catégories d’informations à des fins distinctes. Des conditions et besoins différents prévalent dans différents secteurs.

Les avis divergent notamment s’agissant des indicateurs clés de performances. La plupart des autres groupes d’intérêts au sein des États membres préfèrent une série limitée bien définie d’indicateurs couvrant également les questions d’emploi et d’environnement, alors que les entreprises sont d’avis qu’il est nécessaire de faire preuve de souplesse et qu’un modèle unique pour tous n’est pas la bonne solution.

La question cruciale pour les PME est la capacité à fournir des informations. Lorsque se présente un large éventail de parties intéressées, dont chacune exige des informations différentes et a des attentes différentes, la charge administrative des entreprises peut être élevée.

Il convient d’axer le processus de transparence aussi bien sur les résultats obtenus que sur le processus en tant que tel d’élaboration des rapports et de publication des informations. Il y a lieu d’intégrer la RSE dans les stratégies commerciales, et la communication de rapports intégrés est un moyen d’y parvenir.

La transparence et la démarche de publication de rapports en matière de RSE sont un atout supplémentaire pour l’entreprise et pour ses salariés, pour les bénéficiaires de ses produits et services que sont les consommateurs et les citoyens, ainsi que pour les investisseurs.

4.   La Commission accroît les exigences en matière de transparence et de publication de rapports sur des questions non financières

4.1.

Dans sa stratégie de l’Union européenne en matière de RSE, la Commission déclare que la communication par les entreprises d’informations sociales et environnementales, y compris d’informations en rapport avec le climat, peut faciliter le dialogue avec des parties intéressées et la mise en évidence des risques matériels en matière de développement durable. Il s’agit d’un élément important de responsabilisation qui peut contribuer à inciter le public à avoir davantage confiance dans les entreprises. Pour satisfaire les besoins des entreprises et des autres parties intéressées, les informations devraient être pertinentes.

4.1.1.

La Commission reconnaît également qu’un nombre croissant de sociétés publient des informations sociales et environnementales. Les PME communiquent souvent ces informations de manière informelle et volontaire. Selon une source, quelque 2 500 sociétés européennes publient des rapports sur la RSE ou la durabilité, ce qui fait de l’Union européenne le leader mondial dans ce domaine (7).

4.2.

En 2013, à l’initiative du Parlement européen, la Commission a présenté une proposition législative concernant la transparence des informations sociales et environnementales fournies par les sociétés de tous les secteurs  (8). Cette modification de la directive dite comptable visait à instaurer l’obligation pour certaines grandes sociétés (pour l’instant, quelque 6 000 entreprises et entités dans l’Union européenne) de publier des informations non financières pertinentes, notamment sur la diversité, dans le cadre de leur rapport annuel de gestion.

4.2.1.

Dans certains États, la transposition de la directive à l’échelon national s’opère après une consultation des entreprises afin que son application tire parti de la souplesse qu’offre la directive, qu’elle ne déborde pas du cadre de celle-ci, qu’elle apporte aux entreprises une sécurité juridique et qu’elle corresponde aux exigences réelles des entreprises. En l’affaire, le CESE a élaboré un avis (9) dans lequel il fait valoir le droit de tirer parti de ce dispositif souple et approprié pour améliorer la communication vers les actionnaires, les investisseurs, les salariés et les autres parties prenantes, et il se félicite que cette proposition ne s’adresse qu’aux grandes sociétés.

4.2.2.

Sur la base des résultats de la consultation publique, la Commission élabore actuellement des lignes directrices non contraignantes en matière de rapports sur des questions non financières. Pour faciliter le processus de suivi consultatif avec les parties prenantes (10), la Commission a élaboré un document d’information illustratif qui fait l’inventaire des principes clés de la publication d’informations non financières. Les informations non financières rapportées devraient être pertinentes, fiables, équilibrées et compréhensibles, exhaustives et concises, stratégiques et prospectives, axées sur les parties prenantes, adaptées à l’entreprise/au secteur, qualitatives et quantitatives, et cohérentes.

4.3.

Conformément à la stratégie Europe 2020, qui prône l’amélioration de l’environnement des entreprises en Europe, la Commission a publié en 2014 une proposition de directive qui vise à soutenir la création, au niveau européen, d’un cadre de gouvernance d’entreprise pour les entreprises, les investisseurs et les salariés qui soit moderne, efficient  (11) et corresponde aux besoins de la société d’aujourd’hui ainsi qu’à l’évolution de l’environnement économique.

4.3.1.

Cette proposition devrait contribuer à la viabilité à long terme des entreprises dans l’Union européenne et à créer des perspectives à plus long terme pour les actionnaires, améliorant ainsi les conditions dans lesquelles les sociétés cotées sur les marchés dans l’Union européenne exercent leurs activités. Dans son avis (12), le Comité soulignait que la proposition mènerait à une gouvernance d’entreprise et à un environnement pour l’investissement plus stables et plus durables en Europe et notait également que, dans son évaluation d’impact, la Commission fait valoir que ses propositions ne devraient entraîner qu’une augmentation marginale des contraintes administratives des sociétés cotées. Il sera important de faire le point sur cet équilibre lors de l’évaluation de la directive.

4.4.

En octobre 2015, la Commission a publié sa nouvelle stratégie intitulée «Le commerce pour tous — Vers une politique de commerce et d’investissement plus responsable», qui dépeint une vision de l’orientation de la politique de l’Union européenne qui reflète le besoin d’une politique commerciale plus responsable et plus transparente.

4.4.1.

Dans le chapitre qu’elle y consacre à une politique de commerce et d’investissement fondée sur les valeurs, la Commission déclare fortifier les droits des consommateurs en renforçant les initiatives en matière de responsabilité sociale des entreprises et de devoir de diligence le long de toute la chaîne de production, en mettant l’accent sur le respect des droits de l’homme et sur les aspects sociaux — y compris les droits du travail — et environnementaux des chaînes de valeur. La Commission veut aller dans le sens du renforcement des dimensions de développement durable des accords de libre-échange.

4.4.2.

Dans son avis (13) consacré au travail décent dans les chaînes d’approvisionnement mondiales, le CESE déclare disposer «d’une vaste expérience dans le domaine de la durabilité, grâce à sa participation à la mise en œuvre et au suivi des chapitres consacrés à ce thème dans les accords de libre-échange (ALE), sa participation à un large éventail de forums de la société civile qui lui permettent de proposer un juste équilibre entre, d’une part, les exigences juridiques nécessaires dans le domaine des droits de l’homme et du travail, la transparence, la lutte contre la corruption et, d’autre part, la flexibilité nécessaire aux multinationales pour organiser et développer leurs chaînes d’approvisionnement mondiales (CAM) de manière efficace, adaptée aux différents contextes locaux».

4.4.3.

Des normes plus élevées en matière de publication de rapports sur des questions non financières pourraient constituer un thème d’importance dans le domaine de la politique commerciale. Une régulation mondiale, couvrant également les traités commerciaux, devrait renforcer la transparence en matière de publication d’informations non financières dans des États tels que les États-Unis et la Chine, de sorte à garantir des conditions de concurrence équitables pour les entreprises européennes.

4.4.4.

La Commission européenne prépare un renforcement des incitations en vue d’encourager notamment les entreprises multinationales à rendre compte du devoir de diligence, une approche plus ambitieuse concernant l’extraction de minerais dans les zones de conflits  (14), la recherche de nouveaux partenariats responsables au sein de la chaîne d’approvisionnement, et la publication de la liste des rapports des entreprises sur la chaîne d’approvisionnement responsable.

4.4.5.

L’on peut également escompter que la Commission européenne présente de nouvelles exigences à l’égard des entreprises en matière de commerce éthique et de promotion et de protection des droits de l’homme, à travers l’application de son plan d’action en faveur des droits de l’homme (2015-2018) (15). Dans ses conclusions, le Conseil, réuni en juin 2016 dans sa formation «Affaires étrangères», souligne le rôle crucial que joue la transparence des entreprises pour permettre aux marchés de reconnaître, d’encourager et de récompenser le respect des droits de l’homme par les entreprises.

4.5.

En janvier 2016, la Commission a présenté son paquet sur la lutte contre l’évasion fiscale qui vise à assurer une imposition efficace et une transparence accrue de l’impôt.

4.5.1.

L’un des domaines qui est tout particulièrement suivi et qui concerne les entreprises et groupes multinationaux est la publication d’informations pays par pays (à savoir l’obligation d’établir et de transmettre à l’administration fiscale une déclaration des transactions au sein du groupe qui reprend les données sur les revenus, les bénéfices, les impôts sur les sociétés versés, et ainsi de suite). Dans l’état actuel des choses, le paquet couvre la communication d’informations entre les différentes administrations fiscales des États membres.

4.6.

Au début du mois d’avril 2016 (16), la Commission a proposé que les entreprises multinationales publient une déclaration spéciale concernant l’impôt sur les bénéfices qu’elles acquittent, ainsi que d’autres informations fiscales. Qu’elles aient ou non leur siège dans l’Union européenne, les entreprises multinationales dont le chiffre d’affaires consolidé dépasse 750 millions d’EUR devront satisfaire à ces exigences supplémentaires de transparence. Cette obligation incombe également à leurs succursales et filiales. À ce sujet, le Comité vient d’adopter un avis sur la lutte contre l’évasion fiscale (17), où il incite la Commission à être plus ambitieuse en termes d’exigence de transparence fiscale des entreprises en abaissant le seuil de 750 millions d’EUR de chiffre d’affaires ou en élaborant un calendrier prévoyant l’abaissement progressif de ce seuil.

4.6.1.

Néanmoins, la Commission devrait tenir compte des principes du marché intérieur de l’Union européenne et de la compétitivité de l’Union. Des exigences unilatérales dans le cadre de l’Union européenne pourraient produire des incidences imprévues si les entreprises en dehors de l’Union étaient exonérées de cette obligation. Par conséquent, cette obligation devrait également s’appliquer à ces entreprises via la négociation des traités commerciaux internationaux.

4.7.

La Commission européenne coopère avec d’autres organisations internationales, comme par exemple l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), l’Organisation internationale du travail (OIT), l’OMS et la Banque mondiale et intensifie les synergies avec leurs instruments visant à la bonne administration et gestion des sociétés, à la transparence et à la responsabilité des entreprises (18). Ces instruments font régulièrement l’objet de révisions et fondent les exigences de responsabilité et de transparence des entreprises s’agissant de leurs politiques sociales, environnementales et en matière de droits de l’homme; elles encouragent la prévention et l’analyse des risques et la définition de mesures dans le cadre du principe de précaution. Ces instruments s’adressent en premier lieu aux sociétés multinationales, mais ils devraient également servir de référence pour les sociétés à l’échelon national. Toute révision de ces instruments devrait viser tout particulièrement à en améliorer l’application.

4.8.

Les exigences renforcées sur le plan mondial et européen en matière de transparence des entreprises sont transposées à l’échelon des entreprises qui opèrent dans les États membres. À cet égard, le rôle de la Commission européenne devrait être de guider et de coordonner les politiques des États membres de l’Union européenne, et ce afin de réduire le risque d’une coexistence d’approches divergentes (19).

4.8.1.

La stratégie de la Commission en matière d’entrepreneuriat responsable et ses recommandations à l’intention des États membres conduisent souvent, à l’échelon national, à l’idée que c’est à l’État et à lui seul de gérer et de contrôler l’entrepreneuriat responsable et la transparence.

4.8.2.

Les entreprises se considèrent elles-mêmes comme le vecteur de comportements transparents et responsables, ce que la Commission a également reconnu dans sa communication intitulée «Mise en œuvre du partenariat pour la croissance et l’emploi: faire de l’Europe un pôle d’excellence en matière de responsabilité sociale des entreprises» (20).

4.8.3.

La responsabilité première des entreprises est de créer de la valeur, non seulement pour leurs actionnaires, mais aussi pour leurs salariés, leur environnement et leur communauté, ainsi que de créer et de maintenir des emplois. Aussi les États membres devraient-ils créer les conditions qui les favorisent et soutenir leurs efforts en vue d’être responsables et transparentes.

5.   Rechercher un cadre approprié en matière de rapports d’entreprise

5.1.

Le Comité reconnaît la grande importance que revêt en matière de rapports d’entreprise la publication de rapports sur des questions non financières, en ce qu’elle contribue à créer une image complète des activités des entreprises.

5.2.

Du point de vue des entreprises, l’environnement réglementaire qui encadre leurs activités devient de plus en plus complexe. Afin de mieux répondre aux besoins d’information des parties intéressées, il convient de mettre en place un cadre approprié pour les rapports d’entreprises et, en même temps, de limiter les charges administratives et financières inutiles qui pèsent sur elles. Il y a également lieu de promouvoir la RSE et la transparence et de les appliquer, en tant qu’elles représentent pour les entreprises une possibilité de réduire les risques sociaux et de garantir leur développement durable.

5.3.

Au cours de la dernière décennie, l’accent a été mis de manière croissante sur les différents aspects des informations non financières. Il existe un certain nombre de cadres internationaux en matière de communication d’informations sociales et environnementales, y compris la Global Reporting Initiative.

5.4.

La question soulevée est celle de savoir si l’on peut satisfaire toutes ces parties intéressées au moyen d’un même rapport ou d’une série de rapports. Doit-il s’agir d’une mosaïque de rapports, pratique remise en cause, ou de l’idée d’un rapport unique et exhaustif, à l’image du concept «Core&More» («L’essentiel et davantage») (21) proposé en 2015 par la Fédération des experts comptables européens (FEE)?

5.5.

Le débat sur les futurs rapports d’entreprise doit prendre en compte la diversité des besoins d’information des différents groupes de parties intéressées, qui sont fonction de la taille et de la nature de l’entité qui établit des rapports.

5.6.

Comme le rappelle le Comité économique et social européen dans son avis sur la publication d’informations non financières, la Commission est invitée à initier ou faciliter un processus associant les «parties prenantes multiples» (22) afin de mieux définir les principes directeurs et les standards de référence qui faciliteront la comparabilité et, à plus long terme, l’harmonisation.

5.6.1.

À cet égard, le Comité a déjà mis en évidence la nécessité de remédier à la remise en cause des valeurs de l’entreprise qui découle d’une pensée court-termiste. Il insistait également, dans son avis sur la participation des travailleurs (23), sur le fait qu’il y a lieu de proposer à la politique européenne de nouvelles voies quant à la manière dont la tendance actuellement prédominante, qui consiste à assurer la transparence des entreprises au profit de leurs seuls actionnaires, pourra être corrigée grâce à une compréhension plus globale de l’entreprise en tant qu’«entreprise durable», dans l’intérêt de son développement à long terme.

5.7.

Même si l’avenir des entreprises durables sera fortement lié à leur environnement social et au respect des consommateurs, toute nouvelle initiative en matière de publication d’informations devrait s’attacher aux besoins réels des parties intéressées.

Bruxelles, le 14 décembre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  COM(2011) 681 final.

(2)  COM(2010) 608 final.

(3)  COM(2011) 681 final.

(4)  JO C 229 du 31.7.2012, p. 77.

(5)  https://www.visioncritical.com/5-brands-employed-transparency-marketing-and-won/

(6)  «A clear view of transparency and how it builds consumer trust», 2015 Consumer trust research («Une vision claire de la transparence et la manière dont elle suscite la confiance des consommateurs», enquête sur la confiance des consommateurs en 2015), Centre for Food Integrity.

(7)  Voir CorporateRegister.com (en anglais).

(8)  COM(2013) 207 final.

(9)  JO C 327 du 12.11.2013, p. 47.

(10)  Atelier avec les parties prenantes sur les lignes directrices non contraignantes sur la publication d’informations extra-financières, organisée le 27 septembre 2016 par la direction générale de la stabilité financière, des services financiers et de l’union des marchés des capitaux de la Commission européenne.

(11)  COM(2014) 213 final.

(12)  JO C 451 du 16.12.2014, p. 87.

(13)  JO C 303 du 19.8.2016, p. 17.

(14)  JOIN(2014) 8 final.

(15)  SWD(2015) 144 final.

(16)  COM(2016) 198 final.

(17)  JO C 487 du 28.12.2016, p. 62.

(18)  Tels que les principes directeurs de l’OCDE pour les entreprises multinationales ou la déclaration de l’OIT sur les multinationales et la politique sociale.

(19)  COM(2011) 681 final.

(20)  COM(2006) 136 final.

(21)  Voir The future for corporate reporting — Creating the dynamic for change («L’avenir des rapports d’entreprise — Créer la dynamique du changement»), FEE, octobre 2015.

(22)  JO C 327 du 12.11.2013, p. 47.

(23)  JO C 161 du 6.6.2013, p. 35.


10.3.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/21


Avis du Comité économique et social européen sur «Les principaux facteurs sous-jacents qui influencent la politique agricole commune après 2020»

(avis d’initiative)

(2017/C 075/04)

Rapporteur:

M. Simo TIAINEN

Décision de l’assemblée plénière

21 janvier 2016

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

24 novembre 2016

Adoption en session plénière

15 décembre 2016

Session plénière no

521

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

188/2/8

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Pendant un demi-siècle, la politique agricole commune (PAC) a contribué à la construction de l’Union européenne. Aujourd’hui, un retour aux sources devrait permettre d’élaborer une nouvelle vision à long terme de la PAC, qui donnerait des orientations claires et concrètes non seulement aux agriculteurs, mais aussi à des millions de citoyens. Le Comité n’a eu de cesse de répéter que la future PAC doit défendre le modèle agricole européen, fondé sur les principes de souveraineté alimentaire, de durabilité et d’adaptation aux besoins réels des citoyens européens, qu’ils soient agriculteurs, ouvriers agricoles ou consommateurs.

1.2.

Le Comité économique et social européen (CESE) se réjouit des premières discussions et réflexions sur l’avenir de la PAC après 2020. Tandis que les objectifs de la PAC, tels qu’ils sont définis dans le traité depuis 1957, et les nouveaux enjeux auxquels elle est confrontée n’ont jamais été aussi pertinents, il est extrêmement important de procéder à une analyse approfondie de la PAC actuelle et des résultats de sa réforme précédente. Le présent avis a pour but d’avancer quelques suggestions et de participer à la réflexion sur l’avenir de la PAC.

1.3.

Premièrement, eu égard à la complexité de la PAC et aux difficultés rencontrées pour mettre en œuvre la dernière réforme, les agriculteurs ont besoin de stabilité politique et d’une vision à long terme de la politique agricole. Plusieurs années seront inévitablement nécessaires, en particulier dans le cadre du traité de Lisbonne, pour réfléchir, partager des objectifs, débattre des enjeux et trouver des solutions. Par conséquent, les institutions européennes devraient convenir sans tarder de prolonger la durée de la PAC actuelle d’au moins deux ans.

1.4.

La PAC devrait accorder davantage d’attention à l’installation des jeunes et des nouveaux agriculteurs et agricultrices, non seulement au moyen d’outils spécifiques, mais aussi grâce à une réelle stabilité de la politique. En effet, une stabilité accrue est nécessaire pour que les agriculteurs puissent investir pour plusieurs décennies et relever le défi du renouvellement des générations.

1.5.

La future PAC devrait prendre en compte, d’une part, la diversité des modèles agricoles et spécificités régionales, et de l’autre, la diversité de ses objectifs: économiques, sociaux et environnementaux. La production alimentaire et l’agriculture revêtent une importance majeure et font partie intégrante de la culture de chaque nation dans le monde. Une politique alimentaire européenne devrait être fondée sur des denrées alimentaires saines et de qualité et créer des synergies avec la PAC. La PAC devrait avoir pour principe essentiel de maintenir l’agriculture vivante et durable dans toutes les régions de l’Union européenne.

1.6.

La première priorité de la prochaine réforme de la PAC devrait être la simplification. La mise en œuvre de la PAC doit être plus souple, et des systèmes de contrôle et de sanction plus raisonnables doivent être élaborés. Il est de la plus haute importance de veiller à ce que les agriculteurs perçoivent les paiements en temps utile.

1.7.

Étant donné que la PAC est une politique impliquant une intervention directe au niveau européen et que le délitement de la préférence communautaire entraîne une baisse des prix à la production, la future politique agricole doit être en mesure de relever tous les défis auxquels elle est confrontée, y compris les perturbations du marché. Il importe dès lors de réorienter le cadre politique pour relever tous ces nouveaux défis et fournir les outils adéquats au niveau européen.

1.8.

En 2017, la Commission européenne poursuivra ses travaux et procédera à une vaste consultation sur la simplification et la modernisation de la PAC. Il importe que la société civile européenne participe activement à ce processus. Le CESE devrait instituer un groupe d’étude chargé de le suivre et d’y contribuer.

2.   Introduction

2.1.

L’agriculture est au centre des enjeux stratégiques, économiques, environnementaux et sociaux de demain. La PAC est l’une des réussites de l’Europe, principalement parce qu’elle a permis de fournir aux consommateurs européens des aliments plus sûrs dont les prix n’ont cessé de baisser au cours des dernières décennies. Toutefois, l’on relève dans certaines zones des problèmes liés à la biodiversité, à l’environnement et au paysage, auxquels il convient de faire face. La production d’aliments de haute qualité dans le cadre de l’agriculture durable est au cœur des préoccupations des citoyens et des consommateurs. Pour répondre à leurs attentes, la politique agricole commune doit garantir la production de denrées alimentaires saines et sûres, une qualité élevée à des prix équitables, la protection de l’environnement et du paysage, et une économie dynamique dans les zones rurales.

2.2.

Lorsque les agriculteurs produisent des denrées alimentaires dans notre société basée sur l’économie de marché, assurant ainsi la sécurité alimentaire, ils influent aussi sur la disponibilité et la qualité des ressources en eau et sur la qualité de l’air et des sols, ainsi que sur les attributs naturels, tout en créant des emplois dans les zones rurales et en préservant les paysages ruraux. Bon nombre de ces effets connexes devraient être considérés comme des biens publics.

2.3.

L’agriculture et la sylviculture sont étroitement liées, étant donné qu’elles représentent une part importante des terres utilisées dans l’Union européenne. La sylviculture participe dès lors souvent à la fourniture de biens publics.

2.4.

Les facteurs qui influencent la PAC après 2020 sont avant tout les défis auxquels l’agriculture est confrontée, mais aussi la nature européenne de cette politique, le fait qu’elle soit soumise à un processus de réforme spécifique et à des disponibilités budgétaires et surtout, qu’elle nécessite une vision claire pour les prochaines décennies.

2.5.

La PAC a toujours été l’une des politiques fondamentales de l’Union européenne. Elle revêt clairement un intérêt pour la société civile européenne. Il importe dès lors que le CESE joue un rôle proactif s’agissant de la préparation de la prochaine réforme de la PAC, qui concerne la période après 2020.

3.   L’agriculture est confrontée à d’importants défis

Le défi de la sécurité alimentaire

3.1.

Si l’on en croit les prévisions démographiques mondiales, il y aura environ 9 milliards de bouches à nourrir sur la planète en 2050. L’amélioration des conditions de vie dans plusieurs régions du monde tire la demande de denrées alimentaires vers le haut et favorise la transition vers des régimes alimentaires comprenant davantage de produits d’origine animale. En raison de ces évolutions, la demande de denrées alimentaires aura doublé en 2050. L’Union européenne doit assumer sa part de responsabilité dans la sécurité alimentaire mondiale, bien que l’exportation de produits agricoles européens ne permette pas de résoudre le problème de la faim dans le monde. Il convient de noter que la sécurité alimentaire devrait être fondée sur des systèmes agroalimentaires durables au niveau local. Tout État doit assumer la responsabilité de sa propre sécurité alimentaire, comme le recommande également l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Le CESE estime nécessaire que l’Union européenne se focalise également sur le transfert de connaissances et l’échange d’expériences sur la façon de produire ailleurs dans le monde, au niveau local et de manière durable, davantage de nourriture de meilleure qualité.

3.2.

Parallèlement, la demande de denrées alimentaires devrait rester relativement stable en Europe, mais devrait se diversifier en fonction de considérations sanitaires, de qualité, d’éthique, d’origine, etc.

Défis environnementaux

3.3.

L’agriculture et l’environnement sont très étroitement liés, de diverses manières, dans toutes les régions. L’agriculture et la sylviculture revêtent une importance essentielle dans la conservation de la nature, la protection de la biodiversité, la qualité de l’eau et des sols et la réduction des niveaux de pollution.

Le défi énergétique

3.4.

Au titre de son cadre d’action en matière de climat et d’énergie, l’Union européenne s’est fixé comme objectif de faire passer la part des énergies renouvelables à au moins 27 % du bouquet énergétique d’ici à 2030. Cette part est vouée à augmenter au cours des prochaines années. L’agriculture et la sylviculture pourraient fournir la biomasse permettant d’atteindre cet objectif dans une économie de croissance verte. Elles doivent, par ailleurs, améliorer leur propre efficacité énergétique.

Changement climatique: adaptation et atténuation

3.5.

Le 20 juillet 2016, la Commission européenne a présenté un train de mesures législatives définissant des règles détaillées pour la mise en œuvre du cadre d’action de l’Union européenne en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030. Ce train de mesures permettra à l’Union de contribuer à l’atténuation du changement climatique, comme convenu dans l’accord signé en décembre 2015 à la COP 21. L’agriculture et la sylviculture peuvent contribuer à réduire les émissions et à stocker le carbone dans les sols ou dans les arbres. Afin de relever le défi de la sécurité alimentaire et d’atténuer le changement climatique, la croissance verte, une approche agroécologique et une intensification durable et efficace de la production agricole, sera nécessaire. En outre, l’adaptation au changement climatique sera un élément indispensable pour l’agriculture du futur.

Développement rural équilibré

3.6.

L’agriculture et la sylviculture ainsi que toutes les formes de bioéconomie qui y sont liées sont essentielles au maintien du dynamisme rural et au renforcement d’un développement rural équilibré. Elles jouent un rôle important en matière d’emploi, de culture, de cohésion territoriale et de tourisme dans les zones rurales dans l’ensemble de l’Union. Le dépeuplement et le vieillissement restent les tendances démographiques dominantes dans de nombreuses régions reculées, montagneuses ou moins favorisées. Les politiques publiques, en particulier la PAC, devraient viser à maintenir l’activité agricole et les producteurs dans l’Union, y compris dans les régions confrontées à des problèmes spécifiques. Les paiements octroyés aux agriculteurs implantés dans des zones rurales à handicaps naturels sont essentiels au développement rural. Sans ces paiements, l’agriculture dans ces régions ne serait pas viable.

3.7.

Les synergies qui existent entre les deux piliers de la PAC sont importantes et devraient être consolidées. La dernière réforme a resserré les liens et amélioré la cohérence entre tous les Fonds ESI, et il convient de poursuivre sur la même voie.

3.8.

Le CESE est favorable à ce que soit étendue et rendue obligatoire l’utilisation de la méthode du développement local mené par les acteurs locaux (DLAL) dans le cadre de tous les Fonds ESI pour un développement équilibré des zones rurales. Le fait d’avoir recours aux groupes d’action locale (GAL) en guise de partenariats locaux, avec la participation des agriculteurs, pour rechercher et financer des projets locaux, influence de manière positive la qualité de vie des populations. Cela pourrait permettre de lutter efficacement contre le dépeuplement et le vieillissement de la population des zones rurales de l’Union européenne.

3.9.

Le renouvellement générationnel est essentiel au maintien de l’agriculture, et l’installation de jeunes et/ou nouveaux agriculteurs et agricultrices doit être renforcée au moyen de tous les outils disponibles. Les paiements couplés sont également indispensables dans certains secteurs ou pour les régions dans lesquelles certains types d’agriculture ou secteurs agricoles spécifiques revêtent une importance particulière pour des raisons économiques, sociales ou environnementales. La PAC devrait également cibler clairement les agriculteurs actifs et la production active.

Volatilité des prix et des revenus

3.10.

L’agriculture est une activité économique particulière, qui n’entre pas dans le cadre économique normal. Dans une économie de marché, les variations des prix et des revenus sont le résultat du jeu de l’offre et de la demande. Cependant, l’alimentation étant un besoin fondamental, la demande de denrées alimentaires est, par définition, inélastique par rapport aux prix. L’offre de denrées alimentaires ne peut pas non plus s’adapter rapidement aux variations de prix. Par conséquent, après des modifications inattendues des volumes de production, les marchés ont souvent besoin d’un délai plus long et de fluctuations de prix importantes pour rétablir leur équilibre. Pour ces raisons, les marchés agricoles sont souvent considérés comme étant très volatils. D’autres mécanismes de marché innovants pourraient également être expérimentés.

Demande des consommateurs

3.11.

Les consommateurs veulent des denrées alimentaires sûres, durables, nutritives et de très bonne qualité. Ils veulent aussi que les prix de ces denrées soient raisonnables, d’autant plus depuis la crise économique. De nombreux consommateurs apprécient de pouvoir retracer l’origine des produits alimentaires et privilégient les produits locaux. Une large majorité des personnes interrogées dans tous les États membres dans le cadre de l’enquête Eurobaromètre spécial 410 estiment nécessaire de connaître l’origine de la viande qu’elles consomment. Il appartient à tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement alimentaire de relever ce défi.

Développement durable

3.12.

La prochaine PAC, comme d’autres politiques de l’Union européenne, devrait être cohérente par rapport aux objectifs de développement durable (ODD). Elle est pertinente eu égard à plusieurs de ces objectifs, mais surtout le deuxième: «Éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l’agriculture durable».

Incertitude du commerce international

3.13.

Le rôle du commerce international gagnera inévitablement en importance au cours des prochaines années. Néanmoins, le récent embargo russe sur les produits alimentaires provenant de l’Union européenne a suscité d’importantes incertitudes concernant les échanges internationaux. L’embargo de la Russie a mis une énorme pression sur les marchés agricoles de l’Union européenne, en particulier dans certains États membres. Aussi la lutte contre les difficultés liées à l’incertitude du commerce international sera-t-elle déterminante pour l’avenir de l’agriculture.

Déplacement du pouvoir de négociation dans les chaînes d’approvisionnement alimentaire

3.14.

Au cours de ces dernières années, on a constaté un déplacement du pouvoir de négociation dans les chaînes d’approvisionnement alimentaire, principalement à l’avantage du secteur de la distribution et de quelques multinationales et au détriment des fournisseurs, en particulier les agriculteurs. La future PAC devrait améliorer le pouvoir de négociation des agriculteurs.

4.   Dans l’Union, l’agriculture est une question européenne

4.1.

L’agriculture est une question centrale pour l’Union européenne. Les objectifs de la politique agricole commune ont été fixés par le traité de Rome en 1957. Ils sont toujours valables. De nouveaux défis, tels que les préoccupations relatives à l’environnement, au développement des zones rurales, à la qualité et à la santé, ou encore à la faim dans le monde, sont venus s’y ajouter, sans pour autant que les traités ne soient adaptés.

4.2.

La PAC est une politique fondamentale et intégrée de l’Union européenne, en corrélation de plus en plus étroite avec d’autres politiques telles que l’emploi, l’environnement, le climat, la concurrence, le budget, le commerce et la recherche, dotées d’une valeur ajoutée européenne spécifique.

4.3.

La PAC est une condition sine qua non de la réalisation d’un marché unique du secteur alimentaire dans l’Union européenne. L’industrie alimentaire européenne est le plus grand secteur industriel de l’Union européenne, fournissant plus de 5 millions d’emplois.

Préparation de la prochaine réforme de la PAC

4.4.

Complexité et subsidiarité sont les maîtres mots de l’adaptation de la PAC à tous les secteurs et territoires. La dernière réforme a renforcé ces éléments. La préparation et la négociation de règles communes au titre du traité de Lisbonne, avec la participation des 28 États membres et du Parlement européen, se sont avérées particulièrement difficiles.

4.5.

Les mesures stratégiques actuelles n’ont pas encore été évaluées. L’évaluation de la mise en œuvre des obligations de verdissement introduites il y a un an est toujours en cours. Il en va de même pour les surfaces d’intérêt écologique. Il importe de ne pas opérer à la hâte une autre réforme de la PAC sans avoir procédé au préalable à une évaluation claire et approfondie de la PAC actuelle afin de déterminer dans quelle mesure les dispositions stratégiques ont atteint leurs objectifs. Il faut, pour ce faire, évaluer correctement les mesures, en particulier celles qui nécessitent plus de temps pour produire leurs effets, par exemple les obligations de verdissement.

4.6.

La dernière réforme de la PAC a été lancée en 2010 et sa mise en œuvre a débuté en 2015. Il a donc fallu cinq ans pour mener cette réforme à bien. Il ne reste pas suffisamment de temps, durant le mandat actuel de la Commission et du Parlement européen, pour conclure la prochaine réforme de la PAC en vue d’une éventuelle mise en œuvre en 2021. Par conséquent, une période de transition est nécessaire pour continuer d’appliquer la PAC actuelle pendant une période suffisamment longue après 2020.

Subsidiarité et valeur ajoutée européenne

4.7.

Depuis 1962, la PAC s’appuie sur trois principes de base, à savoir l’unicité du marché, la préférence communautaire et la solidarité financière. Le marché unique est désormais une réalité, mais la préférence communautaire et la solidarité financière doivent être réaffirmées au niveau politique.

4.8.

Avec la mondialisation, les États-Unis s’appuient sur le levier financier pour promouvoir leur agriculture auprès des consommateurs grâce au «Food Stamp Program» (programme de bons alimentaires destiné aux plus démunis) et au «Buy American Act» (loi favorisant l’achat de produits américains). L’Union européenne devrait prendre des mesures similaires et pourrait mettre en lumière l’importance stratégique de la préférence européenne au moyen d’un «Buy European Act».

5.   Observations générales

Brexit

5.1.

Le Brexit aura une incidence majeure sur l’Union européenne, en particulier son marché unique et son commerce extérieur, et partant, sur l’avenir de la PAC. Lors des négociations sur le Brexit, si le Royaume-Uni sort de l’union douanière, les flux commerciaux actuels serviront de critère de base à la répartition, entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, des quotas de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour l’Union européenne-28.

Compétitivité, productivité et durabilité

5.2.

Depuis la réforme de 1992 et l’introduction des paiements directs, la compétitivité est la priorité absolue de la PAC. Cependant, pour progresser sur la voie de la compétitivité, de la productivité et de la durabilité, de nouvelles mesures d’incitation sont nécessaires pour promouvoir l’innovation (développement, diffusion et adoption de nouvelles technologies).

5.3.

Il convient d’investir massivement dans le secteur agricole, ce qui serait possible si les revenus escomptés étaient suffisants et les risques économiques gérables. Dans la situation actuelle, il est indispensable d’apporter un appoint aux revenus agricoles grâce à des paiements directs.

Gestion des risques et des crises dans le secteur agricole

5.4.

Les producteurs de l’Union ne sont plus isolés du marché mondial et de la volatilité plus élevée de ses prix. Par ailleurs, le secteur agricole est exposé à des phénomènes naturels extrêmes et à un plus grand nombre de problèmes sanitaires en raison de la mobilité accrue des biens et des personnes (pandémies), ce qui entraîne des pertes de production considérables. La PAC devrait fournir des outils spécifiques pour permettre au secteur agricole de limiter et gérer ces risques.

5.5.

La PAC actuelle comprend des outils de gestion des risques. Le prix d’intervention, le stockage privé, la promotion, les marchés à terme ou les outils fournis par l’organisation commune de marché (OCM) unique devraient être maintenus, voire développés.

5.6.

Cependant, il est à l’évidence nécessaire de développer de nouveaux outils:

Il convient de poursuivre le développement des mécanismes d’observation du marché. La Commission européenne devrait déterminer différents niveaux de crise afin d’agir plus efficacement en amont. Il est essentiel de renforcer la transparence des marchés en ce qui concerne le volume de production et les prix afin d’assurer le bon fonctionnement de la chaîne d’approvisionnement.

Il conviendrait de continuer à expérimenter des systèmes mutuels de couverture des risques ou des mécanismes d’assurance (récoltes, chiffre d’affaires ou revenus) afin de déterminer si les compagnies d’assurance ou d’autres organismes sont en mesure de fournir des solutions efficaces. On notera que la dernière loi agricole des États-Unis a introduit la possibilité d’utiliser des régimes d’assurance mais qu’aucun de nos partenaires commerciaux ne recourt aux boîtes vertes pour signifier à l’OMC qu’il utilise de tels mécanismes. Une avancée dans cette direction ne devrait en aucun cas accroître la distorsion de concurrence entre producteurs. Il convient aussi de chiffrer le coût de ce dispositif.

La dimension environnementale de la PAC

5.7.

Les préoccupations environnementales font clairement partie des priorités du secteur agricole. La dernière réforme a, par conséquent, introduit la notion de verdissement. Les décideurs politiques ne cessent de souligner cette évolution majeure de la PAC. La dimension environnementale de la PAC est à la fois globale et complexe, car l’agriculture englobe les sols, l’eau, la biodiversité, la sylviculture et les émissions de CO2. Pour être plus efficace, la politique doit être plus compréhensible, mieux réalisable et plus simple pour les agriculteurs.

5.8.

Des paiements sont nécessaires pour rétribuer les agriculteurs qui fournissent des biens publics (en particulier des services écosystémiques).

Une politique alimentaire commune

5.9.

La présidence néerlandaise de l’Union européenne, en particulier, a promu l’idée d’une politique alimentaire commune. Avec la nouvelle PAC, l’Union reconnaît que le secteur agricole européen doit atteindre des niveaux plus élevés de production alimentaire durable, saine et de qualité. La PAC encourage les programmes de distribution de fruits et de produits laitiers dans les écoles afin que des habitudes alimentaires saines soient prises dès le plus jeune âge. Elle promeut également l’agriculture biologique en faisant en sorte que les consommateurs puissent choisir en connaissance de cause grâce à un étiquetage clair et elle favorise des régimes d’aide particuliers au titre de la politique de développement rural.

5.10.

Actuellement, la promotion de la santé publique, d’une alimentation saine et d’un mode de vie équilibré relève de la compétence des États membres. Toutefois, l’Union doit assurer l’accès à une alimentation saine et de qualité à tous les habitants européens, au moyen de systèmes alimentaires durables. Alors que l’action de l’Union européenne complète et coordonne les efforts déployés au niveau national, davantage de synergies devraient être mises en place entre la PAC et toute future politique alimentaire européenne.

5.11.

Compte tenu des attentes des citoyens et de la demande des consommateurs, un effort particulier doit être fait pour développer les systèmes alimentaires territorialisés (SAT) et donc les circuits courts d’approvisionnement, notamment dans la restauration collective.

Politique climatique et PAC

5.12.

Depuis 1990, l’empreinte environnementale de l’agriculture a diminué. Néanmoins, il est impératif de continuer à réduire les émissions du secteur agricole d’ici à 2030. À cet effet, il convient de maintenir un modèle agricole européen et une politique rentable de réduction des émissions. Il est possible d’accroître la teneur en carbone des sols et de remplacer l’énergie fossile et les produits pétrochimiques par des produits agricoles et sylvicoles.

5.13.

Il convient de prendre en considération les multiples objectifs du secteur de l’agriculture et de l’utilisation des terres, dont le potentiel d’atténuation est plus faible, ainsi que la nécessité d’assurer la cohérence des objectifs de l’Union européenne en matière de sécurité alimentaire et de changement climatique (1).

Recherche, innovation et systèmes de conseil

5.14.

Des exploitations agricoles, des stations expérimentales et des laboratoires ne cessent de développer d’importantes innovations. Il convient d’intensifier les efforts consacrés à la recherche et au développement afin d’accompagner l’évolution de l’agriculture vers des systèmes plus durables. Il est, par ailleurs, essentiel de porter ces innovations à la connaissance des autres parties prenantes. Il y a lieu de promouvoir les services de vulgarisation, la coopération entre les parties prenantes ainsi que d’autres moyens de diffusion des innovations et de partage des bonnes pratiques.

5.15.

Il y a lieu d’intensifier le programme de recherche de l’Union européenne en matière d’agriculture au cours de la prochaine période de programmation afin de prendre en considération les enjeux et l’importance géostratégique de l’alimentation au XXIe siècle. L’économie numérique pourrait être la prochaine «révolution agricole» après la révolution verte du XXe siècle.

Fonctionnement de la chaîne d’approvisionnement

5.16.

Il existe des preuves évidentes du dysfonctionnement de la chaîne d’approvisionnement dans presque tous les États membres en raison de la forte concentration observée en aval. La répartition de la valeur ajoutée entre les acteurs de la chaîne d’approvisionnement alimentaire est inéquitable.

5.17.

Puisque les questions de la concurrence et du marché unique relèvent de la compétence de l’Union européenne, ce problème devrait être abordé au niveau européen. La Commission européenne devrait proposer des cadres réglementaires européens pour organiser les relations contractuelles tout au long de la chaîne et prévoir des possibilités juridiques permettant aux agriculteurs d’engager des actions collectives. En effet, les organisations de producteurs sont des acteurs importants de la chaîne d’approvisionnement alimentaire et contribuent au renforcement de la position des producteurs. La prochaine PAC devrait améliorer le pouvoir de négociation des organisations de producteurs. Les résultats des travaux du groupe de travail sur les marchés agricoles devraient être pris en compte.

5.18.

La PAC doit être adaptée à la réalité et à la rapidité du changement économique. Les articles 219 à 222 du règlement (UE) no 1308/2013 doivent être développés afin de pouvoir être praticables et réalisables pour la Commission européenne et les producteurs.

Commerce international

5.19.

Le commerce international et les marchés ouverts renforcent la compétitivité et pourraient tirer les prix des denrées alimentaires vers le bas. Le commerce juste n’en est pas moins extrêmement important pour l’Union européenne; il lui permet de rivaliser avec des pays tiers en appliquant des règles et des méthodes de production identiques. Des obstacles non tarifaires pourraient entraver le développement international. Dans le cadre des solutions nombreuses et variées visant à assurer la sécurité alimentaire au niveau mondial, le commerce a également un rôle à jouer s’agissant de l’accroissement des exportations agricoles.

5.20.

Néanmoins, la PAC et la politique commerciale devraient garantir aux producteurs européens une concurrence équitable avec les produits importés. L’Union européenne devrait par conséquent réclamer que les produits importés respectent des normes identiques.

Budget européen

5.21.

La PAC est traditionnellement financée au niveau européen. Elle représente une part importante du budget de l’Union (38 % en 2015), mais elle ne correspond qu’à environ 0,4 % de ses dépenses publiques. Le budget de la PAC est inférieur à son équivalent américain ou chinois. De plus, pendant plusieurs années, il est resté stable ou a diminué, en dépit de l’élargissement de l’Union européenne. La PAC doit relever les nombreux défis majeurs auxquels elle devra faire face à l’avenir; il importe dès lors que le budget de la politique agricole soit augmenté au niveau européen.

5.22.

Des aspects particuliers du budget européen, tels que l’annualité, représentent une contrainte importante en ce qui concerne la conception de la PAC. Les fonds de mutualisation ou les mesures de crise sont limités en raison de ces contraintes. Par ailleurs, la répartition du budget est une source de tension politique et peut donner lieu à des dysfonctionnements.

Simplification

5.23.

La simplification est depuis longtemps une priorité de la PAC, et cela a notamment été le cas au cours des premières années de mise en œuvre de la réforme de la PAC de 2013. La simplification devrait cependant être la première priorité de la prochaine réforme de la PAC. En particulier, il y a lieu de prévoir des contrôles plus adéquats et des systèmes de sanctions mieux proportionnés. À l’heure actuelle, les réductions de paiements liées aux mesures d’écologisation et de conditionnalité peuvent être exagérées et disproportionnées. Il est de la plus haute importance de veiller à ce que les aides directes soient versées aux agriculteurs en temps utile.

Structure de la PAC

5.24.

Ces dernières décennies, la structure de la PAC a reposé sur deux piliers. Alors que le premier est entièrement financé par l’Union européenne, le second est cofinancé et adapté aux besoins de chaque État membre par l’intermédiaire de programmes pluriannuels. La diversité des États membres, des régions et de leurs besoins nécessite que la future PAC conserve une structure à deux piliers.

Préparatifs en vue de la PAC après 2020

5.25.

Dans son programme de travail pour l’année 2017, publié le 25 octobre 2016, la Commission indique qu’elle poursuivra ses travaux et procédera à de larges consultations sur la simplification et la modernisation de la politique agricole commune afin d’optimiser la contribution de cette dernière à ses 10 priorités et aux objectifs de développement durable. Il importe que la société civile européenne soit associée activement à ce processus.

Bruxelles, le 15 décembre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Paragraphe 2.14 des conclusions du Conseil des 23 et 24 octobre 2014.


10.3.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/28


Avis du Comité économique et social européen sur «Pour la prise en compte du “nudge” dans les politiques européennes»

(avis d’initiative)

(2017/C 075/05)

Rapporteur:

Thierry LIBAERT

Décision de l’assemblée plénière

21 janvier 2016

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

24 novembre 2016

Adoption en session plénière

15 décembre 2016

Session plénière no

521

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

162/3/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Les nudges apparaissent comme un outil de politique publique complémentaire à ceux déjà utilisés par les pouvoirs publics européens (l’information et la sensibilisation, l’incitation financière, la législation et l’exemplarité). Ils apparaissent pourtant comme un outil particulièrement intéressant pour répondre à certains défis sociaux, environnementaux et économiques.

1.2.

Encourager l’utilisation des nudges dans les politiques publiques en complément des outils traditionnels, et notamment le changement d’approche qu’ils proposent pour les comportements individuels. Les nudges pourraient ainsi être intégrés dans le cadre de politiques publiques globales et accélérer leur mise en œuvre à moindre coût. Leur souplesse et leur simplicité les rendent utilisables dans différents contextes et par différentes catégories d’acteurs de manière simultanée: par un organisme intergouvernemental; dans le cadre d’unités internes à chaque ministère; par les collectivités territoriales; par des organisations non gouvernementales (ONG); par des acteurs privés, etc.

1.3.

Privilégier en particulier les nudges qui répondent à des objectifs environnementaux, sociaux, etc. (transition énergétique/écologique, lutte contre le gaspillage de ressources, bien-être social, amélioration de l’état de santé de la population, etc.). Ils peuvent ainsi s’inscrire dans le cadre de mesures répondant à des objectifs collectifs prédéfinis, mais pour lesquels les outils traditionnels des politiques publiques se révèlent inefficaces et/ou trop coûteux.

1.4.

Favoriser l’échange d’informations et de bonnes pratiques sur les nudges entre toutes les catégories d’acteurs potentiellement concernés (pouvoirs publics, collectivités, entreprises, associations, ONG, etc.) au niveau européen. Une plate-forme recensant les initiatives et/ou un observatoire dédié pourraient être envisagés.

1.5.

Étudier de manière plus approfondie les impacts différenciés des nudges selon les cultures, les profils socioéconomiques, les territoires, etc. Ceci permettrait de mieux comprendre les avantages et limites de la diffusion et de la transposition des nudges entre les pays, les secteurs, etc. En particulier, la question de la durée de l’impact des nudges sur les comportements mériterait de faire l’objet d’études plus approfondies.

1.6.

Identifier les conditions générales d’utilisation des nudges permettant de réduire leurs impacts négatifs et garantissant leur acceptabilité éthique. Elles pourraient être regroupées au sein d’une charte de bonnes pratiques co-construite avec les différentes parties prenantes, et adoptée à l’échelle européenne puis déclinée par les pays membres. Un guide pourrait également être publié et distribué aux acteurs concernés.

1.7.

Mettre en place des procédures d’information sur l’utilisation des différents types de nudges garantissant leur transparence pour les personnes «nudgées». Les nudges doivent être compris, discutés et partagés pour être acceptés au mieux. Ceci éviterait des «dérives» et des risques de manipulation dans l’utilisation des nudges.

1.8.

Assurer une réelle déontologie du nudge afin d’éviter de le dévoyer vers des objectifs non responsables. La mise en place d’une démarche de nudge doit s’opérer dans le respect de quatre conditions: la transparence du processus, la flexibilité pour les personnes concernées, qui doivent toujours avoir le choix d’agir dans un sens ou dans l’autre, la fiabilité des informations qui leur sont données et la non-culpabilisation des individus.

1.9.

Concevoir des dispositifs de suivi et d’évaluation des nudges en fonction de différents critères (sociaux, environnementaux, économiques). Ceci peut supposer une première phase d’expérimentation pour comprendre l’influence exacte du nudge en fonction de sa nature, du public visé, du contexte, etc. Elle permet un ajustement rapide si les résultats du nudge s’avèrent décevants, voire son abandon si le nudge est jugé inefficace.

1.10.

Encourager dans les cursus de formation (initiale et continue) les disciplines relevant de l’économie comportementale. Ceci permettrait d’améliorer les connaissances sur cet outil et de favoriser son utilisation raisonnée et critique par différents publics (agents de la fonction publique, salariés d’entreprises, élus, etc.). Cela suppose aussi un décloisonnement des disciplines universitaires puisque le nudge repose sur une approche transversale.

1.11.

Assurer une certaine flexibilité dans l’utilisation du nudge afin d’exploiter au mieux son potentiel. En effet, tout comme les autres outils à la disposition des pouvoirs publics, le nudge n’est pas un outil miracle ni totalement nouveau, mais il peut se révéler très complémentaire et utile pour faire évoluer certains comportements. Son principal intérêt est d’inciter à prendre en compte dans la conception des politiques publiques la dimension psychologique des comportements et pas uniquement leur «rationalité économique».

1.12.

Organiser à l’initiative du CESE les premières assises européennes sur les nudges , qui constitueraient une occasion unique d’échanges d’expériences entre les acteurs concernés par cet outil au sein de l’Union européenne.

1.13.

Créer au sein du CESE, afin de faire face au basculement radical vers un nouveau modèle économique qui aura des conséquences systémiques importantes dans de nombreux domaines, un nouvel organe permanent de nature transversale qui serait chargé d’analyser ces évolutions, y compris le nudge et d’autres thèmes connexes tels que l’économie circulaire, l’économie du partage et l’économie de fonctionnalité.

2.   Un cinquième outil pour les pouvoirs publics

2.1.

Pour faire évoluer les comportements des individus, les pouvoirs publics disposent traditionnellement de quatre types d’outils: l’information et la sensibilisation; l’incitation financière; la législation (interdiction ou obligation) et l’exemplarité. Mais ces quatre outils ont montré leurs limites, notamment en matière de comportement et de consommation responsable, c’est-à-dire moins consommatrice de ressources naturelles. En effet, un décalage persiste souvent entre la prise de conscience des individus et leurs comportements quotidiens.

2.2.

Les raisons de cet écart entre les intentions et l’action ont été analysées par l’économie et les sciences comportementales, une discipline qui s’est spécialisée dans la compréhension des facteurs d’influence des comportements des individus. Selon les chercheurs de cette discipline, les actions individuelles sont déterminées par de multiples facteurs. Nous sommes des êtres complexes, à la rationalité limitée, largement émotionnels, influencés par les autres et les interactions sociales mais également par le contexte et l’environnement dans lequel nous prenons des décisions.

2.3.

Au final, nos décisions et comportements émanent majoritairement de ce que Daniel KAHNEMAN, prix Nobel d’économie, appelle notre «système 1»: un mode de réflexion largement inconscient, automatique, ultrarapide qui nous permet de prendre de multiples décisions quotidiennes en minimisant nos efforts et en économisant nos ressources attentionnelles, mais qui se nourrit de stéréotypes et d’associations et nous éloigne souvent d’une rationalité mathématique.

3.   Prendre en compte les comportements pour orienter les choix

3.1.

L’économie comportementale (Behavioral Economics) considère donc que les leviers traditionnels des politiques publiques peuvent se révéler insuffisants pour faire évoluer les comportements, car ils ne prennent pas en compte les différentes dimensions qui peuvent influencer la prise de décision. C’est en partant de ce constat que deux professeurs américains, Richard THALER (professeur d’économie à Chicago et figure de proue de l’économie comportementale) et Cass SUNSTEIN (professeur de droit à Harvard) ont publié en 2008 le premier ouvrage sur les nudges  (1), qui repose sur l’idée que les changements de comportement doivent reposer sur des «incitations douces». Les auteurs définissent le nudge comme «tout aspect de l’architecture du choix qui modifie de façon prévisible le comportement des gens sans interdire aucune option ou modifier de façon significative les incitations financières». Pour être considéré comme un simple nudge, l’acte doit pouvoir être évité facilement, les nudges ‘n’ayant aucun caractère contraignant.

3.2.

Le nudge vise à concevoir des «architectures des choix», qui mettent en avant le choix considéré comme bénéfique pour l’individu et/ou la collectivité, sans modifier le nombre ni la nature des choix disponibles. Il s’agit de pousser le consommateur ou l’usager vers un choix considéré comme meilleur. Il présente trois caractéristiques: une liberté de choix totale laissée aux individus, la simplicité de mise en place, un coût limité de l’intervention.

3.3.

Les nudges suscitent un intérêt croissant des pouvoirs publics dans certains pays, car ils présentent deux avantages majeurs: ils ne restreignent pas les libertés individuelles et ont un coût limité, alors que leur impact peut être significatif. Ils peuvent donc constituer un outil complémentaire, s’inscrivant dans le cadre de politiques publiques visant à rendre les comportements individuels plus «responsables» pour la santé, l’environnement, etc. Pour l’individu, le nudge lui permet un choix simplifié facilitant sa prise de décision.

4.   Le nudge: un concept, différents leviers

4.1.

Le choix par défaut. Il s’agit de proposer une solution automatique par défaut, qui est jugée la plus souhaitable par l’autorité qui la met en place, mais aussi la plus simple d’application. Elle se base sur la force d’inertie des individus. C’est le cas, par exemple, dans les déclarations d’impôts sur le revenu en France où, depuis 2005, il est considéré par défaut que le ménage possède une télévision. Ceci a permis de faire passer le taux de fraude estimé de 6 % à 1 %. Le choix par défaut est aussi de plus en plus utilisé par les banques, les fournisseurs d’énergie et d’autres entreprises qui proposeront des factures électroniques plutôt qu’en format papier, de l’impression recto-verso par défaut, etc.

4.2.

La force de la norme sociale, qui est considérée par les partisans du nudge comme un puissant déterminant des comportements. Elle peut donc être utilisée pour inciter les individus à agir dans un sens donné. Il s’agit en particulier de mettre en avant un comportement réalisé par la majorité des individus de l’entourage proche (voisins, collègues…). Ce message est censé inciter les individus à se comporter de la même manière pour se conforter à la norme sociale. En 2011, une expérimentation a été réalisée par le fournisseur d’énergie OPOWER aux États-Unis. À partir des informations sur la consommation d’électricité de 600 000 ménages, des courriers leur ont été envoyés indiquant par exemple: «le mois dernier, vous avez utilisé 15 % d’électricité de plus que vos voisins les plus économes». Des graphiques permettaient de comparer la consommation énergétique de son foyer avec celle de ses voisins et des autres consommateurs, agrémentés d’un «smiley» souriant en cas de baisse de la consommation. À la suite de ces envois, des baisses moyennes de la consommation d’électricité de 2 % ont été enregistrées chez les ménages participants, générant une économie totale de 250 millions de dollars US selon OPOWER (2). De nombreuses expériences similaires aboutissent à des résultats variant entre 1 et 20 % de réduction de consommation d’énergie.

4.3.

Le risque de perte, qui vise à mettre en avant la perte (notamment financière) que risque l’individu s’il ne modifie pas son comportement, par exemple en matière de consommation d’énergie. Il s’agit par exemple de lui indiquer la somme indicative qu’il perd en ne modifiant pas ses pratiques ou, au contraire, la somme qu’il pourrait gagner en le faisant. Cette visualisation de la perte peut également s’exprimer avec des indicateurs non financiers (calories, émissions de CO2…).

4.4.

L’émulation, qui consiste par exemple à organiser des concours pour encourager certaines pratiques, comme la lutte contre le gaspillage. Ainsi, l’ONG française Prioriterre souhaite sensibiliser aux économies d’énergie. Pour cela, elle organise tous les ans le défi «Familles à énergie positive», qui a réuni en 2014 environ 7 500 familles, qui devaient diminuer leur consommation énergétique de 8 % afin de gagner différentes récompenses (3).

4.5.

Le recours au jeu et aux présentations ludiques. L’un des nudges les plus connus a été mis en place par l’aéroport d’Amsterdam: de fausses mouches ont été peintes à l’intérieur des urinoirs, afin d’inciter les hommes à bien viser. En 2009, Volkswagen a transformé à Stockholm l’escalier menant vers la sortie de la station Odenplan en un gigantesque clavier de piano. Chaque pression sur une marche activait une note de musique (4). L’objectif était d’inciter les usagers à utiliser ces escaliers plutôt que les escalators. En Corée du Sud, un marquage au sol indique le risque de surpoids des personnes empruntant des escalators.

4.6.

Le nudge peut aussi viser à modifier la présentation des choix ou l’apparence de certains produits, afin de mettre en avant ceux considérés comme les plus sains, les plus écologiques, etc. Ce type de nudge peut parfois se rapprocher du principe du label. Plusieurs expérimentations ont aussi été menées dans des cantines afin d’inciter les clients à consommer des aliments sains. Pour cela, ces derniers étaient présentés au début du présentoir, ce qui permet dans certains cas de multiplier leur consommation par deux par rapport à une situation où ils sont au milieu ou à la fin. D’autres cantines ont cherché à réduire le gaspillage en réduisant la taille des assiettes utilisées: ces dernières sont tout aussi remplies, mais la quantité servie est restreinte (sachant que les clients peuvent toujours se resservir s’ils le souhaitent) (5).

5.   Un outil de plus en plus utilisé par les pouvoirs publics

5.1.

Depuis 2008, de plus en plus de pays s’intéressent au potentiel des outils de politiques publiques relevant du champ des nudges, qui offrent la triple promesse d’être plus acceptables par l’opinion publique que les normes ou les taxes, peu coûteuses et efficaces. Les paragraphes suivants en donnent quelques exemples non-exhaustifs.

5.2.

En 2010, le gouvernement britannique de David CAMERON crée la «Behavioural Insights Team», confiée à David HALPERN et chargée d’appliquer les sciences comportementales aux politiques publiques britanniques. Elle a par exemple modifié la page du site internet gouvernemental permettant d’adhérer au don d’organe. Elle y a indiqué: «Chaque jour, des milliers de gens qui voient cette page décident de s’enregistrer» et y a placé le logo du NHS (National Health Service), la sécurité sociale britannique. En un an, le taux d’adhésion au programme est passé de 2,3 % à 3,2 % (+96 000 adhésions). Depuis 2014, la «Nudge Unit» fonctionne de manière indépendante, et conseille des gouvernements étrangers, des collectivités locales, des entreprises, etc. (6)

5.3.

L’administration Obama a lancé également sa «Nudge Squad» en 2014 sous la direction de Maya SHANKAR. Dans un décret publié en septembre 2015, le président OBAMA «encourage» les départements et les agences gouvernementales à utiliser les apports de la science comportementale («behavioral science») (7). Les gouvernements de Singapour, d’Australie et d’Allemagne ont aussi mis en place des équipes d’experts en économie comportementale.

5.4.

En France, depuis 2013, le secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP) et la direction générale des finances publiques (DGFIP) (8) multiplient les expérimentations en lien avec les nudges.

5.5.

La Commission européenne a créé, au sein du Centre commun de recherche, une unité Prospective et apport des sciences comportementales, placée sous la responsabilité de Xavier TROUSSARD. Elle a notamment publié un rapport en 2016, qui souligne que les politiques publiques au sein de l’Union européenne intègrent de plus en plus les apports de l’économie comportementale (9). Elle considère qu’il est souhaitable de développer les échanges sur ce sujet entre le monde politique et les milieux universitaires. Surtout, elle recommande d’accroître l’utilisation des outils de l’économie comportementale dans toutes les étapes des politiques publiques, tout en améliorant la communication sur leur utilisation et les connaissances sur leurs impacts.

6.   Des risques et des limites à ne pas négliger

6.1.

Le nudge présente des limites. Il exige une grande rigueur de conception et de mise en place, pose des questions à la fois techniques et éthiques. Il ne se substitue pas à l’impératif d’information des citoyens et aux démarches pédagogiques visant à éclairer leur choix ni aux moyens d’action classiques des pouvoirs publics que sont la loi et les leviers d’incitations économiques. Par ailleurs, les risques et les limites liés à leur utilisation ne doivent pas être sous-estimés.

6.2.

Peu d’études sont pour l’instant disponibles concernant l’efficacité des nudges, notamment à moyen et à long terme. Certaines mettent l’accent sur l’hétérogénéité des réactions individuelles face à cet outil. Ainsi, dans l’expérience menée par OPOWER, les ménages dont la consommation d’électricité était déjà inférieure à la moyenne ont eu tendance à l’augmenter quand ils ont été informés de leur positionnement. À l’inverse, pour les habitants qui apprennent qu’ils consomment beaucoup plus d’électricité que leurs voisins, le nudge peut générer un sentiment de culpabilité ou d’infériorité. Selon certaines études, la réceptivité aux nudges peut aussi varier selon les valeurs et les opinions des individus (10), mais aussi selon le contexte politique et culturel. Plus généralement, les études réalisées soulignent les impacts différenciés des nudges selon les publics, les cultures et les contextes. Il est donc nécessaire d’évaluer directement ou de manière aléatoire les effets des nudges.

6.3.

Se pose aussi la question de la durée de l’impact des nudges. Dans le domaine de la consommation d’eau et d’électricité, des études ont montré que l’effet répété des normes sociales a tendance à diminuer au cours du temps, même s’il peut se maintenir après plusieurs années, de manière atténuée (11). L’effet à long terme des nudges dépend de leur capacité à changer en profondeur les habitudes. Une fois qu’une option par défaut est changée, si celle-ci est maintenue, il n’y a pas de raison de penser que les comportements ne vont pas persister. Le problème ici porte plutôt sur la possibilité d’aller plus loin, ou de moduler. Il semble en effet plus facile d’ajuster de manière graduée une taxe ou une norme plutôt qu’une option par défaut.

6.4.

Les nudges peuvent entraîner des effets négatifs, qui se traduisent par le fait qu’un individu peut avoir tendance à agir de manière plus vertueuse après avoir mal agi, et inversement. Par exemple, des expériences ont montré que l’achat de biens de consommation «verts» pouvait être suivi, dans certaines circonstances, d’une augmentation de la fréquence de comportements négatifs comme la triche ou le vol (12). Les efforts pour encourager des attitudes vertueuses dans certains domaines peuvent donc avoir des conséquences négatives dans d’autres domaines. Ces effets pervers, s’ils se confirment, rendent très difficile l’évaluation de l’impact global des nudges. Ils sont vraisemblablement très rares et ne remettent pas en cause l’intérêt des démarches de nudge. Il convient toutefois de ne pas exclure la possibilité de ce type d’effets.

6.5.

L’efficacité d’un nudge est établie par rapport à un comportement souhaitable, ce qui pose la question de la définition et de la mesure de ce qui est souhaitable. Il peut en effet être très difficile de connaître les jugements des citoyens sur leur propre bonheur. Le nudge pose aussi la question de savoir qui décide de l’objectif poursuivi, donc de ce qui est souhaitable pour l’individu et/ou la société. S’il s’agit d’un décideur public, il peut orienter cet objectif ainsi que le nudge de manière opportuniste, mais aussi de façon moins intentionnelle, par manque d’informations par exemple.

6.6.

Enfin, la frontière est parfois difficile à définir entre information, communication et manipulation. Ainsi, parmi les nombreux hôtels qui incitent leurs clients à réutiliser leur serviette, certains présentent pour cela des taux volontairement «gonflés» d’utilisateurs qui le font déjà (13). L’objectif de ces messages n’est pas de tromper leurs destinataires, mais d’accomplir en quelque sorte une prophétie auto-réalisatrice, en faisant en sorte qu’ils deviennent vrais. Mais, de fait, les clients sont amenés à baser leur comportement sur un mensonge. Ce recours au mensonge, même si celui-ci conduit à des comportements plus vertueux, n’apparaît pas acceptable moralement, a fortiori de la part d’un décideur public. Il peut aussi entacher la réputation de ce décideur, et réduire à terme l’efficacité des nudges, en infantilisant les consommateurs.

Bruxelles, le 15 décembre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Thaler Richard & Sunstein Cass, «Nudge: Improving Decisions about Health, Wealth, and Happiness», Yale University Press, 2008.

(2)  Opower.com.

(3)  http://www.prioriterre.org/ong/particuliers/a2210/une-nouvelle-edition-familles-a-energie-positive.html.

(4)  https://www.youtube.com/watch?v=2lXh2n0aPyw.

(5)  Liebig Georg, «Nudging to Reduce Food Waste», URL: http://www.wiwi-experimente.tu-berlin.de/fileadmin/fg210/nudging_to_reduce_food_waste_Georg_Liebig.pdf.

