ISSN 1977-0936

Journal officiel

de l'Union européenne

C 332

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Édition de langue française

Communications et informations

58e année
8 octobre 2015


Numéro d'information

Sommaire

page

 

I   Résolutions, recommandations et avis

 

AVIS

 

Comité économique et social européen

 

508e session plénière du CESE des 27 et 28 mai 2015

2015/C 332/01

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Aide sociale à long terme et désinstitutionnalisation (avis exploratoire)

1

2015/C 332/02

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Achever l’UEM: le pilier politique (avis d’initiative)

8

2015/C 332/03

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Stimuler la créativité, l’esprit d’entreprise et la mobilité dans le domaine de l’éducation et de la formation (avis d’initiative)

20

2015/C 332/04

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Une politique industrielle en faveur du secteur des aliments et des boissons

28

2015/C 332/05

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Vivre demain. L’impression 3D, un outil pour renforcer l’économie européenne (avis d’initiative)

36

2015/C 332/06

Avis du Comité économique et social européen sur la protection des investisseurs et le règlement des différends entre investisseurs et États dans les accords de commerce et d’investissement de l’UE avec des pays tiers

45


 

III   Actes préparatoires

 

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

 

508e session plénière du CESE des 27 et 28 mai 2015

2015/C 332/07

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal[COM(2015) 135 final — 2015/0068 (CNS)] et la Proposition de directive du Conseil abrogeant la directive 2003/48/CE du Conseil[COM(2015) 129 final — 2015/0065 (CNS)]

64

2015/C 332/08

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de décision du Conseil relative aux lignes directrices pour les politiques de l’emploi des États membres [COM(2015) 098 final — 2015/0051 (NLE)]

68

2015/C 332/09

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1007/2009 sur le commerce des produits dérivés du phoque[COM(2015) 45 final — 2015/0028 (COD)]

77

2015/C 332/10

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 1236/2010 du Parlement européen et du Conseil établissant un régime de contrôle et de coercition dans la zone de la convention sur la future coopération multilatérale dans les pêches de l’Atlantique du Nord-Est [COM(2015) 121 final — 2015/0063 COD]

81


FR

 


I Résolutions, recommandations et avis

AVIS

Comité économique et social européen

508e session plénière du CESE des 27 et 28 mai 2015

8.10.2015   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 332/1


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Aide sociale à long terme et désinstitutionnalisation»

(avis exploratoire)

(2015/C 332/01)

Rapporteur:

Mme Gunta ANČA

Corapporteur:

M. José Isaías RODRÍGUEZ GARCÍA-CARO

Dans une lettre datée du 25 septembre 2014, et conformément à l’article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, M. Rihards KOZLOVSKIS, ministre des affaires étrangères par intérim et ministre de l’intérieur de la République de Lettonie, a prié le Comité économique et social européen (CESE), au nom de la présidence lettone, d’élaborer un avis exploratoire sur le thème

«Aide sociale à long terme et désinstitutionnalisation».

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 7 mai 2015.

Lors de sa 508e session plénière des 27 et 28 mai 2015 (séance du 27 mai 2015), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 139 voix pour, 1 voix contre et 3 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

Le CESE:

1.1.

plaide pour une sensibilisation à la situation des personnes vivant en institution au moyen de données cohérentes et ventilées, ainsi que pour l’établissement d’indicateurs reflétant le respect des droits de l’homme;

1.2.

invite les États membres à mettre en place des mesures visant à lutter contre la discrimination et à promouvoir le droit des personnes handicapées de participer pleinement à la vie en société et à l’activité économique dans le cadre des programmes nationaux de réforme (PNR);

1.3.

conclut que les mesures d’austérité ont réduit les budgets des collectivités locales et régionales, ce qui a eu des conséquences directes sur la disponibilité des services sociaux. Il en est résulté une tendance à l’institutionnalisation dans certains États membres;

1.4.

recommande aux États membres d’utiliser les Fonds structurels et d’investissement européens pour favoriser le passage d’une prise en charge institutionnelle à une prise en charge de proximité, développer les services sociaux et de santé et assurer la formation du personnel des services de soutien;

1.5.

recommande aux États membres de réformer les soins de longue durée sur la base d’une analyse du rapport coût/efficacité et d’adopter une approche à long terme consistant notamment à investir dans les ressources humaines et les services au lieu de réduire les ressources financières;

1.6.

souligne que cette «désinstitutionnalisation» est un processus qui requiert une stratégie politique à long terme et l’attribution de ressources financières adéquates pour développer d’autres services de soutien de proximité;

1.7.

demande instamment aux États membres de reconnaître la capacité juridique des personnes handicapées dans tous les aspects de l’existence, sur un pied d’égalité avec les autres personnes, et de les assister, le cas échéant, dans leur prise de décision (1);

1.8.

recommande de développer des services de proximité de qualité en tant qu’étape clé du processus de désinstitutionalisation (2). Il est dangereux de fermer des établissements sans offrir aux gens d’autres solutions;

1.9.

estime que, lorsque les soins sont dispensés à domicile, le nécessaire développement de services professionnels doit être assuré à des prix abordables;

1.10.

recommande de dispenser aux professionnels dans toute l’Europe une formation en matière de services de proximité et de leur donner des informations sur le processus de désinstitutionalisation;

1.11.

recommande que les services de proximité soient disponibles à l’échelle locale, abordables et accessibles à tous;

1.12.

souligne l’importance de l’accès à l’emploi pour les personnes qui sortent d’institutions afin qu’elles puissent participer pleinement à la société. Les services spécialisés en matière d’emploi ainsi que l’enseignement et la formation professionnels devraient être accessibles à tous ceux qui en ont besoin sans discrimination;

1.13.

recommande de mettre en place des partenariats entre tous les acteurs associés au processus de désinstitutionalisation;

1.14.

souligne que les différents groupes de bénéficiaires ont des besoins différents et qu’il y a lieu d’élaborer des réponses spécifiques en coopération avec l’ensemble des partie prenantes concernées, y compris les bénéficiaires et leurs organisations représentatives, les familles, les prestataires de services, les secteurs économiques concernés et les pouvoirs publics;

1.15.

demande instamment à la Commission d’adopter un cadre de qualité européen pour les services de proximité et insiste une nouvelle fois sur l’urgente nécessité de normes contraignantes afin de garantir le niveau de qualité le plus élevé;

1.16.

invite vivement les États membres à mettre en place des services d’inspection et de contrôle indépendants et efficaces pour assurer le respect des normes réglementaires et de qualité au niveau des services d’aide;

1.17.

recommande de lutter contre les stéréotypes négatifs et de mener des actions de sensibilisation au sein des écoles et de la société, au moyen d’une éducation ouverte à tous et de campagnes médiatiques.

2.   Introduction

2.1.

Les processus de désinstitutionalisation et le respect des droits de l’homme en Europe ont évolué de manière différente pendant une bonne partie du siècle dernier. Il est dès lors difficile d’obtenir des données comparables provenant des différents pays.

2.2.

Le CESE estime que, dans notre société en mutation, il est important d’analyser la situation des personnes nécessitant une aide sociale et un niveau élevé d’assistance dans l’ensemble de l’Union européenne, de manière à élaborer des réponses adéquates et à procéder à des échanges de bonnes pratiques.

2.3.

En conséquence, le CESE:

2.3.1.

prend acte du fait qu’en Europe, plus d’un million d’enfants et d’adultes handicapés vivent en institution (3);

2.3.2.

considère que le terme «institution» désigne tout centre de soins résidentiels, dans lequel les résidents sont isolés de la société et/ou contraints de vivre ensemble. Ces résidents n’ont pas suffisamment de contrôle sur leur vie ni sur les décisions qui les concernent, et les exigences organisationnelles tendent à prévaloir sur les besoins personnels des résidents (4);

2.3.3.

indique que des services de soins de haute qualité dispensés dans la communauté locale donnent de meilleurs résultats en termes de qualité de vie que des soins en institution, et se traduisent par une intégration sociale et un risque plus faible de ségrégation (5);

2.3.4.

condamne toute forme de discrimination et d’abus dont peuvent être victimes les hommes, femmes et enfants handicapés ou non, les personnes nécessitant un niveau élevé d’assistance et celles présentant un handicap psychosocial lorsqu’ils sont en institution ou qu’ils ont recours à des services d’aide;

2.3.5.

renvoie aux recommandations figurant dans de précédents avis du CESE (6);

2.3.6.

attire l’attention sur l’obligation découlant de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (CNUDPH) (7) qui incombe à l’Union européenne et à ses États membres de respecter la dignité de la personne, sa liberté et son droit de vivre de manière indépendante, de choisir où et avec qui elle vit et d’avoir accès à des services d’aide, notamment d’assistance personnelle, dans la communauté;

2.3.7.

souligne le fait que, conformément à la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant (CNUDE), «pour l’épanouissement harmonieux de sa personnalité», l’enfant «doit grandir dans un milieu familial, dans un climat de bonheur, d’amour et de compréhension». Il incombe au premier chef aux parents d’élever leurs enfants et il revient à l’État d’aider les parents, en particulier les plus démunis, au moyen d’instruments de protection sociale adéquats. Les enfants ont le droit de bénéficier d’une protection contre tout préjudice et abus. Lorsque leur famille ne peut dispenser les soins dont ils ont besoin, malgré la mise à disposition du soutien adéquat par l’État, les enfants ont droit à des soins familiaux de substitution.

2.3.8.

réaffirme que les personnes handicapées, et particulièrement celles qui souffrent d’un handicap mental, ont le droit, au regard de la loi, d’être reconnues en tous lieux en tant que personnes;

3.   Transition des soins en institution vers les soins de proximité

Le CESE:

3.1.

se félicite du fait que de nombreux pays réforment la manière dont ils dispensent les soins et l’aide aux enfants et aux adultes, en remplaçant certains ou tous les établissements résidentiels de longue durée par des services de proximité et familiaux (8);

3.2.

demande que le processus de désinstitutionnalisation soit mis en œuvre d’une manière qui respecte les droits des différents groupes de bénéficiaires, minimise le risque de préjudice et assure des retombées positives pour l’ensemble des personnes concernées. Les nouveaux systèmes de soins et d’aide doivent respecter les droits, la dignité, les besoins et les souhaits de chaque individu et de sa famille;

3.3.

estime que tout citoyen a le droit de choisir son lieu et sa manière de vivre.

4.   La désinstitutionnalisation pour les différents groupes de bénéficiaires

4.1.

Le CESE reconnaît que les soins que nécessitent les enfants, les personnes handicapées, y compris les personnes souffrant d’un handicap psychosocial, ainsi que les personnes âgées sont très différents. Par conséquent, le processus de désinstitutionnalisation des soins de longue durée doit prendre en considération les besoins spécifiques de chaque groupe de bénéficiaires.

4.2.

Les soins de proximité, y compris les soins professionnels et les soins dispensés au sein de la famille et de l’environnement social, apportent une valeur ajoutée qui fait défaut dans les établissements résidentiels.

4.3.

Le système de soins en institution doit donc être adapté de façon à compléter les services sociaux et de soins de santé de proximité lorsque ceux-ci ne sont pas disponibles, ainsi que pendant la période de transition.

4.4.

Vivre de manière autonome signifie non pas vivre isolé, mais avoir un choix de services spécialisés et de services de base accessibles à l’endroit où l’on a choisi de vivre.

4.5.

La désinstitutionalisation consiste non seulement à créer des services adaptés, mais aussi à créer un environnement propice dans la communauté. Il est nécessaire de préparer l’opinion publique à cette transition, de l’y sensibiliser et de lutter contre toute stigmatisation. Dans le cas contraire, le résultat sera non pas une désinstitutionnalisation mais une réinstitutionnalisation qui se traduira par la création de «ghettos» regroupant des personnes présentant un handicap psychosocial qui, bien que vivant dans la société, sont encore isolées du fait d’attitudes hostiles. Les médias jouent un rôle essentiel à cet égard.

4.6.

Le CESE relève les différences entre les États membres de l’Union européenne, notamment en ce qui concerne la définition d’aide de longue durée. Ces différences peuvent également concerner les types d’aide fournie et les services que cela suppose. De même, il existe des différences importantes au sein des États membres entre les régions et les collectivités locales, en particulier entre les milieux ruraux et urbains (9). Le CESE est d’avis que cela ne devrait pas justifier l’absence de progrès réalisés par un État membre, qui a ses propres particularités, et qui promeut une transition progressive vers des services de proximité.

4.7.

Dans un précédent avis exploratoire (10), le CESE recommandait d’évaluer la téléassistance et l’assistance à l’autonomie à domicile, et de créer un réseau étendu et décentralisé de structures proches du domicile qui permettent un contact direct avec les personnes âgées. Il réitère cette recommandation et soutient un processus approprié de désinstitutionnalisation pour les personnes âgées, les enfants, les personnes handicapées de tout âge et les personnes souffrant d’un handicap psychosocial (11).

4.8.

Ces groupes de bénéficiaires incluent des personnes dont la capacité de prendre des décisions peut être réduite ou inexistante en raison de leur âge, de leur handicap ou de leur dépendance. Le CESE demande dès lors instamment aux États membres de fournir une protection maximale pour ces personnes dans le cadre d’un processus progressif et contrôlé de désinstitutionnalisation, afin que leurs droits soient respectés en toutes circonstances et qu’elles reçoivent les meilleurs soins de proximité possibles, y compris les assister dans leur prise de décision.

4.9.

Le CESE est attentif à l’impact que le passage de soins en institution à des soins de proximité peut avoir sur les travailleurs concernés. Toutes les autorités et parties prenantes associées au processus doivent œuvrer ensemble afin de garantir que le processus de désinstitutionalisation ait un effet bénéfique et progressif sur les aidants. Des conditions de travail décentes doivent toujours être respectées.

4.10.

L’alternative au placement en institution est non pas le service rendu à domicile mais le service de proximité et, par conséquent, les investissements en infrastructures de services doivent être garantis.

4.11.

Le CESE salue les bons exemples, notamment le congé pour assistance à temps plein ou partiel et la reconnaissance de l’assurance pour les aidants informels (12). Il invite l’Union européenne et les États membres à encourager l’échange de bonnes pratiques.

4.12.

Le CESE reconnaît l’importance des prestataires d’aide. Pour les aidants informels, qui agissent sur une base volontaire, concilier les responsabilités d’assistance et leur propre vie demande des efforts considérables. Cette situation peut mener au «syndrome de l’aidant», qui se manifeste par un épuisement physique et psychologique de la personne qui assure le plus gros des soins. L’Union européenne doit garantir que les politiques de conciliation et la responsabilité de l’aide se fondent sur le principe de l’égalité pour tous et que la prestation d’aide informelle soit partagée également et équitablement (13), que les droits fondamentaux des prestataires d’aide soient respectés, que l’aide informelle et familiale soit reconnue et soutenue ainsi que le rôle que jouent les volontaires dans la prestation d’aide formelle et informelle (14).

4.13.

Le CESE reconnaît qu’un grand nombre des groupes vulnérables qui ont recours aux soins institutionnels sont surreprésentés parmi les sans-abris. Le CESE invite dès lors les États membres à élaborer des stratégies et des programmes de désinstitutionalisation qui tiennent pleinement compte du sans-abrisme et de la nécessité de fournir des services de proximité en vue de prévenir le sans-abrisme et d’y remédier;

4.14.

Développer et professionnaliser le travail domestique revêt une importance stratégique pour l’égalité sur le lieu de travail, parce que ce sont principalement les femmes qui accomplissent ces tâches et qui ont besoin de services de garde d’enfants, d’aide aux personnes âgées et d’entretien du logement pour être à égalité avec les hommes dans leur carrière. Ces services sont bénéfiques non seulement pour les individus mais pour toute la société. Ils créent de nouveaux emplois, répondent aux besoins d’une société vieillissante et facilitent la conciliation entre vie privée et vie professionnelle. Ces services améliorent la qualité de vie et l’inclusion sociale et favorisent le maintien à domicile des personnes âgées (15).

4.15.

Le CESE reconnaît la nécessité d’une formation à la désinstitutionnalisation pour les professionnels dans toute l’Europe. À titre d’exemple, la nouvelle génération de psychiatres devra recevoir une formation si l’on veut s’assurer qu’ils pratiquent leur spécialité dans le respect de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées.

4.16.

Le CESE est préoccupé par le fait que les personnes sont, dans certains cas, envoyées en institution sans qu’un processus de consultation ou que des procédures claires soient suivis. Il reconnaît l’importance d’une évaluation formelle des besoins des personnes en matière d’aide à long terme. Ce processus devrait respecter la dignité humaine et déboucher sur le développement de services personnalisés.

5.   Impact de la crise financière sur les services sociaux

5.1.

Le CESE est conscient du fait que la fourniture de soins de longue durée aux groupes qui en ont besoin représente l’un des plus grands défis sociaux et économiques auxquels est confrontée l’Union européenne, en particulier en période de crise économique comme en ce moment.

5.2.

La communication relative à l’investissement social (16) indique clairement que la crise économique a menacé nos systèmes de protection sociale, le chômage ayant augmenté, les recettes fiscales ayant chuté et le nombre de personnes nécessitant des prestations s’étant accru. Dans ce contexte, le CESE s’accorde avec la Commission sur la nécessité de soutenir les États membres dans l’élaboration de stratégies d’aide à long terme pour réduire autant que possible l’impact de la crise économique.

5.3.

Dans son avis (17) concernant cette communication de la Commission, le CESE fait valoir que des investissements sociaux en faveur de la croissance et de la cohésion devraient également servir à renforcer les services sociaux. Ils pourraient aussi soutenir la création d’emplois dans le secteur des services et le développement de nouveaux services dans la communauté.

5.4.

La crise économique a eu des effets négatifs sur la capacité des personnes handicapées à vivre de manière autonome, ainsi que sur les familles et les groupes vulnérables déjà exposés à un risque plus élevé de pauvreté et d’exclusion sociale.

5.5.

Le paquet «Investissement social» s’attaquera aux défis liés à la crise économique et à l’évolution démographique (18).

5.6.

Le CESE est convaincu que la reconnaissance des droits sociaux a connu un net recul avec la crise, les budgets de ces politiques ayant été réduits. Par conséquent, le Comité demande instamment au Conseil, à la Commission et aux États membres de veiller à ce que l’investissement social soit dirigé vers les politiques visant pour le moins à rétablir les niveaux de protection sociale en place avant la crise économique (19).

5.7.

Le CESE souligne que faire face aux besoins résultant de l’augmentation de l’espérance de vie suppose d’aborder des questions difficiles telles que la justice et la solidarité entre les générations. L’objectif final doit être de permettre en Europe aux personnes âgées et très âgées de vivre et de vieillir dans la dignité et la sécurité, tout en veillant à ne pas faire peser sur les jeunes et les futures générations des charges qu’elles ne pourraient pas assumer (20).

5.8.

Alors même que les différences au sein de l’Union européenne en termes de soins en institution et de soins de proximité étaient déjà manifestes, la crise a accentué les importantes disparités économiques et sociales qui existaient déjà dans l’Union européenne. Elle a mis en évidence le manque d’homogénéité en matière de compétitivité et de cohésion sociale et renforcé la tendance à la polarisation de la croissance et du développement, avec un impact notable en termes de redistribution équitable des revenus, de la richesse et du bien-être entre les États membres et les régions (21).

6.   Utilisation des fonds de l’Union européenne pour les services sociaux à long terme et la désinstitutionnalisation

Le CESE:

6.1.

déplore le fait qu’au cours de la dernière période de programmation, les Fonds structurels européens aient été destinés à des institutions pratiquant la ségrégation et non aux soins de proximité;

6.2.

se félicite de la nouvelle réglementation relative aux Fonds structurels et d’investissement européens (FSIE) 2014-2020, qui promeut une transition des soins en institution vers des soins de proximité et compte sur le Fonds européen de développement régional pour l’amélioration des infrastructures sociales et sanitaires;

6.3.

fait valoir que l’adoption d’une approche multi-financements pourrait accélérer la transition vers des soins de proximité, y compris en utilisant le Fonds social européen pour des mesures non contraignantes telles que la formation de personnel de services d’aide et la création de nouveaux services sociaux;

6.4.

accueille favorablement la conditionnalité thématique ex ante du règlement portant dispositions communes régissant les Fonds structurels et d’investissement européens relative à la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, qui impose aux États membres de mettre en place une stratégie de désinstitutionnalisation;

6.5.

recommande aux États membres d’utiliser les Fonds structurels et d’investissement européens pour favoriser le passage d’une prise en charge institutionnelle à une prise en charge de proximité, développer les services sociaux et de santé et assurer la formation du personnel des services de soutien;

6.6.

estime qu’il convient d’utiliser l’instrument d’aide de préadhésion et le Fonds européen de développement pour soutenir le droit de chacun de vivre au sein de la communauté et de grandir dans un environnement familial;

6.7.

est conscient que la transition des soins en institution vers des soins de proximité est complexe. Il invite donc la Commission et les États membres à présenter une communication et à élaborer des orientations politiques pour promouvoir la désinstitutionalisation, notamment et surtout en période de crise économique.

7.   Des services de proximité de qualité

Le CESE:

7.1.

demande instamment à la Commission d’adopter un cadre de qualité européen pour les services de proximité et insiste une nouvelle fois sur l’urgente nécessité de normes strictes et contraignantes afin de garantir les niveaux de qualité les plus élevés;

7.2.

conclut que des services de proximité doivent être disponibles, notamment dans les zones rurales et reculées, et que les personnes doivent recevoir des budgets individuels adéquats leur permettant de choisir librement le service dont elles ont besoin;

7.3.

est d’avis que les services de proximité doivent être développés en coopération étroite avec leurs utilisateurs et les organisations qui les représentent, lesquels devraient en déterminer la qualité en collaboration avec les autres parties prenantes, y compris les prestataires de services, les pouvoirs publics et les syndicats;

7.4.

invite vivement les États membres à mettre en place des services d’inspection et de contrôle indépendants et efficaces pour assurer le respect des normes réglementaires et de qualité tant au niveau des services de proximité que des services en institution;

7.5.

recommande que les services de proximité soient disponibles à l’échelle locale, abordables et accessibles à tous;

7.6.

considère que ces services doivent être soumis à une autorisation d’autorités compétentes et accrédités par des organismes de certification;

7.7.

les technologies d’assistance et les aides techniques sont d’une importance capitale pour la vie en communauté des personnes handicapées, y compris les enfants et les personnes âgées. L’efficacité de ces technologies est optimale lorsqu’il est tenu compte des préférences du bénéficiaire et du respect de la vie privée.

Bruxelles, le 27 mai 2015.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  Comme le prévoit l’article 12 de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées.

(2)  Cela vaut également pour la fermeture des établissements d’internement psychiatrique: de réelles alternatives doivent être en place.

(3)  Enfants et adultes handicapés (y compris les personnes atteintes de problèmes de santé mentale). Cela inclut l’Union européenne et la Turquie. Source: Mansell, J., Knapp, M., Beadle-Brown, J. and Beecham, J. (2007): Deinstitutionalisation and community living — outcomes and costs: report of a European Study (Désinstitutionnalisation et vie en communauté — Résultats et coûts: compte rendu d’une étude européenne), volume 2: Main Report Canterbury: Tizard Centre, Université du Kent (ci-après «le rapport DECLOC»).

(4)  Rapport — Groupe ad hoc d’experts sur la transition des soins en institution vers les soins de proximité http://ec.europa.eu/social/BlobServlet?docId=4017&langId=en

(5)  Lignes directrices européennes communes sur la transition des soins en institution vers les soins de proximité (www.deinstitutionalisationguide.eu).

(6)  JO C 204 du 9.8.2008, p. 103; JO C 181 du 21.6.2012, p. 2; JO C 44 du 15.2.2013, p. 28.

(7)  Voir http://www.un.org/disabilities/convention/conventionfull.shtml

(8)  Quelques exemples d’aide à long terme peuvent être trouvés dans l’Eurobaromètre sur les soins de santé et les soins de longue durée (http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/ebs/ebs_283_en.pdf). D’autres bonnes pratiques en matière de désinstitutionnalisation sont décrites dans les lignes directrices européennes communes sur la transition des soins en institution vers les soins de proximité (www.deinstitutionalisationguide.eu).

(9)  Soins de longue durée dans l’Union européenne, ISBN 978-92-79-09573-3, Office des publications de l’Union européenne, Luxembourg.

(10)  JO C 44 du 11.2.2011, p. 10.

(11)  Idem.

(12)  Il existe une législation appropriée en Autriche. Voici quelques exemples:

Congé pour assistance à temps plein ou partiel: afin d’assurer un meilleur équilibre entre la vie professionnelle et l’assistance, depuis le 1er janvier 2014, les travailleurs ont la possibilité de prendre un congé pour assistance à temps plein (avec perte totale de leur salaire) ou à temps partiel (avec perte partielle de leur salaire) pendant une période de un à trois mois. Au cours de cette période, ils ont légalement droit à une allocation pour assistance, à une protection contre le licenciement motivé et à une couverture sociale (assurances maladie et pension non contributives). Le montant de l’allocation pour assistance équivaut à celui de l’allocation potentielle de chômage. L’objectif de ce congé pour assistance à temps plein ou partiel est de permettre aux travailleurs concernés de réorganiser leurs dispositions en matière de prestation d’aide, notamment en cas de nécessité soudaine de s’occuper d’un parent proche ou de décharger un aidant pendant un certain laps de temps.

Assurance pension pour les parents travaillant comme prestataires d’aide: les personnes qui consacrent la totalité ou une grande partie de leur temps de travail à s’occuper d’un parent proche disposent des options suivantes leur permettant d’acquérir des droits d’assurance pension non contributive: continuation de l’assurance dans le cadre de l’assurance pension, assurance personnelle dans le cadre de l’assurance pension, continuation de l’assurance ou assurance personnelle dans le cadre de l’assurance maladie. Les contributions à l’assurance sont prises en charge par le gouvernement fédéral, ce qui signifie qu’il n’y a donc pas de coûts pour les parents qui travaillent en tant que prestataires d’aide.

(13)  Entre les hommes et les femmes et entre les différentes générations.

(14)  Recommandations de la plate-forme sociale en matière d’aide: http://www.socialplatform.org/wp-content/uploads/2013/03/20121217_SocialPlatform_Recommendations_on_CARE_EN1.pdf

(15)  JO C 12 du 15.1.2015, p. 16.

(16)  COM(2013) 83 final.

(17)  JO C 271 du 19.9.2013, p. 91.

(18)  Le paquet «Investissement social» est destiné à bénéficier notamment aux enfants et aux jeunes, aux personnes handicapées, aux sans-abris et aux personnes âgées. Ses objectifs sont: garantir que les systèmes de protection sociale répondent aux besoins des personnes, mettre en place des politiques sociales plus simples et mieux ciblées et améliorer les stratégies d’inclusion active dans les États membres. (Vade-mecum sur l’utilisation des fonds européens pour la transition des soins en institution vers les soins de proximité — http://deinstitutionalisationguide.eu/wp-content/uploads/2013/04/Toolkit_French-version.pdf).

(19)  JO C 170 du 5.6.2014, p. 23, et JO C 226 du 16.7.2014, p. 21.

(20)  JO C 204 du 9.8.2008, p. 103.

(21)  JO C 12 du 15.1.2015, p. 105.


8.10.2015   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 332/8


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Achever l’UEM: le pilier politique»

(avis d’initiative)

(2015/C 332/02)

Rapporteurs:

MM. Carmelo CEDRONE et Joost VAN IERSEL

Le 22 janvier 2015, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l’article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d’élaborer un avis d’initiative sur le thème:

«Achever l’UEM: le pilier politique».

La section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 6 mai 2015.

Lors de sa 508e session plénière, des 27 et 28 mai 2015 (séance du 27 mai 2015), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 183 voix pour, 16 voix contre et 16 abstentions.

Préambule

Dans la perspective du nouveau mandat du Parlement européen et de la Commission européenne, le CESE a adopté, en juillet 2014, un avis sur le thème «Achever l’UEM — La prochaine législature européenne», lequel a ensuite fait l’objet d’une mise à jour par les rapporteurs en novembre 2014. L’objectif était d’élaborer un ensemble cohérent de politiques afin de renforcer l’architecture et l’efficacité de l’Union économique et monétaire.

Le CESE distingue quatre piliers, qui sont étroitement liés: le pilier monétaire et financier, le pilier macro et microéconomique, le pilier social et le pilier politique. S’il a déjà adopté plusieurs avis sur le pilier monétaire et financier, le pilier économique et le pilier social, le CESE entend à présent examiner de manière plus spécifique des questions liées à la dimension politique et institutionnelle globale de l’UEM, qui relève entièrement de la compétence des États membres et du Conseil européen. Cette dimension concerne un noyau d’États membres de l’UEM, mais est également ouverte à d’autres États qui sont des candidats potentiels à la participation à la zone euro et désireux de suivre la même voie.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

À la suite de six années de crise économique et financière, il semble plus difficile que jamais de prévoir l’avenir en matière sociale et économique. Étant donné les défis géopolitiques et économiques qui se présentent, seule une Union économique et monétaire solide sera à même de garantir une stabilité tournée vers l’avenir.

1.2.

L’UEM demeure fragile — comme en témoignent le diagnostic et l’analyse SWOT (Strengths, Weaknesses, Opportunities and Threats — Points forts, points faibles, opportunités, menaces) ci-dessous. Le CESE est d’avis qu’il est nécessaire de disposer d’une gouvernance économique plus efficace et démocratique, notamment au sein de la zone euro, pour répondre aux déséquilibres persistants et instaurer un climat de confiance dans l’Europe entière.

1.3.

Le CESE sait pertinemment que des mesures décisives ne peuvent être prises du jour au lendemain; toutefois, deux éléments doivent être dûment pris en compte: a) l’Europe ne peut se permettre de tergiverser indéfiniment, et b) la première condition est de dégager un accord dans l’ensemble de la zone euro sur les principes des politiques économiques qui doivent être menées grâce à une gouvernance efficace.

1.4.

Parallèlement à la convergence économique, il est nécessaire d’instaurer la légitimité démocratique, un cadre politique solide et un sentiment partagé de communauté de destin. Il est possible, à cette fin, de mettre en œuvre des mesures concrètes dans le cadre du traité et des règles actuellement en vigueur. Mais à moyen et à long terme, il serait souhaitable qu’une révision du traité mette les dispositions institutionnelles en cohérence avec les exigences et impératifs d’une véritable Union économique et politique.

1.5.

Il est nécessaire que le Conseil européen, les gouvernements nationaux, le Parlement européen, les parlements nationaux et la Commission européenne forment un système cohérent, qui réponde aux principes de légitimité démocratique, de responsabilité et de transparence et soit capable d’agir efficacement dans l’intérêt des citoyens et des acteurs économiques.

1.6.

Il est désormais clair que le système actuel des règles qui sont à la base de l’Union européenne et, particulièrement de la zone euro, a généré de la confusion sur les plans juridique, institutionnel et démocratique. Dès lors, une nouvelle approche doit être développée. La dynamique politique et économique ne permet plus à l’Union européenne de maintenir l’architecture institutionnelle actuelle. C’est pourquoi le CESE est d’avis que l’approfondissement du processus d’intégration de la zone euro est indispensable.

1.7.

Dans cet esprit, le CESE présente une feuille de route avec les étapes suivantes:

1.7.1.

1re étape

1)

Président stable de l’Eurogroupe;

2)

Rendre la conférence interparlementaire opérationnelle;

3)

Créer un Parlement de la zone euro (grande commission du PE, avec tous les députés des pays de l’UEM).

1.7.2.

2e étape

4)

Conseil «Affaires législatives» de l’UEM;

5)

Vote des députés de la zone euro sur les questions ressortissant à l’UEM;

6)

Un exécutif (un gouvernement) pour l’UEM (actuel Eurogroupe et Commission);

7)

Renforcement des pouvoirs et des compétences de la conférence interparlementaire (PE et parlements nationaux).

1.7.3.

3e étape

8)

Renforcement des pouvoirs du PE dans le cadre de l’UEM (légitimité démocratique) et création de véritables partis politiques européens;

9)

Chambre des États (UEM) (gouvernements);

10)

Séparation des pouvoirs législatifs et exécutifs;

11)

Suppression du vote à l’unanimité.

1.8.

Il conviendrait en outre de lancer les initiatives suivantes pour élaborer et mettre en œuvre les étapes précédemment citées:

états généraux de la société civile organisés conjointement par le CESE, le CdR, la présidence de l’Union européenne et la Commission,

assises interparlementaires,

propositions du PE pour agir à traité constant et en vue d’une révision du traité de Lisbonne,

convention constitutionnelle,

évaluation de la possibilité d’organiser des référendums paneuropéens.

2.   Diagnostic

2.1.

L’Union économique et monétaire dispose déjà d’un «acquis» très étendu. Elle a une monnaie commune et une Banque centrale; elle garantit, jusqu’à un certain point, la coordination des politiques budgétaires et économiques; elle prend des décisions contraignantes pour les États membres, ce qui limite en principe leur autonomie économique et budgétaire, impose des conditions à toute mesure de relance dans les États membres et oblige ceux-ci à entreprendre des réformes économiques et sociales.

2.2.

Ces caractéristiques font de l’UEM une fédération en devenir qui, pour l’heure, joue le rôle de «gardienne», mais n’agit pas encore de façon solidaire. Le sentiment de poursuivre un objectif commun y est plus fort qu’ailleurs et a favorisé un «espace public» de discussion. L’UEM implique un abandon de souveraineté plus important de la part des États membres, bien que sa gestion reste essentiellement sous le contrôle d’une structure technocratique.

2.3.

Cette Union doit être achevée en créant les conditions nécessaires pour permettre aux États qui en font partie, ou qui souhaitent la rejoindre, d’atteindre non seulement la stabilité, mais aussi le développement et la prospérité: il devrait être plus avantageux pour eux de faire partie de la zone euro que de rester en dehors.

2.4.

L’éclatement de la crise financière en 2008 et les événements qui s’en sont suivis, ainsi que leurs conséquences désastreuses pour l’économie réelle et la société européenne, ont constitué un coup de semonce pour tous ceux qui croyaient encore que l’architecture de l’UEM continuerait à fonctionner de manière somme toute satisfaisante et que les conséquences de cette crise promouvraient une convergence harmonieuse entre les États membres.

2.5.

Passé le premier choc, les institutions européennes ont très vite commencé à chercher des solutions à court terme aux problèmes les plus urgents. Le fait que des mécanismes aient été mis en place pour préserver l’UEM, l’euro et la zone euro est en soi un point extrêmement positif, même si certaines mesures ont aussi été prises tardivement ou s’il y a eu de graves omissions, comme l’absence de plan commun pour promouvoir la croissance et l’emploi.

2.6.

Un autre point positif est le fait que, dans des circonstances extrêmement difficiles, des mesures productives aient été prises, au moins partiellement, pour consolider l’ancrage de l’UEM. Le CESE s’est félicité de chacune de ces mesures mais en a aussi dénoncé les limites et a proposé d’autres idées plus appropriées pour lutter contre la crise.

2.7.

La crise économique et financière s’est transformée en une récession économique prolongée, assortie d’importants déséquilibres entre les économies nationales. Six ans plus tard, de nombreuses régions de l’Union européenne se trouvent dans une situation loin d’être enviable, caractérisée par une faible croissance et une crise de l’emploi. Les conséquences économiques et sociales de cette situation parlent d’elles-mêmes.

2.8.

Malgré tous les progrès accomplis, l’Union économique et monétaire reste incomplète. La situation est très complexe. En dépit de certains signes de reprise encourageants, ce sont la stagnation économique, le manque de création d’emplois et la pauvreté qui prévalent dans un certain nombre de pays, essentiellement pour diverses raisons profondément ancrées que la crise a rendues plus visibles et a accentuées: l’histoire et les traditions de gouvernance (ou l’absence de telles traditions), des parcours de croissance divergents, des structures économiques et sociales ainsi que des politiques extérieures différentes.

2.9.

Dans la zone euro, un désaccord persiste entre les tenants d’une union de stabilité, mue par la convergence économique et les réformes menées dans les États membres d’une part, et les partisans d’une union budgétaire pure et simple d’autre part. Ce désaccord s’accompagne également d’importantes divergences de vues, tant dans le monde politique qu’entre les partenaires sociaux, sur les politiques économiques qui doivent être conduites au niveau national et au niveau de l’Union.

2.10.

Les divergences qui existent dans les points de vue et les pratiques ont fini par exacerber le climat de méfiance, non seulement sur le plan politique, mais aussi dans les opinions publiques des différents États membres, aussi superficielles que puissent être les critiques mutuelles. Cette évolution s’est traduite par une prophétie autoréalisatrice — elle prive les décideurs politiques de toute marge de manœuvre potentielle et provoque des vagues d’europhobie parmi les citoyens.

2.11.

Compte tenu du fait que l’UEM est essentiellement dominée par un processus décisionnel intergouvernemental et une gestion technocratique, le manque de légitimité démocratique et de crédibilité a des conséquences graves, qui mettent aussi davantage en évidence les différences existant entre les pays partenaires.

2.12.

Cette situation n’est toutefois pas l’apanage de l’Union européenne. D’autres grands États, comme les États-Unis, la Chine, la Russie, l’Inde et le Brésil, ainsi qu’un grand nombre de pays plus petits, sont eux aussi confrontés à des difficultés analogues. Il est toutefois indéniable que l’Union européenne, et plus particulièrement la zone euro, rencontrent de grandes difficultés à éliminer les obstacles, par comparaison avec les États-Unis et le continent asiatique («l’Asie, usine du monde»).

