ISSN 1977-0936

Journal officiel

de l'Union européenne

C 383

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Édition de langue française

Communications et informations

58e année
17 novembre 2015


Numéro d'information

Sommaire

page

 

I   Résolutions, recommandations et avis

 

AVIS

 

Comité économique et social européen

 

509e session plénière du CESE des 1 et 2 juillet 2015

2015/C 383/01

Avis du Comité économique et social européen sur Les femmes et les transports (avis exploratoire à la demande de la Commission)

1

2015/C 383/02

Avis du Comité économique et social européen sur Les allégations environnementales, sociales et de santé dans le marché intérieur (avis d’initiative)

8

2015/C 383/03

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Sport et valeurs européennes (avis d’initiative)

14

2015/C 383/04

Avis du Comité économique et social européen sur Le stockage de l’énergie: un facteur d’intégration et de sécurité énergétique (avis d’initiative)

19

2015/C 383/05

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Les villes intelligentes, moteurs de développement d’une nouvelle politique industrielle européenne (avis d’initiative)

24

2015/C 383/06

Avis du Comité économique et social européen sur Le PTCI et son impact sur les PME (avis d’initiative)

34

2015/C 383/07

Avis du Comité économique et social européen sur Les objectifs de l’après-2015 dans la région euro-méditerranéenne (avis d’initiative)

44

2015/C 383/08

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Financement du développement — La position de la société civile (avis d’initiative)

49

2015/C 383/09

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Évaluation de la consultation des parties prenantes par la Commission européenne (avis d’initiative)

57


 

III   Actes préparatoires

 

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

 

509e session plénière du CESE des 1 et 2 juillet 2015

2015/C 383/10

Avis du Comité économique et social européen sur le Livre vert Construire l’union des marchés des capitaux[COM(2015) 63 final]

64

2015/C 383/11

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Protocole de Paris — Programme de lutte contre le changement climatique planétaire après 2020[COM(2015) 81 final]

74

2015/C 383/12

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen, au Comité des régions et à la Banque européenne d’investissement sur le Cadre stratégique pour une Union de l’énergie résiliente, dotée d’une politique clairvoyante en matière de changement climatique[COM(2015) 80 final] et la Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur le thème Réaliser l’objectif de 10 % d’interconnexion dans le secteur de l’électricité — Un réseau électrique européen prêt pour 2020[COM(2015) 82 final]

84

2015/C 383/13

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Vers une nouvelle politique européenne de voisinage[JOIN(2015) 6 final]

91

2015/C 383/14

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil abrogeant la directive 76/621/CEE du Conseil relative à la fixation du taux maximal d’acide érucique dans les huiles et graisses et le règlement (CE) no 320/2006 du Conseil instituant un régime temporaire de restructuration de l’industrie sucrière [COM(2015) 174 final — 2015/0090 COD]

99

2015/C 383/15

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à un plan pluriannuel de reconstitution des stocks de thon rouge dans l’Atlantique Est et la Méditerranée, abrogeant le règlement (CE) no 302/2009 [COM(2015) 180 final — 2015/0096 COD]

100


FR

 


I Résolutions, recommandations et avis

AVIS

Comité économique et social européen

509e session plénière du CESE des 1 et 2 juillet 2015

17.11.2015   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 383/1


Avis du Comité économique et social européen sur «Les femmes et les transports»

(avis exploratoire à la demande de la Commission)

(2015/C 383/01)

Rapporteure:

Mme Madi SHARMA

Corapporteur:

M. Raymond HENCKS

Le 8 mars 2015, la Commission européenne a décidé, conformément à l’article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur le thème:

«Les femmes et les transports».

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l’information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 16 juin 2015.

Lors de sa 509e session plénière des 1er et 2 juillet 2015 (séance du 1er juillet 2015), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 119 voix pour, 1 voix contre et 3 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Tous les secteurs de l’industrie des transports, qu’ils soient aériens, maritimes, routiers ou ferroviaires, ou encore qu’il s’agisse de la navigation intérieure, de l’espace ou de la logistique, sont traditionnellement dominés par les hommes, avec pour conséquence:

que la politique en matière de transport présente une orientation masculine, en ce sens qu’elle est élaborée par des hommes et calquée sur leur style de vie,

que l’emploi dans le secteur est principalement masculin et axé sur les travailleurs de sexe masculin,

que les valeurs ancrées dans cette branche d’activité n’apportent que peu de soutien aux femmes qui y sont engagées, et ne s’intéressent guère à l’égalité entre les sexes,

que cette question de l’égalité entre les hommes et les femmes est absente de la politique de l’Union européenne en matière de transport.

L’aperçu des statistiques actuelles du secteur, qui figure à l’annexe 1, témoigne de la discrimination qui y a cours. Si un grand nombre des obstacles mis en évidence sont répandus dans d’autres secteurs, celui des transports se montre particulièrement faible pour gérer ces questions.

1.2.

Dès lors, le présent avis exploratoire, élaboré à la demande de la commissaire européenne chargée des transports, se concentre sur les possibilités qui sont à la disposition du secteur des transports pour mieux intégrer les femmes et générer davantage de croissance sur le plan économique et social et sur celui de la durabilité. Bien que le présent rapport n’aborde pas la question des femmes en tant qu’utilisatrices des transports, le CESE estime qu’un avis exploratoire pourrait également être élaboré sur ce sujet. Quelles que soient les carences aujourd’hui, il est possible de modifier la situation, en mettant en œuvre des politiques de neutralité vis-à-vis des sexes, pour soutenir la compétitivité, l’innovation, la croissance et l’emploi dans le contexte de la stratégie Europe 2020. Le nouveau plan d’investissement pour l’Europe en faveur de la croissance et de l’emploi doit intégrer la dimension de l’égalité entre les hommes et les femmes, en éliminant les obstacles qui s’y opposent et en mettant en place une culture d’engagement et d’inclusion pour que les hommes et les femmes puissent, les uns comme les autres, être actifs sur un pied égal dans tous les segments du secteur des transports. Il y a lieu de reconnaître davantage la dimension de genre, pour qu’elle puisse devenir une composante éminente de la politique des transports de l’Union européenne.

1.3.

Les principales recommandations du CESE sont les suivantes:

collecter des données et établir des indicateurs clés afin de recenser les obstacles et de les éliminer,

faire en sorte que les femmes soient visibles et actives dans le processus d’élaboration des politiques, de prise de décision et de planification,

associer de manière anticipative les deux sexes dans la création d’un meilleur environnement de travail, y compris pour ce qui est de l’égalité de rémunération à travail égal, au sein de l’ensemble du secteur,

prendre des initiatives pour attirer les femmes vers les possibilités de recrutement, grâce à des mesures visant à améliorer la qualité de l’emploi,

associer plus étroitement les universités et les services d’orientation professionnelle à la promotion du large éventail d’activités couvert par le secteur, y compris les technologies, la recherche et le développement, et l’ingénierie,

promouvoir activement le rôle des femmes dans l’économie,

leur donner, à elles comme au secteur lui-même, les moyens de faire progresser l’inclusion.

2.   Vue d’ensemble

2.1.

La présence respective des hommes et des femmes dans le domaine des transports constitue une problématique complexe, que le présent document ne peut traiter en profondeur. L’intérêt porté au transport est fonction de l’éducation, de l’origine familiale, de l’expérience, ou encore de la nécessité ou de l’envie d’innover. L’engagement dans le secteur résulte des ouvertures professionnelles offertes dans les établissements d’enseignement, des qualifications, des compétences ou des réseaux. Les facteurs qui incitent à y rester peuvent dépendre du développement des ressources humaines, de la formation, de la mise à niveau des compétences et de la diversification, des conditions de travail, du salaire, du temps de travail et de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

2.2.

Pour les femmes, ces paramètres couvrent notamment des problématiques de violence fondée sur le genre et de harcèlement sexuel, qu’ils soient le fait de collègues ou d’utilisateurs. En outre, les femmes peuvent être confrontées à une interruption de leur carrière parce qu’elles ont pris un congé pour mettre un enfant au monde ou l’élever. En conséquence, pour réintégrer le secteur, elles devront pouvoir bénéficier d’une organisation flexible du travail, d’une remise à niveau, ainsi que de mesures qui leur évitent toute perte d’ancienneté ou de statut.

2.3.

Néanmoins, lorsque les conditions de travail sont bonnes, hommes et femmes peuvent chacun s’épanouir dans le secteur, trouver des satisfactions dans leur emploi, profiter de normes élevées en matière de formation, avoir l’occasion de développer leurs compétences et bénéficier de perspectives de promotion et de participation à la prise de décision. Pour les chefs d’entreprise, un tel schéma ouvre des possibilités d’innovation, de croissance et de création d’emplois.

2.4.

Lors de l’analyse des tendances dans le domaine de l’emploi, il y a lieu de faire la distinction, dans le secteur des transports, entre le personnel mobile et non mobile. Les salariées du secteur des transports éprouvent davantage de difficultés à travailler loin de chez elles, si bien que dans presque tous les métiers du transport à l’exception de l’aviation, les emplois mobiles sont dominés par les hommes. Traditionnellement, ces emplois mobiles sont mieux rémunérés; de ce fait, l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes dans le secteur des transports devient persistant et plus difficile à combler.

2.5.

L’impact de la crise économique a également eu une incidence sur les travailleuses du secteur. Les évolutions d’avant la crise révélaient qu’il s’ouvrait aux femmes et qu’il avait doublé ses efforts pour les recruter et les promouvoir activement. Une grande partie de cette tendance concernait alors le développement des professions des services au sol et les investissements dans des technologies qui ne nécessitent plus d’aptitudes à effectuer des travaux manuels lourds. Toutefois, ces mouvements ont été freinés par la crise, la réduction des dépenses affectant également les mesures nécessaires pour accompagner les politiques liées à l’égalité entre les hommes et les femmes sur le lieu de travail.

3.   Les objectifs d’une politique visant à un meilleur équilibre entre les hommes et les femmes

3.1.

Le CESE se félicite que le portefeuille des transports ait été confié à une femme, la commissaire Bulc. Trop souvent, la représentation des hommes et des femmes dans les organes de décision se fonde sur des stéréotypes plutôt que sur les compétences. Pour prospérer, grâce à une croissance forte et durable, le secteur des transports dans l’Union européenne se doit d’inscrire dans ses processus d’élaboration des politiques et de prise de décision la neutralité par rapport à la dimension de genre. Les femmes doivent être associées aux deux processus sur un pied d’égalité avec les hommes, non pas dans le cadre d’une discrimination positive mais sur la base de critères de qualité, de compétence et moyennant la transparence des nominations.

3.2.

Il a été prouvé que, au final, une participation accrue des femmes au niveau de l’encadrement supérieur, y compris en qualité d’administratrices non exécutives, est bénéfique pour les entreprises (1). Associer les femmes au processus de prise de décision aidera les entreprises, institutions et associations à innover et apportera de nouvelles façons de considérer le marché. Une main-d’œuvre mêlant femmes et hommes encourage la collaboration, la compréhension et la tolérance et il a été reconnu qu’elle constitue un moteur de compétitivité, de productivité et de responsabilité sociale des entreprises, en y maintenant la présence des deux sexes.

3.3.

Le CESE recommande donc que les progrès réalisés par les acteurs du secteur des transports (responsables politiques, entreprises, syndicats, organisations de transport, parties prenantes) en matière d’égalité entre les femmes et les hommes fassent l’objet d’audits et de rapports réguliers qui reposent sur des procédures simples et non bureaucratiques. Cette démarche devrait englober une action pour éduquer l’utilisateur à surmonter les stéréotypes et les préjugés. Il y a lieu d’accorder aux femmes et aux hommes les mêmes possibilités d’exercer une influence sur la création, la conception et la gestion du système de transport, en donnant une égale importance à leurs valeurs respectives. La Commission pourrait examiner cette recommandation tant au niveau de son propre dialogue politique que comme condition de financement des projets RTE-T ou de la recherche et du développement.

4.   Collecte de données et indicateurs

4.1.

La Commission européenne et les États membres pourraient mieux soutenir l’industrie grâce à la collecte de données et à des analyses statistiques qui prennent en compte les questions d’égalité entre les femmes et les hommes et les ventilent par sexe, en mettant en évidence les principaux domaines où des investissements ou un soutien sont nécessaires.

4.2.

Les indicateurs qu’il conviendrait de prendre en considération sont les suivants:

l’orientation et les conseils de carrière dans l’enseignement secondaire et supérieur,

les qualifications et la formation, notamment dans l’enseignement secondaire jusqu’à l’enseignement supérieur,

les salaires à l’embauche,

les perspectives de carrière et les obstacles en la matière,

l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée,

la santé et la sécurité au travail,

la culture de travail, avec une ventilation des rôles selon le sexe,

la représentation des femmes dans l’élaboration des politiques et le processus décisionnel, y compris au niveau des conseils d’administration des entreprises,

l’octroi des ressources pour les femmes entrepreneurs.

4.3.

L’analyse des données peut être utilisée pour une évaluation du cycle de carrière, quand il existe des obstacles à l’entrée des femmes et à leur progression dans le secteur. Il est ensuite possible de créer des instruments spécifiques au secteur afin de remédier aux faiblesses qui provoquent des discriminations à l’encontre des femmes.

4.4.

La Commission européenne pourrait en outre envisager d’analyser les éléments suivants:

la répartition et l’affectation des fonds publics, y compris les financements de projets de l’Union européenne, dans la mesure où les distorsions de l’égalité entre les hommes et les femmes dans les processus décisionnels ont une répercussion sur l’utilisation des budgets publics et des infrastructures publiques. Cet effort devrait aboutir à intégrer dans la politique européenne des transports une élaboration des budgets répondant au principe de l’égalité entre les sexes,

la distribution des mesures macroéconomiques visant à neutraliser les effets des inégalités entre les hommes et les femmes dans le développement des politiques en matière de fiscalité, de tarification routière, de taxation aérienne, de services publics, de libéralisation et de droits des consommateurs. Une telle approche permettrait de garantir que dans les services publics et dans les politiques de libéralisation ou de privatisation concernant le secteur des transports, il soit tenu compte de la question de l’égalité entre les femmes et les hommes,

ces analyses pourraient servir de fondement, à base factuelle, pour la future politique européenne en matière de transports et ses processus. À titre d’exemple, on peut citer l’audit réalisé au Royaume-Uni sur l’égalité entre les femmes et les hommes dans les transports publics, qui s’est penché sur la manière dont les organismes de transport respectent les impératifs de l’égalité entre les femmes et les hommes.

5.   Emploi: la participation des femmes

5.1.

Au cours des dernières décennies, l’Europe a connu une augmentation de la participation des femmes au marché du travail, dans tous les secteurs. Cette croissance se poursuit et, pourtant, le secteur des transports reste largement réfractaire à employer des femmes. Malgré un certain nombre d’initiatives lancées dans le cadre du Fonds social européen et du programme EQUAL, il reste un secteur où se pratique la séparation des tâches: les hommes occupent essentiellement des postes de conducteurs ou chauffeurs et de techniciens ou exercent des professions qui impliquent un travail physique et une grosse charge de travail, tandis que les femmes y travaillent principalement dans des postes liés aux services ou à caractère administratif.

5.2.

En règle générale, la restructuration de l’industrie du transport y a touché les métiers à prédominance masculine tels que le rail, les activités portuaires et le transport fluvial, alors que les femmes sont employées en plus grand nombre dans les activités de service, qui se sont développées avec la montée en puissance des chaînes d’approvisionnement, des entreprises logistiques, etc. Aujourd’hui, la mise en place de nouvelles technologies permet aux femmes et aux hommes d’accéder sur un pied d’égalité à des emplois dans des secteurs qui, traditionnellement, impliquaient un lourd travail physique. Toutefois, l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée reste un problème et continue à faire obstacle au travail des femmes dans les emplois mobiles.

5.3.

La perception générale que certains emplois, lieux de travail ou schémas d’horaire de travail sont exclusivement réservés aux hommes est très répandue. Cet état de fait exerce un impact considérable s’agissant de recruter de la main d’œuvre féminine dans les professions où les femmes sont sous-représentées et de les y retenir.

5.4.

En ce qui concerne l’égalité de rémunération, la séparation qui prévaut entre les hommes et les femmes dans les transports maintient l’écart de rémunération entre eux. Les hommes se concentrent dans les fonctions techniques, considérées comme plus qualifiées, tandis que les femmes prédominent dans les services administratifs et commerciaux. Les hommes ont des horaires plus longs et occupent plus souvent un emploi à temps plein dans le secteur des transports, tandis que les femmes ont tendance à opter pour des modalités de travail plus souples, restreignant ainsi leurs possibilités. Dans le secteur des transports, les perspectives de carrière sont plus avantageuses pour les hommes que pour les femmes. Leur accès aux emplois à prédominance masculine reste problématique, alors même qu’elles peuvent accéder à la formation professionnelle sur le même pied que les hommes. On aboutit ainsi à des situations où les femmes sont formées à des professions techniques mais ne peuvent pas trouver d’emploi correspondant à leur niveau de qualification. Tous ces facteurs contribuent à approfondir l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes dans le domaine des transports.

5.5.

Une approche tenant compte du genre en matière de santé et de sécurité dans les transports comporte un certain nombre de défis, dans la mesure où les hommes prédominent dans la majorité des emplois qui présentent un risque réel d’accidents du travail et de maladies professionnelles. Cette situation réduit les chances d’une approche différenciée en fonction du genre dans les politiques ou mesures de santé et de sécurité. Cependant, la diversité des métiers, tâches, horaires ou conditions de travail induit également une exposition variable aux risques.

5.6.

Le secteur des transports de l’Union européenne se caractérise par une violence qui, sous toutes ses formes, atteint un niveau élevé, alors même que de nombreux types d’incidents ne sont pas signalés. Tout aussi problématique est, dans le domaine des transports, la violence émanant de tiers, les femmes étant principalement concentrées dans les professions du transport qui impliquent un contact direct avec le client et ayant donc tendance à être plus exposées aux comportements agressifs et aux attaques de la part de clients. Le personnel qui travaille en fonction d’accueil doit faire face à un sentiment croissant de frustration de la part du public, provoqué par la surcharge du réseau, les retards ou l’absence d’informations lorsqu’ils se produisent. Dans ce contexte, il conviendrait de redoubler d’efforts pour inciter les sociétés de transport à adopter des politiques de tolérance zéro à l’égard de la violence sur le lieu de travail.

5.7.

Le CESE propose que la révision du livre blanc de 2011 intitulé «Feuille de route pour un espace européen unique des transports» prévoie notamment une nouvelle initiative, à ajouter à la liste de l’annexe I, en faveur de l’égalité entre les sexes dans les métiers du transport, en l’occurrence sous la forme d’actions destinées à attirer les femmes vers des possibilités de recrutement dans le secteur des transports, grâce à des mesures qui améliorent la qualité de l’emploi dans tous les modes de transport, les conditions de travail, l’éducation et la formation tout au long de la vie (EFTLV), la protection de la santé et la sécurité en milieu professionnel et au travail, et les perspectives de carrière favorables, qui sont autant de facteurs contribuant à un meilleur équilibre entre travail et vie privée. Il serait possible de mieux intégrer les femmes dans le secteur des transports au moyen d’actions positives, qui supposent, au minimum, d’aménager de nouvelles installations sanitaires, vestiaires et hébergements, de même que d’évaluer plus raisonnablement les plages de travail ininterrompu, ainsi que la pression professionnelle, les mouvements répétitifs et la fatigue, et ce, pour chaque mode de transport.

5.8.

Diverses initiatives que les partenaires sociaux européens du secteur des transports ont prises pour en faire un environnement de travail plus agréable pour les femmes démontrent qu’il est bien conscient des obstacles potentiels qu’il doit traiter. Partenaires sociaux des chemins de fer, la Communauté européenne du rail (CER) et la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF), ont élaboré une étude sur la représentation des femmes et l’amélioration de leur intégration dans les professions du rail et s’emploient actuellement à suivre la mise en œuvre de ses recommandations au niveau des entreprises. La même approche est développée dans les transports publics urbains par l’Union internationale des transports publics (UITP) et l’ETF. Dans le secteur du transport maritime, l’ETF et l’Association des armateurs de la Communauté européenne (ECSA) ont mis au point, en 2014, un jeu complet d’outils de formation comprenant des lignes directrices, une vidéo et un manuel visant à lutter contre le harcèlement à bord des navires. Dans les ports et les docks, l’ETF, l’Organisation des ports de mer européens (ESPO), le Conseil international des dockers (IDC) et la Fédération des exploitants de ports privés européens (FEPORT) se sont récemment mis d’accord sur des recommandations communes qui, sous forme de 14 points d’action, visent à promouvoir les femmes dans des emplois portuaires et à les y retenir.

5.9.

De nombreux partenaires sociaux et organisations, dont l’Organisation internationale du travail (OIT), ont d’ores et déjà élaboré des lignes directrices, des programmes de formation, des boîtes à outils et des codes de bonnes pratiques qu’il est possible d’exploiter ou de renforcer pour accroître la participation des femmes au secteur. La Commission pourrait intégrer une dimension de genre bien affirmée parmi les piliers d’un observatoire des questions sociales et problématiques d’emploi et de formation pour le transport, comme l’a recommandé l’avis du CESE de 2011 sur «Les conséquences des politiques européennes sur les possibilités d’emploi, les besoins en formation et les conditions de travail des travailleurs du secteur des transports».

6.   Les femmes dans les entreprises

6.1.

Dans le domaine du transport comme ailleurs, les chefs d’entreprise jouent un rôle toujours plus important, en tant qu’ils offrent des possibilités d’emplois et constituent des acteurs clés en la matière (2). Aujourd’hui, leur mission englobe notamment l’engagement dans l’économie verte, les systèmes de transport intelligents (STI), la télévision en circuit fermé, la planification en temps réel et la sécurité.

6.2.

Des politiques simples, spécifiquement conçues pour les entreprises détenues par des femmes, pourraient apporter un retour sur investissement qui augmenterait les perspectives de croissance et d’emploi dans l’Union européenne. La Commission devrait envisager de créer un bureau des entreprises détenues par des femmes au sein de la Commission européenne et des ministères compétents dans les États membres. Il conviendrait de placer cet organisme sous la tutelle des ministères chargés du développement économique, afin d’établir une distinction claire entre les activités économiques des entreprises et les responsabilités en matière d’égalité des sexes.

6.3.

De plus, il y aurait lieu de nommer, au sein de la Commission européenne et des États membres, un directeur des entreprises gérées par des femmes, ou un haut représentant en la matière, pour sensibiliser aux avantages économiques que l’on obtient en encourageant davantage de femmes à créer et développer une entreprise. Ce «directeur des entreprises féminines» pourrait également avoir pour mission de promouvoir l’industrie et les parcours universitaires qui débouchent sur un essor de l’entrepreneuriat féminin, qu’il s’agisse de la recherche, des sciences, de l’ingénierie de haute technologie, de celle des transports ou du développement informatique.

7.   Les femmes et les transports: en faire une réalité

7.1.

Pour remédier à la sous-représentation des femmes et afin d’exploiter de manière plus efficace et plus large le réservoir de talents qu’elles représentent sur le marché de l’emploi du secteur des transports, le CESE recommande les outils décrits ci-après, qui sont susceptibles d’être utilisés pour renforcer les capacités féminines à tous les niveaux. La démarche peut s’effectuer soit par la mise en place de projets de l’Union européenne au sein de la direction générale Transport, soit par une collaboration avec d’autres projets de l’Union européenne existants (partenariats):

développer une approche coordonnée entre les institutions, les associations sectorielles, les syndicats, les parties prenantes travaillant dans le secteur, élaborer une campagne d’accueil des femmes dans l’industrie du transport et mettre en avant la valeur ajoutée qui résulte, pour l’économie de l’Union européenne et pour le tissu social, d’une meilleure intégration féminine dans le secteur. Une telle initiative a été récemment mise en œuvre par «Transport pour Londres», au Royaume-Uni, dans le cadre d’une campagne qui a mis en vedette 100 femmes travaillant dans le secteur des transports. La célébration de leur réussite a démontré le rôle important des femmes dans les transports et constitue une source de mobilisation, de motivation et d’inspiration pour les générations actuelles et futures de travailleurs féminins du secteur des transports,

égalité dans les transports: cet élément n’est pas spécifique à l’activité de transport mais des études montrent que les inégalités dans ce domaine sont l’une des principales raisons pour lesquelles les femmes n’envisagent pas de s’y engager davantage. Les questions qu’il conviendrait de traiter en priorité sont les suivantes:

l’égalité salariale à travail égal,

la transparence du processus de recrutement,

la souplesse dans les pratiques de travail, y compris les possibilités d’emploi partagé et de travail à temps partiel,

l’effort pour attirer les talents — prendre en compte toutes les femmes, qu’elles soient d’âge mûr ou jeunes, qu’elles soient ou ne soient pas hautement qualifiées,

la prise de décision — intégrer davantage de femmes dans les conseils d’administration, les structures de gestion, au sein des organisations syndicales, au-delà du niveau des adhérents, ainsi que pour l’élaboration des politiques.

7.2.

Accompagnement — renforcer les mécanismes de soutien, partager connaissances et expérience, créer des réseaux et fournir des orientations. Cette action peut être réalisée en interne, au sein des entreprises et entre travailleurs de niveaux comparables, en externe, entre les entreprises et des secteurs analogues au sein du domaine des transports, ou encore à l’aide de programmes de tutorat existants, qui ne ciblent pas exclusivement le transport. Les réseaux d’accompagnement doivent compter des participants masculins et féminins. En outre, ils peuvent se fédérer en groupements et être transsectoriels, afin de permettre le transfert de connaissances, de bonnes pratiques, de compétences et d’horizons dans l’ensemble du secteur des transports.

7.3.

Programmes de développement — élaborer la formation qui donnera aux travailleurs la possibilité de développer leurs compétences et d’obtenir des qualifications professionnelles, afin d’accroître leurs qualifications sans discrimination entre les sexes et donc de garantir l’égalité des niveaux de compétence pour le recrutement ou les promotions.

7.4.

Enseignement — réexamen du système éducatif et de la promotion des rôles dans le secteur des transports, de manière à remodeler l’a priori qui veut que le secteur ne convient qu’aux hommes. Recenser les modèles de rôles féminins afin d’encourager les ouvertures.

7.5.

Promouvoir l’innovation et les petites entreprises dans les transports — recenser les femmes travaillant dans des petites ou moyennes entreprises, afin de déterminer les nouvelles tendances, ainsi que les possibilités en matière d’innovation et de recherche et développement. Mettre en valeur les succès obtenus. Bonnes pratiques — Le «Women First Top 100 Club» est un réseau qui rassemble les femmes les plus influentes dans l’hôtellerie, le transport des personnes, les voyages et le tourisme; elles font office d’ambassadrices et de modèles de fonctions pour les femmes qui joueront un rôle dirigeant dans le futur (http://women1st.co.uk/top-100).

7.6.

Mobilisation de la chaîne d’approvisionnement — encourager les fournisseurs à inclure dans leur chaîne d’approvisionnement des données relatives à l’égalité entre les sexes. Déterminer les possibilités qui existent pour envisager d’octroyer des marchés publics à des entreprises dirigées par des femmes. (Bonnes pratiques — L’initiative américaine WEConnect propose des appels d’offres et des marchés publics, spécialement à l’intention des femmes, dans tous les secteurs. Elle est à présent opérante en Europe (http://weconnectinternational.org).

7.7.

Responsabilité sociale des entreprises (RSE) — encourager les entreprises à communiquer des statistiques liées au genre dans le cadre de leur responsabilité sociale d’entreprise et à s’engager en faveur de la promotion des femmes dans le secteur des transports. Contribuer à la mise en place d’un label du domaine d’activité en tant que «secteur de choix» pour tous.

7.8.

Internationalisation — l’Europe est appréciée pour les transferts de connaissances et le développement de partenariats. Le transport est un secteur mondial et se trouve confronté à de nombreux défis, pour lesquels l’Europe peut partager son expérience et sa capacité d’innovation, ainsi que s’ouvrir à de nouveaux marchés. Les femmes pourraient, dans ce domaine, jouer le rôle crucial de promouvoir l’industrie européenne et son expertise à l’extérieur du continent.

Bruxelles, le 1er juillet 2015.

Le président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  JO C 133 du 9.5.2013, p. 68.

(2)  JO C 299 du 4.10.2012, p. 24.


17.11.2015   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 383/8


Avis du Comité économique et social européen sur «Les allégations environnementales, sociales et de santé dans le marché intérieur»

(avis d’initiative)

(2015/C 383/02)

Rapporteur:

M. Bernardo HERNÁNDEZ BATALLER

Le 22 janvier 2015, conformément à l’article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, le Comité économique et social européen a décidé d’élaborer un avis d’initiative sur:

«Les allégations environnementales, sociales et de santé dans le marché intérieur»

(avis d’initiative).

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 9 juin 2015.

Lors de sa 509e session plénière des 1er et 2 juillet 2015, (séance du 2 juillet 2015), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 135 voix pour, 17 voix contre et 14 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

La communication commerciale est un outil important qui permet aux entreprises de diffuser leurs produits et services de manière transparente, tout en garantissant un fonctionnement efficace du marché intérieur et un niveau élevé de protection des consommateurs. Toutefois, il existe des messages qui ne sont pas véridiques ou qui comportent des contenus inexacts utilisant des allégations environnementales, sociales, éthiques ou de santé, ce qui porte préjudice aux entreprises pleinement respectueuses de la législation ainsi qu’aux consommateurs.

1.2.

Actuellement, l’évaluation de la performance environnementale et sociale des produits et des services et la communication y afférente s’effectuent, dans le cadre des différentes initiatives, par le biais de canaux et de formats distincts, et selon diverses grilles et méthodes d’évaluation. Le Comité économique et social européen (CESE) estime qu’il est important que la Commission propose des méthodes européennes pour mesurer et faire connaître l’impact environnemental global des produits et des services. De même, il y aurait lieu d’établir un inventaire des labels officiels, en précisant leur signification et les organismes accrédités pour leur attribution, leur validation et leur contrôle. En tout état de cause, les consommateurs ont le droit de pouvoir disposer d’une information claire et précise sur l’origine des produits.

1.3.

Le CESE attend de la Commission qu’elle révise, dans le prolongement de la directive 2005/29/CE, les lignes directrices visant à faciliter l’accès des consommateurs et des entreprises à des informations fiables et transparentes, et qu’elle clarifie l’utilisation des allégations environnementales, éthiques et de santé dans la communication commerciale.

1.4.

S’agissant de la coopération administrative, les services responsables de la consommation devraient passer au crible, au niveau de chaque État membre, les allégations environnementales, sociales, éthiques et de santé, afin de pouvoir évaluer la situation existante au moyen de données concrètes.

1.5.

Il convient de mettre en place, au niveau de l’Union européenne, un cadre juridique cohérent, complet et solide afin de réglementer la communication commerciale en ligne tout en veillant au respect du droit à la vie privée et à la protection d’autres objectifs d’intérêt public.

1.6.

La Commission européenne et les États membres devraient, dans le cadre de leurs compétences respectives, promouvoir les mesures de surveillance, de contrôle et de sanction, en liaison avec les systèmes d’autorégulation et de corégulation existant dans ce domaine et recouvrant les allégations environnementales, sociales et de santé, en veillant en particulier à ce que les organismes nationaux et européens d’autorégulation publicitaire respectent les normes établies par les dispositions et recommandations de l’Union européenne, dans le but notamment d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs. Il conviendrait également d’informer les organisations de consommateurs de l’élaboration de codes de conduite, afin de les associer à leur rédaction.

2.   Introduction

2.1.

L’Union européenne compte un grand nombre d’entreprises qui offrent au consommateur une information complète, véridique et transparente sur les caractéristiques essentielles des biens et services proposés sur le marché. Néanmoins, l’utilisation inappropriée d’allégations environnementales, sociales et de santé porte atteinte aux entreprises respectueuses de la réglementation et aux consommateurs qui achètent les biens et services concernés.

2.2.

Le droit à l’information permet un fonctionnement plus transparent du marché intérieur et compense les évidentes asymétries qui caractérisent la relation entre fournisseurs et consommateurs.

2.3.

Le consommateur est en droit d’obtenir une information complète, véridique et transparente sur les caractéristiques essentielles des biens et services proposés sur le marché.

2.4.

Dès lors, l’information est un facteur déterminant de la décision d’achat des consommateurs et utilisateurs, qu’il s’agisse d’acquérir un bien selon une approche préférentielle et sélective ou d’en rejeter d’autres qui ne répondent pas aussi bien à leurs besoins et à leurs attentes. Le développement technologique, quant à lui, permet de plus en plus aux entreprises de répondre de manière individualisée aux demandes des différentes catégories de consommateurs, selon un processus de fidélisation reposant sur la personnalisation des produits, conformément aux principes du marketing personnalisé.

2.5.

Dans un modèle d’économie sociale de marché tel que celui établi par le traité, l’Union ne dispose pas d’un cadre juridique intégré pour les communications commerciales. Le cadre existant est en effet inutilement complexe, incomplet, inconsistant et parfois incohérent, puisqu’il repose principalement sur les éléments suivants:

la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil (1) sur les pratiques commerciales déloyales, qui régit uniquement les relations entre les consommateurs et les entreprises. Cette directive s’applique sans préjudice des dispositions en matière de santé de l’Union européenne et des États membres et, en ce qui concerne les services financiers, les États membres peuvent appliquer des conditions plus rigoureuses ou plus restrictives que celles prévues par la directive,

la directive 2006/114/CE du Parlement européen et du Conseil (2) en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative, qui s’applique aux relations entre entreprises,

la directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil (3) visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive «Services de médias audiovisuels»), qui modifie la directive généralement connue sous le nom de «Directive télévision sans frontières»,

dans le secteur alimentaire, le règlement (CE) no 1924/2006 du Parlement européen et du Conseil (4) concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires; d’autres réglementations encore, touchant à d’autres secteurs dans le domaine de la santé, comme les cosmétiques et les produits de soins corporels, sur lesquelles la Commission travaille déjà,

la communication sur la responsabilité sociale des entreprises (5) ou, plus récemment, la communication sur une stratégie pour un marché unique numérique en Europe (6).

2.6.

La Commission a publié diverses communications, engagé un débat public et elle travaille actuellement, entre autres questions, sur l’«empreinte écologique» des produits, afin de pouvoir garantir une information fiable et précise sur l’impact environnemental des produits tout au long de leur cycle de vie.

2.7.

Bien que le consommateur dispose, grâce à l’évolution technologique, de plus de possibilités d’accès à l’information, la réglementation régissant la communication commerciale en ligne au niveau de l’Union est actuellement dispersée dans une pluralité de textes (directives sur le commerce électronique, la protection des consommateurs, la protection de la vie privée dans les communications commerciales, les pratiques commerciales déloyales, etc.). Le CESE est d’avis qu’il conviendra, à l’avenir, de présenter une proposition s’inscrivant dans le prolongement de la stratégie adoptée. Dans l’immédiat, toutefois, il faudrait envisager une consolidation de la législation, de manière à réunir dans un texte unique (refonte) les dispositions en vigueur et à éviter toute contradiction entre les messages utilisant ce canal.

2.8.

Par ailleurs, le règlement (CE) no 2006/2004 relatif à la coopération en matière de protection des consommateurs a déjà instauré un cadre de coopération entre la Commission et les États membres, lequel devrait aller plus loin dans ce domaine, afin d’évaluer les éventuelles infractions.

2.9.

S’agissant des voies de recours existantes, celles-ci varient fortement selon les États membres. En effet, alors que certains prévoient des recours directs devant les tribunaux en vue d’assurer de manière effective le respect de la législation, d’autres États ont développé diverses initiatives d’autorégulation et de corégulation publicitaire, reposant sur des codes de conduite et l’établissement d’organismes de règlement extrajudiciaire des litiges dans ce domaine, qui complètent la législation et les mécanismes en vigueur en matière de contrôle du respect des règles administratives et judiciaires.

2.10.

Il existe d’autres variables qui contribuent encore à la complexité de la question, telles que:

la possibilité d’un étiquetage facultatif,

l’incidence des politiques de responsabilité sociale des entreprises,

une demande sélective accrue des consommateurs à l’égard de produits réunissant certaines caractéristiques spécifiques en réponse à une inquiétude particulière,

le manque fréquent de mécanismes de contrôle efficaces,

enfin, la difficulté pour les consommateurs de faire preuve de discernement et de vérifier l’information.

2.11.

Enfin, si certaines techniques promotionnelles, telles que le contenu de marque («branded content»), le marketing émotionnel et la mise en récit («storytelling»), le placement de produits («product placement») ou les applications dites de neuromarketing, aident les fournisseurs à atteindre plus efficacement leurs objectifs commerciaux, il devient de ce fait plus difficile pour les citoyens de fonder leurs décisions d’achat, d’utilisation et de consommation sur des critères rationnels, reposant sur une évaluation réelle des avantages des biens et services et de l’adéquation de leur prix. La raison en est notamment que, bien souvent, ces techniques occultent la distinction traditionnelle entre contenus publicitaires et non publicitaires, en privant les destinataires du message de leur droit d’être informés sur la nature et l’intention commerciale d’un message à caractère prétendument informatif, et sont dès lors susceptibles d’induire en erreur, en particulier, les consommateurs les plus vulnérables, tels que les jeunes, les personnes âgées et les personnes défavorisées ou handicapées.

2.12.

En conclusion, le CESE est favorable à l’offre de biens ou de services de meilleure qualité, produits selon des procédés éthiques ou se distinguant par une meilleure performance environnementale ou sociale, ainsi qu’à l’inclusion d’allégations environnementales, sociales et de santé. L’objectif de cet avis est de traiter des allégations et des communications commerciales fausses, inexactes ou qui sont source de confusion.

3.   Observations générales

3.1.

Les communications commerciales fondées sur des allégations sujettes à caution, inexactes ou difficilement vérifiables, qui sont source d’erreur et de confusion, ont une incidence variable et plus ou moins prononcée, mais elles occasionnent toujours d’importants préjudices pour les consommateurs et les entreprises respectueuses de la réglementation et, par extension, portent atteinte au fonctionnement d’un marché de biens et de services reposant sur des principes éthiques et de transparence.

3.2.

On peut notamment citer les effets suivants:

distorsion de l’offre en relation avec l’impact des allégations en question sur les prix,

création de marchés non transparents se caractérisant par une asymétrie prononcée entre l’offre et la demande,

limitation du pouvoir d’achat du consommateur qui, ne disposant pas d’une information exacte lui permettant de confronter ses besoins et ses attentes aux caractéristiques de l’offre, est moins à même de prendre des décisions éclairées,

effet dissuasif et de frustration sur les consommateurs soucieux de prendre des décisions responsables (en termes environnementaux, sociaux, de santé), lorsque l’information reçue se révèle trompeuse, erronée ou invérifiable,

encouragement de conduites opportunistes faisant obstacle à l’implantation et au développement d’une consommation responsable, de la part de fournisseurs tirant parti de l’intérêt croissant des consommateurs à l’égard de ces aspects, mais sans être disposés à y consacrer les ressources requises, ce qui, en outre, porte préjudice aux entreprises dont le comportement n’est pas sujet à caution,

perte de confiance du consommateur dans le marché et dans le contrôle exercé sur celui-ci par les administrations publiques.

3.3.

L’information doit répondre aux besoins réels et aux attentes des consommateurs. Sa pertinence doit donc être évaluée au regard de la finalité, du contenu, de la présentation, du contexte et de l’identification du message publicitaire, dont les paramètres fondamentaux sont les suivants: fiabilité, actualité, impartialité, exactitude, pertinence, concision, intelligibilité, clarté, lisibilité et facilité d’accès. Le CESE préconise de faire figurer sur les étiquettes des produits leur origine, car cela accroît le niveau de protection, permet d’éviter que les consommateurs soient induits en erreur ou victimes d’une confusion, et ainsi facilite leur choix.

4.   Allégations à caractère environnemental

4.1.

Les allégations à caractère environnemental concernent principalement l’impact sur l’environnement qui résulte de la composition des produits ou de leur utilisation, souvent par référence au changement climatique et aux émissions polluantes. Mais elles peuvent aussi s’étendre à d’autres aspects tels que l’utilisation rationnelle des ressources naturelles, la déforestation, la biodiversité ou l’efficacité énergétique. Il s’agit en définitive de l’empreinte environnementale de l’activité des entreprises et de la consommation de produits dans notre environnement.

4.2.

Lorsque l’utilisation de ces allégations est purement formelle ou factice, mais n’a aucune incidence sur la nature véritable du produit ou de son élaboration, il se produit un phénomène connu sous l’appellation d’«écoblanchiment», qui peut être défini comme «la promotion sélective de l’information environnementale positive au moyen de la publicité, qui induit une image faussée de la réalité dans l’esprit du consommateur, du fait d’une surreprésentation de ces aspects “écologiques”». La Commission définit également ce concept dans ses orientations concernant l’application de la directive 2005/29/CE (7).

4.3.

D’un point de vue environnemental, l’information relative à l’impact (négatif ou positif) d’une marque fait naître dans l’esprit du consommateur une certaine image de ladite marque. Cette image influe parallèlement sur des aspects tels que la décision d’achat ou l’opinion politique. En sanctionnant les «mauvais» comportements et en récompensant les «bons», qui s’expriment à travers les décisions d’achat, le système atteint un certain équilibre dynamique.

4.4.

Les techniques d’écoblanchiment les plus utilisées sont les suivantes:

image verte donnée à un processus polluant: affirmation laissant entendre qu’un produit est «vert», par référence à un nombre restreint de caractéristiques, sans prise en compte d’autres aspects environnementaux importants. Le produit final peut être très vert, mais son processus de fabrication très polluant. La chaîne d’approvisionnement peut également comporter de mauvaises pratiques liées à des conditions de travail néfastes pour la santé et à des produits nocifs,

absence de preuves: déclaration environnementale ne pouvant être corroborée par une information correspondante aisément accessible ou par une certification fiable de la part de tiers,

imprécision: publicité à la formulation si pauvre que sa signification véritable sera très probablement mal interprétée par le consommateur,

«faux» labels ou récompenses qui en réalité n’en sont pas.

4.5.

Il convient d’utiliser des critères assurant une information correcte des consommateurs et d’interdire toute utilisation abusive de l’argument écologique dans les communications commerciales.

4.6.

L’introduction de méthodes européennes harmonisées, telles que l’«empreinte écologique», permettant d’instaurer la traçabilité environnementale des produits et des organisations, pourrait contribuer à clarifier le fonctionnement du marché. Ces méthodes doivent s’appuyer sur des normes internationales d’usage courant, telles que, notamment, la norme internationale ISO 14201 sur les allégations environnementales trompeuses ou le code de la Chambre de commerce internationale.

5.   Allégations à caractère éthique et social

5.1.

À l’instar des allégations ayant trait à des aspects environnementaux, on pourrait parler d’une sorte d’«écoblanchiment» concernant les «qualités éthiques et sociales» des entreprises et des produits. Il s’agit, en l’occurrence, de faire de l’achat d’un produit une opportunité d’action de bienfaisance ou d’action solidaire à caractère social, dans la mesure où cet achat induit implicitement un bénéfice pour des groupes ou des communautés souffrant de certains besoins ou se trouvant en situation de vulnérabilité.

5.2.

Il n’est pas rare, aujourd’hui, de voir des marques s’associer à des projets à finalité sociale, par le biais de campagnes axées sur la promotion des ventes. Il s’agit de collectes de fonds organisées à des fins de bienfaisance ou de campagnes de promotion des ventes associées à une action sociale, qui ont connu un certain essor dans le contexte de la crise économique. Lorsqu’elles utilisent des arguments non véridiques comme simple prétexte pour favoriser les ventes, ces actions peuvent prêter à confusion et induire le consommateur en erreur et, à ce titre, s’avérer particulièrement préjudiciables.

5.3.

Ces actions visent des campagnes de solidarité, d’aide humanitaire, d’action sociale au profit de certaines communautés ou catégories de population, voire la défense de causes conjoncturelles liées à une urgence ponctuelle, ou encore une question structurelle mettant en jeu des situations de discrimination, de ségrégation, d’inégalité, etc.

5.4.

D’autres cas de «blanchiment social» ou d’«écoblanchiment social» peuvent se présenter lorsque l’entreprise donne d’elle-même une image socialement responsable qui n’est pas suffisamment fondée, ou bien lorsqu’un attribut social et publicitaire se voit accorder une telle importance qu’il apparaît comme l’activité principale de cette entreprise.

5.5.

Les allégations à caractère éthique ou social vont parfois de pair avec d’autres allégations de nature environnementale, mais elles s’étendent aussi, suivant les impératifs de l’actualité, à d’autres aspects comme ceux liés à l’emploi, à la promotion de l’économie locale, à la participation des citoyens ou à tout autre sujet susceptible de susciter une impulsion d’achat chez les consommateurs.

5.6.

À cet égard, il convient également de tenir compte des agissements déguisés des faux «consultants dans le domaine éthique, social et environnemental», qui prêtent à confusion et induisent en erreur le consommateur, puisqu’ils opèrent sur le marché en tant qu’acteurs économiques ou intermédiaires, en abusant de la bonne foi et de la crédulité des consommateurs et, animés par l’appât du gain, s’emploient à commercialiser des produits et des services sous des arguments fallacieux.

5.7.

Les interventions à caractère financier qui, en se prévalant d’arguments éthiques, sociaux et environnementaux, visent à commercialiser des produits et des instruments financiers, sans remplir les critères de solvabilité requis ni se soumettre à la surveillance dont doivent faire l’objet les établissements financiers, sont particulièrement pernicieuses pour le bon fonctionnement du marché intérieur. L’Autorité bancaire européenne a récemment adopté un avis dans lequel elle propose un ensemble de mesures destinées à réduire les risques ainsi qu’à définir des exigences en matière de publicité et des recommandations visant à protéger les acteurs concernés contre d’éventuels conflits d’intérêts.

5.8.

Il convient d’éviter le «blanchiment social» ou l’utilisation d’informations non véridiques ayant pour but de donner une image d’engagement social.

6.   Allégations de santé et autres

6.1.

Les préoccupations récemment affichées par les consommateurs à l’égard de modes de vie sains ainsi que l’extension des technologies aux secteurs de la production des aliments, des cosmétiques et d’autres produits liés à la santé induisent elles aussi le recours à des allégations de santé, touchant aussi bien à l’alimentation et à la nutrition, avec des résultats diététiques et esthétiques, qu’à l’amélioration des fonctions cognitives et physiologiques.

6.2.

Par analogie avec les allégations environnementales, l’intérêt désormais affiché par les consommateurs à l’égard d’une alimentation saine est également l’occasion de présenter des allégations concernant l’agriculture biologique, ou encore la présence ou l’absence de composants alimentaires tels que vitamines, acides gras oméga-3, sucres, sel ou alcool, sans oublier les substances transgéniques.

6.3.

Le vieillissement progressif de la population et l’allongement de l’espérance de vie constituent un terrain particulièrement propice à la multiplication future des informations diffusées par le biais d’allégations illicites.

6.4.

De manière similaire, le «marketing de santé», qui recourt à ce type de déclarations en tant que valeur ajoutée pour une commercialisation plus efficace des produits, comme c’est le cas dans des secteurs tels que celui des compléments alimentaires ou des produits à base de plantes, mais aussi pour les produits de grande consommation, donne également lieu à l’utilisation abusive de prétendus avantages en termes de santé, revêtus d’arguments pseudoscientifiques.

7.   Observations particulières

7.1.

Il convient de tenir compte du fait que les options que constituent tant l’étiquetage facultatif que la conception de logos et de pictogrammes génèrent dans les processus cognitifs et émotionnels des consommateurs des associations peu rationnelles qui les amènent à prendre une décision d’achat. Les messages et images ne peuvent asséner catégoriquement et fermement ce qui ne peut être démontré de manière irréfutable. Il serait opportun de mener des actions spécifiques visant à vérifier les allégations.

7.2.

Cela étant, le contrôle des allégations doit être adapté aux supports employés, compte tenu des conditions spécifiques propres au traitement de chacun d’entre eux. En résumé, et de manière schématique, les allégations peuvent se présenter sous les formes suivantes:

textes,

messages et slogans,

logos,

symboles et signes,

pictogrammes,

images et photos,

graphiques et données,

graduation de couleurs,

visages et noms de personnages et d’institutions médiatiques renommés.

7.3.

Il est possible de demander d’éviter les informations contenant des affirmations indémontrables et servant un but commercial, ou encore de rectifier les données.

7.4.