(6)  Site internet de l’unité: http://www.behaviouralinsights.co.uk/.

(7)  «Executive Order — Using Behavorial Science Insights to Better Serve the American People», Executive Order, 15 septembre 2015. URL: https://www.whitehouse.gov/the-press-office/2015/09/15/executive-order-using-behavioral-science-insights-better-serve-american.

(8)  Voir par exemple «Le nudge: un nouvel outil au service de l’action publique», 13 mars 2014. URL: http://www.modernisation.gouv.fr/les-services-publics-se-simplifient-et-innovent/par-des-services-numeriques-aux-usagers/le-nudge-au-service-de-laction-publique.

(9)  http://publications.jrc.ec.europa.eu/repository/bitstream/JRC100146/kjna27726enn_new.pdf

(10)  Costa Dora L. et Kahn Matthey E., «Energy conservation “nudges” and environmentalist ideology: Evidence from a randomized residential electricity field experiment», Journal of European Economic Association, 2013.

(11)  Ferraro Paul J., Miranda Juan Jose et Price Michael K., «The persistence of treatment effects with norm-based policy», American Economic Review, vol. 101, no 3, mai 2011.

(12)  Mazar Nina et Zhong Chen-Bo, «Do green products make us better people?», Psychological Science, 2010.

(13)  Simon Stephanie, «The Secret to Turning Consumers Green», The Wall Street Journal, 18 octobre 2010. URL: http://www.wsj.com/articles/SB10001424052748704575304575296243891721972.


III Actes préparatoires

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

521e session plénière du CESE des 14 et 15 décembre 2016

10.3.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/33


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Un agenda européen pour l’économie collaborative»

[COM(2016) 356 final]

(2017/C 075/06)

Rapporteur:

M. Carlos TRIAS PINTÓ

Corapporteur:

M. Mihai MANOLIU

Consultation

Commission européenne, 8 décembre 2016

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence:

Section spécialisée «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section spécialisée

17 novembre 2016

Adoption en session plénière

15 décembre 2016

Session plénière no

521

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

157/1/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

L’émergence d’une économie numérique décentralisée laisse présager qu’une partie non négligeable des nouveaux échanges économiques entre pairs sera étroitement liée aux relations sociales et ancrée dans les communautés. Cette évolution entraînera une transformation de ce qu’implique l’exercice d’une activité ou d’un emploi, et ce dans une logique «démocratisation de la manière dont nous produisons, consommons, gouvernons et résolvons les problèmes sociaux». Dans ce contexte, il va de soi qu’il faut à tout prix éviter la précarisation du facteur travail et l’évasion fiscale, de même que le déplacement massif de la valeur ajoutée des acteurs industriels vers les propriétaires de plateformes numériques privées (1).

1.2.

Face à ce nouveau paradigme, le Comité économique et social européen (CESE) encourage la Commission à élaborer une approche conceptuelle plus précise et plus complète de l’économie collaborative, afin de se prémunir de biais qui l’assimilent à l’économie numérique. L’économie collaborative qui, à l’instar de l’économie sociale, adopte des dynamiques démocratiques et participatives, présente donc les caractéristiques suivantes:

a)

elle n’évolue pas toujours dans un environnement numérique, mais également dans des situations de proximité qui permettent de mettre l’accent sur les relations interpersonnelles (par exemple l’échange de biens);

b)

souvent, elle n’a pas pour objet de réaliser des bénéfices, et il n’est pas rare qu’elle s’inspire des principes coopératifs et solidaires (par exemple certains modes de financement participatif sous forme de dons;

c)

elle ne s’exerce pas toujours à l’échelle mondiale ou transnationale, mais son écosystème se situe souvent dans un cadre territorial plus petit et davantage ancré dans un contexte donné (par exemple dans des groupes d’autoconsommation);

d)

elle ne se limite pas exclusivement à l’économique, mais concerne aussi les dimensions environnementale et sociale (par exemple, la mobilité durable);

e)

elle ne se limite pas à une nouvelle forme de prestation de services à la demande, où le bien qui est partagé est la capacité de travail, mais elle met l’accent sur l’accès à ces derniers (par exemple, le partage de biens);

f)

elle ne se limite pas aux biens corporels possédant une valeur économique élevée, mais elle opère sur tout type de bien ou de service (par exemple, les banques de temps).

1.3.

Enfin, l’économie collaborative englobe différentes formes caractérisées par des apports et des défis qui leur sont propres. Par exemple, «l’économie de l’accès» met sur le marché des biens sous-utilisés, ce qui élargit le choix offert aux consommateurs et permet une utilisation plus efficace des ressources. Par contre, elle comporte le risque d’encourager la production globale en raison de l’effet de rebond. L’«économie à la demande» se caractérise par une fragmentation très poussée de la force de travail, qui induit plus de souplesse. Toutefois, elle accroît également le risque de précarisation du travail. Quant à l’économie du don (gift economy), elle permet de renforcer les communautés en partageant des biens et des services de manière désintéressée, mais elle demeure souvent invisible aux yeux des pouvoirs publics.

1.4.

Quant aux plateformes numériques, en particulier celles qui soutiennent une activité lucrative, elles méritent toute l’attention de la Commission européenne. Celle-ci devrait réglementer et harmoniser leurs activités et garantir des conditions de concurrence égales, fondées sur la transparence, l’information, le plein accès au marché, la non-discrimination et l’exploitation adéquate des données. Concrètement, il est impératif de redéfinir la notion de subordination juridique dans le contexte de la dépendance économique des travailleurs et de garantir les droits du travail, quelle que soit la forme d’activité.

1.5.

Le défi consiste dès lors à tracer les frontières entre les différentes manières dont cette économie opère et à proposer des approches réglementaires différenciées (2). Dans ce contexte, il y a lieu de privilégier les initiatives numériques fondées sur une gouvernance démocratique, solidaire et inclusive à caractère d’innovation sociale. Cela signifie qu’il est nécessaire d’informer les consommateurs sur les valeurs qui fondent leur identité ainsi que sur leurs méthodes d’organisation et de gestion. À cet égard, le CESE recommande d’effectuer une enquête qualitative dans le réseau des relations que les acteurs de l’économie collaborative ont eux-mêmes établies.

1.6.

En conséquence, le CESE préconise l’élaboration d’une méthodologie spécifique permettant de réguler et de mesurer cette nouvelle économie en se fondant sur des normes différentes. De ce point de vue, la confiance occupe une place prépondérante, de même que le caractère symétrique de l’information. Il convient également de renforcer le poids des critères de transparence, de probité et d’objectivité dans l’évaluation du produit et du service en allant au-delà de la simple utilisation d’algorithmes.

1.7.

De même, le CESE recommande la création d’une Agence européenne de notation des plateformes numériques disposant de compétences harmonisées dans tous les États membres qui lui permettent d’évaluer de quelle manière ces plateformes opèrent sous l’angle de la concurrence, de l’emploi et de la fiscalité.

1.8.

Par ailleurs, l’approche que propose la communication passe sous silence des aspects importants de l’économie collaborative. C’est le cas par exemple des questions relatives au rôle d’outil opérationnel que peuvent y jouer les monnaies virtuelles et sociales. Cela concerne aussi la connaissance, l’information et l’énergie considérées en tant qu’objets de l’activité de cette économie. ou encore le rôle que jouent, entre autres, la création conjointe et l’innovation technologique dans l’économie collaborative.

1.9.

Compte tenu de la complexité de l’économie collaborative dans le contexte actuel, le CESE préconise de veiller à une coexistence équilibrée entre des modèles permettant d’en assurer pleinement le développement sans entraîner d’effets externes négatifs sur le marché, notamment en ce qui concerne la défense de la concurrence, de la fiscalité et de l’emploi de qualité. À cette fin, il y a lieu de prévoir l’élaboration d’un cadre approprié pour le suivi et la surveillance des nouveaux paramètres de l’économie participative avec le concours des acteurs concernés (fédérations d’entreprises, organisations syndicales, associations de consommateurs, etc.).

1.10.

Enfin, afin de mieux tenir compte de la transition vers une nouvelle économie qui va de pair avec d’importantes conséquences systémiques, il est recommandé au CESE de créer une structure permanente de nature horizontale pour analyser ces phénomènes émergents. Cet organe joindrait ses efforts à ceux de la Commission européenne, du Comité des régions et du Parlement européen).

2.   Introduction et contexte

2.1.

La culture sociale, les habitudes de consommation et les manières de répondre aux besoins des consommateurs connaissent une phase de profonde métamorphose, de révision et de rationalisation des consommations dans une perspective plus inclusive. Dans ce contexte, les questions de prix sont étroitement liées à celles de l’impact environnemental et social des produits et des services, le tout étant traversé par l’effet de rupture provoqué par les réseaux sociaux et de l’internet.

2.2.

La possession de biens à usage personnel, les devises fortes et l’emploi stable, salarié et sur place céderont du terrain face aux échanges virtuels, à l’accès partagé, à l’argent numérique et à une plus grande flexibilité de la main-d’œuvre.

2.3.

Dans le cadre de la transition vers de nouvelles formes de production et de consommation, certains secteurs de l’activité économique ont été emportés par un puissant tsunami provoqué par l’apparition de nouveaux acteurs. Certains d’entre eux sont motivés par la coopération et l’engagement envers la communauté à laquelle ils appartiennent, d’autres sont guidés par la seule perspective de nouvelles possibilités de faire des affaires (sans toujours respecter le principe de conditions de concurrence équitables).

2.4.

De nombreuses voix se sont élevées en faveur d’un nouveau cadre de planification (3) en matière de consommation collaborative (un cadre qui privilégierait le recours à la technologie numérique pour exploiter les capacités excédentaires décentralisées, plutôt que la mise en place de nouveaux monopoles centralisés). C’est pourquoi la Commission européenne a décidé de lancer un «agenda européen en matière d’économie collaborative» après avoir constaté que les autorités nationales et locales de l’Union européenne avaient abordé la question par le biais d’une mosaïque de dispositions réglementaires différentes. Cette diversité tient au fait que la consommation collaborative se décline sous différentes formes selon les secteurs.

2.5.

Cette approche fragmentée des nouveaux modèles d’entreprise crée de l’insécurité (sur les plans économique, juridique, de la main-d’œuvre, etc.) et des incertitudes (en ce qui concerne la confiance, les nouveaux outils numériques comme les blockchains (chaînes de bloc), les filets de sécurité et le respect de la vie privée) entre les opérateurs traditionnels, les nouveaux fournisseurs de services et les consommateurs. Cette situation limite l’innovation, la création d’emplois et la croissance.

2.6.

En conséquence, la Commission a publié les lignes directrices suivantes afin d’aider les opérateurs de marché et les autorités publiques des différents États membres:

Exigences à satisfaire pour accéder au marché: les prestataires de services ne devraient être tenus d’obtenir des autorisations ou des licences que pour satisfaire à des objectifs d’intérêt général pertinents. L’interdiction absolue d’une activité ne devrait être utilisée qu’en dernier recours. Les plateformes collaboratives ne doivent pas être soumises à des autorisations ou à des licences lorsqu’elles agissent uniquement en qualité d’intermédiaire entre consommateurs et prestataires de service (par exemple dans le cas de services de transport ou de logement). De même, les États membres devraient établir une distinction entre les personnes privées qui fournissent des services de manière occasionnelle et les prestataires agissant à titre professionnel, par exemple en établissant des seuils en fonction du niveau d’activité.

Régimes de responsabilité: les plateformes collaboratives peuvent être exonérées de responsabilité pour les informations qu’elles stockent pour le compte des prestataires de service. Toutefois, il n’y a pas lieu de le faire pour les services qu’elles offrent elles-mêmes, comme par exemple les services de paiement.

Protection des utilisateurs: les États membres doivent veiller à ce que les consommateurs bénéficient d’une protection maximale contre les pratiques commerciales déloyales, sans pour autant imposer des obligations disproportionnées aux particuliers qui fournissent des services à titre occasionnel.

Relations de travail (salariés et indépendants): le droit du travail relève pour l’essentiel de la compétence des États membres; il est complété par la jurisprudence et quelques normes sociales minimales à l’échelle européenne. Les États membres peuvent tenir compte de critères tels que le degré de subordination à la plateforme, la nature du travail ou la rémunération perçue s’agissant de décider si une personne peut être considérée comme un employé d’une plateforme.

Fiscalité: les prestataires de services de l’économie collaborative doivent être assujettis à l’impôt. Les régimes concernés sont l’impôt sur le revenu des personnes physiques, l’impôt sur les sociétés et la TVA. Les États membres sont encouragés à continuer de simplifier et de clarifier l’application des règles d’imposition à l’économie collaborative. Les plateformes d’économie collaborative doivent coopérer pleinement avec les autorités nationales afin de recenser l’activité économique et de faciliter la perception de l’impôt.

3.   Observations générales concernant la proposition de la Commission

3.1.

La Commission sème la confusion en mettant sur le même plan les plateformes numériques et l’économie collaborative, sans mener une réflexion qui fasse le lien entre cette économie et l’intérêt général par une reconnaissance de ses externalités positives dans la mise en œuvre des valeurs de coopération et de solidarité.

3.2.

Dans sa communication, la Commission manque ce qui devrait être son objectif principal et ne répond pas aux attentes légitimes des parties prenantes concernées, à savoir la définition d’un modèle et de paramètres pour un cadre juridique clair et transparent dans lequel les multiples formes de l’économie collaborative pourraient se développer et opérer dans l’espace européen, être soutenues et mises en œuvre, gagner en crédibilité et susciter davantage la confiance.

3.3.

Pour sa part, le modèle d’économie numérique présente quatre particularités: délocalisation d’activités, rôle central des plateformes numériques, importance des réseaux et exploitation massive de données (4). Bien qu’il s’agisse de domaines de nature distincte, ce modèle et celui de l’économie collaborative présentent des points communs, car tous deux opèrent souvent dans des environnements similaires: réseaux participatifs, caractère flou des frontières entre vie privée et vie professionnelle, entre travail stable et travail occasionnel, entre travail salarié et non salarié, etc.

3.4.

Afin de faciliter la définition de ce concept, le CESE propose que la Commission européenne intègre la notion de «comportement prosocial non réciproque» de l’économie collaborative. Ce concept distingue de manière nette le partage non lucratif et offre un espace permettant les interactions à des fins de consommation, de production, de connaissance et de financement collaboratifs.

3.5.

En définitive, le modèle d’économie collaborative constitue en soi une transformation de nature non seulement économique, mais aussi sociale et environnementale. C’est ce qu’indique la communication lorsqu’elle fait allusion à la durabilité et à la transition vers une économie circulaire, et quand elle décrit les marchés sociaux comme des niches de l’économie collaborative.

3.6.

Ne pas tenir compte de ces éléments revient à n’aborder que de manière partielle l’importance que revêtent actuellement les initiatives en matière d’économie collaborative. Il en va de même si l’analyse se limite à l’échange de services ou aux plateformes collaboratives sans prendre en considération des aspects tels que la recirculation et l’échange de biens, l’optimisation de l’utilisation de biens ou l’établissement de liens sociaux.

3.7.

Les difficultés que soulève la communication en ce qui concerne les questions liées aux incertitudes relatives à l’application des cadres juridiques pour réguler les initiatives de l’économie collaborative, sont bel et bien réelles. Tout aussi réelle est la volonté de «normaliser» et d’«adapter» un nouveau modèle économique aux «critères d’évaluation traditionnels». Dans ce contexte, un effort pourrait être nécessaire afin de mettre en place de nouveaux critères et de nouvelles normes en matière fiscale, juridique et de travail, en particulier dans l’optique de la transition vers un nouveau modèle de production et de consommation qui implique une redéfinition des acteurs concernés.

3.8.

De même, on ne peut parler d’une économie nouvelle, plus inclusive et génératrice de cohésion sociale que si les citoyens disposent des compétences financières et numériques pour y accéder et en tirer parti. En outre, les politiques publiques doivent veiller à garantir le plein accès aux personnes plus exposées à l’exclusion numérique, en particulier aux personnes handicapées.

3.9.

Enfin, le CESE ne peut faire abstraction des éléments suivants, qui ne sont pas traités dans la communication de la Commission:

les instruments opérationnels d’action tels que les monnaies numériques, virtuelles et sociales doivent être abordés dans le débat sur l’économie collaborative. En raison du facteur des blockchains, la deuxième génération d’utilisateurs de l’internet, qu’il s’agisse d’entrepreneurs ou d’opérateurs historiques, élabore de nouvelles manières d’exécuter les huit principales fonctions des intermédiaires financiers au moyen d’un registre comptable disponible à l’échelle mondiale, de la technologie et des bitcoins;

si l’on considère que les principaux piliers de la transition collaborative sont le binôme constitué par l’énergie et l’information, une analyse de l’économie collaborative ne peut en aucun cas ignorer le transfert de propriété intellectuelle résultant du partage des connaissances et des sources en accès libre, ni faire abstraction du secteur de l’énergie;

il est important d’étudier de manière plus approfondie les répercussions sur le monde du travail telles que la tendance à une flexibilisation excessive du marché du travail, l’érosion des pouvoirs de négociation collective pour les travailleurs de l’économie collaborative, le risque d’individualisation sur le marché du travail, le manque de formation, les éventuels effets (négatifs) des systèmes de notation et le traitement des algorithmes.

4.   Observations spécifiques relatives à la proposition de la Commission: principaux aspects

4.1.    Conditions d’accès au marché, économies d’échelle et «effets de réseau» au niveau local

4.1.1.

Le CESE comprend qu’en vertu de la législation actuelle de l’Union, en particulier la directive sur les services et la directive sur le commerce électronique, les États membres sont tenus de favoriser l’accès aux marchés collaboratifs, dans la mesure où une offre plus variée stimule la consommation. Le cas échéant, ils peuvent également imposer des contraintes qui doivent être exclusivement motivées par l’intérêt général et être dûment justifiées. L’on peut s’attendre à un conflit de lois, car l’économie collaborative crée de nouvelles formes de prestations de services déjà connus, traditionnellement très réglementés.

4.1.2.

Il convient de noter à cet égard que l’économie collaborative étant un amalgame d’initiatives non limitées dans l’espace et dans le temps, elle doit bénéficier d’un traitement ouvert et délocalisé. En effet, toute limitation fondée sur des critères territoriaux restrictifs peut entraîner une concurrence fiscale et sociale qui en fausse les effets favorables.

4.1.3.

C’est pourquoi, plutôt que d’invoquer l’argument de l’accès au marché au niveau transnational, il faut voir l’économie collaborative comme l’expression d’une autonomisation des citoyens (avantages sous l’angle du capital humain). Cette vision doit avoir comme corollaire deux questions fondamentales: tout d’abord, un principe d’harmonisation destiné à éviter des différences de traitement susceptibles de créer de nouveaux déséquilibres du marché; deuxièmement, la nécessité de progresser vers des pratiques de régulation partagée (5) (modèles: réglementation entre pairs, organismes d’autorégulation et délégation de régulation par le biais de données).

4.1.4.

À l’instar de la Commission, le CESE est partisan d’une régulation plus souple des services (nouvelles définitions du travail dans l’économie collaborative). Il préconise dès lors de procéder à l’évaluation, dans chaque État membre, des justifications et de la proportionnalité de la législation applicable à l’économie collaborative, conformément à des objectifs d’intérêt général (réglementation visant à remédier aux défaillances du marché et facilitant l’instauration d’un climat de confiance). Dans le cadre de cet exercice, il conviendra de tenir compte des caractéristiques spécifiques des différents modèles d’entreprise ainsi que de l’accès aux instruments, de leur qualité et de leur sécurité.

4.1.5.

De même, le CESE attire l’attention sur le fait que les spécificités du modèle donnent naissance à des outils permettant d’évaluer le classement et la réputation des fournisseurs. Si ces outils peuvent remplir l’objectif d’intérêt général consistant à réduire les risques pour les consommateurs liés aux asymétries en matière d’information, ils peuvent également entraîner une «sélection adverse» et un «risque moral». À cet égard, les autorités publiques et les gestionnaires des plateformes numériques devraient garantir la qualité et la fiabilité des informations, des évaluations et des notations des plateformes collaboratives, en faisant appel à des organismes de contrôle indépendants.

4.1.6.

Le CESE partage l’idée selon laquelle la mise en place de seuils pour distinguer, secteur par secteur, entre prestation de services professionnels et non professionnels, pourrait être une méthode efficace pour surmonter la fragmentation des marchés de l’Union européenne. Cependant, cette mesure pourrait donner de moins bons résultats qu’escompté lorsqu’il s’agit d’intégrer les activités non professionnelles entre pairs.

4.2.    Régimes de responsabilité et d’assurance

4.2.1.

Le CESE estime que le maintien du régime auquel les intermédiaires en matière de responsabilité (6) sont assujettis à l’heure actuelle, est capital pour que l’économie numérique continue à se développer dans l’Union européenne.

4.2.2.

Le renforcement de la crédibilité et de la confiance est une question essentielle pour le développement de l’économie collaborative. C’est pourquoi, à l’instar de la Commission dans sa communication, le CESE appelle à adopter des mesures volontaires restrictives afin de lutter contre les contenus en ligne illicites par le biais d’activités connexes ou sous-jacentes, sans renoncer pour autant aux avantages de l’exonération de responsabilité.

4.2.3.

Toutefois, le CESE réaffirme l’opportunité d’envisager de manière générale l’activité collaborative indépendamment de la place centrale accordée aux plateformes numériques, afin de ne pas l’éloigner de l’esprit citoyen qui l’inspire.

4.3.    Protection des utilisateurs

4.3.1.

Dans un nouveau contexte où les frontières entre producteur et consommateur s’estompent («autonomisation des citoyens, cocréation, financement participatif, pairs, clients»), le CESE plaide en faveur d’un système qui garantisse les droits des consommateurs. Toutefois, compte tenu des particularités de l’économie collaborative, il convient d’éviter d’enfermer la pluralité des initiatives qu’elle propose dans un corset trop rigide.

4.3.2.

Par conséquent, les relations multilatérales qui en découlent devraient incorporer celles qui résultent de l’émergence des «prosommateurs» (ceux-ci constituent les apports économiques les plus importants pour l’économie collaborative, qu’il convient dès lors de protéger, de sécuriser et de définir). Ceux-ci sont appelés à jouer un rôle crucial dans l’économie collaborative, tout comme les processus de création de valeur partagée, en particulier dans l’optique de l’économie circulaire et de la fonctionnalité.

4.3.3.

Le CESE a toujours préconisé des conditions de concurrence équitables. Conformément aux principes directeurs en matière de pratiques commerciales déloyales, il convient, pour identifier les consommateurs et les professionnels de manière non restrictive (7), de prendre en considération les facteurs suivants: fréquence des services, recherche du profit et chiffre d’affaires.

4.3.4.

Le CESE approuve cette approche, mais prévient qu’il faudra en revoir la perspective ainsi que la pertinence d’autres facteurs, lorsqu’il s’agira d’appliquer des critères pour une catégorisation adéquate. Il n’y a pas lieu de chercher à être exhaustif eu égard à la complexité et à la diversité des manifestations de l’économie collaborative, ainsi qu’à la difficulté d’en déterminer l’avenir (un modèle qui devrait être indépendant, transférable, universel et propice à l’innovation).

4.3.5.

Le CESE rappelle que le moyen le plus efficace pour améliorer la confiance des consommateurs est d’accroître la crédibilité et la sûreté des services entre pairs (un «havre» pour des plateformes spécifiques d’économie collaborative permettant des prestations, des formations, des assurances et d’autres formes de protection) au moyen de services adéquats (8) d’évaluation en ligne et de certificats externes (labels de qualité) et d’un nouveau système d’«arbitrage civil. Cette question est étroitement liée à la confiance et au crédit accordés à l’évolution harmonieuse de l’économie collaborative vers un nouveau système de repères économiques, sociaux et environnementaux.

4.4.    Travailleurs salariés et travailleurs indépendants dans l’économie collaborative

4.4.1.

Dans le cadre du socle européen des droits sociaux, le CESE approuve sans réserve la révision de l’acquis juridique de l’Union afin de garantir des conditions de travail équitables et une protection sociale adéquate, sur la base des critères, cumulatifs, de subordination de la personne offrant le service, de la nature du travail et de la rémunération.

4.4.2.

Concrètement, il convient d’établir, dans le respect des compétences nationales, un cadre juridique pour les travailleurs qui définisse de manière précise les statuts professionnels correspondants: un salaire décent et le droit à participer à la négociation collective, en passant par la protection contre les comportements arbitraires et le droit de se déconnecter afin de maintenir le temps de travail numérique dans les limites des différents paramètres de dignité, etc.

4.4.3.

En outre, le CESE est partisan d’étudier de manière plus approfondie les modèles de travail de l’économie collaborative liés au comportement prosocial non réciproque.

4.4.4.

Le particularité de l’économie collaborative d’être un catalyseur pour la création d’emploi, devrait être abordée de la même manière dans tous les États membres de sorte que les politiques adoptées ne compromettent pas les pratiques collaboratives et reflètent davantage l’esprit d’entreprise en termes d’incubation, d’indépendance et d’infrastructure.

4.5.    Fiscalité

4.5.1.

Le CESE, conscient des risques de planification fiscale agressive et d’opacité financière dans l’économie numérique, plaide pour le renforcement d’un système de suivi des flux commerciaux passant par les plateformes collaboratives. Celles-ci peuvent en effet tracer le produit ou le service rendu et faciliter la perception de recettes fiscales. À cet égard, l’exemple des plateformes de covoiturage en Estonie constitue un modèle susceptible d’être reproduit dans les autres États membres.

4.5.2.

L’adaptation de la fiscalité, notamment de la taxe sur la valeur ajoutée, à des modèles d’économie collaborative nécessitera d’importantes révisions. De même, les plateformes numériques — dont les bénéfices proviennent en grande partie de la vente des données de particuliers à des entreprises commerciales — doivent être intégralement assujetties à l’impôt sur les sociétés là où est réalisée l’activité, afin d’éviter toute concurrence fiscale entre États membres.

4.5.3.

Le CESE, conscient de l’importance de la bonne gouvernance dans le domaine fiscal, plaide en faveur de la création d’instruments ad hoc (guichets uniques et échange d’informations en ligne), ainsi que de mesures de simplification administrative, harmonisation, transparence et coopération entre administrations fiscales.

4.6.    Suivi

4.6.1.

Les activités de suivi proposées par la communication sont conformes à l’objectif poursuivi. En particulier, le CESE préconise de renforcer le dialogue entre les parties prenantes (organisations syndicales, fédérations d’entreprises, associations de consommateurs, etc.) en vue de recenser les bonnes pratiques et de développer des initiatives d’autorégulation et de corégulation qui abordent les nouveaux paramètres de l’économie collaborative (9) au niveau européen (par exemple, dans les secteurs de l’hébergement, des transports, de l’immobilier commercial, des soins de santé et de la fourniture d’énergie).

Bruxelles, le 15 décembre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO C 389 du 21.10.2016, p. 50.

(2)  JO C 51 du 10.2.2016, p. 28.

(3)  L’une des premières a été celle du CESE — voir JO C 177 du 11.6.2014, p. 1.

(4)  Charrié, Julia et Janin, Lionel (2015) Le numérique: comment réguler une économie sans frontières.

(5)  JO C 303 du 19.8.2016, p. 36.

(6)  Conformément à la directive sur le commerce électronique.

(7)  Comme le souligne la Commission, aucun de ces facteurs à lui seul ne serait suffisant pour qu’un prestataire puisse être considéré comme un professionnel.

(8)  Ces services doivent faire l’objet d’un suivi et d’un contrôle minutieux.

(9)  JO C 303 du 19.8.2016, p. 36.


10.3.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/40


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen — Programme de travail annuel de l’Union en matière de normalisation européenne pour 2017»

[COM(2016) 357 final]

(2017/C 075/07)

Rapporteure unique:

Elżbieta SZADZIŃSKA

Consultation

Commission européenne, 17 août 2016

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section spécialisée

17 novembre 2016

Adoption en session plénière

14 décembre 2016

Session plénière no

521

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

206/0/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le Comité économique et social européen accueille favorablement le programme de travail annuel de l’Union en matière de normalisation européenne pour 2017, qui s’inscrit dans un train de mesures global sur la normalisation.

1.2

Ce programme annuel, présenté par la Commission, poursuit et complète les actions figurant dans le programme pour 2016, au sujet desquelles le Comité s’est déjà exprimé dans de précédents avis (1).

1.3

Le Comité a déjà souligné l’importance des normes lorsqu’il s’agit d’accroître la compétitivité du marché unique, ainsi que de concevoir des produits et des services innovants et d’améliorer leur qualité et leur sécurité au bénéfice des consommateurs, des travailleurs, des entreprises et de l’environnement.

1.4

En tant que représentant de la société civile organisée, le Comité soutient un système de normalisation qui répond tant aux besoins de la société qu’à ceux de l’économie.

1.5

Le Comité rappelle qu’assurer le pluralisme du système européen de normalisation en y associant les organisations dont il est question à l’annexe III du règlement (UE) no 1025/2012 garantit une plus grande transparence et une meilleure accessibilité de ce système. Cette participation des représentants de la société au système de normalisation ne devrait pas se limiter au seul niveau de l’Union européenne et les systèmes de normalisation nationaux devraient aussi leur être ouverts.

1.6

Les normes sont élaborées à l’appui des législations et des politiques de l’Union européenne (normes relatives à la «nouvelle approche législative», union de l’énergie, etc.). Par ailleurs, en raison du développement numérique de l’industrie, de la chaîne d’approvisionnement et des services, les normes relatives aux TIC et aux services sont essentielles pour mener des activités dans les divers secteurs économiques. La Commission a donc décidé dans ce contexte de donner la priorité aux actions entreprises dans ces deux domaines, ce que le Comité approuve.

1.7

Dans le même temps, le Comité fait remarquer qu’il y a lieu de soutenir la compétitivité des PME en les associant au processus d’élaboration et d’application des normes, ainsi qu’en menant des campagnes de sensibilisation portant sur les avantages découlant des normes.

1.8

Il ressort des négociations menées actuellement par la Commission sur le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI), ainsi que des négociations sur l’accord économique et commercial global (AECG) menées à bien avec le Canada, que la normalisation constitue un sujet de débat majeur, au vu des différents systèmes en place. C’est pourquoi le Comité juge opportun d’informer les acteurs concernés des différences qui existent entre les systèmes de normalisation des parties aux négociations, et d’attirer leur attention sur les éventuels dangers et sur les avantages qui en résultent.

1.9

Comme il l’avait déjà fait dans un précédent avis, le Comité souscrit à la proposition de mettre en place un dialogue interinstitutionnel en matière de normalisation (2).

1.10

Le Comité estime qu’il convient également de soutenir la suggestion de la Commission visant à lancer une étude sur les incidences économiques et sociétales de la normalisation.

2.   Propositions de la Commission européenne

2.1

Conformément au règlement (UE) no 1025/2012, la Commission a présenté, dans sa communication, le programme de travail annuel de l’Union en matière de normalisation européenne pour 2017.

2.2

Ce programme annuel s’inscrit dans un train de mesures global en matière de normalisation, qui se compose de la communication de la Commission intitulée «Normes européennes pour le XXIe siècle», du document de travail des services de la Commission sur la normalisation relative aux services et de la communication concernant le rapport, établi au titre de l’article 24, sur la mise en œuvre du règlement.

2.3

Le programme de travail annuel en matière de normalisation pour 2017 complète les actions figurant dans le programme pour 2016, dont la plupart sont à l’étape de la mise en œuvre.

2.4

Parmi les priorités stratégiques en matière de normalisation européenne pour 2017, l’on compte:

la normalisation en matière de TIC dans le marché unique numérique (3);

la normalisation des services;

l’élaboration, par les organisations européennes de normalisation, de normes et de publications en matière de normalisation concernant un marché unique numérique connecté, une union de l’énergie résiliente, dotée d’une politique clairvoyante en matière de changement climatique, et un marché intérieur plus approfondi et plus équitable, doté d’une base industrielle renforcée;

la coopération internationale en matière de normalisation;

la recherche au service de la normalisation.

2.5

En outre, afin d’alimenter la base d’informations sur laquelle se fonde le cycle annuel de gouvernance de la politique européenne de normalisation, la Commission entreprendra les actions suivantes:

une étude des incidences économiques et sociétales de la normalisation;

la mise en place d’un dialogue interinstitutionnel.

3.   Observations générales

3.1

Le Comité accueille avec satisfaction le prochain programme de travail annuel en matière de normalisation, car, comme il l’a déjà maintes fois souligné, l’usage de normes dans les secteurs de la production et des services concourt à la hausse de la compétitivité sur le marché unique.

3.2

Le Comité se félicite que la Commission poursuive les actions présentées dans le programme pour 2016, ce qui permettra d’assurer la continuité et la réalisation des priorités de la stratégie liée au marché unique.

3.2.1

Le programme de travail annuel pour 2017 précise et complète les priorités qui ont déjà été mises en œuvre. Le but d’une telle démarche est d’adapter le système de normalisation européenne aux évolutions de la situation sur la scène internationale et aux défis qui se présentent sur le marché mondial.

4.   Priorités stratégiques de la normalisation européenne

4.1

À une époque marquée par le développement rapide des technologies informatiques, il est nécessaire d’élaborer des normes adéquates qui garantissent l’interopérabilité et la sécurité du cyberespace.

4.1.1

Les technologies comme les communications 5G, l’informatique en nuage, l’internet des objets (IdO) et les technologies des (méga)données, utilisées dans des domaines tels que la santé en ligne, l’énergie intelligente, les villes intelligentes, les technologies de fabrication avancée ou les véhicules connectés et automatisés, nécessitent des normes de cybersécurité et gestion des risques, ainsi que des lignes directrices de contrôle à l’intention des organisations et des autorités de réglementation compétentes en matière de surveillance.

4.1.2

Il reste encore à améliorer le niveau de sécurité et de protection des données, ainsi que l’accessibilité de l’internet des objets. La normalisation dans ce domaine peut constituer une condition préalable à l’interopérabilité de l’IdO, ainsi qu’à la garantie de la sécurité en ligne, de la protection des données et de l’accessibilité pour les consommateurs.

4.2

Le Comité se réjouit que la Commission envisage d’inviter les organisations européennes de normalisation à vérifier les normes appropriées existantes, avant de demander l’élaboration de nouvelles normes pour les services.

4.2.1

Dans le même temps, le Comité estime qu’il est de bonne pratique, aux fins des activités à venir, d’indiquer aux parties intéressées quels sont les mandats de la Commission qui continuent de faire l’objet de travaux et quels sont ceux qui ont été achevés ou supprimés.

4.2.2

Lors de l’évaluation des normes existantes, il convient d’examiner si elles répondent aux besoins spécifiques de groupes vulnérables, tels que les personnes handicapées. L’on peut citer ici l’exemple des normes concernant la signature électronique qui ne répondent pas aux besoins des consommateurs handicapés. Dans ce cas de figure, il serait justifié de demander l’élaboration d’une nouvelle norme.

4.2.3

Lorsque de nouveaux processus de normalisation sont lancés, les besoins spécifiques des groupes vulnérables, tels que les personnes handicapées, doivent être pris en compte, le cas échéant, dans le cadre de la définition des termes de ces processus. Il convient d’adopter une nouvelle procédure qui permette aux experts en matière d’accessibilité et aux organisations représentant les personnes handicapées de participer sans frais aux processus de normalisation, s’il y a lieu.

4.3

Le Comité a maintes fois souligné l’incidence non négligeable des normes sur la qualité des produits et des services dans le marché unique. Aussi se félicite-t-il des projets de la Commission visant à renforcer la définition de normes pour les services sur la base du suivi de l’évolution des normes nationales et des besoins du marché, ainsi que du recensement des domaines qui nécessitent l’élaboration de nouvelles normes.

4.3.1

Le Comité se rallie à la Commission, qui recommande que, lorsque les organismes nationaux de normalisation envisagent d’élaborer une norme nationale relative aux services, ils prennent en considération la dimension européenne et examinent s’il ne serait pas préférable de mettre au point une norme européenne. Cette démarche pourrait permettre de supprimer les obstacles et les éventuels conflits dans le secteur des services.

4.4

La généralisation croissante des services en ligne, tant privés que publics (hôpitaux, centres de soins, transports intelligents, etc.) exige des solutions techniques qui garantiront l’anonymat accru des consommateurs et limiteront le risque de traitement abusif de leurs données.

4.5

Les futurs travaux en matière de normalisation devraient contribuer à améliorer la qualité, l’accessibilité et la sécurité des services de transport, ainsi qu’à limiter la pollution de l’environnement causée par les véhicules.

4.6

Dans le domaine de l’énergie, la Commission mènera des actions visant à combiner les infrastructures, à diversifier les ressources énergétiques, à réduire la consommation d’énergie et à promouvoir les technologies respectueuses du climat.

4.6.1

Le Comité s’accorde avec l’idée que l’élaboration de normes uniques pour les réseaux énergétiques intelligents améliorera l’interopérabilité du réseau global, et que l’optimisation de l’ensemble de ses éléments concourra à la baisse des coûts, à la hausse de l’efficacité et à l’intégration des sources d’énergie décentralisées, y compris renouvelables. Dans les faits, cela permettra aux utilisateurs finaux de faire pleinement usage des systèmes énergétiques intelligents.

4.7

Le Comité se réjouit que la Commission soulève, dans sa communication, les problèmes de la biodégradabilité des plastiques dans les emballages, des substances chimiques durables produites à partir de matières premières secondaires, ainsi que des méthodes d’évaluation des risques liés aux substances ne figurant pas sur la liste des matériaux et objets en matière plastique destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires.

4.7.1

Compte tenu du risque élevé, les normes concernant les domaines précités devraient prévoir des exigences strictes de protection de la santé des consommateurs et de l’environnement.

5.   Coopération internationale

5.1

La Commission invite les organisations européennes de normalisation à promouvoir les normes internationales et européennes dans le monde entier, afin de soutenir l’industrie européenne et faciliter l’accès au marché.

5.2

À l’heure où l’AECG négocié avec le Canada suscite la controverse au sein des États membres et où les négociations sur le PTCI se poursuivent, il est nécessaire d’insister continuellement sur le rôle des normes dans le cadre des opérations commerciales mondiales.

5.2.1

Outre qu’il présente l’avantage de supprimer les obstacles techniques au commerce, le dialogue avec les partenaires non européens (Chine, Inde, etc.) devrait contribuer à la popularisation du modèle européen de normalisation, à l’échange d’informations entre les organismes de normalisation européens et nationaux, ainsi qu’à l’application des normes ISO et CEI ou, dans les secteurs où la normalisation internationale est insuffisante ou inexistante, à l’élaboration et à la mise en œuvre de normes européennes.

6.   La normalisation au service de l’innovation

6.1

Le Comité approuve l’idée d’établir un lien étroit entre la normalisation et la recherche, ainsi que de donner une assise scientifique aux normes.

6.2

Le dialogue que les instituts de recherche mènent avec le CEN, le Cenelec (comités techniques) et l’ETSI dans le cadre du programme Horizon 2020 devrait avoir pour effet d’accroître l’innovation.

Bruxelles, le 14 décembre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO C 303 du 19.8.2016, p. 81, avis sur les «Normes européennes pour le XXIe siècle» (INT/794, JO C 34 du 2.2.2017, p. 86) et avis sur les «Priorités pour la normalisation en matière de TIC dans le marché unique numérique» (JO C 487 du 28.12.2016, p. 92).

(2)  Avis INT/794 sur les «Normes européennes pour le XXIe siècle» (JO C 34 du 2.2.2017, p. 86).

(3)  Objet de la communication de la Commission COM(2016) 176 final du 19.4.2016, sur laquelle le CESE a rendu son avis (JO C 487 du 28.12.2016, p. 92).


10.3.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/44


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 1286/2014 du Parlement européen et du Conseil sur les documents d’informations clés relatifs aux produits d’investissement packagés de détail et fondés sur l’assurance en ce qui concerne sa date de mise en application»

[COM(2016) 709 final — 2016/0355 (COD)]

(2017/C 075/08)

Rapporteur général:

Daniel MAREELS

Consultation

Conseil, 17 novembre 2016

Parlement européen, 21 novembre 2016

Base juridique

Article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Marché unique, production et consommation»

Décision du président

17 novembre 2016 (article 57, procédure d’urgence)

Adoption en session plénière

14 décembre 2016

Session plénière no

521

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

152/1/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Dans les circonstances et sous les conditions énoncées ci-après, le Comité économique et social européen (CESE) souscrit à la proposition de la Commission de reporter d’un an, à savoir jusqu’au 1er janvier 2018, l’entrée en vigueur du règlement relatif aux produits d’investissement packagés de détail et fondés sur l’assurance (le «règlement PRIIP») (1).

1.2.

Le règlement PRIIP comporte des mesures visant à renforcer la protection des clients et des investisseurs de détail et à rétablir la confiance des consommateurs dans le secteur des services financiers en accroissant la transparence sur le marché des investissements de détail. En particulier, il impose aux initiateurs de PRIIP d’élaborer un document d’informations clés [KID (2)].

1.3.

Le report a été évoqué à la suite d’une demande du Parlement européen et de la majorité des États membres, après le rejet par le Parlement, le 14 septembre 2016, d’un «acte délégué» (3) de la Commission concernant les PRIIP. Cet acte délégué avait pour objet la définition de normes techniques de réglementation concernant le KID pour les PRIIP, sur la base du projet élaboré conjointement par les autorités européennes de surveillance.

1.4.

Le CESE s’est prononcé favorablement dans un avis antérieur (4) sur les PRIIP et a souligné l’importance d’un acte législatif qui réglemente, pour la première fois, toutes les sortes de produits financiers complexes et permet de les comparer, quelle que soit la typologie de l’initiateur du produit, qu’il s’agisse de banques, d’assurances ou de sociétés d’investissement.

1.5.

Dans ce même avis, le Comité plaidait également pour la création d’un marché financier unique, dans lequel circulent des informations claires, précises et comparables. Il faisait aussi valoir que disposer d’un système d’informations homogène, simplifié et standardisé permettrait que ces informations soient comparables et compréhensibles, améliorant ainsi la transparence du marché et son efficacité (5).

1.6.

S’il s’avérait que l’on n’opte pas pour le report, le Comité estime que les principaux objectifs poursuivis dans ce domaine (voir ci-avant et ci-après) risquent d’être compromis, situation qui n’est absolument pas souhaitable. Le Comité convient que la transparence accrue que prévoit le règlement PRIIP et l’harmonisation de l’obligation relative à la communication de l’information sont favorables au marché intérieur des services financiers, en ce qu’elles créent un terrain où les différents produits et canaux de distribution peuvent concourir à armes égales. Le règlement à l’examen ne sera donc pas bénéfique uniquement pour les clients et investisseurs de détail, mais contribuera également à ce que se poursuive le rétablissement de la confiance des consommateurs dans le secteur des services financiers. En outre, le rejet de l’acte délégué moins de quatre mois avant la date d’entrée en vigueur des textes aurait exposé les opérateurs du marché à une insécurité juridique et à de très sérieux problèmes de mise en œuvre.

1.7.

En ce qui concerne le choix de la période d’un an, le Comité estime, pour les mêmes raisons, que celle-ci est acceptable, d’autant que l’entrée en vigueur coïncide ainsi avec celle de la nouvelle réglementation MiFID II. Le Comité juge indispensable que ce report reste exceptionnel et ne se produise qu’une seule fois, et que la période intermédiaire soit utilisée pour établir et publier l’acte délégué définitif et ce dans les délais les plus brefs. Il s’agit en effet d’apporter aussi rapidement que possible clarté et sécurité aux opérateurs du marché, ainsi qu’aux clients et investisseurs de détail.

1.8.

Pour le Comité, il ne peut être question que dans cette opération on mette en péril les objectifs et les réalisations du règlement PRIIP. C’est pourquoi d’éventuels ajustements de l’acte délégué doivent s’inscrire dans le cadre précité. Tel est d’autant plus le cas dès lors que le réexamen du règlement PRIIP s’effectuera après à peine une année et que d’éventuelles questions pourront alors être soulevées à la lumière des premières expériences en matière de mise en pratique et de suivi. Les ajustements susmentionnés doivent d’emblée contribuer à améliorer effectivement la confiance des consommateurs. Dans le même temps, il s’impose qu’ils restent compatibles avec les règles qui seront prévues dans la future règlementation MiFID.

2.   Contexte

2.1.

Le règlement (UE) no 1286/2014 du Parlement européen et du Conseil (6) (règlement PRIIP) a instauré des dispositions pour parvenir à davantage de transparence sur le marché pour les investissements de détail. Plus précisément, ce texte fait obligation aux initiateurs de PRIIP d’élaborer un KID.

2.2.

Ce règlement habilite les autorités européennes de surveillance (7) (AES) à élaborer des normes techniques de réglementation précisant les éléments du KID.

2.3.

Après que les AES lui ont communiqué leur projet conjoint de normes techniques de réglementation, la Commission a adopté, fin juin 2016, le règlement délégué pour donner une traduction effective aux normes ainsi arrêtées.

2.4.

Par une résolution du 14 septembre 2016, le Parlement européen a émis des objections contre le règlement délégué adopté par la Commission (8). Il a demandé à celle-ci de procéder à une évaluation des dispositions concernant les PRIIP à options multiples, les scénarios de performance et l’avertissement quant à la difficulté de compréhension.

2.5.

Par ailleurs, le Parlement européen, tout comme une forte majorité d’États membres, a demandé que l’application du règlement soit reportée.

2.6.

La proposition de règlement actuellement soumise pour examen suggère de repousser d’un an, au 1er janvier 2018, l’entrée en vigueur du règlement dans son ensemble.

3.   Observations et commentaires

3.1.

D’une manière générale, le règlement PRIIP vise à mieux protéger les clients et les investisseurs de détail, en particulier ceux qui investissent dans des PRIIP. Par ailleurs, la transparence accrue qu’il prévoit et l’harmonisation de l’obligation relative à la communication de l’information favorisent le marché intérieur des services financiers, en ce qu’elles créent un terrain où les différents produits et canaux de distribution peuvent concourir à armes égales. De ce fait, elles contribueront également à restaurer encore davantage la confiance des consommateurs dans le secteur des services financiers.

3.2.

Pour réaliser ces objectifs, le texte exige que les initiateurs de PRIIP satisfassent à une série de conditions concernant l’information à communiquer sur leurs produits et que les clients de détail et les investisseurs reçoivent le KID sur ceux qu’ils proposent. De ce fait, les investisseurs de détail devraient pouvoir se faire une meilleure idée de la nature économique et des risques que comporte un produit déterminé et comparer les différentes offres.

3.3.

Dans sa version originelle, il était prévu que le règlement entrerait en vigueur fin 2016. En principe, cette date s’applique également pour les «dispositions d’exécution» que la Commission a arrêtées à la mi-2016, par le truchement d’un acte délégué, en se fondant sur les projets de normes techniques de réglementation élaborées par les AES. Lesdits projets de normes techniques portent sur la présentation et le contenu du KID, son format normalisé, la méthode à utiliser pour la présentation des risques et des rémunérations et le calcul des coûts, ainsi que les conditions et la fréquence minimale de réexamen du contenu de ce document et les conditions à remplir pour répondre à l’obligation de fournir ledit document aux investisseurs de détail.

3.4.

Si le Conseil n’a pas soulevé d’objections contre le règlement délégué de la Commission durant la période d’examen, le Parlement européen l’a en revanche rejeté, par une résolution du 14 septembre 2016 (9).

3.5.

Bien qu’il entre directement en vigueur fin 2016 et que l’élaboration d’un KID ne soit pas liée à l’adoption du règlement délégué, le Parlement européen a demandé par la même occasion que la mise en application du règlement PRIIP soit retardée. Une forte majorité d’États membres ont également déposé une demande analogue de report. En l’occurrence, on a fait remarquer que l’absence de normes techniques constituerait un obstacle pour une mise en œuvre fluide du règlement.

3.6.

Dans ces circonstances spécifiques, le CESE peut se rallier au principe de surseoir à l’entrée en vigueur du règlement. En ne le faisant pas, on courrait le risque de ne pas atteindre, ou de ne réaliser que dans une mesure insuffisante, les objectifs assignés (voir ci-avant et ci-après). En outre, l’acte délégué a été rejeté moins de quatre mois avant la date d’entrée en vigueur des textes, de sorte que les opérateurs du marché auraient été confrontés à une insécurité juridique et à de sérieux problèmes de mise en œuvre.

3.7.

Par ailleurs, le CESE rappelle l’avis qu’il avait déjà consacré aux PRIIP, dans lequel il s’était exprimé positivement sur les propositions en la matière et sur la démarche choisie (10). À cette occasion, le Comité avait souligné l’importance de cet acte législatif qui réglemente, pour la première fois, toutes les formes de produits financiers complexes et permet de les comparer, quelle que soit la typologie de leur initiateur, qu’il s’agisse de banques, d’assurances ou de sociétés d’investissement.

3.8.

Dans ce domaine, le Comité plaidait également pour la création d’un marché financier unique, dans lequel circulent des informations claires, précises et comparables (11). Il faisait également valoir que disposer d’un système d’informations homogène, simplifié et standardisé permettrait que ces informations soient comparables et compréhensibles, améliorant ainsi la transparence du marché et son efficacité (12). Le Comité complète aujourd’hui ces observations en précisant que les futures normes techniques de réglementation devront d’emblée contribuer à améliorer la confiance des consommateurs. Ainsi, il faudra que ces derniers voient clairement quels sont les produits qui sont complexes, qu’ils prennent leurs décisions en connaissance de cause et qu’il soit prêté attention aux questions de coût et de rendement. Pour éviter les incohérences, il conviendra toutefois de tenir compte des règles qui seront prévues dans les futures dispositions de la réglementation MiFID (13).

3.9.

Le Comité estime en outre que le choix de la période d’un an est acceptable à condition que le report reste exceptionnel et unique et qu’on mette à profit la période intermédiaire pour établir et publier l’acte délégué définitif. Cette opération doit s’effectuer dans les délais les plus brefs possibles, afin d’offrir au plus vite clarté et sécurité aux opérateurs du marché, aux clients et aux investisseurs de détail.

3.10.

Par ailleurs, dès lors que l’on opte pour une période d’un an, l’entrée en vigueur du règlement PRIIP coïncidera de nouveau avec celle de la réglementation MiFID II (14), qui présente également des avantages pour les consommateurs. L’application de la réglementation MiFID II avait elle aussi été précédemment reportée d’un an (15), report auquel le Comité avait souscrit (16).

3.11.

Ce faisant, on ne pourra compromettre les objectifs fixés antérieurement, auxquels le Comité avait souscrit. C’est pourquoi d’éventuels ajustements de l’acte délégué doivent s’inscrire dans le cadre précité.

3.12.

Pour le reste et dans la mesure nécessaire, il semble plus approprié d’attendre le réexamen du règlement PRIIP qui, en raison du report de son application tel qu’actuellement proposé, sera maintenant effectué un an à peine après son entrée en vigueur (17). Il sera ainsi possible de prendre en compte à cette occasion les premières expériences en matière de mise en pratique et de suivi.

Bruxelles, le 14 décembre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  PRIIP est l’acronyme anglais de packaged retail and insurance-based investment products. En français, on parle de «produits d’investissement packagés de détail et fondés sur l’assurance».

(2)  KID est l’acronyme anglais de key information document. En français, on parle de «document d’informations clés».

(3)  Les actes délégués ont été introduits par le traité de Lisbonne. L’article 290 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne permet au législateur de l’Union européenne (généralement le Parlement européen et le Conseil) de déléguer à la Commission le pouvoir d’adopter des actes non législatifs de portée générale qui complètent ou modifient certains éléments non essentiels d’un acte législatif.

Les actes délégués peuvent donc ajouter de nouvelles règles (non essentielles) ou comprendre une modification ultérieure de certains aspects d’un acte législatif. Le législateur peut ainsi se concentrer sur l’orientation politique et les objectifs sans entrer dans des débats détaillés et souvent très techniques.

La délégation de pouvoir pour adopter des actes délégués est cependant soumise à des limites strictes. En effet, seule la Commission est habilitée à adopter des actes délégués. En outre, les éléments essentiels d’un domaine ne peuvent faire l’objet d’une délégation de pouvoir. De surcroît, les objectifs, la teneur, la portée et la durée de la délégation de pouvoir doivent être définis dans les actes législatifs. Enfin, le législateur doit indiquer explicitement dans l’acte législatif les conditions dans lesquelles cette délégation peut être exercée. À cet égard, le Parlement et le Conseil peuvent prévoir le droit de révoquer la délégation ou d’exprimer des objections à l’acte délégué. Voir http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=URISERV%3Aai0032

(4)  Voir l’avis du CESE paru au JO C 11 du 15.1.2013, p. 59, paragraphe 1.2.

(5)  Voir l’avis du CESE cité à la note 4, paragraphes 3.2 et 2.3.

(6)  Règlement (UE) no 1286/2014 du Parlement européen et du Conseil du 26 novembre 2014 sur les documents d’informations clés relatifs aux produits d’investissement packagés de détail et fondés sur l’assurance (JO L 352 du 9.12.2014, p. 1).

(7)  Par «AES», on entend l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles, l’Autorité bancaire européenne et l’Autorité européenne des marchés financiers.

(8)  Voir http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2016-0347+0+DOC+XML+V0//FR

(9)  La résolution invoque les arguments suivants pour motiver ce rejet du règlement délégué:

«A.

considérant qu’il est essentiel que les informations des consommateurs sur les produits d’investissement soient comparables, afin de favoriser des conditions de concurrence équitables sur le marché, quel que soit le type d’intermédiaire financier qui les initie ou les met sur le marché;

B.

considérant qu’il serait trompeur, pour les investisseurs, de ne pas tenir compte du risque de crédit dans le calcul du profil de risque des produits d’assurance;

C.

considérant que le traitement de produits à options multiples doit encore être clarifié, en particulier en relation avec l’exemption explicite accordée aux OPCVM conformément au règlement (UE) no 1286/2014;

D.

considérant que l’acte délégué adopté par la Commission contient des défauts de méthode concernant le calcul des futurs scénarios de performance et, en conséquence, ne satisfait pas à l’exigence prévue par le règlement (UE) no 1286/2014 de fournir des informations “exactes, loyales, claires et non trompeuses” et, en particulier, qu’il ne montre pas, pour certains PRIIP, même dans le scénario défavorable, et même pour des produits qui ont régulièrement engendré des pertes pendant la période minimale de détention recommandée, que les investisseurs pourraient perdre de l’argent;

E.

considérant que le manque d’informations détaillées, dans le règlement délégué, sur l’avertissement signalant que le produit peut être difficile à comprendre, fait peser un risque grave d’incohérences dans la mise en application de cet élément dans le document d’informations clés dans l’ensemble du marché unique;

F.

considérant que le Parlement européen reste d’avis qu’une normalisation plus poussée du moment où l’avertissement sera utilisé devrait être ajoutée aux missions des [normes techniques de réglementation];

G.

considérant que, si elles restent inchangées, les règles prévues dans le règlement délégué risquent d’aller à l’encontre de l’esprit et de l’objectif de la législation, qui vise à fournir aux investisseurs de détail des informations claires, comparables, compréhensibles et non trompeuses sur les PRIIP;

H.

considérant que, dans la lettre adressée le 30 juin 2016 à la Commission par le président de la commission des affaires économiques et monétaires, l’équipe de négociation du Parlement a demandé à la Commission d’évaluer la possibilité de retarder la mise en œuvre du règlement (UE) no 1286/2014;».

(10)  Voir l’avis du CESE cité à la note 4, paragraphe 1.2.

(11)  Voir l’avis du CESE cité à la note 4, paragraphe 3.2.

(12)  Voir l’avis du CESE, cité à la note 4, paragraphe 2.3.

(13)  Voir la directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/UE (JO L 173 du 12.6.2014, p. 349).

(14)  La nouvelle réglementation MiFID II entre en vigueur le 3 janvier 2018, soit deux jours après la date proposée à présent pour le règlement PRIIP modifié.

(15)  Voir la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant, en ce qui concerne certaines dates, le règlement (UE) no 600/2014 concernant les marchés d’instruments financiers, le règlement (UE) no 596/2014 sur les abus de marché et le règlement (UE) no 909/2014 concernant l’amélioration du règlement de titres dans l’Union européenne et les dépositaires centraux de titres» [COM(2016) 57 final — 2016/0034 (COD)].

(16)  Le CESE a approuvé le report de l’application de la réglementation MiFID II (voir l’avis du CESE paru au JO C 303 du 19.8.2016, p. 91).

(17)  Voir l’article 33 du règlement PRIIP, qui n’est pas modifié par la présente proposition. Cet article prévoit un réexamen du règlement «le 31 décembre 2018 au plus tard».


10.3.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/48


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 345/2013 relatif aux fonds de capital-risque européens et le règlement (UE) no 346/2013 relatif aux fonds d’entrepreneuriat social européens»

[COM(2016) 461 final]

(2017/C 075/09)

Rapporteur:

M. Giuseppe GUERINI

Corapporteur:

M. Michael IKRATH

Consultation

Conseil de l’Union européenne, 27 juillet 2016

Parlement européen, 12 septembre 2016

Base juridique

Articles 114 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Date de la décision du Bureau

12 juillet 2016

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

29 novembre 2016

Adoption en session plénière

14 décembre 2016

Session plénière no

521

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

117/1/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite des efforts déployés par la Commission européenne et les États membres, ces dernières années, pour venir à bout de la stagnation économique. Pour autant, il ne saurait se dispenser d’engager les institutions de l’Union européenne à faire preuve de plus de détermination dans l’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie globale pour financer l’économie réelle.

1.2.

De l’avis du CESE, il y a lieu de s’assurer que les investissements européens profitent en premier lieu à l’économie réelle, qui se distingue par sa propension à l’innovation, à la croissance et à la responsabilité sociale.

1.3.

Les petites et moyennes entreprises (PME) sont les piliers de l’économie européenne. Assurer un accès satisfaisant au financement pour les PME et les entreprises à forte croissance constitue dès lors un préalable essentiel tant pour leur développement que pour l’innovation, l’expansion économique, l’emploi, la sauvegarde de la compétitivité de l’Europe et l’exercice de la responsabilité sociale. Dans l’Union européenne, les PME se financent essentiellement par l’emprunt. Dans un contexte où il est nécessaire de développer de nouveaux espaces de croissance pour faire de l’Europe la championne de l’innovation, il convient d’ouvrir de nouveaux canaux de financement afin de soutenir les jeunes entreprises, les PME innovantes et les entreprises à forte croissance («entreprises en expansion»).

1.4.

Le CESE est favorable à une extension des fonds de capital-risque européens (EuVECA) et des fonds d’entrepreneuriat social européens (EuSEF) et précise qu’il convient, ce faisant, de veiller à la protection des investisseurs.

1.5.

Par conséquent, le CESE est convaincu que le financement traditionnel par le crédit des formes d’entreprises répertoriées au paragraphe 1.2 doit être complété par d’autres modes de financement, tels que le capital-risque, le financement participatif, le capital-investissement, etc. C’est pourquoi l’Union européenne doit adopter des mesures concrètes et cohérentes en vue, d’une part, de redonner aux banques la capacité de remplir leur mission fondamentale qui est de financer l’économie réelle et, d’autre part, d’améliorer de manière substantielle les possibilités de financement par l’apport de capitaux propres et le recours aux marchés financiers, en levant à cet effet les obstacles actuels à la création d’une union des marchés des capitaux.

1.6.

Le CESE salue et soutient dès lors l’initiative de la Commission européenne consistant à anticiper le réexamen des règlements relatifs aux fonds EuVECA et EuSEF.

1.7.

Le CESE est d’avis que le fait d’agir par voie de règlement permet en général de limiter le risque d’interprétations divergentes au niveau national et peut favoriser, de ce fait, la création d’une union des marchés des capitaux. Il préconise, en outre, de faire disparaître les différences d’interprétation actuellement constatées à l’échelon national.

1.8.

Par ailleurs, le CESE invite l’Union européenne à se mobiliser pour renforcer les synergies entre les objectifs de la stratégie Europe 2020, notamment le marché unique numérique ou encore l’union de l’énergie et la COP 21, et les dix-sept objectifs de développement durable fixés par les Nations unies, afin d’assurer des investissements de longue durée à fort rendement. Il a y lieu également d’accorder la priorité absolue à l’approfondissement de l’intégration économique dans toutes les stratégies d’investissement afin de garantir la compétitivité de l’Union européenne sur le plan mondial.

1.9.

Le CESE constate qu’une partie du secteur financier préfère poursuivre d’autres objectifs d’investissement que celui de l’économie réelle. Dans bien des cas, le but est de maximiser les retours sur investissement, dans des opérations qui s’accompagnent d’un risque spéculatif élevé. Les exigences de fonds propres applicables aux banques européennes contribuent également à ce phénomène, en favorisant nettement les investissements en valeurs mobilières, en particulier en obligations souveraines, plutôt que l’octroi de crédits de financement aux entreprises. Force est de constater par ailleurs l’inertie alarmante dont l’Union européenne a fait preuve jusqu’à présent pour ce qui est de réglementer les établissements financiers purement spéculatifs (fonds spéculatifs, établissements du secteur bancaire parallèle). En conséquence, le CESE recommande aux institutions de l’Union européenne de privilégier résolument les investissements productifs dans l’économie réelle et d’agir contre les opérations de spéculation financière présentant un profil de risque élevé. Pour donner un exemple actuel de cette évolution, le thème du financement de l’économie verte (la «finance verte») était au centre de la dernière assemblée annuelle du Fonds monétaire international (FMI) à Washington. La Chine s’est déjà saisie précocement de ce nouveau domaine, qu’elle a aussi imposé dans le cadre de sa présidence du G20. Par conséquent, l’on invite ici aussi, dans le cadre de la législation relative aux fonds EuVECA et EuSEF, l’Union européenne à mettre en œuvre des mesures en vue de faire avancer et de renforcer le financement de l’économie verte (dans le sillage de la COP 21) pour contrecarrer à temps la spéculation financière dans ce domaine (1).

1.10.

Dans le cas concret du règlement à l’examen, le CESE fait observer qu’il existe désormais de multiples sources importantes de financement au niveau de l’Union européenne, comme InnovFin dans le cadre d’Horizon 2020 ou encore les programmes COSME et EaSI, pour ne citer que les exemples les plus notables, outre les Fonds ESI et l’EFSI. Par conséquent, le CESE escompte que la réorientation des fonds EuVECA et des EuSEF sera opérée dans le cadre d’une coordination étroite. Il y a lieu de veiller à ce que les critères d’accès très stricts qui ont été appliqués jusqu’à présent, ainsi que d’autres restrictions prévues par la Commission, soient considérablement assouplis afin d’améliorer sensiblement l’efficacité des fonds au service des objectifs fixés. Le mot d’ordre doit être celui d’un degré élevé de flexibilité.

1.11.

Le CESE espère que la révision des règlements aboutira aussi à la modification des prescriptions en matière de crédit prévues par les accords de Bâle III, afin d’y intégrer, outre le «facteur supplétif pour les PME» (SME supporting factor), un autre facteur supplétif pour les entreprises sociales (social enterprise supporting factor). Il serait ainsi possible d’abaisser les exigences de fonds propres au titre du risque de crédit dans le cadre d’une exposition financière aux entreprises sociales.

1.12.

Afin d’élargir la prise de participation dans ce type de fonds d’investissement, le CESE suggère d’offrir la possibilité de créer des «fonds de fonds». Ceux-ci pourraient contribuer à renforcer l’engagement d’investisseurs non institutionnels, y compris sous la forme de groupes d’intérêts, en créant des «fonds de garantie» financés par des ressources publiques et administrés au niveau européen. Ces fonds devraient soutenir l’investissement dans les entreprises et les institutions à forte orientation sociale.

1.13.

Le CESE considère qu’il est tout aussi important de créer les conditions générales propices à un développement positif des cibles de financement des fonds d’investissement sociaux, telles que les entreprises sociales et les organisations du secteur social. Il convient pour ce faire de lever les obstacles qui empêchent dans une large mesure ces acteurs d’évoluer dans des conditions de marché équitables. Il est tout particulièrement nécessaire de mettre en place de nouveaux instruments permettant au secteur public d’engager des initiatives sociales dans le cadre de partenariats commerciaux avec des entreprises sociales et des organisations du secteur social.

1.14.

Par ailleurs, le CESE préconise, dans l’esprit de son avis TEN/584 sur le potentiel des «e-seniors», de faciliter l’accès au financement pour l’«économie des seniors» dans le cadre des fonds EuVECA et EuSEF. Cette démarche se traduirait aussi par des retombées positives pour les budgets des États membres, en soulageant les régimes des retraites grâce à des seniors actifs qui fondent des entreprises. Une nouvelle chaîne de valeur serait ainsi créée et dégagerait de nouvelles sources de revenus pour l’État. La même observation est valable pour les femmes (2) chefs d’entreprises et créatrices de jeunes entreprises, d’entreprises sociales, etc.

