ISSN 1977-0936

Journal officiel

de l'Union européenne

C 71

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Édition de langue française

Communications et informations

59e année
24 février 2016


Numéro d'information

Sommaire

page

 

I   Résolutions, recommandations et avis

 

RÉSOLUTIONS

 

Comité économique et social européen

 

Comité économique et social européen 512e session plénière du CESE des 9 et 10 décembre 2015

2016/C 071/01

Résolution du Comité économique et social européen sur les réfugiés

1

 

AVIS

 

Comité économique et social européen

 

Comité économique et social européen 512e session plénière du CESE des 9 et 10 décembre 2015

2016/C 071/02

Avis du Comité économique et social européen sur la Simplification de la PAC (avis exploratoire)

3

2016/C 071/03

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Des universités engagées pour donner forme à l’Europe (avis d’initiative)

11

2016/C 071/04

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Le rôle des ingénieurs dans la réindustrialisation de l’Europe (avis d’initiative)

20

2016/C 071/05

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Une industrie chimique compétitive grâce aux nanotechnologies (avis d’initiative)

27


 

III   Actes préparatoires

 

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

 

Comité économique et social européen 512e session plénière du CESE des 9 et 10 décembre 2015

2016/C 071/06

Avis du Comité économique et social européen sur le Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Rapport sur la politique de concurrence 2014 [COM(2015) 247 final]

33

2016/C 071/07

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — Un système d’imposition des sociétés juste et efficace au sein de l’Union européenne: cinq domaines d’action prioritaires [COM(2015) 302 final]

42

2016/C 071/08

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Un agenda européen en matière de migration [COM(2015) 240 final]

46

2016/C 071/09

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un mécanisme de relocalisation en cas de crise et modifiant le règlement (UE) no 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride [COM(2015) 450 final — 2015/0208 (COD)]

53

2016/C 071/10

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/87/CE afin de renforcer le rapport coût-efficacité des réductions d’émissions et de favoriser les investissements à faible intensité de carbone [COM(2015) 337 final — 2015/0148 (COD)]

57

2016/C 071/11

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Stratégie pour un marché unique numérique en Europe [COM(2015) 192 final]

65

2016/C 071/12

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Plan d’action de l’Union européenne contre le trafic de migrants (2015-2020) [COM(2015) 285 final]

75

2016/C 071/13

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant une liste commune de l’Union de pays d’origine sûrs aux fins de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, et modifiant la directive 2013/32/UE [COM(2015) 452 final]

82


FR

 


I Résolutions, recommandations et avis

RÉSOLUTIONS

Comité économique et social européen

Comité économique et social européen 512e session plénière du CESE des 9 et 10 décembre 2015

24.2.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 71/1


Résolution du Comité économique et social européen sur les réfugiés

(2016/C 071/01)

Lors de sa session plénière des 9 et 10 décembre 2015 (séance du 10 décembre 2015), le Comité économique et social européen (CESE) a adopté la présente résolution par 174 voix contre 8, avec 9 abstentions.

1.

Le CESE apprécie sans réserve le travail important consenti par la société civile pour prêter assistance aux réfugiés qui ont fui des pays déchirés par la guerre, et qui sont, à ce titre, en droit de prétendre à la protection que leur reconnaît la convention de Genève. Sans cette réponse, la situation humanitaire tragique à laquelle de nombreux pays européens sont confrontés aujourd’hui aurait pu devenir catastrophique. Le CESE s’engage directement afin de faire connaître cette réalité et de veiller à ce qu’elle soit dûment prise en compte par les institutions européennes, les gouvernements et les autres acteurs politiques.

2.

Le CESE organise actuellement des visites en vue de rencontrer des organisations de la société civile offrant une assistance aux réfugiés dans onze États membres (la Bulgarie, l’Allemagne, la Grèce, la Croatie, l’Italie, la Hongrie, Malte, l’Autriche, la Pologne, la Slovénie, la Suède) et en Turquie, ces pays étant les plus touchés par l’afflux de réfugiés. En tant qu’organe représentatif de la société civile organisée auprès des institutions européennes, nous serons leur porte-parole au niveau européen.

3.

Le CESE estime que la situation actuelle requiert de l’Union européenne qu’elle développe des couloirs humanitaires sûrs pour les réfugiés originaires de pays touchés par les guerres et menacés par le terrorisme, et qu’elle le fasse en collaboration avec les pays sur le territoire desquels se trouvent la plupart des réfugiés. De plus, nous devons mettre en place un véritable régime d’asile européen commun fondé sur des procédures harmonisées dans l’ensemble de l’Union européenne. Ce régime devra notamment prévoir un statut uniforme d’asile, la reconnaissance mutuelle des décisions en matière d’asile, le partage de la responsabilité, de la solidarité et des efforts en ce qui concerne la relocalisation et la réinstallation, et une révision du règlement de Dublin. Il est en outre nécessaire de disposer de systèmes solidaires et fiables de répartition des efforts, dans lesquels une clé permanente, équitable et contraignante de répartition des personnes en quête de protection entre tous les pays de l’Union européenne serait une première étape. En raison des circonstances exceptionnelles qui prévalent et conformément au pacte de stabilité et de croissance, les coûts supplémentaires engendrés par l’accueil de réfugiés ne devraient pas, après un examen approfondi, être repris dans le calcul des déficits publics des États membres.

4.

Le CESE constate également avec une extrême inquiétude que l’accord de Schengen et le principe de la libre circulation sont maintenant fragilisés. Il s’agit en effet d’acquis fondamentaux, profitables pour les citoyens de l’Union européenne. Il est important de sécuriser convenablement les frontières extérieures des pays de l’espace Schengen. Toutefois, rétablir des barrières intérieures et construire des murs sont autant de démarches qui n’aideront en rien à rapprocher les citoyens européens ou à favoriser la citoyenneté de l’Union.

5.

Il est en outre essentiel de prendre des mesures immédiates pour combattre les origines de l’afflux actuel de réfugiés. Il est impératif que l’Union européenne travaille sur ces problèmes avec les pays d’origine et de transit, et le CESE insiste pour que la Commission adopte, dans le cadre de cette coopération, une approche fondée sur les droits humains et non uniquement sur des considérations de nature sécuritaire. Enfin, le CESE souligne la nécessité d’associer la société civile au dialogue avec les pays tiers.

6.

Fort de son engagement de longue date à l’égard des questions migratoires, lequel s’exprime nouvellement par le biais principal du forum européen sur l’intégration/la migration, le CESE estime que l’intégration et l’insertion des réfugiés dans nos sociétés doivent être un processus bilatéral auquel les partenaires sociaux et d’autres organisations de la société civile apportent, aux côtés des gouvernements et des collectivités locales, une contribution essentielle. Il convient d’accorder la priorité à l’accès au marché du travail et, plus spécifiquement, à la reconnaissance des qualifications et à l’organisation de formations professionnelles et linguistiques là où le besoin se fait sentir. L’Union européenne devrait mettre en place, dans les pays d’accueil et dans l’Union européenne, une série de mesures visant à centraliser les demandes d’emploi, de formation et de reconnaissance des compétences.

7.

Pour créer un indispensable consensus social à travers l’Europe, il est essentiel de respecter pleinement l’égalité de traitement et les droits sociaux, tant des citoyens de l’Union que des réfugiés en Europe, en accordant une attention particulière aux plus vulnérables parmi eux. Un investissement précoce dans l’intégration des réfugiés dans la société et sur le marché du travail est important pour aider ceux-ci à reconstruire leur vie, limiter les conflits potentiels avec la population locale et éviter des coûts plus élevés à l’avenir. À cette fin, il est indispensable de prévoir un financement adéquat des services publics locaux et de mettre en place un dialogue civil entre les réfugiés et la population locale.

Bruxelles, le 10 décembre 2015.

Le Président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


AVIS

Comité économique et social européen

Comité économique et social européen 512e session plénière du CESE des 9 et 10 décembre 2015

24.2.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 71/3


Avis du Comité économique et social européen sur la «Simplification de la PAC»

(avis exploratoire)

(2016/C 071/02)

Rapporteur:

M. Seamus BOLAND

Le 2 septembre 2015, la Commission européenne a décidé, conformément à l’article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur le thème:

«Simplification de la PAC»

(avis exploratoire).

La section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 18 novembre 2015.

Lors de sa 512e session plénière des 9 et 10 décembre 2015 (séance du 9 décembre), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 196 voix pour, 9 voix contre et 26 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE prend acte du fait que la Commission européenne considère comme prioritaire la simplification approfondie de la mise en œuvre de la politique agricole commune (PAC) et qu’elle a déjà proposé et continuera de proposer de simplifier certains de ses actes, afin de rendre la législation de l’Union européenne plus aisément compréhensible et applicable sur le terrain.

1.2.

Le CESE estime que le processus de simplification devra notamment viser une plus grande transparence, une plus grande sécurité juridique et la réduction des lourdeurs administratives et des coûts connexes inutiles que doivent supporter les agriculteurs, les autres bénéficiaires, les organisations de producteurs et les administrations nationales.

1.3.

Il convient de mettre en œuvre, dans les meilleurs délais, les simplifications apportées au système, lesquelles doivent en particulier faciliter la vie aux agriculteurs. Il est essentiel d’accompagner ces simplifications de mesures de soutien fondées sur l’information et l’éducation.

1.4.

Le CESE reconnaît que la Commission a déployé des efforts en vue de simplifier la mise en œuvre de la nouvelle PAC et qu’elle a pris en considération les notifications et les décisions des États membres. Dans le cadre de l’approche suivie actuellement, il est difficile de rendre la PAC plus simple pour les agriculteurs sans compromettre la rigueur nécessaire pour satisfaire aux exigences. À l’inverse, ces exigences ne sont pas toujours cohérentes et justifiées, pour ce qui est d’être traduisibles en véritables biens publics et en avantages pour l’environnement.

1.5.

Les inspections et les éventuelles amendes qui en découlent doivent être proportionnelles aux montants reçus par le bénéficiaire et aux raisons de la non-conformité, mais aussi être fonction de sa bonne volonté à prendre des mesures correctives. Les cas manifestes de fraude délibérée doivent être traités suivant les procédures normalement utilisées. Le CESE recommande d’atténuer la disproportion qui existe au niveau de la réduction des aides, d’importantes réductions étant appliquées même dans le cas d’infractions mineures.

1.6.

Pour ce qui concerne l’application des mesures de verdissement, il convient de prendre en considération les facteurs imprévus tels que les conditions météorologiques, la sécheresse ou d’autres événements du même ordre qui rendent les mesures impossibles à appliquer.

1.7.

Lorsqu’une problématique donnée, par exemple celle des prairies permanentes, a fait l’objet de décisions de la Cour de justice de l’Union européenne, il importe que les règles instaurées pour respecter l’arrêt adopté soient conçues de sorte à alléger la réglementation plutôt que l’alourdir.

1.8.

La procédure législative actuelle (règlement du Conseil accompagné d’actes délégués et d’actes d’exécution) est extrêmement complexe et difficile à comprendre pour les citoyens. Il conviendrait en conséquence de réaliser une étude sur les moyens de simplifier ce système.

1.9.

Une fois que le régime de paiement forfaitaire aura été mis en œuvre dans le cadre du système de paiements directs, il conviendra de réviser le système complexe des droits au paiement.

1.10.

Les prairies temporaires devraient conserver le statut de terres arables, indépendamment de la durée pendant laquelle elles sont utilisées comme prairie.

1.11.

Le fait d’être considéré comme «agriculteur actif», dans la définition actuelle, ne doit pas être un désavantage pour un agriculteur, et cette qualification devrait être fondée sur le fait que les terres éligibles sont utilisées par l’agriculteur concerné à des fins agricoles.

1.12.

Le CESE convient que simplifier la PAC constitue un projet ambitieux eu égard, en particulier, à la nature complexe des politiques de l’agriculture et du développement rural. Cette simplification doit être compatible avec les grands objectifs stratégiques que sont notamment:

la préservation de l’environnement,

la sécurité alimentaire,

la disponibilité alimentaire,

la cohésion,

la protection des intérêts financiers de l’Union,

la promotion de l’inclusion sociale, de la réduction de la pauvreté et du développement économique.

1.13.

Les États membres devraient veiller à ce que la méthodologie guidant les actions adoptées en matière de taux d’erreur soit conçue de sorte à garantir une application équitable.

1.14.

Il est nécessaire d’étudier et d’introduire immédiatement des mesures visant à faciliter l’accès des jeunes exploitants agricoles au régime des jeunes agriculteurs. Il y a lieu de soutenir l’accès des jeunes à l’agriculture.

1.15.

Le CESE recommande qu’une règle soit établie pour limiter l’augmentation de la charge administrative. Il pourrait, par exemple, s’agir d’une règle permettant la suppression d’un règlement existant lorsqu’un nouveau règlement est proposé.

2.   Observations générales sur la politique agricole commune

2.1.

Le budget de la PAC, qui s’élève à 408 milliards d’EUR pour la période 2014-2020, représente 38 % du budget total de l’Union européenne. Le premier pilier, avec 313 milliards d’EUR, représente 77 % des dépenses totales au titre de la PAC. Les paiements directs, qui s’élèvent à 294 milliards d’EUR, représentent 94 % des dépenses au titre du premier pilier.

2.2.

Le présent avis prend note d’autres d’avis élaborés par le CESE (1).

2.3.

La dernière réforme importante de la PAC, qui a été achevée en 2013, a été approuvée dans le cadre du processus de codécision. Cela signifie que le Parlement européen y a participé en tant que colégislateur, à égalité avec les ministres de l’agriculture, dont le nombre était passé de 15 à 28 depuis la précédente réforme importante, datant de 2003.

2.4.

Il convient de noter que, lors d’une précédente réforme de la PAC, une proposition de la Commission sur le règlement relatif aux paiements directs a fait état d’une évaluation montrant que les charges administratives avaient augmenté de 15 à 20 %. Dans le même temps, il a été procédé à des coupes budgétaires.

2.5.

Une série d’amendements a déjà été introduite les années précédentes, lesquels ne font pas toujours une distinction claire entre simplification de la PAC et suppression de mesures de la PAC. En voici des exemples:

une organisation commune de marché (OCM) unique a remplacé les 21 OCM qui existaient précédemment. Sa création a permis d’abroger 86 actes du Conseil et de remplacer un ensemble de plus de 1 080 articles juridiques par un corpus d’environ 350 articles,

le «bilan de santé» de la PAC de 2009 a consisté à poursuivre le découplage et à abolir plusieurs régimes, tels que les paiements pour les cultures énergétiques et le blé dur, ainsi que le régime d’écoulement de la crème, du beurre et du beurre concentré,

s’agissant des importations, les exigences relatives aux certificats ont été ramenées de 500 à 65, et il n’en reste que 43 pour les exportations,

la Commission a abrogé des normes de commercialisation spécifiques pour 26 types de fruits et légumes, ce qui permet aux opérateurs de ne plus devoir faire face à des coûts de mise en conformité et aux autorités nationales de ne plus procéder à des vérifications, et réduit en outre le gaspillage de produits,

les agriculteurs ne sont plus tenus de garder les terres à leur disposition pendant dix mois pour pouvoir bénéficier de paiements directs. Ils gagnent donc de la souplesse dans la gestion de leur exploitation et dans leur capacité de réaction à l’évolution du marché.

2.6.

Selon les données de la direction générale de l’agriculture et du développement rural, le pourcentage de ressources réservé à chaque priorité de la politique de développement rural est le suivant:

assistance technique et transfert de connaissances: 3 %,

renforcement de la viabilité des exploitations agricoles: 20 %,

écosystèmes: 43 %,

promotion de l’organisation de la chaîne alimentaire: 10 %,

promotion de l’utilisation efficace des ressources: 9 %,

promotion de l’inclusion sociale: 15 %.

3.   Contexte

3.1.

Le présent avis exploratoire fait suite, d’une part, à la visite du commissaire Phil Hogan à la session plénière du CESE de juillet 2015, au cours de laquelle il a déclaré que sa principale priorité était de simplifier davantage la PAC et, d’autre part, à la lettre adressée ultérieurement au Comité par Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission européenne, dans laquelle il invite le Comité à proposer un avis exploratoire sur le thème de la simplification de la PAC.

3.2.

De l’avis du commissaire, simplifier la PAC garantira que la complexité croissante de celle-ci et l’augmentation de la charge administrative qu’elle a imposée aux agriculteurs, aux autres bénéficiaires et aux autorités de gestion seront moins lourdes, et qu’aucun de ses objectifs premiers ne sera perdu de vue.

3.3.

La Commission européenne achève actuellement son évaluation de toutes les contributions sur la base de trois principes directeurs, à savoir que les actions adoptées devraient:

respecter les mesures définies dans le cadre de la réforme de 2013,

se concentrer sur les avantages que peuvent tirer les agriculteurs et les autres bénéficiaires;

ne pas mettre en péril la saine gestion financière des dépenses de la PAC.

3.4.

Il est évident qu’aucun processus de simplification ne saurait devenir une menace pour l’emploi dans le secteur.

3.5.

Grâce au pilier du développement rural, la PAC remplit une fonction essentielle en ce qui concerne l’inclusion sociale, la réduction de la pauvreté et le développement économique. Elle profite ainsi à l’ensemble de la population des zones rurales. Le CESE se félicite expressément des priorités énoncées à l’article 5, paragraphe 6, points a) à c), du règlement (UE) no 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil (2): faciliter la création d’emplois, promouvoir le développement local et améliorer l’accessibilité, l’utilisation et la qualité des technologies de l’information et de la communication. En conséquence, la simplification de la PAC doit s’accompagner de mesures qui garantissent que les fonds correspondants sont mis à disposition de manière aisée et sans entraves bureaucratiques.

3.6.

La Commission a entamé un processus qui comprend l’examen détaillé de toute la législation relative à la PAC en vue de cerner les domaines où des ajustements et des améliorations sont réalisables. Elle a déjà reçu des contributions d’États membres, de membres du Parlement européen et d’organisations agricoles de l’ensemble de l’Union européenne. Il convient de noter que, à la date où nous écrivons, le volume de ces propositions dépasse 1 500 pages. Sur la base de l’examen de cette documentation, il ressort qu’elles peuvent être classées en deux catégories principales:

réduction de la bureaucratie pour les agriculteurs,

mesures de protection conçues pour atteindre les «objectifs d’écologisation».

3.7.

Le CESE prend note de la liste prioritaire de mesures de simplification dressée par le Conseil «Agriculture» et la présidence. Cette liste pourrait constituer la base de propositions avancées par la Commission.

3.8.

La Commission précise que chaque État membre a une latitude considérable pour choisir sa propre méthodologie concernant l’administration et le suivi de la PAC et qu’une interprétation raisonnable peut permettre une simplification. Toutefois, les États membres devraient chercher à améliorer le processus de simplification, en échangeant leurs meilleures pratiques.

4.   Approches en matière de simplification

4.1.

Il est généralement admis qu’une simplification est indispensable pour que la mise en œuvre de la PAC ne soit jamais plus complexe que nécessaire.

4.2.

La Commission a l’intention d’introduire des propositions concernant les surfaces d’intérêt écologique (SIE) d’une exploitation individuelle, les SIE adjacentes, la compensation des SIE en cas de déclaration inexacte, et le système d’identification des parcelles agricoles (SIPA).

4.3.

Elle entend réexaminer le potentiel de simplification que revêtent les paiements directs (notamment ceux qui sont liés au verdissement), le développement rural, les régimes pour les fruits et légumes et la politique de qualité.

4.4.

Elle présente également un train de mesures qui couvre certains volets des paiements directs comme les régimes des jeunes agriculteurs, le soutien couplé et le système intégré de gestion et de contrôle (SIGC). Ces changements devraient être applicables si possible à compter de l’année de demande 2016, ou au plus tard à partir de l’année de demande 2017.

4.5.

Les règles appliquées pour définir une prairie comme permanente posent des problèmes s’agissant de la classification des prairies temporaires en tant que terres arables ou prairies permanentes. Il devrait être possible de maintenir le statut de prairie temporaire (classée comme terre arable) même lorsque l’agriculteur décide d’utiliser continuellement le terrain concerné comme prairie sur une durée de cinq ans ou plus. Cela éviterait que des agriculteurs labourent des terres uniquement pour qu’elles ne soient pas reclassées en tant que prairies permanentes. Les superficies concernées pourraient ainsi être utilisées plus durablement comme prairies, ce qui serait avantageux sur le plan écologique.

4.6.

Pour ce qui concerne les mesures de marché, la Commission mène un programme de simplification ambitieux, s’agissant de définir les nouveaux actes délégués ou actes d’exécution, de sorte à aligner la réglementation émanant de la Commission sur le nouveau règlement du Conseil portant organisation commune des marchés des produits agricoles (règlement «OCM»). L’objectif n’est pas seulement de réduire radicalement le nombre et la complexité de ces règles, mais aussi de garantir une véritable simplification pour les agriculteurs et autres acteurs du secteur.

4.7.

La Commission a récemment procédé à deux changements opportuns dans la réglementation actuelle, en adoptant:

un règlement d’application qui reporte, pour l’année de demande 2015, la date finale de dépôt des demandes d’aide pour les paiements directs et les aides au titre de certaines mesures de développement rural au 15 juin 2015, ce qui a donné aux agriculteurs et aux autorités nationales davantage de temps pour préparer leur dossier,

un règlement délégué modifiant les règles applicables aux paiements directs, qui apporte davantage de flexibilité quant aux conditions d’éligibilité à respecter pour un soutien couplé facultatif concernant les animaux, ce qui répond à une demande formulée par de nombreux États membres, membres du Parlement européen et parties prenantes.

4.8.

La Commission a l’intention d’avancer une série de propositions concernant des modifications qui peuvent être apportées dans le cadre des lignes directrices actuelles. En voici des exemples:

les cultures pures de légumineuses (par exemple la luzerne) ne devraient pas être, par définition, considérées comme des prairies permanentes après cinq ans,

la période pour déclarer des terres en jachère en tant que SIE et celle où les agriculteurs sont soumis à des engagements agroenvironnementaux ne seront pas prises en compte dans le calcul de la période de cinq ans concernant les prairies permanentes,

la Commission avancera un certain nombre de propositions concernant les paiements directs,

la Commission prévoit de proposer un second train de mesures conçu pour couvrir les éléments ne ressortissant pas au verdissement, par exemple le régime des jeunes agriculteurs, le soutien couplé facultatif et certains aspects du SIGC. Ces changements devraient être applicables si possible à compter de l’année de demande 2016, ou au plus tard à partir de l’année suivante,

comme elle l’a promis en avril 2014, la Commission procédera à une nouvelle révision des règles d’écologisation en 2016, soit à l’issue de leur première année d’application. L’objectif est de présenter un nouveau train de mesures en 2016, afin que celles-ci soient applicables dès l’année suivante (année de demande 2017),

la Commission étudiera les possibilités de simplification de la politique de développement rural: programmation et approbation des programmes de développement régionaux (PDR), double financement, vérifications, options de coûts simplifiés et obligations en matière de rapports.

5.   Problèmes liés à la simplification

5.1.

Le verdissement des paiements directs est désormais un élément central des réformes de la politique agricole commune. Les agriculteurs, tout en apprenant à s’adapter à ces modifications, craignent encore que des mesures spécifiques ne soient pas suffisamment souples pour faire face à des situations inattendues, causées par les conditions météorologiques ou des fluctuations des prix du marché.

5.2.

Il est entendu qu’il sera procédé à des inspections inopinées. Or, ces inspections sont considérées comme de nature à engendrer chez les agriculteurs, au mieux, de graves inconvénients, et au pire, une détresse psychologique importante. Il apparaît clairement que l’équité exige qu’un préavis raisonnable soit donné à l’agriculteur avant que l’inspection ait lieu.

5.3.

Étant donné que les amendes qui seront prélevées en cas de non-respect des règles seront inhabituellement élevées, les agriculteurs redoutent de ne pas recevoir d’aide, notamment sous la forme d’informations appropriées. À cet égard, il convient que les États membres fournissent des informations adéquates aux agriculteurs les plus touchés par les changements, avec une attention particulière pour ceux qui sont défavorisés sur le plan social et économique.

5.4.

Le cadre réglementaire actuel n’est pas satisfaisant pour ce qui est de la définition de l’«agriculteur actif» et nécessitera un travail administratif complexe supplémentaire. De ce fait, il existe un risque que des exploitants participant à la production agricole soient exclus de cette définition et que, à l’inverse, d’autres qui n’y participent pas soient pris en compte.

5.5.

Les agriculteurs sont encore en train de se familiariser avec le verdissement, lequel se trouve dans sa première année d’application, et avec les trois pratiques agricoles qu’il comprend. Pour être admissibles à des aides, les agriculteurs doivent satisfaire aux trois volets de la réforme: diversification des cultures, maintien de prairies permanentes et affectation de 5 % des terres aux SIE.

5.6.

Il est inacceptable que, souvent, les agriculteurs soient tenus pour responsables d’erreurs commises au niveau des instances officielles. C’est d’autant plus valable dans le cas des agriculteurs à faible revenu qui dépendent des aides et se retrouvent dans une situation où leur subsistance est compromise.

5.7.

La question de la «proportionnalité des sanctions» est un thème récurrent pour la plupart des associations professionnelles européennes.

5.8.

Les agriculteurs disposant de moins de 15 hectares ou qui reçoivent moins de 10 000 EUR de paiements estiment que la vérification du respect des règles devrait être fondée sur un système de contrôle souple, des inspections approfondies ne devant être réalisées que s’il existe des premiers indices de non-respect grave des obligations.

5.9.

Il conviendra de résoudre les problèmes concernant les prairies permanentes, qui ont été soulevés à la suite de la décision rendue par la Cour de justice de l’Union européenne en 2014. L’affaire en question a mis en avant de nombreux cas litigieux de bandes tampons (terres arables), prairies arables, retrait de terres arables de la production et terres arables dépendant de mesures agroenvironnementales, pour lesquels les agriculteurs craignaient de voir le terrain concerné transformé en prairie permanente du fait de la clause des cinq ans.

5.10.

Là où les organisations agricoles voient un besoin de simplification, de flexibilité et de proportionnalité, les groupes environnementaux voient de véritables risques. Du point de vue du CESE, ce fait est révélateur de la difficulté à concilier les objectifs d’amélioration de la qualité de l’environnement avec ceux de production de denrées alimentaires sur des exploitations familiales.

5.11.

Concernant les dispositions horizontales, l’intensité des contrôles devrait reposer sur une approche plus proportionnelle et fondée sur les risques, en tenant compte des risques et des montants en jeu, du rapport coût/efficacité ainsi que des objectifs poursuivis et des résultats escomptés.

5.12.

Il conviendrait d’éviter les contrôles multiples. En cas de non-respect des règles, surtout pour ce qui concerne les infractions mineures, les réductions de paiements et les pénalités administratives devraient être proportionnelles à la faute. En outre:

le calcul de ces amendes devrait être simplifié,

le régime de contrôle et de sanctions applicable à la conditionnalité devrait également être révisé dans le sens de la proportionnalité,

il conviendrait d’étudier la possibilité d’autoriser des paiements, y compris des paiements anticipés, une fois les contrôles administratifs achevés,

la méthodologie pour le calcul des taux d’erreurs devrait être harmonisée,

il conviendrait de favoriser des taux de tolérance plus élevés pour les infractions mineures faciles à corriger.

5.13.

Il convient que l’accent porte sur les mesures les plus urgentes, comme l’amélioration des notes explicatives, la fourniture d’une assistance technique et la facilitation de la coopération et de l’échange de bonnes pratiques entre administrations.

5.14.

Les jeunes exploitants agricoles éprouvent des difficultés à accéder au régime des jeunes agriculteurs. Les obstacles qui en empêchent sans raison l’accès sont de nature à dissuader les jeunes de s’engager dans l’agriculture et doivent être éliminés. Il y a lieu de soutenir l’accès des jeunes à l’agriculture.

5.15.

Toute modification apportée au cadre juridique actuel devra être adoptée suffisamment en avance pour que les agriculteurs puissent planifier correctement la période d’ensemencement. Plus précisément, il conviendra que les amendements ayant une incidence sur les demandes pour l’année 2017 soient publiés à l’été 2016.

Bruxelles, le 9 décembre 2015.

Le Président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Modalités d’application de la réforme de la PAC (rapport d’information), NAT/664; Les programmes de développement rural (JO C 13 du 15.1.2016, p. 89); La PAC à l’horizon 2020 (JO C 191 du 29.6.2012, p. 116).

(2)  JO L 347 du 20.12.2013.


ANNEXE

Les amendements suivants, qui ont recueilli au moins un quart des suffrages exprimés, ont été rejetés au cours des débats:

Nouveau paragraphe après le paragraphe 1.5

Ajouter un nouveau paragraphe et modifier la numérotation en conséquence:

Le CESE recommande vivement de ne procéder aux inspections dans les exploitations qu’après avoir donné à l’agriculteur un préavis raisonnable, d’au moins quatorze jours.

Exposé des motifs

Les agriculteurs qui sont contrôlés sans en être avertis au préalable, souvent lors des périodes les plus chargées de l’année, mettent en péril leur santé et leur sécurité et s’exposent au stress de devoir interrompre des travaux importants, tels qu’un vêlage, une récolte, etc.

Résultat du vote

Voix pour:

84

Voix contre:

104

Abstentions

35

Nouveau paragraphe avant le paragraphe 1.6

Ajouter un nouveau paragraphe et modifier la numérotation en conséquence:

Il conviendrait de pratiquer une tolérance plus élevée envers les infractions mineures, dès lors qu’elles présentent un faible niveau de non-conformité et qu’on peut y remédier facilement.

Exposé des motifs

Certaines infractions sont par nature très minimes, faciles à corriger et, dans de nombreux cas, n’ont pas d’incidence sur l’ensemble de la production de l’exploitation.

Résultat du vote

Voix pour:

75

Voix contre:

116

Abstentions

40


24.2.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 71/11


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Des universités engagées pour donner forme à l’Europe»

(avis d’initiative)

(2016/C 071/03)

Rapporteur:

M. Joost VAN IERSEL

Le 19 mars 2015, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l’article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d’élaborer un avis d’initiative sur le thème:

«Des universités engagées pour donner forme à l’Europe»

(avis d’initiative).

La section «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 19 novembre 2015.

Lors de sa 512e session plénière des 9 et 10 décembre 2015 (séance du 9 décembre), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 143 voix pour, 1 voix contre et 7 abstentions.

1.   Recommandations

1.1.

L’avenir de l’Europe dépend dans une large mesure de la disponibilité de connaissances avancées et de personnes talentueuses dans une société ouverte et fondée sur la connaissance. Les universités ont un rôle essentiel à jouer dans ce processus. Si chacun des États membres agit seul, le résultat obtenu laissera toujours à désirer.

1.2.

Le CESE souligne que le partage et l’ajustement des compétences nationales et des compétences de l’Union devraient être garantis afin de créer un espace européen de l’enseignement supérieur (ES). La notion d’université civique et entrepreneuriale peut également être très utile pour promouvoir la qualité de l’enseignement supérieur en Europe.

1.3.

L’état d’avancement montre que, en dépit des progrès accomplis, il subsiste de nombreux obstacles et restrictions empêchant également l’intervention effective de l’Union européenne. La diversité des cultures et les intérêts particuliers, de même qu’un manque de ressources financières et que l’évolution démographique, rendent souvent difficile la production de réponses actuelles aux défis dynamiques tels que la mondialisation, les nouvelles technologies et la mobilité.

1.4.

Le CESE est d’avis que les institutions européennes doivent stimuler et accélérer le processus de modernisation de l’enseignement supérieur européen sur le plan de l’éducation ainsi que de la recherche et de l’innovation. Les universités ont une mission autonome qui sert l’intérêt public. La subsidiarité et la diversité du paysage des universités ne permettent pas une approche standardisée et uniforme. Toutefois, des orientations et un soutien stratégiques au niveau de l’Union européenne peuvent contribuer de manière décisive à améliorer les conditions.

1.5.

Il est essentiel que la Commission remplisse un rôle de stimulation et de promotion de l’agenda relatif au processus de transformation des universités européennes en tant que moteurs, aux côtés d’autres, de croissance et de cohésion sociale, ainsi que de bien-être de la société.

1.6.

Il convient de faire explicitement référence à la modernisation de l’enseignement supérieur dans les programmes nationaux de réforme (PNR) et dans les recommandations spécifiques par pays (RPP).

1.7.

L’Union européenne devrait démontrer son engagement en faveur de l’enseignement supérieur par l’intermédiaire de la stratégie Europe 2020 (y compris le semestre européen), d’Erasmus+, du programme Horizon 2020, des fonds régional et de cohésion, ainsi qu’en facilitant la mobilité transfrontière pour les étudiants et les enseignants.

1.8.

Des consultations stratégiques à l’échelle de l’Union européenne devraient compléter les discussions et projets dans et entre les pays et les universités, afin de renforcer la qualité des universités européennes. Les meilleures pratiques devraient être systématiquement diffusées.

1.9.

Une fois de plus, le CESE insiste sur la nécessité que les établissements d’enseignement supérieur développent une véritable autonomie, responsabilité et transparence, en tant que conditions essentielles de la modernisation (1). Ces conditions préalables ne sauraient être réalisées sans un financement adéquat et approprié.

1.10.

Dans un contexte de profonds changements économiques et sociétaux, transformer les universités est un processus à long terme et laborieux. Les universités doivent développer une attitude ouverte à l’égard des besoins de la société et sensibiliser les autres parties prenantes.

1.11.

Le CESE salue le concept de l’université civique et les modèles dits «de la triple hélice» et «de la quadruple hélice» (2). L’accent est mis sur l’ouverture de l’enseignement supérieur, sur l’élargissement de son accès, sur le contexte régional, sur l’intégration des idées provenant de toutes les parties prenantes (potentielles) aux programmes, et sur une relation intelligente et actualisée entre la recherche et l’enseignement.

1.12.

L’université civique partage un certain nombre d’éléments avec l’université entrepreneuriale. Elle met en avant sa mission autonome et est ouverte au marché du travail et à l’importance sociale des programmes d’enseignement ainsi que de la recherche et de l’innovation. Les plates-formes de parties prenantes (3) peuvent être très utiles à la définition conjointe des exigences. Les structures de type «partenariats privé-public» entre les universités et les groupements sociaux de toute nature peuvent être tout aussi bénéfiques.

1.13.

Le niveau d’instruction et une préparation adéquate aux emplois ultérieurs devraient demeurer une priorité, quelle que soit la spécialisation d’une université (de pointe). L’excellence en matière d’instruction doit également être récompensée.

1.14.

La Commission européenne devrait jouer un rôle de stimulation dans les projets transfrontières d’enrichissement mutuel entre les universités, les enseignants et les étudiants, ainsi que promouvoir l’ouverture au monde et développer des outils tels que «U-Multirank» dès lors qu’ils peuvent convenir aux étudiants et autres parties prenantes.

2.   État d’avancement du dossier

2.1.

Les importantes variations existant entre les universités en Europe sont dues à des traditions et cultures très variées (4). En 1999, le processus de Bologne a initié une réforme réussie en faveur de la modernisation des programmes d’études.

2.2.

Depuis 2008, la crise économique et financière a contraint les universités à réévaluer plus encore leurs activités et à chercher de nouvelles sources de financement et une nouvelle rentabilité, avec pour conséquence un accroissement de la concurrence pour accéder aux ressources limitées. Le manque de financement pose un réel problème à bon nombre d’universités et fait obstacle à leur stratégie de modernisation.

2.3.

La transformation dynamique et profonde à laquelle la société est soumise en conséquence de la mondialisation et des nouvelles technologies influe sur les universités. L’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation sont au cœur de toute reprise économique durable, mais les contraintes financières et le processus de transformation révèlent des insuffisances tout aussi nettes.

2.4.

Un élément fondamental est le manque d’autonomie, de responsabilisation et de transparence. Il existe des différences considérables entre les États membres (5).

2.5.

Les meilleures pratiques démontrent qu’un réexamen des structures et des programmes ainsi qu’une ouverture et une coopération accrues améliorent la qualité et les résultats.

2.6.

L’enseignement supérieur devrait aujourd’hui être accessible à toutes les personnes de talent. Une corrélation croissante entre l’accès à ce type d’enseignement et le milieu socio-économique hypothèque le principe d’équité. En outre, dans un certain nombre de pays, l’enseignement supérieur ne garantit aucunement la sécurité de l’emploi. Pendant la crise, les jeunes ayant un niveau d’instruction élevé n’ont nullement été épargnés par le chômage.

2.7.

L’évolution démographique intervient au détriment des zones moins compétitives et (de moins en) moins peuplées. Cette évolution entraîne souvent de graves conséquences concernant l’attractivité des établissements pour les enseignants et les étudiants, ainsi qu’en ce qui concerne la qualité des enseignants recrutés et des étudiants ayant opté pour ces établissements. Certains pays sont confrontés à une fuite des cerveaux. Dans les pays concernés, les nouvelles universités privées génèrent des résultats non satisfaisants, faute d’une assurance qualité adéquate. Cette situation est aggravée par le manque de financement dont souffre l’enseignement supérieur traditionnel.

2.8.

La volonté de nouer des relations plus étroites entre les universités et la société nourrit partout les discussions sur leur rôle dans la société, et sur des alliances avec d’autres parties intéressées telles que les entreprises, les partenaires sociaux et la société civile.

2.9.

On observe souvent une inadéquation, se faisant cruellement ressentir, entre les compétences des diplômés et les besoins du marché du travail, entre l’offre et la demande. Les entreprises se plaignent d’un manque de professionnels qualifiés, particulièrement dans les professions techniques et dans le domaine des technologies de l’information et de la communication (TIC). Du fait des changements rapides dans la base de connaissances à l’échelle mondiale, il est plus que jamais nécessaire aujourd’hui que les diplômés disposent de la palette de compétences adéquate pour le XXIe siècle, afin de mettre systématiquement leurs connaissances à jour.

2.10.

En outre, les nouvelles technologies et la numérisation contraignent l’enseignement supérieur à adapter et affiner les méthodologies existantes. De nouvelles formes d’enseignement et d’apprentissage sont mises en place, y compris d’apprentissage axé sur l’étudiant et de cours en ligne. Néanmoins, les campus universitaires physiques continueront à jouer un rôle essentiel dans les communautés locales et régionales, en ce sens qu’ils constituent des bases de rencontres en matière d’éducation, de recherche et de mise en réseau.

2.11.

Les étudiants et les universitaires/professeurs d’université sont de plus en plus mobiles dans le monde entier. Dans les niveaux supérieurs, on assiste actuellement à une «guerre des talents», même si la tendance générale est plus vaste. La qualité et l’attractivité des universités européennes constituent des facteurs d’attraction essentiels pour les étudiants venant de l’étranger; ces éléments contribuent à l’enseignement et à la recherche et génèrent des réseaux durables.