Au vu de ces différentes considérations, le CESE demande à la Commission européenne et aux États membres de prendre, dans le cadre du règlement (CE) no 2006/2004, les mesures adéquates, par le biais de la coopération administrative et notamment de la promotion des activités communes, en vue de mettre un terme à l’usage frauduleux d’allégations inexactes à caractère éthique, environnemental ou de santé, et ce en étroite collaboration avec les centres européens des consommateurs qui jouent un rôle essentiel dans ce type de situation.

Bruxelles, le 2 juillet 2015.

Le président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  JO L 149 du 11.6.2005, p. 22.

(2)  JO L 376 du 27.12.2006, p. 21.

(3)  JO L 95 du 15.4.2010, p. 1.

(4)  JO L 404 du 30.12.2006, p. 9.

(5)  COM(2002) 347 final.

(6)  COM(2015) 192 final.

(7)  SEC(2009) 1666 final. Voir le paragraphe 2.5.1.


17.11.2015   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 383/14


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Sport et valeurs européennes»

(avis d’initiative)

(2015/C 383/03)

Rapporteur:

M. Bernardo HERNÁNDEZ BATALLER

Le 10 juillet 2014, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l’article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d’élaborer un avis d’initiative sur le thème:

«Sport et valeurs européennes».

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 17 juin 2015.

Lors de sa 509e session plénière des 1er et 2 juillet (séance du 2 juillet), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 99 voix pour, 59 voix contre et 32 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le sport contribue à la réalisation des objectifs stratégiques de l’Union, met à l’honneur des valeurs pédagogiques et culturelles fondamentales et constitue un vecteur d’intégration, dans la mesure où il s’adresse à tous les citoyens, indépendamment de leur sexe, origine ethnique, religion, âge, nationalité, condition sociale ou orientation sexuelle. Le sport est un instrument qui sert à combattre, l’intolérance, la xénophobie et le racisme.

1.2.

Les activités sportives permettent à toutes les personnes de canaliser leurs espoirs de façon constructive et de s’enrichir grâce aux valeurs d’effort, de solidarité et de cohésion véhiculées par le sport. De plus, elles apportent bien-être physique et psychique, tout en contribuant à résoudre les problèmes sociaux puisqu’elles offrent des valeurs positives. À cet égard, il est jugé important d’aborder également dans le débat l’établissement d’un ensemble de règles minimales universelles de nature à promouvoir l’intégrité dans la pratique du sport par les enfants et les jeunes, toutes disciplines sportives confondues.

1.3.

Le bénévolat sportif joue un rôle essentiel dans le développement du sport de base et dans les clubs, d’où sa valeur considérable du point de vue social, économique et démocratique; il convient, par conséquent, de promouvoir le volontariat et la citoyenneté active à travers le sport, sports d’hiver compris.

1.4.

Le principe de bonne gouvernance et de bonne gestion doit garantir l’intégrité dans les compétitions sportives. Dans le sport, l’autonomie des organisations sportives, qui doivent agir dans le respect des principes de transparence, de responsabilité et de démocratie, est une condition nécessaire. Dès lors, toutes les parties prenantes doivent être représentées de manière appropriée dans le processus de prise de décision. Afin de consolider ce cadre de prévention général et comme le démontre une étude (1) exhaustive réalisée récemment, il est essentiel de renforcer la confiance entre les autorités nationales et les institutions sportives pour faciliter l’échange d’informations nécessaire entre les autorités judiciaires nationales et les institutions sportives internationales.

1.5.

Le CESE demande instamment à la Commission et aux États membres, en ce qui concerne l’innovation, de diffuser et d’échanger, à l’échelle européenne, des informations sur les expériences positives et les meilleures pratiques en matière de création et de soutien de partenariats stratégiques entre les principales parties prenantes des différents secteurs, afin de renforcer le rôle du sport en tant que moteur de l’innovation et de la croissance économique. En ce sens, il est très important de savoir tirer parti des bénéfices que les grandes manifestations sportives peuvent et doivent apporter aux régions et aux villes dans lesquelles elles se déroulent; il estime que la Commission européenne doit prêter attention aux nouvelles initiatives et méthodologies qui feraient leur apparition à l’échelle mondiale afin d’aider les régions et les villes à lancer des projets sportifs susceptibles de promouvoir un développement économique et social durable.

1.6.

Il convient d’encourager, pour le développement du sport, l’utilisation à différents niveaux des instruments de financement de l’Union européenne.

1.7.

Il faut promouvoir au niveau européen la cohésion sociale, les actions en faveur de l’inclusion des groupes défavorisés dans les activités sportives et l’insertion des personnes dans la société, y compris celles qui sont privées de liberté, afin qu’elles puissent trouver dans le sport un outil de réinsertion sociale, car il est source de bien-être émotionnel et de stabilité grâce aux valeurs d’effort, de solidarité et, en définitive, de fair-play qu’il véhicule et qui peuvent contribuer à combattre l’exclusion sociale et la discrimination.

1.8.

La mission de l’Union dans la lutte contre l’inégalité, s’agissant d’éliminer les obstacles qui entravent l’accès des personnes handicapées aux activités sportives, de favoriser leur participation à des compétitions et de bannir tous les préjugés de la société en la matière, est importante. Aussi serait-il opportun que la Commission propose au Conseil de ministres d’élaborer un «code européen de bonnes pratiques en matière de sport et d’inclusion sociale», en vue de promouvoir et d’encourager davantage la pratique du sport chez les personnes handicapées.

1.9.

Une attention particulière devrait être consacrée par l’Union européenne et ses États membres à la promotion du sport et de l’activité physique auprès des personnes âgées. Dans une Europe qui voit le vieillissement de sa population s’accentuer, il est de la plus haute importance que des initiatives ciblées et les fonds nécessaires soient déployés à cet effet.

2.   Introduction

2.1.

Le traité de Lisbonne évoque, en ce qui concerne le processus d’intégration, l’existence de valeurs communes à l’Union et à ses États membres. Ces valeurs suprêmes sont le respect de la dignité humaine, la liberté, la démocratie, l’égalité, l’État de droit et le respect des droits de l’homme, dont les droits des personnes appartenant aux minorités.

Le traité de Lisbonne (article 165 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne) octroie à l’Union des compétences pour encourager le sport dans ses aspects européens. Il est nécessaire de traiter les différentes dimensions sociales, économiques et culturelles du phénomène sportif du point de vue de leur articulation avec les valeurs consacrées à l’article 2 du TUE, ce qui implique clairement une obligation d’action pour les institutions et les États membres, qui, en vertu du principe de subsidiarité, sont tenus de prendre l’initiative concernant les politiques, les normes et les mesures en faveur des aspects européens du sport.

2.2.

Le présent avis d’initiative a pour but de tenter de faire connaître plus largement les potentialités que recèlent les valeurs européennes et celles du sport, sports d’hiver compris, en les relayant auprès de l’ensemble des citoyens et organisations de la société, ainsi que de donner un élan à la politique sportive de l’Union européenne, étant donné que, dans ce domaine, il n’existe jusqu’à présent que quelques décisions de justice isolées, généralement liées à l’exercice des libertés économiques.

2.3.

Dès l’antiquité déjà, la philosophie grecque classique faisait la distinction entre l’activité corporelle et l’esprit, l’esprit «olympique» étant un prolongement des idées qu’elle développait, parmi lesquelles se distinguaient essentiellement l’éthique et la promotion de la paix.

Étant donné l’importante contribution que le sport est susceptible d’apporter à une croissance intelligente, durable et inclusive, l’apport de ce secteur à la réalisation des objectifs généraux, mais aussi européens, de la stratégie Europe 2020 est considérable.

3.   La fonction sociale du sport

3.1.

Pour garantir la fonction sociale du sport, les États membres doivent disposer d’infrastructures appropriées qui facilitent la pratique sportive, en créant sur leurs territoires respectifs un réseau de base suffisant et équilibré d’installations et d’équipements sportifs.

3.2.

Le bénévolat a été et reste la pierre angulaire du sport en Europe, car ce sont les bénévoles ainsi que les associations sportives à but non lucratif qui permettent l’épanouissement et la diffusion des idéaux sportifs. Il y a lieu, à cet égard, de souligner la fonction de l’école dans la diffusion des valeurs olympiques, qui promeuvent la paix et l’entente dans le sport, en préservant le «vivre ensemble» et l’intégration dans une société démocratique et pluraliste, de même que les valeurs humanistes qu’on retrouve dans le sport et qui contribuent à l’éradication de la violence, du racisme, de l’intolérance et de la xénophobie dans le sport.

3.2.1.

L’application des principes de bonne gouvernance est nécessaire pour les organisations sportives. Ces dernières doivent s’appuyer sur les principes de transparence, de responsabilité et de démocratie et assurer au niveau de leur processus décisionnel une représentation adéquate de toutes les parties intéressées, y compris les supporters qui promeuvent généralement les principes du fair-play. Il conviendrait de réfléchir à la possibilité d’imposer des conditions de transparence plus strictes quand leurs activités sont financées avec des fonds publics.

3.2.2.

Le CESE considère qu’il faudrait envisager la possibilité de coordonner la lutte contre ces phénomènes dommageables — tels que peuvent l’être la corruption concernant les résultats sportifs, le dopage ou les actes violents — en vertu non seulement des compétences que les articles 6 et 165 du TFUE reconnaissent à l’Union, mais également de celles relatives à l’espace de liberté, de sécurité et de justice, ou de toute autre susceptible d’être nécessaire pour adopter des dispositions supranationales qui pourraient même avoir un effet véritablement dissuasif.

3.2.3.

Ces mesures devraient avoir pour finalité de garantir un niveau élevé de sécurité et il pourrait s’agir, par exemple, d’actions visant à assurer une coordination et une coopération entre les autorités policières (Office européen de police — Europol) et judiciaires (Eurojust) et les autres instances compétentes, parmi lesquelles les fédérations sportives.

3.3.

Il est vital d’encourager l’activité physique et la pratique du sport pour protéger la santé publique dans une société moderne. Il faut souligner que la pratique d’un sport encourage un mode de vie sain et contribue à l’amélioration de la qualité de vie, et qu’on peut dès lors tirer pleinement parti de toutes les potentialités qu’il offre pour réduire les dépenses de santé.

3.4.

L’activité institutionnelle de l’Union européenne en matière de sport a reçu une impulsion significative grâce au débat public auquel ont donné lieu la thématique dite de la «dimension européenne du sport», l’incorporation du sport dans le programme Erasmus+ ou les initiatives stratégiques en matière d’égalité entre les femmes et les hommes dans le sport, pour ne citer que ces quelques exemples. Les priorités de ce programme sont discutées sur une base annuelle; le CESE demande dès lors que soient prises en considération lors de la prochaine évaluation les observations formulées dans le présent avis.

3.4.1.

Cette action institutionnelle devra être renforcée par l’adoption des dispositions requises pour mettre en œuvre la valeur ajoutée et les aspects positifs que représentent les sports d’origine locale, traditionnels et plus enracinés localement, en tant qu’illustration probante de la diversité culturelle et historique de l’Union, qu’il convient de promouvoir et de diffuser.

3.4.2.

Sur la base du programme Erasmus+, la Commission devrait dresser un bilan précis de l’impact de l’intégration des activités sportives dans son champ de compétences, en particulier en ce qui concerne la réalisation des objectifs en matière de nouvelles compétences et d’emploi, ainsi qu’en ce qui concerne la jeunesse.

3.5.

Si l’on veut parvenir à ce que le sport contribue à conforter et à développer les valeurs européennes, il s’impose d’adopter et de mettre à exécution des mesures de coordination, complémentaires ou d’appui, qui soient orientées vers la protection de ces valeurs européennes, en particulier celles qui visent à préserver la dignité humaine, ainsi que certains éléments du parcours éducatif des personnes, dont l’intégration adéquate s’avère déterminante pour le bon fonctionnement de la démocratie et de l’État de droit. Cette approche peut être renforcée grâce au message de fair-play véhiculé par le sport, qui transmet à la société une grande partie des valeurs européennes.

La dimension européenne du sport est tout aussi pertinente pour aider à transposer dans la réalité certains paramètres tendant à l’égalité entre les hommes et les femmes. Il serait important de créer et d’utiliser du matériel pédagogique pour la formation des responsables du milieu sportif mais aussi pour les parents, afin de contribuer à l’élimination des stéréotypes de genre et à la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes dans le sport et de favoriser une représentation de plus en plus équilibrée des hommes et des femmes au sein des conseils d’administration et comités sportifs. Dans ce contexte, l’élaboration d’une charte des meilleures pratiques en matière de développement personnel des jeunes et de protection du sport constitue un pas très important (2).

3.6.

La pratique du sport, individuelle ou collective, peut constituer un réel gisement de création d’emplois, de richesse et de bien-être, qui, exploité de manière appropriée, revêt une grande importance dans le contexte actuel, s’agissant de lutter contre le chômage des jeunes et l’exclusion sociale. Il convient tout particulièrement de mentionner la situation des athlètes qui entament une seconde carrière, après avoir quitté le sport de haut niveau, et doivent être préparés de manière spécifique à cette nouvelle étape de leur vie (double carrière). L’équivalence et la reconnaissance des diplômes et des qualifications dans le domaine sportif sont nécessaires au bon développement de ces jeunes. Cela est important pour tenter de mettre un terme à l’économie souterraine qui peut exister dans ce secteur et assurer sa légalisation ultérieure.

3.6.1.

Il y aurait lieu de définir selon quelles formules il convient de mobiliser les mécanismes financiers européens afin de promouvoir le sport comme outil favorisant l’intégration sociale et l’emploi des jeunes, l’égalité entre les sexes, l’innovation, la création de réseaux d’organisations œuvrant à l’insertion sociale et d’autres visées d’intérêt public.

Comme arme dans la lutte contre l’exclusion sociale et instrument de réinsertion, le sport constitue un vecteur idéal pour donner corps aux valeurs qui favorisent le développement personnel et social, en ce qu’il est bénéfique pour la santé et formateur pour la personne. Il conviendrait de promouvoir, au niveau européen, la cohésion sociale et l’insertion des personnes dans la société, y compris celles qui sont privées de liberté, qui peuvent trouver dans le sport un moyen de réinsertion sociale, car il est source de bien-être émotionnel, favorise la cohésion et apporte de la stabilité grâce aux valeurs d’effort, de solidarité et, en définitive, de fair-play qu’il véhicule.

3.6.2.

Un réseau devrait être créé, regroupant des organisations du type de celles qui défendent la cohésion et la réinsertion sociales par la pratique du sport et, en particulier, celles qui bénéficient d’une large audience, le but étant qu’elles puissent échanger des bonnes pratiques, sur la base des valeurs européennes consacrées dans les traités. Il conviendrait, en outre, d’organiser un congrès européen sur les pratiques innovantes de réinsertion sociale à travers le sport, ainsi que des championnats au niveau de l’Union européenne, et de publier et diffuser les résultats obtenus par ces mises en réseau.

3.7.

Dans la mission institutionnelle de l’Union, un champ d’action est réservé à la lutte contre l’inégalité, s’agissant d’éliminer les obstacles qui entravent l’accès des personnes handicapées aux activités sportives, de favoriser leur participation à des compétitions et de bannir tous les préjugés de la société en la matière.

Il serait opportun que la Commission propose au Conseil de ministres d’élaborer un «code européen de bonnes pratiques en matière de sport et d’inclusion sociale».

3.7.1.

Il conviendrait de favoriser l’intégration des personnes handicapées grâce au sport, lors de rencontres sportives, afin d’améliorer leur qualité de vie ainsi que celle de leurs familles, et de développer leurs aptitudes sociales. Non seulement le sport est une saine habitude, mais il a aussi pour effet d’améliorer et d’augmenter la mobilité des personnes handicapées et de leur permettre de développer la prise de décision, la convivialité et le sens du travail en équipe.

3.7.2.

Pour stimuler la diffusion du sport paralympique ou de haut niveau chez les personnes handicapées et sensibiliser davantage le citoyen sur ce point, il est nécessaire que les pouvoirs publics responsables des Jeux paralympiques et d’autres rencontres internationales de haut niveau mettent en œuvre une stratégie de communication recourant aux médias et aux professionnels requis à cette fin, avec pour point d’orgue une couverture télévisée de ces Jeux paralympiques qui soit d’un haut niveau de qualité et comporte un nombre élevé d’heures de diffusion, dans des tranches horaires de grande audience.

3.7.3.

Le cadre législatif national dont chaque pays se dote pour adapter ses lois à la convention internationale des droits des personnes handicapées poursuit les mêmes objectifs et place l’«accessibilité» et la «conception universelle» parmi les outils à utiliser pour modifier ou créer des environnements qui permettent une pleine participation des citoyens.

3.7.4.

Étant donné que, lorsqu’on entreprend de mettre en place des programmes contribuant à intégrer les personnes âgées et les personnes handicapées dans les activités physiques sportives, l’un des obstacles relevés de manière systématique réside dans le déficit de formation des différentes parties prenantes qui interviennent dans le processus, on recommandera de fournir le matériel requis pour combler les besoins des enseignants, professeurs d’éducation physique et techniciens du sport sur le plan formatif, afin qu’ils soient à même de développer l’activité physico-sportive dans un environnement inclusif.

3.8.

Le processus apparemment irréversible du vieillissement de la société européenne, qui s’accompagne d’une augmentation constante de l’espérance de vie, rend indispensable la mise au point d’initiatives et de programmes ciblés visant à promouvoir le sport et l’activité physique auprès des personnes âgées. Il s’agit d’un domaine qui, dans la plupart des pays, a été négligé et mérite une attention particulière, tant au niveau de l’Union européenne qu’à celui des États membres.

4.   Nature économique des activités sportives

4.1.

Le sport présente une composante économique qui découle des activités économiques liées à sa pratique, ainsi que de sa professionnalisation, ces aspects ayant une incidence sur le marché intérieur. Il a également une nature spécifique, fondée sur des structures ancrées dans le bénévolat et ses fonctions sociales, pédagogiques et culturelles, apportant une contribution considérable à des valeurs positives telles que la sportivité, le respect et l’inclusion sociale.

Par conséquent, il convient d’opérer une distinction entre intérêts sportifs et intérêts commerciaux, le CESE estimant à cet égard qu’il convient de protéger le sport d’une mainmise excessive de l’économie pour faire prévaloir les principes et les valeurs dont il est porteur.

4.1.1.

Cette spécificité du sport, due à ses aspects singuliers et essentiels, devrait faire l’objet d’un critère individualisé lorsqu’on lui applique la législation de l’Union, dans les cas où l’Union européenne pourrait intervenir plus efficacement que les États membres, et ce dans le respect du principe de subsidiarité.

4.2.

Dans ladite dimension économique du sport, il convient de tenir compte du lien particulier que ces activités entretiennent avec les droits fondamentaux.

4.2.1.

Ainsi, s’agissant d’assurer au sport une protection adéquate face aux violations des droits de la propriété intellectuelle et, tout particulièrement, à la piraterie numérique, qui mettent son économie en péril, il convient de soupeser les mesures à adopter, sur la base du principe de proportionnalité. En tout état de cause, le droit fondamental des citoyens à être informés pour garantir, à tout le moins, leur droit à obtenir et recevoir des informations et à bénéficier de la diffusion des rencontres sportives de premier plan ainsi que le droit des journalistes à informer doivent prévaloir.

4.2.2.

Il existe d’autres domaines tels que la politique de concurrence, c’est-à-dire, concrètement, les aides d’État, dans lesquels il serait indiqué d’adopter des lignes directrices claires concernant ces soutiens étatiques, afin de préciser ceux qui sont considérés comme légitimes pour la réalisation des missions sociales, culturelles et éducatives du sport.

4.2.3.

Les paris sportifs en ligne sur des marchés non réglementés, en particulier les paris illégaux, constituent l’une des principales menaces qui pèsent actuellement sur le sport, leurs effets négatifs étant comparables à ceux du dopage et à la violence des spectateurs, et ils peuvent donner lieu à des manipulations en raison de la nature incertaine de l’issue des compétitions sportives. On relève également des problématiques telles que les paris et les jeux, qui nécessitent d’arrêter des dispositions d’intérêt public pour éviter l’addiction au jeu et protéger les mineurs, en particulier des jeux de hasard en ligne.

4.2.4.

Le sport comporte intrinsèquement un élément incitatif qui pousse ceux qui le pratiquent à améliorer constamment leurs performances et à viser l’excellence, ce qui explique que le secteur se caractérise par une innovation constante, qui a fait de la technologie qui lui est liée un domaine important des «sciences appliquées», telles que la technologie des textiles, la mécanique du mouvement humain, les nouveaux matériaux, les capteurs, les actionneurs et la conception au service de l’être humain notamment. La construction et l’exploitation des infrastructures ainsi que la participation et la présence aux manifestations sportives deviennent également une composante majeure de l’«économie de l’expérience» dont témoigne aussi le succès du tourisme sportif.

4.2.5.

D’autres questions économiquement liées au sport comme la libre circulation des personnes et des services, les contrats de parrainage, la réglementation de l’activité des agents de joueurs, les assurances sportives et la santé, les programmes éducatifs pour les sportifs et les qualifications professionnelles en rapport avec le sport devraient être examinées et, le cas échéant, faire l’objet de l’adoption ou de la proposition de mesures par la Commission.

4.2.6.

En ce qui concerne la formation professionnelle des entraîneurs plus jeunes, il est nécessaire d’améliorer la réglementation y afférente dans les différents États membres de l’Union européenne, en tenant compte du fait que l’activité d’un entraîneur est comparable à celle d’un pédagogue et que, dans certains cas (la préparation de compétitions sportives, par exemple), l’entraîneur passe plus de temps avec le jeune sportif que le professeur avec l’élève. La formation de l’entraîneur doit avoir lieu dans un cadre formel et être reconnue au niveau pédagogique par un diplôme d’enseignement délivré par l’État.

4.2.7.

Le CESE demande que les fédérations sportives européennes s’engagent dans la défense des valeurs et principes consignés dans le présent avis, en espérant que leur action, dans tous les domaines, se fonde sur ces principes et valeurs, y compris dans le cadre d’activités consistant à simplement accorder des prix et une reconnaissance publique.

Bruxelles, le 2 juillet 2015.

Le président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  «Protecting the Integrity of Sport Competition — The Last Bet for Modern Sport» (Protéger l’intégrité des compétitions sportives — Le dernier pari du sport moderne), p. 120-124, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et International Centre for Sport Security (ICSS), mai 2014.

(2)  Telle était l’une des principales conclusions du sommet politique interrégional dans le domaine du sport (Lisbonne, les 16 et 17 mars 2015), qui a rassemblé la majeure partie des principales parties prenantes au niveau mondial pour définir les politiques à adopter en la matière.


17.11.2015   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 383/19


Avis du Comité économique et social européen sur «Le stockage de l’énergie: un facteur d’intégration et de sécurité énergétique»

(avis d’initiative)

(2015/C 383/04)

Rapporteur:

M. Pierre-Jean COULON

Le 22 janvier 2015, le Comité économique et social européen a décidé, conformément aux dispositions de l’article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d’élaborer un avis d’initiative sur:

«Le stockage de l’énergie: un facteur d’intégration et de sécurité énergétique».

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l’information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 16 juin 2015.

Lors de sa 509e session plénière des 1er et 2 juillet 2015 (séance du 1er juillet 2015), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis à l’unanimité (par 131 voix).

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE demande que les objectifs climatiques et énergétiques de l’Union européenne débouchent sur une plus grande part d’énergies renouvelables dans le bouquet énergétique. Il a soutenu de façon constante ces dernières; un système énergétique durable composé en grande partie d’énergies renouvelables est la seule solution à long terme pour notre avenir énergétique. Le Comité note l’importance de mettre en place les composantes supplémentaires du système énergétique.

1.2.

Du fait de leur intermittence, les énergies renouvelables et leur développement posent un véritable défi en termes de stockage. Le stockage constitue un enjeu stratégique pour l’Union européenne pour garantir en permanence la sécurité d’approvisionnement de l’Union et un marché de l’énergie viable aussi bien sur le plan technique que sur celui du coût. C’est pourquoi cette question figure en bonne place dans l’agenda européen et constitue un chantier prioritaire, notamment dans le cadre de l’union de l’énergie lancée en février 2015.

1.3.

Le CESE a souligné, dans un avis précédent, l’enjeu du stockage, qui constitue «un défi à relever, une chance à saisir et une nécessité absolue». Il souligne l’importance de réussir la transition énergétique dans l’Union européenne et plaide pour que tous les moyens soient mis en œuvre pour aboutir à des résultats concrets et à grande échelle en matière de stockage.

1.4.

Le CESE reconnaît que si les différentes solutions de stockage existent, les technologies en sont à des stades de maturité technologique et industrielle différents.

1.5.

Le CESE rappelle que le stockage de l’énergie peut avoir, parallèlement à ses avantages, un important coût financier mais aussi environnemental et sanitaire. C’est pourquoi il plaide pour que des études d’impact soient menées systématiquement, afin d’évaluer non seulement la compétitivité des technologies mais aussi leur impact sur l’environnement et la santé. Le CESE estime également important d’évaluer les effets de ces technologies en matière de création d’activités et d’emplois.

1.6.

Le CESE plaide pour intensifier les investissements et les travaux de recherche et de développement sur le stockage et pour une meilleure synergie européenne dans ce domaine, de manière à réduire les coûts de la transition énergétique, à garantir la sécurité d’approvisionnement et à permettre la compétitivité de l’économie européenne. Le CESE soutient la nécessité d’une meilleure harmonisation réglementaire entre les États membres en matière de stockage de l’énergie.

1.7.

Le CESE plaide également pour instaurer un dialogue public dans toute l’Europe sur la question de l’énergie — le dialogue européen sur l’énergie — pour que le citoyen et la société civile dans son ensemble s’approprient la transition énergétique et puissent peser sur les choix futurs en matière de technologies de stockage de l’énergie.

1.8.

Le CESE rappelle l’importance du gaz dans le mix énergétique et son importance en matière de sécurité énergétique pour les citoyens. Le CESE demande que le stockage soit encouragé dans ce secteur de façon que tous les États membres, solidairement, puissent avoir à leur disposition des réserves.

2.   Réussir la transition énergétique et assurer la sécurité énergétique

2.1.

L’approvisionnement en énergie et la gestion de celle-ci constituent une priorité politique et socio-économique majeure et un enjeu crucial si l’on veut réussir la transition énergétique et relever les défis climatiques. Bien que la demande d’énergie soit en baisse au sein de l’Union européenne (la consommation d’énergie est en baisse depuis 2006 et nous consommons aujourd’hui à peu près la même quantité d’énergie qu’au début des années 90), l’installation croissante des énergies renouvelables intermittentes a intensifié le besoin de stockage de l’énergie, qui jouera un rôle essentiel dans de nombreux secteurs (compensation de l’intermittence, voitures électriques, défense, etc.) et constituera un enjeu stratégique pour l’Europe et son industrie. Il est à noter que la question du stockage des énergies renouvelables est d’ailleurs un des arguments majeurs des opposants à ces énergies.

2.2.

Si la majorité des énergies primaires (gaz, pétrole ou charbon) se stocke facilement, des questions demeurent concernant la taille, le coût et la localisation des installations de stockage stratégique. L’autre grande source d’énergie primaire, les énergies renouvelables, présente des résultats contrastés en matière de stockage. L’énergie hydraulique peut bien souvent être accumulée en stockant l’eau dans les lacs et les réservoirs. Si la biomasse peut également être stockée relativement facilement, les énergies solaire et éolienne, utilisées normalement pour produire de l’électricité, ne peuvent pour l’heure être stockées qu’au moyen de processus intermédiaires complexes et onéreux.

3.   Une priorité au niveau européen

3.1.

La Commission européenne a analysé les scénarios de décarbonisation du système énergétique et a publié, en 2011, la feuille de route pour l’énergie à l’horizon 2050, qui présente divers scénarios à cette échéance. Pour concrétiser les scénarios de décarbonisation proposés, le secteur de l’électricité aurait recours à une part importante d’énergies renouvelables, allant de 59 à 85 %, dont l’essentiel proviendrait de la production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables variables. Une communication ultérieure, publiée en 2014 et intitulée «Un cadre d’action en matière de climat et d’énergie pour la période comprise entre 2020 et 2030», confirme l’engagement sur la voie de la décarbonisation et prévoit une production énergétique comprenant une part de sources d’énergie renouvelables de près de 45 % en 2030. Cela est conforme aux objectifs que les dirigeants de l’Union européenne ont convenus le 23 octobre 2014 dans le contexte du cadre d’action à l’horizon 2030. La part importante de sources d’énergie renouvelables variables dans le système électrique nécessiterait des dizaines, voire des centaines de gigawatts de capacité de stockage dans le réseau électrique, même lorsque d’autres mesures de flexibilité sont employées.

3.2.

Par ailleurs, la Commission européenne a fait du stockage de l’électricité un de ses chantiers prioritaires et a souligné à plusieurs reprises le rôle primordial du stockage. Ainsi, dans son document de travail de 2013 sur le stockage de l’énergie (http://ec.europa.eu/energy/sites/ener/files/energy_storage.pdf), elle plaide pour une meilleure coordination entre ce sujet et les autres domaines politiques clés de l’Union européenne, tels que le climat. Le stockage de l’énergie devrait être intégré dans, et soutenu par, l’ensemble des mesures et des actes législatifs pertinents de l’Union européenne en matière d’énergie et de climat, tant existants que futurs, y compris les stratégies relatives aux infrastructures énergétiques. Par ailleurs, dans sa communication sur l’union de l’énergie (du 25 février 2015), la Commission rappelle que «l’Union européenne est déterminée à devenir leader mondial dans le secteur des énergies renouvelables et la plateforme mondiale de développement de la prochaine génération de sources d’énergie renouvelables techniquement avancées et compétitives. L’Union européenne s’est également fixé un objectif en ce qui concerne la part des sources d’énergie renouvelables dans la consommation, qui doit atteindre au moins 27 % en 2030». La Commission entend impulser une nouvelle stratégie de recherche et d’innovation (R & D): «Si l’Europe […] veut être le numéro un mondial dans le domaine des énergies renouvelables, elle doit jouer un rôle de pionnier en ce qui concerne la prochaine génération de technologies liées aux énergies renouvelables et les solutions de stockage.»

3.3.

Les conclusions du dernier Forum de Madrid vont dans ce sens: «Le Forum affirme le rôle stratégique du stockage du gaz pour la sécurité d’approvisionnement de l’Union européenne.» Le CESE souligne également l’importance d’encourager le développement du stockage du gaz.

4.   Développements technologiques dans le domaine du stockage

4.1.

Les solutions de stockage d’électricité se divisent en quatre catégories principales, sachant que, en fonction des besoins d’énergie, mais aussi des contraintes, l’énergie peut être stockée sous différentes formes (électricité, gaz, hydrogène, chaleur, froid) près des sites de production, sur les réseaux énergétiques ou à proximité des sites d’utilisation:

l’énergie mécanique potentielle [barrage hydroélectrique, station de transfert d’énergie par pompage (STEP)/STEP en bord de mer/stockage d’énergie par air comprimé (CAES)],

l’énergie mécanique cinétique (volants d’inertie),

l’énergie électrochimique (piles, batteries, condensateurs, vecteur hydrogène),

l’énergie thermique (chaleur latente ou sensible).

4.2.

Le stockage électrique le plus répandu dans le monde est le stockage hydraulique d’énergie par pompage-turbinage, tel que les systèmes de continuité d’alimentation (en anglais, UPS: «uninterruptible power system»). Ces systèmes retrouvent un regain d’intérêt auprès des opérateurs de réseaux électriques, des industriels et des gestionnaires de bâtiments tertiaires. Les STEP permettent: l’intégration des énergies renouvelables intermittentes, particulièrement l’éolien et le photovoltaïque; des capacités à la pointe et un décalage des appels de puissance; un arbitrage économique (recharge en périodes de faibles prix et de demande, revente en périodes de prix élevés et de demande forte, avec lissage «social»); un décalage des investissements sur les réseaux électriques. Il est cependant peu probable que les capacités de stockage envisageables suffiront à compenser les longues périodes d’absence de vent ou de soleil en cas de déploiement à grande échelle de ces types d’énergies renouvelables.

4.3.

Le marché du stockage voit également émerger cinq nouveaux segments qui pourraient se généraliser dans la prochaine décennie:

le stockage d’énergie dans les procédés industriels sous forme thermique ou chimique permettant d’offrir une capacité d’effacement ou de décalage d’appels de puissance dans le cadre de l’optimisation des consommations d’électricité, mais aussi de chaleur, voire de gaz,

le stockage couplant les réseaux électriques et gaziers, via l’injection d’hydrogène issu d’électrolyse ou via la production de méthane de synthèse par méthanation [par exemple «Power To Gas» de l’agence allemande DENA (http://www.powertogas.info/)],

le stockage d’électricité pour les quartiers et les bâtiments résidentiels dans le cadre de l’adaptation des bâtiments et îlots d’activités intelligents ou à énergie positive (projet Nicegrid en France),

le stockage mobile d’électricité via les véhicules électriques dans les systèmes V2G («vehicle to grid»): Toyota, Nissan, Renault, etc.,

les centrales avec accumulation par pompage flexible, à vitesse variable et pleinement ajustable, pour le marché d’équilibrage (STEP).

4.4.

Il y a lieu de noter le rôle prometteur de l’hydrogène (bien que son coût ainsi que les questions de sécurité et de transport tempèrent considérablement son potentiel): il constitue un vecteur énergétique sans émission de gaz à effet de serre s’il est produit à partir d’une source elle-même décarbonée et il peut être utilisé dans de nombreuses applications, principalement dans l’industrie, telles que la production locale d’électricité (alimentation de sites isolés, générateurs de secours), le stockage d’énergie (soutien au réseau, valorisation des énergies renouvelables) ou la cogénération. Il est également utilisé dans le transport terrestre (véhicules individuels, transports collectifs, poids lourds, etc.), aérien (propulsion aéronautique totale ou auxiliaire), maritime ou fluvial (sous-marins, propulsion totale ou auxiliaire), la raffinerie et la pétrochimie (pour l’hydrogène vert), sans oublier d’autres usages, notamment les appareils portatifs (chargeurs externes ou batteries intégrées). Tout cela est en cours d’évolution.

Les techniques de production d’hydrogène par électrolyse et pile à combustible sont désormais très flexibles et d’une grande disponibilité, même si elles restent peu efficaces, ce qui a pour effet de renforcer plus encore la demande d’éoliennes ou de panneaux solaires, et donc les surcapacités en la matière. L’hydrogène se présente comme un vecteur énergétique incontournable dans les systèmes exploitant la flexibilité entre différents réseaux énergétiques (par exemple «Hybrid Power Plant» de Berlin). Lorsque c’est nécessaire, l’hydrogène (hydrogène «méthané») peut être produit à partir d’électricité renouvelable pour être injecté dans les réseaux de gaz, ou pour être stocké en vue d’une distribution en tant que carburant ou agent chimique, ou même en vue d’une réinjection sous forme d’électricité. En plus de représenter, de loin, le plus grand potentiel de stockage d’énergie, de pouvoir être transporté en toute sécurité et de pouvoir être stocké (sur de longues périodes) dans les infrastructures utilisées actuellement pour l’industrie gazière (stockage géologique, etc.), l’hydrogène méthané offre également la possibilité de former des hydrocarbures à chaînes longues (aux applications multiples: des carburants pour l’aviation à d’autres produits tels que les plastiques, qui ne sont créés à l’heure actuelle qu’à partir de combustibles fossiles). Qui plus est, le carbone idéalement présent dans une économie circulaire (CO2, etc.) sera réutilisé et ne s’accumulera pas dans l’atmosphère. On passe donc de la production de gaz à effet de serre à la production d’énergie. La production d’hydrogène et celle d’électricité à partir d’hydrogène étant exothermiques, la valorisation de la chaleur améliorera d’autant plus l’intérêt de ces solutions. L’hydrogène est ainsi l’un des rares vecteurs énergétiques qui permette un arbitrage économique, sociétal et environnemental entre les marchés de l’électricité et des autres énergies.

4.5.

Un autre exemple probant est celui du stockage dans une batterie de l’électricité produite par les panneaux solaires durant la journée. Le problème des panneaux solaires installés sur le toit des habitations est qu’ils produisent de l’électricité au moment où les maisons sont inoccupées. Le soir, au retour de leurs occupants, le soleil est souvent couché depuis longtemps et les panneaux ne produisent plus d’énergie.

4.6.

Une solution semblerait exister avec la découverte réalisée par une entreprise allemande et sa mise en exploitation. Cette entreprise a associé des composants et un logiciel accompagné d’une application pour smartphones; les usagers peuvent consulter sur leur portable le taux de chargement de leur batterie, qui stocke l’électricité produite par les panneaux solaires durant la journée. Le calcul financier est révélateur: normalement, les panneaux solaires d’une habitation produisent entre 25 et 35 % des besoins en énergie d’une famille; avec cette solution, ils dépassent régulièrement les 70 %. Compte tenu des prix actuels, le retour sur investissement se fait en huit ans environ, les batteries étant garanties vingt ans.

4.7.

Il s’agit là aussi d’une incitation à la production-consommation familiale, que le CESE a soutenue dans plusieurs de ses avis (notion de «prosommateurs», en anglais «prosumers»).

4.8.

Si différentes solutions existent donc d’ores et déjà, il apparaît cependant que les possibilités d’équipements supplémentaires restent limitées. En outre, d’importants verrous continuent d’entraver l’essor de nouvelles technologies plus flexibles, telles que les batteries lithium-ion ou le power-to-gas. Le principal inconvénient réside dans le coût et la compétitivité économique de ces solutions, qui demeurent encore très éloignés des conditions du marché, mais aussi dans la taille encore importante des batteries. Dans sa vision prospective, l’Ademe (Agence française de l’environnement et de la maitrise de l’énergie — Les systèmes de stockage d’énergie/Feuille de route stratégique, 2011) n’envisage un essor industriel des systèmes de stockage stationnaires qu’à partir de l’horizon 2030. De son côté, McKinsey (Battery Technology Charges Ahead, McKinsey, 2012) estime que, si le prix du stockage de l’énergie doit chuter dans les années à venir, l’ampleur et la vitesse de cette diminution restent en débat. Selon ce cabinet de conseil, le coût de la batterie lithium-ion pourrait diminuer de 600 dollars des États-Unis (USD)/kWh à 200 USD/kWh en 2020 et à 160 USD/kWh en 2025.

5.   Enjeux stratégiques

5.1.

Le CESE rappelle que la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre et la tendance générale à la raréfaction des énergies fossiles (bien que de nouveaux gisements aient été découverts ces dernières années) débouchent sur l’accroissement des énergies renouvelables, que le CESE a soutenu dans de nombreux avis (TEN/564 et TEN/508). Le CESE a ainsi souligné l’importance, face à l’essor des énergies renouvelables, de mettre en place des composantes supplémentaires du système énergétique, à savoir des extensions des réseaux de transport, des installations de stockage et des capacités de réserve. Le développement des énergies renouvelables en grande quantité constitue un enjeu stratégique car, d’une part, il permettra de réduire les importations (ce qui présente un avantage économique et éthique) et, d’autre part, il exige des moyens de stockage (des installations permettant un stockage non seulement d’un jour à l’autre, mais d’une saison à l’autre) qui doivent en outre être déployés à grande échelle.

5.2.

Le CESE reconnaît donc que le stockage constitue l’enjeu fondamental d’une transition énergétique incluant une large part d’énergies renouvelables intermittentes. Il rappelle la nécessité de création et d’augmentation des capacités de stockage. Il souligne que le stockage de l’énergie est un facilitateur essentiel des objectifs énergétiques majeurs de l’Union européenne, que le CESE soutient, en particulier:

le renforcement de la sécurité énergétique pour les citoyens et les entreprises,

l’utilisation massive des énergies renouvelables (en lissant le phénomène d’intermittence sans faire appel aux énergies fossiles),

l’optimisation des coûts en faisant baisser les prix de l’énergie.

5.3.

Le CESE reconnaît que stocker de l’énergie peut avoir un important coût financier, mais aussi environnemental et sanitaire. Ainsi en est-il de certains projets de stockage souterrain de gaz, qui vont à l’encontre de la préservation des ressources en eau. C’est pourquoi le CESE plaide pour l’amélioration de toutes les technologies. Il considère en effet que le stockage de masse peut constituer un atout d’importance pour jouer sur la complémentarité des énergies renouvelables. Ainsi, du fait des variations à court, moyen et long terme de l’énergie produite par photovoltaïque, l’éolien peut s’y substituer. Le Comité souligne que cela conduira à la mise en place d’un réseau d’interconnexions entre les différentes sources d’électricité, réseau qui s’appuiera sur les réseaux intelligents («smart grids»). Ces réseaux intelligents utilisent des technologies informatiques qui optimisent la production, la distribution et la consommation énergétiques. Le CESE considère que cette technologie doit être développée, car elle permet de piloter la demande d’énergie, tout en estimant important de se baser sur des études d’impact à ce sujet respectant la liberté de chaque consommateur. Il serait encore plus utile d’entreprendre une évaluation générale de tous les instruments, tels que le M/441 et le profil de protection du BSI allemand, permettant de transmettre et de diffuser des données en toute sécurité, d’assurer l’intégration de la maison intelligente («Smart Home»), etc., de façon à trouver des applications concrètes pour les besoins futurs des villes intelligentes, telles que la programmation sur la base des prévisions météorologiques.

5.4.

Le CESE souligne l’importance d’un cadre réglementaire européen pour le stockage d’énergie permettant d’accorder une valeur au bénéfice du verdissement des réseaux d’électricité et de gaz.

5.5.

Le CESE rappelle par ailleurs que le marché du stockage d’électricité pour les réseaux électriques est en forte croissance, avec un potentiel important de création d’activités et d’emplois qui devrait compenser les pertes d’emploi dans d’autres domaines du marché de l’énergie. Les perspectives d’investissement de la part des opérateurs de réseaux et des énergéticiens sont justifiées par la nécessité d’intégration d’une part toujours plus grande des énergies intermittentes. En Europe, la construction de centrales à accumulation par pompage, la rénovation de celles qui existent déjà et la conversion de barrages hydroélectriques en centrales de ce type sont à la base du développement du marché. Il y a donc lieu de réduire sans tarder les obstacles à l’efficacité des centrales à accumulation par pompage. Pour assurer les avantages économiques et environnementaux de cette technologie, il convient de prendre les mesures nécessaires pour que de telles centrales puissent être construites et exploitées.

6.   Renforcer la recherche et le développement

6.1.

Le CESE constate que, jusqu’à présent, l’Union a axé ses dépenses sur le déploiement de technologies plutôt que sur la R & D (Rapport intitulé «Énergie, l’Europe en réseaux» de Michel Derdevet du 23 février 2015). Les dépenses publiques en matière de R & D en Europe (tous secteurs confondus) s’établissent à un niveau similaire en termes réels à celui des années 80 (les dépenses américaines ou japonaises ont au contraire augmenté), alors que les énergies renouvelables sont en plein essor. Le plan SET (plan stratégique en matière de technologies énergétiques) mis en place en 2007 n’a pas mobilisé les financements adéquats. Les nombreuses tensions qui pèsent sur le système énergétique européen, aussi bien pour intégrer les énergies renouvelables que pour assurer la sécurité d’approvisionnement et la compétitivité économique de l’Europe, appellent une nécessaire relance d’une coopération européenne en matière de R & D énergétique. Le stockage constitue une composante majeure des principaux projets de réseaux intelligents lancés en 2012 et 2013 et constitue un thème majeur de R & D pour répondre aux problématiques des réseaux énergétiques de demain.

6.2.

Les technologies de stockage d’énergie en sont à des stades de maturité technologique et industrielle différents. Le CESE plaide pour intensifier les travaux de recherche et de développement et pour une meilleure synergie au niveau européen, d’autant plus que la plupart des projets de R & D en Europe et dans le monde portent sur des enjeux et des opportunités similaires. Le CESE a, dans plusieurs avis, déploré le fait que l’effort de recherche n’est pas adapté aux enjeux et a demandé le renforcement de cette dernière au niveau européen. Les États membres doivent aussi être encouragés à contribuer proportionnellement à cet effort. L’Union doit absolument renforcer rapidement sa coordination et ses investissements, compte tenu du rôle crucial de la R & D pour lever les derniers verrous techniques et aboutir à réduire, grâce à l’industrialisation des solutions de stockage, les coûts d’investissement encore bien trop élevés; cela permettra ainsi de mieux intégrer les énergies renouvelables, de réduire les coûts de la transition énergétique, de limiter l’impact sur la santé de certaines énergies, de permettre le développement de la formation et de l’emploi dans ce secteur, de garantir la sécurité du système énergétique, d’assurer le développement de filières innovantes compétitives à l’international et de permettre la compétitivité de l’économie européenne.

Bruxelles, le 1er juillet 2015.

Le président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


17.11.2015   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 383/24


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Les villes intelligentes, moteurs de développement d’une nouvelle politique industrielle européenne»

(avis d’initiative)

(2015/C 383/05)

Rapporteure:

Mme Daniela RONDINELLI

Le 22 janvier 2015, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l’article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d’élaborer un avis d’initiative sur le thème:

«Les villes intelligentes, moteurs de développement d’une nouvelle politique industrielle européenne».

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l’information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 16 juin 2015.

Lors de sa 509e session plénière des 1er et 2 juillet 2015 (séance du 1er juillet 2015), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 149 voix pour et 2 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Dans un contexte d’urbanisation croissante, l’Union européenne et ses États membres voient dans les villes des «laboratoires pour une Europe plus dynamique et numérique», qui se prêtent à l’expérimentation de mesures susceptibles de générer une croissance s’accompagnant de la création d’emplois et d’un développement social.

1.2.

La durabilité des villes sera le produit de la combinaison intelligente entre des technologies plus mûres et novatrices, des plates-formes intégrées (aux niveaux européen, national et local), des infrastructures modernes, l’efficacité énergétique, le remodelage des services dans le sens d’une efficacité accrue en réponse aux demandes des citoyens et des usagers et l’intégration entre les réseaux de l’électricité intelligente, de l’internet et des capteurs.

1.3.

Parce qu’elles constitueront ainsi des laboratoires avancés pour l’innovation, mis en œuvre à grande échelle, les villes contribueront à la «renaissance» industrielle et socio-économique de l’Union européenne, enclenchant ainsi une véritable révolution industrielle, financière et sociale.

1.4.

C’est en ce sens que les «villes intelligentes» peuvent devenir, de l’avis du CESE, un moteur de développement d’une nouvelle politique industrielle européenne, qui pourra influer sur l’évolution de secteurs de production spécifiques, en diffusant à grande échelle les avantages qui résultent de l’économie numérique. Pour ne citer que cet exemple, lors de l’intervention qu’il a effectuée le 22 avril 2015 devant le CESE réuni en session plénière, le vice-président de la Commission, Maroš Šefčovič, a déclaré que les villes intelligentes comptent parmi les priorités de développement de l’Union européenne et a souligné que les maires urbains sont enthousiastes à l’idée d’investir dans les collectivités de l’avenir.

1.5.

Un facteur essentiel pour parvenir à de tels résultats est de pouvoir compter sur un modèle de développement plus avancé et efficace que ceux appliqués actuellement, qui ont pour caractéristique de morceler à l’extrême les actions. En conséquence, le CESE propose aux autres institutions européennes et aux gouvernements nationaux d’articuler la notion d’«intelligence» avec un schéma durable et intégré de développement qui, applicable à une ville, une île, un territoire ou un bassin industriel, prenne appui sur la cohérence et l’association simultanée de six «piliers génériques», à savoir:

des technologies et des outils favorisant l’efficacité énergétique et l’intégration d’énergies renouvelables;

la diffusion de plates-formes de technologie et de connectivité qui ouvrent la possibilité de créer les nouveaux systèmes de services numériques;

de nouveaux services numériques qui améliorent la qualité de l’existence et du travail pour les citoyens et les entreprises;

l’adaptation des infrastructures et la redéfinition de la ville;

l’éducation et la formation aux compétences numériques ciblant le citoyen, les entreprises et le secteur public;

un modèle de durabilité économique et financière en matière d’investissements.

1.6.

Il y a lieu de considérer que la présence concomitante de ces six piliers constitue une caractéristique classique et indispensable de tout projet stratégique de ville intelligente. Il est tout aussi impératif que la mise en œuvre de ce modèle s’effectue dans un contexte d’intervention qui garantisse les normes de sécurité les plus élevées pour les réseaux, les systèmes informatiques, les applications et les dispositifs qui constituent le socle des écosystèmes de services numériques.