2.   Contenu essentiel de la proposition de la Commission

2.1.

La proposition a pour ambition de coordonner les fonds EuVECA et EuSEF avec les mesures déjà engagées au niveau européen pour stimuler la reprise économique (à savoir le plan d’investissement pour l’Europe, le plan d’action pour l’union des marchés des capitaux et le Fonds européen pour les investissements stratégiques).

2.2.

La Commission estime que l’accès au capital-risque et aux capitaux destinés à l’entrepreneuriat social est essentiel pour financer la croissance des jeunes entreprises, des PME innovantes et des entreprises sociales.

2.3.

Pourtant, l’Union européenne ne parvient pas à rattraper son retard par rapport aux États-Unis en ce qui concerne le marché du capital-risque, qui ne fait que s’accentuer.

2.4.

C’est pourquoi la Commission modifie le cadre des fonds EuVECA et EuSEF avant la date initialement prévue pour leur révision, à savoir 2017, afin de veiller à ce qu’ils contribuent davantage, et de manière coordonnée avec d’autres mesures, à soutenir le capital-risque et les investissements sociaux dans toute l’Union européenne.

2.5.

La proposition de révision se concentre sur les dispositions suivantes: i) la manière dont les fonds investissent dans des actifs, ii) la manière dont les gestionnaires gèrent les fonds, iii) la façon dont les deux règlements interagissent avec d’autres dispositions législatives existantes sur les fonds d’investissement et iv) les exigences que les fonds doivent remplir pour bénéficier d’un passeport transfrontière.

2.6.

La proposition de la Commission est fondée sur l’article 114 du TFUE et s’appuie sur une large analyse d’impact (3).

3.   Observations générales et particulières

3.1.

Le CESE se réjouit de l’initiative prise par la Commission européenne d’anticiper le réexamen des règlements relatifs aux fonds de capital-risque européens (EuVECA) et aux fonds d’entrepreneuriat social européens (EuSEF); il avait déjà réservé un accueil favorable à ces deux textes à l’occasion des propositions initiales qui avaient été présentées en vue de leur adoption en 2012, dans ses avis sur les fonds de capital-risque européens (4) et sur les fonds d’entrepreneuriat social européens (5), à la lumière notamment du «plan d’action pour la mise en place d’une union des marchés des capitaux» (6).

3.2.

Le CESE approuve et soutient les efforts visant à consolider le financement des entreprises. Les cibles sont les PME, et surtout les jeunes entreprises et les entreprises unipersonnelles ayant un potentiel d’innovation. Les interventions ne doivent pas se limiter à la phase de lancement mais doivent au contraire se concentrer sur les deuxième et troisième phases d’expansion. Il convient notamment de focaliser l’attention sur les PME dont la croissance est rapide mais qui sont trop petites pour accéder aux marchés de capitaux et qui ne remplissent pas les critères pour obtenir un crédit. Il est tout aussi important de mettre l’accent sur les entreprises qui ont une visée sociale et un modèle économique durable (entrepreneurs sociaux).

3.3.

Le CESE juge nécessaire que les institutions et les États membres de l’Union européenne prennent des mesures pour développer des instruments de capitalisation, d’investissement et de financement destinés aux activités entrepreneuriales, qui s’inscrivent en complément du crédit bancaire. Il convient de reconnaître, dans le même temps, que de nombreuses banques européennes — en particulier les banques régionales telles que les coopératives et les caisses d’épargne dans les États membres — ont pris des dispositions pour soutenir les nouvelles entreprises et comptent parmi les principaux bailleurs des entrepreneurs sociaux et des jeunes entreprises innovantes (7).

3.4.

Force est cependant de constater que bien souvent, ce ne sont pas seulement les PME, mais aussi les entreprises sociales et les jeunes entreprises, qui sont insuffisamment dotées en capitaux. Elles sont dès lors dans l’incapacité de remplir les critères de solvabilité exigés pour l’octroi de crédits bancaires, en raison notamment du durcissement draconien de ces conditions en vertu de la directive et du règlement sur les exigences de fonds propres (CRD IV/CRR). Le dispositif de Bâle IV risque d’aggraver encore cette situation regrettable.

3.5.

À cet égard, le CESE est d’avis que s’il est judicieux de mettre à jour les règlements EuVECA et EuSEF, il ne s’agit pas de la seule mesure à prendre. Au-delà de l’amélioration de ces règlements, d’autres initiatives doivent être prises pour créer une culture de l’investissement plus dynamique et orientée vers l’ensemble des formes d’entreprises existant actuellement sur le marché. Cette évolution permettra, d’une part, de renforcer l’esprit d’entreprise et, d’autre part, de consolider le socle social de l’Union européenne.

3.6.

Il convient de jeter un regard critique sur le fait qu’une partie du secteur financier ne porte aucun intérêt au financement durable de l’économie réelle mais investit exclusivement dans des opérations susceptibles de générer immédiatement un rendement élevé, dans un laps de temps souvent très court, par exemple entre l’acquisition et la revente d’entreprises. Les institutions de l’Union européenne ne se sont guère efforcées de limiter les incidences de ce type d’activités purement spéculatives des banques et fonds d’investissement (fonds spéculatifs, établissements du secteur bancaire parallèle) ni de les soumettre à un régime réglementaire cohérent.

3.7.

Les institutions de l’Union européenne devraient s’assurer de l’attractivité croissante des investissements dans les activités entrepreneuriales — et pas seulement dans les instruments financiers — au moyen notamment de mesures d’incitation, et présenter un programme de développement ambitieux.

3.8.

À l’instar de la Commission, le CESE estime qu’un plus ample développement des fonds EuVECA et EuSEF permettra, dans l’ensemble, aux entreprises innovantes et aux entreprises sociales, ainsi qu’aux PME, d’accéder au crédit bancaire et de combiner financement par l’emprunt et par le capital-risque afin de produire un effet de levier positif. Il préconise de développer un modèle européen du financement par le capital-risque.

3.9.

Il ressort aussi de l’analyse des fonds européens de capital-risque que huit fonds sur les onze qui sont les plus actifs reçoivent l’appui de subsides publics ou bénéficient à tout le moins d’une participation conséquente d’institutions publiques, la situation en la matière étant variable selon les États membres. Le CESE recommande dès lors de prendre en compte, dans l’orientation desdits fonds, les grands projets européens tels que les plans d’action relatifs au marché unique numérique, à l’union de l’énergie ou à la mise en place d’un socle social dans l’Union européenne.

3.10.

Il y a lieu de rapidement coordonner la nouvelle orientation donnée aux fonds EuVECA et EuSEF avec les instruments ci-après: a) le Fonds européen d’investissement, b) l’initiative en faveur de l’union des marchés des capitaux et c) le Fonds européen pour les investissements stratégiques (dont l’importance est croissante mais dont le potentiel n’est pas encore exploité dans toute sa mesure par les économies et les systèmes bancaires nationaux, qui devraient peut-être envisager d’y recourir davantage).

3.11.

La proposition de réexamen des règlements EuVECA et EuSEF contribue à la réalisation d’un objectif central des politiques de l’Union européenne, à savoir améliorer les possibilités d’accès au crédit pour les PME et les entreprises sociales. En conséquence, le CESE est convaincu qu’il est nécessaire de modifier les prescriptions correspondantes en matière de crédit qui sont prévues par l’accord de Bâle III et transposées dans l’Union européenne dans le cadre d’une directive (CDR IV) et d’un règlement (CRR); à cet égard, il convient d’intégrer dans le règlement CRR, outre le «facteur supplétif pour les PME» (SME supporting factor), un autre facteur supplétif pour les entreprises sociales (social enterprise supporting factor), afin d’abaisser substantiellement les exigences de fonds propres au titre du risque de crédit dans le cadre d’une exposition financière aux entreprises sociales. Il s’agit en l’occurrence de coefficients faciles à calculer et qui n’occasionnent pas de coûts supplémentaires pour les finances publiques des États membres. Le CESE juge ces dispositions indispensables, étant entendu que les PME constituent l’épine dorsale de l’économie de l’Union européenne et sont les garantes de la compétitivité européenne. De ce fait, elles sont aussi la clé de la croissance et de l’emploi.

3.12.

Il importe de rappeler que dans bien des cas, non seulement les entreprises de l’économie sociale, mais aussi des PME diverses, se distinguent par leurs liens étroits avec le tissu local; elles peuvent être intéressées, par exemple, par un investissement dans les services sociaux ou dans un approvisionnement en énergie produite à partir de sources renouvelables dans le cadre de coopératives (8). Le libellé actuel des règlements relatifs aux fonds EuVECA et EuSEF permet uniquement la participation d’investisseurs professionnels. Or, dans la mesure où il est question de multiplier les investissements, le CESE est d’avis qu’il serait judicieux d’élargir le spectre des investisseurs potentiellement intéressés.

3.13.

Sans préjudice de la nécessité d’assurer une protection adéquate des investisseurs, il serait possible d’autoriser des investisseurs motivés, même non institutionnels, à prendre une participation dans les fonds en question. Il existe déjà d’autres modes de «levée de capitaux» qui ont le vent en poupe, comme le financement participatif; ce sont souvent des démarches très informelles, qui ne relèvent pas de règles claires. Il pourrait ainsi s’avérer intéressant d’ouvrir dans une mesure limitée les fonds EuVECA et EuSEF aux investisseurs non institutionnels et même d’envisager la possibilité de regrouper ces derniers au sein de groupes communs.

3.14.

L’attention portée aux entreprises de taille moyenne (jusqu’à 499 salariés) est elle aussi appréciable; il importe de ne surtout pas les négliger, de sorte que leur croissance — souvent le fruit du développement d’entreprises qui étaient initialement des PME — puisse être consolidée, et même renforcée lorsque c’est possible.

3.15.

Le principe de subsidiarité est dûment observé dans la proposition à l’examen; par conséquent, les actions engagées au niveau de l’Union européenne à l’aide des fonds EuVECA et EuSEF — par opposition aux mesures prises par les différents États — sont les bienvenues pour établir un cadre harmonisé à l’échelle européenne, sans pour autant empiéter trop largement sur la liberté, pour les États membres, d’adopter l’approche générale de leur choix en matière de capital-risque. À cet égard, le CESE se félicite qu’il ait été décidé d’agir par voie de règlement. Un cadre mieux harmonisé pourrait contribuer à empêcher la concentration du capital-risque dans une poignée d’États membres et concourir à le répartir dans un espace géographique plus vaste ainsi qu’à en amplifier l’effet. À l’heure actuelle, les investissements sous forme de capital-risque ne représentent que 0,1 % du PIB de l’Union européenne et sont concentrés dans quelques États membres seulement.

3.16.

Permettre aux gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs au sens de la directive 2011/61/UE d’accéder aux fonds EuVECA et EuSEF paraît être une solution appropriée pour traduire concrètement l’utilisation et l’effet de ces fonds à l’échelle de l’Europe, en renvoyant aux réglementations déjà en vigueur.

3.17.

L’extension qualitative et quantitative des possibilités d’accès à ces deux types de fonds pour les entreprises s’inscrit donc pleinement dans la lignée de l’approche générale retenue par la Commission en vue de les renforcer.

3.18.

La décision de maintenir un seuil minimum d’investissement pour accéder aux fonds paraît elle aussi judicieuse. Pour autant, il conviendrait d’encourager le recours à des mécanismes permettant d’élargir la participation: il serait ainsi envisageable d’autoriser la création d’un «fonds de fonds» — une possibilité qui, par ailleurs, est également évoquée dans l’analyse présentée par la Commission européenne avec la proposition de révision des règlements à l’examen.

3.19.

La réduction prévue des coûts administratifs de l’enregistrement est très appréciable, dans la mesure notamment où elle a pour objectif de lever les obstacles bureaucratiques à la pleine réussite des mesures préconisées par la Commission, pour éviter que les coûts d’entrée ne dissuadent les investisseurs potentiellement intéressés. Ces derniers devraient pouvoir se concentrer sur le potentiel de développement des entreprises bénéficiant d’un accès au capital-risque, plutôt que sur les coûts de l’accès à un système excessivement complexe.

3.20.

C’est à raison que la réglementation technique relative aux fonds propres dont les investisseurs doivent disposer pour bénéficier d’un accès aux fonds dont il est question est confiée à une autorité technique telle que l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF). Celle-ci est la mieux placée pour garantir une réglementation de qualité dans un secteur qui se caractérise par une grande technicité. Le CESE escompte que cette réglementation dérivée à des fins d’exécution pourra être élaborée dans le dialogue avec les parties intéressées et en concertation avec les partenaires sociaux, au sens où il leur sera donné l’occasion de présenter des observations et des commentaires sur une version provisoire des textes prévus, en vue notamment de simplifier des règles qui sont parfois excessivement abondantes.

3.21.

C’est avant tout dans les secteurs de l’innovation, de l’innovation sociale et de la viabilité écologique, dans la lignée des priorités actuelles de la Commission européenne, que les fonds EuVECA et EuSEF pourraient jouer un rôle particulièrement important pour orienter et catégoriser les investissements. Il pourrait s’avérer tout à fait judicieux, à cet égard, de créer des «fonds de garantie» pour soutenir et promouvoir les investissements dans les secteurs à très forte valeur ajoutée en matière de protection sociale, de politique de l’emploi et d’écologie, qui seraient financés par des ressources publiques et, idéalement, gérés au niveau européen. Pour conclure, le CESE souligne que la Commission européenne doit engager une action globale pour favoriser l’élaboration et le déploiement d’une stratégie européenne transversale et complète, car il ne suffit plus d’additionner les mesures individuelles pour relever la compétitivité des économies européennes dans un environnement mondial à la complexité croissante.

Bruxelles, le 14 décembre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  www.blackrock.com/corporate/en-mx/literature/whitepaper/bii-pricing-climate-risk-international.pdf.

(2)  http://www.imf.org/external/pubs/ft/sdn/2013/sdn1310.pdf.

(3)  Elle repose aussi sur des consultations publiques menées au préalable — celle réalisée dans le cadre du livre vert intitulé «Construire l’union des marchés des capitaux» (du 18 février 2015 au 13 mai 2015), celle sur la révision du règlement (UE) no 345/2013 et du règlement (UE) no 346/2013 (du 30 septembre 2015 au 6 janvier 2016), celle lancée dans le cadre de l’appel à contributions sur le cadre juridique de l’Union pour les services financiers (du 30 septembre 2015 au 31 janvier 2016), et un atelier technique ciblé (27 janvier 2016).

(4)  JO C 191 du 29.6.2012, p. 72.

(5)  JO C 229 du 31.7.2012, p. 55.

(6)  JO C 133 du 14.4.2016, p. 17.

(7)  Voir le rapport du ministère italien du développement économique, qui fait état d’une hausse substantielle des moyens financiers mis à la disposition des jeunes entreprises innovantes par les petites banques, en particulier les banques coopératives (voir les données chiffrées plus loin dans le texte).

(8)  Par exemple, en Italie, les banques coopératives (banche di credito cooperativo, BCC) ont créé, par l’intermédiaire de leur organisation faîtière nationale, le consortium énergétique «Consorzio BCC Energia», auquel sont associés plus de 110 banques de crédit coopératif et qui achète sur le marché libre — dans le cadre des marchés publics – pour un coût 5 à 10 % inférieur, de l’énergie produite exclusivement à partir de sources renouvelables. Désormais, cette énergie est également proposée aux membres de la coopérative et aux clients (ménages, entreprises, municipalités) des collectivités au sein desquelles les banques coopératives concernées sont présentes.


10.3.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/53


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 99/2013 du Parlement européen et du Conseil relatif au programme statistique européen 2013-2017, en le prolongeant pour la période 2018-2020»

[COM(2016) 557 final — 2016/0265(COD)]

(2017/C 075/10)

Rapporteur:

M. Petru Sorin DANDEA

Consultation

Parlement européen, 15 septembre 2016

Conseil de l’Union européenne, 26 octobre 2016

Base juridique

Articles 304 et 338 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

29 novembre 2016

Adoption en session plénière

14 décembre 2016

Session plénière no

521

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

221/1/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se déclare favorable et apporte son soutien à l’initiative de la Commission qui propose de prolonger le programme statistique européen actuel pour la période 2018-2020.

1.2.

Le CESE estime que l’option politique que privilégie la Commission est celle qui, à la fois, répond le mieux aux demandes des utilisateurs de données statistiques et est en mesure de contribuer à l’élaboration de produits statistiques utiles pour les responsables politiques, qui pourraient ainsi disposer d’un support statistique plus cohérent pour formuler les politiques dans le cadre du semestre européen.

1.3.

Le CESE est d’avis que l’amélioration des produits existants et le développement des nouveaux produits nécessaires pour mesurer les progrès de l’Union européenne à l’aune des 17 objectifs et 169 cibles de la stratégie de développement durable des Nations unies devraient devenir une priorité pour le système statistique européen (SSE).

1.4.

Le CESE rappelle une proposition antérieure (1) et recommande à la Commission européenne de mettre à profit la possibilité offerte par le règlement à l’examen pour ajouter des mesures prévoyant la mise en place d’un outil de recherche statistique au niveau de l’Union et des États membres, qui permettra d’évaluer la valeur économique générée par le travail bénévole. Le CESE juge que l’approche méthodologique doit être fondée sur le Manuel sur la mesure du travail bénévole conçu par l’Organisation internationale du travail (OIT).

1.5.

Le CESE estime qu’il y a lieu, dans le cadre des nouveaux produits statistiques proposés par la Commission en vue de mesurer la mondialisation, d’inclure également des enquêtes statistiques qui permettront de mesurer les retombées positives ou négatives sur le marché unique, l’impact qu’auraient les délocalisations sur le marché de l’emploi de l’Union européenne, la pression qu’exercerait une concurrence déloyale fondée sur le recours à une main d’œuvre «bon marché» et le non-respect des normes de l’OIT en matière de relations de travail et concernant plus particulièrement l’industrie et le secteur des services en Europe.

1.6.

Le CESE souscrit à la proposition de la Commission de lancer une activité de recherche en vue d’une future enquête sociale au niveau de l’Union européenne. Une telle enquête devrait également collecter des données relatives à l’adéquation des systèmes de sécurité sociale et à leur viabilité dans le nouveau contexte démographique.

1.7.

Dans le contexte de l’intensification des flux migratoires, le CESE préconise de recenser rapidement et de corriger les lacunes des enquêtes statistiques portant sur les migrations et l’asile. Il s’impose de mettre totalement à exécution le programme relatif à l’intégration des statistiques migratoires, en coopération avec les services statistiques nationaux.

1.8.

Le CESE recommande aux États membres d’augmenter les investissements pour développer le SSE de sorte qu’il puisse répondre à la demande croissante de données et accélérer la production et la diffusion de celles-ci.

1.9.

Le CESE réitère la demande formulée dans plusieurs avis antérieurs (2) de doter tant Eurostat que les instituts nationaux de statistiques des moyens humains, matériels et informatiques renforcés qui sont indispensables pour remplir les missions toujours plus importantes que suppose la production d’informations statistiques de qualité dans un délai toujours plus court.

1.10.

Le CESE recommande que les efforts déployés par la Commission et le SSE pour améliorer qualitativement les données statistiques et développer de nouveaux produits statistiques ne se traduisent pas par une augmentation excessive des pressions administratives sur les fournisseurs de données, les ménages ou les entreprises.

1.11.

Compte tenu de la contribution importante que peuvent apporter les partenaires sociaux et les organisations de la société civile en ce qui concerne l’amélioration des produits statistiques de manière à ce qu’ils répondent mieux aux demandes de données, le CESE soutient la proposition de la Commission qui prévoit la mise en place d’un dialogue régulier entre les utilisateurs de données statistiques et le SSE.

2.   La proposition de règlement de la Commission européenne

2.1.

La proposition de règlement (3) de la Commission européenne modifie le règlement (UE) no 99/2013 du Parlement européen et du Conseil relatif au programme statistique européen 2013-2017, en le prolongeant pour la période 2018-2020.

2.2.

Conformément au règlement (CE) no 223/2009, le programme statistique européen doit fournir un cadre pour le développement, la production et la diffusion de statistiques européennes pour une période correspondant à celle du cadre financier pluriannuel. Le règlement (UE) no 99/2013 porte uniquement sur la période allant de 2013 à 2017, alors que le cadre financier pluriannuel s’étend jusqu’en 2020. Il s’impose dès lors de prolonger le programme statistique européen jusqu’en 2020.

2.3.

L’objectif de la proposition est de prolonger le programme statistique européen pour la période 2018-2020 et d’apporter l’appui financier dont le SSE a besoin pour être en mesure de:

fournir des informations statistiques de haute qualité et combler les lacunes statistiques qui doivent être abordées avec la plus grande urgence, en se concentrant sur plusieurs domaines prioritaires reflétant les dix priorités politiques de la Commission;

bâtir la capacité permanente nécessaire pour répondre plus rapidement aux nouveaux besoins et adapter l’infrastructure statistique afin d’exploiter le potentiel des nouvelles sources de données;

renforcer le partenariat tant au sein du SSE qu’au-delà afin d’accroître encore sa productivité et sécuriser son rôle de premier plan au niveau mondial dans le domaine de la statistique officielle.

2.4.

Après avoir réalisé une analyse d’impact et consulté les parties prenantes (4), la Commission a déterminé l’option politique à privilégier parmi les cinq formulées initialement. L’option 2c, qui a été retenue, aurait l’impact le plus favorable sur l’actualité des données, grâce à de nouvelles mesures axées sur l’amélioration de l’actualité pour les statistiques sur l’inégalité, la pauvreté et la privation matérielle, ainsi que pour les données sur l’énergie et l’environnement.

2.5.

L’enveloppe budgétaire allouée à la prolongation du programme statistique européen pour la période 2018-2020 s’élève à 218,1 millions d’euros.

3.   Observations générales et particulières

3.1.

Compte tenu de la nécessité de faire correspondre la période couverte par le programme statistique européen à celle du cadre financier pluriannuel, le CESE se déclare favorable et apporte son soutien à l’initiative de la Commission qui propose de prolonger le programme statistique européen actuel pour la période 2018-2020.

3.2.

L’option politique privilégiée par la Commission présuppose une meilleure articulation des indicateurs statistiques avec les dix priorités politiques de la Commission, laquelle passe par l’amélioration des instruments statistiques actuels et le développement de nouveaux produits. Le CESE estime que cette option est celle qui, à la fois, répond le mieux aux demandes des utilisateurs de données statistiques et est en mesure de contribuer à l’élaboration de produits statistiques utiles pour les responsables politiques, qui pourraient ainsi disposer d’un support statistique plus cohérent pour formuler les politiques dans le cadre du semestre européen.

3.3.

Le CESE se félicite de l’initiative de la Commission d’inclure, dans le cadre des nouveaux produits statistiques, les enquêtes mesurant les progrès sur la base des objectifs de développement durable de l’ONU. L’amélioration des produits existants et le développement des nouveaux produits nécessaires pour mesurer les progrès de l’Union européenne à l’aune des 17 objectifs et 169 cibles de la stratégie de développement durable des Nations unies devraient devenir une priorité pour le système statistique européen (SSE).

3.4.

Pendant longtemps, au niveau mondial, l’indicateur statistique utilisé pour mesurer le niveau de développement a été le PIB (produit intérieur brut). La Commission a reconnu, dans une communication datant de 2009 (5), les limites dont souffre cet indicateur pour évaluer correctement le niveau de développement social ou environnemental. Le CESE rappelle les propositions énoncées dans les avis élaborés alors et ultérieurement (6), qu’il considère extrêmement pertinentes dans le contexte de la proposition de règlement formulée par la Commission.

3.5.

Le CESE rappelle une proposition antérieure (7) et recommande à la Commission européenne de mettre à profit la possibilité offerte par le règlement à l’examen pour ajouter des mesures prévoyant la mise en place d’un outil de recherche statistique au niveau de l’Union et des États membres, qui permettra d’évaluer la valeur économique générée par le travail bénévole. L’approche méthodologique doit être fondée sur le Manuel sur la mesure du travail bénévole conçu par l’Organisation internationale du travail. Il contient une définition descriptive du bénévolat qui en souligne trois caractéristiques fondamentales: l’activité bénévole se traduit par des activités qui présentent les caractéristiques d’un travail productif, ne sont pas rémunérées, sont volontaires et ne servent pas au ménage du bénévole.

3.6.

Il est nécessaire de mieux intégrer les indicateurs sociaux et environnementaux dans le cadre des comptes nationaux. Le CESE encourage la Commission à poursuivre les efforts dans ce domaine dans le cadre du programme statistique européen pour la période 2018-2020.

3.7.

En ce qui concerne les nouveaux produits statistiques proposés en vue de mesurer la mondialisation, le CESE estime souhaitable d’y ajouter des enquêtes statistiques qui permettront de mesurer les retombées positives ou négatives sur le marché unique, l’impact qu’auraient les délocalisations sur le marché de l’emploi de l’Union européenne, la pression qu’exercerait une concurrence déloyale fondée sur le recours à une main d’œuvre «bon marché» et le non-respect des normes de l’OIT en matière de relations de travail et concernant plus particulièrement l’industrie et le secteur des services en Europe.

3.8.

Le CESE juge que la confiance des utilisateurs dans les données statistiques peut augmenter dès lors que les gouvernements des États membres mettent en œuvre la recommandation (8) formulée par le Conseil consultatif européen pour la gouvernance statistique (CCEGS) sur l’élaboration des engagements en matière de confiance dans les statistiques.

3.9.

Le CESE souscrit à la proposition de la Commission de lancer une activité de recherche en vue d’une future enquête sociale au niveau de l’Union européenne. Compte tenu du vieillissement de la population européenne, cette enquête devrait également collecter des données relatives à l’adéquation des systèmes de sécurité sociale et à leur viabilité dans le nouveau contexte démographique. De même, il y a lieu de procéder sans attendre au recensement et à la correction des lacunes des enquêtes statistiques portant sur les migrations et l’asile.

3.10.

Le CESE réitère la demande formulée dans plusieurs avis antérieurs (9) de doter tant Eurostat que les instituts nationaux de statistiques des meilleurs moyens humains, matériels et informatiques qui sont indispensables pour remplir les missions toujours plus importantes que suppose la production d’informations statistiques de qualité dans un délai toujours plus court. Le CESE recommande aux États membres d’augmenter les investissements pour développer le SSE de sorte qu’il puisse répondre à la demande croissante de données et accélérer la production et la diffusion de celles-ci.

3.11.

Le CESE recommande que les efforts déployés par la Commission et le SSE pour améliorer qualitativement les données statistiques et développer de nouveaux produits statistiques ne se traduisent pas par une augmentation significative des pressions administratives sur les fournisseurs de données, les ménages ou les entreprises.

3.12.

Le Comité soutient la proposition de la Commission qui prévoit la mise en place d’un dialogue régulier entre les utilisateurs de données statistiques et le SSE. Les organisations de la société civile peuvent apporter une contribution importante en ce qui concerne l’amélioration des produits statistiques de manière à ce qu’ils répondent mieux aux demandes de données. Le CCEGS a émis une proposition en ce sens dans son rapport annuel 2016.

Bruxelles, le 14 décembre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Voir l’avis du CESE «Outils statistiques pour mesurer le bénévolat» (JO C 170 du 5.6.2014, p. 11).

(2)  Voir l’avis du CESE sur la «Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative au programme statistique communautaire 2008-2012» (JO C 175 du 27.7.2007, p. 8).

(3)  COM(2016) 557 final.

(4)  Cette consultation a été réalisée via la plateforme en ligne «Votre point de vue sur l’Europe» entre le 23 juillet et le 15 octobre 2015 et a fait l’objet d’une publicité via les canaux de communication d’Eurostat et les instituts nationaux de statistiques.

(5)  «Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen — Le PIB et au-delà — Mesurer le progrès dans un monde en mutation», COM(2009) 433 final.

(6)  Voir les avis du CESE «Le PIB et au-delà — L’implication de la société civile dans le processus de sélection d’indicateurs complémentaires» (JO C 181 du 21.6.2012, p. 14) et «Le PIB et au-delà — Mesurer le progrès dans un monde en mutation» (JO C 18 du 19.1.2011, p. 64).

(7)  Voir note 1 de bas de page.

(8)  http://ec.europa.eu/eurostat/documents/34693/7723121/ESGAB+Annual+Report+2016

(9)  Voir note 2 de bas de page.


10.3.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/57


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (UE) no 1316/2013 et (UE) 2015/1017 en vue de prolonger la durée d’existence du Fonds européen pour les investissements stratégiques et d’introduire des améliorations techniques concernant ce Fonds et la plateforme européenne de conseil en investissement»

[COM(2016) 597 final — 2016/0276 (COD)]

(2017/C 075/11)

Rapporteur:

M. Alberto MAZZOLA

Consultation

Conseil de l’Union européenne, 26 septembre 2016, et Parlement européen, 3 octobre 2016

Base juridique

Articles 172, 173, 175 et 182 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

29 novembre 2016

Adoption en session plénière

15 décembre 2016

Session plénière no

521

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

172/0/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) soutient pleinement l’initiative de la Commission européenne de prolonger la durée d’existence et d’accroître le financement du Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI); il souscrit à l’objectif de cette proposition et convient de son importance en vue de garantir la stabilité et la sécurité pour les investisseurs et les promoteurs de projets. Le Comité est également favorable à l’extension du calendrier et du financement de l’EFSI afin d’inclure une perspective à plus long terme encore, de manière à assurer le caractère systématique et ininterrompu des interventions.

1.2.

Le CESE se réjouit des résultats satisfaisants obtenus durant la première année d’existence de l’EFSI, qui a immédiatement mobilisé le montant d’investissements prévu, et considère en particulier que le volet d’investissement «PME» est un succès. L’Observatoire du marché unique du Comité devrait entreprendre un suivi permanent des interventions de l’EFSI au bénéfice des PME, en recourant à des indicateurs d’impact.

1.3.

De l’avis du CESE, l’EFSI 2.0 devrait avoir pour objectif de mobiliser encore davantage les capitaux privés et de dépasser le seuil de 62 % atteint la première année. À cet égard, le Comité propose d’étudier attentivement l’extension de son rayon d’action à d’autres branches de la finance que celle des banques, à savoir le marché obligataire et les fonds d’assurance et de pension. Les fonds d’assurance et de pension européens et internationaux pourraient jouer un rôle crucial dans les investissements.

1.4.

Le CESE souligne qu’il importe de continuer de mettre l’accent sur l’orientation vers le marché, en prenant sérieusement en compte l’emploi et l’impact social de l’EFSI et en renforçant l’additionnalité de l’EFSI par rapport aux autres instruments de l’Union européenne et aux activités classiques de la Banque européenne d’investissement (BEI). Le CESE déplore que l’EFSI ne garantisse pas que les fonds seront investis dans les pays où les besoins sont les plus grands. Il demande d’assurer une couverture géographique équilibrée de l’EFSI dans toute l’Union, en tenant compte de l’activité économique globale de chaque pays, de la création de nouveaux emplois et de l’orientation vers la demande et le marché de l’initiative, sans fixer de quotas à l’avance et en maintenant une flexibilité suffisante dans les secteurs d’intervention.

1.5.

Le Comité est d’avis que l’EFSI 2.0 devrait concentrer ses interventions dans des filières d’avenir telles que l’industrie 4.0, l’énergie intelligente, les réseaux d’infrastructure numérique et de transport et la protection de l’environnement, les projets transfrontières, notamment des projets européens à grande échelle dans les secteurs recelant les multiplicateurs économiques du PIB les plus importants, en se fondant sur le montant du potentiel d’investissements, sans oublier l’agriculture, de manière à en maximiser l’effet sur la croissance et l’emploi, en prévoyant notamment la possibilité d’ouvrir l’accès à d’autres fonds de l’Union européenne, et en incluant également les technologies à double usage liées aux secteurs de la sécurité et de la défense, la liste des secteurs exclus du champ d’intervention de la BEI devant être révisée en conséquence.

1.6.

Le CESE recommande de soutenir la plateforme européenne de conseil en investissement (EIAH), qui devrait intensifier ses activités dans les différents États et adopter un rôle proactif dans les régions les moins favorisées en particulier, mais aussi renforcer le rôle des banques de développement nationales et la création de plateformes d’assistance territoriales. L’on pourrait aussi envisager la possibilité d’utiliser les Fonds structurels et d’investissement afin d’assurer un cofinancement fluide et exempt d’obstacles bureaucratiques des projets de l’EFSI et de veiller à un dialogue amélioré avec les collectivités locales et régionales.

1.7.

Le CESE préconise de renforcer la dimension sociale dans le déploiement de l’EFSI, par exemple en matière d’éducation, de formation et de formation professionnelle pour acquérir des compétences et pour l’apprentissage tout au long de la vie, en développant les secteurs de la création et de la culture, l’innovation en matière de soins de santé et de médecine, ainsi que les services sociaux, le logement social et l’aide à l’enfance, et les infrastructures touristiques et de protection de l’environnement. Le plan d’investissement pour l’Europe devrait clairement soutenir les engagements pris à la COP 21.

1.8.

Le CESE recommande de renforcer la visibilité des financements au titre de l’EFSI par l’organisation dans toute l’Union d’une vaste campagne d’information sur le terrain, en créant un logo de l’EFSI pour illustrer toutes les initiatives financées — en particulier celles destinées aux PME — et en renforçant le dialogue avec les collectivités locales et régionales.

1.9.

Étant donné l’importance de l’EFSI pour la société civile européenne et l’image de l’Europe et compte tenu de son succès, le Comité demande à être régulièrement consulté en vue de fournir des rapports d’information sur les opérations de financement et d’investissement et sur le fonctionnement du fonds de garantie. Une attention particulière sera accordée à la création d’emploi, à l’impact environnemental, ainsi qu’à l’évaluation réalisée par des experts indépendants sur l’application du règlement relatif à l’EFSI et les changements apportés, en utilisant des indicateurs sociaux, économiques et environnementaux clairs et en clarifiant l’additionnalité de cette initiative.

1.10.

À la lumière des multiples effets positifs des investissements sociaux, en particulier pour le marché du travail et les finances publiques, le CESE est d’avis qu’une attention accrue devrait être accordée à la manière de relier le «plan Juncker 2» aux objectifs du paquet «investissements sociaux».

2.   Le contexte du développement de l’EFSI: la situation actuelle

2.1.

Le 28 juin 2016, le Conseil européen a conclu que «[l]e plan d’investissement pour l’Europe, et notamment le Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI), a déjà donné des résultats concrets et constitue une mesure particulièrement importante en vue de contribuer à mobiliser les investissements privés, tout en utilisant intelligemment des ressources budgétaires limitées».

2.2.

Depuis la présentation du plan d’investissement pour l’Europe, en novembre 2014, certains éléments de confiance dans l’économie et la croissance commencent à revenir. Pour autant, 22 millions de personnes sont encore au chômage, l’investissement reste inférieur de 15 % par rapport à la situation observée avant la crise de 2008 et 300 milliards d’EUR d’investissements supplémentaires seraient nécessaires chaque année pour revenir aux niveaux d’avant la crise. Pour la quatrième année consécutive, l’Union européenne connaît une reprise modeste, la croissance de son PIB ayant atteint 2 % en 2015: même si des projets d’investissement de grande envergure ne peuvent produire des effets macroéconomiques immédiats, l’engagement résolu qui été pris dans le cadre du plan d’investissement donne déjà des résultats tangibles.

2.3.

Dans sa première année d’activité, l’EFSI a mis en évidence la solidité du projet initial: mis en œuvre et cofinancé par le groupe BEI, il est en bonne voie pour atteindre l’objectif qui lui avait été fixé de mobiliser au moins 315 milliards d’EUR d’investissements supplémentaires dans l’économie réelle d’ici la mi-2018. Les opérations approuvées au cours de cette première année ont représenté plus de 115 milliards d’EUR, dont 62 % ont été financés par des investisseurs privés — à la date du 15 novembre 2016, il s’agit précisément de 154 milliards d’EUR, soit 49 % du total prévu (1).

2.4.

L’adoption de l’EFSI par le marché a été particulièrement rapide pour ce qui concerne le volet «PME», dans lequel les résultats ont largement dépassé les attentes, ce pourquoi il a été étoffé en juillet 2016 grâce à une enveloppe de 500 millions d’EUR supplémentaires, dans le cadre des dispositions existantes du règlement (UE) 2015/1017. À la fin de la première année, les opérations au profit de PME qui avaient été approuvées représentaient plus de 47 milliards d’EUR, soit 64 % du total attendu pour l’ensemble des trois années.

2.5.

L’EFSI, qui est une initiative conjointe de la Commission européenne et de la Banque européenne d’investissement mais dispose de sa propre gouvernance, contribue aussi au financement de l’innovation et de projets d’infrastructure dans plusieurs secteurs: au 15 novembre 2016, la recherche et le développement (20 %), l’énergie (22 %), la numérisation (12 %), les transports (7 %), une utilisation des ressources efficace et respectueuse de l’environnement (4 %) et les infrastructures sociales (4 %).

2.6.

Le Comité a accueilli favorablement le lancement d’un plan d’investissement pour l’Europe et a apprécié «que l’accent ne soit désormais plus mis sur l’austérité et l’assainissement budgétaire». Il a souligné que «[s]’il représente un pas dans la bonne direction, le plan d’investissement n’en soulève pas moins nombre de questions épineuses, concernant son ampleur, rapportée aux énormes besoins d’investissement de l’Europe, l’importance de l’effet de levier qui en est attendu, le flux possible de projets d’investissement appropriés, […] la participation des PME, avec une attention particulière pour les microentreprises et petites entreprises, ou encore son calendrier» (2). Néanmoins, le CESE regrette que l’EFSI n’ait pas permis de garantir que les fonds soient investis dans les pays où les besoins sont les plus grands; les États membres qui font l’objet d’une procédure concernant les déficits excessifs au titre du volet correctif du pacte de stabilité ne peuvent profiter des possibilités de souplesse (Ecofin 2012 et Ecofin 2014).

2.7.

Le Comité a pu s’appuyer sur l’expérience et les points de vue, largement positifs, sur l’EFSI des représentants des partenaires sociaux et de la société civile lors de l’audition tenue le 10 novembre 2016.

3.   Les propositions de la Commission

3.1.

La Commission propose de prolonger de deux ans la durée d’existence de l’EFSI, jusqu’en 2020, et de relever la garantie de l’Union européenne en la portant de 16 à 26 milliards d’EUR, ainsi que la contribution de la BEI, qui passerait de 5 à 7,5 milliards d’EUR — l’objectif étant de susciter environ 500 milliards d’investissements sur la durée du dispositif. À cette fin, la Commission propose de doter le fonds de garantie de 1,1 milliard d’EUR supplémentaire, pour le porter à 9,1 milliards d’EUR. Cette augmentation sera principalement financée par les fonds du mécanisme pour l’interconnexion en Europe et les recettes des opérations de la BEI liées à l’EFSI.

3.2.

Des objectifs stratégiques pluriannuels de l’EFSI 2.0, visant à soutenir les investissements générateurs de croissance dans le respect des priorités budgétaires de l’Union, ont été fixés dans les secteurs prioritaires suivants:

les infrastructures stratégiques, moyennant des investissements dans le numérique et l’énergie conformément aux politiques de l’Union européenne;

les infrastructures de transport dans les centres industriels, l’environnement, l’éducation, la recherche et l’innovation;

les investissements visant à dynamiser l’emploi, notamment par le financement des PME et des mesures en faveur de l’emploi des jeunes;

le capital humain, la culture et la santé.

3.3.

D’après la Commission européenne, l’initiative devrait permettre à la BEI et à l’EFSI de réaliser des opérations présentant des volumes de financement et d’investissement plus importants dans ces domaines et, dans le cas de la BEI, de mener des projets plus risqués mais restant économiquement viables grâce à la garantie de l’Union. L’effet multiplicateur induit pourrait entraîner 15 EUR d’investissements dans des projets pour chaque euro de garantie, soit au total 500 milliards d’EUR d’ici à la fin de l’actuel cadre financier pluriannuel.

3.4.

Les principaux changements que la Commission propose d’apporter au règlement (UE) 2015/1017 concernent les domaines suivants:

renforcer l’additionnalité des projets, notamment les projets d’infrastructures transnationaux et les services connexes, qui ont été spécifiquement reconnus comme des vecteurs d’additionnalité;

accroître l’utilisation de l’EFSI dans les régions moins développées et les régions en transition et faciliter la combinaison d’un soutien de l’EFSI avec les Fonds structurels et d’investissement européens (ESI), le programme Horizon 2020 et le mécanisme pour l’interconnexion en Europe;

soutenir les régions moins développées et les régions en transition par une référence explicite à toute industrie qui ne serait pas couverte dans les objectifs généraux;

concentrer davantage les interventions de l’EFSI sur les projets qui correspondent aux objectifs et aux priorités de la COP 21 en matière de changement climatique;

envisager d’inclure les projets d’investissement liés à la défense dans le champ de l’EFSI étant donné leur effet multiplicateur significatif;

favoriser les objectifs de diversification sectorielle et géographique de l’EFSI tout en veillant à continuer de placer le marché au centre des préoccupations;

renforcer la transparence dans le processus de gouvernance de l’EFSI.

4.   Observations générales

4.1.

Le Comité économique et social européen accueille favorablement et soutient pleinement l’initiative de la Commission européenne de prolonger la durée d’existence et d’accroître les financements au titre du Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI); il souscrit à l’objectif de cette proposition et convient de son importance pour promouvoir le développement des investissements dans l’Union européenne. Il réaffirme la position qu’il a exprimée antérieurement (3) quant à la nécessité d’un plan européen pour la croissance et l’emploi qui intégrerait un Fonds européen pour les investissements stratégiques plus ambitieux aux côtés d’autres programmes européens en faveur de la croissance, notamment Horizon 2020, le mécanisme pour l’interconnexion en Europe et les Fonds structurels. Le CESE est favorable à l’ouverture d’autres fonds de l’Union européenne destinés à soutenir financièrement la garantie pour les investissements dans leurs secteurs spécifiques.

4.2.

Eu égard à leur importance et au potentiel qu’ils recèlent en matière de croissance et d’emploi, il convient de maintenir ces programmes de subvention ainsi que les investissements publics, sans les remettre en cause dans leur spécificité.

4.3.

Le CESE se réjouit des résultats satisfaisants obtenus durant la première année d’existence de l’EFSI, qui a immédiatement mobilisé la valeur d’investissement prévue, mais attend toujours une analyse qualitative et quantitative plus précise de ces résultats; il considère que le volet d’investissement «PME» est un succès. Ces résultats confirment ce que le Comité avait déclaré sur le rôle du FEI en matière de capital-risque et la nécessité de financer la création d’emplois et la croissance des entreprises, notamment les PME (4).

4.4.

Selon le Comité, le succès de l’EFSI concernant les PME s’explique en partie par les problèmes persistants que connaît le mécanisme de transfert de fonds des banques aux entreprises, ce dont témoigne le fait que des dépôts aient été laissés à la BCE sans être utilisés: à cet égard, il conviendrait que l’Observatoire du marché unique du CESE exerce un suivi constant des interventions de l’EFSI au bénéfice des PME, en recourant à des indicateurs d’impact.

4.5.

De l’avis du Comité, l’EFSI 2.0 devrait avoir pour objectif de mobiliser encore davantage les capitaux privés, pour dépasser si possible le seuil de 62 % atteint la première année. À cet égard, le Comité propose d’examiner attentivement l’extension de son rayon d’action à d’autres branches de la finance que celle des banques, à savoir les secteurs financiers, le marché obligataire et les fonds d’assurance et d’investissement (5). Il convient qu’il est nécessaire de créer un fonds supplémentaire qui soit orienté principalement vers la mobilisation des investissements privés. Au niveau européen, les investisseurs institutionnels gèrent des actifs pour une valeur d’environ 13 500 milliards d’EUR (6), dont moins de 1 % est investi dans les infrastructures.

4.6.

Le CESE invite les institutions européennes à réfléchir à la possibilité de donner plus de latitude aux États membres en situation difficile pour augmenter les investissements publics et financer, par l’intermédiaire de l’EFSI, les infrastructures et la recherche, un enseignement de qualité, l’aide à l’enfance, les soins de santé et les services sociaux.

4.6.1.

Pour augmenter ces fonds, il est nécessaire de changer les règles du marché unique en matière de capital, par exemple la directive Solvabilité II, qui entrave les investissements dans les infrastructures de la part des fonds d’assurance et de pension européens. Par comparaison, au Canada, les investissements dans les infrastructures — y compris européennes — réalisés par ce type de fonds atteignent 15 % de l’ensemble des actifs gérés. Une plateforme financée par le mécanisme pour l’interconnexion en Europe, la BEI et les fonds d’assurance pourrait contribuer à remédier à ces problèmes et garantir une utilisation appropriée de ces fonds.

4.7.

Pour la réussite de l’EFSI 2.0, il importe, selon le Comité, de conserver son caractère axé sur le marché et de renforcer son additionnalité par rapport aux autres instruments de l’Union européenne et à l’activité centrale de la BEI: tout projet individuel devrait être non seulement cohérent avec les politiques de l’Union européenne, mais aussi jugé en fonction de ses propres mérites et des résultats économiques qui sont escomptés.

4.8.

Le CESE convient de la nécessité de renforcer l’additionnalité des projets soutenus par l’EFSI et, ce faisant, d’accroître l’attrait financier des projets plus risqués et la viabilité de leur financement. En outre, il faut prévoir que les projets soutenus dans le cadre de l’EFSI, parmi les critères d’éligibilité à remplir, remédient à des situations d’investissement sous-optimales et à des lacunes du marché, et que les projets d’infrastructure transnationaux et les services connexes soient spécifiquement reconnus comme des projets qui répondent intrinsèquement au critère d’additionnalité, en garantissant par là-même que le plan d’investissement relance effectivement l’économie européenne et promeuve la création d’emplois et la cohésion économique et sociale.

4.9.

Le CESE demande instamment que les interventions de l’EFSI soient plus soutenues en matière d’éducation, de formation et de formation professionnelle pour acquérir des compétences et pour l’apprentissage tout au long de la vie, en développant les secteurs de la création et de la culture, les soins de santé et les infrastructures sociales et touristiques.

4.10.

Le Comité réaffirme qu’il convient de parvenir à une couverture géographique équilibrée de l’EFSI dans toute l’Union européenne, en tenant compte de l’activité économique globale de chaque pays et de la nature axée sur la demande et le marché de l’initiative, sans fixer de quotas à l’avance et en maintenant suffisamment de flexibilité dans la répartition des fonds entre les secteurs. Le CESE convient qu’il est opportun de renforcer la plateforme européenne de conseil en investissement (EIAH) afin qu’elle intensifie ses propres interventions dans les différents États. Il souscrit aussi à la possibilité d’utiliser les Fonds structurels et d’investissement pour cofinancer les projets relevant de l’EFSI de manière fluide et exempte d’obstacles bureaucratiques.

4.10.1.

Il convient d’élargir le rôle de la plateforme européenne de conseil en investissement (EIAH) et celui des banques de développement nationales, afin qu’elles soient en mesure de fournir, dans toute l’Union européenne, des services d’assistance technique plus ciblés au niveau local, mais aussi en vue d’assurer une meilleure communication entre les collectivités locales et régionales et l’EFSI 2.0.

4.10.2.

Le rôle des banques de développement nationales est également essentiel pour la réussite de l’EFSI. L’Union européenne et les gouvernements nationaux ont, grâce à l’EFSI, pu soutenir des projets touchant tant à des sites industriels vierges qu’à des sites désaffectés, qui n’auraient pu autrement être financièrement viables; il y a lieu qu’ils continuent de le faire de manière croissante. Cela est particulièrement vrai pour les projets présentant un risque non quantifiable au regard de l’utilisation ou de la demande. Certains de ces risques pourraient être atténués en recourant partiellement aux garanties fournies par les banques de développement nationales, lesquelles pourraient dans de nombreux cas transformer des transactions non négociables en transactions négociables pour les investisseurs institutionnels.

4.11.

Le CESE approuve l’idée que les apports des États membres à l’EFSI ne soient pas inclus dans le périmètre utilisé pour calculer leurs déficits budgétaires et souhaiterait que ce principe soit étendu aux programmes d’investissement, par exemple sous la forme d’une véritable règle d’or pour les investissements publics stratégiques.

4.12.

De l’avis du Comité, pour stimuler les investissements européens et simultanément attirer les investissements étrangers (7), disposition que le règlement gagnerait à prévoir sur la base de la réciprocité, et pour effectivement atteindre l’objectif d’un effet multiplicateur de 1 à 15 entre la garantie et l’investissement, il convient non seulement de relancer l’économie et la croissance en Europe, mais aussi d’accélérer la mise en œuvre complète du plan d’investissement en réalisant des réformes structurelles, en supprimant les obstacles à l’investissement et en intégrant la contribution de l’EFSI.

4.13.

Le CESE recommande de renforcer la visibilité des financements au titre de l’EFSI par l’organisation d’une vaste campagne d’information sur le terrain et par l’apposition du logo EFSI sur tout contrat de financement comprenant un appui de ce fonds, notamment dans le cas des PME. Le Comité estime qu’il est important, pour l’ensemble de la société civile qu’il représente et pour les collectivités locales et régionales, d’assurer le suivi des opérations de financement et d’investissement ainsi que la gestion et le fonctionnement des fonds de garantie, mais aussi de veiller à l’évaluation par des experts indépendants de l’application du règlement relatif à l’EFSI et des changements qui lui sont apportés. Aussi le CESE demande-t-il que les rapports en la matière soient présentés non seulement au Parlement européen et au Conseil, mais également au Comité des régions et à lui-même.

5.   Observations particulières

5.1.

Pour ce qui est des secteurs prioritaires, il convient que l’EFSI 2.0 fournisse des financements équilibrés et souples, sur la base du volume des investissements potentiels, aux différents secteurs de l’économie, et notamment à ceux de l’énergie et du passage au numérique, de l’économie circulaire et des objectifs de la COP 21, des transports durables et des réseaux transfrontaliers, mais aussi, dans les régions moins développées et celles en transition, aux secteurs de l’agriculture, de la bioéconomie, de l’industrie manufacturière et des services, de manière à en maximiser l’effet sur l’emploi, en incluant également les technologies à double usage liées aux secteurs de la sécurité et de la défense, favorisant le lancement d’une base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE) unique, solide et mieux définie, avec «une meilleure coordination et une planification commune, dans la perspective de s’orienter vers une union de défense européenne» (8).

5.1.1.

Le Comité recommande tout particulièrement de soutenir le passage au numérique de l’industrie manufacturière (industrie 4.0) ainsi que le développement uniforme et en toute sécurité des réseaux d’informatique en nuage et des centres de données.

5.2.

Pour ce qui concerne la gouvernance de l’EFSI, le CESE estime qu’il serait judicieux d’assurer une représentation tournante de la Commission européenne — mis à part la DG ECFIN — et de la BEI dans le comité de pilotage afin qu’y soient associés des représentants de directions générales correspondant aux secteurs du transport, de la numérisation et de l’environnement, ce pour favoriser une répartition équilibrée des financements entre tous les secteurs. Le comité d’investissement, qui décide quels projets seront soutenus par la garantie de l’Union européenne, doit lui aussi être entièrement indépendant et prendre des décisions transparentes sans qu’il y ait d’ingérence de la BEI, de la Commission européenne ou de tout autre contributeur public ou privé. Il conviendra aussi d’élargir ce comité de sorte qu’il comprenne des experts des secteurs concernés, à même de fournir des connaissances spécialisées sur la situation des marchés géographiques visés par une intervention.

5.3.

L’EFSI dispose de financements bien plus élevés que les autres initiatives de l’Union européenne et, à ce titre, permet de réaliser des investissements dans des projets européens à grande échelle pour une valeur dépassant 10 milliards d’EUR, avec principalement le soutien de capitaux privés (9). Pour mettre en œuvre de tels projets, le Comité estime qu’il convient de renforcer le rôle proactif de la Commission afin qu’elle soit en mesure de soutenir le lancement conjoint de divers programmes européens et de définir le cadre réglementaire approprié, en particulier dans le secteur des réseaux de transport, d’énergie et de TIC, qui recèlent les effets multiplicateurs économiques du PIB les plus puissants.

5.4.

De l’avis du CESE, l’EFSI devrait porter davantage d’attention à l’économie numérique collaborative en Europe, en promouvant les plateformes européennes d’investissement afin de favoriser la croissance des jeunes entreprises du secteur qui créent des emplois de qualité. Enfin, il y a lieu de garantir les droits des travailleurs ainsi que la protection des consommateurs.

Bruxelles, le 15 décembre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Chiffres du groupe BEI, 12 octobre 2016.

(2)  Avis du CESE sur le thème «Un plan d’investissement pour l’Europe» (JO C 268 du 14.8.2015, p. 27).

(3)  Voir note de bas de page no 1.

(4)  Avis du CESE sur le thème «Croissance et dette souveraine dans l’Union européenne: deux propositions novatrices» (JO C 143 du 22.5.2012, p. 10).

(5)  Voir note de bas de page no 1.

(6)  Plan d’action de l’Union européenne relatif à l’utilisation optimale des nouveaux mécanismes financiers.

(7)  Voir, par exemple, l’initiative «Une ceinture, une route» développée en Chine.

(8)  Voir l’avis du CESE sur le thème «La nouvelle stratégie pour la politique étrangère et de sécurité de l’Union européenne» (JO C 264 du 20.7.2016, p. 1).

(9)  Par exemple, le système européen de contrôle du trafic aérien, le système européen de gestion du trafic ferroviaire (ERTMS), la conduite connectée et automatisée, le réseau énergétique en maillage qui relie les fermes éoliennes en mer du Nord, le gigabit industriel, l’informatique à grande puissance, et le déploiement du haut débit dans toute l’Europe.


10.3.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/63


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — Réexamen/révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel 2014-2020 — Un budget de l’Union européenne axé sur les résultats»

[COM(2016) 603 final]

sur la «Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (UE, Euratom) no 1311/2013 fixant le cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020»

[COM(2016) 604 final — 2016/0283 (APP)]

et sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et modifiant le règlement (CE) no 2012/2002, les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1305/2013, (UE) no 1306/2013, (UE) no 1307/2013, (UE) no 1308/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014, (UE) no 652/2014 du Parlement européen et du Conseil et la décision no 541/2014/UE du Parlement européen et du Conseil»

[COM(2016) 605 final — 2016/0282 (COD)]

(2017/C 075/12)

Rapporteur:

M. Stefano PALMIERI

Consultation

Commission européenne, 20 avril 2016

Conseil, 9 décembre 2016

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale

Décision du Bureau

20 septembre 2016

Adoption en session plénière

14 décembre 2016

Session plénière no

521

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

169/5/9

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) comprend les efforts accomplis par la Commission pour proposer une révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel (CFP) 2014-2020 et salue les dispositions introduites en matière de flexibilité pour faire face aux crises imprévues des dernières années. Il estime cependant que le cadre proposé est insuffisant pour relever les défis et les priorités de l’Union européenne (UE), surtout par rapport au projet politique européen, qui est gravement mis à mal à l’heure actuelle.

1.1.1.

Aujourd’hui, la solution à des défis et des crises de caractère global réside nécessairement dans une réponse à caractère européen. Pour cette raison, le CESE estime que le CFP actuel et celui pour l’après-2020 doivent concentrer adéquatement leurs ressources et les orienter vers les programmes susceptibles de:

relancer le développement économique, social et environnemental (y compris l’accord sur le changement climatique de Paris), l’emploi, l’innovation et la compétitivité;

faire face à la crise des migrants et des réfugiés, aux questions de sécurité intérieure, aux situations d’urgence externes et à la crise du secteur agricole.

1.2.

Pour le CESE, la révision à mi-parcours du CFP 2014-2020 et le débat sur le CFP pour l’après-2020 devront être menés dans le strict respect, d’une part, de l’article 3 du traité de Lisbonne, en veillant à ce que les citoyens de l’Union européenne se voient garantir des conditions de vie décentes, dans le respect de leur bien-être, et d’autre part, de l’article 311 du traité FUE, selon lequel «l’Union se dote des moyens nécessaires pour atteindre ses objectifs et pour mener à bien ses politiques».

1.3.

Le CESE dénonce en particulier une crise de solidarité au sein de l’Union européenne; il faut s’y attaquer et la résoudre. Il n’est pas admissible que certains États membres acceptent le juste principe de solidarité lorsqu’il s’agit de répartir les ressources du CFP 2014-2020 et dans le même temps le renient lorsqu’il s’agit de faire face à la situation d’urgence des réfugiés et des migrants.

1.4.

La capacité de l’Union européenne à relever les défis d’aujourd’hui et de demain dépendra précisément de la nature qualitative et de la dimension quantitative de ses stratégies d’intervention. Le débat sur le CFP doit se concentrer sur sa capacité — du point de vue tant des ressources allouées que de la structure budgétaire — à doter l’Union européenne des moyens nécessaires pour atteindre ses priorités stratégiques sans alourdir la pression fiscale sur les citoyens et les entreprises, c’est-à-dire sa capacité à apporter une «valeur ajoutée» au niveau européen à égalité de charges pour les citoyens. Cette valeur ajoutée européenne doit susciter un large consensus politique, qui étaye l’action d’une Union européenne capable d’offrir de réels avantages à ses citoyens.

Parmi les éléments présentant la plus forte valeur ajoutée européenne, le CESE relève les suivants: contribuer au financement des grands investissements et de l’innovation (Fonds européen pour les investissements stratégiques); faire ressortir les avantages potentiels des migrants et des réfugiés pour l’économie, le marché du travail et le dynamisme de la société; assurer la surveillance et le suivi de la mise en œuvre du cycle 2014-2020 des Fonds structurels et d’investissements européens (Fonds ESI); renforcer le socle social. Un instrument spécifique pourrait être utile et nécessaire pour lutter contre le chômage des jeunes, la précarité professionnelle et le phénomène des jeunes qui ne sont ni scolarisés ni actifs (NEET).

1.4.1.

S’agissant de la partie quantitative de la révision du CFP, le CESE approuve l’augmentation de ressources pour certains postes de dépenses jugés à haute efficacité, à savoir Horizon 2020, le mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE), Erasmus+, COSME et WiFi4EU, ainsi que l’extension du Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI) et l’initiative pour l’emploi des jeunes.

1.4.2.

Le CESE souscrit également aux nouveaux crédits pour faire face à la crise migratoire (corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, Europol, Agence pour l’asile, régime d’asile commun de Dublin, aide d’urgence au sein de l’Union européenne et système d’entrées/sorties) et aux situations d’instabilité politique et économique dans l’Union européenne et dans les pays du voisinage (cadre de partenariat, Fonds européen pour le développement durable, assistance macrofinancière, mandat de prêt à l’extérieur confié à la Banque européenne d’investissement (BEI), adaptation technique des enveloppes relatives à la politique de cohésion).

1.5.

S’agissant du volet qualitatif de la révision du CFP, le CESE soutient l’objectif de mettre en place un ensemble de règles financières générales et sectorielles plus simples et plus souples, et se réjouit dès lors en particulier de la simplification des démarches administratives demandées aux bénéficiaires des fonds européens, ainsi que des contrôles, de l’audit et du régime de déclarations.

1.5.1.

Toutefois, l’introduction des principes de l’amélioration de la maîtrise des dépenses et de la budgétisation axée sur les performances ne doit pas indûment servir à couper les dépenses dans certains domaines ou programmes dont l’évaluation est moins évidente que d’autres, soit parce que les avantages en apparaissent sur le long terme, soit parce qu’ils sont plus difficilement quantifiables. Ce serait particulièrement dommageable pour des programmes tels que Horizon 2020, le MIE et COSME.

1.5.2.

Le CESE soutient, d’une part, les incitations qui favorisent une dépense responsable et, d’autre part, un système de suivi approprié et en temps voulu des objectifs pour les différents secteurs d’intervention du budget de l’Union européenne.

1.6.

Il demande que soit instamment lancé le débat sur la proposition relative au CFP post-2020, afin que les résultats du budget actuel puissent être minutieusement évalués, notamment à la lumière de la révision à mi-parcours, et qu’il soit débattu des priorités à traiter et des changements nécessaires à apporter.

1.7.

Le CESE estime utile d’aligner la durée des futurs CFP sur le cycle politique de la Commission et du Parlement. Il est loisible de se rallier à la proposition de fixer une durée de 5 + 5 ans assortie d’un examen à mi-parcours obligatoire pour certains postes qui nécessitent une planification à long terme (notamment les politiques de cohésion et de développement rural), et pour tous les autres postes une période à moyen terme d’une durée de 5 ans, alignée sur les élections européennes.

1.8.

Le CESE soutient les efforts de la Commission visant à introduire de nouveaux types de ressources propres et les travaux menés actuellement par le groupe de haut niveau sur les ressources propres (HLGOR). Il est toutefois opportun que les propositions qui seront élaborées par la Commission sur le système des ressources propres soient débattues et arrêtées en temps utile pour la préparation du CFP post-2020.

1.8.1.

Dans ce contexte, le CESE rappelle la nécessité que l’Union européenne se dote d’un système de ressources propres autonome, transparent et équitable, en réduisant le système des contributions nationales des États membres sans toutefois accroître la pression fiscale, en particulier sur les citoyens les plus défavorisés. Le CESE souligne en outre l’importance de lutter contre la fraude fiscale, notamment grâce à une transparence accrue (1), et contre toutes les formes de concurrence fiscale déloyale entre les États membres.

1.8.2.

Le CESE demande que la Commission procède dans les meilleurs délais à une estimation de la perte budgétaire résultant de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.

1.9.

Le CESE partage l’idée que l’Union a besoin de plus d’Europe (et d’une meilleure Europe) et non de moins d’Europe (2). La crise de l’Union européenne résulte de l’absence d’une vision stratégique de l’avenir de l’Europe. Cette crise risque de s’accentuer si le CFP post-2020 n’intervient pas sur les causes de ladite crise, liées au déficit démocratique, aux insuffisances de l’état de droit et à l’impact de la mondialisation sur les classes sociales et les secteurs productifs qui en sont les «perdants». L’Union doit retrouver une vision «élevée» de son avenir pour rivaliser avec les principaux acteurs mondiaux, et cela exige un CFP ambitieux à la hauteur des défis qui nous attendent.

1.10.

Pour concrétiser dans les faits les objectifs du nouveau cadre financier pluriannuel, il est nécessaire que le budget de l’Union européenne soit exemplaire, fonctionnel, efficace et transparent, de manière à ce qu’il acquière une crédibilité vis-à-vis des citoyens européens et qu’ils puissent facilement y déceler les avantages induits par l’Europe et les coûts de la non-Europe.

2.   Observations générales

2.1.

Le paquet de mesures proposé par la Commission européenne dans le cadre de la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel (CFP) 2014-2020 porte sur des modifications réglementaires et une réallocation de ressources à concurrence de 12,8 milliards d’euros d’ici la fin de la période, y compris le projet de budget 2017, surtout dans les secteurs de la croissance et de l’emploi, de la migration et de la sécurité. En particulier, la révision prévoit:

sur le plan quantitatif, davantage de ressources pour les programmes considérés comme prioritaires et plus efficaces, tels que le Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI);

sur le plan qualitatif, une simplification des règles générales et sectorielles et une plus grande souplesse pour la mise en œuvre des fonds européens, avec priorité aux résultats (budget axé sur les résultats — BFOR).

2.2.

Le CESE a déjà fait observer précédemment (3), et réaffirme dans le présent avis, qu’il comprend les tenants et les aboutissants de l’équilibre atteint en 2013 par la Commission européenne sur le CFP, s’agissant de concilier deux exigences opposées dans un contexte social, économique et politique complexe. La première exigence était la volonté de certains États membres de limiter l’engagement de ressources publiques à la suite de la crise économique et financière, tandis que la seconde résidait dans la nécessité de relever, de façon appropriée et efficace, les ambitieux défis auxquels l’Union européenne est confrontée et qui trouvent leur origine dans le traité de Lisbonne et dans la stratégie Europe 2020.

2.3.

La révision à mi-parcours du CFP intervient aujourd’hui dans une situation qui a évolué à plusieurs égards par rapport à 2013. L’Union européenne continue à être en difficulté en raison des conséquences, encore fortes dans certains États membres, de la crise financière et économique, surtout sur les petits et moyens revenus, ainsi que de l’absence d’une réaction commune à la crise au niveau de l’Union. Mais à cela se sont ajoutées de nouvelles inquiétudes, à caractère social, politique et institutionnel, alimentées notamment par les attentats terroristes perpétrés récemment en Europe.

2.3.1.