2.12.

Dans le cadre de leurs efforts visant à trouver des débouchés plus importants, les (grandes) universités mettent souvent en avant la recherche comme étant leur première mission, et des réglementations financières soutiennent celle-ci. Accorder la priorité à la recherche tend à porter atteinte à l’équilibre optimal et à l’interaction entre la recherche et l’enseignement.

3.   Transformer les universités et les ouvrir sur le monde

3.1.

Le développement des universités en pôles de connaissances au cœur de la société, en tant qu’éléments à part entière de l’écosystème de l’Union européenne, alimente un débat sur les caractéristiques essentielles de l’enseignement supérieur sur lesquelles la pratique quotidienne doit se fonder.

3.2.

Bien qu’il existe différentes approches, une tendance commune semble être l’ouverture de l’enseignement supérieur aux avis et intérêts tant des parties prenantes publiques et privées que des étudiants, ainsi qu’à des questions telles que l’enrichissement mutuel de la recherche et de l’enseignement, ou le renforcement de la coopération et l’internationalisation.

3.3.

Pour la plupart des universités, il s’agit d’un processus laborieux et à long terme. Il n’est pas facile pour les grandes institutions traditionnelles de modifier leur comportement. Par ailleurs, dans de nombreux pays, les procédures (politiques) existantes en matière de nomination du conseil d’administration ainsi que des enseignants et des chercheurs constituent un obstacle au changement. Dans de tels cas, les approches indépendantes des universités et au sein de celles-ci sont rares. De l’avis du CESE, l’ouverture de l’enseignement supérieur et le maintien d’une réelle ouverture d’esprit devraient être des priorités absolues pour ce type d’enseignement sur tout le continent.

3.4.

La recherche de qualité optimale ainsi que des personnes dotées de qualifications élevées et mieux formées sont indispensables à la résilience de toute économie. La crise a eu des effets négatifs sur les résultats dans les centres de connaissances, tandis que les analyses révèlent l’existence d’un lien direct entre l’éducation et la recherche d’excellence, et les performances économiques.

3.5.

Les universités ne visent plus désormais les seules classes supérieures de la société. Leur nombre et leur taille ont considérablement augmenté. Le paysage s’est diversifié: il existe plus de catégories, notamment les universités de sciences appliquées aux côtés des universités de recherche, l’enseignement supérieur régional parallèlement aux universités nationales et internationales, et les facultés sont plus nombreuses, notamment dans les secteurs économiques et techniques, etc.

3.6.

Élargir l’accès à l’enseignement supérieur est à juste titre une priorité politique à travers le continent. Dans l’Union européenne, 40 % de la prochaine génération devrait être en mesure d’obtenir un diplôme universitaire. En outre, les programmes d’études, les outils d’apprentissage (l’utilisation d’outils de communication modernes dans l’apprentissage mixte, etc.), la relation entre la recherche et l’enseignement, ainsi que d’autres aspects tels que l’internationalisation et l’intérêt public, n’ont plus rien à voir avec ce qu’ils ont été par le passé. Les méthodes de gestion doivent être adaptées en conséquence.

3.7.

Les universités autonomes, responsables et transparentes devraient être en mesure d’agir aussi librement que possible, dans un cadre juridique qui encourage les forces «ascendantes» et la compétition comme un moyen important de contribuer à une participation plus large et à une spécialisation intelligente.

3.8.

Une attitude ouverte, y compris un net rapprochement avec d’autres parties prenantes, devrait soutenir les universités en tant que moteurs de croissance, de compétitivité et de cohésion sociale.

3.9.

Les concepts d’université civique et d’université entrepreneuriale peuvent être très utiles pour la viabilité économique de la communauté locale et régionale. Ces concepts requièrent à la fois de l’ambition et une coopération étroite entre les universités, les parties prenantes et les pouvoirs publics.

4.   L’université civique

4.1.

Le CESE est favorable au concept d’université civique (6). Celui-ci va au-delà de l’enseignement, de la recherche universitaire et des connaissances. Une université civique s’engage activement aux côtés du grand public et de la société environnante — à tous les niveaux. Toutes les universités peuvent conférer une dimension civique supplémentaire à leurs activités, en endossant le rôle à la fois de centres de production intellectuelle pour la communauté et de récepteurs transposant les meilleures idées venues de partout ailleurs dans le contexte qui leur est propre.

4.2.

De tels processus se mettent en place dans toute l’Europe — à travers la recherche axée sur la demande, l’apprentissage reposant sur la résolution des problèmes, la coopération entre les universités et les communautés locales, les établissements scolaires, les hôpitaux, les entreprises, etc. Toutefois, un renforcement considérable des capacités reste nécessaire (7).

4.3.

Au niveau régional, les universités peuvent soutenir une approche globale et être les chefs de file du rassemblement des acteurs concernés afin de relever des défis communs. Une université civique bien conçue peut également jouer un rôle important dans la promotion de la production de régions en difficulté.

4.4.

La forme que prendra ce modèle sera différente d’une université à l’autre. Outre les universités directement concernées par les zones les moins prospères, caractérisées par un faible niveau de performance économique et/ou des difficultés démographiques, les critères qui permettraient de qualifier une université de «civique» sont valables pour une catégorie bien plus large. De nos jours, les universités européennes d’envergure mondiale et celles qui ont les mêmes ambitions sont également et à juste titre de plus en plus attirées par l’engagement civique.

4.5.

L’université civique constitue un modèle pour les universités qui veulent dépasser des méthodes de gestion obsolètes ou des approches traditionnelles. Cela est particulièrement important dans les cas où les jeunes talents devraient être invités à contribuer à l’économie nationale ou régionale. Une coopération renforcée avec les parties prenantes concernées dans toutes les régions doit constituer une formule permettant l’ouverture et la modernisation.

4.6.

Les présidences respectives du Conseil ont, à juste titre, adopté une approche analogue dans les déclarations de Lund et de Rome (8), soulignant la nécessité que la recherche se concentre sur les défis majeurs de notre époque, aille au-delà des approches thématiques rigides et associe les parties prenantes des secteurs tant public que privé. Lorsqu’il s’agit de façonner l’espace européen de la recherche et l’Union de l’innovation, une recherche et une innovation responsables sont un objectif central, couvrant toutes les politiques et actions concernées. Ces principes sont également des priorités au titre du programme Horizon 2020.

4.7.

Parallèlement au modèle de la «triple hélice», qui englobe la coopération entre les universités, le secteur privé et le gouvernement, on trouve le modèle de la «quadruple hélice», qui engage aussi les communautés locales et la société civile. Ce modèle se caractérise par un fort sentiment d’appartenance et un sens de l’objectif à atteindre, et il est transparent et responsable vis-à-vis de ses parties prenantes et du grand public. Il offre à la société civile une nouvelle occasion de participer.

4.8.

Le groupe spécifique des anciens étudiants exige une attention particulière. Il est possible de faire plus en Europe afin de les engager à contribuer à l’amélioration de la production et de l’image des universités. L’Europe pourrait suivre l’exemple de ce qui se fait aux États-Unis dans ce domaine.

4.9.

Les anciens étudiants devraient être considérés comme faisant partie intégrante de la communauté universitaire. Ils peuvent être des ambassadeurs de l’université, aux niveaux régional, national et international, et des moteurs du débat sur les programmes, ce qui revêt une importance toute particulière en ces temps de changement dynamique. Ils peuvent jouer un rôle décisif dans le débat sur l’équilibre entre la recherche et l’enseignement, ainsi qu’entre la recherche et le marché. Un objectif spécifique pourrait être que les anciens étudiants «parrainent» les jeunes diplômés, en particulier les étudiants de la première génération, y compris les étudiants d’origine étrangère.

4.10.

L’augmentation de la mobilité des étudiants diplômés génère des réseaux internationaux de qualité, qui peuvent être tout aussi bénéfiques pour leurs universités que pour les entreprises.

5.   L’université entrepreneuriale

5.1.

L’«université civique» partage un certain nombre d’éléments avec l’université entrepreneuriale. Les universités ne sont pas des entreprises. Elles ont une mission autonome, d’intérêt public, qui est notamment d’éduquer, de mener des activités de recherche (de niveau supérieur) et de veiller à ce que la société dans son ensemble utilise les connaissances. L’université entrepreneuriale se concentre sur deux éléments: la direction et la gestion de l’institution, d’une part, et la stimulation des compétences entrepreneuriales et de l’esprit d’initiative des étudiants, d’autre part.

5.2.

L’adéquation des programmes d’enseignement avec le marché du travail et la pertinence de la recherche et de l’innovation par rapport à la société revêtent une grande importance. La communication et l’interaction avec le secteur privé au niveau national/régional sont essentielles pour relever les défis auxquels la société doit faire face.

5.3.

L’approche du cloisonnement n’a plus d’utilité. La dynamique technologique et les défis sociétaux requièrent des ajustements constants. La demande est toujours plus complexe et nécessite des compétences interdisciplinaires et transdisciplinaires, ainsi qu’une ouverture à toutes les nouvelles évolutions. Outre des compétences professionnelles, elle requiert également le développement de capacités. Les plates-formes de parties prenantes rattachées à des universités peuvent être très utiles à la définition conjointe des exigences. Les enseignants doivent être dûment préparés à ce contexte dynamique. Les compétences entrepreneuriales (9) devraient également être enseignées dans tous les types d’enseignement supérieur de l’ensemble de l’Union européenne.

5.4.

De la même manière, les structures de type partenariat public-privé (PPP) rassemblant des universités et des groupements sociaux, tels que les milieux d’affaires et le secteur de la santé, peuvent être tout aussi bénéfiques.

5.5.

Un projet intéressant pour les universités consisterait à créer des «chaînes de valeur de l’enseignement» en coopération avec les différents secteurs d’activité. L’objectif est double:

faciliter la mise en place de liens et l’échange d’informations avec les secteurs d’activité, afin d’améliorer les acquis de l’apprentissage pour les diplômés et pour les entreprises,

distribuer les ressources et les fonds aux différentes composantes de la «chaîne éducative», en partant de la Commission et des ministères nationaux, en passant par les autorités des établissements d’enseignement, pour aboutir enfin aux étudiants. En parallèle, l’enseignement technique et l’apprentissage devraient être encouragés.

5.6.

De manière similaire, les conventions de résultats, comme elles existent dans certains États membres, stimuleront la spécialisation, le profil et l’image des universités. Elles peuvent avoir une large dimension internationale, de même qu’un accent régional, et améliorer l’ambition et la qualité tant des programmes que des étudiants. Pour y arriver, un engagement sans faille des deux parties (gouvernements et enseignement supérieur) est essentiel.

5.7.

L’innovation devrait influer sur la recherche et l’enseignement ainsi que sur la gouvernance. Un exemple d’amélioration ascendante réussie n’est autre que «HEInnovate», un outil d’autoévaluation en ligne indépendant, élaboré par la Commission européenne (10). L’utilisation accrue de cet outil devrait être promue.

5.8.

Des programmes universitaires présentés au niveau international ainsi qu’un large éventail de cours en ligne très diversifiés sont proposés aux étudiants désireux d’être plus mobiles. La comparabilité et la transparence doivent encourager la concurrence et la convergence en matière de performance. Les outils de transparence tels que U-Multirank disposent d’un grand potentiel dans l’Union, et les universités devraient réfléchir à la manière d’utiliser plus efficacement ce type d’instrument.

5.9.

Toutes les personnes talentueuses doivent bénéficier d’une chance réelle d’être admises dans l’enseignement supérieur. Les systèmes payants se répandent de plus en plus. Il en résulte que les étudiants deviennent plus critiques à l’égard de l’enseignement qu’ils reçoivent. Mais toute sélection sociale résultant de l’introduction de droits d’inscription doit être exclue. Les aides aux étudiants (en fonction de la situation socio-économique) doivent garantir à tous un accès équitable à une éducation appropriée. Par ailleurs, le paiement de frais d’inscription ne peut être utilisé pour remplacer le financement public existant.

5.10.

L’évolution démographique requiert également que des efforts supplémentaires soient déployés pour accroître le nombre de diplômés dans les régions concernées, dans le but spécifique de promouvoir la résilience et la viabilité future de ces régions.

5.11.

Dans la mesure où tant les entreprises que les étudiants sont concernés, l’enseignement supérieur et la recherche doivent être étroitement liés. De manière contrastée, les modèles de financement ont tendance à privilégier les résultats de la recherche, ce qui a pour conséquence que toujours plus de professeurs d’université délaissent l’enseignement.

5.12.

Les universités doivent prendre dûment en considération le fait que la grande majorité des diplômés ayant obtenu une licence ou une maîtrise, voire un doctorat, souhaitent travailler pour la collectivité ou dans une entreprise, en dehors du milieu universitaire. Par conséquent, les normes d’enseignement et une préparation adéquate aux futurs emplois devraient demeurer une priorité, quelle que soit la spécialisation d’une université (de pointe). À cet égard, les États-Unis offrent un exemple que l’Europe ne doit pas suivre (11). La formule qui convient à l’Europe consiste à viser l’excellence et l’équité.

5.13.

La numérisation est un glissement de paradigme touchant profondément l’enseignement supérieur, du point de vue de l’enseignement et de l’apprentissage [mixte (12)], des compétences des professeurs et des étudiants, ainsi que des structures de gouvernance. Un dynamisme et une souplesse accrus seront donc nécessaires à tous les niveaux. À cet égard, une coopération plus étroite entre l’enseignement supérieur et le secteur privé est également utile, voire essentielle.

6.   Mettre en avant la dimension européenne

6.1.

Le CESE se félicite que tous les sujets ci-dessus ainsi que la modernisation de l’enseignement supérieur soient de plus en plus présents à l’ordre du jour de l’Union européenne. Il serait souhaitable de dégager une approche commune afin de garantir la réussite de l’espace européen de l’enseignement supérieur et de l’espace européen de la recherche.

6.2.

Des universités ouvertes et transparentes, allant de pair avec une stratégie européenne de référence, clairement définie, seraient extrêmement bénéfiques pour le marché unique et pour la modernisation d’une société européenne résiliente sur la scène mondiale. La libre circulation des étudiants, des chercheurs et des connaissances est essentielle à cette fin.

6.3.

L’engagement de l’Union européenne en faveur de l’enseignement supérieur a débuté par la promotion de la recherche scientifique dans les programmes-cadres successifs. Dans le même temps, l’engagement de l’Union européenne dans le domaine de l’enseignement ne cesse de croître. Le pacte de stabilité et de croissance souligne la nécessité de maintenir les dépenses favorisant la croissance, en particulier dans le domaine de l’enseignement supérieur.

6.4.

Deux des cinq grands objectifs de la stratégie Europe 2020 sont directement liés à l’enseignement supérieur: les investissements dans la recherche, le développement et l’innovation; l’éducation. Ils engagent plusieurs commissaires. En 2014, les recommandations par pays ont révélé qu’environ la moitié des États membres connaissent de graves problèmes en ce qui concerne l’inadéquation entre l’offre et la demande de compétences et l’adéquation de ces dernières au marché du travail, ainsi qu’en raison de l’absence de coopération entre l’enseignement supérieur et les entreprises ou d’autres parties concernées.

6.5.

Les recommandations par pays mettent en avant la nécessité de traiter la question de l’employabilité et des besoins du secteur privé et des étudiants/diplômés en tant que futurs travailleurs (ou employeurs), ainsi que de la compétitivité, grâce à une coopération plus efficace entre l’enseignement supérieur, les instituts de recherche et le monde des entreprises. Le CESE insiste sur le fait que le suivi des recommandations par pays devrait faire l’objet d’un contrôle plus efficace et que les résultats devraient être débattus ouvertement par la Commission et le Conseil.

6.6.

Toutefois, en contraste avec la nécessité pour l’enseignement supérieur d’être autonome et responsable, il existe des forces politiques dans les États membres qui souhaitent une augmentation de la réglementation, ce qui entraînerait une réduction de l’autonomie. Dans de tels cas, la subsidiarité est invoquée en tant que principe, avec pour conséquence d’empêcher l’harmonisation des systèmes d’enseignement supérieur en Europe, ce qui nuirait aux intérêts des étudiants et de la société dans son ensemble.

6.7.

Les qualifications supérieures et plus étendues devraient être mises à profit dans l’Union européenne et au-delà. Pour ce faire, il y a lieu de procéder à un croisement d’expertise transfrontière entre universités, enseignants et étudiants, et de faire preuve d’ouverture au monde. Un engagement explicite de la part du Conseil, des États membres et de la Commission devrait avoir pour résultat de meilleures performances de l’enseignement supérieur, grâce à un meilleur partage et à l’ajustement des compétences nationales et de celles de l’Union.

6.8.

Le CESE souligne sans cesse l’importance cruciale des programmes de recherche et d’innovation de l’Union européenne. La recherche transnationale favorise le retour sur investissement, les programmes de l’Union européenne encouragent à se concentrer sur les principales technologies et les thèmes stratégiques, les financements transnationaux entraînent une hausse de la production, et les alliances scientifiques européennes stimulent considérablement la compétitivité européenne. Il convient également, à cette fin, de partager plus largement les nouvelles connaissances, notamment grâce à un accès ouvert.

6.9.

Au titre du septième programme-cadre (7e PC), et ensuite, depuis 2014, au titre d’Horizon 2020, le Conseil européen de la recherche soutient avec succès la recherche de grande qualité, et ce au moyen d’un financement concurrentiel. Toutefois, des barrières structurelles continuent d’entraver la mobilité transfrontière des chercheurs, des universitaires et des étudiants.

6.10.

De plus en plus, les performances de l’enseignement supérieur et de la recherche sont évaluées et rendues accessibles dans le monde entier. Les universités coopèrent et sont en concurrence à l’échelle mondiale, travaillent sur des projets de recherche communs, visent l’excellence et, de plus en plus, recrutent des étudiants et du personnel en dehors de l’Union européenne. Il s’agit d’une question essentielle; pourtant, les réglementations nationales et le manque d’encouragement peuvent freiner les progrès en la matière. Les mesures réalisées au niveau international prouvent que l’écart entre les universités européennes les plus performantes et les autres tend à se creuser.

6.11.

Des efforts plus conséquents doivent être consentis pour associer les meilleurs chercheurs de l’ensemble de l’Europe à des projets communs. Les centres d’excellence de l’ensemble du continent doivent être mis en relation et collaborer aux projets de recherche d’excellence en Europe.

6.12.

La mobilité parmi les universitaires et les étudiants en Europe est limitée; la circulation transfrontière est en effet toujours freinée artificiellement. La garantie de l’égalité des conditions de travail pour les chercheurs et les universitaires ainsi qu’une plus grande convergence des programmes de cours et des diplômes d’étudiants en Europe constituent une question urgente.

6.13.

Les statistiques, inadéquates, doivent être améliorées et ensuite mieux utilisées pour évaluer et soutenir la mobilité.

6.14.

L’ouverture et la mise à niveau des universités, de même que la diversification culturelle par l’internationalisation accrue, sont saines. En outre, les étudiants, soutenus par des médias sociaux performants, des outils de transparence, tels que U-Multirank, et la spécialisation des universités sont encouragés à faire des choix spécifiques. Des solutions pragmatiques, à l’échelle de l’Union européenne, devraient les aider.

6.15.

Une coopération renforcée entre ceux qui le souhaitent peut montrer la voie à suivre. C’est par exemple le cas de l’accord conclu récemment entre les pays du Benelux concernant la reconnaissance mutuelle automatique des diplômes. Il s’agit là d’un pas en avant décisif (13). Une tendance à la reconnaissance mutuelle des diplômes universitaires et des différents diplômes en sciences contribuera à réduire les barrières entre les universités et à créer des échanges ouverts.

6.16.

Des systèmes d’assurance de la qualité adéquats doivent être internationalisés et devraient disposer d’un cadre européen clair. Cela englobe la nécessité de reconnaître les décisions d’accréditation. Il y a lieu d’encourager toutes les initiatives en la matière (14). Un processus de reconnaissance mutuelle devrait progressivement conduire à l’accréditation à l’échelle européenne et stimulera, en particulier, la qualité de l’enseignement dispensé par les universités moins performantes.

6.17.

De telles pratiques seraient bénéfiques dans l’ensemble de l’Europe, tant pour la mobilité que pour l’employabilité. En introduisant un diplôme pour plusieurs universités, les programmes conjoints entre les universités deviendraient beaucoup plus attrayants. Il convient d’envisager d’apporter un soutien aux jumelages. L’échange de pratiques administratives et d’enseignement sur le terrain peut améliorer la qualité.

6.18.

L’une des conditions fondamentales de l’internationalisation est l’utilisation de langues communes. La connaissance des langues (plus de deux) est souhaitable pour des raisons culturelles et économiques. L’anglais pourrait être la lingua franca moderne. Les progrès réalisés en matière d’amélioration de la maîtrise des langues étrangères sont trop lents. L’obligation pour les étudiants de connaître une langue étrangère devrait être prise en considération.

6.19.

Le programme Erasmus+ a été un grand succès et un énorme pas en avant s’agissant de faciliter la mobilité. Il est également bien accueilli par les entreprises. Il cadre très bien avec le principe directeur de croissance et d’emploi de la Commission européenne. Le financement du programme devrait permettre de satisfaire une demande croissante. Tous les obstacles juridiques aux échanges d’étudiants devraient être supprimés.

6.20.

Les Fonds structurels européens et les Fonds d’investissement (Fonds ESI) se concentrent à juste titre sur l’innovation et les facteurs de croissance, y compris la recherche. La Commission doit jouer un rôle d’orientation dans l’amélioration de la participation des universités à des projets régionaux.

6.21.

En règle générale, les universités sont indépendantes des autorités locales et régionales, mais il existe des exceptions notables. Il convient de mettre cette question en avant. Le programme des Fonds ESI, qui établit un lien entre la recherche et les programmes régionaux de l’Union européenne, par l’intermédiaire des stratégies RIS3 (15), apporte également une contribution très positive en favorisant un environnement propice à l’innovation.

6.22.

Les universités devraient être au fait des RIS3 et de leur application à différents niveaux. En collaboration avec les autorités régionales concernées, elles devraient jouer un rôle actif dans ce programme.

6.23.

Malheureusement, pour des raisons de gouvernance, les universités n’utilisent toujours pas suffisamment le programme des Fonds ESI. Il convient de rechercher les synergies entre les programmes de l’Union européenne (Fonds ESI, Horizon 2020 et Erasmus+), mais des dispositions contradictoires tendent à entraver ce processus.

Bruxelles, le 9 décembre 2015.

Le Président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Voir l’avis du CESE sur le thème «Des universités pour l’Europe» (JO C 128 du 18.5.2010, p. 48).

(2)  Voir le point 4.7.

(3)  Ces plates-formes devraient rassembler des partenaires économiques et sociaux, ainsi que des partenaires régionaux.

(4)  Dans le présent avis, tous les établissements d’enseignement supérieur sont désignés en qualité d’universités. Certains pays établissent une distinction importante entre les universités de recherche et les universités de sciences appliquées, tandis que d’autres pays qualifient les deux catégories d’«universités».

(5)  Le «tableau de bord de l’autonomie» de l’Association européenne de l’université révèle qu’il reste encore beaucoup à faire en ce qui concerne l’autonomie dans les domaines de l’organisation, des finances, du personnel ou dans le domaine universitaire, dans différents pays (http://www.university-autonomy.eu/).

(6)  Ce modèle a été approuvé par différentes organisations, comme ERRIN, le réseau de recherche et d’innovation des régions européennes, et ECIU, le consortium européen des universités innovantes. John Goddard, ancien recteur adjoint de l’université de Newcastle, est également un porte-parole de premier plan.

(7)  Atelier du CESE, 13 juin 2014 — Des universités pour l’Europe.

(8)  Déclaration de Lund 2009, déclaration de Rome 2014.

(9)  Recommandation sur les compétences clés pour l’éducation et la formation tout au long de la vie (2006/962/CE). L’esprit d’initiative et d’entreprise désigne l’aptitude d’un individu à passer des idées aux actes. Il suppose créativité, innovation et prise de risques, ainsi que la capacité de planifier et de gérer des projets en vue de la réalisation d’objectifs.

(10)  Voir www.heinnovate.eu, HEInnovate, Dans quelle mesure votre institut d’enseignement supérieur est-il orienté vers l’entreprise?

(11)  Voir The Economist, 28 mars 2015, reportage spécial consacré aux universités américaines: l’excellence contre l’équité.

(12)  L’apprentissage mixte fait un usage (intégré) à la fois de l’enseignement traditionnel et de l’enseignement ouvert (en ligne).

(13)  Le 18 mai 2015, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas (Benelux) ont signé un accord sur la reconnaissance mutuelle automatique de tous les titres universitaires. Dans le cadre du processus de Bologne, le «groupe pionnier» recommande d’étudier la reconnaissance automatique au niveau du système sur une base régionale, avec des pays partenaires partageant les mêmes valeurs.

(14)  Ainsi par exemple, le 9 juillet 2015, l’Akkreditierungsrat (Allemagne) et la NVAO (Pays-Bas et Belgique — Flandre) ont accepté de reconnaître mutuellement leurs décisions en matière d’accréditation des programmes conjoints entre les pays.

(15)  RIS3: stratégies nationales/régionales de recherche et d’innovation pour une spécialisation intelligente.


24.2.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 71/20


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Le rôle des ingénieurs dans la réindustrialisation de l’Europe»

(avis d’initiative)

(2016/C 071/04)

Rapporteur:

M. Antonello PEZZINI

Corapporteur:

M. Zbigniew KOTOWSKI

Le 19 février 2015, le Comité économique et social européen (CESE) a décidé, conformément à l’article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d’élaborer un avis d’initiative sur:

«Le rôle des ingénieurs dans la réindustrialisation de l’Europe»

(avis d’initiative).

La commission consultative des mutations industrielles (CCMI), chargée de préparer les travaux du CESE en la matière, a adopté son avis le 5 novembre 2015 (rapporteur: M. PEZZINI, corapporteur: M. KOTOWSKI).

Lors de sa 512e session plénière des 9 et 10 décembre 2015 (séance du 9 décembre 2015), le CESE a adopté le présent avis par 206 voix pour, 1 voix contre et 6 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE estime que tant les ingénieurs et les techniciens européens que leurs associations nationales et européennes représentent une ressource fondamentale dans le processus de réindustrialisation de l’Europe, en tant que facteurs accélérant la transformation des recherches en applications commerciales innovantes.

1.2.

Le développement économique de l’Union européenne est de plus en plus lié à un processus de réindustrialisation assimilé à une stratégie de transition vers de nouveaux modèles durables de conception, de production et de commercialisation de produits innovants à haute valeur ajoutée, qui incorporent des technologies, des matériaux et des services nouveaux et de qualité dans un monde de plus en plus numérisé.

1.3.

Le CESE considère qu’il y a lieu de souligner et de valoriser davantage le rôle essentiel que jouent les ingénieurs et les professions techniques dans ce processus, afin de résoudre les problèmes que représentent, pour la société européenne, les défis liés à la réindustrialisation, et réclame le lancement d’un exercice de prospective participative sur l’avenir de la profession.

1.4.

Le CESE recommande de promouvoir une culture européenne de l’entrepreneuriat et de l’innovation grâce à des actions concrètes visant à relancer les professions d’ingénieur et de technicien, artisans de la civilisation et de la prospérité.

1.5.

Le CESE convient de la nécessité d’un cadre européen harmonieux pour la promotion de cette profession, axé sur les éléments suivants:

une reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles,

la mobilité intraeuropéenne et l’esprit d’entreprise,

des modèles européens de formation permanente et d’apprentissage formel et informel continu, assortis de programmes de soutien,

un accès plus aisé aux marchés publics, en particulier pour les coopératives, start-ups et réseaux d’entreprises, notamment les petites et moyennes entreprises (PME), ainsi que les associations professionnelles d’ingénieurs,

un accès plus aisé au financement et aux marchés de capitaux,

des campagnes visant à augmenter l’attrait des formations et des carrières et à améliorer les reconnaissances professionnelles,

des aides à la pluridisciplinarité et au travail en réseau numérique,

la flexibilité et la valorisation de l’égalité entre les hommes et les femmes,

une réglementation mutuelle de la responsabilité professionnelle dans l’ensemble du marché unique,

des politiques actives visant à encourager le recrutement d’ingénieurs par les PME,

la promotion de la culture de la propriété intellectuelle.

1.6.

Le CESE estime que des niveaux élevés de formation et de qualification en ingénierie constituent une condition préalable essentielle à un système efficace de reconnaissance mutuelle. Si nous voulons maintenir la confiance de tous les États membres en ce qui concerne la réciprocité de la mobilité professionnelle fondée sur la connaissance, il est nécessaire de garantir des normes élevées en matière d’éducation et de formation, notamment grâce à l’instauration d’un 29e régime réglementaire de l’Union européenne, facultatif, reposant sur les expériences acquises en matière de «cartes professionnelles européennes» volontaires (1), et avec le soutien des associations professionnelles d’ingénieurs nationales et européennes.

1.6.1.

L’évolution actuelle de la société entraîne la création d’une multitude de nouveaux emplois en dehors du domaine technique, qui, sous l’influence des médias et en raison de la recherche de popularité sociale, attirent les jeunes intéressés par une carrière rapide et prestigieuse. De ce point de vue, la profession d’ingénieur est perçue comme un métier traditionnel qui n’offre aucune possibilité de carrière simple et rapide. Eu égard à ce qui précède, l’ingénierie ne sera pas attrayante pour les générations futures, ce qui risque sérieusement de nuire à la réindustrialisation de l’Europe et à la compétitivité de l’industrie européenne. Il s’agit là d’un défi de taille pour les systèmes éducatifs existants, et il apparaît nécessaire de réorienter l’enseignement primaire vers les mathématiques, la physique et l’ingénierie et de veiller à une présentation attrayante de ces matières, afin de susciter la curiosité des jeunes générations. De même, la formation en alternance et les bonnes pratiques en la matière (en Allemagne, en Autriche et en Suisse) méritent une attention particulière de la part de tous les États membres dans lesquels un tel système n’existe pas.

1.7.

Selon le CESE, il convient de créer un marché unique de l’ingénierie européenne et de développer une approche commune multidimensionnelle visant à accroître la mobilité dans l’ensemble de l’espace européen, étant donné l’importance de la reconnaissance mutuelle, en particulier pour les ingénieurs autonomes et indépendants.

1.8.

Le CESE plaide pour qu’un rôle important soit réservé à l’ingénierie dans la politique de normalisation européenne, afin d’accélérer, de simplifier et de moderniser les procédures et de garantir l’interopérabilité des systèmes et des réseaux.

1.9.

Le CESE recommande aux organisations employant des ingénieurs de développer, sur la base du cadre européen des certifications professionnelles, des modèles de formation axés sur le numérique et adaptés aux nouvelles générations, ainsi que des modalités de gouvernance et d’évaluation tenant compte des caractéristiques des nouveaux ingénieurs, proposant des environnements de travail et des carrières professionnelles attrayantes.

1.10.

Selon le CESE, les organisations de représentation et les ordres professionnels devraient trouver davantage de points de convergence pour pouvoir jouer un rôle moteur uniforme, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Union européenne, et offrir à leurs propres membres une formation permanente conforme à des paramètres communs européens.

1.11.

Le CESE recommande à la Commission de donner une suite concrète à la constitution du forum européen des professions libérales, au sein duquel les organisations, ordres et groupements professionnels (2) d’ingénieurs sont amplement représentés, et appelle de ses vœux la création d’un portail de l’ingénieur européen qui accorderait une place à des problématiques telles que la responsabilité, la propriété intellectuelle, la fiscalité et les montants des retraites, la formation continue, les codes de bonnes pratiques, etc.

1.12.

Il recommande également à la Commission d’élaborer un code européen des bonnes pratiques en matière d’ingénierie sur la base de l’expérience des organisations nationales d’ingénieurs et de techniciens, qui créerait pour ces professionnels les conditions juridiques et financières nécessaires à la réalisation de projets innovants, en particulier pour les PME et les acteurs de la recherche et du développement (R&D).

1.13.

Le CESE convient de la nécessité que la profession soit de plus en plus axée sur la gestion de problèmes complexes, liés à la durabilité économique, sociale et environnementale, ainsi que la valorisation accrue des approches pluridisciplinaires poussées et une interopérabilité adéquate entre les systèmes manufacturiers et les nouvelles réalités de l’Industrie 4.0.

1.14.

Le CESE invite la Commission et les États membres à tenir dûment compte des conclusions du Conseil européen des 20 et 21 mars 2014, dans lesquelles ce dernier les invite à remédier en priorité aux lacunes en ce qui concerne les compétences dans le domaine des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques (les compétences «STEM»), en veillant à ce que l’industrie joue un rôle plus important.

2.   Introduction

2.1.

L’origine de l’ingénierie européenne réside dans la recherche du renouveau incarnée par le génie de Léonard de Vinci, qui reflète l’ouverture de la société européenne à l’innovation et la culture de valorisation de l’engagement citoyen, de la bonne gouvernance et de l’ardeur au travail.

2.2.

Comme le souligne le Parlement européen, «la crise a gravement touché les économies européennes. L’Union a besoin d’une stratégie de croissance complète visant à surmonter ces défis» (3).

2.3.

La stratégie de réindustrialisation de l’Union européenne se concentre en particulier sur les investissements dans l’innovation, où l’ingénieur joue un rôle crucial, surtout dans les secteurs en croissance rapide.

2.4.

La convergence de technologies numériques, de systèmes de communication et réseaux intelligents, de nanobiotechnologies, de technologies industrielles durables, d’imprimantes 3D et de technologies génériques propres intersectorielles est en train de modifier en profondeur les modes de fonctionnement des économies et des sociétés à une vitesse rendue exponentielle par la mondialisation.

2.5.

L’avenir de l’Union européenne est lié à un processus de réindustrialisation assimilé avant tout à une stratégie de transition vers de nouveaux modèles durables de conception, de production et de commercialisation de produits à haute valeur ajoutée, qui incorporent des technologies, des matériaux et des services nouveaux dans un monde de plus en plus numérisé.

2.6.

Le CESE est convaincu qu’en l’absence de ressources humaines techniques et scientifiques dotées du potentiel nécessaire en matière d’expérience et de connaissances, il sera difficile d’atteindre les objectifs fixés dans la stratégie «Europe 2020». À cet égard également, il convient de valoriser le rôle des organisations et des associations professionnelles d’ingénieurs et de techniciens au niveau national et européen.

2.7.

En Europe, la majeure partie des compétences techniques se trouvent dans le secteur de l’ingénierie, qui compte quelque 130 000 entreprises occupant plus de 10 millions de travailleurs hautement qualifiés et compétents, avec une production annuelle d’une valeur avoisinant les 1 840 milliards d’EUR, soit environ un tiers du total des exportations de l’Union européenne. En outre, les ingénieurs et techniciens jouent un rôle important dans tous les secteurs de l’économie (4).

2.8.

Il convient de développer dans le cadre des politiques européennes une nouvelle approche intelligente, qui conférerait un nouveau rôle aux professionnels techniques. Il devient de plus en plus indispensable de gérer des processus de transformation intelligente des territoires, expressément requis par la nouvelle programmation européenne.

2.9.

Pour réaliser ces objectifs, l’Union européenne doit améliorer le niveau de compétence de sa main-d’œuvre. La demande du secteur public et du secteur privé augmentera surtout dans le domaine des compétences d’ingénierie. Le secteur public aura besoin de plus de compétences techniques pour relever les défis dans les secteurs de l’énergie, des transports, de la santé, de la gestion des déchets, de l’éducation, de l’empreinte carbone, de l’internet des objets et de l’économie circulaire, en appliquant les nouvelles directives sur les marchés publics, en recourant à des formes de coopération en réseaux d’entreprises et grâce au travail en grappes et aux nouveaux logiciels.

2.10.

Le secteur privé devra lui aussi accroître ses compétences d’ingénierie s’il veut récolter les fruits du développement des compétences sur le lieu de travail. Les analyses du comportement des consommateurs révèlent une augmentation constante de la demande de composantes intelligentes dans les produits et les services.

2.11.

Les connaissances et l’expérience technique doivent être actualisées en permanence afin de pouvoir relever les défis des nouveaux processus industriels. De nouvelles formes et méthodes d’apprentissage et un nouveau type de formation doivent être mis en place pour permettre l’utilisation optimale et flexible du capital humain et social dans le secteur. Il convient d’organiser de nouvelles formes de travail pour les professions libérales dans le domaine des services professionnels, techniques et scientifiques en Europe.

2.12.

Une plus grande mobilité sur les marchés nationaux, européen et mondial de l’emploi induit une meilleure utilisation de la main-d’œuvre disponible au sein d’un vivier européen attrayant d’ingénieurs. La possibilité d’opter pour un régime réglementaire de l’Union européenne facultatif (29e régime) permettrait de favoriser la diffusion d’une carte professionnelle de l’Union européenne grâce à laquelle il serait plus facile, pour les ingénieurs spécialisés, d’acquérir une expérience professionnelle dans différents pays européens.

2.13.

Afin de sensibiliser les étudiants potentiels à la profession d’ingénieur, il y a lieu de mettre en place une plus grande coopération entre l’industrie et le monde universitaire et entre les employeurs et les écoles publiques et privées, tant au niveau primaire que secondaire, ainsi que la R&D. Il s’agit d’appliquer le concept de responsabilité sociale des entreprises et de promouvoir une formation appropriée.

2.14.

L’implication des chefs d’entreprise et l’émergence de nouvelles problématiques plus complexes font apparaître clairement aux jeunes que les mathématiques, les technologies informatiques, la physique et la chimie sont indispensables pour résoudre les problèmes auxquels la société est confrontée, et constituent la clé de solutions innovantes dans les domaines de la médecine et des soins de santé ainsi que des transports, de la lutte contre la pollution ou des économies d’énergie.

2.15.

Une telle coopération doit être mise en place au niveau local, mais les expériences et les bonnes pratiques doivent être partagées au niveau européen. Cela contribuerait à la création d’emplois et de perspectives de carrière pour les ingénieurs et pourrait rendre ces matières plus vivantes et pertinentes aux yeux des jeunes générations.

2.16.

Dans le même temps, eu égard aux progrès accomplis parallèlement dans les multiples disciplines et en matière de pluridisciplinarité des applications pratiques, il y a lieu de garantir la qualité et l’efficacité en mettant en place des parcours éducatifs qui intègrent, au niveau secondaire et universitaire, d’autres matières telles que la psychologie sociale et la gestion des ressources humaines en équipe, la stimulation des processus créatifs, les nanotechnologies, l’ingénierie biomédicale, l’histoire de la technique, la géographie économique, etc.

2.17.

L’un des moyens de garantir la conformité de ces professions avec la norme est de mettre sur pied un processus d’accréditation des programmes d’enseignement. Le processus de garantie de qualité doit prévoir la définition de critères de référence et d’évaluation, conformément au cadre européen et national des certifications professionnelles.