2.13.

D’une manière générale, le CESE considère que, même si l’état dans lequel se trouve aujourd’hui l’économie européenne est le résultat d’une conjonction de facteurs divers et complexes, une gestion politique plus efficace de l’UEM pourrait, en apportant davantage de stabilité, contribuer dans une large mesure à résoudre les problèmes actuels et futurs. Dans tous les cas, une UEM plus forte est indispensable pour sauvegarder certains intérêts essentiels de l’Europe dans le monde.

2.14.

Le CESE est conscient du fait qu’une solution définitive n’est pas à portée pour l’instant et que les dynamiques, la complexité et les dilemmes actuels sont autant d’obstacles à l’établissement d’une feuille de route solide. Par ailleurs, les lacunes que l’on observe actuellement en matière institutionnelle et de gouvernance ne peuvent perdurer sur le long terme sans avoir d’effets préjudiciables sur la confiance et les performances économiques. Aussi le CESE juge-t-il inacceptables les retards, la résignation et l’absence de projet pour l’avenir.

2.15.

Le CESE considère par conséquent qu’il est impératif de mener un débat sérieux sur une architecture de l’UEM reposant sur des bases saines, ce qui implique un consensus sur des objectifs économiques et sociaux ainsi qu’une gouvernance partagée.

2.16.

Depuis le lancement de l’UEM, la question qui est au cœur du débat sur plus ou moins d’intégration européenne est celle de la souveraineté nationale. Le CESE souligne qu’il s’agit d’un paradigme erroné, dans la mesure où la souveraineté nationale s’estompe peu à peu. Dans le schéma actuel de la mondialisation, avec les défis afférents, il ne voit pas d’alternative réalisable pour ancrer de façon plus solide une souveraineté commune ou partagée dans l’Union européenne, et notamment dans la zone euro. À cette fin, un gouvernement économique ou une gouvernance économique partagée de façon solide sera indispensable. Dans le même ordre d’idées, l’avenir de l’UEM est étroitement lié à d’autres politiques «souveraines» essentielles, comme le développement de la politique de sécurité et de défense commune et d’une union de l’énergie.

3.   Analyse SWOT de la situation actuelle au sein de l’Union européenne et de la zone euro

Points forts

Points faibles

Conscience accrue du fait que les Européens doivent faire face à un avenir commun ensemble

Rôle capital, bien que limité, de la BCE (en tant qu’institution supranationale)

Mécanisme européen de stabilité (MES) et reconnaissance récente des règles de flexibilité

Renforcement de la discipline budgétaire des États membres

Acceptation politique croissante, par les gouvernements, des règles arrêtées au niveau de l’Union européenne, notamment en ce qui concerne la nécessité de réformes structurelles dans tous les États membres

Attention accrue portée par l’Union européenne à l’amélioration de la gouvernance et à une meilleure administration dans tous les États membres

Lancement de l’union bancaire et processus décisionnel sur le mécanisme de résolution unique

Assouplissement quantitatif par la BCE

Rôle plus actif, mais encore limité, de la BEI et proposition relative à un plan d’investissement pour l’Europe

Semestre européen et recommandations par pays, avec comme conséquence un engagement accru de l’Union européenne s’agissant de l’identification des points faibles des budgets nationaux et de la gouvernance

Transparence accrue du débat public sur l’évolution de la situation dans les pays partenaires

Acceptation accrue dans tous les États membres de la nécessité de promouvoir la croissance et la compétitivité, ainsi que d’améliorer les conditions relatives aux investissements internes et étrangers

Malgré des disparités à l’échelle du continent, ce sont les modèles européens d’économie sociale de marché qui garantissent le mieux des évolutions stables dans la société

Déséquilibres économiques dans la zone euro qui perdurent et tendent à augmenter

Manque de solidarité entre États membres et au sein de ceux-ci

Persistance du vote à l’unanimité sur les questions essentielles

De très longues discussions sont nécessaires pour progresser, même sur des sujets faisant déjà l’objet d’un accord

Malgré l’euro, il n’existe pas de «communauté de destin», alors que les politiques économiques et budgétaires restent dans une large mesure de la compétence des États membres (1)

Manque de légitimité démocratique

Position de faiblesse de la CE s’agissant de la mise en œuvre des règles de l’Union européenne et du semestre européen

Mise en œuvre médiocre des règles arrêtées dans les États membres: déficits excessifs, recommandations par pays

Effets négatifs des politiques prônant exclusivement l’austérité

Préjugés nationaux ancrés dans l’histoire, qui instaurent notamment un climat de suspicion constante entre les États membres — à un degré moindre, entre les ministères des finances

Faible niveau d’implication des parlements nationaux et de la société civile dans le processus de prise de décision et/ou les actions de sensibilisation dans la plupart des États membres

Communication insatisfaisante, notamment de la part des dirigeants, dans les États membres

Divergences au sein de l’opinion publique et entre partis politiques au sein de l’Union et dans la zone euro

Prévalence d’une vision à court terme et non d’une perspective — et encore moins d’un engagement — à long terme

Une union bancaire inachevée, pas encore de décision concernant les règles relatives aux dépôts

Un marché européen des capitaux approfondi restera un vœu pieux aussi longtemps que les banques seront liées aux différents États membres

Inachèvement et fragmentation du marché intérieur

Absence d’une vision politique à long terme concernant l’avenir de l’UEM/UE.

Opportunités

Menaces

Renforcement de la gouvernance de la zone euro

Renforcement de la légitimité démocratique

Mise en œuvre correcte des règles arrêtées

Mesures de rétablissement de la confiance créant un climat de stabilité pour les investissements

Capacité d’attirer des investissements au sein de l’Union européenne et en provenance de l’étranger, notamment dans le cadre du plan d’investissement pour l’Europe

Succès du programme d’assouplissement quantitatif de la BCE

Convergence des politiques budgétaires et fiscales sur la base de principes convenus: poursuite des politiques nationales au sein d’un cadre commun accepté

Accords contractuels conclus entre les États membres et l’Union européenne

Lutte contre les déséquilibres économiques dans un cadre commun

Accord sur les réformes nationales ainsi que sur les initiatives en faveur de la croissance et de la création d’emplois

Une solution acceptable pour répondre aux préoccupations de la Grèce — et d’autres États membres — concernant la promotion de la convergence

Maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne sur une base raisonnable, qui ne sape pas les progrès accomplis par les autres

Interaction efficace entre la BCE, la Commission européenne et le Conseil, en particulier dans la zone euro

Gouvernance solide de la zone euro

Reconnaissance d’un rôle proactif de la Commission, y compris l’application stricte de la «méthode communautaire»

Achèvement de l’union bancaire et d’un marché paneuropéen des capitaux

Réalisation des conditions requises pour l’introduction d’euro-obligations pour les investissements

Introduction d’une assiette commune pour l’impôt sur les sociétés

Planification d’une assiette fiscale pour le budget de l’Union européenne parallèlement à son extension

Une Europe parlant d’une seule voix dans les forums internationaux

UE/zone euro: mesures insuffisantes et trop tardives

Sentiment négatif de l’opinion publique/euroscepticisme

Manque de confiance des investisseurs, qu’ils soient européens ou étrangers

Déflation

Faible croissance persistante par rapport à nos principaux concurrents mondiaux

Conflits (militaires) internationaux en cours, notamment aux portes de l’Union européenne

Préparation insuffisante à une nouvelle crise économique

Hétérogénéité économique croissante au sein de l’Union et de la zone euro

Sortie de la Grèce de la zone euro («Grexit»), ou situation approchante

Sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne («Brexit») (ou statu quo au Royaume Uni — équilibre de la zone euro)

Stagnation de l’union bancaire

Persistance du lien entre banques nationales et États membres, absence d’un marché paneuropéen des capitaux

Mise en œuvre insuffisante dans le secteur financier

Mise en œuvre insuffisante dans le marché intérieur au sens large, qui se solde par une fragmentation croissante

Absence de progrès dans d’autres domaines clés, comme l’union de l’énergie, l’union numérique et la PSDC

Faible succès du programme d’assouplissement quantitatif de la BCE

4.   Propositions concernant les politiques de l’UEM et les institutions de l’Union

4.1.   Démocratie, transparence et légitimité

4.1.1.

Dans la mesure où les défis fondamentaux de l’Union économique et monétaire impliquent un transfert substantiel de compétences nationales vers l’Union, ils sont liés à sa dimension démocratique et notamment à sa dimension parlementaire, à l’efficacité de son système de décision, au respect des principes de responsabilité et de coopération loyale, ainsi qu’à la transparence (visibilité) de son mode de fonctionnement. Pour le CESE, ces défis exigent une union politique qui rétablit et assure la participation des citoyens et l’engagement de toutes les parties prenantes à l’intégration européenne.

4.1.2.

Accomplir l’union politique est un processus qui doit se dérouler par étapes. Certaines conditions et mesures pourront être mises en place sans changement des traités de l’Union. Il y en a d’autres qui exigent nécessairement une révision des traités.

4.1.3.

Le CESE recommande que, pour des raisons de responsabilité et de coopération réciproque, les modes de participation qui existent aux niveaux nationaux soient dûment appliqués également au niveau de l’Union, notamment:

des véritables partis politiques européens,

la création de majorités et minorités politiques sur base des programmes électoraux,

l’harmonisation des dates des élections européennes.

4.1.4.

Dans chaque État et dans l’ensemble de l’Union européenne, la question démocratique représente un point de faiblesse grave (il suffit de penser au rôle joué par la troïka dans le cadre de la nouvelle gouvernance économique). Le rapport entre représentants et représentés s’évapore de plus en plus, une réalité que la crise a mise en lumière. D’où la nécessité et l’urgence de s’y attacher dans le cadre du processus qui vise à parachever l’Union économique et monétaire dans ses quatre modes ou piliers d’intégration: l’union bancaire, l’union fiscale, l’union économique (qui, pour le CESE, doit comprendre l’union sociale) et, enfin, l’union politique.

4.1.5.

Pour parvenir à cette union politique, à partir des pays qui le veulent et en appliquant le principe de l’intégration différenciée, le CESE suggère de suivre en temps utile la méthode de la Convention, qui sera chargée de trouver les solutions au-delà du traité de Lisbonne. Le CESE s’engagera à élaborer des propositions pour une participation efficace de la société civile aux travaux d’une telle Convention.

4.2.   Pouvoir législatif

La démocratie représentative: Parlement européen et parlements nationaux

4.2.1.

L’espace privilégié de la démocratie représentative au sein de l’Union économique et monétaire est celui du Parlement européen, où siègent les députés des pays qui ont adhéré à la monnaie unique ou qui se préparent à y adhérer.

Proposition A

Afin de rendre visible, cohérente et efficace l’action de ces députés, le CESE suggère qu’une instance permanente au sein du PE soit créée en les rassemblant dans le but d’étayer la responsabilité (en anglais accountability) des institutions chargées de la gouvernance de la monnaie unique, et, en même temps, d’établir un espace public de dialogue et de consultation, d’élaborer et de voter les textes à soumettre aux décisions de l’Assemblée en matière économique et monétaire, et d’assurer l’égalité de la prise en compte des principes de solidarité et de coopération loyale dans la réalisation des politiques de l’UEM.

4.2.2.

L’affirmation de la démocratie représentative au sein de l’UEM ne serait pas complète si le mode de prise de décisions ne tenait pas compte de la double légitimité — nationale et européenne — qui est essentielle dans le système sui generis qu’est le modèle européen.

Proposition B

Le CESE suggère de valoriser et d’élargir simultanément la mission de la conférence interparlementaire, ex-article 13 du pacte budgétaire, en lui attribuant les pouvoirs de discuter et de donner des avis contraignants en matière de croissance, de compétitivité, d’emploi, de fiscalité et de politique sociale. En plus, le Parlement européen devrait ouvrir son instance interne chargée de l’UEM à la participation, en tant qu’observateurs, de députés nationaux des pays IN et PRE-IN de la zone euro. La Conférence interparlementaire peut être composée des présidents des commissions des budgets et de l’industrie des pays de l’UEM et des présidents des commissions budgets, économie, monétaire, industrie, recherche, énergie et cohésion du PE. Approfondir la procédure de codécision doit renforcer la légitimité des nouvelles propositions législatives.

Proposition C

De leur côté, les parlements nationaux doivent s’engager visiblement dans les débats de politiques européennes, ce qui est déjà en cours dans certains pays, par exemple par la participation de la Commission aux débats parlementaires. De bonnes pratiques pourront être diffusées. Le but serait que les forces politiques nationales s’engagent plus visiblement, à leur niveau, à l’égard des politiques communautaires qui les concernent directement.

Le Conseil

4.2.3.

Dans ce contexte politique, il y aura une base plus favorable pour une coopération et une concertation plus étroites entre l’Eurosommet et/ou l’Eurogroupe — en l’occurrence également les pays PRE-IN, le PE et les parlements nationaux. Dans la logique du point précédent, les ministres des pays de la zone euro et ceux des pays qui veulent y adhérer pourront exercer des fonctions législatives à partager avec le PE, dans les matières qui concernent l’UEM.

4.2.4.

L’action du Conseil devrait être renforcée par les efforts des administrations nationales qui doivent se conjuguer avec ce développement, notamment par l’échange de fonctionnaires entre elles et par l’intensification des relations bilatérales.

4.2.5.

Le CESE souligne que l’élargissement du vote à la majorité qualifiée et, dans un temps déterminé, l’abolition du vote à l’unanimité, faciliteront l’approfondissement de l’intégration dans l’Union politique.

4.2.6.

Ainsi, la coopération et la concertation mieux structurées dans l’Union politique renforceront l’efficacité des politiques dans les domaines essentiels de l’UEM. L’Union dans son ensemble en tirera dûment profit.

4.2.7.

Comme indiqué dans le tableau du point 5, il y a beaucoup de choses que l’on peut faire à traité constant; pour la plus grande partie des politiques qui concernent l’UEM, l’on peut mener une coopération renforcée directement entre les pays; il serait mieux qu’on dote l’UEM d’une sorte de coopération renforcée permanente qui permettrait d’agir aussi et mieux à travers les députés européens des pays ayant adhéré à l’euro et des pays candidats.

4.2.8.

Le CESE suggère qu’il serait utile de relancer la méthode des Conseils «Jumbo» au sein de l’Eurogroupe, en ouvrant ainsi la possibilité d’un dialogue régulier entre les ministres compétents des affaires financières, économiques et sociales d’une part, et les partenaires sociaux et la société civile d’autre part.

4.3.   Pouvoir exécutif

Un exécutif pour l’UEM, la Commission

4.3.1.

Après une période transitoire, qui devrait déboucher sur une modification du traité, un organe de gouvernance de l’UEM prendra forme. Son président devrait véritablement jouer le rôle de ministre de l’économie et des finances de la zone euro; il serait en outre vice-président adjoint de la Commission — soit une position similaire à celle du haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

4.3.2.

Dans le modèle sui generis européen, la Commission européenne (plus petite et efficace) continuera à jouer un rôle essentiel. La «méthode communautaire» et l’actuel droit d’initiative de la Commission ont également une importance toute particulière en vue de l’approfondissement de l’UEM. Ce rôle devrait être garanti dans l’Union politique.

4.3.3.

La Commission européenne devrait continuer à jouer un «rôle binaire» et servir de lien entre l’Union européenne et l’UEM jusqu’à la création d’un véritable organe exécutif de l’UEM. Sans préjudice de l’actuel droit d’initiative de la Commission, il convient de trouver des moyens d’associer adéquatement le PE au processus, afin de renforcer la légitimité des nouvelles propositions législatives.

4.3.4.

Le CESE suggère de nommer un président permanent de l’Eurogroupe, qui puisse mieux travailler, directement à Bruxelles, avec la Commission, le PE, les gouvernements et les parlements nationaux. Selon la méthode utilisée par le président Juncker, un vice-président de la Commission pourrait présider les réunions de l’Eurogroupe. Il/elle pourrait ainsi représenter l’UEM dans les instances internationales.

4.4.   Le CESE

4.4.1.

Tous ces éléments devraient nous inciter plus que jamais à établir des relations plus solides et constructives avec les citoyens et à trouver les moyens de les faire participer à la vie publique. Il convient de garantir des formes de consultation robustes sur des questions spécifiques, en associant les partenaires sociaux et la société civile, en particulier dans la zone euro, dans la mesure où ces organisations jouent un rôle important dans les domaines politiques directement concernés par l’UEM et qu’elles ont souvent une influence sur le résultat des politiques au niveau national. Au niveau européen, le CESE peut jouer le rôle de facilitateur de la société civile et se charger d’associer la société civile organisée au processus décisionnel de l’Union européenne, sans préjudice du rôle des partenaires sociaux dans le dialogue social, au moyen des mesures suivantes:

a)

tenue d’un forum de la société civile organisée sur des questions spécifiques, y compris l’évaluation des limites du processus d’intégration européenne et la recherche de nouvelles formes de participation;

b)

organisation d’un forum spécifique pour la zone euro afin d’évaluer la détermination et le sentiment d’appartenance, en tant que moyens de surmonter les préjugés et de renforcer la confiance mutuelle;

c)

élaboration d’avis sous forme d’initiatives pré-législatives sur certaines questions particulièrement sensibles pour le grand public et sur lesquelles le Parlement européen et le Conseil sont tenus de légiférer.

5.   Instruments juridiques et domaines d’action

5.1.

Pour réaliser les quatre unions, selon le rapport des quatre présidents, équivalentes aux quatre piliers du CESE (2), une série de matières ou de politiques peuvent se réaliser à traité constant (1re colonne du tableau ci-après). D’autres doivent être décidées ensemble, au niveau européen (zone euro), à partir d’une nouvelle méthode décisionnelle et avec de nouveaux instruments, en utilisant la coopération renforcée prévue dans le traité actuel (2e colonne du tableau) ou moyennant des modifications du traité ou, si nécessaire, un nouveau traité de l’UEM (3e colonne du tableau). Finalement, le tableau résume ces étapes et avance des propositions institutionnelles et des initiatives préparatoires relatives au pilier politique de l’UEM (quatrième colonne).

5.2.

Schéma analytique des pistes possibles pour l’achèvement de l’UEM (3)

(I) Politiques à traité constant

(II) Coopérations renforcées et/ou structurées/Clauses «passerelle» (art. 136 TFUE)

(III) Au-delà du traité de Lisbonne

Étapes institutionnelles pour la réalisation du pilier politique: pour la zone euro et les pays qui le veulent

Pilier financier, budgétaire et monétaire

Assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS)

Achèvement de l’union bancaire, marché des capitaux et surveillance européenne

Assistance financière à un État en cas de crise (art. 122 TFUE)

Mise en œuvre des programmes nationaux de réforme

Pilier financier, budgétaire et monétaire

Renforcement du MES

Achèvement du mandat de la BCE

Politique fiscale commune de l’UEM

Union (fiscale) et budgétaire

Mutualisation de la dette (avec l’art. 125 du TFUE?)

Mécanisme de solidarité et de compétitivité visant à dépasser les déséquilibres et les chocs asymétriques (union fiscale)

Balance des paiements dans l’UEM

Pilier financier, budgétaire et monétaire

Ressources propres

Institution d’un Fonds monétaire européen qui fonctionnerait comme une Agence de la dette

Euro-obligations pour financer la nouvelle dette

Harmonisation de la taxation

1re étape

1.

Président stable de l’Eurogroupe;

2.

Rendre la conférence interparlementaire opérationnelle;

3.

Créer un Parlement de la zone euro (grande commission du PE, avec tous les députés des pays de l’UEM).

Pilier économique

Renforcement et mise en œuvre du plan Juncker

Politiques en faveur des investissements, de la croissance, de l’emploi

Euro-obligations de la BEI

Stratégies de diffusion des connaissances (stratégie numérique)

Achèvement du marché intérieur (marché unique de l’énergie, du numérique, de la recherche)

Flexibilité des règles du pacte de stabilité et de croissance

Meilleure exécution du semestre européen et des accords contractuels

Pilier économique

Gouvernement macro et microéconomique de l’UEM

Recherche et innovation

Coordination étroite, à travers des sommets des chefs d’État ou de gouvernement de la zone euro, de l’Eurogroupe et du Groupe de travail sur l’euro

Nouvelle législation pour la zone euro

Investissements dans les infrastructures sociales

Démocratie participative dans le secteur économique

Pilier économique

(dans le cas où l’UEM n’obtient pas de mandat en matière de coopération renforcée)

haut représentant de l’Union européenne pour la politique économique/budgétaire

Coordination obligatoire des politiques économiques (modification de l’article 5 du TFUE)

Vote à la majorité pour la politique macro et microéconomique, en codécision avec le Parlement (députés des pays de l’UEM)

Transfert de compétences, à commencer par celles en matière d’industrie et d’énergie

2e étape

4.

Conseil «Affaires législatives» de l’UEM

5.

Vote des députés de la zone euro sur les questions ressortissant à l’UEM

6.

Un exécutif (un gouvernement) pour l’UEM (actuel Eurogroupe et Commission)

7.

Renforcement des pouvoirs et des compétences de la conférence interparlementaire (PE et parlements nationaux)

Pilier social et relatif aux droits

Adhésion à la Convention européenne des droits de l’homme

Formation et enseignement

Directive-cadre sur les services d’intérêt général

Intégration des questions d’égalité entre les hommes et les femmes

Indicateurs de développement

Adhésion à la charte sociale du Conseil de l’Europe

Respect des normes en matière de droits

Clause sociale horizontale (art. 9 TFUE)

Pilier social

Coordination des politiques sociales

Harmonisation des systèmes de protection sociale

Politique d’immigration

Droits individuels et transnationaux en matière de retraite

Revenu minimum de citoyenneté

Biens publics européens

Aide à l’emploi

Marché du travail, mobilité, reconnaissance des qualifications

Qualité des services publics

Pilier social

Vote à la majorité pour les politiques en matière sociale, d’emploi, d’éducation et de santé

Amendement de la Charte des droits concernant les limites du droit de propriété

Transfert d’un certain nombre de compétences de la liste des politiques à soutenir à celle des politiques partagées (éducation et formation, en particulier)

3e étape

8.

Renforcement des pouvoirs du PE dans le cadre de l’UEM (légitimité démocratique) et création de véritables partis politiques européens

9.

Chambre des États (UEM) (gouvernements)

10.

Séparation des pouvoirs législatif et exécutif

11.

Suppression du vote à l’unanimité

Pilier politique

Création d’un parlement de l’UEM

Grande Commission (GC) (députés de la zone euro)

Président stable de l’Eurogroupe

Conseil «Affaires législatives»

Accords interinstitutionnels

Mise en œuvre de la politique de voisinage

Accords commerciaux bilatéraux et multilatéraux de l’Union européenne

Pilier politique

Vote des députés de la zone euro sur les questions ressortissant à l’UEM

Renforcement de la conférence interparlementaire (art. 13 du pacte budgétaire)

Défense européenne

Politique étrangère

Voix unique au Conseil de sécurité de l’ONU

Représentation extérieure de l’UEM

Procureur européen

Corps volontaire européen d’aide humanitaire

Pilier politique

Nouveau traité UEM

Parlement de l’euro (députés des pays de l’UEM), avec une coopération renforcée permanente (nouvel art. 136 TFUE)

Renforcement du PE (législation ordinaire, droit d’initiative en l’absence d’action de la Commission)

Chambres des États (gouvernements +)

Suppression du vote à l’unanimité

Une majorité super-qualifiée est apte à modifier les traités

Exécutif européen (pour l’UEM)

Partis et programmes électoraux européens, avec des listes transnationales

Séparation des pouvoirs

Politique étrangère

Les initiatives

États généraux de la société civile organisés par le CESE/CdR en collaboration avec la présidence de l’Union européenne et la Commission

Assises interparlementaires

Propositions du PE pour agir à traité constant et en vue d’une révision du traité de Lisbonne

Convention constitutionnelle

Évaluation de la possibilité d’organiser des référendums paneuropéens

Bruxelles, le 27 mai 2015.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  Preparing for next steps on better economic governance in the Euro area (Préparation des prochaines étapes vers une meilleure gouvernance économique dans la zone euro), note d’analyse présentée par Jean-Claude Juncker le 12 février 2015, p. 1.

(2)  Également sur la base de l’avis du CESE «Achever l’Union économique et monétaire — Les propositions du Comité économique et social européen pour la prochaine législature européenne» (JO C 451 du 16.12.2014, p. 10).

(3)  Idem.


8.10.2015   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 332/20


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Stimuler la créativité, l’esprit d’entreprise et la mobilité dans le domaine de l’éducation et de la formation»

(avis d’initiative)

(2015/C 332/03)

Rapporteure:

Mme Vladimíra DRBALOVÁ

Le 16 octobre 2014, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l’article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d’élaborer un avis d’initiative sur le thème:

«Stimuler la créativité, l’esprit d’entreprise et la mobilité dans le domaine de l’éducation et de la formation».

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 7 mai 2015.

Lors de sa 508e session plénière des 27 et 28 mai 2015 (séance du 27 mai 2015), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 88 voix pour, 8 voix contre et 21 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE est favorable à une initiative conjointe de la Commission européenne et du trio présidentiel du Conseil de l’Union européenne qui ait pour objectif de mettre l’accent sur la formation à l’entrepreneuriat (1) et de favoriser en Europe un état d’esprit favorable à la volonté d’entreprendre.

1.2.

Le CESE recommande aux États membres de revenir au cadre stratégique pour la coopération européenne dans le domaine de l’éducation et de la formation («Éducation et formation 2020») fondé sur l’agenda d’Oslo de 2006, qui reste hautement pertinent.

1.3.

Le CESE recommande aux États membres de développer leurs propres stratégies en matière d’éducation à l’esprit d’entreprise ou d’intégrer la notion d’entrepreneuriat dans leurs stratégies nationales d’apprentissage et de formation tout au long de la vie.

1.4.

Le CESE plaide pour le développement progressif de compétences clés, telles que définies dans la recommandation émise en 2006 (2) par le Parlement européen et le Conseil, en vue de contribuer à l’amélioration de la capacité d’adaptation, de l’employabilité, de l’inclusion sociale et de la mobilité.

1.5.

Des stages, formations et apprentissages, de grande qualité, des systèmes en alternance ou fondés sur le travail, des programmes consacrés aux entreprises naissantes et aux pépinières d’entreprises, le volontariat ainsi que les activités sportives peuvent faciliter la transition entre l’école et le travail, y compris indépendant.

1.6.

Il est nécessaire d’améliorer les procédures de reconnaissance des savoirs acquis en dehors de l’école et les apprenants, les enseignants et les employeurs doivent être associés à la conception des procédures de reconnaissance, qui doivent leur procurer une motivation (3).

1.7.

L’éducation à l’esprit d’entreprise doit cependant être abordée dans le contexte de la société en général, pas uniquement dans celui de l’environnement économique. Les compétences entrepreneuriales devraient être prises en considération de manière appropriée à tous les niveaux de l’éducation et de la formation, dès un âge précoce, et d’une manière qui permette leur développement continu tout au long des cursus.

1.8.

Le CESE est favorable à la proposition que la Commission européenne a adressée aux États membres concernant la mise au point d’un cadre de référence des compétences en matière d’esprit d’entreprise, qui s’inscrit dans le contexte du cadre de compétences clés. Cette démarche est susceptible de contribuer à assurer une approche coordonnée entre les différents niveaux d’éducation et à garantir la prise en compte de l’apprentissage non formel et informel.

1.9.

Le CESE invite les États membres à lancer, à l’intention des enseignants, formateurs et chefs d’établissement, un programme axé sur le développement de compétences et attitudes entrepreneuriales. Parallèlement, les établissements d’enseignement devraient offrir des environnements d’apprentissage qui favorisent les attitudes entrepreneuriales et soient ouverts à une communauté plus large.

1.10.

Le CESE souligne l’importance du partenariat entre les différentes parties prenantes que sont les administrations publiques, les écoles, les entreprises, les services de l’emploi et les familles, en mettant notamment l’accent sur le rôle que jouent les partenaires sociaux dans le développement de compétences professionnelles et transversales qui sont en phase avec la réalité.

1.11.

Le CESE invite les États membres à mobiliser tous les programmes et outils disponibles pour favoriser l’esprit d’entreprise dans le domaine de l’éducation et de la formation, ainsi que la créativité, l’innovation et la mobilité. Le CESE demande instamment à la Commission de fournir aux États membres le soutien et l’assistance appropriée pour mettre en œuvre le programme Erasmus+, en veillant à ce que tous ses instruments fonctionnent correctement.

2.   Le cadre politique européen

2.1.

L’une des priorités des conclusions du Conseil européen des 26 et 27 juin 2014, telle qu’établie dans leur annexe I «Programme stratégique pour l’Union à l’ère du changement» (4), consistait à contribuer à développer les compétences, à libérer les talents et à ouvrir des perspectives pour tous en favorisant l’acquisition des compétences nécessaires dans l’économie moderne ainsi que l’apprentissage tout au long de la vie.

2.2.

En vue de contribuer à l’examen à mi-parcours de la stratégie Europe 2020, la présidence italienne (5) a lancé un débat politique sur le rôle futur de l’éducation et de la formation dans les programmes de croissance au niveau national et européen. La présidence lettone continue également à promouvoir les possibilités qu’offre le numérique et à favoriser l’éducation à l’esprit d’entreprise, plus particulièrement au niveau régional (6).

2.3.

Dans ses conclusions du 12 décembre 2014 (7), le Conseil pour la jeunesse, l’éducation, la culture et le sport a souligné que l’esprit d’entreprise et l’éducation constituent tous deux des priorités de la stratégie Europe 2020 pour une croissance intelligente, durable et inclusive. Acquérir l’esprit d’entreprise peut présenter des avantages considérables pour les citoyens dans leur vie professionnelle et leur parcours personnel.

3.

Observations générales

3.1.

L’accent qui est mis sur l’éducation à l’esprit d’entreprise constitue un retour à l’Agenda d’Oslo pour l’éducation à l’entrepreneuriat en Europe  (8), qui proposait d’intensifier la promotion d’un état d’esprit entrepreneurial dans la société, et au Cadre stratégique pour la coopération européenne dans le domaine de l’éducation et de la formation (Éducation et formation 2020)  (9).

3.2.

La créativité et l’innovation sont des éléments cruciaux pour la création d’entreprises comme pour la capacité de l’Europe à être compétitive au niveau international. Investir dans l’éducation et la formation au développement des compétences est essentiel si nous voulons stimuler la croissance et la compétitivité. Le premier enjeu consiste à promouvoir l’acquisition par tous les citoyens de compétences transversales clés, notamment les compétences numériques, celle d’«apprendre à apprendre», l’esprit d’initiative et d’entreprise et la sensibilité culturelle (10).

3.3.

La conférence de l’OMT sur le thème «Soutenir les nouvelles entreprises pour favoriser la croissance et la création d’emplois» (11) a elle aussi clairement montré qu’il convenait d’envisager l’éducation à l’esprit d’entreprise dans le contexte plus vaste de l’environnement social. Le monde des entreprises devrait néanmoins s’efforcer de faciliter leur démarrage, de réduire les formalités administratives et de créer des possibilités d’emploi. Les incitations au prédémarrage, au lancement et au développement d’entreprises peuvent être articulées efficacement avec une série d’autres politiques actives du marché du travail (PAMT) et doivent par ailleurs être replacées dans le contexte d’un cadre plus large de soutien à l’activité économique et de développement entrepreneurial.

3.4.

La révision de la loi sur les petites entreprises (Small Business Act) (12) représente une occasion unique de renforcer les liens entre les mesures axées sur les PME et l’éducation à l’entrepreneuriat, en utilisant tous les instruments disponibles, tels que COSME. Promouvoir le renforcement des qualifications au sein des PME et l’innovation sous toutes ses formes constitue l’un des dix principes directeurs pour la création de conditions de concurrence équitables pour les PME dans l’Union européenne.

4.   Compétences clés

4.1.

L’inclusion de contenus sur l’entrepreneuriat dans l’éducation et la formation devrait avoir pour visée de donner à tous les apprenants, quels que soient leur sexe, leur origine socio-économique ou leurs besoins particuliers, la possibilité de développer les aptitudes et les qualifications nécessaires pour entreprendre.

4.2.

En plus de compétences de base telles que la lecture, l’écriture et le calcul, l’esprit d’entreprise exige l’acquisition progressive de diverses compétences clés telles que définies dans la recommandation du Parlement européen et du Conseil de 2006, y compris l’esprit d’initiative et d’entreprise et l’aptitude à passer des idées aux actes. Il suppose créativité, innovation et prise de risques, ainsi que la capacité de planifier et de gérer des projets en vue de la réalisation d’objectifs.

4.3.

La capacité à communiquer dans des langues étrangères est particulièrement importante pour garantir que les citoyens européens soient à même d’évoluer, travailler et apprendre librement dans l’ensemble de l’Europe et elle devient de plus en plus importante pour les jeunes (13).

4.4.

À l’ère du marché unique numérique, l’entrepreneuriat numérique est crucial pour susciter de nouveaux emplois, des idées novatrices et des pôles d’entreprises capables d’accélérer le rythme de l’innovation. L’Union européenne doit élaborer un cadre politique qui permettra de promouvoir les compétences en matière de technologies de l’information et de la communication et encourager les États membres à apprendre les uns des autres sur les possibilités d’accroître le nombre et la qualité des diplômés dans ces matières en fonction des besoins des entreprises.

4.5.

Il nous faut libérer le potentiel énorme que représentent les femmes et tirer parti de l’approche particulière qui est la leur en matière de direction et de gestion d’entreprises. Les États membres, en étroite collaboration avec les parties intéressées, devraient mettre en œuvre des programmes axés sur les entreprises et le développement des compétences entrepreneuriales ainsi que sur la participation des entreprises dirigées par des femmes aux chaînes d’approvisionnement mondiales (14).

5.   Comment promouvoir un «état d’esprit entrepreneurial»

5.1.

Les compétences entrepreneuriales sont importantes dans l’existence en général, ainsi que pour offrir aux citoyens la possibilité de contrôler davantage leur avenir. Les compétences entrepreneuriales devraient être prises en considération à tous les niveaux de l’éducation et de la formation, dès un âge précoce adéquat et d’une manière qui permette leur développement continu tout au long des cursus.

5.2.

Tous les élèves devraient avoir la possibilité de participer à des programmes d’expérimentation de la vie professionnelle qui les aident à développer ces compétences et il conviendrait que les outils mis au point pour évaluer les progrès accomplis et valider l’acquisition de compétences entrepreneuriales mettent l’accent sur l’amélioration de la qualité des futures expériences de travail. Un bon exemple à cet égard est fourni par un programme de travail finlandais, «Yrittäjyyskasvatus», qui assure une formation en rapport avec l’entreprise à différents niveaux de l’éducation (15).

5.3.

L’éducation à l’esprit d’entreprise est définie comme «un recueil d’enseignements formels qui informe, forme et éduque toute personne souhaitant participer au développement socio-économique grâce à un projet visant à promouvoir la sensibilisation à l’esprit d’entreprise, la création d’entreprises ou le développement de petites entreprises» (16).

5.3.1.

Aujourd’hui, l’Europe place tous ses espoirs dans le soutien et le développement de systèmes de formation en alternance et de formes similaires d’apprentissage par le travail. Les États membres qui mettent en œuvre de tels dispositifs obtiennent de bons résultats sur le long terme et ont un taux de chômage des jeunes qui est inférieur à la moyenne de l’Union européenne.

5.3.2.

Les stages constituent un outil important pour lutter contre le chômage et l’inadéquation des compétences et garantir une bonne transition entre l’enseignement et le marché du travail. Il conviendrait d’inciter plus fortement à ce que les programmes d’études intègrent des stages (17).

5.3.3.

À titre d’exemples de démarches probantes, s’agissant de dispositifs de participation des travailleurs visant à atteindre les objectifs économiques et sociaux de l’organisation pour laquelle ils travaillent, on peut citer les stages portant sur le développement de l’esprit d’entreprise chez les salariés et les formes d’entrepreneuriat social ou d’entrepreneuriat orienté par les salariés.

5.3.4.

Le volontariat peut constituer une expérience utile au développement des compétences. Les principaux prestataires d’éducation non formelle sont les organisations de jeunesse. Par leurs programmes éducatifs, elles contribuent à développer un certain nombre de compétences transversales, telles que le travail en équipe, les compétences interpersonnelles, le sens de l’initiative et la prise de risque. Les jeunes peuvent y tirer les leçons de leurs erreurs dans un environnement sûr (à la différence de la situation qui prévaut dans le monde professionnel réel).

5.4.

En 2012, la Commission européenne a publié un rapport intitulé «Entrepreneurship education at school in Europe» (Formation à l’esprit d’entreprise à l’école en Europe) (18), qui met l’accent sur les stratégies, les programmes et les acquis de l’apprentissage dans les différents États membres. La plupart des pays européens promeuvent actuellement l’éducation à l’esprit d’entreprise et plusieurs approches distinctes ont été adoptées en la matière, à savoir: 1) des stratégies ou plans d’action spécifiques axés exclusivement sur l’éducation à l’esprit d’entreprise, 2) des stratégies plus larges ressortissant à l’enseignement ou à l’économie et comprenant des objectifs d’éducation à l’esprit d’entreprise, 3) des initiatives, isolées ou multiples, en matière d’éducation à l’esprit d’entreprise.