En premier lieu, relevons l’afflux grandissant de migrants et de réfugiés qui fuient les guerres et la pauvreté en Afrique et au Moyen-Orient, ce qui suscite l’inquiétude dans l’opinion publique européenne, notamment dans les pays méditerranéens et balkaniques qui en subissent l’impact initial, et dans les pays de destination qui sont appelés à favoriser l’intégration des migrants.

2.3.2.

En second lieu, un scepticisme généralisé prévaut quant à la capacité de la politique, et donc également des États membres et de l’Union, à maintenir la prospérité économique et la cohésion sociale (4), ce qui se traduit par une demande de marge de manœuvre accrue pour les gouvernements nationaux, au moment précis où l’Union européenne devrait en revanche prendre un essor en tant qu’acteur de dimension mondiale.

2.3.3.

En troisième lieu, le référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (le «Brexit») montre de manière évidente que l’Union européenne n’est pas un choix indiscutable ni irréversible, outre les problèmes institutionnels et financiers inédits que la sortie imminente d’un État membre de l’Union entraîne pour la gestion des politiques de l’Union, et du CFP en particulier.

2.4.

Dans cet environnement en rapide mutation, l’évaluation de l’efficacité du CFP dépend du respect inconditionnel des principes fondamentaux du droit européen, en particulier l’article 3 du traité de Lisbonne qui fixe pour objectif d’assurer aux citoyens de l’Union des conditions de vie décentes, en respectant leur bien-être (5), et l’article 311 du TFUE, selon lequel «l’Union se dote des moyens nécessaires pour atteindre ses objectifs et pour mener à bien ses politiques».

2.5.

La capacité de l’Union européenne à relever les défis d’aujourd’hui et de demain dépendra précisément de la nature qualitative et de la dimension quantitative de ses stratégies d’intervention. Il s’agit de comprendre dans quels secteurs il est préférable d’investir pour générer croissance et emploi et répondre aux nouveaux défis; sous quelles formes les dépenses sont les plus efficaces; de quelle manière mener à bien une évaluation sérieuse et non uniquement formelle des investissements; et enfin, comment faire connaître l’action des institutions européennes dans un contexte de méfiance diffuse parmi les citoyens (6).

2.6.

Pour ces raisons, on peut dire aujourd’hui que même si la Commission a accompli des efforts appréciables pour proposer la révision à mi-parcours du CFP 2014-2020, le cadre proposé est tout à fait insuffisant pour relever les défis et les priorités de l’Union européenne.

3.   Observations particulières

3.1.

S’agissant du volet qualitatif de la révision du CFP, le CESE soutient l’objectif de mettre en place un ensemble de règles financières générales et sectorielles plus simples et plus souples, et dès lors se réjouit en particulier de la simplification des démarches administratives demandées aux bénéficiaires des fonds européens, ainsi que des contrôles, de l’audit et du régime de déclarations.

3.2.

Toutefois, le CESE estime que l’introduction des principes d’amélioration de la maîtrise des dépenses et de budgétisation axée sur les performances ne doit pas indûment servir à couper les dépenses dans certains domaines ou programmes dont l’évaluation est moins évidente que d’autres, soit parce que les avantages en apparaissent sur le long terme, soit parce qu’ils sont plus difficilement quantifiables. Ce serait particulièrement dommageable pour des programmes tels que Horizon 2020, le mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE) et COSME.

3.2.1.

Le CESE soutient, d’une part, les incitations qui favorisent une dépense responsable et efficace et, d’autre part, un système de suivi approprié et en temps voulu des objectifs pour les différents secteurs d’intervention du budget de l’Union européenne.

3.3.

Toutefois, cela ne semble pas suffisant pour répondre concrètement aux préoccupations économiques, sociales et politiques grandissantes et ainsi relancer la croissance, l’emploi et le socle social. Cela est d’autant plus vrai en l’absence de ressources supplémentaires dans les domaines où le budget de l’Union apporte une valeur ajoutée par rapport aux politiques que peuvent déployer isolément les différents États membres.

3.4.

Comme indiqué dans les avis précédents du CESE, les défis auxquels l’Union européenne est confrontée rendent non seulement souhaitable mais tout à fait indispensable d’accroître la taille du budget de l’Union (7).

3.5.

La réponse à ces défis passe en premier lieu par un fort soutien et une vive incitation aux investissements, tant publics que privés. En 2014, le niveau des investissements était de 15 % inférieur à celui de 2007, juste avant la grande crise financière et économique, ce qui correspond à une réduction de 430 milliards par rapport au niveau record, et d’environ 300 milliards par rapport à la moyenne des dernières années; par ailleurs, cinq pays représentent à eux seuls (Espagne, Italie, Grèce, Royaume-Uni et France) 75 % de cette diminution (8).

3.6.

Afin de remédier indirectement à la pénurie d’investissements, la Commission a proposé et lancé l’EFSI, qui, par l’intermédiaire de la BEI, devrait catalyser des ressources privées complémentaires de celles de l’Union européenne. Son évaluation dépend de la capacité de soutenir des projets additionnels par rapport à ceux qui seraient financés normalement. Les premières analyses montrent cependant que la majeure partie des projets de l’EFSI présentent un niveau élevé de similitude avec d’autres projets financés normalement par la BEI, en particulier dans les régions plus développées (9). Le CESE demande de mettre davantage l’accent sur les projets réellement innovants, à risques, peu susceptibles d’être financés autrement et capables d’assurer une véritable croissance économique et de l’emploi dans l’Union européenne.

3.7.

La crise des migrants et des réfugiés ne concerne pas seulement les obligations d’accueil. Les ressources allouées par l’Union européenne pourraient également contribuer à transformer les risques redoutés en matière de sécurité intérieure en occasions à saisir, en faisant ressortir les avantages potentiels pour l’économie, le marché du travail et le dynamisme de la société. Le CESE — tout comme le Parlement européen (10) — estime que les ressources allouées dans le cadre des rubriques 3 («Sécurité et citoyenneté») et 4 («l’Europe dans le monde»), notamment en ce qui concerne la crise des réfugiés et l’aide extérieure, peuvent s’avérer insuffisantes dans les prochains mois et années, et demande par conséquent que soient revus à la hausse les plafonds de dépenses prévus.

3.7.1.

En outre, à cet égard, le CESE dénonce une crise touchant à la solidarité au sein de l’Union européenne, crise qui doit être affrontée et résolue. Il n’est pas admissible que certains États membres acceptent le juste principe de solidarité lorsqu’il s’agit de répartir les ressources du CFP 2014-2020 et dans le même temps le renient lorsqu’il s’agit de faire face à la situation d’urgence des réfugiés et des migrants.

3.8.

Les Fonds structurels et d’investissement européens (Fonds ESI) sont au cœur de la stratégie Europe 2020 et de ses objectifs, avec un budget de 454 milliards d’EUR pour le cycle de programmation 2014-2020. Principal outil d’investissement de l’Union européenne, ils peuvent contribuer à la croissance économique et à la création de nouveaux emplois de qualité, en renforçant la cohésion sociale et territoriale. La mise en œuvre du cycle qui vient d’être lancé doit être surveillée et accompagnée de près par les institutions européennes, afin de garantir l’obtention des résultats escomptés convenus entre la Commission, les États membres et les régions. Cela passe nécessairement par une participation étroite des organisations de la société civile et des partenaires sociaux représentés au sein du CESE.

3.9.

Le chômage des jeunes (environ 20 % de la main-d’œuvre, mais avec de très fortes différences selon les États membres (11)), la précarité professionnelle et le phénomène des jeunes qui ne sont ni scolarisés ni actifs (les NEET, qui représentent 19 % de la population entre 20 et 34 ans (12)), demeurent à des niveaux inacceptables, ce qui est préjudiciable à leur niveau d’éducation et en général au capital humain de l’Europe. Pour y remédier, il y a lieu de renforcer dans le cadre du Fonds social européen (FSE) l’initiative pour l’emploi des jeunes (IEJ) et de lui accorder des ressources financières accrues en augmentant les plafonds de dépenses prévus pour la rubrique 1b («Cohésion sociale et territoriale»).

3.10.

Enfin, il convient de résoudre la question des arriérés de paiement. Le fossé qui s’est créé ces dernières années entre les engagements de dépenses et les paiements effectués en faveur des États membres est arrivé à la fin de 2014 à près de 25 milliards d’EUR, fossé qui devrait être en voie de comblement d’ici la fin de 2016. Les effets négatifs des arriérés de paiement touchent tous les bénéficiaires du budget de l’Union européenne, notamment les entreprises, les instituts de recherche et les collectivités locales. Pour un budget déjà très limité par rapport au PIB européen, il apparaît à tout le moins nécessaire d’assurer un paiement rapide des engagements pris, en adoptant toutes les mesures permettant d’éviter que cette situation ne perdure ou ne refasse son apparition dans le prochain CFP.

3.11.

Le CESE est donc favorable à l’augmentation de ressources pour certains postes de dépenses jugés à haute efficacité, à savoir Horizon 2020, MIE-Transports, Erasmus+, COSME et WiFi4eu, ainsi que l’extension de l’EFSI et de l’IEJ.

3.11.1.

Le CESE souscrit également aux nouveaux crédits pour faire face à la crise migratoire (corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, Europol, Agence pour l’asile, régime d’asile commun de Dublin, aide d’urgence au sein de l’Union européenne et système d’entrée/sortie) et aux situations d’instabilité politique et économique dans les pays du voisinage (cadre de partenariat, Fonds européen pour le développement durable, assistance macrofinancière, mandat de prêt à l’extérieur confié à la BEI, ajustement technique des enveloppes pour la politique de cohésion).

4.   Le cadre financier pluriannuel pour la période après 2020

4.1.

La Commission européenne présentera avant le 1er janvier 2018 la proposition relative au CFP au-delà de 2020. Le CESE demande que dorénavant les résultats du budget en vigueur soient évalués avec attention en examinant les priorités à traiter et les changements à apporter, notamment à la lumière de la révision à mi-parcours. L’objectif est que le CFP soit à la hauteur des enjeux et des priorités à long terme de l’Union.

4.2.

La crise de l’Union européenne résulte du fait que celle-ci ne dispose pas d’une vision stratégique de l’avenir de l’Europe. Cette crise risque de s’accentuer si le CFP après 2020 n’agit pas sur les causes de ladite crise, liées au déficit démocratique, aux insuffisances de l’état de droit et à l’impact de la mondialisation sur les classes sociales et les secteurs productifs qui en sont les «perdants». Si les règles budgétaires de l’Union européenne ont réduit la capacité des États membres à œuvrer de façon autonome, suscitant de l’incertitude sur le marché du travail et dans le système de prévoyance sociale, elles n’ont pas créé à l’heure actuelle de protection sociale à l’échelle de l’Union pour les citoyens, ni un système économique européen réellement innovant et concurrentiel, capable de se mesurer aux défis mondiaux (13).

4.3.

Dans le nouveau CFP, il est donc primordial d’accorder une attention accrue, notamment sous l’angle de nouvelles ressources, aux grandes priorités stratégiques pour l’Europe, décisives pour l’existence même de l’Union européenne:

la stimulation de la croissance et de l’emploi, surtout des jeunes, en particulier pour les nouvelles compétences professionnelles liées au développement de l’informatique et des télécommunications (à commencer par l’ «internet des objets» ou «Industry 4.0»);

la création de fonds adéquats de reconversion pour gérer les profondes mutations en cours dans le système productif et sur le marché du travail, qui sont induites par les nouvelles technologies, qui favoriseront l’émergence de nouvelles compétences professionnelles et la disparition d’autres compétences;

le comblement du déficit d’investissement résultant de la crise économique et financière et la lutte contre les effets encore persistants de la crise même, notamment pour les revenus faibles et moyens, effets exacerbés par le recours aux politiques d’austérité dans les pays de la zone euro;

la durabilité environnementale, notamment dans le prolongement des accords de Paris sur le changement climatique, avec une intervention accrue des ressources de la politique agricole commune (PAC) et la nécessité d’un reclassement des travailleurs et des professions que la décarbonisation progressive de l’économie met à mal;

l’accompagnement de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, de manière à ne pas nuire à l’économie des autres États membres et aux possibilités d’emploi des citoyens européens;

l’aide extérieure pour les pays du voisinage et les pays en développement qui considèrent l’Europe comme un modèle de référence et un acteur mondial.

4.4.

En ce qui concerne la réforme de la durée du CFP, le CESE — en phase avec le Parlement européen (14) — estime utile de la mettre en conformité avec le cycle politique de la Commission et du Parlement afin que les priorités du budget communautaire soient au centre de la campagne électorale pour le scrutin européen. Il est loisible de se rallier à la proposition de fixer une durée de 5 + 5 ans assortie d’un examen à mi-parcours obligatoire pour certains postes qui nécessitent une planification à long terme (notamment les politiques de cohésion et de développement rural), ainsi que pour tous les autres postes sur une période à moyen terme d’une durée de 5 ans, alignée sur les élections européennes.

4.5.

Il convient que la Commission établisse dès que possible, y compris en prévision de la proposition de CFP post-2020, une estimation précise des effets du Brexit sur les recettes et les dépenses de l’Union européenne (15).

4.6.

En outre, dans le contexte de la zone euro, un budget approprié doit être en mesure de répondre aux problèmes spécifiques des États membres qui adoptent l’euro. Il y a lieu de rappeler, comme l’a déjà fait le CESE, la nécessité de «lancer un processus de rapprochement vers un budget propre à la zone euro qui soit adéquat et assorti de règles communes; c’est le seul moyen de faire des avancées vers une politique fiscale commune et un amortissement des chocs éventuels pouvant intervenir par la suite» (16).

4.7.

Du côté des recettes, le nouveau CFP devra tenir compte des propositions en cours d’élaboration par le groupe de haut niveau sur les ressources propres (HLGOR) présidé par Mario Monti, dont le rapport final est attendu d’ici la fin de 2016, ainsi que l’élaboration par la Commission d’une proposition législative à ce sujet.

4.7.1.

Le CESE estime qu’il est particulièrement important de trouver un nouvel équilibre où prédominent les ressources propres, bien ciblées et durables, par rapport aux contributions nationales, qui renforcent au contraire le principe erroné du «juste retour». À cette fin, le CESE rappelle, comme il l’a précisé dans de précédents avis (17), qu’il est favorable à la proposition de la Commission européenne relative aux ressources propres, à savoir à un système où les recettes parviendraient directement au budget de l’Union européenne sans passer par les États membres. Avec le nouveau système, il importe d’éviter d’augmenter la pression fiscale et notamment de peser davantage qu’à l’heure actuelle sur les citoyens plus défavorisés et sur les petites et moyennes entreprises.

4.7.2.

Une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS) devrait être établie afin d’accroître la transparence fiscale, de contribuer à lutter contre la fraude fiscale et de renforcer la création d’emplois, les investissements et les échanges commerciaux dans l’Union européenne.

4.8.

Le CESE partage l’idée que l’Union a besoin de plus d’Europe (et d’une meilleure Europe) et non de moins d’Europe. Pour concrétiser dans les faits les objectifs du nouveau cadre financier pluriannuel, il est nécessaire que le budget de l’Union européenne soit exemplaire, fonctionnel, efficace et transparent, de manière à ce qu’il acquière une crédibilité vis-à-vis des citoyens européens et qu’ils puissent facilement y constater de leurs propres yeux les avantages induits par l’Europe et les coûts liés à la non-Europe.

Bruxelles, le 14 décembre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Avis du CESE sur la «Transparence fiscale publique» (communication pays par pays) (JO C 487 du 28.12.2016, p. 62).

(2)  «[…] en déplaçant le curseur de la subsidiarité vers plus d’Europe et une meilleure Europe», avis du CESE sur le thème «Pour une analyse actualisée du coût de la non-Europe» (JO C 351 du 15.11.2012, p. 36).

(3)  Avis du CESE sur la proposition de règlement du Conseil fixant le cadre financier pluriannuel (CFP) pour la période 2014-2020 (JO C 229 du 31.7.2012, p. 32).

(4)  Seul un tiers des citoyens européens a confiance dans l’Union européenne et dans ses institutions. Commission européenne, L’opinion publique dans l’Union européenne — Eurobaromètre standard 85, mai 2016.

http://ec.europa.eu/COMMFrontOffice/publicopinion/index.cfm/Survey/getSurveyDetail/instruments/STANDARD/surveyKy/2130/

(5)  «L’Union a pour but de promouvoir la paix, ses valeurs et le bien-être de ses peuples».

(6)  Réexamen/révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel 2014-2020 — Un budget de l’Union européenne axé sur les résultats (SWD(2016) 299 final).

(7)  Avis du CESE «Cadre financier pluriannuel 2014-2020», (JO C 229 du 31.7.2012, p. 32).

(8)  Commission européenne — Banque européenne d’investissement. Why does the EU need an investment plan? («Pourquoi l’Union européenne a-t-elle besoin d’un plan d’investissement?», 2015.

(9)  Claeys, G; Leandro, A. Assessing the Juncker Plan after one year («Évaluer le plan Juncker après un an»), Bruegel.org, mai 2016.

(10)  Résolution du Parlement européen du 6 juillet 2016 sur la préparation de la révision postélectorale du CFP 2014-2020: recommandations du Parlement en amont de la proposition de la Commission (P8_TA-PROV(2016)0309).

(11)  Eurostat, statistiques du chômage (http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Unemployment_statistics).

(12)  Eurostat, statistiques sur les jeunes qui ne sont ni scolarisés ni actifs (http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Statistics_on_young_people_neither_in_employment_nor_in_education_or_training).

(13)  P. De Grauwe, «What Future for the EU After Brexit?», CEPS, octobre 2016.

(14)  Voir note 10 de bas de page.

(15)  Le «Institute for Fiscal Studies» estime que la contribution moyenne annuelle nette du Royaume-Uni au budget de l’Union européenne est de l’ordre des 8 milliards d’EUR. Voir Institute for Fiscal Studies, 2016, The Budget of the EU: a guide. IFS Briefing Note BN 181. Browne, J., Johnson, P., Phillips, D.

(16)  Voir l’avis du CESE «Achever l’Union économique et monétaire — Les propositions du Comité économique et social européen pour la prochaine législature européenne» (JO C 451 du 16.12.2014, p. 10).

(17)  Avis du CESE sur «Le réexamen du budget de l’Union européenne» (JO C 248 du 25.8.2011, p. 75).


10.3.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/70


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Conseil modifiant la directive (UE) 2016/1164 en ce qui concerne les dispositifs hybrides faisant intervenir des pays tiers»

[COM(2016) 687 final — 2016/0339 (CNS)]

(2017/C 075/13)

Rapporteur général:

M. Mihai IVAŞCU

Consultation

Conseil, 21.11.2016

Base juridique

Article 115 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale»

Adoption en session plénière

14.12.2016

Session plénière no

521

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

176/1/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) apprécie les efforts que déploie actuellement la Commission afin de lutter contre la planification fiscale agressive, qui prennent la forme de la directive sur la lutte contre l’évasion fiscale (1) et s’inscrivent dans le droit fil du projet BEPS de l’OCDE (2) et des demandes des parties prenantes européennes, telles que la société civile, les États membres et le Parlement européen.

1.2.

En dépit de la difficulté, dont l’OCDE fait également état, à mener une analyse économique précise de l’incidence des dispositifs hybrides, le CESE estime que l’adoption de la proposition de directive du Conseil modifiant la directive (UE) 2016/1164 en ce qui concerne les dispositifs hybrides faisant intervenir des pays tiers (3) (par la suite, «la directive») devrait accroître significativement le produit de l’impôt sur les sociétés dans tous les États membres.

1.3.

Le CESE estime que la directive ne pourra déployer pleinement ses potentialités que si des règles similaires sont également d’application dans les pays tiers. Il importe au plus haut point que la politique fiscale à l’échelle mondiale offre des conditions de concurrence égales et de l’équité pour en assurer une mise en œuvre effective. En leur absence, le marché unique est susceptible de perdre quelque peu de son attrait au profit de marchés moins réglementés, tout en réduisant au minimum les effets positifs de la directive.

1.4.

Le CESE convient qu’il n’est besoin de s’attaquer aux dispositifs hybrides que lorsque l’une des entreprises associées détient le contrôle effectif des autres entreprises associées au moyen d’une participation en termes de vote ou de capital, ou de son droit à recevoir 50 % ou plus des bénéfices.

1.5.

Le Comité considère qu’il convient de prêter une attention toute particulière aux dispositifs hybrides importés, car ceux-ci sapent l’efficacité des règles destinées à éliminer les dispositifs hybrides, et il estime nécessaire d’apporter des clarifications supplémentaires afin d’assurer une application cohérente dans tous les États membres.

1.6.

S’agissant des différentes périodes comptables et fiscales qui se présentent dans différentes juridictions, le CESE convient que ces différences temporelles ne devraient pas produire d’asymétrie dans les résultats fiscaux. Toutefois, le contribuable doit annoncer le paiement dans les deux juridictions concernées, et ce dans un délai raisonnable.

1.7.

Tout en approuvant l’approche adoptée actuellement en ce qui concerne les dispositifs hybrides, le CESE estime que les États membres devraient également se pencher sur les causes qui produisent de tels dispositifs, combler les failles possibles et prévenir la planification fiscale agressive, plutôt que de ne viser qu’à produire des recettes fiscales.

1.8.

Le CESE recommande à tous les États membres d’étudier la possibilité d’instaurer et d’appliquer des sanctions à l’égard des contribuables qui bénéficient de dispositifs hybrides afin de prévenir de telles pratiques et/ou de lutter contre elles.

1.9.

Le CESE propose que la Commission s’attelle à établir un vaste rapport qui décrit l’état de la mise en œuvre de la directive dans tous les États membres, ainsi que la situation à l’échelle mondiale en matière de dispositifs hybrides.

1.10.

Le CESE estime nécessaire que les États membres échangent leurs renseignements pertinents et leurs meilleures pratiques afin d’accélérer ce processus et d’en assurer une application uniforme.

2.   Contexte de l’avis, y compris la proposition législative à l’examen

2.1.

En janvier 2016, la Commission européenne a présenté un paquet sur la lutte contre l’évasion fiscale, qui relève du programme (4) pour une fiscalité des entreprises plus juste et plus efficace. Ce paquet comprend des mesures concrètes visant à prévenir la planification fiscale agressive, à renforcer la transparence fiscale et à créer des conditions de concurrence égales dans l’Union européenne pour toutes les entreprises.

2.2.

Ce paquet comprend une communication chapeau (5) qui expose le contexte politique, économique et international de la lutte contre la planification fiscale agressive, ainsi que les principaux instruments suivants: une directive sur la lutte contre l’évasion fiscale (6), une directive modifiant la directive relative à la coopération administrative (7) (DAC), une recommandation de la Commission sur les conventions fiscales (8) et une communication sur une stratégie extérieure de l’Union européenne (9) relative à la coopération avec les pays tiers en matière de gouvernance dans le domaine fiscal.

2.3.

Le 12 juillet 2016, le Conseil Ecofin a publié une déclaration relative aux dispositifs hybrides, demandant à la Commission de présenter une proposition de règles qui soient cohérentes avec celles recommandées dans le rapport sur l’action 2 du projet BEPS de l’OCDE, et pas moins efficaces que celles-ci, en matière de dispositifs hybrides faisant intervenir des pays tiers. La plupart des États membres se sont engagés à mettre en œuvre ces recommandations.

2.4.

La directive constitue une modification de la directive sur la lutte contre l’évasion fiscale et fait partie d’un paquet qui comprend la proposition concernant une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS) et la proposition concernant une assiette commune pour l’impôt sur les sociétés (ACIS), dont les règles relatives aux dispositifs hybrides sont cohérentes avec celles de la directive.

2.5.

Au regard du soutien qu’apportent les États membres et des déclarations du Conseil Ecofin en la matière, la Commission a élaboré une proposition pour modifier la directive (UE) 2016/1164 en ce qui concerne les dispositifs hybrides faisant intervenir des pays tiers, à savoir notamment les dispositifs impliquant des établissements stables hybrides, les transferts hybrides, les dispositifs hybrides importés et les dispositifs utilisant des entités à double résidence.

2.6.

Sachant que les États membres ne peuvent pas être liés par des orientations, il est nécessaire d’adopter des règles contraignantes pour s’assurer qu’ils combattent efficacement ces dispositifs. Une action indépendante des États membres ne ferait qu’accroître la fragmentation du marché intérieur, permettrait aux dispositifs hybrides de perdurer et entraverait de manière significative le recouvrement de l’impôt.

2.7.

La proposition de la Commission entend remédier aux asymétries imputables à des différences dans la qualification juridique d’une entité ou d’un instrument financier. En outre, cette proposition se penche sur les situations où ces dispositifs hybrides découlent de règles différentes de traitement d’une présence commerciale comme d’un établissement stable. En vertu des règles prévues dans cette proposition, les États membres seront contraints de refuser la déduction d’un paiement par un contribuable ou d’obliger le contribuable à inclure un paiement ou un bénéfice dans son revenu imposable, selon le cas.

2.8.

En dernier lieu, la directive n’implique pas une harmonisation complète, mais se limite à lutter contre la planification fiscale agressive qui recourt à des dispositifs hybrides en s’attaquant à des situations où des déductions sont effectuées dans un État sans pour autant que le revenu correspondant soit inclus dans la base fiscale d’un autre État ou bien où le revenu non imposé dans un État n’est pas inclus dans un autre État, ainsi qu’en remédiant aux cas de double imposition.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE constate que les systèmes actuels d’imposition des sociétés ont été élaborés en fonction de réalités économiques qui appartiennent à une ère désormais révolue où les entreprises étaient liées physiquement et juridiquement à des marchés locaux. Comme ce n’est en général plus le cas, il est nécessaire d’adapter le cadre fiscal à l’environnement international et aux défis de l’heure.

3.2.

Le CESE apprécie les efforts que déploie actuellement la Commission à cet égard, qui prennent la forme de la directive sur la lutte contre l’évasion fiscale et s’inscrivent dans le droit fil du projet BEPS de l’OCDE et des demandes des parties prenantes européennes, telles que la société civile, les États membres et le Parlement européen.

3.3.

Le CESE soutient les conclusions de l’OCDE et du G20 en matière de base d’imposition et de transfert de bénéfices (BEPS), ainsi que les règles mises en place au moyen de la directive à l’examen.

3.4.

Le CESE constate que la proposition à l’examen vise les dispositifs hybrides mis en évidence dans le rapport sur l’action 2 du projet BEPS de l’OCDE (10) et ne s’attache pas aux situations où le contribuable ne paye que peu ou pas d’impôt en raison d’un faible taux d’imposition ou d’un régime fiscal particulier propre à la juridiction concernée.

3.5.

L’on entend que les dispositifs hybrides constituent une technique courante de planification fiscale agressive utilisée par les entreprises multinationales qui établissent des sièges sociaux ou des établissements commerciaux dans de nombreux États, que ceux-ci soient membres de l’Union européenne ou non. Étant donné que la directive du Conseil 2016/1164 ne s’attaque à l’heure actuelle qu’aux dispositifs hybrides intervenant à l’échelon des États membres, le CESE convient de la nécessité de la modifier au moyen de règles spécifiques visant les cas où des pays tiers sont concernés, dans le seul but de protéger le marché unique. Le CESE fait toutefois observer que, lorsque le cas précis se présente, les règles applicables dans l’Union européenne sont tributaires de l’application ou non par un pays tiers des règles relatives aux dispositifs hybrides.

3.6.

Le CESE a déjà relevé que la planification fiscale agressive cause l’érosion de la base fiscale des États membres à hauteur de 50 à 70 milliards d’euros par an (11), sachant que les dispositifs hybrides en représentent un pourcentage significatif et ont d’importants effets négatifs sur les recettes fiscales ainsi que sur la concurrence, l’équité et la transparence. En dépit de la difficulté, dont l’OCDE fait également état, à mener une analyse économique précise de l’incidence des dispositifs hybrides, le CESE estime que l’adoption de la directive à l’examen accroîtra significativement l’imposition des sociétés dans tous les États membres.

3.7.

La proposition n’a fait l’objet d’aucune analyse d’impact, eu égard à la directive qu’elle modifie, sachant qu’elle entretient un lien étroit avec le rapport exhaustif de l’OCDE sur le BEPS, que le document de travail des services de la Commission (12) fournit une analyse conséquente, que des consultations ont déjà été effectuées et que le Conseil a demandé dans sa déclaration que cette directive soit présentée d’ici octobre 2016. Les États membres sont tenus d’adopter les lois, les règles et les dispositions administratives nécessaires pour se conformer à la directive à l’examen, ainsi que de les communiquer à la Commission européenne au plus tard le 31 décembre 2018. Le CESE convient qu’il n’est besoin d’aucune analyse d’impact à ce stade.

3.8.

Il est demandé à la Commission d’évaluer la mise en œuvre de la directive quatre ans après son entrée en vigueur et d’en rendre compte au Conseil. Le CESE propose toutefois que la Commission évalue chaque année l’état d’avancement de la mise en œuvre et présente une évaluation de ladite mise en œuvre au Conseil un an après le délai proposé. Cette évaluation devrait comprendre une étude de l’état de la mise en œuvre de la législation dans les États membres ainsi qu’une étude exhaustive sur les pays tiers qui ont mis en œuvre, ou qui sont en train de mettre en œuvre, les règles BEPS de l’OCDE, et de la situation du marché unique de l’Union européenne dans le contexte mondial. En outre, le CESE recommande que la Commission fasse état dans ce rapport de toute perturbation des cadres légaux nationaux, notamment d’autres résultats fiscaux, commerciaux ou réglementaires, pour autant que de telles situations se produisent.

3.9.

Dans le sillage de l’évaluation de la mise en œuvre, le CESE recommande que la Commission élabore une vaste analyse d’impact des effets de la directive sur le marché unique. Il convient de mener cette étude dès que les données nécessaires produites par les États membres sont disponibles.

4.   Observations spécifiques

4.1.

La directive à l’examen apporte une définition exhaustive des entreprises associées, qui englobe les entités qui font partie du même groupe consolidé à des fins comptables et les entreprises qui exercent une influence notable sur la gestion du contribuable ou dans lesquelles le contribuable exerce une influence notable. Le CESE convient qu’il n’est besoin de s’attaquer aux dispositifs hybrides que lorsque l’une des entreprises associées détient le contrôle effectif des autres entreprises associées.

4.2.

Le CESE approuve les règles supplémentaires introduites par la directive. Toutefois, il importe au plus haut point que la politique fiscale à l’échelle mondiale offre des conditions de concurrence égales et de l’équité pour en assurer une mise en œuvre effective. En leur absence, le marché unique est susceptible de perdre quelque peu de son attrait au profit de marchés moins réglementés.

4.3.

Le CESE estime que là où il est possible de recourir à des dispositifs hybrides, les investissements transfrontaliers sont à coup sûr favorisés par rapport aux investissements nationaux, ce qui crée une distorsion évidente sur le marché unique.

4.4.

Le Conseil a proposé le délai du 31 décembre 2018 pour que les États membres transposent la directive dans leur cadre législatif respectif. Le CESE considère qu’il s’agit là d’un délai raisonnable, mais conseille de suivre très attentivement l’avancement de la mise en œuvre, de manière que l’ensemble des États membres réalise les objectifs de la directive à la date proposée. Si les actions n’étaient pas appliquées de manière cohérente, la compétitivité des entreprises à l’échelon de l’Union européenne pourrait être gravement compromise.

4.5.

Étant donné que le plan d’action BEPS de l’OCDE est un accord résultant d’un consensus qui ne prévoit aucune disposition contraignante et que certains États membres de l’Union européenne n’appartiennent pas à l’OCDE, le CESE apprécie le soutien qu’apportent les États membres qui n’appartiennent pas à l’OCDE à la coordination et à la mise en œuvre du projet BEPS. Toutefois, le CESE recommande de prêter une attention toute particulière aux processus d’application dans ces États, en ce qui concerne aussi bien la directive à l’examen que la directive sur la lutte contre l’évasion fiscale.

4.6.

La directive ne propose pas de sanctions pour les contribuables puisqu’il relève de la compétence des États membres d’en imposer ou non. Le CESE recommande aux États membres d’examiner cette question en détail et de prendre des mesures coercitives, pour autant qu’ils estiment que celles-ci préviendront et/ou lutteront contre les dispositifs hybrides.

4.7.

Sachant que la directive sur la lutte contre l’évasion fiscale ne règle pas les autres types de dispositifs hybrides tels que les dispositifs impliquant des établissements stables hybrides, les transferts hybrides, les dispositifs hybrides importés et les dispositifs utilisant des entités à double résidence, le CESE estime que l’extension de l’article 9 intervient de manière suffisamment détaillée.

4.8.

S’agissant des différentes périodes comptables et fiscales qui se présentent dans différentes juridictions, le CESE convient que ces différences temporelles ne devraient pas produire d’asymétrie dans les résultats fiscaux. Toutefois, pour éviter la situation d’une déduction sans prise en compte, le contribuable doit annoncer le paiement dans les deux juridictions concernées, et ce dans un délai raisonnable.

4.9.

Le CESE recommande à tous les États membres d’examiner plus attentivement les causes profondes des dispositifs hybrides, de combler les failles possibles et de prévenir la planification fiscale agressive, plutôt que de ne viser qu’à produire des recettes fiscales.

4.10.

Le Comité considère qu’il convient de prêter une attention toute particulière aux dispositifs hybrides importés, car ceux-ci sapent l’efficacité des règles destinées à éliminer les dispositifs hybrides. Le CESE approuve les efforts de la Commission pour lutter contre les doubles déductions ou les déductions sans prise en compte par ailleurs que produisent les dispositifs hybrides importés, comme le prévoit l’article 9, paragraphes 4 et 5, mais estime qu’il est nécessaire d’apporter des clarifications supplémentaires.

4.11.

En dernier lieu, le CESE recommande que tous les États membres échangent leurs renseignements pertinents et leurs meilleures pratiques au cours de la période de mise en œuvre afin d’accélérer ce processus et d’en assurer une application uniforme.

Bruxelles, le 14 décembre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  COM(2016) 26 final.

(2)  L’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS) font référence aux stratégies de planification fiscale qui exploitent les failles et les différences dans les règles fiscales en vue de transférer de manière artificielle des bénéfices dans des territoires où l’imposition est faible, voire nulle (http://www.oecd.org/ctp/beps/).

(3)  COM(2016) 687 final.

(4)  http://ec.europa.eu/taxation_customs/business/company-tax/anti-tax-avoidance-package_fr

(5)  COM(2016) 23 final.

(6)  COM(2016) 26 final.

(7)  COM(2016) 25 final.

(8)  C(2016) 271 final.

(9)  COM(2016) 24 final.

(10)  http://www.oecd.org/fr/ctp/neutraliser-les-effets-des-dispositifs-hybrides-action-2-rapport-final-2015-9789264255104-fr.htm.

(11)  JO C 264 du 20.7.2016, p. 93.

(12)  https://ec.europa.eu/taxation_customs/sites/taxation/files/swd_2016_345_en.pdf (en anglais).


10.3.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/75


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi nécessitant des compétences élevées»

[COM(2016) 378 final — 2016/0176 (COD)]

(2017/C 075/14)

Rapporteur:

Peter CLEVER

Consultation

Parlement européen, 4 juillet 2016

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Consultation

Conseil de l’Union européenne, 20 juillet 2016

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section spécialisée

22 novembre 2016

Adoption en session plénière

14 décembre 2016

Session plénière no

521

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

195/0/7

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Dans le contexte de l’évolution démographique, l’Union dépend également de l’immigration d’une main-d’œuvre hautement qualifiée pour assurer sa croissance et sa prospérité. À cet égard, il ne suffit pas d’activer les potentiels des marchés du travail à l’échelon national, même si l’importance d’une telle démarche dans la politique nationale ne fait aucun doute; il convient avant tout d’élaborer une stratégie européenne commune pour attirer une main-d’œuvre qualifiée, l’Europe dans son ensemble étant plus à même que les États membres individuels de se placer en position favorable face à la concurrence mondiale pour les travailleurs qualifiés.

1.2.

Une stratégie commune de recrutement d’une main-d’œuvre qualifiée en provenance de pays tiers devrait se fonder sur une approche globale et couvrir l’ensemble des aspects pertinents, des premiers contacts avec les travailleurs qualifiés désireux de s’expatrier jusqu’à la gestion de leurs droits à la retraite. À cet égard, les immigrants qui effectuent d’abord une partie de leurs études supérieures dans le pays de destination ne doivent pas être oubliés. Il convient par ailleurs de garder à l’esprit les conséquences de l’immigration d’une main-d’œuvre qualifiée pour les pays d’origine et d’aider ces derniers à développer leur système éducatif.

1.3.

Il importe en outre d’œuvrer à l’obtention d’un consensus aussi large que possible, de sorte que les États membres adhèrent eux aussi à cette stratégie et mettent en œuvre de façon cohérente les mesures décidées au niveau européen. Il convient à cet égard de veiller à associer étroitement à ce processus les partenaires sociaux nationaux et européens. L’égalité des chances et la non-discrimination doivent être garanties lors de l’emploi de ressortissants de pays tiers.

1.4.

La politique d’admission est une composante fondamentale d’une politique cohérente d’immigration de travail. À cet égard, si une réglementation commune peut faciliter l’accès des ressortissants de pays tiers aux marchés du travail européens, elle n’en constitue pas moins une atteinte à la souveraineté nationale. C’est pourquoi il convient en la matière de soupeser avec soin les avantages et les inconvénients d’une harmonisation plus poussée. En l’état actuel des choses, une harmonisation complète de la politique d’admission n’apparaît ni judicieuse, ni nécessaire.

1.5.

En la matière, le projet de révision de la réglementation relative à la carte bleue tel qu’il a été présenté par la Commission européenne va trop loin, car il prive les États membres de la possibilité de maintenir certaines voies d’accès adaptées à leurs besoins spécifiques pour les personnes hautement qualifiées. Il est néanmoins judicieux de faire en sorte qu’à l’avenir, la carte bleue soit davantage utilisée pour l’admission dans les États membres de l’Union européenne d’une main-d’œuvre hautement qualifiée en provenance de pays tiers. Elle pourrait alors, à l’instar de la carte verte américaine, constituer une marque qui ferait de l’Union une région attractive pour l’immigration d’une main-d’œuvre hautement qualifiée.

1.6.

Dans l’ensemble, il y a lieu d’accueillir favorablement cette proposition de réviser la réglementation relative à la carte bleue déposée par la Commission, étant donné qu’elle renforce l’attractivité de la carte bleue en tant que voie d’accès à l’Union et, notamment, qu’elle facilite sensiblement la mobilité intra-européenne des titulaires de cette carte. Dans ce contexte, l’amélioration des possibilités d’effectuer des déplacements professionnels dans d’autres États membres de l’Union européenne est un motif important de satisfaction.

1.7.

Les assouplissements de la procédure de délivrance sont eux aussi pertinents. L’abaissement du seuil salarial doit néanmoins être remis en question. Un niveau inférieur au revenu moyen doit être rejeté en ce qui concerne les personnes hautement qualifiées.

1.8.

Il en va de même de la possibilité facultative de remplacer la détention d’un diplôme de l’enseignement supérieur par une expérience professionnelle équivalente. Sur ce point, il y aurait lieu de reconsidérer l’abaissement de cinq à trois ans de la durée requise de cette expérience, et il serait utile de préciser au minimum quels sont les critères d’évaluation à employer.

2.   Contexte — importance de l’immigration d’une main-d’œuvre hautement qualifiée pour l’Union européenne et nécessité d’une stratégie européenne de recrutement de cette main-d’œuvre

2.1.

La politique d’immigration poursuit divers objectifs. L’un d’eux est de stabiliser la population active dans les pays dont l’évolution démographique est particulièrement marquée. Le fait d’assumer sa responsabilité sociale dans le monde en accueillant des réfugiés en est un autre. Vu la complexité de cette thématique, le présent avis se concentrera sur l’immigration de main-d’œuvre hautement qualifiée en provenance de pays tiers.

2.2.

Sans immigration en provenance de pays tiers, l’évolution démographique des deux prochaines décennies se traduira par une baisse notable de la population en âge de travailler au sein de l’Union européenne. Dans le même temps, le nombre de personnes âgées augmentera sensiblement. Une telle évolution pose d’importantes difficultés pour l’élaboration des budgets publics, étant donné que la baisse du nombre de contributeurs (nets) va de pair avec une hausse du nombre de bénéficiaires (nets) des prestations versées par les pouvoirs publics. Des pénuries risquent également de voir le jour sur le marché du travail.

2.3.

Pour garder sous contrôle ces conséquences négatives de l’évolution démographique, il y a lieu tout d’abord d’exploiter le potentiel de main-d’œuvre existant dans les États membres. Des efforts importants doivent être déployés à cet égard, en particulier auprès des groupes cibles socialement défavorisés, de manière à leur fournir les qualifications requises pour pouvoir s’insérer dans le marché du travail. La mobilité interne au sein de l’Union pourra quant à elle contribuer à moyen terme à stabiliser la population active dans les pays les plus touchés par cette évolution démographique. Cette mobilité intra-européenne n’est pas encore aussi largement utilisée que le permettraient les possibilités qui existent en droit et en fait. Ces deux démarches ne seront cependant pas suffisantes. Il convient donc de mettre en place une stratégie ciblée et à long terme de promotion d’une immigration légale de main-d’œuvre qualifiée en provenance de pays tiers.

2.4.

La situation actuelle sur le marché du travail dans les États membres de l’Union européenne se caractérise par une grande diversité. Alors que certains États membres connaissent des pénuries de main-d’œuvre qualifiée, d’autres sont confrontés à un chômage élevé. Il en résulte que la demande de main-d’œuvre immigrée et les possibilités d’intégration pour les immigrants originaires de pays tiers diffèrent elles aussi fondamentalement. Il convient donc de donner des formes différentes également aux stratégies des divers États membres en matière d’immigration.

2.5.

Dans le même temps, il est nécessaire de renforcer la coopération lorsqu’il s’agit d’inciter une main-d’œuvre hautement qualifiée à rejoindre les marchés du travail en Europe. À l’inverse des migrants peu qualifiés, cette main-d’œuvre a également la possibilité d’immigrer dans d’autres pays, en particulier dans le monde anglo-saxon, et est courtisée par ces derniers, ce qui place l’Europe dans une situation de concurrence. Ainsi, seuls 31 % des immigrants hautement qualifiés originaires de pays tiers membres de l’OCDE optent pour un État membre de l’Union européenne. La maîtrise insuffisante des langues des États membres constitue un obstacle majeur à l’immigration d’une main-d’œuvre hautement qualifiée dans l’Union européenne. Le fait que certains États membres de l’Union, en particulier les plus petits, soient souvent à peine connus en dehors de l’Europe et sont de ce fait perçus à tort comme moins attractifs est un autre frein à cette immigration.

2.6.

Dans ce contexte, l’Union européenne a un rôle important à jouer en regroupant les activités des États membres destinées à attirer une main-d’œuvre hautement qualifiée originaire de pays tiers et en leur conférant ainsi une plus grande efficacité. Le fait pour les États membres de se présenter comme faisant partie d’une entité européenne commune offre en outre de grands avantages dans un contexte de concurrence pour attirer une main-d’œuvre qualifiée qui est mobile à l’international. Pour accroître l’attractivité de l’Union européenne en tant que destination des migrants hautement qualifiés originaires de pays tiers, il est nécessaire d’élaborer une stratégie européenne ciblée de recrutement en la matière; il s’agit là du seul moyen pour l’Union européenne de maintenir et de conforter sa position face à la concurrence mondiale dans ce domaine.

2.7.

Le succès d’une stratégie européenne de recrutement d’une main-d’œuvre qualifiée dépend toutefois largement de la mesure dans laquelle celle-ci tient compte des spécificités nationales et dans laquelle les États membres de l’Union européenne s’en revendiquent. Il convient donc fondamentalement de rechercher le consensus le plus large possible lors de l’adoption des mesures en la matière, y compris concernant le cadre juridique amené à réglementer l’immigration de cette main-d’œuvre qualifiée.

3.   Composantes d’une stratégie européenne de recrutement d’une main-d’œuvre qualifiée

3.1.

Dans le cadre d’une stratégie commune de promotion de l’immigration légale d’une main-d’œuvre hautement qualifiée, les mesures destinées à s’adresser aux travailleurs qualifiés et à les recruter devraient être prises au niveau européen. Une base de données européenne des talents sur le modèle d’EURES, dans laquelle les travailleurs qualifiés des pays tiers désireux de s’expatrier pourraient s’enregistrer en mentionnant leurs qualifications, et par laquelle ils pourraient entrer directement en contact avec les employeurs, semble à cet égard extrêmement prometteuse. Une stratégie européenne de recrutement d’une main-d’œuvre qualifiée devrait également prévoir la fourniture d’une offre d’informations portant sur l’Union européenne et sur les dispositions en vigueur en matière d’immigration et la situation du marché de l’emploi dans les États membres. Il conviendrait d’y ajouter un cadre approprié pour assurer la mobilité intra-européenne de la main-d’œuvre qualifiée en provenance de pays tiers, une procédure coordonnée de reconnaissance des qualifications obtenues dans les pays tiers et l’établissement d’une culture d’accueil européenne qui prendrait le contre-pied du ressentiment des populations locales à l’égard des nouveaux arrivants. Ce cadre devrait être conçu avec le concours des partenaires sociaux nationaux et européens.

3.2.

Une stratégie visant à promouvoir l’immigration légale d’une main-d’œuvre hautement qualifiée en provenance de pays tiers ne devrait pas cibler uniquement les personnes disposant déjà d’une formation complète à leur arrivée dans un État membre de l’Union européenne, mais également des personnes qui effectueraient d’abord ici tout ou partie de leurs études. Dans ce contexte, il y a lieu de se féliciter des assouplissements prévus par la nouvelle directive de l’Union européenne relative aux séjours à des fins d’études et de recherche (directive UE/2016/801) pour les activités complémentaires des étudiants, ainsi que de la possibilité qui leur est offerte de rester au moins neuf mois dans le pays au terme de leurs études pour y chercher un emploi. Des offres ciblées d’informations et de conseils doivent en outre être proposées dans les universités pour informer les étudiants de pays tiers sur leurs perspectives d’emploi au sein de l’Union.

3.3.

Les ressortissants de pays tiers bénéficiant d’une autorisation légale de séjour dans l’Union européenne ne doivent pas faire l’objet de discriminations. Le plus important est qu’ils soient rémunérés conformément aux usages locaux, à égalité avec les travailleurs nationaux, et qu’ils bénéficient des mêmes conditions de travail.

3.4.

Il convient de prendre les précautions qui s’imposent au moment d’approcher la main-d’œuvre déjà qualifiée, étant donné que de nombreux pays d’origine connaissent eux-mêmes une pénurie en la matière. Une fuite des cerveaux doit être évitée dans ces pays. Une immigration temporaire de main-d’œuvre qualifiée s’inscrivant dans un exercice de mobilité des cerveaux peut en revanche contribuer au développement économique de ces pays. Dans ce cas, il faut s’assurer qu’un retour temporaire dans le pays d’origine n’entraîne pas le retrait automatique de l’autorisation de travail délivrée dans l’État membre de l’Union européenne. Dans tous les cas, une stratégie ciblée de recrutement d’une main-d’œuvre qualifiée en provenance de pays moins développés devrait s’accompagner de mesures relevant de la politique de développement, qui aideraient notamment les pays d’origine à consolider leur système éducatif. Cette politique de développement doit répondre aux intérêts des pays d’origine et ne doit pas viser à développer le potentiel disponible pour le recrutement futur de main-d’œuvre qualifiée en provenance de ces pays.

3.5.

Pour contenir l’immigration illégale, l’Union européenne prévoit de conclure de nouveaux partenariats ciblés en matière de migration avec d’importants pays d’origine et de transit. De tels partenariats devraient également être utilisés pour promouvoir la migration légale. Cette possibilité n’a guère été utilisée jusqu’à présent dans le cadre des partenariats de migration. Il serait possible de convenir à ce titre de mesures ciblées destinées à développer le vivier de main-d’œuvre qualifiée dans les pays partenaires et à simplifier l’immigration à destination de l’Europe (le cas échéant en fixant des contingents). De telles mesures permettraient également de lutter contre l’immigration clandestine en créant une alternative légale pour de nombreux candidats à l’immigration, qui suppose généralement de nouveaux investissements dans la formation, lesquels peuvent également avoir une incidence positive sur le niveau de formation dans les pays d’origine.

4.   Nécessité et limites d’une politique d’admission commune

4.1.

La politique d’admission est une composante importante de toute stratégie visant à attirer une main-d’œuvre qualifiée. Elle ne réglemente pas seulement l’accès des ressortissants de pays tiers au marché du travail de l’État membre concerné, mais aussi dans quelle mesure ils peuvent se déplacer au sein de l’Union européenne et être accompagnés ou rejoints par des membres de leur famille. Ces considérations revêtent également une grande importance pour l’attractivité de l’Union européenne aux yeux de la main-d’œuvre qualifiée des pays tiers.

4.2.

L’adoption d’une réglementation uniforme et applicable dans toute l’Union européenne en matière de délivrance de titres de séjour constitue dans tous les cas une profonde atteinte à la souveraineté nationale. Cette atteinte est d’autant plus forte que l’harmonisation des cadres nationaux en matière de droit de séjour est poussée et que la marge d’appréciation des États membres s’en trouve réduite. Il convient donc, avant toute décision d’adopter des critères d’admission harmonisés, de mettre soigneusement en balance les avantages d’une réglementation à l’échelle de l’Union et la pluralité des besoins et des intérêts nationaux.

4.3.

Les besoins en matière de main-d’œuvre originaire de pays tiers varient très fortement d’un État membre à l’autre. L’article 79 du TFUE permet donc à juste titre à l’échelon européen d’élaborer une politique d’admission commune sans toutefois retirer aux États membres le droit de définir une politique d’admission nationale. Les critères d’admission nationaux régissant l’immigration de travail en provenance de pays tiers sont, en effet, généralement mieux adaptés aux spécificités des marchés de l’emploi nationaux. Les tests appliqués aux marchés du travail peuvent aussi s’avérer importants pour orienter l’immigration de travail et devraient rester du ressort des États membres.

4.4.

Un cadre commun s’impose néanmoins de toute urgence car les économies des États membres de l’Union européenne sont très étroitement liées au sein du marché intérieur européen. De nombreuses entreprises possèdent ainsi des sites de production dans plusieurs États membres et commercialisent leurs produits et services dans toute l’Union. Il s’ensuit que les entreprises doivent fréquemment détacher pour de brèves périodes des collaborateurs de pays tiers disposant de qualifications particulières dans différents pays de l’Union européenne. Lorsque ceux-ci ne relèvent pas du champ d’application de la directive sur les transferts temporaires intragroupe et que le titre de séjour correspondant n’autorise pas à travailler dans un autre État membre de l’Union européenne, le recrutement de ressortissants de pays tiers s’en trouve compliqué. Des problèmes comparables se posent pour les immigrants qui s’établissent comme indépendants dans un pays de l’Union européenne et souhaitent ou doivent, avec leur entreprise, exercer leurs activités dans plusieurs États membres. Il est indispensable de tenir compte de ce besoin de mobilité pour les ressortissants de pays tiers hautement qualifiés.

5.   Expérience concernant la carte bleue européenne et nécessité d’une réforme

5.1.

La carte bleue européenne est, avec d’autres instruments, une composante essentielle d’une stratégie commune de recrutement d’une main-d’œuvre hautement qualifiée. Elle offre un potentiel considérable en vue d’attirer une main-d’œuvre qualifiée en provenance de pays tiers du fait qu’elle peut, à l’instar de la carte verte américaine, constituer un instrument de marketing assurant la promotion de l’Union européenne en tant que région d’immigration. Elle offre en outre aux personnes hautement qualifiées désireuses de s’expatrier la possibilité d’évaluer plus facilement leurs chances de pouvoir accéder aux marchés du travail européens, étant donné que les mêmes critères sont applicables dans tous les États membres, ne serait-ce que sur le plan de la structure. Elle pourrait donc ainsi promouvoir l’immigration à destination de l’Union européenne.

5.2.

Cela étant, la carte bleue ne rencontre pas le même succès dans tous les États membres de l’Union européenne. Alors que certains pays, tels que l’Allemagne, en ont fait un élément important de leur stratégie visant à attirer une main-d’œuvre qualifiée, d’autres l’utilisent peu, voire pas du tout, et continuent pour l’essentiel de recourir à leur système national de titres de séjour. En 2015, environ 14 600 des 16 800 cartes bleues délivrées pour la première fois l’ont été en Allemagne, soit un taux de près de 90 %. Dans aucun autre État membre ce chiffre n’était supérieur à mille. Toute une série d’États membres ont même délivré moins de vingt cartes bleues. L’on compte également parmi ceux-ci des pays dont le marché du travail affiche un dynamisme comparable à celui du marché allemand, tels que les Pays-Bas ou la Suède.

5.3.

De nombreux États membres de l’Union européenne n’utilisent donc pas la carte bleue européenne comme un instrument stratégique pour attirer une main-d’œuvre hautement qualifiée en provenance de pays tiers. Il en résulte que celle-ci n’est globalement pas perçue par les travailleurs qualifiés des pays tiers désireux de s’expatrier comme un symbole de la politique commune de l’Union européenne en matière d’immigration et qu’elle ne peut donc pas déployer tout son potentiel. C’est dans ce contexte que la Commission européenne a présenté une proposition de réforme de la carte bleue.

5.4.

Dans l’ensemble, il y a lieu d’accueillir favorablement cette proposition de la Commission de réviser la réglementation relative à la carte bleue, étant donné qu’elle a pour objectif d’aborder les problématiques importantes que constituent les interactions avec les titres de séjour nationaux, la mobilité de la main-d’œuvre qualifiée originaire de pays tiers au sein de l’Union ainsi que la simplification des critères de délivrance, et d’y apporter des solutions. Des modifications importantes doivent cependant y être apportées.

5.5.

La proposition de la Commission prévoit qu’aucun autre titre de séjour que la carte bleue européenne ne sera délivré aux migrants hautement qualifiés originaires de pays tiers qui viendraient travailler en Europe. Seules quelques exceptions seraient prévues pour certaines catégories professionnelles, telles que les travailleurs indépendants et les chercheurs. Cette rigidité pose des difficultés aux États membres pour adapter leur politique migratoire à leurs besoins de main-d’œuvre qualifiée et apporter une réponse ciblée aux situations de pénuries spécifiques. Il n’est donc pas opportun d’interdire totalement les autres voies d’entrée pour les employés hautement qualifiés. Il convient au contraire que les États membres aient également la possibilité de maintenir leurs systèmes nationaux.

5.6.

La carte bleue européenne doit néanmoins être ancrée plus solidement dans les politiques d’admission des États membres. L’on devrait intégrer à cette fin dans les considérants de la directive une disposition appelant les États membres à privilégier la délivrance d’une carte bleue européenne plutôt que d’un titre de séjour national lorsque le candidat concerné remplit les critères d’obtention d’une telle carte. Une telle démarche ne limiterait pas autant la marge de manœuvre des États membres que l’interdiction des autres titres. Il convient en outre de signaler que l’intégration des dispositions idoines dans la directive européenne n’assurera pas à elle seule le succès de la carte bleue: il est indispensable que les États membres de l’Union européenne expriment clairement leur attachement à celle-ci. Le succès de la carte bleue n’est possible que si les États membres perçoivent sa valeur ajoutée.

5.7.

Un abaissement du seuil salarial se justifie, mais la proposition de la Commission va trop loin.

5.7.1.

Le seuil salarial en vigueur jusqu’à présent, d’au moins 1,5 fois le salaire brut annuel moyen ou 1,2 fois ce salaire pour les professions en pénurie de main-d’œuvre, peut constituer un obstacle dans certains États membres, en particulier pour les personnes qui font leurs premiers pas sur le marché du travail. Il peut dès lors être opportun de revoir ce seuil à la baisse, bien que les syndicats se montrent réservés à cet égard. Selon le CESE, il y a lieu de garantir que les personnes hautement qualifiées qui entrent sur le marché de l’emploi ne soient en aucun cas rémunérées en dessous du salaire moyen. Le seuil de 0,8 envisagé dans la proposition de la Commission est trop bas.

5.7.2.

Ce jugement s’appuie sur le fait que tous les travailleurs sont pris en considération dans le calcul du salaire brut moyen et que les travailleurs hautement qualifiés, même en début de carrière, devraient généralement pouvoir obtenir un salaire supérieur à la moyenne s’ils occupent un emploi correspondant à leurs qualifications. Si un État membre connaît des pénuries de main-d’œuvre qualifiée, la fixation de seuils salariaux comparativement bas pour la délivrance de la carte bleue est justifiée, mais si le taux de chômage est élevé également pour les travailleurs qualifiés, il est généralement opportun de fixer des seuils plus élevés. Il convient par ailleurs de ne pas donner l’impression que la carte bleue européenne pourrait être utilisée pour attirer au sein de l’Union européenne une main-d’œuvre «bon marché». Un tel sentiment pourrait nuire à la nécessaire acceptation de la réglementation.

5.7.3.

Force est également de constater que la directive reste une nouvelle fois évasive sur le mode de calcul du salaire moyen, qui peut avoir une influence décisive sur le seuil salarial qui sera adopté au final.

5.8.

Les nouveaux assouplissements prévus de la procédure de délivrance de la carte bleue européenne doivent être salués.

5.8.1.

La proposition de la Commission de faire passer de douze à six mois la durée minimale du contrat de travail à présenter pour l’obtention d’une carte bleue va dans la bonne direction, étant donné qu’elle permet aux employeurs qui ne sont pas sûrs des capacités réelles d’un ressortissant de pays tiers hautement qualifié de conclure plus facilement un contrat et qu’elle encourage ainsi l’immigration.

5.8.2.

Le maintien de la possibilité de remplacer la détention d’un diplôme d’études supérieures par une expérience professionnelle équivalente doit également être salué, mais son caractère facultatif devrait être conservé. L’abaissement de cinq à trois ans de la durée requise de l’expérience professionnelle équivalente devrait lui aussi être reconsidéré. À cet égard, il serait judicieux de fournir au minimum des indications sur les critères d’évaluation à utiliser, afin d’éviter de trop grandes divergences d’interprétation entre États membres.

5.8.3.

Une ouverture du régime de carte bleue européenne aux ressortissants de pays tiers qui bénéficient d’un statut de protection et qui répondent aux exigences d’une immigration qualifiée serait judicieuse car les réfugiés possédant des qualifications doivent pouvoir accéder plus facilement au marché du travail.

5.9.

Les nouvelles dispositions relatives à la mobilité intra-européenne des titulaires de la carte bleue constituent une évolution importante.

5.9.1.

Les travailleurs hautement qualifiés devraient, au besoin, pouvoir également être détachés pour une courte période dans d’autres États membres de l’Union. Les dispositions claires proposées par la Commission concernant les déplacements professionnels dans d’autres États membres de l’Union européenne représentent donc un pas important dans la bonne direction. La durée maximale proposée de 90 jours sur une période de 180 jours devrait être débattue une nouvelle fois avec les acteurs de terrain.

5.9.2.

La possibilité de solliciter une carte bleue dans un autre État membre après un an sans nouvel examen approfondi des qualifications est une avancée positive en faveur d’une plus grande mobilité au sein de l’Union européenne.

6.   La politique d’intégration comme composante importante de la stratégie européenne de recrutement d’une main-d’œuvre qualifiée

6.1.

Pour s’assurer que l’Union européenne dispose d’une main-d’œuvre qualifiée en suffisance dans le contexte de l’évolution démographique qu’elle connaît, il ne suffit pas d’inciter suffisamment de professionnels qualifiés en provenance de pays tiers à immigrer. Il convient plutôt de leur offrir également de bonnes perspectives d’intégration, afin qu’ils puissent déployer tout leur potentiel sur les marchés du travail européens et décident de s’installer durablement en Europe. Il y a donc lieu de se féliciter également du plan d’action sur l’intégration proposé par la Commission dans le contexte de l’immigration de travail.

6.2.

Toute forme d’immigration souhaitée est également l’expression du rejet du racisme et de la xénophobie. Une telle approche est conforme aux valeurs prônées par l’Union européenne et doit constituer un principe directeur pour le monde politique et la société.

6.3.

Il est extrêmement positif que ce plan d’intégration couvre également la période précédant l’arrivée en Europe, car certains éléments importants d’une intégration réussie se préparent dès avant l’arrivée dans le pays de destination. C’est notamment le cas de la maîtrise de la langue. En améliorant leurs perspectives de carrière au sein de l’Union, les cours de langue et autres offres de formation axées sur une possible immigration dans l’Union européenne renforcent également l’attractivité de l’Union en tant que région de destination pour les ressortissants de pays tiers qui y participent. Ces dispositifs peuvent ainsi contribuer directement à attirer davantage de main-d’œuvre qualifiée en provenance de pays tiers.

6.4.

Si le plan d’intégration contient quelques mesures à l’intention des personnes hautement qualifiées, telles qu’une collaboration plus étroite en matière de reconnaissance des diplômes étrangers, il cible fondamentalement d’autres groupes d’immigrants nécessitant une aide plus soutenue, ce qui se justifie pleinement en tant que tel. Une stratégie commune visant à attirer une main-d’œuvre qualifiée originaire de pays tiers devrait cependant regrouper, au-delà du plan d’intégration existant, une série de mesures en faveur de l’intégration ciblant spécifiquement les personnes hautement qualifiées. On se référera à cet égard aux recommandations émises lors du Forum européen sur la migration qui s’est tenu en avril 2016.

Bruxelles, le 14 décembre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


10.3.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/81


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services»

[COM(2016) 128 final — 2016/0070 (COD)]

(2017/C 075/15)

Rapporteures:

Vladimíra DRBALOVÁ et Ellen NYGREN

Consultation

Parlement européen, 11 avril 2016

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section spécialisée

22 novembre 2016

Adoption en session plénière

14 décembre 2016

Session plénière no

521

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

180/84/30

1.   Conclusions et propositions

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite de constater que la Commission européenne s’engage à œuvrer en faveur d’un marché unique approfondi et plus équitable et en a fait l’une des principales priorités de son mandat, et qu’elle s’efforce de donner un coup de fouet supplémentaire à la prestation transfrontière de services, par l’intermédiaire de son plan d’investissement pour l’Europe.

1.2.

Le CESE soutient la décision de la Commission de mettre en application la directive d’exécution 2014/67/UE (1) afin d’améliorer l’interprétation et la mise en œuvre communes de la directive 96/71/CE (2) relative au détachement de travailleurs.

1.3.

La directive d’exécution et l’actuelle proposition de révision ciblée de la directive relative au détachement des travailleurs abordent des aspects différents de la pratique du détachement des travailleurs. Non seulement elles sont complémentaires, mais les résultats attendus de la mise en œuvre de la directive d’exécution pourraient également fournir une vision plus précise de la situation réelle.

1.4.

Le CESE souscrit au principe de la proposition présentée par la Commission en vue d’une refonte de la directive relative au détachement des travailleurs. Le principe selon lequel un même travail effectué au même endroit devrait être rémunéré de manière identique est la clef de voûte du socle des droits sociaux en Europe.

1.5.

De l’avis du CESE, les conventions collectives servent de point de référence pour déterminer le niveau des rémunérations.

1.6.

Le CESE souligne que le rôle exclusif des partenaires sociaux n’a pas été respecté et se demande pourquoi ils n’ont pas été consultés en bonne et due forme conformément à l’article 154, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

1.7.

Le CESE se réjouit fondamentalement que la Commission fixe concrètement la durée maximale de détachement. Le fait de le limiter à vingt-quatre mois représente un pas dans la bonne direction. Une limite de six mois se rapprocherait toutefois davantage de la réalité des entreprises.

1.8.

Le CESE demande qu’une clarification soit apportée dans la directive relative au détachement des travailleurs précisant qu’elle ne constitue pas une norme maximale mais, au contraire, une norme minimale. Il convient pour ce faire d’en élargir la base juridique.

2.   Cadre politique européen

2.1.

La libre circulation des travailleurs, la liberté d’établissement et la libre prestation des services sont des principes fondamentaux de l’Union européenne.

2.2.

Il convient d’établir une distinction entre la libre circulation des travailleurs et la libre prestation de services énoncée à l’article 56 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). La libre circulation des travailleurs donne à tout citoyen le droit de se rendre librement dans un autre État membre pour y travailler et d’y résider à cette fin, et le protège contre toute discrimination en matière d’emploi, de rémunération et de conditions de travail par rapport aux ressortissants de cet État membre.

2.3.

La libre prestation des services, quant à elle, donne aux entreprises le droit de fournir des services dans un autre État membre. À cet effet, elles peuvent détacher temporairement leurs propres travailleurs dans un autre État membre, pour qu’ils y effectuent le travail nécessaire à la prestation des services.

2.4.

Le 16 décembre 1996, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont adopté la directive 96/71/CE relative au détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services (3).