2.18.

L’accréditation externe et la garantie de la qualité interne sont deux processus très importants pour maintenir la qualité de la formation en ingénierie.

3.   Observations générales

3.1.   Le rôle moteur de l’ingénieur dans la réindustrialisation de l’Union européenne

Le CESE considère fondamental le rôle moteur des ingénieurs et des techniciens dans la réalisation concrète de la stratégie de réindustrialisation européenne, en ce qu’ils permettent d’apporter des réponses viables, en matière de processus, de produits et e services économes, propres et écologiques («lean, clean, green»), aux défis du développement durable et compétitif.

3.1.1.

Dans le même temps, le CESE convient de la nécessité d’un cadre européen pour la promotion de cette profession, axé sur les éléments suivants:

une reconnaissance mutuelle des qualifications et des professions,

une mobilité interne et externe au marché unique et le développement de l’esprit d’entreprise,

des modèles européens convergents de formation permanente et d’apprentissage formel et informel continu, assortis de programmes de soutien,

des prises et des garanties de responsabilité homogènes sur le marché unique,

des campagnes visant à augmenter l’attrait des formations et des carrières et à améliorer les reconnaissances professionnelles et le respect du principe de l’égalité des sexes,

des aides à la pluridisciplinarité et à la gestion en réseau de problèmes complexes,

la flexibilité et la valorisation des spécificités des jeunes générations,

la génération C (génération connectée),

des politiques visant à améliorer la souplesse de la gestion et de la communication, également au niveau intersectoriel et multidisciplinaire, garantissant l’interopérabilité entre la science, les entreprises et Industrie 4.0,

le soutien du rôle des ingénieurs et des techniciens ainsi que de leurs organisations socioprofessionnelles dans le cadre du recours aux programmes de recherche et d’innovation et aux Fonds structurels,

des mesures visant à promouvoir la prise de responsabilités et l’application de codes déontologiques, en particulier dans le cadre des marchés publics faisant l’objet de nouvelles directives (5), grâce aux réseaux d’entreprises et grappes collaboratives, notamment les marchés publics verts et les marchés portant sur la défense et la protection civiles,

un cadre de coopération internationale garantissant un accès aisé aux marchés des pays tiers,

des modifications réglementaires visant à garantir une protection des droits de propriété intellectuelle adaptée au développement de la société de l’information.

3.2.   Reconnaissance mutuelle des qualifications et des professions, mobilité et esprit d’entreprise

3.2.1.

Le CESE est d’avis que des niveaux élevés de formation et de qualification dans l’ingénierie constituent la condition préalable d’un système efficace de reconnaissance mutuelle: l’abaissement des normes d’enseignement en vue d’accroître la mobilité risquerait de réduire la confiance réciproque dans une Union européenne fondée sur la connaissance, capable de répondre aux nouveaux défis de l’ingénierie.

3.2.2.

Selon le CESE, il convient de développer une approche multidimensionnelle commune — carte professionnelle européenne (6) subséquente à une meilleure convergence des parcours de formation, d’adopter un régime réglementaire facultatif parallèle relatif à une carte professionnelle volontaire de l’Union européenne et de prévoir un cadre commun de formation et des systèmes de validation des qualifications formelles et/ou informelles acquises.

3.2.3.

Le CESE recommande de mener des actions concrètes visant à relancer les professions d’ingénieur et de technicien, en tant qu’acteurs principaux de la transposition accélérée des recherches en applications commerciales et en solutions aux problèmes de la société. Le CESE réclame en particulier un renforcement spécifique, à l’intention des ingénieurs, de l’initiative Erasmus pour les jeunes entrepreneurs (EYE) et des mécanismes de microfinancement, ainsi que le lancement d’un prix européen de l’ingénieur créatif, pour offrir à la profession l’occasion d’acquérir une plus grande visibilité et inciter à la conception d’idées et de projets d’ingénierie d’excellence.

3.3.   Formation et apprentissage formel et informel continu

3.3.1.

Eu égard à la vitesse du progrès technologique, le CESE juge important qu’une aide européenne soit apportée au développement de modules de formation en partenariat avec l’industrie, pour permettre l’acquisition de niveaux élevés de compétences spécifiques, ainsi qu’au développement de l’apprentissage collaboratif et de projets d’apprentissage par la pratique; pour améliorer la communication interpersonnelle, et de modules en ligne sur la technologie numérique et les réseaux de communication, pour acquérir et évaluer les informations.

3.3.2.

Avec l’appui d’une réglementation européenne, il y a lieu de définir des normes globales de validation des compétences d’encadrement et de prise de risques acquises dans le cadre d’un apprentissage non formel (7).

3.3.3.

La valorisation des compétences des nouvelles générations («génération connectée») nécessite une nouvelle configuration des structures de production, d’organisation, de communication et de commande.

3.4.   Image et avenir de l’ingénieur dans la réindustrialisation de l’Union européenne

3.4.1.

Le CESE considère qu’il y a lieu de souligner et de valoriser davantage le rôle essentiel joué par les ingénieurs et les professions techniques dans la résolution des problèmes que représentent, pour la société européenne, les défis liés à la réindustrialisation, et réclame le lancement d’un exercice de prospective participative associant les acteurs du développement, les administrations, les décideurs politiques et les parties prenantes, qui définisse et valorise les futurs profils nécessaires pour la profession, en matière de résolution des problèmes, de rapidité d’acquisition et d’application des nouvelles technologies.

3.4.2.

À cet égard, les ingénieurs devraient se voir conférer un rôle particulièrement précieux s’agissant de doter la réindustrialisation d’une dimension de durabilité économique, sociale et environnementale, de manière à favoriser une transition progressive vers le nouveau modèle d’économie circulaire, «comprenant notamment le processus de retransformation et de reconsommation» (8).

3.5.   Rôle des ingénieurs et des techniciens dans le cadre du recours aux programmes de recherche et d’innovation et aux Fonds structurels

3.5.1.

Le CESE estime que les ingénieurs et les techniciens européens représentent une ressource fondamentale dans le processus de réindustrialisation, en tant que facteurs accélérant la transformation des recherches en applications commerciales innovantes et apportant des solutions aux problèmes complexes de transition vers une économie sociale de marché qui soit durable, saine et compétitive, et qu’une telle ressource doit pouvoir être soutenue et accéder à des solutions innovantes privilégiant la qualité et pas uniquement la rentabilité, et encourageant toutes les formes de collaboration conjointe en réseau et en grappe, grâce à des politiques et des programmes de l’Union, à commencer par:

les actions de la stratégie numérique,

«Horizon 2020», en particulier grâce aux technologies clés génériques,

COSME et le Fonds européen d’investissement,

les Fonds structurels et de cohésion.

4.   Observations finales

4.1.

L’Union européenne doit faire face à d’importants défis qui représentent autant de difficultés pour l’ingénieur européen:

perspectives de vieillissement de la population,

numérisation omniprésente et envahissante,

pénurie croissante de ressources dans un contexte environnemental et climatique de plus en plus critique,

mondialisation géographique, politique et financière, accompagnée d’un déplacement du centre de gravité hors de l’Europe,

convergence des technologies, en particulier les technologies de l’information et de la communication, les nanobiotechnologies et les systèmes 3D,

problèmes complexes de gestion intégrée, en particulier dans les mégalopoles,

croissance exponentielle de l’internet des produits et des services et des réseaux intelligents, assortie d’un développement de l’Industrie 4.0,

ample développement autonome du phénomène d’intelligence collective connectée en temps réel (cerveau social) pour les générations connectées.

4.2.

Selon le CESE, la nouvelle génération connectée d’ingénieurs devrait acquérir des niveaux plus élevés de qualifications et de compétences formelles et informelles, étant donné que les niveaux les plus simples de résolution des problèmes seront confiés à des systèmes numériques autonomes, et également développer des capacités interdisciplinaires et faire preuve de flexibilité pour gérer des problèmes complexes.

4.3.

Les organisations au sein desquelles l’ingénieur effectue son travail devraient élaborer, sur la base du cadre européen de certifications professionnelles, des modules de formation numérisés et des systèmes dotés de modes de gouvernance adaptés aux caractéristiques des nouveaux ingénieurs, renforçant le partage des valeurs et des missions de l’entreprise, en favorisant les environnements de travail et les carrières attrayantes.

4.4.

Selon le CESE, les organisations de représentation et les ordres professionnels d’ingénieurs devraient trouver davantage de points de convergence, au niveau européen, pour pouvoir jouer un rôle moteur accru tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Union européenne, dans la création d’un marché unique de l’ingénieur européen.

4.5.

Le CESE recommande qu’une suite concrète soit donnée à la constitution du forum européen des professions libérales, au sein duquel les organisations, ordres et groupements professionnels (9) d’ingénieurs indépendants et de PME d’ingénierie sont amplement représentés, et que soit créé un portail de l’ingénieur européen qui proposerait un espace interactif pour des problématiques importantes telles que la gestion des responsabilités, le protection de la propriété intellectuelle, les régimes fiscaux et les systèmes de pension.

Bruxelles, le 9 décembre 2015.

Le Président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Voir la «carte européenne de l’ingénieur» de la Fédération européenne des associations nationales d’ingénieurs (FEANI).

(2)  JO C 226 du 16.7.2014, p. 10.

(3)  Voir la résolution du Parlement européen du 15 janvier 2014.

(4)  Source: Eurostat.

(5)  JO L 94 du 28.3.2014, p. 1, 65 et 243.

(6)  JO L 354 du 28.12.2013, p. 132.

(7)  European Institute for Industrial Leadership, Position Paper P20-2015.

(8)  JO C 230 du 14.7.2015, p. 91.

(9)  JO C 226 du 16.7.2014, p. 10.


24.2.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 71/27


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Une industrie chimique compétitive grâce aux nanotechnologies»

(avis d’initiative)

(2016/C 071/05)

Rapporteur:

M. Egbert BIERMANN

Corapporteur:

M. Tautvydas MISIŪNAS

Le 28 mai 2015, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l’article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d’élaborer un avis d’initiative sur le thème:

«Une industrie chimique compétitive grâce aux nanotechnologies»

(avis d’initiative).

La commission consultative des mutations industrielles (CCMI), chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 5 novembre 2015.

Lors de sa 512e session plénière des 9 et 10 décembre 2015 (séance du 9 décembre 2015), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 115 voix pour, 2 voix contre et 4 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE soutient les activités visant à élaborer une politique industrielle européenne, en particulier pour promouvoir les technologies clés génériques qui renforcent notre compétitivité. Lorsque l’Europe parle d’une seule voix sur la scène internationale, elle pèse davantage dans le dialogue mondial. Le potentiel d’innovation qui découle des nanomatériaux et des nanotechnologies — notamment dans l’industrie chimique — apporte à cet égard une contribution précieuse.

1.2.

Une initiative visant à promouvoir les nanotechnologies peut contribuer au développement conjoint de la politique industrielle européenne. La recherche et le développement sont des activités trop complexes pour être menées par des entreprises ou des institutions individuelles. À cette fin, une coopération transversale est nécessaire entre les universités, les instituts scientifiques, les entreprises et les pépinières d’entreprises. Les pôles de recherche, tels qu’ils existent notamment dans les secteurs chimique et pharmaceutique, relèvent d’une démarche constructive. Il convient de veiller à l’intégration des PME.

1.3.

Le développement de pôles d’excellence européens dans le domaine des nanotechnologies doit se poursuivre. Les détenteurs de compétences dans les milieux économiques, scientifiques, politiques et sociaux doivent s’organiser en réseaux, afin de faciliter les transferts de technologie et les collaborations physiques et dématérialisées, de mieux évaluer les risques, de favoriser une analyse spécifique des cycles de vie et de renforcer la sécurité des nanoproduits.

Les instruments financiers du programme-cadre de recherche Horizon 2020 doivent être simplifiés et assouplis dans le domaine des nanotechnologies, surtout pour les PME. Il convient de pérenniser les financements publics et d’encourager la mobilisation de fonds privés.

1.4.

Afin de mieux ancrer les nanotechnologies pluridisciplinaires au sein des systèmes de formation et d’enseignement, des chercheurs et des techniciens qualifiés devraient intervenir dans des disciplines telles que la chimie, la biologie, l’ingénierie, la médecine et les sciences sociales. En outre, les entreprises doivent répondre aux exigences croissantes en matière de qualification de leurs collaborateurs au moyen de mesures ciblées de formation de base et de formation complémentaire. Les travailleurs, forts de leur expérience et de leurs compétences, doivent être parties prenantes.

1.5.

Il y a lieu de promouvoir davantage le processus de normalisation au niveau de l’Union européenne. Les normes jouent un rôle déterminant dans le respect des lois, en particulier lorsque la sécurité des travailleurs exige une évaluation des risques. C’est pourquoi il convient de mettre au point, pour les matériaux de référence certifiés, des outils permettant de contrôler les procédures visant à mesurer les propriétés des nanomatériaux.

1.6.

Les consommateurs doivent être tenus pleinement informés sur la question des nanomatériaux. Il est indispensable de promouvoir l’acceptation par la société de ces technologies clés génériques. Des dialogues réguliers doivent rassembler les organisations de défense des consommateurs et de l’environnement ainsi que les milieux économiques et politiques. Il convient à cet effet de mettre en place, à l’échelle européenne, des plateformes d’information et des instruments de nature à susciter l’adhésion du public.

1.7.

Le CESE attend de la Commission européenne qu’elle crée un observatoire des nanomatériaux chargé de caractériser et d’évaluer les processus de développement et les applications de ces matériaux, leur valorisation (recyclage) et leur élimination. Cet observatoire devrait également en surveiller et en analyser les effets sur l’emploi et le marché du travail, et exposer les conclusions qu’il convient d’en tirer sur le plan politique, économique et social. Un nouveau «rapport sur les nanotechnologies et les nanomatériaux en Europe» devrait être présenté avant 2020 et indiquer les axes potentiels de développement à l’horizon 2030.

2.   Les nanotechnologies dans une Europe innovante

2.1.

La Commission européenne mène, et a déjà mené, de nombreuses initiatives en faveur de l’innovation et des technologies clés génériques, dans le but d’accroître la compétitivité. C’est notamment le cas des communications de la Commission de 2009 et de 2012 sur une «Stratégie commune pour les technologies clés génériques dans l’Union européenne» et de sa communication de 2014 sur «La recherche et l’innovation». Dans plusieurs de ses avis (1), le CESE a en outre accordé une importance particulière aux nanotechnologies.

2.2.

L’adoption du plan Juncker de 2014 confère une importance particulière à la politique industrielle européenne et, partant, à la promotion des technologies innovantes. Les préférences qui sont formulées pour certains types de technologies montrent clairement que, si elle veut être compétitive, la politique industrielle européenne doit axer sa stratégie sur les matériaux et technologies d’avenir. C’est plus particulièrement le cas dans les secteurs chimique et pharmaceutique.

2.3.

L’industrie chimique et pharmaceutique européenne constitue un moteur d’innovation pour d’autres secteurs. Les nanotechnologies jouent un rôle clé dans la mise au point de nouveaux produits. Ce faisant, elles renforcent la compétitivité et contribuent à un développement industriel durable.

2.4.

À l’heure actuelle, des nanomatériaux sont déjà présents dans de nombreux produits de la vie quotidienne (comme le linge de sport, les cosmétiques et les revêtements). Par ailleurs, des possibilités d’innovation s’ouvrent pour de nouveaux produits et processus (par exemple pour les techniques énergétiques et environnementales, la technique médicale, l’optique, le développement et la fabrication de puces, la protection technique des données et la construction, ainsi que pour les laques et couleurs, ou encore pour les médicaments et le génie médical).

2.5.

En raison de leurs dimensions extrêmement réduites, les nanomatériaux peuvent présenter de nouvelles propriétés optiques, magnétiques, mécaniques, chimiques et biologiques et être utilisés pour développer de nouveaux produits innovants dotés de nouvelles fonctionnalités et de caractéristiques particulières.

2.6.

Conformément à une recommandation adoptée par la Commission européenne, les nanomatériaux sont des matériaux dont la taille des principaux composants est comprise entre 1 et 100 milliardièmes de mètre. Cette définition marque une étape importante étant donné qu’elle décrit clairement quels matériaux doivent être considérés comme des nanomatériaux et permet de sélectionner la méthode d’essai la plus appropriée (2).

2.7.

Les nanotechnologies recèlent un potentiel de croissance important. Selon les prévisions des experts, le chiffre d’affaires annuel du secteur devrait passer de 8 milliards de dollars des États-Unis (USD) en 2006 à 119 milliards d’USD en 2021 (3).

3.   Les nanotechnologies dans l’industrie chimique et dans la médecine  (4)

3.1.

Le champ d’application des nanotechnologies dans l’industrie chimique est immense. Il convient de noter que, même si le terme de «nanotechnologies» leur confère un aspect moderne, bon nombre d’éléments qui sont aujourd’hui classés dans cette catégorie n’ont rien de nouveau. Ainsi, par exemple, les vitraux colorés des églises, qui sont apparus au Moyen-Âge, comportent des nanoparticules d’or. La nouveauté des nanotechnologies telles que nous les entendons aujourd’hui réside en réalité dans le fait que nous comprenons mieux, désormais, comment elles fonctionnent.

3.2.

Les nanotechnologies offrent de nombreux champs d’application dans le domaine de la médecine. Le désir d’administrer une substance active directement dans le tissu malade est apparu en même temps que la fabrication de médicaments et tient au fait que de nombreuses substances actives entraînent de puissants effets secondaires. Ces derniers sont souvent causés par une répartition non ciblée des substances actives dans l’organisme. Le développement de nanosystèmes pour le transport de substances actives permet d’administrer celles-ci directement dans les tissus malades et, partant, de réduire les effets secondaires.

3.3.

Il existe un certain nombre de nano-innovations concrètes dans le secteur des sciences de la vie, par exemple les «biopuces» utilisées pour réaliser des tests qui permettent de diagnostiquer et de traiter à un stade précoce des pathologies telles que la maladie d’Alzheimer, le cancer, la sclérose en plaques ou la polyarthrite rhumatoïde (5). Les produits de contraste basés sur des nanoparticules se fixent de manière ciblée sur les cellules malades et permettent de poser un diagnostic sensiblement plus rapide et de meilleure qualité. Les nanogels accélèrent la régénération de la masse cartilagineuse. Les nanoparticules, qui peuvent traverser la barrière hémato-encéphalique, contribuent par exemple au traitement ciblé de tumeurs cérébrales (6).

3.4.

Des membranes en matière plastique de quelque 20 nanomètres présentent de petits pores grâce auxquels on peut filtrer l’eau pour la débarrasser des germes, bactéries et virus. L’ultrafiltration est utilisée pour purifier l’eau potable comme les eaux de procédé, c’est-à-dire les eaux utilisées pour des processus de production industrielle.

3.5.

Dans un futur proche déjà, les nanotechnologies permettront d’accroître considérablement le rendement des cellules photovoltaïques. On peut augmenter sensiblement la production d’énergie et l’efficacité énergétique grâce à de nouveaux revêtements de surface.

3.6.

Utilisés comme additifs dans des matières plastiques, des métaux ou d’autres matériaux, les nanotubes, les nanotubes de carbone et le graphène peuvent conférer de nouvelles propriétés aux matériaux. Ils améliorent par exemple la conductivité électrique, augmentent la résistance mécanique ou favorisent les constructions légères.

3.7.

Les nanotechnologies peuvent aussi permettre d’exploiter plus efficacement les éoliennes: les nouveaux matériaux de construction les rendent plus légères, ce qui fait baisser les coûts de production d’électricité mais permet aussi d’optimiser leur construction.

3.8.

Environ 20 % de la consommation mondiale d’énergie sont consacrés à l’éclairage. Cette proportion pourra être réduite de plus d’un tiers puisque la recherche sur les nanotechnologies laisse penser qu’il sera possible de fabriquer des ampoules à basse consommation qui nécessitent sensiblement moins d’énergie électrique. Et grâce aux batteries à ion lithium, qui n’auraient pu voir le jour sans les nanotechnologies, la voiture électrique devient pour la première fois économiquement viable.

3.9.

Le béton est l’un des matériaux de construction les plus utilisés. Les nanoparticules de cristal de calcium permettent de réaliser des éléments en béton de meilleure qualité très rapidement et en consommant moins d’énergie.

3.10.

L’industrie automobile utilise déjà des nanorevêtements dotés de caractéristiques particulières. C’est également le cas pour d’autres modes de transport, comme l’avion et le bateau.

4.   Les nanotechnologies en tant que composante économique

4.1.

Les facteurs de compétitivité sur le marché mondial sont en constante évolution. Si l’essentiel de ces évolutions est anticipé, d’autres surgissent en revanche de manière imprévue. Des programmes d’action sont établis afin d’assurer la continuité des développements. C’est dans ce contexte qu’il a été convenu, en 2010, de lancer la stratégie Europe 2020. Elle a pour objectif une croissance durable et inclusive, assortie d’une meilleure coordination des politiques transeuropéennes, et doit ainsi permettre de remporter la «bataille de l’innovation» qui bat actuellement son plein. L’enjeu porte sur la recherche et le développement, sur la protection des brevets, mais aussi sur les sites de production et sur l’emploi.

4.2.

L’industrie chimique est l’un des secteurs industriels les plus prospères de l’Union: il affichait en 2013 un chiffre d’affaires de 527 milliards d’EUR, se classant ainsi au deuxième rang des producteurs. Pourtant, en dépit de cet atout, la situation actuelle semble donner matière à préoccupation. Après un redressement conjoncturel de courte durée, la production stagne depuis le début de 2011. À plus long terme, la part de l’Union européenne dans la production et les exportations mondiales a reculé (7).

4.3.

L’industrie chimique européenne a investi approximativement 9 milliards d’EUR dans la recherche en 2012. Depuis 2010, les dépenses sont restées globalement stables à ce niveau. En revanche, la recherche et le développement dans le domaine des nanotechnologies revêtent une importance croissante dans certains pays, par exemple aux États-Unis et en Chine, mais aussi au Japon et en Arabie saoudite, ce qui intensifie la concurrence.

5.   Les nanotechnologies en tant que composante environnementale

5.1.

L’économie verte est un facteur de compétitivité essentiel pour la politique industrielle européenne, dans le contexte aussi bien du marché intérieur que du marché mondial.

5.2.

Que ce soit sous forme de produits de base, intermédiaires ou finaux, les nanomatériaux contribuent, de par leurs nombreuses propriétés, à améliorer l’efficacité de la transformation d’énergie et à réduire la consommation d’énergie. Les nanotechnologies ouvrent des perspectives de réduction des émissions de dioxyde de carbone (8) et participent ainsi à l’atténuation du changement climatique.

5.3.

En Allemagne, l’État fédéral de la Hesse a publié une étude qui met l’accent sur le potentiel d’innovation que recèlent les nanotechnologies pour la protection de l’environnement (9), par exemple pour le traitement et l’épuration de l’eau, la prévention des déchets, l’efficacité énergétique et la qualité de l’air. Il en résulte une augmentation du volume des commandes, en particulier pour les PME. L’industrie chimique effectue des recherches fondamentales et développe les produits de base et les produits finaux correspondants.

5.4.

La composante environnementale, en tant qu’aspect de la notion de développement durable, doit être intégrée aux stratégies des entreprises, y compris des PME. Les travailleurs doivent être associés de manière active à ce processus.

5.5.

Le principe de précaution est une composante essentielle de la politique environnementale et de la politique de santé actuellement menées en Europe. C’est dès lors en amont qu’il convient de réduire, autant que possible, les effets nocifs et les risques encourus sur le plan de l’environnement et de la santé humaine. Il est cependant nécessaire de veiller à la proportionnalité entre les coûts, les avantages et les efforts liés à la mise en œuvre des mesures de précaution, notamment pour protéger les PME.

6.   Les nanotechnologies en tant que composante de l’emploi/composante sociale

6.1.

Le potentiel d’emploi qu’offrent les nanotechnologies dans le secteur de l’industrie chimique au niveau mondial est considérable. Selon les estimations, entre 300 000 et 400 000 emplois (10) seraient déjà liés aux nanotechnologies dans l’Union européenne.

6.2.

Au-delà de ce gisement de croissance, il convient de prendre également en considération les risques qui se posent sous la forme de destructions d’emplois, d’une délocalisation de sites de production ou d’une évolution des profils de qualification.

6.3.

Si le nombre d’emplois est l’un des aspects à prendre en compte, la qualité de ces emplois en est un autre. En règle générale, les «nanosecteurs» créent dans les différents secteurs d’activité, et pas seulement dans l’industrie chimique, des emplois bien rémunérés à destination des travailleurs qualifiés (11).

6.4.

Il en résulte d’importants besoins en matière de formation et de formation continue dans les entreprises. De nouvelles formes de collaboration apparaissent aussi. Dans ce contexte, le partenariat social devient lui-même facteur d’innovation en ce sens qu’un dialogue permanent doit avoir lieu, par exemple sur l’organisation du travail, la protection de la santé et la formation continue. Dans le secteur de l’industrie chimique allemande, il existe à cet égard des conventions collectives très détaillées (12).

7.   Débouchés et risques liés aux nanotechnologies

7.1.

Aujourd’hui déjà, la Commission européenne consacre chaque année entre 20 et 30 millions d’EUR à la recherche en matière de nanosécurité. S’y ajoutent quelque 70 millions d’EUR par an provenant des États membres (13). Il s’agit là d’un cadre approprié et suffisant.

7.2.

Les secteurs privé et public devraient mener un programme global de recherche à long terme, coordonné à l’échelle européenne, dans le but d’élargir les connaissances sur les nanomatériaux, leurs propriétés et les débouchés et risques éventuels qu’ils présentent pour la santé des travailleurs et des consommateurs ainsi que pour l’environnement.

7.3.

De nombreuses entreprises chimiques ont pris différentes mesures, dans le contexte de leur gestion des risques, afin d’appliquer une politique responsable en matière de sécurité durable des travailleurs et des produits. Cette démarche s’inscrit souvent dans le cadre de l’initiative mondiale «Responsible Care», mise en place par l’industrie chimique (14). Des initiatives analogues existent aussi dans d’autres secteurs.

7.4.

La responsabilité vis-à-vis des produits s’applique depuis le stade de la recherche jusqu’à celui de leur élimination. Dès la phase de développement, les entreprises étudient la manière dont leurs nouveaux produits peuvent être fabriqués et utilisés de manière sûre. Ces investigations doivent être achevées — et des informations sur la sûreté de l’utilisation des produits, présentées — avant la commercialisation. En outre, les entreprises doivent indiquer les modalités appropriées d’élimination de leurs produits.

7.5.

Dans ses observations relatives à la sécurité des nanomatériaux, la Commission européenne souligne qu’il a été établi, dans des études scientifiques, que les nanomatériaux doivent être considérés en substance comme des «produits chimiques normaux» (15). Les connaissances sur les propriétés des nanomatériaux sont en progression constante. Les méthodes d’évaluation des risques disponibles peuvent être appliquées.

7.6.

La Commission européenne estime que le règlement REACH (16) est le cadre idéal pour la gestion des risques liés aux nanomatériaux. Un certain nombre de clarifications et de précisions relatives aux nanomatériaux doivent être insérées dans les annexes du règlement REACH et dans le guide REACH de l’Agence européenne des produits chimiques, mais pas dans le corps même du texte du règlement (17).

7.7.

Dans l’industrie pharmaceutique, une place centrale est accordée aux bonnes pratiques de fabrication (BPF) dans le traitement des nanomatériaux. Il s’agit de lignes directrices concernant l’assurance de la qualité dans les processus de production des médicaments et des substances actives.

7.8.

Bien entendu, il est indispensable que les consommateurs soient informés. Les nanodialogues menés par de grandes entreprises chimiques sont à cet égard un exemple positif (18). Ces dialogues ont pour objectif d’informer, de susciter l’adhésion du public et de recenser les dangers. À la fin de 2013, la Commission européenne a ouvert une plateforme internet afin de faciliter l’accès aux informations sur les nanomatériaux (19). On y trouve des renseignements sur toutes les sources d’information disponibles, y compris les registres nationaux ou sectoriels.

8.   Facteurs/moteurs de compétitivité pour les nanotechnologies en Europe

8.1.

Un environnement favorable à la recherche et à l’innovation est un facteur de compétitivité essentiel. Cette observation vaut pour les innovations portant sur les produits et processus comme pour les changements introduits sur le plan social. L’importance des nanotechnologies devrait également être davantage prise en compte et soutenue par l’Union européenne dans le cadre de ses priorités et de ses programmes de recherche et de soutien régional.

8.2.

La recherche et le développement doivent jouer un rôle clé dans l’Union européenne. À cet égard, il importe de créer un réseau à l’échelle européenne, d’établir des relations de coopération et de favoriser le regroupement entre les jeunes entreprises, les entreprises bien établies, les universités et les centres de recherche fondamentale et appliquée. De telles pratiques permettent aujourd’hui de développer un potentiel d’innovation efficace. Afin d’optimiser la coopération, des pôles d’entreprises («hubs») sont installés dans des endroits géographiques stratégiques.

8.3.

La formation de base et la formation complémentaire sont des facteurs clés s’agissant de processus à haut degré d’innovation tels que les nanotechnologies. L’association de travailleurs qualifiés et de diplômés de l’enseignement supérieur produit les meilleurs résultats en matière d’innovation lorsque l’échange de connaissances entre différents types de qualifications est étayé par des mesures complémentaires en matière de personnel ou d’organisation, telles que le travail en équipe, la rotation des tâches et la délégation des décisions. La concurrence mondiale dans le secteur de l’innovation s’accompagne d’une concurrence pour disposer de travailleurs qualifiés. Les acteurs politiques et économiques doivent mettre en place des systèmes d’incitation adéquats.

8.4.

Une liberté accrue dans l’orientation de la recherche ainsi qu’une réduction des exigences bureaucratiques constitueraient une garantie de compétitivité. Les médicaments, le génie médical, les revêtements de surface et l’ingénierie environnementale sont d’une importance considérable pour les exportations européennes et le marché intérieur. À cet égard, l’orientation vers le marché intérieur, associée à un ancrage régional, offre en particulier aux PME un large éventail de possibilités.

8.5.

Les coûts du facteur travail ne doivent pas être considérés à l’aune des seules dépenses salariales. Les calculs doivent aussi intégrer les frais de gestion (par exemple, pour les activités de contrôle et l’assurance de la qualité).

8.6.

Le coût de l’énergie est un facteur à prendre en considération pour la compétitivité de l’industrie chimique, qui est très énergivore. Pour être compétitives, les entreprises, en particulier les PME, doivent bénéficier de prix compétitifs et d’un approvisionnement énergétique stable dans l’Union européenne.

Bruxelles, le 9 décembre 2015.

Le Président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Avis du CESE sur «Les textiles techniques: un moteur de la croissance» (JO C 198 du 10.7.2013, p. 14); avis du CESE sur la «Stratégie en matière de composants et systèmes micro-nanoélectriques» (JO C 67 du 6.3.2014, p. 175).

(2)  Commission européenne, Bruxelles, 18 octobre 2011. Un nanomètre correspond à un milliardième de mètre. Sur cette longueur, on peut aligner cinq à dix atomes environ. La taille d’un nanomètre par rapport à un mètre est équivalente à celle d’un ballon de football par rapport au globe terrestre. On entend par «nanotechnologie» la mesure, le développement, la fabrication et l’utilisation ciblées et contrôlées de nanomatériaux, c’est-à-dire de matériaux dotés de structures, particules, fibres ou plaquettes inférieures à 100 nanomètres.

(3)  Source: http://www.vfa.de/nanobiotechnologie-nanomedizin-positionspapier.pdf (en allemand).

(4)  Dans la suite de ce document, les termes «industrie chimique» désignent également l’industrie pharmaceutique.

(5)  Source: http://www.vfa.de/nanobiotechnologie-nanomedizin-positionspapier.pdf (en allemand).

(6)  Source: http://www.vfa.de/nanobiotechnologie-nanomedizin-positionspapier.pdf (en allemand).

(7)  Rapport d’Oxford Economics, «Evolution of competitiveness in the European chemical industry: historical trends and future prospects» (Évolution de la compétitivité dans l’industrie chimique européenne: tendances historiques et perspectives futures), octobre 2014.

(8)  L’Institut Fraunhofer pour l’énergie éolienne et les technologies des systèmes énergétiques en Allemagne et l’Agence nationale de l’énergie (ENEA) en Italie ont ainsi mis au point une technologie de stockage du dioxyde de carbone sous forme de méthane. Source: Institut Fraunhofer pour l’énergie éolienne et les technologies des systèmes énergétiques, 2012.

(9)  Source: Ministère de l’économie et des transports de la Hesse, «Einsatz von Nanotechnologie in der hessischen Umwelttechnologie» (Utilisation des nanotechnologies dans les technologies environnementales de la Hesse), 2009.

(10)  Otto Linher, Commission européenne; Grimm e.a., «Nanotechnologie: Innovationsmotor für den Standort Deutschland» (Nanotechnologies: un moteur d’innovation pour l’Allemagne), Baden-Baden, 2011.

(11)  IG BCE/VCI: «Zum verantwortungsvollen Umgang mit Nanomaterialien» (Sur une approche responsable des nanomatériaux), document de synthèse, 2011.

(12)  IG BCE, «Nanomaterialien — Herausforderungen für den Arbeits- und Gesundheitsschutz» (Nanomatériaux — Défis en matière de sécurité et de santé au travail).

(13)  Otto Linher, Commission européenne.

(14)  http://www.icca-chem.org/en/Home/Responsible-care/ (en anglais).

(15)  «Background paper for WHO Guidelines on Protecting Workers from Potential Risks of Manufactured Nanomaterials» (document préliminaire aux lignes directrices de l’OMS sur la protection des travailleurs contre les risques potentiels liés aux nanomatériaux manufacturés) (en anglais).

(16)  REACH est le règlement européen portant sur l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques ainsi que sur les restrictions applicables à ces substances. Voir http://echa.europa.eu/fr/home.

(17)  Source: Comité du dialogue social sectoriel de l’industrie chimique européenne.

(18)  http://www.cefic.org/Documents/PolicyCentre/Nanomaterials/Industry-messages-on-nanotechnologies-and-nanomaterials-2014.pdf (en anglais).

(19)  https://ihcp.jrc.ec.europa.eu/our_databases/web-platform-on-nanomaterials (en anglais).


III Actes préparatoires

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

Comité économique et social européen 512e session plénière du CESE des 9 et 10 décembre 2015

24.2.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 71/33


Avis du Comité économique et social européen sur le «Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Rapport sur la politique de concurrence 2014»

[COM(2015) 247 final]

(2016/C 071/06)

Rapporteure:

Mme Reine-Claude MADER

Le 6 juillet 2015, la Commission a décidé, conformément à l’article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur le:

«Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Rapport sur la politique de concurrence 2014»

[COM(2015) 247 final].

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 17 novembre 2015.

Lors de sa 512e session plénière des 9 et 10 décembre 2015 (séance du 9 décembre 2015), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 128 voix pour, 1 voix contre et 1 abstention.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) apprécie de manière positive les différentes initiatives prises par la Commission européenne pour promouvoir une concurrence loyale qui sauvegarde les intérêts des agents économiques (entreprises, consommateurs, travailleurs).

1.2.

Le CESE soutient les actions menées par la Commission pour assurer le respect des règles de la concurrence, notamment les actions menées à l’encontre de pratiques anticoncurrentielles telles que les abus de position dominante, qui entravent le développement économique de l’Union européenne, et particulièrement des petites et moyennes entreprises (PME), qui jouent un rôle primordial dans la croissance et l’emploi, et des entreprises d’économie sociale, porteuses de cohésion sociale.

1.3.

Il regrette néanmoins que, à nouveau cette fois-ci, la Commission n’ait pas adopté un vrai mécanisme judiciaire pour les actions collectives de manière à permettre effectivement l’exercice des droits à réparation des victimes de pratiques anticoncurrentielles.

1.4.

Il approuve le travail effectué par la Commission pour que les règles soient connues et transparentes, ce qui stabilise les entreprises et, par voie de conséquence, le marché. Il souhaite à cet égard rappeler que les pratiques du secteur de la distribution méritent une attention constante.

1.5.

Le CESE se félicite de l’impulsion donnée par la Commission à la coopération avec les autorités nationales de concurrence (ANC), qui ont un rôle déterminant à jouer, notamment en termes de prévention et de développement des programmes de sensibilisation au droit de la concurrence. Il considère qu’elles doivent pour cela disposer des moyens nécessaires.

1.6.

Cette coopération doit être étendue à l’échelon international compte tenu de la mondialisation des échanges, afin que l’Europe ne pâtisse pas de la concurrence déloyale.

1.7.

Il souhaite que le dialogue entre les différentes instances européennes (Parlement européen, CESE, Comité des régions) soit conforté, voire renforcé.

1.8.

Le CESE soutient les évolutions apportées aux règles relatives aux aides d’État, qui ont été mises en adéquation pour soutenir les entreprises innovantes, notamment dans le domaine du numérique, ce qui ouvre des perspectives très importantes en termes de développement économique et de création d’emplois au service des consommateurs et des entreprises.

1.9.

Tout en étant conscient des limites de l’intervention de la Commission en ce qui concerne l’optimisation fiscale, le CESE souhaite que la Commission poursuive ses efforts pour remédier aux distorsions fiscales et sociales, les restreindre ou y mettre fin dans la mesure de ses pouvoirs, en veillant à ce que cette action n’entraîne pas de nivellement par le bas.

1.10.

Le CESE considère que le marché de l’énergie doit faire l’objet de beaucoup d’attention. Il est favorable à la création d’une union européenne de l’énergie afin d’assurer la sécurité de l’approvisionnement et la fourniture de l’énergie à un tarif abordable sur l’ensemble du territoire.

1.11.

Il attache par ailleurs de l’importance aux mesures qui contribuent aux économies d’énergie, à l’amélioration de l’efficacité énergétique et au développement des énergies renouvelables.

1.12.

Il considère que l’ouverture du marché de l’énergie doit profiter aux consommateurs particuliers, qui n’ont pas de réelles capacités de négociation.

1.13.

Le CESE souhaite que tout soit mis en œuvre pour assurer le libre accès au numérique afin de permettre le développement économique des zones rurales. Cet objectif justifie une complémentarité entre investissements privés et aides publiques.

1.14.

Le CESE invite la Commission à continuer à porter une attention particulière à l’offre de services financiers afin que l’économie réelle puisse se financer et que les consommateurs puissent continuer à bénéficier des meilleures conditions pour les services qu’ils utilisent.

1.15.

Enfin, le CESE rappelle que le suivi et l’évaluation des actions politiques engagées sont indispensables.

2.   Contenu du rapport sur la politique de concurrence 2014

2.1.