5.5.

Tout le monde ne naît pas avec l’étoffe d’un homme ou d’une femme d’affaires. Une mentalité axée sur l’esprit d’entreprise offre simplement plus d’options pour réussir dans sa vie professionnelle et son parcours personnel. Il convient de soutenir les personnes qui ont du talent pour faire des affaires et le courage de transformer leur esprit d’entreprise en action.

5.5.1.

Les pépinières d’entreprises constituent des centres d’innovation et d’esprit d’entreprise. Présentes dans bon nombre d’universités, elles offrent un environnement sûr où les étudiants peuvent recevoir des conseils professionnels afin de concrétiser leurs projets d’entreprise et prendre des risques sans subir d’incidences négatives et être affectés par la culture de l’échec. Ainsi, les étudiants en écoles de commerce disposant de pépinières d’entreprises peuvent emprunter une voie plus directe pour rejoindre une jeune entreprise ou créer la leur.

5.5.2.

Il est également possible d’acquérir des compétences entrepreneuriales dans le cadre de programmes de développement des compétences qui sont organisés en dehors des systèmes d’enseignement général. Ils peuvent comprendre des activités de parrainage et de tutorat encadrées par des formateurs expérimentés, des entrepreneurs et des experts du secteur des entreprises. Grâce à ces dispositifs, les entrepreneurs potentiels accèdent non seulement à un précieux savoir-faire dans le domaine de l’entreprise mais ont en outre la possibilité de développer des réseaux de contacts avec des entreprises et des entrepreneurs existants.

5.5.3.

Les formations aux compétences entrepreneuriales organisées par les chambres de commerce et d’industrie dans toute l’Europe montrent qu’il existe des formes variées d’enseignement et de pratiques qui aident les personnes à repérer et lancer des projets d’entreprise, à définir et gérer les ressources nécessaires et à prendre les risques liés à leur entreprise. On peut citer à cet égard des initiatives comme Entrepreneurial Skills Pass (Autriche) (19), Startup@Campus (Belgique) (20), Incuba’ school (France), Long night of Start-ups (Allemagne) (21), New Entrepreneurs Day (Espagne), ou encore Bright and Young (Belgique) (22).

5.6.

Les acteurs concernés et les organisations de la société civile peuvent jouer un rôle crucial pour contribuer efficacement à la mise en œuvre d’initiatives qui visent à promouvoir et à encourager l’esprit d’entreprise. À titre d’exemple, on peut mentionner la fondation finlandaise Sauna Startup (23), qui a été créée par des entrepreneurs finlandais en coopération avec divers acteurs du secteur public.

6.   Comment reconnaître les compétences entrepreneuriales et les rendre plus transparentes

6.1.

La reconnaissance et la transparence des compétences et des qualifications continuent à susciter des difficultés qui empêchent de développer la bonne combinaison des compétences et des qualifications et entravent la mobilité qui serait nécessaire pour parvenir à une meilleure adéquation entre les compétences et les emplois, en vue d’accroître la compétitivité et la prospérité.

6.2.

Un certain nombre d’outils ont été mis en place au niveau européen visant à faciliter la coopération par la transparence et la reconnaissance des qualifications et des compétences qui ont été acquises, dans quelque partie de l’Union européenne que ce soit, dans le cadre de l’enseignement et de la formation professionnels (EFP) et de l’enseignement supérieur (24).

6.3.

En plus de ces instruments, un certain nombre d’initiatives ont pour objectif de remédier à l’inadéquation de compétences, à savoir le cadre européen des compétences et des métiers (ESCO) et le panorama européen des compétences. Pour promouvoir la mobilité, on dispose également du cadre d’Europass, y compris le CV Europass et le passeport européen de compétences, ainsi que de la récente version révisée de la directive sur les qualifications professionnelles (25).

6.4.

La garantie d’une plus grande cohérence entre le cadre européen des certifications (CEC), les systèmes européens de transfert de crédits (ECTS et ECVET), et la classification européenne multilingue des aptitudes, des qualifications et des métiers (ESCO), contribuerait à assurer la reconnaissance des qualifications, la validation de l’apprentissage non formel et informel et la fourniture d’une assistance d’orientation tout au long de la vie. Ce processus devrait rester exhaustif et s’accompagner d’une évaluation des différents instruments concernés, de manière que son efficacité soit garantie.

6.5.

La communication intitulée «Repenser l’éducation» (26) met également l’accent sur la nécessité de reconnaître, d’évaluer et de valider les compétences que les personnes acquièrent en dehors de l’école et de fournir ainsi un profil de compétences aux employeurs potentiels. La reconnaissance de compétences acquises en dehors de l’école est pertinente lorsqu’il s’agit d’envisager de recruter une personne pour un emploi; toutefois, l’évaluation et la validation de telles compétences ne doit pas incomber uniquement aux employeurs.

6.6.

En outre, les politiques et les cadres favorisant la portabilité des qualifications sont généralement liés à une législation de l’Union européenne en vigueur et diverses initiatives nationales existent qui prévoient la validation de l’apprentissage antérieur au niveau des États membres. Par l’examen et le suivi systématiques de ces actions nationales, il conviendrait de repérer les bonnes pratiques et de promouvoir l’apprentissage mutuel, ainsi que des principes communs (27).

6.7.

Le CESE soutient la Commission européenne quand elle propose de mettre au point un cadre de référence des compétences en matière d’esprit d’entreprise, dans le contexte du cadre de compétences clés, en ventilant les compétences suivant leurs éléments constitutifs, sur la base des descripteurs et des niveaux de résultats d’apprentissage du CEC. Cette démarche contribuera à assurer une approche coordonnée entre les différents niveaux d’éducation et le processus de prise en compte de l’apprentissage non formel et informel.

6.8.   Le CESE se félicite de deux initiatives de collaboration de la Commission européenne et de l’OCDE, à savoir:

1)

Entrepreneurship 360  (28), qui vise à renforcer l’esprit d’entreprise dans les établissements d’enseignement général et professionnel et technique et propose un instrument d’autoévaluation disponible gratuitement qui apportera une assistance à ces établissements et à chaque enseignant en particulier en les aidant à approfondir leurs stratégies et pratiques visant à promouvoir l’entrepreneuriat;

2)

HEInnovate, un outil en ligne qui aide les établissements d’enseignement supérieur à promouvoir, dans un contexte international, un état d’esprit davantage tourné vers l’entreprise et l’innovation (29).

7.   Le rôle des enseignants, formateurs et chefs d’établissement

7.1.

Les enseignants et les éducateurs jouent un rôle crucial pour faciliter l’apprentissage et le bouillonnement des idées. Intégrer de nouveaux processus pédagogiques et des technologies d’enseignement novatrices dans les salles de classe n’est pas une sinécure et il sera nécessaire, à cette fin, de pouvoir compter sur des enseignants qualifiés, qui joueront un rôle pionnier dans ce processus (30). Ils doivent promouvoir d’autres approches d’apprentissage formel et non formel et appliquer une démarche individuelle.

7.1.1.

La qualité des enseignants et des tuteurs constitue un facteur primordial pour le succès et l’efficacité des programmes de formation à l’esprit d’entreprise. À cet égard, les entrepreneurs potentiels qui en sont aux premiers stades de leur parcours professionnel apprécient tout particulièrement l’expérience et le savoir-faire de professeurs expérimentés, ou de chefs d’entreprise plus âgés qui peuvent faire part de leur propre expérience, par exemple (31).

7.1.2.

Entre autres illustrations de l’efficacité des programmes de formation à l’esprit d’entreprise, on peut notamment alléguer celui qui est organisé par la Fondation nationale irlandaise pour l’enseignement de l’esprit d’entreprise (Irish National Foundation for Teaching Entrepreneurship) (32), qui propose une formation intensive des formateurs afin de doter les enseignants de l’enseignement secondaire et les animateurs pour la jeunesse des compétences et des ressources nécessaires pour mener à bien la formation des jeunes à l’entrepreneuriat. Les participants à ce parcours reçoivent, lorsqu’ils l’ont mené à bien, une qualification certifiée de formateur à l’esprit d’entreprise.

7.1.3.

Un autre exemple est le programme d’action néerlandais «Esprit d’entreprise et éducation» (33), qui a pour visée de renforcer chez les étudiants l’esprit d’entreprise et les comportements favorables à l’entrepreneuriat, en intégrant, dans le système éducatif national, des compétences et des connaissances ayant trait à l’entreprise. Le programme se compose de différents éléments, visant à offrir un large éventail d’activités en vue de développer les compétences entrepreneuriales des étudiants tout au long des différents stades de leur parcours scolaire, ainsi qu’à offrir des formations qui facilitent l’éducation des enseignants à l’esprit d’entreprise.

7.2.

Il conviendrait que les enseignants, les formateurs et les chefs d’établissement s’efforcent de développer eux-mêmes leur créativité et leurs attitudes innovantes et les écoles devraient par ailleurs offrir un environnement d’apprentissage qui favorise l’esprit d’entreprise et soit ouvert à une communauté plus large.

7.3.

En juin 2013, la Commission a publié un guide pour les enseignants  (34), qui dresse une liste de principes fondamentaux à leur intention, qui évalue les résultats d’apprentissage, vus sous l’angle qualitatif, ainsi que l’enseignement interdisciplinaire, leur formation initiale et continue, le tutorat et l’innovation dans la pédagogie d’initiation à l’esprit d’entreprise, et qui met en avant des messages clés tirés d’exemples pratiques.

7.3.1.

Les établissements qui forment les enseignants à l’esprit d’entreprise devraient élaborer un concept pédagogique clair, afin de les doter, entre autres, de la capacité à enseigner en tenant également compte des besoins du marché de l’emploi. L’éducation qui vient soutenir l’esprit d’entreprise doit être intégrée, en tant qu’approche horizontale et matière transversale, dans le programme d’études.

7.3.2.

Les programmes de formation des enseignants à l’esprit d’entreprise devraient encourager les candidats à cette profession à développer leurs propres connaissances, compétences et attitudes en matière d’entrepreneuriat.

7.3.3.

Il convient de soutenir le développement d’outils numériques et en ligne qui soient gratuits et libres pour enseigner les compétences entrepreneuriales, ainsi que d’explorer de nouvelles formes de coopération avec les producteurs de logiciels libres, afin de promouvoir des outils gratuits relatifs à l’entreprise et la formation à leur maniement.

7.3.4.

Un enjeu important est que les enseignants soient mobiles dans toute l’Europe, en particulier dans l’enseignement supérieur, grâce au programme pour l’éducation et la formation tout au long de la vie de l’Union européenne ou à d’autres instruments spécialement conçus à cet effet. Il est nécessaire d’accroître la mobilité et les échanges d’expériences en Europe, non seulement entre les universités mais également, lorsque cela s’avère pertinent, entre le monde universitaire et celui de l’entreprise. Des programmes doivent être mis au point pour que les enseignants puissent passer du temps dans d’autres institutions ou dans le secteur privé et bénéficier ainsi d’un engagement, d’un apprentissage et d’un épanouissement authentiques.

8.   Le principe de partenariat

8.1.

La formulation des activités d’éducation à l’esprit d’entreprise devrait s’effectuer en concertation avec les entreprises. Il est nécessaire de veiller à ce que les diplômés soient dotés des compétences dont ils ont besoin pour réussir. Les entreprises devraient être invitées à s’impliquer davantage dans la formation des dirigeants et des travailleurs dans les domaines de l’esprit d’entreprise, de la coopération et de la participation à la gestion de leurs organisations. Il conviendrait également qu’elles forment leurs travailleurs dans les compétences nécessaires et dans les connaissances nouvelles, ainsi qu’à la prise de décision, en leur offrant des conditions de travail qui leur permettent d’accéder à ces programmes de formation. En outre, elles devraient collaborer avec la communauté éducative, afin que les jeunes puissent s’informer à propos du marché du travail et s’y ménager une place.

8.2.

Le lien entre les syndicats et les jeunes dans le domaine de la formation est particulièrement important. Les organisations syndicales peuvent prendre part à la formation des jeunes dans des environnements de travail différents de ceux des écoles ou centres d’enseignement. Les travailleurs qui sont les plus expérimentés et excellent dans leur métier peuvent travailler avec de jeunes travailleurs, stagiaires et volontaires en leur servant de mentors ou de tuteurs, ou encore exercer des fonctions d’enseignants dans des établissements spécifiques d’apprentissage. Ces liens avec des entreprises sont importants pour former les jeunes aux processus du marché du travail et aux relations sociales. Si les syndicats d’enseignants offrent une ressource essentielle et qu’il convient de travailler avec eux pour élaborer des politiques efficaces en matière d’éducation et de formation, la connexion avec l’entreprise est capitale.

8.3.

Il importe aussi et surtout que dans le contexte du partenariat social, les organisations d’employeurs et de travailleurs participent à la conception des stratégies nationales en matière d’éducation et de formation tout au long de la vie ainsi que des plans d’action pour la mise en œuvre des garanties pour la jeunesse. Le CESE soutient le «cadre d’actions sur l’emploi des jeunes» (35) développé par les partenaires sociaux européens.

8.4.

Il est primordial de s’assurer de la participation des organisations de la société civile. Les différents groupements qui en relèvent, que leur action cible les femmes, les jeunes, les familles, les personnes handicapées, les migrants, les minorités ou d’autres groupes, pourraient ainsi se concentrer plus efficacement sur les besoins et priorités qui, en ce qui concerne le système éducatif et le marché du travail, sont propres à des groupes spécifiques de citoyens.

8.5.

La famille continue à jouer un rôle important, comme l’a déjà relevé l’avis afférent du Comité (36).

9.   Utilisation efficace des programmes existants et des nouveaux programmes

9.1.

Nouveau programme de la Commission dans le domaine de l’éducation, de la formation, de la jeunesse et du sport, pour la période 2014-2020, Erasmus+  (37) a pour objectif de renforcer les compétences et l’employabilité, ainsi que de moderniser l’éducation, la formation et le travail des jeunes. Ce programme septennal sera doté d’un budget de 14,7 milliards d’euros, soit un montant supérieur de 40 % aux dépenses actuelles, qui témoigne de la volonté de l’Union européenne d’investir dans ces domaines. Erasmus+ offrira à plus de 4 millions d’Européens la possibilité d’étudier et d’acquérir une expérience de travail et de volontariat à l’étranger. Il marque une avancée importante, présentant un potentiel considérable pour ce qui est de soutenir l’éducation à l’esprit d’entreprise, par exemple en encourageant la généralisation de la coopération entre l’enseignement et les entreprises dans le cadre des alliances de la connaissance, en ce qui concerne l’enseignement supérieur, et dans celui des alliances sectorielles pour les compétences, pour ce qui est de l’enseignement et de la formation professionnels.

9.2.

D’autres programmes et instruments soutiennent l’éducation à l’esprit d’entreprise dans l’Union européenne: le Fonds social européen (FSE)  (38) , l’ESCO — Cadre européen des compétences et des métiers  (39) , COSME  (40) , Horizon 2020  (41) , l’Initiative pour l’emploi des jeunes  (42) et Europe créative  (43).

Bruxelles, le 27 mai 2015.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  La définition figure dans le paragraphe 5.3.

(2)  Recommandation du 18 décembre 2006, 2006/962/CE (JO L 394 du 30.12.2006, p. 10).

(3)  JO C 214 du 8.7.2014, p. 31.

(4)  EUCO 79/14, p. 15.

(5)  Programme de la présidence italienne intitulé «L’Europe — un nouveau départ», p. 72.

(6)  Conférence de la présidence lettone tenue à Riga les 11 et 12 février 2015 sur «L’entrepreneuriat dans les régions pour renforcer la compétitivité de l’Union européenne».

(7)  Conclusions du Conseil sur l’éducation et la formation à l’esprit d’entreprise du 12 décembre 2014 (JO C 17 du 20.1.2015, p. 2).

(8)  Agenda d’Oslo pour l’éducation à l’entrepreneuriat en Europe, 2006. http://ec.europa.eu/enterprise/policies/sme/promoting-entrepreneurship/education-training-entrepreneurship/policy-framework/2006-conference/index_en.htm

(9)  Conclusions du Conseil du 12 mai 2009 concernant un cadre stratégique pour la coopération européenne dans le domaine de l’éducation et de la formation («Éducation et formation 2020») (JO C 119 du 28.5.2009, p. 2).

(10)  Conformément au quatrième objectif stratégique («Éducation et formation 2020»), à savoir encourager la créativité et l’innovation, y compris l’esprit d’entreprise, à tous les niveaux de l’éducation et de la formation, telle qu’elle figure dans les conclusions du Conseil du 12 mai 2009.

(11)  35e réunion de l’Observatoire du marché du travail du CESE, le 13 novembre 2014.

(12)  COM(2008) 394.

(13)  Cadre stratégique de la Commission européenne: 1) Objectif de Barcelone approuvé en 2002 par les chefs d’État ou de gouvernement et 2) État et gouvernement. La communication de 2008 intitulée «Multilinguisme: un atout, un engagement» décrit les activités de la Commission dans ce domaine.

(14)  Rapport de recherche 2013, «Entrepreneurs: What can we learn from them? Part.2/3 — Inspiring female entrepreneurs» (Que pouvons-nous apprendre des entrepreneurs? Partie 2/3 — Des femmes-entrepreneures inspirantes). CIPD (Chartered Institute of Personnel and Development).

(15)  Ministère finlandais de l’éducation (2009), Lignes directrices pour la formation à l’esprit d’entreprise, Helsinki.

Ministère finlandais de l’emploi et de l’économie (2012), Bilan concernant l’esprit d’entreprise 2012.

(16)  Voir la définition de l’Unesco et de l’UNEVOC.

(17)  JO C 214 du 8.7.2014, p. 36.

(18)  Eurydice, avril 2012, «Entrepreneurship education at school in Europe» (Formation à l’esprit d’entreprise à l’école en Europe).

(19)  Entrepreneurial Skills Pass, Autriche.

(20)  Startup@Campus (Belgium).

(21)  Long night of Start-ups (Allemagne).

(22)  Bright and Young (Belgique).

(23)  Teknologiateollisuus (2012), Uusi Startup-säätiö vauhdittamaan suomalaisia kasvuyrityksiä (Helsinki).

(24)  Le cadre européen des certifications (CEC) est un instrument essentiel qui s’applique à tous les types et niveaux de qualification; parmi les outils de l’EFP figurent notamment le système européen de crédits d’apprentissage pour l’enseignement et la formation professionnels (ECVET) et le cadre européen de référence pour l’assurance de la qualité dans l’enseignement et la formation professionnels (CERAQ). Les instruments pour l’enseignement supérieur sont, entre autres, les normes et lignes directrices européennes pour l’assurance de la qualité dans l’enseignement supérieur (ENQA) et le système européen de transfert et d’accumulation de crédits (ECTS).

(25)  Directive 2013/55/UE.

(26)  COM(2012) 669 final.

(27)  Sur la base du rapport de la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound) qui sera consacré à «L’esprit d’entreprise chez les jeunes en Europe» (EF 1507) et paraîtra sous peu.

(28)  Le projet Entrepreneurship 360 de l’OCDE.

(29)  HEInnovate.

(30)  JO C 214 du 8.7.2014, p. 31.

(31)  Sur la base du rapport de la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound) qui sera consacré à «L’esprit d’entreprise chez les jeunes en Europe» (EF 1507) et paraîtra sous peu.

(32)  Programme NFTE.

(33)  Programmes: Voortgangsrapportage Programma onderwijs en ondernemerschap (Rapport d’avancement du programme Enseignement et esprit d’entreprise) et Landbouw en Innovatie, Brief Onderwijs en Ondernemerschap (Agriculture et innovation, Lettre sur l’enseignement et l’entrepreneuriat).

(34)  Guide rédigé par ICF GHK pour la DG Entreprises et industrie de la Commission européenne «Entrepreneurship education — A guide for Educators» (Formation à l’esprit d’entreprise — Guide pour les enseignants).

(35)  Cadre d’action pour l’emploi des jeunes.

(36)  JO C 68 du 6.3.2012, p. 1.

(37)  Erasmus+ (JO L 347 du 20.12.2013, p. 50).

(38)  FSE.

(39)  ESCO.

(40)  http://ec.europa.eu/cip/cosme/index_en.htm

(41)  http://ec.europa.eu/research/horizon2020/index_en.cfm?pg=home&video=none

(42)  COM(2013) 0144 final.

(43)  Europe créative.


8.10.2015   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 332/28


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Une politique industrielle en faveur du secteur des aliments et des boissons»

(2015/C 332/04)

Rapporteur:

M. Ludvík JÍROVEC

Corapporteur:

M. Edwin CALLEJA

Le 10 juillet 2014, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l’article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d’élaborer un avis d’initiative sur le

Secteur des aliments et des boissons.

La commission consultative des mutations industrielles, chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 4 mai 2015.

Lors de sa 508e session plénière des 27 et 28 mai 2015 (séance du 27 mai 2015), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 151 voix pour, 1 voix contre et 5 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.   Conclusions

1.1.1.   Tendances

Entre aujourd’hui et 2050, les grandes tendances démographiques seront les suivantes: une population croissante et vieillissante, l’urbanisation et des inégalités croissantes. «D’ici à 2050, la population mondiale atteindra 9,1 milliards, soit une augmentation de 34 % par rapport à aujourd’hui. La quasi-totalité de cette augmentation de population va se produire dans les pays en développement. L’urbanisation se poursuivra à un rythme accéléré, et environ 70 % de la population mondiale sera urbaine (contre 49 % aujourd’hui). Mais, pour faire face à la hausse de la demande qui va résulter de cette évolution, la production alimentaire (sans compter les denrées alimentaires utilisées pour les biocarburants) doit augmenter de 70 %» (1).

1.1.2.   Le rôle du secteur européen des aliments et des boissons

L’industrie agroalimentaire européenne devra mettre au point sa stratégie de développement dans un environnement de faible croissance économique, avec moins de ressources naturelles, des produits de base et de l’énergie à prix structurellement élevés et un accès difficile aux capitaux. La compétitivité de ce secteur passera avant tout par l’innovation.

Dans ce contexte, il doit être axé sur la résolution des défis à venir. Le présent avis du CESE vise des domaines d’action clés sur lesquels il convient d’agir pour créer un environnement plus favorable aux entreprises. Cela devrait permettre au secteur de l’alimentation et des boissons de parvenir à une croissance durable, d’innover et de créer des emplois tout en continuant à fournir aux consommateurs des produits alimentaires sûrs, nutritifs et de qualité à des prix abordables.

1.1.3.   L’exigence d’une politique industrielle spécifique pour le secteur européen des aliments et des boissons

Le CESE soutient énergiquement une politique industrielle sectorielle en faveur de l’industrie européenne des aliments et des boissons, qui soit conçue pour répondre à ses besoins spécifiques. Il estime qu’un nouveau mandat du Forum à haut niveau sur l’amélioration du fonctionnement de la chaîne d’approvisionnement pour la période 2015-2019, l’actuel ayant pris fin le 31 décembre 2014, pourrait permettre d’atteindre cet objectif.

1.2.   Recommandations

Le CESE attire l’attention de la Commission européenne, du Parlement européen, du Conseil européen et des gouvernements des États membres sur les domaines énumérés ci-après et dans lesquels l’industrie alimentaire et des boissons doit réaliser des progrès en priorité. Il attire également l’attention des entreprises opérant dans ce secteur sur les initiatives et les mesures que l’on attend de leur part.

1.2.1.   Les progrès vers l’achèvement du marché intérieur

La Commission européenne et les États membres devraient œuvrer à l’achèvement d’un marché unique qui garantisse la libre circulation des produits alimentaires et des boissons. Il s’agit d’une condition préalable si l’on veut améliorer la compétitivité des entreprises alimentaires au sein de l’Union européenne, ce qui ne signifie pas nécessairement adopter une législation supplémentaire, mais prendre des mesures visant à améliorer la mise en œuvre des règles existantes.

La Commission devrait recenser et suivre les progrès dans les domaines suivants:

le programme REFIT mené actuellement par la Commission. Il devrait contribuer à l’achèvement du marché unique des denrées alimentaires, sans pour autant perdre de vue les normes existantes s’agissant des conditions d’emploi des travailleurs;

la récente réforme de la PAC qui doit être mise en œuvre sans entraîner de distorsions de la concurrence entre les États membres et d’une manière qui encourage une production durable;

l’engagement de l’Union européenne à l’égard des apprentis. L’Union européenne a besoin d’un soutien sans faille des États membres quant à sa mise en œuvre.

1.2.2.   Faciliter le commerce international des aliments et des boissons

Conformément à son avis sur le commerce et la sécurité alimentaire du 4 janvier 2010 (2), le CESE rappelle que la sécurité alimentaire doit rester un objectif prioritaire de toute négociation internationale en cours en matière de commerce.

Les stratégies de négociation de l’Union européenne sur le plan international devraient chercher à éliminer les droits de douane pour les exportations européennes et à faciliter le commerce grâce à la mise en place de normes internationalement reconnues dans les pays qui présentent le plus grand potentiel d’expansion commerciale. La Commission devrait:

rechercher une conclusion positive aux importants accords commerciaux toujours en suspens entre l’Union européenne et ses partenaires (notamment les États-Unis, le Japon et des pays d’Asie du Sud), étant donné que ceux-ci peuvent apporter des avantages considérables aux producteurs européens de produits alimentaires et de boissons;

évaluer la mise en œuvre des accords commerciaux en vigueur;

s’efforcer de parvenir à une meilleure coordination entre accords bilatéraux et multilatéraux;

assurer la réciprocité de traitement en ce qui concerne tant l’abaissement des barrières tarifaires que l’élimination des barrières non tarifaires (BNT) et veiller à ce que les normes européennes existantes en matière de protection des consommateurs, de l’environnement et de la santé soient maintenues.

La Commission européenne devrait accroître son soutien aux PME afin que celles-ci s’internationalisent davantage. Les aides publiques restent essentielles afin:

de créer des conditions d’exportation favorables en éliminant les obstacles aux échanges commerciaux;

de faciliter l’accès aux financements commerciaux (crédit à l’exportation et assurance);

de soutenir la promotion des exportations à partir d’une collaboration public-privé;

de recueillir des informations au sujet des conditions applicables aux importations dans les pays tiers, et de les transmettre aux associations représentatives des PME.

1.2.3.   Initiatives du secteur des aliments et des boissons visant à renforcer les ressources humaines et à consolider l’emploi

Ce secteur lui-même a un besoin flagrant d’améliorer son image, en particulier auprès des jeunes. La nécessité de recruter des ressources humaines d’excellente qualité devrait être étayée par:

davantage d’information sur le marché du travail par secteurs de très bonne qualité, disponible dans tous les États membres, pour aider à résoudre le problème de l’information asymétrique entre les employeurs et les employés potentiels, et afin de repérer et de corriger les éventuelles inadéquations en matière de qualifications;

la validation régulière des cursus d’études dans les établissements d’enseignement supérieur en associant à ce processus des représentants de l’industrie de l’alimentation et des boissons afin de maintenir la pertinence de la formation professionnelle;

des programmes d’apprentissage ouverts non exclusivement aux jeunes, mais également à l’ensemble des personnes nouvellement recrutées dans le secteur des produits alimentaires et des boissons. Cela est particulièrement important pour libérer le potentiel des femmes qui réintègrent le marché du travail et des travailleurs plus âgés qui cherchent à changer de carrière;

des moyens et des ressources destinés à la formation initiale et à la formation tout au long de la vie en vue de disposer d’une main-d’œuvre qualifiée. Le dialogue social constitue à cet égard un aspect essentiel.

Le CESE encourage la création d’une communauté de la connaissance et de l’innovation (CCI) dans le secteur des denrées alimentaires et des boissons, étant donné que celle-ci ne représente pas seulement un engagement essentiel à augmenter les investissements en R & D d’ici à 2020, mais qu’elle contribue également pour une large part à l’augmentation du nombre d’emplois et de la croissance.

Enfin, le CESE souligne l’importance:

de la protection des droits des travailleurs et des consommateurs européens;

de la ratification, de la mise en œuvre et de l’application intégrale et effective des normes fondamentales de l’OIT;

de normes européennes de qualité dans le secteur des aliments et des boissons.

1.2.4.   Garantir une chaîne durable d’approvisionnement alimentaire

Le CESE souhaite rappeler qu’il est intéressant, d’une part, de promouvoir une consommation et une production durables qui soient étroitement liées à la mise en œuvre de la Feuille de route pour une Europe efficace dans l’utilisation des ressources (3) et, d’autre part, d’encourager les États membres à mettre en œuvre ces politiques à travers la Feuille de route et le Semestre européen (4). Le CESE souhaiterait donc voir s’élaborer un plan global visant la réalisation d’une chaîne alimentaire durable. Le CESE invite la Commission à adopter une communication sur «Des systèmes alimentaires durables».

Lors de l’exposition universelle de Milan, le CESE devrait donner toute la publicité voulue aux recommandations contenues dans le présent avis ainsi que dans d’autres élaborés ces derniers mois sur le thème des denrées alimentaires.

1.2.5.   Le gaspillage alimentaire

Le CESE insiste sur la nécessité, exposée dans son avis sur ce thème (5), de disposer d’une définition et d’une méthodologie européenne commune et alignée sur la pratique mondiale en ce qui concerne la quantification des pertes et du gaspillage alimentaires, incluant le recyclage et la récupération des aliments invendus. Toutefois, il estime que des mesures doivent être prises sans attendre les résultats des projets de recherche en cours au niveau mondial et de l’Union européenne. Ces mesures incluent la sensibilisation au gaspillage alimentaire tout au long de la chaîne alimentaire et la contribution à l’élaboration et à la diffusion de bonnes pratiques.

Toute politique industrielle future dans le secteur des aliments et des boissons devrait refléter une approche équilibrée et aborder la problématique de la prévention des déchets alimentaires: des politiques de prévention des déchets alimentaires devraient adopter une approche qui suive tout le long de la chaîne alimentaire, du stade précédant la récolte jusqu’aux consommateurs.

Il convient également d’étudier de près la politique fiscale (TVA) et la coordination des actions dans les États membres afin de faciliter les dons aux banques alimentaires, qui sont l’un des outils pour lutter contre le gaspillage alimentaire.

1.2.6.   Les pratiques loyales de la chaîne d’approvisionnement

Le CESE continue de promouvoir un changement de culture dans les relations commerciales afin de mettre en place des pratiques commerciales équitables tout au long de la chaîne agroalimentaire, comme dans son avis du 9 mai 2013 (6) et, par conséquent, salue les efforts qui ont été entrepris à la fois par les distributeurs et les fabricants de produits alimentaires et de boissons pour mettre sur pied une initiative facultative visant à promouvoir la loyauté des relations commerciales tout au long de la chaîne d’approvisionnement alimentaire (Supply Chain Initiative, Initiative relative à la chaîne d’approvisionnement) (7).

1.2.7.   R & D et innovation

Le secteur alimentaire est confronté à des défis majeurs alors que les financements de R & D sont limités. Le CESE est convaincu de la nécessité que la R & D soit clairement ciblée et que l’industrie soit un partenaire clé afin d’identifier la manière dont cela doit être fait. En outre, pour produire des résultats et être acceptée, le CESE estime que l’innovation devrait en particulier se fonder sur les attentes des consommateurs.

1.2.8.   Les PME dans le secteur des aliments et des boissons

Les coûts de mise en conformité avec la législation de l’Union européenne pour les PME sont particulièrement lourds. Des changements fréquents et un manque d’harmonisation, par exemple en ce qui concerne les exigences en matière d’étiquetage, créent des charges et constituent des obstacles à la croissance. Le CESE estime qu’il convient d’accorder une attention particulière aux besoins spécifiques des PME, en particulier en vue de réduire leurs charges administratives, mais appelle à la prudence en ce qui concerne les dérogations, en particulier celles applicables aux PME en matière de sécurité alimentaire, qui pourraient avoir un effet négatif et pousser ces entreprises en dehors du marché.

1.2.9.

Le CESE demande instamment à la Commission de produire le rapport visant à déterminer si les boissons alcoolisées ne devraient pas être soumises aux exigences applicables en matière d’informations sur les ingrédients et le contenu nutritionnel.

2.   La situation actuelle du secteur européen des aliments et des boissons

2.1.

Le secteur des aliments et des boissons est le secteur industriel le plus important de l’économie de l’Union européenne, qui génère un chiffre d’affaires annuel de plus de 1  000 milliards d’euros et emploie directement 4,25 millions de travailleurs dans l’Union européenne. Il fait également partie d’une chaîne de valeur qui emploie au total 32 millions de personnes et crée 7 % du PIB de l’Union européenne. Les PME représentent 99,1 % des entreprises dans ce secteur (8).

2.2.

La part de l’investissement privé dans la R & D est de 0,27 % du chiffre d’affaires du secteur. Le Tableau de bord 2012 du Centre commun de recherche (CCR) confirme les tendances observées au cours des années précédentes, en particulier le fait que l’Union européenne dispose de niveaux durables de R & D privés, mais qu’elle accuse encore un retard par rapport à ses homologues internationaux (9).

2.3.

Le secteur des aliments et des boissons transforme 70 % des produits agricoles de l’Union européenne et fournit une alimentation sûre, nutritive et de qualité aux consommateurs européens.

2.4.

En 2012, les exportations de l’Europe, à l’échelle mondiale, de produits alimentaires transformés et de boissons s’élevaient à 86,2 milliards d’euros (10), faisant d’elle le plus grand exportateur mondial dans ce secteur. En outre, la balance commerciale de l’Union européenne a enregistré un excédent record de 23 milliards d’euros en 2012. Ces vingt dernières années, le commerce de produits alimentaires et de boissons entre États membres a triplé, pour atteindre environ 450 milliards d’euros (11).

2.5.

Le secteur est un pilier non cyclique et résistant de l’économie jouissant d’une forte présence dans tous les États membres et de toute évidence, il apporte une contribution significative aux efforts déployés par le secteur européen de la fabrication pour porter sa part du PIB à 20 %, objectif fixé par la Commission européenne dans le cadre de la stratégie Europe 2020 (12). Le CESE confirme son soutien et recommande une nouvelle fois que cet objectif soit rempli en mettant l’accent sur son aspect qualitatif (13).

2.6.

Des indicateurs stratégiques de compétitivité montrent toutefois que ce secteur est en train de perdre sa position concurrentielle. Dans un contexte d’accroissement de la demande mondiale, les parts de marché à l’exportation baissent d’année en année (valeur des exportations en 2012: 16,1 % comparé à 20,5 % en 2002) (14).

2.7.

Le présent avis d’initiative du CESE tente de mettre un accent spécifique sur le secteur des aliments et des boissons en indiquant les mesures nécessaires pour renverser cette tendance négative et renforcer la compétitivité de ce secteur, tant sur le marché intérieur que sur le marché mondial.

2.8.

Les consommateurs sont en droit de bénéficier d’informations fiables et neutres concernant les boissons alcoolisées, de manière à prendre en toute connaissance de cause les décisions relatives à leur consommation. Toutes les boissons alcoolisées devraient obéir à des règles identiques, indépendamment de leur teneur en alcool. Le CESE prie instamment la Commission d’élaborer sans attendre le rapport dont le règlement (UE) no 1169/2011 prévoyait la présentation en décembre 2014 au plus tard, visant à déterminer si les boissons alcoolisées ne devraient pas à l’avenir être soumises aux exigences applicables en matière d’informations sur les ingrédients et le contenu nutritionnel.

3.   Efforts visant à accroître l’activité industrielle en Europe

3.1.   Initiatives des institutions européennes

Le Conseil européen «Compétitivité» a reconnu la contribution que tous les secteurs industriels peuvent apporter à l’économie européenne, et il a encouragé par conséquent la Commission à mettre en œuvre des initiatives sectorielles (15).

Celles-ci ont été suivies de près par une communication de la Commission européenne intitulée «Pour une renaissance industrielle européenne» [COM(2014) 14 final]  (16). Deux mois plus tard, en mars 2014, le sommet des chefs d’État ou de gouvernement a également insisté sur «la nécessité pour l’Europe de développer sa base industrielle en soulignant l’importance d’un environnement réglementaire stable, simple et prévisible et convenu que les inquiétudes concernant la compétitivité industrielle devraient être généralisées à tous les domaines politiques» (17).

Dans l’intervalle, le Forum de haut niveau visant à l’amélioration du fonctionnement de la chaîne d’approvisionnement alimentaire  (18), créé en 2009 par le commissaire européen chargé de l’industrie et de l’entrepreneuriat, a publié son rapport final. Ses recommandations en vue de l’élaboration d’une politique industrielle dans le secteur agroalimentaire ont été adoptées à l’unanimité (19) lors de sa dernière réunion du 15 octobre 2014. Elles ont été prises en compte dans le présent avis du CESE.

Le CESE entend maintenant apporter sa contribution à d’autres initiatives prises par la Commission, notamment en étant présent à l’Expo de Milan cette année, la sécurité alimentaire étant le thème central de son pavillon. En outre, il devrait publier d’ici à la fin octobre 2015 une étude sur la position concurrentielle de l’industrie alimentaire et des boissons de l’Union européenne.