2.5.

La directive a pour objectif de concilier l’exercice de la liberté de fournir des services transfrontaliers conformément à l’article 56 du TFUE et la protection appropriée des droits des travailleurs détachés temporairement à l’étranger à cet effet.

2.6.

En octobre 2010, dans sa communication intitulée «Vers un Acte pour le Marché unique: pour une économie sociale de marché hautement compétitive — 50 propositions pour mieux travailler, entreprendre et échanger ensemble» (4), la Commission a fait deux propositions destinées à rétablir la confiance et le soutien des citoyens, portant, pour l’une, sur l’équilibre entre droits sociaux fondamentaux et libertés économiques, et pour l’autre, sur le détachement de travailleurs.

2.7.

En mars 2010, les partenaires sociaux européens ont rendu un rapport (5) sur les conséquences des arrêts rendus par la Cour de justice de l’Union européenne, qui soulignait l’ampleur de leurs divergences. Alors que BusinessEurope s’opposait à la révision de la directive (tout en reconnaissant la nécessité d’éclaircir certains aspects liés à son exécution), la CES appelait à la modifier en profondeur.

2.8.

La Commission a publié en décembre 2012 une proposition relative à l’exécution de la directive 96/71/CE. La directive d’exécution  (6) instaure un cadre commun établissant les dispositions, les mesures et les mécanismes de contrôle appropriés en vue de l’amélioration et de l’uniformisation de la mise en œuvre, de l’application et de l’exécution pratiques des dispositions de la directive 96/71/CE, ainsi que les mesures visant à prévenir et à sanctionner tout contournement ou toute violation des règles applicables. Elle prévoit par ailleurs des garanties pour protéger les droits des travailleurs détachés et supprimer les entraves injustifiées à la libre prestation des services.

2.9.

Le délai de transposition de la directive d’exécution était fixé au 18 juin 2016. Le 18 juin 2019 au plus tard, la Commission doit présenter au Parlement européen, au Conseil et au CESE un rapport sur son application et sa mise en œuvre, et le cas échéant, proposer des amendements et des modifications. Lors de sa révision, la Commission, après consultation des États membres et des partenaires sociaux européens, évaluera l’adéquation et l’efficacité de toutes les mesures mises en place et en application, y compris l’adéquation des données disponibles en matière de détachement de travailleurs.

3.   Proposition visant à procéder à une révision ciblée de la directive sur le détachement des travailleurs

3.1.

Selon les dernières données disponibles, on comptait plus de 1,9 million de détachements dans l’Union européenne en 2014, ce qui représente 0,7 % (7) de la main-d’œuvre totale de l’Union européenne. Cela représente une hausse de 10,3 % par rapport à 2013 et de 44,4 % par rapport à 2010. Ces statistiques reposent sur le nombre de formulaires A1 édités par les autorités nationales compétentes en matière de sécurité sociale; le nombre de travailleurs détachés de facto sans être enregistrés est inconnu.

3.2.

La directive de 1996 relative au détachement des travailleurs a instauré un cadre réglementaire à l’échelle de l’Union européenne afin d’assurer un équilibre juste et équitable entre les objectifs consistant à promouvoir et faciliter la prestation transfrontalière de services, à protéger les travailleurs détachés et à garantir des conditions de concurrence équitables entre prestataires étrangers et locaux.

3.3.

La Commission vient de présenter une proposition de révision ciblée de cette directive, dans le double but de lutter contre les pratiques déloyales (8) et de promouvoir le principe selon lequel un même travail effectué au même endroit devrait être rémunéré de manière identique.

3.4.

La proposition a été publiée avant le délai fixé pour la transposition de la directive d’exécution de 2014 et avant qu’une évaluation de l’application de celle-ci n’ait pu être effectuée. De nombreux problèmes posés par le détachement de travailleurs sont toujours liés à un recours insuffisant à des mesures coercitives et à l’absence de contrôles dans les États membres. Dans le même temps, le principal objectif de la proposition de révision est de clarifier le principe de l’égalité de rémunération. Cet objectif ne peut être atteint qu’en révisant la directive 96/71/CE elle-même.

3.5.

À cet égard, le CESE avait déjà reconnu que la mise en œuvre effective de la directive relative au détachement des travailleurs ne devait pas «exclure une révision partielle de la directive concernant le détachement des travailleurs afin de consentir une application cohérente du principe du lieu de travail, assurant ainsi par voie législative que des conditions de travail et de rémunération identiques doivent toujours être appliquées pour un même travail effectué au même endroit» (9).

3.6.

La proposition a été publiée sans aucune consultation préalable des partenaires sociaux européens qui, dans une lettre conjointe adressée à la Commission, ont demandé à être dûment consultés conformément aux dispositions de l’article 154, paragraphe 2, du TFUE.

3.7.

La publication de la proposition de la Commission européenne a suscité des réactions variées, divisant les États membres, les partenaires sociaux et les entreprises elles-mêmes. La directive proposée ne devrait pas nuire à la compétitivité ou créer de nouveaux obstacles pour les prestataires de services transfrontières. La révision devrait, dans le même temps, garantir une concurrence loyale au sein du marché unique et empêcher les discriminations entre travailleurs sur la base de la nationalité.

3.8.

Conformément au protocole no 2 annexé aux traités (10), quatorze chambres de parlements nationaux ont remis à la Commission des avis motivés affirmant que la proposition de la Commission relative à la révision de la directive sur le détachement de travailleurs n’était pas conforme au principe de subsidiarité, et exigeant le déclenchement de la procédure du carton jaune. À l’issue de son examen de la subsidiarité, la Commission a conclu (11), le 20 juillet dernier, que la proposition de révision ciblée de la directive 96/71/CE respectait le principe de subsidiarité consacré à l’article 5, paragraphe 3, du TUE et qu’il n’était pas nécessaire de retirer ou de modifier cette proposition. En conséquence, elle a maintenu sa proposition.

3.9.

Une partie du monde de l’entreprise est d’avis que la proposition est contraire au principe de proportionnalité. Certaines entreprises sont convaincues que les modifications proposées entraîneront une insécurité juridique et des obligations administratives supplémentaires. Elles pensent que la révision risque d’affecter particulièrement les entreprises des États membres affichant de faibles niveaux de salaire qui ont l’intention de fournir des services transfrontaliers au sein du marché unique, et que cela serait contraire à l’intention de renforcer le processus de convergence au sein de l’Union européenne et aux efforts consentis en ce sens.

3.10.

D’autres parties prenantes, notamment les syndicats, estiment que la proposition de révision, en particulier la notion de «rémunération égale pour un travail égal sur un même lieu de travail», est susceptible de garantir une égalité de traitement aux entreprises et des droits aux travailleurs plus équitables dans l’Union européenne. Elle permettra également de renforcer les processus de convergence ascendante au sein de l’Union européenne, notamment en éliminant les différences salariales entre travailleurs des anciens et des nouveaux États membres.

3.11.

La proposition de la Commission était accompagnée d’une analyse d’impact (12) établissant que les mesures proposées dans le cadre de la mise en œuvre de la directive révisée auraient des effets différents selon les États membres, secteurs et entreprises, et constatant que le caractère très incomplet des données relatives au détachement de travailleurs restait un problème irrésolu.

3.12.

En 2010, la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound) a publié un rapport intitulé «Travailleurs détachés dans l’Union européenne» (13), consacré à la situation au sein des États membres de l’Union européenne et de la Norvège. Ce document dresse la liste des sources d’information disponibles sur le nombre de détachements et fournit des données chiffrées pour les pays qui en produisent. Les travaux d’Eurofound montrent que les données relatives au nombre et aux caractéristiques générales des travailleurs détachés dans l’ensemble de l’Union européenne sont insuffisantes.

3.13.

Ce rapport d’Eurofound est suivi de deux travaux de recherche récents consacrées à une mobilité plus équitable sur le marché du travail: Topical update on Member States’ progress in transposing Enforcement directive on posting of workers («Mise à jour sur les progrès réalisés par les États membres dans la transposition de la directive d’exécution relative au détachement des travailleurs») et Exploring the fraudulent contracting of work in the European Union («Étude sur les fraudes en matière de contrats de travail dans l’Union européenne») (14).

4.   Principales modifications contenues dans la proposition de révision de la directive 96/71/CE

4.1.    Rémunération

4.1.1.

La Commission propose de remplacer la notion de «taux de salaire minimal» par celle de «rémunération». D’après la proposition de la Commission, la rémunération intègre l’ensemble des éléments constitutifs de la rémunération qui sont imposés par l’État membre d’accueil.

4.1.2.

La Commission a présenté cette proposition en réponse à de nombreux appels l’invitant à prendre des mesures pour éradiquer les causes des écarts salariaux. Selon la Commission, les conditions appliquées aux travailleurs locaux divergent de celles appliquées aux travailleurs détachés. Selon l’analyse d’impact qui accompagne la proposition, l’écart salarial entre travailleurs locaux et travailleurs détachés se situerait entre 10 % et 50 %, selon le pays et le secteur concernés. La différence entre les conditions salariales entraîne une distorsion de la concurrence entre les entreprises. La notion de «taux de salaire minimal» n’équivaut pas aux règles obligatoires qui sont appliquées aux travailleurs locaux.

4.1.3.

Selon la Commission, la notion de «rémunération» pourrait dès lors mieux contribuer à l’établissement de conditions équitables au sein du marché unique des services. Le concept de «rémunération» couvre tous les éléments qui sont versés aux travailleurs locaux, à condition qu’ils soient fixés par la loi ou une convention collective généralement applicable à toutes les entreprises similaires faisant partie de la zone géographique et appartenant au secteur ou à la profession concerné, et/ou, en l’absence d’un tel système, par des conventions collectives conclues par les organisations de partenaires sociaux les plus représentatives sur le plan national, qui sont appliquées sur l’ensemble du territoire national. La «rémunération» pourrait inclure des éléments qui ne sont pas pris en compte dans le concept de «taux de salaire minimal», tels que les primes d’ancienneté, les majorations et suppléments pour travaux salissants, pénibles ou dangereux, les primes de qualité, le 13e mois, les frais de transport, les titres-repas — bien que la plupart des pays d’accueil aient déjà intégré plusieurs de ces éléments dans le «taux de salaire minimal».

4.1.4.

La Commission estime que l’introduction de la notion de «rémunération» devrait contribuer à définir plus précisément les éléments constitutifs de la rémunération et à réduire les différences dans l’application obligatoire des conventions collectives selon le secteur concerné. La notion de «rémunération» devrait également lever toute incertitude quant au niveau de rémunération qui doit être garanti aux travailleurs détachés. La révision proposée vise à codifier la jurisprudence de la Cour de justice européenne dans l’affaire C-396/13 Sähköalojen ammattiliitto et, ce faisant, à accroître considérablement la sécurité juridique tant pour les travailleurs que pour les entreprises (15).

4.1.5.

La Commission affirme que la proposition n’affectera pas les compétences et traditions des États membres en matière de fixation des salaires et qu’elle respecte le rôle autonome majeur des partenaires sociaux. Dans ce contexte, il est inquiétant de lire que la Commission propose de supprimer le passage de la directive actuelle qui précise que le taux de salaire minimal est défini conformément au droit et/ou aux pratiques nationales de l’État membre dans lequel le travailleur est détaché. Cette disposition est importante car elle établit le respect de la diversité des systèmes nationaux de relations entre les partenaires sociaux.

4.1.6.

Aux fins de la directive à l’examen, la notion de rémunération est définie conformément à la législation nationale, aux conventions collectives et/ou aux pratiques qui ont cours dans l’État membre sur le territoire duquel le travailleur est détaché.

4.1.7.

Cette directive n’empêche pas l’application des conditions de travail et d’emploi du pays d’accueil ou du pays d’origine du travailleur détaché qui sont plus favorables aux travailleurs, en particulier par l’exercice du droit fondamental des travailleurs et des employeurs de négocier et de conclure des conventions collectives aux niveaux appropriés et de recourir à des actions collectives visant à défendre leurs intérêts, y compris les actions de grève, dans le but de protéger et d’améliorer les conditions de vie et de travail des travailleurs, y compris le droit à l’égalité de traitement.

4.1.8.

Afin de garantir la mise en œuvre effective de la directive d’exécution, les États membres sont tenus de rassembler sur un même site web les informations relatives aux conditions de travail applicables aux travailleurs détachés sur leur territoire. Ce processus ne doit pas être influencé négativement par une nouvelle proposition, quelle qu’elle soit.

4.1.9.

Les membres du CESE ont débattu en profondeur de la question de la «rémunération», en tenant compte de toutes les implications de ce nouveau concept.

4.1.10.

Certains membres estiment que ce nouveau concept est la seule manière de garantir l’égalité des conditions de travail entre travailleurs détachés et travailleurs locaux, en éliminant les écarts salariaux et en garantissant des conditions de concurrence équitables entre les entreprises. Afin de garantir la pleine application du principe de l’égalité de rémunération, les conventions collectives qui sont effectivement appliquées sur le lieu de travail doivent être respectées, qu’elles soient universellement ou généralement applicables.

4.1.11.

D’autres estiment que l’introduction de ce nouveau concept pourrait accroître l’insécurité juridique et la confusion ainsi que les charges administratives et financières. Toute discussion sur le détachement devrait tenir compte du fait que les situations des sociétés étrangères ne sont pas les mêmes que celles des sociétés nationales. Un prestataire de services étranger qui souhaite détacher des travailleurs supporte des coûts supplémentaires imputables au seul fait qu’il fournit des services dans un autre État membre — des frais d’exploitation supplémentaires (16) et des coûts de main-d’œuvre indirects liés au caractère transfrontière des services fournis (17).

4.2.    Détachement dépassant vingt-quatre mois

4.2.1.

Dans sa proposition, la Commission aborde la question de la durée du détachement: lorsque la durée prévue ou effective du détachement dépasse vingt-quatre mois, l’État membre sur le territoire duquel le travailleur est détaché est réputé être le pays dans lequel celui-ci accomplit habituellement son travail. Cette mesure est applicable dès que s’achèvent les vingt-quatre mois de détachement du travailleur. La Commission entend également introduire une durée cumulée de périodes de détachement en cas de remplacement des travailleurs.

4.2.2.

La directive initiale ne prévoit pas de limite fixe et dispose qu’aux fins de la directive, un «travailleur détaché» est un travailleur qui, pendant une période limitée, exécute son travail sur le territoire d’un État membre autre que l’État sur le territoire duquel il travaille habituellement.

4.2.3.

Le CESE approuve le principe de la limitation de la durée du détachement des travailleurs établi par les dispositions réglementaires de la directive sur le détachement. Dans la pratique, les détachements de longue durée ou répétitifs, voire les détachements s’enchaînant sur plusieurs années, sont monnaie courante. Du point de vue du CESE, la limitation à vingt-quatre mois s’avère toutefois inadaptée dans la pratique et devrait être considérablement réduite. Ainsi, la durée moyenne des détachements en 2014 était inférieure à quatre mois (103 jours). C’est pourquoi une règle de cumul ne s’appliquant qu’à partir d’une durée de détachement de 6 mois serait inopérante. Il conviendrait donc de fixer la durée maximale de détachement à 6 mois en tout.

4.2.4.

Dès lors, le CESE préconise une règle en vertu de laquelle les périodes de détachement seraient agrégées à compter du premier jour. Pour que cette réglementation ne se traduise pas par un simple échange de travailleurs détachés, il importe que le lieu de travail concret reste le point de référence à cet égard. Dans ce contexte, l’employeur doit être tenu de garantir la transparence quant aux lieux de travail et de fournir par exemple aux salariés et aux autorités compétentes des informations sur le nombre de salariés employés auparavant sur le site considéré et sur quelle durée.

4.2.5.

Le CESE se félicite qu’en cas de dépassement de la durée maximale de détachement, ce soit en principe le droit de l’État membre d’accueil qui s’applique. Toutefois, du point de vue du CESE, le fait que le considérant 8 fasse référence au règlement Rome I («Le travailleur bénéficiera en particulier de la protection et des prestations prévues par le règlement Rome I») pose problème. Conformément à l’article 8 du règlement Rome I, le contrat individuel de travail est en principe régi par la loi choisie par les parties.

4.3.    Sous-traitance

4.3.1.

La proposition de la Commission donne aux États membres la possibilité d’appliquer aux travailleurs d’une chaîne de sous-traitance les mêmes conditions que celles qui sont appliquées par le contractant principal. Ces conditions devraient s’appliquer de la même manière aux sous-traitants tant nationaux que transfrontaliers, conformément au principe de non-discrimination.

4.3.2.

Il existe de grandes disparités entre les dispositions législatives, réglementaires et administratives ou les conventions collectives applicables dans les États membres destinées à empêcher les entreprises de recourir à la sous-traitance pour contourner la réglementation garantissant certaines conditions de travail et d’emploi concernant la rémunération. Aucun élément ne permet de déterminer combien d’États membres appliquent déjà un système de ce type et, dans son analyse d’impact, la Commission n’a présenté aucune analyse détaillée des conséquences potentielles de ces règles.

4.3.3.

Toutefois, pour assurer une mise en pratique effective de cette partie de la proposition, il pourrait être utile de faire référence à une règle de responsabilité solidaire tout au long des chaînes de sous-traitance, telle qu’introduite par l’article 12 de la directive d’exécution (18).

4.3.4.

Par ailleurs, l’expression «certaines conditions de travail et d’emploi concernant la rémunération» est vague et entraînerait de l’insécurité juridique, des divergences d’interprétation et d’éventuels conflits avec d’autres passages de la directive. Cela engendrerait également des difficultés de comparaison et de nombreux autres problèmes d’ordre purement pratique, tels que l’accès à l’information (également en relation avec l’obligation des gouvernements de publier ces informations en vertu de l’article 5 de la directive 2014/67/UE) et l’existence de conventions collectives.

4.3.5.

Il est également difficile de déterminer comment la Commission définirait et exécuterait des tests de non-discrimination et de proportionnalité en rapport avec ces dispositions.

4.3.6.

En outre, il conviendra d’introduire des dispositions adéquates pour vérifier l’authenticité du statut d’indépendant des sous-traitants, conformément aux normes des États membres.

4.4.    Travail intérimaire

4.4.1.

La Commission établit une nouvelle obligation pour les États membres en ajoutant un nouveau paragraphe qui établit les conditions applicables aux travailleurs visés à l’article 1er, paragraphe 3, point c), de la directive, à savoir les travailleurs mis à disposition par une entreprise de travail intérimaire établie dans un État membre autre que l’État membre d’établissement de l’entreprise utilisatrice. Les entreprises visées à l’article 1er, paragraphe 3, point c), devront garantir aux travailleurs détachés les conditions qui sont applicables, conformément à l’article 5 de la directive 2008/104/CE relative au travail intérimaire (19), aux travailleurs intérimaires mis à disposition par des entreprises de travail intérimaire établies dans l’État membre dans lequel le travail est exécuté.

4.4.2.

Le CESE estime que cette nouvelle disposition n’est pas nécessaire puisque la directive initiale relative au détachement des travailleurs prévoyait déjà cette possibilité à l’article 3, paragraphe 9. Les États membres peuvent prévoir que les entreprises visées à l’article 1er, paragraphe 1, garantissent aux travailleurs au sens de l’article 1er, paragraphe 3, point c), le bénéfice des conditions qui sont applicables aux travailleurs intérimaires dans l’État membre sur le territoire duquel le travail est exécuté. La majorité des pays d’accueil ont déjà eu recours à la possibilité d’appliquer la directive 2008/104/CE.

4.4.3.

Le CESE considère que la Commission devrait s’en tenir au système existant. Il faut tenir compte du fait que les dispositions de la directive 2008/104/CE s’appliquent à la situation au sein des différents États membres, alors que la directive 96/71/CE s’applique aux activités transfrontalières. Ce point a été reconnu par la Commission elle-même dans son rapport sur l’application de la directive 2008/104/CE relative au travail intérimaire (20).

4.4.4.

Le CESE fait observer que l’article 5 de la directive 2008/104/CE a une portée beaucoup plus large que l’article 3, paragraphe 9, de la directive 96/71/CE, ce qui pourrait paradoxalement entraîner une divergence dans les conditions de détachement des travailleurs, en vertu de l’article 1er, paragraphe 3, points a) et b), et de l’article 1er, paragraphe 3, point c), de la réglementation en vigueur.

5.   Actions supplémentaires

5.1.

La Commission devrait encourager les États membres à transposer la directive (21) s’ils ne l’ont pas encore fait et faire en sorte qu’ils la mettent tous en œuvre de manière adéquate. Deux ans plus tard, la Commission devrait évaluer ses retombées et déterminer si les mesures prises ont conduit à une mise en œuvre et une application adéquates et efficaces, étant donné que celles-ci constituent des éléments essentiels en vue d’assurer la protection des droits des travailleurs détachés et de garantir des conditions de concurrence équitables pour les prestataires de services.

5.2.

La Commission devrait fournir une analyse approfondie de la situation dans les divers États membres de l’Union européenne, ainsi que de véritables informations quantitatives sur les travailleurs détachés, et les moyens de mise en œuvre et d’application de la directive en vigueur.

5.3.

La disponibilité de données fiables sur les travailleurs détachés est une condition préalable à tout véritable débat sur leurs caractéristiques spécifiques et besoin de protection.

5.4.

Si la Commission veut garantir une concurrence loyale, elle doit maintenant aussi se concentrer sur la lutte contre les pratiques frauduleuses et l’éradication du phénomène de travail irrégulier ou non déclaré, essentiellement sous forme de l’usage abusif de sociétés «boîtes aux lettres».

5.5.

La Commission doit accélérer la convergence économique et sociale ascendante au sein de l’Union européenne, tout en garantissant une mobilité équitable des travailleurs dans le cadre de la prestation transfrontalière de services.

5.6.

La Commission devrait consulter les partenaires sociaux, reconnaître leur autonomie et respecter les conventions collectives pertinentes dans ce domaine.

5.7.

Le CESE préconise d’expliquer clairement dans le cadre de la révision que la directive sur le détachement n’est pas un simple instrument du marché intérieur mais aussi un instrument de protection des travailleurs. Cela nécessite une extension de la base juridique de manière à prendre en compte des bases juridiques en matière de politique sociale (articles 153 et 155 du TFUE). La révision de la directive doit également servir à corriger l’interprétation erronée de la directive sur le détachement induite par une série d’arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne (dans les affaires Laval, Rüffert, Commission contre Luxembourg), afin que celle-ci ne soit plus considérée comme une norme maximale et qu’elle retrouve son caractère de norme minimale.

Bruxelles, le 14 décembre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Directive 2014/67/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 relative à l’exécution de la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services et modifiant le règlement (UE) no 1024/2012 du Parlement européen et du Conseil concernant la coopération administrative par l’intermédiaire du système d’information du marché intérieur («règlement IMI») (JO L 159 du 28.5.2014, p. 11).

(2)  Directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services (JO L 18 du 21.1.1997, p. 1).

(3)  Voir note 2 de bas de page.

(4)  COM(2010) 608 final/2.

(5)  Ce document a été présenté durant la conférence sur le détachement des travailleurs et les droits du travail organisée par la présidence espagnole de l’Union européenne, qui s’est tenue à Oviedo le 23 mars 2010. Les débats ont de nouveau montré les clivages entre les parties prenantes.

(6)  Voir note 1 de bas de page.

(7)  Voir le document de la Commission européenne Posting of workers, Report on A1 portable documents issued in 2014 («Détachement de travailleurs: rapport sur des documents portables A1 publiés en 2014»), publié en décembre 2015. Il est nécessaire de tenir compte du fait que la situation varie d’un pays à l’autre et que le chiffre de 0,7 % ne représente qu’une moyenne. La réalité se situe quelque part entre 0,5 et 3,6 %, et les conséquences diffèrent également selon les États membres.

(8)  Voir aussi l’avis du CESE sur «Une mobilité des travailleurs plus équitable au sein de l’Union européenne», adopté le 27 avril 2016 (JO C 264 du 20.7.2016, p. 11).

(9)  Avis du CESE sur «La dimension sociale du marché intérieur», adopté le 14.7.2010, paragraphe 1.7 (JO C 44 du 11.2.2011, p. 90).

(10)  Protocole no 2 annexé aux traités sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

(11)  Voir la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil et aux parlements nationaux relative à la proposition de directive modifiant la directive concernant le détachement de travailleurs, en ce qui concerne le principe de subsidiarité, conformément au protocole no 2, COM(2016) 505 final du 20 juillet 2016.

(12)  Analyse d’impact accompagnant la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services, SWD(2016) 52 final du 8 mars 2016.

(13)  Rapport d’Eurofound intitulé «Travailleurs détachés dans l’Union européenne», Roberto Pedersini et Massimo Pallini, publié en 2010 (en anglais).

(14)  Les conclusions préliminaires de ces deux projets de recherche ont été présentées lors de la conférence organisée le 28 septembre 2016 par l’observatoire du marché du travail du CESE sur le thème «Vers une mobilité des travailleurs plus équitable au sein de l’Union européenne». Voir Eurofound (2016) EurWORK Topical update on «Member States’ progress in transposing Enforcement Directive on posting of workers» et Eurofound (2016) «Exploring the fraudulent contracting of work in the European Union» (en anglais).

(15)  Dans l’affaire C-396/13 Sähköalojen ammattiliitto du 12 février 2015, la Cour de justice a jugé que «les taux de salaire minimal» ne sauraient dépendre du libre choix de l’employeur détachant des salariés, à la seule fin de proposer un coût du travail moins élevé que celui des travailleurs locaux. La Cour a également statué que les indemnités journalières venant compenser l’envoi loin du lieu de résidence doivent également être versées aux travailleurs détachés, au même niveau que celles qui sont versées aux travailleurs locaux dans une situation similaire. La Cour de justice a donc rejeté l’argument selon lequel un employeur pourrait appliquer le niveau le plus faible dans la classe de rémunération, indépendamment des qualifications ou de l’ancienneté des travailleurs concernés.

(16)  Coûts indirects: coûts résultant de la nécessité de se familiariser avec les exigences administratives et la réglementation des autres États membres (procédures de notification, traduction des documents, coopération avec les autorités de contrôle, etc.).

(17)  Ces coûts de main-d’œuvre indirects liés au caractère transfrontière pourraient représenter jusqu’à 32 % des coûts de main-d’œuvre. Ce sont là quelques-unes des conclusions préliminaires d’une étude sur «Le coût de la main-d’œuvre dans les services transfrontières» réalisée par M. Marek Benio, du département d’économie publique et d’administration de l’université des sciences économiques de Cracovie. Ces conclusions ont été présentées lors de la conférence organisée le 28 septembre 2016 par l’observatoire du marché du travail du CESE sur le thème «Vers une mobilité des travailleurs plus équitable au sein de l’Union européenne».

(18)  

Article 12 de la directive 2014/67/UE relatif à la responsabilité du sous-traitant (voir note 1 de bas de page).

(19)  Directive 2008/104/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative au travail intérimaire (JO L 327 du 5.12.2008, p. 9).

(20)  Rapport de la Commission au Parlement européen, au conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Application de la directive 2008/104/CE relative au travail intérimaire, COM(2014) 176 final.

(21)  Voir note 1 de bas de page.


ANNEXE

Le contravis suivant, qui a recueilli au moins un quart des suffrages exprimés, a été rejeté au cours des débats:

Contravis:

Remplacer l’avis dans sa totalité par le texte suivant (l’exposé des motifs figure à la fin du présent document):

1.    Conclusions et propositions

1.1.

Le CESE se félicite de constater que la Commission européenne s’engage à œuvrer en faveur d’un marché unique approfondi et plus équitable et en a fait l’une des principales priorités de son mandat, et qu’elle s’efforce de donner un coup de fouet supplémentaire à la prestation transfrontière de services, par l’intermédiaire de son plan d’investissement pour l’Europe.

1.2.

Le CESE soutient la décision de la Commission de mettre en application la directive d’exécution 2014/67/UE  (1) afin d’améliorer l’interprétation et la mise en œuvre communes de la directive 96/71/CE  (2) relative au détachement de travailleurs, qui représente toutefois un instrument équilibré, garantissant à la fois la libre prestation de services et les droits des travailleurs détachés.

1.3.

La directive d’exécution et l’actuelle proposition de révision ciblée de la directive relative au détachement des travailleurs abordent des aspects différents de la pratique du détachement des travailleurs. Elles n’en sont pas moins complémentaires, et les résultats attendus de la mise en œuvre de la directive d’exécution pourraient également fournir une vision plus précise de la situation réelle.

1.4.

À ce jour, tous les États membres n’ont pas achevé la transposition de cette dernière directive. Le CESE attend du rapport de la Commission, prévu pour le 18 juin 2019 au plus tard, qu’il dresse un tableau fiable de son application et de sa mise en œuvre. Certains membres du CESE recommandent d’attendre ce rapport avant de proposer tout nouvel amendement et toute nouvelle modification.

1.5.

Certains membres du CESE estiment que l’introduction de la révision ciblée est prématurée et qu’elle ne respecte pas le principe de «mieux légiférer». En associant les mesures d’application et les nouvelles propositions, une telle approche pourrait ralentir la transposition de la directive de 2014.

1.6.

Le CESE estime que l’on manque toujours de données concernant les détachements à travers l’Europe, ce qui peut être une source de préoccupations en ce qui concerne le principe de proportionnalité, et plus précisément le fait de savoir si l’analyse d’impact qui accompagne la révision prévue offre une vision claire de la situation réelle.

1.7.

Le fait d’introduire des changements en se fondant uniquement sur une analyse d’impact très sommaire, sur la base de données incomplètes et sans tenir compte des différents niveaux de performance économique au sein de l’Union européenne, ne pourra que déboucher sur de nouvelles divisions entre les États membres et saper les efforts déployés par la Commission pour favoriser la convergence, l’intégration et la confiance en Europe.

1.8.

Le CESE souligne que le rôle exclusif des partenaires sociaux n’a pas été respecté et se demande pourquoi ils n’ont pas été consultés en bonne et due forme conformément à l’article 154, paragraphe 2, du TFUE.

1.9.

Un aspect primordial de la révision ciblée proposée par la Commission européenne reste la notion de «rémunération». Les membres du CESE ne sont pas les seuls à cet égard à mener des réflexions approfondies à la fois sur la possibilité de «salaire minimal» clarifiée par la jurisprudence et sur un nouveau mode de calcul des rémunérations. Certains membres voient en cette nouvelle approche un moyen d’améliorer les conditions dans lesquelles évoluent les travailleurs détachés et de garantir qu’elles soient identiques à celles des travailleurs locaux. Dans le même temps, d’autres membres estiment que cette proposition n’est pas adaptée à la réalité des entreprises en ce qu’elle représente pour ces dernières une source d’incertitude et qu’elle accroît leurs charges administratives et financières.

1.10.

Le CESE n’est pas convaincu de la nécessité d’introduire des règles strictes en ce qui concerne la durée des périodes de détachement. L’expérience montre que dans les faits, les détachements de très longue durée ne constituent pas un problème majeur pour les entreprises européennes.

2.    Cadre politique européen

2.1.

La libre circulation des travailleurs, la liberté d’établissement et la libre prestation des services sont des principes fondamentaux de l’Union européenne.

2.2.

Il convient d’établir une distinction entre la libre circulation des travailleurs et la libre prestation de services énoncée à l’article 56 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). La libre circulation des travailleurs donne à tout citoyen le droit de se rendre librement dans un autre État membre pour y travailler et d’y résider à cette fin, et le protège contre toute discrimination en matière d’emploi, de rémunération et de conditions de travail par rapport aux ressortissants de cet État membre.

2.3.

La libre prestation des services, quant à elle, donne aux entreprises le droit de fournir des services dans un autre État membre. À cet effet, elles peuvent détacher temporairement leurs propres travailleurs dans un autre État membre, pour qu’ils y effectuent le travail nécessaire à la prestation des services.

2.4.

Le 16 décembre 1996, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont adopté la directive 96/71/CE relative au détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services  (3).

2.5.

La directive a pour objectif de concilier l’exercice de la liberté de fournir des services transfrontaliers conformément à l’article 56 du TFUE et la protection appropriée des droits des travailleurs détachés temporairement à l’étranger à cet effet.

2.6.

En octobre 2010, dans sa communication intitulée «Vers un Acte pour le Marché unique: pour une économie sociale de marché hautement compétitive — 50 propositions pour mieux travailler, entreprendre et échanger ensemble»  (4) , la Commission a fait deux propositions destinées à rétablir la confiance et le soutien des citoyens, portant, pour l’une, sur l’équilibre entre droits sociaux fondamentaux et libertés économiques, et pour l’autre, sur le détachement de travailleurs.

2.7.

En mars 2010, les partenaires sociaux européens ont rendu un rapport  (5) sur les conséquences des arrêts rendus par la Cour de justice de l’Union européenne, qui soulignait l’ampleur de leurs divergences. Alors que BusinessEurope s’opposait à la révision de la directive (tout en reconnaissant la nécessité d’éclaircir certains aspects liés à son exécution), la CES appelait à la modifier en profondeur.

2.8.

La Commission a publié en décembre 2012 une proposition relative à l’exécution de la directive 96/71/CE. La directive d’exécution  (6) instaure un cadre commun établissant les dispositions, les mesures et les mécanismes de contrôle appropriés en vue de l’amélioration et de l’uniformisation de la mise en œuvre, de l’application et de l’exécution pratiques des dispositions de la directive 96/71/CE, ainsi que les mesures visant à prévenir et à sanctionner tout contournement ou toute violation des règles applicables. Elle prévoit par ailleurs des garanties pour protéger les droits des travailleurs détachés et supprimer les entraves injustifiées à la libre prestation des services.

2.9.

Le délai de transposition de la directive d’exécution était fixé au 18 juin 2016. Le 18 juin 2019 au plus tard, la Commission doit présenter au Parlement européen, au Conseil et au CESE un rapport sur son application et sa mise en œuvre, et le cas échéant, proposer des amendements et des modifications. Lors de sa révision, la Commission, après consultation des États membres et des partenaires sociaux européens, évaluera l’adéquation et l’efficacité de toutes les mesures mises en place et en application, y compris l’adéquation des données disponibles en matière de détachement de travailleurs.

3.    Proposition visant à procéder à une révision ciblée de la directive sur le détachement des travailleurs

3.1.

Selon les dernières données disponibles, on comptait plus de 1,9 million de détachements dans l’Union européenne en 2014, ce qui représente 0,7 %  (7) de la main-d’œuvre totale de l’Union européenne. Cela représente une hausse de 10,3 % par rapport à 2013 et de 44,4 % par rapport à 2010. Ces statistiques reposent sur le nombre de formulaires A1 édités par les autorités nationales compétentes en matière de sécurité sociale; le nombre de travailleurs détachés de facto sans être enregistrés est inconnu.

3.2.

La directive de 1996 relative au détachement des travailleurs a instauré un cadre réglementaire à l’échelle de l’Union européenne afin d’assurer un équilibre juste et équitable entre les objectifs consistant à promouvoir et faciliter la prestation transfrontalière de services, à protéger les travailleurs détachés et à garantir des conditions de concurrence équitables entre prestataires étrangers et locaux.

3.3.

Cependant, la Commission vient de présenter une proposition de révision ciblée de cette directive, dans le double but de lutter contre les pratiques déloyales  (8) et de promouvoir le principe selon lequel un même travail effectué au même endroit devrait être rémunéré de manière identique.

3.4.

La proposition a été publiée avant le délai fixé pour la transposition de la directive d’exécution de 2014 et avant qu’une évaluation de l’application de celle-ci n’ait pu être effectuée. De nombreux problèmes posés par le détachement de travailleurs sont toujours liés à un recours insuffisant à des mesures coercitives et à l’absence de contrôles dans les États membres.

3.5.

De plus, la proposition a été publiée sans aucune consultation préalable des partenaires sociaux européens qui, dans une lettre conjointe adressée à la Commission, ont demandé à être dûment consultés conformément aux dispositions de l’article 154, paragraphe 2, du TFUE: «Nous vous écrivons aujourd’hui pour demander à la Commission de prendre le temps nécessaire pour consulter comme il se doit les partenaires sociaux avant de lancer sa proposition»  (9).

3.6.

La publication de la proposition de la Commission européenne a suscité des réactions variées, divisant les États membres, les partenaires sociaux et les entreprises elles-mêmes. La directive proposée ne devrait pas nuire à la compétitivité ou créer de nouveaux obstacles pour les prestataires de services transfrontières.

3.7.

Conformément au protocole no 2 annexé aux traités  (10) , quatorze chambres de parlements nationaux ont remis à la Commission des avis motivés affirmant que la proposition de la Commission relative à la révision de la directive sur le détachement de travailleurs n’était pas conforme au principe de subsidiarité, et exigeant le déclenchement de la procédure du carton jaune. À l’issue de son examen de la subsidiarité, la Commission a conclu  (11) , le 20 juillet dernier, que la proposition de révision ciblée de la directive 96/71/CE respectait le principe de subsidiarité consacré à l’article 5, paragraphe 3, du TUE et qu’il n’était pas nécessaire de retirer ou de modifier cette proposition. En conséquence, elle a maintenu sa proposition.

3.8.

Une partie du monde de l’entreprise est d’avis que la proposition est contraire au principe de proportionnalité. Certaines entreprises sont convaincues que les modifications proposées entraîneront une insécurité juridique et des obligations administratives supplémentaires. La révision risque d’affecter particulièrement les entreprises des États membres affichant de faibles niveaux de salaire qui ont l’intention de fournir des services transfrontaliers au sein du marché unique, ce qui serait contraire à l’intention de renforcer le processus de convergence au sein de l’Union européenne et aux efforts consentis en ce sens.

3.9.

D’autres parties prenantes, notamment les syndicats, estiment que la proposition de révision, en particulier la notion de «rémunération égale pour un travail égal sur un même lieu de travail», est susceptible de garantir une égalité de traitement aux entreprises et des droits aux travailleurs plus équitables dans l’Union européenne.

3.10.

La proposition de la Commission était accompagnée d’une analyse d’impact  (12) établissant que les mesures proposées dans le cadre de la mise en œuvre de la directive révisée auraient des effets différents selon les États membres, secteurs et entreprises, et constatant que le caractère très incomplet des données relatives au détachement de travailleurs restait un problème irrésolu.

3.11.

Les chiffres comparables sont tirés des documents portables A1 contenant les informations détaillées fournies par les entreprises qui détachent des travailleurs sur un territoire. L’exactitude des informations contenues dans les documents portables A1 ne peut être garantie du fait de l’absence de contrôles officiels par les autorités dans les pays d’origine des travailleurs détachés. Par conséquent, les chiffres présentés dans l’analyse d’impact représentent une simple estimation du nombre réel de détachements effectués et ne constituent pas une image précise de la réalité.

3.12.

En 2010, Eurofound a publié un rapport intitulé «Travailleurs détachés dans l’Union européenne»  (13) , consacré à la situation au sein des États membres de l’Union européenne et de la Norvège. Ce document dresse la liste des sources d’information disponibles sur le nombre de détachements et fournit des données chiffrées pour les pays qui en produisent. Les travaux d’Eurofound montrent que les données relatives au nombre et aux caractéristiques générales des travailleurs détachés dans l’ensemble de l’Union européenne sont insuffisantes.

3.13.

Ce rapport d’Eurofound est suivi de deux recherches récentes consacrées à une mobilité plus équitable sur le marché du travail: «Brief analysis of the EU Member States transposition of the “Enforcement” directive 2014/67 improving enforcement of directive 96/71/CE on the Posting of workers» (Brève analyse de la transposition, par les États membres de l’Union européenne, de la directive d’exécution 2014/67/UE améliorant l’exécution de la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs) et «Fraudulent forms of contracting work and self-employment» (Formes frauduleuses de relations de travail et d’activités indépendantes)  (14).

4.    Principales modifications contenues dans la proposition de révision de la directive 96/71/CE

4.1.    Rémunération

4.1.1.

La Commission propose de remplacer la notion de «taux de salaire minimal» par celle de «rémunération». D’après la proposition de la Commission, la rémunération intègre l’ensemble des éléments constitutifs de la rémunération qui sont imposés par l’État membre d’accueil.

4.1.2.

La Commission a présenté cette proposition en réponse à de nombreux appels l’invitant à prendre des mesures pour éradiquer les causes des écarts salariaux. Selon la Commission, les conditions appliquées aux travailleurs locaux divergent de celles appliquées aux travailleurs détachés. Selon l’analyse d’impact qui accompagne la proposition, l’écart salarial entre travailleurs locaux et travailleurs détachés se situerait entre 10 % et 50 %, selon le pays et le secteur concernés. La différence entre les conditions salariales entraîne une distorsion de la concurrence entre les entreprises. La notion de «taux de salaire minimal» n’équivaut pas aux règles obligatoires qui sont appliquées aux travailleurs locaux.

4.1.3.

Selon la Commission, la notion de «rémunération» pourrait dès lors mieux contribuer à l’établissement de conditions équitables au sein du marché unique des services. Le concept de «rémunération» couvre tous les éléments qui sont versés aux travailleurs locaux, à condition qu’ils soient fixés soit par la loi ou une convention collective généralement applicable à toutes les entreprises similaires faisant partie de la zone géographique et appartenant au secteur ou à la profession concerné, soit par des conventions collectives conclues par les organisations de partenaires sociaux les plus représentatives sur le plan national, qui sont appliquées sur l’ensemble du territoire national. La «rémunération» pourrait inclure des éléments qui ne sont pas pris en compte dans le concept de «taux de salaire minimal», tels que la prime d’ancienneté, les majorations et suppléments pour travaux salissants, pénibles ou dangereux, les primes de qualité, le 13e mois, les frais de transport, les titres-repas — bien que la plupart des pays d’accueil aient déjà intégré plusieurs de ces éléments dans le «taux de salaire minimal».

4.1.4.

La Commission estime que l’introduction de la notion de «rémunération» devrait contribuer à définir plus précisément les éléments constitutifs de la rémunération et à réduire les différences dans l’application obligatoire des conventions collectives selon le secteur concerné.

4.1.5.

Néanmoins, le terme «rémunération» peut être jugé imprécis, ce qui laisse une grande marge d’interprétation et créera une insécurité juridique. Si elle suscite un certain nombre de doutes, la notion de «taux de salaire minimal» est plus précise et plus facile à définir.

4.1.6.

La Commission affirme que la proposition n’affectera pas les compétences et traditions des États membres en matière de fixation des salaires et qu’elle respecte le rôle autonome majeur des partenaires sociaux. Dans ce contexte, il est inquiétant de lire que la Commission propose de supprimer le passage de la directive actuelle qui précise que le taux de salaire minimal est défini conformément au droit et/ou aux pratiques nationales de l’État membre dans lequel le travailleur est détaché. Cette disposition est importante car elle établit le respect de la diversité des systèmes nationaux de relations entre les partenaires sociaux.

4.1.7.

Aux fins de la directive à l’examen, la notion de rémunération est définie conformément à la législation nationale en vigueur et/ou aux pratiques qui ont cours dans l’État membre sur le territoire duquel le travailleur est détaché.

4.1.8.

Cette directive n’empêche pas l’application des conditions de travail et d’emploi du pays d’accueil ou du pays d’origine du travailleur détaché qui sont plus favorables aux travailleurs, en particulier par l’exercice du droit fondamental des travailleurs et des employeurs de négocier et de conclure des conventions collectives aux niveaux appropriés et de recourir à des actions collectives visant à défendre leurs intérêts, y compris les actions de grève, dans le but de protéger et d’améliorer les conditions de vie et de travail des travailleurs, y compris le droit à l’égalité de traitement.

4.1.9.

Afin de garantir la mise en œuvre effective de la directive d’exécution, les États membres sont tenus de rassembler sur un même site web les informations relatives aux conditions de travail applicables aux travailleurs détachés sur leur territoire. Les États membres pourraient retarder la mise en place de ce site web unique, étant donné que les conditions applicables sont susceptibles d’évoluer. Ce processus ne doit pas être influencé négativement par une nouvelle proposition, quelle qu’elle soit.

4.1.10.

Les membres du CESE ont débattu en profondeur de la question de la «rémunération», en tenant compte de toutes les implications de ce nouveau concept.

4.1.11.

Certains membres estiment que ce nouveau concept est la seule manière de garantir l’égalité des conditions de travail entre travailleurs détachés et travailleurs locaux, en éliminant les écarts salariaux et en garantissant des conditions de concurrence équitables entre les entreprises.

4.1.12.

D’autres estiment que l’introduction de ce nouveau concept pourrait accroître l’insécurité juridique et la confusion ainsi que les charges administratives et financières. Toute discussion sur le détachement devrait tenir compte du fait que les situations des sociétés étrangères ne sont pas les mêmes que celles des sociétés nationales. Un prestataire de services étranger qui souhaite détacher des travailleurs supporte des coûts supplémentaires imputables au seul fait qu’il fournit des services dans un autre État membre — des frais d’exploitation supplémentaires  (15) et des coûts de main-d’œuvre indirects liés au caractère transfrontière des services fournis  (16).

4.1.13.

En ce qui concerne l’extension du champ d’application des conventions collectives d’application générale à l’ensemble des secteurs, le CESE préconise de reconsidérer également l’extension automatique des sources de normes en matière d’emploi applicables aux travailleurs détachés, notamment dans les secteurs où aucun problème majeur ne se pose s’agissant du détachement des travailleurs.

4.2.    Détachement dépassant vingt-quatre mois

4.2.1.

Dans sa proposition, la Commission aborde la question de la durée du détachement: lorsque la durée prévue ou effective du détachement dépasse vingt-quatre mois, l’État membre sur le territoire duquel le travailleur est détaché est réputé être le pays dans lequel celui-ci accomplit habituellement son travail. Cette mesure est applicable dès que s’achèvent les vingt-quatre mois de détachement du travailleur. La Commission entend également introduire une durée cumulée de périodes de détachement en cas de remplacement des travailleurs.

4.2.2.

La directive initiale ne prévoit pas de limite fixe et dispose qu’aux fins de la directive, un «travailleur détaché» est un travailleur qui, pendant une période limitée, exécute son travail sur le territoire d’un État membre autre que l’État sur le territoire duquel il travaille habituellement.

4.2.3.

Afin d’éviter que ne se présentent des situations ambiguës dans lesquelles il est difficile de déterminer s’il y a détachement au sens de la directive sur le détachement de travailleurs, la directive d’exécution dresse, à l’article 3, paragraphes 1 et 2, une liste non exhaustive de critères qualitatifs caractéristiques à la fois de la nature temporaire inhérente à la notion de détachement pour la prestation de services ainsi que de l’existence d’un lien réel entre l’employeur et l’État membre depuis lequel le détachement est effectué.

4.2.4.

L’un des principaux arguments avancés était que ni le TFUE ni le règlement (CE) no 593/2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (règlement Rome I)  (17) ne peuvent servir de base pour l’adoption d’une période de référence de vingt-quatre mois lorsqu’il s’agit de déterminer le pays dans lequel le travail est habituellement accompli. En outre, il n’est pas opportun de recourir à une directive pour modifier le champ d’application d’un règlement, ni de définir différemment les termes du règlement Rome I aux fins de la directive sur le détachement des travailleurs. D’après les explications fournies par le service juridique de la Commission européenne dans son avis: «[Le nouvel article 2 bis] ne porte pas atteinte au droit des entreprises détachant des travailleurs sur le territoire d’un autre État membre d’invoquer la liberté de prestation de services également dans les cas où le détachement est supérieur à vingt-quatre mois. L’objectif est simplement de créer une sécurité juridique dans l’application du règlement Rome I à une situation spécifique, sans le modifier en aucune manière»  (18).

4.2.5.

Le CESE n’est pas favorable à la fixation d’un tel délai. Cela va à l’encontre de la nature du détachement des travailleurs et est contraire à l’objectif de la directive. La durée moyenne de détachement dans l’Union européenne est de 103 jours  (19) (4 à 5 % seulement de l’ensemble des détachements dépassent les douze mois)  (20) . Rien ne laisse supposer que les périodes de détachement d’une durée supérieure à deux ans constituent une pratique problématique courante conduisant à une utilisation abusive des règles en matière de détachement des travailleurs.

4.2.6.

Au contraire, l’introduction de la notion de «durée prévue du détachement» et l’instauration de règles relatives au remplacement des travailleurs pourraient générer une incertitude et des disparités dans l’application des règles sur le détachement des travailleurs. Dans le secteur de la construction en particulier, il sera difficile d’anticiper la «durée de l’exécution du travail» et, pour les organismes de contrôle, de la prouver.

4.2.7.

La définition existante est suffisante, et toute fixation d’une durée maximale de détachement des travailleurs irait à l’encontre du principe de vérification de ce qui constitue un cas de détachement véritable et justifié. En outre, la Cour de justice de l’Union européenne a confirmé à plusieurs reprises que le terme «intérimaire» doit être examiné au cas par cas.

4.2.8.

La Commission estime que cette modification permettra d’aligner la directive relative au détachement des travailleurs sur les règles de sécurité sociale instaurées par le règlement no 883/2004  (21) . Cependant, le règlement no 883/2004 donne aux États membres la possibilité d’étendre, au moyen d’accords bilatéraux, la période initiale de deux ans pendant laquelle les cotisations sociales sont payées dans le pays d’origine. La proposition de la Commission relative à la révision de la directive sur le détachement des travailleurs prévoit que lorsque la durée prévue ou effective du détachement dépasse vingt-quatre mois, toutes les conditions de travail du pays d’accueil devraient être d’application dès le premier jour du détachement. Cette disposition n’est ni utile ni cohérente.

4.3.    Sous-traitance

4.3.1.

La proposition de la Commission donne aux États membres la possibilité d’appliquer aux travailleurs d’une chaîne de sous-traitance les mêmes conditions que celles qui sont appliquées par le contractant principal. Ces conditions devraient s’appliquer de la même manière aux sous-traitants tant nationaux que transfrontaliers, conformément au principe de non-discrimination.

4.3.2.

Il existe de grandes disparités entre les dispositions législatives, réglementaires et administratives ou les conventions collectives applicables dans les États membres destinées à empêcher les entreprises de recourir à la sous-traitance pour contourner la réglementation garantissant certaines conditions de travail et d’emploi concernant la rémunération. Aucun élément ne permet de déterminer combien d’États membres appliquent déjà un système de ce type et, dans son analyse d’impact, la Commission n’a présenté aucune analyse détaillée des conséquences potentielles de ces règles.

4.3.3.

Toutefois, pour assurer une mise en pratique effective de cette partie de la proposition, il pourrait être utile de faire référence à une règle de responsabilité solidaire tout au long des chaînes de sous-traitance, telle qu’introduite par l’article 12 de la directive d’exécution  (22).

4.3.4.

Par ailleurs, l’expression «certaines conditions de travail et d’emploi concernant la rémunération» est vague et entraînerait de l’insécurité juridique, des divergences d’interprétation et d’éventuels conflits avec d’autres passages de la directive. Cela engendrerait également des difficultés de comparaison et de nombreux autres problèmes d’ordre purement pratique, tels que l’accès à l’information (également en relation avec l’obligation des gouvernements de publier ces informations en vertu de l’article 5 de la directive 2014/67/UE) et l’existence de conventions collectives.

4.3.5.

Il est également difficile de déterminer comment la Commission définirait et exécuterait des tests de non-discrimination et de proportionnalité en rapport avec ces dispositions.

4.3.6.

En outre, il conviendra d’introduire des dispositions adéquates pour vérifier l’authenticité du statut d’indépendant des sous-traitants, conformément aux normes des États membres.

4.4.    Travail intérimaire

4.4.1.

La Commission établit une nouvelle obligation pour les États membres en ajoutant un nouveau paragraphe qui établit les conditions applicables aux travailleurs visés à l’article 1er, paragraphe 3, point c), de la directive, à savoir les travailleurs mis à disposition par une entreprise de travail intérimaire établie dans un État membre autre que l’État membre d’établissement de l’entreprise utilisatrice. Les entreprises visées à l’article 1er, paragraphe 3, point c), devront garantir aux travailleurs détachés les conditions qui sont applicables conformément à l’article 5 de la directive 2008/104/CE relative au travail intérimaire  (23) dans le cas des travailleurs intérimaires mis à disposition par des entreprises de travail intérimaire établies dans l’État membre dans lequel le travail est exécuté.

4.4.2.

Le CESE estime que cette nouvelle disposition n’est pas nécessaire puisque la directive initiale relative au détachement des travailleurs prévoyait déjà cette possibilité à l’article 3, paragraphe 9. Les États membres peuvent prévoir que les entreprises visées à l’article 1er, paragraphe 1, garantissent aux travailleurs au sens de l’article 13, point c), le bénéfice des conditions qui sont applicables aux travailleurs intérimaires dans l’État membre sur le territoire duquel le travail est exécuté. La majorité des pays d’accueil ont déjà eu recours à la possibilité d’appliquer la directive 2008/104/CE.

4.4.3.

Le CESE considère que la Commission devrait s’en tenir au système existant. Il faut tenir compte du fait que les dispositions de la directive 2008/104/CE s’appliquent à la situation au sein des différents États membres, alors que la directive 96/71/CE s’applique aux activités transfrontalières. Ce point a été reconnu par la Commission elle-même dans son rapport sur l’application de la directive 2008/104/CE relative au travail intérimaire  (24).

4.4.4.

Le CESE fait observer que l’article 5 de la directive 2008/104/CE a une portée beaucoup plus large que l’article 3, paragraphe 9, de la directive 96/71/CE, ce qui pourrait paradoxalement entraîner une divergence dans les conditions de détachement des travailleurs, en vertu de l’article 1er, paragraphe 3, points a) et b), et de l’article 1er, paragraphe 3, point c), de la réglementation en vigueur.

5.    Quelle devrait être la principale priorité de la Commission européenne

5.1.

La Commission devrait encourager les États membres à transposer la directive d’exécution  (25) s’ils ne l’ont pas encore fait et faire en sorte qu’ils la mettent tous en œuvre de manière adéquate. Deux ans plus tard, la Commission devrait évaluer ses retombées et déterminer si les mesures prises ont conduit à une mise en œuvre et une application adéquates et efficaces, étant donné que celles-ci constituent des éléments essentiels en vue d’assurer la protection des droits des travailleurs détachés et de garantir des conditions de concurrence équitables pour les prestataires de services.

5.2.

La Commission devrait fournir une analyse approfondie de la situation dans les divers États membres de l’Union européenne, ainsi que de véritables informations quantitatives sur les travailleurs détachés, et les moyens de mise en œuvre et d’application de la directive en vigueur.

5.3.

La disponibilité de données fiables sur les travailleurs détachés est une condition préalable à tout véritable débat sur leurs caractéristiques spécifiques et besoin de protection.

5.4.

Si la Commission veut garantir une concurrence loyale, elle doit maintenant se concentrer sur la lutte contre les pratiques frauduleuses et l’éradication du phénomène de travail clandestin, essentiellement sous forme de l’usage abusif de sociétés «boîtes aux lettres».

5.5.

La Commission doit accélérer la convergence économique et sociale au sein de l’Union européenne, tout en garantissant une mobilité équitable des travailleurs dans le cadre de la prestation transfrontalière de services.

5.6.

L’introduction d’un nouveau concept tel que celui de «rémunération» pourrait soulever un certain nombre de questions de la part aussi bien des États membres au sein du Conseil que des entreprises dans le cadre de la consultation publique. La Commission devrait procéder à une analyse socio-économique approfondie des conséquences d’une telle introduction pour les consommateurs, les entreprises et, de manière générale, la compétitivité et l’emploi au sein de l’Union européenne.

5.7.

La Commission devrait consulter les partenaires sociaux, reconnaître leur autonomie et respecter les conventions collectives pertinentes dans ce domaine.

Exposé des motifs:

Le présent amendement vise à proposer une approche équilibrée à l’égard de la proposition de la Commission, qui a suscité différents points de vue, à la fois parmi les États membres, les partenaires sociaux et les entreprises. L’objectif du présent amendement est de refléter les divergences de vues de manière adéquate, crédible et équilibrée, tout en signalant les points consensuels. Cet amendement, qui correspond au texte présenté par les deux rapporteures de la section SOC à l’issue de la 3e réunion du groupe d’étude, donne une meilleure idée de cet équilibre entre les différents points de vue que le texte modifié et adopté par la section spécialisée.

Résultat du vote

Pour

94

Contre

175

Abstentions

23


(1)  Directive 2014/67/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 relative à l’exécution de la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services et modifiant le règlement (UE) no 1024/2012 concernant la coopération administrative par l’intermédiaire du système d’information du marché intérieur («règlement IMI») (JO L 159 du 28.5.2014, p. 11).

(2)  Directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services (JO L 18 du 21.1.1997, p. 1).

(3)  Voir note 2 de bas de page.

(4)  COM(2010) 608 final/2.

(5)  Ce document a été présenté durant la conférence sur le détachement des travailleurs et les droits du travail organisée par la présidence espagnole de l’Union européenne, qui s’est tenue à Oviedo le 23 mars 2010. Les débats ont de nouveau montré les clivages entre les parties prenantes.

(6)  Voir note 1 de bas de page.

(7)  Il est nécessaire de tenir compte du fait que la situation varie d’un pays à l’autre et que le chiffre de 0,7 % ne représente qu’une moyenne. La réalité se situe quelque part entre 0,5 et 3,6 %, et les conséquences diffèrent également selon les États membres.

(8)  Avis du CESE sur «Une mobilité des travailleurs plus équitable au sein de l’Union européenne», adopté le 27 avril 2016 (JO C 264 du 20.7.2016, p. 11).

(9)  Lettre commune des partenaires sociaux européens (CES, BusinessEurope, UEAPME, CEEP) au président Juncker, 2 mars 2016.

(10)  Protocole no 2 annexé aux traités sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

(11)  Voir la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil et aux parlements nationaux relative à la proposition de directive modifiant la directive concernant le détachement de travailleurs, en ce qui concerne le principe de subsidiarité, conformément au protocole no 2, COM(2016) 505 final du 20 juillet 2016.

(12)  Analyse d’impact accompagnant la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services, SWD(2016) 52 final du 8 mars 2016.

(13)  Rapport d’Eurofound intitulé «Travailleurs détachés dans l’Union européenne», Roberto Pedersini et Massimo Pallini, publié en 2010 (en anglais).

(14)  Les conclusions préliminaires de ces deux projets de recherche ont été présentées lors de la conférence organisée le 28 septembre 2016 par l’observatoire du marché du travail du CESE sur le thème «Vers une mobilité des travailleurs plus équitable au sein de l’Union européenne».

(15)  Coûts indirects: coûts résultant de la nécessité de se familiariser avec les exigences administratives et la réglementation des autres États membres (procédures de notification, traduction des documents, coopération avec les autorités de contrôle, etc.).

(16)  Ces coûts de main-d’œuvre indirects liés au caractère transfrontière pourraient représenter jusqu’à 32 % des coûts de main-d’œuvre. Ce sont là quelques-unes des conclusions préliminaires d’une étude pilote sur «Le coût de la main-d’œuvre dans les services transfrontières» réalisée par le département d’économie publique et d’administration de l’université des sciences économiques de Cracovie. Ces conclusions ont été présentées lors de la conférence organisée le 28 septembre 2016 par l’observatoire du marché du travail du CESE sur le thème «Vers une mobilité des travailleurs plus équitable au sein de l’Union européenne».

(17)  Règlement (CE) no 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) (JO L 177 du 4.7.2008, p. 6).

(18)  Avis du service juridique de la Commission européenne — dossier institutionnel 2016/0070 (COD) du 28 mai 2016.

(19)  Document de travail des services de la Commission SWD(2016) 52 final, p. 39, J. Pacolet et F. De Wispelaere, Posting of Workers. Report on A1 portable document issued in 2014, décembre 2015.

(20)  Document de travail des services de la Commission SWD(2016) 52 final, p. 39, L&R Sozialforschung, Entwicklungen im Bereich des Lohndumpings, mai 2014.

(21)  Règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO L 166 du 30.4.2004, p. 1).

(22)  

Article 12 de la directive 2014/67/UE relatif à la responsabilité du sous-traitant (voir note 1 de bas de page).

(23)  Directive 2008/104/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative au travail intérimaire (JO L 327 du 5.12.2008, p. 9).

(24)  Rapport de la Commission au Parlement européen, au conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Application de la directive 2008/104/CE relative au travail intérimaire, COM(2014) 176 final.

(25)  Voir note 1 de bas de page.


10.3.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/97


Avis du Comité économique et social européen sur la

«Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant des normes pour l’accueil des ’personnes demandant la protection internationale (refonte)»

[COM(2016) 465 final],

sur la

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissant des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection, et modifiant la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée»

[COM(2016) 466 final]

et sur la

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une procédure commune en matière de protection internationale dans l’Union et abrogeant la directive 2013/32/UE»

[COM(2016) 467 final]

(2017/C 075/16)

Rapporteur:

M. José Antonio MORENO DÍAZ

Corapporteur:

M. Cristian PÎRVULESCU

Consultation

Conseil de l’Union européenne, 7 septembre 2016

Parlement européen, 12 septembre 2016

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section spécialisée

22 novembre 2016

Adoption en session plénière

14 décembre 2016

Session plénière no

521

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

211/2/5

1.   Conclusions et recommandations

1.1.    Conclusions et recommandations générales

1.1.1.

Le CESE estime qu’il est nécessaire de procéder à une réforme équitable, efficace et efficiente du régime d’asile européen commun (RAEC) et d’instituer une procédure véritablement commune, qui apporte des garanties, soit fiable, souple et efficace, et améliore les voies régulières et légales d’accès à l’Union européenne (UE) dans le cadre du respect des droits des personnes victimes de persécution.

1.1.2.

Il est également nécessaire de garder à l’esprit que l’article 2 du TUE déclare explicitement que «[l]’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités». Ces valeurs devraient être «communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes».

1.1.3.

Par ailleurs, l’article 78 du TFUE dispose que l’Union européenne devra élaborer un système européen commun d’asile: à cette fin, en vue d’harmoniser les législations nationales, il convient de proposer un système qui soit véritablement commun et contraignant pour l’ensemble des États membres ou, à défaut, de créer au minimum un système commun de reconnaissance mutuelle des décisions en matière d’asile entre tous les États membres de l’Union européenne. Cela ouvrirait la possibilité de réaliser un véritable régime d’asile européen commun. À défaut, il ne sera pas possible d’éviter les «mouvements secondaires», pratique qui consiste, pour les personnes en quête de protection internationale, à rechercher les pays qui offrent les meilleures conditions d’accueil au sein de l’Union européenne.

1.1.4.

Il importe de souligner que la population totale de l’EU-28 s’élève à environ 510 millions d’habitants et que la proposition de la Commission, en automne 2015, de relocaliser environ 160 000 demandeurs de protection internationale équivaudrait donc à accepter 0,03 % de la population totale de l’Union européenne, alors que des États hors UE ont accueilli des millions de personnes en quête de protection internationale.

1.1.5.

En tout état de cause, le CESE accueille favorablement les améliorations apportées au régime, telles que la clarification des droits et obligations en matière d’accès à la procédure, le remplacement de la notion de vulnérabilité par celle de besoins particuliers ainsi que les critères clairs définis pour évaluer ces besoins, l’introduction de garanties accrues pour les mineurs et l’élargissement de la définition de la famille.

1.1.6.

Le CESE se dit préoccupé par la limitation des droits fondamentaux, par exemple la restriction à la liberté de circulation, la limitation du droit à l’éducation pour les mineurs, l’application d’une procédure à la frontière pour les mineurs non accompagnés, le fait que la détermination d’un pays comme sûr ne soit pas systématiquement être soumise à une analyse cas par cas, la limitation des garanties concernant les demandes ultérieures et les procédures accélérées, le réexamen automatique des statuts de protection et le fait que les restrictions en matière de conditions d’accueil soient énoncées en termes de sanctions.

1.1.7.

Le CESE recommande d’uniformiser les statuts de protection et de supprimer les différences entre le statut de réfugié et le statut de protection subsidiaire pour ce qui est de la durée du permis de séjour, de son renouvellement et de la limitation appliquée à l’assistance sociale pour les bénéficiaires de la protection subsidiaire.

1.2.    Recommandations sur la proposition de règlement relatif aux conditions d’octroi d’une protection internationale

1.2.1.

Le CESE recommande de tenir compte des critères du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés pour l’évaluation de la possibilité de fuite à l’intérieur du pays, à savoir de procéder à l’analyse de l’adéquation et du caractère raisonnable d’une telle fuite, en excluant expressément toute application de l’article 8 en cas de persécution par l’État.

1.2.2.

Il convient de partager la charge de la preuve entre le demandeur et l’autorité compétente, comme le précise la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, en maintenant pour l’autorité compétente l’obligation de «coopérer activement avec le demandeur».

1.2.3.