1.7.

Le CESE estime que, pour décliner cette proposition en actions concrètes, il est capital qu’en plus de l’impératif d’y associer la société civile, l’Union européenne et les États membres harmonisent leurs initiatives d’action en la matière, en leur affectant les moyens financiers publics qui sont requis et en les ouvrant de manière structurelle au partenariat public-privé.

1.8.

Le CESE juge en particulier que, pour introduire sur le terrain des innovations totalement durables et visant à améliorer la qualité de vie des citoyens et leur bien-être, il y a lieu d’accorder aux investissements dans les villes plus intelligentes un soutien pour lequel il faudra tirer parti de la synergie entre les fonds publics existants, qu’ils soient européens, nationaux et régionaux, et exploiter les perspectives qu’ouvre le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS).

1.9.

Pour que ces processus aient une traduction concrète, le CESE demande:

que la Commission européenne établisse un «centre unique d’accès européen spécialisé pour les villes intelligentes», dont feront partie les directions générales concernées, les États membres, le CESE et le Comité des régions;

que l’on crée ensuite dans chaque État membre les «guichets uniques d’accès technique et financier pour les villes intelligentes», qui entretiendront un lien organique avec le «centre unique d’accès européen spécialisé dans les politiques et les ressources en matière de villes intelligentes» et devront être accessibles aux intervenants locaux publics et privés, afin d’encourager les actions de sensibilisation qui seront entreprises, au niveau national et à celui de villes spécifiques, par des groupes consultatifs composés des organisations de la société civile et des partenaires sociaux;

que la «plate-forme européenne de conseil en investissement», qui est en cours de constitution dans le cadre du FEIS, instaure en son sein une section spécialement consacrée aux villes intelligentes;

que le partenariat européen d’innovation pour les villes et communautés intelligentes s’ouvre à la participation de la société civile et du CESE.

1.10.

Le CESE est d’avis qu’en se fondant sur ces nouveaux instruments, il est nécessaire de promouvoir une plate-forme européenne de projet qui, présentant les caractéristiques voulues par le FEIS, favorise l’éclosion et l’intégration de projets de villes intelligentes entre les différents États membres et les rende plus aptes à être financés, en conjuguant les ressources publiques disponibles avec celles d’ordre privé sur lesquelles il est possible de compter, ainsi que les modes de garantie qui peuvent être activés grâce au Fonds susmentionné.

1.11.

Pour le CESE, il est primordial de promouvoir un marché unique des villes intelligentes, notamment en instaurant un cadre réglementaire harmonisé qui prévoie:

de revoir, à l’échelon européen, les instruments des partenariats public-privé, afin de les rendre plus attrayants pour les entreprises et d’en étendre le champ d’application aux services, en tant qu’ils constituent un axe central de l’économie numérique;

de créer une panoplie d’outils pour des marchés publics novateurs et des achats avant commercialisation;

d’établir des mécanismes homogènes afin que les administrations municipales puissent profiter en toute transparence des ressources financières qui seront tirées des économies de dépenses et des nouveaux services résultant des plates-formes qui seront encouragées dans les villes intelligentes et qu’elles soient incitées à les réinvestir dans d’autres projets novateurs.

1.12.

De l’avis du CESE, la mobilisation et la participation des organisations de la société civile, ainsi que la concertation entre les partenaires sociaux, sont des éléments qui jouent un rôle fondamental non seulement pour dessiner les plans, concernant tant la stratégie que les projets qui sont liés à la mise en œuvre du modèle de développement durable et intégré des villes intelligentes, mais aussi pour s’assurer qu’ils se traduisent en avantages économiques et sociaux pour les citoyens et en meilleures conditions de vie et de travail.

2.   Contexte

2.1.

Au niveau mondial (au titre du onzième des objectifs du millénaire pour le développement du millénaire, l’Organisation des Nations unies s’emploie actuellement à concrétiser le projet des «villes intelligentes unies», dont le but est que toutes les villes de la planète deviennent durables, inclusives, réactives face aux désastres et sûres) comme à celui de l’Europe (1), la progression de l’urbanisation est de plus en plus liée à la diffusion du concept de «villes intelligentes» (Union européenne — politique régionale, «Les villes de demain», octobre 2011), car c’est dans de tels espaces que la majeure partie des citoyens (aujourd’hui, 72 % des habitants de l’Union européenne, soit 359 millions de personnes, vivent en ville et, en 2020, ce pourcentage atteindra 80 %, selon les données de la Commission européenne) et des activités productives concentreront les intérêts économiques, personnels et sociaux qui leur sont propres. Par ailleurs, dans un contexte européen qui est également marqué par une forte diffusion de centres urbains de plus petite taille et par une histoire industrielle qui a exploité des filières et réseaux d’entreprises, il est nécessaire que cette transition vers ce nouveau paradigme soit également abordée et gérée à l’échelle de territoires étendus et de bassins.

2.2.

Pour preuve que les décideurs publics nationaux et locaux montrent davantage de sensibilité sur ces questions, il n’est que de voir l’intensification des conclusions d’accords bilatéraux de partenariat entre des villes intelligentes européennes et des municipalités d’autres continents qui doivent opérer leur transition vers la durabilité. Ces conventions ont pour but de permettre la reproduction des expériences positives qui ont été engrangées ou de promouvoir et partager des bonnes pratiques. C’est ainsi que le gouvernement chinois a sélectionné douze cités, qui ont passé, à des fins de développement urbain durable, des accords de coopération avec des villes européennes qui sont comptées parmi les plus intelligentes (http://ec.europa.eu/energy/sites/ener/files/documents/12_cities.pdf). Par ailleurs, on assiste à l’éclosion d’une multitude de projets et d’initiatives de passage à la ville intelligente qui sont portés spontanément par des gouvernements ou des citoyens (on peut citer comme exemple la Charte de Malaga, du 7 février 2011, http://www.catmed.eu/pag/fr/11/la-charte-de-malaga), ou encore des associations, organisation et réseaux d’envergure européenne, comme Eurocités (http://www.eurocities.eu) ou le Pacte des maires (http://www.covenantofmayors.eu).

2.3.

La stratégie Europe 2020 promeut les villes intelligentes dans l’ensemble de l’Europe, grâce à des investissements dans les infrastructures des technologies de l’information et de la communication, pour le développement du capital humain, ainsi que dans des dispositifs qui exploitent les ouvertures liées aux nouvelles technologies et à la numérisation pour les objectifs suivants: conforter la durabilité et la qualité de l’existence et des conditions de travail pour les citoyens et les entreprises, accroître l’efficacité et l’accessibilité des services et réduire la pauvreté, le chômage, l’exclusion sociale et la dégradation de l’environnement.

2.4.

Par la suite, avec la déclaration de Venise pour l’Europe numérique (http://ec.europa.eu/digital-agenda/en/news/digital-venice-2014), les gouvernements nationaux ont réaffirmé leur objectif d’encourager la transition de leurs économies vers le numérique, dont ils estiment qu’il peut devenir la base d’un nouveau modèle de politique industrielle, où les technologies de l’information et de la communication constitueront un facteur essentiel pour la production de biens et de services de tout type, au même titre que l’accès aux instruments de financement et aux sources d’énergie.

2.5.

Dans un tel contexte, les États membres voient dans leurs villes des «laboratoires pour une Europe plus dynamique et numérique», en ce qu’elles peuvent constituer une force motrice pour ces changements. Pour l’Union européenne, les villes intelligentes représentent des sites dans lesquels sont expérimentées des mesures propres à générer une croissance accompagnée de création d’emplois, étant donné que les technologies numériques peuvent s’y combiner avec des infrastructures novatrices et de nouveaux services.

2.6.

La transformation des cités en villes intelligentes aura une incidence non seulement sur l’innovation technologique, les transports intelligents ou l’efficacité énergétique mais également sur les citoyens, les travailleurs et les entreprises, par le truchement de nombreux changements en rapport, par exemple, avec le télétravail, la démocratie numérique ou la transparence accrue, et elle ouvrira la possibilité de participer plus activement au processus de prise de décision.

2.7.

Lors de la conférence que le CESE a organisée le 10 novembre 2014 sur le thème «Villes intelligentes — Vers la reprise économique en Europe grâce à l’innovation civique» (http://www.eesc.europa.eu/?i=portal.fr.events-and-activities-smart-cities-civic-innovation), des décideurs politiques, des dirigeants de villes et des représentants de la société civile ont débattu de la manière dont les villes intelligentes pourraient devenir des modèles de référence pour développer une nouvelle politique industrielle en Europe, de la façon dont elles sont susceptibles de contribuer à la croissance et à l’emploi, des soutiens grâce auxquels les acteurs de la société civile auraient la possibilité de participer à la conception des stratégies ou encore des instruments à déployer pour susciter, dans tout l’Union européenne, un mouvement d’investissement dans les villes intelligentes.

2.8.

Le CESE considère que si l’on veut que les villes intelligentes puissent devenir un moteur de développement pour une nouvelle politique industrielle européenne (2), il y a lieu de concentrer les efforts sur les trois interventions suivantes:

2.8.1.

définir un modèle de développement des villes intelligentes qui soit encore plus avancé et efficace, de par sa capacité à transcender le morcellement actuel et porter une vision globale des projets, qui aille bien au-delà de l’intégration entre les technologies de l’information et de la communication, la mobilité et l’efficacité énergétique accrue. Il convient en particulier de tendre à des initiatives qui puissent se décliner sous des formes variées au niveau local et reposent toutes sur la visée de chercher à influer concomitamment sur des indicateurs économiques tant quantitatifs, à savoir le PIB, la croissance, l’emploi, la productivité, que qualitatifs, en l’occurrence la qualité de la vie et le bien-être psychique et physique de la personne;

2.8.2.

favoriser les investissements dans les villes intelligentes en suivant une logique de partenariat public-privé qui exploite avant tout les nombreux fonds européens disponibles et les fasse agir en synergie avec le mode de fonctionnement du Fonds européen pour les investissements stratégiques [FEIS, proposition de règlement de la Commission européenne modifiant les règlements (UE) no 1291/2013 et (UE) no 1316/2013, COM(2015) 10 final], l’objectif étant d’adopter, au niveau de l’Union, un modèle de développement qui ait pour caractéristique d’être capable de produire tout à la fois des retombées sur le plan social et environnemental et sur celui de la production et de l’emploi (la Commission européenne table sur une augmentation de 2,8 millions du nombre d’emplois d’ici à 2018, selon Startup Europe, une conférence organisée au CESE le 10 novembre 2014), ainsi que de garantir aux co-investisseurs privés une perspective de rémunération sur le capital engagé;

2.8.3.

renforcer la présence et le rôle de la société civile et des partenaires sociaux dans le processus concernant la conception stratégique des villes intelligentes, leur mise en œuvre et leur suivi ultérieur, ces aspects revêtant une importance essentielle pour améliorer les conditions de vie et de travail pour les citoyens et les entreprises.

3.   Un modèle durable et intégré de développement des villes intelligentes dans le domaine de l’économie numérique

3.1.

L’étude du Parlement européen (3) montre de quelle manière les stratégies et initiatives actuelles visent à rendre les villes plus intelligentes dans au moins un des domaines suivants: la gouvernance de la participation citoyenne, le rapport avec la population, les conditions de vie, la mobilité, l’économie ou encore l’environnement. Elle pose ainsi implicitement qu’il est possible de concevoir un projet de ville intelligente même s’il ne porte que sur une seule de ces caractéristiques. Elle définit ensuite trois types de «composantes essentielles d’une ville intelligente»: technologique, humaine, institutionnelle.

3.2.

Le CESE juge qu’il est capital d’exposer toutes les facettes d’un nouveau modèle de ville plus intelligente qui soit durable, productif et inclusif et n’apparaisse plus comme un projet ressortissant aux technologies de l’information ou de l’ordre de la restauration de l’environnement ou de l’amélioration de l’efficacité énergétique mais bien comme une composante d’une politique industrielle rénovée de l’Europe, où une croissance créatrice d’emplois et de développement social serait le fruit du basculement de nos économies en direction du numérique.

3.3.

La concrétisation de ce schéma est liée non seulement à une vision plus intégrée des projets concernant les villes intelligentes mais également:

à une approche moins compartimentée que les États membres et la Commission devraient adopter dans leurs stratégies;

à une normalisation et à une intégration plus poussées des programmes opérationnels, des éléments constitutifs et des instruments financiers, tant européens que nationaux, qui sont consacrés au développement des villes intelligentes;

à l’élaboration de mécanismes financiers propres à favoriser un effet de levier par rapport aux ressources privées, notamment par l’utilisation des moyens publics à des fins d’atténuation des risques;

à l’essor d’une politique de marchés publics stratégiques qui s’efforce de susciter l’apparition de catégories de produits et de services capables d’améliorer l’efficacité, telle que perçue par le citoyen, l’administration publique et les entreprises et d’augmenter la compétitivité propre d’un territoire, réseau ou secteur d’activité.

3.4.

Bien conscient qu’une stratégie «intelligente» peut se décliner à l’échelle d’une ville, d’une île, d’un territoire ou un bassin industriel, le CESE propose dès lors aux institutions européennes et aux gouvernements nationaux d’élaborer un modèle de développement des villes intelligentes, dans des programmes qui se caractérisent par la présence concomitante et l’intégration simultanées de six piliers génériques (en Italie, ce modèle, qui trouve son origine dans la proposition élaborée par l’association Amerigo, réunissant les anciens étudiants des programmes d’échanges culturels internationaux, et par l’Enam, le réseau européen des associations d’anciens étudiants des écoles américaines, inspire le travail que le ministère du développement économique mène actuellement dans le cadre du plan Juncker pour définir une stratégie en faveur des villes intelligentes), à savoir:

la présence de technologies et instruments orientés vers l’efficacité énergétique et l’intégration des sources renouvelables, qui, à l’exemple des infrastructures électriques intelligentes (réseaux intelligents), sont propres à soutenir et à encourager des plans d’économies d’énergie, en incorporant des mécanismes et dispositifs expressément destinés à cette fin, à faciliter le recours à un bouquet de différentes sources d’approvisionnement, dans le domaine privé et public, à s’articuler avec les infrastructures de connexion et à favoriser la diffusion accrue d’un signal IP en accès libre;

la diffusion de plates-formes de technologie et de connexion qui donnent les moyens de créer de nouveaux dispositifs de services numériques, grâce à des infrastructures ressortissant aux technologies de l’information et de la communication, de façon à assurer que la connectivité soit répandue partout, notamment par l’intégration avec les réseaux intelligents, à diffuser l’internet du tout, connecté à des capteurs, dispositifs et services, exploiter les données ouvertes, publiques et privées, ainsi que le programme numérique urbain, et garantir dans le même temps les normes les plus élevées de sécurité pour les démarches et dispositifs et le respect de la vie privé pour les données des citoyens, des entreprises et des administrations;

le développement de nouveaux écosystèmes de services numériques, destinés à améliorer la qualité de vie des citoyens et les processus productifs des entreprises, grâce à des services et dispositifs intelligents, qui seront mutuellement intégrés et s’appuieront sur les plates-formes de connectivité et les réseaux intelligents. Actifs dans différents secteurs, comme la mobilité, la santé en ligne, le tourisme numérique ou l’industrie 4.0, ces écosystèmes de services numériques pourraient encourager l’émergence ou le développement d’une industrie européenne des villes intelligentes, dans laquelle les grands acteurs technologiques favoriseraient un développement accéléré des démarches et produits développés par des unités de moindre envergure, dont de jeunes pousses;

des projets qui visent à améliorer les infrastructures et remodeler la ville, comme celles qui ont pour objet de réorienter les différentes zone des villes, par l’adaptation et la reconversion d’édifices et de structures publiques selon une logique productive, environnementale et sociale, l’objectif étant de favoriser non seulement une hausse de la valeur économique des biens mais aussi une augmentation de la valeur d’usage perçue par les utilisateurs, notamment en diffusant des technologies efficaces et liées et en répandant des mécanismes de marchés publics indirects;

des programmes de formation et de mise à niveau en matière de compétences numériques, pour les habitants, les entreprises et le secteur public, afin de disposer de la palette la plus large possible d’utilisateurs finaux qui soient en mesure d’exploiter pleinement les innovations qui ont été introduites;

des plans de durabilité économico-financière pour l’investissement, fondés sur une démarche qui définisse clairement les avantages résultant des services, la valorisation des infrastructures et des opérations de renforcement de l’efficacité, les modalités de répartition des bénéfices entre les concessionnaires des réseaux, les investisseurs, les développeurs de démarches et de dispositifs de type intelligent et les utilisateurs, et, enfin, les instruments de financement public et privé qui donnent les moyens de mettre en œuvre de tels modèles d’intervention.

3.5.

La coexistence de ces éléments est de nature à maximaliser l’impact des projets du point de vue de la croissance économique et de la création d’emplois, de la qualité de vie, de la simplification des rapports tant entre les administrations qu’avec celles-ci, ainsi que des économies d’énergie au sein du secteur public et du secteur privé, et à enclencher par ailleurs un effet d’entraînement au profit de la compétitivité et de la connaissance dans le monde de l’entreprise.

3.6.

Ainsi mises en œuvre, les villes intelligentes généreront des services publics de qualité, une élévation du niveau de vie et des capacités opérationnelles pour le citoyen comme pour l’entreprise, de nouvelles possibilités d’emploi, grâce à un écosystème entrepreneurial plus novateur, et une amélioration de la durabilité environnementale. Il deviendra possible d’obtenir tous ces résultats en engageant un volume moindre de ressources publiques à fonds perdu, grâce à l’intervention de financements privés, à la planification stratégique des systèmes de services susceptibles de générer «de nouveaux flux de recettes» et à la constitution de réseaux entre les grands groupes industriels et les petites et moyennes entreprises.

3.7.

Dans ce scénario, qui ouvre de vastes perspectives, le CESE considère qu’il est capital de prendre à bras le corps la question de la sécurité des réseaux, des systèmes informatiques, des applications et des dispositifs qui sont à la base des écosystèmes de services numériques. Pour transformer les villes dans un sens «intelligent», il est nécessaire que le traitement des informations sur lesquelles se fondent les services, qui sont en soi fort sensibles, s’effectue avec beaucoup de réserve, d’intégrité et de disponibilité.

3.8.

En outre, il est impératif d’encourager au niveau européen la tenue d’un débat entre les États membres sur les normes de sécurité qui devraient présider aux services et dispositifs diffus à l’intérieur de l’Internet du tout, afin d’éviter le risque qu’ils ne soient interrompus, abîmés, voire détournés, et ne causent ainsi de graves dommages aux personnes, à la santé publique, à la protection de la vie privée et des activités économiques et, au final, à l’image même de toutes les activités déployées pour réaliser la ville intelligente.

4.   Les villes intelligentes, instrument d’une plate-forme européenne de politique industrielle

4.1.

La combinaison des six piliers susmentionnés ferait des villes intelligentes un instrument idéal pour encourager une nouvelle catégorie d’investissements, en couplant à un impact social positif, sur le plan des externalités, un mécanisme de rentabilité qui les rende pleinement viables du point de vue économique et financier.

4.2.

Un plan européen d’investissement en faveur des villes intelligentes permettrait de multiplier les effets des initiatives, dès lors que l’on pourra compter sur les trois facteurs suivants: tout d’abord, une politique qui favorise la transférabilité des options retenues, laquelle dépend elle-même du degré de normalisation de ses composants, la promotion, en second lieu, d’un marché commun des villes intelligentes, afin de transcender les interventions morcelées et hétérogènes d’un pays à l’autre et de déterminer des instruments communs en réponse aux critiques formulées, et, enfin, l’existence d’une approche financière uniforme.

4.3.

À l’heure actuelle, cette transférabilité des démarches, c’est-à-dire la possibilité d’étendre ou de reproduire celles qui existent déjà, porte avant tout sur des micro-infrastructures expérimentales et des systèmes de gestion du trafic intelligent et dépend de l’engagement de grands fournisseurs de technologies et de la coopération entre les villes. D’autres initiatives, qui sont expérimentales mais revêtent néanmoins la plus haute importance en raison de la qualité des solutions qu’elles proposent ou de leur capacité à mobiliser des acteurs de terrain, dans la population comme parmi les entreprises, présentent une spécificité telle que la possibilité de les reproduire s’en trouve affectée.

4.4.

Le CESE estime que la transférabilité des processus à l’échelle européenne constitue l’un des éléments cruciaux pour attirer un volume adéquat d’investissements du privé, dans le cadre de partenariats avec ceux du secteur public, et parvenir ainsi à ce que les politiques en faveur des villes intelligentes soient aptes à générer une croissance de l’emploi, du PIB, de la productivité et de la qualité de vie.

4.5.

Le CESE estime en particulier:

que tout en reconnaissant la large autonomie dont doivent bénéficier les villes pour déterminer dans le détail les sous-composantes des six piliers génériques qui répondent au mieux aux aspirations et impératifs locaux, il faut souligner que les projets de villes intelligentes devront prévoir que les options retenues se prêtent obligatoirement à être reproduites et transférées;

qu’il convient de veiller à cette reproductibilité et à cette transférabilité en favorisant également l’émergence de normes techniques d’interopérabilité, d’échange et d’ouverture des solutions génériques, de manière à combiner un maximum de flexibilité à l’échelon local avec la possibilité de stimuler le développement de démarches qui présentent une valeur collective et générale tout en étant susceptibles d’être adaptées à des exigences spécifiques;

qu’il est possible d’augmenter la viabilité économique et financière des investissements intelligents de manière à permettre tant aux grandes qu’aux petites et moyennes entreprises et aux jeunes pousses, en particulier si les secondes se trouvent en réseau avec les premières, de proposer plus facilement des solutions de pointe dans le cadre de programmes d’intervention sur le territoire européen;

qu’il est également possible d’améliorer l’efficacité et la bonne performance des capitaux publics et privés ainsi engagés si l’on incite les premiers à financer les composants, principaux ou secondaires, qui sont peu rentables sur le marché ou ne le sont absolument pas, tandis que les seconds seront encouragés à se porter vers ceux qui ont une rentabilité positive ou élevée;

que, du point de vue de son impact socio-économique, l’efficacité de ce processus peut être stimulée grâce à des plates-formes de coopération entre villes, destinées à reproduire et à valoriser les bonnes pratiques.

4.6.

La combinaison de ces mesures pourrait constituer un dispositif aboutissant à créer un marché commun des villes intelligentes qui ferait de l’Union européenne la première plate-forme mondiale d’expérimentation du modèle de développement décrit ci-dessus, capable de générer des effets significatifs dans les domaines suivants:

le montant des investissements auxquels les entreprises de grande, moyenne et petite dimension pourraient avoir accès dans une logique de partenariat public-privé;

la promotion et l’intégration, au sein des projets stratégiques, de l’écosystème formé par les jeunes pousses, les entreprises novatrices et le monde de la recherche, qui sont susceptibles de générer des retombées importantes du point de vue des technologies, des modèles organisationnels et sociaux et de l’incidence sur l’emploi;

et, par voie de conséquence, la capacité à mobiliser des ressources financières privées, attirées par un cadre d’intervention plus homogène à l’échelle européenne, et de faire un usage adéquat des ressources publiques pour qu’elles servent à produire un effet de levier ou à limiter les risques.

5.   Investissements et durabilité économique et financière

5.1.

Au niveau européen ou à celui des États membres, il n’existe pas de fonds qui serait spécialement consacré aux villes intelligentes mais seulement un éventail de possibilités d’accès à des financements en rapport avec des programmes spécifiques: à côté des programmes des divers pays de l’Union européenne qui reposent sur une articulation entre des ressources nationales et les Fonds structurels (FEDER, FSE, Feader), on trouve également des fonds européens qui peuvent financer tel ou tel aspect spécifique d’une ville intelligente, comme Horizon 2020, le mécanisme pour l’interconnexion en Europe ou les programmes Cosme, URBAN ou LIFE. Le cadre réglementaire actuel ne permettant pas d’envisager que les ressources soient concentrées dans un fonds unique, le CESE juge qu’il est capital que les institutions concernées augmentent leur degré de coordination, qu’elles accroissent constamment les synergies entre les politiques qu’elles promeuvent et que les modalités de leur communication avec les institutions, les villes et les parties prenantes publiques et privées soient univoques et uniformes.

5.2.

Malgré la nécessité qui s’impose de mettre sur le devant de la scène un modèle de développement qui ne soit pas une succession d’actions sporadiques et repose sur des interventions intégrées, le CESE est d’avis que cet objectif ne pourra être réalisé totalement, du fait de l’éparpillement des compétences et des ressources, tant à la Commission européenne, dont pas moins de six directions générales traitent transversalement des villes intelligentes, que dans les États membres, où la répartition des compétences et des responsabilités entre les administrations nationales, régionales et locales n’est pas toujours claire.

5.3.

En conséquence, le CESE recommande à la Commission de créer un Centre unique d’accès européen spécialisé dans la politique et les ressources relatives aux villes intelligentes, dont feraient partie ses directions générales concernées, les États membres, le Comité des régions, ainsi que le Comité économique et social européen, et qui aurait pour fonction:

de centraliser les politiques d’orientation, afin notamment de faire reculer les cloisonnements et les lourdeurs bureaucratiques;

de garantir la coordination politique et administrative entre l’Union européenne, les États membres et les collectivités locales, aux fins de la mise en œuvre du modèle et des politiques afférentes;

de fournir des informations homogènes aux administrations qui souhaitent programmer des interventions du type des villes intelligentes, notamment en instaurant une plus grande transparence pour ce qui est des ressources financières disponibles et en clarifiant les rapport entre celles-ci et les lignes budgétaires;

de favoriser l’établissement de partenariats européens entre entreprises publiques et privées;

de promouvoir la participation des partenaires sociaux et de la société civile;

d’améliorer l’échange mutuel d’informations sur les bonnes pratiques;

d’encourager la diffusion, au niveau des États membres, du modèle intégré et durable de développement des villes durables.

5.4.

Le Centre unique d’accès européen sur les villes intelligentes devrait agir en synergie avec le FEIS, dont le CESE rappelle (4) qu’il serait opportun qu’il soutienne les projets d’infrastructures stratégiques qui présentent, du point de vue économique et social, une valeur ajoutée telle qu’ils puissent contribuer à la réalisation des objectifs politiques de l’Union européenne (5) visant à achever le marché unique dans les secteurs des transports, des télécommunications, des infrastructures numériques, de l’énergie, du développement urbain et rural, du développement social, de l’environnement et des ressources naturelles.

5.5.

Ces projets, qui revêtent une importance capitale pour concrétiser les villes intelligentes, peuvent renforcer la base scientifique et technologique européenne et s’avérer avantageux pour l’ensemble de la société, grâce à une meilleure exploitation du potentiel économique et industriel des stratégies liées à l’innovation, à la recherche et au développement technologique.

5.6.

Par le truchement de l’intégration à réaliser entre le Centre unique d’accès européen et le FEIS et eu égard à la possibilité qu’offre ce dernier de bâtir des plates-formes de projet et de financement au niveau européen, national ou sectoriel, le CESE recommande de construire une plate-forme européenne de projet pour les villes intelligentes, qui permettra de promouvoir une approche homogène quant à leur capacité à être financées, par la combinaison des ressources publiques disponibles, des investissements privés mobilisables et du recours aux dispositifs publics d’atténuation du risque qui sont appropriés. Une plate-forme de ce type devrait aider à repérer, fédérer et financer des projets mis en avant dans plusieurs États membres et répondant aux modèle de la ville intelligente que le CESE propose à la Commission d’adopter.

5.7.

Pour favoriser l’éclosion d’initiatives de ce type, le CESE recommande que, dans tous les États membres, il soit établi des guichets uniques d’accès aux ressources techniques et financières pour les villes intelligentes, qui aient pour visée:

d’assurer le plus haut degré de coordination avec le Centre unique d’accès européen pour les villes intelligentes et, ainsi, de garantir que les orientations de la politique en la matière soient diffusées au niveau national;

de traduire les besoins locaux en demandes et conceptions de projets qui soient susceptibles de s’inscrire dans le cadre des piliers génériques;

d’améliorer l’utilisation des ressources publiques, allouées à fonds perdu ou à des conditions préférentielles, pour financer les initiatives relevant des différents piliers génériques;

de fournir une aide pour élaborer les instruments les plus appropriés en matière de partenariat public-privé et de marchés publics, en vue de favoriser une interaction plus rapide, opérante et efficace avec le monde des entreprises;

de dégager une architecture financière qui soit plus apte à garantir l’intégration entre les fonds publics et ceux que les investisseurs privés pourraient mettre à disposition, avec une éventuelle garantie supplémentaire fournie par le FEIS.

5.8.

Au sein de la plate-forme européenne de conseil en investissement (PECI), qui est encore à constituer et devrait bénéficier d’un effort de promotion en tant que structure complémentaire au FEIS et destinée à accompagner les États membres pour l’adoption de diverses mesures appropriées visant à faciliter la constitution d’une réserve de projets et à mobiliser tous les moyens nécessaires pour qu’ils puissent être financés, le CESE souhaite que soit constituée une section spécialement consacrée aux villes intelligentes, qui bénéficiera du professionnalisme et des compétences les plus adéquates pour garantir la prise en compte des projets sous tous leurs aspects.

6.   Les actions de participation citoyenne, le rôle de la société civile et la révision du cadre réglementaire dans une perspective de meilleure élaboration des politiques

6.1.

Le CESE souligne que les conditions préalables à l’adoption et à la mise en œuvre du modèle de développement intégré destiné aux villes intelligentes sont l’affirmation par des institutions d’une vision à long terme, intégrant pleinement les catégories concernées par les processus de changements à l’œuvre (citoyens, associations de la société civile et partenaires sociaux), ainsi qu’une gouvernance efficace et novatrice des processus liés au développement des villes intelligentes.

6.2.

Les institutions européennes, nationales et locales qui sont parties prenantes de la procédure de planification stratégique des interventions en faveur des villes intelligentes seront appelées à adopter, pour ces programmes, une vision stratégique à long terme. Le modèle de développement intégré pourrait servir à concilier les demandes de toutes les catégories concernées, en ce qu’il garantira une participation maximale tout en assurant dans le même temps la viabilité économique et financière des initiatives.

6.3.

Les villes auront à assumer un rôle de «planificateur et superviseur stratégique» intelligent, pour lequel elles devront s’appuyer sur un dialogue substantiel, structuré et permanent entre les différents acteurs économiques, financiers, industriels, sociaux et associatifs afin de mener à bien les initiatives prévues en respectant des délais précis et en témoignant d’une capacité à s’adapter aux changements et aux évolutions.

6.4.

Le développement des villes dans une logique intelligente ne pourra se faire que s’il est basé sur un échange constant avec la société civile, susceptible de déboucher sur une participation pleine et entière des catégories qui représentent les intérêts collectifs, particuliers ou généraux, tant pour cerner les besoins que pour les traduire en demandes et contrôler l’efficacité des interventions prévues pour les satisfaire. Cette action de participation citoyenne devrait être encouragée au niveau européen, national et local.

6.5.

Dans cette perspective, le CESE propose:

que l’initiative du partenariat européen d’innovation pour les villes et communautés intelligentes, qui a été présentée le 14 octobre 2013 par le groupe de haut niveau du partenariat européen d’innovation pour les villes et communautés intelligentes (http://ec.europa.eu/eip/smartcities/), soit ouverte à la participation des membres de la société civile, au nombre desquels figure également le CESE, ainsi que de tous les acteurs concernés par les six piliers génériques du modèle de ville intelligente qui est proposé, venant ainsi s’ajouter aux opérateurs des dispositifs développés dans les domaines de la mobilité, des technologies de l’information et de la communication et des questions environnementales, qui, actuellement, y sont déjà représentés;

que chaque État membre encourage l’organisation de campagnes de promotion associant les représentants de la société civile, durant les phases d’évaluation des besoins, de formulation des demandes et d’élaboration des stratégies, en mettant en place des groupes consultatifs, au niveau des guichets uniques d’accès aux ressources techniques et financières pour les villes intelligentes ou à celui des différentes villes concernées;

que l’on procède à une simplification du cadre réglementaire et à son unification au moyen d’une réglementation européenne commune, de préférence sous la forme d’une directive, dont les objectifs seraient:

de revoir les instruments destinés au partenariat public-privé afin de les rendre plus attrayants pour les entreprises et d’en étendre le champ d’application aux services, qui constituent l’épine dorsale de l’économie numérique,

d’améliorer les instruments concernant les marchés publics liés à l’innovation et les achats avant commercialisation,

de créer des mécanismes homogènes entre les collectivités locales, grâce auxquels celles-ci puissent bénéficier de manière transparente d’une partie des flux de trésorerie qui proviendront de nouveaux services fondés sur les plates-formes promues au niveau des villes intelligentes, par exemple ceux qui découlent de l’utilisation commerciale des données ouvertes, tant publiques que privées, et des services ouverts, le but étant de les amener ainsi à réinvestir dans le renforcement et l’extension des projets de type intelligent une fraction des économies réalisées et des rentrées liées à l’exploitation des infrastructures et à la fourniture de prestations.

Bruxelles, le 1er juillet 2015.

Le président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  Communication «Un programme urbain de l’Union européenne», COM(2014) 490 final; avis ECO/369; avis du CESE sur le thème «Un programme urbain de l’Union européenne» (JO C 291 du 4.9.2015, p. 54).

(2)  Avis du CESE «Pour une renaissance industrielle européenne» (JO C 311 du 12.9.2014, p. 47), «Une industrie européenne plus forte au service de la croissance et de la relance économique» (JO C 327 du 12.11.2013, p. 82) et «Relocaliser les industries de l’Union européenne dans le cadre de la réindustrialisation» (JO C 311 du 12.9.2014, p. 15).

(3)  Direction générale des politiques intérieures, Mapping Smart Cities in the EU («Cartographie des villes intelligentes de l’Union européenne»), 2014, http://www.smartcities.at/assets/Publikationen/Weitere-Publikationen-zum-Thema/mappingsmartcities.pdf

(4)  Avis du CESE sur le thème «Un plan d’investissement pour l’Europe» (JO C 268 du 14.8.2015, p. 27).

(5)  Communications de la Commission européenne «Marché unique des télécommunications», COM(2013) 634 final; «Union européenne de l’énergie», COM(2014) 520 final, COM(2015) 80 final et COM(2015) 82 final; «Marché unique des transports», COM(2014) 22 final.


17.11.2015   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 383/34


Avis du Comité économique et social européen sur «Le PTCI et son impact sur les PME»

(avis d’initiative)

(2015/C 383/06)

Rapporteure:

Mme Emmanuelle BUTAUD-STUBBS

Corapporteur:

M. Panagiotis GKOFAS

Le 11 décembre 2014, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l’article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d’élaborer un avis d’initiative sur le thème:

«Le PTCI et son impact sur les PME».

La section spécialisée «Relations extérieures», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 11 juin 2015.

Lors de sa 509e session plénière des 1er et 2 juillet 2015 (séance du 2 juillet), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 187 voix pour, 2 voix contre et 2 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Compte tenu du poids des petites et moyennes entreprises (PME) dans l’économie européenne, le CESE estime essentiel de pouvoir disposer, au regard des effets sur l’emploi et la déontologie notamment, d’une étude d’impact précise, par secteur et par État membre, sur les conséquences prévisibles qu’une entrée en vigueur du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI), selon les termes actuels de la négociation, produira pour les PME européennes.

1.2.

En effet, les deux études réalisées par la direction générale du commerce (DG TRADE) sur les PME, l’une concernant les défis et les ouvertures pour les PME exportatrices en général (1), et l’autre, plus récente, d’avril 2015, qui concerne plus spécialement les PME et le PTCI (2), sont certes utiles mais ne couvrent pas tous les aspects. Elles sont pertinentes pour présenter certaines difficultés liées à l’internationalisation des PME et aux obstacles que ces dernières rencontrent sur le plan commercial et celui de la réglementation, mais elles ne donnent pas une estimation précise, étayée et détaillée par secteur et État membre de l’impact que le PTCI pourrait avoir sur les entreprises exportatrices et non exportatrices intégrées dans les différentes chaînes de valeur.

1.3.

Le CESE demande en conséquence à la Commission européenne de bien vouloir réaliser une nouvelle étude d’impact sur les PME ou très petites entreprises (TPE), les microentreprises et les professions libérales, qu’elles aient ou non vocation à exporter, afin de mesurer l’impact potentiel de la mise en place d’un marché transatlantique intégré dans leurs secteurs d’activité (agriculture et agroalimentaire, tourisme, artisanat, hôtellerie, restauration, industrie, services, etc.). Il est essentiel de pouvoir anticiper en ce qui concerne la manière dont ces entreprises seront touchées par l’ouverture d’un marché transatlantique plus intégré. Le PTCI entraînera-t-il une modification de leur modèle économique, de leurs méthodes de production, de leurs cadres réglementaires, de la nature des prestations de services ou de leurs stratégies du point de vue de l’investissement et de l’emploi dans le cadre d’un nouvel espace de concurrence?

1.4.

Le CESE souhaite profiter de l’occasion qu’offrent les négociations avec les États-Unis pour assurer un meilleur suivi des deux politiques de soutien aux PME de part et d’autre de l’Atlantique par une approche fondée sur des éléments probants [notamment en évaluant comparativement les marchés publics et les PME, l’accès aux financements et aux conditions du marché de capitaux, la gestion des catastrophes, les exigences/informations relatives à l’accès aux marchés et les normes pour les petites entreprises (Small Business Standards — SBA)]. Cet exercice de comparaison permettra sans doute de déterminer des nouvelles mesures pertinentes en matière de soutien des PME afin de renforcer la mise en œuvre pratique du SBA européen. Le Comité élabore actuellement un avis sur ce sujet (INT/755), qui fait suite aux avis précédents sur le même sujet. Il considère que le moment est opportun pour que les institutions européennes prennent en compte l’appel que les organisations européennes et nationales des PME ont lancé en faveur d’un SBA juridiquement contraignant et d’une plus grande coordination entre les politiques industrielles et commerciales. Il est également nécessaire que le réseau de «SMEs envoys» soit transformé en une véritable autorité, plus efficace, de coordination, de suivi et d’exécution de la politique en faveur des PME, sur le marché intérieur, en défendant les nouveaux besoins des PME ainsi que des solutions appropriées pour celles-ci.

1.4.1.

La catégorie des PME dans l’Union européenne est elle-même très hétérogène avec une grande proportion de très petites entreprises de moins de neuf salariés. De plus, cette répartition des PME par profil de taille est également très différente selon les États membres. Il en va de même pour les professions libérales réglementées et non réglementées. Compte tenu de cette forte présence de microentreprises dans le domaine du commerce, de l’industrie et de l’artisanat, le CESE recommande que la Commission européenne, en coordination avec les autorités des États membres les plus concernés (y compris les instituts de recherche publics ou privés et les universités), organise des campagnes de sensibilisation et d’information au plus près du terrain et des séminaires de formation, afin d’assurer une meilleure compréhension des différents chapitres du PTCI ainsi que des secteurs concernés, des ouvertures et des points à surveiller qui y sont associés.

1.4.2.

Les professions libérales, qu’elles soient ou non réglementées, représentent, au sein de l’Union européenne, un système de services sensibles fournis dans l’intérêt des clients et de la collectivité, qui s’accompagnent d’attributions particulières.

1.5.

Le CESE se félicite de l’existence d’un chapitre dédié aux PME dans ces négociations mais souhaite en améliorer le contenu, d’où des propositions formulées dans la partie relative aux observations spécifiques. Le contenu actuel proposé par la Commission européenne mérite d’être complété sur plusieurs aspects, et notamment sur les modalités de représentation des PME dans le futur Comité PME ainsi que sur les missions de ce dernier.

Le CESE demande à la Commission européenne, au Parlement européen et aux autres instances compétentes d’introduire un chapitre dédié aux PME de façon permanente dans les négociations commerciales actuelles et futures, dans le cadre duquel les intérêts des PME de l’Union européenne seront pris en compte, afin que les avantages potentiels puissent être déployés dans différentes régions et sur différents marchés.

Une telle démarche, accompagnée de l’application du principe «penser aux PME d’abord» aux politiques commerciales, garantira que les PME pourraient et devraient être bénéficiaires et premiers acteurs des processus de mondialisation.

1.6.

Le CESE demande que le représentant de la Commission européenne pour les PME veille à ce que les petites et microentreprises et les professions libérales soient représentées dans le processus de négociations avec au moins un siège spécifique dans le groupe de conseil (TTIP Advisory Board), afin de combler le manque d’informations, de garantir une expertise multisectorielle nécessaire et de se conformer aux exigences de base en matière de transparence des informations/des données d’intérêt commun. Il recommande par ailleurs la mise en place de mesures de soutien aux organisations économiques, professionnelles et sectorielles de PME dans leurs actions d’accompagnement et de conseil aux PME et microentreprises, en coopération avec les établissements scientifiques et de recherche qui sont intéressés, ainsi que des mesures de financement en cas de besoin. Il demande la reconnaissance mutuelle des qualifications et certifications à tous les échelons de l’administration publique et des conditions de concurrence équitables à tous les niveaux de la passation de marchés publics (y compris les États fédérés, les régions et les communes).

2.   Observations générales

2.1.    L’importance des PME de part et d’autre de l’Atlantique

Bien que les Européens et les Américains en aient des définitions distinctes, les «PME» assurent la majeure partie des activités économiques, de la valeur ajoutée et de la création d’emplois de part et d’autre de l’Atlantique. Cette prédominance signifie que, du point de vue de la valeur ajoutée et de la création de liens, l’incidence majeure du PTCI sur l’économie sera le fait des PME et de leur capacité à saisir les occasions de conquérir de nouveaux marchés et de s’adapter à la nouvelle donne. Plusieurs études montrent que les PME développées à l’échelle internationale sont davantage porteuses d’innovation, connaissent une croissance plus rapide et génèrent des emplois plus nombreux et mieux payés.

2.1.1.   Les PME au sein de l’Union sont en réalité très souvent des TPE

Dans l’Union européenne, une PME est une entreprise qui emploie moins de 250 personnes et dont le chiffre d’affaires n’excède pas 50 millions d’euros. Selon les chiffres de la Commission européenne, l’Union européenne compte plus de 20 millions de PME, qui représentent 98 % de l’ensemble des entreprises, 67 % de la population active et 58 % de la valeur ajoutée brute. Entre 2002 et 2010, les PME européennes ont assuré 85 % des créations d’emplois au sein de l’Union européenne.

Selon le rapport le plus récent de la Commission européenne, les PME européenne assurent 28 % du total des exportations directes vers les États-Unis, ce qui témoigne de la marge de progression possible. Sur les 7 90  000 entreprises européennes exportatrices vers des pays hors UE, 6 19  000 sont des PME, dont 3 53  000 des TPE de moins de 9 salariés, ce qui démontre que leur faible taille ne les empêche pas d’exporter (3).

En revanche, la proportion des PME européennes exportant actuellement vers les États-Unis est relativement faible: 1 50  000 selon le rapport susmentionné, dont 65  000 de moins de 9 salariés. Cette proportion, de moins de 1 % des PME européennes, qui sont plus de 20 millions, apparaît très faible. De nombreuses PME et TPE dans certains pays (par exemple en Italie) figurent en très bonne place s’agissant du nombre d’entreprises ayant des échanges commerciaux avec les marchés des États-Unis. Cependant, les données d’Eurostat ne prennent en compte que les exportations directes et non les exportations indirectes, à savoir que de nombreuses PME/TPE travaillant en sous-traitance ou d’entreprise à entreprise (B to B) produisent des biens ou services intermédiaires qui sont ensuite assemblés pour être exportés vers les États-Unis. Ce chiffre modeste s’explique également par le poids que représentent dans l’économie européenne les PME et TPE liées à l’économie locale (économie présentielle) qui ne sont pas intéressées à exporter ou à investir à l’étranger. Il existe, en revanche, certainement une marge de progression significative pour des entreprises potentiellement exportatrices ou déjà exportatrices vers d’autres pays tiers.

2.1.2.   Les PME aux Etats-Unis sont des entreprises plus structurées

Aux États-Unis, les PME sont des entreprises dont l’effectif est inférieur à 500 salariés, voire, dans certains secteurs, à 1  000 et même 1  500 salariés (4). Ces sociétés — qui peuvent donc être plusieurs fois plus grandes que leurs homologues de l’Union européenne — constituent elles aussi l’épine dorsale de l’économie américaine. Les PME aux États-Unis, au nombre de 28 millions, représentent 99 % de l’ensemble des entreprises américaines, emploient plus de 50 % des travailleurs du secteur privé et assurent 65 % des créations nettes d’emplois dans ce même secteur.

2.2.    L’importance du PTCI pour les PME

2.2.1.

En raison de leur taille, les PME sont souvent désavantagées dans des proportions excessives par les droits de douane élevés et les exigences réglementaires qui pèsent sur le commerce transatlantique, car elles ont davantage besoin de ressources et de compétences que les grandes entreprises pour surmonter les barrières commerciales sur des montants d’échanges faibles en volume et en valeur. Pour ces raisons, elles profiteront des mesures de libéralisation tarifaire et non tarifaire prévues dans l’accord transatlantique. Dans son avis sur «Les relations commerciales transatlantiques et le point de vue du CESE sur l’amélioration de la coopération et un éventuel accord de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis», le CESE a déjà fait un inventaire des ouvertures et des points à surveiller concernant l’ensemble des sujets couverts par la négociation (5).

2.2.2.

Un des principaux gains attendus du PTCI pour les PME réside dans les résultats dans le domaine de la coopération réglementaire, qui pourrait déboucher sur une harmonisation et un rapprochement de certaines règles, ainsi que sur la reconnaissance mutuelle d’inspection ou de certification. Le CESE voudrait cependant rappeler à cette occasion l’engagement ferme pris par les deux parties de ne pas utiliser le PTCI pour abaisser les normes techniques existantes. Aussi pourrait-il être très prometteur de procéder à une analyse de la valeur ajoutée générée par l’expérience de l’association européenne Small Business Standard (SBS), soutenue par la Commission européenne en partenariat avec les organisations les plus représentatives des PME. La coopération réglementaire doit être transparente et respecter l’autonomie réglementaire des États membres et de l’Union européenne tout en préservant leur capacité d’adopter des mesures qui leur semblent appropriées dans les domaines tels que la protection de la santé, des consommateurs, des travailleurs ou de l’environnement.

2.3.    Le développement des PME à l’échelle internationale

Selon l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le développement des PME à l’échelle internationale peut se décomposer en quatre étapes:

exportations directes vers un pays étranger,

exportations avec l’aide de professionnels indépendants étrangers,

création de filiales à l’étranger,

installation d’infrastructures à l’étranger pour produire et vendre dans le pays cible des exportations.

À chaque étape, les PME doivent impérativement disposer d’un supplément d’informations, de capacités à se conformer aux prescriptions administratives et de ressources humaines et financières, dans la mesure où il leur est nécessaire, avant de commencer à exporter des biens et/ou des services, d’avoir une bonne connaissance des règles du marché concerné. Elles doivent ensuite se montrer capables de concevoir une stratégie à plus longue durée, pour s’implanter dans le pays d’exportation et, en fin de compte, s’y intégrer pleinement, grâce à des entreprises locales qui emploieront des ressources humaines locales dans le respect des réglementations du lieu. Bien entendu, l’économie numérique pourrait aider les PME à s’internationaliser plus rapidement. L’expansion rapide du commerce électronique offre aux petites entreprises des possibilités plus étendues de débouchés commerciaux, notamment dans le secteur des biens de consommation (commerce de l’entreprise au consommateur, ou «B to C») et, pour les professions libérales, également dans le secteur «B to B».

L’analyse de la Commission européenne démontre également qu’il existe un lien entre la taille de l’entreprise et les volumes exportés. Les PME représentent 81 % des entreprises exportatrices mais seulement 34 % des volumes exportés (6), bien que cette proportion puisse dépasser les 50 % sur certains marchés de niche au niveau mondial.

2.4.    Degré d’internationalisation des PME aux États-Unis et dans l’Union européenne

Selon certaines sources, les PME européennes présentent un degré d’internationalisation plus élevé que celles des États-Unis. Cet écart s’explique essentiellement par la participation des PME européennes au marché intraeuropéen et par le fait que celui-ci est encore loin d’être achevé: ces échanges constituent la première étape de leur internationalisation et, en améliorant leur connaissance des marchés étrangers, les aident à chercher des débouchés en dehors de l’Union européenne. La taille n’apparaît pas comme un facteur de blocage: dans certains États membres, 90 % des entreprises exportatrices sont des PME et certains secteurs, tels que la mode, l’agroalimentaire, les machines ou l’ameublement, sont particulièrement tournés vers l’export.