Le CESE observe également que l’exposition universelle de Milan, qui vient tout juste d’ouvrir ses portes, a pour thème «Nourrir la planète — Énergie pour la vie». La Commission européenne encourage le débat au sujet de la manière dont la science et l’innovation peuvent contribuer à la sécurité alimentaire et au développement durable à l’échelle mondiale. Il s’agit pour le CESE d’une formidable occasion de débattre avec le public de ses points de vue, émanant à la fois du présent avis et d’autres avis finalisés au cours de ces derniers mois, sur le thème de l’alimentation. Le stand de la Commission européenne à l’EXPO constitue le lieu idéal dans lequel ce débat pourrait se tenir, dans le cadre d’un ou de plusieurs séminaires d’information organisés à cet effet.

3.2.   Les producteurs de denrées alimentaires prennent des décisions conjointes avec les syndicats

En mars 2014, FoodDrinkEurope et la Fédération européenne des syndicats de l’alimentation, de l’agriculture et du tourisme (EFFAT) ont signé une déclaration conjointe au sujet de la nécessité d’une action à l’échelon européen concernant le secteur des produits alimentaires et des boissons.

4.   Piliers essentiels d’action: concevoir une politique industrielle pour le secteur européen des aliments et des boissons

4.1.   Améliorer le fonctionnement de la chaîne d’approvisionnement alimentaire au sein du marché unique des aliments et des boissons

4.1.1.

La législation de l’Union européenne relative aux denrées alimentaires est très harmonisée, et ce secteur bénéficie de manière significative des opportunités qu’offre le marché intérieur. La valeur des échanges commerciaux entre États membres a augmenté de manière significative au cours de la dernière décennie et représente actuellement environ 20 % de la production d’aliments et de boissons de l’Union européenne. Toutefois, les entreprises font encore état de divergences d’interprétation et de mise en œuvre de la législation européenne sur les normes alimentaires. Approfondir l’intégration ouvrirait de nouvelles opportunités de croissance (20).

Il est également essentiel d’améliorer les relations au sein de la chaîne d’approvisionnement alimentaire afin de garantir la compétitivité du secteur de l’alimentation et des boissons (21).

4.1.2.

La Commission européenne consent des efforts considérables pour contrôler l’efficacité de l’initiative européenne portant sur la chaîne d’approvisionnement (22) ainsi que la mise en œuvre des règles à l’échelon national (23). Il s’agit là d’une importante initiative volontaire conjointe mise sur pied par les organisations des parties prenantes de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Elle fournit un système visant à améliorer les relations qu’elles entretiennent et à trouver des solutions à toute divergence qui surviendrait dans le cadre de leurs relations commerciales.

4.2.   Promouvoir l’emploi durable et la productivité du travail

4.2.1.

Soucieux d’améliorer les qualifications de leur main-d’œuvre, l’EFFAT et FoodDrinkEurope ont adopté en 2013 un rapport conjoint décrivant les politiques relatives aux formations et aux qualifications nécessaires pour relever les défis du marché du travail (24).

4.2.2.

Elles ont également lancé un «engagement en faveur de l’apprentissage des jeunes dans le secteur de l’alimentation et des boissons» (25), visant à faciliter l’essor d’apprentissages de qualité élevée dans les entreprises productrices de denrées alimentaires et de boissons de toute l’Union européenne, en particulier dans les petites et moyennes entreprises.

4.3.   Renforcer le commerce international

4.3.1.

Avec une balance commerciale positive de 23 milliards d’euros en 2012, l’Union européenne reste le principal exportateur de denrées alimentaires et de boissons, en dépit du recul de ses parts de marché dans les échanges mondiaux de ces produits. En revanche, des pays comme la Chine et le Brésil ont constamment augmenté leurs parts sur le marché de l’exportation au cours de ces dernières années (26).

4.3.2.

Indépendamment du fait que le caractère primordial de la sécurité alimentaire est généralement reconnu (27), l’expansion des exportations est, pour tout secteur, l’une des principales sources de croissance. Étant donné l’augmentation du pourcentage de population aisée dans les pays émergents, ce secteur devrait être à même de répondre à l’expansion de la demande sur le plan mondial.

4.3.3.

Un accord multilatéral significatif au sein de l’OMC aurait été la solution la plus efficace pour ouvrir les marchés, mais plusieurs cycles successifs de négociations ne sont pas parvenus à un accord global.

4.3.4.

Les accords commerciaux bilatéraux ont donc acquis une importance significative. Ils ont permis d’aboutir à des résultats pour l’industrie européenne en général, et le secteur des produits alimentaires et des boissons en particulier. Les négociations en cours sur le PTCI devraient s’attaquer aux barrières tant tarifaires que non tarifaires, avec un accent sur la réciprocité de traitement s’agissant des produits alimentaires et des boissons venant d’Europe, sans que cela ne porte la moindre atteinte aux intérêts des consommateurs européens. Ces négociations devraient déboucher sur des gains considérables pour le secteur agroalimentaire européen (28).

4.3.5.

La politique de promotion de l’Union européenne est un bon outil pour aider à capitaliser sur l’image positive des produits agroalimentaires européens dans le monde et à communiquer leurs caractéristiques essentielles.

4.4.   Contribuer à une production et à une consommation durables

4.4.1.

Comme il est indiqué dans l’avis de 2012 (29): «Une production et une consommation durables en tant qu’utilisation des services et produits offrant plus de valeurs avec une utilisation moindre des ressources naturelles est au cœur des stratégies pour augmenter l’efficacité des ressources et promouvoir une économie verte».

4.4.2.

Les entreprises européennes qui produisent des aliments et des boissons sont tributaires d’un accès à des quantités adéquates de matières premières agricoles brutes correspondant à des critères de qualité spécifiques, et ce à des tarifs concurrentiels.

4.4.3.

Le gaspillage alimentaire constitue l’un des problèmes principaux: près de 90 millions de tonnes de nourriture sont gaspillées chaque année tout au long de la chaîne alimentaire européenne. Dans les cas de gaspillage alimentaire, les ressources utilisées pour obtenir le produit, telles que la matière première, l’eau, les engrais et le carburant, sont également gaspillées. Certaines initiatives clés ont donné lieu à un grand nombre de partenariats avec des acteurs pertinents tels que la campagne «Every Crumb Counts»(chaque miette compte) et la publication d’une boîte à outils pour le secteur concerné. L’avis du CESE adopté en 2013 sur la prévention et la réduction du gaspillage alimentaire fournit un bon aperçu des problèmes et de leurs solutions possibles (NAT/570).

4.4.4.

La Commission européenne a recommandé que le secteur des denrées alimentaires soit considéré comme une priorité pour améliorer l’efficacité des ressources, et a procédé à une consultation approfondie sur la durabilité du système agroalimentaire européen (30).

4.4.5.

La durabilité devrait être envisagée depuis une perspective plus large. Celle-ci ne devrait pas se limiter à la durabilité de l’environnement, mais inclure également les piliers sociaux et économiques de la durabilité. Cela a été le cas dans une déclaration conjointe adoptée par onze organisations représentant la chaîne alimentaire dans le contexte du Forum de haut niveau (31).

4.5.   Construire une Union de l’innovation

4.5.1.

Les niveaux d’investissements en R & D du secteur de l’alimentation et des boissons dans l’Union européenne sont faibles, comparés à d’autres sous-secteurs manufacturiers et à d’autres secteurs de l’alimentation et des boissons dans le monde (32).

4.5.2.

Il convient d’encourager et de soutenir les CCI dans le secteur des aliments et des boissons. Celles-ci portent sur un horizon à long terme de 7 à 15 ans et remplissent également certains objectifs à court et moyen termes tels que l’engagement essentiel d’accroître les investissements en R & D d’ici à 2020 et de contribuer à augmenter le nombre d’emplois et la croissance.

Les entreprises productrices de denrées alimentaires et de boissons sont confrontées à des problèmes récurrents lorsqu’elles mettent en place des produits et des procédés innovants. Les PME souffrent principalement de la limitation de leurs capacités d’organisation et de leurs ressources, ainsi que de l’absence des compétences nécessaires en matière d’encadrement, d’expérience et de vision stratégique. Les procédures d’autorisation de mise sur le marché des nouveaux produits doivent être accélérées, tout en respectant le principe de précaution qui n’autorise la commercialisation que de produits ne présentant pas de risques pour la santé des consommateurs.

4.6.   Réduire les charges administratives, en particulier pour les PME

4.6.1.

Les PME en particulier souffrent d’une prolifération de structures qui entraîne des charges administratives inutiles. Celles-ci jouant un rôle fondamental dans la compétitivité du secteur, elles nécessitent par conséquent une attention particulière, sans préjudice de la sécurité alimentaire ni des droits des travailleurs et des consommateurs.

4.6.2.

Dans le cadre du programme REFIT, la Commission a entrepris un premier pas important pour garantir que la législation de l’Union européenne soit adaptée aux entreprises et renforce leur compétitivité (33).

Bruxelles, le 27 mai 2015.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  http://www.fao.org/fileadmin/templates/wsfs/docs/expert_paper/How_to_Feed_the_World_in_2050.pdf

(2)  JO C 255 du 22.9.2010, p. 1.

(3)  COM(2011) 571 final.

(4)  JO C 191 du 29.6.2012, p. 6.

(5)  JO C 161 du 6.6.2013, p. 46.

(6)  Avis du CESE sur le thème «Relations commerciales entre la grande distribution et les fournisseurs des denrées alimentaires — État actuel» publié au JO C 133 du 9.5.2013, p. 16.

(7)  http://www.supplychaininitiative.eu/

(8)  Source: Données et tendances du secteur des aliments et des boissons, 2013-2014.

http://www.fooddrinkeurope.eu/uploads/publications_documents/Data__Trends_of_the_European_Food_and_Drink_Industry_2013-20141.pdf

(9)  Source: Tableau de bord 2012 de l’Union européenne sur les investissements en R & D industrielle, le CCR et la DG RTD.

(10)  http://www.fooddrinkeurope.eu/uploads/publications_documents/Data__Trends_of_the_European_Food_and_Drink_Industry_2013-20141.pdf

(11)  http://ec.europa.eu/internal_market/publications/docs/20years/achievements-web_en.pdf

(12)  http://ec.europa.eu/about/juncker-commission/docs/pg_fr.pdf

(13)  Avis du CESE sur la renaissance industrielle (JO C 311 du 12.9.2014, p. 47).

(14)  Source: Base de données Comtrade de l’ONU, 2012.

(15)  http://register.consilium.europa.eu/doc/srv?l=FR&f=ST%2017202%202013%20INIT

(16)  http://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/ALL/?uri=CELEX:52014DC0014

(17)  http://register.consilium.europa.eu/doc/srv?l=EN&t=PDF&gc=true&sc=false&f=ST%207%202014%20INIT (disponible uniquement en anglais).

(18)  http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2010:210:0004:0005:FR:PDF

(19)  http://europa.eu/rapid/press-release_IP-14-1139_fr.htm

(20)  http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX:52014SC0014

(21)  Avis du CESE publié au JO C 133 du 9.5.2013, p. 16.

(22)  http://www.supplychaininitiative.eu/

(23)  COM(2014) 472.

(24)  http://www.effat.org/en/node/10599

(25)  http://ec.europa.eu/education/policy/vocational-policy/doc/alliance/fooddrinkeurope-effat-pledge_en.pdf

(26)  http://www.fooddrinkeurope.eu/uploads/publications_documents/Data__Trends_of_the_European_Food_and_Drink_Industry_2013-20141.pdf

(27)  JO C 255 du 22.9.2010, p. 1.

(28)  Voir à ce sujet la position commune du COPA-Cogeca et de FoodDrinkEurope: http://www.fooddrinkeurope.eu/news/statement/agri-food-chain-reps-call-on-negotiators-to-resolve-non-tariff-measures-in/

(29)  JO C 191 du 29.6.2012, p. 6.

(30)  http://ec.europa.eu/environment/eussd/food.htm

(31)  Déclaration conjointe du 7 mars 2014: «Actions visant à rendre la chaîne alimentaire européenne plus durable» http://www.fooddrinkeurope.eu/news/press-release/europes-food-chain-partners-working-towards-more-sustainable-food-systems/

(32)  Voir la note de bas de page no 15.

(33)  http://europa.eu/rapid/press-release_IP-14-682_fr.htm


8.10.2015   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 332/36


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Vivre demain. L’impression 3D, un outil pour renforcer l’économie européenne»

(avis d’initiative)

(2015/C 332/05)

Rapporteur:

M. Dumitru FORNEA

Corapporteur:

Mme Hilde VAN LAERE

Le 10 juillet 2014, le Comité économique et social européen (CESE) a décidé, conformément à l’article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d’élaborer un avis d’initiative sur le thème:

«Vivre demain. L’impression 3D, un outil pour renforcer l’économie européenne».

La commission consultative des mutations industrielles (CCMI), chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 4 mai 2015.

Lors de sa 508e session plénière des 27 et 28 mai 2015 (séance du 28 mai 2015), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis à l’unanimité.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Parmi les technologies génériques, qui vont façonner les nouvelles manières de concevoir l’activité industrielle, ainsi que les produits et les usines du futur, la fabrication additive est l’une de celles qui occupent une position clé. La combinaison de la révolution numérique et de ce mode de fabrication révolutionnaire permettra à l’Europe de relocaliser chez elle la production des régions du monde à bas salaires, pour stimuler l’innovation et créer une croissance durable sur son territoire.

1.2.

Le CESE a la conviction que l’UE est capable de consolider sa position actuelle d’acteur majeur de la fabrication additive sur la scène mondiale, sous réserve, toutefois, que les mesures suivantes soient prises à l’échelon européen et national.

1.3.

Il y a lieu d’accorder la priorité aux investissements dans les infrastructures des technologies de l’information et de la communication (TIC), de façon à ce que tous les citoyens et toutes les entreprises aient accès à des réseaux internet à haut débit, répondant aux plus hautes normes de qualité et de sécurité qui sont disponibles.

1.4.

Il convient que la capacité de l’Europe à stocker et à transmettre de grandes quantités de données numériques soit renforcée et actualisée et que leur protection soit garantie conformément aux intérêts légitimes des citoyens et des entreprises de l’UE.

1.5.

Tant les institutions de l’Union européenne que les gouvernements nationaux devraient préparer les citoyens aux défis que présentent la société numérique et les technologies révolutionnaires connexes telles que la fabrication additive, en investissant dans des programmes qui, ressortissant à la culture, à l’enseignement et à la formation, soient à la hauteur des dynamiques et des exigences des nouveaux profils professionnels associés à cette nouvelle génération de systèmes de production.

1.6.

Afin que la fabrication additive atteigne son plein potentiel, il y a lieu d’encourager la recherche et la créativité dans les entreprises et les établissements scientifiques ou d’enseignement concernés, notamment par des incitations financières et fiscales.

1.7.

Il est nécessaire d’entreprendre des recherches complémentaires pour étendre la gamme des matériaux et le nombre des applications qui sont utilisables par cette technologie, ainsi que pour en améliorer la fiabilité, la vitesse d’exécution, la productivité et le niveau de maturation. Il est souhaitable que les développements qui mèneront le processus de production à sa pleine maturité soient réalisés en Europe, afin que celle-ci garde sa position concurrentielle sur les marchés mondiaux et maintienne sur son territoire les avantages économiques apportés et les emplois de qualité correspondants.

1.8.

Les partenariats européens pour l’innovation doivent coordonner les efforts menés pour développer de nouveaux matériaux utilisables dans la fabrication additive. Disposer d’une gamme élargie de matériaux et d’un nombre accru de fournisseurs favorisera des prix plus concurrentiels, ouvrira de nouveaux secteurs industriels et augmentera les volumes de matériaux destinés à la fabrication additive ainsi que la compétitivité des marchés de fournitures.

1.9.

L’UE doit faciliter les investissements dans les nouveaux équipements de fabrication additive et encourager le développement de cette technologie dans le cadre de systèmes de production ouverts, souples et faciles à intégrer avec d’autres technologies de production et de finition, afin d’étendre le nombre d’applications disponibles et d’accroître les chiffres d’affaires.

1.10.

Le cadre réglementaire, tant au niveau européen que national, n’a pas été capable de suivre le rythme soutenu des évolutions de la fabrication additive; aussi est-il nécessaire de mettre en place une réglementation spécifique qui traitera au premier chef des questions de normes et de certification, de propriété intellectuelle, de protection des consommateurs, de santé et de sécurité au travail et d’environnement.

1.11.

Il conviendra que le dispositif réglementaire encadrant la fabrication additive soit fondé sur des recherches interdisciplinaires et scientifiques qui seront menées sur les incidences de cette technologie, avec la participation de toutes les parties intéressées.

2.   Observations générales

2.1.

La production manufacturière apporte une contribution importante à l’économie, notamment en matière d’innovation, de productivité et d’emplois de haute qualité. L’industrie européenne a cependant perdu du terrain au cours des deux dernières décennies, et ce déclin a entraîné une baisse de l’emploi industriel et de la valeur ajoutée  (1). Après des décennies de contraction progressive du secteur manufacturier, due à l’externalisation vers une main-d’œuvre peu coûteuse, l’attention revient à présent sur la production dans les pays à salaires élevés et sur le rôle essentiel que jouent les capacités de production européennes pour favoriser l’émergence d’innovations et donner les moyens d’accroître rapidement le volume de fabrication de nouveaux produits en s’appuyant sur des technologies avancées. L’innovation, l’automatisation et la sophistication des procédés industriels sont le fondement des stratégies industrielles couronnées de succès, et elles s’avèrent essentielles dès lors qu’il s’agit de conserver une position de tête (2). Le recours à des technologies de fabrication avancées en Europe pourrait permettre le rapatriement de la production depuis les régions du monde à bas salaires pour stimuler l’innovation et créer une croissance durable dans nos contrées. C’est le seul moyen pour l’Europe de prendre une place de leader dans la nouvelle révolution industrielle.

2.2.

La fabrication additive désigne le processus d’assemblage de matériaux, généralement couche par couche, en vue de fabriquer des objets à partir des données de modèles 3D, par opposition aux méthodes de fabrication soustractives. La «fabrication additive» est le terme officiel normalisé de l’industrie (norme ASTM F 2792), tandis que les termes «impression en 3D», «impression 3D» ou «impression tridimensionnelle» sont communément utilisés comme synonymes.

2.3.

La fabrication additive est un terme générique, couvrant un ensemble de technologies et de procédés s’appliquant à différents matériaux (métaux, polymères, céramiques, etc.). Ces technologies ont atteint un niveau de maturité qui permet un nombre croissant d’applications commerciales à valeur ajoutée. Dans le monde entier, la fabrication additive passe pour être, parmi les technologies génériques, l’une de celles qui vont façonner les nouvelles manières de concevoir l’activité industrielle ainsi que les produits et les usines du futur. L’on trouve déjà aujourd’hui des «FabLabs», c’est-à-dire des laboratoires offrant des services d’impression et produits 3D.

2.4.

La fabrication additive est un secteur en croissance rapide. Cette montée en puissance s’est accélérée ces quatre dernières années, au cours desquelles un nombre croissant d’entreprises et d’organisations se sont engagées dans la fabrication additive de produits et de services. Le taux de croissance annuel composé (TCAC) des recettes générées par tous les produits et services au cours des vingt-cinq dernières années a atteint le chiffre impressionnant de 27 %. Ce même taux au cours des trois dernières années (2011-2013) a été de 32,2 %, soit un marché d’une valeur qui a atteint 2,43 milliards d’EUR en 2013 (3). Wohlers Associates prévoit qu’il franchira la barre des 5,5 milliards d’EUR en 2016 et des 10 milliards d’EUR en 2018. Toutefois, dans la mesure où la fabrication additive constitue une technologie émergente, les experts de cette industrie estiment que sa pénétration actuelle sur le marché ne couvre qu’une fraction des applications potentielles qui ont été repérées. En 2011, des experts ont estimé le taux de pénétration sur le marché à moins de 8 %, ce qui signifierait que son montant total se monterait à quelque 17 milliards d’EUR) (4). Si la fabrication additive parvient à prendre à son compte seulement 2 % de l’ensemble de l’activité manufacturière, le potentiel est dix fois plus grand (environ 170 milliards d’EUR) (5).

2.5.

Le champ d’application est passé du prototypage, au début des années 90, à la production de pièces fonctionnelles. La croissance qui est attendue sera alimentée principalement par la fabrication rapide, d’un coût avantageux et à grande échelle de séries de produits finis, complexes et fonctionnels en divers matériaux (plastique, métal ou céramique), plutôt que par la conception de produits et le prototypage. La fabrication additive est parvenue au stade de la maturité pour le prototypage, mais se situe encore à celui de l’innovation en ce qui concerne la production de produits finis fonctionnels. Des produits novateurs issus de la fabrication additive apparaissent progressivement, mais ils ne sont pas viables, car l’on manque encore de machines robustes et de systèmes capables de produire des volumes importants par cette voie.

2.6.

Les procédés novateurs de fabrication additive vont exercer un effet de rupture sur la manière dont les objets sont conçus et réalisés. Cette technologie est en mesure tant d’accroître la création de valeur des produits actuels dans les chaînes d’approvisionnement existantes que de transformer de manière radicale lesdits produits et chaînes d’approvisionnement, ainsi que les modèles d’activité (6). Il faut que l’Europe soit en première ligne au moment où la fabrication additive prendra son envol. Dans le contexte des écosystèmes européens de fabrication additive, on s’attend à une croissance alimentée par l’extension des activités existantes, lorsque les acteurs actuels passent du prototypage à la fabrication, ainsi que par l’ouverture de nouveaux secteurs d’activité tout au long de la chaîne de valeur.

2.7.

Dans le monde entier, la fabrication additive passe pour être l’une des technologies génériques qui jouent un rôle clé pour l’innovation en matière de produits et de chaîne d’approvisionnement. Elle est en passe de se banaliser et bénéficie de financements importants de la part des gouvernements, qui visent à en accroître le niveau de maturité (en l’occurrence, aux États-Unis, en Chine et à Singapour). Historiquement parlant, l’UE est en bonne position, mais si aucune mesure n’est prise, elle perdra cet avantage et se fera distancer dans la course aux nouveaux marchés.

3.   Observations particulières

3.1.   L’effet de rupture de la fabrication additive

3.1.1.

Au niveau des entreprises, la fabrication additive induira de nouvelles manières de fabriquer et modèlera l’usine du futur:

La fabrication additive permet de réaliser de multiples produits finis différents en utilisant les mêmes équipements, matériaux et procédés. Elle facilite des modes de production qui sont peu praticables, voire impossibles si l’on recourt aux méthodes traditionnelles de fabrication.

L’un des atouts majeurs de la fabrication additive sera sa capacité à s’articuler, dans l’usine, avec d’autres procédés de fabrication à forte valeur.

La fabrication additive représente une technologie clé pour la fabrication numérique dans des chaînes d’approvisionnement dynamiques et décentralisées. La diffusion à l’échelle de la planète de fichiers contenant les données de conception numérique (ou solutions d’ingénierie) et les spécifications constitue le fondement de la personnalisation et de la production locales et se substitue à l’expédition de produits depuis des usines centralisées. La fabrication numérique ouvre la voie à une base de production décentralisée et diversifiée, en rapprochant la production du consommateur, y compris, pour certaines pièces, par la production à petite échelle à domicile ou dans des ateliers d’impression. Les chaînes d’approvisionnement pourraient combiner plusieurs usines de fabrication de produits complexes à forte intensité de capital avec une fabrication personnalisée de certains composants qui s’effectuerait de manière décentralisée et à petite échelle, dans des ateliers de conception proches du client ou du point de consommation.

3.1.2.

Au niveau des produits, la fabrication additive deviendra la pierre angulaire de l’innovation en matière de produits:

La liberté accrue dont bénéficie le travail d’ingénierie permet l’arrivée de nouvelles générations de produits: la liberté de conception quasi illimitée peut amener toutes sortes d’avantages dans différents secteurs, comme notamment l’automobile, l’industrie aérospatiale, la médecine, les machines et les équipements, les équipements de sport et les modes de vie, grâce à la miniaturisation, à l’intégration des fonctions, à la légèreté, aux propriétés et dimensions adaptées sur mesure et personnalisées, etc.

Du fait des délais ultracourts des débouchés et possibilités s’ouvriront de manière inédite pour réaliser des prototypes fonctionnels ou des produits adaptés ou personnalisés dans le cadre des relations des entreprises entre elles ou avec les consommateurs, et ce dans tous les secteurs de l’industrie.

Le développement d’applications ouvre de formidables perspectives économiques pour l’Europe. L’essor de la technologie et du marché des applications avancées permet un bond en avant en créant un écosystème et en numérisant toutes les étapes. Elle débouche sur un concept économique centralisé. L’accroissement du volume des marchés, en Europe ou à l’extérieur de ses frontières nécessite une décentralisation segmentée de blocs au sein de la chaîne de valeur. Le franchisage des produits, des concepts et des filières de production permettra à l’Europe de capter de la valeur grâce à la diffusion mondiale des applications.

3.1.3.

La fabrication additive débouchera au niveau de l’entreprise sur des modèles économiques porteurs de rupture:

La production numérique provoque l’apparition de modèles d’entreprise porteurs d’une rupture, qui sont fondés sur le numérique et se caractérisent par une évolution rapide et des niveaux élevés d’adaptation sur mesure. L’internet permet d’acheminer jusqu’au fabricant d’objets physiques un contenu produit par l’utilisateur. Le réexamen de la manière dont les entreprises produisent et font cheminer leurs produits le long de la chaîne de valeur conduira à l’adoption de nouveaux modèles de production et d’entreprise, en l’occurrence, le «juste à temps» dans le cadre d’une fabrication sur demande proche du consommateur, la réparation de composants, la fabrication en ligne, les entrepôts numériques pour les pièces détachées ressortissant à la «longue traîne» (7) ou la personnalisation de masse. La chaîne de valeur actuelle peut ainsi être remplacée par une autre, plus simple et plus courte.

Les fournisseurs traditionnels de services de fabrication additive évoluent dans un environnement de fabrication et de prestations spécialisées à la demande, pour servir des clients équipementiers (8). Les chaînes d’approvisionnement sont assistées par des outils d’ingénierie et des procédés de fabrication numérique en ligne qui démocratisent la conception de telle manière que tout un chacun peut s’y essayer, avec tous les avantages mais aussi les problèmes découlant d’un tel modèle d’entreprise.

La fabrication additive permet une production de série à des conditions avantageuses, réalisée par des fournisseurs de prestations en la matière ou par des entreprises manufacturières, voire à domicile, sur la base d’un modèle en trois dimensions, dans des «usines de bureau». De nouveaux types de prestataires de services apparaissent: des magasins d’impression 3D ont ouvert leurs portes dans les villes européennes; le contenu tridimensionnel et les services à la demande font le lien entre les créateurs de contenu en trois dimensions, les consommateurs qui commandent des pièces à des bibliothèques et les producteurs de fabrication additive.

3.2.   Impact technologique de la fabrication additive

3.2.1.   Nécessité de développer une nouvelle génération de systèmes de production

Les feuilles de route en faveur de la fabrication additive au niveau international (9)  (10)  (11)  (12)  (13) soulignent que si l’on souhaite promouvoir sa valeur ajoutée, telle qu’elle est mise en avant, et assurer sa diffusion, il est capital qu’elle réalise d’importantes avancées. La technologie actuelle dans ce domaine a été développée pour la confection de prototypes; les machines ne sont pas encore prêtes pour la production de grands volumes. Les entreprises de fabrication additive butent sur des obstacles technologiques qui les empêchent de passer à la production en série. Les machines continuent à présenter une architecture dont la conception date de la phase du prototypage et les innovations n’ont été introduites qu’en trop faible quantité (à l’intérieur, les machines d’aujourd’hui et celles d’il y a dix ou quinze ans présentent un aspect pratiquement identique). Pour que cette industrie passe à la vitesse supérieure, des innovations de rupture sont nécessaires en ce qui concerne les équipements (14).

Pour accélérer ce développement, il est nécessaire que les entreprises et les chercheurs du secteur aient accès à des plates-formes ouvertes (tant pour le matériel que les logiciels), afin de surmonter les restrictions qui proviennent de ce que les machines actuellement commercialisées se présentent comme de véritables «boîtes noires».

En augmentant les capacités de la fabrication additive (rapport coût-efficacité, robustesse et fiabilité), il serait possible d’en accroître le potentiel, de manière à passer à une production à grande échelle concernant un large éventail d’applications. Grâce au déplacement des limites technologiques et à l’intégration avec d’autres procédés de fabrication, dans des processus de production hybrides, des voies s’ouvriront pour des applications qui constitueront de réelles percées (15). Leur diffusion dans l’industrie manufacturière exige une intégration de la fabrication additive dans l’environnement et les systèmes de contrôle des usines.

Parallèlement à ces recherches stratégiques, il est nécessaire d’inventer de nouveaux concepts de systèmes de production qui s’inscrivent en rupture avec les méthodes antérieures, en repensant fondamentalement le mode de fabrication des produits au départ des technologies actuelles de production additive, ainsi que la manière dont ces systèmes sont intégrés dans l’environnement de l’usine. Cet impératif signifie que la production de la fabrication additive de demain ne sera plus basée sur des machines qui réalisent des lots et sont alignées dans des hangars de production. Les exigences posées par les applications nécessiteront en effet de concevoir des systèmes de production additive en continu, basés sur l’enchaînement de différentes étapes de fabrication. Ces systèmes sont déjà appelés «machines de fabrication additive 2.0». Ce sont eux qui stimuleront le développement futur des outils de fabrication additive.

3.2.2.   Nécessité de disposer de nouveaux processus de certification des technologies de fabrication additive

La mise en œuvre technique des technologies de production addictive dans l’industrie requiert qu’elles soient certifiées. Cette certification favorisera le passage de cette technologie à la phase industrielle. Aujourd’hui, il s’avère donc nécessaire de développer des procédures qui permettent de les certifier, telles que l’élaboration de techniques d’inspection et de contrôle de la qualité en cours de production qui visent à garantir que les normes sont bien respectées. Au strict minimum, il est indispensable que ces processus soient capables de détecter si le produit ne satisfait pas aux normes, et il est véritablement impératif de développer une méthodologie pour prévenir les cas de non-conformité et corriger les défauts.

3.2.3.   Nécessité de développer de nouveaux matériaux et d’en assurer l’accessibilité

Les acteurs qui contrôlent les chaînes de distribution se ménagent une position dominante. Des fabricants de machine, par exemple, inscrivent dans leurs contrats d’entretien et de garantie une clause obligeant à utiliser certaines matières premières coûteuses, dont ils sont souvent les seuls distributeurs, ou appliquent un modèle commercial calqué sur celui des combinaisons de rasoirs et de lames de rasoirs, où l’utilisateur est contraint d’utiliser un type précis de consommables. Le contrôle exercé sur les canaux de distribution, conjugué à des volumes qui, pour l’instant, sont encore limités (16), fait qu’il est moins intéressant pour les fournisseurs de matériel d’investir de grosses sommes dans la mise au point de nouveaux matériaux.

Le nombre de sources d’approvisionnement en matériaux étant restreint, il en résulte que les prix des matières premières sont d’une cherté excessive et que les utilisateurs finals doivent supporter davantage de risques liés à la garantie d’approvisionnement. Ce mécanisme de marché bride le potentiel de la technologie de la fabrication additive.

Aujourd’hui, la croissance à deux chiffres que connaît le secteur ouvre des perspectives économiques et attire davantage de fournisseurs de matériaux. Il convient de soutenir et d’encourager les développements concernant ces matériaux, de même qu’il importe d’en étendre la gamme et d’en améliorer les propriétés. L’augmentation du nombre de fournisseurs encouragera une tarification plus concurrentielle; il deviendra alors plus intéressant de s’affranchir des garanties concernant les machines, les volumes augmenteront et les marchés des matériaux seront davantage régis par la concurrence.

L’extension de la palette de matériaux permettra d’ouvrir de nouveaux secteurs industriels à la fabrication additive et aura pour effet d’augmenter la demande, quantitativement parlant, de matériaux qui lui sont destinés.

3.2.4.

Principaux obstacles techniques — Les principaux facteurs qui empêchent une percée à grande échelle de la production additive dans des secteurs tels que l’aéronautique, l’automobile, les dispositifs médicaux ou les biens de consommation sont liés pour l’essentiel à la question de l’augmentation de sa productivité et peuvent être résumés comme suit:

le processus n’est pas suffisamment fiable et sa vitesse de production est inappropriée, d’où des coûts de production trop élevés,

la prochaine génération des technologies de fabrication additive devront absolument pouvoir s’intégrer dans l’environnement de l’entreprise et dans des systèmes de production hybrides,

les matériaux et les produits présentent des propriétés qui sont insatisfaisantes ou manquent de compatibilité, la gamme des matières utilisées dans la fabrication additive est trop étroite et l’on met trop de temps à en développer de nouvelles,

on ne dispose pas de technologies pour développer de manière multidisciplinaire de nouvelles applications qui marquent une véritable rupture.

3.2.5.

Des recherches stratégiques sont nécessaires:

pour transformer la fabrication additive en une technologie de production en série, grâce à des machines de nouvelle génération,

pour intégrer la fabrication additive, afin d’en faire un véritable outil de production dans l’environnement et les systèmes industriels,

pour élargir la gamme des matériaux utilisables dans la fabrication additive,

pour développer de nouvelles applications (et leurs outils de développement).

3.2.6.

Risque de fuite de la technologie hors d’Europe:

La technologie et le marché de la fabrication additive étant à présent parvenus à un certain degré de maturité, on assiste aux premières concentrations dans le secteur. De grandes entreprises basées aux États-Unis investissent et achètent de petites et moyennes entreprises (PME), souvent établies dans l’UE, qui détiennent des connaissances, des droits de propriété intellectuelle et des brevets dans le domaine des technologies de fabrication additive. L’exploitation des connaissances acquises s’effectue souvent en dehors de l’Europe, en raison de la diversité des marchés de l’UE et de la difficulté d’y accéder. Il est de l’intérêt des PME européennes de se laisser racheter par de grandes entreprises hors UE, car de nouveaux et vastes marchés s’ouvrent alors pour leurs applications. Ces facteurs comportent tous deux le danger que les développements de la fabrication additive, qui étaient logés au sein de l’Europe, migrent vers d’autres régions.

Pour les entreprises de fabrication additive qui sont implantées dans l’UE, il n’est pas aisé de grandir à l’intérieur de ses frontières. Dans la mesure où elle se compose d’un grand nombre de marchés de faible taille et d’une forte hétérogénéité, elles doivent supporter des frais d’investissement coûteux avant d’atteindre un volume de marché viable. En outre, leur basculement vers de nouveaux marchés est souvent freiné par l’absence de certains maillons dans la chaîne de valeur. En conséquence, ces entreprises de fabrication additive basées dans l’UE sont enclines à chercher de grands marchés en dehors de son territoire, où elles pourront mettre leurs connaissances en pratique à un stade précoce.

3.3.

L’incidence de la fabrication additive sur les problématiques juridiques (17):

À l’heure actuelle, les médias, dont la presse, le grand public ou les hommes politiques, voient généralement la fabrication additive comme une technique d’impression 3D bas de gamme, destinée à des applications d’impression intelligente à domicile, plutôt que comme une technologie de production du futur. S’il n’est pas douteux que ces deux conceptions connaîtront à l’avenir une transposition dans les faits, leur évolution, les obstacles qu’elles rencontrent et les priorités de recherche afférentes divergent fondamentalement. Des questions telles que la normalisation, les droits de propriété intellectuelle ou la responsabilité doivent être envisagées de façon totalement différente selon la technologie et les applications considérées.

Normes et certification. Il est généralement admis que l’absence de normes a limité l’implantation de la fabrication additive dans des secteurs industriels clés comme l’industrie aérospatiale, la médecine et la dentisterie. Leur existence favorisera au contraire l’adoption de ces technologies et ouvrira de vastes possibilités de recherche et de développement. Les marchés professionnels sont souvent difficiles et exigent des certifications, de sorte que les nouvelles technologies éprouvent beaucoup de difficultés à y prendre pied. Les obstacles à une adoption généralisée de la fabrication additive sont d’ordre tout à la fois technique et juridique. Pour le développement futur de ces technologies, il est dès lors essentiel que l’industrie soit davantage associée au comité ASTM F 42 et aux groupes de travail ISO et BSI.

Propriété intellectuelle. Les experts font part de certaines inquiétudes quant aux problèmes de propriété intellectuelle que cette technologie soulèvera inévitablement à mesure qu’elle sera de plus en plus largement adoptée (18).

La fabrication additive peut avoir des incidences considérables sur la propriété intellectuelle, car les objets décrits dans un fichier numérique pourraient s’avérer nettement plus faciles à copier, à diffuser ou à pirater. Le scénario auquel on assiste actuellement dans l’industrie de la musique et du cinéma pourrait se reproduire tout à fait à l’identique, avec le développement de nouveaux modèles non commerciaux et une antinomie de plus en plus forte entre les entraves à l’innovation et l’incitation à la piraterie (19).