Le CESE recommande d’introduire un examen de proportionnalité pour l’évaluation des causes d’exclusion du statut de réfugié et de veiller au caractère restrictif de l’application de ces clauses, en supprimant le paragraphe 6 de l’article 12 du règlement sur les conditions d’octroi de la protection internationale, afin d’éviter l’application automatique de clauses d’exclusion qui ne prennent pas en compte la situation particulière du demandeur.

1.2.4.

Il convient de garantir une analyse individualisée dans le cadre du réexamen des statuts conférés par la protection internationale, en prenant en considération les circonstances particulières et en accordant des garanties procédurales pour ces procédures qui ne peuvent être appliquées de manière automatique.

1.2.5.

Pour ce qui est du réexamen du statut de réfugié, toute nouvelle procédure ajoutera un niveau additionnel de charge administrative et de pouvoir discrétionnaire. Compte tenu du nombre élevé de réfugiés qui peuvent se trouver dans un pays donné, les services administratifs peuvent facilement être débordés et prendre des décisions hâtives et potentiellement arbitraires. Il est dès lors nécessaire que les autorités compétentes soient dotées de personnel suffisant, dûment formé, pour réaliser les contrôles et procéder au réexamen du statut de réfugié.

1.2.6.

Il y a lieu de distinguer entre cessation, exclusion, révocation, fin des différents statuts de protection ou refus de les renouveler, en évitant des chevauchements et des confusions dans les hypothèses factuelles correspondant à chacun de ces cas de figure, et l’introduction, dans tous ces éléments, de critères restreignant leur application.

1.2.7.

Il convient d’en finir avec la limitation de la liberté de circulation des personnes bénéficiant d’une protection internationale au sein de l’État membre concerné, en tant qu’elle est contraire à l’article 26 de la convention de Genève.

1.2.8.

Il s’impose de supprimer l’article 44 de la directive relative aux conditions d’octroi d’une protection internationale modifiant la directive relative aux résidents de longue durée, qui fait repartir de zéro la période de résidence de cinq ans lorsque le bénéficiaire d’une protection internationale se trouve illégalement dans un État membre autre que celui qui lui a octroyé cette protection, cette disposition étant contraire à l’objectif de l’agenda européen en matière de migration de mai 2015.

1.3.    Recommandations sur la proposition de règlement instituant une procédure commune en matière de protection internationale

1.3.1.

Le CESE rappelle que légiférer au moyen de règlements ne saurait aboutir à une réduction des normes de protection, par l’introduction de critères de recevabilité restrictifs et une limitation des droits et des garanties procédurales.

1.3.2.

Le CESE recommande d’éliminer le caractère automatique de l’application des concepts de pays tiers sûr, premier pays d’asile et pays d’origine sûr et de la réduction des délais, et préconise de garantir un effet suspensif automatique en cas de recours.

1.3.3.

Il convient d’augmenter les garanties de bénéficier d’une évaluation individuelle, fondées sur les critères de proportionnalité, de nécessité et de caractère exceptionnel, pour les cas de limitation de la liberté ou de rétention.

1.3.4.

Il convient également d’augmenter les garanties concernant la rétention administrative, en fixant des délais de rétention clairs et en limitant celle-ci à des circonstances exceptionnelles.

1.3.5.

Il y a lieu d’éliminer la possibilité d’exclure le demandeur du droit à l’assistance juridique gratuite en cas de demandes jugées infondées ou de demandes ultérieures ne contenant pas de nouveaux éléments de preuve ou arguments, cela contrevenant au droit d’accès à un recours effectif prévu à l’article 13 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

1.3.6.

Il convient de mettre en place, pour les procédures accélérées, les demandes aux points de passage frontaliers et les demandes ultérieures, les mêmes garanties procédurales que pour la procédure ordinaire.

1.3.7.

Il conviendrait d’accorder aux demandeurs, avant qu’ils commencent véritablement leurs démarches de demande, une période de repos et de récupération.

1.4.    Recommandations sur la proposition de directive relative aux normes d’accueil

1.4.1.

Il est nécessaire d’adopter une démarche d’incitations positives pour éviter les mouvements secondaires, plutôt que de suivre une approche punitive qui consiste à supprimer les conditions d’accueil ou à les réduire, les retirer, les remplacer, etc. De telles mesures sont particulièrement peu proportionnées dans le cas où le demandeur n’a pas sollicité de protection internationale dans le premier pays où il est entré illégalement ou dans celui où il séjourne légalement.

1.4.2.

Il conviendrait d’utiliser un seul et même instrument juridique pour réglementer les conditions d’accueil, les procédures et les critères de recevabilité, afin d’éviter des disparités dans l’application directe de prescriptions qui se recoupent.

1.4.3.

Il convient de limiter au minimum ou d’éliminer les concepts juridiques indéterminés tels que le «niveau de vie digne» ou le «risque de fuite», étant donné les graves conséquences qui peuvent en découler ainsi que la marge de manœuvre des États membres pour définir ces critères.

1.4.4.

Il convient de prendre en considération, conformément à la proposition faite dans le règlement de Dublin, d’autres membres de la famille, tels que les frères et sœurs ou d’autres proches.

1.4.5.

Les demandeurs en provenance de pays d’origine sûrs ne doivent pas être exclus de l’accès au marché du travail, ce qui reviendrait à appliquer un traitement discriminatoire sur la base de la nationalité.

1.4.6.

Il convient de supprimer la conditionnalité permettant de bénéficier des droits d’accès à l’emploi, à la sécurité sociale et à l’assistance sociale.

1.4.7.

Il est également nécessaire de garantir le droit à l’éducation pour les mineurs, de manière absolue et dans les mêmes termes que le droit aux services de santé.

2.   Observations sur le règlement relatif aux conditions d’octroi d’une protection internationale

2.1.

Le CESE est favorable à une harmonisation accrue des normes concernant les procédures d’asile, la reconnaissance de ce statut et la protection au niveau de l’Union européenne. On constate toujours des disparités importantes entre les États membres en ce qui concerne les procédures utilisées, les taux de reconnaissance, le contenu de la protection accordée et le niveau des conditions d’accueil offertes aux demandeurs et aux bénéficiaires d’une protection internationale.

2.2.

Pour diverses raisons, les États membres ont mis en place des pratiques institutionnelles spécifiques en matière d’asile. Cela encourage les mouvements secondaires et compromet l’objectif d’égalité de traitement des demandeurs sur l’ensemble du territoire de l’Union. Les divergences entre États membres pourraient avoir une incidence significative sur la protection des droits fondamentaux, notamment la protection de la dignité humaine, le respect de la vie privée et familiale, la liberté d’expression et d’information, le droit à l’éducation, la liberté professionnelle et le droit d’accès au marché du travail, la liberté d’entreprise, le droit d’asile, la non-discrimination, les droits de l’enfant, la sécurité sociale et l’assistance sociale, et la protection de la santé, tels que définis dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

2.3.

Le CESE se félicite de la mise en place d’un système destiné à obtenir, organiser et diffuser des informations sur les pays d’origine et de transit, sous l’égide de l’agence de l’Union européenne pour l’asile. Ce système peut constituer la base d’une véritable harmonisation des décisions en matière d’octroi de la protection internationale. Toutefois, il n’est pas clairement expliqué dans quelle mesure les autorités nationales prendront en considération les informations fournies et, en conséquence, quels sont les moyens prévus pour garantir qu’elles le fassent. Afin d’éviter de nettes divergences dans les décisions, il conviendrait que le système indique simplement et clairement quels sont les pays qui sont considérés comme peu sûrs.

2.4.

Concernant l’article 7, sur les acteurs de la protection, il importe d’évaluer correctement tant les capacités des acteurs privés que celles des organisations internationales à offrir une protection. En raison du manque de ressources et de l’incertitude juridique, il est très difficile pour ces deux types d’acteurs de garantir une protection robuste et à long terme, particulièrement dans des situations de guerre civile ou de répression gouvernementale intense.

2.5.

La possibilité pour le demandeur de recevoir une protection à l’intérieur de son pays est un facteur déterminant pour l’octroi du statut de protection. Il y a lieu que les autorités compétentes prennent en considération tout l’éventail de risques que peut comporter, pour la sécurité d’un individu, un déplacement à l’intérieur d’un pays. Des territoires sûrs peuvent rapidement cesser de l’être, pour diverses raisons, telles qu’une défaite militaire, l’aide apportée par un pays étranger ou son intervention, des actes de sabotage ou des attaques terroristes. Même si l’article 8 expose clairement ce qu’on entend par «sûr», y compris au regard d’un voyage et du besoin d’une protection, il incombe aux autorités nationales européennes d’interpréter les données et faits disponibles.

2.6.

La définition donnée des actes de persécution à l’article 9 est exhaustive et conforme à l’article 1er, section A, de la convention relative au statut des réfugiés (la convention de Genève). Cet article, à l’instar de l’article 10 sur les motifs de la persécution et de l’article 6 sur les acteurs des persécutions ou des atteintes graves, doit être interprété de sorte à prendre en compte les actes de persécution commis tant par des autorités de l’État que par des acteurs non étatiques. Lors d’une répression politique ou d’une guerre civile, il apparaît que les actes de violence sont commis par divers groupes paramilitaires ou milices qui agissent sous la protection supérieure d’autorités de l’État, lesquelles nient généralement toute participation.

2.7.

Le CESE plaide de longue date pour une harmonisation du contenu de la protection accordée aux réfugiés et aux personnes bénéficiant de la protection subsidiaire (1). Le contenu de la protection s’est également avéré être un autre facteur clé des mouvements secondaires au sein de l’Union. Mais un élément sur lequel le Comité insiste est que l’harmonisation devrait viser le niveau le plus élevé de protection, et non le plus bas. La proposition de la Commission présente un certain nombre d’avancées positives dans cette direction.

2.8.

Il est nécessaire de procéder à une clarification pour ce qui est de la fourniture d’informations, des permis de séjour et des documents de voyage. Il convient de noter que la question de l’accès au marché du travail a été clarifiée et que le niveau de protection a été relevé, par exemple dans les domaines des conditions d’emploi, de la liberté d’affiliation et des possibilités de formation liée à l’emploi, pour lesquels les bénéficiaires d’une protection internationale ont les mêmes droits que les ressortissants de l’État membre d’accueil. C’est également le cas pour la reconnaissance des qualifications, la sécurité sociale, l’assistance sociale et les soins de santé.

2.9.

L’accès à des mesures d’intégration, par exemple des cours de langues, d’éducation civique, des programmes d’intégration et de formation professionnelle, est essentiel pour une intégration réussie. Les mesures facilitant l’intégration sont plus que bienvenues et devraient être encouragées.

2.10.

En même temps, subordonner l’accès à d’autres services comme l’assistance sociale à la participation à des mesures d’intégration (voir l’article 34) pourrait poser des problèmes et il convient d’adopter une formulation prudente sur ce point. Pour faciliter la participation, il y a lieu que les mesures d’intégration soient très accessibles et utiles. Les bénéficiaires d’une protection internationale pourraient être exclus à la fois des mesures d’intégration elles-mêmes et des services pour lesquels leur participation à de telles mesures est exigée, par exemple en matière d’apprentissage de la langue, de formation et d’emploi.

3.   Observations sur la proposition de règlement instituant une procédure commune en matière de protection internationale

3.1.

Le CESE accueille favorablement la proposition et l’objectif qu’elle affiche d’instituer une procédure véritablement commune en matière de protection internationale, qui soit efficace, équitable et équilibrée. Le choix d’un règlement, instrument directement applicable dans tous les États membres, s’impose afin de parvenir à une harmonisation plus poussée et à une plus grande uniformité de l’issue des procédures d’asile dans tous les États membres. Le CESE estime que ce choix va dans la bonne direction, en éliminant les mouvements secondaires entre États membres et, partant, en facilitant l’exercice du principe de solidarité.

3.2.

Les procédures devront être claires et garantir la prévisibilité. Le maintien du délai de six mois pour l’accès des demandeurs à la procédure et pour la conclusion de l’examen des demandes, tant au niveau administratif qu’au niveau judiciaire, constitue une décision raisonnable.

3.3.

Concernant les exceptions, il est nécessaire de clarifier davantage ce qu’on entend par «demande infondée ou irrecevable».

3.4.

Le CESE approuve pleinement la disposition concernant l’assistance apportée par l’agence de l’Union européenne pour l’asile aux États membres qui reçoivent un nombre disproportionné de demandes simultanées.

3.5.

Le CESE accueille favorablement l’établissement de garanties procédurales protégeant les droits des demandeurs. Il s’agit là d’un domaine sur lequel la position du Comité a toujours été claire. En effet, tous les demandeurs qui arrivent dans un État membre se trouvent dans un état de vulnérabilité, la quasi-totalité d’entre eux ayant voyagé sur de longues distances et affronté des difficultés et des dangers. Il existe des barrières linguistiques, culturelles et psychologiques à surmonter pour s’adapter et coopérer avec les autorités. Même si les nouvelles procédures proposées sont plus claires, c’est aux autorités des États membres qu’il reviendra de les appliquer. Il est nécessaire de cerner quelles formes d’assistance et de soutien pourront être apportées aux autorités si elles rencontrent des difficultés dans l’exercice de ces nouvelles procédures.

3.6.

Pour ce qui concerne l’intention d’harmoniser les règles en matière de pays sûrs, le CESE est globalement favorable à l’idée de passer progressivement à une harmonisation complète dans ce domaine et de remplacer les listes nationales de pays sûrs par des listes européennes ou des désignations au niveau de l’Union dans les cinq ans qui suivent l’entrée en vigueur du règlement (2).

3.7.

Pour ce qui concerne la procédure d’appel, la proposition de la Commission établit le droit à un recours effectif, avec des délais énoncés expressément et un effet suspensif automatique, sauf dans les cas de rejet au cours de procédures accélérées, de refus d’admission par le premier pays d’asile et de demande ultérieure, de demande rejetée parce qu’elle a fait l’objet d’une renonciation explicite ou implicite, ou de décisions concernant un recours antérieur.

3.8.

La période pour laquelle la protection est accordée a une incidence directe sur les perspectives d’intégration. Elle devrait être suffisamment longue afin d’encourager les bénéficiaires d’une protection internationale, les pouvoirs publics et les employeurs.

4.   Observations sur la directive relative aux conditions d’accueil

4.1.

Le CESE est un ardent défenseur de l’harmonisation des conditions d’accueil pour les demandeurs d’une protection internationale, non seulement en vue de réduire leurs mouvements secondaires, mais aussi et avant tout pour augmenter leurs chances d’intégration réussie et assurer la protection intégrale des droits fondamentaux.

4.2.

Il se félicite de l’obligation qui est faite aux États membres de disposer de plans d’urgence permettant d’assurer l’accueil adéquat des demandeurs dans le cas où ils seraient confrontés à un nombre disproportionné de demandeurs.

4.3.

Le CESE soutient pleinement l’objectif fixé par la Commission de renforcer l’autonomie des demandeurs et leurs perspectives d’intégration éventuelle. Cet objectif rejoint la position du Comité, qui préconise un accès plus rapide au marché du travail ainsi qu’un accès à des services et programmes destinés à faciliter l’intégration (par exemple des formations linguistiques). Aussi considère-t-il que ramener le délai maximal de neuf mois pour accéder au marché du travail à un maximum de six mois à compter de l’introduction de la demande constitue une avancée dans la bonne direction.

Bruxelles, le 14 décembre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Voir l’avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, et relatives au contenu de cette protection» COM(2009) 551 final/2 — 2009/0164 (COD) (JO C 18 du 19.1.2011 p. 80).

(2)  La position du CESE sur le sujet a été formulé dans l’avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant une liste commune de l’Union de pays d’origine sûrs aux fins de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, et modifiant la directive 2013/32/UE [COM(2015) 452 final] (JO C 71 du 24.2.2016, p. 82).


10.3.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/103


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la prise en compte des émissions et des absorptions de gaz à effet de serre résultant de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie dans le cadre d’action pour le climat et l’énergie à l’horizon 2030 et modifiant le règlement (UE) no 525/2013 du Parlement européen et du Conseil relatif à un mécanisme pour la surveillance et la déclaration des émissions de gaz à effet de serre et pour la déclaration d’autres informations ayant trait au changement climatique»

[COM(2016) 479 final — 2016/0230(COD)]

et sur la

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les États membres de 2021 à 2030 en faveur d’une union de l’énergie résiliente et afin de respecter les engagements pris en vertu de l’accord de Paris et modifiant le règlement (UE) no 525/2013 du Parlement européen et du Conseil relatif à un mécanisme pour la surveillance et la déclaration des émissions de gaz à effet de serre et pour la déclaration d’autres informations ayant trait au changement climatique»

[COM(2016) 482 final — 2016/0231(COD)]

(2017/C 075/17)

Rapporteure:

Tellervo KYLÄ-HARAKKA-RUONALA

Corapporteur:

Mindaugas MACIULEVIČIUS

Consultation

Conseil, 25 août 2016

Parlement européen, 12 septembre 2016

Commission européenne, 20 juillet 2016

Base juridique

Articles 192, paragraphe 1, et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

24 novembre 2016

Adoption en session plénière

14 décembre 2016

Session plénière no

521

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

210/0/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE accueille favorablement les propositions opportunes de la Commission concernant la mise en œuvre de l’engagement de l’Union européenne à réduire ses émissions de gaz à effet de serre dans tous les secteurs de la vie économique et sociale à l’horizon 2030. Toutefois, il souligne qu’il est nécessaire dans le même temps de prendre en compte le défi planétaire à long terme que constitue l’atténuation du changement climatique. À cette fin, il est nécessaire d’évaluer en profondeur si l’approche actuelle de l’Union européenne en matière de politique climatique, en ce qui concerne les efforts devant être consentis à l’échelle mondiale, européenne ou nationale, est appropriée pour ouvrir la voie vers un monde neutre en carbone.

1.2.

Concernant la répartition de l’effort, le CESE souscrit pleinement à l’idée qu’il faut prendre en considération les différences qui existent entre les États membres afin de garantir l’équité et l’efficacité au regard des coûts. Toutefois, si l’on souhaite atteindre une véritable efficacité au regard des coûts d’une manière qui soit équitable, les calculs relatifs à la répartition des efforts doivent traiter ces deux aspects en même temps et dans tous les États membres et fixer les objectifs de manière que les coûts relatifs soient les mêmes pour chaque pays. Compte tenu des lacunes existant en matière de répartition de l’effort, le CESE estime qu’il importe de mettre en place des mécanismes d’assouplissement et de les affiner.

1.3.

L’intégration du secteur de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie (UTCATF) dans le cadre d’action à l’horizon 2030 apporte à la politique climatique de l’Union européenne un élément remarquable et nouveau. Le CESE estime qu’il est nécessaire que cette intégration s’opère de manière à favoriser la neutralité carbone à long terme. L’utilisation durable et la gestion active des ressources naturelles d’origine biologique, autrement dit la bioéconomie durable, notamment la gestion durable des forêts et la production alimentaire respectueuse du climat, sont un élément central de cette transition, qu’il convient de prendre dûment en compte afin de parvenir à une croissance durable sur les plans environnemental, économique et social.

1.4.

Le rôle de l’agriculture et de la foresterie exige que l’Union européenne adopte une approche holistique en matière de politique climatique. Il convient de prendre en compte tant la réduction des émissions que la séquestration du carbone, de même que les défis que constituent l’adaptation au changement climatique et la sécurité alimentaire. L’accord de Paris introduit une obligation forte d’agir pour «maintenir la hausse de la température mondiale bien en deçà de 2 oC […] et poursuivre les efforts pour la maintenir à 1,5 oC», tout en «renforçant les capacités d’adaptation aux effets néfastes des changements climatiques et en promouvant la résilience à ces changements et un développement à faible émission de gaz à effet de serre, d’une manière qui ne menace pas la production alimentaire». Il est donc important d’aborder la nécessité de renforcer la résilience dans le secteur agricole, tout en atténuant les effets du changement climatique.

1.5.

Le CESE invite la Commission et les États membres à reconnaître le rôle fondamental et le potentiel des forêts et de la gestion durable de celles-ci en tant qu’elles constituent des puits de carbone, ainsi qu’à reconnaître les avantages sociaux, environnementaux et économiques qui en découlent.

1.6.

La séquestration du CO2 n’est pas seulement liée à la superficie forestière; il s’agit avant tout de favoriser la croissance des forêts et une photosynthèse vigoureuse grâce à la gestion active des forêts, ainsi que l’utilisation accrue de la biomasse ligneuse pour la fabrication de produits et la production d’énergie. Limiter l’usage des ressources forestières aurait pour effet à long terme de diminuer les puits de carbone en raison du vieillissement des forêts et, partant, de leur lente croissance. De même, pour les terres cultivées et les prairies, le cycle de la croissance et de la récolte de ce qui est produit garantit que l’absorption du dioxyde de carbone demeure aussi efficace que possible.

1.7.

Le CESE estime qu’il est important de procéder à une évaluation scientifique des émissions et de l’absorption des gaz à effet de serre, dans la transparence et en utilisant des unités de mesure communes. Il invite la Commission à mettre au point les règles de comptabilisation de la gestion des terres et des forêts de manière à ce qu’elles reflètent les taux réels d’émission et de séquestration du carbone. En outre, les niveaux de référence nationaux pour les forêts doivent être établis par les États membres en fonction de l’usage qu’ils ont prévu de faire de leurs ressources forestières. L’Union européenne devrait également développer un instrument satellitaire de précision pour assurer la surveillance globale des forêts. Il convient aussi de mettre au point des méthodes de comptabilisation appropriées pour la séquestration du carbone par les plantes non ligneuses sur les terres agricoles. Il est également important d’éviter le double comptage des émissions du secteur UTCATF liées à la biomasse dans d’autres secteurs.

1.8.

Le CESE encourage chacun des États membres à mettre en place, au niveau national, des politiques ascendantes ambitieuses pour le secteur UTCATF, en faisant participer étroitement la société civile à ce processus aux niveaux national, régional et local.

1.9.

Le CESE reconnaît que le succès de ces propositions ambitieuses nécessite d’importantes ressources financières; il encourage la Commission à mettre en place, en plus des mécanismes de financement existants et en liaison avec la BEI, un instrument financier distinct pour soutenir la réalisation de ces objectifs. Il est également nécessaire d’intensifier la recherche et l’innovation afin de développer et d’adopter de nouvelles méthodes pour atténuer les effets du changement climatique.

2.   Introduction

2.1.

Le 20 juillet 2016, la Commission européenne a avancé des propositions relatives à un règlement sur les réductions des émissions de gaz à effet de serre par les États membres entre 2021 et 2030 (répartition de l’effort 2030) et à un règlement relatif à la prise en compte des émissions et des absorptions de gaz à effet de serre résultant de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie (UTCATF) dans le cadre d’action de l’Union européenne pour le climat et l’énergie à l’horizon 2030. En même temps, la Commission a publié une communication intitulée «Une stratégie européenne pour une mobilité à faible taux d’émissions». Dans le présent avis, le CESE donne son point de vue sur les règlements proposés; ses vues relatives à la communication sur les transports font l’objet d’un autre avis (dossier TEN/609).

2.2.

Les propositions à l’examen s’inscrivent dans la mise en œuvre de l’engagement de l’Union européenne de réduire, d’ici à 2030, ses émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % par rapport aux niveaux de 1990. L’objectif à l’horizon 2030, tel qu’approuvé par l’Union européenne, exige une réduction de 43 % dans les secteurs relevant du système d’échange de quotas d’émission (SEQE) et de 30 % dans les autres secteurs (hors SEQE), dans les deux cas par rapport aux niveaux de 2005. Le Parlement européen et le Conseil procèdent actuellement à la révision de la directive SEQE. Le CESE s’est exprimé au sujet de ce réexamen dans son avis NAT/675.

2.3.

Les règlements proposés s’appliquent aux secteurs et activités qui ne relèvent pas du SEQE, tels que les transports, le bâtiment, l’agriculture et la gestion des déchets, ainsi que l’utilisation des terres et la foresterie. Les objectifs de réduction des émissions des États membres constituent une extension de la décision en vigueur relative à la répartition de l’effort concernant les objectifs de l’Union européenne en matière de climat à l’horizon 2020, et c’est la première fois que l’utilisation des terres et la foresterie sont intégrées dans le cadre d’action de l’Union européenne pour le climat et l’énergie. Jusque-là, ces domaines étaient abordés dans le cadre du protocole de Kyoto.

2.4.

La Commission propose des objectifs de réduction d’émissions différenciés suivant les pays afin de se conformer aux principes d’équité et d’efficacité au regard des coûts, mis en avant par le Conseil européen. Les objectifs pour les différents États membres à l’horizon 2030 vont de 0 à 40 %. Pour ce qui est de l’utilisation des terres et des forêts, la Commission propose que les émissions et les absorptions, calculées selon les règles de comptage, soient équilibrées dans chaque État membre.

2.5.

La Commission propose de prolonger le système de flexibilité qui permet de transférer des allocations de quotas d’émissions entre États membres et dans le temps. La Commission propose également de nouvelles mesures d’assouplissement permettant au secteur de la répartition de l’effort de procéder à certains arbitrages avec les secteurs du SEQE et de l’UTCATF.

2.6.

Les règlements proposés portent aussi sur la surveillance et la déclaration des émissions de gaz à effet de serre, avec notamment des règles comptables pour l’utilisation des terres et la foresterie.

3.   Observations générales

3.1.

Dans l’ensemble, le CESE accueille favorablement les propositions opportunes de la Commission concernant la mise en œuvre de l’engagement de l’Union européenne à réduire ses émissions de gaz à effet de serre dans tous les secteurs de la vie économique et sociale à l’horizon 2030. Toutefois, il souligne qu’il est nécessaire dans le même temps de prendre en compte le défi planétaire à long terme que constitue l’atténuation du changement climatique. Cela signifie que les politiques et mesures adoptées doivent être compatibles avec l’objectif à long terme de parvenir à un monde neutre en carbone.

3.2.

Dans un récent avis (NAT/690), le CESE a invité l’Union européenne à s’efforcer d’accroître son impact positif sur le climat mondial («carbon handprint», action positive en matière de carbone) plutôt que de se contenter de réduire ses propres émissions. Ainsi, dans le cadre de la politique en faveur du climat à l’horizon 2030, il conviendrait également d’encourager l’élaboration de solutions en matière de climat pour les pays tiers et la mise en œuvre de projets communs avec eux, compte tenu du fait que l’accord de Paris fait référence à un nouveau mécanisme de coopération internationale pour la lutte contre le changement climatique.

3.3.

Dans l’avis susmentionné, le CESE a également plaidé pour une «union pour le climat» plus efficace, où les éléments liés au climat seraient étroitement intégrés dans les politiques du marché unique y afférentes. Le fait que l’objectif commun de réduction des émissions soit divisé en sous-objectifs nationaux est susceptible de conduire à une situation plus fragmentée, «dés-intégrée». Aussi le CESE invite-t-il la Commission à évaluer également les différentes options et possibilités d’une approche communautaire plus cohérente dans les secteurs hors SEQE en matière de politique climatique de l’Union européenne pour l’après-2030.

3.4.

Une autre voie possible pour la politique climatique, plutôt que la répartition de l’effort entre les États membres, serait d’adopter une approche sectorielle. La communication sur les transports repose sur une telle approche. Le CESE estime important d’opérer une distinction entre les questions qui relèvent du marché unique et celles qui sont par nature nationales. De manière générale, une approche sectorielle est mieux adaptée au marché unique, alors qu’une approche par pays est pertinente pour les questions liées, par exemple, à la gestion des ressources naturelles nationales. Cela vaut tout particulièrement pour la politique forestière.

3.5.

L’intégration du secteur de l’utilisation des terres et de la foresterie dans le cadre d’action à l’horizon 2030 apporte à la politique climatique de l’Union européenne un élément remarquable et nouveau. Le CESE juge nécessaire que cette intégration ait lieu de manière à favoriser la neutralité carbone et la croissance durable à long terme, plutôt que de se contenter d’actions à court et moyen termes.

3.6.

La nécessité de réduire les émissions et d’accroître le stockage de carbone joue en faveur du recours à la biomasse en tant que matière première utilisée pour toutes sortes de produits biologiques et en tant que source d’énergie renouvelable, y compris de bioénergie durable utilisée parallèlement à la décarbonisation des transports. Une bioéconomie durable, c’est-à-dire l’utilisation durable et la gestion active des ressources naturelles d’origine biologique, est par conséquent un élément central de la transition vers la neutralité carbone.

3.7.

Le secteur forestier peut jouer un rôle essentiel dans la réduction des émissions de dioxyde de carbone, la progression des énergies renouvelables et la promotion de la consommation durable. À l’heure actuelle, les ressources forestières de l’Union européenne sont en expansion, grâce aux investissements à long terme dans la gestion des forêts destinés à relever les niveaux durables en vue des récoltes futures de produits ligneux. L’utilisation croissante de la biomasse exigera aussi une gestion active des forêts dans l’avenir.

3.8.

Le CESE entend souligner que la politique de l’Union européenne en matière de climat ne doit pas fixer de limites à l’utilisation des forêts, à condition que les prélèvements n’excèdent pas la croissance des ressources forestières et que les pratiques de gestion durable des forêts soient appliquées. Une restriction à court terme de l’utilisation des ressources forestières conduirait à long terme à une réduction des puits de carbone.

3.9.

Le changement climatique a également un lien étroit avec la sécurité alimentaire, notamment au niveau mondial. Il est donc essentiel d’être en mesure de répondre, simultanément, aux défis de la sécurité alimentaire et à ceux de l’atténuation du changement climatique. La problématique de la disponibilité de terres aptes à la culture et des pressions de l’urbanisation devrait inciter à un accroissement durable de la productivité, afin que l’Europe puisse contribuer à la réponse apportée au défi mondial de la sécurité alimentaire.

3.10.

Concernant les émissions nettes du secteur agricole, le CESE rappelle qu’il existe par ailleurs une proposition tout aussi ambitieuse relative aux plafonds d’émission nationaux et invite à faire preuve de cohérence et à éviter des charges qui se redoublent dans le développement et la mise en œuvre des différents volets de la législation.

4.   Observations particulières sur la proposition relative à la répartition de l’effort

4.1.

La Commission a répondu à l’appel du Conseil européen visant à prendre en considération dans sa proposition les principes d’équité et d’efficacité au regard des coûts. Le CESE souscrit pleinement à l’idée qu’il faut prendre en considération les différences qui existent entre les États membres afin de garantir l’équité et l’efficacité au regard des coûts. Il s’agit des différences en termes de caractéristiques spécifiques et de situation de départ des pays, ainsi que du potentiel économique et social qu’ils recèlent pour réduire les émissions.

4.2.

Cependant, le CESE attire l’attention sur le fait que l’approche proposée ne conduit pas au résultat le plus efficace à l’échelle de l’Union européenne, l’équité et l’efficacité au regard des coûts étant considérées séparément l’une de l’autre. Toutefois, si l’on souhaite atteindre une véritable efficacité au regard des coûts d’une manière qui soit équitable, les calculs relatifs à la répartition des efforts doivent traiter ces deux aspects en même temps et dans tous les États membres.

4.3.

Idéalement, on pourrait trouver la solution la plus rentable en calculant la courbe des coûts des réductions des émissions dans chaque pays et en fixant les objectifs en fonction du point où les coûts marginaux par rapport au PIB sont égaux. Cela permettrait également d’éliminer le problème éventuel d’attribution excessive de quotas. Une autre option possible serait de fixer le même objectif relatif pour tous les pays, puis d’avoir recours aux mécanismes d’assouplissement pour trouver la meilleure solution.

4.4.

Concernant le résultat de la répartition de l’effort, le CESE fait observer qu’il est difficile à vérifier. Aussi souligne-t-il l’importance de faire preuve de transparence dans la présentation des données, des hypothèses utilisées pour les calculs et de la méthodologie employée.

4.5.

Afin d’accroître la prévisibilité, le CESE juge important de prendre en compte les incidences potentielles du Brexit sur la répartition des efforts et de s’y préparer. Par ailleurs, l’Islande et la Norvège ont exprimé leur intention de participer à l’action conjointe menée par l’Union européenne, ce qui pourra avoir une incidence sur la mise en œuvre de la répartition de l’effort.

4.6.

Compte tenu des lacunes inévitables qui existent en matière de répartition de l’effort, il importe de mettre en place des mécanismes et des règles d’assouplissement permettant d’en tirer le maximum d’avantages sous l’angle de l’efficacité. De nouvelles formes de flexibilité transsectorielle devraient également être étudiées. Par ailleurs, il convient de mettre en place un système efficace et transparent pour surveiller les effets de ces dispositifs d’assouplissement.

4.7.

La souplesse offerte par la possibilité de négocier les quotas annuels d’émission entre États membres et de mettre en œuvre les mesures dans un autre État contribue à la fois à une meilleure efficacité au regard des coûts et à davantage d’équité. Il est également nécessaire de permettre le transfert de quotas d’émission au fil du temps et de limiter les restrictions à son utilisation, car, dans la pratique, les mesures de réduction des émissions ne suivent pas une trajectoire linéaire d’une année à l’autre.

4.8.

La proposition de la Commission relative à la possibilité d’utiliser des quotas d’émission provenant des secteurs couverts par le SEQE pour compenser les émissions des autres secteurs est bienvenue, car elle vise également à optimiser les réductions d’émissions. Dans le même temps, il faut reconnaître que l’annulation de quotas d’émission dans un pays se répercute sur d’autres pays, étant donné que le système d’échange de quotas d’émission fonctionne à l’échelle de l’Union européenne.

4.9.

Le CESE se félicite de la possibilité qui est offerte d’utiliser les absorptions de carbone et les réductions d’émissions dans le secteur UTCATF pour compenser les émissions dans d’autres secteurs. L’éventuelle inclusion de la gestion forestière dans les mécanismes de flexibilité doit être conçue de manière à stimuler les investissements dans la gestion durable des forêts et la croissance forestière et à ne pas entraver l’utilisation des ressources forestières en tant que matière première dans la bioéconomie.

5.   Observations particulières sur la proposition relative à l’UTCATF

5.1.

Le rôle de l’agriculture et de la foresterie exige que l’Union européenne adopte une approche holistique en matière de politique climatique. En plus du défi de l’atténuation du changement climatique, l’agriculture et la foresterie doivent faire face à celui de l’adaptation à ce changement, car ce sont les secteurs les plus touchés par les phénomènes climatiques défavorables. C’est la raison pour laquelle il convient d’encourager le choix d’une voie en matière d’atténuation qui aura les incidences les moins négatives sur la production. Comme cela est mentionné dans la proposition de la Commission, il est important de tenir compte de la position de l’Union européenne sur la scène mondiale et de prendre en compte l’état des lieux global qu’a dressé l’accord de Paris, en particulier à l’égard de l’intégrité environnementale et des effets négatifs potentiels des fuites de carbone.

5.2.

Selon l’accord de Paris, il y a lieu de parvenir, d’ici à la seconde moitié du siècle, à un équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre d’origine anthropique et leur absorption par des puits de carbone tels que les forêts. Il est dès lors essentiel de conserver les forêts comme puits et d’éviter une saturation de dioxyde de carbone dans les forêts vieillissantes.

5.3.

La gestion durable des forêts, associée à l’utilisation du bois comme matière première pour la fabrication de produits de toute sorte et au remplacement des combustibles fossiles par la bioénergie, est un moyen efficace de contrôle des équilibres en matière de carbone. Pour éviter de fragiliser l’intégrité environnementale, il convient de ne pas compenser les émissions fossiles d’autres secteurs d’une manière qui réduirait la disponibilité du bois pour la bioéconomie.

5.4.

La gestion des puits forestiers n’a pas seulement trait à la superficie forestière, mais avant tout à la stimulation de la croissance des forêts grâce à la gestion active de celles-ci et à l’utilisation accrue des produits du bois. Le CESE estime donc qu’il est important que les produits ligneux récoltés (PLR) soient inclus dans le secteur UTCATF et que les États membres utilisent pleinement les possibilités offertes par ces produits pour le stockage du carbone et les crédits qu’ils génèrent. En outre, il devrait être possible d’autoriser une compensation des émissions liées à la déforestation par l’accroissement des ressources forestières obtenu grâce à une gestion durable des forêts.

5.5.

Afin de tirer parti du potentiel important que revêt la gestion durable des forêts (1) pour l’atténuation du changement climatique, le CESE demande à la Commission de concentrer et d’intensifier ses efforts sur le développement des règles comptables de la gestion forestière. Ces règles devraient refléter les taux réels de croissance des forêts et de séquestration de carbone, pour éviter le problème que posent les règles en vigueur, à savoir que, dans certains cas, des puits d’absorption sont définis comme des sources d’émission.

5.6.

Les règles comptables proposées relativement aux niveaux de référence pour les forêts sont plus complexes qu’auparavant et n’encouragent pas suffisamment l’amélioration de la croissance forestière ou la bioéconomie. Le Comité propose qu’au lieu d’établir des critères trop détaillés, les niveaux de référence nationaux pour les forêts soient établis par les États membres en fonction de l’usage qu’ils ont prévu de faire de leurs ressources forestières, tout en garantissant que les tailles annuelles n’excèdent pas la croissance annuelle sur le long terme.

5.7.

Le CESE se félicite de la remarque de la Commission selon laquelle, pour éviter le double comptage des émissions, l’utilisation de la biomasse dans le secteur énergétique est comptée comme nulle, conformément aux lignes directrices du GIEC. Il importe par ailleurs d’éviter toute autre forme de double comptage des émissions.

5.8.

Le CESE demande à la Commission de faire en sorte de rationaliser les règles comptables internationales pour le secteur UTCATF. Afin d’encourager d’autres pays à participer au processus, ces règles devraient être aussi simples que possible. Au niveau international, l’Union européenne devrait également apporter une contribution reposant sur ses compétences en matière d’inventaire des ressources forestières et de méthodes de surveillance, en particulier en développant un système satellitaire précis de l’Union européenne qui soit capable de fournir des données complètes et actualisées.

5.9.

Comme pour la gestion des forêts, la gestion active des terres cultivées et des prairies contribue également à lutter contre le changement climatique, tout en contribuant à la sécurité alimentaire mondiale. L’amélioration de la gestion des terres arables et des pâturages, notamment en ce qui concerne la productivité des sols, la récolte et la replantation, accroît la séquestration du carbone et devrait donc être créditée de manière adéquate. Limiter la production de biomasse conduirait à une réduction progressive de l’absorption des gaz à effet de serre présents dans l’atmosphère en raison de la baisse de la photosynthèse. Il convient également de tenir compte des spécificités des sols organiques et des possibilités de poursuivre une activité agricole sur ceux-ci.

5.10.

Afin de tirer pleinement parti de l’important potentiel de la gestion des terres cultivées et des prairies pour accroître la fonction de puits de carbone du sol et indiquer les possibilités d’amélioration de leurs performances, le CESE invite à étudier et à mettre en place des règles de comptabilisation applicables à la biomasse associée à des plantes non ligneuses annuelles et vivaces. Les possibilités offertes par une approche dynamique de la gestion des sols axée sur l’optimisation de leurs fonctions — en tenant compte des situations locales — ne profiteront pas uniquement au climat et à l’environnement, mais contribueront également à assurer la viabilité économique et sociale du secteur agricole, en particulier des petites exploitations agricoles.

5.11.

En définitive, le succès de l’accord de Paris s’explique par l’approche ascendante adoptée pour fixer des objectifs nationaux, sur la base des atouts et possibilités dont disposent les différents États membres. Par ailleurs, le CESE relève les différences qui existent entre les États membres dans le secteur UTCATF. Les politiques devraient donc être conçues au niveau national dans le respect du principe de subsidiarité, et le secteur UTCATF devrait être conservé en tant que pilier distinct de la politique climatique.

5.12.

Le CESE encourage les différents États membres à mettre en place des politiques ambitieuses en matière d’atténuation des changements climatiques dans le secteur UTCATF, tout en créant une vision à long terme pour une utilisation durable des terres et de la foresterie, notamment en faisant participer la société civile et les partenaires sociaux au processus aux niveaux national, régional et local.

5.13.

Pour permettre la mise en œuvre de ces politiques ambitieuses, des ressources financières importantes sont indispensables. À cette fin, le CESE invite la Commission à mettre en place, en plus des mécanismes de financement existants et en liaison avec la BEI, un instrument financier distinct pour soutenir la réalisation de ces objectifs. En outre, il est à l’évidence nécessaire d’accroître l’investissement dans la recherche et le développement axés sur les nouvelles méthodes d’atténuation des changements climatiques.

Bruxelles, le 14 décembre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Nabuurs e.a., A new role for forests and the forest sector in the EU post-2020 climate targets (Un nouveau rôle pour les forêts et le secteur forestier dans les objectifs en matière de climat de l’Union européenne au-delà de 2020), 2015.


10.3.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/109


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un plan pluriannuel pour les stocks démersaux de la mer du Nord et les pêcheries exploitant ces stocks, et abrogeant le règlement (CE) no 676/2007 du Conseil et le règlement (CE) no 1342/2008 du Conseil»

[COM(2016) 493 final — 2016/0238 (COD)]

(2017/C 075/18)

Rapporteur:

Thomas McDONOGH

Consultation

Parlement, 12 septembre 2016

Conseil, 26 septembre 2016

Base juridique

Articles 43, paragraphe 2, et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Décision du Bureau

20 septembre 2016

Compétence

Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

24 novembre 2016

Adoption en session plénière

14 décembre 2016

Session plénière no

521

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

211/1/3

1.   Observations générales et spécifiques et recommandations

1.1.

La politique commune de la pêche a été introduite dans les années 60 et 70 et doit faire l’objet d’une révision permanente. Le Comité se félicite de ce processus de mise à jour visant à suivre le rythme des innovations technologiques afin d’améliorer la conservation et la protection des stocks halieutiques. Le Comité accueille favorablement les modifications proposées par la Commission, dont un grand nombre sont suggérées dans le rapport 2016 du GTESDMNS (1). Ces changements contribueront à moderniser la législation européenne en matière de pêche et à protéger une industrie très précieuse.

1.2.

Les pêcheries de la mer du Nord et des zones adjacentes sont extrêmement complexes, impliquant des navires provenant d’au moins sept États membres côtiers, ainsi que de Norvège, et utilisant une grande variété d’engins de pêche afin de cibler un large éventail d’espèces de poissons et de crustacés. Une question clé est que bon nombre des principaux stocks démersaux (ceux qui vivent sur le fond ou à proximité du fond de la mer) sont capturés dans le cadre de pêches mixtes. Dans la pratique, cela signifie que chaque fois qu’un navire relève ses engins de pêche, sa capture sera constituée d’un mélange de différentes espèces. La composition de ce mélange variera en fonction du type d’engin de pêche utilisé, ainsi que du moment et du lieu où il est utilisé.

1.3.

Pour les navires capturant des stocks halieutiques soumis à des totaux admissibles des captures (TAC), cela signifie qu’ils devraient cesser de pêcher dès que leur quota pour ce stock est épuisé. Avant l’adoption du règlement de base (2), les navires ne devaient pas s’arrêter de pêcher lorsque leur quota pour l’une de ces espèces était épuisé. Au contraire, ils pouvaient continuer à pêcher d’autres espèces cibles et continuaient donc à capturer les espèces pour lesquelles les quotas étaient déjà épuisés, alors même qu’ils ne pouvaient pas juridiquement débarquer ces captures. Ces captures hors quota devaient être rejetées. Dans la suite, une fois que le quota de ce stock serait épuisé, il bloquerait les possibilités de continuer à pêcher d’autres espèces. Au moment de fixer les TAC pour ces stocks, il est dès lors souhaitable de tenir compte du fait que certains stocks sont capturés ensemble dans les pêcheries mixtes. Une telle approche présenterait des avantages tant pour la conservation des stocks que pour leur exploitation. La proposition à l’examen adopte cette approche.

1.4.

Le règlement de base vise à résoudre les problèmes de la surpêche et des rejets de poissons plus efficacement que la législation antérieure. Par conséquent, des mesures appropriées devraient être prises afin d’éviter des conséquences économiques et sociales négatives pour l’industrie de la pêche. La première étape vers ce type de gestion adaptative consisterait à intégrer tous les stocks concernés dans un plan de gestion unique. Il inclurait, le cas échéant, des objectifs ciblés de mortalité par pêche pour chaque stock, qui constitueraient la base de la fixation annuelle des TAC pour ces stocks.

2.   Autres observations et recommandations

2.1.

Il conviendrait de mettre en place une commission indépendante chargée de réviser les quotas nationaux. Toutefois, la régénération des stocks halieutiques ne dépend pas uniquement de la mortalité par pêche, mais également d’autres facteurs tels que le changement climatique. Toute mesure en faveur de la pêche durable nécessitera l’adaptation des navires et engins de pêche (dont le coût sera élevé), des données scientifiques solides et des mesures continues pour former et sensibiliser les pêcheurs. L’aspect social de la pêche doit aussi être pris en compte étant donné que les petits pêcheurs se voient contraints de cesser leurs activités. Il est prioritaire de maintenir les emplois existants dans les communautés dans de nombreuses zones côtières de l’Union européenne dépendant de la pêche.

2.2.

Il convient d’approfondir les recherches sur les effets de l’aquaculture sur les stocks de poissons sauvages. Le saumon sauvage est en danger d’extinction, principalement en raison de la surpêche et d’une règlementation inappropriée, mais l’incidence des exploitations piscicoles sur le saumon sauvage reste une inconnue. Une commercialisation adéquate devrait permettre au saumon sauvage d’atteindre un prix supérieur à celui du saumon d’élevage. La pêche récréative apporte une contribution majeure à l’économie dans les zones reculées: on estime que chaque saumon sauvage capturé contribue à concurrence de 1 200 EUR en moyenne à l’économie locale, sous la forme des salaires payés aux guides de pêche, des frais de logement, de transport, etc.

2.3.

Des mesures doivent être prises pour enrayer le déclin de la pêche à l’anguille. Le problème de la capture des juvéniles doit être traité en augmentant la taille minimale des mailles des filets. Il y a également lieu d’imposer des restrictions en matière d’utilisation des filets en monofilament.

2.4.

Les sanctions devraient être durcies pour les violations de la législation en matière de pêche. Des mesures énergiques devraient être prises pour lutter contre l’emploi de migrants clandestins sur les navires de pêche, dont beaucoup ne sont même pas payés et sont virtuellement des prisonniers dans la mesure où leurs passeports sont confisqués (il est notoire que des citoyens d’Amérique centrale en ont souffert). Les conditions de vie et de travail en mer doivent respecter les normes les plus élevées de l’Union européenne. Cette exigence s’applique également aux travailleurs de pays tiers.

Bruxelles, le 14 décembre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Rapport du CIEM (Conseil international pour l’exploration de la mer), groupe de travail sur l’évaluation des stocks démersaux dans la mer du Nord et le Skagerrak, réuni à Hambourg, en Allemagne, du 26 avril au 5 mai 2016.

(2)  Règlement (UE) no 1380/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 relatif à la politique commune de la pêche, modifiant les règlements (CE) no 1954/2003 et (CE) no 1224/2009 du Conseil et abrogeant les règlements (CE) no 2371/2002 et (CE) no 639/2004 du Conseil et la décision 2004/585/CE du Conseil (JO L 354 du 28.12.2013, p. 22-61).


10.3.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/111


Avis du Comité économique et social européen sur le Paquet aérien II,

composé de la

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant des règles communes dans le domaine de l’aviation civile et instituant une Agence de la sécurité aérienne de l’Union européenne, et abrogeant le règlement (CE) no 216/2008 du Parlement européen et du Conseil»

[COM(2015) 613 final — 2015/0277 (COD)]

et du

«Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil — Le programme européen de sécurité aérienne»

[COM(2015) 599 final]

(2017/C 075/19)

Rapporteur:

Raymond HENCKS

Corapporteur:

Stefan BACK

Consultation

Conseil de l’Union européenne, 19 janvier 2016

Base juridique

Article 100, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l’information»

Adoption en section spécialisée

15 novembre 2016

Adoption en session plénière

14 décembre 2016

Session plénière no

521

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

184/01/02

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) est en faveur de la nouvelle approche fondée sur l’évaluation du risque et sur la performance, pour autant que soient conservées des dispositions prescriptives dès lors qu’assurer la sécurité l’exige. Le CESE estime qu’une mise en œuvre réussie de ce changement de méthodes de travail et de culture requiert du temps et des ressources adéquates. Le CESE souligne également que cette transition doit intervenir en y associant étroitement le personnel et les parties prenantes.

1.2.

Le CESE convient que l’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) devrait assumer conjointement des responsabilités plus importantes en matière de sûreté, en coopération et en accord avec les États membres, y compris en ce qui concerne les règles spécifiques relatives aux situations d’urgence, à la condition que des ressources adéquates soient allouées afin que l’AESA soit en mesure de mener à bien ses tâches dans ce domaine. Par ailleurs, le CESE estime qu’au vu des évolutions intervenues depuis 2008, il convient de réviser le règlement (CE) no 300/2008.

1.3.

Le CESE attire l’attention sur les mutations rapides du contexte dans lequel opère l’aviation civile, en raison tant de la rapidité des évolutions techniques, notamment de la numérisation, que du développement de nouveaux modèles commerciaux, d’emploi et de prestation de services. Le CESE attache une grande importance à une évaluation régulière tous les cinq ans du nouveau règlement, telle que la prévoit la proposition. Il importe d’évaluer de manière exhaustive dans le cadre de l’analyse d’impact les aspects de sécurité et de sûreté liés à de telles évolutions et de prévoir et de prendre à temps les mesures appropriées.

1.4.

Le CESE se félicite de l’insertion de l’assistance en escale dans le champ d’application du règlement à l’examen et propose d’étudier une obligation de certification des prestataires de services d’assistance et du personnel qui joue un rôle critique pour la sécurité.

1.5.

Le CESE accueille favorablement l’élaboration de normes de certification pour l’équipage de cabine, mais regrette que pour ce dernier, la Commission ne propose pas de système d’octroi de licence.

1.6.

Le CESE approuve l’insertion des aéronefs sans équipage dans le champ d’application de la proposition, et fait valoir l’importance d’établir des normes élevées.

1.7.

Le CESE entend mettre en garde contre la complexité inutile et la redondance des exigences de certification ou de contrôle concernant les équipements d’aérodrome, sauf lorsqu’il est manifeste que des motifs de sécurité l’exigent.

1.8.

Le CESE accueille favorablement les tâches de supervision, de coopération et d’assistance qui concernent les autorités nationales et que prévoit la proposition à l’examen et il espère que celles-ci permettront d’aboutir à des normes toujours plus élevées, harmonisées et efficaces en matière de sécurité, d’améliorer les échanges d’informations et de mettre en place des systèmes de comparaison qui permettront d’accroître l’efficacité de l’utilisation des ressources. Dans ce contexte, le CESE prend note du plan et du programme européen de sécurité aérienne et de la possibilité qu’ils offriront de concevoir et de mettre en œuvre des normes de sécurité plus élevées et harmonisées.

1.9.

Le CESE approuve la proposition du mécanisme de transfert à l’AESA de fonctions des autorités nationales, y compris les règles spécifiques relatives aux situations d’urgence.

1.10.

Le CESE est d’avis que la possibilité prévue de permettre aux exploitants européens opérant dans plusieurs États de l’Union européenne de choisir l’AESA comme autorité compétente requiert une notification à l’autorité ou aux autorités nationales compétentes. Cette possibilité pour les exploitants visés ci-avant de choisir l’AESA comme autorité compétente ne peut s’appliquer dans le cas de mesures relevant des articles 59 et 60.

1.11.

Le CESE note toute l’importance des échanges d’informations et souligne que les informations obtenues en vue d’améliorer la sécurité ne devraient pas être utilisées dans le cadre du système judiciaire, sauf en des circonstances exceptionnelles telles qu’un manquement délibéré aux règles. Il est nécessaire de préserver la culture de l’équité et le CESE fait derechef état de sa proposition de concevoir et d’appliquer une charte de la culture de l’équité.

1.12.

Le CESE prend également note de la proposition d’introduire une disposition qui prévoit de recourir à des redevances pour des services du ciel unique dans le but de financer les activités de l’AESA, même si les règles de fond relatives à ces redevances viendront s’ajouter à des dispositions qui n’existent pas encore. De surcroît, il plane une incertitude sur la manière dont ces redevances s’articuleront avec le système commun de redevances de route que gère actuellement Eurocontrol pour le compte des États contractants de l’accord multilatéral y afférent. De ce fait, le CESE estime qu’il serait prématuré de légiférer sur l’usage d’une redevance qui n’existe pas encore et pour la configuration de laquelle se présentent plusieurs choix possibles. Par conséquent, le CESE suggère de rejeter cette proposition.

1.13.

Sachant que l’AESA établira des règles de certification et des critères de sécurité susceptibles de présenter un intérêt aussi pour le grand public, le CESE suggère de traduire les documents de cette nature dans toutes les langues officielles de l’Union européenne. Dans un souci de transparence, il convient que le site internet de l’AESA soit également disponible dans d’autres langues que l’anglais. À cet égard, le CESE souhaite aussi attirer l’attention sur la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et notamment son article 21.

1.14.

S’agissant de la proposition d’alléger les formalités de location d’aéronefs avec équipage, le CESE fait observer que la proposition à l’examen traite en premier lieu de sécurité, tandis que les questions de location avec équipage touchent l’exploitation commerciale, l’accès au marché et la concurrence. Elles peuvent également présenter une importante dimension socio-économique. Par conséquent, le CESE conseille de ne pas modifier à ce stade les dispositions de fond relatives à la location avec équipage et considère qu’il convient de traiter cette question lors de la révision du règlement no 1008/2008.

1.15.

S’agissant de l’évaluation en cours du règlement (UE) no 996/2010, le CESE fait état de l’importance du réseau européen des autorités responsables des enquêtes de sécurité dans l’aviation civile (connu sous son sigle anglais ENCASIA) et estime qu’il est essentiel de fournir des ressources adéquates pour cette activité importante. Le CESE fait également état de ses déclarations relatives à la culture de l’équité, formulées dans le paragraphe 1.11 ci-avant.

2.   Introduction

2.1.

La proposition de règlement relatif à la sûreté (1) (par la suite «la proposition») à l’examen est destinée à remplacer celui de 2008 (2). Elle en reprend et/ou actualise certaines dispositions, et introduit de nouvelles mesures. Elle se fonde sur les normes de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) et sur des consultations publiques auprès des États membres et des parties prenantes, y compris les partenaires sociaux. Elle s’appuie sur un rapport de la Commission relatif au programme européen de sécurité aérienne (3) et sur un certain nombre d’études. Elle constitue un pas vers la mise en œuvre de la communication «Une stratégie de l’aviation pour l’Europe» (4).

2.2.

La proposition introduit une approche de la réglementation en matière de sécurité fondée sur l’anticipation, l’évaluation du risque et la performance, afin d’accroître l’efficacité de l’utilisation des ressources et de mieux cibler les activités de surveillance à tous les niveaux. Elle vise à combler les lacunes en matière de sécurité et à prendre davantage en compte les interdépendances entre la sécurité aérienne et d’autres domaines, tels que la sûreté aérienne ou la protection de l’environnement.

2.3.

La proposition entend assurer un degré élevé de mise en œuvre et de surveillance dans toute l’Union européenne au moyen d’une coopération étroite entre les autorités au niveau européen et national, comprenant des échanges d’informations et un contrôle et un suivi efficaces. Elle met à jour le règlement de 2008 afin de prendre en compte les évolutions techniques telles que les aéronefs sans équipage.

2.4.

La Commission mène actuellement une évaluation du règlement (UE) no 996/2010 sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l’aviation civile (ci-après «le règlement»), et a souhaité connaître le point de vue du CESE (document de travail des services de la Commission sur la mise en œuvre du règlement (UE) no 996/2010). Ce dernier avait émis en 2010 un avis sur la proposition relative à ce règlement (5).

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE approuve les objectifs de la proposition de renforcer les règles dans le domaine de la sécurité et de la sûreté dans l’aviation civile et de clarifier le champ d’action de l’AESA en matière de sûreté. Le CESE souscrit également à la proposition qui prévoit que l’AESA apporte une assistance technique à la Commission dans la mise en œuvre de la législation sur la sécurité et qu’elle puisse prendre des mesures y afférentes, avec l’accord de la Commission et après consultation des États membres.

3.2.

Le CESE convient que l’AESA devrait assumer conjointement davantage de responsabilités en matière de sûreté, en coopération et en accord avec les États membres, y compris en ce qui concerne les règles spécifiques relatives aux situations d’urgence, à la condition que des ressources adéquates soient mises à disposition afin que l’AESA soit en mesure de mener à bien ses tâches dans ce domaine. Le CESE estime également que le règlement (CE) no 300/2008 relatif à l’instauration de règles communes dans le domaine de la sûreté de l’aviation civile est dépassé par les évolutions intervenues depuis 2008 et qu’il devrait être remis sur le métier.

3.3.

La proposition entend préparer le cadre réglementaire de l’Union en matière de sécurité aérienne aux défis qui se présenteront dans les dix à quinze prochaines années. Le CESE estime que des prévisions sur une période aussi longue seront dépassées par l’évolution technologique et les risques de sécurité en permanente mutation comme l’apparition des aéronefs sans équipages, les nouvelles formes de cybercriminalité, le risque de perturbation des manœuvres d’atterrissage par laser, etc. Le CESE estime par conséquent qu’un réexamen du règlement concernant la sécurité dans l’aviation civile devrait intervenir régulièrement et fréquemment. Aussi, le CESE approuve-t-il la proposition d’effectuer une évaluation du nouveau règlement tous les cinq ans.

3.4.

Le CESE confirme que la sécurité constitue la clé de voute d’une stratégie aérienne durable et qu’il n’y a de place pour aucune compromission à ce sujet (6). Il convient donc d’évaluer l’approche de la proposition à l’aune de ces exigences, notamment au vu de l’objectif de la Commission d’identifier et de faire face aux risques de sécurité d’une manière plus rapide et plus efficace en introduisant un approche basée sur l’évaluation du risque et sur la performance en maintenant au moins le même niveau de sécurité globale (7).

3.5.

La méthode ainsi proposée constitue une approche plus proportionnée et plus souple de la réglementation en matière de sécurité. Il s’agit d’identifier et de réduire les risques pour la sécurité de manière plus rapide et plus efficace au moyen d’une approche fondée sur l’évaluation du risque et sur la performance permettant d’assurer un niveau supérieur de sécurité globale. Le CESE approuve cette approche mais fait observer qu’il est nécessaire de conserver certaines dispositions prescriptives afin de garantir l’égalité de traitement. En outre, une transition si importante nécessite des ressources adéquates et un processus de transition qui soit transparent à l’égard de toutes les parties prenantes, y compris le personnel, et qui donne le temps nécessaire pour le changement de culture qui s’impose afin de parvenir à une mise en œuvre parfaite de la nouvelle approche.

3.6.

Une étude commanditée par la Commission concernant la disponibilité, l’efficacité de l’utilisation et l’évolution des ressources humaines des autorités aériennes, ainsi que le financement du système européen de sécurité aérienne (étude sur les ressources) a démontré que l’équilibre entre les ressources et la charge de travail s’est détérioré au cours des dix dernières années et qu’il existe des lacunes en ce qui concerne les qualifications du personnel. L’étude définit une série d’options pour sortir de ce dilemme. Le CESE insiste sur la nécessité de trouver une solution dans le cadre du dialogue social.

3.7.

Une deuxième étude, consacrée aux systèmes d’amélioration des performances et à l’approche fondée sur la performance, a exploré la possibilité d’introduire des éléments de performance dans la gestion de la sécurité aérienne (l’étude sur la performance). Elle conclut qu’une telle possibilité est envisageable, mais elle met en garde contre une introduction rapide pour des raisons techniques. Cette étude conclut qu’il est impossible de quantifier les avantages d’une approche fondée sur la performance avant qu’elle ne soit mise en œuvre. De l’avis du CESE, les conclusions de cette étude mettent en exergue l’importance d’un travail prudent et cohérent de mise en œuvre de cette nouvelle approche.

3.8.

Dans ce contexte, le CESE attire l’attention sur la question des évolutions sociétales et sociales que sont, entre autres, les nouvelles formes de travail et les processus d’entreprise d’un genre nouveau, qui sont souvent en rapport avec l’économie numérique et qui interviennent également sur le marché de l’aviation. Le Comité met également en évidence les conséquences desdites évolutions en matière de sécurité. La communication sur une stratégie de l’aviation pour l’Europe (8) et plusieurs avis du CESE (9) font valoir qu’il convient d’accorder toute l’attention voulue à ces questions. Le CESE estime qu’il est également nécessaire d’en tenir compte lors de la mise en œuvre de la proposition, y compris lors de l’évaluation de l’impact des mesures de mise en œuvre.

3.9.

L’AESA doit évaluer la performance des organismes dans le contexte du plan européen pour la sécurité aérienne (en anglais, «European Plan for Aviation Safety», EPAS), mais elle n’a pas encore fixé d’objectifs de performance en matière de sécurité pour les organismes dont elle a la charge. Ceci met une fois de plus en évidence l’importance d’une solution rapide et efficace aux problèmes de ressources évoqués au paragraphe 3.6 ci-avant.

3.10.

Les règles, activités et procédures qui relèvent du programme européen de sécurité aérienne (en anglais, «European Aviation Safety Programme», EASP) devraient faire l’objet d’un suivi afin d’évaluer leur pertinence et leur efficacité. Ce contrôle devrait reposer sur des indicateurs tels que le respect de la réglementation, la fréquence de certains types d’événements affectant la sécurité, le nombre d’accidents, mortels ou non, et la maturité des systèmes de gestion de la sécurité. De tels indicateurs sont utilisés par les États pour déterminer le «niveau acceptable de performance de sécurité» sur leur territoire conformément aux prescriptions de l’OACI. La proposition met l’accent sur la coopération entre l’Agence et les autorités nationales, y compris le rôle de celle-ci en tant que gestionnaire du nouveau répertoire d’informations visé en ses articles 61 à 63. Le CESE souligne l’importance de cette mesure pour améliorer le régime de surveillance et de mise en œuvre.

4.   Observations particulières

4.1.    Protection de l’environnement

Le CESE approuve l’ajout de nouvelles dispositions relatives aux questions environnementales, notamment s’agissant du rapport environnemental que l’AESA publiera tous les trois ans.

4.2.    Reconnaissance des certificats de pays tiers

Le CESE fait valoir l’importance d’accords de reconnaissance mutuelle avec les principaux pays partenaires pour soutenir l’industrie aéronautique de l’Union européenne et les échanges commerciaux internationaux dans ce secteur.

4.3.    Assistance en escale

4.3.1.

Le CESE se félicite de l’insertion de l’assistance en escale dans le champ d’application du règlement à l’examen, car celle-ci constitue un maillon important de la chaîne de la sécurité de l’aviation civile.

4.3.2.

Le CESE proposerait toutefois d’étudier une obligation de certification des prestataires de services d’assistance en escale, ainsi qu’à l’intention du personnel d’assistance en escale qui joue un rôle critique pour la sécurité. Il conviendrait d’étoffer et de détailler plus avant les exigences essentielles prévues par l’annexe VII de la proposition, notamment en matière de normes de formation et de qualifications.

4.3.3.

Parmi les autres questions à étudier, figurent également:

les effectifs et le nombre des différents prestataires autour de l’aéronef en fonction des temps de rotation;

les risques pour la santé qu’entraîne l’exposition à la pollution atmosphérique sur l’aire de trafic.

4.4.    Équipements d’aérodrome

4.4.1.

S’agissant de l’obligation de certification pour les équipements d’aérodrome prévue par l’article 31 du règlement à l’examen, le CESE note que d’ordinaire, lesdits équipements sont certifiés dans le cadre de dispositifs concernant les équipements électriques et d’autres systèmes. Un dispositif supplémentaire de certification pourrait entraîner une double réglementation, avec des avantages nuls ou extrêmement ténus. Par conséquent, le CESE propose de remplacer l’article 31 de la proposition par des dispositions stipulant que l’AESA réagira de manière adéquate lorsque les données de sécurité démontrent que les équipements utilisés, ou destinés à l’être, sur des aérodromes soumis au nouveau règlement constituent un risque pour la sécurité.

4.5.    Équipage de cabine

Le CESE accueille favorablement les nouvelles exigences essentielles prévues à l’annexe IV, ainsi que le renforcement à l’article 21 des dispositions relatives à l’équipage de cabine. Il déplore que la proposition use du terme «attestation», et non de celui de «licence», bien que les exigences posées dans la partie 4 de l’annexe IV relatives à l’équipage de cabine équivalent à celles présidant à la délivrance d’une licence ou d’un certificat. Par souci de cohérence, l’équipage de cabine devrait se voir accorder une licence délivrée par une autorité aéronautique nationale ou par l’AESA.