Bien que les statistiques à ce sujet soient assez rares et parfois difficiles à analyser du fait de la diversité des méthodes retenues et de données qui ne sont pas toujours comparables, des études menées pour la Commission européenne (7) montrent que, au sein de l’Union européenne, les PME sont 42 % à être engagées dans l’une ou l’autre forme d’internationalisation.

L’internationalisation d’une entreprise est souvent liée à des facteurs tels que:

l’intensité exportatrice de son secteur d’activité,

la taille du marché intérieur.

Le degré d’internationalisation des PME européennes est plus élevé dans des secteurs tels que le commerce de gros, l’industrie minière, la production manufacturière, la recherche et la vente de véhicules automobiles, alors qu’il est relativement faible dans des domaines comme les services juridiques, la construction ou les services de planification et de développement, ainsi que les services de santé humaine qui sont, par nature, plus dépendants de la proximité avec le client ou le patient (8).

Selon l’étude américaine consacrée à cette problématique (9), les PME comptent pour environ 30 % des exportations de marchandises américaines qui sont recensées, leurs principaux marchés de destination étant le Canada et le Mexique, c’est-à-dire les marchés partenaires dans le cadre de l’accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Les machines, ainsi que les produits électriques et chimiques comptent parmi les principales catégories de leurs ventes à l’étranger. Les données concernant les exportations de services des PME américaines sont fort succinctes mais, selon certaines estimations, les services professionnels constitueraient le secteur qui fournit une part substantielle de l’activité exportatrice américaine.

2.5.    Le rôle actuel des PME au sein des échanges transatlantiques de commerce et d’investissement

Le commerce bilatéral transatlantique se caractérise par une proportion élevée d’échanges entre des entreprises multinationales. Il en résulte qu’une majorité de ces échanges bilatéraux spécifiques est constituée de flux de services et de marchandises intragroupes, mais aussi d’échanges de licences et droits relatifs à la propriété intellectuelle et de mouvements de capitaux entre les sociétés mères et leurs filiales.

L’étude de la Commission sur les PME et le PTCI indique que les PME représentent 28 % des exportations européennes en volume en 2012. Ce chiffre est plus bas que la moyenne des exportations en volume des PME pour tous les marchés hors UE, qui s’élève à 32 %. Ce chiffre doit aussi être mis en perspective avec la part détenue par les PME parmi les entreprises exportatrices vers les États-Unis, qui est de 88 %, soit un pourcentage significativement plus élevé que la moyenne des PME exportatrices hors UE, qui est de 78 %. Ces chiffres confirment la thèse qu’une grande partie du volume des exportations est générée par le commerce intragroupe, d’où le potentiel que peut représenter un accord transatlantique pour stimuler les exportations et les investissements des PME européennes. Il faut toutefois noter que ce chiffre ne prend pas en compte les exportations indirectes des PME européennes qui, en tant que sous-traitants et fabricants de semi-produits, participent à l’élaboration de produits finis complexes exportés vers les États-Unis. Au niveau des États membres, on observe une grande disparité concernant le nombre de PME exportatrices et les volumes exportés.

On ne dispose pas de chiffres exacts pour le nombre des PME américaines qui exportent vers l’Union européenne et le volume de ces exportations. Cependant les PME aux États-Unis représentent 33 % des exportations américaines (10), c’est-à-dire une proportion très proche de celle observable dans l’Union européenne.

2.6.    Les principaux obstacles rencontrés par les PME

En raison de leur taille, les PME éprouvent en général davantage de difficultés à pénétrer les marchés étrangers, à couvrir les coûts supplémentaires induits par la faiblesse des volumes échangés et à s’adapter aux réglementations locales. D’après Sergio Arzeni, directeur du Centre pour l’entrepreneuriat, les PME et le développement local de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), «les coûts de mise en conformité pourraient être proportionnellement dix à trente fois plus élevés pour les PME que pour les grandes entreprises» (11).

En résumé, on peut dire que les PME, lorsqu’elles s’internationalisent, sont confrontées à des difficultés qui sont inhérentes à leur petite taille et à leurs ressources limitées, qu’il leur est nécessaire de surmonter avant même de s’attaquer aux obstacles spécifiques au commerce ou à l’investissement, à savoir:

les obstacles en matière d’accès au financement des exportations,

le manque d’informations et de données à jour concernant les exigences à respecter en matière de produits ou de services,

les connaissances insuffisantes du marché sur lequel elles veulent vendre leurs produits ou leurs services (études de marché),

les difficultés à trouver des clients potentiels et à entrer en contact avec eux,

un personnel ne disposant pas de la formation adéquate pour gérer un développement international ou pour établir des contacts avec des investisseurs ou des importateurs,

un manque d’incitations et de support de la part des pouvoirs publics, ainsi qu’une certaine lourdeur administrative des politiques publiques de soutien,

les barrières culturelles et linguistiques,

un manque d’uniformité dans la réglementation et les systèmes d’adaptation et de reconnaissance en ce qui concerne les qualifications et les autorisations d’exercer.

Le premier besoin des PME consiste à disposer, compte tenu de ces carences, de services d’accompagnement et de conseils adaptés (suivi personnalisé ou coaching, tutorat ou mentoring, etc.) prodigués en général par leurs organisations professionnelles et sectorielles.

En ce qui concerne les obstacles au commerce et à l’investissement que rencontrent les entreprises européennes aux États-Unis, il s’avère relativement difficile de les classer par ordre d’importance, car les entreprises décrivent souvent les barrières rencontrées sans forcément les ranger dans une catégorie spécifique. Il existe également une différence entre les obstacles perçus par les entreprises non exportatrices et les obstacles réellement rencontrés par les entreprises exportatrices. Cependant, en parcourant les différentes études et enquêtes effectuées (12), il est possible de répertorier les obstacles principaux comme suit:

les différences considérables en ce qui concerne l’étendue de la responsabilité et la possibilité de souscrire une assurance en la matière à des coûts conformes au marché,

les coûts d’exportation (hors droits de douane) en rapport avec le coût du transport, la durée et la complexité des formalités douanières et la nécessité d’avoir ou de rémunérer un agent en douane ainsi que de disposer, en particulier aux États-Unis, d’une assurance pour faire face à d’éventuelles actions en responsabilité,

les difficultés d’accès au crédit à l’export,

les taxes et droits de douane, qui sont toujours une barrière importante pour certains secteurs, tels que le tabac, le textile et l’habillement,

la complexité des règles d’origine et le coût des certificats d’origine,

la mise en conformité avec des règles techniques ou sanitaires et phytosanitaires différentes et les certifications et inspections afférentes à ces règles,

les réglementations techniques et sanitaires, requises seulement dans certains États américains, ou les règles divergentes entre États,

les divergences sur le plan des exigences en matière de qualifications et des restrictions d’activités dans certains États fédérés et dans certaines circonscriptions locales,

la protection des droits de propriété intellectuelle, en particulier le non-respect des dénominations d’origine et des réglementations différentes relatives aux marques et brevets,

le coût de la protection juridique et de la surveillance de marché pour les entreprises européennes détentrices d’indications géographiques,

les restrictions relatives aux marchés publics du fait du «Buy American Act» et de ses modifications régulières qui visent à en étendre le champ,

la complexité des procédures de visa, de séjour, de permis de travail et de démarrage d’une activité aux États-Unis,

les restrictions ou les licences nécessaires au niveau fédéral ou à celui des États fédérés pour certains prestataires de services.

Ces obstacles ne sont pas spécifiques aux PME, mais leur impact sur ces dernières est plus important et plus dissuasif. Dans le cadre du PTCI, la plupart d’entre eux feront l’objet des chapitres spécifiques qui seront indistinctement applicables à toutes les entreprises. Le chapitre PME prévu dans le PTCI aura donc un objet assez limité: promouvoir la participation de toutes les PME au marché transatlantique, par la mise à disposition des informations pertinentes et une coopération renforcée entre les autorités publiques chargées des PME.

2.7.    Les besoins de soutien aux PME

2.7.1.

Le premier besoin des PME, en particulier des petites et microentreprises, compte tenu des obstacles qu’elles rencontrent et de leurs ressources limitées, consiste à disposer de services d’accompagnement et de conseils adaptés y compris en matière de formation des salariés (suivi personnalisé ou coaching, tutorat ou mentoring), prodigués en général par leurs organisations économiques, professionnelles et sectorielles. Il convient de veiller à ce que ces dernières aient à leur disposition les moyens logistiques nécessaires pour pouvoir informer et conseiller les entreprises et les accompagner individuellement, notamment grâce à l’utilisation des Fonds structurels et d’investissement européens (Fonds ESI).

2.7.2.

Outre les services d’accompagnement et de conseil adaptés à chaque PME en fonction de ses spécificités et besoins propres, les entreprises doivent pouvoir disposer des moyens nécessaires au financement de leurs investissements matériels et immatériels. À cette fin, outre les Fonds ESI, le CESE recommande que les instruments financiers du programme COSME, notamment le capital-risque et les systèmes de garantie, soient aisément accessibles aux PME, y compris à celles qui veulent investir sur les marchés états-uniens.

2.7.3.

L’Union européenne devrait se pencher sur l’offre d’assurances pour les exportations de biens et de services et veiller à ce qu’elle évolue pour se conformer aux besoins du marché.

2.8.    Le chapitre PME actuel du PTCI

Le CESE se félicite de l’existence d’un chapitre exclusivement dédié aux PME dans le PTCI mais entend renforcer son contenu (voir propositions dans la partie «Observations spécifiques»). La proposition de l’Union européenne visant à intégrer dans le PTCI un texte juridique sur le thème «Les petites et moyennes entreprises» au PTCI a été soumise pour discussion avec les États-Unis lors du cycle de négociations qui s’est tenu du 19 au 23 mai 2014. Il s’agit d’un chapitre inédit pour l’Union européenne dans un accord de libre-échange. Un texte a été rendu public le 7 janvier 2015 (13). Ces dispositions revêtent la forme d’un chapitre X consacré aux PME et abordent différentes questions dans le but de renforcer la participation des PME au commerce et d’échanger de bonnes pratiques.

2.8.1.   Coopération relative aux PME

Les parties devraient échanger des informations, créer et mettre à disposition des outils et des ressources concernant les droits de propriété intellectuelle, se communiquer les bonnes pratiques réglementaires, soutenir les mesures en faveur des entreprises et encourager le capital à risque et les investissements dans les petites entreprises afin de stimuler la compétitivité des PME dans le commerce mondial.

2.8.2.   Les données de marché et l’échange d’informations

La proposition actuelle sur l’article X, paragraphe 2, concerne l’échange d’informations entre les parties. Il est préconisé de créer un site internet reprenant les informations les plus pertinentes (telles que le texte de l’accord de partenariat transatlantique, les réglementations douanières, un registre des réglementations techniques en vigueur, les mesures sanitaires et phytosanitaires, les règles relatives aux marchés publics et les procédures d’enregistrement des entreprises). Le programme d’harmonisation des données, qui concerne les domaines d’intérêt pour les PME les plus importants, devrait faire l’objet d’une analyse conjointe réalisée par un groupe d’experts de l’Union européenne et des États-Unis.

Les parties devraient élaborer une base de données en ligne reprenant, notamment, l’ensemble des codes de la nomenclature douanière et des taux des droits, les règles d’origine ou les prescriptions sur l’indication du pays d’origine, et ce dans toutes les langues de l’Union européenne.

2.8.3.   Service d’assistance technique

Le texte proposé par la Commission européenne mentionne un point d’information unique [article X, point 2 (c)]. Le Conseil économique transatlantique plaide également pour la création d’un tel service. Un sous-réseau étendu de ces points d’information, s’appuyant sur des organisations fiables et représentatives des PME ayant établi des contacts dans les milieux d’affaires de l’Union européenne et des États-Unis, pourrait garantir un certain impact et un engagement plus fort des différentes autorités et de toute une série de parties prenantes.

2.8.4.   Mise en place d’un Comité PME

Un projet d’article X.4 vise à mettre en place un Comité transatlantique.

3.   Observations spécifiques

3.1.    Mesurer l’impact des différences dans la définition d’une PME

Les Européens et les Américains n’ont pas la même acception de la notion de «PME», avec un écart maximal possible compris entre 250 et 1  000 salariés. De plus, aux États-Unis, la définition de la PME varie selon les secteurs d’activité (14); il s’agit principalement de sociétés employant moins de 500 personnes mais dans certaines branches d’activité, elles peuvent compter jusqu’à 750, voire un millier d’employés. Dans la plupart des domaines, elles ne sont pas définies en fonction de leur chiffre d’affaires ou de leur bilan total annuel.

Le CESE demande aux services de la Commission européenne d’établir un tableau détaillé de la définition des PME aux États-Unis, secteur par secteur, et surtout, d’entamer des travaux pour vérifier que ces différences de définition ne seront pas défavorables aux PME européennes qui sont plus petites.

3.1.1.

Les professions libérales réglementées et non réglementées sont un type particulier de PME présent dans tous les États membres de l’Union européenne, à des degrés divers et sous différentes formes. Leurs offres commerciales et de services s’appuient sur un savoir spécifique, nécessitant une confiance particulière de la part du bénéficiaire de la prestation et assorti d’exigences spécifiques en matière d’indépendance. Outre leur importance en tant que partenaires économiques, les professions libérales sont une composante du modèle sociétal européen.

3.2.    Évaluer et suivre l’impact d’un marché transatlantique élargi sur les entreprises exportatrices et non exportatrices

Compte tenu du poids des PME dans l’économie européenne, le CESE estime essentiel de pouvoir élaborer un plan, au regard des effets sur l’emploi notamment, en vue d’une étude d’impact précise, par secteur et par État membre, sur les conséquences prévisibles qu’une entrée en vigueur du PTCI, selon les termes actuels de la négociation, produira pour les PME européennes. Il est nécessaire de réaliser des études d’impact a priori et a posteriori sur les PME/TPE, les microentreprises et les professions libérales, qu’elles aient ou non vocation à exporter, afin de mesurer l’impact potentiel de la mise en place d’un marché transatlantique.

Le Parlement européen s’est déjà intéressé à l’impact du PTCI sur les industries manufacturières et sur le marché de l’énergie et a conclu à un impact positif mais variable selon les secteurs d’activité (15). Cependant, l’impact dans d’autres secteurs d’activité, plus étroitement liés à l’économie locale [agriculture, tourisme, artisanat, hôtellerie, technologies de l’information et de la communication (TIC), restauration, industrie, travail indépendant, services, professions libérales, etc.], n’a pas encore été spécifiquement étudié.

Les prochains cycles de négociation du PTCI doivent parvenir à des résultats ambitieux pour le secteur de l’agriculture et mettre l’accent en particulier sur l’accès au marché, les indications géographiques ainsi que les mesures sanitaires et phytosanitaires. Il est impératif de préserver les normes élevées en matière de sécurité alimentaire et de santé animale et humaine en vigueur au sein de l’Union européenne.

Il est essentiel de pouvoir anticiper en ce qui concerne la manière dont ces entreprises seront affectées par l’ouverture d’un marché transatlantique plus intégré. Le PTCI entraînera-t-il une modification de leur modèle économique, de leurs méthodes de production, de la nature des prestations de services ou de leurs stratégies du point de vue de l’investissement et de l’emploi dans le cadre d’un nouvel espace de concurrence? Il est également nécessaire de prévoir des mesures et politiques d’adaptation qui puissent permettre à toutes les PME européennes de tirer le meilleur profit du PTCI.

3.3.    Un nouveau seuil de minimis pour aider les PME/TPE à «tester» le marché à très petite échelle

En dessous du seuil prévu par les limites de minimis, aucun droit ou taxe n’est imposé et les procédures de dédouanement, y compris les exigences en matière de données, sont minimes.

On relève une demande de la part du Conseil de l’Atlantique et, d’une manière générale, une volonté des États-Unis de relever à 800 dollars les limites en vigueur pour les colis expédiés par les petites entreprises vers les États-Unis ou l’Union européenne — les niveaux actuels s’élèvent respectivement à 200 dollars et à 150 euros. Dans l’Union européenne, même si les biens sont exemptés de droits de douane, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) doit être collectée pour les envois d’une valeur supérieure à 10 ou 22 euros (selon les États membres).

Un relèvement des seuils de minimis au profit des voyageurs arrivant par la voie aérienne et concernant les colis entrants pourrait, notamment dans le secteur des biens de consommation, aider les PME, en particulier les jeunes entreprises, à s’engager dans la voie de l’exportation à petite échelle ou à recourir au commerce électronique sans qu’elles aient à payer de droits de douane. Le CESE demande à la Commission européenne d’évaluer la faisabilité de cette demande (conséquences sur les recettes provenant des droits de douane, sur les droits de propriété intellectuelle, etc.). Le CESE salue l’initiative de l’Union européenne de créer une base de données sur les «10 choses à savoir pour faire du commerce en ligne» (16) à destination des opérateurs européens qui exportent leur biens dans d’autres États membres de l’Union européenne. Le Comité est d’avis qu’une telle base de données peut aussi être adaptée au commerce transatlantique.

3.4.    Un accès nécessaire à toutes les informations pertinentes sur un portail multilingue

Le CESE soutient la demande de la Commission européenne concernant la création d’un portail destiné aux PME et souhaite formuler les demandes suivantes:

toutes les informations devraient être disponibles dans les 24 langues officielles de l’Union européenne,

le logiciel devrait être aussi simple que possible et d’une utilisation aisée,

un échantillon de PME de l’Union européenne devrait tester le fonctionnement de la base de données pour garantir que cet outil répond à leurs besoins,

la base de données devrait également comporter une interface humaine, avec une équipe chargée de répondre aux questions des deux côtés de l’Atlantique.

Le rapport de la Commission sur les PME et le PTCI laisse clairement apparaître qu’une grande partie des entreprises, tout en connaissant les mesures qui s’appliquent à leurs exportations, ne peuvent pas savoir s’il s’agit de mesures fédérales, de mesures des États fédérés ou de normes privées. Il importe par conséquent que les autorités puissent détecter de manière régulière quelles sont les procédures et réglementations perçues comme particulièrement difficiles pour les PME et prévoir des fiches spécifiques d’explication et de description des démarches à suivre pour se conformer aux exigences requises.

3.5.    Un Comité PME représentatif et doté de prérogatives précises

Le CESE se félicite que le dialogue qui existe déjà soit institutionnalisé par les autorités responsables des PME au niveau européen et américain. Il considère cependant, qu’il est nécessaire d’avoir une représentation adéquate des organisations représentant les PME dans le dialogue transatlantique qui leur est consacrée et de ne pas limiter la composition du futur Comité PME aux seules administrations nationales, mais de l’ouvrir aux organisations représentatives des PME/TPE et microentreprises de part et d’autre de l’Atlantique. Certaines dispositions générales portant sur les PME auront également des incidences significatives pour leurs salariés et les consommateurs de leurs produits. Il convient dès lors que des représentants de ces parties prenantes soient présents en tant que conseillers au sein du futur Comité PME, afin que leurs intérêts puissent, dès le départ, être pris en compte comme il convient.

Le CESE propose que les attributions du futur Comité PME soient les suivantes: surveiller les conditions d’application du PTCI aux PME/TPE et microentreprises et leurs répercussions sur leurs employés et les consommateurs de leurs produits, mener des études d’impact, émettre des propositions pour résoudre les difficultés rencontrées par les PME/TPE et les microentreprises ainsi que par leurs employés et les consommateurs de leurs produits, organiser la communication en direction de ces entreprises, etc.

3.6.    Une campagne d’information aux niveaux national et régional

Il est essentiel que les PME aient accès à des informations correctes si l’on veut qu’elles puissent bénéficier des nouvelles perspectives commerciales offertes par le PTCI, qu’il s’agisse de la suppression des droits de douane, de la facilitation des échanges ou de la coopération en matière de réglementation, débouchant sur un rapprochement ou une reconnaissance mutuelle des évaluations de conformité, des qualifications et des réglementations relatives au droit du travail.

Ces informations ne peuvent être fournies par le seul canal de sites internet. Afin que les PME connaissent davantage les instruments et initiatives de soutien public qui sont disponibles et les comprennent mieux, il conviendrait de mettre en œuvre, à leur intention, une campagne d’information réunissant des spécialistes du commerce international et des experts en matière d’exportation et d’investissement aux États-Unis. Elles ignorent encore largement les outils existants qui peuvent contribuer à leur internationalisation, tels que la base de données sur l’accès aux marchés et le réseau Enterprise Europe. Pour parvenir à s’internationaliser et se développer à l’étranger, elles doivent commencer par déployer des efforts dans leurs pays d’origine; par conséquent, il convient d’être attentif aux ressources et à l’aide qui pourraient leur être accordées au niveau des États membres et, éventuellement, de l’Union européenne.

Le CESE recommande également la création d’un réseau d’associations de PME européennes et américaines, ayant pour mission de promouvoir le PTCI selon une véritable approche ascendante.

3.7.    Un approfondissement de la politique européenne en faveur des PME

3.7.1.

Il est important que le PTCI ne soit pas considéré comme un moyen de démanteler le traitement préférentiel qui est réservé aux PME dans le cadre de contrats de marchés publics aux échelons local et régional. Le PTCI devrait maintenir de telles priorités, pour autant qu’elles s’appliquent indistinctement aux PME européennes et américaines.

3.7.2.

En outre, il est capital que, dans le processus de négociations ainsi qu’en matière de coopération réglementaire, le principe du «Think small first» (penser aux petits d’abord) soit respecté, de manière que les priorités et les réalités des petites et microentreprises soient prises en compte dès le lancement du processus législatif et que leurs intérêts spécifiques soient sauvegardés. À cette fin, le CESE demande que les petites et microentreprises soient spécifiquement représentées dans le groupe de conseil (TTIP Advisory Board).

3.7.3.

Concernant la coopération réglementaire, un soutien sur mesure doit pouvoir être offert aux PME, en particulier les petites et microentreprises, pour les aider à se conformer aux réglementations.

3.7.4.

Il convient de souligner qu’un grand nombre des entreprises susceptibles d’investir ou d’exporter sur le marché transatlantique sont des entreprises qui innovent et qu’elles ont besoin de règles strictes et compréhensibles en matière de protection de la propriété intellectuelle, tant aux États-Unis que dans l’Union européenne.

3.7.5.

En ce qui concerne le secteur agroalimentaire, il est nécessaire de porter une attention particulière aux entreprises qui basent leur production et les processus associés sur des considérations éthiques, culturelles et environnementales. Il est essentiel de continuer à promouvoir le commerce de ces produits contribuant au développement durable. Il est également nécessaire d’assurer une protection adéquate des indications géographiques, qui représentent une garantie pour le consommateur, tant sur l’origine des produits que sur les méthodes de production. L’Union européenne bâtit depuis des années une politique de qualité pour ses produits, laquelle constitue l’un de ses plus grands atouts, puisqu’elle confère un avantage concurrentiel à ses producteurs, contribue de manière importante à la préservation de sa tradition culturelle et gastronomique, et favorise le développement rural ainsi que les mesures de soutien au marché et au revenu des producteurs.

3.7.6.

Le CESE examine dans un autre avis les expériences SBA aux États-Unis et dans l’Union européenne, afin de bien comprendre les avantages que le SBA américain offre aux PME américaines en matière d’accès aux marchés publics ou au financement, par exemple. Cet exercice permettra, le moment venu, de proposer des améliorations au SBA européen et des méthodes de travail plus efficaces en ce qui le concerne, afin de le rendre plus favorable aux PME européennes et plus contraignant.

Bruxelles, le 2 juillet 2015.

Le président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  DG Trade Chief Economist Note «SMEs are more important than you think! Challenges and opportunities for “EU” exporting SMEs» (http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2014/september/tradoc_152792.pdf).

(2)  Small and Medium Sized Entreprises and the Transatlantic Trade and Investment Partnership (http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2015/april/tradoc_153348.pdf).

(3)  Voir note 1 de bas de page.

(4)  https://www.sba.gov/sites/default/files/files/Size_Standards_Table.pdf

(5)  JO C 424 du 26.11.2014, p. 9.

(6)  Voir note de bas de page 1.

(7)  L’internationalisation des PME — Rapport final 2010, Annual report on European SMEs 2013/2014 («Rapport annuel 2013/2014 sur les PME européennes»), http://ec.europa.eu/growth/smes/business-friendly-environment/performance-review/files/supporting-documents/2014/annual-report-smes-2014_en.pdf, p. 62.

(8)  Voir note 7 de bas de page.

(9)  United States International Trade Commission (USITC), Small and Medium-Sized Enterprises: Overview of Participation in U.S. Exports (Petites et moyennes entreprises: le poids des PME dans les exportations américaines), http://www.usitc.gov/publications/332/pub4125.pdf, 2010.

(10)  Atlantic Council, The Transatlantic Trade and Investment Partnership — Big Opportunities for Small Business (Le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement — De grandes perspectives pour de petites entreprises), http://www.atlanticcouncil.org/images/publications/TTIP_SME_Report.pdf, p. 3.

(11)  OMC, wt/COMTD/AFT/W/53, p. 23.

(12)  Atlantic Council, «The Transatlantic Trade and Investment Partnership — Big Opportunities for Small Business» («Le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement — De grandes perspectives pour de petites entreprises»), http://www.atlanticcouncil.org/images/publications/TTIP_SME_Report.pdf, p. 3; «Small and Medium Sized Entreprises and the Transatlantic Trade and Investment Partnership», http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2015/april/tradoc_153348.pdf; «Small companies in a big market», http://www.svensktnaringsliv.se/english/publications/small-companies-in-a-big-market-how-a-free-trade-agreement-betwee_611404.html

(13)  http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2015/january/tradoc_153028.pdf

(14)  https://www.sba.gov/sites/default/files/files/Size_Standards_Table.pdf

(15)  Parlement européen, commission de l’industrie, de la recherche et de l’énergie, «TTIP Impacts on European Energy Markets and Manufacturing Industries», http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2015/536316/IPOL_STU(2015)536316_EN.pdf, 2015.

(16)  https://ec.europa.eu/growth/tools-databases/dem/watify/selling-online?language=en


17.11.2015   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 383/44


Avis du Comité économique et social européen sur «Les objectifs de l’après-2015 dans la région euro-méditerranéenne»

(avis d’initiative)

(2015/C 383/07)

Rapporteure:

Mme An LE NOUAIL MARLIÈRE

Le 22 janvier 2015, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l’article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d’élaborer un avis d’initiative sur:

«Les objectifs de l’après-2015 dans la région euro-méditerranéenne».

La section spécialisée «Relations extérieures», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 11 juin 2015.

Lors de sa 509e session plénière des 1er et 2 juillet 2015 (séance du 1er juillet 2015), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 57 voix pour, 22 voix contre et 7 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE recommande aux États membres de l’Union pour la Méditerranée (UpM) et à l’Union européenne de valider les objectifs de développement durable (ODD) convenus en organisant la ratification des conventions internationales afférentes.

1.2.

Le CESE recommande aux États membres de l’UpM et à l’Union européenne de protéger solidement les investissements publics nécessaires à la réalisation des ODD.

1.3.

Le CESE recommande aux États membres de l’UpM et à l’Union européenne d’organiser la mise en œuvre en associant la société civile et les territoires au niveau local, au plus près des populations.

1.4.

Le Comité prend note des conclusions du Conseil «Affaires étrangères et relations internationales» du 26 mai 2015 et du rapport annuel 2015 de la Commission européenne sur les engagements et les résultats de l’Union européenne et des États membres en matière d’aide publique au développement.

1.5.

Il déplore toutefois que l’Union européenne se donne jusqu’à 2030 pour atteindre l’objectif de 0,7 % du produit intérieur brut (PIB) (1).

1.6.

Le Comité soutient l’Union européenne dans son intention de renforcer les aspects non financiers (ratifications des instruments juridiques internationaux, lutte contre la criminalité financière).

1.7.

Il l’incite à défendre une position cohérente entre les intérêts commerciaux bi-, pluri- et multilatéraux et les objectifs du développement durable, afin de préserver la crédibilité des objectifs autant que de l’aide européenne.

1.8.

Le Comité recommande de prolonger le dialogue entre les partenaires sociaux et les institutions européennes de la formation professionnelle et de la formation tout au long de la vie, auquel il a dûment été invité à participer et qu’il a contribué à établir (2), ainsi que les programmes d’action en la matière.

1.9.

Le Comité préconise que ces recommandations soient incluses dans le programme de l’Union européenne et dans sa politique de voisinage: cohérence entre les politiques commerciale, extérieure, de développement, de financement et de protection de la démocratie et des droits humains, conformément aux engagements de la vice-présidente de la Commission, Federica MOGHERINI, devant la société civile le 28 mai 2015 (3).

2.   Introduction

2.1.

L’agenda européen et mondial des prochaines années sera marqué par le débat sur les ODD pour l’après-2015. La région euro-méditerranéenne présente des caractéristiques communes spécifiques qui rendent nécessaire une réflexion sur la manière d’intégrer les objectifs de développement durable dans la politique européenne de voisinage et dans les politiques des pays du sud de la Méditerranée. La sécurité alimentaire, la pauvreté et l’exclusion sociale, la pénurie affectant l’accès à l’eau, la situation particulière des pays en transition démocratique et économique dans la région, la nécessité de restaurer la paix et la sécurité rendent utile un avis du CESE, dont l’objet sera de définir des lignes directrices pour la mise en œuvre et le suivi de l’agenda de l’après-2015 en Méditerranée.

2.2.

En facilitant l’identification des défis concrets et en élaborant des propositions pour la région euro-méditerranéenne avec la société civile, le CESE peut utilement conseiller les gouvernements de cette région meurtrie et les institutions européennes.

2.3.

Par le présent avis, le CESE entend également prolonger les travaux qu’il a effectués sur les objectifs de développement durable en général et concernant cette région géographique précise: les rives de la mer Méditerranée.

2.4.

Le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU) a remis un rapport de synthèse des contributions retenues par le groupe de travail ouvert chargé d’examiner des objectifs universels pour le développement durable après 2015, résultant de l’adoption de la déclaration des gouvernements intitulée «Quel avenir voulons-nous?» après la conférence Rio+20, et qui instituait la décision de transformer les objectifs du millénaire, spécifiques aux pays en développement, en objectifs universels — bien que différenciés — qui concerneraient l’ensemble de l’humanité, tant dans les pays industrialisés que dans les pays émergents, en développement ou moins avancés. De larges consultations ont eu lieu à différents niveaux régionaux et sous-régionaux, et les principaux groupes de la société civile organisée représentés à l’ONU ont eu l’occasion d’y participer et d’y faire valoir leur intérêt. Dix-sept objectifs et 169 cibles ont été retenus concernant «les moyens de la mise en œuvre et le partenariat mondial pour le développement soutenable».

2.5.

Deux événements d’importance, indissociables des objectifs pour le développement durable après 2015, doivent avoir lieu en 2015: une conférence internationale sur le financement du développement, en juillet 2015 à Addis-Abeba, et la 21e Conférence des parties à la convention-cadre de lutte contre le changement climatique, à la fin de 2015 à Paris.

2.6.

Ce programme de développement durable pour l’après-2015 a pour ambition d’établir un cadre pour les futures actions des Nations unies sur le terrain, avec une nouvelle orientation vers l’égalité, l’intégration sociale et le travail décent, en préservant tout à la fois les sources de revenus durables pour les personnes qui travaillent, l’environnement, et le rythme de renouvellement des ressources biologiques et naturelles. Toutefois, ce programme part de la constatation que le paradigme économique qui gouverne nos sociétés n’est pas durable. Cela signifie que les dirigeants mondiaux auront à maintenir une grande ambition. La situation telle qu’elle se présente au niveau économique, social, environnemental et, en fin de compte, politique n’est absolument pas tenable dans de nombreuses parties du monde, et c’est particulièrement le cas dans cette région euro-méditerranéenne. Pour atteindre les ODD, beaucoup soutiennent qu’il faudrait à tout le moins modifier les principes économiques et financiers qui dirigent actuellement les économies, afin de changer la donne.

2.7.

Au nord de la rive méditerranéenne, des pays de l’Europe du Sud connaissent des situations sociales et économiques qui ne sont plus acceptées par les citoyens et qui ne permettent pas de traiter les impératifs environnementaux et climatiques qui offriraient des perspectives aux citoyens européens de construire un autre espace environnemental, économique et social. Les jeunes, en dépit de l’investissement effectué dans leur éducation par le système national ou européen, ne bénéficient pas d’un cadre d’opportunités pour s’épanouir et contribuer à renforcer la compétitivité économique, sociale et environnementale de l’Union européenne.

2.8.

Peu d’emplois sont créés depuis 2008; tout au contraire, de nombreux emplois ont été détruits et le rythme de création ne suit pas l’évolution démographique ni l’arrivée sur le marché des diplômés, ce qui entraîne le rejet de politiques d’austérité sans perspectives. Les politiques et les services publics relatifs à l’éducation, à la santé, aux transports et au logement pâtissent des orientations d’austérité alors même que la réalisation des objectifs du développement durable requiert le renforcement de ces services. Le nombre de sans-abri et de mal-logés ne cesse de croître dans l’Europe des Vingt-huit, la plupart des emplois pourvus le sont de manière exagérément flexible, précaire et sans avenir. Le nombre de stagiaires peu ou mal rémunérés explose, on assiste à une radicalisation de la société européenne, à l’intolérance, au rejet de l’autre, à l’incompréhension, le fossé intergénérationnel se creuse, l’individualisme et la survie mènent au clivage entre classes politiques professionnalisées et citoyens désemparés.

2.9.

Au sud de la mer Méditerranée, on a assisté au rejet des dictatures qui avaient confisqué le profit économique, la liberté d’expression, l’égalité entre citoyens. Plusieurs pays ont varié leur mode de transition, allant de l’exemple espéré de consensus national pour la démocratie à la reprise en main autoritaire par une classe militaire omnipotente. Des groupes radicalisés en ont profité soit pour procéder à des occupations armées, soit pour se redéployer en régimes criminels. Une partie de l’Afrique est maintenant sous cette menace permanente, le Proche et le Moyen-Orient connaissent tout à la fois les plus grands déplacements de populations et des recompositions d’influences militaires et politiques. Bref, les populations civiles ne connaissent plus de répit.

2.10.

Il est vraisemblable qu’aucun objectif de développement durable ne pourra être crédible dans ces conditions pour rétablir la paix, pour faire prospérer le bien-être matériel et développer économiquement la région. Aucun investissement ne saurait être durablement attiré, demeurer et prospérer dans des régions instables aux niveaux démocratique, social et environnemental. Par ailleurs le développement économique n’ayant pendant de longues décennies profité qu’à une minorité de familles, de personnes ou de dictateurs, les institutions capables de fonctionner de manière juste, transparente et démocratique sont mises à mal.

3.   Environnement

3.1.

Les faits montrent que la région euro-méditerranéenne est vulnérable aux catastrophes naturelles, que ce soit sur la terre ferme ou en mer. Selon un rapport datant de 2013, l’environnement côtier de la Méditerranée fournit les moyens de subsistance à au moins 150 millions de personnes. Le même rapport cite le Programme des Nations unies pour le développement (PNUE), qui recense le long des côtes méditerranéennes 13 usines à gaz, 55 raffineries, 180 centrales électriques, 750 ports de plaisance, 286 ports de commerce, 112 aéroports et 238 usines de dessalement, qui, pour la plupart, sont des sources potentielles de situations d’urgence environnementale. Le rapport indique également que la mise en place de mesures appropriées pour atténuer les conséquences en cas de catastrophes naturelles ou d’origine humaine est une priorité absolue pour l’ensemble de la région (4).

4.   Emploi

4.1.

Le commissaire Johannes HAHN, dans son allocution du 28 mai, a insisté sur la nécessité de créer 5 millions d’emplois nouveaux chaque année pour donner du travail à une main-d’œuvre croissante et pour assurer l’inclusion sociale. Il a également rappelé que, pour atteindre cet objectif, la région devra s’assurer d’une croissance économique au-dessus de 6 %.

4.2.

La promotion d’un emploi décent (objectif 8) doit en être la clé, car l’emploi de piètre qualité (précaire, mal rémunéré, sans protection sociale durable et universelle) est une racine de la pauvreté. On doit donc à nouveau se concentrer sur la qualité de la croissance, des conditions d’emploi et de travail sûres et saines ainsi qu’une protection sociale pour les travailleurs et pour leurs familles en tant qu’instrument essentiel de lutte contre la pauvreté et l’exclusion.

5.   Les sources privées de financements

5.1.

La contribution du secteur privé à des partenariats commerciaux de développement industriel, pour être productive et efficace, doit être assortie d’un agenda pour le travail décent qui soit plus intransigeant sur la satisfaction des conditions de travail qu’il ne l’a été jusqu’à présent. Les emplois créés doivent être plus que jamais de qualité, bien rémunérés, respectueux de l’environnement et de la santé humaine et être garantis par une protection sociale efficace (5). Cet aspect est particulièrement important pour la région du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, où le taux de chômage des jeunes est parmi les plus élevés au monde et en augmentation constante, ce qui explique la proportion importante de jeunes NEEF (ni emploi, ni études, ni formation). La garantie d’un revenu minimal de sécurité pour les personnes travaillant dans le secteur informel est essentielle pour la stabilité sociale et politique et la prévention des conflits, car elle permet de réduire la radicalisation et l’extrémisme et contribue ainsi à la stabilité politique et à la sécurité (6). Éducation initiale et formation continue, égalité, participation des jeunes et des femmes au marché du travail, aspiration des citoyens à être respectés, droit d’expression, salaires décents, conditions de sécurité, préservation de l’environnement et de la santé publique, éducation des jeunes enfants et solidarité intergénérationnelle sont des aspirations communes aux deux rives. Ces aspirations doivent pouvoir être garanties par les gouvernements sans menace d’arbitrage supranational protégeant unilatéralement les intérêts particuliers, avec toute l’importance qu’on pourrait souhaiter donner au commerce international pour le financement des objectifs universels (7).

6.   Moyens de mise ne œuvre et suivi des objectifs

6.1.

Les négociations multilatérales à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) mettent au premier plan le commerce comme moyen de mise en œuvre pour le développement durable vertueux. Cependant, plusieurs négociations en cours démontrent le manque de cohérence entre certains objectifs du libre commerce et la réalisation des objectifs du développement durable: accords sur les services prévoyant de libéraliser ou de privatiser de nombreux services publics accessibles au plus grand nombre de citoyens et nécessaires à la réalisation des objectifs, accord sur les biens environnementaux, transferts de technologies, droits de propriété industrielle, accord sur les nouvelles technologies de l’information, sur les industries extractives et d’exploitation des sous-sols, instances de règlement des différends entre entreprises multinationales et États, nombreux sont les domaines où les objectifs vertueux sont rendus peu crédibles par les tractations entre puissances commerciales et étatiques.

6.2.

La politique commerciale doit laisser aux pays en développement une marge de manœuvre politique — y compris la capacité à se concentrer sur les conséquences sur le chômage, les personnes vulnérables, l’égalité entre hommes et femmes et le développement durable — plutôt que de promouvoir la libéralisation comme une fin en soi. À cette fin, nous prônons une révision complète de tous les accords commerciaux et de tous les traités d’investissement afin de recenser tous les domaines dans lesquels ils peuvent limiter la capacité des pays en développement à prévenir et à gérer les crises, réguler les flux de capitaux, protéger le droit à un revenu et à des emplois décents, faire appliquer une fiscalité équitable, fournir les services publics fondamentaux et assurer un développement durable.

6.3.

Les gouvernements devraient être tenus de procéder à des évaluations d’impact sur les droits de l’homme des accords multilatéraux, plurilatéraux et bilatéraux en matière de commerce et d’investissement, en mettant l’accent en particulier sur les droits au développement et les droits spécifiques, tels que le droit à l’alimentation, à la santé et à un revenu décent, et en tenant compte de l’impact sur les groupes marginalisés. Cela supposerait de mettre en œuvre le projet de résolution voté par le Conseil des droits de l’homme à Genève en juin 2014 et de mettre en place un groupe de travail chargé d’élaborer un instrument juridique imposant des obligations internationales en matière de droits de l’homme pour les sociétés transnationales.

6.4.

Pendant une période à déterminer au cours de laquelle on pourrait considérer que le monde est en recouvrement post-crises 2008 (financière) et 2011 (démocratique), les investissements utiles à l’emploi et à l’environnement et ayant trait aux objectifs du développement après 2015 devraient être soustraits du comptage des déficits publics, être considérés comme des investissements d’intérêt commun, universels, durables et soutenables, être financés à taux nul et être interdits aux fonds spéculatifs.

6.5.

La lutte contre l’évasion fiscale et l’évitement fiscal, contre les flux financiers illicites destinés au blanchiment d’argent provenant d’activités illégales, y compris du travail informel, de la traite de migrants, de l’exportation de déchets non valorisés, doit permettre de dégager les ressources supplémentaires nécessaires à la mise en œuvre des ODD (8).

6.6.

Enfin, on doit considérer que les instruments juridiques internationaux existants sont autant de moyens de mise en œuvre et que si quelques conventions — celles de l’Organisation internationale du travail (OIT), fondamentales, relatives au travail, la convention des Nations unies du 18 décembre 1979 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la convention de protection des travailleurs migrants et de leur famille, la convention C189 de protection des travailleurs et travailleuses domestiques, la convention C184 sur la sécurité et la santé dans l’agriculture, le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et son protocole facultatif, pour ne citer que ces exemples — étaient ratifiées et transposées dans le droit positif de tous les États membres de l’UpM, elles constitueraient des moyens de mise en œuvre de premier choix non financiers qui assureraient déjà en elles-mêmes une protection de droit (de jure) des personnes, indispensable et nécessaire à la réalisation de fait (de facto) de nombreux objectifs du développement durable.

Objectifs de développement durable (9):

 

Objectif no 1: Éliminer la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans le monde

 

Objectif no 2: Éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l’agriculture durable

 

Objectif no 3: Permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge

 

Objectif no 4: Assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie

 

Objectif no 5: Parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles

 

Objectif no 6: Garantir l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement et assurer une gestion durable des ressources en eau

 

Objectif no 7: Garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes à un coût abordable

 

Objectif no 8: Promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable, le plein emploi productif et un travail décent pour tous

 

Objectif no 9: Bâtir une infrastructure résiliente, promouvoir une industrialisation durable qui profite à tous et encourager l’innovation

 

Objectif no 10: Réduire les inégalités dans les pays et d’un pays à l’autre

 

Objectif no 11: Faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables

 

Objectif no 12: Établir des modes de consommation et de production durables

 

Objectif no 13: Prendre d’urgence des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions (10)

 

Objectif no 14: Conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins d’un développement durable

 

Objectif no 15: Préserver et restaurer les écosystèmes terrestres, en veillant à les exploiter de façon durable, gérer durablement les forêts, lutter contre la désertification, enrayer et inverser le processus de dégradation des terres et mettre fin à l’appauvrissement de la biodiversité

 

Objectif no 16: Promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et ouvertes à tous aux fins du développement durable, assurer l’accès de tous à la justice et mettre en place, à tous les niveaux, des institutions efficaces, responsables et ouvertes à tous

 

Objectif no 17: Renforcer les moyens de mettre en œuvre le partenariat mondial pour le développement durable et le revitaliser.

6.7.

Le 28 mai 2015, le Comité des régions et le Comité économique et social européen ont organisé conjointement avec la Commission européenne un forum de la société civile Euromed, au cours duquel sont intervenus le commissaire Johannes HAHN et la vice-présidente de la Commission, Federica MOGHERINI, ainsi que le président du Parlement européen.

6.8.

Lors de ce forum, destiné à débattre des orientations nouvelles de la politique de voisinage de l’Union européenne, le commissaire Johannes HAHN a rappelé les différents fonds qui ont été directement alloués à la crise humanitaire en Syrie et dans les pays limitrophes — 52 millions d’euros au titre de l’instrument de voisinage pour la société civile (Neighbourhood Civil Society Facility) — et décrit les actions engagées, auxquelles il faut ajouter 40 millions d’euros au titre du Fonds régional d’affectation spéciale de l’Union européenne.

6.9.

Enfin, on doit se référer à l’agenda européen en matière de migration qui a été publié par la Commission européenne deux semaines après le sommet des chefs d’État et qui propose une répartition concrète des actions de réinstallation et d’accueil des réfugiés, au titre de l’article 78, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) (11).

Bruxelles, le 1er juillet 2015.

Le président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  Commissaire Neven Mimica, 508e session plénière du CESE, 28 mai 2015.

(2)  http://www.etf.europa.eu/web.nsf/pages/home

(3)  http://eeas.europa.eu/statements-eeas/2015/150528_01_fr.htm

(4)  http://www.preventionweb.net — Programme de partenariat euro-méditerranéen (PPRD Sud), février 2013.

(5)  Voir l’avis du CESE sur «La protection sociale dans la politique du développement» (JO C 161 du 6.6.2013, p. 82).

(6)  Les objectifs de l’après-2015 dans la région euro-méditerranéenne, audition organisée par le CESE, 22 mai 2015 — Une vision solidaire pour l’après-2015.

(7)  Avis du CESE, REX/441(voir page 49 du présent Journal officiel).

(8)  1  000 milliards de dollars au moins selon les sources, Banque mondiale, Fonds monétaire international (FMI), transparency.org, etc.

(9)  Conformément à l’avant-projet de document final du sommet des Nations unies consacré à l’adoption du programme de développement pour l’après-2015, dans sa version de janvier 2015.

(10)  Étant entendu que la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques est la principale structure intergouvernementale et internationale de négociation de l’action à mener à l’échelle mondiale face aux changements climatiques.

(11)  http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/what-is-new/news/news/2015/20150527_02_en.htm


17.11.2015   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 383/49


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Financement du développement — La position de la société civile»

(avis d’initiative)

(2015/C 383/08)

Rapporteur:

M. Ivan VOLEŠ

Le 18 février 2015, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l’article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d’élaborer un avis d’initiative sur le thème:

«Financement du développement — La position de la société civile».

La section spécialisée «Relations extérieures», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 11 juin 2015.

Lors de sa 509e session plénière des 1er et 2 juillet 2015 (séance du 2 juillet 2015), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 142 voix pour, aucune voix contre et 3 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE demande que le nouveau programme de développement revête une dimension mondiale et vise à améliorer la qualité de vie des femmes et des hommes. Ce programme doit se fonder sur le respect des droits de l’homme, la prévention des conflits et leur résolution pacifique, la bonne gestion des affaires publiques, la réduction des inégalités sociales, le renforcement du rôle des femmes et la participation de tous ceux qui se sentent responsables du développement du monde et de sa préservation pour les générations futures.

1.2.

Le CESE approuve l’adoption des objectifs proposés de développement durable et demande de mobiliser l’ensemble des ressources financières disponibles et d’utiliser celles-ci de manière transparente et efficace afin d’intégrer de manière équilibrée les dimensions économique, sociale et environnementale du développement durable. Il est nécessaire de lutter contre le gaspillage de ressources dans des conflits armés, leur transfert illicite et leur dissipation dans l’économie souterraine.

1.3.

Le CESE demande de faire figurer la promotion du dialogue social parmi les priorités en matière de développement, car il s’agit d’un instrument important pour prendre en compte de manière équilibrée les intérêts des partenaires sociaux et maintenir ainsi la paix sociale indispensable pour réussir à mettre en œuvre les objectifs de développement durable (ODD).

1.4.

L’aide publique au développement (APD) doit être destinée notamment aux pays les moins avancés et aux pays vulnérables. L’Union européenne devrait réaffirmer son engagement d’octroyer une APD totale à hauteur de 0,7 % de son RNB et d’en consacrer 0,15 à 0,20 % en faveur des pays les moins avancés. Cet engagement doit être lié à l’exigence de régularité et de rationalité de l’utilisation de toutes les sources de financement de l’aide au développement conformément aux principes adoptés à Monterrey, Doha et Busan.

1.5.

Il convient de ne pas évaluer l’APD uniquement en fonction de son volume, mais aussi d’en jauger la qualité et la contribution au développement durable. À cette fin, il est nécessaire de concevoir de nouveaux indicateurs pour en évaluer l’efficacité.

1.6.

Afin d’accroître l’efficacité de l’aide budgétaire aux pays en développement, le CESE recommande de mettre à profit l’expérience de la mise en œuvre de la politique de cohésion de l’Union européenne et de ses instruments, tels que les Fonds structurels et les fonds de cohésion, afin d’utiliser ces moyens financiers en faveur du développement de manière ciblée pour la réalisation des ODD.