Ce rapport annuel se concentre essentiellement sur le marché unique numérique, la politique énergétique et les services financiers. Il évoque aussi les questions relatives au renforcement de la compétitivité de l’industrie européenne, au contrôle des aides d’État, à la promotion d’une culture de la concurrence dans l’Union européenne et au-delà, et au dialogue interinstitutionnel.

2.2.

Il met en exergue l’économie numérique, envisagée comme un facteur qui pourrait stimuler l’innovation et la croissance des secteurs de l’énergie, des transports, des services publics, de la santé et de l’éducation. Pour ce faire, tous les outils du droit de la concurrence ont été utilisés afin de soutenir le développement et la modernisation des infrastructures, dont les réseaux à haut débit dits de «nouvelle génération», par le biais des aides d’État, tout en garantissant le principe de neutralité technologique.

2.3.

Le marché des dispositifs mobiles intelligents évolue très rapidement, comme l’a illustré l’acquisition de WhatsApp par Facebook (1) à l'issue de la première phase d’examen de la concentration, autorisée sans conditions par la Commission en application du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil (2) sur les concentrations.

2.4.

L’année 2014 a de nouveau été l’occasion de constater que l’application du droit de la concurrence au secteur numérique se caractérise par la relation complexe et le nécessaire équilibre avec le respect des droits de propriété intellectuelle attachés à un brevet, comme l’ont illustré les décisions Samsung et Motorola (3), ou à un droit d’auteur, comme l’a montré l’ouverture d’une procédure formelle à l’encontre de plusieurs studios de production américains et de télédiffuseurs payants européens dans l’affaire dite de «l’accès transfrontière au contenu télévisuel payant» (4).

2.5.

Le rapport évoque ensuite le secteur de l’énergie en rappelant la nécessité de réformer la politique européenne de l’énergie. La Commission entend soutenir les investissements dans les infrastructures en encadrant les aides d’État et en simplifiant leur exécution: le nouveau règlement général d’exemption par catégorie prévoit en effet, sous certaines conditions, que l’autorisation préalable de la Commission ne sera plus nécessaire (5) pour les aides aux infrastructures énergétiques, les aides à la promotion de l’efficacité énergétique des bâtiments et le soutien à la production d’énergie renouvelable, à la décontamination des sites pollués et au recyclage.

2.6.

En revanche, les aides à l’énergie nucléaire ne sont pas incluses dans les nouvelles lignes directrices. Elles font donc toujours l’objet d’un examen par les services de la Commission à la lumière de l’article 107 TFUE, comme cela a été le cas pour le projet britannique visant à subventionner la construction et l’exploitation d’une nouvelle centrale nucléaire à Hinkley Point (6).

2.7.

Enfin, la politique de concurrence a été utilisée comme un instrument visant à faire baisser les prix de l’énergie en réprimant les comportements abusifs ou les pratiques collusoires d’opérateurs, tels que EPEX Spot et Nord Pool Spot (NPS) (7) et OPCOM en Roumanie, où ce dernier avait abusé de sa position dominante (8), ou encore Bulgarian Energy Holding (BEH) en Bulgarie (9), voire Gazprom à propos de l’approvisionnement en gaz en amont en Europe centrale et orientale (10).

2.8.

La politique de concurrence a également tenté en 2014 d’améliorer la transparence du secteur financier, et de soutenir l’amélioration de la régulation et la surveillance du secteur bancaire.

2.9.

La Commission a ainsi recouru au contrôle des aides d’État mises en œuvre en Grèce, à Chypre, au Portugal, en Irlande et en Espagne, tout en veillant à ce que les banques de développement ne faussent pas la concurrence (11).

2.10.

Elle a aussi poursuivi à deux reprises les banques RBS et JP Morgan, parties, d’une part, à une entente bilatérale illicite visant à influencer le taux d’intérêt de référence Libor sur le franc suisse et, d’autre part, à une entente avec UBS et Crédit Suisse concernant les écarts de cotation sur les produits dérivés de taux d’intérêt libellés en franc suisses dans l’Espace économique européen (EEE) (12). La Commission leur a infligé une amende de 32,3 millions d’EUR (13).

2.11.

Enfin, la Commission continue de poursuivre les pratiques commerciales anticoncurrentielles reposant sur les commissions multilatérales d’interchange commises par Visa Europe, Visa Inc., Visa International et MasterCard: elle a, d’une part, rendu contraignants les engagements proposés par Visa Europe et elle poursuit, d’autre part, Visa Inc. et Visa International au sujet de commissions interbancaires internationales.

2.12.

Le rapport fait aussi état des efforts déployés par la Commission pour stimuler la compétitivité des entreprises européennes et notamment des PME, en facilitant leur accès au financement dans leur phase de développement (14), et en soutenant la recherche et l’innovation grâce à un nouvel encadrement des aides instaurant une exemption par catégorie (15).

2.13.

Les PME sont également les premières visées par la révision de la «communication de minimis» qui leur fournit des indications pour évaluer si leurs accords tombent ou non sous le coup de l’article 101 TFUE interdisant les ententes illicites entre entreprises (16).

2.14.

L’année 2014 a aussi marqué une vigilance particulière de la Commission quant à l’utilisation par certaines entreprises de régimes fiscaux différents dans certains États membres pour réduire leur assiette imposable; elle a ouvert des enquêtes formelles à l’encontre d’Apple en Irlande, Starbucks aux Pays-Bas et Fiat Finance & Trade au Luxembourg.

2.15.

L’année écoulée marque surtout les dix ans d’application du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil et de la révision du règlement sur le contrôle des concentrations (17). Le rapport indique à cet égard que des progrès seraient les bienvenus quant à l’indépendance des autorités de concurrence et au dispositif leur permettant de poursuivre et sanctionner les pratiques illicites. Il insiste également sur la nécessité de rationaliser davantage le contrôle des concentrations.

2.16.

La Commission indique également que, cette année, une avancée importante dans le domaine de la concurrence fut l’adoption de la directive sur les actions en dommages et intérêts pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence, qui est entrée en vigueur en 2014, considérant que, grâce à cette directive, il sera plus facile pour les citoyens européens et les entreprises d’obtenir une réparation effective du préjudice subi du fait de pratiques anticoncurrentielles, telles que des ententes ou des abus de position dominante sur le marché.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE soutient la politique de développement du numérique ainsi que les initiatives prises pour stimuler l’innovation et la croissance. Il considère que le haut débit doit être accessible sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne, ce qui peut nécessiter le recours à des aides d’État assorties de financements complémentaires de l’Union européenne. Les lignes directrices pour l’application des règles relatives aux aides d’État dans le cadre du déploiement rapide des réseaux de communication à haut débit devraient à cet égard être utiles (18).

3.2.

Par ailleurs, il ne saurait y avoir de marché numérique sans un réseau à haut débit de l’ensemble du territoire. Les objectifs de la Commission sont plus modestes, compte tenu du manque d’appétence des opérateurs privés pour certaines zones, dont notamment les zones rurales qu’il faut soutenir dans leur développement économique.

3.3.

Le CESE appuie la Commission dans sa volonté de sanctionner les violations aux règles de la concurrence: il considère que le montant des sanctions doit être dissuasif et que les sanctions doivent être aggravées en cas de récidive. En outre, la politique de concurrence doit être expliquée, y compris dans les entreprises, afin de prévenir les comportements anticoncurrentiels.

3.4.

Le CESE constate, à l’instar de la Commission, que le nombre d’utilisateurs des dispositifs mobiles intelligents augmente. L’innovation est ici cruciale, mais les «règles du jeu» doivent être établies pour les opérateurs, connues et transparentes. Il considère que l’omniprésence des grands groupes internationaux, comme Google pour ne citer que lui, conduit à des risques d’abus de position dominante et qu’il est important de faire respecter les règles existantes afin de permettre l’entrée de nouveaux opérateurs sur le marché.

3.5.

En outre, il pense que les détenteurs de brevets doivent proposer des accords de licence de brevets à des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires.

3.6.

Le Comité soutient l’adaptation du cadre législatif applicable au droit d’auteur à l’ère du numérique (19): il doit «vivre avec son temps» comme le souligne très justement la Commission.

3.7.

Quant au fonctionnement des marchés de l’énergie, le CESE considère que le développement de l’économie ne peut se faire sans politique énergétique commune. Il salue en conséquence la volonté affichée par la Commission de créer une union européenne de l’énergie.

3.8.

Il estime que cette Union sera profitable aux entreprises et aux consommateurs, qui doivent aussi pouvoir bénéficier de prix raisonnables et d’une sécurité d’approvisionnement.

3.9.

Le Comité soutient la vigilance apportée par la Commission au marché de l’énergie afin que la concurrence soit réelle et les initiatives prises pour lever les entraves à la concurrence sur ces marchés non régulés. Il souhaite que la Commission mette en œuvre tous les moyens pour éviter les dysfonctionnements qui ont des répercussions sur l’économie.

3.10.

Il attache enfin une importance particulière aux mesures qui contribuent aux économies d’énergie, à l’amélioration de l’efficacité énergétique et au développement des énergies renouvelables et des bioénergies.

3.11.

Le CESE souhaite que tout le secteur financier soit plus éthique et transparent et qu’il soutienne la croissance.

3.12.

Il se félicite que le contrôle des aides d’État ait contribué à la cohérence des mesures prises pour remédier aux difficultés financières et à limiter les distorsions de concurrence tout en réduisant au strict minimum le recours à l’argent du contribuable. Il relève que le contrôle des aides d’État a permis de limiter certaines distorsions de concurrence au sein du marché, dans le contexte du renforcement et de la mise en place des mécanismes de surveillance.

3.13.

L’action de la Commission pour alléger les coûts d’utilisation des cartes bancaires ayant conduit à une réduction de 30 à 40 % du coût des opérations dans le marché unique lui paraît devoir être soulignée.

3.14.

L’objectif annoncé de promouvoir la croissance économique est une nécessité absolue, et pourrait être soutenu par la politique sur les aides à l’innovation contenue dans l’«Encadrement des aides d’État à la recherche, au développement et à l’innovation».

3.15.

Dans ses précédents avis, le CESE a salué l’initiative de la Commission pour la modernisation des aides d’État et a considéré que les nouvelles lignes directrices (20) sont plus en adéquation avec les besoins des États membres et les réalités du marché. Il considère que le renforcement de la transparence permettra de mieux comprendre l’allocation des aides d’État. La surveillance de la Commission permettra de s’assurer que l’attribution des aides respecte les règles établies. Enfin, l’évaluation permettra aux États membres de s’assurer du bon usage des aides allouées.

3.16.

La communication de la Commission sur les conditions à réunir pour promouvoir la réalisation des projets européens, conjuguée avec l’annonce de la création du Fonds européen pour les investissements stratégiques, devra contribuer à atteindre cet objectif.

3.17.

Le CESE se félicite par ailleurs que l’on reconnaisse la nécessité d’accorder des aides d’État pour le sauvetage et la restructuration des entreprises en difficulté, mais viables. Il soutient les actions menées pour mettre fin aux ententes illicites qui nuisent au développement, notamment des PME qui sont créatrices d’emploi, et ont un impact sur l’emploi et les prix.

3.18.

Le Comité observe que de grandes entreprises continuent de faire de l’optimisation fiscale grâce à la divergence des systèmes fiscaux. Il se félicite des efforts de la Commission pour remédier aux évasions fiscales résultant de distorsions fiscales, les restreindre ou y mettre fin dans la mesure de ses pouvoirs.

3.19.

Les efforts de la Commission pour assurer une convergence avec et entre les autorités nationales de la concurrence sont particulièrement importants.

3.20.

Le Comité suivra avec attention les suites données au livre blanc Vers un contrôle plus efficace des concentrations dans l’Union européenne, qui entend améliorer les dispositifs existants.

3.21.

Compte tenu de la mondialisation des échanges commerciaux, le CESE soutient le développement de la coopération multilatérale (OCDE, RIC, Cnuced) ainsi que les programmes de coopération et d’assistance technique.

3.22.

Le dialogue entretenu par la DG Concurrence avec le Parlement européen, le CESE et le Comité des régions doit assurer la transparence du débat interinstitutionnel sur la politique mise en œuvre.

3.23.

Cette volonté de dialogue devrait d’autant plus se maintenir que le président Juncker, dans sa lettre de mission remise à Mme Vestager, a mis l’accent sur ce partenariat politique.

3.24.

Contrairement à la Commission, le CESE n’est pas d’avis que la directive 2014/104/UE du Parlement européen et du Conseil (21) et la recommandation relative aux principes communs applicables aux recours collectifs dans le cadre des infractions aux règles de la concurrence soient en mesure d’assurer comme il se doit la défense collective des droits des victimes de ces infractions.

4.   Observations spécifiques

4.1.   L’équilibre délicat à atteindre entre innovation, concurrence et droit de propriété industrielle pour un marché numérique connecté

4.1.1.

Selon la Commission, de meilleures procédures de normalisation et une interopérabilité accrue sont les clés de l’efficacité de sa stratégie numérique. Reste à définir ce qu’elle entend par de «meilleures» procédures de normalisation.

4.1.2.

L’affaire Motorola (22), un des épisodes de la «guerre des brevets pour les smartphones», est utilisée à titre d’exemple pour les orientations qui devraient être suivies par les entreprises du secteur. Dans cette affaire, la Commission avait décidé que Motorola, titulaire de brevets essentiels (BEN) à la norme GPRS, avait abusé de sa position dominante, en cherchant à obtenir et à faire exécuter une action en cessation à l’encontre d’Apple devant un tribunal allemand. Ces BEN étaient dits «essentiels» car ils étaient nécessaires à la mise en œuvre de la norme GSM. Les entreprises titulaires d’un BEN se retrouvent potentiellement dotées d’un pouvoir de marché considérable, aussi les organismes de normalisation exigent-ils souvent de leur part qu’elles s’engagent à octroyer des licences sur leurs brevets essentiels à des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires (fair, reasonable and non- discriminatory, ou FRAND), afin de garantir à tous les acteurs du marché l’accès à ladite norme.

4.1.3.

En l’espèce, faute d’accès audit brevet essentiel dont Motorola était titulaire, il n’était pas possible à son concurrent, en l’occurrence Apple, de fabriquer et commercialiser une certaine catégorie de smartphones.

4.1.4.

Introduire une action en cessation devant une juridiction nationale est légitime pour un titulaire de brevet en cas de violation de ce dernier, mais cela peut s’avérer abusif lorsque le titulaire du BEN détient une position dominante sur le marché, qu’il s’est engagé à y accorder l’accès à des conditions FRAND et que l’entreprise concurrente visée par l’action en cessation est disposée à acquérir une licence à des conditions FRAND. Malgré cela, la Commission n’a pas infligé d’amende à Motorola, faute de jurisprudence des juridictions de l’Union européenne sur la légalité, en vertu de l’article 102 TFUE, des actions en cessation visant des BEN et du fait de la divergence des jurisprudences nationales, mais elle a ordonné à Motorola de cesser son comportement abusif.

4.1.5.

Dans une affaire similaire, la Commission a accepté les engagements proposés par Samsung de ne pas intenter d’action en cessation dans l’EEE, sur la base de BEN portant sur des téléphones multifonctions et des tablettes, à l’encontre d’entreprises adhérant à un cadre spécifique pour la concession de licences.

4.1.6.

Ces affaires illustrent que l’équilibre entre concurrence, droit des brevets et innovation, avec in fine l’objectif de permettre au consommateur d’acquérir des produits technologiques à un prix raisonnable, tout en bénéficiant d’un choix aussi large que possible entre des produits interopérables, est très délicat à atteindre.

4.1.7.

Le CESE soutient les efforts déployés en ce sens par la Commission et l’incite à ne pas perdre de vue que l’application des règles de concurrence ne vise pas l’objectif d’une concurrence en soi, mais bien une concurrence bénéficiant in fine au consommateur.

4.1.8.

Le CESE soutient l’idée de compléter les investissements privés par des investissements publics afin d’éviter une fracture numérique au sein de l’Union européenne, pour autant que les aides d’État n’entravent pas les investissements privés. Signe peut-être de l’intérêt de la Commission pour le sujet, les «Lignes directrices de l’Union européenne pour l’application des règles relatives aux aides d’État dans le cadre du déploiement rapide des réseaux de communication à haut débit» (23) ont été le premier texte adopté de manière définitive dans le cadre de la modernisation des aides d’État.

4.1.9.

Le CESE considère pourtant que l’intention de la Commission d’atteindre d’ici 2020 une couverture complète par le haut débit rapide (30 Mbps) pour les services et l’adoption de services à haut débit ultrarapide (100 Mbps) pour 50 % des Européens n’est pas assez ambitieuse.

4.2.   Les marchés de l’énergie

4.2.1.

Assurer l’indépendance énergétique de l’Europe et favoriser la création d’un marché intégré de l’énergie est primordial pour l’accès à l’énergie, la suppression des îlots énergétiques et la sécurité de l’approvisionnement. Une réelle volonté politique doit animer l’Union européenne pour atteindre cet objectif et aussi inciter la diversification des énergies utilisées en favorisant les énergies renouvelables. L’union européenne de l’énergie voulue par le président Juncker (24) jouera certainement ce rôle d’incitation politique.

4.2.2.

Selon le CESE, le troisième «paquet énergie» doit être rapidement mis en œuvre, et ce, d’autant plus que les règles applicables au commerce transfrontière de l’énergie sont toujours fragmentées.

4.2.3.

Le CESE souligne la nécessité de mettre en œuvre sans plus attendre les réformes structurelles nécessaires à la suppression des obstacles à l’investissement dans les infrastructures, notamment celles revêtant une dimension transfrontière.

4.2.4.

Le CESE ne doute pas que la promotion des règles de concurrence contribue à ouvrir les marchés nationaux de l’énergie, comme le démontrent les affaires «Bourses d’électricité» et «OPCOM/Bourse d’électricité roumaine» citées dans le rapport de la Commission (25), à l’occasion desquelles la Commission avait, d’une part, infligé une amende au titre de l’article 101 TFUE à deux bourses qui avaient convenu de ne pas se livrer concurrence et s’étaient réparti des territoires et, d’autre part, infligé une amende à OPCOM, la bourse d’électricité roumaine, au titre de l’article 102 TFUE, pour discrimination à l’encontre de négociants en électricité d’autres États membres.

4.2.5.

Pourtant, il s’interroge sur l’affirmation selon laquelle si les prix de gros de l’électricité ont diminué grâce à l’intensification de la concurrence, il n’en a pas souvent résulté une baisse du niveau général des prix aux consommateurs finaux (26).

4.2.6.

Le CESE soutient à cet égard les enquêtes menées par la Commission au titre de l’article 102 TFUE sur l’exploitation abusive par Gazprom de sa position dominante dans le secteur de la fourniture de gaz naturel en Europe centrale et orientale (27).

4.3.   Les services financiers et bancaires

4.3.1.

L’année 2014 a vu la poursuite de la révision en profondeur de la réglementation et de la surveillance bancaires. Les règles proposées visent notamment à accroître la transparence des marchés financiers.

4.3.2.

La Commission a aussi veillé à ce que les établissements financiers soutenus par des aides d’État se restructurent ou quittent le marché, et a accordé une attention particulière aux risques de distorsions de concurrence entre lesdits établissements financiers (28).

4.3.3.

Le CESE a suivi avec intérêt les enquêtes menées par la Commission sur les pratiques commerciales anticoncurrentielles et se réjouit des décisions adoptées par la Commission et les autorités nationales de concurrence sanctionnant les «commissions d’interchange».

4.3.4.

L’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne dans l’affaire Mastercard (29), confirmant l’analyse de la Commission, a été salué par le CESE. En effet, les commissions interbancaires acquittées par les consommateurs lors de leurs paiements par carte bancaire étaient de plus en plus élevées, nombreuses et opaques.

4.3.5.

En outre, ces pratiques commerciales entravaient l’entrée sur le marché des paiements d’opérateurs économiques autres que bancaires et susceptibles d’offrir aux consommateurs d’autres moyens de paiement électroniques, mobiles et sûrs, via leurs smartphones par exemple.

4.3.6.

La particularité de l’affaire Mastercard tenait aussi au fait que le mécanisme de fixation des commissions multilatérales d’interchange était une restriction par effet, et non par objet.

4.3.7.

Le CESE se réjouit que la Cour, tout comme le Tribunal, ait constaté que les commissions multilatérales d’interchange ne présentaient pas un caractère objectivement nécessaire au fonctionnement du système Mastercard.

4.4.   Soutenir davantage les PME

4.4.1.

Le CESE se réjouit de l’attention portée aux PME, qui jouent un rôle primordial dans la croissance et ont un rôle important dans la réalisation des objectifs d’Europe 2020. Il approuve les décisions de la Commission visant à soutenir le financement de leur activité et adapter les règles à leurs besoins spécifiques.

4.4.2.

Le CESE se félicite que ces politiques se soient ouvertes aux professions intellectuelles et reconnaît le rôle déterminant joué par les professions libérales européennes dans la croissance, dans la mesure où elles assurent dans les différents secteurs l’indispensable apport de connaissances nécessaire à la résolution de problèmes complexes touchant les citoyens et les entreprises; le CESE recommande également à la Commission de poursuivre et si possible d’intensifier les efforts en ce sens.

4.4.3.

Par exemple, les «Lignes directrices relatives aux aides d'État visant à promouvoir les investissements en faveur du financement des risques» (30) pourraient permettre aux États membres de faciliter l’accès au financement aux PME dans leur phase de lancement. En outre, elles semblent avoir été pensées pour être davantage en adéquation avec les réalités du marché.

4.4.4.

Il soutient par ailleurs les actions de la Commission contre les abus de position dominante qui peuvent empêcher la création et le développement des PME et affecter leur activité.

4.4.5.

La «communication de minimis» de 2014 (31) prévoit en effet une zone de sécurité pour ces accords sans effet sensible sur la concurrence, car mise en œuvre par des entreprises qui ne dépassent pas certains seuils de parts de marché. La Commission a en outre publié un document d’orientation à destination des PME. Le CESE considère néanmoins que des actions d’information sur le terrain seraient les bienvenues.

4.5.   Renforcer les moyens dont disposent les ANC et la coopération internationale

4.5.1.

Le CESE apprécie la qualité de la coopération mise en place entre la Commission et les ANC. Il considère qu’elle permet d’assurer l’interaction indispensable au bon fonctionnement du marché.

4.5.2.

Il soutient toutes les mesures nécessaires à la coopération des ANC, ce qui nécessite qu’elles disposent de ressources et qu’elles soient indépendantes.

4.5.3.

Le CESE approuve les initiatives de la Commission pour créer un véritable espace européen de concurrence, ce qui suppose que les règles de base des droits nationaux soient harmonisées, car cela sécurise l’activité économique au sein du marché unique.

4.5.4.

Il considère aussi que les États membres doivent disposer d’un arsenal juridique complet permettant de mener les inspections nécessaires et d’imposer des amendes effectives et proportionnées.

4.5.5.

Les programmes de clémence qui ont fait leur preuve dans la lutte contre les ententes doivent également être généralisés à tous les États membres.

4.5.6.

La coopération multilatérale avec l’OCDE, le Réseau international de la concurrence et la Cnuced doit rester active, et la Commission doit s’efforcer d’y jouer un rôle de premier plan.

4.5.7.

Enfin, le CESE souligne que l’assistance technique doit accompagner davantage les discussions d’adhésion avec les pays candidats.

Bruxelles, le 9 décembre 2015.

Le Président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Affaire M.7217 Facebook/WhatsApp, décision de la Commission du 3 octobre 2014.

(2)  Règlement (CE) no 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises («le règlement CE sur les concentrations») (JO L 24 du 29.1.2004, p. 1).

(3)  Affaire AT.39985 Motorola — Respect de brevets essentiels pour la norme GPRS, décision de la Commission du 29 avril 2014. Affaire AT.39939 Samsung — Respect des brevets essentiels pour la norme UMTS, décision de la Commission du 29 avril 2014.

(4)  Affaire AT.40023 Accès transfrontière au contenu télévisuel payant, 13 janvier 2014.

(5)  Règlement (UE) no 316/2014 de la Commission du 21 mars 2014 relatif à l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d'accords de transfert de technologie (JO L 93 du 28.3.2014, p. 17), «Lignes directrices concernant l’application de l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à des catégories d'accords de transfert de technologie» (JO C 89 du 28.3.2014, p. 3).

(6)  Affaire SA.34947 Royaume-Uni — Soutien à la centrale nucléaire de Hinkley Point C, 8 octobre 2014.

(7)  Affaire AT.39952 Bourses d’électricité, décision de la Commission du 5 mars 2014.

(8)  Affaire AT.39984 OPCOM/Bourse roumaine de l’électricité, décision de la Commission du 5 mars 2014.

(9)  Affaire AT.39767 BEH électricité.

(10)  Affaire AT.39816 Approvisionnement en gaz en amont en Europe centrale et orientale, 4 septembre 2012.

(11)  Affaire SA.36061 UK Business Bank, décision de la Commission du 15 octobre 2014. Affaire SA.37824 Établissement financier de développement au Portugal, décision de la Commission du 28 octobre 2014.

(12)  Affaire AT.39924 Produits dérivés de taux d’intérêt libellés en francs suisses, décision du 21 octobre 2014, http://europa.eu/rapid/press-release_IP-14-1190_fr.htm.

(13)  Aucune amende n’a été infligée à RBS, qui a bénéficié d’une immunité au titre de la communication sur la clémence de 2006 pour avoir révélé l’existence de l’entente à la Commission, échappant ainsi à une amende d’environ 5 millions d’EUR pour sa participation à l’infraction. UBS et JP Morgan ont vu leurs amendes réduites pour avoir coopéré à l’enquête dans le cadre du programme de clémence de la Commission. Les quatre banques ayant choisi de régler le litige par voie de transaction avec la Commission ont bénéficié d’une réduction de 10 % supplémentaires de leur amende.

(14)  Communication de la Commission — «Lignes directrices relatives aux aides d’État visant à promouvoir les investissements en faveur du financement des risques» (JO C 19 du 22.1.2014, p. 4).

(15)  Communication de la Commission — «Encadrement des aides d’État à la recherche, au développement et à l’innovation» (JO C 198 du 27.6.2014, p. 1).

(16)  Communication de la Commission — «Communication concernant les accords d’importance mineure qui ne restreignent pas sensiblement le jeu de la concurrence au sens de l’article 101, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (communication de minimis)» (JO C 291 du 30.8.2014, p. 1).

(17)  Règlement (CE) no 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (JO L 1 du 4.1.2003, p. 1), règlement (CE) no 139/2004 (voir la note 2 de bas de page).

(18)  Communication de la Commission — «Lignes directrices de l’UE pour l’application des règles relatives aux aides d’État dans le cadre du déploiement rapide des réseaux de communication à haut débit» (JO C 25 du 26.1.2013, p. 1).

(19)  JO C 230 du 14.7.2015, p. 72; JO C 44 du 15.2.2013, p. 104.

(20)  Communication de la Commission — «Lignes directrices relatives aux aides d’État visant à promouvoir les investissements en faveur du financement des risques» (JO C 19 du 22.1.2014, p. 4).

(21)  Directive 2014/104/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 novembre 2014 relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l’Union européenne (JO L 349 du 5.12.2014, p. 1).

(22)  Voir la note 3 de bas de page.

(23)  JO C 25 du 26.1.2013, p. 1.

(24)  Jean-Claude Juncker, «Un nouvel élan pour l’Europe: Mon programme pour l’emploi, la croissance, l’équité et le changement démocratique», orientations politiques pour la prochaine Commission européenne, discours d’ouverture de la session plénière du Parlement européen, 15 juillet 2014.

(25)  Affaire AT.39952 Bourses d’électricité, décision de la Commission du 5 mars 2014 et affaire AT.39984 OPCOM/Bourse d’électricité roumaine, décision de la Commission du 5 mars 2014.

(26)  Communication de la Commission — «Prix et coûts de l’énergie en Europe» du 29 janvier 2014.

(27)  Affaire AT.39816 Approvisionnement en gaz en amont en Europe centrale et orientale.

(28)  Affaire SA.38994 Régime de soutien à la liquidité des banques bulgares, décision de la Commission du 29 juin 2014.

(29)  Arrêt de la Cour du 11 septembre 2014 dans l’affaire C-382/12 P, MasterCard e.a./Commission.

(30)  Communication de la Commission — «Lignes directrices relatives aux aides d’État visant à promouvoir les investissements en faveur du financement des risques» (JO C 19 du 22.1.2014, p. 4).

(31)  Communication de la Commission — «Communication concernant les accords d’importance mineure qui ne restreignent pas sensiblement le jeu de la concurrence au sens de l’article 101, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (communication de minimis)» (JO C 291 du 30.8.2014, p. 1).


24.2.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 71/42


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — Un système d’imposition des sociétés juste et efficace au sein de l’Union européenne: cinq domaines d’action prioritaires»

[COM(2015) 302 final]

(2016/C 071/07)

Rapporteur:

M. Petru Sorin DANDEA

Corapporteur:

M. Paulo BARROS VALE

Le 6 juillet 2015, la Commission européenne a décidé, conformément à l’article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen (CESE) sur la:

«Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — Un système d’imposition des sociétés juste et efficace au sein de l’Union européenne: cinq domaines d’action prioritaires»

[COM(2015) 302 final].

La section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale», chargée de préparer les travaux du CESE en la matière, a adopté son avis le 26 novembre 2015.

Lors de sa 512e session plénière, des 9 et 10 décembre 2015 (séance du 9 décembre 2015), le CESE a adopté le présent avis par 169 voix pour, 15 voix contre et 8 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

La lutte contre la planification fiscale agressive a été, au cours de ces dernières années, l’une des préoccupations majeures des États membres, mais aussi de la Commission européenne. Le plan d’action pour la mise en œuvre d’un système d’imposition des sociétés juste et efficace qui a été présenté par la Commission pose un jalon important dans l’effort entrepris pour faire régresser ce phénomène dommageable. Le CESE se félicite de la présentation de ce plan et exprime son soutien à la Commission dans sa lutte contre cette pratique qui contribue à éroder les assiettes fiscales des États membres et encourage une concurrence déloyale.

1.2.

Comme il l’a déjà déclaré par le passé (1), le CESE est favorable à l’introduction d’une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS) qui soit obligatoire pour les entreprises exerçant une activité transnationale. Si une telle mesure était facultative, son efficacité serait mise à mal, car les sociétés qui pratiquent le transfert de bénéfices pour payer moins de taxes refuseraient de l’adopter.

1.3.

Le CESE préconise que les États membres et la Commission envisagent pour l’avenir d’étendre l’ACCIS à toutes les entreprises, afin d’éviter la coexistence de deux régimes fiscaux différents. Avant d’étendre le système de l’ACCIS à l’ensemble des entreprises, il y a lieu de réaliser une analyse d’impact approfondie, notamment en ce qui concerne son incidence sur les microentreprises et les petites entreprises qui sont actives au niveau local.

1.4.

Le CESE recommande à la Commission de veiller, lors de l’élaboration du projet de directive, à la clarté des définitions et des concepts qui devront régir l’assiette commune. En effet, disposer de ces définitions claires sera une condition sine qua non pour garantir la qualité du processus de transposition et éviter que ne se développent entre les États membres des différences importantes, susceptibles de réduire significativement l’efficacité du texte réglementaire.

1.5.

Le CESE estime que le mécanisme de compensation transfrontière des pertes, dont la Commission souhaite la mise en place jusqu’à l’adoption du régime de consolidation, ne doit pas porter atteinte au droit des États membres d’imposer des bénéfices résultant d’une activité exercée sur leur territoire.

1.6.

Le CESE se félicite que la Commission ait publié, en annexe à la communication à l’examen, une liste des juridictions non coopératives en matière fiscale. Il rappelle en outre la proposition qu’il a formulée dans des avis précédents, à savoir que la réglementation de l’Union européenne devrait prévoir des sanctions pour les entreprises qui continueront de gérer leurs affaires à partir de paradis fiscaux, évitant ainsi de payer les taxes en vigueur au titre des régimes fiscaux des États membres dans lesquels elles exercent leurs activités.

1.7.

Le CESE recommande qu’après l’adoption de la directive ACCIS et l’introduction du mécanisme de consolidation, la Commission procède à une analyse d’impact des nouvelles réglementations. Si celle-ci révèle que le transfert de bénéfices vers des États membres pratiquant des taux d’imposition plus bas n’a pas diminué, il propose que des mesures complémentaires ciblées soient adoptées.

1.8.

Dans le cadre de la procédure de révision du mandat de la plate-forme pour la bonne gouvernance fiscale, le CESE incite la Commission a également envisager d’ajouter à sa composition des représentants des partenaires sociaux européens, lesquels peuvent apporter une contribution importante à ses travaux.

2.   La proposition de la Commission

2.1.

Le 17 juin 2015, la Commission européenne a publié une communication (2) présentant un plan d’action pour la mise en œuvre d’un système d’imposition des sociétés juste et efficace au sein de l’Union européenne. Il fait suite au train de mesures sur la transparence fiscale présenté par la Commission européenne au mois de mars, qui contenait également un projet de directive sur l’échange automatique et obligatoire d’informations concernant les décisions fiscales anticipées.

2.2.

Le plan s’articule autour de quatre objectifs, qui visent à promouvoir une nouvelle approche de la fiscalité des entreprises dans l’Union européenne, à savoir: rétablir le lien entre l’imposition et le lieu où s’exerce l’activité économique, veiller à ce que les États membres puissent évaluer correctement les activités des entreprises, créer un environnement fiscal compétitif et propice à la croissance pour les entreprises au sein de l’Union et, enfin, protéger le marché unique et garantir l’adoption par l’Union d’une approche énergique à l’égard des questions externes liées à la fiscalité des entreprises, y compris par des dispositions visant à mettre en œuvre le projet de lutte contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

2.3.

Le plan d’action présente une série de mesures destinées à faciliter la réalisation des objectifs, qui consistent à mettre en place une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS), à garantir l’imposition effective à l’endroit où les bénéfices sont réalisés, à arrêter des mesures supplémentaires pour améliorer l’environnement fiscal des entreprises, à réaliser de nouveaux progrès en matière de transparence fiscale et à mieux tirer parti des instruments européens de coordination en matière fiscale.

2.4.

La Commission souhaite également aborder la question des allègements fiscaux accordés par les États membres pour les brevets. Elle entend veiller à ce qu’ils ne créent pas de distorsions sur le marché intérieur et fournira auxdits États membres des orientations concernant la nouvelle approche. Dans la mesure où elle constatera qu’ils ne l’appliquent pas systématiquement, elle établira des mesures législatives contraignantes.

2.5.

La Commission poursuit sa collaboration avec les autres partenaires internationaux et insiste sur l’importance que revêt la mise en œuvre du plan d’action BEPS de l’OCDE, lequel devrait mettre en place des conditions de concurrence équitables pour la fiscalité des entreprises multinationales, y compris dans les pays en développement.

3.   Observations générales

3.1.

Le plan de la Commission a pour ambition de combattre le phénomène nuisible du transfert de bénéfices, lequel est favorisé par les entreprises exerçant des activités transnationales qui transfèrent leurs profits dans des pays ou entités territoriales à taux d’imposition très faibles ou inexistants et qui, ce faisant, contribuent à l’érosion de l’assiette fiscale des États membres et poussent ces derniers à augmenter d’autres taxes ou impôts, dans un mouvement qui se traduit par une hausse de la charge fiscale pour les bons contribuables, qu’il s’agisse de personnes physiques ou de petites et moyennes entreprises. Le CESE se félicite de la présentation du plan d’action et exprime son soutien à la Commission dans sa lutte contre ledit phénomène.

3.2.

La principale proposition formulée par la Commission dans le plan à l’examen est d’instaurer une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS) qui soit obligatoire. La proposition de directive qu’elle avait présentée en 2011 proposait que l’ACCIS soit facultative. À l’époque, le CESE avait publié un avis contenant une série de propositions de fond sur l’ACCIS (3), qu’il défend toujours aujourd’hui.

3.3.

La Commission considère qu’il est nécessaire de rendre l’ACCIS contraignante dans la mesure où les entreprises transnationales pratiquant une planification fiscale agressive ne l’adopteront pas si elle reste facultative. Le CESE exprime son accord avec la proposition de donner un caractère obligatoire à l’ACCIS et recommande à la Commission d’étudier la possibilité qu’à l’avenir elle s’applique à toutes les entreprises afin d’éviter que les États membres utilisent deux assiettes fiscales différentes.

3.4.

Compte tenu des consultations avec les États membres, la Commission propose d’envisager dans un premier temps de créer la base commune et de n’en prévoir la consolidation que dans une phase ultérieure. Étant donné que la planification fiscale agressive compromet gravement la concurrence dans l’ensemble du marché unique et se traduit par des pertes de recettes considérables pour les États membres, le CESE recommande d’accélérer le calendrier de mise en œuvre.

3.5.

La proposition de directive devrait être présentée l’année prochaine. Le CESE recommande à la Commission de veiller, lors de l’élaboration du projet de directive, à la clarté des définitions et des concepts qui devront régir l’assiette commune. En effet, disposer de ces définitions claires sera une condition sine qua non pour garantir la qualité du processus de transposition et éviter que ne se développent entre les États membres des différences importantes, susceptibles de réduire significativement l’efficacité du texte réglementaire.

3.6.

La Commission propose que, jusqu’à la phase ultérieure de la consolidation, le projet de directive comporte un mécanisme de compensation transfrontière des pertes. Puisque la consolidation représente le principal avantage économique de l’ACCIS, il aurait été préférable de l’introduire d’entrée de jeu. Toutefois, compte tenu des difficultés à dégager un accord politique sur cette question, le CESE se rallie au mécanisme proposé. Eu égard aux demandes formulées par le Parlement européen mais aussi par les États membres en faveur de la possibilité d’imposer les bénéfices à l’endroit où ils sont générés, le CESE considère que ce mécanisme de compensation ne doit pas porter indûment atteinte au droit d’un desdits États membres d’imposer les bénéfices résultant d’une activité exercée sur son territoire.

3.7.

Des analyses réalisées par la Commission, il ressort qu’il existe des situations dans lesquelles des entreprises exerçant des activités transnationales transfèrent leurs bénéfices vers des États membres qui appliquent un taux d’imposition moins élevé. Ce phénomène est favorisé par les dispositions de la législation sur les entreprises qui est en vigueur (4). Si cette pratique des entreprises se maintient encore dans l’ensemble du marché unique après l’introduction de la consolidation, il y aura lieu, de l’avis du CESE, d’adopter des dispositions juridiques appropriées.

4.   Observations spécifiques

4.1.

La planification fiscale agressive développée par les entreprises qui exercent des activités transnationales provoque des pertes budgétaires de l’ordre de centaines de milliards d’euros pour les États membres. Le CESE se déclare favorable à la mise en place de l’ACCIS et considère qu’elle devrait devenir une norme générale en matière d’imposition des bénéfices dans l’Union européenne. Elle donnerait la possibilité de simplifier le régime fiscal des sociétés et d’éviter une situation dans laquelle les États membres devraient appliquer, d’une part, l’ACCIS pour les entreprises exerçant une activité transnationale et, d’autre part, un régime différent pour les autres.