4.6.    Dispositions de sauvegarde et de flexibilité et mesures adoptées par l’Agence

4.6.1.

Le CESE attire l’attention sur l’extension des mesures d’urgence et des dispositions de flexibilité dans les articles 59 et 60 de la proposition par rapport à celles des articles 14 et 22 du règlement (CE) no 216/2008 en vigueur, s’agissant notamment des limitations des temps de vol et des autres mesures affectant les conditions de travail du personnel.

4.6.2.

Le CESE est d’avis qu’il n’est pas nécessaire de prolonger la période de deux mois sans obligation de notifier l’AESA en ce qui concerne les mesures liées à la sauvegarde (article 59) ou les dispositions de flexibilité (article 60). Dans le même ordre d’idées, le CESE s’oppose à la prolongation à huit mois que prévoit le paragraphe 4 de l’article 65 relatif aux mesures adoptées par l’Agence.

4.6.3.

Le CESE estime qu’il convient d’instaurer l’obligation de chercher l’accord du personnel concerné avant qu’il ne soit décidé de mesures d’urgence ou de flexibilité qui affectent ses conditions de travail. Lorsqu’une décision a été prise en l’absence d’un tel accord, l’AESA devrait immédiatement entamer l’évaluation prévue par les articles 59, paragraphe 2, et 60, paragraphe 2.

4.7.    Coopération entre les autorités compétentes et l’AESA et transferts de responsabilités

4.7.1.

Le CESE accueille favorablement la proposition de renforcer la coopération entre les autorités compétentes des États membres, la Commission et l’AESA en ce qui concerne la certification, la surveillance et l’application. Il soutient les mesures telles que la mise en place d’un mécanisme de mise en commun des inspecteurs et le transfert pour des raisons d’urgence de responsabilités à l’AESA, pour autant qu’elles n’aient pas d’incidences néfastes sur le statut et les conditions d’emploi des travailleurs concernés. Il convient de documenter sans ambiguïté tant les critères qui président à un tel transfert d’urgence que les exigences pour rétablir l’État membre concerné dans ses compétences en matière de supervision.

4.7.2.

Le CESE met en exergue la nature volontaire du transfert de responsabilités par un État membre à l’AESA en vertu de l’article 53, sauf dans le cas d’un transfert opéré pour des raisons d’urgence en vertu de l’article 55 afin de remédier à des lacunes urgentes en matière de sécurité. Le dernier alinéa du paragraphe 2 de l’article 53 garantit que les transferts s’opèrent en tenant dûment compte de la législation nationale de l’État membre concerné et avec l’accord de celui-ci. Le CESE estime que les garde-fous procéduraux et autres permettent de faire fonctionner le transfert de manière correcte et dans le respect de la sécurité juridique. Le CESE approuve donc le mécanisme de transfert proposé.

4.7.3.

La faculté des États membres de transférer la supervision à un autre État membre doit demeurer volontaire en prévoyant la possibilité pour un État de recouvrer les compétences déléguées.

4.7.4.

Le CESE prend note de l’introduction de la possibilité pour les exploitants multinationaux de choisir l’AESA comme autorité compétente. Dans le droit fil de son point de vue sur le transfert volontaire de responsabilités, le CESE est en mesure d’approuver cette proposition, à condition que l’autorité ou les autorités nationales concernées donnent leur accord et pour autant que cette mesure n’ait pas d’incidences néfastes sur le statut et les conditions d’emploi du personnel concerné.

4.8.    Collecte, échange et analyse d’informations

4.8.1.

Comme dans le cas des propositions visant à accroître la coopération entre l’AESA et les autorités aéronautiques nationales, le CESE appuie les dispositions renforcées relatives à la collecte, l’échange et l’analyse d’informations. Il exige toutefois des mesures supplémentaires afin d’assurer la protection des données à caractère personnel, comme celles d’inclure cette question dans le système d’audit informatique ou d’améliorer le degré d’anonymat des données. Afin d’accroître la transparence, les données anonymisées devraient être mises à la disposition de toutes les parties prenantes.

4.8.2.

Le CESE se félicite également de l’établissement d’un répertoire reprenant les certificats, les accréditations, les mesures, les décisions de la Commission, les décisions des États membres, les transferts de responsabilités, les notifications, les demandes et autres informations.

4.9.    Gestion de la sécurité aérienne

4.9.1.

Tout en approuvant l’insertion d’une mention du programme européen pour la sécurité aérienne (EASP), ainsi que des programmes nationaux de sécurité aérienne, le CESE attire l’attention sur le défi de rendre les mesures et les documents compréhensibles pour les travailleurs en première ligne. Aussi, il est essentiel que ce programme européen et ces plans nationaux se fondent sur une approche ascendante chaque fois que cela est possible. S’il en allait autrement, les textes pourraient ne pas contribuer à produire les changements voulus.

4.10.    Aéronefs sans équipage (drones)

4.10.1.

Le CESE approuve l’insertion des aéronefs sans équipage dans le champ d’application de la proposition, mais réitère ses appels à la prudence lors de la mise en œuvre de l’approche fondée sur la performance.

4.10.2.

Il convient donc de concevoir une réglementation exhaustive pour assurer une sécurité adéquate. Le CESE estime qu’il sera une gageure de rendre ces nouvelles activités aéronautiques en rapport avec les drones compatibles avec le trafic aérien; aussi, il est essentiel de réglementer en cette matière. La gestion du trafic aérien est dès à présent une affaire compliquée où des responsabilités considérables pèsent sur les épaules des contrôleurs de la circulation aérienne; le CESE demande de ne pas conférer à ces travailleurs de responsabilités injustifiées en vue de leur adaptation à une situation où de tels aéronefs sans équipage sillonnent les cieux. Il convient de mettre sur pied une démarche cohérente en matière d’octroi de licence pour l’exploitation et la possession de drones, y compris en matière d’enregistrement. L’obligation d’obtenir une licence, en fonction des caractéristiques du drone, permettrait de sensibiliser, exigerait une connaissance des réglementations et des restrictions en vigueur et aiderait à développer les compétences nécessaires.

4.11.    Cybermenaces

4.11.1.

Le CESE se préoccupe tout particulièrement de la cybersécurité. En dépit de l’informatisation, le facteur humain restera crucial pour vérifier les données et se protéger contre des interventions illicites. Bien que le fait de disposer à bord de données pertinentes améliore la sécurité, le CESE fait valoir que les équipages des aéronefs doivent garder la maîtrise de leur avion. De la même manière, il convient de développer pour les drones un système solide de protection contre les cybermenaces.

4.12.    Transition vers une approche fondée sur la performance

4.12.1.

L’un des principaux avantages d’un système fondé sur le respect des règles réside dans l’égalité de traitement des différents opérateurs. Le CESE estime que la transition vers un système fondé sur l’évaluation des risques et sur la performance doit faciliter les adaptations à une nouvelle culture et doit maintenir la confiance dans le système de sécurité et sa capacité à assurer l’amélioration continue des niveaux de sécurité dans le cadre d’un système fondé sur la performance. Pour ce faire, des ajustements et des adaptations sont nécessaires à tous les niveaux. Pour étoffer les observations générales formulées dans les paragraphes 3.4 et 3.5 ci-avant, le CESE estime que les éléments suivants sont essentiels pour réussir cette transition:

des ressources suffisantes doivent être disponibles pour garantir à tout moment les niveaux de sécurité adéquats;

la transition doit être mise en œuvre de manière à permettre de prévoir à l’avance les conditions de travail du personnel. La transparence sur les changements prévus doit être assurée;

la mise en œuvre du nouveau système doit s’accompagner d’un dialogue permanent avec les parties prenantes, et notamment d’un dialogue social;

le rythme de la mise en œuvre doit permettre une transition en toute sécurité vers le nouveau système tout en tenant compte de la nécessité de procéder à une mutation culturelle.

4.12.2.

Le CESE estime qu’une transition vers un nouveau système et une nouvelle culture prendront du temps. Pour l’instant, il est permis de douter que la sécurité soit jamais pleinement couverte par une réglementation fondée sur la performance.

4.13.    Comptes rendus d’événements et culture de l’équité

4.13.1.

Comme dans ses avis antérieurs (10), le CESE maintient qu’il est nécessaire d’appliquer les principes de la culture de l’équité à l’ensemble du secteur de l’aviation. Le CESE doute que la proposition ou toute autre législation en vigueur de l’Union européenne suffise à elle seule à garantir le respect de la culture de l’équité. Il reste beaucoup à faire au sein des États membres afin de promouvoir cette culture de l’équité et de maintenir une ligne claire et prévisible entre les comptes rendus en rapport avec la sécurité et le système judiciaire. Par conséquent, le CESE réitère sa proposition d’une charte ou d’un code de conduite afin de soutenir les bonnes pratiques.

4.14.    Amendes et astreintes

4.14.1.

Le CESE estime que le système en vigueur d’amendes et de paiements périodiques d’astreintes a démontré son inefficacité. Il conviendrait de modifier le libellé de l’article 72, paragraphe 1, qui prévoit que «la Commission peut […] imposer à une personne physique ou morale […] une amende», en «la Commission impose […]». Il convient de rappeler que l’article 72, paragraphe 3, ménage toutefois une marge d’appréciation. Lorsque la Commission envisage s’il y a lieu d’imposer des astreintes, elle doit se concerter avec les autorités nationales concernées de manière à assurer une démarche cohérente avec l’application de la législation nationale.

4.15.    Financement de l’AESA

Le CESE estime que la proposition d’inclure des redevances acquittées conformément à de futures dispositions dans le cadre du règlement relatif à la mise en œuvre du ciel unique européen, est à la fois prématurée et par trop obscure. Par exemple, il n’est pas certain si l’on créera un système distinct de redevances pour le ciel unique ou si l’on vise à modifier le système de redevances de route en vigueur, qui est actuellement géré par Eurocontrol (en vertu de l’accord multilatéral relatif aux redevances de route, dont l’édition non officielle d’octobre 2006 est disponible sur le site internet d’Eurocontrol). L’on ne voit pas davantage si les redevances prévues seront exclusivement perçues pour des services du ciel unique ou si elles seront utilisées en vue de financer le budget général de l’Agence. Pour ces raisons, le CESE estime que cette proposition est prématurée et qu’il convient de la rejeter.

4.16.    Méthodes de travail et association des parties prenantes

4.16.1.

L’association des parties prenantes est, et doit demeurer, une pièce maîtresse des travaux de l’AESA. Par conséquent, le CESE propose de supprimer les termes «au besoin» du libellé de l’article 104, paragraphe 1, point b), afin d’éviter toute décision arbitraire quant à la nécessité d’associer ou non les parties prenantes aux activités de l’Agence.

4.17.    Régime linguistique

Bien que l’anglais soit largement utilisé dans le milieu de l’aviation, il subsiste encore certaines zones géographiques et des secteurs d’activités où les langues nationales prédominent. Le CESE estime qu’en vertu de l’interdiction de toute discrimination fondée sur la langue posée par l’article 21 de la Charte des droits fondamentaux, il convient de traduire et de publier dans toutes les langues officielles de l’Union européenne au moins les spécifications de certification et les moyens acceptables de conformité. De plus, le site internet de l’AESA devrait être disponible, outre en anglais, dans les autres langues de l’Union européenne, afin d’accroître la transparence et la sensibilisation du grand public.

4.18.    Structure interne

La formulation proposée de l’article 90 conférera bien davantage de pouvoir à la Commission au détriment du Parlement européen. Le CESE insiste par conséquent pour que siègent au conseil d’administration un représentant de la Commission et un représentant du Parlement européen.

4.19.    Location

Le CESE s’oppose avec vigueur à la proposition de modifier les dispositions du règlement (CE) no 1008/2008 relatives à la location. Puisqu’il est prévu d’évaluer ce règlement en 2017-2018, cette question devrait être traitée séparément.

5.   Évaluation du règlement (UE) no 996/2010 sur les enquêtes et la prévention des accidents dans l’aviation civile

Comme mentionné dans le paragraphe 4.13 ci-avant, le CESE fait derechef état de la nécessité de préserver la culture de l’équité et de sa proposition d’une charte à cet effet. Le CESE préconise une approche non contraignante sur le plan juridique et soutient la coopération menée avec succès au sein de l’ENCASIA, qui constitue un forum pour mettre en commun les ressources et les connaissances et une instance pour mener des études et pour émettre des recommandations en matière de sécurité et définir des systèmes de comparaison. Pour y parvenir, il est d’une importance capitale que des ressources adéquates soient disponibles.

Le CESE est d’avis que les travaux futurs menés dans le domaine régi par le règlement à l’examen devraient s’attacher à veiller à son application correcte plutôt qu’à modifier le cadre juridique.

Bruxelles, le 14 décembre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  COM(2015) 613 final.

(2)  JO L 79 du 19.3.2008, p. 1.

(3)  COM(2015) 599 final.

(4)  COM(2015) 598 final, JO C 389 du 21.10.2016, p. 86.

(5)  JO C 21 du 21.1.2011, p. 62.

(6)  JO C 13 du 15.1.2016, p. 169.

(7)  COM(2015) 598 final.

(8)  COM(2015) 598 final, point 2.3.

(9)  JO C 13 du 15.1.2016, p. 169, paragraphe 3.1.3; JO C 13 du 15.1.2016, p. 110, paragraphe 2.7 et JO C 389 du 21.10.2016, p. 86, paragraphe 1.3.

(10)  JO C 21 du 21.1.2011, p. 62 et JO C 198 du 10.7.2013, p. 73.


10.3.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/119


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: Les plateformes en ligne et le marché unique numérique — Perspectives et défis pour l’Europe»

[COM(2016) 288 final]

(2017/C 075/20)

Rapporteur:

M. Thomas McDONOGH

Consultation

Commission européenne, 25.5.2016

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

15.11.2016

Adoption en session plénière

14.12.2016

Session plénière no

521

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

175/0/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité accueille favorablement le plan d’action proposé par la Commission européenne, qui prévoit notamment le réexamen des directives relatives aux télécommunications et à la vie privée et aux communications électroniques à la lumière du rôle joué par les services de communication en ligne par le canal de la messagerie par contournement (OTT), un exercice de recensement des mesures volontaires prises par les plateformes qui pourrait donner lieu à l’élaboration d’un document d’orientation, un exercice de collecte d’éléments factuels sur les pratiques interentreprises, le financement de projets relatifs aux données ouvertes et, à terme, une stratégie visant à faciliter et soutenir l’émergence de plateformes compétitives établies dans l’Union européenne.

1.2.

Le Comité économique et social européen (CESE) souligne que de nombreuses plateformes en ligne constituent des éléments importants de l’économie collaborative, au sujet de laquelle il réaffirme ses conclusions antérieures, en particulier pour ce qui concerne la protection des consommateurs, les salariés et les travailleurs indépendants.

1.3.

Le CESE s’inquiète toutefois de ce que l’élaboration des règles et des stratégies au niveau de l’Union européenne ne peut suivre le rythme des évolutions survenant sur les marchés numériques, sans même parler de leur mise en œuvre dans les États membres. Il souhaiterait savoir de quelle manière la coordination entre les différentes parties au sein de la Commission et dans les États membres pourrait être renforcée et quels types de mécanismes seraient utiles.

1.4.

Le Comité insiste sur la nécessité de lutter contre le risque de fragmentation et d’adopter une approche cohérente à l’échelle de l’Union européenne, sans quoi la coexistence de règles nationales différentes générera de l’incertitude, compliquera l’expansion des jeunes entreprises et limitera potentiellement la disponibilité des services numériques. Une telle démarche s’impose d’autant plus que certains États membres envisagent déjà, ou sont déjà en train d’introduire, des mesures spécifiques destinées à lutter contre les pratiques commerciales déloyales, ce qui crée un risque de fragmentation du marché unique numérique.

1.5.

La communication ne contient pas de propositions spécifiques et avance peu de solutions satisfaisantes. Si quelques solutions sont exposées, les réponses aux vraies grandes questions, concernant l’éventuel préjudice que les plateformes infligeraient à leurs fournisseurs sur certains marchés, sont remises à plus tard.

1.6.

La diffusion des plateformes en ligne a procuré d’énormes avantages aux fournisseurs et aux consommateurs, ainsi qu’à l’économie et à nos modes de vie en général. Des problèmes surviennent et surviendront néanmoins; le CESE recommande dès lors de donner une définition plus précise des préjudices les plus graves pour les entreprises et les consommateurs, puis d’y remédier avec efficacité et précision, dans la mesure où ces inquiétudes sont soit communes à toutes les plateformes en ligne, soit spécifiques à un secteur, soit propres à des entreprises individuelles. Il préconise également une coopération transsectorielle et un suivi de l’évolution des plateformes en ligne, de manière à résoudre les problèmes qui se posent au fil du temps.

1.7.

Le Comité se réjouit que la Commission ait l’intention d’envisager des mesures pour faciliter le transfert et la portabilité des données entre différentes plateformes en ligne et services informatiques en nuage, pour les utilisateurs professionnels comme les utilisateurs privés.

1.8.

Le CESE préconise la mise en place de programmes pour sensibiliser les citoyens de tous les âges et renforcer leurs compétences numériques, étant entendu que ce sont les plus jeunes et les plus âgés qui sont les plus vulnérables. Il serait favorable à la mise en place d’une norme européenne prévoyant une formation systématique en la matière.

1.9.

Le CESE demande à la Commission d’évaluer s’il est nécessaire que les plateformes affichent des résumés faciles à consulter afin de préciser clairement lorsqu’une tarification personnalisée est appliquée et de quelle manière elles classent leurs résultats, ainsi que pour permettre l’exercice inconditionnel et simple sur le plan administratif du droit à l’oubli.

1.10.

Le CESE se félicite que la Commission ait indiqué qu’elle travaillait avec les plateformes en ligne à un code de conduite destiné à lutter contre les discours haineux en ligne et les contenus préjudiciables aux mineurs. Il estime cependant qu’il convient également de prévoir certaines formes de sanctions à l’encontre des acteurs qui négligent de supprimer ces contenus lorsqu’ils en ont connaissance.

1.11.

Le Comité déplore que la Commission ait une nouvelle fois éludé la dimension sociale des plateformes en ligne. Il souligne qu’il y a lieu de définir plus précisément la responsabilité sociale des plateformes à l’égard de leurs collaborateurs, qu’ils soient employés de manière régulière ou qu’ils travaillent dans le cadre de nouvelles formes d’emploi. Il convient d’accorder une attention particulière à ces derniers et d’assurer, pour l’ensemble des travailleurs des plateformes, des conditions de travail équitables, une protection sociale adéquate, la santé et la sécurité au travail, un droit à la formation et à la négociation collective ainsi que des droits syndicaux (1), en reconnaissant les défis posés par les plateformes en ligne dans le contexte de l’économie collaborative.

1.12.

Contrairement à l’analyse de la Commission, qui affirme que le cadre juridique existant est largement suffisant, le Comité préconise un cadre de l’Union européenne en matière de «travail participatif», afin de prévenir l’érosion ou le contournement des salaires minimaux et des réglementations en matière de temps de travail et de sécurité sociale.

1.13.

Le Comité invite instamment la Commission à se pencher sur les aspects fiscaux en lien avec l’activité des plateformes en ligne pour lutter contre les pratiques qui font obstacle à des conditions de concurrence équitables.

2.   Contenu essentiel de la communication de la Commission

2.1.

Dans la communication et le document de travail de ses services qu’elle a récemment publiés, et plus généralement dans le cadre de la stratégie relative au marché unique numérique, la Commission s’emploie à encourager l’innovation déployée par les plateformes en ligne et à favoriser leur mise en concurrence effective, tout en protégeant les droits et la vie privée des consommateurs.

2.2.

La communication expose les principaux problèmes recensés lors de l’analyse des plateformes en ligne et définit l’approche que la Commission adoptera à l’avenir à leur égard.

2.3.

La communication ne propose pas un catalogue global de nouvelles règles de l’Union européenne concernant les plateformes.

2.4.

La Commission propose uniquement d’adopter des mesures réglementaires qui répondent à des problèmes clairement délimités en lien avec une catégorie ou une activité spécifiques de plateforme en ligne, plutôt que d’appliquer des règles préventives qui pourraient nuire à l’innovation.

2.5.

La Commission reconnaît que les plateformes en ligne prennent des formes multiples et sont de tailles différentes, et qu’elles sont en évolution constante, ce pourquoi il n’existe pas de consensus sur une définition unique de ces acteurs.

2.6.

La Commission considère qu’adopter une approche indifférenciée pour réglementer les plateformes ne serait pas une solution appropriée pour relever les différents défis posés par les divers types de plateforme.

2.7.

La Commission admet que le cadre juridique existant est largement suffisant pour réglementer les plateformes, bien qu’il ne relève pas simplement de la compétence d’une instance unique de réglementation.

2.8.

La communication prévoit une feuille de route et des principes en vue d’interventions futures:

des conditions de concurrence équitables pour les services numériques comparables,

une attitude responsable des plateformes en ligne afin de préserver les valeurs fondamentales,

la transparence et l’impartialité pour conserver la confiance des utilisateurs et préserver l’innovation,

des marchés ouverts et non discriminatoires dans une économie fondée sur les données.

2.9.

La Commission s’efforcera d’uniformiser la situation réglementaire dans le secteur des télécommunications, éventuellement au moyen d’une déréglementation et de règles spécifiques pour les prestataires de services de communication par le canal de la messagerie par contournement (OTT).

2.10.

La Commission envisagera d’étendre aux services de communications en ligne l’application de la directive relative à la vie privée et aux communications électroniques.

2.11.

La Commission propose d’imposer aux plateformes de partage de vidéos en ligne de nouvelles obligations en matière de lutte contre les contenus préjudiciables dans le cadre d’une nouvelle directive «Services de médias audiovisuels».

2.12.

La Commission évaluera le régime de responsabilité des intermédiaires en ligne, notamment les points suivants:

la nécessité de fournir des orientations sur la responsabilité lorsque des mesures volontaires sont prises pour lutter contre le contenu illicite en ligne,

la mesure dans laquelle les procédures officielles de notification et d’action sont nécessaires.

2.13.

La Commission encouragera davantage les plateformes en ligne à faire des efforts d’autorégulation coordonnés à l’échelle de l’Union européenne pour lutter contre les contenus illicites en ligne (et procédera à un examen régulier de l’efficacité de ces mesures).

2.14.

Les plateformes en ligne seront encouragées à lutter contre les évaluations en ligne fausses ou trompeuses.

2.15.

La Commission définira des principes et fournira des orientations sur l’interopérabilité des identifications électroniques en 2017.

2.16.

Les nouvelles propositions relatives au droit d’auteur, adoptées récemment par la Commission, visent à parvenir à une plus juste répartition de la valeur générée par la distribution de contenu protégé par ledit droit sur les plateformes en ligne qui y donnent accès.

2.17.

Le règlement relatif à la coopération en matière de protection des consommateurs est traité en même temps que la communication à l’examen pour permettre d’appliquer plus efficacement le droit européen de la consommation dans un contexte transnational.

2.18.

La Commission a réexaminé les orientations concernant la directive sur les pratiques commerciales déloyales, qui doivent être adoptées en même temps que la communication à l’examen. Elle déterminera aussi, au titre du bilan de qualité de la législation de l’Union européenne en matière de consommation et de commercialisation en 2017, dans quelle mesure il peut être nécessaire d’actualiser la réglementation applicable à la protection des consommateurs en ce qui concerne les plateformes.

2.19.

La Commission à l’intention de procéder, d’ici au printemps 2017, à un exercice ciblé de collecte d’éléments factuels sur les pratiques interentreprises observées dans l’environnement des plateformes en ligne, afin de déterminer «si une action supplémentaire de l’Union européenne s’impose».

2.20.

La Commission prévoit d’examiner les obstacles potentiels à un marché unique européen des données qui peuvent résulter d’incertitudes juridiques concernant la propriété et l’exploitabilité, ou l’accessibilité, des données; elle envisagera aussi, au titre de l’initiative «libre circulation des données» prévue pour la fin 2016, des mesures pour faciliter le transfert et la portabilité des données.

3.   Observations générales

3.1.

Une économie numérique dynamique sera essentielle pour l’Europe si celle-ci veut percer le plafond de croissance annuelle de son PIB, bloquée à 1,5 %, dans les dix années à venir (voir le rapport du Conseil du programme mondial pour l’Europe du Forum économique mondial).

3.2.

Les entreprises exploitant des plateformes en ligne comptent maintenant parmi les plus lucratives et les plus influentes de la planète, et leur importance dans l’économie mondiale continuera de croître.

3.3.

L’Union européenne ne représente que 4 % de la capitalisation boursière totale des plateformes en ligne (2).

3.4.

La cinquantaine de grands opérateurs européens de commerce électronique sont soumis à vingt-huit cadres réglementaires nationaux distincts, alors que les six plus grands opérateurs du marché américain et les trois géants du marché chinois sont régis par un cadre réglementaire unique (3).

3.5.

Les questions relatives aux plateformes en ligne ont rendu pressante la nécessité d’agir au niveau des États membres et ont accru la fragmentation.

3.6.

L’harmonisation du droit des contrats et de la protection des consommateurs sont d’une importance capitale pour le développement pérenne et l’expansion des plateformes en ligne.

3.7.

Le Comité demande instamment de focaliser l’attention sur les initiatives législatives et non législatives qui doivent être déposées avant la fin 2016 pour créer un marché unique numérique pleinement intégré. Les années 2016 et 2017 détermineront pour l’Europe sa capacité à établir une feuille de route numérique au service de la compétitivité et de la croissance, ou son glissement vers la médiocrité numérique.

3.8.

La communication relève un certain nombre de secteurs dans lesquels la Commission a connaissance d’un problème mais n’expose pas d’éléments concrets permettant de déterminer les mesures qu’il conviendrait de prendre, le cas échéant. Il s’agit en premier lieu des questions relatives aux relations interentreprises. Elle propose de consacrer six mois à de nouvelles études avant de prendre une décision au printemps 2017.

3.9.

Le Comité attend un autre débat important pour le début de l’année prochaine, lorsque la Commission présentera les conclusions de ses travaux de recherche en la matière.

3.10.

Une réglementation excessive ou rigide minerait la contribution positive qu’apportent les plateformes en ligne à l’économie numérique au sein de l’Union européenne, et les changements de réglementation ne devraient pas être réalisés aux dépens de la protection des consommateurs et des travailleurs.

3.11.

Des conditions de concurrence équitables pour les services numériques comparables au sein d’un marché unique numérique ne doivent pas avoir d’effet défavorable sur les recettes fiscales, ni faciliter une nouvelle érosion de l’assiette pour l’impôt sur les sociétés en permettant aux entreprises d’acquitter leurs impôts dans une juridiction donnée, même lorsque qu’elles créent de la valeur ailleurs. Les impôts sur les bénéfices doivent être payés là où se déroule l’activité économique considérée.

4.   Observations particulières

4.1.

La Commission décrit les plateformes comme des marchés que l’on qualifie généralement de bifaces ou multifaces, dans lesquels les utilisateurs sont réunis par un opérateur de plateforme qui facilite leurs interactions.

4.2.

Cependant, la liste établie par la Commission elle-même, qui va des médias sociaux aux moteurs de recherche, en passant par les systèmes de paiement et les plateformes publicitaires, exclut les plateformes traditionnelles qui sont désormais présentes en ligne, mais couvre pourtant certaines plateformes numériques qui ne sont pas multifaces.

4.3.

En outre, les plateformes fournissant de la main-d’œuvre, qui sont de plus en plus nombreuses, ne figurent pas sur la liste établie par la Commission. Celle-ci ne permet donc pas de répondre aux problèmes spécifiques de ces acteurs, en particulier en matière de travail décent et de protection sociale adéquate. Pour garantir que les droits des travailleurs et les normes de travail ne sont pas contournés et que ces dernières sont effectivement appliquées, le CESE préconise l’adoption de mesures législatives portant sur les droits en matière d’emploi et la protection des travailleurs en ligne et des collaborateurs de plateformes, en particulier ceux qui occupent de nouvelles formes d’emploi (4). Il s’agirait de définir les collaborateurs de plateformes en ligne comme des travailleurs, de leur reconnaître par défaut une relation de travail, de garantir leur droit à l’égalité de traitement par rapport à un emploi classique et d’assurer la mise en œuvre effective de ces dispositions (par exemple appJobber, Applause, Clickworker, content.de, Crowd Guru, Designenlassen.de, Freelancer, greatcontent, Jovoto, Local Motors, Microworkers, Mylittlejob, Streetspotr, Testbirds, testlO, Textbroker, Twago, Upwork, 99designs).

4.4.

Il y a un fort avantage au premier arrivant et il peut devenir difficile de concurrencer les plateformes qui parviennent à exploiter des effets de réseau, lesquelles peuvent également devenir des partenaires commerciaux incontournables pour les entreprises.

4.5.

La plateforme de règlement en ligne des litiges pourrait être utilisée pour le règlement extrajudiciaire des litiges entre entreprises, mais il convient avant tout de garantir la mise en œuvre effective du mécanisme de règlement en ligne des litiges entre entreprises et consommateurs.

4.6.

La crainte de représailles commerciales de la part des plateformes en ligne dont ils dépendent peut dissuader des plaignants de contacter les autorités de concurrence. Le Comité recommande d’adopter de nouvelles mesures pour protéger les plaignants sur ces marchés.

4.7.

Les créateurs de sites internet et les fournisseurs de services internet qui les hébergent exercent souvent leurs activités en dehors de l’Europe ou cachent leur identité. Conçues à l’origine pour cibler les fournisseurs de services internet qui hébergent des sites internet proposant du contenu piraté, les injonctions faites à ces fournisseurs de bloquer le contenu illicite peuvent être un instrument précieux à la disposition des titulaires de droits, et les ordres de blocage de sites internet peuvent être utilisés, et l’ont d’ailleurs été, dans la lutte pour la protection des marques et des consommateurs contre la vente en ligne de contrefaçons.

4.8.

La force des marchés américains de capital-risque, par rapport à ceux de l’Union européenne, représente une incitation supplémentaire, pour les entreprises émergentes, à s’installer aux États-Unis.

4.9.

L’acquisition d’entreprises au faible chiffre d’affaires n’est pas couverte par les exigences de notification actuellement en vigueur, même lorsque la société achetée détient des données ayant une valeur commerciale ou recèle un potentiel de marché conséquent. Le régime en vigueur en matière de contrôle des fusions pourrait être modifié en complétant les seuils fondés sur le chiffre d’affaires par des exigences de notification supplémentaires sur la base du volume des transactions.

4.10.

Les autorités de concurrence pourraient recourir davantage à des mesures provisoires et imposer des délais pour accélérer les mesures d’application de la loi sur les marchés en mutation rapide.

4.11.

Les plateformes en ligne demandent souvent à leurs utilisateurs de leur fournir diverses informations qui ne sont pas en lien direct avec le contenu de la plateforme concernée, les obligeant à souscrire à des conditions générales qu’ils n’accepteraient pas en temps normal mais auxquelles ils doivent consentir pour pouvoir utiliser le service de la plateforme.

4.12.

Les données à caractère personnel constituent la monnaie d’échange du marché numérique actuel, mais beaucoup de consommateurs semblent inconscients du fait qu’ils troquent leurs données à caractère personnel contre un accès à nombre de services prétendument gratuits et que leurs données peuvent être vendues ou partagées avec des tiers. En outre, indépendamment des mesures de protection des consommateurs existantes ou prévues, l’utilisation de l’internet et la protection de la vie privée sont, d’un point de vue technique, des enjeux contradictoires puisqu’il existe toujours la possibilité que des spécialistes très qualifiés réussissent à accéder à pratiquement toutes les données. Il est donc nécessaire de faire également prendre conscience à l’ensemble des citoyens, quel que soit leur âge — les plus jeunes et les plus âgés étant les plus vulnérables — de l’existence de telles menaces.

Bruxelles, le 14 décembre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO C 71 du 24.2.2016, p. 65.

(2)  COM(2016) 288 final

(3)  Voir la note 1 de bas de page.

(4)  JO C 303 du 19.8.2016, p. 54.


10.3.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/124


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: Renforcer le système européen de cyber-résilience et promouvoir la compétitivité et l’innovation dans le secteur européen de la cybersécurité»

[COM(2016) 410 final]

(2017/C 075/21)

Rapporteur:

Thomas McDONOGH

Consultation

Commission européenne, 18 août 2016

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

15 novembre 2016

Adoption en session plénière

14 décembre 2016

Session plénière no

521

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

148/0/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité accueille favorablement la communication de la Commission sur le renforcement du système européen de cyber-résilience et la promotion de la compétitivité et de l’innovation dans le secteur européen de la cybersécurité. Le Comité partage la préoccupation de la Commission à l’égard de la vulnérabilité persistante de l’Europe aux cyberattaques, notant que 80 % au moins des entreprises européennes ont connu au moins un incident touchant à la cybersécurité au cours de l’année écoulée et que le nombre d’incidents de sécurité dans l’ensemble des secteurs industriels à l’échelle de la planète a augmenté de 38 % en 2015 (The Global State of Information Security Survey 2016, PWC). Nous convenons avec la Commission qu’un éventail de mesures est nécessaire pour renforcer le système européen de cyber-résilience et promouvoir la compétitivité et l’innovation au sein du secteur européen de la cybersécurité.

1.2.

Le Comité se félicite en particulier de la présente proposition dans le contexte de la récente adoption de la directive relative à la sécurité des réseaux et de l’information (directive SRI) (1), qui vise à harmoniser l’approche de la cybersécurité au sein de l’Union européenne, et de la stratégie d’ensemble pour la cybersécurité (2), qui présente la vision actuelle sur les meilleurs moyens de prévenir les perturbations et les attaques informatiques, de promouvoir les valeurs européennes de liberté et de démocratie et de veiller à ce que l’économie numérique puisse se développer en toute sécurité.

1.3.

Le CESE convient que des mesures globales sont indispensables pour protéger davantage les infrastructures et les services numériques européens d’importance vitale contre les menaces pour leur sécurité, et se réjouit de constater que les mesures proposées aujourd’hui constituent une avancée significative dans le sens d’une mise en œuvre d’un grand nombre recommandations que le Comité a formulées dans de nombreux avis antérieurs (3) sur le renforcement de la cybersécurité dans l’ensemble de l’Union.

1.4.

Le CESE se félicite que la Commission ait signé le partenariat public-privé contractuel (PPPc) en matière de cybersécurité qui devrait permettre de débloquer 1,8 milliard d’EUR d’investissements dans le secteur européen de la cybersécurité, afin de stimuler la coopération à un stade précoce du processus de recherche et d’innovation et de forger des solutions de cybersécurité applicables à différents secteurs, tels que l’énergie, la santé, les transports et la finance. Le CESE espère plus particulièrement que ce PPPc sera utilisé pour soutenir le développement d’entreprises spécialisées dans la cybersécurité à un stade précoce dans l’ensemble de l’Union.

1.5.

Le Comité se félicite que la Commission ait l’intention d’évaluer la nécessité de modifier ou d’étendre le mandat de l’Agence européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l’information (ENISA) d’ici la fin 2017, et se réjouit à la perspective d’être consulté sur cette question par la Commission. Le CESE estime que toute extension du mandat de l’ENISA devrait prévoir d’étendre le rôle opérationnel de l’agence afin d’accroître plus efficacement la sensibilisation à la menace de cyberattaques et d’améliorer la capacité de réaction dans toute l’Union, ainsi que de développer une responsabilité plus directe des programmes d’éducation et de sensibilisation à la cybersécurité, en particulier ceux destinés aux citoyens et aux petites et moyennes entreprises (PME).

1.6.

Afin de garantir la force de leadership et l’intégration nécessaire au niveau de l’Union européenne pour gérer la mise en œuvre complexe d’une politique paneuropéenne efficace en matière de cybersécurité, le Comité invite la Commission à évaluer la possibilité de modifier le statut de l’ENISA pour en faire une autorité européenne de la cybersécurité, analogue à l’Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA). Si ce changement de mandat de l’ENISA n’est pas réalisable, le CESE plaide alors en faveur de la création ex nihilo d’une autorité de ce type.

1.7.

Le CESE invite la Commission à envisager la création d’un modèle pour le développement et l’évaluation de la cybersécurité nationale, qui s’inspire du modèle de maturité des capacités (CMM) existant dans le secteur informatique, afin de mesurer de manière objective le niveau de résilience de chaque État membre en matière de cybersécurité.

1.8.

Le Comité note que la Commission réfléchira à la nécessité d’une mise à jour prochaine de la stratégie de cybersécurité de l’Union européenne de 2013, et se réjouit à la perspective d’être consulté en temps utile sur les idées de la Commission en la matière.

1.9.

Étant donné l’importance de la cybersécurité et la menace toujours grandissante que représente la cybercriminalité, le CESE demande que les financements et ressources nécessaires soient attribués au centre européen de lutte contre la cybercriminalité d’Europol et à l’Agence européenne de défense.

1.10.

Étant donné qu’il est capital de protéger les données à caractère personnel des citoyens qui sont conservées par les institutions et agences de l’administration publique, le Comité préconise de dispenser au personnel travaillant dans ces administrations des formations spécifiques sur la gouvernance de l’information, la protection des données et la cybersécurité.

1.11.

Dans le cadre de sa vision globale tournée vers la protection de l’Union européenne contre les cyberattaques et la cybercriminalité, ainsi que vers le développement d’une solide industrie européenne de la cybersécurité, le CESE est d’avis que la politique et la stratégie de l’Union européenne en matière de cybersécurité doivent en particulier parvenir à des résultats sur les points suivants: un rôle moteur pour l’Union européenne; des stratégies de cybersécurité améliorant la sécurité tout en préservant la vie privée et d’autres droits fondamentaux; une sensibilisation des citoyens et l’encouragement des démarches préventives de protection; une gouvernance globale de la part des États membres; une action bien informée et responsable des entreprises; un partenariat approfondi entre les gouvernements, le secteur privé et les citoyens; des niveaux d’investissement appropriés; des normes techniques adéquates et des investissements suffisants dans la recherche, le développement et l’innovation; un engagement international.

2.   Contenu essentiel de la communication de la Commission

2.1.

La communication présente des mesures visant à renforcer le système européen de cyber-résilience et à promouvoir la compétitivité et l’innovation du secteur de la cybersécurité en Europe, comme cela a été annoncé dans la stratégie de cybersécurité de l’Union européenne, ainsi que dans la stratégie pour un marché unique numérique.

2.2.

À cette fin, les actions proposées par la Commission visent à tirer parti des dispositions de la directive sur la sécurité des réseaux pour renforcer la coopération en matière de cybersécurité, le partage des informations, les formations et l’organisation de la sécurité dans l’ensemble de l’Union. La Commission va également procéder à une évaluation de l’ENISA d’ici à la fin de 2017 et étudiera alors la nécessité de modifier ou d’étendre son mandat.

2.2.1.

La Commission entend travailler en étroite coopération avec les États membres, l’ENISA, le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) et les autres organes compétents de l’Union européenne en vue de la mise en place d’une plateforme de formation en matière de cybersécurité.

2.2.2.

Un certain nombre de mesures sont proposées afin de traiter les interdépendances intersectorielles et de renforcer la résilience des infrastructures de réseau publiques essentielles, notamment le développement de centres sectoriels d’échange et d’analyse d’informations (ISAC) ainsi que leur collaboration avec les équipes d’intervention en cas d’incidents de sécurité informatique (CSIRT). La Commission propose également que les autorités nationales soient autorisées à demander aux CSIRT de procéder à des contrôles réguliers des infrastructures de réseau essentielles.

2.3.

Les mesures proposées par la Commission s’efforceront également de répondre à la nécessité d’amplifier le soutien à la croissance et au développement d’une industrie forte de la cybersécurité en Europe, au moyen de formations, d’investissements, d’exigences liées au marché unique et par la création d’un nouveau partenariat public-privé en matière de cybersécurité qui devrait générer 1,8 milliard d’EUR d’investissements d’ici à 2020.

2.3.1.

Il est par ailleurs proposé d’élaborer une proposition de cadre européen pour la certification en matière de sécurité dans le domaine des technologies de l’information et de la communication (TIC), qui serait présenté d’ici à la fin de 2017, et d’évaluer la faisabilité et l’incidence d’un cadre européen en matière d’étiquetage relatif à la cybersécurité ne représentant pas une trop lourde charge.

2.3.2.

Afin d’accroître les investissements dans la cybersécurité en Europe et soutenir les PME, la Commission entend sensibiliser davantage la communauté de la cybersécurité aux possibilités de financement existantes; accroître le recours aux outils et instruments de l’Union européenne pour soutenir les PME innovantes dans l’étude de synergies entre les marchés civil et militaire de la cybersécurité (Par exemple, le réseau Entreprise Europe et le réseau européen des régions ayant un lien avec la défense offriront aux régions de nouvelles perspectives en matière de coopération transfrontière en ce qui concerne le double usage et notamment la cybersécurité, et aux PME des possibilités d’entreprendre des activités de rapprochement); étudier la possibilité de faciliter l’accès aux investissements en créant une plateforme d’investissement en matière de cybersécurité ou d’autres outils; et mettre en place une plateforme de spécialisation intelligente en matière de cybersécurité pour prodiguer des conseils d’experts aux pays et régions intéressés par des investissements dans le secteur de la cybersécurité (RIS3).

2.3.3.

En outre, afin de stimuler et faire prospérer le secteur européen de la cybersécurité par l’innovation, la Commission se propose de signer avec les entreprises du secteur un partenariat public-privé contractuel sur la cybersécurité, lancer les premiers appels de propositions Horizon 2020 au titre du PPPc sur la cybersécurité et veiller à la coordination du PPPc sur la cybersécurité avec les stratégies sectorielles, les instruments d’Horizon 2020 et les PPP sectoriels.

3.   Observations générales

3.1.

L’économie numérique génère plus d’un cinquième de la croissance du PIB dans l’Union européenne et la plupart des européens font des achats en ligne chaque année. Nous dépendons de l’internet et de la technologie numérique connectée pour soutenir nos services en ligne vitaux dans les domaines de l’énergie, de la santé, de l’administration et des finances. Toutefois, cette infrastructure et ces services numériques cruciaux, qui jouent un rôle d’une telle importance dans notre vie économique et sociale, sont exposés à un risque croissant de cybercriminalité et de cyberattaques menaçant notre prospérité et notre qualité de vie.

3.2.

Un grand nombre de données à caractère personnel concernant l’ensemble des citoyens sont désormais détenues sous forme électronique par les gouvernements, institutions et agences publiques. Une bonne gouvernance de l’information, la cybersécurité et la protection des données sont donc d’une importance majeure pour les citoyens de toute l’Union, qui ont besoin d’avoir l’assurance que leurs données personnelles et leur vie privée sont protégées conformément aux directives et réglementations de l’Union européenne. C’est en particulier le cas des données liées à la santé, des données financières, juridiques et autres qui pourraient être utilisées pour usurper une identité ou être divulguées de manière inappropriée à des tiers. Il est capital que l’ensemble du personnel du secteur public soit correctement formé à la gouvernance de l’information, à la cybersécurité et à la protection des données.

3.3.

L’éducation des citoyens à la cybersécurité personnelle, y compris la protection des données, devrait être une composante essentielle de tout programme d’étude dans le domaine des compétences numériques. Un programme d’éducation géré par l’Union européenne pourrait soutenir les efforts des États membres moins actifs dans ce domaine et faire en sorte également que la stratégie soit comprise convenablement, ce qui réduira les craintes d’atteintes à la vie privée et renforcera la confiance dans l’économie numérique. Un programme de ce type pourrait être mis en œuvre avec l’aide des associations de consommateurs et les organisations de la société civile de toute l’Union européenne, et notamment les établissements qui dispensent des formations aux séniors.

3.4.

Chaque État membre devrait donner à ses organisations chargées du développement du secteur industriel les moyens d’informer, de former et de soutenir le secteur des PME concernant les questions ayant trait à la cybersécurité. Les grandes entreprises peuvent facilement se procurer l’expertise dont elles ont besoin, alors que les PME ont besoin d’être aidées.

3.5.

Il serait très utile de pouvoir mesurer de manière objective le niveau de résilience de chaque État membre en matière de cybersécurité, de manière à pouvoir procéder à des comparaisons pour remédier aux faiblesses et apporter les améliorations nécessaires. L’on pourrait créer un modèle pour le développement et l’évaluation de la cybersécurité nationale qui s’inspire du modèle de maturité des capacités (CMM) existant dans le secteur informatique, afin de mesurer le niveau de protection et de résilience de chaque État membre en matière de cybersécurité.

3.6.

Une stratégie d’ensemble pour la cybersécurité devrait comporter les actions suivantes:

un rôle moteur pour l’Union européenne de manière à pouvoir mettre en place les politiques, lois et institutions à même de favoriser des niveaux élevés de cybersécurité dans toute l’Union;

des politiques de cybersécurité améliorant la sécurité individuelle et collective tout en préservant le droit des citoyens à la vie privée ainsi que d’autres valeurs et libertés fondamentales;

une sensibilisation élevée des citoyens aux risques liés à l’utilisation de l’internet, et l’encouragement d’une approche préventive de protection de leurs dispositifs numériques, identités, données privées et transactions en ligne;

une gouvernance globale assurée par tous les États membres afin de garantir la sécurité et la résilience des infrastructures d’information critiques;

une action bien informée et responsable de toutes les entreprises de manière à assurer la sécurité et la résilience de leurs systèmes informatiques, afin de protéger leurs opérations et les intérêts de leurs clients;

une approche volontariste de la part des fournisseurs d’accès à internet visant à protéger leurs clients contre les cyberattaques;

un partenariat approfondi en matière de cybersécurité dans toute l’Union européenne, entre les gouvernements, le secteur privé et les citoyens, aux niveaux stratégique et opérationnel;

une approche fondée sur la conception afin d’intégrer la cybersécurité dans le cadre du développement des technologies et des services internet;

des niveaux appropriés d’investissements dans les connaissances et le développement des compétences en matière de cybersécurité afin de se doter d’une main-d’œuvre aux qualifications solides dans ce domaine;

de bonnes normes techniques de cybersécurité et des investissements suffisants dans la recherche, le développement et l’innovation, afin de soutenir le développement d’un secteur fort de la cybersécurité et de solutions de premier ordre;

un engagement international actif avec les pays tiers pour développer une politique et une réaction coordonnées à l’échelle mondiale face aux menaces de cybersécurité.

4.   Observations particulières

4.1.

En s’appuyant sur le cadre de gouvernance en matière de cybersécurité défini dans la directive SRI et sur les autres mesures qui figurent dans la présente communication, l’Union européenne devrait envisager de résoudre le problème de la fragmentation de son approche, afin d’améliorer la cybersécurité dans l’Union en créant une autorité fortement centralisée en matière de cybersécurité, analogue à l’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) ou au poste de responsable fédéral de la sécurité de l’information récemment créé aux États-Unis (Plan d’action national en matière de cybersécurité du gouvernement américain, 9 février 2016), qui serait chargée de veiller à la mise en œuvre de la politique de cybersécurité à l’échelle de l’Union européenne et d’intégrer les efforts des différentes agences travaillant dans ce domaine.

4.2.

Le Comité s’avoue impressionné par la compétence développée par l’ENISA au fil des années, et estime qu’elle pourrait contribuer encore davantage à la résilience et à la sécurité en matière de cybersécurité en Europe. Le mandat opérationnel de l’ENISA devrait être renforcé afin d’amplifier plus efficacement la sensibilisation à la menace de cyberattaques et d’améliorer la capacité de réaction dans l’ensemble l’Union. Une révision de ce mandat arrive à point nommé, compte tenu de l’ampleur de l’évolution de l’environnement en matière de cybersécurité depuis la création de l’ENISA. S’appuyant sur la directive SRI, le rôle opérationnel de l’ENISA pourrait être éventuellement développé afin d’accroître la valeur qu’il peut apporter à l’Union européenne, aux États membres, aux citoyens et aux entreprises, grâce à un effet de levier de ses compétences et de ses synergies avec les travaux des autres institutions européennes et des États membres, des agences et des organes, tels que la CERT-EU, le Centre européen de lutte contre la cybercriminalité et l’Agence européenne de défense. L’ENISA devrait se voir accorder davantage de responsabilité directe dans les programmes d’éducation et de sensibilisation à la cybersécurité, en particulier ceux destinés aux citoyens et aux PME.

4.3.

Lorsque le Centre européen de lutte contre la cybercriminalité (EC3) a été créé en 2013, il ne disposait que d’un budget opérationnel de 7 millions d’EUR, soit moins de 10 % du budget total d’Europol (Note de la Commission européenne/13/6 du 9 janvier 2012). En 2014, le directeur de l’EC3 a déclaré que les coupes budgétaires avaient considérablement limité les ressources allouées à son unité, et que celle-ci avait fort à faire pour suivre l’évolution rapide de la menace informatique (Security Magazine, 1er novembre 2014). Le CESE estime que les moyens alloués à Europol pour lutter contre la cybercriminalité doivent être considérablement accrus pour rester en phase avec l’évolution de la menace. Le budget d’Europol n’est toujours que de 100 millions d’EUR en 2016 (4).

4.4.

Le Comité accueille favorablement les dispositions de la directive SRI ainsi que les actions proposées dans la communication qui vise à améliorer la coopération en matière de cybersécurité entre les États membres. Dans l’intérêt de la sécurité de tous les citoyens, et en vue de parvenir à une forte cyber-résilience dans toute l’Union européenne, au sein de laquelle les systèmes d’information des infrastructures critiques sont souvent interconnectés, il est important que les mesures de coopération tiennent compte de l’écart croissant entre les pays qui disposent des compétences les plus avancées en matière de cybersécurité et les autres États membres dotés de compétences moins développées.

Bruxelles, le 14 décembre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO L 194 du 19.7.2016, p. 1.

(2)  JOIN(2013) 1

(3)  JO C 97 du 28.4.2007, p. 21.

JO C 175 du 28.7.2009, p. 92.

JO C 255 du 22.9.2010, p. 98.

JO C 54 du 19.2.2011, p. 58.

JO C 107 du 6.4.2011, p. 58.

JO C 229 du 31.7.2012, p. 90.

JO C 218 du 23.7.2011, p. 130.

JO C 24 du 28.1.2012, p. 40.

JO C 229 du 31.7.2012, p. 1.

JO C 351 du 15.11.2012, p. 73.

JO C 76 du 14.3.2013, p. 59.

JO C 271 du 19.9.2013, p. 127.

JO C 271 du 19.9.2013, p. 133.

JO C 451 du 16.12.2014, p. 31.

(4)  JO C 113 du 30.3.2016, p. 144.


10.3.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/129


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Renforcement des relations commerciales bilatérales entre l’Union européenne et la Turquie et modernisation de l’union douanière»

(2017/C 075/22)

Rapporteur:

Dimitris DIMITRIADIS

Consultation

Commission européenne, lettre annuelle 2016, 20.4.2016

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Relations extérieures»

Adoption en section spécialisée

16.11.2016

Adoption en session plénière

14.12.2016

Session plénière no

521

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

252/4/7

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) considère que du fait des évolutions actuelles, l’accord d’union douanière en vigueur est dépassé et que ses parties signataires devront entamer des négociations sérieuses pour renforcer leurs liens économiques en concluant un nouveau type d’accord commercial, qui reflète les besoins présents.

1.2.

Le CESE demeure d’avis que la Turquie reste un partenaire très important et que la volonté politique d’accroître les niveaux de coopération est bien présente, à condition cependant que soit garanti, en tout temps, le respect des valeurs européennes fondamentales et des principes de la démocratie, de l’État de droit et des droits de l’homme.

1.3.

Le CESE estime que la procédure relative à l’accord d’union douanière peut être réalisée soit par la révision de la décision no 1/95, soit moyennant une nouvelle décision du conseil d’association, soit, enfin, par le truchement d’un nouveau protocole à l’accord d’adhésion.

1.4.

Le CESE condamne la tentative de coup d’État du 15 juillet. Il exprime néanmoins ses plus vives préoccupations face à la réaction du gouvernement turc et à l’évolution de la politique intérieure qui en a résulté, laquelle va bien au-delà des poursuites pénales à l’encontre des putschistes, ne respecte pas les règles de l’État de droit et est contraire aux principes démocratiques.

1.5.

Le CESE demande que la Turquie, en tant que candidate à l’adhésion à l’Union européenne, préserve et respecte les droits de l’homme universels et se conforme aux normes démocratiques et de l’État de droit. Le CESE condamne la tentative de renversement du gouvernement de la Turquie, élu démocratiquement, mais exprime néanmoins son inquiétude quant à la réaction des autorités du pays et réclame sur-le-champ que les droits de l’homme soient respectés et mis en œuvre sans discriminations, en particulier pour ce qui concerne la liberté d’expression et sa manifestation spécifique, la liberté de la presse, ainsi que le retour complet à l’État de droit.

1.6.

Le CESE est d’avis que la Turquie doit démontrer, en poursuivant les négociations avec l’Union européenne mais également en se conformant strictement à l’acquis de l’Union et à toutes les exigences préalables convenues jusqu’à présent, qu’elle reste attachée au statut d’État candidat à l’adhésion, qu’elle continue de détenir d’un point de vue juridique et en vertu des traités.

1.7.

Les nouvelles conditions qui prévalent dans le commerce mondial depuis ces dernières années ont conduit l’Union européenne à ouvrir une nouvelle ère pour ce qui concerne ses accords commerciaux au niveau mondial, lesquels sont désormais centrés sur des dispositions améliorées concernant une foule de questions et visent, en plus de stimuler les formes modernes d’échanges, à mettre en œuvre les principes européens et l’acquis de l’Union. La communication de la Commission européenne «Le commerce pour tous» doit constituer la base des négociations entre l’Union européenne et la Turquie. Les réglementations récentes et les bonnes pratiques qui ont été mises en œuvre dans le cadre de divers accords commerciaux ont entraîné des changements dans les normes concernant la durabilité, la transparence et l’association des partenaires sociaux et de la société civile aux conventions commerciales internationales.

1.8.

Le CESE estime qu’il est indispensable de procéder à une évaluation préalable de l’impact des négociations ainsi qu’à une étude, tant a priori qu’a posteriori, de leur viabilité, afin de déterminer l’effet qu’elles auront sur l’environnement, l’économie et la société. Les partenaires sociaux et les organisations de la société civile devront être associés à ces procédures. En outre, le CESE estime que la Commission devrait assurer, à chaque étape de la négociation, un examen constant et approfondi de l’environnement socio-économique en évolution de la Turquie.

1.9.

Il convient de ne pas perdre de vue que durant les deux décennies qui se sont écoulées depuis que l’union douanière est entrée en vigueur, l’acquis de l’Union européenne s’est élargi pour englober des domaines qui n’étaient pas réglementés auparavant.

1.10.

Le CESE juge qu’une union douanière neuve et modernisée est nécessaire et il récuse les scénarios — irréalistes, de son point de vue — qui voudraient s’en tenir au régime existant ou transformer le dispositif actuel en accord commercial régional, étant d’avis que le nouvel accord devra comporter de nouveaux chapitres, qui refléteront l’enrichissement de la législation et des pratiques de l’Union européenne, sans cesse étoffées et rénovées, et qui incluront des dispositions actualisées pour traiter les zones problématiques qui ont été révélées par la mise en œuvre de l’union douanière avec la Turquie et des mesures préalables.

1.11.

Par ailleurs, le CESE considère que les nouvelles négociations doivent se pencher avec une attention toute particulière sur les réformes radicales qu’il s’impose d’effectuer immédiatement dans la législation turque.

1.12.

Le CESE propose que les domaines suivants soient inclus dans le cadre réglementaire de la nouvelle convention:

l’agriculture (avec toutes les conditions préalables exposées plus loin dans l’avis),

les services,

les marchés publics,

les matériaux bruts et les matières premières,

la protection des consommateurs,

la préservation de l’environnement et le développement durable,

l’équivalence des systèmes de réglementation pour les mesures vétérinaires, sanitaires et phytosanitaires (SPS) et la politique de sécurité alimentaire,

la sauvegarde efficace des droits des travailleurs et du travail décent,

la protection de la santé et de la sécurité sur les lieux de travail,

la facilitation du commerce électronique et la définition d’une stratégie numérique qui déterminera la libre circulation des données numériques,

la politique énergétique et la sécurité en la matière,

l’incitation à l’innovation et la protection des droits de propriété intellectuelle,

la lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent,

le renforcement des dispositifs en faveur des petites et moyennes entreprises,

la simplification des procédures administratives et la réduction des coûts en la matière,

les investissements et la modernisation de la législation afférente, visant à protéger les investisseurs et à établir, dans le même temps, une procédure de résolution des différends qui soit impartiale,

l’amélioration de la procédure de transposition et d’intégration de la législation européenne dans le système juridique turc,

des dispositions renforcées pour assurer que le contenu de l’accord révisé soit respecté, ainsi que d’autres visant l’harmonisation avec l’acquis de l’Union.

1.13.

Le CESE a pour opinion que, s’agissant de l’asymétrie qui se produit dans les rapports commerciaux de la Turquie et des pays tiers avec lesquels l’Union européenne conclut des accords commerciaux du nouveau type, la disposition existante ne peut être mise à jour d’une telle façon qu’elle excéderait l’incitation d’ordre politique adressée aux États qui sont les partenaires de l’Union européenne, avec la possibilité supplémentaire que la Commission offre ses bons services de médiation.

1.14.

Le CESE a la conviction que tout type d’accord commercial entre l’Union européenne et la Turquie devra prévoir la consultation effective des partenaires sociaux (employeurs et travailleurs) et des organisations de la société civile et leur participation au processus, au stade de la négociation comme de la mise en œuvre.

2.   Les relations commerciales entre l’Union européenne et la Turquie

2.1.

En 1959, la Turquie a déposé une demande pour devenir membre associé de la Communauté économique européenne (CEE) d’alors, devenue aujourd’hui l’Union européenne (UE). Signé en 1963, l’accord d’association (1) prévoyait également l’instauration d’une union douanière entre la CEE et la Turquie.

2.2.

En conséquence, un protocole additionnel a été élaboré en 1970, visant à supprimer les droits de douane et les contingents pour les biens et à arrêter des mesures supplémentaires pour progresser sur la voie de l’union douanière, dont le déploiement complet s’est effectué en 1995 (2) et a induit la suppression des barrières commerciales, tandis que, la même année, un accord de libre-échange (ALE)  (3) était signé, couvrant le commerce de charbon et d’acier, avec la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) d’alors.

2.3.

La Turquie a également été invitée à entériner les tarifs extérieurs communs (TEC) de l’Union européenne (4) sur les importations de pays tiers, ainsi que tous les accords préférentiels existants ou à venir.

2.4.

L’union douanière constituait à l’époque une idée novatrice et originale et offrait une occasion appréciable d’approfondir les relations bilatérales, car il s’agissait d’un des premiers accords à prévoir une harmonisation des législations avec un État non membre.

2.5.

À la suite d’une demande d’association soumise en 1987, l’Union européenne a engagé, en 1997, un processus parallèle, fondé sur les articles 2 et 49 du traité sur l’Union européenne.

2.6.

Les négociations d’adhésion ont débuté en 2005, et portent sur un total de trente-cinq chapitres, soit trente-quatre chapitres concernant l’acquis de l’Union européenne et un relatif à d’autres questions.

2.7.

À l’écoute des parties intéressées, le CESE considère comme positif l’accord de libre-échange en matière de charbon et d’acier, qui devrait quant à lui demeurer dans sa forme actuelle, et souligne par ailleurs la nécessité de réformer l’accord d’union douanière afin de parvenir à la modernisation des relations commerciales.

3.   La situation politique en Turquie après le 15 juillet

3.1.

Après la tentative de putsch du 15 juillet, que le CESE condamne expressément, la situation en Turquie est source de profondes inquiétudes. Les actions conduites par les autorités à l’encontre des putschistes présumés, mais aussi à l’égard d’autres forces de l’opposition et de la société civile qui n’ont pas participé à la tentative de coup d’État, ainsi que d’organes de presse et de médias qui ne suivent pas les positions du gouvernement, sont incompatibles avec les normes européennes et pèsent sur les négociations entre la Turquie et l’Union européenne.

3.2.

Après ces événements du 15 juillet, la position officielle d’Ankara s’est modifiée, la partie turque exigeant des engagements directs de la part de l’Union européenne qui, à plusieurs reprises jusqu’à présent, a donné le spectacle de l’indécision, de l’absence de volonté et de la désorientation sur le plan politique, la Turquie ne parvenant pas de son côté à montrer la bonne volonté nécessaire pour appliquer les conventions conclues (par exemple concernant le protocole d’Ankara, etc.), de sorte que l’instauration de l’indispensable climat de bonne intelligence s’en trouve encore compliquée.

3.3.

Le CESE suit et continuera à suivre avec une attention et une inquiétude particulières les événements qui se déroulent en conséquence du putsch, tout en considérant que le lancement des négociations pour une nouvelle union douanière afin de renforcer les relations commerciales offre l’occasion d’entamer une normalisation des relations entre l’Union européenne et la Turquie mais aussi de relancer l’économie turque, qui est mise à rude épreuve.

3.4.

La Turquie a donc intérêt, dans cette conjoncture difficile, à s’engager à long terme dans un programme de réformes qui comportera des transformations radicales pour son devenir tant économique que politique.

4.   L’économie de la Turquie

4.1.

En 2015, le produit intérieur brut en parité de pouvoir d’achat (PIB PPA) de la Turquie a atteint, selon une estimation de cette même année, la valeur impressionnante de 1 576 milliards de dollars, qui place le pays au dix-huitième rang dans le classement des économies de la planète. On estime que le taux de croissance du pays a baissé, se situant au niveau de 3,8 % en 2015, qui reste néanmoins satisfaisant et le classe en 102e position à l’échelle mondiale. La dette publique turque est tombée à un pourcentage, modéré, de 33,1 % du PIB, tandis que le taux d’inflation reste élevé, aux environs de 7,7 % en 2015 (5).

4.2.

L’économie de la Turquie s’est transformée au cours des dernières années, passant d’un modèle traditionnellement fondé sur l’agriculture à un système axé sur les services et le tourisme et doté d’un secteur manufacturier tourné vers l’exportation. Cette mutation peut être attribuée pour partie à l’union douanière, qui a ouvert d’importantes perspectives, immédiatement mises à profit grâce à l’adoption d’un nouveau cadre réglementaire et à l’application des normes de l’Union européenne.

4.3.

Cependant, depuis 2012, les taux de croissance se sont tassés, sous l’effet de la réduction des investissements directs étrangers mais aussi des évolutions politico-sociales, qui constituent bien souvent un frein au développement de l’économie et une source d’incertitude. Au cours de la période 2013-2016, la confiance a été minée par les troubles politiques, les bouleversements géopolitiques, les allégations de corruption et les tensions avec certains pays voisins, dès lors que la Turquie a cherché à jouer un rôle politique plus affirmé dans la région. Ces facteurs ont eu une incidence négative sur l’économie et jeté une ombre sur les progrès sans précédent accomplis par l’économie turque, dans la mesure où elle s’est avérée vulnérable, à cause du déficit de ses comptes courants, aux fluctuations monétaires et à l’instabilité des marchés, de sorte que les flux d’investissements étrangers ont été découragés et affaiblis. Après le coup d’État, l’économie a subi un nouveau choc, le ralentissement s’étant accentué tandis que le tourisme accusait une baisse brutale.

4.4.

Les évolutions politiques vectrices d’inquiétude et leurs conséquences directes sur le secteur économique ont eu pour effet d’entamer significativement tant la confiance des marchés dans la stabilité du pays que la robustesse du cadre économique et du contexte régissant l’investissement en Turquie (6), cependant que des doutes se font jour quant à la capacité du gouvernement turc à remettre l’économie sur les rails de la croissance, d’où un recul important de la confiance et de la livre turque (7).

5.   L’incidence de l’union douanière sur l’économie turque, les lacunes du cadre réglementaire et les problèmes de mise en œuvre

5.1.

Dans l’ensemble, les prévisions concernant l’union douanière étaient plutôt pessimistes et ont donc été démenties par les faits: en effet, il avait été annoncé que la croissance du PIB de la Turquie ne dépasserait pas 1 à 1,5 %, un pourcentage qui, bien qu’apparaissant appréciable, s’est révélé bien inférieur aux chiffres réels.

5.2.

L’Union européenne est le premier partenaire commercial de la Turquie, pour les importations comme pour les exportations, tandis que le pays se classe au septième rang des partenaires de l’Union sur le marché des importations et au cinquième pour celui des exportations. Les biens que la Turquie exporte vers l’Union européenne consistent essentiellement en machines et équipements de transport, suivis par les produits manufacturés. Les exportations de l’Union européenne vers la Turquie sont dominées par les machines et les équipements de transport, les produits chimiques et les biens manufacturés.

5.3.