1.7.

Afin d’améliorer l’utilisation des ressources nationales, qui gagneront en importance, qu’elles soient publiques ou privées, il est nécessaire de réaliser une réforme fiscale radicale, d’instaurer une bonne gouvernance fiscale, d’intégrer le secteur informel à l’économie légale et de mener une lutte sans merci pour combattre et prévenir la corruption. Ces démarches pourraient bénéficier de la conclusion d’accords internationaux sur la lutte contre l’évasion fiscale, les paradis fiscaux et les flux financiers illicites, ainsi que de l’amélioration de la coopération avec l’OCDE et le Comité d’experts de la coopération internationale en matière fiscale de l’ONU.

1.8.

Le CESE approuve la participation du secteur privé à la réalisation de projets irréalisables, pour tout ou partie, d’un point de vue commercial au moyen de partenariats des secteurs public et privé et du financement de projets de PPP grâce au panachage (blending). Le succès de leur réalisation repose sur l’évaluation ex ante de leur caractère durable, le respect des principes de transparence, y compris en matière d’établissement de rapports, de responsabilité partagée et d’engagements contraignants.

1.9.

Le CESE reconnaît l’apport que peuvent constituer les investissements directs étrangers pour le développement, pour autant que ceux-ci soient orientés vers la réalisation des ODD. Les revenus des investissements directs étrangers devraient être prioritairement réinvestis dans les pays en développement où ils ont été générés. Les pays bénéficiaires devraient disposer d’une stratégie claire d’investissement. Les nouveaux États investisseurs, tels que la Chine, le Brésil, l’Inde et d’autres, devraient prendre en considération les principes du développement durable dans le cadre de leurs investissements dans les pays en développement.

1.10.

Le CESE soutient les sources innovantes et complémentaires de financement du développement, telles que le financement participatif, les activités des fonds caritatifs internationaux, les transferts d’épargne des diasporas vers leurs pays d’origine. Il accueille favorablement certaines propositions du Groupe pilote sur les financements innovants pour le développement, qui pourraient devenir une ressource importante, à condition qu’ils soient mis en œuvre à l’échelle mondiale et qu’ils n’imposent pas de contraintes excessives au secteur concerné.

1.11.

La société civile, qui rassemble également les partenaires sociaux et les organisations non gouvernementales, doit être associée de manière bien plus efficace et structurée à la définition des programmes de développement, au suivi de leur réalisation et à l’évaluation de leurs résultats et de leurs retombées. C’est pourquoi il convient, tant dans les pays en développement que dans les pays développés, de créer et d’améliorer de manière systématique un système de contrôle des processus de l’aide au développement et d’y faire participer les organisations concernées de la société civile. Dans cette perspective, le CESE met à disposition sa vaste expérience de coopération avec ses partenaires des pays ACP, d’Amérique latine, d’Asie, du partenariat oriental, de la région euro-méditerranéenne et autres.

1.12.

Afin que la société civile puisse s’acquitter de cette tâche, il y a lieu de la soutenir grâce à des programmes de renforcement des capacités des institutions de la société civile dans les pays partenaires.

2.   Les positions essentielles du CESE sur le programme de développement pour l’après-2015

2.1.

L’année 2015 est cruciale pour la définition d’une nouvelle approche du développement au plan mondial. Les objectifs du Millénaire pour le développement n’ont que partiellement accompli leur mission principale, à savoir la réduction de la pauvreté. Les nouveaux objectifs de développement durable (ODD) (1) devraient apporter les changements fondamentaux que le CESE appelle de ses vœux depuis longtemps. Le Comité se félicite de l’intégration aux ODD d’un certain nombre de ses recommandations.

2.2.

Le CESE avait demandé dans ses avis récents que les nouveaux objectifs de développement deviennent partie intégrante du développement durable à l’échelle mondiale (2); il avait fait valoir le rôle irremplaçable que joue la société civile dans la politique de développement (3); il avait fait état de la nécessité d’inclure la protection sociale dans la politique de développement de l’Union européenne (4) et il avait exposé une série de propositions en faveur de la participation du secteur privé au développement pour l’après 2015 (5), de l’inclusion des objectifs de développement durable et du rôle de la société civile dans les accords d’investissement de l’Union européenne (6), de la contribution du commerce à la croissance et au développement (7) et des objectifs de l’après-2015 dans la région euro-méditerranéenne (8). Lors de leur réunion extraordinaire conjointe du 20 octobre 2014, la section spécialisée REX et l’Observatoire du développement durable du CESE ont adopté des recommandations relatives au programme de développement durable pour l’après-2015, valables pour les négociations à venir sur les ODD et leur financement.

2.3.

Le dialogue social doit devenir un élément important du programme de développement pour l’après-2015, car il s’agit d’un instrument qui permet de régler les relations entre employeurs et travailleurs et de maintenir, grâce à une prise en compte équilibrée des intérêts des partenaires sociaux, la paix sociale indispensable à la réussite du développement continu d’une société donnée.

2.4.

Le CESE insiste sur la nécessité d’assurer la cohérence entre objectifs du libre commerce et objectifs de développement durable lors des négociations en cours dans le cadre de l’OMC ou de celles que l’Union européenne engage actuellement sur les services, les biens environnementaux et dans le cadre de l’application des accords de l’OMC existants.

2.5.

Tout accord de commerce et d’investissement doit se conformer aux critères de développement durable, s’agissant notamment de leur impact sur l’emploi, les personnes vulnérables et l’égalité entre les sexes. Il ne saurait empêcher les pays en développement de gérer les crises, de réglementer les flux de capitaux, d’appliquer une imposition équitable et de fournir les services publics essentiels. L’Union européenne devrait être tenue de procéder à des évaluations complètes d’impact sur le développement durable en ce qui concerne notamment les APE, en mettant l’accent en particulier sur les droits au développement et les droits spécifiques tels que le droit à l’alimentation, à la santé et à une rémunération équitable, en tenant compte également de l’impact sur les groupes vulnérables.

2.6.

Le consensus mondial en faveur du développement durable doit respecter les droits fondamentaux de l’homme et s’attacher à prévenir les conflits et à consolider la paix, à éliminer les inégalités dans la sphère sociale, à assurer une bonne gestion des affaires publiques, à soutenir les collectivités locales démocratiques, à renforcer le rôle des femmes et à faire participer le secteur privé au développement. À cette fin, les États membres des Nations unies devraient adopter, promouvoir et ratifier les instruments juridiques, les conventions, les accords et les règlements internationaux (9). Nous considérons que la communication de la Commission européenne sur «Un partenariat mondial pour l’éradication de la pauvreté et le développement durable après 2015» (10) constitue une base adéquate pour les négociations à venir, où nous appelons l’Union européenne à jouer un rôle de premier plan.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE met en avant la nécessité d’une approche globale en matière de développement durable. C’est à chaque État qu’incombe en premier lieu la responsabilité de son développement et c’est à la communauté internationale qu’il appartient d’instaurer un environnement international propice, qui favorise le développement durable de tous les pays, qui englobe le respect des biens publics mondiaux, la préservation des ressources naturelles, des marchés financiers stables, un commerce international ouvert, des migrations ordonnées et un soutien ciblé du développement technologique au service du développement durable.

3.2.

La mobilisation de l’ensemble des ressources financières disponibles constitue une condition préalable à la réalisation des ODD. Selon les estimations de la Cnuced (11), les besoins annuels en investissements des pays en développement pour atteindre les objectifs de développement durable au cours de la période 2015-2030 s’élèvent à 3  900 milliards de dollars des États-Unis (USD), dont 2  500 milliards ne sont pas financés.

3.3.

Le CESE partage la conviction qu’il existe suffisamment de sources de financement disponibles dans le monde. Outre les ressources officielles (12), il existe des ressources occultes, telles que le financement de guerres et de conflits armés dans le monde. La disponibilité des ressources est également limitée par l’évasion fiscale, l’économie souterraine et les transferts financiers illicites, contre lesquels il convient de lutter de manière systématique.

3.4.

Il n’est pas possible de dissocier la recherche et la mobilisation des ressources de l’obligation de bien les utiliser. Il convient de continuer à s’appuyer sur les principes d’efficacité et d’efficience de l’aide au développement adoptés à Monterrey, Doha et Busan et de lutter résolument contre une utilisation prodigue et déraisonnable de toutes les formes que revêtent les ressources en faveur du développement, qu’elles soient financières ou non.

3.5.

Il convient d’évaluer l’aide au développement non seulement en fonction de son volume, mais aussi d’en jauger la qualité et la contribution à la réalisation des objectifs de développement durable et à l’amélioration de la vie des femmes et des hommes. À cette fin, il est nécessaire de créer de nouveaux indicateurs qui comprennent des critères d’évaluation et de renforcer les agences statistiques des pays en développement, y compris le transfert de savoir-faire et l’échange mutuel d’informations.

3.6.

Élargir la participation des organisations issues de tous les horizons de la société civile à l’élaboration des objectifs et des plans nationaux de développement contribuerait à concilier les intérêts du secteur privé et les objectifs publics. Ces secteurs partagent un intérêt commun, à savoir faire valoir les principes de transparence, d’ouverture des marchés publics, d’efficacité et de rationalité des moyens engagés et de responsabilité des agents publics pour la mise en œuvre de la stratégie de développement adoptée.

3.7.

Afin d’accomplir les tâches qui lui incombent en matière de développement, le secteur privé a besoin d’un climat entrepreneurial favorable recouvrant le respect des principes démocratiques généralement reconnus de l’État de droit, qui facilite la création et l’essor des entreprises, réduit la bureaucratie, renforce la transparence, enraye la corruption et encourage les investissements. Il s’impose que le secteur privé se conforme aux principes reconnus sur le plan international en matière de responsabilité sociale des entreprises, respecte les droits économiques et sociaux fondamentaux et les exigences du développement durable et crée de nouveaux emplois conformes à l’agenda pour un travail décent de l’OIT.

3.8.

Le CESE appelle à renforcer encore la coordination et la cohérence de toutes les politiques de l’Union européenne en rapport avec le développement durable (13), afin d’éviter les éventuels doubles emplois, les chevauchements, la fragmentation, voire même des approches contradictoires, ainsi qu’à approfondir une coordination systématique de l’aide bilatérale au développement octroyée par les États membres en vue de réaliser les ODD.

4.

Observations spécifiques

4.1.    L’aide publique au développement (APD)

4.1.1.

Bien que l’APD ne puisse pas satisfaire tous les besoins d’aide au développement, elle demeure indispensable pour les habitants des pays les moins avancés, des pays touchés par un conflit armé, menacés par des catastrophes naturelles ou des épidémies, et ceux qui vivent sur des îles isolées et dans des pays dépourvus d’accès à la mer.

4.1.2.

Il convient d’employer prioritairement les moyens issus de l’APD afin d’éradiquer la pauvreté dans les pays pauvres et vulnérables. Le CESE fait observer que la pauvreté a augmenté dans les pays à revenu intermédiaire du fait d’une répartition inégale des richesses. Il convient d’exploiter l’effet de levier de l’APD pour mobiliser toutes les sources d’aide, y compris les investissements privés, afin d’éradiquer la pauvreté.

4.1.3.

Le CESE demande à la Commission et au Conseil de convenir d’une position européenne commune et claire en matière d’APD en vue des négociations de la conférence d’Addis-Abeba. L’Union européenne devrait réaffirmer son engagement d’octroyer une APD totale à hauteur de 0,7 % de son RNB et de consacrer 0,15 à 0,20 % de son RNB à l’APD en faveur des pays les moins avancés. Le CESE attire l’attention sur le fait que les mesures de lutte contre le changement climatique, qui feront l’objet des négociations de la conférence de Paris en décembre 2015, nécessiteront des ressources supplémentaires.

4.1.4.

En tant que telles, les statistiques relatives au volume de l’APD ne font apparaître ni la qualité ni les résultats de l’aide octroyée, ni ses retombées réelles sur le développement du pays bénéficiaire. Le CESE approuve la proposition du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE de suivre aussi, outre l’APD, l’aide et le soutien au développement durable octroyés hors du cadre de l’APD (14). L’aide non financière a souvent des effets en termes de développement bien plus importants pour un pays que ceux d’une aide financière (par exemple l’éducation, les échanges d’expériences, les transferts de technologie et de savoir-faire, la coopération scientifique et technologique).

4.1.5.

L’aide budgétaire aux pays en développement devrait toujours avoir une affectation budgétaire précise et poser une responsabilité commune du donateur et du bénéficiaire quant à l’utilisation de cette forme d’aide pour réaliser les ODD dans le respect des règles reconnues au plan international en matière de gestion et de contrôle financiers, comprenant des clauses conditionnelles et des mesures fermes visant à combattre et à prévenir la corruption. Les financements de l’Union européenne devraient eux-mêmes être protégés de manière crédible contre la corruption. Le Comité recommande de mettre à profit l’expérience de la mise en œuvre de la politique européenne de cohésion, même dans les pays en développement, afin d’améliorer et de cibler davantage l’affectation des crédits de développement aux ODD et de contrôler plus rigoureusement leur utilisation et l’évaluation des résultats obtenus.

4.2.    Les ressources nationales

4.2.1.

Le CESE est convaincu que l’importance des ressources nationales pour le développement, aussi bien publiques que privées, croîtra sensiblement au cours de la période à venir.

4.2.2.

Pour accroître le volume et l’efficacité de l’utilisation des ressources nationales, il convient de lutter systématiquement contre les flux financiers illicites, le blanchiment d’argent provenant d’activités illégales, y compris du travail informel, de la traite de migrants, de l’exportation de déchets non valorisés, et d’améliorer le recouvrement de l’impôt, de lutter contre la corruption et les activités criminelles et d’intégrer le vaste secteur informel à l’économie légale. Il s’impose d’aider les pays en développement à réformer en profondeur leur fiscalité et à améliorer leur bonne gouvernance fiscale. Le CESE demande que l’Union européenne s’efforce plus activement d’obtenir la conclusion d’accords internationaux sur la lutte contre l’évasion fiscale, les paradis fiscaux et les flux financiers illicites, ainsi que d’améliorer la coopération avec le Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE et le Comité d’experts de la coopération internationale en matière fiscale de l’ONU.

4.2.3.

Aujourd’hui, le volume des investissements privés nationaux, qu’ils soient réalisés directement ou dans le cadre d’un portefeuille, est de plusieurs fois supérieur à celui des investissements étrangers. Il est nécessaire de les orienter vers des objectifs de développement, par exemple au moyen de mesures adéquates d’incitation ou par l’intermédiaire de projets en PPP bien préparés et assurés, pour qu’ils deviennent un instrument important pour atteindre les ODD.

4.2.4.

Tout particulièrement les pays en développement dotés de richesses minérales disposent d’un potentiel inexploité de ressources nationales, alors que la majorité de la population y vit dans la misère en dépit de l’importance relative des recettes de l’État, et qu’ils négligent de bâtir leur propre économie, leurs infrastructures et leurs services sociaux. C’est à juste titre que la société civile critique les méthodes de certains investisseurs étrangers dans les industries extractives dans les pays en développement, lorsqu’elle réclame le respect des normes fondamentales de protection de l’environnement, de protection sociale des ouvriers, de transparence du paiement des impôts et des transferts de bénéfices à l’étranger, ainsi que l’établissement de rapports en vertu des principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales (15). Le CESE se félicite des actions menées pour remédier à cette situation, telles que l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (16).

4.3.    Le panachage (blending) et les partenariats public-privé (PPP)

4.3.1.

Le CESE est convaincu que partout où les gouvernements ne disposent pas des moyens suffisants pour réaliser sur leurs propres deniers publics les investissements indispensables et où ces derniers, notamment dans le domaine des infrastructures mais aussi des services publics, sont irréalisables d’un point de vue commercial, il est nécessaire de recourir à des partenariats entre les secteurs public et privé et de financer ces projets de PPP au moyen du panachage conformément aux recommandations de l’OCDE (17).

4.3.2.

Ces projets de partenariat public-privé doivent être élaborés en conformité avec la stratégie de développement de l’État en question, reposer sur des études de faisabilité, tenir compte au préalable des facteurs de durabilité et respecter les principes de transparence, de responsabilité partagée et d’engagements contraignants. Il convient d’associer les partenaires sociaux et d’autres représentants de la société civile à l’évaluation de l’apport de ces projets en matière de développement durable et de les charger de contrôler le respect des conventions de l’OIT en vigueur.

4.3.3.

Il conviendrait également de recourir au panachage dans le cadre de l’économie sociale et des projets durables d’intégration des groupes sociaux vulnérables dans l’environnement économique.

4.4.    Les investissements étrangers

4.4.1.

En 2013, les flux d’investissements directs étrangers (IDE) vers les pays en développement ont atteint 778 milliards d’USD; toutefois, leur contribution au développement durable reste bien souvent ambiguë. Seuls 2 % de la totalité des IDE vers les pays en développement vont aux pays les moins avancés. En Afrique subsaharienne, les IDE s’orientent prioritairement vers les industries extractives sans rien apporter au reste de l’économie. Les nouveaux États investisseurs, tels que la Chine, le Brésil, l’Inde et d’autres, devraient prendre en considération les principes du développement durable dans le cadre de leurs investissements dans les pays en développement.

4.4.2.

Selon une étude de l’organisation non gouvernementale Eurodad sur les finances des pays en développement, en 2014, les flux de ressources financières qui sortent de ces pays sont deux fois plus importants que ceux qui y entrent en provenance de l’étranger, en comptant aussi l’APD, les IDE, les dons caritatifs, les transferts de bénéfices, l’épargne et d’autres sources (18). Il convient de faire en sorte que ces moyens financiers soient, dans toute la mesure du possible, réinvestis en faveur d’un développement durable dans les pays bénéficiaires.

4.4.3.

Les stratégies nationales de développement devraient également prévoir un soutien aux investissements. Pour obtenir des IDE et les orienter vers les ODD, il est nécessaire de créer des conditions propices, telles que la paix, la stabilité, la bonne administration. Les pays en développement devraient également inclure les ODD dans les accords d’investissement qu’ils concluent et offrir en contrepartie les garanties correspondantes. Le CESE recommande que les agences et institutions financières de promotion des investissements dans les pays d’origine et celles des pays destinataires établissent une coopération technique directe en lien avec la stratégie nationale de développement durable.

4.4.4.

Il est nécessaire de promouvoir l’«investissement orienté impact» qui garantit une certaine rentabilité à court terme, mais qui offrira des perspectives de rentabilité à long terme grâce à ses effets sociaux tels que le renforcement des capacités ou un environnement susceptible de mener au développement durable.

4.5.    Les formes novatrices et complémentaires de financement

4.5.1.

Le financement et l’investissement participatifs (19) constituent un instrument qui présente de grandes possibilités pour financer de petits projets de développement. Le CESE attire l’attention sur la nécessité de définir très rapidement ces instruments et d’élaborer et d’approuver le cadre réglementaire approprié dont ils doivent être dotés, ainsi qu’il l’a recommandé dans son avis y afférent (20).

4.5.2.

Le CESE se félicite du nombre croissant de fonds caritatifs, de fondations et de programmes internationaux en faveur du développement durable, comme par exemple le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, le Partenariat mondial pour l’éducation, l’Alliance GAVI pour la vaccination des enfants dans les pays les moins avancés, etc. Ces fonds et fondations, dans le cadre desquels des institutions publiques coopèrent avec des donateurs privés et des organisations non gouvernementales, devraient améliorer la coordination de leurs activités et les orienter vers les ODD.

4.5.3.

Les crédits destinés à l’APD, lorsqu’ils ne sont pas momentanément alloués à des projets de développement, pourraient être placés dans des fonds d’investissement pour le développement et dans des obligations garanties, de manière à générer des revenus à court terme et contribuer à créer davantage de ressources (21). Cette démarché contribuerait à plus long terme à augmenter le volume des ressources nécessaires à l’aide au développement (22).

4.5.4.

Le CESE accueille favorablement certaines propositions du Groupe pilote sur les financements innovants pour le développement (23), et soutient les efforts déployés pour créer de nouvelles ressources de financement des ODD. Toutefois, il est nécessaire que ces nouvelles ressources soient mises en œuvre de manière cohérente à l’échelle mondiale, qu’elles n’entravent pas la compétitivité d’un secteur donné et que leur utilisation pour les ODD soit transparente. Le CESE se féliciterait que le secteur bancaire mette volontairement en œuvre une initiative à l’échelle mondiale pour apporter sa contribution au financement de l’écart qui existe entre les besoins et les ressources disponibles, et ce afin de réaliser les objectifs de développement durable.

4.5.5.

Parmi les ressources peu exploitées figurent les moyens financiers provenant de la diaspora, c’est à dire les transferts de l’épargne vers le pays d’origine, dont il serait possible de tirer également parti en vue de réaliser les ODD. Il y a lieu d’imposer une réduction des coûts de ces transferts d’épargne. Il conviendrait de proposer aux membres d’une diaspora des programmes d’éducation et d’incitation qui favorisent leur propension à investir dans des projets de développement, qui permettraient de valoriser leur épargne et contribueraient dans le même temps à réaliser les ODD.

4.6.    Le financement des microentreprises et des petites et moyennes entreprises

4.6.1.

Les microentreprises et les petites et moyennes entreprises, qui recèlent le principal potentiel de croissance et de création de nouveaux emplois, connaissent des difficultés à accéder dans une mesure suffisante aux financements. Ce problème est aigu notamment dans les pays les moins avancés; aussi, il convient de rechercher des instruments permettant d’y faciliter l’accès des microentreprises et des petites et moyennes entreprises aux ressources financières. Pour cela, il est nécessaire de respecter les différences de formes d’entreprise dans les pays en développement, où prédominent les microentreprises, les petits commerçants et, dans l’agriculture, les petites exploitations familiales.

4.6.2.

Il existe une grande variété de systèmes de microcrédit aux petites et moyennes entreprises. Le Comité estime que les systèmes qui utilisent des applications de téléphonie mobile sont les plus efficaces. Il se félicite également que le microcrédit soit utilisé pour financer les projets dans le domaine de l’énergie verte et salue les initiatives visant à fournir des microcrédits à taux zéro. Les crédits font défaut aux petites et moyennes entreprises (d’un montant entre 10 et 2 00  000 USD) et pourraient être remplacés par le crédit-bail et d’autres instruments de fonds propres. À cette fin, il est nécessaire de soutenir le développement des marchés financiers et des banques locales, y compris les agents locaux.

4.6.3.

L’un des volets de l’aide apportée par les pays développés aux petites et moyennes entreprises devrait consister à transférer les expériences, les connaissances de gestion, le savoir-faire technique, à former à la gestion financière, à éduquer aux bases de la finance et à soutenir leur insertion dans les chaînes d’approvisionnement et de valeur. L’Union européenne devrait recommander l’utilisation des principes posés par sa directive sur les retards de paiement en vue d’améliorer le financement des petites et moyennes entreprises.

4.6.4.

Il est nécessaire de protéger les microentreprises, les petites et moyennes entreprises actives dans le secteur de l’agriculture contre les pratiques d’investissement visant à «accaparer les terres», qui conduisent à leur élimination. La création d’instruments d’assurance contre les effets des changements climatiques permettrait également de les aider. Dans le cadre des plans de développement, il convient de ne pas omettre le soutien aux entreprises de l’économie sociale qui peuvent jouer un rôle important dans la réalisation des ODD.

4.6.5.

Il importe, pour le développement économique et social, de faire en sorte que les couches les plus larges de la population des pays en développement accèdent aux instruments financiers tels que le compte bancaire de base ou les applications financières de téléphonie mobile.

4.7.    L’engagement de la société civile dans l’aide au développement

4.7.1.

La société civile des pays développés, y compris les partenaires sociaux et les organisations non gouvernementales, contribue directement au développement et joue également un rôle important dans l’orientation de la coopération au développement et dans le suivi de son efficacité (24).

4.7.2.

Il convient de soutenir de manière systématique la création d’un système de contrôle des processus et des résultats de l’aide au développement dans les différents pays, ou son amélioration, avec la participation directe des organisations concernées de la société civile, ce qui permettra d’identifier et de supprimer les obstacles à la réalisation des ODD. Dans ce domaine, le CESE dispose de la longue expérience positive des activités des comités, plateformes et organes consultatifs mixtes, tels que le comité de suivi ACP-UE, les rencontres de la société civile UE-Amérique latine-Caraïbes et autres.

4.7.3.

Parmi les fournisseurs directs d’aide au développement figurent également les partenaires sociaux. Les syndicats des pays développés réalisent des projets de développement à visées sociales et soutiennent le développement institutionnel des organisations syndicales partenaires. Les organisations des employeurs, les chambres de commerce, les associations de petites et moyennes entreprises et les associations sectorielles réalisent des projets communs avec les organisations des entreprises dans les pays en développement dont elles sont partenaires et leur transmettent leur expérience.

4.7.4.

Les organisations non gouvernementales jouent un rôle irremplaçable en matière d’aide au développement tant dans les pays développés que dans les pays en développement. Elles agissent notamment lorsqu’il s’agit de surmonter les conséquences de catastrophes naturelles et humanitaires, ainsi que dans le domaine social, la santé, l’égalité entre les sexes, l’éducation, etc. Elles mobilisent aussi les fonds du grand public, elles organisent des collectes, des campagnes d’éducation, etc. Un exemple intéressant est également le financement de l’éducation au moyen d’une «adoption à distance», qui permet d’établir des relations interpersonnelles entre citoyens ordinaires.

4.7.5.

Le CESE appelle la Commission européenne à soutenir les activités des organisations de la société civile de l’Union européenne destinées à réaliser les ODD en finançant de manière adéquate les programmes visant à mettre en place les institutions de la société civile dans les pays partenaires. À l’heure actuelle, le CESE élabore un rapport d’information qui recommandera des formules pour associer effectivement la société civile à la mise en œuvre et au suivi du programme de développement pour l’après-2015, et complétera le présent avis.

Bruxelles, le 2 juillet 2015.

Le président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  Au sommet des Nations unies qui se tiendra en septembre à New York.

(2)  Voir l’avis du CESE sur le thème «Une vie décente pour tous: éradiquer la pauvreté et offrir au monde un avenir durable» (JO C 271 du 19.9.2013, p. 144).

(3)  Voir l’avis du CESE sur «La participation de la société civile aux politiques de développement et de coopération au développement mises en œuvre par l’Union européenne» (JO C 181 du 21.6.2012, p. 28).

(4)  Voir l’avis du CESE sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — la protection sociale dans la coopération au développement de l’Union européenne» (JO C 161 du 6.6.2013, p. 82).

(5)  Voir l’avis du CESE sur la «Participation du secteur privé au cadre de développement pour l’après-2015» (JO C 67 du 6.3.2014, p. 1).

(6)  Voir l’avis du CESE sur «Le rôle du développement durable et la participation de la société civile dans les accords d’investissement autonomes entre l’Union européenne et les pays tiers» (JO C 268 du 14.8.2015, p. 19).

(7)  Voir l’avis du CESE sur le thème «Commerce, croissance et développement. Ajuster la politique commerciale et d’investissement aux pays qui ont le plus besoin d’aide» (JO C 351 du 15.11.2012, p. 77).

(8)  Voir l’avis REX/438 sur «Les objectifs de l’après-2015 dans la région euro-méditerranéenne», paragraphe 6.4, voir page 47 du présent Journal officiel.

(9)  Entre autres la convention des Nations unies du 18 décembre 1979 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la convention internationale de protection des travailleurs migrants et de leur famille, la convention C189 de protection des travailleurs et travailleuses domestiques, la convention C184 sur la sécurité et la santé dans l’agriculture, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et son protocole facultatif.

(10)  Voir la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Un partenariat mondial pour l’éradication de la pauvreté et le développement durable après 2015, COM(2015) 44 final, 5 février 2015.

(11)  Voir: The Global Development Financing Landscape — Who can contribute what? (Le paysage mondial du financement du développement — qui et combien?), par James Zhan, directeur à la Cnuced, chef du groupe pour les investissements et les entreprises, rapport sur l’investissement dans le monde de la Cnuced, exposé lors d’une audition publique du Parlement européen, le 24 février 2015.

(12)  L’on estime que les banques détiennent des actifs pour une valeur de 1 21  000 milliards USD, les fonds de pension pour 34  000 milliards, les compagnies d’assurances pour 28  000 milliards, les multinationales pour 25  000 milliards et les fonds souverains d’investissement pour 6  500 milliards.

(13)  Il s’agit notamment du commerce, de l’agriculture, de la création d’emplois, de la protection sociale, du changement climatique, de l’énergie, de la protection de l’environnement et de la diversité biologique, des transports, de la santé, de la politique des produits et du consommateur, du développement régional et urbain, des migrations et de la lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent.

(14)  STPDD: Soutien public total au développement durable.

(15)  Voir: http://www.oecd.org/fr/daf/inv/mne/48004355.pdf

(16)  Voir: https://eiti.org/fr

(17)  Voir: http://www.oecd.org/fr/gov/budgetisation/PPPRecommandation.pdf.

(18)  Voir: http://www.eurodad.org/Entries/view/1546315/2014/12/15/The-State-of-Finance-for-Developing-Countries-2014 (en anglais).

(19)  Voir: InfoDev, Crowdfunding’s Potential for the Developing World (Le potentiel du financement participatif pour le monde en développement), 2013, Banque mondiale, département des finances et du développement du secteur privé.

(20)  Voir l’avis du CESE sur le thème «Libérer le potentiel du financement participatif dans l’Union européenne», Bruxelles (JO C 451 du 16.12.2014, p. 69).

(21)  L’affectation annuelle des ressources budgétaires destinées à l’APD exclut totalement ces possibilités.

(22)  La société belge d’investissement (BIO) fondée par le gouvernement pour soutenir le secteur des entreprises dans les pays d’Afrique a transféré une partie de ses moyens financiers destinés aux prêts aux entrepreneurs vers d’autres fonds d’investissement et elle les a récupérés progressivement en fonction de ses besoins.

(23)  Voir: http://leadinggroup.org/rubrique7.html

(24)  Voir: Forum de la politique de développement (www.friendsofeurope.org/policy-area/global-europe/, en anglais) et Forum politique sur le développement (http://www.uclg.org/fr).


17.11.2015   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 383/57


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Évaluation de la consultation des parties prenantes par la Commission européenne»

(avis d’initiative)

(2015/C 383/09)

Rapporteur:

Ronny LANNOO

Le 20 janvier 2015, le Comité économique et social européen (CESE) a décidé, conformément à l’article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d’élaborer un avis d’initiative sur le thème:

«Évaluation de la consultation des parties prenantes par la Commission européenne».

Le sous-comité «Évaluation de la consultation des parties prenantes par la Commission européenne», chargé de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 9 juin 2015.

Lors de sa 509e session plénière des 1er et 2 juillet 2015 (séance du 2 juillet 2015), le CESE a adopté le présent avis par 179 voix pour, 1 voix contre et 4 abstentions.

Avant-propos

L’objectif du présent avis d’initiative est d’analyser les méthodes actuelles de consultation des parties prenantes par la Commission européenne, comme prévu par l’article 11, paragraphe 3, du traité sur l’Union européenne. Sur la base de cette analyse, l’avis formule des propositions qui se veulent constructives et réalistes, en vue d’améliorer d’une manière structurelle le processus de consultation et d’en assurer le suivi, dans l’intérêt de toutes les parties.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Dans le présent avis, le CESE formule des recommandations sur la consultation des parties prenantes, prévue par le traité, en vue d’accroître la qualité de ces consultations et de réduire le fossé entre les citoyens et l’Europe. Cet exercice a également été repris par la Commission européenne sous la forme d’une vaste consultation des parties prenantes sur les procédures de consultation, et traduit dans le paquet «Mieux légiférer» du vice-président, M. Timmermans. Le CESE rendra ultérieurement, à la demande de la Commission, un avis concernant l’ensemble du paquet «Mieux légiférer».

1.2.

Le CESE est préoccupé par la façon dont la consultation des parties concernées se déroule et, par conséquent, par la qualité de ses résultats. C’est pourquoi le Comité demande des consultations stables, représentatives, assurant une valeur ajoutée pour les organisations et groupes d’intérêt concernés.

1.3.

L’examen d’un échantillon de consultations, effectué par le CESE au cours du premier semestre de 2014, amène celui-ci aux conclusions suivantes: l’approche qualitative varie en fonction de la direction générale (DG) concernée; le nombre de réponses est insuffisant, ce qui nuit à la représentativité; le langage et la terminologie ne sont pas adaptés aux groupes cibles visés; les rapports sur les résultats et le suivi font défaut. Globalement, on peut donc affirmer que les lignes directrices en vigueur jusqu’à présent en la matière ne sont pas suffisamment appliquées.

1.4.

Conscient de la difficulté de consulter de manière adéquate la diversité de citoyens et des organisations dans les États membres de l’Union européenne, le CESE présente, ci-après, un certain nombre de propositions structurelles concrètes et réalistes, et invite la Commission européenne à coopérer de manière constructive à l’élaboration et à la mise en œuvre de nouvelles mesures.

1.5.

Le CESE demande à la Commission de rendre obligatoires pour toutes ses directions générales les lignes directrices et normes de qualité en matière de consultation des parties prenantes. Afin de garantir l’application de ces lignes directrices, le Comité propose de créer, au niveau du secrétariat général, une cellule de coordination qui pourrait apporter un soutien aux DG lors de la consultation des parties prenantes.

1.6.

Une approche plus stratégique du processus de consultation, depuis la préparation jusqu’à l’évaluation, prévoyant une participation systématique des structures concernées (organisations représentatives des publics visés et organes consultatifs et de concertation), devrait garantir une qualité et un nombre de réponses plus élevés. Une meilleure planification des consultations et la communication de leurs objectifs faciliteraient la participation des parties concernées.

1.7.

Le Comité souligne qu’une cartographie appropriée des parties prenantes est essentielle à une procédure de consultation de qualité. Le CESE recommande donc à la Commission d’utiliser à cette fin les structures existantes, telles que le Comité et les organisations représentatives, et de s’appuyer sur le registre de transparence. C’est pourquoi la création de nouvelles structures n’est pas nécessaire.

1.8.

Le CESE estime qu’il convient de rationaliser à nouveau les méthodes et outils utilisés pour la consultation des parties prenantes. Il existe fondamentalement deux méthodes possibles de consultation: écrite/en ligne ou orale/débats interactifs. Les méthodes et outils appropriés doivent être choisis en fonction de l’objectif poursuivi, du public cible, etc., et ce dans le cadre de l’approche stratégique générale du processus de consultation. En plus, il est indiqué d’introduire d’une façon efficace les nouvelles technologies, notamment pour mieux atteindre certains groupes cibles, tels que les jeunes.

1.9.

Dans cette approche, il convient de faire une distinction entre les consultations des organisations de la société civile et celles du grand public. La différence entre les deux n’est pas seulement de méthode, mais d’objectif, puisque, pour les premières, il s’agit d’assurer la représentativité alors que, pour les secondes, il s’agit de promouvoir l’inclusion et la participation.

1.10.

Lorsque la solution du questionnaire écrit est choisie, le CESE est d’avis que celui-ci doit être mis à disposition dans toutes les langues officielles de l’Union européenne. Par ailleurs, le CESE plaide pour que le questionnaire soit préalablement transmis aux organisations représentatives des publics concernés, afin d’éviter qu’une terminologie trop spécialisée ne le rende difficilement compréhensible pour le public cible.

1.11.

Le Comité met en exergue l’importance que, lors du traitement des résultats, une pondération quantitative et qualitative soit prévue selon que la réponse provient d’un individu ou d’une organisation représentative de la société civile, ou selon la représentativité et l’implication de celle-ci. La réponse fournie par une organisation représentative bénéficierait alors d’une pondération plus élevée.

1.12.

Afin d’accroître la participation aux consultations, le CESE souligne l’importance que, pour chaque consultation, un rapport de synthèse des réponses reçues soit établi, et que celui-ci indique également pourquoi certaines réponses ont été prises en compte dans le cadre de la poursuite de l’élaboration de la proposition et pourquoi d’autres ne l’ont pas été.

1.13.

Au vu de son rôle prévu par les traités, le Comité se propose de jouer le rôle de facilitateur pour favoriser la réussite de la consultation des parties prenantes. Il peut participer et collaborer à toutes les phases importantes du processus (identification des parties prenantes, élaboration des questionnaires, synthèse et suivi des résultats). Afin d’apporter une structuration, une stabilité et une représentativité au processus, le Comité peut, comme par le passé, organiser des auditions et conférences ainsi qu’établir des plates-formes et forums de dialogue.

1.14.

Dans le cadre de la consultation des parties prenantes, la Commission européenne devrait exploiter davantage le potentiel qu’offre une coopération renforcée avec le Comité, comme préconisé par le protocole de coopération signé le 22 février 2012 par le Comité et la Commission (1). Cela permettrait, dans un souci d’optimisation des ressources et dans une approche de coopération interinstitutionnelle, de tirer le meilleur profit à la fois des compétences et connaissances spécifiques des parties prenantes et de son expertise, expérience et compétence dans les pratiques de consultations.

1.15.

En ce qui concerne les rencontres interactives, le CESE peut agir en collaboration avec la Commission en tant qu’organisateur, comme il le fait déjà régulièrement dans le cadre de plates-formes de dialogue structurées (par exemple, sur l’immigration, sur la consommation, etc.).

1.16.

Enfin, le CESE plaide pour une campagne d’information soutenue sur le processus de consultation et les consultations. Le Comité souhaite y participer activement avec les organisations qu’il représente.

1.17.

Par ailleurs, le CESE, en tant que promoteur du dialogue civil structuré comme instrument fondamental de démocratie participative, encourage la Commission à une utilisation accrue des plates-formes de dialogue structuré. Cela, d’une part, permettrait aux acteurs impliqués de participer de façon continue à toutes les phases du processus politique et, d’autre part, aurait part une incidence positive en termes de coûts et de temps.

2.   La situation actuelle de la consultation des parties prenantes

2.1.    Dispositions

2.1.1.

Conformément à l’article 11, paragraphe 3, du traité sur l’Union européenne, «en vue d’assurer la cohérence et la transparence des actions de l’Union, la Commission européenne procède à de larges consultations des parties concernées».

De telles consultations visent à assurer la participation active des parties prenantes de la société civile organisée et des citoyens à la recherche de l’intérêt général européen lors de l’élaboration des politiques, afin d’assurer leur pertinence démocratique et un soutien public aussi large que possible.

2.1.2.

La «consultation» est un processus par lequel la Commission collecte les avis et vues des citoyens et des parties prenantes. Ce processus complémentaire s’effectue sans préjudice du dialogue civil structuré [article 11, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE)] ou des consultations ayant lieu dans des cadres spécifiques, telles que la consultation des partenaires sociaux dans le cadre du dialogue social (organisations patronales et syndicales) (article 154 du TFUE) ou la consultation des organes consultatifs comme le Comité économique et social européen (article 304 du TFUE) (2), auxquels il ne peut en aucun cas se substituer.

2.1.3.

En dehors de la consultation menée dans le cadre de l’article 154 du TFUE, les partenaires sociaux, organisations syndicales et patronales participent pleinement à la consultation mentionnée aux points 2.1.1 et 2.1.2, notamment en matière de protection des consommateurs, de droit de l’environnement, de politique commerciale, etc.

Les traités confèrent au CESE une fonction consultative auprès du Parlement européen, du Conseil et de la Commission. Par ailleurs, un protocole de coopération (3) détaille concrètement les modalités de collaboration entre le Comité et la Commission.

2.2.    Lignes directrices en matière de consultation des parties prenantes

2.2.1.

La Commission européenne avait établi, en 2002, des normes minimales (4), obligatoirement applicables aux consultations engagées avec les parties intéressées, relatives à toute proposition, législative ou non législative. Dans le cadre du programme pour une réglementation affûtée et performante (REFIT), la Commission avait annoncé également que des consultations auront lieu pour les évaluations, les bilans de qualité et l’élaboration des actes délégués et des actes d’exécution (5).

2.2.2.

La Commission européenne, dans ses lignes directrices de 2002 à l’intention des DG pour la réalisation de consultations, prévoit, entre autres, la publication des notes explicatives relatives au thème concerné, de leur contenu et de l’objectif de la consultation. Il est également prévu de publier, au terme de la consultation, le nombre de réponses apportées, la nature des répondants et une synthèse des résultats.

2.2.3.

Concernant le multilinguisme, il n’y a pas actuellement de règle formelle qui soit en vigueur.

2.2.4.

Les lignes directrices et les normes minimales à respecter en matière de consultation des parties prenantes de 2002 établissent dix étapes dans le processus de consultation, réparties en trois phases: l’établissement d’une stratégie (6), la mise en œuvre de la consultation (7), l’analyse des résultats (8).

2.2.5.

La Commission européenne prévoyait douze méthodes différentes en ce qui concerne ses consultations préparatoires et ce en fonction des objectifs et du public visés. Ces douze méthodes sont les suivantes: consultation publique ouverte en ligne; études; eurobaromètre; conférences, auditions publiques, rencontres avec les parties concernées; réunions, ateliers de travail, séminaires avec les parties directement concernées; groupes cibles; entretien personnel; groupe d’experts de la Commission européenne; panels de petites et moyennes entreprises (PME); consultation des collectivités locales ou régionales; questionnaires; forums de discussion en ligne.

2.3.    Application des lignes directrices dans la pratique

2.3.1.

En dépit de ces lignes directrices et du nombre important de méthodes et instruments possibles, de nombreuses parties prenantes émettent des critiques quant à l’efficacité du système actuel de consultation. Parmi les obstacles spécifiques, citons notamment la difficulté d’être informé de la consultation (possibilité de trouver aisément l’information sur les sites internet de l’Union européenne et publicité de la consultation), la langue et la terminologie, les informations sur les résultats et, enfin, le suivi.

2.3.2.

En outre, la qualité et l’approche des consultations varient fortement en fonction de la DG concernée, et l’on note l’absence de coordination ainsi que d’une approche méthodologique uniforme.

2.3.3.

Le CESE a examiné, sur la base d’un échantillonnage, l’application des lignes directrices dans le cadre des 25 premières consultations ayant eu lieu en 2014. Sur la base de cet échantillonnage, les constats suivants peuvent être établis:

la participation aux consultations en ligne est extrêmement variable (9),

lorsqu’il y a peu de répondants, la représentativité est de facto mauvaise, tant sur le plan géographique qu’en ce qui concerne la catégorie des répondants. Dans le cas d’un nombre plus important de réponses, la représentativité géographique semble meilleure, mais reste souvent déséquilibrée concernant la qualité des réponses. Toutefois, on observe une tendance claire à la prédominance des répondants des «grands» États membres. Par ailleurs, les réponses des organisations implantées à Bruxelles sont considérées comme émanant de Belgique, alors qu’il s’agit dans de nombreux cas de fédérations ou d’organisations européennes n’ayant pas de lien avec la Belgique en tant qu’État membre,

en ce qui concerne la transparence et le retour d’information au sujet des résultats, il ressort de l’échantillon des 25 consultations que pour 6 d’entre elles seulement une synthèse des résultats a été publiée, soit moins d’un quart des cas. Dans moins de la moitié des consultations, les réactions ont également été publiées. Dans aucun des cas de plus amples informations sur le suivi du dossier n’ont été données.

En conclusion, on constate en général un manque de représentativité, de qualité et d’informations sur les résultats et le suivi.

3.   La Commission actuelle: nouvelles méthodes de travail et perspectives

3.1.

Dans les orientations politiques de la nouvelle Commission européenne, l’accroissement de la démocratie dans l’Union européenne compte parmi les 10 priorités. L’objectif de la mise en place d’un registre obligatoire pour toutes les organisations et personnes exerçant des activités de lobbying auprès du Parlement européen et de la Commission est au cœur de cette priorité.

3.2.

La Commission a publié le 19 mai 2015 un paquet de mesures visant à mieux légiférer, le paquet «Mieux légiférer» (10), sur lequel le Comité se prononcera, à la demande de la Commission. Les mesures prévues reposent sur quatre axes: une approche de transparence et de consultation, un réexamen permanent de la législation existante, des meilleures analyses d’impact et de contrôle de qualité ainsi qu’un nouvel accord interinstitutionnel.

3.3.

Dans ce cadre, des lignes directrices adaptées sont également proposées en matière de consultation des parties prenantes. En préparation de celles-ci, une consultation (11) sur les lignes directrices en matière de consultation des parties prenantes a été organisée. Les résultats (12) de cette consultation sont pris en compte dans le présent avis.

4.   Améliorer l’efficacité des consultations: recommandations

Le CESE considère les consultations comme un des moyens de combler le fossé avec les citoyens européens, à condition que les procédures soient structurées, continues et garantissent une bonne représentativité des parties prenantes. Ce n’est qu’ainsi que les consultations contribueront à associer efficacement les citoyens et la société civile au projet européen.

Le CESE a à cette fin d’ores et déjà émis des propositions concrètes, notamment dans ses avis sur la consultation dans le cadre du programme «Mieux légiférer», sur l’article 11 du TFUE, et du programme REFIT (13).

4.1.    Éléments essentiels du processus de consultation

4.1.1.

Le CESE demande à la Commission européenne d’imposer les lignes directrices internes existantes aux DG et d’en sanctionner le non-respect (par exemple en cas d’absence de transparence des réponses ou du rapport d’analyse), tout comme le manque de qualité de l’analyse d’impact est sanctionné par le comité d’analyses d’impact.

4.1.2.

Le CESE plaide à cette fin en faveur d’une cellule de coordination au secrétariat général de la Commission, sous la conduite directe du vice-président compétent de la Commission. Cette cellule apporterait également son soutien à toutes les DG en matière d’approche globale et de stratégie des consultations, d’élaboration et de mise en œuvre des exigences de qualité et des procédures, d’accompagnement concernant la qualité, d’information et de suivi.

4.1.3.

La cellule de coordination se ferait assister par un groupe d’experts, auquel s’ajouteraient des représentants des groupes cibles à qui s’adresse la consultation. Le CESE demande que la Commission y associe l’expertise du Comité, notamment concernant la sélection des groupes cible, la validation des questionnaires, la synthèse et le suivi des résultats.

4.1.4.

Une approche plus systématique des consultations, avec calendrier précis et annonce préalable, doit permettre d’aider les parties prenantes à préparer leur participation. À cet égard, un calendrier prévisionnel des consultations, fiable et mis à jour régulièrement, est indispensable. Plus généralement, le CESE propose à la Commission de mieux structurer les consultations, notamment sur une base institutionnelle et représentative, en tirant parti des ressources des organes consultatifs ou de leurs équivalents, au niveau des États membres, des régions et au niveau local.

4.1.5.

Le CESE demande à la Commission de publier chaque année une évaluation de son approche des consultations et des résultats de celle-ci.

Le CESE recommande à la Commission de dresser, au titre de source d’inspiration, l’inventaire des meilleures pratiques recensées dans les États membres. À cet effet, les études de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur ce thème peuvent être très utiles (14). Le Comité recommande en outre d’encourager toute autre forme d’engagement et de participation civils. Le code de bonnes pratiques pour participation civile au processus décisionnel du Conseil de l’Europe peut être un bon exemple (15).

4.2.    Cartographie des parties prenantes

4.2.1.

La bonne définition du groupe cible de la consultation est essentielle pour obtenir les informations nécessaires. Des outils professionnels dont la fiabilité est avérée sont nécessaires. Il est également indispensable d’assurer une coopération efficace avec les structures existantes, le Comité et les organisations représentatives et légitimes de la société civile. Le CESE peut participer, dans le cadre de ses compétences et en bonne collaboration avec les organisations concernées et avec la Commission, à l’identification des organisations représentatives au sein de groupes cibles déterminés.

4.2.2.

Les travaux effectués par le CESE (16) sur la définition de critères de représentativité des organisations de la société civile organisée pourraient être pris comme référence de base dans le cadre du processus d’identification des organisations représentatives mentionné ci-dessus. Le CESE veut ainsi encore intensifier l’impact de, et la collaboration avec, ces organisations lors des consultations.

4.2.3.

Une bonne répartition, géographique et par groupe cible, doit constituer une préoccupation systématique. Il convient en outre de veiller à ce qu’une attention supplémentaire soit accordée aux groupes sous-représentés ou qui ont moins de ressources dans la «cartographie des parties prenantes».

4.2.4.

Le CESE souligne l’importance d’introduire un mécanisme de pondération motivée dans l’analyse des réponses aux consultations, afin de donner la priorité aux organisations représentatives et directement concernées.

4.2.5.