4.2.

Le CESE recommande qu’après l’adoption de la directive ACCIS et l’introduction du mécanisme de consolidation, la Commission procède à une analyse d’impact des nouvelles réglementations. Si celle-ci révèle que le transfert de bénéfices vers des États membres pratiquant des taux d’imposition plus bas n’a pas diminué, le CESE propose que de nouvelles mesures juridiques appropriées soient adoptées pour dissuader les entreprises exerçant une activité transnationale de continuer à transférer leurs bénéfices vers les États membres pratiquant des taux d’imposition plus bas.

4.3.

La Commission propose de mieux réglementer la notion d’«établissement stable» d’une entreprise. Le CESE est d’avis que l’imposition des bénéfices résultant de l’activité exercée sur le territoire de l’État membre constitue le seul moyen d’ôter aux entreprises toute possibilité de parvenir, dans certaines circonstances, à éviter artificiellement d’y avoir une présence fiscale. L’adoption du projet BEPS de l’OCDE pourrait réduire considérablement les situations dans lesquelles les entreprises arriveraient à éviter de payer l’impôt sur le revenu des sociétés en invoquant les dispositions de la législation européenne en vigueur.

4.4.

La consolidation est l’opération par laquelle les bénéfices et les pertes d’une entreprise peuvent être cumulés pour l’ensemble du territoire de l’Union européenne. Le CESE reconnaît qu’une fois adoptée, elle constituera le principal atout de l’ACCIS dans la lutte contre les techniques complexes des prix de transfert auxquelles recourent, pour payer moins d’impôts, les entreprises réalisant des opérations transnationales sur le territoire de l’Union. Il recommande toutefois à la Commission de prendre en considération la nécessité de sauvegarder le droit que possède chaque État membre d’imposer les profits résultant d’activités exercées par des entreprises sur son propre territoire.

4.5.

La communication de la Commission reprend en annexe une liste des États et territoires non coopératifs en matière fiscale. Le CESE estime qu’il ne s’agit là que d’une première étape dans la lutte contre les juridictions fiscales non coopératives, connues également sous l’appellation générique de «paradis fiscaux». Il rappelle en outre la proposition qu’il a formulée dans des avis précédents (5), à savoir que la réglementation de l’Union européenne devrait prévoir des sanctions pour les entreprises qui continueront de gérer leurs affaires à partir de paradis fiscaux, évitant ainsi de payer les taxes en vigueur au titre des régimes fiscaux des États membres dans lesquels elles exercent leurs activités.

4.6.

La Commission reconnaît le rôle important joué par les groupes qui ont veillé à la coopération avec les États membres dans le domaine fiscal, les deux principaux étant le groupe «Code de conduite (fiscalité des entreprises)» et la plate-forme pour la bonne gouvernance fiscale. Le CESE recommande à la Commission et aux États membres d’étudier la possibilité que les dispositions du code soient reprises dans la législation européenne et deviennent ainsi obligatoires.

4.7.

Dans le cadre de la procédure de révision du mandat de la plate-forme pour la bonne gouvernance fiscale, il incite la Commission non seulement à le proroger au-delà de 2016, mais aussi à envisager d’ajouter à sa composition des représentants des partenaires sociaux européens, lesquels peuvent apporter une contribution importante à ses travaux.

4.8.

Le CESE préconise que la Commission et les États membres poursuivent leur effort de simplification et d’harmonisation du cadre légal existant, au niveau tant européen que national. Cette démarche peut avoir pour effet d’encourager l’investissement au niveau européen, en instaurant les conditions nécessaires à une croissance durable et à la création d’emplois supplémentaires.

Bruxelles, le 9 décembre 2015.

Le Président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Avis du CESE sur la «Coordination des systèmes de fiscalité directe» (JO C 10 du 15.1.2008, p. 113); avis du CESE sur la création d’une assiette consolidée commune pour l’impôt sur les sociétés dans l’Union européenne (JO C 88 du 11.4.2006, p. 48).

(2)  Un système d’imposition des sociétés juste et efficace au sein de l’Union européenne: cinq domaines d’action prioritaires [COM(2015) 302 final].

(3)  Assiette consolidée commune pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS) (JO C 24 du 28.1.2012, p. 63).

(4)  La directive sur les sociétés-mères et les filiales (directive 2011/96/UE du Conseil) et celle relative aux intérêts et aux redevances (directive 2003/49/CE du Conseil).

(5)  Avis du CESE «Plan d’action pour renforcer la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales» (JO C 198 du 10.7.2013, p. 34); avis d’initiative «La méthode communautaire pour une UEM démocratique et sociale» (JO C 13 du 15.1.2016, p. 33).


24.2.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 71/46


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Un agenda européen en matière de migration»

[COM(2015) 240 final]

(2016/C 071/08)

Rapporteur:

M. Stefano MALLIA

Corapporteur:

M. Cristian PÎRVULESCU

Le 10 juin 2015, la Commission européenne a décidé, conformément à l’article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur le thème:

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Un agenda européen en matière de migration»

[COM(2015) 240 final].

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 19 novembre 2015.

Lors de sa 512e session plénière des 9 et 10 décembre 2015 (séance du 10 décembre 2015), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 161 voix pour, 10 voix contre et 7 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite de la communication de la Commission intitulée «Un agenda européen en matière de migration», qui, selon lui, témoigne d’une prise de conscience nouvelle de la nécessité d’aborder les questions de la migration au niveau européen, et il encourage les États membres à soutenir collectivement la mise en œuvre de cet agenda.

1.2.

Le premier défi à relever pour l’Union consiste à mettre sous contrôle la situation chaotique actuelle et veiller à ce que les personnes demandant une protection internationale soient traitées comme il se doit. Le CESE est favorable à la mise en place immédiate de points d’accès (hotspots) pour aider les pays confrontés à un fort afflux de migrants et insiste pour que leur soient apportés les ressources et le soutien nécessaires.

1.3.

Le CESE estime que la situation actuelle exige que l’Union européenne mette en place un véritable régime d’asile européen commun en s’appuyant sur des procédures harmonisées dans l’ensemble de l’Union européenne. Ce régime devra notamment prévoir un statut uniforme d’asile et la reconnaissance mutuelle des décisions en matière d’asile, une responsabilité et des efforts partagés en ce qui concerne la relocalisation et la réinstallation, et une révision du règlement de Dublin. Il est nécessaire de disposer de systèmes solidaires et fiables en ce qui concerne la répartition de la charge, et surtout d’une clé de répartition permanente qui soit équitable et contraignante, afin de répartir les personnes en quête de protection entre tous les pays de l’Union européenne. En outre, il convient de rechercher des solutions à long terme pour le cas où les arrivées massives de personnes se poursuivraient ou s’il s’en produisait de nouvelles à l’avenir.

1.4.

La population européenne vieillit et doit faire face à une pénurie de main d’œuvre qualifiée, problèmes auxquels il peut être remédié grâce à la migration. Toutefois, l’Union européenne doit mettre en place une politique plus efficace en matière d’immigration. L’Union européenne devrait élaborer une politique globale en matière de migration légale visant à accueillir les nouveaux venus dans un cadre transparent, prévisible et juste. Dans le même temps, force est de reconnaître que l’immigration n’est pas la seule réponse aux pénuries de main-d’œuvre sur le marché du travail et aux défis démographiques, et que les États membres peuvent envisager d’autres solutions plus appropriées.

1.5.

L’intégration des migrants et des réfugiés est un enjeu très important auquel l’Union européenne et ses États membres doivent faire face en construisant de solides systèmes d’intégration. Le CESE estime que le coût de la non-intégration dépasse largement le coût de l’intégration. Le CESE, fort de son engagement de longue date à l’égard du Forum européen sur l’intégration/la migration, estime que l’intégration doit être un processus bilatéral auquel les partenaires sociaux, les autorités locales et la société civile apportent tous une contribution essentielle. Il convient d’accorder la priorité à l’accès au marché du travail et, plus spécifiquement, à la reconnaissance des qualifications et des formations professionnelles et linguistiques. Une attention particulière doit être portée à l’intégration des femmes.

1.6.

L’Union européenne doit assurer la sécurité de ses frontières extérieures. Compte tenu de la complexité de la situation actuelle en matière de sécurité, une approche européenne plutôt que nationale s’impose, ce qui pourrait entraîner le partage de certaines compétences nationales dans ce domaine.

1.7.

Toutes les politiques extérieures de l’Union européenne doivent être rationalisées et se concentrer sur la manière d’aider les pays d’origine à atteindre un niveau raisonnable de sécurité humaine, de stabilité et de prospérité. Le CESE est bien conscient qu’il s’agit là d’un objectif à long terme qui comporte des difficultés énormes.

1.8.

Il est nécessaire de renforcer la coopération en matière de réadmission, afin d’assurer une mise en œuvre efficace et en temps utile de la directive sur le retour.

1.9.

La société civile joue un rôle essentiel dans le traitement de la crise migratoire, par exemple en fournissant les premières réponses dont les migrants ont besoin à leur arrivée et en organisant les activités subséquentes visant à les intégrer dans la société et dans le marché du travail. Il est essentiel que les gouvernements, les autorités locales et les organisations de la société civile œuvrent à l’émergence d’un consensus culturel et social entre nations européennes quant à l’importance et aux avantages qu’il y a à investir dans l’intégration des immigrés dans la société et dans le marché du travail.

1.10.

Le CESE exhorte donc l’Union européenne et ses États membres à accroître l’aide financière et matérielle aux ONG et aux organisations de la société civile actives au niveau national.

1.11.

Les moyens financiers nécessaires doivent être réunis grâce à l’effort conjoint de l’ensemble de la communauté internationale. À cet égard, il convient de bien spécifier que les dépenses des États membres liées à l’accueil et à l’intégration des demandeurs d’asile et des réfugiés ne constituent pas des dépenses durables ou structurelles et ne doivent donc pas être incluses dans le calcul des déficits budgétaires structurels. La mobilisation des ressources nécessaires ne doit pas se faire au détriment des crédits disponibles pour la réalisation des objectifs sociaux au sein de l’Union européenne. Cela risquerait de compromettre l’acceptation de ces mesures par une partie de la population.

2.   La communication de la Commission et les développements les plus récents

2.1.

La Commission a publié sa communication sur «Un agenda européen en matière de migration» le 13 mai 2015. Ce document et les propositions de mise en œuvre auxquelles il a donné lieu ont ensuite été examinés par diverses formations du Conseil entre juin et octobre. Le CESE accueille favorablement la communication de la Commission: elle est complète tout en mettant l’accent sur l’essentiel.

2.2.

La mise en œuvre des initiatives proposées dans l’agenda est en cours et la plupart des États membres se rendent compte progressivement que seule l’action collective, fondée sur les principes de solidarité et de responsabilité partagée, peut permettre de gérer efficacement le défi posé par les migrations. Une action efficace requiert la mobilisation de ressources accrues du budget de l’Union, ainsi que l’augmentation des contributions des États membres. À cet égard, il convient de bien spécifier que les dépenses des États membres liées à l’accueil et à l’intégration des demandeurs d’asile et des réfugiés ne constituent pas des dépenses durables ou structurelles et ne doivent donc pas être incluses dans le calcul des déficits budgétaires structurels.

2.3.

En matière de financement, l’Union européenne a triplé les ressources et les moyens d’action des opérations conjointes Poséidon et Triton de l’agence Frontex. Parallèlement à cette augmentation de la contribution financière de l’Union européenne, plusieurs États membres s’emploient à déployer des moyens (navires, avions). La Commission a également alloué 1,8 milliard d’euros du budget de l’Union européenne à la mise en place d’un fonds d’affectation spéciale d’urgence pour la stabilité et la lutte contre les causes profondes de la migration irrégulière en Afrique; elle a mobilisé 60 millions d’euros d’aide financière d’urgence pour les États membres situés en première ligne, proposé un programme de réinstallation doté d’une enveloppe de 50 millions d’euros, et dégagé 30 millions d’euros pour un programme régional de développement et de protection.

2.4.

Les dirigeants de l’Union européenne se sont engagés à fournir davantage de ressources à Frontex, à Europol et au Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO) dans le but de renforcer les frontières extérieures de l’Union européenne, en mettant l’accent en particulier sur les points d’accès (hotspots) afin d’assurer l’identification, l’enregistrement et la prise d’empreintes digitales des migrants. Toutefois, l’aide financière de l’Union européenne est nécessaire pour que ces hotspots fonctionnent efficacement et atteignent leurs objectifs.

2.5.

Lors de réunions du Conseil en juillet et septembre, des accords ont été conclus sur la relocalisation de 160 000 migrants à partir de la Grèce et de l’Italie et la réinstallation de 22 000 autres personnes ayant besoin d’une protection internationale. La mise en œuvre de ces décisions est dans sa phase initiale, et sa réussite est indispensable à celle de toute stratégie future de l’Union en matière de politique de migration.

2.6.

Le 23 septembre 2015, la Commission a adopté 40 décisions d’infraction à l’encontre de plusieurs États membres pour défaut de mise en œuvre de la législation portant création d’un régime d’asile européen commun. Le CESE s’en félicite, mais est très préoccupé par le fait que la Commission ait dû avoir recours à ce mécanisme pour convaincre les États membres de mettre correctement en œuvre la législation de l’Union européenne dans ce domaine fondamental.

2.7.

Au niveau international, plusieurs décisions sont susceptibles de conduire à une amélioration de la situation globale. C’est notamment le cas pour l’accroissement des ressources budgétaires de l’Union européenne servant à fournir une aide immédiate aux réfugiés, pour le renforcement du dialogue et de la coopération avec les pays tiers, tels que le Liban, la Jordanie, la Turquie et les pays candidats des Balkans occidentaux, ainsi que pour l’augmentation de l’aide humanitaire en 2016 et la mise sur pied du fonds d’affectation spéciale pour l’Afrique. La mobilisation des ressources nécessaires ne doit pas se faire au détriment des crédits disponibles pour la réalisation des objectifs sociaux au sein de l’Union européenne. Cela risquerait de compromettre l’acceptation de ces mesures par une partie de la population. Le CESE se félicite de l’approbation par le Conseil européen, le 23 septembre 2015, du plan d’action commun avec la Turquie dans le cadre d’un programme de coopération global fondé sur une responsabilité commune ainsi que sur des engagements mutuels et leur concrétisation.

3.   Faire face à la crise

3.1.   Action immédiate

3.1.1.

La notion de «frontières intelligentes» est la bienvenue, et elle s’est fait attendre. S’agissant de frontières plus sûres et plus intelligentes, le principal défi est de veiller à ce que les droits fondamentaux des migrants ne soient pas violés. En outre, le principe de non-refoulement ne doit pas être remis en cause, même si cela peut s’avérer difficile, vu que la distinction entre réfugiés et migrants économiques n’est pas toujours claire ni simple. Des frontières intelligentes doivent pleinement respecter les droits et libertés fondamentaux.

3.1.2.

L’accord de Schengen est l’un des piliers de l’Union européenne et sa valeur est plus que symbolique pour l’intégration européenne. Il s’agit de l’un des droits les plus tangibles dont jouissent les citoyens européens, qui leur donne un avant-goût de ce que serait une Europe sans frontières. Le CESE souhaite que le fonctionnement du régime de Schengen revienne le plus rapidement possible à la normale et plaide instamment pour que les États membres prennent toutes les mesures possibles afin d’éviter un démantèlement durable de ce dispositif.

3.1.3.

Jusqu’à présent, un accord a été trouvé sur la relocalisation de 160 000 réfugiés dans l’Union européenne. Si cet accord était rapidement mis à exécution, il serait possible d’en tirer toutes sortes de leçons profitables, qui permettraient d’élaborer des solutions de long terme pour le cas où les arrivées massives de personnes se poursuivraient ou s’il s’en produisait de nouvelles à l’avenir. Le CESE estime qu’il convient de se montrer plus ambitieux. Pendant de nombreuses années encore, les mouvements migratoires de masse globaux ne faibliront pas.

3.1.4.

Il est dans l’intérêt de tous les États membres que soit mis en œuvre un système solidaire et fiable de solutions pour le cas où les arrivées massives de personnes se poursuivraient à l’avenir. À titre de mesure immédiate, il y a lieu d’instaurer un régime permanent, équitable et contraignant de répartition des personnes en quête de protection entre tous les pays de l’Union européenne. Ce régime doit s’appuyer sur une clé de répartition permanente fondée sur des considérations telles que la taille de l’économie et du territoire d’un pays, son PIB, les possibilités d’emploi et les pénuries de compétences et l’existence de communautés et de minorités conationales/ethniques dans le pays d’accueil. Cette clé de répartition devrait être revue périodiquement. Les préférences du demandeur d’asile devraient également être prises en considération dès lors qu’elles sont liées à des considérations qui faciliteraient l’intégration (par exemple la connaissance de la langue, la présence de membres de la famille dans le pays, etc.). Il faut espérer que cela puisse mettre un terme aux réunions répétées et discordantes du Conseil qui ont terni l’image de l’Europe.

3.1.5.

Le CESE accueille favorablement la proposition d’activer le mécanisme de protection civile et de mobiliser les équipes d’appui à la gestion des flux migratoires ainsi que les équipes d’intervention rapide aux frontières afin d’aider les États membres à faire face aux situations d’urgence.

3.1.6.

De même, le CESE se félicite de l’augmentation du financement de l’Union européenne à Frontex, EASO et Europol en 2015, et de l’augmentation de 600 millions d’euros pour les trois agences en 2016 afin d’aider les États les plus touchés. Ces efforts doivent être complétés par une politique efficace en matière de retour. À l’heure actuelle, seuls 38 % environ de ceux dont il a été estimé qu’ils n’avaient pas besoin d’une protection ont été renvoyés dans leur pays.

3.1.7.

L’Union européenne doit renforcer le lien entre l’octroi d’aide aux pays en développement et la mise en œuvre de réformes internes, de même qu’elle doit favoriser une coopération réelle sur les questions de migration, en particulier la migration légale (y compris la circulation temporaire/les visas) et la politique de retour. Il importe toutefois que les États membres de l’Union européenne respectent leur engagement d’affecter 0,7 % de leur revenu national brut (RNB) à l’aide au développement.

3.1.8.

Le CESE se félicite de la proposition visant à intensifier les efforts diplomatiques afin d’inciter les pays d’origine et les pays de transit à coopérer pour relever ce défi. La première étape dans cette démarche a été le sommet sur les migrations, qui s’est tenu les 11 et 12 novembre 2015 à La Valette.

3.1.9.

À cet égard, il importe de souligner que l’Union doit autant écouter qu’elle doit parler à ses partenaires et qu’elle se doit de les traiter comme tels. Un grand nombre de malentendus et de différences de points de vue subsistent entre l’Union européenne et ses partenaires d’Afrique et du Moyen-Orient en ce qui concerne tant les objectifs à atteindre que les moyens d’y parvenir.

3.1.10.

Le CESE se félicite de l’engagement pris par l’Union européenne de continuer à travailler plus étroitement avec des organisations internationales telles que le HCR, le PNUD, l’OIM et la Croix-Rouge. Toutefois, il fait observer que de nombreux États membres ne remplissent pas les obligations qui leur incombent, un cas d’espèce en la matière étant leur médiocre bilan s’agissant du soutien au programme alimentaire mondial.

3.1.11.

Le CESE se félicite également de la proposition de la Commission d’augmenter l’aide humanitaire de 300 millions d’euros en 2016 pour répondre aux besoins essentiels des réfugiés.

3.1.12.

Le CESE est favorable à l’application du principe de la reconnaissance mutuelle des décisions en matière d’asile. Conformément à l’article 78 du TFUE, l’Union européenne devrait mettre au point une politique commune sur la protection internationale comportant un «statut uniforme […] valable dans toute l’Union». En l’absence de statut reconnu à l’échelle européenne, qui serait octroyé par une agence de l’Union européenne, la seule alternative est la reconnaissance mutuelle des décisions nationales.

3.1.13.

Le CESE soutient pleinement l’engagement de la Commission de présenter des propositions en vue de réformer le règlement de Dublin d’ici mars 2016. Il soutient également l’engagement de la Commission de présenter en même temps un nouveau train de mesures sur la migration légale, comprenant notamment une révision de la directive «carte bleue».

3.1.14.

La protection des frontières extérieures de l’Union européenne devrait être un effort conjoint dans le cadre duquel les États membres mettent en commun des ressources intellectuelles et physiques.

3.1.15.

Le CESE soutient pleinement la mise en place immédiate de points d’accès (hotspots). Ceux-ci doivent toutefois être dotés d’effectifs complets et de toutes les ressources nécessaires pour pouvoir fonctionner efficacement. Dans des pays tels que l’Italie et la Grèce, où des milliers de migrants débarquent chaque jour, seule une mise en commun sur une vaste échelle des moyens financiers et matériels permettra d’éviter un chaos complet.

3.1.16.

Le CESE partage les graves préoccupations du HCR sur la procédure d’enregistrement et de sélection appliquée dans les hotspots dès le moment où les migrants arrivent aux frontières de l’Union européenne.

3.2.   Action à long terme

3.2.1.

L’Union européenne ne peut ramener les flux migratoires à des proportions gérables que si elle s’attelle résolument à résoudre les nombreux problèmes existant dans les pays d’origine. L’objectif à long terme, à savoir parvenir à la stabilité, la paix et la prospérité, nécessitera un effort sans précédent non seulement de l’Europe, mais aussi de l’ensemble de la communauté internationale. L’Union européenne doit s’efforcer de renforcer les efforts déployés par la communauté internationale, notamment par les Nations unies.

3.2.2.

Il est nécessaire que l’Union européenne renforce sa présence institutionnelle dans les principaux pays d’origine et de transit en mettant en place des centres spécifiques de migration appelés à traiter de façon temporaire ou permanente les demandes d’asile. Un ciblage et un soutien accrus sont nécessaires dans des pays tels que l’Algérie, le Maroc, le Mali, la Libye, le Liban et la Turquie.

3.2.3.

Le CESE estime que l’un des principaux objectifs de l’agenda est de lancer une politique européenne en matière de migration qui rende la migration légale possible, tout en stimulant l’intégration efficace des migrants. Le CESE attend les premières propositions d’instruments législatifs et d’action dans ces domaines, et se tient prêt à soutenir la Commission européenne dans les efforts qu’elle déploiera pour développer ces propositions.

3.2.4.

Le CESE encourage les États membres à pleinement respecter et à mettre en œuvre activement la convention de Genève de 1951, ainsi qu’à résister aux pressions incitant à réduire le niveau de protection et de services accordé aux réfugiés.

3.2.5.

Le CESE est favorable à une politique commune en matière d’asile, reposant sur des procédures simplifiées communes. Une telle politique doit également se fonder sur une définition commune du statut de réfugié et des droits liés à ce statut afin d’éviter que les réfugiés ne «fassent leur marché» en quête du «meilleur traitement».

3.2.6.

L’approfondissement du système d’informations sur le pays d’origine (COI) doit être poursuivi. Il arrive souvent que des demandes d’asile de citoyens originaires de mêmes États et vraisemblablement confrontés à des situations similaires aient des issues différentes. Le système mis en place doit être suffisamment souple et fiable pour étudier et traiter en temps réel les informations relatives à l’évolution de la situation dans les pays d’origine. Il convient de resserrer de façon continue les liens de coopération entre les services de sécurité des États membres, car ils sont une source d’information importante.

3.2.7.

Une priorité accrue doit être accordée à l’organisation de la migration légale et de la politique des visas, à la numérisation du processus, à la reconnaissance des qualifications et à l’obtention de la mobilité à des fins d’études.

3.2.8.

L’Union européenne devrait être plus investie dans la gestion des retours et l’aide aux mesures de réintégration. Le projet pilote de retour au Pakistan et au Bangladesh présente une pertinence limitée au regard de la situation d’urgence qui prévaut actuellement. Le CESE recommande vivement la planification et la mise en œuvre de projets similaires dotés d’un financement et d’un appui institutionnel adéquats.

3.2.9.

Si le renforcement des contrôles aux frontières dans les pays de transit, l’intensification des patrouilles en mer et la destruction des embarcations des passeurs peuvent être utiles, ils ne constituent cependant pas la seule réponse durable au problème. L’Union européenne est sur la bonne voie lorsqu’elle adopte une approche globale qui utilise plus judicieusement la diversité d’instruments et les ressources importantes dont elle dispose.

3.3.   Société civile

3.3.1.

La société civile joue un rôle essentiel dans le traitement de la crise migratoire. Les acteurs de la société civile peuvent fournir une aide essentielle pour ce qui est d’apporter aux migrants les premières réponses dont ils ont besoin à leur arrivée. Toutefois, la société civile a potentiellement un rôle plus important encore à jouer en ce qui concerne les efforts nécessaires à long terme pour intégrer les migrants dans la société. La société civile est bien placée pour apporter aux réfugiés les réponses interpersonnelles qui revêtent une importance primordiale à tous les stades de leur accueil et de leur installation.

3.3.2.

Le CESE se félicite de la solidarité manifestée par les pans de la société civile et les particuliers qui sont volontairement venus en aide aux demandeurs d’asile. Toutefois, cette réaction positive et spontanée n’est pas suffisamment ample pour répondre efficacement aux défis qui se posent. Le CESE demande aux États membres de reconnaître et de mieux apprécier le rôle joué par la société civile en intensifiant leur aide aux ONG et à la société civile nationales, afin de garantir une réponse plus structurée et plus efficace. Les gouvernements des États membres ont une responsabilité particulière s’agissant d’identifier et de nouer des liens avec la société civile sur leur territoire, et d’intensifier l’aide qu’ils lui apportent, afin de veiller à accroître ses capacités.

3.3.3.

En outre, le CESE recommande à la Commission de s’efforcer d’allouer davantage de moyens aux États membres dans le cadre des accords de partenariat conclus dans le domaine des Fonds structurels, afin de consacrer plus de moyens financiers du FSE et du FEDER à la gestion des flux migratoires et des efforts d’intégration. Les ONG et les organisations actives sur le terrain devraient être les principales bénéficiaires de ces ressources, qui devraient venir s’ajouter aux moyens financiers actuellement fournis au titre du Fonds «Asile, migration et intégration».

3.3.4.

Le CESE attire l’attention sur le Forum européen sur la migration, qui succède au Forum européen sur l’intégration, lui-même créé en 2009 par le CESE et la Commission. Le Forum est une plateforme de dialogue entre les institutions européennes et la société civile dans les domaines de l’immigration, de l’asile et de l’intégration des migrants.

4.   Intégration dans la société et sur le marché du travail

4.1.

Le CESE estime qu’il est important et d’une grande pertinence de veiller à ce qu’existe un système transparent, prévisible et juste de migration légale vers l’Union européenne. La population de l’Europe vieillit et ne croît qu’à un rythme de 0,2 % environ par an, ce qui est nettement au-dessous du niveau de renouvellement de la population. Selon les estimations, l’Europe perdra quelque 30 millions de personnes en âge de travailler d’ici 2050, et si rien n’est fait d’ici peu, les taux de dépendance dans la plupart des États membres de l’Union européenne continueront à augmenter rapidement, la productivité déclinera, des entreprises fermeront leurs portes et les coûts nécessaires pour préserver des services, en particulier pour la population vieillissante, augmenteront considérablement.

4.2.

Par une action collective et organisée fondée sur la solidarité, l’Union européenne peut transformer la situation actuelle en une opportunité qui servira à inverser l’évolution démographique actuelle et ses incidences socio-économiques. L’intégration des migrants sur le marché du travail est source de croissance économique et favorise leur indépendance. En revanche, des politiques qui négligent l’intégration déplacent la charge du soutien aux migrants vers les services publics et sont susceptibles d’engendrer des tensions sociales ayant des conséquences considérables.

4.3.

Le CESE reconnaît que l’intégration au sens large est fortement tributaire de l’intégration sur le marché du travail. Il est cependant utile d’expliciter une série de facteurs ayant trait à l’impact de l’immigration sur le marché du travail. Il s’agit notamment de l’impact des migrants sur le niveau des rémunérations, la disponibilité d’emplois, les pressions sur le système fiscal (santé et éducation) et les effets du multiculturalisme.

4.4.

Le Comité a déjà élaboré un avis exploratoire (1) qui a servi de base à la préparation de la conférence ministérielle de Saragosse en 2010 (2), laquelle s’est conclue par l’adoption d’une importante déclaration sur l’intégration des migrants sur le marché du travail et les enjeux pour les autorités européennes et nationales et les partenaires sociaux.

4.5.

Des études montrent que, dans l’ensemble, les migrants contribuent plus à l’économie qu’ils n’en tirent parti, que leur incidence sur les systèmes budgétaires est minime et qu’ils aident l’Europe à combler son déficit démographique et à stimuler la croissance économique. Toutefois, les migrations n’affectent pas toutes les régions d’Europe de la même manière et il convient d’en mesurer minutieusement l’impact au niveau local. En outre, il existe une nette différence entre l’arrivée organisée de migrants dans le cadre de la mise en œuvre d’une politique et un afflux soudain de milliers de migrants, phénomène difficile à gérer et qui met à mal les structures locales, régionales et nationales, comme on l’a vu ces dernières semaines.

4.6.

L’intégration des migrants sur le marché du travail dépend d’un certain nombre de facteurs, notamment du niveau de chômage dans les pays d’accueil, des aptitudes des migrants, de leur niveau de compétence, de la préparation avant l’arrivée en termes de compétences linguistiques et d’éducation formelle, ainsi que des organisations et structures établies dans le pays d’accueil afin de faciliter l’intégration des migrants, y compris les réfugiés, sur le marché du travail. C’est dans ces domaines que la société civile peut jouer un rôle crucial.

4.7.

Toutefois, il existe d’autres facteurs qui entravent une intégration rapide, tels que l’absence de reconnaissance des qualifications, les obstacles bureaucratiques, le manque de transparence, les perceptions erronées du public quant aux migrants, l’exploitation et les obstacles juridiques que constituent des lois dépassées et l’absence de mise en œuvre ou la lenteur de la transposition de la législation de l’Union européenne.

4.8.

Les organisations syndicales et patronales ont un rôle capital à jouer pour relever les défis de l’intégration des migrants dans le marché du travail. Le CESE recommande que les partenaires sociaux soient pleinement associés à l’élaboration, au développement, à la mise en œuvre et au suivi de la politique d’intégration et des mesures connexes à l’échelle locale, régionale, nationale et européenne.

4.9.

Le gouvernement, les collectivités territoriales et les partenaires sociaux doivent œuvrer conjointement à l’établissement d’un consensus social sur les moyens d’intégrer les migrants à l’économie et à la société, surtout afin d’éviter une lutte entre différents groupes défavorisés.

4.10.

La société civile joue un rôle primordial pour aider les migrants à accéder à l’éducation, à la formation et à l’emploi ainsi que pour lutter contre la discrimination dans le secteur de l’éducation, sur le marché du travail et dans la société dans son ensemble.

Bruxelles, le 10 décembre 2015.

Le Président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO C 354 du 28.12.2010, p. 16.

(2)  http://www.integrim.eu/wp-content/uploads/2012/12/Report-20101.pdf, https://www.uclm.es/bits/archivos/declaracionzaragoza.pdf.


24.2.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 71/53


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un mécanisme de relocalisation en cas de crise et modifiant le règlement (UE) no 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride»

[COM(2015) 450 final — 2015/0208 (COD)]

(2016/C 071/09)

Rapporteur:

Cristian PÎRVULESCU

Le 16 septembre 2015 et le 21 octobre 2015, respectivement, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont décidé, conformément à l’article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen (CESE) sur la:

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un mécanisme de relocalisation en cas de crise et modifiant le règlement (UE) no 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride»

[COM(2015) 450 final — 2015/0208 (COD)].

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du CESE en la matière, a adopté son avis le 19 novembre 2015.

Lors de sa 512e session plénière, des 9 et 10 décembre 2015 (séance du 10 décembre 2015), le CESE a adopté le présent avis par 152 voix pour, 6 voix contre et 13 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

La crise des réfugiés dans l’Union européenne a atteint un point où les principes fondateurs de la protection des droits de l’homme et de la démocratie sont remis en question. En dépit des difficultés, le CESE est fermement convaincu que ces principes doivent être défendus et dûment appliqués.

1.2.

Le CESE est convaincu que les tendances souverainistes de certains gouvernements et la perception négative qu’un nombre sans cesse croissant de citoyens ont de la migration et des réfugiés peuvent être endiguées, à condition de déployer le vaste effort qui s’impose pour défendre les valeurs européennes fondamentales ainsi que les avancées institutionnelles de l’Union européenne. Face à cette situation exceptionnelle, il nous faut davantage d’Europe, davantage de démocratie et davantage de solidarité.

1.3.

La crise actuelle des réfugiés, bien que prévisible, est née de l’absence d’une politique commune en matière d’asile, qui n’a pas pu être élaborée en temps utile faute d’action politique européenne concertée. Dans ce contexte, le CESE demande instamment au Parlement européen, au Conseil européen et à la Commission européenne de faire appliquer l’article 67, paragraphe 2, et l’article 78 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui définissent les conditions de la mise en place, par l’Union européenne, d’une véritable politique d’asile.

1.4.

Le CESE a toujours souligné la nécessité d’une solidarité, d’une responsabilisation et d’une action commune, ainsi que le caractère central des droits fondamentaux.

1.5.

Le CESE salue les efforts fournis par la Commission européenne pour coordonner les mesures visant à faire face conjointement à la crise des réfugiés, et notamment le fait qu’elle ait organisé la réunion des dirigeants consacrée à l’afflux massif de réfugiés sur la route des Balkans occidentaux.

1.6.

Le mécanisme de relocalisation en cas de crise est un exemple concret de coopération fondée sur la solidarité et la responsabilité. Toutefois, pour garantir la cohérence et l’efficacité des actions, le CESE souhaiterait que ce mécanisme et d’autres initiatives similaires soient intégrés dans une stratégie générale. En particulier, il est nécessaire de disposer de systèmes solidaires et fiables en ce qui concerne la répartition de la charge, et surtout d’une clé de répartition permanente qui soit équitable et contraignante, afin de répartir les personnes en quête de protection entre tous les pays de l’Union européenne.

1.7.

La Commission européenne et les autres institutions de l’Union européenne doivent soutenir activement les États membres, de sorte que ceux-ci disposent de conditions et de perspectives adéquates pour intégrer les demandeurs d’asile relocalisés. Il convient notamment de bien spécifier dans ce contexte que les dépenses des États membres liées à l’accueil et à l’intégration des demandeurs d’asile et des réfugiés ne constituent pas des dépenses durables ou structurelles et ne doivent donc pas être incluses dans le calcul des déficits budgétaires structurels.

2.   Observations générales

2.1.

La crise actuelle des réfugiés constitue un défi, à la fois administratif — l’ampleur même du phénomène est sans précédent — et juridique. L’Union européenne a atteint un point où les principes fondateurs de la protection des droits de l’homme et de la démocratie sont remis en question. La volonté des États membres de mettre pleinement en œuvre les traités internationaux est perturbée par l’intensification de la mobilité internationale, conséquence de la mondialisation économique. Le CESE est convaincu que les tendances souverainistes de certains gouvernements et la perception négative qu’un nombre sans cesse croissant de citoyens ont de la migration et des réfugiés peuvent être endiguées, à condition de déployer le vaste effort qui s’impose pour défendre les valeurs européennes fondamentales ainsi que les avancées institutionnelles de l’Union européenne. Face à cette situation exceptionnelle, il nous faut davantage d’Europe, davantage de démocratie et davantage de solidarité.

2.2.

Le régime d’asile de l’Union européenne subit une pression importante en raison de crises multiples. Certaines d’entre elles trouvent leur origine dans la politique internationale des années 2000, tandis que d’autres sont des effets pervers de la crise économique et financière. Les plus récentes, à savoir le printemps arabe, l’instabilité politique en Libye et la guerre civile en Syrie, sont une cause directe de l’augmentation considérable du nombre de réfugiés.

2.3.

Les 47 États membres du Conseil de l’Europe sont tenus d’appliquer les dispositions en matière de droits de l’homme et de respecter l’article 3 (1) de la convention européenne des droits de l’homme, selon lequel tous les êtres humains doivent être protégés. En revanche, la convention de 1951 relative au statut des réfugiés ne garantit une protection qu’à une catégorie spécifique de personnes, définie à l’article 1er, et cette protection peut être plus facilement perdue. La convention confère toutefois un certain nombre de droits aux personnes ayant besoin d’une protection internationale. Dans certains États membres, comme en Roumanie, la constitution consacre la primauté des traités internationaux sur la législation nationale. L’article 18 (2) de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, devenue contraignante en vertu de l’article 6 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, définit le droit des personnes ayant besoin d’une protection internationale.

2.4.

Le régime de Dublin fait reposer, de manière disproportionnée, la responsabilité du traitement des demandes d’asile sur quelques États membres situés «en première ligne» (Malte, l’Italie, Chypre, la Grèce, l’Espagne et, récemment, la Hongrie). Dans ces conditions, il est devenu de plus en plus difficile, pour certains États membres, de respecter dans la pratique le principe du non-refoulement et les principes inscrits dans la convention européenne des droits de l’homme, la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et les directives qui en découlent. En dépit des difficultés, le CESE est fermement convaincu que ces principes doivent être défendus et dûment appliqués.

2.5.

L’article 67, paragraphe 2, et l’article 78 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne définissent les conditions de la mise en place, par l’Union européenne, d’une véritable politique d’asile. Il apparaît, à la lumière de ces dispositions, que l’accent n’est pas mis sur l’élaboration de règles minimales, mais plutôt sur la création d’un système commun prévoyant des procédures uniformes. La crise actuelle des réfugiés, bien que prévisible, est née de l’absence d’une politique commune en matière d’asile, qui n’a pas pu être élaborée en temps utile faute d’action politique européenne concertée. Dans ce contexte, le CESE invite instamment le Parlement européen, le Conseil européen et la Commission européenne à mettre en œuvre lesdites dispositions.

2.6.

Le CESE salue les efforts fournis par la Commission pour coordonner les mesures visant à faire face conjointement à la crise des réfugiés, et notamment le fait qu’elle ait organisé la réunion des dirigeants consacrée à l’afflux massif de réfugiés sur la route des Balkans occidentaux. Cette réunion a rassemblé les chefs d’État ou de gouvernement de l’Union européenne et de pays tiers, en vue de mieux coordonner les mesures dans la région dans trois domaines principaux: fournir un abri aux réfugiés, gérer conjointement les flux migratoires et gérer les frontières (3).

2.7.

Le CESE espère que le mécanisme de relocalisation en cas de crise aidera l’Union européenne à mettre en place, dans le consensus, un système suffisamment robuste et flexible pour relever les défis liés à la migration sous ses différentes formes.