La protection de la propriété intellectuelle des développeurs constitue un énorme problème, qui est très similaire à celui de la protection des droits dans les domaines de la musique et de l’industrie cinématographique. Il conviendrait que l’industrie additive recherche des solutions en matière de protection de la propriété intellectuelle qui soient élaborées par le secteur lui-même. Une technologie de protection de la propriété largement partagée permettra même de surmonter les inquiétudes exprimées quant à l’éventualité que la technologie de la fabrication additive ne tombe sous le contrôle d’un tout petit nombre d’entreprises, profitant de la protection assurée en la matière, de sorte que la concurrence et la découverte de nouvelles applications s’en trouveraient bridées. Cette situation freine l’innovation et maintient les coûts de ce procédé de fabrication à un niveau élevé.

Responsabilité. La fabrication additive a de nombreuses conséquences en matière de responsabilité, notamment en ce qui concerne les créateurs amateurs ou non identifiables, ainsi que les fabricants ou distributeurs de pièces. En cas de défaillance d’un composant, qui est responsable? Cette question est une source de préoccupation grandissante pour l’industrie de la fabrication additive en particulier lorsque la flexibilité, l’individualisation et l’autoconception sont susceptibles de l’amener en terrain inconnu. Il convient d’examiner de manière plus avant la question des nouveaux modèles économiques régissant la fourniture de pièces réalisées à l’aide de la fabrication additive et celles des risques commerciaux qui y sont liés.

Qualifications et certifications en matière de fabrication additive  (20). Chaque élément de la technologie de la fabrication additive (matériaux, équipements et procédés) doit faire l’objet d’une qualification et d’une certification, qui garantissent qu’il soit possible de réaliser de manière reproductible des pièces de qualité supérieure. L’absence de normalisation rend difficile la fabrication d’une pièce de haute qualité dès le premier essai. L’élaboration de normes de qualification et de certification pour la fabrication additive est compliquée par la multiplicité des combinaisons de machines, matériaux et procédés ainsi que par l’absence d’une base de données centrale en matière de fabrication additive ou d’une autorité compétente pour les méthodologies afférentes. Pour que la fabrication additive poursuive son développement, il sera nécessaire d’établir des normes qui facilitent une certification plus rapide et améliorent le rapport coût-efficacité pour tous les matériaux, procédés et produits.

3.4.   L’impact de la fabrication additive sur l’emploi, la formation et l’enseignement

Le déploiement des technologies de fabrication additive aura une incidence directe sur les modèles de production traditionnels et, plus particulièrement, sur l’organisation interne des ateliers. Dans tous les lieux où il existera une demande, la fabrication additive facilitera l’installation de mini-usines au plus près des clients. La diffusion de cette activité dans l’industrie étant par trop récente, il n’est pas encore possible d’évaluer le nombre d’emplois qui seront ainsi créés.

En l’absence d’étude et étant donné la très forte probabilité que les futurs professionnels de la fabrication additive remplaceront des emplois existant actuellement, l’impact véritable de cette évolution sur les chiffres de l’emploi est très difficile à cerner.

Les emplois dans les technologies de la fabrication additive nécessiteront de nouvelles compétences: elles requerront, par exemple, des opérateurs de machines capables d’utiliser les logiciels adaptés à ce processus de fabrication, des ingénieurs capables de concevoir des pièces avec de nouveaux systèmes (optimisation de la topologie, reconfiguration), etc.

Quand les technologies de la fabrication additive se répandront, il sera nécessaire que des établissements d’enseignement et de formation maintiennent et développent l’employabilité des travailleurs. À l’heure actuelle, en Europe, les programmes scolaires, ainsi que les dispositifs de formation postscolaires, ignorent complètement la fabrication additive. La plupart des cycles de formation existants se contentent de décrire les technologies et leurs performances potentielles et ne sont pas conçus pour aider les étudiants à acquérir de véritables compétences en la matière. Il convient que les collectivités locales intègrent la fabrication additive dans leurs plans de formation, au moins pour ce qui est de la formation professionnelle. L’attrait de l’impression 3D, qui englobe la totalité du processus d’innovation (idée, conception, informatique, robotique et production physique du produit final) sur un bref laps de temps, pourrait être utilisé comme une méthode de formation efficace dans le système éducatif, pour attirer l’attention des enfants sur la technologie et la fabrication.

Il est souhaitable que toute offre de formation soit élaborée sur la base d’une coopération entre l’industrie, les autorités locales, les établissements d’enseignement et les organisations de travailleurs, et qu’elle soit basée sur les besoins réels des sociétés opérant dans ce secteur.

3.5.   Santé et sécurité au travail

Les études qui examinent la fabrication additive sous l’angle de la santé et de la sécurité au travail sont fort rares. Elles seraient pourtant indispensables étant donné:

les risques chimiques associés aux résines volatiles qui sont utilisées dans la fabrication additive de pièces polymères ainsi qu’aux additifs volatils, métalliques ou non métalliques employés dans les poudres métalliques,

les risques chimio-physiologiques découlant de l’utilisation de poudres, notamment lorsqu’elles contiennent des nanoparticules,

le risque d’explosion découlant de l’utilisation de poudres,

les risques spécifiques associés à l’utilisation de sources de lasers, de faisceaux d’électrons, etc.

Maintenant que se déploient les applications industrielles de la fabrication additive, il s’impose de réaliser d’urgence des études spécifiques d’évaluation des risques pour les travailleurs, en vue de mettre en place des systèmes et des normes de protection. Il convient en outre d’élaborer des formations à la sécurité pour les travailleurs opérant sur des machines de fabrication additive, lesquelles pourraient s’inscrire dans le cadre d’un programme scolaire existant, qui serait ainsi complété, ou d’un autre, tout à fait nouveau, à mettre en place.

Bruxelles, le 28 mai 2015.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  Industry 4.0 The new industrial revolution: How Europe will succeed («Industrie 4.0 La nouvelle révolution industrielle: comment l’Europe va réussir»), RolandBerger Strategy Consultants 2014.

(2)  Production in the Innovation Economy (étude PIE, «La production dans l’économie de l’innovation»), MIT, 2013.

(3)  Wohlers Associates, «3D Printing and Additive Manufacturing: State of the Industry, Annual Worldwide Progress Report» («Impression 3D et production additive: état des lieux de l’industrie. Rapport annuel de progression à l’échelle mondiale»), 2014.

(4)  Groupe d’intérêt spécifique sur la production additive auprès du conseil de stratégie technologique du Royaume-Uni (2012), «Shaping our national competency in Additive Manufacturing, A technology innovation needs analysis» («Tracer les contours de notre compétence nationale dans la production additive, une innovation technologique appelant une analyse»).

(5)  Wohlers Associates, «3D Printing and Additive Manufacturing: State of the Industry, Annual Worldwide Progress Report» («Impression 3D et production additive: état des lieux de l’industrie. Rapport annuel de progression à l’échelle mondiale»), 2014.

(6)  «3D Opportunity Additive manufacturing paths to performance, innovation, and growth» («L’atout de la 3D, les pistes ouvertes par la production additive pour la performance, l’innovation et la croissance»), Deloitte Review, 2014.

(7)  Il s’agit des pièces de rechange dont la disponibilité est limitée et, par conséquent, le prix élevé.

(8)  Fabricants d’équipement d’origine.

(9)  Plate-forme européenne de la production additive, lancée par Manufuture (2013) «Additive Manufacturing: Strategic Research Agenda (consultation document)» («La production additive: programme de recherche stratégique», document de consultation).

(10)  DMRC (Centre de recherche sur la fabrication directe, Paderborn, Allemagne) (2012) «Thinking ahead the Future of Additive Manufacturing — Analysis of Promising Industries» («Penser prospectivement l’avenir de la fabrication additive — Analyse de filières industrielles prometteuses»).

(11)  Innovatie Zuid (2013), «Hightech Systemen en materialen: Roadmap 3D-Printen» («Systèmes et matériaux de haute technologie: feuille de route de l’impression tridimensionnelle»).

(12)  EFFRA (2013), «Factories of the Future 2020: Factories of the Future Public-Private Partnership roadmap» («Les usines du futur à l’horizon 2020: feuille de route pour le partenariat public-privé des usines du futur»).

(13)  Flanders MAKE, «Additive Manufacturing for Serial Production: Research Roadmap» («La production additive pour la fabrication en série: feuille de route pour la recherche»), 2014.

(14)  Flanders MAKE, «Additive Manufacturing for Serial Production: Research Roadmap» («La production additive pour la fabrication en série: feuille de route pour la recherche»).

(15)  Conseil pour la recherche en ingénierie et sciences physiques (EPSRC), Centre pour la fabrication novatrice en matière de production additive, http://www.3dp-research.com/Home

(16)  Wohlers Associates, 3D Printing and Additive Manufacturing: State of the Industry, Annual Worldwide Progress Report («Impression 3D et production additive: état des lieux de l’industrie, Rapport annuel de progression à l’échelle mondiale»), 2014.

(17)  Plate-forme européenne de la production additive, lancée par Manufuture (2013) «Additive Manufacturing: Strategic Research Agenda (consultation document)» («La production additive: programme de recherche stratégique», document de consultation).

(18)  «Is intellectual property law ready for 3D printers? The distributed nature of Additive Manufacturing is likely to present a host of practical challenges for IP owners» («Le droit de la propriété intellectuelle est-il prêt pour les imprimantes 3D? La nature décentralisée de la fabrication additive posera vraisemblablement quantité de défis concrets pour les détenteurs de droits de propriété intellectuelle»), The National Law Journal, 4 février 2013.

(19)  Scapolo, F., Churchill, P., Castillo, H. C. G., et Viaud, V., «Projet d’étude prospective sur le thème “Comment les normes favoriseront-elles l’innovation et la compétitivité dans l’Union européenne en 2025?”», s.l., Commission européenne, décembre 2012.

(20)  «Measurement Science Roadmap for metal-based Additive Manufacturing» («Feuille de route métrologique pour la production additive à base métallique»), National Institute of Standards and Technology, mai 2013.


8.10.2015   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 332/45


Avis du Comité économique et social européen sur la protection des investisseurs et le règlement des différends entre investisseurs et États dans les accords de commerce et d’investissement de l’UE avec des pays tiers

(2015/C 332/06)

Rapporteur:

M. Sandy BOYLE

Le 10 juillet 2014, le Comité économique et social européen (CESE) a décidé, conformément à l’article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d’élaborer un avis d’initiative sur

«La protection des investisseurs et le règlement des différends entre investisseurs et États dans les accords de commerce et d’investissement de l’UE avec des pays tiers».

La section spécialisée «Relations extérieures», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 28 avril 2015.

Lors de sa 508e session plénière des 27 et 28 mai 2015 (séance du 27 mai), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 199 voix pour, 55 voix contre et 30 abstentions.

Glossaire des abréviations utilisées dans le présent avis

TBI — Traité bilatéral d’investissement

AECG — Accord économique et commercial global (Canada)

CDF — Charte des droits fondamentaux

SC — Société civile

OSC — Organisation de la société civile

CE — Commission européenne

CEDH — Convention européenne des droits de l’homme

TCE — Traité sur la charte de l’énergie

CJUE — Cour de justice de l’Union européenne

PE — Parlement européen

UE — Union européenne

IDE — Investissement direct étranger

ALE — Accord de libre-échange

CIRDI — Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements

AII — Accord international d’investissement

INTA — Commission du commerce international du Parlement européen

PI — Protection des investisseurs

RDIE — Règlement des différends entre investisseurs et États

LES — London School of Economics

EM — États membres de l’UE

ALENA — Accord de libre-échange nord-américain

OCDE — Organisation de coopération et de développement économiques

PME — Petites et moyennes entreprises

TBC — Transatlantic Business Council

TUE — Traité sur l’Union européenne

TFUE — Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

PTCI — Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement

CNUDCI — Commission des Nations unies pour le droit commercial international

CNUCED — Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement

PRD-OMC — Procédure de règlement des différends de l’Organisation mondiale du commerce

1.   Conclusions et recommandations

Conclusions

1.1.

Les IDE sont d’importants contributeurs à la croissance économique et les investisseurs étrangers doivent être protégés à l’échelle mondiale contre l’expropriation directe, ne faire l’objet d’aucune discrimination et bénéficier de droits équivalents à ceux des investisseurs nationaux.

1.2.

Le droit d’un État à légiférer dans l’intérêt public est primordial et ne saurait être sapé par les dispositions d’un TII quel qu’il soit. Il est vital qu’une clause dépourvue de toute ambiguïté consacre ce droit de manière transversale.

1.3.

Le RDIE ne doit pas conférer aux capitaux transnationaux un statut juridique équivalant à celui d’un État souverain, ni permettre aux investisseurs étrangers de contester le droit des gouvernements de réglementer et de déterminer la marche de leurs affaires.

1.4.

Au fil du temps, le recours au RDIE a donné lieu à un certain nombre d’abus, qu’il convient maintenant de traiter. Les déficiences systématiques qui résultent du mécanisme de RDIE comprennent l’opacité, l’absence de règles claires d’arbitrage, l’absence de droit de recours, une discrimination à l’encontre des investisseurs nationaux qui n’ont pas la faculté de recourir à ce système, la crainte de protéger des investissements purement spéculatifs qui n’entraînent pas notamment de création d’emplois et la crainte d’une exploitation du mécanisme par des cabinets d’avocats spécialisés. Il s’agit dès lors de proposer une autre procédure de règlement des différends dans le souci de concilier les demandes légitimes des investisseurs et les préoccupations manifestées par le reste de la société civile et suscitées par de telles perceptions négatives du RDIE.

La consultation de la CE sur le RDIE dans le cadre du PTCI a fait clairement apparaître des divergences entre les points de vue du monde des entreprises dans son ensemble et les réactions d’une vaste majorité des répondants issus du reste de la SC.

1.5.

Le pouvoir octroyé à un aréopage de trois juristes privés de juger et de prendre des décisions contraignantes dans des domaines d’intérêt général fondamental suscite la préoccupation. Bien que la CNUDCI ait adopté récemment de nouvelles règles en matière de transparence, des préoccupations subsistent, car le système actuel manque dans une large mesure de transparence et ne prévoit aucun droit de recours.

1.6.

L’on s’est écarté depuis longtemps du concept à l’origine du RDIE. C’est devenu aujourd’hui un système extrêmement rentable pour un petit nombre de cabinets d’avocats spécialisés dans les investissements et qui dominent ce marché.

1.7.

Certains cabinets spécialisés vantent l’utilité du RDIE en tant qu’important instrument d’atténuation du risque lié aux investissements. Dans certains cas importants, c’est devenu un outil de lobbying grâce auquel la menace de contentieux atténue les velléités de réglementation des législateurs qui poursuivent au demeurant des politiques d’intérêt public légitimes. L’attrait que le mécanisme revêtirait pour les investissements issus de fonds spéculatifs suscite également la préoccupation.

1.8.

La notion d’expropriation donne lieu à un certain nombre d’interprétations libérales, suscitant une crainte grandissante que les contribuables ne soient obligés de payer une indemnisation pour les politiques d’intérêt public qui limiteraient les bénéfices.

1.9.

L’accord signé à la fin de l’année 2014 entre l’UE et le Canada (l’AECG) ainsi que le chapitre distinct sur l’investissement adjoint à l’ALE conclu entre l’UE et Singapour recèlent les tous premiers chapitres sur l’investissement qui aient été jamais négociés par l’UE dans ses accords depuis 2009, lorsque le traité de Lisbonne lui a donné compétence en matière d’investissement. Bien que ces chapitres veillent à apporter des améliorations au système actuel de RDIE, ainsi qu’à établir en la matière ce que la CE prétend être un nouveau modèle de l’UE «à la pointe du progrès», ils sont bien en deçà de ce qui est requis pour lever les craintes de l’opinion publique. Les modèles prévus par l’accord avec Singapour et l’AECG diffèrent, et nombreux sont ceux qui estiment que le RDIE reste un processus déséquilibré et très coûteux, qui entrave la démocratie, ne prévoit aucun droit de recours et met en danger le droit qu’ont les gouvernements de légiférer, en octroyant aux investisseurs étrangers des droits qui vont au-delà de ceux qui sont inscrits dans les constitutions nationales et de ceux dont jouissent les investisseurs nationaux. Le CESE constate avec préoccupation que les dispositions de l’AECG relatives au RDIE servent actuellement de base à la négociation sur l’ALE devant être conclu entre l’UE et le Japon.

1.10.

La transmutation entre les rôles d’arbitre et d’avocat des parties constitue un conflit d’intérêt évident que l’AECG n’aborde pas. Cela confirme que le RDIE n’est une méthode ni équitable, ni indépendante, ni équilibrée pour le règlement des différends en matière d’investissement.

1.11.

Le CESE se félicite de la consultation publique sur le RDIE dans le cadre du PTCI. À la différence de ce qui s’est passé pour l’accord économique et commercial global, cette consultation a contribué à accroître la transparence des négociations du PTCI et constitue un précédent d’importance dont le Comité estime qu’il doit dès à présent s’appliquer dans toute future négociation commerciale. La réaction de la Commission a consisté à mettre en évidence quatre domaines spécifiques afin qu’ils fassent l’objet de réflexions plus approfondies; tout en sachant qu’il ne s’agit pas là d’une liste exhaustive, le CESE expose en détail ses vues sur ces questions précises dans les parties 7 à 10 du présent avis.

1.12.

Le Comité se félicite également de l’objectif d’éliminer les «recours futiles» dans le cadre de tout futur mécanisme de protection des investisseurs. Il est important que les parties à un AII, quel qu’il soit, jouissent de la protection d’un filtre politique général qui leur permette d’empêcher pour des raisons légitimes qu’un recours ne soit soumis à un arbitrage.

1.13.

Les investisseurs devraient être incités à considérer le règlement des différends basé sur un traité comme une solution de dernier recours, et à rechercher d’autres méthodes telles que la conciliation et la médiation. L’assurance privée et la protection découlant de contrats sont des moyens appropriés par lesquels les investisseurs étrangers peuvent minimiser leurs risques.

1.14.

Le besoin de protection des IDE varie d’un pays à l’autre. Dans les pays dotés d’un système juridique mûr, démocratique, fonctionnant bien et sans corruption, les différends en matière d’investissement devraient être réglés par la médiation, les tribunaux nationaux ou un règlement intervenant entre États. Ces caractéristiques existent dans l’UE, aux États-Unis et au Canada, et les volumes actuellement élevés de flux d’investissements transatlantiques montrent clairement que l’absence d’une disposition relative au RDIE n’entrave pas les investissements. Le CESE en conclut qu’une telle disposition n’est nécessaire ni dans le PTCI ni dans l’AECG, et il s’oppose à ce qu’elle y soit incluse.

1.15.

Le RDIE est susceptible de faire échouer à la fois le PTCI et l’AECG. La CE doit se demander s’il est raisonnable et judicieux de poursuivre cet objectif sensible sur le plan politique et impopulaire auprès du public.

1.16.

Les pays en développement font clairement savoir que le RDIE est un mécanisme inacceptable auquel s’opposeront vivement un nombre croissant d’acteurs importants à l’échelle mondiale. Faute d’un autre système, il deviendra plus difficile d’intégrer la PI dans des accords futurs avec des pays où elle serait la plus nécessaire.

1.17.

La manière dont les décisions prises dans le cadre de RDIE s’agencent avec l’ordre juridique de l’UE suscite de vives préoccupations afférentes au TUE et au droit constitutionnel. Les tribunaux d’arbitrage privé ont qualité pour rendre des décisions qui ne sont pas conformes au droit de l’Union ou portent atteinte à la CDF. Pour cette raison, le CESE estime qu’il est absolument essentiel que la conformité du RDIE avec le droit de l’Union fasse l’objet d’un contrôle par la CJUE dans le cadre d’une procédure formelle de demande d’avis, avant que les institutions compétentes n’arrêtent leur décision et avant que n’entre provisoirement en vigueur tout AII négocié par la CE.

Recommandations

1.18.

Si l’on entend trouver une solution générique pour régler les différends en matière d’investissements, celle-ci ne saurait se fonder sur un timide réaménagement du système actuel de RDIE, qui ne bénéficie que d’un faible soutien du public.

1.19.

Alors que tous les États du G7 sont engagés dans des négociations avancées sur des accords globaux de commerce et d’investissement, une occasion unique se présente de trouver un système crédible qui allie les intérêts légitimes des investisseurs et les droits des États.

1.20.

Si la solution réside dans une autorité unitaire, celle-ci ne devrait pas être composée d’avocats privés et elle devrait être plus accessible aux PME et prévoir un droit de recours.

1.21.

Le CESE invite instamment la CE à examiner les propositions de réforme de RDIE présentées par la CNUCED et conclut que la mise en place d’un tribunal international de l’investissement constitue la meilleure solution pour garantir un système à la fois démocratique, juste, transparent et équitable.

2.   Introduction

2.1.

En adoptant son avis REX/390 (1), à une majorité écrasante, le CESE a décidé d’élaborer un avis d’initiative sur le RDIE. Bien que cette recommandation fût spécifique au PTCI, il a été par la suite convenu d’élargir le champ d’application à la PI et au RDIE dans les accords de commerce et d’investissement avec des pays tiers.

2.2.

Même si le présent avis étudie les implications globales du RDIE, il est inévitable qu’une grande partie du matériel utilisé et des références se rapportent au PTCI. Depuis le début des négociations sur le PTCI, la procédure de RDIE a été est une question prépondérante pour les parties prenantes européennes et américaines.

2.3.

La CE a lancé une consultation publique en ligne d’une durée de quinze semaines (de mars à juillet 2014) sur le RDIE dans le cadre du PTCI. Le CESE a estimé qu’il était judicieux d’attendre la publication des résultats de cette consultation et d’organiser ensuite une audition publique avant de finaliser son avis. Les résultats ont été publiés à la mi-janvier 2015, et l’audition a eu lieu le 3 février 2015. Ces deux éléments ont été d’une grande aide dans l’élaboration du présent avis.

3.   Contexte

3.1.    Le système

3.1.1.

Le RDIE est un instrument de droit international public qui accorde à un investisseur étranger le droit d’engager une procédure de règlement des différends à l’encontre d’un gouvernement étranger en vertu des dispositions d’un AII. Les traités ont pour objectif d’imposer aux parties certaines obligations de base en matière d’investissements étrangers, en fournissant des garanties que les pouvoirs publics respecteront certains principes fondamentaux tels que:

l’obligation de ne pas exercer de discrimination fondée sur la nationalité et de garantir un traitement juste et équitable,

l’interdiction de toute expropriation directe ou indirecte sans indemnisation rapide, adéquate et protectrice,

la protection de la possibilité de transférer des capitaux.

3.1.2.

En cas de violation alléguée de ces obligations par un État, les investisseurs étrangers couverts par l’AII peuvent recourir à l’arbitrage international au moyen du mécanisme de RDIE. Les demandeurs sont tenus de prouver que les mesures concernées leur ont causé un préjudice considérable. S’ils obtiennent gain de cause, le pays d’accueil doit les dédommager pour le préjudice subi. À la différence de ce que prévoit la PRD-OMC, l’État condamné dans une affaire n’est pas tenu de modifier sa législation.

3.1.3.

Le RDIE est fondé dans une large mesure sur l’argument selon lequel il offre une espace neutre et dépolitisé pour résoudre les différends entre les investisseurs étrangers et les États d’accueil. Il permet aux entreprises de poursuivre des États devant des tribunaux internationaux. Cette voie de recours n’est accessible qu’aux sociétés étrangères ou aux entreprises transnationales par l’intermédiaire d’une filiale transfrontalière. Les communautés touchées, les citoyens, les entrepreneurs nationaux et les gouvernements ne peuvent pas utiliser le même mécanisme.

3.1.4.

Les arbitres ne sont pas des juges titulaires de l’autorité publique comme dans les systèmes judiciaires nationaux. Les tribunaux d’arbitrage sont composés pour l’essentiel de trois juristes privés qui siègent à huis clos et sont nommés sur une base ad hoc. Leur décision est définitive et ne peut faire l’objet d’aucun recours formel.

3.1.5.

Si les deux parties au litige le souhaitent, la procédure de RDIE peut rester tout à fait confidentielle, même si le litige concerne des questions d’intérêt public. Bien que les TBI tels que les signent habituellement les États-Unis d’Amérique favorisent une transparence accrue, le secret demeure de rigueur dans de nombreux accords actuels. Les nouvelles règles du CNUDCI en matière de transparence amélioreront sensiblement cet état des choses, pour autant qu’elles soient appliquées partout.

3.2.    Faits et statistiques

3.2.1.

93 % des TBI contiennent une disposition de RDIE (2). Un mécanisme de RDIE est également prévu dans certains accords de commerce internationaux tels que l’ALENA et dans le cadre d’accords internationaux d’investissement, comme le TCE. En 2014, le TCE est devenu le traité le plus fréquemment invoqué, dépassant l’ALENA (3).

3.2.2.

Les États membres ont conclu plus de 1  400 TBI depuis les années 50, ce qui représente environ la moitié du total mondial (4). Ils contiennent tous des dispositions en grande partie similaires sur la PI et le RDIE. Les investisseurs de l’UE seraient les principaux utilisateurs de RDIE dans le monde (50 % du nombre total d’affaires).

3.2.3.

L’UE négocie actuellement le PTCI avec les États-Unis et un accord général de libre-échange avec le Japon, tandis qu’elle a récemment conclu des négociations avec le Canada. Cet élément plus que tout autre a suscité un vaste débat public sur la nécessité d’un mécanisme de RDIE dans un chapitre consacré aux investissements.

3.2.4.

Seuls neuf États membres de l’UE ont des TBI avec les États-Unis (la Bulgarie, la Croatie, la République tchèque, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Roumanie et la Slovaquie), sept États membres ont conclu un traité de ce genre avec le Canada et aucun avec le Japon. Chacun de ces instruments est antérieur à l’adhésion à l’UE.

3.2.5.

Les IDE détenus par les investisseurs américains dans ces neuf États membres équivalent à 1 % du total des IDE des États-Unis dans l’UE. Les flux sortants d’IDE de ces États membres vers les États-Unis ne représentent quant à eux que 0,1 % du stock total d’IDE aux États-Unis (5).

3.3.    Nombre de dossiers

3.3.1.

Les affaires de RDIE ont proliféré de façon spectaculaire entre 2002 et 2014 (58 en 2013 et 42 en 2014) (6), tandis que le nombre de procédures d’arbitrage fondées sur les traités s’élevait à 610 à la fin de 2014. Toutefois, étant donné que la plupart des instances d’arbitrage ne tiennent pas de registre public des recours, il est estimé que le nombre total de cas est supérieur à ces chiffres.

3.3.2.

Sur les 356 cas connus qui ont été tranchés, 25 % l’ont été en faveur de l’investisseur et 37 % en faveur de l’État. Les termes spécifiques de 28 % des cas sont restés confidentiels.

3.4.    Du temps et de l’argent

3.4.1.

Le coût moyen d’une procédure d’arbitrage est de 4 millions de dollars des États-Unis (USD) par partie, dont environ 82 % de frais de justice (7). Certaines nécessitent plusieurs années pour être menées à leur terme.

3.4.2.

Le caractère élevé de ces coûts a mené à l’augmentation du financement des recours en arbitrage par des tiers. La réduction du risque financier pour les entreprises contribue à une augmentation de recours futiles pour lesquels les États doivent cependant supporter pleinement les frais de justice. Le CESE s’oppose fermement à ce que des fonds spéculatifs puissent investir dans des procédures spécifiques de RDIE afin de bénéficier d’une partie de la compensation éventuellement accordée, comme il en a été fait état (8).

4.   Les arguments en faveur du RDIE

4.1.

À l’exception de l’Irlande, tous les EM sont liés par des TBI prévoyant un mécanisme de RDIE. Il existe également 190 TBI intra-européens, qui représentent 16 % de l’ensemble des cas de RDIE recensés dans le monde.

4.2.

L’objectif consistant à parvenir à un régime de RDIE figure dans le mandat de négociation de la CE approuvé en 2012 par les 27 EM d’alors. Ce qui est envisagé est un «mécanisme de règlement des différends efficace et de qualité élevée».

4.3.

Selon la CE (9), la procédure de RDIE est:

un outil de premier ordre pour protéger les investissements et, partant, pour promouvoir et garantir la croissance économique dans l’UE,

un moyen efficace pour faire respecter les obligations sur lesquelles nos partenaires commerciaux s’accordent avec nos investisseurs lorsqu’ils signent des traités d’investissement.

4.4.

Une table ronde organisée par le groupe des employeurs du CESE sur le TCPI s’est soldée par une déclaration commune (10) comme suit: «Un accord international tel que le PTCI devrait créer les conditions qui permettront à l’avenir d’attirer des investissements conséquents sur le marché transatlantique. Les investisseurs jouiront notamment d’un vaste accès au marché et d’un traitement non discriminatoire de part et d’autre de l’Atlantique. Il s’agira également d’améliorer la politique actuelle en matière de PI, y compris le RDIE, en le rendant plus accessible aux PME et en trouvant le juste équilibre entre, d’une part, les droits des investisseurs et, d’autre part, le droit des États et des autorités locales de légiférer dans l’intérêt du public». La nécessité de veiller à ce que les dispositions du PTCI relatives au RDIE n’entravent en rien la capacité des États membres de l’UE à légiférer dans l’intérêt de leur population figurait aussi dans les conclusions d’une réunion conjointe organisée en juin 2014 sur le thème des négociations transatlantiques, par les catégories «Agriculteurs» et «Consommateurs & Environnement».

4.5.

La nécessité d’un mécanisme de RDIE est fermement soutenue par les milieux des entreprises de part et d’autre de l’Atlantique, qui y voient une garantie fondamentale pour les investisseurs étrangers. Ils font valoir:

qu’il s’agit d’un élément vital de la protection des investissements, qui prévoit un mécanisme de règlement des litiges neutre et fondé sur les faits, assorti de règles visant à promouvoir le respect des accords et éviter les recours abusifs,

qu’il contribue à établir le droit des États de légiférer et le droit des investisseurs d’être protégés par le droit international.

4.6.

Ces mêmes entreprises font également valoir que la procédure de RDIE est une solution de dernier recours et qu’elle n’est utilisée que dans les cas extrêmes, lorsque toutes les autres possibilités ont échoué, et que près de 90 % des TBI n’ont jamais donné lieu à un recours de la part des investisseurs. En outre, alors que le volume d’IDE au niveau mondial est supérieur à 25  000 milliards d’USD, il n’y a eu que quelque 500 cas depuis 1987. Le fait d’obtenir gain de cause devant un tribunal arbitral n’engendre qu’une réparation pécuniaire. Les arbitres n’ont pas la possibilité de modifier la législation ou les mesures adoptées par les États (11).

4.7.

Par ailleurs, les entreprises font également valoir qu’un système fonctionnel et moderne de RDIE est important aussi pour les PME, qui sont à l’origine de 22 % des recours intentés dans le monde (12).

4.8.

En dépit des appels lancés par le monde des entreprises en faveur de la conclusion d’un accord libéral en matière d’investissements (13), il est reconnu que des mesures devraient être prises afin de faire du RDIE un instrument plus efficace, moderne, prévisible et transparent. Il plaide pour des définitions plus claires de notions importantes telles que «investisseur/investissement», «traitement juste et équitable» et «expropriation indirecte» (14).

4.9.

Compte tenu de la très grande visibilité des négociations sur le PTCI, l’AECG et sur un ALE entre l’UE et le Japon, il est fait valoir que si l’on ne parvient pas à un accord négocié à ce niveau, cela sera particulièrement néfaste pour les perspectives de négociation d’un RDIE dans tout autre TBI, dès lors que chaque accord aura une incidence sur ceux qui sont en préparation.

5.   Préoccupations et opposition

5.1.

Le RDIE ne bénéficie pas du même soutien dans d’autres pans importants de la SC. Toutefois, il existe un large consensus sur le fait que les investisseurs étrangers doivent être protégés contre l’expropriation directe, ne pas faire l’objet de discriminations et avoir accès aux mêmes possibilités que celles dont jouissent les investisseurs nationaux.

5.2.

Les syndicats, les organisations non gouvernementales (ONG), les organisations de consommateurs ainsi que les organisations de protection de l’environnement et de la santé publique sont vivement opposés au partenariat transatlantique.

5.3.

La préoccupation principale porte sur le fait que le système de RDIE ne serait pas adapté à son objectif et qu’il confère aux capitaux transnationaux un statut juridique équivalent à celui d’un État souverain. Le Comité relève cependant que lorsque deux États souhaitent promouvoir leurs relations économiques mutuelles au moyen d’un AII, chacun promettra à l’autre de garantir certains degrés de traitement des investisseurs et des investissements en provenance de l’autre État.

5.4.

À partir de débuts modestes, lorsque le RDIE visait à ce que les IDE soient indemnisés en cas d’expropriation directe de propriété privée par les gouvernements nationaux de pays en développement au système judiciaire dysfonctionnel, il s’est transformé en un mécanisme qui:

modifie de façon fondamentale l’équilibre du pouvoir entre les investisseurs, les États et les autres parties concernées,

donne la priorité aux droits des entreprises par rapport au droit des gouvernements de légiférer et au droit souverain qu’ont les nations de déterminer la marche de leurs affaires.

5.5.

L’expropriation s’est étendue jusqu’à inclure les mesures d’effet équivalant à une expropriation, l’expropriation indirecte et l’expropriation réglementaire. Il en résulte que des recours sont acceptés contre toute mesure publique susceptible d’avoir une incidence sur les bénéfices, les bénéfices futurs ou les bénéfices qu’il est raisonnable d’escompter, même si la politique ou la mesure attaquée revêt un caractère général et ne s’applique pas spécifiquement à un investissement.

5.6.

Des arrêts défavorables des tribunaux nationaux ont été attaqués au motif qu’ils constituaient des «expropriations». Le géant pharmaceutique américain Eli Lilly, par exemple, réclame 500 millions de dollars canadiens (CAD) au Canada, arguant que des arrêts de la Cour fédérale concernant deux médicaments brevetés constituent une violation des droits des investisseurs. C’est la première fois qu’une société pharmaceutique tente d’utiliser les privilèges extraordinaires prévus par des accords commerciaux conclus par le gouvernement des États-Unis pour faire en sorte qu’un monopole résultant d’un brevet bénéficie d’une protection accrue (15).

5.7.

Des cabinets d’avocats d’entreprise spécialisés jouent aujourd’hui un rôle de conseil et exploitent des cas qui n’ont que peu à voir avec l’expropriation de la propriété privée. Un petit nombre de cabinets spécialisés dans le droit des investissements surfent sur ce tsunami contentieux et dominent le marché.

5.8.    Le RDIE est-il nécessaire dans le PTCI?

5.8.1.

Dans le cadre du PTCI, il est difficile d’affirmer que les investisseurs ont des raisons de s’inquiéter des systèmes juridiques nationaux. L’UE et les États-Unis disposent de systèmes juridiques matures et robustes. Il n’y a pas de raison évidente pour que les droits des investisseurs étrangers ne puissent être adéquatement protégés par l’inclusion dans l’accord d’une simple règle de protection juridique non discriminatoire et d’égalité d’accès aux tribunaux nationaux. Des arguments analogues peuvent être avancés dans le cas du Canada et du Japon. Lorsqu’il s’avère difficile de faire valoir dans ces démocraties très avancées les droits internationaux par la négociation, la médiation ou les tribunaux nationaux, il conviendrait alors de résoudre le litige en premier lieu par un règlement intervenant entre États.

5.8.2.

La LSE estimait dans un rapport d’analyse du modèle de TBI américain de 2012 que, «dans certains domaines significatifs, les TBI des États-Unis vont au-delà de ce que prévoit la législation du Royaume-Uni. Pour ces raisons et au vu de l’ampleur des investissements américains au Royaume-Uni, nous croyons qu’il existe un risque important de coûts politiques pour le Royaume-Uni si de futures orientations politiques devaient être abandonnées ou modifiées en raison d’objections de la part d’investisseurs américains au Royaume-Uni».

5.8.3.

On ne peut légitimement prétendre que l’absence de mécanisme de RDIE est un frein aux investissements en provenance de l’étranger. Leur volume varie fortement d’un État de l’UE à l’autre. Certains des États membres de l’UE dont le TBI avec les États-Unis prévoit une procédure de RDIE figurent parmi ceux qui reçoivent le moins d’investissements en provenance des États-Unis:

le volume des IDE entre les États-Unis et l’Union européenne s’élève actuellement à plus de 2  500 milliards d’USD (1  500 milliards d’EUR), toutes directions confondues. La Belgique accueille à elle seule plus de quatre fois d’IDE provenant des États-Unis que la Chine,

le Brésil, pays d’Amérique latine qui reçoit le plus d’IDE, n’a pas d’accords d’investissement prévoyant de RDIE,

l’Australie a montré qu’un pays peut valablement exclure la protection des investissements d’un accord commercial avec un pays (États-Unis) et l’intégrer dans un accord avec un autre pays (Corée). Il n’y a aucune raison pour que l’UE ne puisse elle aussi procéder de la sorte.

5.8.4.

Il est extrêmement douteux que l’absence d’un mécanisme de RDIE dans le PTCI aurait pour effet d’affaiblir la possibilité pour l’UE d’inclure ou non un tel mécanisme dans de futurs accords bilatéraux d’investissement et accords d’investissement avec des pays non membres de l’OCDE tels que la Chine. La Chine a d’ores et déjà tissé une toile dense comptant plus de 130 TBI (notamment avec 26 États membres). La Chine souhaite tout autant que l’UE parvenir à un accord. Ce que l’on est en revanche en droit de se demander, c’est s’il serait dans l’intérêt de l’UE de permettre aux entreprises d’État chinoises, qui sont pour l’essentiel une extension du gouvernement chinois, d’utiliser le RDIE pour s’opposer aux politiques publiques. Cela permettrait à un pays étranger d’utiliser ce qui est censé être une procédure commerciale pour s’engager dans une problématique qui devrait être résolue par la voie de la négociation et de la diplomatie.