Pour accroître la participation des parties prenantes aux consultations, le contenu du retour d’informations à l’issue de ces consultations revêt une grande importance. Les parties prenantes doivent pouvoir constater le résultat de leur contribution et donc ressentir qu’elles ont eu une influence réelle sur les propositions présentées ou recevoir des explications quant aux raisons pour lesquelles certains éléments n’ont pas été pris en compte.

4.3.    Méthodologie et instruments

4.3.1.

Le CESE peut intervenir en tant que «réseau de réseaux» afin de diffuser les consultations par écrit (en ligne) auprès des différentes parties prenantes (comme le Comité des régions le fait également vers les administrations locales). En ce qui concerne les rencontres interactives, le CESE peut agir en tant qu’organisateur au vu de ses relations et de son expertise à ce propos.

4.3.2.

Le questionnaire de la consultation (en ligne) doit être soumis pour commentaires aux organisations civiles du ou des groupes cibles concernés ainsi que dans la langue du public à atteindre. Il est en outre indiqué que le questionnaire soit préalablement testé auprès d’un panel d’acteurs concernés. À cette fin, une cartographie préalable des acteurs concernés ainsi que le registre de transparence pourraient être utilisés comme outils pour cibler ces organisations (voir point 4.2). Pour ce faire, le CESE peut jouer un rôle de facilitateur.

4.4.    Établissement du calendrier et de la durée

4.4.1.

Les lignes directrices prévoient que, pour une consultation en ligne, il y a lieu de prévoir un délai d’au moins douze semaines, ce délai étant de vingt jours ouvrables pour la rencontre interactive. Le CESE recommande de ne pas lancer de consultation lors des périodes estivales. De plus, un calendrier prévisionnel (voir point 4.1.4) doit être respecté au mieux.

Pour permettre aux parties prenantes de se préparer à la participation aux consultations, le CESE juge opportun de leur fournir des informations suffisantes sur l’ensemble du processus de préparation et sur la planification des (différentes) consultations. Tous les moyens efficaces pour encourager les parties prenantes à participer doivent être mis en œuvre.

4.5.    Publication de la consultation: accessibilité et visibilité

4.5.1.

Le CESE demande à la Commission, y compris ses délégations dans les États membres, de mettre sur pied une campagne d’information efficace et soutenue en vue d’annoncer les consultations et d’inciter les parties prenantes à y participer. Le Comité peut assurément également jouer un rôle en la matière et demander à ses membres de diffuser les informations au sein de leur réseau.

4.5.2.

Chaque consultation sera annoncée clairement, de manière appropriée et en temps utile, dans les médias de la Commission, des États membres et aux organisations de la société civile concernées. Les représentants de la Commission dans les États membres devraient également être associés à cette approche globale.

4.6.    Analyse des résultats

4.6.1.

Le CESE souligne l’importance que la Commission prenne en considération les points de vue émis lors des consultations et de motiver dans quelle mesure elle en a tenu compte.

4.6.2.

Lors de la pondération motivée dans le traitement des résultats (voir point 4.2.3), les acteurs de la société civile organisée doivent proportionnellement être les plus représentés.

4.7.    Établissement d’un rapport et retour d’information

4.7.1.

Le CESE appuie la publication d’un rapport de synthèse allant de pair avec un aperçu de toutes les réponses reçues. La transparence sera ainsi favorisée.

4.7.2.

En outre, le CESE plaide pour que des informations sur la suite de la procédure soient transmises, en particulier aux répondants, notamment concernant les ajustements de la proposition et les étapes suivantes dans le processus de décision.

5.   Le rôle du Comité économique et social européen

5.1.    Dans le cadre du processus de consultation

5.1.1.

Dans un souci d’optimisation des ressources et dans une approche de coopération interinstitutionnelle, le Comité pourrait ainsi mettre à la disposition du processus décisionnel à la fois sa connaissance des parties prenantes actives dans les différentes politiques de l’Union européenne, et aussi son expertise, expérience et compétence dans les pratiques de consultation.

5.1.2.

Le CESE souhaite procéder, en fonction de ses priorités de travail et en coopération avec la Commission, au suivi et à l’évaluation de certaines consultations, élaborer un avis à ce sujet et, le cas échéant, organiser une audition publique.

5.1.3.

Le Comité veut, en bonne collaboration avec les organisations concernées, apporter sa contribution et son expertise à la Commission lors des étapes essentielles du processus de consultation, notamment la sélection du groupe cible, le questionnaire, la synthèse et le suivi.

5.1.4.

Le CESE peut de plus intervenir en tant que «réseau de réseaux» et facilitateur, afin de diffuser les consultations par écrit (en ligne) auprès des différentes parties prenantes (comme le Comité des régions le fait également vers les administrations locales).

5.1.5.

En ce qui concerne les rencontres interactives, le CESE peut agir en collaboration avec la Commission en tant qu’organisateur, comme il le fait déjà régulièrement dans le cadre de plates-formes de dialogue structuré (par exemple, sur l’immigration, sur la consommation, etc.).

5.1.6.

Dans le cadre d’une campagne d’information efficace et soutenue, le Comité peut contribuer en s’appuyant sur ses membres pour diffuser les informations au sein de leur réseau.

5.2.    Dans le cadre du protocole de coopération entre la Commission européenne et le CESE

5.2.1.

Le CESE peut, à différents stades de la préparation, de la mise en œuvre et du suivi de la consultation, constituer un canal de communication entre la Commission européenne et la société civile organisée.

5.2.2.

Pour certaines activités, comme les rencontres interactives, une action conjointe de la Commission et du Comité peut être mise sur pied.

Bruxelles, le 2 juillet 2015.

Le président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  http://www.eesc.europa.eu/?i=portal.fr.eu-cooperation.22470

(2)  Article 304 du TFUE.

Le Comité est consulté par le Parlement européen, par le Conseil ou par la Commission dans les cas prévus par les traités. Il peut être consulté par ces institutions dans tous les cas où elles le jugent opportun. Il peut prendre l’initiative d’émettre un avis dans les cas où il le juge opportun.

S’il l’estime nécessaire, le Parlement européen, le Conseil ou la Commission impartit au Comité, pour présenter son avis, un délai qui ne peut être inférieur à un mois à compter de la communication qui est adressée à cet effet au président. À l’expiration du délai imparti, il peut être passé outre à l’absence d’avis.

L’avis du Comité, ainsi qu’un compte rendu des délibérations, sont transmis au Parlement européen, au Conseil et à la Commission.

(3)  http://www.eesc.europa.eu/?i=portal.fr.eu-cooperation.22470

(4)  COM(2002) 704, telle que complétée et modifiée par COM(2012) 746 et SWD(2012) 422.

(5)  COM(2014) 368.

(6)  1) Formuler l’objectif de la consultation; 2) établir une cartographie des parties prenantes; 3) déterminer la méthodologie et les instruments; 4) fixer le calendrier et la durée.

(7)  1) Préparer une page internet; 2) publier la consultation; 3) reconnaître les contributions reçues.

(8)  1) Analyser les résultats; 2) établir un rapport et donner un retour d’information; 3) évaluer la consultation.

(9)  Le nombre de participants n’est indiqué que pour 13 consultations sur 25. Le nombre de répondants varie de 14 à 1  114. La moitié compte moins de 100 réponses.

(10)  http://ec.europa.eu/smart-regulation/index_en.htm

(11)  Consultation sur les lignes directrices en matière de consultation des parties prenantes, menée du 30 juin au 30 septembre 2014: http://ec.europa.eu/smart-regulation/guidelines/consultation_2014/stakeholder-consultation/index_en.htm

(12)  http://ec.europa.eu/smart-regulation/impact/docs/contributions/summary_responses_stakeholder_consultation_guidelines_public_consultation_en.pdf

(13)  Avis du CESE «Mieux légiférer» (JO C 48 du 15.2.2011, p. 107).

Avis du CESE «Principes, procédures et actions pour la mise en œuvre de l’article 11, paragraphes 1 et 2, du traité de Lisbonne» (JO C 11 du 15.1.2013, p. 8).

Avis du CESE «Programme pour une réglementation affûtée et performante (REFIT): situation actuelle et perspectives» (JO C 230 du 14.7.2015, p. 66).

(14)  http://www.oecd.org/gov/regulatory-policy/governance-regulators.htm.

(15)  http://www.coe.int/t/ngo/code_good_prac_fr.asp.

(16)  Avis du CESE (JO C 88 du 11.4.2006, p. 41).


III Actes préparatoires

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

509e session plénière du CESE des 1 et 2 juillet 2015

17.11.2015   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 383/64


Avis du Comité économique et social européen sur le Livre vert «Construire l’union des marchés des capitaux»

[COM(2015) 63 final]

(2015/C 383/10)

Rapporteur:

M. Juan MENDOZA CASTRO

Corapporteure:

Mme Milena ANGELOVA

Le 9 mars 2015, la Commission européenne a décidé, conformément à l’article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur le:

Livre vert «Construire l’union des marchés des capitaux»

[COM(2015) 63 final].

La section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 18 juin 2015.

Lors de sa 509e session plénière des 1er et 2 juillet 2015 (séance du 1er juillet 2015), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 100 voix pour, 2 voix contre et 3 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité soutient le livre vert sur l’union des marchés des capitaux, attend les propositions de la Commission concernant les changements qui pourraient s’avérer nécessaires pour atteindre les objectifs énoncés dans le document, et fait part de sa conviction que les mesures proposées seront fondées sur une prise en compte équilibrée des points de vue exprimés par toutes les parties prenantes.

1.2.

L’objectif de l’initiative de la Commission devrait être de créer les conditions d’un secteur des services financiers moderne et efficace, régi par des réglementations appropriées et qui permette aux entreprises à la recherche d’investissements, et notamment aux PME et aux entreprises à forte croissance, d’accéder aux pourvoyeurs de capitaux.

1.3.

Le CESE considère les marchés des capitaux comme des réserves de liquidités, où les entreprises peuvent lever des fonds et négocier des instruments financiers, et soutient fermement l’objectif ultime de l’UMC, à savoir remédier à la fragmentation actuelle des marchés et permettre ainsi d’établir une liste reprenant tous les types d’entreprise.

1.4.

L’union des marchés de capitaux (UMC) étant dans une large mesure une réalité pour les grandes entreprises, le CESE souligne la nécessité d’adopter des mesures qui permettront aux PME d’en bénéficier aussi.

1.5.

L’UMC devrait améliorer le financement de l’économie à long terme, en exploitant le potentiel de promotion des meilleures pratiques en matière de gouvernance d’entreprise et de responsabilité sociale des entreprises, et en mettant l’accent non seulement sur les objectifs économiques mais également sur les objectifs sociaux et environnementaux.

1.6.

Les PME devraient voir leurs besoins spécifiques pris explicitement en compte dans toute décision future liée à l’UMC. Le CESE recommande fortement de prendre sans délai des mesures résolues visant à:

développer un marché secondaire,

élaborer une norme simplifiée unique pour les exigences qualitatives et quantitatives régissant la cotation des PME sur les marchés réglementés d’instruments financiers,

introduire des notations de crédit selon une méthode transparente normalisée,

définir des critères simplifiés normalisés (modèle) pour l’enregistrement sur les marchés réglementés. Il s’agirait notamment, en plus des informations financières, de pouvoir fournir un plan d’entreprise détaillé à mi-parcours pour les investissements et le développement de l’entreprise,

créer des produits d’investissement conçus davantage «sur mesure» afin de mieux correspondre aux besoins des entreprises,

mettre à jour et agréger les définitions des micro, petites et moyennes entreprises dans les différents points de la législation européenne afin de mieux refléter la diversité des PME et les différences entre les États membres,

proposer une définition des sociétés en croissance et à forte croissance, et consacrer une attention particulière aux besoins de ces sociétés sur le marché des capitaux,

créer un modèle européen unique de segmentation en bourse, qui distinguerait les PME en fonction du profil d’émetteur qui est le leur, ou créer des segments spécialisés sur les différents marchés réglementés nationaux,

encourager le renforcement de la capacité administrative des organismes nationaux de protection des consommateurs et des agences de régulation financière,

offrir aux investisseurs des conditions au moins comparables à celles en vigueur sur les marchés internationaux, si ce n’est meilleures.

1.7.

Le CESE partage les conclusions du livre vert, qui observe qu’une très faible proportion de l’épargne des ménages se retrouve dans des investissements plus productifs que les obligations d’État ou les dépôts bancaires, en particulier en cette période de rigueur financière pour les épargnants.

1.8.

Le CESE souligne l’importance du système bancaire traditionnel pour la stabilité du système financier. Il reconnaît qu’il est essentiel d’achever l’union bancaire européenne.

1.9.

Une titrisation de haute qualité durable requiert de promouvoir des structures de base caractérisées par des chaînes d’intermédiation courtes.

1.10.

Le CESE estime que le livre vert présente un panorama détaillé de la situation actuelle sur les marchés des capitaux en Europe ainsi que des mesures nécessaires pour parvenir à une UMC.

2.   Contenu du livre vert

2.1.

Par rapport à d’autres régions, le financement sur les marchés des capitaux est relativement peu développé en Europe. Les marchés européens des actions, de la dette et autres jouent un rôle plus restreint dans le financement de la croissance, les entreprises européennes restant très dépendantes des banques, ce qui rend nos économies vulnérables en cas de resserrement du crédit bancaire.

2.2.

En outre, le niveau de confiance des investisseurs est insuffisant et l’épargne européenne n’est peut-être pas toujours utilisée de la manière la plus productive qui soit.

2.3.

La mise en place d’une UMC est une initiative clé du programme de travail de la Commission.

2.4.

Une telle union assurerait une diversification des modes de financement de l’économie et réduirait le coût du capital, surtout pour les PME.

2.5.

Des marchés des capitaux plus intégrés, surtout en ce qui concerne les titres de capital, augmenteraient la capacité d’absorption des chocs de l’économie européenne et permettraient de développer l’investissement sans accroître les niveaux d’endettement.

2.6.

Grâce à une infrastructure de marché et à des intermédiaires performants, une telle UMC devrait avoir pour effet d’accroître les flux financiers entre investisseurs et projets d’investissement européens, ce qui améliorera l’allocation des risques et des capitaux au niveau de l’Union européenne et, en définitive, permettra à l’Europe de mieux résister à de futurs chocs.

2.7.

Les principes fondamentaux sous-tendant l’UMC sont les suivants: maximiser les avantages que les marchés de capitaux peuvent apporter à l’économie, à l’emploi et à la croissance; créer un marché unique des capitaux pour l’ensemble des 28 États membres; partir de bases solides sur le plan de la stabilité financière; garantir aux consommateurs et aux investisseurs une protection effective; contribuer à attirer des investissements du monde entier et à accroître la compétitivité de l’Union européenne.

3.   Considérations générales

3.1.

Le Comité soutient pleinement l’initiative de la Commission. En effet, une union des marchés de capitaux est une réforme structurelle indispensable pour permettre à tous les États membres de l’Union européenne de prospérer dans une économie dynamique fondée sur la connaissance. Il y a lieu de mettre un terme au blocage de la mise au point à l’échelle de l’Union européenne d’un éventail de produits financiers innovants car cela entrave le financement compétitif des investissements, surtout pour les petites et moyennes entreprises, les jeunes entreprises et les produits d’infrastructures à long terme.

3.2.

L’objectif de l’initiative de la Commission devrait être de créer les conditions d’un secteur des services financiers moderne et efficace, régi par des réglementations appropriées sans être excessives, qui permette d’élargir considérablement la gamme des sources de financement des investissements et de contribuer ainsi à remédier à la faiblesse inquiétante du niveau d’investissement.

3.3.

Le CESE considère les marchés des capitaux comme des réserves de liquidités, où les entreprises peuvent lever des fonds et négocier des instruments financiers. Dans ce contexte, il estime que l’UMC est déjà une réalité pour les grandes entreprises et, en réponse aux questions posées par la Commission dans le livre vert, est d’avis qu’il convient de se concentrer principalement sur des mesures permettant aux PME et aux entreprises à forte croissance de bénéficier aussi d’une telle union.

3.4.

L’UMC devrait améliorer le financement de l’économie à long terme, en exploitant le potentiel de promotion des meilleures pratiques en matière de gouvernance d’entreprise et de responsabilité sociale des entreprises, et en mettant l’accent non seulement sur les objectifs économiques mais également sur les objectifs sociaux et environnementaux.

3.5.

Le livre vert considère les PME comme des émetteurs ciblés. En tant que tels, les PME devraient voir leurs besoins spécifiques pris explicitement en compte dans toute décision future, en ce qui concerne les obligations et les autres instruments financiers au rendement fixe, s’agissant notamment des aspects suivants:

le choix approprié des échéances de financement,

la structure de financement et d’amortissement,

le coût du financement, notamment celui découlant de l’entrée sur le marché concerné,

le contenu et la structure des garanties et du collatéral en vue de l’élaboration des produits d’investissement.

Afin de prendre dûment en compte l’ensemble de ces besoins, il est essentiel de concevoir des produits et des procédures simplifiés et standardisés pour la participation des PME sur les marchés de capitaux.

3.6.

Le CESE invite la Commission européenne, les autorités européennes de surveillance et les États membres à agir avec prudence lors de l’élaboration et de la transposition de la future législation visant à mettre en place une UMC opérationnelle, afin de veiller à ce que le marché européen des capitaux offre aux investisseurs et aux émetteurs des conditions au moins comparables à celles des marchés internationaux, si ce n’est meilleures.

3.7.

Une UMC efficace n’est envisageable que si l’on suscite l’intérêt des citoyens européens et si on les associe en qualité d’investisseurs privés. Le CESE partage les conclusions du livre vert, qui observe qu’une très faible proportion de l’épargne des ménages se retrouve dans des investissements plus productifs que les obligations d’État ou les dépôts bancaires, en particulier en cette période de rigueur financière pour les épargnants.

3.8.

Il convient de souligner l’importance du système bancaire traditionnel pour la stabilité du système financier.

3.9.

Un marché de la titrisation de haute qualité durable, tel que celui auquel fait référence le livre vert, requiert de promouvoir des structures de base caractérisées par des chaînes d’intermédiation courtes afin d’établir un lien direct entre emprunteurs et épargnants.

4.   Réponses aux questions posées dans le livre vert

4.1.    Priorités d’action immédiates

1)   Outre les cinq domaines prioritaires définis pour des actions à court terme, quels autres domaines devraient être prioritaires?

Une grande partie des mesures proposées sont axées sur les marchés primaires. En gardant à l’esprit les caractéristiques spécifiques des PME, il est également nécessaire d’étudier les possibilités de développer le marché secondaire.

Plus spécifiquement, il est vital d’élaborer une norme simplifiée unique pour les exigences qualitatives et quantitatives régissant la cotation des PME sur les marchés réglementés d’instruments financiers. Il conviendrait par ailleurs de mettre au point un mécanisme destiné à rendre les PME cotées plus attrayantes pour les investisseurs, en gardant à l’esprit que les ressources financières et administratives de ces entreprises sont limitées.

Tout en conservant les principes les plus importants visant à prendre en compte l’intérêt des investisseurs, il est recommandé de s’attaquer d’abord à quelques questions spécifiques abordées dans la directive «prospectus», en vue d’alléger dans la mesure du possible les exigences administratives et bureaucratiques, et d’étudier les possibilités de libéraliser certaines exigences en matière de publicité pour les PME:

raccourcir les délais pour l’examen du prospectus pour les émetteurs qui disposent déjà de valeurs mobilières admises à la négociation sur un marché réglementé et qui ont fait une offre publique de valeurs mobilières et sont respectivement des entreprises publiques ou des opérateurs enregistrés en tant qu’émetteurs. Conformément, les délais pourraient être réduits à 7 jours. Il convient de prévoir une procédure spéciale pour une cotation simplifiée des PME, en particulier si la négociation doit avoir lieu sur le marché non officiel de la cote. La directive devrait permettre une plus grande marge d’appréciation au niveau national pour les régulateurs nationaux chargés de réglementer la cotation des PME,

conformément à l’article 14, paragraphe 2, de la directive 2003/71/CЕ, la notification de l’offre publique et les conditions initiales et finales de la souscription doivent être publiées dans les pages d’un quotidien. Il convient de limiter toujours plus les exigences relatives à la publication d’annonces/de notifications et du prospectus en lui-même sur papier et dans les pages d’un quotidien. La divulgation d’informations sur l’internet, en particulier sur les sites web du marché réglementé ou de l’entreprise concernés, devrait devenir le principal moyen de communication entre l’émetteur et les investisseurs. L’on pourrait en outre envisager une certaine uniformité des exigences en matière de divulgation d’informations sur les sites internet, par une unification ou en prévoyant une page spécialement destinée aux investisseurs; ces derniers pourraient alors accéder plus rapidement et plus facilement aux informations concernant les aspects essentiels des valeurs mobilières faisant l’objet d’offres publiques.

2)   Quelles mesures complémentaires concernant la disponibilité et la normalisation des informations sur la solvabilité des PME pourraient favoriser l’approfondissement du marché du financement des PME et des start-up et l’élargissement de la base d’investisseurs?

Il serait utile d’adopter des mesures permettant:

d’introduire des notations de crédit selon une méthode transparente normalisée,

de définir des critères simplifiés normalisés (modèle) pour l’enregistrement sur les marchés réglementés. Il s’agirait notamment, en plus des informations financières, de pouvoir fournir un plan d’entreprise détaillé à mi-parcours pour les investissements et le développement de l’entreprise.

3)   Comment soutenir les ELTIF afin d’encourager le recours à ces fonds?

La mesure la plus urgente est de passer en revue les exigences réglementaires pour les fonds de pension et les compagnies d’assurance dans les différents États membres dans le but de libéraliser, si nécessaire, leurs portefeuilles en leur laissant la possibilité d’investir dans les ELTIF. Les fonds de pension et les compagnies d’assurance seront intéressés par cette forme d’actif et disposeront également des fonds leur permettant de capitaliser les ELTIF. Pour favoriser ce processus, il serait utile de développer un modèle d’évaluation de la rentabilité unifié, couvrant l’ensemble de la chaîne d’investissement.

4)   Quelle action de l’Union européenne serait nécessaire pour contribuer au développement des marchés de placements privés, outre le soutien aux efforts issus du secteur privé en vue de convenir de normes communes?

Aucune. Une action de l’Union européenne pourrait s’avérer nécessaire si ces efforts issus du secteur privé ne sont pas couronnés de succès.

4.2.

Les mesures de développement et d’intégration des marchés des capitaux

5)   Quelles autres mesures pourraient contribuer à améliorer l’accès au financement et à diriger les fonds vers ceux qui en ont besoin?

D’une manière générale, l’accès au financement serait meilleur si l’on créait plus de produits d’investissement «sur mesure», lesquels devraient mieux correspondre aux besoins des entreprises (par exemple en ce qui concerne la maturité, le collatéral et la structure des paiements).

En outre, les instances réglementaires devraient prévoir la possibilité d’émettre des instruments de dette, qui, sous la forme d’une sorte de contrat avec les détenteurs d’obligations, devraient ressembler autant que possible aux financements de projets et aux prêts aux entreprises octroyés par les banques.

6)   Faut-il prendre des mesures, telles que la normalisation, afin d’accroître la liquidité des marchés d’obligations d’entreprises? Dans l’affirmative, quelles mesures sont nécessaires et peuvent-elles être atteintes par le marché, ou faut-il recourir à une action réglementaire?

Oui, la normalisation permettra d’améliorer la liquidité des marchés des obligations des entreprises. Dans ce cas, l’adoption de mesures réglementaires discutées et convenues avec toutes les parties prenantes est pertinente.

7)   Outre le soutien qu’elle apporte à l’élaboration de lignes directrices par le marché, l’Union européenne doit-elle agir pour faciliter le développement d’investissements environnementaux, sociaux et de gouvernance qui soient standardisés, transparents et responsables, y compris les obligations vertes?

Oui, les critères de standardisation devraient inclure des principes spécifiques en matière d’investissements environnementaux, sociaux et de gouvernance. Le CESE est favorable à la promotion des «obligations vertes» ainsi qu’à celle d’emprunts hypothécaires «verts», de prêts en faveur de projets d’efficacité énergétique et des énergies renouvelables, entre autres. Tout cela devrait figurer parmi les choix qui s’offrent aux investisseurs. Le CESE estime qu’il est nécessaire de diffuser des informations et de lancer des campagnes pour promouvoir largement les investissements environnementaux, sociaux et de gouvernance, ainsi que de généraliser les meilleures pratiques à cet égard, notamment en coopération étroite avec et par le biais des réseaux d’associations d’entreprises et d’investisseurs.

8)   Est-il opportun d’élaborer une norme comptable commune au niveau de l’Union européenne pour les petites et moyennes entreprises cotées sur les MTF? Une telle norme devrait-elle devenir une composante des marchés pour la croissance des PME? Si oui, à quelles conditions?

L’actuelle définition européenne des PME regroupe des entreprises de tailles très différentes et ne permet aucune différenciation en fonction du secteur. Le CESE est favorable à une définition européenne standardisée des micro, petites et moyennes entreprises, et plaide en faveur de l’agrégation et d’une mise à jour des diverses définitions reprises dans les différents points de la législation européenne afin de mieux refléter la diversité des PME et les différences entre les États membres (1). Il suggère de proposer une définition des sociétés en croissance et à forte croissance, et de consacrer une attention particulière aux besoins de ces sociétés sur le marché des capitaux. Sans cela, les MTF ne concerneront qu’un nombre limité de pays et les marchés de croissance ne seront pas en mesure d’attirer de nombreux investisseurs transfrontaliers. Le contenu de cette norme devrait tenir compte des capacités financières et administratives limitées des PME.

9)   Existe-t-il des obstacles à la mise en place de plateformes réglementées pour le financement participatif ou peer to peer, notamment sur une base transfrontière? Si oui, comment y remédier?

Les différences qui existent entre les législations nationales constituent l’une des principales causes du faible développement de formes prospectives d’investissement comme le financement participatif. Il serait dès lors judicieux que la Commission promeuve une harmonisation législative.

4.3.    Développer et diversifier l’offre de financement

10)   Quelles mesures pourraient inciter les investisseurs institutionnels à lever des montants plus importants et à les investir dans un éventail plus large d’actifs, en particulier dans des projets à long terme, dans des PME et dans des start-ups innovantes à fort potentiel de croissance?

Avant toute autre chose, il est indispensable de modifier la réglementation relative aux portefeuilles des investisseurs institutionnels. En effet, dans de nombreux États membres, ces investisseurs ne sont tout simplement pas autorisés à réaliser ce genre d’investissements.

11)   Quelles mesures pourrait-on prendre afin de réduire le coût qu’entraînent, pour les gestionnaires de fonds, la mise en place et la commercialisation de fonds dans toute l’Union européenne? Quels obstacles empêchent les fonds de réaliser des économies d’échelle?

Les coûts ne sont pas excessivement élevés, même aujourd’hui, et dépendent avant tout des circuits de commercialisation. Ces fonds qui sont commercialisés par l’intermédiaire de succursales de banques ou d’autres institutions financières ne comportent généralement pas de coûts importants et ne sont pas confrontés à des entraves pour bénéficier d’économies d’échelle. Les fonds qui sont commercialisés séparément entraînent des coûts plus élevés.

Les prospectus relatifs à la collecte de fonds devraient être simplifiés et uniformisés, ainsi que tous les documents d’enregistrement pour entrer sur les marchés réglementés concernés.

Il est nécessaire d’adopter un modèle européen unique de segmentation en bourse, qui distinguerait les PME en fonction du profil d’émetteur qui est le leur. Le même résultat pourrait être obtenu en créant des segments spécialisés sur les différents marchés réglementés nationaux.

12)   Les travaux sur le traitement spécial à réserver aux investissements dans les infrastructures devraient-ils cibler certaines sous-classes d’actifs clairement identifiables? Si tel est le cas, auxquelles de ces sous-classes la Commission devrait-elle donner la priorité lors des réexamens futurs des règles prudentielles telles que CRD IV/CRR et Solvabilité II?

Pour le financement des projets d’infrastructures, le CESE suggère de:

mettre en place un processus d’examen public plus complet pour les infrastructures afin de garantir une planification qui soit coordonnée de manière plus stratégique,

concentrer davantage les financements gouvernementaux et européens sur les projets non viables financièrement mais importants pour la collectivité [éventuellement au moyen de garanties (partielles) visant à les rendre viables],

publier un guide facile à comprendre du financement des infrastructures par l’intermédiaire des banques et des marchés de capitaux,

modifier le traitement comptable et réglementaire des projets d’infrastructures afin de les rendre plus attrayants pour les investisseurs,

définir certaines sous-catégories clairement identifiables de projets d’infrastructures et y adapter sur mesure le traitement des investissements d’infrastructures. Cela nécessitera une évaluation des risques différente pour chaque sous-catégorie et améliorera la prévisibilité de manière à rendre les investissements plus attractifs pour les investisseurs institutionnels,

recourir plus fréquemment aux structures permettant aux investisseurs de détail de mieux participer aux financements illiquides,

envisager de remédier au fait qu’actuellement les charges de capital «solvabilité II» n’opèrent pas de distinction entre la dette d’entreprise à long terme et la dette liée aux infrastructures,

améliorer la transparence et la responsabilité démocratique des partenariats public-privé en exigeant un accès public à l’intégralité des contrats ainsi que des rapports publics réguliers concernant leur rentabilité.

13)   L’introduction d’un produit standardisé ou la suppression des obstacles actuels à l’accès transfrontière renforceraient-ils le marché unique des produits de retraite?

Oui. Compte tenu, d’une part, du fait que les produits de retraite et la philosophie des régimes de retraite sont très différents d’un État membre à l’autre, et, d’autre part, de l’objectif visé par la Commission européenne dans le livre vert en vue de parvenir à un régime de retraite paneuropéen.

14)   Modifier les règlements EuVECA et EuSEF permettrait-il aux grands gestionnaires de fonds de l’Union européenne de plus facilement créer ce type de fonds? Quels autres changements, le cas échéant, sont nécessaires pour augmenter le nombre de fonds de ce type?

Il est possible que ces modifications incitent davantage les grands gestionnaires de fonds à gérer ce type de fonds. Toutefois, elles pourraient également entraîner une concentration excessive et des conflits d’intérêts. Pour cette raison, il serait judicieux, avant d’adopter une telle mesure, d’étudier attentivement la question de manière à déterminer si ces dispositions constituent vraiment le principal obstacle à la gestion de ce type de fonds par les grands gestionnaires de fonds.

15)   Comment l’Union européenne peut-elle développer davantage le capital-investissement et le capital-risque en tant que sources alternatives de financement pour l’économie? En particulier, quelles mesures pourraient permettre d’augmenter l’envergure des fonds de capital-risque et d’améliorer les possibilités de sortie pour les investisseurs en capital-risque?

L’ampleur des fonds de capital-investissement ou de capital-risque pourrait être renforcée par un assouplissement approprié des restrictions sur les portefeuilles des investisseurs institutionnels tels que les fonds de pension, les compagnies d’assurance et les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM).

16)   Existe-t-il des obstacles empêchant d’augmenter sans risque les prêts directs, aussi bien bancaires que non bancaires, aux entreprises qui ont besoin de financements?

Au lendemain de la crise financière, les prêts bancaires ont subi des contraintes accrues du fait d’un resserrement des exigences en matière d’adéquation des fonds propres et de la nécessité de réduire l’exposition au risque. Les prêts directs non bancaires ne sont pas autorisés par la législation dans de nombreux États membres. Dans bien des cas, les compagnies d’assurance, les fonds de pension et autres institutions financières ne peuvent pas prêter directement à des entreprises non financières.

17)   Comment faire pour augmenter la participation transfrontière des particuliers aux OPCVM?

Les investissements transfrontaliers nécessitent une culture d’investissement bien développée, des connaissances pertinentes et la maîtrise de langues étrangères. Par conséquent, l’augmentation de la participation transfrontière passera nécessairement par la promotion du recours à des consultants spécialisés dans la planification financière à caractère personnel, qui pourront aider les investisseurs de détail à prendre des décisions en connaissance de cause dans un contexte international.

18)   Comment les autorités européennes de surveillance (AES) peuvent-elles contribuer davantage à garantir la protection des consommateurs et des investisseurs?

Dans la plupart des États membres, les instances nationales chargées de la protection des consommateurs disposent généralement de capacités relativement limitées dans le domaine des services financiers. Parfois, il n’est même pas clairement établi si ce domaine relève de leur compétence et, quand c’est le cas, quelle est exactement cette compétence. Il pourrait dès lors être utile que les AES encouragent le renforcement de la capacité administrative des instances nationales chargées de la protection des consommateurs et des agences de régulation financière à cet égard.

19)   Quelles mesures pourraient augmenter les investissements des particuliers? Quelles mesures supplémentaires pourrait-on prendre pour donner plus d’autonomie et protéger les citoyens de l’Union qui investissent sur les marchés des capitaux?

Encourager les États membres à mettre en place des conditions favorables susceptibles d’inciter les agents de change et les sociétés d’investissement à créer des fonds pour les nouvelles sociétés et qui autorisent des incitations fiscales (par exemple déduire les investissements de l’impôt sur le revenu de l’épargne des ménages). Outre l’amélioration de la protection institutionnelle des consommateurs (comme suggéré dans la réponse à la question précédente), le développement de différentes formes d’éducation financière ciblant les investisseurs non professionnels et les épargnants, et la mise en place de services de conseil très bien réglementés en matière de planification financière pour les particuliers pourraient également stimuler l’investissement de détail.

20)   Existe-t-il, en matière de développement de produits d’investissement simples et transparents destinés aux consommateurs, des bonnes pratiques nationales susceptibles d’être partagées?

Les bonnes pratiques ne sont pas encore bien établies mais prennent encore forme. Parmi les quelques exemples qu’on peut citer figure le processus d’accréditation des produits d’investissement par les associations professionnelles au Royaume-Uni (2). D’une manière générale, le développement de tels produits n’est pas une tâche aisée. Les produits d’investissement peuvent en effet être complexes par leur nature même, mais aussi parce que les émetteurs cherchent à satisfaire un éventail de besoins et à différencier leurs produits par rapport à d’autres produits similaires. L’avis selon lequel le fait que le gouvernement tente de forcer le développement de ce type de produits puisse être considéré comme une intervention sur le marché et une restriction de la concurrence peut constituer un autre problème. C’est la raison pour laquelle, au lieu de prendre des mesures en ce sens, il serait plus productif d’encourager le développement de l’éducation financière et des services de conseil financier aux personnes.

21)   Pourrait-on prendre des mesures supplémentaires dans le domaine de la réglementation des services financiers afin de garantir la compétitivité internationale de l’Union européenne et l’attrait qu’elle présente aux yeux des investisseurs?

La compétitivité doit être envisagée dans une perspective comparative. Par conséquent, les marchés des capitaux de l’Union européenne devraient offrir aux investisseurs des conditions au moins comparables à celles en vigueur sur les marchés internationaux, si ce n’est meilleures. Cela nécessiterait d’adopter des mesures visant à améliorer la protection des investisseurs et à adapter les structures fiscales (avec contrôle plus minutieux des avantages et des coûts de la taxe sur les transactions financières proposée).

22)

Quelles mesures pourrait-on prendre pour faciliter l’accès des entreprises de l’Union européenne aux investisseurs et aux marchés des capitaux des pays tiers?

Le meilleur moyen d’y parvenir est de stimuler la coopération avec les banques qui disposent d’un réseau bien développé de succursales dans des pays tiers.

4.4.    Améliorer l’efficacité du marché — intermédiaires, infrastructures et cadre juridique plus général

23)   Existe-t-il des mécanismes permettant d’améliorer le fonctionnement et l’efficacité des marchés qui ne soient pas abordés dans le présent document, en particulier dans les domaines du fonctionnement et de la liquidité des marchés des actions et des obligations?

L’on pourrait par exemple songer à:

assurer une liquidité minimale à long terme du marché des instruments financiers émis par des PME. Cet objectif pourrait être atteint en encourageant les fournisseurs de liquidités ou les teneurs de marché qui cotent les instruments financiers émis par des PME,

renforcer la confiance des investisseurs dans les PME en mettant en place de bonnes pratiques de gouvernance d’entreprise, et associer les principaux investisseurs financiers à leur gestion,

améliorer l’attractivité des PME — par exemple en prévoyant des possibilités de garanties d’entreprise (ou de garanties accordées par des institutions spécialisées) pour les émissions effectuées par les PME qui répondent à certains critères,

mettre en place des incitants pour les PME cotées sur des marchés réglementés,

mettre en place des incitants pour les investisseurs qui investissent dans les émissions effectuées par des PME cotées.

24)   À votre avis, existe-t-il des domaines dans lesquels le corpus de règles unique demeure encore insuffisant?

L’approche du corpus de règles unique développée pour le secteur bancaire par la directive et le règlement sur les exigences de fonds propres (CRD IV), la directive relative aux systèmes de garantie des dépôts (directive SGD) et la directive relative au redressement des banques et à la résolution de leurs défaillances (BRRD) crée des conditions de concurrence équitables et contribue à la réalisation du marché unique. Il pourrait dès lors s’avérer très utile d’étendre cette approche au secteur financier non bancaire. Une approche similaire à celle de la directive BRRD devrait aussi être adoptée pour les contreparties centrales.

25)   Pensez-vous que les AES sont dotées de compétences suffisantes pour assurer une surveillance cohérente? Quelles mesures supplémentaires relatives à la surveillance au niveau de l’Union européenne pourraient contribuer de manière significative à la mise en place d’une union des marchés des capitaux?

Concernant la convergence en matière de surveillance, le CESE:

convient de la nécessité de prendre des mesures correctives en vue d’améliorer le fonctionnement du système européen de surveillance financière (SESF),

demande que soient promues des actions visant à faciliter la coordination du SESF avec la nouvelle architecture du mécanisme de surveillance unique (MSU) et du mécanisme de résolution unique (MRU),

plaide en faveur d’une rationalisation des fonctions réglementaires des institutions constituant le SESF de manière à stimuler la simplification du cadre juridique et à favoriser une transparence et une efficacité accrues des processus,

demande une stratégie à moyen terme consistant à mettre en œuvre une consolidation organisationnelle et fonctionnelle des autorités de surveillance (en envisageant l’hypothèse d’un siège unique et l’adoption d’un modèle bipolaire),

invite la Commission européenne à analyser la faisabilité de solutions plus structurelles relatives à l’organisation du SESF et aux modalités de financement des autorités.

26)   En tenant compte des expériences passées, y a-t-il des modifications ciblées des règles relatives à la détention de titres qui pourraient contribuer à une plus grande intégration des marchés des capitaux au sein de l’Union européenne?

Il y a lieu d’améliorer les interactions entre les offices de dépôt, de même que la sécurité de la compensation et du règlement-livraison transfrontières.

27)   Quelles mesures pourraient être prises pour améliorer les flux transnationaux de collatéral? Faut-il entreprendre d’améliorer le caractère exécutoire transfrontière du collatéral et des accords de compensation avec déchéance du terme?

Il convient de prendre les mesures nécessaires pour créer un registre européen unique du collatéral transfrontière ou pour connecter entre eux les différents services concernés des registres nationaux. Si de telles mesures ne sont pas mises en œuvre, les investissements transfrontaliers resteront limités.

28)   Quels sont les principaux obstacles à l’intégration des marchés des capitaux créés par le droit des sociétés, y compris sur le plan de la gouvernance d’entreprise? Y a-t-il des mesures ciblées qui pourraient permettre de les surmonter?

Les différences existant entre États membres sur le plan du droit commercial, des pratiques commerciales et des modèles de gouvernance d’entreprise constituent les entraves les plus sérieuses à l’établissement d’une union des marchés de capitaux. Remédier à cela prendra du temps et ne sera pas facile, mais est absolument indispensable. À cette fin, il sera nécessaire d’étudier attentivement les systèmes juridiques des États membres.

29)   Quels aspects spécifiques des lois sur l’insolvabilité faudrait-il harmoniser pour favoriser l’émergence d’un marché paneuropéen des capitaux?

Les lois en matière d’insolvabilité revêtent une importance vitale pour les marchés de capitaux et devraient, comme le droit commercial et la gouvernance d’entreprise, faire l’objet d’une harmonisation à la suite d’un examen approfondi car, dans le cas contraire, le risque existe de voir les investissements s’orienter vers les pays où les droits des investisseurs sont mieux protégés. En particulier, l’option du «nouveau départ» (Fresh Start) devrait être examinée avec attention.

30)   Quelles sont les barrières autour de la fiscalité qu’il faudrait examiner en priorité pour favoriser une plus grande intégration des marchés des capitaux au sein de l’Union et une structure de financement plus solide au niveau de l’entreprise et au moyen de quels instruments?

La structure des systèmes d’imposition varie fortement d’un État membre à l’autre et est très sensible à tout changement. Au stade actuel, l’harmonisation fiscale sera très difficile à réaliser. Elle doit être considérée comme une phase terminale du processus.

31)   Comment l’Union européenne peut-elle au mieux aider le marché à développer de nouvelles technologies et de nouveaux modèles d’entreprise favorisant l’intégration et l’efficacité des marchés des capitaux?

L’Union européenne devrait se concentrer sur la mise en place d’une infrastructure de réseau numérique unique, capable de garantir des communications rapides, efficaces et sûres entre les marchés, les entreprises et les investisseurs (3), et permettant de participer à distance, au-delà des frontières, aux assemblées générales des actionnaires et de voter. Les efforts devraient également se concentrer sur la recherche de moyens permettant de réduire le niveau relativement élevé des coûts de compensation et de règlement dans le cas de transactions transfrontalières.

32)   Y a-t-il d’autres domaines, non recensés dans ce livre vert, dans lesquels il serait nécessaire d’agir pour parvenir à établir une union des marchés des capitaux? Dans l’affirmative, quels sont ces domaines et quelle forme pourrait prendre cette action?

Le livre vert présente un panorama détaillé de la situation actuelle sur les marchés des capitaux en Europe ainsi que les mesures nécessaires pour parvenir à une UMC. À ce stade, il est préférable de ne pas aborder de nouvelles problématiques mais bien de s’attacher à mieux planifier le calendrier de la mise en œuvre des mesures déjà décidées et à sélectionner quelques premières réformes tactiques importantes à lancer. Celles-ci devront être concrètes et avoir un impact direct et mesurable. Cela permettra de créer une dynamique qui facilitera ultérieurement la mise en œuvre d’autres réformes plus difficiles.

Cependant, le CESE constate que le livre vert n’aborde pas:

la notation de crédit des instruments financiers,

les mesures liées au problème du caractère procyclique des produits financiers.

Bruxelles, le 1er juillet 2015.

Le président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  La définition commune des PME figure en termes généraux dans la recommandation 2003/361 de l’Union européenne, qui n’a pas été actualisée et ne tient compte ni de l’élargissement de l’Union européenne, ni de la réalité économique à la suite de la crise. Pour les besoins du livre vert, la définition des PME figure dans la directive 2014/65/UE du 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments financiers. L’on trouve une autre définition des PME dans la directive 2013/34/UE du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports associés de certaines formes d’entreprises.

(2)  L’Association des assureurs britanniques, l’Association britannique des banques et la Building Societies Association, en négociations avec l’Office de normalisation britannique, ont décidé de mettre au point des produits financiers simples, qui satisfont à un ensemble convenu de principes, lesquels sont présentés dans le rapport Sergeant (mars 2013).

(3)  À titre d’exemple de bonne pratique, voir le cybermarché indépendant pour les prêts aux entreprises Finpoint,https://www.finpoint.co.uk/


17.11.2015   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 383/74


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Protocole de Paris — Programme de lutte contre le changement climatique planétaire après 2020»

[COM(2015) 81 final]

(2015/C 383/11)

Rapporteur:

Lutz RIBBE

Le 25 mars 2015, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l’article 43, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d’élaborer un avis d’initiative sur le thème:

«Protocole de Paris — Programme de lutte contre le changement climatique planétaire après 2020»

[COM(2015) 81 final].

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 4 juin 2015. (rapporteur: M. RIBBE).

Lors de sa 509e session plénière des 1er et 2 juillet 2015 (séance du 2 juillet 2015), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 193 voix pour, 12 voix contre et 9 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE attend des parties aux négociations de la 21e Conférence des parties (CdP 21) qu’elles concluent enfin un accord ambitieux et équitable, qui soit de nature contraignante. Le Comité soutient pleinement — à quelques exceptions marginales près — le contenu de la position de négociation présentée à cet effet par la Commission européenne. Il juge toutefois regrettable que l’Union européenne n’ait toujours pas pris pleinement conscience du rôle central que la société civile doit jouer dans ce processus.

1.2.

Toutes les parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) sans exception doivent assumer leurs responsabilités en vue d’atteindre l’objectif final, qui est de stabiliser «les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique (1) dangereuse du système climatique». Ce n’est qu’à cette condition qu’il sera possible d’éviter que des préjudices plus graves soient portés aux individus, à l’environnement et aux générations futures.

1.3.

Le principe d’une responsabilité commune mais différenciée est juste. Dans la plupart des États, il y a lieu d’engager rapidement un processus de transition consistant à se détourner des énergies fossiles au profit des énergies renouvelables ainsi que d’une plus grande efficacité énergétique et dans l’utilisation des ressources. Les États dont la contribution actuelle au dérèglement climatique est marginale doivent être soutenus en vue de leur orientation directe vers une «économie à faible intensité de carbone». Dans ce contexte, des perspectives non négligeables s’ouvrent d’ores et déjà pour les entreprises européennes innovantes, qui doivent bénéficier d’un appui politique à cet égard. Il convient de veiller à ce que cette transition n’appauvrisse pas les personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté. Elle devrait et doit au contraire être exploitée efficacement pour donner un nouvel élan à l’économie, en particulier au niveau régional, et pour mettre en place de nouvelles structures de production d’énergie décentralisées et non émettrices de carbone, qui associent les populations locales.

1.4.

Dès lors, la CdP 21 ne portera pas sur des questions environnementales classiques. Il s’agira plutôt de jeter les bases d’une nouvelle économie mondiale «à faible intensité de carbone».

1.5.

De tels processus nécessitent la présence de «chefs de file». L’Europe a endossé ce rôle avec succès pendant de nombreuses années. Cependant, il n’est désormais plus possible de dire que l’Europe fait cavalier seul dans la lutte contre le changement climatique. De nombreux autres blocs économiques effectuent maintenant des investissements considérables dans le processus de transition et dans les «technologies vertes», sans pour autant jouer un rôle plus actif dans le processus de négociation de la CdP. Dans les faits, et indépendamment de l’issue donnée à la négociation de Paris, le combat pour l’obtention des marchés d’avenir dans le domaine des technologies vertes, qui sont essentielles pour la préservation du climat, est engagé depuis longtemps, et l’Europe ne pourra pas s’y soustraire, que la CdP 21 ait ou non été couronnée de succès.

1.6.

Des paramètres importants de l’environnement économique, qui sont susceptibles d’entraîner des «fuites de carbone» ou une «fuite de l’économie à faible production de carbone», ne seront pas abordés dans les négociations de la CdP. Dès lors, il convient de toujours garder à l’esprit les questions liées à la préservation du climat ainsi que leurs répercussions économiques, sociales et politiques, y compris hors du contexte des négociations relatives à la CCNUCC. L’Europe doit s’engager à tous les niveaux, par exemple dans la création de mécanismes de marché qui contribuent à la prise en compte, dans les discussions internationales en matière de commerce, des émissions occasionnées par la production.

1.7.

Le CESE fait observer que ce ne sont pas les conclusions — espérons-le, ambitieuses — de la CdP 21 qui sauveront le climat, mais leur mise en application cohérente. Ce ne sont pas les responsables politiques qui procèdent à leur mise en œuvre, mais les citoyens. C’est certes à ces responsables qu’il revient de mettre en place le cadre propice, en gardant à l’esprit non seulement les conséquences environnementales, mais aussi économiques et sociales, mais c’est la société civile qui se charge de la mise en œuvre. Les décisions doivent par conséquent faire l’objet d’un large consensus dans la société et bénéficier du soutien des entreprises, des syndicats et de tous les autres pans de la société civile.

1.8.