2.8.

Le CESE a toujours souligné la nécessité d’une solidarité, d’une responsabilisation et d’une action commune, ainsi que le caractère central des droits fondamentaux. Il a également insisté sur l’importance de faire de sérieux efforts pour faciliter l’intégration des migrants et des réfugiés.

2.9.

Le mécanisme de relocalisation en cas de crise est un exemple concret de coopération fondée sur la solidarité et la responsabilité. Toutefois, pour garantir la cohérence et l’efficacité des actions, le CESE souhaiterait que ce mécanisme et d’autres initiatives similaires soient intégrés dans une stratégie générale. En particulier, il est nécessaire de disposer de systèmes solidaires et fiables en ce qui concerne la répartition de la charge, et surtout d’une clé de répartition permanente qui soit équitable et contraignante, afin de répartir les personnes en quête de protection entre tous les pays de l’Union européenne. L’agenda européen en matière de migration constitue une étape positive allant dans cette direction.

3.   Observations spécifiques

3.1.

Tout État membre ne participant pas au mécanisme devrait justifier sa décision. Si ses motifs sont avant tout financiers ou liés à son manque de préparation à recevoir les candidats à l’asile, il conviendrait d’envisager des dispositions pour fournir une aide financière à l’avance.

3.2.

L’aide fournie par l’Union européenne aux organisations de la société civile investies dans la crise des réfugiés et l’intégration des migrants reste insuffisante. Les règles et procédures bureaucratiques entravent leur capacité à agir efficacement sur le terrain.

3.3.

Afin de déterminer l’existence d’une crise, la Commission européenne examinerait si la situation est telle que même un État membre doté d’un «régime d’asile bien préparé» est en incapacité de la gérer. Comment va-t-elle procéder? Quels sont les critères qui permettront de définir un régime d’asile comme étant «bien préparé»? La proposition suggère quelques indicateurs pouvant être pris en compte par la Commission, mais ceux-ci sont flexibles et leur liste n’est pas exhaustive.

3.4.

La proposition n’est pas suffisamment précise quant à la mise en adéquation des préférences de l’État membre bénéficiant de la relocalisation, de l’État membre de relocalisation et des demandeurs d’asile. Le fonctionnement du système dans la pratique n’est pas clair.

3.5.

Il est recommandé que les autorités des États membres bénéficiant de la relocalisation et les officiers de liaison de l’État membre de relocalisation fournissent aux demandeurs d’asile une assistance et des informations pertinentes.

3.6.

La proposition n’est pas claire quant à la manière dont l’État membre de relocalisation est encouragé à accueillir correctement et à intégrer les demandeurs relocalisés. L’état des infrastructures, la disponibilité de services, notamment médicaux ou d’éducation, et les allocations financières influenceront la bonne volonté des demandeurs à accepter leur relocalisation dans un pays spécifique. La Commission européenne et les autres institutions de l’Union européenne doivent soutenir activement les États membres, de sorte que ceux-ci disposent de conditions et de perspectives adéquates pour intégrer les demandeurs relocalisés.

3.7.

La proposition devrait être plus précise à cet égard et définir une procédure visant à évaluer et à encourager le développement de l’infrastructure et des services en matière d’asile dans tous les États membres.

3.8.

Le système doit, dans une certaine mesure, accéder aux souhaits exprimés par le demandeur d’asile concernant l’État de relocalisation. Les préférences du demandeur d’asile doivent être liées à des perspectives claires et démontrables d’intégration (présence de membres de sa famille dans le pays choisi, connaissance de la langue et liens antérieurs avec le pays, par exemple lors de ses études ou dans le cadre de relations d’affaires).

3.9.

Les «liens culturels» sont mentionnés parmi les facteurs à prendre en compte pour relocaliser une personne dans un État membre. Le CESE est d’avis que ce critère ne doit pas servir à justifier le rejet des demandeurs d’asile sur la base de leur religion.

3.10.

La proposition n’indique pas comment le système fonctionnera dans des pays comme la Serbie et l’ancienne République yougoslave de Macédoine, qui ont des perspectives d’adhésion claires et connaissent un afflux important de migrants et de demandeurs d’asile.

Bruxelles, le 10 décembre 2015.

Le Président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  «Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.» L’article 3 n’est pas le seul ayant trait à l’asile et à la protection internationale. L’expulsion de personnes dont la demande d’asile a été rejetée peut poser problème en relation avec l’article 2 (droit à la vie), l’article 5 (droit à la liberté et à la sûreté), l’article 6 (droit à un procès équitable), l’article 7 (pas de peine sans loi), l’article 3 du protocole no 4 (interdiction de l’expulsion des nationaux) ainsi que l’article 4 de ce même protocole (interdiction des expulsions collectives d’étrangers). D’autres articles peuvent également être invoqués: l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale), l’article 13 (droit à un recours effectif) et l’article 16 (restrictions à l’activité politique des étrangers).

(2)  Le droit d’asile est garanti dans le respect des règles fixées par la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole du 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés et conformément au traité instituant la Communauté européenne.

(3)  Voir la déclaration des dirigeants publiée à l’issue de la réunion.


24.2.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 71/57


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/87/CE afin de renforcer le rapport coût-efficacité des réductions d’émissions et de favoriser les investissements à faible intensité de carbone»

[COM(2015) 337 final — 2015/0148 (COD)]

(2016/C 071/10)

Rapporteur:

M. Antonello PEZZINI

Le 7 septembre 2015 et le 21 septembre 2015, respectivement, le Parlement européen et le Conseil ont décidé, conformément aux articles 192 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen (CESE) sur la:

«Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/87/CE afin de renforcer le rapport coût-efficacité des réductions d’émissions et de favoriser les investissements à faible intensité de carbone»

[COM(2015) 337 final — 2015/0148 (COD)].

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du CESE en la matière, a adopté son avis le 18 novembre 2015.

Lors de sa 512e session plénière des 9 et 10 décembre 2015 (séance du 9 décembre 2015), le CESE a adopté le présent avis par 138 voix pour, 1 voix contre et 1 abstention.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE est convaincu qu’il est crucial pour l’Europe de procéder à une réindustrialisation durable, allant de pair avec une croissance compétitive et génératrice de nouveaux emplois de meilleure qualité, et que le système d’échange de quotas de dioxyde de carbone (CO2) de l’Union européenne devrait s’inscrire dans ce cadre en tant qu’instrument clé de la politique européenne de lutte contre le changement climatique et de décarbonisation de l’économie mondiale.

1.2.

Le CESE estime que le système d’échange de quotas d’émission de l’Union («SEQE de l’Union européenne»), en sa qualité d’instrument de réduction des émissions générées par la production d’énergie dans l’Union européenne, doit donner un signal quant au prix du carbone, mais aussi encourager les investissements durables dans les nouvelles technologies à faible intensité de carbone.

1.3.

Selon le CESE, il y a lieu de rendre le marché du carbone plus stable, flexible et ouvert à tous les grands partenaires au niveau mondial, dans un cadre bien défini et coordonné, pour atteindre l’objectif d’une industrie manufacturière compétitive et durable.

1.4.

Le CESE soutient l’idée que la Commission doit s’en tenir strictement au mandat défini par le cadre d’action en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030, approuvé par le Conseil européen des 23 et 24 octobre 2014, s’agissant en particulier des indications claires concernant les dispositions relatives aux fuites de carbone, qui devront être développées dans le cadre de la réforme du SEQE de l’Union européenne.

1.5.

D’après le CESE, il convient d’assurer des mécanismes de transition adéquats, afin de préserver la compétitivité des industries européennes et de prévenir les risques de fuite des investissements et d’exposition des industries européennes à une concurrence déloyale de la part de pays ne disposant pas d’instruments comparables en matière de régulation climatique.

1.6.

Le CESE recommande d’assurer un cadre réglementaire qui soit adapté, s’agissant notamment du volume de quotas à allouer gratuitement, de l’admissibilité des fuites de carbone, de la révision des paramètres de référence, de la compensation des coûts induits au niveau des prix de l’électricité, afin de garantir 100 % de quotas alloués à titre gratuit et la compensation intégrale des coûts indirects dans tous les États membres pour 10 % des installations les plus performantes opérant dans des secteurs fortement exposés à des risques de fuite de carbone.

1.7.

Parmi les points saillants de la réforme, le CESE tient à mettre en avant les aspects suivants:

suppression du facteur de correction transsectoriel pour les coûts directs,

mécanismes harmonisés au niveau européen pour la compensation des coûts indirects dans l’ensemble de l’Union européenne, afin d’éviter des distorsions de concurrence (1),

systèmes visant à récompenser les installations les plus performantes au lieu de les pénaliser, quelle que soit la manière dont cette performance est réalisée, y compris le captage et l’utilisation du CO2,

établissement de référentiels fondés sur des données industrielles solides et définis une seule fois au début de la période considérée,

allocation gratuite de quotas aux différents secteurs, en fonction de la production effective et non pas de la production passée,

possibilité d’appliquer une méthode alternative au cours de la phase 4 dans les secteurs ne disposant pas de paramètres de référence antérieurs,

définition plus souple du risque de fuite de carbone, à l’aide de critères qualitatifs de risque actualisés, sans introduction de valeurs seuils,

utilisation d’une partie de la réserve de stabilité en faveur de la sortie progressive des secteurs retirés de la liste de ceux exposés aux risques de fuites de carbone,

exemption du système également pour les installations dont les émissions sont inférieures à 50 000 t CO2,

pleine intégration de la dimension sociale dans le SEQE de l’Union européenne pour soutenir la transition des processus et des compétences industriels et professionnels vers une économie sans carbone,

étude des modalités d’extension à la société civile des mécanismes d’incitation en faveur des installations les plus performantes, en assurant un bonus SEQE à des ménages, à des communautés et à des administrations publiques qui réduisent sensiblement leurs consommations énergétiques génératrices de CO2 ou en compensent les émissions au moyen d’ investissements verts ,

étude préliminaire indépendante, afin de déterminer les mécanismes optimaux pour le fonctionnement du SEQE de l’Union européenne en vue de la réalisation des objectifs climatiques fixés.

1.8.

Le CESE préconise enfin la plus grande cohérence, une synergie maximale, un chevauchement aussi réduit que possible des dispositions — et l’élimination des lourdeurs bureaucratiques — entre les nouvelles dispositions modifiant le système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne et les dispositions parallèles et complémentaires avec lesquelles elles interagissent.

1.9.

Le CESE considère qu’il faudrait disposer d’un cadre d’échange de crédits internationaux qui contribueraient à la réalisation des objectifs plus larges de réduction des émissions en Europe, avec l’appui d’accords internationaux multilatéraux et bilatéraux.

1.10.

Le CESE estime important d’élaborer à ce sujet un avis d’initiative après la clôture de la conférence de Paris, fin 2015.

2.   Introduction

2.1.

Le SEQE de l’Union européenne, entré en vigueur le 1er janvier 2005, constitue l’un des instruments majeurs de la politique climatique de l’Union européenne, car il offre la possibilité de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

2.2.

Depuis sa création, le SEQE de l’Union européenne a eu pour objectif d’établir un point de référence pour le carbone, afin de permettre de réduire les émissions dans tous les secteurs de l’économie européenne, responsables de la moitié environ des émissions de gaz à effet de serre.

2.3.

Le CESE a toujours considéré le SEQE de l’Union européenne comme un instrument essentiel de la politique climatique et énergétique de l’Union en vue de la réduction de ses émissions industrielles et a appelé de ses vœux une véritable réforme de ce système, afin d’atteindre les objectifs climatiques de l’Union européenne à l’horizon 2030, tout en préservant la compétitivité industrielle de l’Union et en évitant la délocalisation des investissements.

2.4.

Le Conseil européen du 21 mars 2014 a souhaité l’adoption de mesures destinées à compenser pleinement les coûts directs et indirects, pour les secteurs exposés à la concurrence mondiale, des politiques climatiques de l’Union européenne, tant qu’un accord international sur le climat n’aura pas établi des conditions équitables au niveau mondial.

2.4.1.

Le CESE fait cependant siennes les observations de la Cour des comptes européenne, qui a relevé «des faiblesses importantes dans la mise en œuvre du SEQE de l’Union européenne», et formule une série de recommandations visant à améliorer l’intégrité et l’application de ce système, en réaffirmant le concept d’efficacité industrielle, qui doit garantir la pleine compétitivité de l’économie de l’Union européenne.

2.5.

Les 23 et 24 octobre 2014, le Conseil européen a défini le cadre d’action en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030. Il a en outre adopté des conclusions et a notamment approuvé certains objectifs importants:

un objectif contraignant de l’Union européenne consistant à réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990, avec une réduction linéaire du taux annuel de 1,74 %,

un objectif contraignant d’au moins 27 % d’énergies renouvelables dans la consommation d’énergie à l’horizon 2030, mais sans objectifs obligatoires pour les États membres,

un objectif indicatif d’amélioration de l’efficacité énergétique d’au moins 27 % à l’horizon 2030, non contraignant, mais susceptible d’être revu en vue de son relèvement à 30 %,

un objectif de soutien de l’achèvement d’urgence, au plus tard en 2020, du marché intérieur de l’énergie, en réalisant l’objectif de 10 % fixé pour les interconnexions électriques existantes.

2.5.1.

L’objectif que s’est fixé l’Union européenne de réduire ses émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 %, approuvé formellement lors de la session du Conseil «Environnement» du 6 mars 2015, constitue la base de la contribution de l’Union européenne aux négociations en vue d’un nouvel accord mondial sur les changements climatiques.

2.5.2.

Tous ces éléments du cadre seront réexaminés périodiquement par le Conseil, qui continuera de formuler des orientations stratégiques, concernant aussi bien les secteurs couverts que les secteurs non couverts par le SEQE de l’Union européenne, ainsi que les interconnexions et l’efficacité énergétique.

2.5.3.

Les instruments et les mesures doivent tendre vers une approche globale et technologiquement neutre en vue de la promotion de la réduction des émissions et de l’efficacité énergétique.

2.6.

Le 13 mai 2015, le Parlement européen et le Conseil sont parvenus à un accord sur la réforme du SEQE de l’Union européenne, en adoptant la décision relative à la création d’une réserve de stabilité du marché:

en 2018 sera créée une réserve de stabilité du marché, qui sera opérationnelle à compter du 1er janvier 2019,

les «quotas gelés» (c’est-à-dire les 900 millions de quotas dont la mise aux enchères a été reportée des années 2014-2016 à 2019-2020) seront placés dans la réserve de marché,

les quotas non attribués seront directement transférés dans la réserve de stabilité du marché en 2020 et leur utilisation future devra être examinée lors de la révision plus générale du SEQE de l’Union européenne,

les 10 % de quotas relevant de la composante de solidarité seront temporairement exclus du champ d’application de la réserve de stabilité du marché jusqu’à la fin de 2025,

le réexamen du SEQE de l’Union européenne devra envisager l’utilisation éventuelle d’un nombre limité de quotas avant 2021, afin de compléter les ressources disponibles pour la promotion du captage et stockage du CO2,

lors des réexamens du SEQE de l’Union européenne et de la réserve de stabilité du marché, il faudra tenir compte:

des fuites de carbone et des aspects liés à la compétitivité, ainsi que

des questions relatives à l’emploi et au produit intérieur brut (PIB).

2.7.

Dans le cadre de la stratégie relative à une union de l’énergie et en vue de la conférence de Paris sur le climat, la Commission a proposé un ensemble de mesures destinées, entre autres, à revoir le système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne conformément aux orientations formulées par le Conseil, en préservant les priorités que sont la réindustrialisation de l’économie européenne et la compétitivité internationale des secteurs industriels les plus exposés au risque de délocalisation de la production.

2.8.

Les mesures de révision du système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne concernent, outre la politique énergétique, bien d’autres politiques de l’Union.

2.9.

Le CESE a lancé une étude sur l’impact des mesures financées grâce à l’utilisation des instruments de l’Union européenne en faveur de la protection de l’environnement (2), dans laquelle il souligne l’importance de l’utilisation efficace des recettes générées par les instruments fondés sur le marché pour réaliser des améliorations environnementales conformes à la promotion d’une économie verte et de celles générées par le système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne, qui constituent une possibilité particulièrement importante de financer de telles améliorations et de procéder à la transition de l’industrie et de l’emploi vers une économie sans carbone.

3.   Les propositions de la Commission

3.1.

L’initiative de la Commission modifiant la directive 2003/87/CE sur le SEQE de l’Union européenne vise, par un ensemble détaillé de propositions, à relever le niveau de réduction annuelle des émissions autorisées, de sorte que la quantité de quotas délivrée chaque année dans l’ensemble de l’Espace économique européen diminue à partir de 2021 d’un facteur linéaire porté à 2,2 %, pour atteindre une réduction de 43 % en 2030 par rapport au niveau de 2005.

3.2.

La proposition prévoit différents mécanismes de financement visant à soutenir les opérateurs économiques qui doivent lutter contre les fuites de carbone et à relever les grands défis posés par l’innovation et les investissements nécessaires à la modernisation de leurs installations et à l’amélioration de l’efficacité énergétique en vue de contribuer à la réduction des émissions.

4.   Les systèmes d’échange de quotas d’émission au niveau mondial

4.1.

Au-delà des frontières de l’Union européenne, les systèmes d’échange de quotas d’émission sont de plus en plus nombreux partout dans le monde, et des systèmes nationaux ou infranationaux sont déjà opérationnels dans divers pays.

4.2.

Aux États-Unis, le président Obama a présenté les règles relatives au plan en matière d’énergies propres (CPP), qui fixeront pour chaque État les normes individuelles en vue de la réduction des émissions de carbone des centrales électriques — utilisant principalement le charbon et le gaz — d’ici à 2030.

4.2.1.

Un programme de plafonnement et d’échange des droits d’émission a été lancé en 2012 en Californie. L’initiative régionale sur les gaz à effet de serre (Regional Greenhouse Gas Initiative — RGGI) s’applique dans le Connecticut, le Delaware, le Maine, le Maryland, le Massachusetts, le New Hampshire, l’État de New York, l’État de Rhode Island et le Vermont.

4.3.

L’Australie applique un système d’échange de quotas d’émission qui s’associera au système européen d’ici à 2018, conformément à un accord conclu avec la Commission européenne en 2012.

4.4.

Au Canada, le Québec a introduit en 2012 un système de plafonnement et d’échange de permis d’émissions qui, depuis 2013, couvre 85 % des émissions du Québec.

4.5.

La Nouvelle-Zélande a lancé en 2008 un système d’échange de quotas d’émission (NZ ETS), incluant les forêts et l’agriculture, les combustibles fossiles liquides, les centrales électriques et les processus industriels.

4.6.

Lors du sommet bilatéral de fin juin 2015, l’Union européenne et la Chine sont parvenues à un accord de coopération dans le cadre de la lutte contre le changement climatique.

4.7.

La Corée du Sud a lancé en janvier 2015 le programme KETS, le premier programme opérationnel en Asie au niveau national et le deuxième après le SEQE de l’Union européenne au niveau mondial.

4.8.

Au Japon, le programme de plafonnement et d’échange de droits d’émission de Tokyo (TMG ETS), premier système d’échange obligatoire, a été lancé en avril 2010.

4.9.

En Suisse, l’ETS-CH a été mis en œuvre en 2008 pour une durée de cinq ans sur une base volontaire, en tant qu’option alternative à la taxe CO2 sur les combustibles fossiles. Depuis 2013, ce système est devenu obligatoire pour les grandes industries à forte intensité énergétique.

5.   Observations générales

5.1.

Le CESE estime que le SEQE de l’Union européenne est un instrument clé efficace aux fins de la réduction des émissions générées par la production d’énergie de l’Union européenne, s’il respecte une logique de marché et donne un signal avec un prix du carbone conforme aux ambitions, mais aussi encourage les investissements dans les technologies à faible intensité de carbone et le développement des énergies renouvelables ainsi que l’amélioration de l’efficacité énergétique.

5.1.1.

Le CESE est préoccupé par une éventuelle accélération du processus de fuite des investissements en tant que forme spécifique de fuite de carbone dans les secteurs vulnérables. Ce processus pourrait encore réduire la compétitivité de ces secteurs et leur capacité à adopter les mesures nécessaires aux fins d’une économie économe en ressources et à faibles émissions de carbone, conformément aux orientations formulées dans des avis récents (3).

5.2.

Le CESE est convaincu de la nécessité de rendre le marché du carbone plus stable, flexible et ouvert à tous les grands acteurs au niveau mondial.

5.3.

Le cadre d’action en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030, approuvé par le Conseil européen des 23 et 24 octobre 2014, fixe des objectifs ambitieux de réduction unilatérale, mais fournit également des orientations précises concernant les dispositions en matière de fuites de carbone, qui devront être arrêtées lors de la réforme du SEQE de l’Union européenne.

5.3.1.

En outre, le CESE considère que la réforme du SEQE de l’Union européenne devrait constituer un cadre politique coordonné, notamment en combinaison avec la réforme des secteurs non couverts par le SEQE de l’Union européenne [décision relative à la répartition de l’effort (ESD)] et les politiques en matière d’énergies renouvelables (directive «Énergies renouvelables») et d’efficacité énergétique [directive relative à l’efficacité énergétique et directive sur la performance énergétique des bâtiments (DPEB)].

5.4.

Le CESE considère que les aspects suivants sont à mettre au nombre des points saillants de la réforme:

suppression du facteur de correction transsectoriel pour les coûts directs,

mécanismes harmonisés au niveau européen en matière de compensation des coûts indirects,

systèmes visant à récompenser les installations les plus performantes au lieu de les pénaliser, quelle que soit la manière dont cette performance est réalisée, y compris le captage et l’utilisation du CO2,

établissement de référentiels fondés sur des données industrielles solides et définis une seule fois au début de la période considérée,

allocation gratuite de quotas aux différents secteurs, en fonction de la production effective,

possibilité d’appliquer une méthode alternative au cours de la phase 4 dans les secteurs ne disposant pas de paramètres de référence antérieurs,

définition plus souple du risque de fuite de carbone, à l’aide de critères qualitatifs de risque actualisés,

utilisation d’une partie de la réserve de stabilité en faveur de la sortie progressive des secteurs retirés de la liste de ceux exposés aux risques de fuites de carbone,

exemption du système pour les petites installations dont les émissions sont inférieures à 50 000 t CO2,

pleine intégration de la dimension sociale dans le SEQE de l’Union européenne pour soutenir pleinement la transition des processus et des compétences industriels et professionnels vers une économie sans carbone.

5.4.1.

Un certain nombre de permis d’émission devrait être attribué gratuitement aux entreprises exposées à un risque de délocalisation.

5.5.

De l’avis du CESE, il convient d’assurer des mécanismes adéquats de transition vers une réduction équilibrée des quotas gratuits d’émission de CO2, afin de préserver la compétitivité des industries européennes et de prévenir les risques de fuite d’investissements et d’exposition des industries européennes et des secteurs d’emploi européens à une concurrence déloyale de la part de pays ne disposant pas de cadres réglementaires comparables.

5.5.1.

Il y a lieu, en particulier, d’assurer un ensemble de règles adéquates sur les volumes de quotas à allouer gratuitement, sur l’admissibilité des fuites de carbone, sur la révision des paramètres de référence, sur la compensation des coûts induits au niveau des prix de l’électricité, afin de garantir 100 % de quotas alloués à titre gratuit et la compensation intégrale des coûts indirects, dans tous les États membres, pour 10 % des installations les plus performantes opérant dans des secteurs fortement exposés à des risques de fuite de carbone.

5.5.2.

Il conviendrait d’étudier également les modalités d’extension à la société civile des mécanismes d’incitation en faveur des installations les plus performantes, en assurant un bonus SEQE à des ménages, à des communautés et à des administrations publiques qui réduisent sensiblement leurs consommations énergétiques génératrices de CO2 ou en compensent les émissions au moyen d’ investissements verts .

5.6.

Le CESE estime que le mécanisme de développement propre devrait être maintenu, amélioré et étendu, et qu’il y a lieu de soutenir de manière appropriée l’établissement de liens entre le SEQE de l’Union européenne et les nouveaux modèles qui font leur apparition dans d’autres régions du monde.

5.7.

Le changement climatique appelle une solution globale, reposant sur un accord prévoyant des objectifs bien définis et précis pour toutes les grandes économies mondiales.

6.   Observations particulières

6.1.

Le CESE recommande de revoir les modalités de répartition des quotas, en garantissant un pourcentage de quotas gratuits qui soit à même de répondre aux besoins des opérateurs éligibles. Le recensement des secteurs exposés à un risque de relocalisation à partir de 2020 pourrait subir une baisse significative, avec un seuil de 0,18 comme condition préalable à une éligibilité.

6.2.

Le CESE est préoccupé par un resserrement des paramètres de référence qui pénaliserait davantage les entreprises déjà en difficulté: la réduction transversale de ces paramètres par l’application d’un unique facteur de correction linéaire, fixé sur une base annuelle et compris entre un minimum de 0,5 % et un maximum de 1,5 %, ne tient pas compte de la durée de vie des équipements ni de l’état réel de la technologie dans des secteurs très diversifiés.

6.3.

Le CESE estime que les référentiels relatifs aux fuites de carbone doivent être techniquement et économiquement viables, de manière à refléter les progrès technologiques réels. Il recommande que la méthodologie appliquée pour ramener de 177 à 52, pendant la période 2021-2030, le nombre de secteurs figurant sur la liste de ceux qui sont soumis à un risque de fuites de carbone ait l’aval des partenaires sociaux et soit accompagnée de mesures de sortie progressive.

6.4.

Le CESE est en outre d’avis que le facteur de correction transsectoriel doit être supprimé. Un facteur de correction calculé de manière inadéquate génèrerait des incertitudes quant à l’allocation gratuite de quotas et exposerait les installations les plus menacées à des coûts injustifiés.

6.5.

Il y a lieu, selon le CESE, de prévoir un mécanisme harmonisé au niveau européen pour la compensation des coûts indirects, sur la base des paramètres déjà établis (4), qui évite les actuelles distorsions du marché intérieur, en conférant un caractère obligatoire à l’actuel système fondé sur les aides d’État et en contraignant les États membres à affecter une partie au moins des recettes des mises aux enchères à une compensation suffisante des coûts indirects supportés par les installations les plus performantes sur le plan environnemental, dans les secteurs exposés.

6.6.

Le CESE demande que le système plus flexible et dynamique d’allocation de quotas à titre gratuit repose sur des niveaux de production réels actualisés et soutienne les installations dont l’efficacité a été améliorée, en continuant de leur allouer la même part de quotas à titre gratuit.

6.7.

Il est nécessaire d’assouplir le critère de définition du risque de fuite de carbone pour refléter au mieux l’impact du prix du carbone sur la compétitivité des différents secteurs, en particulier pour les petites et moyennes entreprises, en appliquant le critère qualitatif tel qu’il a été défini en 2008.

6.8.

Le CESE considère que les fonds du SEQE de l’Union européenne — réserve de stabilité, Fonds pour l’innovation, Fonds pour la modernisation — devraient être envisagés dans un cadre global, de manière à assurer leur bon fonctionnement et des systèmes adéquats de gestion et de contrôle et ainsi d’éviter les duplications et chevauchements.

6.9.

Le CESE estime que:

une part de la réserve de stabilité devrait être utilisée pour soutenir la sortie progressive des secteurs exclus de la liste de ceux exposés aux fuites de carbone,

le Fonds pour la modernisation devrait être ouvert non seulement aux pays dont le PIB est inférieur à 60 % de la moyenne de l’Union, mais aussi aux interventions réalisées dans les zones NUTS 2 en vue de la production d’électricité, aux fins de la promotion transparente des investissements, sans création de distorsions au sein du marché intérieur de l’énergie,

le Fonds pour l’innovation devrait intervenir pour soutenir les nouvelles technologies et les processus industriels à faible intensité de carbone, plus particulièrement dans les secteurs faisant l’objet d’un retrait progressif,

il conviendrait de soutenir les enchères volontaires de carbone, telles que le «marché CarboMark», au titre d’engagements additionnels pris volontairement par les propriétaires forestiers afin de maximiser les avantages environnementaux indirects fournis par la forêt, qui offrent la possibilité de voir reconnue, notamment d’un point de vue économique, la fonction climatique de l’écosystème forestier.

6.10.

Le Comité souhaite que les mesures prévues pour les petites installations dont les émissions sont inférieures à 25 000 t CO2 soient étendues aux installations dont les émissions se situent au-dessous de 50 000 t CO2, qui au niveau européen représentent 75 % des installations couvertes par le SEQE de l’Union européenne, mais 5 % seulement des émissions totales.

6.11.

Quant aux émissions résultant de la transformation minéralogique, leur potentiel de réduction par les opérateurs est quasiment nul, raison pour laquelle la totalité des quotas correspondants devrait être allouée à titre gratuit.

6.12.

Étant donné que les mesures de révision du SEQE de l’Union européenne concernent, à côté de la politique énergétique, bien d’autres politiques de l’Union européenne, le CESE préconise la plus grande cohérence — et l’élimination des lourdeurs bureaucratiques — entre les nouvelles dispositions et celles avec lesquelles elles interagissent.

Bruxelles, le 9 décembre 2015.

Le Président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Voir «State aid Modernisation for an integrated EU energy market» (Modernisation de l’aide d’État pour un marché énergétique de l’Union européenne intégré), Joaquín Almunia, vice-président de la Commission européenne et responsable de la politique de concurrence, Bruxelles, le 2 décembre 2013 — Energy: the sector where «more Europe» is most needed (Énergie: le secteur dans lequel le besoin de «plus d’Europe» se fait le plus sentir). Élaboration de principes communs pour l’évaluation de l’aide d’État. Pour qu’une aide soit compatible, il faut qu’elle: contribue à un objectif commun de l’Union européenne, remédie à une défaillance établie du marché/un problème d’équité, soit un instrument adéquat, garantisse un effet incitatif, soit proportionnelle/limitée au minimum, évite les distorsions inutiles de la concurrence et des échanges. Voir également «Lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie pour la période 2014-2020» ( JO C 200 du 28.6.2014, p. 1).

(2)  http://www.eesc.europa.eu/?i=portal.fr.nat-publications-reports&itemCode=24097.

(3)  «Instruments de marché — Économie à faibles émissions de carbone dans l’Union européenne» (JO C 226 du 16.7.2014, p. 1), «Un cadre d’action en matière de climat et d’énergie pour la période comprise entre 2020 et 2030» (JO C 424 du 26.11.2014, p. 39) et «Protocole de Paris» (JO C 383 du 17.11.2015, p. 74).

(4)  «Lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie pour la période 2014-2020» (JO C 200 du 28.6.2014, p. 1).


24.2.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 71/65


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Stratégie pour un marché unique numérique en Europe»

[COM(2015) 192 final]

(2016/C 071/11)

Rapporteur:

M. Raymond HENCKS

Corapporteur:

M. Thomas McDONOGH

Le 12 mai 2015, la Commission européenne a décidé, conformément à l’article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Stratégie pour un marché unique numérique en Europe»

[COM(2015) 192 final].

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l’information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 24 novembre 2015.

Lors de sa 512e session plénière des 9 et 10 décembre 2015 (séance du 9 décembre 2015), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 219 voix pour, 2 voix contre et 7 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) est favorable à la stratégie pour un marché unique numérique européen. Il s’inquiète toutefois que la volonté politique d’une partie des États membres d’ouvrir une brèche vers une Union numérique créatrice et innovante, et pas seulement consommatrice, laisse à désirer.

1.2.

La stratégie pour un marché numérique en Europe proposée par la Commission Juncker constitue un prolongement des stratégies et programmes numériques préalables et est censée donner une nouvelle impulsion à une politique numérique de l’Union européenne qui tarde à se mettre en place. Il s’agit aussi, dans le même temps, de se recentrer sur le commerce et les consommateurs, et sur les mesures nécessaires à une augmentation des échanges et du nombre de consommateurs ainsi qu’à l’amélioration des conditions et de la protection dont ces derniers bénéficient.

1.3.

Dans ce contexte, la priorité doit consister, premièrement, à combler le déficit de compétences. Ce problème relève peut-être tout autant de l’aptitude à la lecture, à l’écriture et au calcul que des compétences numériques et de l’utilisation responsable de ces dernières. Deuxièmement, une utilisation aisée des plateformes étant requise pour animer le marché, il convient de ne pas restreindre leurs activités. Troisièmement, des applications adaptées sont nécessaires, et l’accent mis sur la normalisation est dès lors appréciable. Le développement de l’administration en ligne contribuera à amener un plus grand nombre de citoyens à participer à des activités numériques. Du point de vue du consommateur, le CESE accueille favorablement les initiatives visant à améliorer l’accès des clients et des entreprises aux biens et services numériques dans toute l’Europe.

1.4.

Certaines des initiatives — mais pas toutes — qui sont détaillées sous l’intitulé du point 4.2 «Créer un environnement propice au développement des réseaux et services numériques» sont liées aux infrastructures des réseaux et font partie de la stratégie numérique. Ces propositions sont importantes en raison du contexte du marché unique et de l’urgence dans laquelle elles seront examinées. D’autres initiatives, parmi celles présentées dans cette section, sont elles aussi importantes pour les droits des consommateurs.

1.5.

Le CESE ne peut qu’appuyer la Commission dans sa détermination à lever le cloisonnement en 28 stratégies et marchés numériques nationaux pour les fusionner dans une approche européenne et s’assurer ainsi une position de premier plan dans le domaine de l’économie numérique mondiale, devenue l’apanage de pays tiers.

1.6.

Le CESE est persuadé que l’Union européenne, qui dispose d’excellentes compétences et d’une grande expérience dans certains domaines numériques, peut encore rattraper son retard. Dans ce contexte, le CESE insiste sur le développement de pôles de recherche multidisciplinaires et de synergies européennes dans le cadre de l’espace européen de la recherche, dans des domaines tels que l’informatique en nuage, la nanoélectronique, le stockage et le traitement des mégadonnées, les appareils interrogeables ou contrôlables à distance (objets connectés) et les services intelligents.

1.7.

L’Union pourra rattraper ledit retard si elle réussit, à court terme, à mettre en commun ses ressources pour mobiliser et coordonner les efforts publics et privés des 28 États membres, tout en associant toutes les parties prenantes aux discussions sur la stratégie pour un marché unique numérique. Le CESE approuve l’engagement de la Commission à lancer une consultation publique pour chacune de ses futures actions dans le cadre du marché unique numérique.

1.8.

Le CESE regrette l’absence, dans la stratégie numérique, d’une dimension sociale (à l’exception des questions concernant la compétence numérique), alors que l’évolution des services et modèles d’entreprise entraîne de profondes mutations dans le monde du travail. Le CESE estime qu’à côté des potentiels avantages, les multiples risques et défis, notamment dans le domaine de la sécurité et de l’organisation de l’emploi, et de la sécurité sociale, doivent être pris en considération, de même que les procédures prévues par le traité concernant le dialogue social ainsi que la clause sociale horizontale, qui doivent prendre leur place dans la stratégie pour un marché unique européen (1). Le CESE estime que la dimension sociale, avec toutes ses conséquences pour l’emploi, devrait constituer le quatrième pilier de la stratégie pour un marché unique numérique européen.

2.   Introduction

2.1.

Le CESE comprend le terme «marché unique numérique» au sens d’un transfert vers l’internet des transactions et activités du marché intérieur de l’Union européenne existant. Si cette évolution s’est déjà partiellement matérialisée, les initiatives esquissées par la Commission visent à concrétiser pleinement le potentiel du numérique. Les activités et les transactions sur le marché sont associées à la production de biens et à la fourniture de services, qui sont suivies d’une intermédiation, de leur distribution et de leur consommation. Les transactions entre le consommateur, l’entreprise et les pouvoirs publics reflètent à la fois l’influence des réseaux sociaux et l’évolution vers une société du partage. Dans le marché unique numérique, le rôle des pouvoirs publics est celui d’un prestataire de services.

2.2.

Les avantages liés au transfert des processus commerciaux sont bien connus: une intégration accrue au sein de la chaîne de valeur, une accélération des processus de la conception à la livraison, une amélioration des interfaces avec les clients (notamment dans le contexte des réseaux sociaux) et une augmentation globale de la compétitivité. À mesure que la transition se poursuit, elle ouvrira la voie à un «internet des objets» et à la quatrième révolution industrielle.

2.3.

La caractéristique unique du marché intérieur est qu’il est par nature transnational et qu’il est dès lors bien adapté, en principe, pour exploiter l’internet. Cependant, il reste confronté à certains problèmes qui lui sont propres s’agissant de l’adaptation des règles, législations et réglementations à l’environnement numérique. Il existe en effet un déficit de préparation au numérique dans chacune des catégories d’acteurs (entreprises, pouvoirs publics et consommateurs) et des carences au niveau des infrastructures technologiques du marché unique numérique, et la position dominante de certaines grandes plateformes pourrait s’avérer problématique.

2.4.

En parallèle du projet de marché unique numérique, la Commission déploie sa stratégie numérique. Celle-ci aborde des inquiétudes légitimes concernant la représentation insuffisante de l’Union européenne dans les secteurs mondiaux des matériels et logiciels, des préoccupations qui restent cependant accessoires dans le cadre du marché unique numérique. La Commission estime que les avantages à retirer de l’achèvement du marché unique numérique sont considérables sur le plan du PIB et de l’emploi et que, en l’état, tout ce qui doit être mis en œuvre est à la portée de l’Union européenne et des États membres.

2.5.

L’incapacité à achever le marché unique des services a de profondes répercussions sur le développement du marché unique numérique. Les services représentent le secteur dominant dans les économies des États membres. La fourniture de services est de plus en plus déterminée par les transactions sur l’internet; faire avancer la stratégie relative au marché unique numérique pourrait, en soi, faciliter le développement du marché unique des services.

2.6.

Les règles, réglementations et législations mises en place pour les transactions sur support papier et pour les premières décennies du commerce électronique sont devenues des obstacles à la réalisation du marché unique numérique. Le CESE accueille favorablement le programme législatif proposé ainsi que le calendrier ambitieux qui a été fixé:

des propositions législatives concernant des règles simples et efficaces en matière de marchés transfrontières pour les consommateurs et les entreprises,

un réexamen du règlement relatif à la coopération en matière de protection des consommateurs,

des mesures dans le domaine de la livraison des colis,

un examen de grande envergure en vue d’élaborer des propositions législatives pour lutter contre le blocage géographique injustifié,

une enquête sur la concurrence dans le secteur du commerce électronique, concernant le commerce en ligne de biens et la fourniture en ligne de services,

des propositions législatives en vue d’une réforme du régime du droit d’auteur,

des propositions législatives visant à réduire les charges administratives pesant sur les entreprises et découlant de différents régimes de TVA,

des initiatives concernant la propriété des données, la libre circulation des données (par exemple entre les fournisseurs d’informatique en nuage) et un nuage européen,

un réexamen de la directive «vie privée et communications électroniques».

2.7.

Si le programme législatif exposé au point 2.6 ci-dessus est bien défini, les actions envisagées pour renforcer la sensibilisation, l’aptitude et la préparation à l’internet dans les trois catégories d’acteurs (entreprises, pouvoirs publics et consommateurs) sont, quant à elles, beaucoup moins claires:

les compétences et l’expertise numériques sont — notamment dans de nombreuses catégories de citoyens européens — loin d’être satisfaisantes, tout comme les propositions de la Commission à cet égard. Le CESE déplore que la Commission n’accorde pas la priorité qui convient à ce facteur de réussite déterminant pour le marché unique numérique et la société de l’information en Europe,

l’adoption d’un plan en matière de normes prioritaires dans le domaine des TIC et l’extension du cadre d’interopérabilité européen pour les services publics,

un nouveau plan d’action pour l’administration en ligne comprenant une initiative relative au principe d’«une fois pour toutes» et une initiative concernant la réalisation de l’interconnexion des registres du commerce.

Ensemble, ces initiatives toucheront les citoyens, les PME, les services publics et privés et les applications sectorielles qui jouent un rôle central dans la réalisation du marché unique numérique. Ces propositions semblent manquer de précision et ne pas tenir compte de l’urgence d’agir. Le CESE suivra attentivement le développement de ces initiatives, qui relèvent toutes de la responsabilité de l’Union européenne et des États membres.

2.8.

Un certain nombre de mesures essentielles portant sur les infrastructures sont proposées:

un réexamen de la directive «satellite et câble»,

des propositions législatives visant à réformer la réglementation actuelle en matière de télécommunications,

une révision de la directive «Services de médias audiovisuels» (la Commission procédera à son réexamen),

la mise en place d’un partenariat public-privé contractuel sur la cybersécurité.

Si les télécommunications et la cybersécurité apparaissent comme les priorités évidentes, la clarification des règles applicables à la fourniture de services audiovisuels par le câble, le satellite et le haut débit est, elle aussi, urgente.

2.9.

Ce sont les plateformes qui animent le marché unique numérique. La plupart des acteurs des catégories «entreprises», «pouvoirs publics» et «consommateurs» les utilisent quotidiennement. Elles sont accessibles, simples d’utilisation et souvent gratuites. Si la poursuite de leur développement est indispensable, il y a cependant matière à préoccupation:

elles favorisent des applications perturbatrices qui bousculent certains secteurs et entreprises établies. Si les clients en bénéficient, ces entreprises mettent en doutent leur légalité,

de nombreuses plateformes détiennent des positions dominantes qui soulèvent des questions quant à d’éventuels abus,

même si la plupart des plateformes sont domiciliées dans des pays tiers, il existe un secteur des plateformes dans l’Union européenne, qui a besoin de conditions de concurrence équitables pour survivre et prospérer.

C’est pourquoi le CESE accueille favorablement l’étude portant analyse approfondie du rôle des plateformes sur le marché, notamment les contenus illicites sur l’internet. Le succès du marché unique numérique passe par l’essor des plateformes, dont la marge de manœuvre ne devrait dès lors pas être entravée par l’application de la législation.

2.10.

À la lumière de l’analyse ci-dessus, le CESE considère que les programmes relatifs aux catégories d’acteurs exposés au point 2.7 ci-dessus constituent probablement le talon d’Achille de la stratégie, et souhaite exprimer quelques réserves s’agissant des plateformes.

3.   Observations générales

3.1.

Il est indéniable que, jusqu’à présent, l’Union européenne n’a pas tiré le meilleur parti des énormes possibilités offertes par les technologies numériques. Cela est dû en grande partie au fait que le marché européen reste scindé en 28 marchés nationaux.

3.2.

Or, certains États membres préfèrent de toute évidence maintenir et développer une stratégie numérique purement nationale, plutôt que d’ouvrir une brèche vers une union numérique européenne créatrice et innovante. En parallèle, les ministres allemand et français de l’économie ont appelé à la création d’un cadre commun porté en particulier par leurs deux pays.

3.3.

Le CESE constate en outre que les Premiers ministres de certains États membres ont écrit au président du Conseil pour faire part de leurs réserves quant à la mise en œuvre de la stratégie. Ils ont insisté sur l’importance de «ne réglementer que lorsqu’il existe une preuve évidente de la nécessité de le faire, en s’appuyant sur les principes d’une réglementation intelligente et sur une analyse d’impact approfondie. Il est absolument évident que le marché unique numérique ne sera une réussite que s’il n’étouffe pas l’innovation, l’investissement et l’esprit d’entreprise». Le CESE partage ce point de vue sous réserve que les intérêts des consommateurs et des employés soient, au même titre, pris en considération.

3.4.

La Commission envisage cette nouvelle stratégie pour l’achèvement du marché unique numérique comme le prolongement de la stratégie numérique pour l’Europe de 2010. Celle-ci prévoyait 101 actions parmi lesquelles, selon la Commission, 72 ont été menées à bien et 23 devraient être achevées dans les délais fixés, sans que pour autant le marché unique numérique ne soit achevé, de sorte qu’une partie de ces initiatives se retrouvent dans la nouvelle stratégie à l’examen.

3.5.

Lors de la présentation des orientations politiques de la nouvelle Commission, son président, M. Juncker, a estimé qu’en «créant un marché unique numérique connecté, nous pouvons générer jusqu’à 250 milliards d’EUR de croissance supplémentaire et créer ainsi des centaines de milliers de nouveaux emplois». Selon la communication à l’examen, «le PIB de l’Union européenne pourrait augmenter de 415 milliards d’EUR», alors que les deux commissaires chargés du numérique parlent de 3,8 millions d’emplois générés par un marché unique numérique.

3.6.

Le CESE estime qu’il est contre-productif d’accabler les citoyens avec des chiffres qui varient substantiellement selon la source au sein de la Commission, mais qui sont néanmoins présentés comme des vérités irréfutables, alors qu’ils sont peu crédibles. De telles déclarations finissent par susciter la méfiance à l’égard des décideurs politiques et provoquent une indifférence face aux problèmes réels.

3.7.

Jusqu’à présent, la Commission n’a jamais fourni la preuve que ses prédictions du même type se sont réalisées. Le CESE demande qu’à la fin de son mandat, l’actuelle Commission fasse le point et compare ce bilan à ses pronostics.

3.8.

Le CESE estime qu’il est irréaliste de croire à un achèvement du marché unique numérique au cours de l’actuel mandat de la Commission, ceci d’autant plus que les études d’impact ou recherches scientifiques afférentes soutenant de telles affirmations ne sont pas publiées. Le CESE considère que les estimations de la Commission devraient être confrontées aux études qui prévoient de substantielles pertes d’emplois engendrées par les mutations numériques (2).

3.9.

Selon la Commission, la réalisation du marché numérique connecté permettrait à l’Europe de conserver une position de premier plan dans le domaine de l’économie numérique au niveau mondial, tout en offrant aux entreprises européennes la possibilité de se développer également en dehors de l’Union.

3.10.

Le CESE constate avec regrets que l’ambition de l’Union européenne, inscrite dans la stratégie de Lisbonne de 2000, consistant à devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale, a été substantiellement revue à la baisse.

3.11.

L’Union européenne est en retard.

L’économie numérique est devenue l’apanage des États-Unis et de l’Asie. Une cinquantaine de grands opérateurs européens de communications électroniques sont soumis à 28 cadres réglementaires nationaux distincts, alors que les six grands opérateurs du marché américain et les trois géants du marché chinois sont régis par un cadre réglementaire unique. La vision du marché numérique intraeuropéen comme facteur d’intégration n’est plus appropriée dans un monde numérisé sans frontières; elle n’a, par ailleurs, pas empêché les grandes plateformes de pays tiers de créer des monopoles ou oligopoles dans la plupart des pays de l’Union européenne.

3.12.

Le CESE continue d’espérer que l’Union européenne peut encore rattraper son retard et que la stratégie pour un marché unique numérique en Europe est de nature à pouvoir donner un nouveau souffle au secteur, à condition toutefois d’être créatrice et non pas seulement utilisatrice du numérique, d’encourager un saut qualitatif sociétal vers une éducation précoce des jeunes pour développer les compétences numériques et promouvoir leur utilisation responsable, d’éliminer la fracture numérique, de garantir l’accessibilité pour tous les citoyens (y compris les personnes handicapées) et de garantir des investissements publics et privés appropriés dans l’enseignement, la formation professionnelle et la recherche.

3.13.

À cette fin, l’Union européenne a besoin de mettre en commun ses ressources pour mobiliser et coordonner des efforts publics et privés dans les 28 États membres. C’est indispensable si elle ne veut pas passer à côté des tournants que prend régulièrement l’économie numérique, à l’image, par exemple, des applications mobiles dont le nombre a explosé en quelques années, de l’informatique en nuage, des mégadonnées (big data) ou des enjeux stratégiques qui se situent désormais au niveau des plateformes de services numériques géantes, qui sont devenues des voies de passage incontournables pour accéder à l’internet. La discussion relative à la stratégie pour un marché unique numérique doit associer toutes les parties prenantes et prendre en considération la protection et les droits fondamentaux des citoyens, des consommateurs, des travailleurs et des personnes handicapées en vue d’une société inclusive.

3.14.

Le CESE ne peut que constater l’absence complète d’une dimension sociale dans la stratégie pour un marché unique numérique. Les effets de la numérisation sur l’emploi et leurs enjeux restent largement ignorés, alors que la permanente évolution des services et modèles d’entreprise entraîne de profondes mutations dans le monde du travail, avec des répercussions substantielles sur la nature du travail et la structure des entreprises et un risque d’éclatement des conventions collectives. Dans ce contexte, les procédures prévues par le traité concernant le dialogue social ainsi que la clause sociale horizontale doivent prendre leur place dans la stratégie pour un marché unique numérique. Dans son avis CCMI/136 relatif aux effets de la numérisation sur le secteur des services et de l’emploi dans le cadre des mutations industrielles, le CESE a formulé une série de recommandations en vue d’éviter que l’évolution du numérique ne nuise à l’efficacité des systèmes existants d’enseignement professionnel, de protection de l’emploi, de sécurité sociale et de fiscalité. Le CESE estime que la dimension sociale, avec toutes ses conséquences pour l’emploi, devrait constituer le quatrième pilier de la stratégie pour un marché unique numérique européen.

3.15.

Un autre domaine dans lequel l’Union européenne a l’occasion de faire valoir sa position est celui des mégadonnées, dans lequel les normes techniques qui organiseront la collecte et le traitement des données doivent encore être inventées. Pour y parvenir, il convient d’unifier les différentes réglementations nationales dans un cadre européen cohérent qui, grâce à une politique intelligente en matière de traitement des données, se distingue par une articulation équilibrée entre intérêts économiques et protection de la vie privée, dans des domaines divers tels que le secteur médical, la santé publique, les services à la personne, l’agroalimentaire, etc.

3.16.

L’Union européenne, habituée aux discussions sur les normes techniques entre ses États membres, peut s’appuyer sur son expérience en la matière en vue de créer une politique européenne des données, en s’appuyant sur un cadre juridique de qualité, et de garder la main sur les normes relatives à la protection des données privées (voir SWIFT), afin d’éviter qu’elles ne soient imposées par d’autres acteurs.

3.17.

Le CESE fait par ailleurs observer que le secteur du numérique est également marqué par un important déséquilibre dans la représentation des deux sexes et que les professionnels des TIC sont dans leur grande majorité des hommes. Compte tenu des nombreux postes non pourvus dans le secteur des TIC, l’Union européenne et les États membres devraient inciter plus de candidates de sexe féminin à s’engager dans la voie d’un emploi dans le numérique.

3.18.

Dans son rapport «Golden growth: Restoring the lustre of the European economic model», la Banque mondiale a divisé l’Union européenne en six blocs pour mettre en exergue, sur la base d’indicateurs numériques, les différences considérables entre États membres dans le déploiement des technologies, des compétences et des applications numériques, ainsi que du commerce électronique. Le CESE invite la Commission à prendre pleinement en considération ces différences lors de la détermination des actions prioritaires de son plan de travail.

3.19.

Enfin, le CESE prend note de la déclaration de la Commission selon laquelle — outre un financement de l’Union européenne de quelque 21,4 milliards — le Fonds européen pour les investissements stratégiques a vocation à soutenir un large éventail de projets numériques, et observe que la Banque européenne d’investissement et le Fonds européen d’investissement offrent d’importantes possibilités de financements supplémentaires. Le CESE se félicite du fait que la Commission travaillera avec la BEI, les promoteurs de projets et les États membres pour que les fonds disponibles soient intégralement utilisés, mais s’interroge toutefois sur les raisons pour lesquelles les fonds de l’Union européenne qui ont été alloués aux États membres sont restés largement sous-utilisés. Le CESE demande une analyse en la matière afin qu’une utilisation efficace et efficiente soit garantie à l’avenir.

4.   Observations spécifiques

4.1.    Améliorer l’accès aux biens et services numériques dans toute l’Europe pour les consommateurs et les entreprises

4.1.1.   Propositions législatives concernant des règles simples et efficaces en matière de marchés transfrontières pour les consommateurs et les entreprises

Cette initiative est ambitieuse mais elle est la bienvenue pour autant qu’elle soit réalisable. Même dans ce cas, le commerce transfrontière — électronique ou non — continuera de poser des difficultés aux PME et aux particuliers, en raison de problèmes linguistiques et culturels. Si des textes contractuels normalisés, équitables et simples, dans toutes les langues de l’Union européenne, lèveront un obstacle important, d’autres subsisteront, comme par exemple les inquiétudes concernant la sécurité du commerce électronique, transfrontière ou autre. Dans ce contexte, l’initiative sur la cybersécurité est la bienvenue.

Le CESE escompte que dans la mise en œuvre de la stratégie pour le marché unique numérique européen, toutes les propositions garantissent aux consommateurs un niveau de protection élevé et qu’elles n’entraînent, dans aucun État membre, de baisse du niveau de protection existant actuellement.

Un sujet d’inquiétude demeure pour les partenaires sociaux, qui craignent que le commerce électronique transfrontière ne perturbe des activités existantes à l’échelle nationale. Cette préoccupation met en lumière la nécessité d’intégrer la dimension sociale à la stratégie.

4.1.2.   Réexamen du règlement relatif à la coopération en matière de protection des consommateurs

Une coopération efficace est clairement la condition essentielle d’une protection transfrontière et sans discontinuité des consommateurs. Des procédures prévoyant une indemnisation et des recours en temps utile constitueront probablement le principal facteur d’acceptation du commerce électronique transfrontière.

Il y a lieu de déployer tous les efforts nécessaires pour réduire la charge réglementaire qui pèse sur les PME.

Le CESE considère que la Commission devrait:

veiller à ce que les consommateurs puissent accéder par-delà les frontières à du contenu légalement disponible à des conditions équitables et raisonnables,

examiner la mesure dans laquelle les consommateurs font l’objet de discriminations en ligne en fonction du pays dans lequel ils résident ainsi que les conséquences de ces pratiques sur l’économie et les consommateurs, et proposer les mesures nécessaires pour lutter contre toute discrimination,

examiner la mise en œuvre et le contrôle du respect des droits des consommateurs, définir les modalités selon lesquelles ces droits s’appliquent aux produits numériques et veiller à ce que les consommateurs et les entreprises comprennent leurs droits et aient l’assurance qu’ils seront mis en application.

4.1.3.   Mesures dans le domaine de la livraison des colis

La livraison rapide des colis est la condition essentielle de la satisfaction des clients au niveau des marchés nationaux du commerce électronique et elle fonctionne bien. Il est logique que le commerce électronique transfrontière soit soutenu de façon similaire, bien que le Comité observe que des services de colis internationaux importants sont déjà actifs en Europe.

4.1.4.   Examen de grande envergure en vue d’élaborer des propositions législatives pour lutter contre le blocage géographique injustifié  (3)

Cette observation s’applique à la fois au commerce électronique et aux services audiovisuels. S’agissant du commerce électronique, les recherches de biens et de services donnent rarement des résultats en dehors de la zone géographique de la personne qui effectue la recherche. À l’opposé, la fourniture de résultats à l’échelle de l’Union européenne pourrait noyer la recherche.

En fait, il est possible de régler le moteur de recherche sur n’importe quelle zone géographique souhaitée. L’un des problèmes est que les consommateurs situés dans une zone différente peuvent faire l’objet de tarifications discriminatoires, comme l’a récemment démontré l’affaire «Disneyland Paris». Le CESE serait favorable à des actions visant à garantir que le commerce électronique transfrontière se déroule dans des conditions de concurrence équitables, afin que les consommateurs soient protégés. Un autre problème est rencontré dans certains cas, quand l’accès transfrontière aux sites web est tout simplement refusé.

Le blocage audiovisuel comporte deux dimensions: la restriction de l’accès externe aux nationaux en déplacement et disposant du droit d’accéder aux services à l’échelon national, et la restriction de l’accès externe aux non-nationaux faisant valoir la citoyenneté de l’Union. Dans le premier cas, le CESE recommande la mise en place d’identités numériques pour faciliter l’accès. Concernant la seconde dimension, le CESE est conscient que, dans la plupart des cas, le blocage géographique est soit causé par des restrictions de droits, soit par des préoccupations commerciales. Un cadre de droits rationalisé serait utile, mais il faut veiller à ne pas perturber les modèles commerciaux liés à la publicité et à l’accès au marché.

4.1.5.   Enquête sur la concurrence dans le secteur du commerce électronique, concernant le commerce en ligne de biens et la fourniture en ligne de services

Le CESE se félicite de la surveillance des marchés mise en œuvre par les autorités de la concurrence et du régime strict de sanctions à l’encontre de l’abus de position dominante. Dans le même temps, le Comité note toutefois que ce sont de grandes entreprises qui ont fait avancer la technologie et l’économie numérique, au bénéfice de l’économie et de la société dans leur ensemble. Par conséquent, le CESE recommande vivement que les enquêtes envisagées se fondent strictement sur les principes établis du droit commercial et du droit de la concurrence.

4.1.6.   Propositions législatives en vue d’une réforme du régime du droit d’auteur

Le CESE soutient ces propositions pour autant que les différents modèles d’exploitation commerciale restent viables et que les droits des titulaires de propriété intellectuelle soient respectés.

4.1.7.   Réexamen de la directive «satellite et câble»

Cette directive porte sur la coordination de certaines règles du droit d’auteur et des droits voisins du droit d’auteur applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble. Le Comité convient qu’un réexamen de la directive est nécessaire, tant dans le contexte des propositions législatives anticipées au point 4.1.6 que pour tenir compte des profondes mutations qui ont lieu dans ces secteurs.

4.1.8.   Propositions législatives visant à réduire les charges administratives pesant sur les entreprises et découlant de différents régimes de TVA

Un facteur important pour la réussite de la stratégie pour un marché unique numérique est la fiscalité du numérique, dans un contexte où il est évident que le droit fiscal européen et le droit fiscal national sont inadaptés aux réalités de l’économie numérique et une source d’évasion fiscale et de concurrence déloyale. Le CESE approuve l’approche de la Commission relative à la TVA (considérant le lieu où le client est établi et non plus le lieu d’établissement du prestataire) ainsi que le principe relatif à la fiscalité directe, prévoyant que les bénéfices devraient être imposés là où la valeur est créée, tout comme il soutient la Commission dans sa démarche visant à réduire les charges administratives imposées aux entreprises en raison de la disparité des régimes de TVA. S’agissant du point iv), une solution plus simple consisterait à étendre l’exonération aux transactions intra-UE.

4.2.    Créer un environnement propice au développement des réseaux et services numériques

4.2.1.   Propositions législatives visant à réformer la réglementation actuelle en matière de télécommunications

La différence évidente entre l’Europe, l’Asie et les États-Unis dans le domaine des télécommunications est la fragmentation du marché européen. Afin de créer des organisations dotées de capacités d’investissement et de recherche leur permettant d’être compétitives au niveau mondial, tout réexamen devrait également prendre en considération les capacités des fournisseurs de services de communication sur l’internet de niveaux 1 et 2, en raison de la croissance exponentielle du trafic numérique. Cet examen devrait aussi avoir pour ambition de trouver une solution équilibrée au problème de la neutralité du réseau. Dans la mesure où des médias audiovisuels sont et seront fournis via l’internet, les opérateurs de télécommunications doivent avoir la liberté de répondre aux attentes de leurs utilisateurs sur le plan de la qualité et de la vitesse des services fournis.

S’agissant des propositions de la Commission, le Comité se réjouit du fait que l’accent continue d’être mis sur la protection des consommateurs, ainsi que de la dynamique de réduction de la fragmentation et du renforcement de l’harmonisation.

4.2.2.   Réexamen de la directive sur les services de médias audiovisuels

Il existe des disparités criantes entre la situation des radiodiffuseurs licenciés soumis à la réglementation et celle des prestataires de services dont l’activité n’est pas encadrée. Les frontières sont rendues encore plus floues par la retransmission d’émissions réglementées en haut débit et la pléthore de sites web distribuant des vidéos à la demande (VOD), la foule de blogueurs actifs dans la sphère des actualités et la dimension numérique qui est désormais associée à la plupart des journaux.

Néanmoins, le Comité doute qu’il soit souhaitable d’essayer de réglementer tous les services de manière uniforme. La radiodiffusion linéaire doit respecter certaines normes du fait des obligations de service public et du choix limité des spectateurs. L’accès à des sites web en haut débit s’effectue à la discrétion du spectateur, tout comme le contrôle parental. Compte tenu de la rapidité des évolutions dans ce secteur, il sera opportun de procéder à un réexamen et des changements seront nécessaires, mais il convient de trouver un juste équilibre.

4.2.3.   Analyse approfondie du rôle des plateformes sur le marché, notamment les contenus illicites sur l’internet

Il est clair que la stratégie numérique de l’Union européenne repose largement sur des plateformes et est favorisée par celles-ci, comme c’est également le cas dans d’autres régions du monde. Le succès des principales plateformes leur a donné une position dominante, de laquelle il convient de ne pas abuser. Cependant, le CESE met en garde la Commission quant à la nécessité de ne pas entraver les opérations de ces entreprises uniquement parce qu’elles sont grandes et florissantes. Cela risquerait en effet de faire obstacle au développement du marché unique numérique en Europe.

Cependant, les cinq interventions proposées par la Commission sont judicieuses et raisonnables; elles peuvent potentiellement accroître l’utilité des plateformes sur le marché unique numérique. Il est primordial que la Commission adopte une approche équilibrée et ne fasse pas abstraction des intérêts commerciaux légitimes des plateformes.

4.2.4.   Réexamen de la directive «vie privée et communications électroniques»

Le CESE approuve l’approche suivie en matière de protection des données à caractère personnel. Il n’est toutefois pas convaincu que le «droit à l’oubli» soit applicable à long terme dans sa version actuelle, en raison de l’interprétation trop large qu’en fait l’Union européenne pour l’heure et de la difficulté technique pour faire respecter ce droit sur le réseau mondial. Le Comité invite instamment la Commission à préciser ce «droit» en vue de protéger les personnes vulnérables, afin d’en garantir l’acceptation au niveau mondial.

4.2.5.   Mise en place d’un partenariat public-privé contractuel sur la cybersécurité

Dans l’économie numérique, les différentes étapes de la chaîne de valeur ne connaissent pas de frontières et dépassent la dimension nationale, ce qui favorise largement la cybercriminalité. Le CESE se félicite que la stratégie pour un marché unique numérique prévoie un partenariat avec l’industrie en matière de cybersécurité, de sorte qu’une culture de gestion des risques et de circulation efficace des informations, annoncée de longue date, prenne enfin forme.

La cybercriminalité comporte également un aspect particulier qui n’est pas abordé par la Commission: les technologies de l’information et de la communication offrent des possibilités de cybersurveillance, susceptibles d’être exploitées à des fins de contrôle des données et des communications personnelles, au mépris des libertés individuelles, voire à des fins d’espionnage contre les États et leurs gouvernements. À cet égard, le CESE estime qu’il faudra organiser des échanges d’informations et améliorer les capacités de détection et d’intervention au niveau de l’Union européenne.

La Commission ne donne aucune indication quant à la portée du partenariat proposé, aux résultats qui en sont attendus ou à sa structure (un ou plusieurs partenaires). Le Comité souligne également l’ampleur des investissements de marché dans la cybersécurité à l’heure actuelle. Pour ces deux raisons, il ne peut se prononcer sur cette proposition avant d’en savoir davantage.

4.3.

Maximiser le potentiel de croissance de l’économie numérique

4.3.1.   Initiatives concernant la propriété des données, la libre circulation des données (par exemple entre les fournisseurs d’informatique en nuage) et un nuage européen

Le CESE a conscience de l’existence d’un conflit au niveau de l’environnement des mégadonnées entre, d’une part, la sécurité des données à caractère personnel et, d’autre part, la nécessité d’agréger ces ensembles de données dans le cadre de méga-analyses réalisées à des fins économiques, sociales ou médicales. Le CESE invite instamment la Commission à mettre à profit le réexamen prévu pour résoudre ce conflit.

4.3.2.   Adoption d’un plan en matière de normes prioritaires dans le domaine des TIC et extension du cadre d’interopérabilité européen pour les services publics

Le CESE soutient cette initiative. Si un certain degré de normalisation du matériel et des logiciels systèmes est obtenu grâce à des instances internationales, il existe manifestement de vastes possibilités de normalisation et d’interopérabilité au niveau des secteurs, des programmes et des applications, ainsi qu’un formidable potentiel d’accroissement de la valeur et de la pertinence du marché unique numérique.

4.3.3.   Nouveau plan d’action pour l’administration en ligne comprenant une initiative relative au principe d’«une fois pour toutes» et une initiative concernant la réalisation de l’interconnexion des registres du commerce

La responsabilité de l’administration en ligne incombe aux États membres. Certains jouent un rôle moteur dans ce domaine et d’autres sont à la traîne. Des progrès en direction d’une administration en ligne qui fonctionne pleinement constituent une condition préalable indispensable en vue d’un marché unique numérique.

4.3.4.   Compétences et expertise numériques

La Commission n’a pas de programme législatif en vue concernant les compétences et l’expertise numériques et laisse cette question à l’appréciation des États membres. Le CESE déplore l’absence de nouvelles initiatives dans ce domaine. Il souhaiterait au minimum une communication de la Commission faisant état des normes et des bonnes pratiques. Par ailleurs, il convient de mettre l’accent sur l’alphabétisation et l’aptitude au calcul, car il s’agit de composantes clés dans la palette des compétences numériques.

La communication envisagée par le CESE fournirait un cadre structuré pour les différentes étapes de la vie, assorti de propositions générales en matière d’apprentissage tout au long de la vie. Ce cadre devrait inclure quatre volets: l’éducation, l’emploi, la retraite et le handicap.

A

ÉDUCATION

A1

École primaire — compétences élémentaires.

A2

École secondaire — deux filières sont envisagées:

palette de compétences complète pour transmettre aux élèves le bagage qui leur permettra de vivre et travailler en toute confiance dans la société de l’information,

palette de compétences numériques spécifiques pour les étudiants ayant le potentiel pour devenir des professionnels des TIC et combler le déficit de compétences dans le secteur. C’est dans ce contexte que des efforts supplémentaires doivent être engagés en faveur d’une représentation plus équilibrée entre hommes et femmes dans les technologies de l’information.

A1 et A2 Il est important de développer l’utilisation responsable des compétences numériques, dans l’enseignement tant primaire que secondaire.

A3

Enseignement tertiaire — deux filières sont envisagées:

compétences liées à chaque métier, intégrées aux enseignements et aux examens dans des cursus tels que l’ingénierie, les mathématiques et les biotechnologies,

formation avancée aux technologies, pour apporter aux étudiants les qualifications qui leur permettront d’occuper les emplois vacants dans les secteurs technologiques.

B

EMPLOI

B1

Formation liée à l’emploi exercé, assurée par les employeurs, en mettant en permanence l’accent sur la formation de reconversion et le développement professionnel continu afin de maintenir les compétences à jour.

B2

Formation des chômeurs devant être organisée par les pouvoirs publics, par l’intermédiaire des agences appropriées.

C

RETRAITE

C1

Les compétences liées à la société de l’information doivent être mises à la disposition de toutes les personnes qui n’ont pas eu l’occasion d’y accéder dans leur parcours personnel et professionnel.

C2

Programmes spéciaux pour aider les personnes qui deviennent infirmes à rester intégrées à la société de l’information.

D

HANDICAP

Soutien à chaque étape pour faire entrer les personnes handicapées dans la société de l’information et les y maintenir, notamment à mesure que leur handicap devient plus sévère.

Les données reprises dans la communication de la Commission font clairement apparaître des déficits de compétences à tous les âges et dans toutes les régions. Pour garantir que seul un très faible nombre de citoyens, voire aucun, ne soit exclu de la société de l’information et du marché numérique unique, le Comité estime que l’unique solution réside dans un programme structuré et contrôlé dans chaque État membre. Le CESE a demandé à plusieurs reprises des mesures résolues dans le domaine des compétences. Dans le contexte du marché unique numérique, l’heure est venue pour la Commission d’agir.

Bruxelles, le 9 décembre 2015.

Le Président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Avis du Comité économique et social européen sur «Les effets de la numérisation sur le secteur des services et l’emploi dans le cadre des mutations industrielles» (JO C 13 du 15.1.2016, p. 161).

(2)  Voir la note 1 de bas de page.

(3)  Directive 2006/123/CE.


24.2.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 71/75


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Plan d’action de l’Union européenne contre le trafic de migrants (2015-2020)»

[COM(2015) 285 final]

(2016/C 071/12)

Rapporteure:

Mme Brenda KING

Le 6 juillet 2015, la Commission européenne a décidé, conformément à l’article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Plan d’action de l’Union européenne contre le trafic de migrants (2015-2020)»

[COM(2015)285 final].

La section spécialisée «Relations extérieures», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 12 novembre 2015.

Lors de sa 512e session plénière des 9 et 10 décembre 2015 (séance du 10 décembre 2015), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 176 voix pour, 3 voix contre et 5 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement les objectifs affichés par le plan d’action de l’Union européenne contre le trafic de migrants (1), à savoir de «prévenir le trafic de migrants et l’endiguer, tout en assurant la protection des droits de l’homme dont bénéficient les migrants» et de «traiter les causes profondes de la migration irrégulière». Il rappelle que les réfugiés bénéficient d’un statut spécial, au titre de la convention des Nations unies de 1951 relative au statut des réfugiés.

1.2.

Le CESE soutient les efforts du plan d’action visant à affaiblir les réseaux criminels organisés en recourant au renseignement et à des enquêtes financières, à mettre fin au blanchiment de capitaux et à saisir les avoirs d’origine criminelle; toutefois, il préconise vivement que le plan adopte une approche plus globale et équilibrée en précisant par quels moyens l’Union européenne protégera et aidera les personnes qui sont victimes du trafic d’êtres humains.

1.3.

Tout en s’appuyant sur la déclaration de la communication de la Commission européenne selon laquelle «les réseaux de passeurs peuvent être affaiblis si moins de personnes sollicitent leurs services», le CESE fait observer que, pour l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), «il est difficile, sinon impossible, pour de nombreuses personnes vivant dans des pays appauvris ou des zones touchées par des conflits armés et une instabilité politique d’obtenir un visa pour l’espace Schengen. Des individus et des groupes à la recherche de profit ont tiré parti de cette situation et développé des activités florissantes qui répondent à la demande de passage des frontières» (2). Le CESE recommande par conséquent de mettre en place des mesures de prévention pour respecter la demande, formulée par le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU) à l’attention de l’Union européenne, d’«envisager de créer davantage de voies sûres et légales d’entrée dans l’Union pour [les réfugiés et les migrants] de sorte qu’ils ne soient pas laissés aux mains de réseaux criminels et ne s’embarquent pas pour de dangereuses traversées en mer». Ces déclarations rejoignent les recommandations formulées par le CESE dans ses nombreux avis sur les migrations.

1.4.

Le CESE convient qu’il est nécessaire de garantir la mise en œuvre du principe de solidarité et de responsabilité partagée en vue d’une répartition plus équitable des demandes d’asile entre les États membres. Il conviendrait d’adapter la convention de Dublin afin de l’accorder avec ce système plus inclusif et de protéger l’accord de Schengen.

1.5.

Aussi le CESE souscrit-il à la déclaration du président de la Commission, M. Jean-Claude Juncker, qui a mis en garde les États membres contre la tentation de profiter de la crise des migrants pour démanteler l’accord de Schengen (3). Le CESE demande que la Commission suive attentivement l’évolution de la situation et garantisse un prompt retour à la normale.

1.6.

Le CESE recommande également de renforcer les compétences du Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO), en accordant une attention particulière à ses activités opérationnelles d’appui et aux équipes de soutien commun en matière d’asile dans les États membres qui ont besoin d’un soutien spécifique ou d’urgence. Il est essentiel que l’Union veille à ce que les États membres utilisent les visas humanitaires de manière plus harmonisée, cohérente, indépendante et flexible, comme le prévoit le code commun des visas.

1.7.

Le CESE accueille favorablement la dernière proposition de la Commission, à savoir de «s’attaquer à la dimension extérieure de la crise des réfugiés» (4), en lançant notamment un fonds d’affectation spéciale d’urgence pour l’Afrique. Cette dernière proposition semble reconnaître le fait que traiter les causes profondes de la migration dépasse le champ étroit des affaires intérieures et de la sécurité et est lié à d’autres domaines d’action comme le commerce, le développement, la politique étrangère et l’intégration. Cela est conforme au principe de la cohérence des politiques de l’Union européenne en matière de coopération internationale au développement.

1.8.

Le CESE recommande, pour traiter les causes socio-économiques profondes du trafic de migrants, de recourir au programme de développement durable au titre de solution à long terme. Le CESE entend rappeler aux États membres de l’Union européenne qu’ils ont pris l’engagement d’affecter 0,7 % de leur revenu national brut (RNB) à l’aide au développement. Dans bien des cas, cet engagement n’a pas été respecté, certains États membres ayant réduit leur volume officiel d’aide au développement.

1.9.

Étant donné les défis auxquels est confrontée l’Europe, avec une croissance atone, une population vieillissante et en recul démographique et une pénurie de main-d’œuvre, il importe également de relier les politiques migratoires de l’Union européenne aux politiques concernant l’immigration à des fins de travail et les politiques d’intégration, en tant que volet du marché du travail, compte tenu des preuves manifestes que l’immigration est un facteur vital pour la reprise et la croissance économiques de l’Europe.

1.10.

Le CESE convient qu’il faut améliorer la politique de retour entre les différents pays de l’Union européenne et rappelle à la Commission qu’il a souligné à de nombreuses reprises que les droits de l’homme doivent être respectés en tout temps pour les demandeurs d’asile.

1.11.

Le présent avis invite les représentants des institutions de l’Union et des gouvernements nationaux à prendre en compte le rôle primordial que jouent les partenaires sociaux et la société civile organisée pour conférer une perspective sociale et une valeur ajoutée aux politiques européennes de migration.

1.12.

Le CESE demande par ailleurs que l’on réfléchisse davantage à l’idée d’allouer systématiquement des fonds aux organisations qui apportent une aide essentielle aux migrants aussi bien sur leur route vers un espace de sécurité que dans leurs efforts d’intégration, aide qui compense souvent les insuffisances des capacités institutionnelles. Le CESE est favorable à l’approche consistant à reconnaître le rôle que jouent les organisations de la société civile dans la compréhension de la question du trafic de migrants ainsi que leur rôle d’intermédiaires pour aider les personnes se trouvant dans des situations où ni les États nationaux ni l’Union européenne ne peuvent intervenir.

2.   Contexte

2.1.

L’agenda européen en matière de migration (5), que la Commission a adopté le 13 mai 2015, présente les mesures immédiates que celle-ci doit prendre pour répondre à la situation de crise en Méditerranée et érige en priorité la lutte contre le trafic de migrants «afin de prévenir l’exploitation de ces derniers par les réseaux criminels et de réduire les incitations à la migration irrégulière».

2.2.

Depuis l’adoption de cet agenda, l’évolution rapide et mouvante des circonstances, marquée par l’arrivée massive de demandeurs d’asile, a débouché sur une situation d’exception, qui a poussé la Commission à prendre, le 9 septembre 2015, des mesures décisives sous la forme d’un paquet complet de propositions destinées à répondre à la crise des réfugiés.

2.3.

Le fait que la Commission (6) ait avancé cette proposition est dû à l’aggravation de la situation migratoire en Méditerranée centrale et orientale. Selon les données transmises par Frontex, du 1er janvier au 30 août 2015, les routes de la Méditerranée centrale et orientale et celle des Balkans occidentaux ont été les principales zones d’entrée clandestine dans l’Union, représentant 99 % du nombre total de franchissements irréguliers des frontières de l’Union européenne. Les données Frontex démontrent également que plus de 30 % de l’ensemble des franchissements irréguliers détectés jusqu’à présent en 2015 concernent aujourd’hui la route des Balkans occidentaux. Cela représente un flux de demandeurs d’asile s’élevant à environ 500 000 personnes, ce qui exerce une pression intense sur les États membres situés aux frontières extérieures de l’Union européenne (7). La majorité des migrants qui arrivent par la route de Méditerranée centrale viennent de Syrie et d’Érythrée; selon les données d’Eurostat, leur taux de reconnaissance des demandes d’asile dépasse 75 %. De même, la majorité des migrants qui arrivent par la route des Balkans occidentaux et de la Méditerranée orientale sont originaires de Syrie et d’Afghanistan. Cela rejoint la déclaration de l’ONUDC suivant laquelle plus de 80 % des personnes arrivées en Europe par mer cette année sont issues des dix pays du monde qui produisent le plus de réfugiés (8).

2.4.

Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), il y avait, à la date du 4 octobre 2015, 4 185 302 réfugiés syriens enregistrés. Ce chiffre tient compte des 2,1 millions de Syriens enregistrés par l’Égypte, l’Iraq, la Jordanie et le Liban, des 1,9 million de Syriens enregistrés par le gouvernement turc, ainsi que des 26 700 réfugiés syriens enregistrés en Afrique du Nord (9).

2.5.

Alors que le conflit syrien approche de sa cinquième année d’existence, une étude du HCR montre que les conditions de vie des réfugiés syriens en Jordanie se sont détériorées rapidement, nombre d’entre eux étant tombés dans une pauvreté extrême en raison de l’ampleur de la crise et du manque de soutien de la communauté internationale, seulement 37 % de l’appel de fonds lancé par le HCR pour la Syrie ayant été effectivement financés. Le HCR fait valoir que tant qu’il n’y aura pas suffisamment d’argent pour renforcer les infrastructures des pays d’accueil (du voisinage de l’Union européenne) et améliorer les conditions de vie et les perspectives des populations réfugiées qu’ils accueillent, les personnes vont continuer à partir pour l’Europe. Alors que la grande majorité des réfugiés sont trop pauvres pour quitter les camps de réfugiés, ceux qui en ont les moyens font appel aux services de passeurs.

2.6.

Dans sa proposition en vue d’une décision du Conseil, en date du 9 septembre 2015 (10), la Commission déclare qu’elle continuera à suivre l’évolution des flux migratoires, et notamment l’évolution de la situation dans l’est de l’Ukraine, si elle devait continuer de s’aggraver.

2.7.

Cette crise exceptionnelle des réfugiés se produit au moment même où la situation économique de l’Union européenne a une incidence sur les capacités et la disponibilité de certains États membres à fournir des services humanitaires conformément à la convention de Genève (11), en particulier ceux qui se trouvent aux frontières de l’Union. Par ailleurs, les mesures d’austérité ont touché les organisations de la société civile qui fournissent des services aux demandeurs d’asile. Pour répondre à la crise, certains États membres ont durci leurs contrôles aux frontières, et d’autres ont pris des dispositions législatives pour retenir et sanctionner les personnes qui franchissent les frontières de l’espace Schengen pour chercher asile.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE entend renforcer son message destiné à tous les organes de décision, selon lequel l’Union européenne doit agir comme une véritable Union et adopter, faire respecter et appliquer des règles communes. La nouvelle phase de la politique européenne d’immigration doit proposer une vision stratégique à moyen et à long terme et veiller, d’une manière générale et globale, à prévoir des canaux d’entrée réguliers dans l’Union européenne, ouverts et flexibles (12). Concernant la crise actuelle, il conviendra d’adopter une approche commune pour la gestion des frontières extérieures, tout en donnant à la Commission et aux agences européennes les moyens d’exercer des tâches opérationnelles avec un niveau de financement approprié.

3.2.

Le CESE entend apporter sa contribution sous forme de propositions stratégiques en se basant sur les avis qu’il a élaborés précédemment en matière de migration (13). Le rôle des partenaires sociaux et des représentants de la société civile organisée, ainsi que le dialogue social doivent être pris en compte tout au long du processus de discussion qui précédera la prochaine phase de la politique européenne en matière de migration. La «perspective sociale» est essentielle pour donner une valeur ajoutée à ces politiques et définir leur proportionnalité et leur incidence.

3.3.

Le CESE estime que dans ce contexte, il convient de prendre dûment en compte la situation démographique ainsi que le vieillissement de la population et des marchés du travail dans les États membres. Dans son avis exploratoire de 2011 (14) sur le rôle de l’immigration dans le contexte démographique en Europe, le CESE soulignait que l’immigration de travailleurs et de familles en provenance des pays tiers allait augmenter. L’Union européenne doit disposer d’une législation ouverte et flexible qui permette l’immigration à des fins professionnelles grâce à des canaux légaux et transparents, tant pour les travailleurs disposant de qualifications moyennes et élevées que pour les travailleurs moins qualifiés, tant que les États membres restent libres de déterminer leurs volumes d’admission. Dans le même temps, force est de reconnaître que l’immigration n’est pas la seule réponse aux pénuries de main-d’œuvre sur le marché du travail et que les États membres peuvent envisager d’autres solutions plus appropriées.

3.4.

Le CESE recommande vivement de réviser le règlement de Dublin, sachant que la Cour de justice de l’Union européenne et la Cour européenne des droits de l’homme ont mis en évidence les faiblesses inhérentes à ce règlement. En effet, celui-ci, qui impose que l’examen du statut de réfugié soit fait par l’État frontalier où a eu lieu l’entrée initiale dans l’Union européenne, fait que ces pays sont débordés.

3.5.

Le CESE constate avec une extrême inquiétude que l’accord de Schengen est maintenant fragilisé, car il s’agit d’un des acquis fondamentaux, profitables pour les citoyens de l’Union européenne. Il déplore la décision prise par certains États membres de réintroduire ou d’envisager de réintroduire des contrôles aux frontières à l’intérieur de l’espace Schengen et demande que la Commission suive attentivement l’évolution de la situation et garantisse un prompt retour à la normale.

3.6.

La communication déclare que «le plan d’action devrait être appréhendé dans le contexte plus large des efforts déployés par l’Union pour traiter les causes profondes de la migration irrégulière» puis évoque, dans la phrase suivante, l’opération destinée à «procéder à l’identification, à la capture et à l’élimination systématiques des navires utilisés par les passeurs». Le CESE s’inscrit en faux contre l’idée que l’accès à des navires serait une cause profonde de la migration irrégulière. Au contraire, mettre l’accent sur la saisie de navires ne fait qu’aggraver les risques pour les migrants qui sont entre les mains des passeurs, ces derniers utilisant alors les embarcations les moins chères et les plus dangereuses.

3.7.

Le CESE recommande de remédier à l’inefficacité des politiques d’aide au développement envers les pays d’origine des migrants et préconise que les États membres de l’Union européenne se réengagent à verser, comme ils l’ont promis, 0,7 % de leur revenu national brut à l’aide au développement. Il convient par ailleurs que l’Union européenne garantisse que les autres politiques connexes, telles que celles du commerce international, de l’agriculture, de l’énergie et des affaires étrangères, aient des effets positifs sur la stabilité et le développement économique et social des pays d’origine, conformément au principe de la cohérence des politiques de l’Union européenne en matière de coopération internationale au développement.

3.8.

Le CESE reconnaît que l’aide fournie par les États membres de l’Union européenne et l’assistance de l’Union européenne ne peuvent atteindre leurs objectifs que dans une société sûre et sécurisée, ne connaissant ni guerre, ni problème majeur de sécurité. Il importe dès lors que la communauté internationale mette en œuvre les objectifs de développement durable qui ont été adoptés par les dirigeants mondiaux à l’occasion du sommet des Nations unies de septembre 2015. Ces objectifs vont de l’éradication de la pauvreté au travail décent pour tous, en passant par l’émancipation des femmes et des jeunes filles, la réduction des inégalités entre les pays et en leur sein et la promotion d’une croissance durable et inclusive, ainsi que la promotion de sociétés pacifiques et ouvertes à tous.

4.   Observations particulières

4.1.

Le CESE accueille favorablement les objectifs affichés par la communication de la Commission relative au plan d’action de l’Union européenne contre le trafic de migrants, mais préconise vivement que le plan adopte une approche plus globale et équilibrée pour pouvoir atteindre ces objectifs. Le CESE observe qu’aucune précision n’est donnée sur les moyens par lesquels l’Union européenne protégera et aidera les victimes du trafic d’êtres humains et qu’il n’est pas fait expressément référence au rôle positif de la migration sur le marché de l’emploi européen et sur le développement économique de l’Union européenne.

4.2.

Le CESE note que, bien que le document fasse une distinction entre trafic de migrants et traite des êtres humains, aucune distinction n’est faite entre migrants et demandeurs d’asile. Or, ce point est important, comme le secrétaire général de l’ONU l’a rappelé aux décideurs européens: «Une très grande majorité des personnes qui se lancent dans ces voyages difficiles et dangereux sont des réfugiés fuyant des endroits comme la Syrie, l’Iraq et l’Afghanistan. Le droit international a consacré, et les États l’ont reconnu depuis longtemps, le droit des réfugiés à la protection et à l’asile. Lorsqu’ils examinent les demandes d’asile, les États ne peuvent faire aucune distinction sur la base de la religion ou autre élément identitaire, ni forcer les gens à retourner là où il y a, pour eux, une crainte fondée de persécution et d’attaque. Ce n’est pas seulement une question de droit international, c’est aussi notre devoir d’être humain.» Il a déclaré plus loin: «J’appelle tous les gouvernements concernés à offrir des réponses globales, à élargir les canaux juridiques et sécurisés pour la migration et à agir avec humanité, compassion et conformité à leurs obligations internationales» (15). Le CESE recommande que toutes les personnes effectuant le voyage périlleux vers l’Europe soient traitées comme des réfugiés conformément à la convention de Genève de 1951 et à son protocole de 1967, jusqu’à preuve du contraire.

4.3.   Renforcement de l’action policière et judiciaire

4.3.1.

Le CESE recommande, à titre d’approche plus globale pour lutter contre le trafic de migrants, de procurer aux demandeurs d’asile un accès à des voies sûres et légales de migration. Une telle approche, combinée à des actions visant à affaiblir les réseaux criminels organisés en recourant au renseignement et à des enquêtes financières, constituera une mesure plus efficace, humaine et rentable.

4.3.2.

Le CESE recommande vivement que les décideurs de l’Union européenne s’assurent qu’ils respectent le principe de «ne pas nuire» et soupèsent les effets, escomptés ou non, qu’auront leurs interventions. La décision que l’Union européenne a prise de passer du système Mare Nostrum (centré sur les opérations de recherche et de sauvetage) à l’opération Triton (axée sur la surveillance des frontières) n’a pas fait baisser le nombre de personnes qui embarquent pour effectuer des voyages dangereux en direction de l’Europe. Toutefois, cette décision a contribué à une augmentation drastique du nombre de pertes de vie en mer Méditerranée. Entre le 1er janvier et le 31 mai 2015, 1 865 personnes ont péri en tentant de traverser la Méditerranée, contre 425 sur la même période en 2014 (16). Cela explique aussi la mutation des flux migratoires, un nombre important de migrants voyageant désormais par voie terrestre à travers les Balkans occidentaux pour entrer en Hongrie. Les migrants interrogés des deux côtés de la frontière hongroise ont déclaré qu’ils avaient choisi la route des Balkans parce qu’elle est moins onéreuse et leur a été recommandée par les passeurs.

4.3.3.

Le CESE fait observer que les trafiquants sont capables de s’adapter aux décisions politiques de l’Union européenne, telles que le renforcement des patrouilles frontalières en Méditerranée et la destruction de navires. L’approche que l’Union européenne a adoptée, à savoir cette «guerre contre les trafiquants», a eu pour effet pervers de créer un véritable chaos à ses frontières, avec des personnes mourant aussi bien sur les routes de l’Europe qu’en mer et des tensions entre États membres de l’Union européenne.

4.4.   Intensification de la prévention du trafic de migrants et de l’assistance apportée aux migrants vulnérables

4.4.1.

Le CESE est d’accord avec la Commission pour dire qu’il est nécessaire de renforcer la prévention du trafic et l’assistance aux migrants vulnérables; cela doit toutefois se faire de manière cohérente, la première priorité étant de sauver des vies.

4.4.2.

Les données de Frontex montrent que 70 % des personnes qui ont recours à des passeurs pour franchir les frontières de l’Union européenne sont syriennes, érythréennes ou iraquiennes. Pour ces nationalités, selon les données d’Eurostat, le taux de reconnaissance des demandes d’asile par l’Union européenne est égal ou supérieur à 75 %. Étant donné que ces individus ou ces familles fuient en raison d’une crainte de persécution et d’attaque, une campagne d’information sur les risques liés au trafic serait sans effet.

4.4.3.

Le CESE rappelle à la Commission qu’il existe déjà des instruments permettant de prendre des mesures pour lutter contre l’emploi de migrants en situation irrégulière au niveau national. La proposition de la Commission consistant à utiliser des ressources limitées en ciblant des secteurs économiques spécifiques à l’échelle de l’Union européenne sera coûteuse et inefficace.

4.4.4.

Le CESE accueille favorablement la déclaration du plan d’action selon laquelle «l’Union devrait redoubler d’efforts pour apporter assistance et protection aux migrants victimes des passeurs, en particulier aux groupes vulnérables que constituent, par exemple, les femmes et les enfants». Il fait toutefois observer qu’au-delà de la déclaration d’intention, le plan d’action ne dit pas précisément ce que fera l’Union européenne. Or ce point est important, dans la mesure où de nombreuses personnes qui viennent chercher une protection en Europe sont des mineurs non accompagnés ou séparés de leur famille. En Italie, en Hongrie et à Malte, ce sont quelque 19 000 mineurs non accompagnés ou séparés de leur famille qui sont arrivés au cours des neuf premiers mois de 2015. Quelques États membres situés aux frontières extérieures de l’Union européenne ne respectent pas intégralement les normes internationales et affichent de mauvaises conditions d’accueil, une mauvaise qualité de procédures de détermination du statut des migrants, de faibles taux de reconnaissance ainsi qu’un manque d’accès à des solutions durables en matière d’assainissement et de logement. Le plan d’action doit exposer exactement sous quelle forme les États membres seront aidés, et avec quelles ressources, pour respecter leurs obligations et responsabilités découlant du droit international humanitaire, du droit international en matière de droits de l’homme, et tout particulièrement de la convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant (17).

4.4.5.

Le CESE est convaincu que la manière la plus efficace de fournir une assistance aux migrants tout en affaiblissant les réseaux de trafiquants est de limiter le nombre de ceux qui ont recours à leurs services, en proposant des moyens alternatifs et légaux pour venir en Europe à partir de pays tiers situés dans le voisinage de l’Union européenne. Cela permettra de garantir le respect des droits fondamentaux consacrés par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

4.4.6.

Le CESE rappelle qu’il est essentiel de distinguer entre les passeurs qui exercent leur trafic dans un but lucratif et ceux qui assistent les migrants. Des milliers de citoyens européens ont fourni aux migrants des moyens de transport ou d’hébergement, gratuitement ou en appliquant un coût normal ou modique. Dans le cadre du programme pour lutter contre le trafic de migrants, il convient d’encourager l’assistance humanitaire et la solidarité, et non de les sanctionner.

4.4.7.

Le Comité marque son accord avec le fait que l’efficacité de la politique de l’Union européenne en matière de retour doit être améliorée, et profite de cette occasion pour rappeler à la Commission les nombreuses recommandations qu’il a formulées pour faire valoir que les droits de l’homme, s’agissant des demandeurs d’asile, doivent être respectés en tout temps, depuis le moment de leur sauvetage ou de leur accueil, pendant toute la durée de l’examen de leur demande d’asile, qui déterminera si le demandeur a besoin d’un statut de protection ou se trouve en situation irrégulière. Le rapatriement des migrants doit s’effectuer conformément aux règles établies qui garantissent que «nul ne peut être éloigné, expulsé ou extradé vers un État où il existe un risque sérieux qu’il soit soumis à la peine de mort, à la torture ou à d’autres peines ou traitements inhumains ou dégradants» (principe de non-refoulement). Le CESE réaffirme qu’il est opposé au retour des mineurs non accompagnés, des individus ayant besoin de soins médicaux, et des femmes enceintes.

4.5.   Consolidation de la coopération avec les pays tiers

4.5.1.

Le CESE appuie résolument l’idée de mener une coopération étroite avec les pays tiers situés tout au long de l’itinéraire emprunté par les passeurs. Tout en reconnaissant qu’il faut mettre l’accent sur l’appui à la gestion des frontières, il estime qu’une priorité essentielle dans ce domaine est d’intensifier la coopération et la coordination entre les instances existantes, à savoir le réseau d’officiers de liaison «Immigration», les officiers de liaison «Migration» européens et les représentants diplomatiques des États membres.

4.5.2.

Le but de cette coordination devrait être, pour les institutions de l’Union européenne — Commission, Service européen pour l’action extérieure (SEAE) et États membres — de mettre en place des procédures définies d’un commun accord pour permettre aux personnes de déposer une demande de visa humanitaire et d’asile à partir de leur pays d’origine ou d’un pays voisin sûr, ce qui constituerait un canal de substitution, humain et légal, pour voyager vers l’Europe. Il conviendrait de mettre en place dans les pays voisins comme la Turquie, le Liban, la Jordanie et la Libye des points d’accès (hotspots) pour évaluer la situation des personnes et être en mesure de délivrer un visa humanitaire à celles dont la demande d’asile dans l’Union européenne est acceptée, comme c’est actuellement le cas au Brésil. Il importe également de favoriser le dialogue et d’associer les organisations de la société civile qui sont en contact direct avec les réfugiés dans le cadre de ces opérations, afin de garantir tant la protection des droits de l’homme qu’une efficacité accrue du traitement des demandes.

4.5.3.

L’octroi de tels visas humanitaires a l’avantage de réduire la pression sur les États situés aux frontières extérieures de l’Union européenne, de garantir que les demandeurs d’asile soient traités conformément aux droits fondamentaux de l’Union européenne et de la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant et de transformer le trafic de migrants en opération à haut risque et à faible rentabilité. Le droit de rester durablement dans le pays d’accueil devrait être, à titre temporaire, fondé sur la notion de savoir si le retour dans le pays d’origine ne présente pas de danger ou lié au marché du travail, compte tenu de la pénurie de compétences et des défis démographiques qui touchent la croissance en Europe.

Bruxelles, le 10 décembre 2015.

Le Président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  COM(2015) 285 final.

(2)  Mme Martina Hanke, représentante de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime. Discours prononcé à l’occasion de l’audition publique du CESE sur le trafic de migrants, à Bruxelles, le 12 octobre 2015.

(3)  http://ec.europa.eu/commission/2014-2019/president/announcements/call-collective-courage_en

(4)  «Crise des réfugiés: la Commission européenne engage une action décisive», Strasbourg, le 9 septembre 2015.

(5)  COM(2015) 240 final

(6)  COM(2015) 451 final.

(7)  Voir la note 6 de bas de page.

(8)  Voir la note 2 de bas de page.

(9)  http://data.unhcr.org

(10)  Communiqué de presse «Crise des réfugiés: la Commission européenne engage une action décisive» (http://europa.eu/rapid/press-release_IP-15-5596_fr.htm).

(11)  http://www.unhcr.org/

(12)  Avis exploratoire du CESE sur les politiques européennes d’immigration (rapporteur général: Giuseppe Iuliano) (JO C 458 du 19.12.2014, p. 7).

(13)  CESE, «Immigration: Intégration et droits fondamentaux», 2012, http://www.eesc.europa.eu/resources/docs/qe-30-12-822-fr-c.pdf.

(14)  Avis exploratoire du CESE sur le thème «Le rôle de l’immigration légale dans un contexte de défi démographique» (rapporteur: Luis Miguel Pariza Castaños) (JO C 48 du 15.2.2011, p. 6).

(15)  Déclaration, New-York, 28 août 2015.

(16)  Selon les données de l’Organisation internationale pour les migrations (disponibles à l’adresse: http://missingmigrants.iom.int/incidents). «Migration Read All About It, Mediterranean Update: 101 900 migrant arrivals in Europe in 2015» (disponible à l’adresse: http://weblog.iom.int/mediterranean-flash-report-0) (les deux sites ont été consultés le 10 juin 2015).

(17)  http://www.ohchr.org/Documents/ProfessionalInterest/crc.pdf.


24.2.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 71/82


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant une liste commune de l’Union de pays d’origine sûrs aux fins de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, et modifiant la directive 2013/32/UE

[COM(2015) 452 final]

(2016/C 071/13)

Rapporteur:

M. José Antonio MORENO DIAZ

Le Parlement européen, le 16 septembre 2015, et la Commission européenne, le 15 octobre 2015, ont décidé, conformément à l’article 43, paragraphe 2, et à l’article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant une liste commune de l’Union de pays d’origine sûrs aux fins de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, et modifiant la directive 2013/32/UE

[COM(2015) 452 final].

Le 21 octobre 2015, le Conseil de l’Union européenne a également décidé de consulter le Comité économique et social européen sur le même thème.

La section spécialisée «Relations extérieures», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 12 novembre 2015.

Lors de sa 512e session plénière des 9 et 10 décembre 2015 (séance du 10 décembre 2015), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 180 voix pour, 4 voix contre et 6 abstentions.

Conclusions

1.

La Commission estime opportun, dans le cadre de la directive 2013/32/UE (1), d’établir une liste commune de pays d’origine sûrs.

1.1.

Elle propose également dans la proposition de règlement une annexe comportant une première liste de pays tiers qui figureront sur la liste commune de l’Union européenne de pays d’origine sûrs, à savoir l’Albanie, l’ancienne République yougoslave de Macédoine, la Bosnie-Herzégovine, le Kosovo, le Monténégro, la Serbie et la Turquie.

1.2.

Le Comité économique et social européen (CESE) estime qu’il y a lieu de fixer d’une manière plus précise, sûre et fiable les critères spécifiques permettant de déterminer si un pays est «sûr» au sens de la directive 2011/95/UE et, en particulier, de l’annexe I de la directive 2013/32/UE.

1.3.

Dans la même ligne, et tout en étant favorable à l’initiative de la Commission, le CESE considère que, à ce stade, il peut être prématuré de dresser une liste précise de pays considérés comme sûrs aux fins prévues.

2.   Recommandations

2.1.

Le CESE juge la proposition positive et estime qu’il est opportun d’établir une liste commune de l’Union européenne de pays d’origine sûrs, sur la base de critères communs définis dans la directive 2013/32/UE, car cette liste permettra aux États membres d’appliquer plus facilement les procédures liées à l’application du concept de pays d’origine sûr et, ainsi, de rendre leur régime d’asile globalement plus efficace.

2.2.

En tout état de cause, l’établissement d’une liste commune à l’ensemble de l’Union européenne vise à remédier à certaines des divergences actuelles entre les listes nationales de pays d’origine «sûrs» établies par les États membres.

2.3.

Même si ces derniers pourront adopter des dispositions législatives qui leur permettent de désigner, au niveau national, comme pays d’origine sûrs des pays tiers autres que ceux figurant sur la liste commune de l’Union européenne, cette dernière apportera la garantie que tous les États membres appliquent ce concept de façon uniforme aux demandeurs dont le pays d’origine est inscrit dans cette liste.

2.4.

Quoi qu’il en soit, il conviendrait d’indiquer expressément à l’article 2 du règlement les indicateurs et les critères spécifiques, concrets et précis à évaluer pour inclure un pays sur la liste des pays d’origine sûrs, sur la base notamment d’informations actualisées recueillies auprès de sources comme la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), le Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO), le Conseil de l’Europe et d’autres organisations de défense des droits de l’homme.

2.5.

La décision d’inscrire un pays sur la liste commune doit être motivée et justifiée, sur la base d’une évaluation de tous les critères définis au point précédent, s’agissant de tous les motifs de persécution ou de préjudices graves qui donnent lieu à la reconnaissance de la protection internationale.

2.6.

En ce qui concerne la modification de la liste, il y a lieu de prévoir un mécanisme de révision plus souple, qui permette de réagir dans un délai raisonnable à l’évolution de la situation dans les pays qui y figurent.

2.7.

Le CESE estime qu’il importe de motiver et de justifier toute modification de la liste, en tenant compte de l’expertise du HCR, de l’EASO, du Conseil de l’Europe et d’autres organisations de défense des droits de l’homme.

2.8.

De même, le CESE est favorable à la création d’un mécanisme permettant aux organisations de défense des droits de l’homme reconnues ainsi qu’aux médiateurs ou aux comités économiques et sociaux d’engager la procédure de modification de la liste.

2.9.

Le CESE propose d’exiger une décision motivée concernant la pertinence de l’application de la notion de pays d’origine sûr au cas concret envisagé, après une évaluation individuelle de celui-ci, comme le prévoit la directive 2013/32/UE.

2.10.

Par ailleurs, il y a lieu de renforcer les garanties procédurales dans le cadre des procédures accélérées, en s’assurant en tout état de cause d’un examen individuel du cas concret et de l’opportunité d’appliquer le concept de pays d’origine sûr.

2.11.

Le CESE estime que l’on ne peut en aucune façon appliquer le concept de pays d’origine sûr dans les cas de non-respect de la liberté de la presse ou d’atteinte au pluralisme politique ainsi qu’aux pays dans lesquels existent des persécutions fondées sur le genre ou l’orientation sexuelle, ou encore l’appartenance à des minorités, nationales, ethniques, culturelles ou religieuses.

2.12.

En outre, le Comité considère qu’il faut améliorer les mécanismes d’identification des demandeurs en situation de vulnérabilité. Si cette identification a lieu alors que la procédure accélérée est déjà engagée, il importe d’appliquer immédiatement la procédure ordinaire.

2.13.

Enfin, il convient de garantir un recours effectif contre les décisions négatives fondées sur le fait de considérer le pays d’origine comme sûr, avec effet suspensif prévu à l’article 46, paragraphe 5, de la directive 2013/32/UE.

3.   Contexte

3.1.

Les efforts, jusqu’à présent infructueux, de l’Union européenne pour tenter de faire disparaître les divergences entre les régimes d’asile des États membres ne sont pas nouveaux. Depuis 1999, l’Union européenne a adopté toute une série d’instruments juridiques en vue d’établir un régime d’asile européen commun (RAEC), afin d’harmoniser la législation en matière de procédures d’asile, de conditions d’accueil, ainsi que d’autres aspects liés au système de protection internationale.

3.2.

Comme l’a indiqué le Conseil européen dans ses conclusions du 15 octobre 2015 (EUCO 26/15), «faire face à la crise des migrants et des réfugiés est une obligation commune qui requiert une stratégie globale et un effort résolu s’inscrivant dans la durée, dans un esprit de solidarité et de responsabilité». Dans ses conclusions, il indiquait enfin que «les orientations énoncées ci-dessus constituent une nouvelle étape importante de la mise en place de notre stratégie globale, dans le respect du droit de demander l’asile, des droits fondamentaux et des obligations internationales. Il existe néanmoins d’autres actions prioritaires importantes qui nécessitent des discussions supplémentaires au sein des instances compétentes, y compris les propositions de la Commission. Par ailleurs, il faut poursuivre la réflexion sur la politique globale de l’Union européenne en matière de migration et d’asile».

3.3.

La directive 2013/32/UE permet aux États membres d’appliquer des procédures dérogatoires et rapides, en particulier des procédures accélérées aux frontières ou dans les zones de transit, lorsque le demandeur est un ressortissant d’un pays tiers qui a été désigné comme sûr en vertu des législations nationales et qui peut être considéré comme tel pour le demandeur en fonction de sa situation particulière. Quelques États membres seulement ont établi des listes nationales de pays d’origine sûrs.

3.4.

La refonte de la directive relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (2013/32/UE du 26 juin 2013) vise à réduire les divergences entre les procédures nationales et à faire en sorte que les décisions en matière d’asile soient plus rapides et plus équitables en ce qui concerne les demandes d’asile répétées ou celles qui ne comportent aucun élément nouveau. En dépit des améliorations apportées dans le nouveau texte, elle laisse toujours aux États membres une grande marge d’appréciation qui est de nature à entraver l’objectif d’établir une procédure réellement commune.

4.   Analyse

4.1.

Le concept de pays d’origine sûr a des implications pratiques importantes, comme la possibilité d’appliquer la procédure accélérée à ces demandes [article 31, paragraphe 8, point b), de la directive 2013/32/UE], la réduction en conséquence des délais pour rendre une décision sur le fond de la demande, les difficultés liées à l’identification des demandeurs en situation de vulnérabilité dans ces délais réduits (article 24 de la directive 2013/32/UE) et, enfin, de plus grandes difficultés d’accès à la protection internationale pour les ressortissants de ces pays en raison de la présomption qu’il s’agit d’une demande non fondée (article 32, paragraphe 2, de la directive 2013/32/UE).

4.2.

Le traitement différent des demandes de protection internationale selon la nationalité peut être en contradiction avec l’interdiction d’un traitement discriminatoire des réfugiés selon leur pays d’origine, qui figure à l’article 3 de la convention de Genève de 1951 relative au statut de réfugié. Tous ces éléments amènent à recommander une utilisation restrictive de cette notion de pays sûr.

4.3.

Il convient de souligner que l’adoption d’une liste commune de pays d’origine sûrs ne débouchera pas nécessairement sur une plus grande harmonisation, car elle permet la coexistence de cette liste commune avec les listes nationales de chaque État membre.

4.4.

La proposition de règlement contient une liste de sept pays établie selon les indicateurs utilisés par la Commission dans sa proposition: l’existence d’un cadre législatif pour la protection des droits de l’homme, la ratification des traités internationaux en matière de droits de l’homme, le nombre de condamnations du pays en question par la Cour européenne des droits de l’homme, le statut de pays candidat à l’adhésion à l’Union européenne, les taux de reconnaissance de la protection internationale accordée aux ressortissants de ce pays et l’inscription du pays concerné sur les listes nationales de pays d’origine sûrs.

4.5.

Néanmoins, il semble que ces indicateurs ne prennent pas en considération de manière appropriée les critères énoncés à l’annexe I de la directive «Procédure». Par exemple, l’application pratique du droit et le respect effectif des droits de l’homme ou l’absence de persécution ou de préjudices graves pour des motifs qui permettent de bénéficier d’une protection internationale ne sont pas analysés.

4.5.1.

Cadre législatif national et international en matière des droits de l’homme. L’évaluation du respect des droits de l’homme dans la pratique, exigée dans l’annexe I de la directive 2013/32/UE, est à l’évidence une exigence minimale pour qu’un pays soit inclus sur la liste des pays d’origine sûrs, mais elle n’est pas suffisante. En tout état de cause, la Commission elle-même ne semble pas prendre dûment en considération cette exigence minimale puisque dans sa proposition elle inclut parmi les pays sûrs des pays qui, dans certains cas, n’ont pas ratifié les principaux traités internationaux en matière de droits de l’homme, comme le Kosovo.

4.5.2.

Le nombre de condamnations prononcées par la CEDH en 2014 à l’encontre des pays en question ne reflète pas la situation actuelle des droits de l’homme dans les pays proposés. La majorité des affaires ayant donné lieu à des condamnations en 2014 se rapportent à des faits qui se sont déroulés il y a pas mal d’années, en raison à la fois du retard accusé par la CEDH et de la nécessité d’épuiser les voies de recours internes avant de s’adresser à cette dernière.

L’analyse des données effectuée par la Commission peut prêter à confusion. La Commission compare les condamnations avec le nombre total d’arrêts rendus par la CEDH concernant les pays en question, sans préciser le nombre de celles qui ont donné lieu à un débat au fond, c’est-à-dire portant sur le degré de respect des droits de l’homme. Par exemple, dans le cas de la Turquie, sur les 2 899 affaires soumises à la CEDH prises en considération par la Commission, sans précision toutefois de la période envisagée ni du temps nécessaire pour statuer, seulement 110 décisions au fond ont été prononcées, dont 94 (soit 93 %) ont conclu à la violation de la convention européenne des droits de l’homme (2). Dans le cas de la Bosnie-Herzégovine, l’on compte 7 décisions au fond en 2014, dont 5 ont établi des atteintes aux droits de l’homme (71 %) (3). Pour le Monténégro (4), ce rapport est de 100 %, de 88 % pour la Serbie (5) et de 66 % pour l’ancienne République yougoslave de Macédoine (6) et l’Albanie (7).

De même, il n’est pas précisé quels sont les droits de l’homme qui ont été violés, ni quel est le contenu de ces arrêts, or ce sont des informations essentielles pour évaluer l’existence de persécutions pour des motifs permettant de bénéficier de la protection internationale.

4.5.3.

Le statut de pays candidat à l’adhésion à l’Union européenne ne signifie pas que le pays concerné respecte déjà les critères de Copenhague, mais qu’il a en fait entamé un processus visant à les satisfaire. Au contraire, les rapports d’étape sur les pays candidats à l’adhésion à l’Union européenne (8) figurant sur la liste de la proposition de règlement font état de lacunes dans des domaines tels que le respect des droits de l’homme, l’état de droit, la corruption, le contrôle politique des médias et l’indépendance du pouvoir judiciaire.

4.5.4.

Taux de reconnaissance du droit à la protection internationale en 2014 dans l’Union européenne pour les demandeurs d’asile issus de ces pays. L’analyse statistique des données de l’ensemble de l’Union européenne pour 2014 réalisée par la Commission est source d’ambiguïté. Une analyse désagrégée des taux de reconnaissance dans les États membres présente une situation plus hétérogène. Par exemple, le taux de reconnaissance de demandes de ressortissants du Kosovo au cours du deuxième quadrimestre de 2015 s’élève à 18,9 % pour l’ensemble de l’Union européenne, tandis que l’on constate de grandes différences entre pays: 60 % en Italie et 0,4 % en Allemagne (9).

4.5.5.

Pays figurant dans les listes nationales de pays d’origine sûrs. Les listes nationales de pays d’origine sûrs ne sont pas non plus homogènes. Chaque État membre applique des critères très différents, qui ne peuvent dès lors pas servir à l’élaboration d’une liste commune.

4.6.

La proposition de la Commission d’inclure ces sept pays sur la liste de pays d’origine sûrs devrait prendre en compte d’autres indicateurs utiles et efficaces pour mesurer le degré d’application du droit et le respect des droits de l’homme, notamment les sources d’information que la CEDH (10) a jugées pertinentes dans sa jurisprudence constante pour apprécier la situation du pays d’origine et les risques encourus en cas de retour. La proposition de règlement elle-même inclut ces sources dans son article 2, paragraphe 2, pour la révision de la liste, mais non pour son élaboration. Il s’agit en particulier du SEAE, de l’EASO, du HCR, du Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales compétentes.

4.7.

De même, le Comité estime qu’il convient d’employer des indicateurs susceptibles de refléter la situation des droits de l’homme s’agissant de tous les motifs qui donnent droit à la reconnaissance de la protection internationale, comme le respect de la liberté d’expression et de la presse, le respect du pluralisme politique, la situation des personnes lesbiennes, gay, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI) et des minorités ethniques, culturelles ou religieuses.

4.8.

L’article 2, paragraphe 2, de la proposition de règlement prévoit une révision périodique de la liste commune de pays d’origine sûrs. En ce qui concerne la procédure de modification de la directive, la proposition de règlement renvoie à la procédure législative ordinaire (article 2, paragraphe 3, de la proposition de règlement) et à une procédure de suspension pour une durée d’un an, pouvant être prorogée pour une autre année, en cas de brusques changements dans la situation du pays (article 3 de la proposition de règlement).

4.9.

Aucune des deux procédures, tant la procédure législative ordinaire de codécision que la procédure de suspension de l’article 3, ne semble offrir un mécanisme rapide et souple permettant de faire face aux changements dans la situation des pays d’origine figurant sur la liste commune. Malheureusement, il existe plusieurs exemples de détérioration rapide de la situation politique, des garanties démocratiques et du respect des droits de l’homme dans différents pays, qui pourraient difficilement être gérés par les mécanismes établis. En outre, ces situations peuvent se prolonger dans le temps, rendant la période de suspension de deux ans très courte.

4.10.

Cette appréciation des changements soudains dans la situation d’un pays concerné devrait toujours prendre en compte l’expertise «du HCR, de l’EASO, du Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales compétentes» comme dans le cas de modification par procédure législative ordinaire.

4.11.

Par ailleurs, l’adoption d’un règlement exclut la possibilité pour les demandeurs d’asile de contester l’inclusion d’un pays sûr sur la liste devant les autorités nationales, possibilité qui leur est ouverte dans le cas de listes nationales. Il serait souhaitable de prévoir la possibilité que cette modification soit encouragée par des organisations de défense des droits de l’homme ou des demandeurs d’asile.

4.12.

L’article 31, paragraphe 8, point b), de la directive 2013/32/UE autorise les États membres à traiter en procédure accélérée les demandes de ressortissants de pays d’origine sûrs. La brièveté des délais de ce traitement accéléré ne peut en aucun cas porter atteinte aux garanties procédurales (11). De même, cette procédure ne peut pas déboucher sur une évaluation non individuelle des demandes de protection internationale, comme l’interdit l’article 10, paragraphe 3, point a), de la directive 2013/32/UE.

4.13.

De fait, l’article 36, paragraphe 1, de la directive 2013/32/UE dispose que les pays figurant sur la liste des pays d’origine sûrs ne peuvent être considérés comme sûrs pour un demandeur particulier qu’après examen individuel. Lors de cet examen individuel, il convient de vérifier la pertinence d’appliquer la notion de pays d’origine sûr au cas particulier, au moyen d’une décision motivée, pour laquelle la charge de la preuve incombe à l’État membre et est susceptible de recours.

4.14.

Étant donné que l’adoption d’un règlement limite les possibilités pour les demandeurs d’asile de contester l’inclusion d’un État sur la liste des pays d’origine sûrs, il convient de renforcer les garanties d’accès à un recours effectif pour chaque cas individuel, en prévoyant un effet suspensif, visé à l’article 46, paragraphe 5, de la directive «Procédure».

4.15.

Il y a lieu également de garantir l’identification des demandeurs en situation de grande vulnérabilité, pour lesquels, selon l’article 24, paragraphe 3, de la directive 2013/32/UE, on ne peut pas appliquer la procédure accélérée. Dans ces cas, il convient de prévoir l’obligation d’effectuer cette identification préalablement à la décision d’appliquer la procédure accélérée, ou si la détermination de la situation de vulnérabilité se fait par la suite, la possibilité d’abandonner la procédure accélérée et de revenir à la procédure ordinaire.

Bruxelles, le 10 décembre 2015.

Le Président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO L 180 du 29.6.2013, p. 1.

(2)  Cour européenne des droits de l’homme: Fiche par pays — Turquie, juillet 2015,

http://www.echr.coe.int/Documents/CP_Turkey_FRA.pdf.

(3)  Cour européenne des droits de l’homme: Fiche par pays — Bosnie-Herzégovine, juillet 2015,

http://www.echr.coe.int/Documents/CP_Bosnia_and_Herzegovina_FRA.pdf.

(4)  Cour européenne des droits de l’homme: Fiche par pays — Monténégro, juillet 2015,

http://www.echr.coe.int/Documents/CP_Montenegro_FRA.pdf, 1 arrêt rendu qui a conclu à la violation des droits de l’homme.

(5)  Cour européenne des droits de l’homme: Fiche par pays — Serbie, juillet 2015,

http://www.echr.coe.int/Documents/CP_Serbia_FRA.pdf, 18 arrêts prononcés dont 16 ont conclu à une violation de la convention européenne des droits de l’homme.

(6)  Cour européenne des droits de l’homme: Fiche par pays — Ancienne République yougoslave de Macédoine, juillet 2015,

http://www.echr.coe.int/Documents/CP_The_former_Yugoslav_Republic_of_Macedonia_FRA.pdf.

(7)  Cour européenne des droits de l’homme: Fiche pays — Albanie, juillet 2015,

http://www.echr.coe.int/Documents/CP_Albania_FRA.pdf. Sur les 150 requêtes traitées en 2014, seuls 6 arrêts ont été rendus quant au fond, dont 4 ont conclu à une violation de la convention européenne des droits de l’homme.

(8)  Consultables à l’adresse http://ec.europa.eu/enlargement/countries/package/index_en.htm.

(9)  Eurostat, «First Instance decision on applications by citizenship, age and sex», données trimestrielles, http://appsso.eurostat.ec.europa.eu/nui/submitViewTableAction.do.

(10)  Entre autres, NA contre UK app. 25904/2007, 17 juillet 2008; Gaforov c. Russie, 21 octobre 2010.

(11)  Cour de justice de l’Union européenne, C-175/11 du 31 janvier 2013, paragraphes 74 et 75.