5.8.5.

Un rapport détaillé publié en mars 2015 par le Centre d’études de la politique européenne, le Centre pour les relations transatlantiques et l’Université Johns Hopkins parvenait à la conclusion que «[...] l’introduction d’un chapitre relatif à la protection des investissements dans le cadre du PTCI assorti du RDIE n’est guère susceptible de procurer à l’UE des avantages politiques et économiques significatifs. Notre analyse suggère également que l’insertion de telles dispositions entraînerait des coûts économiques et politiques considérables pour l’UE. Quand bien même il importe de ne pas exagérer l’ampleur de ces coûts éventuels, notre analyse d’ensemble révèle qu’il est hautement probable que ceux-ci soient supérieurs à tout éventuel avantage pour l’UE. Par conséquent, nous indiquerions, à moins que le RDIE ne s’accompagne d’importantes concessions de la part des États-Unis qui permettraient de compenser les coûts qu’il entraîne, qu’il serait prudent pour l’Union européenne d’envisager d’autres solutions» (16).

5.9.    La scène politique actuelle

5.9.1.

L’Afrique du Sud, la Bolivie, l’Équateur, le Venezuela et l’Indonésie ont commencé à annuler ou à supprimer progressivement les TBI qu’ils avaient conclus. L’on rapporte que l’Inde serait également en train de revoir ses traités et, à la suite de l’affaire Philip Morris, l’Australie a annoncé qu’elle s’opposerait à l’avenir à l’insertion d’une clause de RDIE dans quelque accord que ce soit.

5.9.2.

La Conférence nationale des législateurs, qui représente l’ensemble des organes parlementaires des 50 États fédérés des États-Unis, a annoncé (17) qu’elle «n’approuvera pas d’accord commercial qui comporte une clause de règlement des litiges entre investisseurs et États», parce que celle-ci porte atteinte à leur «capacité, en tant que législateurs des États, à arrêter et à appliquer des règles équitables et non discriminatoires pour protéger la santé publique, la sécurité et le bien-être, garantir la santé et la sécurité des travailleurs et protéger l’environnement».

5.9.3.

La résistance au RDIE s’intensifie également en Europe, l’Allemagne, la Grèce, la France et l’Autriche exprimant leurs doutes concernant les droits des investisseurs dans le cadre du PTCI.

5.9.4.

En la matière, le Parlement européen a tiré un coup de semonce lorsque les membres de son influente commission INTA ont appelé à ne plus faire figurer de dispositions sur le RDIE dans le PTCI.

5.9.5.

Le Comité des régions souligne avec force que les mécanismes de RDIE applicables aux relations entre l’UE et les États-Unis, qui contournent les juridictions ordinaires, comportent des risques significatifs et qu’à ce titre il les juge superflues (18).

5.9.6.

Cet état d’esprit reflète celui des très nombreuses OSC européennes opposées au RDIE dans le cadre du PTCI. L’un des arguments essentiels est la faculté dont dispose un investisseur de former encore un recours devant un tribunal d’investissement même après avoir recouru au système juridictionnel interne et obtenu un jugement définitif. Ce tribunal d’investissement agit alors en ressort ultime; du point de vue de la démocratie, une telle situation est considérée comme une hérésie.

6.   La consultation publique de la Commission sur la protection des investisseurs et le RDIE dans le cadre du PTCI

6.1.

Le CESE se félicite de la décision de la Commission de lancer une consultation publique sur le RDIE dans le cadre du PTCI. Si l’on omet les doublons, cette consultation a recueilli 1 43  053 réponses, chiffre qui prouve tout l’intérêt qu’y attache le public. Le document de travail des services de la Commission publié en janvier 2015 fournit une analyse approfondie de la teneur et de la substance de cette réaction du public (19).

6.2.

Cette consultation s’appuyait sur un texte de référence fondé sur l’AECG. Il est fâcheux que ce dernier projet d’accord, tout comme celui avec Singapour, n’ait pas fait l’objet d’une consultation publique. Cependant, le fait même de n’utiliser comme base d’une consultation publique le texte de l’AECG, dont la négociation est achevée, qu’à partir du moment où ce texte est définitif a suscité certaines inquiétudes selon lesquelles cette consultation publique ne serait guère plus qu’un fait accompli et ne viserait qu’à entériner la nouvelle génération d’accords d’investissement proposés par l’UE. Cette crainte a été attisée par le fait que le document de consultation s’attachait avant tout aux modalités et ne prévoyait aucune question spécifique portant sur le principe même de l’insertion du RDIE dans le PTCI. Toutefois, cette consultation visait à consulter les parties prenantes sur les manières d’améliorer le RDIE dans le cadre du PTCI.

6.3.

Cette consultation n’a guère ajouté d’éléments nouveaux à la pléthore d’informations déjà disponibles issues du vif débat public mené en ligne sur le RDIE. Elle a néanmoins constitué un exercice d’une très grande utilité en permettant de lier entre eux les différents volets de l’argumentation et en donnant l’occasion à la société civile d’apporter une contribution directe.

6.4.

Il est regrettable que certains défenseurs du RDIE n’aient fait que peu de cas des 97 % de réponses présentées collectivement au moyen de diverses plates-formes en ligne. De telles réponses collectives constituent un élément légitime dans le cadre d’une consultation publique. Le CESE se félicite de l’assurance de la CE selon laquelle «toutes les réponses ont été prises en considération sur un pied d’égalité».

6.5.

Le CESE relève que moins de 1 % des participants ont déclaré être des investisseurs aux États-Unis, mais il estime qu’il n’y a pas là sujet à préoccupation. Sur des questions telles que la démocratie et le droit souverain des États à déterminer la marche de leurs affaires, la contribution et l’avis de la société civile fondés sur une large base constituent des éléments essentiels et indispensables.

6.6.

La CE a mis en évidence quatre domaines pour lesquels il conviendrait d’étudier des améliorations supplémentaires:

la protection du droit à légiférer,

la mise en place et le fonctionnement des tribunaux d’arbitrage,

les liens entre les systèmes judiciaires nationaux et la procédure de RDIE,

la révision des décisions prises dans le cadre de la procédure de RDIE au moyen d’un mécanisme d’appel.

Ils sont évoqués de manière détaillée dans le document de réflexion intitulé «Les investissements dans le cadre du PTCI et au-delà — Le processus de réforme», présenté par Mme Malmström, membre de la Commission, au Parlement européen et au Conseil en mai 2015.

6.7.

Le CESE est surpris d’apprendre que, lors de la réunion consacrée au dialogue avec la société civile qui s’est tenue le 18 mai, il a été confirmé que le modèle de protection des investisseurs actuellement repris dans le cadre des négociations en vue d’un ALE avec le Japon n’est autre que celui qui a été instauré dans l’AECG. Étant donné que dans son document de réflexion intitulé «Les investissements dans le cadre du PTCI et au-delà — Le processus de réforme», présenté au Parlement européen le 6 mai, la commissaire a identifié de nombreux domaines dans lesquels de nouvelles améliorations pourraient être apportées au texte de l’AECG, le Comité s’inquiète que celui-ci demeure le fondement des négociations menées avec un partenaire international aussi important que le Japon.

7.   Le droit à légiférer

7.1.

Le CESE est préoccupé de la contribution du Forum européen des services à la consultation publique, contribution qui appelle à réduire au minimum les exceptions et les restrictions et demande à la CE «d’utiliser le mandat de négociation que lui confère le traité de Lisbonne en vue d’améliorer et de renforcer, et non de diluer» le RDIE. Ces demandes prévoient notamment «des clauses sans réserve de la nation la plus favorisée et de traitement national; une clause sans réserve de traitement juste et équitable; une large clause de protection, l’absence d’exception pour des secteurs particuliers, l’absence de mécanismes de filtrage, une indemnisation intégration pour toute expropriation directe ou indirecte»  (20).

7.2.

L’on recourt de plus en plus fréquemment au RDIE dans le but de contourner les systèmes juridiques nationaux et d’intenter des actions contre les gouvernements auprès de tribunaux internationaux de droit privé, en réclamant des contribuables une indemnisation du fait de politiques d’intérêt public qui porteraient prétendument atteinte aux bénéfices. Ce phénomène se manifeste tout particulièrement dans les domaines de la santé et de la protection de l’environnement.

7.3.

De récentes affaires très médiatisées ont renforcé l’opposition au RDIE:

Philip Morris contre l’Australie sur l’emballage des cigarettes, où le cigarettier fait valoir qu’il a été spolié de la valeur de ses investissements dans des marques commerciales et d’autres droits de propriété intellectuelle.

Sur la base des dispositions du traité sur la charte de l’énergie, Vattenfall tente d’obtenir de l’Allemagne plus de 3,7 milliards d’USD à la suite de la décision de cet État de sortir progressivement du nucléaire.

Lone Pine contre le Canada, pour un montant de 250 millions de CAD après que la province du Québec a imposé un moratoire sur la fracturation hydraulique du fait de préoccupations environnementales.

Veolia contre l’Égypte, pour la décision de cette dernière d’augmenter le salaire minimal et dont l’entreprise estime qu’elle est de nature à porter atteinte à ses bénéfices.

La Libye a été condamnée à verser 935 millions d’USD à une société koweïtienne pour avoir annulé un projet dans le secteur du tourisme, au titre du manque à gagner découlant de possibilités réelles et certaines (21). L’investisseur n’avait engagé que 5 millions d’USD dans ce projet dont les travaux de construction n’ont jamais commencé.

La Roumanie a été poursuivie par Micula pour un investissement que ce dernier avait réalisé avant que cet État n’adhère à l’Union européenne, et pour lequel il avait bénéficié d’une incitation du gouvernement en faveur des entreprises. Lorsque la Roumanie est entrée dans l’UE, elle a mis fin à son programme d’incitation, afin de se conformer aux règles en matière d’aides d’État. Le Tribunal a accordé une indemnisation d’un montant de 1 16  000 USD, majoré des intérêts (soit un total estimé à 2 50  000 USD), du fait du non-respect des obligations posées par le traité bilatéral d’investissement. En 2014, la DG Concurrence a enjoint à titre conservatoire à la Roumanie de ne pas verser cette somme dans la mesure où celle-ci serait considérée comme une aide d’État illégale. Nonobstant, les arbitres ont autorisé Micula à poursuivre sa procédure d’indemnisation devant les tribunaux des États-Unis, au moyen d’une clause de renvoi à la convention de New York.

7.4.

Les traités d’investissement interdisent toute restriction au rapatriement des fonds ou des bénéfices. Les gouvernements ne peuvent pas imposer de contrôles sur les capitaux pour mettre un terme aux attaques contre leurs monnaies ni restreindre les flux de capitaux spéculatifs («fébriles») lors d’une crise, alors même que le FMI considère que ces contrôles constituent une mesure politique essentielle. Aucun État n’a été frappé plus durement que l’Argentine par une affaire de RDIE, puisque celle-ci a dû verser plus de 500 millions d’USD à la suite de sa décision en 2002 de décrocher le peso du dollar.

7.5.

Le chapitre 11 de l’AECG sur le «Commerce transfrontalier des services» prévoit certes des exclusions pour les services publics, mais ces derniers ne bénéficient d’aucune exemption ou exclusion au titre du chapitre 10 («Investissement»). S’il apparaît légitime, en principe, de protéger les investisseurs contre des actes arbitraires des pouvoirs publics nationaux, la définition de la notion d’«expropriation», et tout particulièrement celle d’«expropriation indirecte», suscite des inquiétudes quant à la capacité des États à reprendre à leur compte, pour des motifs légitimes de politique publique, certaines activités exercées actuellement par des entités commerciales. L’«expropriation» au sens du chapitre 10 recouvre toute disposition législative qui a pour effet de réduire la valeur des entreprises privées. Son indemnisation doit refléter les «pertes réelles». Une telle disposition serait alors prohibitive sur le plan économique pour les États qui souhaiteraient éventuellement reprendre à leur compte la fourniture de services.

7.6.

L’AECG admet que la définition de l’expropriation indirecte est trop large et le paragraphe 3 de son annexe X.11 s’emploie à clarifier la question en citant les buts de politiques publiques qui ne constitueraient pas une expropriation indirecte, tels que la santé, la sécurité ou encore l’environnement. Il est néanmoins à craindre que cette disposition puisse être interprétée dans un sens limitatif, laissant d’autres grands objectifs de politique publique, tels que la politique économique, la politique budgétaire ou la renationalisation des services essentiels, à la merci de recours au titre d’une expropriation indirecte dans le cadre du RDIE. Il est indispensable de clarifier cette question.

7.7.

En annonçant son intention d’empêcher les investisseurs de recourir au RDIE de manière abusive, la CE déclare qu’elle «souhaite inclure des dispositions visant à décourager les recours futiles»  (22) dans le cadre du PTCI. Le projet d’AECG prévoit également une procédure rapide pour rejeter les recours infondés et futiles. Il sera toutefois extrêmement difficile de définir strictement le terme «futile» au sens strictement juridique et une telle définition peut ouvrir la voie à l’enrichissement d’un terreau déjà fertile pour les juristes spécialistes des investissements.

7.8.

Le projet d’AECG prévoit également une définition étroite du «traitement juste et équitable». Les adversaires du RDIE considèrent qu’elle est trop large, alors que le milieu des entreprises en déplore le manque de souplesse. Elle laisse encore une marge d’interprétation au Tribunal et elle ne prévoit pas de mécanisme souple de révision.

7.9.

La simple menace d’une procédure dans le cadre du RDIE peut susciter une frilosité règlementaire qui dissuade les gouvernements de réglementer dans l’intérêt public de peur des litiges et des sanctions qui en résultent. Par exemple, dans l’attente de la décision dans l’affaire Philip Morris contre l’Australie, le gouvernement néo-zélandais a suspendu sa propre loi sur le conditionnement neutre du tabac.

7.10.

Dans une note d’information, le cabinet d’avocats Freshfiels Bruckhaus Deringer indique à l’intention de sa clientèle internationale que «les entreprises sont aujourd’hui plus attentives à l’importance que peuvent revêtir les traités d’investissement, car ces derniers constituent non seulement leur ultime protection en cas de problème, mais aussi un important instrument d’atténuation du risque initial lors du lancement des investissements».

7.11.

Bien que la CE se soit engagée à faire en sorte, dans le cadre des futurs accords de commerce ou d’investissement de l’UE, qu’il soit impossible de contraindre un État à abroger une mesure, cet engagement ne tient pas compte des effets possibles de la menace d’une amende considérable une fois engagée une action en justice dont l’enjeu est une somme de plusieurs milliards de dollars.

7.12.

Le projet d’AECG prévoit également que la partie qui succombe supporte les coûts de l’arbitrage. Cela signifie que ceux qui soumettent des recours manifestement dénués de fondement seront tenus de payer tous les dépens. Toutefois, en comparaison des gains possibles, les montants colossaux sur lesquels portent nombre des recours les plus récents ne constitueront probablement pas un obstacle pour des sociétés multinationales gorgées de liquidités et pour des cabinets d’avocats spécialisés. En revanche, un coût moyen de 4 millions d’USD par partie ne peut que dissuader les PME lorsqu’il s’agit de soumettre un recours au titre des dispositions relatives au RDIE.

8.   Mise en place et fonctionnement de tribunaux d’arbitrage

8.1.

Le système existant est décrit dans la troisième partie ci-avant. Dans le cadre de la consultation, cette question a suscité de vives inquiétudes.

De manière générale, l’on s’accorde sur l’impossibilité de maintenir le RDIE sous sa forme actuelle.

8.2.    Les arbitres d’investissement

8.2.1.

Pour chaque différend, chaque partie désigne son arbitre et toutes deux doivent s’accorder sur le troisième; si elles n’y parviennent pas, c’est en général une autorité de désignation qui en décide. Ce n’est pas le cas des juges nationaux, auxquels les affaires sont attribuées en l’absence de toute intervention des parties. Le plus souvent, ces arbitres sont issus du CIRDI ou de la CNUDCI et sont d’éminentes sommités de la profession juridique. L’on trouve parmi eux des juristes expérimentés, des professeurs et d’anciens juges. Contrairement à la pratique en vigueur à l’OMC, il ne semble pas que des avocats des gouvernements en matière de RDIE ou des négociateurs des traités d’investissement aient été choisis comme arbitres d’affaires impliquant d’autres États.

8.2.2.

Comme l’a constaté le Corporate Europe Observatory (CEO) (23), nombre d’entre eux ont également agi en tant qu’avocats dans d’autres affaires: 50 % auprès des investisseurs et 10 % auprès des États. Certains vont jusqu’à considérer que cette transmutation des rôles au sein d’un groupe assez restreint (15 avocats ont agi en qualité d’arbitre dans 55 % de l’ensemble des affaires) (24) produit une solidarité de corps qui peut aboutir à des «compromis malsains» (25). Une augmentation des récusations des arbitres proposés par les parties en litige est un symptôme des inquiétudes pesant sur l’impartialité du groupe de candidats (26).

8.3.

Bien que nombreux soient ceux qui reconnaissent que les dispositions de l’AECG relatives au choix et à la conduite des arbitres et au déroulement de la procédure apportent des améliorations de certains aspects, il est manifeste que ces dispositions ne recueillent pas un large soutien au sein de la société civile. De graves inquiétudes planent sur la constitution et le fonctionnement des tribunaux d’arbitrage:

Les propositions des États pour légiférer dans l’intérêt général pourraient toujours faire l’objet d’une demande d’indemnisation dont sera saisi un aréopage de trois juristes privés.

Les garanties apportées en matière de conflits d’intérêts sont faibles et ne contribuent guère à apaiser les craintes qu’il soit impossible d’y remédier dans le cadre d’un système de RDIE. L’article X.25 de l’AECG de l’accord prévoit que les arbitres se conforment aux lignes directrices de l’Association internationale du barreau (International Bar Association) sur les conflits d’intérêts dans l’arbitrage international. Cette disposition ne résout cependant pas le problème fondamental qui se pose lorsque des personnes données agissent en qualité d’avocat ou d’arbitre pour la même partie dans différentes affaires, et qui constitue ainsi le principal conflit d’intérêts.

Le projet d’AECG prévoit que le règlement de la CNUDCI sur la transparence s’applique à la divulgation de renseignements au public et que les audiences sont ouvertes à ce dernier. Cet effort de transparence, séduisant à première vue, est fortement modéré par le large pouvoir d’appréciation dont dispose le tribunal pour tenir les audiences à huis clos et pour ne pas divulguer les documents.

9.   Liens entre les systèmes judiciaires nationaux et la procédure RDIE

9.1.

Actuellement, les investissements directs étrangers (IDE) jouissent d’un droit presque unique grâce auquel une personne peut traduire un État devant un tribunal d’arbitrage en vertu du droit international. Le droit international des droits de l’homme confère des droits spécifiques, mais afin principalement d’éviter le contournement des systèmes juridiques nationaux, les particuliers sont tenus d’épuiser les voies de recours en droit interne avant de pouvoir soumettre un recours devant une juridiction internationale. L’AECG n’exige pas d’épuiser les voies de recours nationales. Les investisseurs sont uniquement tenus de demander des consultations.

9.2.

Les États membres ont fait état de leurs préoccupations en matière de droit des traités et de droit constitutionnel concernant le RDIE tel qu’il se présente dans le cadre de l’AECG et tel qu’il est envisagé pour le PTCI (27). Jusqu’à présent, les améliorations proposées du RDIE dans la cadre des traités bilatéraux d’investissement n’ont pas permis de répondre à ces préoccupations (28). Dans le cadre de sa politique commerciale (articles 205 et 207 du TFUE), l’UE est tenue par les principes énoncés à l’article 3 du TUE, par la CDF de l’Union européenne et par d’autres normes juridiques de l’Union.

Toutefois, dans le cadre d’un accord commercial qui prévoit le règlement de litiges relatifs aux investissements au moyen de procédures internationales d’arbitrage, lesquelles ne sont pas tenues de se conformer aux mêmes principes, il est possible d’aboutir à des décisions qui ne sont pas conformes au droit de l’Union (voir point 7.3: affaire Micula contre Roumanie).

9.3.

Il est possible que cette délégation de juridiction à des tribunaux d’arbitrage qui ne sont pas tenus de respecter les principes de l’UE ne soit pas couverte par le traité de Lisbonne et constitue un dépassement sensible de pouvoirs. La CJUE a conditionné la mise en place d’une telle juridiction internationale au respect du principe de l’autonomie du système juridique de l’UE et de l’ordre des compétences fixé par les traités (29).

9.4.

Puisque le RDIE du PTCI doit être établi dans le cadre d’un accord mixte, il est nécessaire de recueillir le consentement des parlements de chacun des 28 États membres avant qu’il n’entre en vigueur (à titre provisoire). Il convient de faire valoir le principe de subsidiarité en lien avec l’exclusion des juridictions nationales.

9.5.

Il convient de reconnaître ici l’existence d’une tension entre le droit de l’UE et le droit international, s’agissant notamment du monopole de juridiction de la CJUE (article 19 du TUE et article 263 et suivants du TFUE). L’avis de la CJUE sur l’adhésion de l’UE à la convention européenne des droits de l’homme (30) et l’approche de la CE qui réclame la suprématie du droit de l’UE dans l’affaire Micula contre Roumanie constituent des éléments de preuve à cet égard. L’article 14.16 du projet d’AECG empêche ce dernier d’avoir un effet direct et requiert l’incorporation de ses dispositions dans le droit de l’Union ou des États membres afin d’être invoquées par les investisseurs. Cette disposition complique encore les relations entre l’ordre juridique de l’Union et les affaires de RDIE jugées par les tribunaux arbitraux.

9.6.

S’agissant d’établir le tout premier mécanisme de RDIE dans les traités de libre-échange de l’UE dont l’incidence se fait sentir à l’échelle mondiale sur les États membres et de nombreux citoyens de l’UE, le CESE est d’avis qu’il est absolument indispensable que la CJUE en examine au préalable la conformité avec le droit de l’Union. Cela importe tout particulièrement s’agissant des valeurs fondamentales de l’UE et de la CDF, mais aussi du monopole de la CJUE sur l’interprétation juridique et de la subsidiarité. Par conséquent, il convient d’obtenir un avis juridique et d’en tenir compte avant l’entrée en vigueur de l’accord et aussi dès avant son application provisoire (article 218 du TFUE). À cet égard, il convient de noter que, si l’AECG entre en vigueur, il prévoit une clause de survie qui, dans le cas d’une éventuelle dénonciation, en proroge les dispositions pendant les vingt années qui suivent en ce qui concerne les investissements effectués avant ladite dénonciation.

9.7.

La CE doit très rapidement étudier la manière de traiter les TBI existants entre États membres de l’UE et ceux liant ces derniers avec des pays tiers, en particulier avec des pays développés tels que les États-Unis ou le Canada, qui prévoient des mécanismes de RDIE non réformés et qui peuvent actuellement être utilisés pour contester le droit des États à réglementer et à mener des politiques publiques légitimes. La plupart de ces accords sont également assortis de clauses de survie, qui compliquent davantage encore le processus servant à y mettre fin.

10.   Mécanismes d’appel

10.1.

Il est manifestement ressorti de la consultation publique qu’il existe un large soutien de la SC à des mécanismes d’appel; ce soutien a été réaffirmé à l’occasion de l’audition publique du CESE.

10.2.

L’AECG ne prévoit pas de système d’appel. Toutefois, il ouvre la possibilité de créer un tel système. L’AECG prévoit de futures consultations à venir sur les systèmes et modalités d’appel. Cette perspective d’«une carotte, mais seulement demain» permet de minimiser l’importance que revêt cette question. Il convient de la résoudre d’urgence.

10.3.

En principe, le jugement d’un tribunal est définitif et il ne saurait être révisé ou annulé que dans des circonstances très exceptionnelles (31). La disposition à l’examen est fort éloignée de tout système juridique national et ne permet pas de répondre aux préoccupations essentielles exprimées dans le cadre de la consultation.

11.   Comment réformer le système de RDIE?

11.1.

La CNUCED a défini cinq options de réforme du système de RDIE:

adapter le système actuel au moyen d’accords internationaux d’investissement,

limiter l’accès des investisseurs au système de règlement des différends,

promouvoir les méthodes de règlement extrajudiciaire des différends,

établir un mécanisme de recours,

créer un tribunal international permanent de l’investissement.

11.2.

Le CESE estime que ces options méritent d’être étudiées plus en détail. La CE a travaillé sur les quatre premières options tout en définissant une nouvelle approche de la protection des investissements et du RDIE dans le cadre de l’accord économique et commercial global et des projets d’accords entre l’UE et Singapour. L’exercice de consultation a démontré que subsistent des préoccupations fortement ancrées dans les esprits. Le Comité estime que l’idée de créer un tribunal international de l’investissement constitue la meilleure voie pour progresser, car elle permettrait dans une large mesure d’assurer la légitimité et la transparence du système et accroîtrait la cohérence des interprétations et la précision des décisions. Dans ce contexte, le CESE se félicite de la déclaration de la commissaire chargée du commerce devant la commission INTA le 18 mars dernier, selon laquelle «un tribunal multilatéral constituerait une utilisation plus efficace des ressources et disposerait de davantage de légitimité».

11.3.

Le CESE considère toutefois qu’il n’y pas de perspective viable d’avancer si l’on mène en parallèle des négociations sur le RDIE dans le cadre du PTCI et simultanément l’option à moyen terme d’un tribunal international de l’investissement. Si l’on parvient à s’accorder dans le cadre du PTCI, il est fort probable que celui-ci devienne une sorte de «mètre étalon» et mine toute perspective de rallier des soutiens en faveur d’un tribunal international. La situation est encore compliquée par l’absence dans le PTCI de références croisées automatiques avec l’AECG. Il importe de souligner que les négociations sur l’AECG sont achevées et qu’il n’existe aucune garantie que le gouvernement canadien accepte d’y intégrer la moindre modification convenue par ailleurs dans le cadre du PTCI.

11.4.

En adoptant la stratégie actuelle, la Commission européenne risque d’être confrontée à la perspective que sa première tentative de négocier une protection des investissements puisse se traduire par trois systèmes différents vis-à-vis du Canada, des États-Unis et de Singapour. D’autre part, la Commission ne pourrait parvenir à mettre en place un système uniforme qu’à l’issue de très difficiles négociations. Le CESE est d’avis qu’il serait alors pratiquement impossible d’obtenir le soutien nécessaire pour recentrer les efforts en vue de créer un tribunal international.

11.5.

Le CESE conclut donc qu’au moment précis où de grands acteurs mondiaux tels que le Canada, les États-Unis et le Japon sont tous engagés simultanément dans de nouvelles discussions sur le commerce et l’investissement, il se présente une occasion unique de parvenir à un tribunal international de l’investissement. Le Comité estime en outre que cette situation constitue également la meilleure occasion de gagner les pays en développement, où il est assurément bien davantage nécessaire de protéger les investissements, à l’idée d’un nouveau système à l’échelle mondiale.

Bruxelles, le 27 mai 2015.

Le président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  Avis du CESE sur «Les relations commerciales transatlantiques et le point de vue du CESE sur l’amélioration de la coopération et un éventuel accord de libre-échange entre l’UE et les États-Unis», JO C 424 du 26.11.2014, p. 9.

(2)  OCDE (2012), ISDS: a scoping paper for the investment policy community (RDIE: document d’orientation pour les acteurs des politiques en matière d’investissements) (en anglais).

(3)  CNUCED, «Recent trends in IIAs and ISDS — No 1», février 2015 («Tendances récentes en matière d’AII et de RDIE — no 1) (en anglais), http://unctad.org/en/PublicationsLibrary/webdiaepcb2015d1_en.pdf

(4)  Notice accompagnant la consultation publique relative au RDIE dans le PTCI.

(5)  CNUCED, «ISDS Information Note on the US and EU».

(6)  Voir note de bas de page no 3.

(7)  E (SN/EP/6777), 10 décembre 2013.

(8)  Centre de recherche du Parlement européen, «ISDS and prospects for reform» («RDIE et perspectives de réforme») (en anglais) http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/BRIE/2015/545736/EPRS_BRI(2015)545736_REV1_EN.pdf

(9)  CE — Fiche d’information sur le RDIE — paragraphe 2, 3 octobre 2013.

(10)  CESE — Table ronde sur les affaires — Déclaration commune sur le PTCI, 16 décembre 2014.

(11)  BusinessEurope, «ISDS — Overview of BusinessEurope position», février 2015 («RDIE — Aperçu de la position de BusinessEurope») (en anglais).

(12)  Idem et EUROCHAMBRES, Document de synthèse — «Views and priorities for the negotiations with the US for a TTIP», 6 décembre 2013 («Points de vue et priorités pour les négociations avec les États-Unis en vue d’un PTCI») (en anglais).

(13)  Transatlantic Business Council, «Comments of the TBC regarding the proposed TTIP», 10 mai 2013 («Observations du TBC concernant le PTCI proposé») (en anglais).

(14)  BusinessEurope, «TTIP — An Indispensable Tool to Protect Investors», 2 mai 2014; «ISDS — Overview of BusinessEurope position», février 2015 («RDIE — Aperçu de la position de BusinessEurope») (en anglais).

(15)  https://www.citizen.org/eli-lilly-investor-state-factsheet (en anglais).

(16)  «Transatlantic Investment Treaty Protection» («Protection par le traité des investissements transatlantiques»), publié simultanément sur les sites internet du CEPS (www.ceps.eu) et du CTR (http://transatlantic.sais-jhu.edu).

(17)  http://www.citizen.org/documents/State-Legislators-letter-on-Investor-State-and-TPP.pdf (en anglais).

(18)  Voir l’avis du Comité des régions adopté en février 2015 sur le «Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI)», dossier ECOS-V-063.

(19)  Voir: http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2015/january/tradoc_153044.pdf (en anglais).

(20)  Réponse du Forum européen des services (European Services Forum — ESF) à la consultation publique sur le RDIE, 20 juin 2014.

(21)  Voir http://www.iisd.org/itn/2014/01/19/awards-and-decisions-14/ (en anglais).

(22)  Fiche d’information de la CE sur le RDIE, 3 octobre 2013.

(23)  Le Corporate Europe Observatory (Observatoire des entreprises en Europe — CEO) est un groupe à but non lucratif de recherche et de pression qui mène des activités de recherche et publie des rapports sur les activités de lobbying des entreprises à l’échelon de l’Union européenne (http://corporateeurope.org/).

(24)  SRPE, «RDIE: état des lieux et perspectives de réforme», 21 janvier 2014.

(25)  Document de travail de l’OCDE sur l’investissement international no 2012/3, p. 44 et 45 (disponible en anglais).

(26)  CNUCED, Reform of ISDS — In Search of a Roadmap — Issues Note No 2 («Réforme du règlement des différends: à la recherche d’une feuille de route»), juin 2013, p. 4.

(27)  Avis juridiques: Andreas Fischer-Lescano: «Europa- und verfassungsrechtliche Vorgaben für das Comprehensive Economic and Trade Agreement der EU und Kanada (CETA)» («Les dispositions en droit de l’UE et en droit constitutionnel pour l’Accord économique et commercial global (AECG) entre l’UE et le Canada»), Brème, octobre 2014; Markus Krajewski: «Modalities for investment protection and Investor-State Dispute Settlement (ISDS) in TTIP from a trade union perspective» («Les modalités de protection des investissements et du règlement des différends entre investisseurs et États dans le cadre du PTCI du point de vue des syndicats»), Université Friedrich-Alexander, Erlangen-Nürnberg, FES octobre 2014; Siegfried Broß: «Freihandelsabkommen, einige Anmerkungen zur Problematik der privaten Schiedsgerichtsbarkeit» («Accords de libre-échange: quelques observations sur la question de l’arbitrage privé»), Rapport sur la promotion de la cogestion («Mitbestimmungsförderung») no 4, H. Böckler Stiftung, 2015.

(28)  «CETA: “verkaufte Demokratie”» («AECG: “démocratie à l’encan”»), Observatoire européen des entreprises.

(29)  CJUE, avis 1/91 du 14 décembre 1991 — EEE 1; avis 1/00 du 18 avril 2002 — EAEC; avis 1/09 du 8 mars 2011 — Juridiction du brevet.

(30)  CJUE, avis 2/13 du 18 décembre 2013.

(31)  Article 52 de la convention du CIRDI.


ANNEXE

à l’avis du Comité économique et social européen

Le contravis suivant, qui a recueilli plus du quart des suffrages exprimés, a été repoussé au cours des débats.

Supprimer l’entièreté du texte de l’avis et le remplacer par ce qui suit:

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Les investissements directs étrangers (IDE) sont d’importants contributeurs à la croissance économique et à l’emploi. Les entreprises qui investissent dans un autre État prennent ipso facto un risque spécifique, mais il est nécessaire de protéger les entrepreneurs étrangers contre un traitement disproportionné et abusif de la part de l’État qui a accueilli leurs investissements, qu’il prenne la forme d’une expropriation directe, d’une discrimination fondée sur la nationalité ou encore d’un traitement inégal et injuste par rapport aux investisseurs nationaux. Il importe de disposer d’un mécanisme impartial en cas de différend. Les investissements s’inscrivent souvent sur le très long terme et la situation politique des États qui les accueillent est susceptible de changer.

1.1.1.

Un accord international d’investissement (AII) entre deux États (ou régions) relève du droit international. Pour qu’il produise des effets, un mécanisme efficace, équilibré et international de règlement des différends est nécessaire.

1.1.2.

Toutefois, la plupart des AII prévoient un mécanisme de règlement des différends où une entreprise et un État d’accueil se retrouvent face à face dans le cadre de la procédure de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE) (1). Ce dernier revêt un caractère rétroactif. À la différence de ce que prévoit la procédure de règlement des différends de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’État condamné dans une affaire n’encourt que le versement d’une indemnisation. Il n’est pas contraint d’abroger les dispositions législatives visées. L’investissement ne relève pas de la compétence de l’OMC, suite à son retrait de l’ordre du jour du cycle de Doha en 2003.

1.2.

L’UE est à la fois le principal pourvoyeur et destinataire d’investissements internationaux. L’investissement revêt un intérêt crucial pour les entreprises de l’UE, y compris les petites et moyennes entreprises (PME). Le Comité se félicite par conséquent de la position de la Commission (2), selon laquelle le RDIE constitue:

un outil de premier ordre pour protéger les investissements et, partant, pour promouvoir et garantir la croissance économique dans l’UE,

un moyen efficace pour faire respecter les obligations sur lesquelles nos partenaires commerciaux s’accordent avec nos investisseurs lorsqu’ils signent des traités d’investissement.

1.2.1.

Une table-ronde organisée par le groupe des employeurs du CESE sur le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI) est parvenue à la conclusion suivante (3): “Un accord international tel que le PTCI devrait créer les conditions qui permettront à l’avenir d’attirer des investissements conséquents sur le marché transatlantique. Les investisseurs jouiront notamment d’un vaste accès au marché et d’un traitement non discriminatoire de part et d’autre de l’Atlantique. Il s’agira également d’améliorer la politique actuelle en matière de PI, y compris le RDIE, en le rendant plus accessible aux PME et en trouvant le juste équilibre entre, d’une part, les droits des investisseurs et, d’autre part, le droit des États et des autorités locales de légiférer dans l’intérêt du public”.

1.3.

L’accord commercial entre l’UE et le Canada (AECG), qui doit être encore ratifié, comprend un long chapitre consacré à la protection des investissements qui prévoit des dispositions relatives au RDIE. Ce dernier, ainsi que le chapitre sur l’investissement de l’accord de libre-échange entre l’UE et Singapour (4), est le premier accord sur l’investissement qui ait été jamais négocié par l’UE depuis que le traité de Lisbonne lui a donné en 2009 compétence en matière d’investissement. Il a été ainsi possible de répondre dans une large mesure aux préoccupations subsistantes; néanmoins, le RDIE doit encore évoluer plus avant.

1.4.

Mis à part le principe de la “nation la plus favorisée” et la couverture que prévoit normalement la Commission pour traiter d’indemnisation en cas de guerre, de révolution, etc., le Comité demande instamment de restreindre la protection des investisseurs dans le cadre d’un AII, et donc la possibilité de recourir au RDIE, à la couverture de quatre protections essentielles, à savoir:

interdire les discriminations fondées sur la nationalité de l’investisseur,

prévoir une norme minimale de traitement, généralement décrit comme “juste et équitable”,

fournir une indemnisation rapide, adéquate et effective en cas d’expropriation (non discriminatoire et dans le respect du droit),

autoriser le transfert de fonds en lien avec l’investissement concerné.

1.5.

Au fil du temps, le recours au RDIE a donné lieu à un certain nombre de pratiques abusives ou perçues comme telles, qu’il convient maintenant de traiter. Le RDIE doit être actualisé. Le Comité accueille favorablement les quatre domaines nécessitant un examen plus approfondi sur le plan de la protection des investissements et du RDIE, tels que recensés par la Commission en janvier 2015 à l’issue de sa consultation publique consacrée à la protection des investissements et au RDIE dans le contexte du PTCI, à la suite de l’inclusion du RDIE dans le mandat de négociation accordé à l’unanimité par les États membres.