Les rôles multiples joués par la société civile (voir le paragraphe 6) ne seront malheureusement abordés que de manière très marginale lors de la CdP, et l’Union européenne n’a pas pris d’initiative notable pour remédier à ce problème. La communication de la Commission ne contient pas la moindre référence concrète au rôle que devrait jouer la société civile. La nouvelle politique climatique ne peut et ne doit pas être imposée «d’en haut», mais doit s’appuyer sur une large adhésion de la majorité des citoyens dans le cadre d’un dialogue civil actif associant l’ensemble des parties prenantes et être mise en œuvre selon une approche ascendante. Le CESE recommande à la Commission, au Conseil et au Parlement européen d’engager enfin un dialogue approfondi et structuré, afin de ne pas passer à côté de la volonté générale de la société de développer de nouvelles structures. La politique concrètement menée par l’Union européenne jusqu’à présent s’avère très décevante à cet égard. Dans ce contexte, le CESE préconise que la Commission crée les conditions structurelles et alloue les ressources nécessaires pour permettre un dialogue de la société civile avec l’ensemble des acteurs concernés, dans lequel chacun doit avoir sa place et être également reconnu.

1.9.

Le CESE souligne qu’il existe des perspectives environnementales, économiques et sociales en lien avec des techniques existantes d’atténuation des émissions de carbone, qui peuvent aboutir à des créations d’emplois et au développement d’entreprises dans le monde entier.

2.   Contexte

2.1.

Il y a 23 ans de cela, en mai 1992, la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques a été adoptée à New York. L’article 2 de cette convention en présente l’objectif, qui est de «stabiliser […] les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique (2) dangereuse du système climatique» ainsi que d’en atténuer les éventuelles retombées.

2.2.

La même année, 154 États adhéraient déjà à la convention lors de la «Conférence de Rio des Nations unies sur l’environnement et le développement» (CNUED). Elle est entrée en vigueur en mars 1994. Aujourd’hui 196 parties en sont signataires.

2.3.

Ces pays se rencontrent chaque année à l’occasion de la Conférence des parties (CdP), également connue sous le nom de «sommet mondial de l’ONU sur le climat». À ce jour, les mesures adoptées ne suffisent pas pour atteindre ne fût-ce qu’approximativement les objectifs de la convention. Les seuls objectifs définis jusqu’ici sont des objectifs contraignants — fixés par le «protocole de Kyoto» adopté lors de la CdP 3 à Kyoto — qui imposent des plafonds d’émission aux pays industrialisés. Or l’on sait que le protocole de Kyoto a été ratifié par une partie seulement des pays industrialisés.

2.4.

Il s’agit désormais de s’accorder sur un même constat, à savoir qu’au terme de 21 années de négociations, au cours desquelles les émissions ont encore augmenté de près de 50 % au niveau mondial (passant de 30,8 milliards de tonnes d’équivalent CO2 en 1992 à 43,4 milliards de tonnes en 2011) (3) et où les retombées négatives des changements climatiques imputables à l’activité humaine deviennent de plus en plus évidentes, l’heure est venue d’agir enfin.

2.5.

La plupart des études scientifiques montrent qu’il est encore et toujours possible de contenir la hausse des températures en conséquence. Pour ce faire, il est nécessaire de commencer au plus vite à mettre en œuvre les mesures ambitieuses qui s’imposent. Les études montrent il est vrai aussi que, en théorie, l’objectif peut être atteint ultérieurement, mais pour un coût infiniment supérieur et au prix de dommages de grande ampleur, qui affecteraient dans la même mesure des millions de personnes et l’économie.

2.6.

La convention-cadre ne définit pas précisément ce qu’est une «perturbation anthropique dangereuse du système climatique». Lors de la 16e CdP (en 2010), les parties sont parvenues à un accord politique en vue de limiter l’augmentation de la température mondiale à moins de 2 oC (voire même 1,5 oC) par rapport aux niveaux de l’ère préindustrielle, sans toutefois apporter de preuve scientifique démontrant que cet accord politique permettrait également d’atteindre l’objectif fixé.

2.7.

Le CESE signale expressément à toutes les parties concernées — responsables politiques et société civile — que des perturbations aux incidences dramatiques se font d’ores et déjà nettement sentir, alors que le réchauffement est loin d’avoir atteint 2 oC. La limite de 2 oC ne saurait donc être envisagée comme un objectif à atteindre; il faut au contraire faire tout son possible pour rester en dessous de la valeur fixée.

3.   La CdP 21 à Paris

3.1.

En décembre 2015, la 21e CdP se tiendra à Paris. Conformément aux engagements pris, cette conférence sera l’occasion pour l’ensemble des 196 parties de prendre — enfin — sous la forme d’un accord mondial, les décisions ambitieuses, équitables et contraignantes qui s’imposent. Ces dispositions entreront en vigueur en 2020.

3.2.

Les décisions attendues portent notamment sur les aspects suivants:

a)

la lutte contre le changement climatique; les parties à la convention se sont engagées à notifier avant la fin de mars 2015 au secrétariat de la CCNUCC leurs objectifs nationaux en matière de réduction des émissions (contributions prévues et déterminées au niveau national, CPDN), lesquels doivent être ambitieux et aller au-delà des efforts déployés jusqu’ici. L’ensemble de ces CPDN doit suffire pour maintenir une augmentation de la température au niveau mondial inférieure à 2 oC. Un rapport de synthèse, permettant de déterminer si cet objectif peut lui aussi être atteint doit être présenté d’ici au 1er novembre 2015;

b)

les mesures d’adaptation au changement climatique;

c)

les dispositions financières relatives à la lutte, à l’adaptation et à la réparation des préjudices («pertes et dommages»); la question est notamment de savoir i) comment les 100 milliards de dollars promis annuellement seront réunis d’ici à 2020 et ii) sur la base de quels critères et moyennant quelles prescriptions ils seront répartis;

d)

les questions liées au transfert de technologies (compte tenu des aspects ayant trait à la «propriété intellectuelle»);

e)

les dispositions en matière de suivi de l’accord, concernant notamment la mesure des émissions, l’établissement de rapports, le contrôle/la transparence, etc. (4);

f)

et, plus important encore, le cadre juridique de l’accord, à savoir le caractère contraignant des décisions.

3.3.

Il s’agira également de décider comment le laps de temps compris entre l’adoption des décisions en décembre 2015 et l’entrée en vigueur des mesures contraignantes en 2020 doit être utilisé pour prendre des dispositions concrètes en matière de lutte contre le changement climatique («mesures antérieures à 2020»).

3.4.

Pour la première fois, les gouvernements examineront aussi la manière dont il convient de mettre en œuvre les politiques climatiques. Le CESE souscrit à l’appel lancé en faveur du respect des droits de l’homme et de la garantie d’une transition juste vers une économie à faible intensité de carbone qui maintienne et crée des emplois décents et de qualité.

3.5.

L’Union européenne a résumé ses positions et ses attentes vis-à-vis de la CdP 21 dans la communication intitulée «Protocole de Paris — Programme de lutte contre le changement climatique planétaire après 2020» (5). Elle propose notamment, afin de rendre les arrangements contraignants, que l’accord de Paris prenne la forme d’un protocole à la convention-cadre sur le climat. Celui-ci devrait entrer «en vigueur dès que les pays représentant collectivement 80 % des émissions mondiales l’auront ratifié».

3.6.

Les parties s’accordent sur la nécessité de faire valoir le principe d’une responsabilité commune mais différenciée; cela signifie que toutes les parties doivent assumer une part de responsabilité, indépendamment de leur contribution plus ou moins grande au dérèglement climatique. Le niveau exact de cette responsabilité doit quant à lui être apprécié au regard d’une pluralité de facteurs tout à fait disparates, tels que, par exemple, le niveau historique et actuel des émissions, la puissance économique, la situation sociale, les atteintes subies, etc.

4.   Les attentes de la société civile européenne à l’égard des négociations de la CdP 21

4.1.

Le CESE en appelle à toutes les parties pour qu’un accord juridiquement contraignant soit enfin adopté à Paris. Il soutient fermement la position de négociation de l’Union européenne établie dans la communication de la Commission [COM(2015) 81 final].

4.2.

À l’occasion de la CdP 21, il convient de trouver un consensus pour que, dans l’esprit d’une politique de prévention, soient prises aujourd’hui des décisions ambitieuses et d’une grande portée pour demain. Ces décisions constitueront le fondement de l’action économique et sociale des générations futures et elles contribueront à alléger la souffrance de ceux qui aujourd’hui déjà subissent les effets du changement climatique.

4.3.

Dès lors, la CdP 21 ne portera pas sur des questions environnementales classiques. Il s’agira plutôt de jeter les bases d’une nouvelle économie mondiale «à faible intensité de carbone».

4.4.

Le CESE accueille favorablement le principe d’une responsabilité commune mais différenciée. Toutes les parties doivent assumer leurs responsabilités et nul n’est plus en droit de s’y soustraire, de se «cacher» derrière d’autres pays, ni — comme cela s’est parfois produit dans le passé — de se fixer comme ligne de conduite de n’accepter de porter une part de responsabilité qu’à condition d’être rémunéré en conséquence.

Lutte contre le changement climatique

4.5.

Le Comité fait observer qu’un objectif mondial suffisant en matière de niveau d’émissions ne peut être atteint qu’à condition que tout être humain vivant sur Terre n’émette pas, en moyenne, plus de 2 tonnes d’équivalent CO2 par an.

4.5.1.

En Europe (environ 9 tonnes d’équivalent CO2 par habitant et par an en moyenne), ce pourcentage ne pourrait être atteint qu’à condition d’appliquer l’objectif de 2050 (réduction de 80 à 95 % des émissions de CO2). La Chine (actuellement environ 6 tonnes d’équivalent CO2 par habitant et par an) devrait diviser par trois son niveau actuel d’émission par habitant. Les États-Unis (actuellement 16,5 tonnes d’équivalent CO2 par habitant et par an) ou l’actuel «numéro un» mondial, le Qatar (avec 40 tonnes d’équivalent CO2 par habitant et par an), devraient par exemple consentir un effort encore plus significatif.

4.5.2.

En revanche, des réductions ne sauraient être attendues de la part de pays comme le Mali (0,04 tonne d’équivalent CO2 par habitant et par an) ou le Rwanda (0,06 tonne d’équivalent CO2 par habitant et par an). En ce sens, le CESE ne souscrit pas pleinement à la déclaration de la Commission selon laquelle «tous les pays devront réduire sensiblement et durablement leurs émissions de gaz à effet de serre». Pour ces États, il convient d’ailleurs de s’orienter directement vers la mise en œuvre d’une «économie à faible intensité de carbone». Ainsi, les responsabilités relevant de la politique climatique en matière de lutte et d’adaptation s’avèrent communes mais différentes dans les faits. Ces pays ont besoin d’un soutien urgent, ce qui ouvre dans le même temps de nombreuses perspectives de coopération pour les entreprises innovantes. Les entreprises européennes, qui détiennent (encore) 40 % de la totalité des brevets relatifs aux «technologies vertes», pourraient tout particulièrement en profiter.

4.5.3.

Il importe de préciser à cet égard que les données relatives aux émissions qui sont citées ne reflètent pas les disparités marquées qui existent dans la hiérarchie sociale des États et que, de fait, les émissions de CO2 occasionnées par la production sont attribuées aux pays dans lesquels les produits sont fabriqués, et non à ceux dans lesquels ils sont utilisés. Si l’on procédait de manière inverse, la Chine par exemple présenterait un bien meilleur bilan en matière d’émissions, contrairement à celui de l’Allemagne qui serait moins bon (6).

4.6.

Le CESE considère que la mise en place de contributions prévues et déterminées au niveau national (CPDN) représente une composante essentielle du processus de la CdP 21. Les retards dramatiques dans la notification des CPDN au secrétariat de la CCNUCC (7) constituent un très mauvais signe.

4.7.

Le CESE est conscient du fait qu’il n’est nullement certain pour l’instant que les partisans de l’adoption par la CdP 21 d’un accord cohérent entre 196 parties aux situations de départ très contrastées, aux orientations politiques et aux contextes culturels parfois extrêmement divers, parviendront à susciter une telle «solidarité à l’égard des générations futures» (8).

4.8.

Les négociations sur le paquet «Climat et énergie à l’horizon 2030» de l’Union européenne, qui ont constitué une sorte de «CdP» au niveau de l’Union européenne, ont déjà montré à quel point, même au niveau de l’Union européenne, il est difficilement possible d’atteindre le but visé par la CdP 21, à savoir établir des responsabilités nationales claires. Aussi le CESE regrette-t-il que des objectifs nationaux contraignants ne soient plus fixés dans le cadre du paquet «Climat et énergie à l’horizon 2030» de l’Union européenne, ce qui devrait compromettre la réalisation de l’objectif global européen et l’«attribution» des responsabilités (9). L’annonce de CPDN applicables aux États membres de l’Union européenne enverrait un signal positif dans l’optique de la négociation de la CdP.

Adaptation au changement climatique, dispositions financières et transfert de technologies

4.9.

«Responsabilité différenciée» signifie aussi qu’une solidarité est nécessaire à cet égard, en ce sens qu’il y a lieu d’aider tout particulièrement les pays moins développés et financièrement fragiles à mettre en place une économie «verte» sans incidence sur le climat et de leur donner les moyens de faire face aux atteintes climatiques dont ils sont bien souvent les premières victimes. Il convient de veiller à ce que cette transition n’appauvrisse pas les personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté. Elle devrait et doit au contraire être exploitée efficacement pour donner un nouvel élan à l’économie, en particulier au niveau régional, et pour mettre en place de nouvelles structures de production d’énergie décentralisées et non émettrices de carbone, qui associent les populations locales.

4.10.

C’est pourquoi les questions relatives aux financements et aux transferts de technologies revêtent une grande importance. Les pays moins développés ont déjà connu une amère déception précédemment puisqu’il y a longtemps que les «fonds d’aide au développement» qui avaient été promis (0,7 % du PIB) ne sont plus versés dans les proportions annoncées dans les engagements; il convient de ne pas réitérer cette erreur.

Caractère juridiquement contraignant et suivi de l’accord

4.11.

Le CESE souscrit à la déclaration de l’Union européenne selon laquelle le caractère juridiquement contraignant de l’accord représente la condition essentielle pour instaurer des conditions de concurrence équitables au niveau mondial et permettre la mise en application des décisions nécessaires.

4.12.

Les avantages d’un accord juridiquement contraignant seraient notamment les suivants:

l’ensemble des gouvernements enverraient ainsi un signal politique clair à l’économie, aux investisseurs, mais aussi au public, leur signifiant que l’objectif commun de l’ensemble de la communauté internationale est de mettre en place une «économie à faible intensité de carbone»;

il serait instauré un cadre pérenne et prévisible, qui encouragerait des investissements rentables dans les technologies de réduction des émissions de carbone et d’adaptation;

il serait fait explicitement référence aux principes de transparence et de responsabilité;

des investissements seraient disponibles pour la réalisation des mesures nécessaires. Un lien direct avec l’économie réelle serait ainsi établi.

4.13.

La société civile s’attend à ce que le nouvel accord sur le climat prenne en considération ses exigences au regard de la nécessité d’une transition équitable, respectueuse des droits de l’homme et des droits des travailleurs, prenant en considération les conséquences sociales, notamment sur le plan des «pertes et dommages», et compte tenu des enjeux d’adaptation au changement climatique, en particulier dans les pays les plus pauvres.

4.14.

La mise en œuvre des décisions doit impérativement être transparente et vérifiable, et les États qui ne respectent pas les décisions prises ne doivent plus avoir la possibilité de continuer à bénéficier des avantages procurés par l’accord.

4.15.

Le CESE reconnaît que la proposition de la Commission consistant à insuffler du dynamisme grâce à des procédures régulières de réexamen pourrait permettre de renforcer les engagements en matière d’atténuation, compte tenu des différentes situations nationales et de l’évolution des responsabilités.

Les attentes vis-à-vis du rôle de l’Union européenne dans l’action mondiale contre le changement climatique

4.16.

Au cours des dernières années, l’Union européenne s’est forgé une bonne réputation sur la scène mondiale en matière de lutte contre le changement climatique. Le CESE estime qu’il est important, non seulement dans le cadre des négociations de la CdP, mais aussi par une politique active menée en marge de celles-ci, de davantage susciter la confiance dans le fait que la mise en place d’une ambitieuse politique de lutte contre le changement climatique n’a pas pour objet, par exemple, de se procurer des avantages économiques au détriment d’autres nations ou milieux économiques.

4.17.

L’Union européenne devrait continuer d’afficher une conduite exemplaire et crédible au niveau mondial. De tels processus de négociation et de mutation nécessitent la présence de «chefs de file» et de «moteurs» sur le plan politique et économique. Il est important de souligner que l’Union européenne ne pourra assumer ce rôle de chef de file de manière crédible que lorsqu’il sera démontré qu’une politique de lutte contre le changement climatique va de pair avec une amélioration des résultats économiques.

4.18.

Parmi les points positifs à relever, on observera qu’aujourd’hui de nombreuses mesures ayant tout d’abord été introduites dans l’Union européenne, non sans susciter bien des contestations, ont désormais été reprises par d’autres pays. On peut citer à titre d’exemple les mesures de soutien aux énergies renouvelables, mais aussi le système d’échange de quotas d’émissions, dont même la Chine fait partiellement usage aujourd’hui.

4.19.

Le Comité se félicite que Mme Federica MOGHERINI, haute représentante de l’Union européenne pour la politique étrangère, ait accordé, avec le «plan d’action relatif à la diplomatie en matière de climat» (10), une place essentielle dans sa politique extérieure aux questions relatives à la lutte contre le changement climatique. De même, la déclaration de M. JUNCKER, président de la Commission, qui souhaite faire de l’Union européenne le champion mondial des énergies renouvelables, et ce non seulement parce que cela contribue à la lutte contre le changement climatique, mais aussi parce que cela permet de créer des emplois et de favoriser la sécurité de l’approvisionnement énergétique, constitue un signal fort et juste.

4.20.

L’Union européenne peut ainsi se prévaloir d’un certain nombre de succès au niveau international: par exemple, elle a démontré qu’il était possible de dissocier la croissance économique d’une augmentation des émissions. Aucune zone économique dans le monde n’émet moins de gaz à effet de serre par unité de PIB que l’Union européenne et de nombreuses entreprises européennes sont des «chefs de file» sur le plan de l’efficacité énergétique et dans l’utilisation des ressources. Cela est dû pour partie aux progrès technologiques et, partant, à la capacité d’innovation des entreprises européennes, qui sont le fruit de la législation relativement stricte de l’Union européenne dans le domaine de l’environnement.

4.21.

Mais de nombreuses missions attendent encore l’Europe: les innovations techniques ne suffiront pas pour obtenir la réduction souhaitée de 80 à 95 % des émissions de CO2 d’ici à 2050. On le constate par exemple dans le secteur des transports, dans lequel les innovations en matière de technologies d’échappement ont tout simplement été compensées, au moins pour partie, par l’augmentation du nombre de véhicules et de voies de circulation. Par conséquent, des changements structurels seront également nécessaires, en ce sens que l’action dans le domaine du climat et les autres politiques doivent être menées de front de manière bien plus cohérente qu’auparavant.

5.   Le déroulement des négociations des CdP au cours des dernières années — et le monde réel en marge des négociations

5.1.

Le CESE suit les négociations sur le climat depuis de nombreuses années. Il est conscient de l’extrême importance d’une issue positive de la conférence de Paris, mais souligne dans le même temps que ce ne sont pas les décisions en soi, mais seulement la mise en œuvre de mesures concrètes qui peuvent sauver le climat.

5.2.

La communauté internationale aurait certainement moins de mal à obtenir un consensus à Paris si, par exemple, les décisions communes de la Conférence Rio + 20 étaient mises en œuvre ou en voie de mise en œuvre, à savoir l’engagement «à éliminer progressivement les politiques dommageables et inefficaces de subventionnement des combustibles fossiles […], ces subventions favorisant le gaspillage et compromettant le développement durable» (11). Dès cette époque, il était admis que des instruments de marché (tels que la taxe carbone, les systèmes d’échange de quotas d’émission, etc.) devraient être utilisés à cette fin, ce que le CESE juge pertinent (12). D’après les estimations d’un nouveau document de travail du Fonds monétaire international (13), les subventions directes et indirectes qui sont consacrées chaque année aux énergies fossiles représentent, au niveau mondial, pas moins de 5  300 milliards de dollars des États-Unis, soit plus de 15 milliards de dollars par jour. Même le budget annuel escompté du Fonds vert pour le climat, à hauteur de 100 milliards de dollars, ne saurait compenser les incidences négatives de ces subventions.

5.3.

Cependant, un fossé énorme sépare les promesses politiques des mesures mises en œuvre, ce qui ébranle la confiance de la société civile à l’égard des accords politiques internationaux. Il ne serait pas acceptable que la conférence de Paris renforce ces déceptions; elle doit au contraire marquer un revirement.

5.4.

Pour l’Europe, il importe cependant de suivre aussi les développements qui prennent place en marge des «négociations des CdP», c’est-à-dire dans le «monde du développement économique réel». Citons à ce propos quelques exemples:

lors de la CdP 20 à Lima, la Chine et la Californie ont signé un accord instaurant une coopération étroite entre ces puissants blocs économiques dans le domaine des énergies renouvelables, de la mobilité électrique et de questions relatives à l’efficacité énergétique. Aucun accord de coopération stratégique de ce type n’a été signé avec l’Europe;

depuis quelques années, la Chine et les États-Unis figurent désormais en tête des États investissant le plus dans les énergies renouvelables. En 2013, la Chine a investi 54,2 milliards de dollars, les États-Unis 33,9 milliards de dollars et le Japon 28,6 milliards de dollars dans les énergies renouvelables. Le Royaume-Uni (12,1 milliards de dollars) et l’Allemagne (9,9 milliards de dollars) figurent respectivement à la 4e et à la 5e place. En Allemagne et en Italie en particulier, ces investissements ont fortement diminué (14).

Compétitivité mondiale, «fuite de carbone» et/ou «fuite de l’économie à faible production de carbone»

5.5.

Les décisions requises pour atteindre les objectifs de la convention-cadre ne déboucheront pas aujourd’hui sur des situations profitables à tous. C’est pourquoi il est justifié de mettre en avant les difficultés qu’il y aura à concilier dans toute la mesure du possible les décisions de la CdP avec les intérêts (économiques) nationaux ou sectoriels à court terme.

5.6.

Ce ne sera pas toujours possible, car il est évident qu’il y aura des secteurs économiques qui ne joueront aucun rôle ou se verront relégués au second plan dans le nouveau système d’une «économie à faible intensité de carbone», et qui compteront donc parmi les «perdants» des nécessaires restructurations. Ce serait ne rendre service à personne que de dissimuler ce fait. Ces secteurs économiques et les personnes et régions concernées ont au contraire le droit de savoir comment les responsables politiques entendent aménager ce changement de manière à ce qu’il génère aussi peu de ruptures que possible et à ce qu’il soit socialement acceptable. Ces difficultés ne doivent cependant pas servir de prétexte pour ne pas agir aujourd’hui. Car agir aujourd’hui et faciliter la transition vers une «économie à faible intensité de carbone» reviendra moins cher que de réparer les dommages par la suite (15).

5.7.

La question du développement des marchés d’avenir, s’agissant par exemple des technologies faisant appel aux énergies renouvelables ou améliorant l’efficacité, est d’une importance capitale pour la compétitivité future de l’Europe. Il convient bien entendu de prendre au sérieux les voix qui, en Europe, mettent en garde par exemple contre les «fuites de carbone» et qui invitent l’Europe à ne pas vouloir aller trop vite en faisant seule la course en tête.

5.8.

Mais l’Europe ne fait plus cavalier seul. On assiste bien au contraire à l’émergence d’une concurrence mondiale. C’est pourquoi il faut à présent se pencher aussi sur la «fuite de l’économie à faible production de carbone», c’est-à-dire le risque que l’Europe perde sa suprématie technologique et économique actuelle, par exemple dans le domaine des énergies renouvelables.

5.9.

Et un tel scénario peut se réaliser très rapidement. Dans le domaine des énergies renouvelables, il convient d’observer que l’Europe s’est laissé distancer dans le domaine de la technologie des batteries; en ce qui concerne la mobilité électrique, la Chine et la Californie sont désormais en première ligne. Les panneaux photovoltaïques les moins chers au monde sont produits en Chine, ce qui n’est imputable que dans une mesure limitée au dumping salarial. Des investissements publics et privés nettement plus élevés s’imposent de toute urgence dans le secteur de la recherche et du développement.

5.10.

L’actuel manque d’équité dans les conditions de concurrence représente un obstacle considérable pour les entreprises européennes qui évoluent sur les marchés mondiaux. À l’heure actuelle, des secteurs tels que la sidérurgie, l’industrie du papier ou la chimie, caractérisés par une forte interdépendance au niveau mondial, restent importants sur le plan économique. Grâce aux progrès technologiques, les incidences des industries manufacturières sur le climat dans l’Union européenne ont reculé de 31 % entre 1990 et 2012 (16).

5.11.

Il est peu probable que ces industries puissent être complètement remplacées dans leur fonction par de nouveaux domaines d’activité «verts» d’ici à 2050. Il ne serait profitable ni pour l’économie européenne, ni pour le climat de la planète, que ces industries soient poussées à délocaliser leurs activités hors de l’Union européenne, sans que ce processus n’entraîne de recul des émissions au niveau mondial.

5.12.

L’ampleur de cette «fuite de carbone» fait souvent débat. Elle peut être directe et prendre la forme d’un transfert d’usines et d’unités de production à l’étranger, en réaction immédiate à l’instauration de nouvelles mesures. Mais elle peut également s’avérer plus indirecte et transparaître au travers d’une hausse de l’investissement à l’étranger, concomitante à un maintien temporaire de la production dans l’Union européenne. Ce phénomène est aujourd’hui bien plus courant dans les entreprises présentes au niveau mondial, qui reposent sur de nombreux facteurs de production. Puisque la production de ces «vieilles industries» augmente de par le monde, il y a lieu d’instaurer des mesures incitatives équilibrées pour favoriser les technologies à faible intensité de carbone, y compris dans les industries de ce type qui sont présentes dans l’Union européenne, sans nuire à leur compétitivité relative.

5.13.

L’industrie et le commerce européens doivent s’efforcer de limiter les retombées de leurs activités sur le climat, conformément à l’objectif de réduction de 80 à 95 % des émissions d’ici à 2050. La feuille de route permettant d’atteindre cet objectif pourrait toutefois varier en fonction des secteurs et des domaines d’activité. L’industrie et le commerce européens peuvent soutenir d’autres pays dans leurs efforts visant à réduire les émissions au travers de la conception, de la production et de l’exportation de produits et de services. Pour autant que cette action s’accompagne d’une incidence sur le climat moindre en Europe que dans d’autres régions, un volume d’émissions total plus élevé pourrait éventuellement s’avérer acceptable à court terme, sans toutefois que ne soit remis en question l’objectif européen de réduction des émissions à l’horizon 2050. Il convient donc d’évaluer l’utilité de telles feuilles de route européennes pour chaque domaine d’activité.

5.14.

Les problèmes de «fuite de carbone» et de «fuite de l’économie à faible production de carbone» décrits plus haut ne font pas partie des négociations de la CdP. L’Europe doit donc s’engager à tous les niveaux, par exemple dans la création de mécanismes de marché permettant notamment de prendre en compte, dans les discussions internationales en matière de commerce, les émissions occasionnées par la production. Des mesures supplémentaires doivent être prises pour faire face à la «fuite de carbone», comme la compensation des prix du carbone aux frontières, tout en veillant à des conditions de concurrence équitables. En vertu de ce système, les produits importés se voient infliger une augmentation de prix sur la base d’un calcul de la masse des émissions de CO2 qu’ils occasionnent. Les modèles utilisés dans une étude récente indiquent que la compensation des prix du carbone aux frontières pourrait réduire considérablement la fuite de carbone dans les secteurs concernés (17).

5.15.

Toutefois, ces systèmes de compensations, sous les formes actuellement envisagées, ne sont pas bien accueillis par certains des principaux partenaires commerciaux de l’Europe. Cette question doit faire l’objet de négociations dans le cadre de l’OMC. Le traité permet l’examen de questions «non commerciales». Il convient de ne pas sous-estimer la difficulté de telles négociations en l’absence d’un accord mondial sur la tarification du carbone. Il est possible de désamorcer les craintes en améliorant la conception de ce système. Le principe sous-jacent est que ces compensations ne constituent nullement un instrument antidumping, mais bien une contribution à une politique climatique mondiale durable, si elles sont bien conçues (18).

5.16.

Concrètement, cela signifie par exemple qu’il faudrait prévoir des mécanismes équivalents dans le contexte des négociations sur le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI) ou sur l’accord économique et commercial global (AECG).

Que signifierait un échec (partiel) des négociations?

5.17.

Le CESE entend suggérer, au travers de ces explications, qu’un échec, total ou partiel, des négociations de la CdP 21, aussi regrettable soit-il, constituerait certes un revers sérieux, mais ne signifierait en aucun cas la fin de l’action de lutte contre le changement climatique. La clarté et la prévisibilité que procurerait un accord contraignant, qui seraient éminemment souhaitables pour l’économie et pour la société en général et qui insuffleraient un nouvel élan, feraient dans ce cas défaut. Dans les faits, le combat pour l’obtention des marchés d’avenir dans le domaine des technologies vertes est toutefois engagé depuis longtemps, et l’Europe ne pourra pas s’y soustraire, que la CdP 21 ait ou non été couronnée de succès.

5.18.

Comme on le sait, la lutte contre le changement climatique n’est pas le seul argument plaidant en faveur d’une réorientation vers une «économie à faible intensité de carbone». Les énergies fossiles en voie de raréfaction, la question de la sécurité énergétique et le fait que les technologies faisant appel aux énergies renouvelables permettent d’ores et déjà dans de nombreux secteurs de produire de l’énergie meilleur marché que celle obtenue à partir des énergies classiques, marquent un impossible retour en arrière.

6.   Le rôle de la société civile

6.1.

Si le CESE soutient les positions présentées par la Commission dans sa communication sur le protocole de Paris, il juge pour autant inexplicable le fait que la communication ne fasse aucunement référence à une quelconque stratégie de la Commission pour communiquer à la société civile ses positions ou organiser avec elle la mise en œuvre ultérieure des décisions prises. Le CESE estime que la Commission a pourtant le devoir clair d’engager un dialogue structuré avec la société civile, en particulier avec les organes institutionnels qui la représentent, concernant sa stratégie en matière de politique climatique.

6.2.

La société civile est investie d’au moins trois missions essentielles. D’une part, elle doit contribuer à accompagner le processus de négociation politique et exercer une pression sociale afin que non seulement les décisions contraignantes évoquées plus haut soient prises, mais aussi que ces décisions soient conformes aux attentes environnementales, économiques et sociales.

6.2.1.

La tenue de négociations — à l’instar des CdP — ne s’avère nécessaire que parce qu’il existe, au sein de la communauté internationale, différentes interprétations des notions d’urgence, de gravité, de financement, de responsabilité, etc. Si les avis étaient unanimes, il ne serait pas nécessaire de négocier. Au sein de la société civile également, il y a eu (et il y a encore) des positions tout autant divergentes. Comme l’ont toutefois montré les dernières CdP, voilà longtemps que ce ne sont plus «seulement» les défenseurs de l’environnement, les groupes actifs dans le domaine de la politique de développement, les organisations féminines ou les représentants des populations autochtones — pour ne citer que quelques «parties prenantes» — qui s’engagent en faveur d’une action convaincante dans le domaine du climat; c’est au contraire un très large mouvement qui s’est mis en marche dans la société civile au niveau mondial.

6.2.2.

Il convient de saluer l’engagement massif du mouvement syndical (mondial) depuis plusieurs années, ainsi que d’un grand nombre de milieux économiques et d’entreprises. On peut citer à titre d’exemple les travaux de la CSI et du Conseil mondial des entreprises pour le développement durable (World Business Council for Sustainable Development). Il est admis qu’une économie efficace dans l’utilisation des ressources et respectueuse du climat ouvre de nouvelles perspectives de développement économique.

6.2.3.

La CdP 20 à Lima a constitué à cet égard une «démonstration» magistrale de la part des deux parties, les employeurs comme les travailleurs, mais aussi de la société civile dans son ensemble, qui montre aux responsables politiques que des pans très larges de la société aspirent à beaucoup plus que ce qui a été négocié sur le plan politique à ce jour.

6.2.4.

Dans les communes et les régions aussi, les activités de lutte contre le changement climatique ont pris une toute nouvelle dimension. Ces collectivités reconnaissent elles aussi qu’il est nécessaire non seulement de mettre certaines régions et les personnes qui y vivent et qui y opèrent à l’abri de nouvelles atteintes, mais aussi de s’ouvrir aux possibilités de création de nouvelles chaînes de valeur, lesquelles devraient être mises à profit.

6.3.

La seconde mission de la société civile est de participer activement à la mise en œuvre des décisions relatives à la lutte contre le changement climatique. D’un point de vue stratégique, la CESE estime qu’il y a lieu de revoir entièrement la politique en la matière, de rendre possible une telle coopération et d’œuvrer en faveur d’une implication beaucoup plus forte.

6.3.1.

Par exemple, dans son enquête sur la question de savoir comment la société civile est associée à la mise en œuvre de la directive européenne sur les énergies renouvelables, le CESE a rencontré auprès de larges pans de la société civile, y compris de nombreuses PME, la volonté très explicite d’être directement impliqués, par exemple sous la forme de projets énergétiques citoyens, pour pouvoir eux-mêmes profiter des nouvelles possibilités économiques au niveau régional.

6.3.2.

Le succès par exemple de la «transition énergétique» opérée au Danemark et en Allemagne tient précisément au fait que les particuliers, les agriculteurs, les collectivités locales, les coopératives et les petites entreprises participent à la production d’énergie et en tirent aussi profit sur le plan économique; pourtant, les modèles de participation qui vont en ce sens sont systématiquement fragilisés par la Commission au lieu d’être améliorés.

6.4.

Troisièmement, en plus du suivi du processus et de l’aide à la mise en œuvre des décisions, la société civile peut également apporter sa contribution en diffusant les bonnes pratiques et des connaissances en lien avec des exemples d’évolutions positives dans les entreprises. Il est particulièrement important de mettre l’accent sur les secteurs économiques à l’encontre desquels il semble exister un préjugé tenace selon lequel rien ne serait fait et les émissions continueraient simplement d’augmenter, par exemple les transports ou l’industrie de transformation. Les décisions politiques peuvent gagner en pertinence si les incitations sont fondées sur une connaissance de l’état actuel ou anticipé de la technologie et des modèles économiques. Cette mission de la société civile peut être menée à bien à travers des conférences et des échanges d’informations qui illustrent l’approche élargie du secteur privé en matière d’engagement, notamment dans les États membres de l’Union européenne.

6.5.

Le rôle stratégique de la société civile ne sera quasiment pas abordé lors de la CdP 21. D’où l’importance que les responsables politiques se concertent avec la société civile, en marge du processus de la CdP, et élaborent des stratégies appropriées.

6.6.

L’Union européenne doit rattraper à cet égard un énorme retard. Le Comité déplore, par exemple, que ni le paquet «Climat et énergie à l’horizon 2030» de l’Union européenne ni la proposition relative à une Union européenne de l’énergie ne présentent d’idées concrètes concernant la participation de la société civile.

6.7.

Le CESE recommande à la Commission, au Conseil et au Parlement européen d’engager enfin un dialogue approfondi et structuré à ce sujet, afin de ne pas passer à côté de la volonté générale de la société de développer de nouvelles structures. La nouvelle politique climatique ne peut et ne doit pas être imposée «d’en haut», mais doit s’appuyer sur une large adhésion de l’ensemble des parties prenantes et être mise en œuvre selon une approche ascendante.

Bruxelles, le 2 juillet 2015.

Le président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  C’est-à-dire provoquée par l’homme.

(2)  C’est-à-dire provoquée par l’homme.

(3)  http://de.statista.com/statistik/daten/studie/311924/umfrage/treibhausgasemissionen-weltweit/

(4)  Aujourd’hui déjà, les parties sont tenues de publier des rapports périodiques rendant compte du niveau actuel des émissions de gaz à effet de serre et des tendances en la matière.

(5)  COM(2015) 81 final du 25 février 2015.

(6)  Conclusion de l’université du Maryland, voir: www.tagesschau.de/ausland/klimaindex104.html

(7)  Les CPDN devaient être notifiées avant la fin de mars 2015. Au 17 mai 2015, seuls la Suisse, l’Union européenne, la Norvège, le Mexique, les États-Unis, le Gabon, la Russie, le Liechtenstein, Andorre et le Canada avaient notifié leurs CPDN.

(8)  Voir: http://www.futurejustice.org/

(9)  Voir l’avis du CESE sur le thème «Un cadre d’action en matière de climat et d’énergie pour la période comprise entre 2020 et 2030» (NAT/636), paragraphes 1.2 et 1.3.

(10)  Point évoqué lors de la réunion du Conseil «Affaires étrangères» du 19 janvier 2015, 5411/15.

(11)  Voir le point 225 de la déclaration finale.

(12)  Voir l’avis du CESE sur le thème «Instruments financiers destinés à favoriser le passage vers une économie à faibles émissions de carbone et efficace dans l’utilisation des ressources» (NAT/620), paragraphes 1.3, 1.7 et 1.8 (JO C 226 du 16.7.2014, p. 1).

(13)  Document de travail du FMI, «How Large Are Global Energy Subsidies?» (WP/15/105).

(14)  Allemagne: 30,6 milliards de dollars (2011), puis 22,8 milliards de dollars (2012), et aujourd’hui 9,9 milliards de dollars (2013). Italie: 28,0 milliards de dollars (2011, soit à l’époque la 4e place au niveau mondial), puis 14,7 milliards de dollars (2012), et aujourd’hui 3,6 milliards d’euros (2013, soit aujourd’hui la 10e place au niveau mondial).

(15)  Référence à l’étude de l’Institut des ressources mondiales intitulée «Better Growth, Better Climate: the New Climate Economy Report».

(16)  AEE, Inventaire annuel 1990-2012 des gaz à effet de serre de l’Union européenne et rapport d’inventaire 2014.

(17)  Avis du CESE sur le thème «Instruments financiers destinés à favoriser le passage vers une économie à faibles émissions de carbone et efficace dans l’utilisation des ressources dans l’Union européenne» (NAT/620), paragraphe 3.5 (JO C 226 du 16.7.2014, p. 1).

(18)  Voir note de bas de page no 17.


17.11.2015   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 383/84


Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen, au Comité des régions et à la Banque européenne d’investissement sur le «Cadre stratégique pour une Union de l’énergie résiliente, dotée d’une politique clairvoyante en matière de changement climatique»

[COM(2015) 80 final]

et la

Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur le thème «Réaliser l’objectif de 10 % d’interconnexion dans le secteur de l’électricité — Un réseau électrique européen prêt pour 2020»

[COM(2015) 82 final]

(2015/C 383/12)

Rapporteure:

Mme Ulla SIRKEINEN

Corapporteur:

M. Pierre-Jean COULON

Les 9 et 25 mars 2015, la Commission européenne a décidé, conformément à l’article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen, au Comité des régions et à la Banque européenne d’investissement sur le «Cadre stratégique pour une Union de l’énergie résiliente, dotée d’une politique clairvoyante en matière de changement climatique»

[COM(2015) 80 final], et la

Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur le thème «Réaliser l’objectif de 10 % d’interconnexion dans le secteur de l’électricité — Un réseau électrique européen prêt pour 2020»

[COM(2015) 82 final].

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l’information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 16 juin 2015.

Lors de sa 509e session plénière des 1er et 2 juillet 2015 (séance du 1er juillet 2015), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis à l’unanimité, par 100 voix pour.

1.   Conclusions et recommandations

Le CESE formule les conclusions suivantes:

1.1.

La politique énergétique de l’Union européenne a été en partie couronnée de succès, en particulier en accroissant l’utilisation des énergies renouvelables et en élargissant le choix offert aux consommateurs. Il n’en demeure pas moins que la plupart des questions liées à la politique énergétique continuent d’être traitées principalement comme des intérêts nationaux.

1.2.

Les défis se sont accentués: risques pour la sécurité de l’approvisionnement en gaz; augmentations des coûts de l’énergie qui nuisent aux consommateurs et affaiblissent la compétitivité de l’industrie; conséquences des parts importantes d’énergie renouvelable intermittente sur la stabilité du système électrique.

1.3.

Des investissements massifs sont indispensables pour garantir l’approvisionnement énergétique de l’Europe. Les investisseurs ont besoin d’un cadre politique aussi prévisible et fiable que possible.

1.4.

Pour satisfaire les attentes des Européens, l’énergie doit être abordée de manière plus cohérente. La coopération entre les États membres et un marché intérieur de l’énergie pleinement opérationnel sont indispensables.

1.5.

La proposition relative à une Union européenne de l’énergie étant maintenant approuvée, sa mise en œuvre est urgente. Elle permettrait de faire de la libre circulation de l’énergie la cinquième liberté de l’Union européenne!

Le CESE formule les recommandations suivantes:

1.6.

Le succès de cette initiative nécessitera un message plus clair, en l’occurrence une vision prospective de ce que l’Union de l’énergie apportera aux entreprises et aux citoyens européens.

1.7.

Outre la sécurité d’approvisionnement et la durabilité, il conviendrait d’accorder une priorité élevée à l’action sur les coûts de l’énergie pour les citoyens et les entreprises. Lorsque la hausse des prix de l’électricité pour l’utilisateur final est imputable à des décisions politiques, on peut légitimement s’attendre à ce que l’on essaie de remédier à ce problème.

1.8.

L’énergie devrait devenir un élément central des politiques extérieures de l’Union européenne pour faire face à la concurrence de plus en plus vive pour les sources énergétiques et à la nécessité de diversifier les filières d’approvisionnement.

1.9.

Lors de l’élaboration des propositions de réexamen des différents volets de la législation sur l’énergie, présentées dans la feuille de route et soutenues par le CESE, la Commission devrait éviter les incohérences et l’augmentation des coûts, et essayer au contraire de simplifier les procédures.

1.10.

Les méthodes permettant de mobiliser les consommateurs devraient être mises au point en coopération avec les consommateurs eux-mêmes, notamment en utilisant de manière innovante les TIC. La pauvreté énergétique devrait être traitée en premier lieu au moyen de mesures de politique sociale.

1.11.

Des idées permettant de mettre en place des financements innovants seraient les bienvenues pour exploiter l’énorme potentiel de gains d’efficacité énergétique dans les bâtiments et les transports, en particulier.

1.12.

Une réforme structurelle du système d’échange de quotas d’émission (SEQE) de l’Union européenne est nécessaire, des mesures dans les secteurs non couverts par le SEQE étant du reste tout aussi importantes.

1.13.

Aussi longtemps que des conditions équitables de concurrence ne seront pas établies à l’échelle mondiale, le problème des fuites de carbone devra être pris très au sérieux. Les meilleurs producteurs industriels doivent bénéficier d’une indemnisation complète pour l’augmentation des coûts directs et indirects à laquelle ils font face.

1.14.

Le développement des énergies renouvelables, y compris la bioénergie, doit être soutenu, mais sans entraîner d’augmentation des coûts d’utilisation.

1.15.

La solution aux futurs défis énergétiques exige un financement accru de la recherche et de l’innovation. Un large éventail de possibilités permettant de favoriser la croissance et l’emploi dans l’Union européenne pourrait s’ouvrir si l’on traitait l’énergie comme un facteur de production de manière aussi efficace et durable que possible.

1.16.

Un nouveau système de gouvernance de la politique énergétique doit veiller à la cohérence entre les différents aspects de l’énergie, ainsi qu’à la réalisation des objectifs de l’Union européenne. Le dialogue européen sur l’énergie (DEE), proposé par le CESE, doit être lancé sans délai.

1.17.

Il importe de mettre en œuvre de toute urgence les mesures visant à accroître l’interconnexion des réseaux d’électricité, notamment l’accélération des procédures d’approbation. Il pourrait être utile de réfléchir à la question de savoir si un même objectif pour tous est une solution réellement viable.

2.   Introduction

2.1.

La politique européenne de l’énergie poursuit trois objectifs essentiels: la sécurité de l’approvisionnement, la durabilité et la compétitivité. La législation de l’Union européenne régit les marchés de l’énergie, ainsi que les aspects environnementaux et climatiques de l’énergie. L’Union européenne apporte un soutien financier à la R&D dans le domaine de l’énergie, ainsi qu’au développement des infrastructures. Par sa nature, l’utilisation efficace de l’énergie relève dans une large mesure des compétences des autorités locales ou nationales, dans le respect des règles du marché intérieur. Les traités réservent aux États membres le droit de décider de l’utilisation de leurs ressources énergétiques et de la composition de leur bouquet énergétique.

2.2.

Les politiques de l’énergie menées en Europe ont été en partie couronnées de succès. Les objectifs (20-20-20 à l’horizon 2020) fixés en vue de la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de l’augmentation de l’utilisation de sources d’énergie renouvelables semblent devoir être atteints avant l’échéance du délai prévu et il apparaît que l’objectif en matière d’efficacité énergétique est presque réalisé, même si on le doit en partie à la crise économique. Les marchés ont été ouverts et le choix des consommateurs s’est élargi. Néanmoins, dans la pratique, la politique énergétique est essentiellement traitée comme une question nationale. La mise en œuvre de la législation de l’Union européenne a été lente ou incomplète et le marché intérieur ne fonctionne pas véritablement. Les politiques concernant différents aspects de l’énergie qui ont été menées au niveau de l’Union européenne et au niveau national ont été fragmentées et, dans bien des cas, déséquilibrées.

2.3.

Pour y remédier, Notre Europe, l’Institut Jacques Delors, a proposé la création d’une communauté européenne de l’énergie. Cette initiative a reçu le soutien actif du CESE.

2.4.

De nouveaux défis énergétiques sont récemment apparus sur le devant la scène. Les préoccupations concernant la sécurité de l’approvisionnement en énergie sont lancinantes dans certains États membres. Les consommateurs, en particulier les plus vulnérables, souffrent de l’augmentation des coûts de l’énergie dans le contexte du ralentissement de l’activité économique. Les entreprises luttent pour maintenir leur compétitivité face à des prix de l’énergie en baisse dans les régions du monde concurrentes. Si le déclin industriel dans de nombreux États membres se poursuit, ainsi que la fuite de carbone, ce ne sont pas seulement les emplois et la croissance qui sont en danger, mais aussi la transition énergétique elle-même. En dépit de grands succès dans le domaine de l’énergie renouvelable, l’Europe risque de perdre sa position de chef de file. Dans certains pays, la part de plus en plus importante des énergies renouvelables pose des problèmes de gestion du système électrique et la production d’énergie traditionnelle est de moins en moins rentable. D’après la Commission (1), des investissements de l’ordre de 2  000 milliards d’euros seront nécessaires entre 2020 et 2030, notamment dans les infrastructures de production et dans les réseaux, pour garantir l’approvisionnement énergétique, et ce, que l’on opte pour des énergies classiques ou de substitution.

3.   Les communications de la Commission

3.1.

La nouvelle Commission présidée par Jean-Claude Juncker a fait de la politique énergétique l’une de ses dix priorités. En octobre 2014, le Conseil européen a défini les objectifs de la politique en matière d’énergie et de climat à l’horizon 2030: une baisse d’au moins 40 % des gaz à effet de serre par rapport au niveau de 1990, une part d’au moins 27 % d’énergie renouvelable et une amélioration de l’efficacité énergétique d’au moins 27 %.

3.2.

Le 25 février 2015, la Commission a présenté sa communication intitulée «Une stratégie cadre pour une Union plus résiliente sur le plan de l’énergie dotée d’une politique visionnaire en matière de changement climatique» (2). La stratégie s’articule autour de cinq dimensions interdépendantes qui se renforcent mutuellement. Elles visent à accroître la sécurité énergétique, la durabilité et la compétitivité et portent sur:

la sécurité énergétique, la solidarité et la confiance,

une pleine intégration du marché européen de l’énergie,

l’efficacité énergétique comme moyen de modérer la demande,

la décarbonisation de l’économie,

la recherche, l’innovation et la compétitivité.

3.3.

La stratégie présente la vision générale de la Commission d’une Union de l’énergie. Sur la base de descriptions succinctes des problèmes qui se posent dans les cinq dimensions, elle propose quinze points d’action. Une feuille de route jointe à la communication recense les actions programmées par la Commission, portant principalement sur cette année et 2016. Il s’agit pour la plupart de révisions de la législation en vigueur.

3.4.

La Commission a publié conjointement une communication sur «La réalisation de l’objectif de 10 % fixé pour l’interconnexion électrique et la préparation du réseau électrique européen à l’échéance de 2020» (3) et sur «Le protocole de Paris — Projet détaillé pour la lutte contre le changement climatique au-delà de 2020» (4).

4.   Observations générales

4.1.