Les échanges de la Turquie avec l’Union européenne ont augmenté de 22 % entre 1995 et 2014. Il a également été argué que l’union douanière a provoqué un détournement des flux commerciaux (8), mais ce phénomène est négligeable si on le rapporte au volume total des transactions (9).

5.4.

Quoi qu’il en soit, l’union douanière a dissuadé la Turquie d’imposer des droits sur les produits industriels et fait qu’il n’a pas été nécessaire d’instaurer des règles de provenance dans le commerce bilatéral.

5.5.

Certaines des déficiences les plus marquantes de l’union douanière peuvent se résumer comme suit:

le recours irréfléchi et injustifié à des instruments de défense commerciale, tels que les mesures compensatoires, ou celles de lutte contre le dumping ou de sauvegarde et surveillance, perturbe le commerce bilatéral (10),

il n’existe ni mécanisme efficace de contrôle de la conformité, ni procédure de règlement des différends, de sorte qu’il est impossible de contrer efficacement la mise en œuvre sélective qui est parfois faite de l’union douanière et l’adoption de mesures discriminatoires indirectes au détriment des produits européens. La procédure de règlement des différends qui est actuellement en vigueur est circonscrite à certains litiges (en l’occurrence, elle ne s’applique que pour la durée de validité des mesures de protection) (11), ces différends pouvant être examinés par le conseil d’association, qui est un organe politique au premier chef et prend ses décisions sur la base de l’unanimité,

la portée de l’union douanière est limitée: elle ne couvre que les produits industriels, y compris les composants et les produits agricoles transformés dont la production s’effectue dans l’Union européenne ou en Turquie, ainsi que les biens confectionnés en totalité ou en partie à partir de produits en provenance de pays tiers, pour autant qu’ils circulent librement au sein de l’Union européenne ou en Turquie. Plus spécifiquement, on relèvera que les produits agricoles comptent pour 10 % du PIB de la Turquie et les services, pour 60 %, mais que ces deux secteurs sont exclus du champ d’application de l’union douanière,

la procédure d’harmonisation de la législation turque avec celle de l’Union pose également problème, ainsi que l’efficacité du processus de fourniture de l’information la concernant, qui a pour effet que, lorsqu’ils importent ou exportent les mêmes produits, les milieux d’affaires se trouvent face à un labyrinthe réglementaire dans lequel ils ne parviennent pas à se frayer leur chemin, par le truchement de leurs intermédiaires institués (chambres de commerce, associations d’employeurs, etc.), pas plus que les pouvoirs publics compétents en la matière (douanes, agences d’exportation, inspection des marchés) n’y réussissent (12).

5.6.

Indépendamment des zones problématiques que présente le maillage réglementaire de l’union douanière, des questions se posent également du fait qu’il est appliqué de manière défectueuse ou que la Turquie prend, sur des questions de pratiques douanières et tarifaires, des positions unilatérales qui violent clairement les accords conclus, mais aussi parce que le pays refuse d’autoriser le libre exercice des transactions commerciales avec la République de Chypre, État membre de l’Union européenne, et commet ainsi très clairement une violation du droit de l’Union et des accords de commerce qu’elle a passés avec elle.

5.7.

Actuellement, le processus d’alignement de la Turquie sur le droit de l’Union européenne relatif au marché intérieur a avancé dans certains domaines, tels que la libre circulation des marchandises, la politique de la concurrence, les aides d’État, la politique énergétique, économique et monétaire, ainsi que celle menée en matière industrielle et en faveur de l’entreprise, mais la Commission a relevé que le pays a constamment négligé certains aspects essentiels de l’accord, en adoptant des mesures protectionnistes généralisées, qui contreviennent aux dispositions prévues par l’union douanière.

5.8.

Cependant, la Turquie ne met pas correctement en œuvre la législation sur les aides d’État et ne procède pas à la mise en place de programmes de surveillance; elle n’apparaît guère disposée à réaliser pleinement la libre circulation des biens, en éliminant les restrictions cachées, et, enfin, elle a omis d’adopter et appliquer efficacement des mesures de lutte contre les violations des droits de propriété intellectuelle.

5.9.

Dans l’évaluation des avantages généraux produits par l’union douanière, il serait possible de souligner que son apport le plus important est d’avoir servi de «boîte à outils» pour les réformes économiques qui ont favorisé l’intégration de la Turquie dans les marchés mondiaux, qu’elle a contribué à restaurer sa crédibilité et, enfin, qu’elle a favorisé les mesures prises pour contenir l’inflation et stabiliser la valeur de la livre turque.

5.10.

Par ailleurs, la modernisation des activités commerciales de la Turquie s’est effectuée à un rythme soutenu et la concurrence s’est accrue entre producteurs et négociants turcs, lesquels ont pu accéder, grâce au marché européen, à un environnement commercial mondial plus prometteur et stimulant.

6.   Comparaisons de l’union douanière avec les accords plus récents de libre-échange

6.1.

Les années à venir verront l’avènement d’une nouvelle ère économique, dont le coup d’envoi sera donné par l’élaboration et la mise en application, au niveau international, d’une série d’initiatives réglementaires qui auront également des répercussions sur les relations économiques de l’Union européenne avec la Turquie et imposeront de moderniser l’union douanière. Dans le même temps, l’Union s’est concentrée sur le renforcement de ses relations économiques extérieures avec des pays tiers en vue d’améliorer leur niveau de vie et de prospérité. Les initiatives les plus importantes qui ont été prises en cette période sont le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI), l’accord économique et commercial global UE-Canada (AECG) et l’accord sur le commerce des services (ACS) mais l’on mentionnera aussi les négociations pour l’accord commercial avec le Japon  (13).

6.2.

Du fait des nouvelles conditions, l’union douanière désormais obsolète a déjà mis l’économie turque dans une position désavantageuse en raison de son asymétrie intrinsèque (14), car elle ne permet à la Turquie de négocier des accords commerciaux avec des pays tiers qu’après que l’Union européenne a conclu et signé des accords de libre-échange avec eux, sans donner au pays aucune possibilité d’intervenir dans le cours des négociations. D’autre part, la «clause Turquie» constitue une simple orientation politique, qui ne fait pas obligation aux pays tiers d’accepter la tenue de négociations, et encore moins de parvenir à un accord. En admettant même qu’il en soit conclu, ce décalage temporel place les entreprises turques dans une position de désavantage concurrentiel.

6.3.

Par ailleurs, la Turquie a été tenue d’adopter le tarif extérieur commun (TEC), qui l’oblige à s’adapter aux changements — le plus souvent, des diminutions — introduits par l’Union européenne en vue de la conclusion d’accords de libre-échange, sans que les produits turcs, en l’absence d’accord, bénéficient de ce privilège sur d’autres marchés. Cette spécificité a conduit à une libéralisation progressive du régime tarifaire de la Turquie.

6.4.

Les défauts que présente l’architecture de l’union douanière, tels qu’on vient de les mentionner, sont devenus plus visibles aujourd’hui, plus de vingt ans après sa conclusion.

6.5.

En 2014, sur les quarante-huit partenaires commerciaux que comptait l’Union européenne, dix-sept seulement avaient également conclu un accord avec la Turquie et de tous les pays qui ont signé un accord de libre-échange de nouvelle génération avec l’Union européenne, la Corée du Sud est la seule à avoir consenti à en conclure un avec la Turquie, en acceptant l’invitation formulée dans la «clause Turquie» de l’ALE Corée-UE.

7.   Renforcement des relations commerciales bilatérales

7.1.

La coopération de l’Union européenne et de la Turquie dans le domaine économique et politique constitue une condition nécessaire et suffisante pour parvenir à la stabilité dans une région du monde particulièrement mouvante, la modernisation de l’union douanière étant susceptible d’envoyer un message clair et positif en faveur de la coopération et de la stabilité.

7.2.

Après avoir discuté et examiné attentivement les autres pistes possibles pour les relations économiques et commerciales entre l’Union européenne et la Turquie, parmi lesquelles figurent les hypothèses i) de maintenir la situation actuelle en l’état, ii) de remplacer ou compléter l’union douanière par un accord de libre-échange, ou encore iii) de la moderniser, le CESE estime que cette dernière solution apparaît être la plus indiquée pour faire progresser les relations bilatérales et les approfondir, sur la base de l’intérêt mutuel.

7.3.

Le scénario d’une inaction totale, si l’on considère notamment que les négociations d’adhésion exigent un laps de temps appréciable, ne constitue pas une solution de remplacement réaliste, étant donné qu’il est nécessaire de s’attaquer aux problèmes mentionnés plus haut et de tirer parti immédiatement du potentiel inexploité que recèlent les relations commerciales.

8.   Les grands axes de la révision

8.1.

Dans le cadre de la nouvelle politique européenne en matière de commerce et d’investissements, lancée en 2015 par la communication de la Commission «Commerce pour tous» (15), il apparaît dorénavant que l’Union européenne entend s’engager à tirer parti de la position de chef de file qu’elle occupe dans le domaine commercial afin de répondre aux nouveaux défis posés par un marché mondialisé et aux impératifs des réalités commerciales d’aujourd’hui, d’apporter une stimulation à sa croissance et d’être un acteur de changement institutionnel, en fixant les priorités pour les réformes (16).

8.2.

Dans le contexte de cet effort, on conçoit qu’une nouvelle politique commerciale ne pourra être unidimensionnelle, mais devra jouer sur plusieurs niveaux et être articulée, couvrant plusieurs domaines d’intervention de manière à être jugée efficace et utile pour différents bénéficiaires, comme les travailleurs, les consommateurs et les petites et moyennes entreprises.

8.3.

Plus spécifiquement, il est d’une importance significative à bien des égards que les valeurs européennes soient également intégrées dans ce cadre de principes, car, ce faisant, on montre que les négociations sur les accords de commerce et d’investissement ne revêtent pas uniquement une portée économique mais constituent un enjeu socio-économique plus vaste, de nature réformatrice, qui fait intervenir plusieurs dimensions et plusieurs niveaux.

8.4.

Le développement durable et la protection de l’environnement font désormais partie intégrante de ces valeurs de l’Union européenne, en particulier depuis qu’elle a adopté l’accord de Paris (COP 21) et que le Conseil économique et social des Nations unies a procédé à l’adoption des nouveaux objectifs de développement durable (ODD) (17).

8.5.

Bien entendu, cette spécificité apparaît encore plus intensément lorsque les États avec lesquels l’Union européenne mène des tractations se trouvent également en train de négocier leur adhésion: la Turquie en constitue l’exemple le plus typique.

8.6.

La révision devra également être fondée sur les normes et conventions internationales en matière de protection des droits des travailleurs (18).

8.7.

C’est pour cette raison que l’Union européenne a décidé, afin de garantir les objectifs évoqués ci-dessus, de progresser en se guidant sur trois principes fondamentaux, qui sont:

a)

l’efficacité, afin de tenir compte des besoins tant macroéconomiques (par exemple la situation économique de pays européens en crise) que microéconomiques, comme ceux des petites et moyennes entreprises, en assurant autant que faire se peut une applicabilité maximale des mesures pour les nouvelles formes d’entreprises commerciales;

b)

la transparence, en donnant aux négociations un caractère public accru et en y faisant participer le plus grand nombre possible de parties intéressées;

c)

les valeurs et les normes européennes: il s’agit d’un concept évolutif qui couvre désormais des questions comme la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales, y compris ceux des travailleurs, le développement durable et la lutte contre la corruption.

8.8.

En conséquence, tout effort de convergence avec des partenaires commerciaux devrait donner lieu:

1)

à des recherches de haut niveau sur les chaînes de valeur mondiales (CVM) et les chaînes d’approvisionnement mondiales (CAM) existantes;

2)

à des mesures modernes de promotion des échanges et des services, le but étant de répondre aux conditions qui prévalent aujourd’hui dans un monde où, par le truchement des sous-traitances (externalisation), des transferts à l’étranger de la fabrication des produits (délocalisation) ainsi que de la création de filiales (ramification), la fragmentation du processus productif règne en maître;

3)

à des dispositions qui facilitent le commerce électronique et la mobilité et, bien entendu, l’établissement d’une coopération institutionnelle élargie, au stade de la négociation des accords comme à celui de l’évaluation et de la surveillance de leur application.

9.   La procédure de conclusion du nouvel accord et son contenu

9.1.

Il y a lieu d’élargir le champ d’application de l’union douanière, de façon à y intégrer également d’autres domaines, tels que:

a)

l’agriculture (moyennant une application rigoureuse des normes européennes et de la traçabilité des produits, mais aussi après avoir mené des recherches sur les conséquences qu’aurait une libéralisation des importations sur les agriculteurs européens), tout en examinant s’il y a lieu de maintenir ou d’instaurer des mesures provisoires de protection au-delà de la période d’ajustement, dans la mesure où cette action apparaît absolument nécessaire pour protéger les produits européens,

b)

les investissements,

c)

la réglementation des marchés publics,

d)

les services,

e)

des problématiques plus actuelles, comme le développement durable, la protection de l’environnement, le secteur de l’énergie, mais aussi les matières premières et les matériaux bruts, etc.,

f)

la protection des droits intellectuels et des brevets d’invention,

et à y incorporer non seulement des prescriptions contraignantes concernant la transposition directe et l’intégration de la législation européenne mais aussi une disposition particulière sur le règlement obligatoire des différends qui résulteront de sa mise en œuvre, au moyen d’un mécanisme dont l’activation ne nécessitera pas de décision politique comme c’est le cas jusqu’à présent, de sorte qu’il s’avère nettement plus compliqué de résoudre les litiges en toute transparence.

9.2.

En outre, il importe au plus haut point que l’ensemble de ces efforts s’articulent avec l’approche révisée adoptée par l’Union européenne en matière de commerce, qui mettra sur la table, en tant qu’exigences non négociables de sa part, la démocratisation et la transparence du processus décisionnel, au niveau tant international que national, ainsi qu’une mise en valeur du rôle des partenaires sociaux et de la société civile dans les procédures de dialogue public et de négociation, le but étant de parvenir à ce que l’accord révisé soit appliqué d’une manière qui soit plus efficace et axée sur les personnes.

9.3.

La modernisation des relations commerciales induite par le nouvel accord d’union douanière pourrait avoir plusieurs effets positifs, dont les suivants:

la libéralisation des secteurs nouvellement couverts par la réglementation et l’augmentation des investissements directs étrangers généreront des revenus,

la libéralisation bilatérale des marchés publics, grâce à la suppression des obstacles pour les ressortissants étrangers qui souhaitent participer à des appels d’offres, profitera aux entreprises européennes, étant donné qu’elles représentent 7 % du PIB du pays,

des débouchés seront créés pour les petites et moyennes entreprises, stimulant le niveau du revenu moyen en Turquie, tout en créant des emplois et en augmentant la productivité.

9.4.

Le processus de conclusion de l’accord devrait débuter par des négociations qui se dérouleront d’emblée avec la participation des partenaires sociaux et des organisations de la société civile, sur la base de procédures transparentes.

9.5.

Le CESE salue le caractère public des tractations et recommande de mener une étude en la matière à partir d’indicateurs sociaux et d’indicateurs de bien-être et sur d’autres secteurs, comme celui des droits des consommateurs et des travailleurs, pour ne prendre que cet exemple.

9.6.

De l’avis du CESE, il conviendra de préciser d’entrée de jeu que la procédure, loin de se résumer à une démarche d’approfondissement de la coopération commerciale entre l’Union européenne et la Turquie qui se présenterait d’un seul tenant, s’inscrit dans le processus plus large des négociations d’adhésion et que, par ailleurs, une des conditions à remplir pour que les discussions soient menées à bonne fin est que tous les éléments convenus jusqu’à présent soient pleinement harmonisés.

9.7.

Indépendamment des problèmes qui se posent actuellement — et devront être traités dans son nouveau texte — l’accord devra être élargi de manière à inclure un chapitre spécifique sur la protection de l’environnement, le développement durable ainsi que la sécurité et la coopération énergétiques (sources renouvelables et conventionnelles).

9.8.

Le CESE estime qu’il conviendra également d’élaborer, pour la coopération en matière d’investissements, un nouvel encadrement, qui comportera des normes plus élevées de protection des investisseurs et, dans le même temps, prévoira un processus de règlement des différends qui soit impartial, cet élément étant susceptible de renforcer la confiance des marchés dans la capacité de résistance de l’économie face à des chocs de nature politique. Cet encadrement devrait tenir compte des réserves exprimées à propos de la protection des investisseurs (19).

9.9.

Il est très clair que le nouvel accord devra contenir un cadre strict pour lutter contre les mesures protectionnistes ou discriminatoires vis-à-vis des produits étrangers et les droits supplémentaires ou cachés, conformément aux dispositions prévues dans la législation commerciale révisée de l’Union. Il conviendra également qu’il renforce la législation pour lutter contre le blanchiment d’argent, la corruption et l’économie souterraine et qu’il veille à augmenter la coopération institutionnelle en matière de lutte contre la criminalité transfrontalière.

Bruxelles, le 14 décembre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie et protocole additionnel du 12 septembre 1963 (JO 217 du 29.12.1964): http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A21964A1229(01)

(2)  Décision no 1/95 du Conseil d’association CE-Turquie du 22 décembre 1995 relative à la mise en place de la phase définitive de l’union douanière (96/142/CE).

(3)  Décision 96/528/CECA de la Commission du 29 février 1996 concernant la conclusion d’un accord entre la Communauté européenne du charbon et de l’acier et la République de Turquie sur le commerce des produits couverts par le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (JO L 227 du 7.9.1996): http://eur-lex.europa.eu/legal-content/fr/TXT/HTML/?uri=CELEX:31996D0528&from=fr

(4)  Nomenclature combinée, tarif douanier commun et tarif intégré de l’Union européenne (TARIC) du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil du 23 juillet 1987 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO L 256 du 7.9.1987): http://eur-lex.europa.eu/legal-content/fr/TXT/HTML/?uri=URISERV:l11003&from=fr

(5)  Statistiques provenant du Factbook de la CIA et des rapports par pays de la Banque mondiale, combinées à des données statistiques de la Banque centrale de la République de Turquie.

(6)  http://www.bloomberg.com/news/articles/2016-09-26/lira-drops-most-among-emerging-peers-after-turkey-cut-to-junk

http://www.bloomberg.com/news/articles/2016-07-21/turkish-assets-extend-selloff-after-s-p-cut-state-of-emergency

https://www.ft.com/content/779ef1f6-5b22-11e6-9f70-badea1b336d4

(7)  https://www.ft.com/content/5bbbcce4-83b2-11e6-a29c-6e7d9515ad15

http://www.forbes.com/forbes/welcome/?toURL=http://www.forbes.com/sites/dominicdudley/2016/07/18/turkeys-economy-could-slump-in-aftermath-of-failed-coup/&refURL=https://www.google.gr/&referrer=https://www.google.gr/

(8)  CSP Magee, «Trade creation, trade diversion, and the general equilibrium effects of regional trade agreements: a study of the European Community-Turkey customs union» (Création et détournement de flux commerciaux et effets des accords commerciaux régionaux sur l’équilibre général du système: étude de l’union douanière Communauté européenne-Turquie»), Review of World Economics, mai 2016, t. 152, no 2, p. 383-399.

(9)  «Evaluation of the EU-Turkey Customs Union» (Évaluation de l’union douanière UE-Turquie), rapport 85830-TR, 28 mars 2014, disponible sur http://www.worldbank.org/content/dam/Worldbank/document/eca/turkey/tr-eu-customs-union-eng.pdf

(10)  En 2013, treize instruments de défense commerciale étaient déployés en Turquie à l’encontre de biens en provenance de l’Union européenne. De plus amples informations sont disponibles sur le site: http://ec.europa.eu/trade/policy/accessing-markets/trade-defence/actions-against-exports-from-the-eu/ (consulté le 30 mai 2016).

(11)  Contrairement au mécanisme de résolution des différends de l’accord d’Ankara, qui couvre un spectre de litiges plus étendu mais dont l’activation nécessite l’accord des deux parties.

(12)  Voir la note 9 de bas de page.

(13)  D’autres accords ont pour partenaires les pays d’Afrique de l’Est, l’Équateur, Singapour, le Viêt Nam et l’Afrique occidentale. Aucun d’entre eux n’est encore entré en vigueur, même lorsque leur conclusion a été menée à bien.

(14)  «Global Economics Dynamics Study — Turkey’s EU integration at a crossroads — What consequences does the new EU trade policy have for economic relations between Turkey and Europe, and how can these be addressed?» (Étude sur la dynamique de l’économie mondiale — L’adhésion de la Turquie dans l’Union européenne à la croisée des chemins — Quelles conséquences la nouvelle politique commerciale de l’Union européenne a-t-elle sur les relations économiques entre la Turquie et l’Europe, et comment y remédier?), Bertelsmann Stiftung, avril 2016.

(15)  http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2015/october/tradoc_153879.pdf

(16)  CESE (J. Peel — rapporteur), avis sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Le commerce pour tous — Vers une politique de commerce et d’investissement plus responsable» [COM(2015) 497 final] (JO C 264 du 20.7.2016, p. 123).

(17)  En outre, l’accord-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et le protocole de Kyoto font naturellement partie de cet ensemble d’engagements à respecter. Pour l’accord de Paris, voir FCCC/CP/2015/L.9, 2015.

(18)  Normes fondamentales de l’OIT en matière de travail, lignes directrices de l’OCDE sur les sociétés multinationales, principes des Nations unies sur les entreprises et les droits de l’homme.

(19)  Certaines de ces préoccupations sont résumées dans le paragraphe 8.8 de l’avis du Comité économique et social européen sur «La position du CESE sur des questions clés spécifiques soulevées dans le cadre des négociations sur le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI)» (JO C 487 du 28.12.2016, p. 30).


10.3.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/138


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Vivre dignement: de la dépendance vis-à-vis de l’aide à l’autonomie — Les déplacements forcés et le développement»

[COM(2016) 234 final]

(2017/C 075/23)

Rapporteur:

Michael McLOUGHLIN

Consultation

Commission européenne: 21 juin 2016

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Relations extérieures»

Adoption en section spécialisée

16 novembre 2016

Adoption en session plénière

14 décembre 2016

Session plénière

521

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

203/0/1

1.   Conclusions et recommandations

Vivre dignement — Recommandations

1.1.

Le Comité estime que la communication «Vivre dignement» est un document ambitieux et présenté en temps opportun, effectuant un suivi des bonnes pratiques dans les domaines du développement et de l’assistance humanitaire. L’Union européenne doit être consciente des défis à relever pour la transposer dans la réalité.

1.2.

Le Comité considère que les régions géographiques qui sont à l’origine des déplacements forcés étant claires et bien définies, il devient alors possible d’apporter des réponses sur mesure et bien ciblées, de même que d’assurer des réactions conjointes de la Commission européenne et des autres institutions.

1.3.

Le Comité recommande qu’étant donné les défis géopolitiques majeurs concernés, le Service européen d’action extérieure, agissant en lien avec les États membres, développe une stratégie politique à haut niveau pour s’engager aux côtés des États et des organisations internationales en ce qui concerne la communication «Vivre dignement».

1.4.

Le Comité préconise que parallèlement à la communication soient développées des approches spécifiques relatives aux problématiques essentielles pour les femmes et les jeunes, et que ces groupes de population soient consultés pour chaque action de mise en œuvre et y soient associés.

1.5.

Le Comité considère que, si une approche mue par le développement peut produire des résultats considérables dans les limites du budget actuel, le recours à des ressources supplémentaires ne peut être exclu.

1.6.

Le Comité soutient la proposition préconisant que la société civile, les utilisateurs finaux, les partenaires de développement et les organisations non gouvernementales (ONG) soient associés à l’exécution de la communication et à sa mise en œuvre.

1.7.

Le Comité suggère qu’afin d’aider à exécuter la communication, on entreprenne de renforcer et d’améliorer les structures et les processus de dialogue social et civil dans les pays partenaires et les pays d’accueil.

1.8.

Le Comité recommande de prendre des mesures économiques dans les régions concernées, afin de soutenir et de développer l’esprit d’entreprise en tant que trajectoire de développement viable pour de nombreuses personnes déplacées de force.

1.9.

Le Comité préconise que les actions sur la santé accordent une attention particulière à la santé mentale et aux maladies dans ce domaine et soient compatibles avec l’article 11 de la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées.

1.10.

Le Comité prône que les actions en matière d’éducation et de formation reposent sur une approche d’apprentissage tout au long de la vie et que l’on envisage la possibilité, s’il y a lieu, de rendre les programmes de l’Union européenne accessibles aux personnes déplacées de force.

1.11.

Le Comité est favorable à ce que les normes de responsabilisation et de transparence les plus élevées soient appliquées lors de la transition vers une approche de développement.

1.12.

Le Comité plaide en faveur de la responsabilisation parlementaire au niveau de l’Union européenne et au niveau national, de même que pour une surveillance par d’autres organismes compétents, en tant qu’élément de la transition vers une approche de développement.

2.   Contexte

2.1.

Le nombre de personnes déplacées de force (réfugiés, personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays et demandeurs d’asile) constitue l’une des principales problématiques auxquelles la communauté internationale est confrontée, alors qu’aucune solution n’est malheureusement en vue dans les conflits en cours en Syrie, dans certaines régions d’Afrique et ailleurs. Au cœur de ce défi politique, on trouve l’émergence d’une catégorie permanente de personnes déplacées, restant sur place de nombreuses années après leur déplacement initial.

2.2.

Cette situation pose un certain nombre de problèmes, le principal étant que les réactions de la communauté internationale peuvent être dominées par l’«urgence», alors qu’une approche de développement à long terme serait plus appropriée. Résoudre ce dilemme est compliqué, car le changement pourrait, selon l’approche adoptée, soulever de nombreuses interrogations tant pour les pays d’accueil que pour les donateurs, les ONG et même les personnes déplacées.

2.3.

En 2015, plus de 65 millions de personnes étaient considérées comme des déplacés de force, 21,2 millions d’entre elles étant des réfugiés, tandis que 40,8 millions étaient déplacées au sein de leur propre pays et que 3,2 millions étaient des demandeurs d’asile. Les pays auxquels ressortissent la majeure partie des personnes déplacées de force sont la Syrie, l’Afghanistan, la Somalie, le Soudan, le Sud-Soudan et la République démocratique du Congo. Ce sont les pays voisins qui accueillent la grande majorité des réfugiés, tandis que les personnes déplacées au sein de leur propre État restent à l’intérieur de leurs frontières.

2.4.

En ce qui concerne les réfugiés, les pays voisins concernés sont principalement le Pakistan, l’Iran, la Turquie, le Liban, la Jordanie et l’Éthiopie. La Turquie est le pays qui accueille le plus grand nombre de réfugiés au monde. Si on les rapporte à la population concernée, ces chiffres, par habitant, sont également extrêmement élevés dans d’autres pays, tels que la Jordanie et le Liban. Pour ce qui est des déplacés internes, les principaux États concernés sont la Syrie (6,6 millions), la Colombie (3,6 millions), l’Iraq (3,3 millions), le Soudan (3,2 millions), le Yémen (2,5 millions) et le Nigeria (2,1 millions).

2.5.

L’Union européenne est actuellement le premier dispensateur d’assistance au développement et d’aide d’urgence dans le monde. Ce fait constitue l’une des valeurs emblématiques de l’Union européenne et de ses États membres. L’Union a également cherché à accroître la cohérence et l’efficacité de son aide et de ses interventions d’urgence en améliorant la coordination dans les pays ciblés par les États membres et l’approche de l’Union européenne.

2.6.

En 2015, l’Union a dispensé plus d’un milliard d’euros d’aide humanitaire en faveur des personnes déplacées de force. En avril 2016, la Commission européenne, en association avec le Service européen pour l’action extérieure (SEAE), a adopté à l’égard du déplacement de force une approche fondée sur le développement. La communication intitulée «Vivre dignement» expose pour la première fois comment l’Union européenne envisage une évolution vers une nouvelle manière d’offrir une assistance aux personnes déplacées de force.

2.7.

La communication «Vivre dignement» met en évidence les problématiques auxquelles sont confrontées les personnes déplacées de force. Elle étaie clairement la thèse que la vulnérabilité des personnes déplacées doit être le premier paramètre à prendre en considération, primant même sur leur statut juridique. La communication repose sur une approche globale de l’aide au développement et sur la perspective propre à l’Union européenne en matière de résilience dans ce domaine, récusant donc toute «approche linéaire». Elle s’efforce d’abandonner la manière d’aborder la question qui procédait d’une réflexion cloisonnée et comble le fossé, parfois très profond, entre le monde de l’action humanitaire et celui du développement.

2.8.

La Commission estime que la nouvelle approche ne devrait pas entraîner de frais supplémentaires puisqu’elle constitue un moyen d’unir des financements existants. Elle porte une grande attention aux gouvernements des pays d’accueil et aux partenaires de la mise en œuvre. De la même manière, elle défend des systèmes d’alerte et des interventions de tous les acteurs qui se situent à un stade précoce. Elle mentionne des exemples de pratiques existantes en matière de planification et de programmation stratégique à mener en conjonction avec les États. Les objectifs communs et la programmation conjointe doivent devenir prioritaires.

2.9.

La Commission envisage, en les assortissant d’actions annexes, deux éléments d’un nouveau cadre d’action, à savoir le renforcement de la corrélation entre l’aide humanitaire et le développement, d’une part, et un engagement stratégique aux côtés de partenaires, y compris le secteur privé, d’autre part. On note également un accent sectoriel, avec des actions concernant l’éducation, le marché de l’emploi (y compris le dialogue social) et l’accès à différents services, tels que le logement, l’eau, l’assainissement, etc.

3.   Observations générales

Observations géopolitiques

3.1.

D’une manière générale, la communication «Vivre dignement» constitue une initiative très intéressante: elle expose une vision audacieuse en faveur d’une adaptation stratégique de la politique, visant à ce qu’elle traite les véritables problématiques, et centrée sur la nécessité de lui imprimer un changement afin qu’elle bénéficie à ceux qui en ont le plus besoin. Elle est en phase avec la majeure partie de l’évolution de la réflexion dans le secteur concerné et avec les acteurs engagés dans le domaine, jette des ponts entre le travail humanitaire et le travail d’assistance et met l’accent sur les besoins à plus long terme, tels que la santé et l’éducation. L’Union européenne jouit d’une autorité considérable et est un acteur essentiel en la matière. Avec les États membres, elle peut exercer une réelle influence. Le Comité salue l’ambition des propositions contenues dans la communication. L’Union et les autres acteurs doivent se montrer clairs sur l’ampleur de la tâche, tout en maintenant une approche ambitieuse.

3.2.

Une attention spéciale devrait être accordée à l’importance que revêt la géopolitique dans ce domaine. En effet, on a pu constater, au sein même de l’Union européenne, comment des plans pleins de bonnes intentions, concernant la réinstallation de réfugiés bien moins nombreux, ont pu s’effilocher progressivement. Les personnes déplacées ont fui des conflits complexes et délicats et, après leur déplacement, elles ne cessent malheureusement pas d’en souffrir. Même s’il est animé des meilleures intentions ou bénéficie du large soutien des donateurs, tout changement de politique ou d’approche peut avoir des résultats ou une incidence inattendus sur un conflit. L’impact peut toucher les régions ou États voisins, ou encore des équilibres très subtils en matière de composantes ethniques, de pouvoir ou de géopolitique. Il peut en aller tout particulièrement ainsi lorsqu’une population officiellement «temporaire» en arrive à être considérée comme «permanente». Des pays tels que le Liban et la Jordanie ressentent déjà de telles pressions. Des exemples positifs indiqués dans la communication, tels que l’accès à la terre qui est octroyé en Ouganda, pourraient être utiles à cet égard.

3.3.

Les pays qui accueillent des flux considérables de personnes qui ont été déplacées de force sont souvent des États fragiles ou faibles, de sorte que le problème de la sensibilité géopolitique n’en prend que plus d’acuité. Dans d’autres cas, le pays «hôte» a beau être un régime autocratique, la question reste tout aussi délicate. Inévitablement, la distinction entre pays «voisins», «hôtes» et parties au conflit peut être difficile à effectuer, voire très mouvante. En effet, des connexions existent souvent entre les pays en conflit et les pays voisins ou des sous-groupes de population au sein de ces différents États. Un pays hôte, un voisin ou une région peuvent fort bien avoir à «gagner» ou à «perdre» dans un changement, quel qu’il soit, apporté au statut des personnes déplacées de force et réagir à cette situation.

3.4.

Écouter les voix des collectivités locales est un thème récurrent de la communication et c’est là une volonté extrêmement louable. Toutefois, lesdites voix pourraient, dans certaines circonstances, être partisanes ou influencées par le conflit ou par l’écheveau plus complexe des circonstances qui sont à son origine. Encourager, dans de nombreuses régions, le souhait d’une présence plus permanente des personnes déplacées constitue une gageure qu’on ne peut tout simplement pas sous-estimer. La décision qui vient d’être prise de fermer le camp de Dadaab au Kenya, qui existait depuis 24 ans, et l’offre d’incitations financières aux Afghans réfugiés au Pakistan, illustrent les défis posés. Que la souveraineté du pays d’accueil reste totale au regard du droit international est une réalité peut-être triste, mais incontournable, et ce, quelle que soit la nécessité de se concentrer sur les personnes déplacées de force.

3.5.

La sécurité étant clairement le facteur principal qui incite les personnes à rester dans une région ou à la quitter, le système d’alerte précoce, tel qu’il est évoqué dans la communication, est essentiel. L’on estime également que de nombreux déplacements sont prévisibles. Cet élément fait que des actions et des engagements politiques forts s’imposent encore davantage pour réaliser les objectifs de la communication.

Politiques conjointes

3.6.

La communication évoque à juste titre la nécessité de mener une politique et une réflexion conjointes, en particulier entre la sphère de l’intervention d’urgence et celle de la politique de développement. Le CESE se félicite de cette insistance et encourage à afficher des ambitions encore plus élevées dans cette voie. Il devrait être possible d’envisager une panoplie encore plus étendue de politiques par lesquelles l’Union européenne et ses États membres pourraient améliorer la vie des personnes déplacées. Le groupe de pays étant clairement précisé, les domaines concernés pourraient couvrir le commerce, l’aide, les armes et les droits humains. La communication se montre également très résolue en ce qui concerne les synergies et la réflexion conjointe; dans ce domaine, il convient d’aller au-delà des champs traditionnels de l’intervention d’urgence et de l’aide au développement. Il serait intéressant d’écouter l’avis d’autres directions générales de la Commission, comme celle du commerce, quant à la contribution qu’elles seraient susceptibles d’apporter en la matière. La communication fournit plusieurs exemples positifs, tels qu’un document relatif à un cadre conjoint humanitaire-développement pour lutter contre la malnutrition dans le nord du Nigeria, mais il importerait de démontrer qu’une telle approche est systématique, en particulier à Bruxelles.

3.7.

Certaines ONG humanitaires ont émis des doutes quant à la possibilité que ces tâches soient adaptées à des humanitaires et se sont demandé si, dans une telle évolution, l’aide humanitaire garderait sa spécificité. L’Institut pour le développement outre-mer (ODI), qui a son siège à Londres, est d’avis que le système de l’aide humanitaire doit être revu de fond en comble, du fait des nouvelles conditions dans lesquelles il évolue désormais et de la prépondérance qu’y exerce un petit nombre de donateurs et de bénéficiaires.

Si la Commission estime, dans sa communication, que la mise en œuvre du projet «Vivre dignement» ne devrait pas entraîner de frais supplémentaires, on ne peut exclure qu’elle s’avère capable d’attirer de nouveaux financements ou de mettre en place des synergies accrues.

Politiques de l’Union européenne concernant les réfugiés et les demandeurs d’asile

3.8.

La communication «Vivre dignement» traite de questions qui sont distinctes et séparées des politiques propres de l’Union européenne en matière de réfugiés et d’asile. Il existe cependant certains liens, s’agissant en particulier de dégager une politique de réinstallation tangible et permanente en faveur d’un certain nombre de personnes déplacées de force. En outre, l’autorité morale de l’Union européenne dans ce domaine pourrait être écornée, après les accords passés avec la Turquie, tout comme celle de certains États membres d’ailleurs. C’est la raison pour laquelle le respect des normes les plus élevées du droit international et des bonnes pratiques prend d’autant plus d’importance dans la mise en œuvre de ladite communication. L’association des utilisateurs finaux à la mise en œuvre de la politique est importante. Le dialogue social et civil offre un potentiel considérable en la matière. Les politiques d’intégration au sein de l’Union européenne doivent également être améliorées et ont leur importance en matière de déplacements forcés, dans la mesure où une des options devra nécessairement être la réinstallation de nombreuses personnes déplacées de force. Le droit à travailler, l’aide à l’apprentissage de la langue et les mesures de lutte contre la discrimination ressortissent à ce domaine. La récente mise en place de couloirs humanitaires expérimentaux, en particulier par le gouvernement italien mais aussi dans d’autres États membres de l’Union européenne, en Suisse, au Canada et aux États-Unis, est une voie très recommandable en ce qui concerne la réinstallation.

Suivi, contrôle et responsabilisation

3.9.

Que tous les financements humanitaires et de développement doivent être soumis aux critères de transparence et de responsabilisation les plus sévères est une évidence. Toute évolution vers une nouvelle approche concernant les personnes déplacées de force doit satisfaire aux critères de responsabilisation les plus élevés. Il convient que toutes les dépenses soient soumises au contrôle du Parlement européen, de la Cour des comptes européenne, de l’OLAF et du Médiateur européen.

4.   Observations particulières

4.1.

Tout en se concentrant sur les conflits oubliés et les régions concernées par un nombre élevé de personnes déplacées de force, la communication met l’accent sur ceux qui génèrent les flux de personnes déplacées à long terme les plus forts. Quelque délicates que soient certaines situations, politiquement parlant, des conflits peuvent mériter une attention particulière en raison du fait qu’ils se prolongent à l’extrême. Les cas du Sahara occidental et des Palestiniens paraissent pertinents en la matière. La situation de l’Ukraine mérite également une attention particulière, ce pays résidant dans le voisinage immédiat de l’Union européenne.

4.2.

La communication explique éloquemment, et l’on ne peut que l’applaudir sur ce point, que le statut juridique des personnes déplacées de force ne devrait pas entrer en ligne de compte en ce qui concerne l’assistance humanitaire et l’aide au développement à long terme. Cependant, dans certaines circonstances, il peut y avoir un avantage à en tenir compte, lorsque le statut juridique confère une certaine sécurité à une personne déplacée et lui est quelque peu utile, par exemple, lorsqu’elle satisfait aux critères établis par la convention de 1951, lorsqu’elle détient la nationalité du pays d’accueil ou d’un pays tiers, lorsque ses enfants la possèdent ou lorsqu’elle est elle-même mineure, ou encore dans d’autres situations pertinentes. Cette prise en compte se justifierait tout particulièrement dans le cas des mineurs non accompagnés, par exemple.

4.3.

L’approche qu’adopte la communication pourrait gagner à bénéficier de vérifications externes ou indépendantes et de la rigueur universitaire des sciences sociales ou de la psychologie. Comme illustrations de telles approches, on peut citer la hiérarchie des besoins de Maslow ou le développement communautaire reposant sur les ressources existantes. Il en existe, bien sûr, d’innombrables exemples mais il importe de mettre l’accent sur les besoins humains supplémentaires, qui vont au-delà de la subsistance pure et simple.

4.4.

Dès lors qu’il s’agit de démontrer la dimension opérationnelle du changement envisagé, l’approche essentielle de la communication repose sur une démarche recourant à des exemples actuels. Ils sont très utiles. Même si la dimension opérationnelle concerne l’avenir, il serait intéressant de la préciser et de la développer dès à présent. En d’autres termes, à quoi ressemblera-t-elle, quels sont les outils existants, l’aide en constituera-t-elle le seul moteur? Il s’agit là de questions importantes pour de nombreuses parties prenantes, qu’il s’agisse des États membres, des ONG, des travailleurs humanitaires ou, bien évidemment, des populations déplacées elles-mêmes. Tout processus de changement peut générer des craintes. Qu’un système soit ou non dysfonctionnel, le basculement à une solution de substitution produira, en règle générale, des gagnants et des perdants, et en déterminer les aspects opérationnels le plus tôt possible peut sans doute aider à traiter cette difficulté.

4.5.

De manière similaire, il serait opportun de préciser la façon dont il est envisagé de concrétiser et de faire connaître une nouvelle approche, en particulier pour ce qui concerne les agences multilatérales compétentes, les pays tiers et les ONG. Bien que l’Union européenne soit un acteur majeur et soit même considérée comme un chef de file en la matière, elle n’est pas la seule qui le soit et les autres parties prenantes peuvent avoir des priorités différentes, voire antagonistes. Du fait que dans la plupart des interventions, les fonds engagés et les efforts déployés sont mixtes, il est crucial de développer un programme commun.

4.6.

La démocratie et la bonne gouvernance sont essentielles si l’on veut que l’aide soit efficace et atteigne réellement les bénéficiaires prévus. L’état de droit revêt une importance fondamentale à cet effet, tout comme les mesures efficaces de lutte contre la corruption. On a estimé que par le passé, jusqu’à 40 % des aides étaient détournées à des fins soit d’achats d’armes, soit d’enrichissement personnel de dirigeants politiques. L’état de droit est également essentiel pour garantir que la société civile puisse véritablement faire entendre sa voix et jouer un important rôle de surveillance, sans craindre de s’exposer par la suite à des intimidations, voire à l’emprisonnement.

4.7.

Le document insiste abondamment, et à juste titre, sur la planification. Cependant, les situations peuvent évoluer rapidement dans ce domaine et le temps constituer un facteur essentiel. Dès lors, toute approche ou plan opérationnel doit pouvoir être rapidement mis en œuvre.

4.8.

Comme dans tous les domaines, on peut relever l’existence d’un langage et d’une terminologie spécifiques, dans la communication et ailleurs encore. Dans l’élaboration de la politique, il conviendrait, dans la mesure du possible, d’éviter d’avoir recours au jargon. La communication consacre également énormément d’attention à des idées telles que les synergies, les stratégies, les plans et la réflexion conjointe. Des approches ou orientations plus concrètes pourraient cependant être utilisées dans les domaines concernés.

4.9.

Les dispositions en matière de dialogue social qui figurent dans la communication sont les bienvenues et il conviendrait de les reconnaître, dans toutes leurs composantes pertinentes. Les éléments proposés en matière d’éducation et de marché du travail devraient accorder davantage d’attention à l’activité indépendante et à l’entrepreneuriat. Ce type d’activité est souvent bien visible dans les camps de personnes déplacées et la créativité peut être le corollaire obligé de la situation dans laquelle se trouvent les personnes concernées, comme le corrobore le rapport de la Banque mondiale sur le déplacement forcé.

4.10.

Il est raisonnable de se demander quelle sera l’approche adoptée dans le futur. Comme dans tout changement de politique, il faut tabler sur une transition. Optera-t-on alors pour une résorption progressive ou pour l’application d’un double régime? Actuellement, 25,1 millions de personnes sont considérées comme se trouvant déplacées de manière prolongée. La question qui se pose est de savoir comment un environnement différent sera géré si cette situation se prolonge.

4.11.

La participation de la société civile locale et des utilisateurs finaux (les personnes déplacées) revêt une grande importance. Dans la situation actuelle, des structures consultatives existent généralement dans les camps mais qu’en est-il au niveau des pays d’accueil? Cet impératif peut constituer un défi de taille mais n’en doit pas moins faire partie de tout changement de politique. Il n’est pas difficile d’imaginer la complexité de cette tâche en ce qui concerne les personnes déplacées au sein de leur propre pays dans toute une série de conflits.

4.12.

Comme pour tout changement majeur de politique, et en particulier si l’on considère le besoin de transparence, il convient de garantir que la nouvelle approche fasse l’objet de mesures de contrôle, auxquelles soient associés les acteurs de la société civile et les ONG qui sont concernés. Les mécanismes de contrôle de la société civile qui s’appliquent aux chapitres qui, dans les accords commerciaux existants de l’Union européenne, sont consacrés à la problématique du commerce et du développement durable, peuvent fournir des exemples utiles en la matière.

4.13.

La régénération économique des régions sera nécessaire si l’on veut que les personnes déplacées qui y résident puissent y trouver un quelconque profit. Les zones dans lesquelles se concentrent les personnes déplacées de force comptent cependant parmi les plus pauvres au monde et offrent par ailleurs un environnement peu favorable en matière d’emploi et de protection sociale. Une fois encore, la concentration géographique qui caractérise les déplacements forcés devrait ouvrir la voie à des solutions en la matière, telles que des plans d’investissement, des politiques fiscales et le développement d’infrastructures au niveau régional. Un soutien accru à l’entrepreneuriat devrait aussi figurer dans toute approche de développement économique. La priorité doit également être accordée à la dignité au travail et aux emplois de qualité, ainsi qu’à la participation des partenaires sociaux.

4.14.

Bon nombre des régions et pays accueillant des personnes déplacées de force affichent des résultats médiocres pour la plupart des indicateurs économiques et présentent un contexte dans lequel on peut considérer que les entreprises auront du mal à développer leurs activités. La nécessité de disposer de données de qualité est également soulignée par la Banque mondiale et d’autres parties prenantes. Les perspectives économiques doivent constituer le cœur même d’une action qui, face au déplacement forcé, soit orientée vers le développement et ce constat accentue encore la nécessité que la communication bénéficie du soutien agissant d’autres intervenants au sein de l’Union européenne.

4.15.

L’embauche de ces personnes dans les organisations de la société civile locale et dans les camps mais aussi dans le cadre plus général des diverses actions menées face au déplacement constitue aujourd’hui une pratique qui est courante et est considérée comme exemplaire. Elle devrait constituer un volet important et bien marqué des initiatives en matière d’emploi.

4.16.

Les actions dans le domaine de la santé devraient accorder une attention particulière à la santé mentale et aux maladies dans ce domaine, qui représentent un aspect extrêmement important et souvent négligé dans le cas des personnes déplacées de force. Dans leur très grande majorité, les personnes déplacées de force souffrent d’un syndrome de stress post-traumatique ou d’autres troubles mentaux dus aux changements, vecteur de pression, qu’elles ont vécus. Dans les pays d’accueil, le manque de travailleurs qualifiés dans le domaine des soins de santé entrave la fourniture de soins systématiques et à long terme en matière de santé mentale. Un des moyens de compenser cette carence pourrait consister à intégrer dans les services publics de soutien psychologique les personnes déplacées de force qui souffrent de désordres mentaux et à appuyer les initiatives de la société civile qui leur dispensent, au niveau local, des services de conseil psychologique.

4.17.

La convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, en particulier son article 11, devrait être le document déterminant lors de l’élaboration de dispositions en faveur des personnes déplacées de force qui sont handicapées.

4.18.

L’impact des déplacements forcés sur les femmes et les jeunes filles est particulièrement prononcé. Bien que des informations supplémentaires soient nécessaires à ce sujet, les problèmes majeurs prennent la forme d’un risque accru de violence sexuelle ou fondée sur le genre, ainsi que de traite des êtres humains. Il conviendrait en outre de veiller au respect de l’égalité entre les sexes dans la fourniture de services, notamment en ce qui concerne les problématiques comme le droit à la vie privée. On a également constaté un risque accru de complications en cas de grossesse.

4.19.

Assurer l’éducation constitue de toute évidence une réponse déterminante. Toute évolution vers une approche à long terme, plus efficace, devrait avoir un effet notable en ce qui concerne concernant le type, le niveau et l’ampleur du soutien en matière d’éducation. Dans cette optique, une approche reposant sur l’apprentissage tout au long de la vie pourrait aider à ce que la diversité des besoins soit reconnue. Étant donné la proportion et le nombre d’enfants et de jeunes gens parmi les personnes déplacées de force, il convient d’envisager une extension des programmes de l’Union européenne tels que, par exemple, Erasmus+ ou d’autres programmes pertinents, de manière à ce qu’ils incluent les jeunes déplacés de force.

4.20.

Le déplacement forcé devient de plus en plus une problématique urbaine, plutôt qu’une question limitée aux camps. Il y a lieu, dès lors, de changer la perception du grand public et des donateurs en la matière. Il est évident que la panoplie des politiques associées à la transition vers une approche fondée sur le développement doit faire droit à cette situation, tant en ce qui concerne la planification que par rapport à des questions comme le logement, le transport, la santé et l’éducation.

Bruxelles, le 14 décembre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


10.3.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/144


Avis du Comité économique et social européen sur «Une politique arctique intégrée de l’Union européenne»

[JOIN(2016) 21 final]

(2017/C 075/24)

Rapporteur:

M. Stéphane BUFFETAUT

Consultation

Commission européenne, 27 avril 2016

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Relations extérieures»

Adoption en section spécialisée

16 novembre 2016

Adoption en session plénière

14 décembre 2016

Session plénière no

521

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

218/1/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) est bien conscient de l’importance de la région arctique pour l’Union européenne et particulièrement pour le Danemark, la Finlande et la Suède, qui siègent en tant que membres au Conseil de l’Arctique.

1.2.

Mais il est tout aussi conscient du fait que l’Union européenne ne participe au Conseil de l’Arctique qu’en tant qu’observatrice, même si, de facto, elle a pu dépasser un strict rôle d’observateur. Le Comité avait souhaité, par le passé, que le rôle de l’Union européenne dans la région arctique soit renforcé (voir l’avis REX/371, de M. Hamro-Drotz) (1).

1.3.

Le CESE souligne que l’Union européenne siège ou participe à d’autres instances internationales qui traitent aussi des problématiques arctiques et qu’elle est ainsi en mesure d’élargir son influence. C’est notamment le cas en ce qui concerne le changement climatique, les conventions maritimes ou du droit de la mer, la pêche et même certains aspects de la politique spatiale.

1.4.

Étant donné, d’une part, que la communication repose sur trois piliers qui sont la question du changement climatique, le développement durable et la coopération internationale mais, d’autre part, que la clé de l’efficacité réside dans les résultats de cette coopération internationale et que les représentants des populations installées dans la région mettent la priorité sur le développement durable, le CESE suggère d’inverser l’ordre de présentation des objectifs de l’Union européenne dans un souci de lisibilité et d’efficacité, d’autant que les objectifs ou les projets qu’énonce la Commission sont louables et ne prêtent guère à la critique dans leurs intentions.

1.5.

Une des conséquences du changement climatique a été l’ouverture de nouvelles voies navigables au Nord, le fameux «passage du Nord» que Chateaubriand avait déjà cherché à découvrir, en vain, à la fin du XVIIIe siècle. Cette évolution ouvre des possibilités concrètes de passage, de pêche, voire d’exploitation minière, qui entraînent à leur tour un accroissement des risques de «fortunes de mer» ou d’incidents de forage nécessitant des infrastructures de secours qui ne sont pas présentes sur place. Le Comité recommande donc d’attacher la plus grande importance aux questions de sécurité et de sûreté, non seulement en matière de transport mais aussi de forage, et souligne que l’on ne connaît pas encore les conséquences environnementales de l’ouverture de ces voies de navigation dues à la fonte des glaces.

1.6.

En ce domaine, le Comité souligne l’apport que le déploiement de Galileo pourra constituer en matière de surveillance et de prévention des catastrophes maritimes et des pollutions, et le fait qu’il pourra faire la preuve de son utilité dans le cas spécifique de la région arctique. Le CESE insiste également sur l’importance que d’autres politiques européennes — en plus, bien sûr, des politiques climatique et environnementale — intègrent les considérations relatives à l’Arctique, notamment la politique structurelle de l’Union, la politique agricole commune, la politique de la pêche et la politique maritime.

1.7.

Le CESE estime que les principes de la pêche responsable ont vocation à s’appliquer dans la région arctique et que le développement éventuel du tourisme et d’autres activités économiques devrait s’inscrire dans une logique de responsabilité et de protection de cet environnement aussi sensible que fragile et déjà fortement impacté par le réchauffement de l’hémisphère nord.

1.8.

Il souligne aussi que les populations locales, si elles entendent préserver leurs cultures, souhaitent aussi pouvoir bénéficier des possibilités qu’offre un développement économique et social durable, lesquelles passent notamment par une amélioration des moyens de communication matériels et immatériels. Le CESE plaide pour que la société civile puisse jouer un rôle actif en faveur de la promotion des intérêts et des préoccupations des populations locales qui ne doivent pas être spectateurs mais acteurs des politiques relatives à l’Arctique. Le CESE préconise de renforcer la protection des ressources de l’Arctique, en ce qu’elles constituent le capital naturel des générations futures, ainsi que de traiter les transformations que connaît l’environnement de cette région comme l’indicateur des progrès qu’accomplissent l’Europe et le monde en matière de climat. La préservation des régions arctiques et la lutte contre le changement climatique ne doivent pas se faire sans tenir compte des habitants ou à leur détriment.

1.9.

Les objectifs de la politique arctique intégrée de l’Union européenne ne peuvent être poursuivis sans l’accord et le soutien d’États qui ne sont pas et ne seront jamais membres de l’Union européenne. Certains parmi eux sont des superpuissances mondiales dont les objectifs économiques et stratégiques ne coïncident pas nécessairement avec ceux de l’Union européenne. Le succès et les effets concrets de cette politique arctique dépendront donc de l’habileté diplomatique de l’Union, de sa faculté à faire de ces objectifs une préoccupation transversale dans son action diplomatique dans des domaines dépassant l’Arctique stricto sensu, et de sa capacité à faire évoluer d’autres États vers des positions convergentes avec les siennes. La coopération internationale est et demeurera cruciale pour toute politique arctique.

2.   Introduction

2.1.

Huit États sont des États arctiques. Parmi ceux-ci, trois États membres de l’Union européenne: le Danemark, la Finlande et la Suède. L’Islande et la Norvège, pays non membres de l’Union européenne et membres de l’Espace économique européen, sont également des États arctiques, de même que le Canada, les États-Unis et la Russie. Par la Déclaration d’Ottawa de 1996, ces huit États ont fondé le Conseil de l’Arctique, dont l’objet est de promouvoir le développement durable dans la région sur le plan social, économique et environnemental.

2.1.1.

Dès lors, et sans empiéter sur les compétences nationales, l’Union européenne ne pouvait se désintéresser de l’Arctique, zone stratégique importante, mais la Commission met un accent très insistant sur la question climatique, partant du principe que cette région du monde joue un rôle de premier plan en matière de climat tout en subissant les effets du changement climatique. De récentes études indiquent que l’Arctique se réchauffe deux fois plus vite que le reste du monde. De surcroît, si l’Arctique subit les effets de ce changement, il a aussi un impact très fort sur lui. On notera en outre que des populations autochtones vivent dans cet espace.

2.1.2.

Toutefois, l’Union européenne n’est pas membre de ce Conseil de l’Arctique, auquel elle est cependant invitée de manière permanente en qualité d’observatrice. L’Allemagne, la Chine, la Corée du Sud, l’Espagne, la France, l’Inde, l’Italie, le Japon, les Pays-Bas, la Pologne, le Royaume-Uni et Singapour ont un statut d’observateur. L’Union européenne a déposé une demande de statut d’observateur permanent en 2008, demande qui reste encore «dans l’attente d’une décision finale». Le grand nombre d’États siégeant en tant qu’observateurs à ce Conseil démontre à quel point la question de l’Arctique est un sujet d’importance pour la communauté internationale.

2.1.3.

En revanche, sont «participants permanents» les institutions représentatives et associations des populations autochtones (Saami, Aléoutes, populations autochtones du Nord, de la Sibérie et de l’Extrême-Orient russe, le Conseil arctique de l’Alaska, etc.) ce qui manifeste une réelle volonté de tenir compte du sort et des souhaits sur le plan du développement de ces populations peu nombreuses mais présentes en Arctique et porteuses de cultures fortes.

2.2.

La politique de l’Union qui vise à lutter contre le changement climatique et à limiter la hausse des températures semble avoir trouvé un champ d’application privilégié dans la zone arctique mais l’Union européenne n’agit pas seule et devra compter sur des puissances dont les priorités relèvent plus de stratégies militaires, économiques et de transport maritime. Au demeurant, jusqu’à présent, le Conseil de l’Arctique s’était surtout préoccupé de la question du développement, certes durable, de la région.

2.3.

Le changement climatique peut avoir un impact fort sur les conditions de vie des populations vivant dans cette zone. Il est clair que les politiques menées en matière de changement climatique ne doivent pas se faire contre les populations mais avec elles et pour elles.

2.4.

L’importance économique de la zone arctique pour l’Union européenne n’est pas négligeable. En effet celle-ci consomme beaucoup de produits provenant de l’Arctique, notamment les produits de la pêche et des sources d’énergie. Il convient également de ne pas oublier les conséquences économiques, sociales et environnementales de l’ouverture de nouvelles voies navigables. Au demeurant, ce qui est vrai pour l’Union européenne l’est aussi pour les États présents dans cette zone. Ainsi les États-Unis ont-ils accordé des autorisations de forage dans l’Arctique.

2.5.

La Commission articule son document autour de trois axes qui indiquent ses priorités. La question est de savoir si celles-ci sont pertinentes:

la lutte contre le changement climatique et la sauvegarde de l’environnement arctique;

la promotion du développement durable;

le soutien de la coopération internationale sur les questions relatives à l’Arctique.

2.6.

Il est permis de souligner que le dernier point est essentiel et, en fin de compte, conditionne les deux premiers points puisque l’Union européenne n’est directement concernée qu’au titre de trois États membres et doit composer avec les trois puissances majeures que sont les États-Unis, la Russie et le Canada qui, toutes trois, ont des intérêts économiques et stratégiques considérables dans la région arctique. On notera que des États asiatiques manifestent un intérêt très grand pour la région, notamment la Chine, le Japon, la Corée du Sud et Singapour.

2.7.

Il est aussi permis de s’interroger sur la place faite aux considérations relatives au changement climatique et à l’environnement, qui sont la préoccupation majeure de la Commission mais pas nécessairement celle de nos partenaires internationaux, pour qui le développement durable revêt une importance considérable sans être une priorité.

3.   Observations générales

3.1.

À l’évidence, la Commission se donne pour priorité la lutte contre les effets du changement climatique sur l’Arctique. Elle se préoccupe notamment de la question de la fonte du pergélisol, dont l’effet pourrait se révéler catastrophique en matière d’émission de méthane et de CO2, et de la protection des écosystèmes locaux. Ces soucis sont bien légitimes mais l’Union européenne ne possède pas à elle seule les clés permettant de résoudre ces problèmes.

3.2.

Afin de mieux répondre à ces défis, la Commission souligne l’importance de la recherche et des efforts de surveillance de l’Arctique et rappelle les efforts financiers consentis à cet effet. Elle relève la nécessité d’une coopération internationale accrue et plaide pour un accès transnational aux infrastructures de recherche et aux données.

3.2.1.

Cette remarque démontre, si besoin était, que l’efficacité de la politique de l’Union européenne est conditionnée à l’efficacité de la coopération internationale.

3.2.2.

La Commission décline ses objectifs de «politique climatique» en l’appliquant au cas particulier de l’Arctique. En pratique, elle se heurte à la difficulté générale suivante: elle n’est pas en mesure d’agir efficacement si ses objectifs ne sont pas partagés sur un plan mondial et notamment par les États arctiques, même si elle agit de façon concrète au travers des Fonds structurels et d’investissement européens. La ratification des accords de Paris sur le changement climatique devrait renforcer l’efficacité des actions et des politiques dans la région arctique.

3.3.

La Commission plaide à juste titre pour une protection élevée de la biodiversité, la création de zones marines protégées, ainsi qu’en faveur de la lutte contre les pollutions des métaux et polluants lourds. On soulignera toutefois que les zones marines protégées en haute mer sont fort peu efficaces, sauf en matière d’interdiction de la pêche. En effet, par définition, elles sont impossibles à contrôler et à protéger car sans cesse mouvantes, tant en ce qui concerne les eaux que les espèces qui y vivent, et sont en perpétuel mouvement.

3.4.

De la même façon, elle souligne la nécessaire collaboration internationale dans le domaine des activités gazières et pétrolières, notamment afin de prévenir les accidents majeurs. Ici encore, l’efficacité repose sur la force des relations internationales nouées avec les autres États intervenants dans la zone arctique. À cet égard, il faut souligner que les relations difficiles avec la Russie n’ont pas eu d’impact négatif en ce qui concerne l’Arctique, où la coopération se déroule de façon satisfaisante.

3.5.

La région arctique, vaste et faiblement peuplée, ne bénéficie pas de liaisons de transports aisées, alors qu’elle recèle de nombreuses ressources — poissons, minerais, pétrole et gaz — susceptibles de susciter les convoitises. La Commission plaide pour le développement d’une économie durable qui est d’autant plus nécessaire que les espaces naturels sont fragiles et bouleversés par les changements climatiques. Il convient de protéger les ressources naturelles de l’Arctique comme une réserve pour l’avenir, tout en préservant les intérêts des populations locales. Le CESE préconise de renforcer la protection des ressources de l’Arctique, en ce qu’elles constituent le capital naturel des générations futures, ainsi que de traiter les transformations que connaît l’environnement de cette région comme l’indicateur des progrès qu’accomplissent l’Europe et le monde en matière de climat. La préservation des régions arctiques et la lutte contre le changement climatique ne doivent pas se faire sans tenir compte des habitants ou à leur détriment.

3.6.

L’Union européenne devrait soutenir la mise en place de technologies innovantes, notamment pour faire face aux rigueurs de l’hiver arctique. Le programme InnovFin pourrait trouver une application pour l’Arctique. La Commission plaide aussi pour un accès effectif au marché unique. En l’état actuel, ceci reste encore une perspective lointaine. Mais d’autres politiques européennes sont concernées: la politique agricole commune, la politique de la pêche, la politique maritime.

3.7.

La Commission envisage de mettre en place un forum afin de renforcer la collaboration et la coordination des différents programmes de financement de l’Union européenne. Ce forum définirait des priorités en matière d’investissement et de recherche.

3.7.1.

Parallèlement, dans le cadre d’Interreg, serait établi un réseau d’autorités de gestion et de parties prenantes qui pourrait aboutir à une conférence annuelle des parties prenantes de l’Arctique. L’idée semble intéressante à condition que sa mise en œuvre soit souple, réactive et adaptable.

3.8.

En matière d’investissement, la Commission insiste principalement sur les réseaux de transports, en effet nécessaires pour sortir les régions arctiques de l’isolement, et rappelle que la partie septentrionale de la Finlande, de la Suède et de la Norvège fait partie du réseau transeuropéen de transport. Il est clair que cet élément est crucial pour ouvrir la région sur le reste du monde.

3.9.

La taille de l’Arctique, la faible densité de sa population rendent particulièrement pertinente l’utilisation des technologies spatiales. Les programmes Copernicus et Galileo seront extrêmement précieux pour la région. L’on ne peut que soutenir l’approche de la Commission en ce domaine.

3.10.

La fonte des glaces a entraîné l’ouverture du passage Nord-Est; il convient d’assurer la sécurité de la navigation sur les nouvelles routes. Le CESE ne peut que soutenir l’approche de la Commission en ce domaine. L’idée d’un forum des garde-côtes arctiques est à retenir.

3.11.

C’est le succès de la coopération internationale qui déterminera la réussite ou l’échec des politiques engagées.

3.11.1.

La Commission énumère les divers instruments juridiques et instances pertinentes et souligne la nécessité pour l’Union européenne de s’y impliquer avec force, non sans rappeler la nécessité de coopérations bilatérales, notamment avec les acteurs majeurs que sont les États-Unis, la Russie et le Canada, mais aussi le Groenland et certains États asiatiques très intéressés par la question de l’Arctique.

3.12.

La Commission souligne la nécessité du dialogue avec les populations autochtones qui, faut-il le rappeler, sont les premières concernées et ne devraient pas subir les retombées de politiques qui leur seraient contraires, notamment dans la perspective d’un développement économique et social durable de la région. La société civile a donc son plein rôle à jouer pour que les préoccupations des populations autochtones soient réellement prises en compte, sur le plan tant économique que social. Le CESE pourrait, à cet égard, jouer un rôle de «porte-voix» au sein de l’Union européenne.

3.13.

Sur le plan économique et dans cet esprit, la Commission se félicite de la déclaration relative aux activités de pêche signée par cinq États riverains de l’océan Arctique mais souligne, à juste titre, que la question ne concerne pas que les États riverains.

3.14.

Enfin, en matière de recherche, la Commission défend l’idée d’une coopération scientifique renforcée, notamment dans le cadre de l’alliance transatlantique et arctique pour la recherche océanique, et souhaiterait dresser une carte de l’ensemble des fonds marins d’ici à 2020, objectif d’intérêt scientifique majeur que l’on ne saurait que soutenir mais qui a des implications dépassant la seule connaissance scientifique, tant en matière de sécurité que de transport ou d’exploitation économique.

Bruxelles, le 14 décembre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO C 198 du 10.7.2013, p. 26.