1.5.1.

Ces domaines couvrent:

la protection du droit des États à légiférer,

la mise en place et le fonctionnement des tribunaux d’arbitrage,

la révision des décisions prises dans le cadre de la procédure de RDIE au moyen d’un mécanisme d’appel;

les liens entre la procédure de RDIE et les systèmes judiciaires nationaux.

1.5.2.

Le Comité juge essentiel de protéger effectivement le droit des États à légiférer et de lever toutes les ambiguïtés qui pourraient subsister. Comme indiqué dans l’avis du Comité sur le PTCI (5), “il est essentiel que les éventuelles dispositions du PTCI relatives au RDIE n’entravent pas la capacité des États membres de l’UE à légiférer dans l’intérêt du public”. Les précédents AII ont été rédigés en tenant compte avant tout de la nécessité de protéger les investissements. Tant l’AECG que l’accord conclu avec Singapour ont ajusté les définitions clés de manière à éviter les interprétations injustifiées et prévoient spécifiquement le droit à légiférer dans leur préambule. Le CESE considère qu’une disposition de ce type doit à présent être incluse dans le corps du texte de tout accord, sous la forme d’un article spécifique.

1.5.3.

Il est essentiel que les arbitres des juridictions de RDIE soient totalement impartiaux et ne puissent être exposés à des conflits d’intérêt. Le Comité insiste sur le fait qu’ils doivent être sélectionnés à partir d’une liste établie préalablement par les parties à l’accord concerné et qu’ils doivent disposer de qualifications claires, à savoir, notamment, être qualifiés pour exercer une fonction judiciaire et disposer d’une expertise avérée dans les domaines concernés du droit international.

1.5.4.

Un mécanisme d’appel est également essentiel — une procédure judiciaire sans droit d’appel est en effet, à juste titre, extrêmement rare, bien qu’il en existe dans les AII actuels. Le CESE constate que les directives de négociation originales relatives au PTCI évoquaient un mécanisme d’appel. La conception d’un tel mécanisme, et notamment les modes de désignation des membres, leurs qualifications et leur rémunération ainsi que les éventuels délais, revêtira une importance capitale. Elle doit tenir compte des erreurs de droit et des erreurs de fait. Il convient de s’interroger à un stade précoce sur la possibilité de transformer un mécanisme bilatéral en mécanisme multilatéral, à l’image peut-être de l’organe d’appel de l’OMC. Tout mécanisme de ce type entraînera des coûts supplémentaires, qui devraient également être pris en considération.

1.5.5.

Les liens entre la procédure de RDIE et les systèmes judiciaires nationaux seront plus difficiles à résoudre. Les AII sont des accords internationaux, et les tribunaux nationaux n’ont pas nécessairement compétence pour interpréter les questions de droit international. Si même le meilleur système est susceptible de faillir, les doubles plaintes devraient être interdites. Les parties en présence potentielles devraient soit faire un choix définitif au début de la procédure, soit perdre le droit de se tourner vers les tribunaux nationaux à partir du moment où ils recourent au RDIE.

1.6.

Un tribunal international multilatéral est la solution à plus long terme. Il doit être constitué en parallèle avec le développement du RDIE dans le PTCI et ailleurs. Il est impératif de conserver une certaine forme de protection internationale des investisseurs durant les négociations relatives à un tel organe international et lors de sa mise sur pied.

1.6.1.

Il importe de garantir une masse critique en faveur de l’établissement d’un tribunal international en tant qu’objectif à long terme pour le règlement des différends en matière d’investissements. Pour être largement accepté, un tel mécanisme d’appel international devrait être constitué par consensus, d’où la nécessité de faire face aux problèmes connexes qu’il pourrait rencontrer, comme les ont rencontrés toutes les nouvelles institutions internationales, dont le Tribunal pénal international.

1.6.2.

Le CESE met en garde contre l’idée selon laquelle, dès lors que tous les membres du G7 participent actuellement à des négociations relatives à des AII, il y aurait lieu que ces pays entreprennent séparément, par eux-mêmes, la mise sur pied d’un tribunal international. Une masse critique ne pourra être atteinte que si un éventail bien plus large de pays sont dès le début associés à une telle initiative, la porte restant ouverte pour que d’autres pays y adhèrent à mesure qu’elle suscite leur intérêt.

1.6.3.

Entre-temps, le CESE recommande que l’UE et les États-Unis s’orientent vers un mécanisme bilatéral de règlement des différends en matière d’investissements dans le cadre du PTCI.

2.   Toile de fond

2.1.

Le Comité relève que, lorsque deux États souhaitent promouvoir leurs relations économiques mutuelles au moyen d’un accord international d’investissement, chacun s’engagera à garantir à l’autre certains degrés de traitement des investisseurs et des investissements en provenance de l’autre État. Ces engagements, souscrits volontairement, doivent ensuite être soumis à l’ensemble de la procédure nationale de ratification. Ils ne privilégient en aucune manière les intérêts des entreprises par rapport au droit des gouvernements de règlementer ainsi. Dans l’intérêt de l’État de droit, il est toutefois nécessaire que les gouvernements soient tenus par les garanties qu’ils fournissent.

2.2.

Le Comité reconnaît que, bien que les États en négociation veillent à insérer des dispositions destinées à protéger leurs entreprises contre tout acte de discrimination de leurs partenaires commerciaux, il n’est pas réaliste pour une société qui s’estime lésée d’escompter que tout litige la concernant soit automatiquement porté au plan interétatique, plaçant ainsi cette question sur un plan politique ou diplomatique.

2.2.1.

Si les entreprises devaient compter sur l’UE pour qu’elle porte les différends à un niveau interétatique, très rares seraient les cas à bénéficier de ce traitement, et les petites entreprises auraient peu de probabilités de faire entendre leur voix. Vraisemblablement ne recenserait-on pas beaucoup de différends entre deux régimes juridiques démocratiques matures, mais si la procédure de règlement des différends d’État à État devait devenir la norme, le nombre de cas potentiels serait appelé à croître, ce qui aurait des implications majeures pour les ressources des États.

2.2.2.

Comme l’a souligné la commissaire Malmström elle-même (6) dans le cadre des négociations sur le PTCI, le droit international ne peut être invoqué devant les tribunaux américains, et aucune loi américaine n’interdit les discriminations à l’encontre des investisseurs étrangers. Dans d’autres pays, les tribunaux nationaux pourraient être moins fiables.

2.2.3.

Les investissements ne sont pas identiques aux échanges commerciaux. Dans un litige commercial, il incombe clairement à un État de prendre les choses en main. De tels litiges portent souvent sur une catégorie de produits, comme les bananes, les panneaux solaires ou les textiles: le dumping est une question cruciale au niveau de la procédure de règlement des différends dans le cadre de l’OMC.

3.   L’évolution du RDIE

3.1.

Même si le nombre de cas (7) de RDIE reste faible dans l’ensemble, l’utilisation qui est faite de ce mécanisme a considérablement augmenté depuis 2002. Cette augmentation est proportionnelle à l’augmentation globale des IDE dans le monde, qui en 2013 dépassaient 25  000 milliards de dollars des États-Unis. Les investisseurs européens ont lancé quelque 50 % de l’ensemble des recours depuis 2002. Un nombre considérable d’entre eux ont été introduits par des petites entreprises ou des entreprises spécialisées (8). Il est important que toute procédure réformée de RDIE soit plus facile d’accès pour les PME.

3.1.1.

Sur 356 cas connus qui ont été tranchés, 25 % l’ont été en faveur de l’investisseur et 37 % en faveur de l’État. Les autres ont fait l’objet d’un règlement à l’amiable (9).

3.2.

Des questions soulevées, à juste titre ou non, par l’issue de plusieurs cas de RDIE à l’échelle mondiale, dont certains sont encore pendants, ont suscité la préoccupation au sein de pans de plus en plus importants de l’opinion publique dans l’Union européenne, menée par les syndicats, les ONG et d’autres organisations, l’inclusion d’un chapitre sur les investissements et le RDIE dans le PTCI rencontrant une opposition croissante.

3.3.

Sans réforme du RDIE et l’inclusion d’un chapitre relatif aux investissements dans le PTCI, le Comité note que des arrangements antérieurs, tels que prévus dans les 1  400 traités bilatéraux d’investissement (TBI) négociés individuellement par des États membres (à l’exception de l’Irlande), et notamment ceux précédemment conclus par neuf États membres avec les États-Unis, garderaient évidemment toute leur validité.

Résultat du vote

Voix pour:

94

Voix contre:

191

Abstentions:

25


(1)  Des dispositions relatives au RDIE figurent dans quelque 93 % des plus de 3  250 AII signés à ce jour, bien que cette procédure n’ait été utilisée que dans le cadre de moins de 100 d’entre eux, soit moins de 3 %.

(2)  CE — Fiche d’information sur le RDIE — paragraphe 2, 3 octobre 2013.

(3)  CESE — Table ronde sur les affaires — Déclaration commune sur le PTCI, 16 décembre 2014.

(4)  Cet accord doit encore être ratifié et est susceptible de recours juridictionnel devant la CJUE pour déterminer s’il constitue ou non un accord mixte qui requerrait l’approbation du parlement de chaque État membre.

(5)  Avis du CESE sur “Les relations commerciales transatlantiques et le point de vue du CESE sur l’amélioration de la coopération et un éventuel accord de libre-échange entre l’UE et les États-Unis”, adopté le 4 juin 2014 (JO C 424 du 26.11.2014, p. 9).

(6)  Parlement européen, 6 mai.

(7)  610 cas à la fin 2014.

(8)  La chambre de commerce de Stockholm indique que sur les 100 recours environ menés à leur terme entre 2006 et 2011, quelque 22 % ont été introduits par des PME; la Confédération allemande de l’industrie signale également qu’environ 30 % des recours introduits par des entreprises allemandes l’ont été par des PME.

(9)  CE — Fiche d’information sur le RDIE, 3 octobre 2013.


III Actes préparatoires

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

508e session plénière du CESE des 27 et 28 mai 2015

8.10.2015   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 332/64


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal»

[COM(2015) 135 final — 2015/0068 (CNS)]

et la «Proposition de directive du Conseil abrogeant la directive 2003/48/CE du Conseil»

[COM(2015) 129 final — 2015/0065 (CNS)]

(2015/C 332/07)

Rapporteur général:

M. Petru Sorin DANDEA

Le 31 mars 2015, le Conseil de l’Union européenne a décidé, conformément à l’article 115 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal»

[COM(2015) 135 final — 2015/0068 (CNS)]

et la

«Proposition de directive du Conseil abrogeant la directive 2003/48/CE du Conseil»

[COM(2015) 129 final — 2015/0065 (CNS)].

Le 17 mars 2015, le Bureau du Comité a chargé la section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale» de préparer les travaux du Comité en la matière.

Compte tenu de l’urgence des travaux, le Comité économique et social européen a décidé, au cours de sa 508e session plénière des 27 et 28 mai 2015 (séance du 27 mai 2015), de nommer M. Petru Sorin DANDEA rapporteur général, et a adopté le présent avis par 148 voix pour, 11 voix contre et 15 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE accueille favorablement la proposition de directive présentée par la Commission européenne, par laquelle celle-ci poursuit la mise en œuvre des mesures contenues dans le plan d’action visant à lutter contre la fraude et l’évasion fiscales (1).

1.2.

Le CESE se déclare favorable à ce que les informations concernant les décisions fiscales anticipées en matière transfrontière et les accords préalables en matière de prix soient incluses dans le cadre du mécanisme d’échange automatique et obligatoire d’informations réglementé par la directive 2011/16/UE du Conseil, dans la mesure où elles sont utilisées, dans certaines situations, par les entreprises exerçant des activités transnationales pour mettre en place des structures qui produisent une érosion de la base d’imposition dans les États membres et nuisent à l’efficacité du marché intérieur.

1.3.

Le CESE se déclare opposé à l’évasion fiscale licite qui, sans avoir un caractère illicite, constitue néanmoins une pratique immorale dans la mesure où elle permet aux entreprises qui y ont recours de payer, en termes absolus, des taxes beaucoup moins élevées que les particuliers ou les petites et moyennes entreprises.

1.4.

Le CESE estime que les mesures prévues dans le projet de directive peuvent conduire à une réduction sensible des pertes de recettes des États membres et, en conséquence, il recommande de les adopter dans les meilleurs délais.

1.5.

Les informations relatives aux décisions fiscales anticipées et aux accords préalables en matière de prix sont très importantes et peuvent aider les États membres à repérer les transactions artificielles. Le CESE attire toutefois l’attention sur le fait qu’il peut s’avérer difficile, dans de nombreux cas, de qualifier juridiquement une transaction comme artificielle. Dès lors, il recommande aux États membres de s’efforcer de transposer le plus correctement possible les dispositions figurant dans le projet de directive.

1.6.

Le CESE recommande à la Commission européenne d’intensifier ses efforts de négociation au niveau de l’OCDE afin que la norme EBITB (érosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices) soit adoptée et qu’elle inclue les dispositions figurant dans le projet de directive. La norme EBITB et la norme de l’OCDE en matière d’échange automatique et obligatoire d’informations constitueront les instruments les plus utiles pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscales à l’échelle mondiale.

1.7.

Le CESE se félicite de la proposition avancée par la Commission d’abroger la directive 2003/48/CE du Conseil sur la fiscalité des revenus de l’épargne («directive sur la fiscalité de l’épargne»). La directive 2014/107/UE du Conseil, qui a modifié la directive 2011/16/UE du Conseil, couvre tous les produits financiers, y compris ceux qui sont visés par la directive sur la fiscalité de l’épargne. Cette proposition d’abrogation vise à éviter que deux normes soient appliquées parallèlement et permet une simplification des réglementations.

2.   Propositions de la Commission

2.1.

Le 18 mars 2015, la Commission européenne a présenté trois documents (2) visant la mise en œuvre de mesures prévues dans le plan d’action pour renforcer la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales (3). Le premier document, COM(2015) 135 final, est une proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2011/16/UE relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal. Le deuxième est la communication COM(2015) 136 final, qui présente les progrès réalisés dans le domaine de la transparence fiscale ainsi que les mesures envisagées par la Commission pour l’augmenter. Le troisième document, COM(2015) 129 final, est une proposition de directive du Conseil abrogeant la directive 2003/48/CE (directive sur la fiscalité des revenus de l’épargne, dite «directive sur la fiscalité de l’épargne»).

2.2.

Par la proposition de directive modifiant la directive 2011/16/UE, la Commission entend que soit assurée une coopération administrative globale et efficace entre les administrations fiscales en mettant en place un échange automatique et obligatoire d’informations concernant les décisions fiscales anticipées en matière transfrontière et les accords préalables en matière de prix utilisés par les entreprises. Ces pratiques peuvent concourir, dans certains cas, à instaurer un faible taux d’imposition dans l’État membre ayant délivré la décision et peuvent ainsi avoir pour conséquence de diminuer considérablement le montant des revenus restant à imposer dans les autres États membres concernés.

2.3.

La proposition de directive du Conseil abrogeant la directive 2003/48/CE du Conseil (directive sur la fiscalité des revenus de l’épargne, dite «directive sur la fiscalité de l’épargne») répond à une nécessité, étant donné qu’à la suite de l’adoption, le 9 décembre 2014, de la directive 2014/107/UE du Conseil modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal, qui met en œuvre dans la législation européenne la norme mondiale d’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers, elle couvrira également l’épargne, à côté des autres catégories de revenus. C’est la raison pour laquelle il convient d’abroger la directive sur la fiscalité de l’épargne, afin d’éviter que deux normes soient appliquées parallèlement, ce qui induirait aussi une charge administrative supplémentaire et disproportionnée pour les entreprises.

2.4.

Quant à elle, la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur la transparence fiscale pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscales présente les progrès qui ont été réalisés dans la mise en œuvre des mesures contenues dans le plan d’action visant à lutter contre la fraude et l’évasion fiscales. La Commission y présente aussi les mesures qui pourraient être mises en œuvre à l’avenir.

3.   Observations générales

3.1.

En avançant un projet de directive modifiant la directive 2011/16/UE relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal, la Commission poursuit la mise en œuvre des mesures contenues dans le plan d’action visant à lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, qu’elle a présenté à la fin de 2012 à la demande du Conseil européen. Dans son avis afférent (4), le CESE avait salué la présentation dudit plan et exprimé son soutien à la Commission dans sa lutte contre ces pratiques qui affectent le marché intérieur.

3.2.

Le projet de directive entend faire entrer dans les catégories d’information soumises à l’échange automatique et obligatoire celles qui concernent les décisions fiscales anticipées en matière transfrontière et les accords préalables en matière de prix de transfert. Ces décisions sont souvent demandées par les entreprises aux administrations fiscales afin d’obtenir la confirmation que leurs activités commerciales sont légales. En soi, les décisions fiscales ne constituent pas un problème et sont utilisées par de nombreux États membres. Toutefois, elles sont parfois utilisées par les entreprises pour mettre en place des structures leur permettant de payer moins d’impôts, ce qui produit une érosion de la base d’imposition dans les États membres et nuit à l’efficacité du marché intérieur. Le CESE se déclare favorable à ce que ces informations entrent dans la catégorie de celles soumises à l’échange automatique et obligatoire, dans la mesure où elles sont nécessaires aux États membres dans le cadre des efforts qu’ils développent pour lutter contre la planification fiscale agressive.

3.3.

Les modifications préconisées par la Commission permettront aussi aux États membres de repérer les éventuelles structures mises en place par les entreprises qui conduisent à une érosion des assiettes fiscales nationales, par exemple en pratiquant des prix de transfert leur permettant de bénéficier d’un faible taux d’imposition des revenus dans des pays distincts de l’État membre où ces revenus ont été réalisés. Le CESE s’est à plusieurs reprises déclaré opposé à ces pratiques qui, sans avoir un caractère illicite, sont néanmoins immorales dans la mesure où elles incitent les États membres à augmenter le niveau d’imposition des petits contribuables, qu’il s’agisse d’entreprises ou de personnes physiques, lesquels finissent, en termes absolus, par payer davantage de taxes que les grandes entreprises.

3.4.

La Commission reconnaît que l’évasion fiscale licite ainsi que la fraude et l’évasion fiscale illicite présentent une importante dimension transfrontière, ces phénomènes étant favorisés par la mondialisation et la mobilité accrue des contribuables. Le CESE estime que les mesures prévues dans le projet de directive peuvent conduire à une réduction sensible des pertes de recettes des États membres et, en conséquence, il recommande de les adopter dans les meilleurs délais.

3.5.

Le fait d’inclure l’épargne dans les catégories de revenus soumises à l’échange automatique et obligatoire d’informations régi par la directive relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal est de nature à simplifier le régime réglementaire tout en augmentant la transparence du processus d’imposition. Le CESE est favorable au projet de directive abrogeant la directive 2003/48/CE du Conseil (directive sur la fiscalité des revenus de l’épargne, dite «directive sur la fiscalité de l’épargne»), dont le champ d’application est repris et étendu dans la directive 2014/107/UE du Conseil qui a modifié la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal.

4.   Observations spécifiques

4.1.

La planification fiscale agressive qui est encouragée par certaines entreprises exerçant des activités transnationales est responsable de pertes budgétaires pour les États membres, de l’ordre de centaines de milliards d’euros par an. Le CESE est favorable à ce que tant les décisions fiscales anticipées que les accords préalables en matière de prix arrêtés par les administrations nationales soient intégrés dans la catégorie des informations devant être soumises à l’échange automatique et obligatoire régi par l’article 8, paragraphe 5, point a), de la directive 2011/16/UE; il estime en outre que cette modification est une étape nécessaire pour augmenter la transparence fiscale et lutter contre ce phénomène négatif.

4.2.

Le fait que les États membres, selon les dispositions de la proposition de directive, auront accès aux informations relatives aux deux types de décisions ne garantit pas pour autant que les structures utilisées par les entreprises pour éviter de payer les taxes seront éradiquées. Dans la plupart des cas, ces structures exploitent les lacunes des législations nationales ou les asymétries entre ces dernières. Le CESE préconise que la Commission et les États membres poursuivent la tâche de simplifier et d’harmoniser le cadre juridique existant, au niveau européen comme au niveau national.

4.3.

Les informations relatives aux décisions fiscales anticipées et aux accords préalables en matière de prix sont très importantes et peuvent aider les États membres à repérer les transactions artificielles. Grâce à la mise en œuvre de la règle anti-abus générale, que prévoit la directive 2011/96/UE (directive concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents), les États membres pourront récupérer les pertes de recettes d’impôts subies à la suite d’une transaction artificielle. Le CESE attire toutefois l’attention sur le fait qu’il peut s’avérer difficile, dans de nombreux cas, de qualifier juridiquement une transaction comme artificielle.

4.4.

Le CESE réitère la proposition qu’il a avancée dans un précédent avis selon laquelle les États membres devraient établir une procédure pour interdire l’accès aux fonds publics et aux fonds européens aux entreprises qui encouragent l’évasion fiscale licite, ou conduisent leurs activités via des territoires reconnus comme étant des paradis fiscaux.

4.5.

Compte tenu de l’important volume d’informations qui sera soumis à l’échange automatique et obligatoire, sachant que de nouveaux types d’informations vont s’ajouter à ceux déjà couverts par l’article 8 de la directive, le CESE recommande aux États membres de garantir les ressources humaines et les technologies de l’information nécessaires à une mise en œuvre correcte des dispositions prévues dans le projet de directive. Par ailleurs, le CESE estime nécessaire que le personnel des autorités fiscales nationales chargées de l’échange automatique et obligatoire d’informations soit formé tant à l’utilisation appropriée des formulaires qui seront établis conjointement avec la Commission et faciliteront cet échange d’informations, qu’à l’enregistrement de ces informations dans le futur répertoire central qui sera administré par la Commission.

4.6.

À la suite des modifications apportées en 2013 et sous l’effet de celles préconisées dans le projet de directive à l’examen, la directive 2011/16/UE prévoit l’échange d’informations pour tous les principaux types de revenus des personnes physiques, et plus encore des personnes morales. Cela signifie que les États membres auront à leur disposition les informations relatives aux revenus engrangés sur le territoire de l’Union européenne. Les structures mises en place par les entreprises qui encouragent la planification fiscale agressive impliquent aussi, dans bien des situations, des États ou territoires extérieurs à l’Union européenne. Dans la mesure où la proposition avancée par la Commission dans le projet de directive à l’examen est plus ambitieuse que le projet de norme EBITB (érosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices) qui est en cours de négociation au niveau de l’OCDE, le CESE recommande à la Commission et aux États membres d’intensifier leurs efforts de coopération afin que la norme EBITB et la norme en matière d’échange automatique et obligatoire d’informations deviennent véritablement des normes mondiales.

4.7.

Le CESE se félicite de la proposition avancée par la Commission d’abroger la directive 2003/48/CE du Conseil sur la fiscalité des revenus de l’épargne («directive sur la fiscalité de l’épargne»). Concrètement, comme nous l’avons expliqué, la directive 2014/107/UE du Conseil, qui a modifié la directive 2011/16/UE du Conseil, couvre tous les produits financiers, y compris ceux qui sont visés par la directive sur la fiscalité de l’épargne. L’objet de la proposition de directive à l’examen est d’éviter que deux normes soient appliquées parallèlement concernant l’échange de renseignements relatifs aux comptes financiers. De la sorte, les réglementations en matière de fiscalité se trouvent simplifiées et gagnent en transparence.

Bruxelles, le 27 mai 2015.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  COM(2012) 722 final — Plan d’action pour renforcer la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

(2)  COM(2015) 135 final — Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal.

COM(2015) 136 final — Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur la transparence fiscale pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscales.

COM(2015) 129 final — Proposition de directive du Conseil abrogeant la directive 2003/48/CE du Conseil.

(3)  COM(2012) 722 final — Plan d’action pour renforcer la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

(4)  Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — Plan d’action pour renforcer la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales» (JO C 198 du 10.7.2013, p. 34).


8.10.2015   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 332/68


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de décision du Conseil relative aux lignes directrices pour les politiques de l’emploi des États membres

[COM(2015) 098 final — 2015/0051 (NLE)]

(2015/C 332/08)

Rapporteur:

M. Carlos Manuel TRINDADE

Corapporteure:

Mme Vladimíra DRBALOVÁ

Le 10 mars 2015, le Conseil a décidé, conformément à l’article 148 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Proposition de décision du Conseil relative aux lignes directrices pour les politiques de l’emploi des États membres»

[COM(2015) 098 final — 2015/0051 (NLE)].

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 7 mai 2015.

Lors de sa 508e session plénière des 27 et 28 mai 2015 (séance du 27 mai 2015), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 109 voix pour, 9 voix contre et 4 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

La longue et persistante crise économique que connaît l’Union européenne a eu des répercussions extrêmement négatives sur les niveaux d’emploi, particulièrement sur le chômage de longue durée, provoquant la lente et difficile transition des jeunes du système scolaire vers le marché du travail, ainsi que sur les niveaux de pauvreté dans la grande majorité des États membres, malgré les efforts déployés et les mesures prises; contrairement à la convergence souhaitée des économies, les différences entre les États membres et, au sein de ces derniers, entre les régions, se sont accentuées. Le CESE estime que cette situation est inacceptable et invite la Commission, en collaboration avec les États membres, à fixer des objectifs et des modalités détaillés à court terme pour inverser cette situation.

1.2.

Le CESE constate avec satisfaction que la Commission européenne a modifié les lignes directrices pour l’emploi de 2015 de façon à refléter l’évolution récente et de combler de nombreuses lacunes économiques et sociales existantes.

1.3.

Gardant à l’esprit le fait qu’il existe une forte interaction entre les LDE et les GOPE, le CESE invite la Commission et les États membres à procéder d’urgence aux changements nécessaires dans leurs politiques économiques, financières et sociales en vue de la pleine réalisation des objectifs de la stratégie Europe 2020, en se fondant sur les réformes structurelles.

1.4.

Le CESE a accueilli favorablement le paquet «Investissement social» (1), s’est félicité du lancement de la garantie pour la jeunesse et a formulé des suggestions d’amélioration (2). Ces contributions du CESE sont toujours valables et doivent faire l’objet d’une attention particulière de la part de la Commission dans le cadre du semestre européen. Le rôle des États membres dans le renforcement de l’investissement public est essentiel pour créer des emplois, et la dimension «Emploi» dans les marchés publics doit être valorisée comme étant un critère important de sélection des offres.

1.5.

De l’avis du CESE, les nouvelles lignes directrices pour l’emploi doivent surmonter les faiblesses et donner lieu à une forte mobilisation de tous les acteurs économiques et sociaux autour de politiques adéquates et réalistes qui renforcent la croissance et la compétitivité et débouchent sur la création d’emplois, afin de mettre en œuvre la stratégie Europe 2020 (et de promouvoir la croissance intelligente, durable et inclusive qu’elle prévoit) et de parvenir à l’amélioration des conditions de vie des citoyens européens et à leur égalisation dans le progrès.

1.6.

Le CESE est vivement préoccupé par la poursuite de la politique d’austérité dans l’Union européenne qui empêche la réalisation des objectifs en matière d’emploi et de réduction de la pauvreté. Dans cette perspective, le CESE s’étonne que la Commission ignore totalement, tant dans le rapport conjoint sur l’emploi que dans les lignes directrices pour l’emploi, le danger de voir la faible inflation se transformer en déflation. Certains groupes — les jeunes, les travailleurs peu qualifiés, les chômeurs de longue durée, les femmes, les personnes handicapées, les migrants, les enfants, les Roms et les familles monoparentales — ont été tout particulièrement touchés. Le CESE estime que les lignes directrices ne reflètent pas suffisamment la nécessité de faire de la lutte contre le chômage et la pauvreté un objectif majeur, au niveau européen comme au niveau national.

1.6.1.

Le CESE estime que l’Union a échoué à créer et à offrir des possibilités d’emploi; plusieurs défis, qui exigent de toute urgence des réponses pertinentes de la part de l’Union européenne et des États membres, restent à relever:

a)

la persistance de taux de chômage élevés dans de nombreux États membres;

b)

le niveau inacceptablement élevé du chômage des jeunes;

c)

le problème alarmant du chômage de longue durée;

d)

la segmentation croissante du marché du travail et la croissance continue des contrats atypiques;

e)

la qualité médiocre des nouveaux emplois;

f)

le risque élevé d’exclusion sociale et de ségrégation, surtout en ce qui concerne les enfants, les Roms, les immigrants et les sans-abri, menant à une perte de contact avec le marché du travail et à une pauvreté accrue;

g)

l’augmentation croissante du nombre des bas salaires;

h)

les inégalités croissantes entre les États membres et à l’intérieur de chacun d’eux;

i)

la faible mobilité des travailleurs au sein de l’Union;

j)

la persistance de l’inégalité entre hommes et femmes et le risque de pauvreté plus élevé pour les femmes;

k)

la faible correspondance entre l’offre et la demande de travail du fait de l’inadéquation des compétences et le faible taux de transition école-travail;

l)

l’insuffisance de la participation des partenaires sociaux comme de la société civile aux politiques du marché du travail.

1.6.2.

Les lignes directrices devraient fixer des objectifs chiffrés pour l’emploi et la réduction de la pauvreté, lesquels devraient être complétés par des objectifs mesurables pour les groupes vulnérables. Les objectifs des États membres, tout en tenant compte des contraintes spécifiques, devraient être suffisamment ambitieux pour permettre à l’Union européenne d’atteindre les objectifs fixés pour l’ensemble de l’espace européen.

1.6.3.

De l’avis du CESE, le manque de quantification à moyen et à long terme dans les lignes directrices reflète un affaiblissement de la stratégie européenne en matière d’emploi et de pauvreté. Le transfert exclusif de la fixation d’objectifs généraux et spécifiques vers les États membres aboutira à une implication moindre de ces derniers dans les politiques en matière d’emploi et de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale.

1.6.4.

Le CESE invite la Commission à promouvoir l’économie sociale comme étant l’un des moyens d’accroître les perspectives d’accès au marché du travail pour les chômeurs et les groupes vulnérables, et recommande aux États membres d’allouer à cette fin un financement adéquat et durable.

1.6.5.

Le CESE constate avec la Commission le caractère limité de l’accès au financement des PME, qui constitue un obstacle majeur à la création d’emplois. De plus, l’évolution de la politique de la BCE ne s’est pas traduite par une amélioration des conditions d’investissement dans l’économie réelle, ce qui préoccupe le CESE et doit faire l’objet d’une attention particulière de la part de l’Union européenne et des États membres. Le potentiel de création d’emplois des PME doit être mieux exploité, grâce à l’amélioration de l’accès au financement, aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC) et aux possibilités de marché, en gardant à l’esprit le rôle des moyennes et grandes entreprises dans le cadre de ce processus.

1.6.6.

Le CESE est convaincu que le retour de la croissance dans la perspective de l’amélioration du marché du travail doit passer en premier lieu par le renforcement de la demande intérieure, et en particulier par des investissements publics importants qui servent de catalyseurs pour les investissements privés. C’est là la marche à suivre pour rapprocher l’Europe du plein emploi, objectif qui reste central pour le CESE.

1.6.7.

Le CESE considère que les aspects sociaux des marchés publics peuvent jouer un rôle primordial dans l’amélioration de la qualité des marchés du travail. Tout marché public doit comporter des dispositions qui interdisent au contractant ou à ses sous-traitants le recours à des contrats précaires, à l’autoemploi forcé ou à des délais très longs de traitement des factures.

1.6.8.

Le CESE demande instamment aux États membres d’associer plus efficacement les partenaires sociaux aux politiques de régulation du marché du travail, s’agissant en particulier de la promotion des conventions collectives, du renforcement des politiques actives du marché du travail, de la réduction de la segmentation du marché du travail et du renforcement de l’investissement en capital humain, afin de faire face aux risques sociaux et de parvenir à une plus grande inclusion sociale.

1.6.9.

Le CESE plaide en faveur de la révision du texte de la proposition de lignes directrices pour l’emploi, dans les termes suivants:

Ligne directrice no 5: ajouter dans la première phrase «[…] réduire les obstacles à l’embauche, promouvoir la stabilité de l’emploi et la qualité des emplois […]», et ajouter à la fin de cette phrase «et préconiser le recours à des investissements sociaux ambitieux visant à stimuler l’emploi».

Ligne directrice no 6: ajouter un objectif spécifique et mesurable pour la lutte contre le chômage des jeunes et une évaluation régulière de l’efficacité de l’utilisation des ressources.

Ligne directrice no 7:

Il y a lieu de se féliciter de l’association accrue des partenaires sociaux et de la société civile à la conception et à l’application de réformes pertinentes, dans le respect des pratiques nationales et de l’autonomie des partenaires sociaux nationaux.

À la fin du premier paragraphe, ajouter: «Les organismes publics doivent donner l’exemple en ce qui concerne la qualité de l’emploi, en préservant en particulier les aspects sociaux dans les marchés publics, et plus précisément le recrutement de chômeurs de longue durée et de personnes exclues du marché du travail.»

Ajouter une définition de «travail de qualité» rédigée comme suit: «Il convient de garantir des emplois de qualité en termes de rémunérations justes/adéquates, de relations de travail stables et de représentation des travailleurs, ainsi que, du point de vue de la sécurité socio-économique, […]», et modifier comme suit le titre de la ligne directrice: «Améliorer le fonctionnement des marchés du travail en vue de créer des emplois de qualité».

Ligne directrice no 8: supprimer la proposition de lien automatique établi entre l’âge légal de départ à la retraite et l’espérance de vie dans les États membres, et ajouter en revanche la nécessité de promouvoir des mesures permettant de rapprocher l’âge effectif de l’âge légal de départ à la retraite.

2.   Introduction

2.1.

Dans son examen annuel de la croissance (3), qui a donné le coup d’envoi du 5e semestre européen, la Commission recommande que la politique économique et sociale de l’Union européenne s’articule autour de trois piliers principaux en 2015: un coup de fouet coordonné à l’investissement, un engagement renouvelé en faveur des réformes structurelles et le maintien de la responsabilité budgétaire.

2.2.

En tant que partie intégrante du paquet de documents publié en même temps que l’examen annuel de la croissance, le rapport conjoint sur l’emploi (4) analyse l’évolution de la situation de l’emploi et la situation sociale en Europe sur la base de la mise en œuvre des lignes directrices pour l’emploi dans les programmes nationaux de réforme et des recommandations spécifiques par pays au niveau national.

2.3.

En 2014, la croissance du PIB a été de 1,3 % dans l’Union européenne et de 0,8 % dans la zone euro. En 2015, la croissance sera légèrement supérieure (respectivement 1,5 % et 1,1 %) et il est prévu qu’elle s’améliore en 2016 (respectivement 2,0 % et 1,7 %). Il existe des facteurs internes qui empêchent une croissance plus rapide dans l’Union européenne. Le risque persistant de faible croissance, proche de l’«inflation zéro», et d’un taux de chômage élevé est devenu une préoccupation primordiale.

2.4.

Le CESE est tout à fait d’accord avec le fait qu’un faible niveau d’investissement est un obstacle à la relance en l’Europe. Il se réjouit dès lors de l’intention de la Commission de renforcer la compétitivité et de stimuler l’investissement en faveur de la création d’emploi, mais s’il note que le «plan d’investissement pour l’Union européenne» (5) constitue un pas dans la bonne direction, il estime cependant qu’il est trop timoré, car il ignore la nécessité de lourds investissements publics, prévoit des investissements uniquement dans les infrastructures et demeure muet quant aux investissements sociaux (6). Le CESE recommande que les futurs investissements publics ne soient pas considérés comme des dépenses relevant du calcul des déficits selon les règles budgétaires de l’Union européenne et insiste sur la nécessité de nouvelles approches afin de mobiliser des ressources et de gérer de manière équilibrée l’excédent de ressources de certains États membres et les insuffisances des autres.

2.5.

Dans le présent avis, le CESE reprend les recommandations formulées dans des avis antérieurs (7), lesquelles n’ont pas reçu de la part de la Commission l’accueil qu’elles auraient mérité.

3.   Persistance d’un niveau élevé de chômage — y compris de longue durée et des jeunes —, de pauvreté et d’inégalités sociales dans l’Union européenne

3.1.

L’on trouvera dans ce chapitre les informations les plus pertinentes du rapport conjoint sur l’emploi (8) concernant la situation sociale actuelle dans l’Union européenne.

3.2.

L’Europe demeure confrontée à une situation extrêmement critique en matière de chômage  (9), caractérisée par de grandes différences entre les États membres. À l’heure actuelle, l’Union européenne compte 24,1 millions de chômeurs et les taux de chômage oscillent entre, d’une part, 4,8 % en Allemagne et 4,9 % en Autriche et d’autre part 23,7 % en Espagne et 25,8 % en Grèce.

3.2.1.

Entre le premier trimestre 2008 et le premier trimestre 2014 (10), le nombre d’emplois à temps plein a diminué de 8,1 millions, tandis que l’on assistait à un accroissement régulier du travail à temps partiel (plus de 4 millions). Il est reconnu que l’ajustement a pesé principalement sur les emplois temporaires (non-renouvellement des contrats).

3.2.2.

Le chômage de longue durée continue d’augmenter, étant passé au cours de l’année écoulée (en pourcentage du chômage total) de 45 % à 49 %. Les risques de marginalisation se sont accentués en Europe, car «dans l’Union européenne, un chômeur de longue durée sur cinq n’a jamais travaillé et, dans trois cas sur quatre, il a moins de 35 ans» (11).

3.2.3.

Les jeunes (12) et les travailleurs peu qualifiés ont été particulièrement touchés par la hausse du chômage, avec un taux près de deux fois supérieur au taux de chômage global. Le taux de chômage des jeunes varie de 7,6 % en Allemagne et 9,1 % en Autriche, d’une part, à 50,7 % en Grèce et 53,7 % en Espagne, d’autre part.

3.3.

Cette évolution des taux de chômage se reflète aussi dans le taux d’emploi de l’Union européenne, lequel reste orienté à la baisse (13), ce qui rend pratiquement inatteignable l’objectif de 75 % fixé pour 2020. L’on assiste en outre à de graves déséquilibres dans l’évolution de l’emploi entre les différents segments du marché du travail, entre les différents États membres et entre les régions des États membres.

3.3.1.

En 2013, c’est dans les États membres du sud de l’Europe que l’on enregistre les taux d’emploi les plus bas. Entre 2008 et 2013, de nombreux États membres du Sud ont connu une diminution sensible de leurs taux d’emploi, alors que certains États membres du Nord ont améliorés ou maintenu les leurs.

3.3.2.

Le taux d’emploi des jeunes (15-24 ans) entre 2008 et 2013 est passé de 37 % à seulement 32 %, soit une diminution de cinq points de pourcentage (14). Dans huit États membres, le taux d’emploi des jeunes aurait même baissé de 12 points de pourcentage, voire davantage. L’Allemagne est le seul pays à n’avoir pas connu de réduction du taux d’emploi des jeunes (47 %).

3.4.

La communication constate que le taux de risque de pauvreté et d’exclusion sociale a considérablement augmenté et que les divergences entre les États membres se sont accentuées. Entre 2008 et 2012, le nombre d’européens exposés au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale a augmenté de 9 millions, pour atteindre 25,1 % de la population. Le CESE juge inacceptable le fait que dans de nombreux pays européens, les taux de risque de pauvreté et d’exclusion sociale demeurent très élevés et se soient intensifiés ces dernières années (15).

3.4.1.

On enregistre un nombre croissant de ménages sans emploi ou à faible intensité de travail touchés par la pauvreté au travail. En 2013, environ 32 millions de personnes se trouvaient dans un dénuement matériel sévère.

3.4.2.

Le risque de pauvreté ou d’exclusion sociale des enfants a augmenté et les familles monoparentales sont confrontées à un risque de pauvreté deux fois plus important que celui des familles comprenant deux adultes (16). De même, le risque de pauvreté des ressortissants de pays tiers serait deux fois plus important que celui des citoyens des États membres (49 % contre 24 % en 2012). Environ 31 % des ménages avec trois enfants ou plus sont exposés à un risque de pauvreté ou d’exclusion sociale.

3.4.3.

Depuis 2011, les dépenses sociales ont diminué, ce qui a aggravé les conditions économiques et sociales (17). Dans certains États membres, les personnes en situation de vulnérabilité et à faible revenu continuent de rencontrer des difficultés dans l’accès aux soins de santé, en particulier en Finlande, au Portugal et en Grèce.

3.5.

La segmentation du marché du travail demeure considérable dans plusieurs États membres, ce dont témoignent notamment la proportion élevée des emplois temporaires (40 %) et à temps partiel (30 %) des jeunes, la persistance de l’écart de rémunération entre hommes et femmes et les faibles taux de transition de contrats de travail peu protecteurs vers des contrats plus favorables aux travailleurs.

4.   Observations générales relatives aux lignes directrices proposées

4.1.

Les résultats de la récente consultation publique sur la stratégie Europe 2020 (18) montrent qu’en ce qui concerne l’emploi, la R&D et la pauvreté, l’Union européenne est très loin d’avoir atteint les objectifs fixés. Les données de 2013 font état d’un taux d’emploi de 68,4 % (bien en deçà de l’objectif fixé de 75 %), d’un niveau d’investissement en R&D de 2,0 % du PIB (très éloigné de l’objectif de 3 %) et de 122 millions de personnes menacées de pauvreté et d’exclusion sociale (assez loin de l’objectif de 97 millions).

4.2.

Le CESE prend acte des progrès réalisés par la Commission dans ces lignes directrices par rapport à celles de 2010, et se félicite de l’approche davantage positive de la ligne directrice no 5.

4.3.

Dans le contexte de la persistance de la crise économique et financière et d’une reprise encore fragile, la lutte contre le chômage et la pauvreté doit être l’un des objectifs centraux de la politique de l’Union européenne et des États membres. Le CESE est d’avis que les initiatives en faveur de la surveillance du marché du travail, de la transition de l’école vers le monde du travail et de la lutte contre la pauvreté doivent être améliorées et inclure des objectifs et des mesures spécifiques pour les groupes les plus vulnérables.

4.4.

Le CESE note que les lignes directrices pour l’emploi ne comportent pas d’objectifs quantitatifs, ce qui réduit l’engagement des États membres en faveur de la réalisation d’objectifs communs pour l’emploi dans l’Union européenne. Dans nombre de ses avis, le CESE a avancé des propositions en vue de définir des objectifs mesurables, notamment en ce qui concerne l’égalité entre les sexes, l’emploi des jeunes, la lutte contre des conditions de travail dont la protection sociale est insuffisante, la lutte contre la pauvreté (y compris pour les personnes qui travaillent) ainsi que l’emploi des migrants et des personnes handicapées (19).

4.5.

Les aspects sociaux de la passation des marchés publics doivent être reconnus comme l’un des principaux moyens d’améliorer la qualité du marché du travail et de stimuler la demande de main-d’œuvre.

4.6.

La stratégie européenne pour l’emploi doit comporter des objectifs clairs en matière de réduction du chômage des jeunes, de réduction du chômage de longue durée, d’offre d’un emploi ou d’une formation aux jeunes dans un délai très court, de création de structures d’accueil adéquates permettant de concilier vie professionnelle et vie familiale, de réduction des inégalités entre les femmes et les hommes et de lutte contre la pauvreté, tout en évaluant dans le même temps l’efficacité des mesures adoptées. Les lignes directrices de 2010 n’ont que peu contribué à améliorer l’emploi et à réduire la pauvreté; cette absence de progrès justifie la nécessité pour l’Union européenne et ses États membres d’envisager d’urgence des solutions plus ambitieuses.

5.   Observations spécifiques et propositions de modification relatives aux quatre lignes directrices pour l’emploi

5.1.    Ligne directrice no 5: Stimuler la demande d’emplois

5.1.1.

Le CESE a soutenu explicitement l’objectif de l’Union européenne de porter à 75 % le taux d’emploi d’ici à 2020. Toutefois, il estime préoccupante la tendance négative constatée au cours des dernières années, laquelle rend indispensable de procéder à un changement de politiques qui permette d’atteindre l’objectif fixé.

5.1.2.

Le CESE reconnaît que le rôle de l’État et de l’investissement public est essentiel à la création d’emplois. Il préconise dès lors un effort conséquent en matière d’investissements publics, des politiques de l’emploi intelligentes et ambitieuses pour la création d’emplois, et demande que la dimension «Emploi» soit un critère important dans l’attribution des marchés publics. Les emplois «technologiques», «verts» et «blancs» et les groupes «jeunes» et «chômeurs de longue durée» doivent constituer des pôles prioritaires des lignes directrices pour l’emploi.

5.1.3.

Le CESE accueille favorablement les mesures destinées à faciliter la création d’emplois, notamment le soutien aux PME et à l’entrepreneuriat ainsi que la promotion de l’économie sociale et de l’innovation sociale, et invite dès lors l’Union européenne et les États membres à se concentrer sur ces dernières. Dans le même temps, il demande que la création d’emplois se fasse sur des bases durables. Dans cette perspective, il suggère d’ajouter à la première phrase de la ligne directrice no 5 «[…] réduire les obstacles à l’embauche, et promouvoir la stabilité de l’emploi et la qualité des emplois, […]».

5.1.4.

Depuis de nombreuses années, le CESE considère qu’il y a lieu de misier sur la recherche et le développement, la formation, les infrastructures, la santé et les services sociaux, afin de créer de l’emploi et de générer davantage de croissance économique. À cet égard, le CESE souligne les multiples incidences positives de l’investissement social sur l’emploi et préconise de faire de la promotion de l’investissement un élément clef de la révision des lignes directrices intégrées (20).

5.1.5.

S’agissant de la fiscalité, le CESE recommande des changements qui diminuent la charge fiscale qui pèse sur le travail, à condition qu’ils ne remettent en cause ni les niveaux de protection sociale, ni les autres dépenses sociales, qu’il y a lieu par ailleurs d’améliorer. Tous les revenus doivent dûment contribuer à financer la sécurité sociale. Il sera dès lors nécessaire d’envisager d’autres sources de recettes pour compenser cette réduction (par exemple, les ressources propres de l’Union européenne (21), la taxation des transactions financières et les taxes sur les propriétés et les sociétés).

5.1.6.

Le CESE convient avec la Commission de la nécessité de promouvoir le dialogue social et les conventions collectives, en tenant compte des spécificités nationales et dans le respect de l’autonomie des partenaires sociaux. La fixation de salaires minimaux nationaux et l’augmentation des bas salaires contribuent positivement à l’augmentation de la demande intérieure et de la réduction de la pauvreté.

5.2.    Ligne directrice no 6: Améliorer l’offre d’emploi et les qualifications

5.2.1.

Le CESE réitère qu’une politique visant à créer des emplois de qualité et comportant des objectifs ambitieux en matière d’éducation, de formation professionnelle et d’apprentissage tout au long de la vie apporte une contribution considérable à la croissance et à l’augmentation de la productivité. Il se félicite dès lors de la priorité que la Commission accorde à la lutte contre le décrochage scolaire et aux incompatibilités entre l’offre de compétences et les besoins du marché du travail.

5.2.2.

En dépit de légers «signes d’amélioration en ce qui concerne le taux de chômage des jeunes» (22), le CESE estime que la situation est encore très grave dans certains États membres, particulièrement dans les pays du sud de l’Europe, et ne peut accepter que les différences entre pays soient aussi marquées et aussi persistantes. Le CESE a réclamé à plusieurs reprises des objectifs ambitieux pour lutter contre le chômage des jeunes, tant dans le cadre de la stratégie Europe 2020 que dans celui des lignes directrices pour l’emploi, et insiste vivement pour que, indépendamment de la révision de la stratégie Europe 2020, cette ligne directrice fixe un objectif chiffré pour la réduction du chômage des jeunes.

5.2.3.

Le CESE estime très préoccupant le fait que la proportion de jeunes qui ne travaillent pas et ne suivent pas d’études ou de formation ait augmenté de manière significative dans la moitié des États membres. Les États membres doivent mettre en place des systèmes d’apprentissage tout au long de la vie et de formation continue pour toutes les tranches d’âge. Le CESE invite l’Union européenne et les États membres à mettre en œuvre de manière prioritaire les plans nationaux dans le contexte de la garantie pour la jeunesse, en dotant les institutions concernées des moyens nécessaires tout en évaluant dans le même temps la qualité des plans nationaux et l’efficacité des ressources financières déjà mises en œuvre.

5.2.4.

Étant donné le poids croissant des chômeurs de longue durée, le CESE considère que l’Union et les États membres doivent élaborer de toute urgence des plans nationaux de lutte contre le chômage de longue durée similaires aux plans actuels de la garantie pour la jeunesse, et fixer des objectifs de réduction.

5.2.5.

Le CESE est d’avis que le développement des compétences des travailleurs peu qualifiés et la promotion de l’éducation des adultes constituent des priorités absolues, les compétences devant être améliorées en vue d’une meilleure adéquation avec les besoins du marché de l’emploi. Les États membres doivent donner des possibilités de formation à tous les chômeurs et à tous les salariés. À cette fin, cette ligne directrice devrait envisager et exiger des mesures telles que la fixation d’indicateurs relatifs à l’investissement public et privé dans la formation professionnelle, ainsi que le droit des travailleurs à bénéficier de congés payés à des fins de formation. De même, la promotion de la formation pour l’apprentissage d’un métier et la modernisation des programmes de formation sont indispensables pour faciliter la transition de l’école au travail, ce qui signifie que les entreprises doivent être conscientes de l’importance de la formation.

5.3.    Ligne directrice no 7: Améliorer le fonctionnement des marchés du travail

5.3.1.

Le CESE se félicite que cette ligne directrice souligne la nécessité de garantir des emplois de qualité du point de vue de la sécurité socioéconomique, des possibilités d’éducation et de formation, des conditions de travail (santé et sécurité notamment) et de l’équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle. Il souhaite toutefois que la définition de la qualité de l’emploi comporte notamment une référence à des salaires équitables/rémunérations appropriées, à des relations d’emploi stables, à l’égalité entre hommes et femmes et à la représentation des travailleurs. Le CESE insiste sur la nécessité de surveiller le marché de l’emploi, s’agissant en particulier de la réduction de la segmentation du marché du travail et des aspects qualitatifs des nouveaux emplois créés.

5.3.2.

Comme le CESE l’a déjà fait observer, la dimension qualitative de l’emploi revêt une extrême importance, car la création d’emplois à tout prix, sans poser de conditions économiques et sociales décentes/dignes (emplois précaires, salaires très bas, absence de sécurité et de santé au travail) n’est pas une solution. Il faut donc inverser cette tendance observée dans de nombreux États membres. Pour mettre l’accent sur cette priorité, le CESE propose de modifier le titre de la ligne directrice no 7 comme suit: «Améliorer le fonctionnement des marchés du travail en vue de créer des emplois de qualité ».

5.3.3.

Le CESE est favorable à ce que les emplois créés fassent l’objet d’un suivi systématique sur la base de critères qualitatifs. Le droit du travail doit promouvoir les contrats stables. Quel que soit le type de contrat, aucun travailleur ne peut être privé de droits de protection du travail appropriés. Les contrats atypiques doivent être l’exception, au lieu de devenir la règle. Le CESE insiste sur la nécessité pour les États membres de poursuivre les efforts visant à intégrer l’économie informelle dans l’économie formelle et d’éliminer le travail non déclaré.

5.3.4.

Le CESE estime que les organismes publics doivent donner l’exemple en ce qui concerne la qualité de l’emploi, étant donné qu’une telle obligation ne saurait être contournée dans le cadre de l’externalisation ou de la passation de marchés publics. Les organismes publics doivent dès lors faire un large usage des possibilités relatives aux aspects sociaux en matière de passation des marchés publics prévues par la directive 2014/24/UE afin de garantir la qualité du travail, éviter les contrats précaires ou l’activité indépendante forcée et imposer des contrats équitables avec les sous-traitants.

5.3.5.

Le CESE convient avec la Commission qu’il importe de renforcer les politiques actives du marché du travail et de garantir une meilleure interaction de ces dernières avec les politiques passives. La facilitation du passage du chômage à l’emploi, assortie de conditions économiques décentes durant les périodes de transition, doit faire l’objet d’une attention particulière de la part des services publics de l’emploi, lesquels devraient fournir en temps utile aux chômeurs une aide individualisée. Les politiques actives doivent être renforcées et non affaiblies. Cela suppose de préserver une base financière adaptée aux périodes de crise et à la gravité de la situation du marché du travail.

5.3.6.

Le CESE est favorable à un accroissement de la mobilité des travailleurs au sein de l’espace européen, sous réserve que soient préservés la transférabilité des droits à pension, la reconnaissance des qualifications et le traitement des travailleurs, conformément aux conditions de travail en vigueur dans le pays d’accueil. Les travailleurs provenant de pays tiers doivent également être traités avec dignité, dans le respect des lois et en veillant à l’élimination des abus.

5.4.    Ligne directrice no 8: Garantir l’équité, combattre la pauvreté et promouvoir l’égalité des chances

5.4.1.

Le CESE considère que la montée des inégalités sociales en Europe exige le renforcement de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, ce qui nécessite des mesures spécifiques axées sur les groupes vulnérables, notamment les jeunes et les enfants, les familles monoparentales, les migrants, les minorités, les personnes handicapées, les personnes âgées, les Roms et les sans-abri. Il réaffirme que cette orientation doit mettre l’accent sur la réduction des risques de pauvreté et fixer des objectifs concrets (23).

5.4.2.

Le CESE rappelle que la réduction du risques de pauvreté suppose de disposer d’indicateurs communs, stables et fiables permettant de contrôler les progrès effectués. Bien qu’il y ait eu une évolution positive, le CESE insiste sur la nécessité de créer de nouveaux indicateurs permettant de mesurer, par exemple, le rapport entre revenu et pouvoir d’achat dans chaque État membre.

5.4.3.

Le CESE insiste sur la nécessité d’assurer un revenu minimum garanti (24) et de contrecarrer la montée des situations caractérisées par des bas salaires au moyen de mesures destinées à combattre la «pauvreté au travail» et l’exclusion sociale. Bien qu’il existe des dispositions contractuelles légales pour ce faire, il y a lieu de limiter au maximum les contrats précaires au profit de contrats à long terme assortis d’une protection sociale, d’investir dans la formation et la création d’emplois, de lutter contre le chômage des jeunes, de promouvoir l’intégration des personnes exclues et de garantir une protection sociale dans les périodes de transition entre la formation et le travail.

5.4.4.

Le CESE invite l’Union européenne et les États membres à renforcer les mesures de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale en agissant auprès des groupes les plus menacés et en fixant des objectifs spécifiques pour l’intégration des personnes dans la société et sur le marché du travail.

5.4.5.

Le CESE rappelle que le meilleur moyen pour assurer une réduction de la pauvreté consiste à garantir des emplois de qualité aux citoyens, à renforcer leur participation au marché du travail et leur intégration sociale ainsi qu’à améliorer leur capacité d’insertion professionnelle et leur capacité d’adaptation.

5.4.6.

Dans des avis antérieurs (25), le CESE s’est aussi montré très sceptique quant à l’utilité du report de l’âge légal de la retraite pour relever les défis démographiques. Il apparaît beaucoup plus indiqué de rapprocher l’âge effectif du départ à la retraite de l’âge légal en vigueur (ce qui passe en premier lieu par une adaptation des conditions de travail à l’âge des travailleurs (26)). Il convient dès lors de modifier en conséquence le texte de la ligne directrice no 8 sur la réforme des pensions.

Bruxelles, le 27 mai 2015.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  JO C 226 du 16.7.2014, p. 21.

(2)  SOC/522, 18.3.2015 — Avis du CESE sur l’«Initiative pour l’emploi des jeunes — préfinancement» (non encore paru au JO).

(3)  COM(2014) 902 final.

(4)  COM(2014) 906 final.

(5)  COM(2014) 903 final.

(6)  ECO/374, 19.3.2015 — «Un plan d’investissement pour l’Europe» (non encore publié au JO).

(7)  JO C 133 du 9.5.2013, p. 77; JO C 11 du 15.1.2013, p. 65; JO C 143 du 22.5.2012, p. 94 et JO C 21 du 21.1.2011, p. 66.

(8)  COM(2014) 906 final.

(9)  Bien qu’inférieur de 0,3 point de pourcentage par rapport à décembre 2013, le taux de chômage dans l’EU-28 était de 9,9 % en décembre 2014 (11,4 % dans la ZE-18).

(10)  COM(2014) 906 final.

(11)  Ibid.

(12)  Bien qu’inférieur de 1,7 point de pourcentage par rapport à décembre 2013, le taux de chômage dans l’EU-28 était de 21,4 % en décembre 2014 (23 % dans la ZE-18).

(13)  En 2013, le taux d’emploi était de 68,4 % dans l’Union européenne, contre 70,3 % en 2008 (– 1,9 point de pourcentage).

(14)  Entre 2008 et 2013, la baisse du taux d’emploi des 20-64 ans, pour la ZE-18, était de 2,5 points de pourcentage, passant de 70,2 % en 2008 à 67,7 % en 2013.

(15)  COM(2014) 906 final.

(16)  En 2012, dans l’EU-28, les chiffres étaient respectivement de 47,8 % et 24,4 %.

(17)  COM(2014) 906 final.

(18)  COM(2015) 100 final.

(19)  JO C 242 du 23.7.2015, p. 9; JO C 12 du 15.1.2015, p. 16; JO C 354 du 28.12.2010, p. 8; JO C 318 du 23.12.2009, p. 52; JO C 318 du 23.12.2009, p. 15; JO C 318 du 23.12.2009, p. 113.

(20)  JO C 226 du 16.7.2014, par. 1.5 et 5.3.3.

(21)  Tel que décrit dans l’avis ECO/377 — «Une taxe européenne comme ressource propre de l’Union européenne» (non encore publié au JO).

(22)  COM(2014) 906 final.

(23)  JO C 21 du 21.1.2011, p. 66.

(24)  JO C 170 du 5.6.2014, p. 23.

(25)  JO C 318 du 29.10.2011, p. 1, paragraphe 2.2.

(26)  JO C 318 du 29.10.2011, p. 1, chapitres 2 et 6.


ANNEXE

à l’avis du Comité économique et social européen

Les amendements suivants ont été rejetés, bien qu’ayant obtenu au moins un quart des voix exprimées:

Paragraphe 1.6

Modifier comme suit:

Le CESE est vivement préoccupé par la poursuite de la politique d’austérité dans l’UE dans certains États membres qui empêche la réalisation des objectifs en matière d’emploi, et de réduction de la pauvreté. Dans cette perspective, le CESE s’étonne que la Commission ignore totalement, tant dans le rapport conjoint sur l’emploi que dans les lignes directrices pour l’emploi, le danger de voir la faible inflation se transformer en déflation. Certains groupes — les jeunes, les travailleurs peu qualifiés, les chômeurs de longue durée, les femmes, les personnes handicapées, les migrants, les enfants, les Roms et les familles monoparentales — ont été tout particulièrement touchés. Le CESE estime que les lignes directrices pour l’emploi ne reflètent pas suffisamment la nécessité de faire de la lutte contre le chômage et la pauvreté et de l’adéquation entre l’offre et la demande sur le marché de l’emploi un objectif majeur, au niveau européen comme au niveau national.»

Résultat du vote

Voix pour:

32

Voix contre:

66

Abstentions:

9

Paragraphe 1.6.9

Modifier comme suit:

Ligne directrice no 8: Supprimer la proposition de lien automatique établi entre l’âge légal de départ à la retraite et l’espérance de vie dans les États membres , et ajouter en revanche Au lieu de se référer à l’augmentation de l’âge effectif de départ à la retraite, il serait préférable de mentionner de manière plus explicite la nécessité de promouvoir des mesures permettant de rapprocher l’âge effectif de l’âge légal de départ à la retraite. »

Résultat du vote

Voix pour:

36

Voix contre:

73

Abstentions:

11

Ajouter un nouveau paragraphe après le paragraphe 5.3

Les États membres devraient réduire et éviter la segmentation du marché du travail tout en soutenant la création d’emplois. Les règles en matière de protection de l’emploi et les institutions compétentes en la matière devraient fournir un environnement favorable à l’embauche par le biais, notamment en assurant la disponibilité d’une gamme variée d’instruments contractuels sur le marché du travail.

Résultat du vote

Voix pour:

36

Voix contre:

63

Abstentions:

10


8.10.2015   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 332/77


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1007/2009 sur le commerce des produits dérivés du phoque»

[COM(2015) 45 final — 2015/0028 (COD)]

(2015/C 332/09)

Rapporteur:

M. Thomas McDONOGH

Le 12 février 2015 et le 20 février 2015, respectivement, le Parlement européen et le Conseil ont décidé, conformément à l’article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1007/2009 sur le commerce des produits dérivés du phoque»

[COM(2015) 45 final — 2015/0028 (COD)].

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 5 mai 2015.

Lors de sa 508e session plénière des 27 et 28 mai 2015 (séance du 27 mai 2015), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 161 voix pour, aucune voix contre et 9 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Il y a lieu d’adopter la proposition de modification de la législation de l’Union afin de se conformer aux recommandations et aux décisions relatives au règlement de base qui ont été établies le 18 juin 2014, lorsque l’organe de règlement des différends (ORD) de l’OMC a adopté les rapports du groupe spécial et de l’organe d’appel.

1.2.

Les règles et les réglementations relatives à un abattage sans cruauté doivent être mises en application de manière rigoureuse par les diverses autorités compétentes, dont l’Union européenne. Il convient de prendre toutes les mesures possibles pour cesser d’infliger des souffrances inutiles aux populations de phoques. Au Canada, par exemple, le matraquage des juvéniles qui est pratiqué au printemps ne peut être qualifié que de pratique barbare et les organisations de défense des droits des animaux, dans le monde entier, la combattent sans relâche. Le CESE abhorre cette méthode d’abattage.

1.3.

Pour la chasse traditionnellement pratiquée par les communautés inuites à des fins de subsistance, il convient d’attribuer des quotas réalistes et vérifiables, associés à des méthodes de mise à mort acceptables. Dans le même temps, le bien-être animal doit être respecté.

1.4.

Les quotas, les limitations de chasse et plusieurs autres règles à respecter doivent faire l’objet d’un suivi et d’un contrôle appropriés.

1.5.

Les exigences minimales d’un dispositif de traçabilité pourraient prendre la forme d’un ensemble de critères que les opérateurs économiques désireux d’importer des produits dans l’Union seraient tenus de satisfaire, notamment pour ce qui concerne trois aspects essentiels (1):

1)

les exigences en matière d’identification;

2)

celles relatives à l’enregistrement et à la tenue de registres;

3)

la capacité à produire des rapports de traçabilité (vérification).

2.   Introduction

2.1.

Le règlement (CE) no 1007/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 sur le commerce des produits dérivés du phoque (le «règlement de base») interdit toute mise sur le marché des produits concernés dans l’Union.

2.2.

Le règlement de base prévoit une dérogation à cette interdiction générale pour les produits dérivés du phoque provenant des chasses traditionnellement pratiquées par les communautés inuites et d’autres communautés indigènes à des fins de subsistance (la «dérogation CI»).

2.3.

Il prévoit également des dérogations pour l’importation de produits dérivés du phoque lorsque la chasse est pratiquée dans le seul objectif d’une gestion durable des ressources marines, dans un but non lucratif et à des fins non commerciales (la «dérogation GRM»), ainsi que pour les importations présentant un caractère occasionnel et concernant exclusivement des marchandises destinées à l’usage personnel des voyageurs ou des membres de leur famille.

2.4.

Un règlement d’exécution, le règlement (UE) no 737/2010 de la Commission du 10 août 2010, fixe les modalités de mise en œuvre du règlement de base.

2.5.

Ces deux actes (qui constituent le «régime UE applicable aux phoques») ont été contestés par le Canada et la Norvège au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) dans le cadre du différend concernant les mesures de la CE interdisant l’importation et la commercialisation des produits dérivés du phoque (DS400 et DS401).

2.6.

Les rapports de l’OMC, tout en concluant que l’interdiction des produits dérivés du phoque pouvait, en principe, être justifiée par des préoccupations d’ordre moral ayant trait au bien-être des phoques, désapprouvent les deux dérogations, à savoir la dérogation CI et la dérogation GRM.

2.7.

La dérogation GRM a été jugée injustifiée au motif que la différence, du point de vue de la dimension commerciale, entre les chasses commerciales et les chasses GRM (petite échelle, sans but lucratif) n’était pas suffisante pour justifier la distinction faite entre ces deux activités.

2.8.

En ce qui concerne la dérogation CI, l’organe d’appel a estimé que, si cette dérogation reflétait en principe une distinction légitime, elle n’en constituait pas moins, de par certains aspects de sa conception et de son application, une «discrimination arbitraire et injustifiable».

2.9.

Le 10 juillet 2014, l’Union européenne a informé l’ORD qu’elle avait l’intention de mettre en œuvre les recommandations et les décisions de ce dernier relatives au présent différend suivant des modalités conformes aux obligations qui lui incombent dans le cadre de l’OMC.

2.10.

Le 5 septembre 2014, l’Union européenne, le Canada et la Norvège sont convenus qu’un délai de 16 mois constituait un délai raisonnable pour mettre en œuvre les recommandations et les décisions de l’ORD. En conséquence, le délai raisonnable expirera le 18 octobre 2015.

2.11.

La proposition législative à l’examen a pour objet de mettre en œuvre les recommandations et les décisions de l’ORD concernant le règlement de base. Elle crée par ailleurs la base juridique sur laquelle reposera la mise en conformité du règlement (UE) no 737/2010 avec lesdites décisions.

2.12.

Les problèmes soulevés par la dérogation GRM sont résolus par le retrait de ladite dérogation du règlement de base. Ceux ayant trait à la conception et à l’application de la dérogation CI sont résolus par la modification de cette dérogation, notamment par l’établissement d’un lien entre son utilisation et le respect du bien-être animal et par la limitation apportée à la mise sur le marché des produits dérivés du phoque si l’ampleur de la chasse ou d’autres éléments indiquent que cette dernière est pratiquée principalement à des fins commerciales.

2.13.

En outre, les experts de la Commission collaborent avec leurs homologues canadiens pour mettre en place le système d’attestation nécessaire afin que les Inuits canadiens puissent recourir à la dérogation en faveur des communautés inuites qui est prévue dans le régime UE applicable aux phoques.

2.14.

Une structure de commercialisation des produits inuits doit être mise en place par les gouvernements concernés.

3.   Observations générales

3.1.

La chasse aux phoques fait partie intégrante de la culture et de l’identité des communautés inuites et d’autres communautés indigènes et contribue pour beaucoup à leur subsistance. L’interdiction totale de la chasse au phoque, décrétée il y a plusieurs années sous la pression de l’opinion publique, a plongé dans une crise profonde une communauté inuite en proie à la pauvreté et incapable d’assurer sa survie. À l’heure actuelle, 90 % des Inuits sont au chômage et un grand nombre d’entre eux est totalement dépendant des aides sociales. C’est pourquoi les chasses aux phoques traditionnellement pratiquées par les communautés inuites et d’autres communautés indigènes ont récemment été de nouveau autorisées, pour autant qu’elles soient menées à des fins de subsistance.

3.2.

Le CESE propose d’associer la communauté inuite au processus en cours entre la Commission européenne et le gouvernement canadien, afin de déterminer ensemble la meilleure façon de garantir le droit des Inuits à la subsistance tout en continuant, dans le même temps, de protéger les phoques du commerce international et du risque d’extinction.

3.3.

Il est impossible, lors des chasses pratiquées par les communautés inuites et d’autres communautés indigènes tout comme dans les autres manières de chasser le phoque, d’appliquer de manière cohérente et efficace une méthode de mise à mort qui soit véritablement sans cruauté. Il convient néanmoins, à la lumière de l’objectif poursuivi par le règlement (CE) no 1007/2009, de subordonner la mise sur le marché de l’Union des produits provenant des chasses pratiquées par les communautés inuites et d’autres communautés indigènes à la condition qu’elles soient menées suivant des modalités propres à réduire dans toute la mesure du possible la douleur, la détresse, la peur et les autres formes de souffrance des animaux ainsi chassés.

3.4.

Le règlement (CE) no 1007/2009 autorise également, à titre de dérogation, la mise sur le marché des produits dérivés du phoque provenant de formes de chasse pratiquées dans le seul objectif d’une gestion durable des ressources marines.

3.5.

Bien que l’on s’accorde à reconnaître que ces chasses revêtent une grande importance aux fins de la gestion durable des ressources marines, il peut se révéler difficile, dans la pratique, de les distinguer de celles menées, à grande échelle, à des fins principalement commerciales. Il peut en découler une discrimination injustifiée entre les produits dérivés du phoque qui sont concernés. Il convient dès lors de supprimer cette dérogation.

3.6.

La mise sur le marché de produits dérivés du phoque est autorisée uniquement pour ceux qui proviennent de chasses pratiquées par les communautés inuites et d’autres communautés indigènes, pour autant que toutes les conditions ci-après soient remplies:

a)

la chasse est traditionnellement pratiquée par la communauté concernée;

b)

elle contribue à sa subsistance et n’est pas pratiquée principalement à des fins commerciales;

c)

elle est pratiquée suivant des modalités propres à réduire dans toute la mesure du possible la douleur, la détresse, la peur et les autres formes de souffrance des animaux qui en font l’objet, tout en tenant compte du mode de vie traditionnel et des besoins de subsistance de la communauté concernée.

3.7.

Le CESE adhère aux conditions de mise sur le marché des produits dérivés du phoque mais suggère à la Commission européenne de trouver un juste équilibre entre la protection des phoques et la nécessité pour les Inuits de les chasser, cette chasse étant essentielle à leur survie. Un manque de pragmatisme dans l’interprétation desdites conditions pourrait, dans la pratique, empêcher les Inuits de chasser le phoque.

3.8.

Le CESE juge qu’il est utile:

a)

d’établir un statut spécial pour les produits dérivés du phoque qui sont élaborés par les Inuits conformément aux formes de chasse traditionnelles, par exemple «Produit issu d’une capture traditionnelle inuite». Dans ce cas, afin de prévenir tout nouveau différend international, il pourrait être utile de définir clairement ce concept comme un «prélèvement non industriel»;

b)

de créer un système de suivi et d’étiquetage ainsi qu’un logo spécifique pour permettre un contrôle des activités inuites et pour protéger et informer les consommateurs;

c)

d’envisager des quotas d’importation s’il est constaté que les dispositifs donnent lieu à des abus.

3.9.

L’importation de produits dérivés du phoque est également autorisée lorsqu’elle présente un caractère occasionnel et concerne exclusivement des marchandises destinées à l’usage personnel des voyageurs ou des membres de leur famille. La nature et la quantité de ces marchandises ne doivent pas pouvoir laisser penser qu’elles sont importées à des fins commerciales.

3.10.

Le détail des modalités de la traçabilité dépend du type de système mis en place et de la répartition des responsabilités entre les différentes parties concernées. Dans le contexte du règlement sur le commerce des produits dérivés du phoque, les exigences minimales doivent être interprétées comme suit:

Exigences en matière d’identification

Les exigences en matière d’identification englobent en principe trois éléments:

le chasseur (Inuit, chasseur indigène ou chasseur agréé à des fins de gestion des ressources), qui possède un numéro d’identification unique,

la station de collecte (qui indique le territoire ou l’emplacement géographique),

le produit (qui permet essentiellement de suivre la transaction conclue entre le chasseur et la station de collecte).

En complément ou en lieu et place de ces éléments, il peut être nécessaire d’indiquer la forme de chasse pratiquée, lorsqu’elle n’est pas directement liée au chasseur, qu’il n’y a pas de station de collecte ou que celle-ci ne couvre pas l’échelon national mais uniquement certaines régions.

3.11.

Pour prendre sa décision, qui sera définitive et contraignante, l’OMC doit concilier des prises de position contradictoires, figurant dans des accords internationaux vieux de près de 70 ans. L’un de ces principes interdit toute «discrimination arbitraire ou injustifiable» entre pays. Un autre prévoit que les nations doivent prendre les mesures «nécessaires à la protection de la moralité publique» (2).

3.12.

«On peut juger de la grandeur d’une nation et de son avancement moral à la façon dont les animaux y sont traités»  (3).

Bruxelles, le 27 mai 2015.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  Étude sur la mise en œuvre de mesures relatives au commerce des produits dérivés du phoque, financée par la Commission et réalisée par le bureau de conseil COWI, en coopération avec Ecorys.

(2)  A. Butterworth et M. Richardson, Marine, Policy 38, 457-469, 2013.

(3)  Citation attribuée au mahatma Gandhi.


8.10.2015   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 332/81


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 1236/2010 du Parlement européen et du Conseil établissant un régime de contrôle et de coercition dans la zone de la convention sur la future coopération multilatérale dans les pêches de l’Atlantique du Nord-Est

[COM(2015) 121 final — 2015/0063 COD]

(2015/C 332/10)

Le 25 mars 2015 et le 23 mars 2015, respectivement, le Parlement européen et le Conseil ont décidé, conformément à l’article 43, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 1236/2010 du Parlement européen et du Conseil établissant un régime de contrôle et de coercition dans la zone de la convention sur la future coopération multilatérale dans les pêches de l’Atlantique du Nord-Est»

[COM(2015) 121 final — 2015/0063 COD].

Étant donné qu’il s’est déjà prononcé sur le contenu de la proposition en objet dans son avis sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des conditions spécifiques pour la pêche des stocks d’eau profonde dans l’Atlantique du Nord-Est, ainsi que des dispositions relatives à la pêche dans les eaux internationales de l’Atlantique du Nord-Est et abrogeant le règlement (CE) no 2347/2002, adopté le 13 février 2013 (1) et dans son avis sur le «Plan d’action pour une stratégie maritime dans la région atlantique — Pour une croissance intelligente, durable et inclusive», adopté le 18 septembre 2013 (2), le Comité a décidé, lors de sa 508e session plénière des 27 et 28 mai 2015 (séance du 27 mai 2015), par 173 voix pour et 10 abstentions, de ne pas procéder à l’élaboration d’un nouvel avis en la matière, mais de se référer à la position qu’il avait soutenue dans les documents susmentionnés.

Bruxelles, le 27 mai 2015.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  JO C 133 du 9.5.2013, p. 41.

(2)  JO C 341 du 21.11.2013, p. 77.