Le Comité considère que l’initiative de la Commission européenne pour une Union européenne de l’énergie s’inscrit dans le droit fil de l’idée antérieure d’une communauté européenne de l’énergie et, par conséquent, l’approuve.

4.2.

Pour être à la hauteur des gigantesques besoins, les investisseurs ont besoin que soit établi dans les plus brefs délais un cadre législatif prévisible et fiable pour la période commençant en 2020. Les points d’action et la feuille de route proposés par la Commission ne contiennent pas de grands changements, mais revoient et actualisent la législation actuelle. Le point crucial est sa mise en œuvre. Il est maintenant de la plus haute importance de ne pas s’écarter du calendrier serré prévu pour élaborer les propositions suggérées. Il est naturellement tout aussi important que le Parlement et le Conseil ne fassent pas preuve de mauvaise volonté sur ces questions.

4.3.

Le CESE estime toutefois que le succès de cette initiative nécessitera un message plus clair, en l’occurrence une vision prospective de ce que l’Union de l’énergie apportera aux entreprises et aux citoyens européens. Cette vision devrait rester en tête des priorités de tous les décideurs concernés.

4.4.

De nombreux acteurs sont inquiets des incohérences de la réglementation et des interférences dans de trop nombreux aspects de l’économie de l’énergie. Pour satisfaire les attentes des Européens, en particulier par rapport aux nouveaux défis, l’énergie doit être abordée de manière plus cohérente. Cela vaut pour les différents objectifs et domaines politiques, ainsi que pour l’équilibre entre les intérêts nationaux et les intérêts communs plus vastes de l’Union européenne.

4.5.

Le CESE est convaincu que la coopération entre les États membres et un marché intérieur de l’énergie pleinement opérationnel sont indispensables pour atteindre les objectifs de la politique énergétique. Davantage de sources d’énergie renouvelables sont nécessaires pour réduire les émissions et la dépendance à l’égard de l’extérieur. Il est d’ores et déjà évident qu’un système électrique alimenté dans une mesure relativement importante par des énergies renouvelables intermittentes peut mieux fonctionner au sein d’un marché plus vaste que le marché national. Les coûts des capacités de secours et de pointe ainsi que des capacités de stockage (de gaz) sont eux aussi moins élevés lorsque le marché est plus grand.

4.6.

Outre la sécurité d’approvisionnement et la durabilité, il conviendrait d’accorder une priorité élevée à l’action sur les coûts de l’énergie pour les citoyens et les entreprises. Dans une situation où les citoyens se sentent de plus en plus coupés de l’Union européenne et sont désemparés par le ralentissement de l’économie, les coûts de l’énergie constituent sans aucun doute une importante préoccupation. Il en va de même pour les entreprises, en particulier les PME, et leurs travailleurs qui doivent affronter la concurrence sur les marchés internationaux.

4.7.

Lorsque la hausse des prix de l’énergie pour l’utilisateur final, en particulier celle des prix de l’électricité, est principalement imputable à des décisions politiques portant sur la fiscalité et les tarifs, on peut légitimement s’attendre à ce que l’on essaie de remédier à ce problème. La Commission devrait aller de l’avant avec ses projets concernant la révision des prix et l’orientation des mesures de soutien. Elle devrait dans le même temps expliquer quels effets auront sur les prix les modifications prévues du système d’échange de quotas d’émission ainsi que la suppression promise des subventions aux sources d’énergie polluantes (5).

5.   Observations particulières

Sécurité énergétique, solidarité et confiance

5.1.

Le CESE s’accorde avec la Commission pour estimer que les principaux facteurs de sécurité de l’approvisionnement sont l’achèvement du marché intérieur de l’énergie et l’amélioration de l’efficacité de la consommation d’énergie. En outre, ce qui se passe sur la scène géopolitique internationale mérite une plus grande attention. La concurrence mondiale pour les ressources énergétiques va s’intensifier. Celle-ci, de même que la diversification de l’approvisionnement énergétique de l’Union européenne, doivent être au cœur des mesures de politique extérieure et commerciale de l’Union européenne.

5.2.

La diversification des sources énergétiques est en grande partie une question de choix d’approvisionnement et de bouquet énergétique au niveau national. L’Union européenne peut et doit soutenir le développement des infrastructures. Pour l’instant, l’approvisionnement en gaz fait l’objet d’une attention particulière. Il conviendrait d’analyser de manière approfondie l’évolution de la demande de gaz dans l’Union européenne et d’adapter les projections d’investissements dans les infrastructures en fonction de celle-ci. Une plus grande attention devrait être accordée à d’autres sources d’énergie, comme celles disponibles au niveau national.

5.3.

Il devrait être évident pour les États membres qu’ils ont un intérêt à entretenir une coopération plus étroite et des échanges d’informations pour un marché donné (du gaz ou autres) lorsqu’ils sont confrontés à un fournisseur en position dominante ou à une entente. La coopération ne devrait toutefois pas entraver le fonctionnement du marché. La solidarité devrait être de mise entre les États membres, mais elle n’est possible que si elle est fondée sur la confiance et le respect des règles et des engagements communs. Les problèmes des îlots énergétiques méritent une attention particulière, et notamment les spécificités des zones insulaires par rapport au continent.

Un marché intérieur de l’énergie pleinement intégré

5.4.

La modernisation des réseaux d’électricité et de gaz est essentielle à la réalisation de l’Union de l’énergie. La question de l’interconnexion des réseaux d’électricité sera examinée au chapitre 6 sur la base de la communication relative à ce sujet.

5.5.

Les marchés de l’énergie, en particulier ceux de l’électricité, sont affectés par la mise en œuvre incomplète des directives concernées et par la coopération toujours insuffisante entre gestionnaires de réseau de transport et autorités de régulation nationales. Le CESE soutient les propositions de la Commission sur ces questions, mais met en garde contre un accroissement des coûts et des charges administratives.

5.6.

Les liens entre les marchés de gros et de détail présentent des faiblesses. Ils sont, à tout le moins, opaques et nécessitent une plus grande transparence pour la fixation des prix. L’insuffisance des signaux de prix adressés aux investisseurs et l’absence de flexibilité du côté de la demande semblent être des points cruciaux. Les défis à relever sont l’augmentation de la part des énergies renouvelables et la question de la surcapacité au regard de la nécessité d’un équilibre et de capacités en période de pointe. Un réexamen de la réglementation y afférente est nécessaire. Cependant, lors de son élaboration, la Commission devrait éviter une augmentation des coûts pour l’usager, tout en favorisant des solutions bénéfiques aux marchés transnationaux.

5.7.

Dans les faits, les marchés de l’électricité et du gaz deviennent déjà de plus en plus souvent des marchés régionaux de pays voisins. Il s’agit d’une avancée positive sur la voie de marchés à l’échelle de l’Union européenne. Elle doit être encouragée par l’autorité normative. En particulier, les bonnes pratiques et expériences devraient être partagées entre les régions et, bien entendu, avec l’Union européenne. Dans ce cas encore, il convient d’éviter un accroissement des charges administratives.

5.8.

Il est dans l’intérêt de tous de rendre les consommateurs actifs sur les marchés de l’énergie, mais cela ne peut se faire par la contrainte. Il est nécessaire de développer en collaboration avec les consommateurs eux-mêmes des méthodes pointues, en particulier par une utilisation innovante des TIC, permettant d’exploiter le potentiel de la réponse à la demande et, partant, de réduire les coûts.

5.9.

Dans de nombreux États membres, les consommateurs vulnérables le sont encore davantage en raison de la situation économique actuelle. Le CESE est d’accord avec le point de vue de la Commission qui consiste à aider en priorité ces consommateurs par des mesures de politique sociale appropriées. L’Observatoire de la pauvreté énergétique, proposé antérieurement par le Comité, contribuerait au diagnostic des besoins réels.

Contribution de l’efficacité énergétique à la modération de la demande d’énergie

5.10.

Concernant l’efficacité énergétique, le CESE est d’accord avec la Commission sur le fait que l’essentiel du travail doit être réalisé au niveau national et local. Les mesures de l’Union européenne couronnées de succès dans ce domaine ont été les règles en matière d’étiquetage et d’écoconception, lesquelles doivent être revues régulièrement.

5.11.

Le CESE se félicite de l’intention de la Commission de présenter des propositions afin de s’assurer que les mesures d’efficacité énergétique et les réponses du côté de la demande puissent concurrencer les autres investissements sur un pied d’égalité dans le cadre du marché de l’énergie, pour autant qu’elles soient conçues pour répondre aux intérêts réels des utilisateurs.

5.12.

Le CESE convient que, dans les secteurs du bâtiment et des transports, le potentiel d’amélioration de l’efficacité énergétique, en l’occurrence les économies d’énergie, est considérable et devrait être mis à profit au moyen de mesures conçues avec soin. Il conviendrait par exemple d’envisager la certification de la performance énergétique et des systèmes de labellisation des matériaux de construction. Des idées permettant de mettre en place des financements innovants seraient les bienvenues.

Décarbonisation de l’économie

5.13.

Le CESE élabore actuellement un avis distinct intitulé «Sur la route de Paris». Le CESE soutient très largement les efforts de l’Union européenne dans ce cheminement absolument essentiel qui doit déboucher sur des engagements à l’échelle mondiale, suffisants et contraignants sur le plan juridique.

5.14.

Le CESE souscrit également à la proposition de réforme structurelle du système d’échange de quotas d’émission (SEQE) de l’Union européenne, comme il l’a fait dans des avis antérieurs. Tout aussi importantes sont les décisions sur les mesures, principalement nationales, qui devront être prises à l’avenir dans les secteurs non couverts par le SEQE.

5.15.

Tant que des conditions équitables de concurrence n’auront pas été établies à l’échelle mondiale, le problème de la fuite de carbone doit être pris très au sérieux par l’Union européenne. Les industries à forte intensité d’énergie sous la menace d’une fuite de carbone doivent bénéficier de la garantie d’une indemnisation pour l’augmentation des coûts directs et indirects du SEQE qui sont liés à leurs efforts d’efficacité en matière d’émissions de gaz à effet de serre, de manière que les meilleurs élèves bénéficient d’une compensation intégrale de leurs efforts. Un cadre à l’échelle de l’Union européenne est nécessaire pour les compensations indirectes afin d’éviter les distorsions de concurrence au sein de l’Union.

5.16.

Le CESE soutient vigoureusement l’objectif d’assurer la place de numéro un mondial de l’Union européenne en matière d’énergies renouvelables. Des mesures de soutien sont nécessaires, mais il importe qu’elles soient conformes aux règles de la concurrence et du marché, soient basées sur le marché et n’augmentent pas les prix pour l’utilisateur final d’énergie. Les aides aux technologies compétitives et parvenues à maturité devraient être supprimées. À cet égard, le CESE approuve les efforts de la Commission.

5.17.

Outre les sources d’énergie renouvelables, le développement de toutes les formes de technologies et de solutions de «décarbonisation» (les technologies propres) doit figurer parmi les objectifs de l’Union européenne.

5.18.

Le CESE partage l’avis de la Commission selon lequel l’Union européenne a besoin d’investissements dans la bioéconomie à base de végétaux, car celle-ci peut représenter une source importante d’énergies renouvelables non intermittentes. Les incidences sur l’environnement, l’utilisation des sols et la production alimentaire doivent être prises en compte dans le cadre de l’élaboration des mesures envisagées en la matière. L’énergie hydraulique recèle également un potentiel.

Une Union de l’énergie au service de la recherche, de l’innovation et de la compétitivité

5.19.

Le CESE souscrit à la nouvelle stratégie proposée pour la recherche et l’innovation, mais réitère le point de vue exprimé dans de précédents avis selon lequel davantage de ressources sont nécessaires pour résoudre les défis énergétiques à venir. Le Comité insiste en particulier sur la nécessité d’encourager les financements privés par des mesures européennes, de s’impliquer davantage dans la coopération mondiale en matière de R&D.

5.20.

La compétitivité de l’Union européenne ne se limite cependant pas à s’assurer de la première place dans le domaine des technologies liées à l’énergie et au climat. Il est tout aussi important, voire davantage, de considérer l’énergie comme un facteur de production dont l’utilisation doit être aussi efficace et durable que possible, et meilleure que chez les concurrents. Cette approche est plus globale et plus sûre pour favoriser la croissance et créer des emplois en Europe.

5.21.

La transition est capitale pour tous les secteurs de l’économie. Le CESE insiste fermement sur sa vision selon laquelle cette transition doit être juste et équitable. La formation et l’apprentissage tout au long de la vie sont des mesures essentielles pour la réussite de ces efforts. Le dialogue social aux niveaux européen et national a lui aussi un rôle central à jouer dans cette perspective.

Gouvernance de l’Union de l’énergie

5.22.

Le CESE soutient pleinement les efforts de la Commission visant à assurer la cohérence entre les différents aspects de la politique énergétique et la coordination entre les États membres. La nouvelle gouvernance doit aussi veiller à la réalisation des objectifs au niveau de l’Union européenne pour 2030. Toutefois, il ne faudrait pas imposer aux États membres de nouvelles obligations en matière de planification et de rapports. Il conviendrait plutôt de rationaliser les exigences actuelles.

5.23.

Le CESE se réjouit de constater que son initiative visant à mettre en place un dialogue sur l’énergie avec les parties prenantes a été reprise par la Commission. Un plan d’action détaillé est maintenant attendu en la matière.

6.   Remarques concernant la communication sur la réalisation de l’objectif de 10 % d’interconnexion

6.1.

Un accroissement de la part d’énergies renouvelables intermittentes requiert un renforcement des capacités des réseaux, de même que l’objectif de réduction des coûts des capacités de pointe et de secours. La nécessité de renforcer les capacités d’interconnexion est souvent manifeste, voire urgente. Il est étonnant que, dans de si nombreux cas, l’objectif de 10 % soit encore si loin d’être réalisé. Les mesures proposées dans la communication sont les bienvenues. Le CESE a déjà formulé des observations sur cette question, notamment dans un récent avis d’initiative sur la coopération européenne en matière de réseaux d’énergie.

6.2.

L’approche par projets d’intérêt commun semble appropriée. Il semble également judicieux de donner la priorité au financement des projets qui accroîtront le plus fortement la capacité d’interconnexion par rapport aux niveaux actuels, qui sont inférieurs à 10 %. Néanmoins, il semble également raisonnable de prendre en considération la situation économique dans les pays en question.

6.3.

Il est urgent de mettre en œuvre complètement le règlement RTE-E. Des efforts en vue de raccourcir les procédures d’approbation sont plus que nécessaires. Il s’agit également d’un domaine où toutes les possibilités de faciliter et d’accélérer les procédures en associant les intervenants locaux à un stade précoce devraient être explorées. À cette fin, le CESE a notamment proposé d’instaurer un «dialogue européen sur l’énergie». Il convient d’en tenir compte lors de l’élaboration de la proposition relative à un forum consacré aux infrastructures énergétiques.

6.4.

Il pourrait cependant s’avérer utile de se demander s’il est vraiment réaliste de fixer le même objectif pour tous les États membres, quels que soient leur taille, leur bouquet énergétique, leur voisinage, etc. Un prix nivelé de l’électricité pourrait être utilisé comme indicateur d’une capacité d’interconnexion suffisante.

Bruxelles, le 1er juillet 2015.

Le président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  COM(2014) 903 final.

(2)  COM(2015) 80 final.

(3)  COM(2015) 82 final.

(4)  COM(2015) 81 final.

(5)  Leur montant est estimé par le Fonds monétaire international à 330 milliards d’euros par an pour l’Europe.


17.11.2015   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 383/91


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Vers une nouvelle politique européenne de voisinage»

[JOIN(2015) 6 final]

(2015/C 383/13)

Rapporteur:

M. Gintaras MORKIS

Corapporteur:

M. Cristian PÎRVULESCU

Le 10 juin 2015, la Commission européenne a décidé, conformément à l’article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur le thème:

Vers une nouvelle politique européenne de voisinage

[JOIN(2015) 6 final].

La section spécialisée «Relations extérieures», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 11 juin 2015

Lors de sa 509e session plénière des 1er et 2 juillet 2015 (séance du 1er juillet 2015), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 108 voix pour, 1 voix contre et 2 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

La Commission européenne et le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) ont lancé un débat public sur la nouvelle politique européenne de voisinage (PEV). Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement ce réexamen de la PEV, estimant qu’il revêt une importance cruciale et qu’il arrive à point nommé.

1.2.

Le CESE constate que la PEV actuelle ne reflète pas la réalité du voisinage de l’Union européenne et qu’elle s’est heurtée à de nombreux défis qui n’ont pas été relevés comme il se doit. Des modifications fondamentales du mécanisme et des instruments de la PEV s’imposent.

1.3.

Les pays couverts par la PEV n’ont ni les mêmes priorités de politique étrangère ni les mêmes ambitions concernant leurs relations avec l’Union européenne. Le CESE insiste dès lors sur la nécessité d’appliquer les principes de différentiation et de flexibilité. Il estime que la PEV devrait conserver sa couverture géographique actuelle au Sud et à l’Est, mais que les politiques qui sous-tendent les relations avec les pays concernés devraient être développées et améliorées. Certains pays actuellement couverts par la PEV devraient être considérés comme de véritables partenaires de l’Union européenne, d’autres comme des voisins. Dans le même temps, le CESE fait valoir que l’acceptation des valeurs démocratiques et le respect des droits de l’homme doivent s’appliquer à tous ces États, sachant qu’une politique de «deux poids, deux mesures» découragerait les autres pays de la PEV.

1.4.

Dans son document de consultation conjoint intitulé «Vers une nouvelle politique européenne de voisinage», la Commission européenne a soulevé de nombreuses questions. Le présent avis se concentrera cependant sur la plus importante d’entre elles: les points de vue de la société civile, tant au sein de l’Union européenne que dans les pays partenaires.

1.5.

Le CESE se félicite des récentes consultations de Barcelone avec les partenaires méridionaux, de la rencontre ministérielle informelle sur l’avenir de la PEV (le 13 avril 2015 à Barcelone), au cours de laquelle les participants ont réaffirmé leur volonté de coopérer en vue de créer un espace de prospérité et de bon voisinage en Méditerranée, et de la déclaration commune du sommet du partenariat oriental (les 21 et 22 mai 2015 à Riga), par laquelle les participants ont réitéré leur engagement à continuer de renforcer la démocratie, l’État de droit, les droits de l’homme et les libertés fondamentales ainsi qu’à défendre les principes et les normes du droit international. Il importe que l’Union européenne continue de s’engager à soutenir l’intégrité territoriale ainsi que l’indépendance et la souveraineté de tous ses partenaires.

1.6.

Le CESE suggère que la nouvelle politique européenne de voisinage devrait se concentrer sur les activités qui visent à renforcer la sécurité humaine et la stabilité du voisinage de l’Union et sur celles qui améliorent les conditions économiques et sociales, ainsi que la prospérité, dans les pays partenaires de la PEV. La PEV renouvelée devrait servir avant tout à assurer la sécurité des populations et à faire en sorte qu’elles puissent vivre dans la dignité et la prospérité dans leur propre pays, à l’abri de la violence, de l’oppression et de la pauvreté. Elle devrait s’investir activement dans les mesures de renforcement de la confiance et les actions à mener à l’issue des conflits.

1.7.

Le CESE insiste sur le fait que des conditions plus favorables en matière d’emploi, une économie durable et ouverte, la capacité à attirer des investissements étrangers et l’existence d’un système de protection sociale et de services publics efficaces et accessibles forment un socle sur lequel asseoir la stabilité, la sécurité et même la démocratisation. Parallèlement aux deux grandes initiatives qui contiennent les principaux moteurs d’une intégration plus poussée entre les pays de la PEV et l’Union européenne, à savoir, d’une part, la libéralisation des échanges (essentiellement au moyen des accords d’association et des zones de libre-échange approfondi et complet) et, d’autre part, la mobilité et la facilitation de la délivrance de visas (ou, pour certains pays, la libéralisation du régime des visas), le CESE considère l’éducation et la formation professionnelle (notamment pour les jeunes) comme la troisième initiative majeure de la nouvelle PEV.

1.8.

Le CESE suggère qu’il y a lieu de ne pas dissocier la PEV de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC). Dans le même temps, tout en pesant les intérêts et les réactions des parties prenantes extérieures à la zone couverte par la PEV, l’Union européenne doit se montrer intransigeante et veiller à ce que nul ne puisse imposer sa volonté à des États indépendants ni dicter à l’Union européenne et aux pays de la PEV les politiques à mener ou les objectifs à atteindre.

1.9.

L’Union européenne devrait collaborer plus étroitement avec d’autres organisations internationales, telles que l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et l’Organisation des Nations unies (ONU), pour défendre la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de tous les pays de la PEV. Une meilleure diplomatie et une meilleure communication en dehors de la zone couverte par la PEV (en particulier vis-à-vis de la société civile) sont nécessaires en tant qu’instrument de confrontation/prévention et afin de nouer des relations mutuellement bénéfiques conduisant à des avancées sur le plan économique et à une amélioration du niveau de vie.

1.10.

Le CESE préconise de gérer la question de la mobilité et des migrations en promouvant la solidarité des États membres dans le cadre de l’approche globale de l’Union européenne. Les partenariats avec les pays de la PEV et d’autres États constituent des instruments importants pour relever les grands défis auxquels est confrontée cette politique. L’Union européenne devrait agir rapidement et de manière coordonnée pour apporter une réponse à la situation humanitaire dans la région de la Méditerranée.

1.11.

Le CESE souligne que la facilitation de la délivrance de visas et la libéralisation du régime des visas restent des initiatives clés du point de vue des partenaires de la PEV. Il accueille favorablement les négociations relatives à un accord de réadmission avec le Maroc ainsi que l’ouverture de négociations sur un accord visant à faciliter la délivrance des visas. Il attend avec impatience l’ouverture de négociations sur de tels accords avec la Jordanie et la Tunisie. Les accords de libéralisation du régime des visas (avec la Moldavie) et de facilitation de la délivrance de visas (avec l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Géorgie et l’Ukraine) devraient être pleinement mis en œuvre et devenir des exemples de réussite pour tous les pays de la PEV.

1.12.

Le CESE propose d’accroître plus encore le rôle de la société civile en s’appuyant sur trois grands axes: renforcer ses moyens d’action pour qu’elle soit mieux à même de soutenir les processus de stabilisation et de démocratisation; associer davantage les organisations de la société civile aux engagements et activités liés à la PEV et, enfin, faire meilleur usage de l’expertise et des ressources de la société civile européenne afin de soutenir le développement de la société civile dans les pays de la PEV.

1.13.

Le CESE appelle à respecter les droits humains et sociaux fondamentaux, et tout particulièrement à reconnaître pleinement la liberté d’association et le droit de négociation collective. Il y a lieu d’encourager également le dialogue social tant dans la dimension orientale que dans la dimension méridionale de la PEV. Le CESE appelle à respecter l’indépendance des partenaires sociaux et des organisations de la société civile.

1.14.

Le CESE souligne qu’il importe d’encourager les institutions culturelles (ainsi qu’économiques et politiques) qui construisent le dialogue et le consensus. Il estime que la stabilisation et la démocratisation des pays de la PEV sont tributaires de la pérennité de leurs modèles culturels et religieux, qui doivent être tolérants et inclusifs.

1.15.

Le CESE propose que l’Union européenne fasse clairement savoir aux citoyens des pays de la PEV qu’ils sont au centre de cette politique, tout comme leur sécurité et leur bien-être. Dans toute l’Union européenne, l’appropriation partagée à l’échelon de la société civile devrait devenir une priorité. Le réexamen de la PEV doit encourager une meilleure communication sur les intérêts et les valeurs de l’Union européenne, aussi bien en son sein que dans les pays partenaires.

2.   Les défis pour la PEV

2.1.

L’Union européenne a besoin de voisins coopératifs pour se sentir elle-même prospère et en sécurité. La PEV poursuivait un objectif ambitieux, celui d’encourager les pays voisins à entreprendre des réformes politiques et économiques en échange d’un accès aux marchés européens, d’une plus grande mobilité et d’un soutien financier. L’acuité accrue des enjeux de sécurité et les chocs géopolitiques dans le voisinage de l’Union européenne ont souligné avec encore plus d’intensité combien il importe que cet environnement soit stable, démocratique et prospère.

2.2.

Les bouleversements survenus dans le voisinage de l’Union européenne constituent également une menace pour les pays de l’Union. La mise en œuvre du partenariat oriental a provoqué une politique agressive de la Russie à l’égard non seulement des voisins de l’Union européenne, mais aussi de ses États membres, notamment ceux d’Europe septentrionale et d’Europe centrale et orientale. Les violents conflits en Iraq, en Libye et en Syrie ont déclenché une crise humanitaire et créé des risques terroristes qui sont également susceptibles de se propager à l’Union européenne.

2.3.

L’Union européenne doit prendre la mesure de son rôle et de son influence sur les pays de la PEV et leurs voisins, qui ont contribué aux troubles politiques et sociaux et ont réactivé l’intérêt de certaines parties prenantes situées au-delà des frontières des pays de la PEV. Il convient de voir dans le printemps arabe et ses conséquences, ainsi que dans la crise ukrainienne, la preuve du poids significatif qu’exerce l’Union européenne sur les processus sociaux et politiques. L’Union européenne a contribué à une prise de conscience des citoyens et renforcé leurs aspirations à l’égard de leurs gouvernements; elle a, au moins pour partie, activé les pouvoirs civils qui s’engagent dans des activités politiques.

2.4.

Dans le même temps, la PEV a suscité certaines désillusions, tant au sein de l’Union européenne que dans les pays qu’elle couvre. Des changements fondamentaux s’imposent dès lors dans le cadre du réexamen de la PEV et de ses instruments, qui doivent s’appuyer sur les principes de différenciation et de flexibilité. La PEV devrait conserver sa couverture géographique actuelle au Sud et à l’Est, mais les politiques définissant les relations avec les pays concernés devraient être développées et améliorées. La PEV devrait encourager tous les pays voisins à devenir de réels partenaires de dialogue et de coopération.

3.   Les principaux volets de la nouvelle PEV

3.1.    Économie et prospérité

3.1.1.

Le CESE observe que l’amélioration des relations entre l’Union européenne et les pays de la PEV dépendra de quatre conditions: stabilité, transparence, lois du marché libre et stratégie à long terme. La PEV révisée devrait s’attacher à créer les conditions d’un développement économique et social durable dans les pays partenaires. Une amélioration de l’emploi et un fonctionnement ouvert de l’économie créent une valeur ajoutée pour l’ensemble de la société, fournissant ainsi un socle de stabilité et de sécurité, voire de démocratisation. L’Union européenne devrait davantage mettre l’accent sur des instruments mieux financés qui pourront étayer les ajustements économiques nécessaires au renforcement de la croissance, les initiatives d’investissement durable dans les entreprises et les modifications de la production économique visant à créer des emplois de meilleure qualité. Il conviendra de prêter une attention particulière à l’autonomisation économique des jeunes, des femmes et des groupes marginalisés. Les initiatives en faveur de la croissance économique et de l’emploi doivent bénéficier d’un financement adéquat et être accompagnées de programmes sur mesure. La réalisation de ces programmes pourrait s’inspirer des bonnes pratiques de l’«Initiative pour la cohésion sociale» mise en œuvre dans le cadre du «Pacte de stabilité pour l’Europe du sud-est» (1).

3.1.2.

L’éducation et la formation professionnelle constitueraient les meilleurs investissements à long terme dans la croissance économique et une sécurité durable. L’Union européenne devrait étudier les possibilités d’élargir les programmes Erasmus+ pour permettre aux pays de la PEV d’accroître leur participation. Ces programmes fournissent le meilleur mécanisme de partage des compétences professionnelles et universitaires de l’Union européenne avec les partenaires plus avancés de la PEV. Le CESE se félicite du premier appel international lancé dans le cadre d’Erasmus+ en octobre 2014 et encourage l’Union européenne à élargir les possibilités qu’ont les pays de la PEV d’y prendre part ainsi qu’à accroître les financements d’autres instruments d’enseignement et de formation professionnelle.

3.1.3.

L’Union européenne devrait s’employer à mettre sur pied une zone de libre-échange entre l’Union européenne et l’ensemble des pays relevant de la PEV. Cela peut être considéré comme un instrument critique de renforcement et de pérennisation de la prospérité économique et sociale. L’Union européenne devrait plus activement s’employer à intégrer les partenaires relevant de la PEV dans le marché unique européen, en particulier en établissant des accords de libre-échange approfondis et complets (ALEAC) dès que les conditions nécessaires sont satisfaites. Les pays de la PEV qui accordent la priorité à l’approfondissement de l’intégration peuvent se concentrer sur les processus de conclusion d’AA/ALEAC, tandis que d’autres pourraient s’engager dans le cadre d’autres plates-formes de coopération (telles que l’Union européenne de l’énergie, notamment). Toutefois, les AA/ALEAC ne devraient pas être considérés comme une fin en soi, ni comme la seule voie possible. Leur valeur devrait être mesurée à l’aune de leur impact positif sur le développement économique durable, l’innovation, la stabilité de l’emploi et le renforcement de la capacité budgétaire dans les pays de la PEV.

3.1.4.

Le CESE accueille favorablement le lancement de la facilité de l’Union européenne pour les petites et moyennes entreprises (PME) dans le cadre des ALEAC, qui vise à soutenir les PME de Géorgie, de Moldavie et d’Ukraine, en les aidant à saisir les nouveaux débouchés commerciaux offerts par les ALEAC et à parvenir à des normes de qualité plus élevées conformes aux meilleures pratiques de l’Union européenne. À l’occasion du 3e forum des entreprises du partenariat oriental (le 21 mai 2015 à Riga), il a été souligné qu’afin de tirer le meilleur parti des AA/ALEAC, il y aurait lieu de fournir des instruments supplémentaires permettant aux entreprises de se transformer et de s’adapter à des normes de niveau plus élevé. Il a également été fait valoir que l’esprit d’entreprise et le commerce devraient être davantage favorisés dans la région.

3.1.5.

La nouvelle PEV devrait faire du soutien aux réformes de l’administration publique, à la justice, à la sécurité, à la réglementation juridique et à la mise en œuvre effective de la législation l’une de ses activités les plus visibles. Des évolutions positives, telles que l’augmentation des investissements dans les pays de la PEV et le renforcement de la coopération entre les entreprises de l’Union européenne et de la PEV, ne sont possibles que si des progrès tangibles sont accomplis dans la lutte contre la corruption et la criminalité organisée dans les pays du voisinage de l’Union européenne. Tous les pays voisins de l’Union européenne sont confrontés à une corruption généralisée. En dépit des efforts déployés pour l’enrayer, ce phénomène persiste et a pénétré dans toutes les sphères de la vie publique et privée. L’Union européenne devrait par conséquent, dans le cadre de ses programmes de financement, améliorer la conditionnalité en vue d’établir des mesures anti-corruption crédibles et de créer un solide mécanisme de suivi de leur mise en œuvre. Une même attention devrait être accordée à l’amélioration de l’efficacité, de la viabilité et de l’accessibilité des services sociaux, éducatifs et sanitaires dans les pays de la PEV, dès lors qu’ils revêtent une importance vitale pour la qualité de vie et la sécurité des personnes vivant dans ces pays.

3.2.    Stabilité et sécurité

3.2.1.

La stabilité et la sécurité humaine devraient devenir le premier des objectifs de la PEV. Le CESE estime qu’un voisinage sûr et prospère ne peut être établi que si la sécurité humaine augmente substantiellement dans la région. La qualité de la gouvernance et le respect des droits de l’homme, l’absence de criminalité et de danger physique, le développement économique inclusif et la protection sociale et de l’environnement sont autant de facteurs qui détermineront la stabilité de la région à moyen ou à long terme. L’instabilité dans le voisinage de l’Union européenne et le manque de crédibilité dont souffrent la PEV et ses instruments ne doivent pas conduire à un recul des ambitions ou à un refus des engagements de l’Union européenne. Les programmes et les instruments de stabilisation et de prévention des conflits devraient figurer parmi les toutes premières priorités de la nouvelle PEV.

3.2.2.

L’Union européenne devrait collaborer plus étroitement avec d’autres organisations internationales, telles que l’OTAN et l’ONU, afin de défendre la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de tous les pays de la PEV. L’amélioration de la diplomatie et de la communication en dehors de la zone couverte par la PEV (en particulier avec la société civile) est nécessaire en tant qu’instrument de prévention des conflits et afin d’engendrer des relations mutuellement bénéfiques menant au progrès économique et à l’amélioration du niveau de vie.

3.2.3.

Un rôle essentiel incombe à la PEV s’agissant de prévenir la radicalisation et de lutter contre le terrorisme et la criminalité organisée. En plus de prendre des mesures nécessaires et proportionnées pour combattre le terrorisme, l’Union européenne doit utiliser les instruments de la PEV afin de remédier aux causes structurelles de sa propagation. Des investissements visant à favoriser l’éducation et l’essor de débouchés économiques sont nécessaires, de même que des mesures pour l’amélioration de la gouvernance (2).

3.2.4.

La nouvelle PEV devrait tabler sur une harmonisation des moyens de puissance coercitifs («hard power») et non coercitifs («soft power»). La PEV ne doit pas être dissociée de la PESC et de la PSDC. Il y a lieu d’établir un lien étroit entre le réexamen en cours de la PEV et la stratégie européenne de sécurité révisée.

3.2.5.

La question des «voisins des voisins» revêt une extrême importance. Nul ne peut imposer sa volonté à des États indépendants ni dicter les actions et les objectifs de l’Union européenne et des pays de la PEV. Le CESE insiste sur le fait qu’il serait plus avantageux pour la Russie de s’associer aux efforts visant à créer des pays stables, démocratiques et économiquement avancés, plutôt que de s’opposer aux pays de la PEV qui poursuivent une intégration plus étroite avec l’Union européenne.

3.3.

Mobilité et migrations

3.3.1.

L’assouplissement du régime des visas reste l’une des principales initiatives du point de vue des partenaires de la PEV. Le CESE se félicite des négociations relatives à un accord de réadmission avec le Maroc (lancées en janvier 2015) et de l’ouverture de négociations sur un accord visant à faciliter la délivrance de visas. Il en va de même pour les négociations sur les accords relatifs à l’assouplissement du régime des visas et à la réadmission avec la Jordanie et la Tunisie. Les accords de libéralisation du régime des visas (avec la Moldavie) et les accords visant à faciliter la délivrance de visas (avec l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Géorgie et l’Ukraine) devraient être pleinement mis en œuvre et devenir un exemple pour tous les pays de la PEV. Le CESE considère les accords de libéralisation du régime des visas avec la Géorgie et l’Ukraine comme un outil puissant, qui encourage ces États à intégrer plus rapidement l’Union européenne. Toutefois, leur mise en œuvre devrait s’accompagner d’un soutien international accru, afin de garantir l’intégrité territoriale et le contrôle des frontières des pays concernés.

3.3.2.

La politique de voisinage de l’Union européenne devrait s’inscrire dans l’approche globale de la question des migrations et de la mobilité. Il importe que l’Union européenne encourage l’immigration à des fins professionnelles et d’éducation grâce à des procédures légales, flexibles et transparentes (3).

3.3.3.

En réponse aux récents événements qui ont conduit à une explosion des flux migratoires provenant d’Afrique du Nord et ont eu des conséquences tragiques sous la forme d’un nombre très élevé de décès, l’Union européenne devrait agir d’urgence pour protéger la vie de ceux qui tentent d’atteindre son territoire. L’Union européenne devrait approfondir et élargir son engagement vis-à-vis des pays concernés par ces flux migratoires, qu’il s’agisse des pays d’origine ou de transit.

3.3.4.

L’Union européenne devrait conclure avec les pays tiers, notamment les pays de son voisinage, les pays d’origine des immigrants et les pays de transit, des accords qui tiennent compte de la situation spécifique qui prévaut dans chaque pays. Les priorités définies dans ces partenariats pour la mobilité incorporent des facteurs liés à l’immigration économique et à la mobilité. Une priorité accrue doit être accordée à l’organisation des politiques de migration légale et de visas ainsi qu’à la reconnaissance des qualifications, à la mobilité éducative, aux droits de sécurité sociale et à la contribution apportée au développement par les migrations et la mobilité (4). Il est prioritaire de réformer l’agence Frontex, en la transformant en un corps européen de garde-frontières appuyant les États membres, et en mettant au point un système de responsabilité plus efficace et systématique concernant les activités de l’agence (5).

3.4.

Différenciation

3.4.1.

Il convient de reformuler la PEV réformée afin de permettre une application plus souple du principe de différenciation, tant sur le plan géographique que, au sein des régions, en fonction des aspirations des pays de la PEV, du degré de respect des libertés civiques et des droits humains, de leurs capacités institutionnelles et de leurs besoins en matière de sécurité. Tout en soutenant le principe de différenciation, tous les pays partenaires devraient s’engager à respecter les droits fondamentaux et l’État de droit. Le respect des valeurs démocratiques et des droits de l’homme doivent s’appliquer sur un pied d’égalité à tous ces États, sachant qu’une politique de «deux poids, deux mesures» découragerait les autres pays de la PEV.

3.4.2.

L’Union européenne reste attachée au principe de la conditionnalité. Le CESE a fait valoir ces principes de différenciation et de conditionnalité dans le cadre de ses relations avec les pays partenaires (6). Dans le même temps, le Comité a demandé de veiller à ce que le principe du «moins pour moins» ne nuise pas à la possibilité pour un pays partenaire d’appliquer des réformes au rythme qui lui convient et en fonction de sa capacité d’absorption. Lorsque les gouvernements nationaux des pays de la PEV rechignent à recourir de manière plus intensive aux instruments de la PEV, la «puissance douce» de l’Union européenne devrait être axée sur la société civile.

3.4.3.

La PEV est distincte de la politique de l’élargissement; cependant, les États européens ont la faculté de demander leur adhésion à l’Union européenne s’ils satisfont aux critères et aux conditions d’admission au titre de l’article 49 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Si la PEV constitue une source d’inspiration pour qu’un pays européen se conforme aux critères de Copenhague, nous devrions nous réjouir de ce résultat — acquis grâce à l’approche «donner plus pour recevoir plus».

4.   Mettre l’accent sur la société civile et la communication

4.1.    La société civile

4.1.1.

Il y a lieu de réévaluer et de renforcer encore le rôle que joue la société civile dans le développement de la PEV. Le Comité a indiqué que les activités de la société civile, la situation des droits de l’homme, les droits économiques, sociaux et culturels ainsi que la protection de la liberté de religion sont les critères essentiels pour évaluer la gouvernance d’un pays (7). Dans toute l’Union européenne, l’appropriation partagée à l’échelon de la société civile devrait devenir une priorité. Il y a lieu de renforcer et d’élargir les instruments de coopération tels que le forum de la société civile du partenariat oriental.

4.1.2.

La réforme devrait suivre trois axes principaux, à savoir renforcer les moyens d’action de la société civile afin qu’elle puisse mieux soutenir les processus de stabilisation et de démocratisation; associer davantage les organisations de la société civile aux engagements et actions liés à la PEV et, enfin, mettre mieux à profit l’expérience et les ressources que la société civile européenne peut offrir afin d’encourager le développement de la société civile dans les pays de la PEV.

4.1.3.

Comme l’a prouvé la transition vers la démocratie en Europe centrale et orientale, la société civile est un acteur essentiel du processus de stabilisation et de démocratisation. En utilisant ses instruments, la PEV devrait consacrer d’importantes ressources à l’amélioration de la capacité de la société civile à s’organiser et à s’intégrer dans les processus gouvernementaux (8). Un aspect essentiel de ce processus est de soutenir le dialogue social et la consultation publique institutionnalisée, car il s’agit d’instruments qui facilitent l’émergence d’un consensus et le progrès démocratique (9).

4.1.4.

L’Union européenne devrait inclure des dispositions relatives à la protection des libertés démocratiques et des droits individuels dans les accords bilatéraux, mais surtout, pour ce qui est de l’application de ces dispositions, le CESE demande que les critères d’évaluation de la gouvernance d’un pays contiennent des éléments liés au traitement réservé à la société civile (cadre législatif, renforcement des capacités, dialogue, etc.), aux droits de l’homme ainsi qu’aux droits économiques, sociaux et culturels (10).

4.1.5.

Le CESE demande que la société civile soit associée plus étroitement à l’élaboration, à la mise en œuvre et au suivi des accords conclus entre l’Union européenne et les pays relevant de la PEV (11). Les rapports annuels d’avancement de la PEV devraient non seulement reprendre les données et les positions officielles des gouvernements, mais aussi tenir compte des contributions d’acteurs institutionnels et non gouvernementaux. Le CESE croit qu’il y a lieu d’associer tant la société civile de l’Union européenne que celle des pays partenaires à l’élaboration d’une évaluation de l’impact sur le développement durable en amont des négociations, et qu’il convient d’intégrer des mécanismes de la société civile aux futurs ALEAC (12).

4.1.6.

Les organisations de la société civile des États membres et des pays de la PEV devraient pouvoir accéder aisément aux instruments qu’offre la PEV. Ils devraient encourager le dialogue, l’engagement et l’échange d’idées. Le CESE souligne que les partenaires sociaux, les organisations de la société civile et les conseils économiques et sociaux des États membres ont un rôle essentiel à jouer en matière de partage d’expériences et de connaissances, de diffusion d’informations, de comparaison de méthodes, de transfert d’expérience et de gestion des ressources administratives (13).

4.2.    Le dialogue social

4.2.1.

Le CESE n’a cessé d’insister sur l’importance que revêt le dialogue social pour la promotion du développement économique et de la démocratisation. Il a également souligné le succès général de la PEV (14). Il y a lieu d’encourager le dialogue social de manière équivalente dans les dimensions orientale et méridionale de la PEV. Le CESE appelle à respecter l’indépendance des partenaires sociaux et des organisations de la société civile. Il s’agit de l’un des droits humains et sociaux fondamentaux définis par les organisations internationales et européennes (15).

4.2.2.

Le CESE préconise l’adhésion à ces droits fondamentaux, et tout particulièrement à reconnaître pleinement la liberté d’association et le droit de négociation collective. Il demande aux pays concernés de faire les efforts nécessaires pour évoluer vers l’adoption des normes européennes et internationales définies par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, la charte sociale européenne (Conseil de l’Europe) et l’Organisation internationale du travail (OIT), et la mise en place d’un «État de droit social». Le respect de ces normes doit faire partie des critères retenus officiellement lors de l’élaboration des accords d’association et de leur évaluation (16).

4.2.3.

Bien qu’il existe des organisations d’employeurs et de travailleurs dans tous les pays de la PEV, le dialogue social y a jusqu’à présent été relativement faible, alors qu’il a un rôle important à jouer pour instaurer une croissance durable et la paix sociale au sein de la société. Il convient de mettre en place un programme systématique dans le but de promouvoir les échanges de meilleures pratiques tirées de l’expérience acquise dans le domaine de la politique sociale et de l’emploi, tant dans l’Union européenne et que dans les pays partenaires.

4.3.    Le dialogue culturel

4.3.1.

La PEV devrait encourager une meilleure compréhension mutuelle des cultures, tant entre les pays relevant de la PEV qu’entre ces derniers et l’Union européenne, ainsi que le dialogue religieux et de la diversité culturelle. Sur le long terme, l’instauration d’une stabilisation et la démocratisation des pays de la PEV est également tributaire de la pérennité de leurs modèles culturels et religieux, ainsi que de leur degré de tolérance et d’inclusion.

4.3.2.

Il importe d’encourager la mise en place d’un dialogue et d’un consensus culturel, mais aussi économique et politique. Cela devrait se traduire par un soutien efficace, financièrement conséquent et s’appuyant sur les réseaux, en faveur du dialogue interculturel, d’une production culturelle et de débats publics indépendants. Ainsi, l’expression et la visibilité des intellectuels, artistes et militants indépendants des pays de la PEV devraient être renforcées et leurs interactions constructives avec les publics nationaux et européens favorisées.

4.4.    Visibilité et communication

4.4.1.

Un réexamen de la PEV doit servir à donner l’impulsion pour améliorer la communication sur les intérêts et les valeurs de l’Union européenne, aussi bien en son sein que dans les pays partenaires. Cet aspect revêt une importance toute particulière, au moment où s’amplifie une vague de propagande venant de groupes terroristes et de Russie (17). L’Union européenne est contrainte de manifester clairement aux citoyens concernés par la PEV que cette politique se préoccupe des gens, de leur sécurité et de leur bien-être. Pour ce faire, il faudra créer de nouveaux instruments pouvant toucher les collectivités locales, les médias et les organisations non gouvernementales.

4.4.2.

Une sensibilisation générale est indispensable afin d’évaluer et de jauger l’incidence de la PEV pour les besoins des citoyens. La liberté d’expression, de conviction et des médias et la sécurité de l’information dans les pays voisins de l’Union européenne revêtent une importance capitale. Le soutien à l’accès des citoyens à internet, à des médias libres et indépendants, au journalisme d’investigation et aux initiatives de coopération des médias (jumelage) entre l’Union européenne et les pays de la PEV doit devenir l’un des principaux objectifs afin de renforcer la résilience de la société face à une propagande agressive.

Bruxelles, le 1er juillet 2015

Le président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  Avis du CESE sur «Le dialogue social dans les pays du partenariat oriental» (JO C 161 du 6.6.2013, p. 40).

(2)  JO C 218 du 23.7.2011, p. 91.

(3)  JO C 458 du 19.12.2014, p. 7.

(4)  JO C 451 du 16.12.2014, p. 1.

(5)  Voir note 3.

(6)  JO C 43 du 15.2.2012, p. 89.

(7)  Voir note 6.

(8)  Voir également JO C 351 du 15.11.2012, p. 27.

(9)  Voir également JO C 248 du 25.8.2011, p. 37.

(10)  JO C 376 du 22.12.2011, p. 32.

(11)  Voir également JO C 299 du 4.10.2012, p. 34, et JO C 12 du 15.1.2015, p. 48.

(12)  Voir également JO C 248 du 25.8.2011, p. 37.

(13)  JO C 376 du 22.12.2011, p. 32.

(14)  Voir également l’avis du CESE intitulé «Associer la société civile au partenariat oriental» (JO C 277 du 17.11.2009 p. 30) ainsi que l’avis JO C 248 du 25.8.2011, p. 37.

(15)  Voir note 1.

(16)  Voir note 1.

(17)  Voir le rapport d’information REX/432 sur «L’utilisation des médias pour influencer les processus sociaux et politiques dans l’Union européenne et les pays du voisinage oriental» (non encore publié au Journal officiel).


17.11.2015   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 383/99


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil abrogeant la directive 76/621/CEE du Conseil relative à la fixation du taux maximal d’acide érucique dans les huiles et graisses et le règlement (CE) no 320/2006 du Conseil instituant un régime temporaire de restructuration de l’industrie sucrière

[COM(2015) 174 final — 2015/0090 COD]

(2015/C 383/14)

Le 27 avril 2015 et le 11 mai 2015, respectivement, le Parlement européen et le Conseil ont décidé, conformément à l’article 43, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil abrogeant la directive 76/621/CEE du Conseil relative à la fixation du taux maximal d’acide érucique dans les huiles et graisses et le règlement (CE) no 320/2006 du Conseil instituant un régime temporaire de restructuration de l’industrie sucrière

[COM(2015) 174 final — 2015/0090 COD].

Ayant estimé que le contenu de la proposition est satisfaisant et n’appelle aucun commentaire de sa part, le Comité, lors de sa 509e session plénière des 1er et 2 juillet 2015 (séance du 1er juillet 2015), a décidé de rendre un avis favorable au texte proposé.

Bruxelles, le 1er juillet 2015.

Le président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


17.11.2015   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 383/100


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à un plan pluriannuel de reconstitution des stocks de thon rouge dans l’Atlantique Est et la Méditerranée, abrogeant le règlement (CE) no 302/2009

[COM(2015) 180 final — 2015/0096 COD]

(2015/C 383/15)

Le 30 avril 2015 et le 7 mai 2015, respectivement, le Parlement européen et le Conseil ont décidé, conformément à l’article 43, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à un plan pluriannuel de reconstitution des stocks de thon rouge dans l’Atlantique Est et la Méditerranée, abrogeant le règlement (CE) no 302/2009

[COM(2015) 180 final — 2015/0096 COD].

Ayant estimé que le contenu de la proposition est satisfaisant et n’appelle aucun commentaire de sa part, le Comité, lors de sa 509e session plénière des 1er et 2 juillet 2015 (séance du 1er juillet 2015), a décidé, à l’unanimité, de rendre un avis favorable au texte proposé.

Bruxelles, le 1er juillet 2015

Le président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE