ISSN 1977-0936

doi:10.3000/19770936.C_2013.198.fra

Journal officiel

de l'Union européenne

C 198

European flag  

Édition de langue française

Communications et informations

56e année
10 juillet 2013


Numéro d'information

Sommaire

page

 

I   Résolutions, recommandations et avis

 

AVIS

 

Comité économique et social européen

 

489e session plénière des 17 et 18 avril 2013

2013/C 198/04

Avis du Comité économique et social européen sur Les effets économiques des systèmes électriques édifiés sur la base d'une offre accrue et intermittente provenant de sources d'énergie renouvelables (avis exploratoire)

1

2013/C 198/01

Avis du Comité économique et social européen sur le Ciel unique européen II+ (avis exploratoire)

9

2013/C 198/02

Avis du Comité économique et social européen sur Les textiles techniques: un moteur de la croissance (avis d'initiative)

14

2013/C 198/03

Avis du Comité économique et social européen sur La politique arctique de l'UE pour aborder les nouveaux enjeux mondiaux dans la région — point de vue de la société civile

26

 

III   Actes préparatoires

 

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

 

489e session plénière des 17 et 18 avril 2013

2013/C 198/05

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — plan d’action pour renforcer la lutte contre la fraude et l’évasion fiscalesCOM(2012) 722 final

34

2013/C 198/06

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: promouvoir les secteurs de la culture et de la création pour favoriser la croissance et l'emploi dans l'Union européenneCOM(2012) 537 final

39

2013/C 198/07

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — stratégie pour une compétitivité durable du secteur de la construction et de ses entreprisesCOM(2012) 433 final

45

2013/C 198/08

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: la politique extérieure de l'UE dans le domaine de l'aviation — anticiper les défis à venirCOM(2012) 556 final

51

2013/C 198/09

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 98/70/CE concernant la qualité de l'essence et des carburants diesel et modifiant la directive 2009/28/CE relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelablesCOM(2012) 595 final — 2012/0288 (COD)

56

2013/C 198/10

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 912/2010 établissant l'Agence du GNSS européenCOM(2013) 40 final — 2013/0022 (COD)

67

2013/C 198/11

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1224/2009 du Conseil instituant un régime communautaire de contrôle afin d'assurer le respect des règles de la politique commune de la pêcheCOM(2013) 09 final — 2013/0007 (COD)

71

2013/C 198/12

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les comptes rendus d'événements dans l'aviation civile, modifiant le règlement (UE) no 996/2010 et abrogeant la directive 2003/42/CE, le règlement (CE) no 1321/2007 de la Commission et le règlement (CE) no 1330/2007 de la Commission COM(2012) 776 final — 2012/0361 (COD)

73

2013/C 198/13

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 92/58/CEE, 92/85/CEE, 94/33/CE, 98/24/CE du Conseil et la directive 2004/37/CE du Parlement européen et du Conseil afin de les aligner sur le règlement (CE) no 1272/2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélangesCOM(2013) 102 final — 2013/0062 COD

77

FR

 


I Résolutions, recommandations et avis

AVIS

Comité économique et social européen

489e session plénière des 17 et 18 avril 2013

10.7.2013   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 198/1


Avis du Comité économique et social européen sur «Les effets économiques des systèmes électriques édifiés sur la base d'une offre accrue et intermittente provenant de sources d'énergie renouvelables» (avis exploratoire)

2013/C 198/01

Rapporteur: M. WOLF

Le 7 décembre 2012, la future présidence irlandaise du Conseil a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur

"Les effets économiques des systèmes électriques édifiés sur la base d'une offre accrue et intermittente provenant de sources d'énergie renouvelables"

(avis exploratoire).

La section spécialisée "Transports, énergie, infrastructures, société de l'information", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 3 avril 2013.

Lors de sa 489e session plénière des 17 et 18 avril 2013 (séance du 17 avril), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 147 voix pour, 2 voix contre et 5 abstentions.

1.   Résumé

1.1

Le CESE a fermement soutenu les énergies renouvelables dans ses avis précédents et dans les travaux préparatoires relatifs au paquet "20/20/20".

1.2

La promotion des énergies renouvelables à l'échelon de l'UE vise à limiter les émissions de dioxyde de carbone liées à la consommation d'énergie et, partant, à contribuer à l'accomplissement des efforts de l'Europe en matière de protection du climat, ainsi qu'à réduire la dépendance vis-à-vis des importations et, ainsi, à améliorer la sécurité de l'approvisionnement.

1.3

La part croissante des énergies renouvelables intermittentes a provoqué des débats intenses sur les conséquences techniques et économiques d'une telle augmentation. Suite à la demande de la présidence irlandaise du Conseil, le CESE entend apporter davantage d'éclaircissements et de transparence sur cette question.

1.4

Lorsque les énergies renouvelables représentent plus d'une certaine part du bouquet énergétique, il faut mettre en place des composantes supplémentaires du système énergétique, à savoir des extensions des réseaux de transport, des installations destinées au stockage, des capacités de réserve ainsi que des efforts pour réguler la consommation. C'est pourquoi le Comité recommande de développer et d'installer sans tarder ces composantes qui font toujours défaut.

1.5

Tant que ces composantes ne seront pas disponibles, soit l'énergie produite ne pourra pas être utilisée en permanence, soit les réseaux ou les systèmes de régulation pourront être occasionnellement surchargés. Une telle situation entraînerait une exploitation inefficace des installations mises en place et mettrait en péril la sécurité de l'approvisionnement, ainsi que la viabilité du marché européen de l'énergie.

1.6

Il convient donc de redéfinir avec soin la réglementation de la fourniture des différentes formes d'énergie renouvelable afin que la sécurité de l'approvisionnement soit assurée en permanence et que la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables coïncide avec la demande.

1.7

L'extension des unités de production d'énergies renouvelables intermittentes requiert donc encore des investissements substantiels afin que les composantes manquantes du système intégré soient en place et opérationnelles. Ainsi, le développement et la mise en place d'une capacité totale de stockage suffisante constituent notamment un défi à relever, une chance à saisir et une nécessité absolue.

1.8

Par conséquent, un recours accru aux technologies des énergies renouvelables intermittentes pourrait bien entraîner une augmentation significative des coûts de l'électricité, laquelle, une fois répercutée sur les consommateurs, pourrait aboutir à une augmentation des prix de l'électricité dans une proportion importante.

1.9

Même s'il engendre des coûts supplémentaires par rapport aux systèmes actuels fondés sur les combustibles fossiles, un système énergétique durable composé en grande partie d'énergies renouvelables est la seule solution à long terme pour notre avenir énergétique. Il convient aussi de noter que la hausse des coûts est inévitable, du fait de l'accord sur la prise en compte des coûts externes et l'abandon des subventions aux énergies fossiles.

1.10

C'est pourquoi le Comité recommande à la Commission de prendre les mesures nécessaires en vue de la réalisation d'une étude économique appropriée et approfondie sur le thème abordé dans le présent avis, dans laquelle les questions en suspens seraient traitées de façon quantitative.

1.11

Les autres effets économiques résultant de cette augmentation des coûts pourraient être 1) une atteinte potentielle à la compétitivité des industries européennes et 2) un alourdissement de la charge pesant notamment sur les groupes sociaux les plus vulnérables.

1.12

Le risque existe par conséquent que se poursuivent les délocalisations de la production industrielle dans des États qui n'appartiennent pas à l'Union européenne, où l'énergie est moins chère. Une telle situation pourrait non seulement être contraire à la protection du climat (fuite de carbone) mais porterait aussi atteinte à l'économie et au bien-être de l'Europe.

1.13

En raison des coûts supplémentaires que peuvent susciter des subventions et des incitations inadéquates, variables d'un État de l'UE à l'autre, il y a lieu de débattre de manière ouverte et transparente de l'ensemble des problèmes de coût, y compris des stratégies énergétiques de substitution, ainsi que de la question des coûts externes des différentes sources d'énergie et de leur interdépendance.

1.14

En conséquence, une politique européenne commune de l'énergie et un marché intérieur de l'énergie sont nécessaires. L'on disposerait ainsi d'une base sur laquelle créer un cadre juridique fiable propre à susciter la confiance et à permettre des investissements et des systèmes énergétiques sur tout le territoire de l'Europe. Il s'agit là de l'objectif primordial vers lequel tendent tous les efforts en faveur d'une communauté européenne de l'énergie.

1.15

Il est nécessaire de disposer d'un instrument de soutien plus efficace, davantage orienté vers le marché et valable dans toute l'UE, qui serve des objectifs environnementaux, sociaux et économiques et tienne compte des éventuels coûts externes, de sorte que les technologies des énergies renouvelables deviennent concurrentielles sur un marché libre.

1.16

Un tel instrument pourrait prendre la forme d'un prix adéquat du carbone, par exemple une taxe. Le Comité recommande à la Commission de mettre en place, en coopération avec les États membres, des initiatives politiques appropriées en vue de l'élaboration d'un instrument de soutien de ce type. Tous les autres instruments de soutien visant à assurer la pénétration des différentes formes d'énergie sur le marché pourraient ensuite être supprimés.

1.17

Le caractère mondial de la question du climat et l'interconnexion des économies à l'échelle mondiale requièrent de prendre davantage en compte la situation économique internationale et les émissions de dioxyde de carbone au plan mondial. Aussi des accords mondiaux sur la protection du climat revêtent-ils une importance cruciale.

1.18

Il importerait également, dans le cadre de la nouvelle procédure, d'instaurer un dialogue public dans toute l'Europe sur la question de l'énergie - le dialogue européen sur l'énergie, décrit dans un avis adopté récemment par le Comité et accueilli favorablement par la Commission européenne. In fine, il faut également étudier les incidences de la feuille de route 2050 sur l'économie de l'UE et sur sa compétitivité dans le monde avant de prendre des décisions définitives dont les effets se feront sentir à long terme.

2.   Introduction

2.1

Le Comité se félicite de la demande de la présidence irlandaise du Conseil, car celle-ci aborde un problème sérieux qui, au regard de l'objectif de la feuille de route pour l'énergie à l'horizon 2050, n'est pas encore résolu. Le CESE a fermement soutenu les énergies renouvelables dans ses avis précédents et dans les travaux préparatoires relatifs au paquet "20/20/20".

2.2

En outre, le Comité a abordé des thèmes connexes à celui examiné ici, tout récemment encore dans son avis sur "L'intégration de l'énergie renouvelable au marché de l'énergie" (CESE 1880/2012). Il s'est prononcé en faveur de la construction de nouvelles installations de transformation des sources d'énergie renouvelables en énergie électrique, dans le cadre toutefois d'un juste équilibre entre les différentes sources d'énergie. Il a préconisé de mieux prendre en compte les aspects économiques et sociaux et de limiter la hausse des coûts, avant tout grâce au mécanisme unique de soutien que constitue un " prix du carbone" adéquat. Cette position fondamentale constitue également le socle du présent avis.

2.3

Point de départ et contexte du présent avis:

Les efforts déployés jusqu'ici au plan international en vue d'éviter la progression des émissions de dioxyde de carbone au niveau mondial n'ont de facto pas abouti, comme le souligne Dieter Helm dans son livre "The Carbon Crunch" ("L'effondrement du carbone"), paru aux éditions Yale University Press en 2012. Le dépassement des niveaux de dioxyde de carbone au-delà du seuil de 400 ppm est d'ores et déjà en vue.

L'énergie – de plus en plus sous forme d'énergie électrique – est le moteur de la société d'aujourd'hui. Une interruption totale des fournitures d'électricité sur une période relativement longue aurait de graves conséquences, que décrit l'étude du Bureau d'évaluation de l'impact des technologies près le Parlement fédéral allemand, intitulée "Was bei einem Black-Out geschieht" ("Que se passe-t-il lors d'une panne généralisée?"), publiée en 2011.

C'est pourquoi il convient d'accorder à la sécurité de l'approvisionnement une priorité au moins équivalente à celle dont bénéficient les autres critères de la gestion de l'énergie.

Le Conseil européen a confirmé en février 2011, comme mission politique pour la contribution de l'Europe à la protection du climat, l'objectif de l'UE visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 80 à 95 % d'ici à 2050 par rapport au niveau de 1990. La feuille de route vers une économie compétitive à faible intensité de carbone (COM(2011) 112 final) présentée par la Commission indique de manière concrète qu'il convient, dans le cas du secteur de l'électricité, de viser à obtenir une réduction correspondant à 5 % de cette valeur de référence.

Pour atteindre l'objectif final de la feuille de route pour l'énergie à l'horizon 2050 et respecter le cadre que pose la directive sur les énergies renouvelables, les sources d'énergie renouvelables devront assumer, dans le cadre d'un bouquet énergétique qu'il revient à chacun des États membres de déterminer, la part de la production d'énergie qui ne sera couverte ni par l'énergie nucléaire, ni par les centrales électriques équipées de moyens de captage et de stockage du dioxyde de carbone (CCS).

Le principal problème des sources d'énergie renouvelables actuellement dominantes, telles que l'énergie éolienne et l'énergie solaire, réside dans les fluctuations importantes de l'offre, qui ne permettent pas de fournir une capacité garantie (voir à cet égard: Friedrich Wagner, "Features of an electricity supply system based on variable input" ("Les traits marquants d'un approvisionnement en électricité fondé sur des sources variables"), IPP Report 18/1, Institut Max Planck de physique des plasmas, septembre 2012). Les premiers problèmes qui en découlent se font déjà sentir et font l'objet de débats publics dans la sphère politique et les médias.

3.   La question des coûts

3.1

Le principal problème économique auquel doit faire face tout système de fourniture d'énergie est celui des coûts de l'élaboration et de la mise en service du système dans son ensemble, c'est-à-dire du producteur au consommateur, ainsi que de l'impact de ces coûts sur les performances économiques, la compétitivité et la viabilité sociale.

3.2

Ces dernières années, les coûts se sont accrus de manière substantielle dans tous les secteurs énergétiques. Cette observation vaut non seulement pour les énergies fossiles telles que le pétrole et le gaz (les augmentations étant encore aggravées par les impôts et autres taxes) et pour les nouvelles centrales nucléaires à construire du fait des coûts supplémentaires considérables résultant des systèmes de sécurité, mais aussi et surtout pour les énergies renouvelables, du fait de l'importance des subventions et des mécanismes de soutien nécessaires pour assurer leur pénétration sur le marché. S'y ajoutent encore les coûts indirects inhérents à l'ensemble du système relatifs au développement du réseau, à la fourniture d'énergie d'équilibrage et de capacités d'appoint ou de réserve, ainsi que les différents coûts externes liés aux différentes technologies énergétiques.

3.3

Du fait de la diversité des subventions et des impôts d'un État membre à l'autre, il est particulièrement difficile et complexe d'avoir une vue d'ensemble des coûts des différentes sources d'énergie au niveau de l'UE. Ce problème est à nouveau abordé dans les observations du chapitre 4.

3.4

L'on examinera dans le présent chapitre les coûts que l'on peut escompter de l'accroissement de la part de ces sources d'énergie renouvelables intermittentes avant d'en aborder, au chapitre suivant, les autres conséquences économiques éventuelles, tout en formulant des recommandations d'action. Bien que d'autres sources d'énergie puissent également connaître une hausse des coûts, que les prévisions de l'évolution future des carburants fossiles, concernant tant leur utilisation que leur coût, soient influencées essentiellement par les débats sur le potentiel du gaz et du pétrole de schiste et sur les différences significatives des prix de l'énergie entre les États membres de l'UE et, par exemple, les États-Unis d'Amérique, et qu'il puisse s'agir d'un élément important au moment de peser les bénéfices et les risques économiques d'une mise en place accrue des sources intermittentes renouvelables, le présent chapitre porte essentiellement sur les coûts escomptés d'un recours accru aux sources d'énergie renouvelables intermittentes.

3.5

L'on convient du caractère provisoire de cet examen, puisqu'il n'existe à l'heure actuelle aucune analyse indépendante faisant autorité qui fournisse un modèle tout à fait exhaustif des coûts de l'énergie, comprenant non seulement toutes les externalités connues mais tenant également compte des récentes évolutions en matière d'exploration et de production de sources d'énergie fossile non conventionnelles. In fine, avant de prendre des décisions définitives dont les incidences se feront sentir à long terme, la Commission devrait lancer une étude économique de la feuille de route 2050, qui en évalue les incidences sur l'économie de l'UE et sur sa compétitivité dans le monde. Il convient d'examiner également l'utilité socioéconomique des sources d'énergie renouvelables.

3.6

Bien que les "coûts externes" jouent un rôle considérable dans le débat relatif aux différentes sources d'énergie, tout particulièrement dans le cas de l'énergie nucléaire, et quand bien même il peut exister des risques inhérents aux techniques d'exploitation des sources d'énergie renouvelables, tels que par exemple la rupture de barrage et la toxicité de produits, ainsi que des coûts externes, tels qu'un fort impact sur le paysage, vouloir quantifier ces facteurs et leurs interactions (liées notamment aux centrales d'appoint utilisant des carburants fossiles) déborderait largement le cadre du présent avis. Néanmoins, il conviendrait d'aborder cet aspect lors de prochains débats.

3.7

Si la mise en place des énergies renouvelables intermittentes est appelée à se développer, les coûts indirects des systèmes excéderont les coûts directs des "unités de production" d'énergie électrique. Certes, les coûts directs de ces "unités de production d'électricité" ont fortement diminué, mais ces dernières ne sont toujours pas concurrentielles si elles ne sont pas subventionnées, et elles contribuent encore à l'alourdissement de la facture énergétique. Toutefois, compte tenu de l'augmentation de la part relative des énergies renouvelables, les facteurs de coûts supplémentaires du système d'approvisionnement en énergie dans son ensemble qui sont énumérés ci-après pèseront de manière encore bien plus significative. Ce point sera examiné plus en détail dans les paragraphes suivants.

3.8

Rendement fluctuant. L'énergie éolienne et l'énergie solaire ne sont disponibles que lorsque le vent souffle ou que le soleil brille. Dès lors, les installations utilisées pour transformer les énergies renouvelables intermittentes en électricité ne sont pleinement opérationnelles que pendant un nombre limité d'heures par an: pour les cellules photovoltaïques la durée d'utilisation de la puissance installée est d'environ 800 à 1 000 heures (en Allemagne); elle est d'environ 1 800 à 2 200 heures pour les éoliennes à terre et environ le double pour celles installées au large des côtes. On relèvera à titre d'exemple qu'en 2011, selon les données relatives aux énergies publiées en 2011 par le ministère de l'économie de la République fédérale d'Allemagne, la production annuelle d'énergie des cellules photovoltaïques et des éoliennes représentait, en Allemagne, respectivement à peine 10 % et 20 % du total de la "récolte" théorique dans l'hypothèse d'une production constante. En revanche, les centrales à énergie fossile et nucléaire peuvent atteindre des niveaux beaucoup plus élevés (80 – 90 %, c'est-à-dire plus de 7 000 heures à pleine capacité), qui a jusqu'à présent permis d'utiliser ce potentiel pour la capacité de charge de base.

3.9

Surcapacité. Si l'on veut que les énergies renouvelables intermittentes remplacent la production annuelle moyenne des sources d'énergie "classiques" – qu'elles utilisent des combustibles fossiles ou nucléaires –, il est donc nécessaire de développer des capacités de production correspondantes d'un niveau nettement supérieur (de plusieurs ordres de grandeur) à celui de la pointe annuelle de consommation; il convient dès lors de mettre en place et de maintenir disponibles plusieurs unités de production avec des surcapacités et, en conséquence, d'appuyer le transport et la distribution de cet excédent. Les capacités nécessaires sont encore accrues en fonction du facteur de perte résultant du stockage et de la réutilisation.

3.10

Deux cas typiques. L'on peut illustrer les conséquences de cette nécessité par deux situations typiques; d'une part, au cours de la période considérée, la plupart des "unités de production" installées fournissent de l'électricité ( offre excédentaire ); d'autre part, seule une minorité insuffisante peut en fournir ( demande excédentaire ).

3.11

Offre excédentaire. Chaque fois que, du fait de la nécessité de surcapacités, l'électricité produite à partir d'installations éoliennes ou solaires excède la capacité du réseau et la demande des consommateurs présents, trois scénarios peuvent se produire: soit l'on arrête partiellement la production (ce qui se traduit par la non-utilisation d'une partie de l'énergie potentielle), soit les réseaux entrent en surcharge, soit – si les installations nécessaires existent – on peut stocker le surplus d'énergie électrique et le distribuer ultérieurement aux consommateurs lorsque la production éolienne ou solaire devient insuffisante. Il est permis d'escompter que les possibilités de flexibilité de la consommation atténueront le problème (paragraphe 3.16).

3.11.1

Surcharge du réseau, sécurité de l'approvisionnement. Dès aujourd'hui, l'énergie produite par les parcs éoliens et solaires en Allemagne entraîne par moments une surcharge des réseaux de transport disponibles dans les États voisins, notamment la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie et la République tchèque, comme le rapporte un article publié le 21 janvier par EurActiv. Elle conduit à des tensions, qui constituent une menace pour la gestion des réseaux, et représente un coût supplémentaire du fait des contre-mesures palliatives et de la nécessité d'investir dans des systèmes de protection, tels que des régulateurs de phase. Il existe un risque de dépassement sensible des tolérances prévues par la réglementation et de grave mise en péril de la sécurité de l'approvisionnement.

3.11.2

Stockage. En vue, d'une part, de soulager le système de réseau de la surcharge que représentent les fournitures excessives résultant des surcapacités considérables qu'entraîne automatiquement un recours accru aux énergies renouvelables intermittentes et, d'autre part, de stocker cette énergie afin de l'utiliser ultérieurement, le développement et la mise en place de capacités globales de stockage suffisantes constituent un défi à relever, une chance à saisir et une nécessité absolue.

3.11.3

Pertes de stockage. Bien que les centrales hydroélectriques à réservoir permettent de minimiser les pertes d'énergie et qu'elles sont déjà en place à grande échelle depuis longtemps, les possibilités d'y recourir davantage et de manière suffisante sont actuellement très limitées en Europe du fait de facteurs économiques et naturels et de la nécessité d'une acceptation par le public. D'autres systèmes de stockage destinés à un usage à grande échelle n'en sont encore qu'à la phase de conception. Selon de premières estimations, l'électricité provenant de formes novatrices de stockage devrait coûter au moins deux fois plus cher que celle qui n'est pas stockée: sur ce point, voir Niels Ehlers, 2011, Strommarktdesign angesichts des Ausbaus fluktuierender Stromerzeugung ("La conception du marché de l'électricité au regard du développement de la production intermittente d'électricité"). À cet égard notamment, les besoins en matière de recherche et de développement sont très importants.

3.11.4

Priorité à un système intégré complet d'approvisionnement en électricité. Du fait de la poursuite du développement des sources d'énergie renouvelables intermittentes, il y a lieu en priorité de mettre tout d'abord en place et de tenir prêtes toutes les composantes qui font pour l'instant défaut à un système intégré, notamment les infrastructures de transport et les systèmes de stockage adéquats, ainsi que les systèmes de régulation de la consommation.

3.11.5

Mesures provisoires. Il convient d'examiner la pertinence d'un accès prioritaire aux réseaux, c'est-à-dire la réglementation des priorités, de manière à ne pas dépasser la tolérance desdits réseaux, faire coïncider la demande et la production d'électricité de sources renouvelables et ne pas mettre en péril la sécurité de l'approvisionnement. Si nécessaire, il faut réviser la réglementation des priorités.

3.12

Demande excédentaire. Compte tenu du caractère intermittent de la production des sources d'énergie renouvelables, leur contribution à la "capacité garantie", c'est-à-dire la garantie de couverture du pic annuel de consommation, ne peut être que limitée. L'Agence allemande de l'énergie (DENA) estime ("Integration EE", DENA, 2012) que cette contribution est de l'ordre de 5 à 10 % pour l'énergie éolienne et d'à peine 1 % pour l'énergie solaire (92 % pour les centrales au charbon). Ces propositions peuvent varier dans un sens ou dans l'autre en fonction de la situation géographique et des conditions climatiques des différents pays.

3.13

Centrales d'appoint. Il en résulte que les centrales électriques classiques devront jouer le rôle de "centrales d'appoint", afin de compenser l'insuffisance de la production des énergies renouvelables et de fournir une capacité fiable, susceptible d'être modulée. Ces centrales classiques demeureront dès lors indispensables tant que l'on ne disposera pas d'un nombre suffisant d'installations de stockage d'électricité novatrices. Certaines technologies classiques ne sont plus rentables sur le plan économique, même si elles sont nécessaires pour garantir la stabilité de l'exploitation des réseaux. Si ces centrales d'appoint utilisent des combustibles fossiles (et non, par exemple, de l'hydrogène obtenu par un procédé d'électrolyse au moyen de l'électricité produite à partir d'énergies renouvelables), il sera encore plus difficile d'atteindre les objectifs de la feuille de route pour l'énergie à l'horizon 2050.

3.13.1

Garder des capacités en réserve. Par comparaison avec les centrales électriques "normales" fournissant une capacité de charge de base, les centrales d'appoint sont utilisées de manière moins intensive tout au long de l'année et, le cas échéant, fonctionnent avec des degrés d'efficacité moindres et des coûts variables plus élevés. Dans ce cas, leurs coûts totaux sont plus élevés que celui du fonctionnement des centrales électriques normales. Aussi, le débat s'est engagé sur la nature des incitations économiques indispensables pour créer la capacité de réserve nécessaire: sur ce point, on se reportera à Böckers et al.: "Braucht Deutschland Kapazitätsmechanismen für Kraftwerke? Eine Analyse des deutschen Marktes für Stromerzeugung" ("L'Allemagne a-t-elle besoin de mécanismes de capacité pour ses centrales électriques? – Une analyse du marché allemand de la production d'électricité"), Vierteljahrshefte zur Wirtschaftsforschung (Cahiers trimestriels pour la recherche économique), no 81, 2012, pp. 73-90.

3.14

Correction des disparités régionales. Outre les centrales d'appoint et les technologies de stockage, il est également possible de corriger les disparités régionales observées en matière d'excès d'offre et de demande, comme par exemple lorsque le vent souffle dans le nord-ouest de l'Europe, mais pas au sud-est. Recourir à cette possibilité exige toutefois de mettre en place des surcapacités suffisantes dans les régions où le vent souffle fortement à un moment donné afin qu'elles puissent couvrir les besoins de régions moins favorisées à cet égard et de relier ces deux types de régions par des lignes de transport adéquates.

3.15

Extension des réseaux de transport d'électricité. Étant donné que la grande majorité des capacités de production d'électricité à partir de sources renouvelables n'alimente que les réseaux de basse et moyenne tension, il convient en premier lieu de développer et d'étoffer ces derniers. De surcroît, il convient d'adapter les transformateurs et les systèmes de commande ("réseaux intelligents") aux nouvelles exigences des réseaux de distribution. En outre, il est urgent d'investir dans le réseau de transport à haute tension, car l'insuffisance des interconnexions, par exemple entre le Nord et le Sud de l'Allemagne, cause des sautes imprévues de charge qui mettent en danger la sécurité du fonctionnement des systèmes de transport. Ces sautes de charge résultent de ce que, en règle générale, les parcs éoliens ne sont pas construits à proximité des principaux centres de consommation ou des installations de stockage et, d'autre part, un accroissement des capacités permettrait d'améliorer la synchronisation en Europe, qui pourrait ainsi se substituer dans une certaine mesure au stockage d'électricité et aux capacités d'appoint.

3.15.1

Garantir la viabilité économique de l'utilisation du potentiel des énergies renouvelables en Europe tout en assurant la sécurité de l'approvisionnement en énergie exigera donc d'étendre à grande échelle les réseaux d'électricité existants sur le continent aux niveaux local, national et transnational afin de pouvoir utiliser de manière optimale les productions intermittentes d'énergie.

3.16

Gestion de la demande et mobilité électrique: la gestion de la demande (le "stockage fonctionnel des énergies"), qui comprend la mobilité électrique, constitue une autre option pouvant contribuer à amortir les conséquences de l'intermittence. Certaines utilisations du courant électrique peuvent s'y prêter. Il s'agit, entre autres, des installations de climatisation, de refroidissement et de chauffage, des électrolyseurs et des fours électriques de fonderie. Il pourrait également s'agir de la mobilité électrique avec les véhicules-batterie. Il convient en l'occurrence de préciser la nature des incitations financières, combinées avec des systèmes de relevé intelligents, qui doivent être octroyées afin que les clients mettent à disposition les possibilités correspondantes.

3.17

Coût d'ensemble du système. L'économie nationale, et donc essentiellement le consommateur (ou le contribuable), devra inévitablement supporter les coûts totaux du système découlant de l'utilisation de sources d'énergie renouvelables intermittentes. Ces coûts comprennent tous ceux du fonctionnement d'un double paquet d'approvisionnement en électricité, c'est-à-dire d'une part un parc de centrales alimenté par les énergies renouvelables avec inévitablement d'énormes surcapacités qui doivent être utilisées, d'autre part un système de parc de centrales avec des capacités de réserve classiques, des installations de stockage d'électricité, des nouvelles capacités de transfert et une gestion de la demande pour le consommateur final. Il convient bien entendu d'envisager ces coûts au regard de ceux qu'entraînent la poursuite de l'utilisation de carburants fossiles (voir paragraphe 3.3) et les subventions octroyées le cas échéant en faveur de la production d'électricité issue de sources non renouvelables.

3.18

Pour autant qu'aucun autre motif ne peut être mentionné, il convient de relever que dans les États tels que l'Allemagne et le Danemark, qui ont mis en place des dispositifs volontaristes de soutien aux sources d'énergie renouvelables intermittentes, le prix de l'électricité pour les ménages est d'ores et déjà supérieur de 40 à 60 % à la moyenne de l'UE, selon les données d'Eurostat en 2012. En conséquence, le recours accru aux technologies des énergies renouvelables intermittentes conformément aux objectifs de la feuille de route 2050 conduirait à une nouvelle augmentation des coûts de l'électricité, qui une fois répercutée sur les consommateurs, pourrait se traduire, à en croire une première estimation brute, par une augmentation dans une proportion importante (par conséquent, voir la recommandation figurant au paragraphe 3.5).

3.19

Aussi, l'on peut formuler une première réponse à la question de la présidence irlandaise du Conseil: conformément aux objectifs de la feuille de route 2050, l'on peut prévoir qu'un accroissement continu de la production d'électricité de sources renouvelables intermittentes conduira à des coûts sensiblement plus élevés pour les consommateurs. Dans le cadre des réflexions menées jusqu'à présent au sein de l'opinion publique, l'on n'a pas, le plus souvent, suffisamment pris en compte les coûts du système intégré nécessaire mais seulement les coûts de l'alimentation (intermittente) du réseau par les installations de production, qui ne représentent, selon les estimations, que la moitié des coûts totaux.

4.   Facteurs économiques

Compte tenu des éléments avancés précédemment, l'autre élément le plus important est de savoir grâce à quelles mesures il est possible (i) de maintenir cette augmentation des coûts à un niveau aussi faible que possible, (ii) de contenir les conséquences de cette augmentation à un niveau acceptable, (iii) de favoriser les performances économiques de l'UE, et (iv) d'assurer la sécurité de l'approvisionnement énergétique.

4.1

Système intégré pour les énergies renouvelables. Pour prévenir tout gaspillage évitable des ressources financières ainsi que tout renchérissement supplémentaire des prix de l'énergie, il convient en priorité de planifier, d'élaborer et de mettre en service en nombre suffisant toutes les composantes indispensables d'un système intégré, c'est-à-dire des installations de stockage, des réseaux et des centrales électriques d'appoint, afin d'ouvrir la voie à la mise en place de sources supplémentaires d'énergie renouvelables intermittentes. L'exemple de l'Allemagne et la réaction des États voisins montrent ce qui peut se produire lorsque l'on néglige dès le départ de tenir compte de ce principe.

4.1.1

Conditions pour les fournisseurs. Il en découle qu'il convient de mettre en place un tel système intégré complet sur l'ensemble du territoire de l'UE, afin d'éviter de réviser les règles d'alimentation (voir le paragraphe 3.10.5). Il serait par exemple possible d'exiger des fournisseurs d'électricité provenant de sources renouvelables intermittentes de planifier le plus précisément possible leur production un jour à l'avance. Cette tâche pourrait être facilitée par d'éventuelles synergies avec des systèmes de chauffage ou de refroidissement urbains et des systèmes de transport.

4.2

Dans le débat portant sur ces autres mesures, il y a lieu de distinguer entre différentes catégories, délais et domaines d'action (même s'il existe une corrélation entre eux), par exemple:

nécessité absolue de garantir en permanence la sécurité de l'approvisionnement;

limites des capacités des réseaux, au niveau tant du transport que de la distribution;

politiques communes à l'échelon de l'UE contre politique de cavalier seul des États membres;

du point de vue de la politique économique: effets de l'augmentation des coûts, cycle d'amortissement, innovation, confiance des investisseurs, coût de l'énergie dans la production, pour les entreprises et le transport, économie de marché au lieu d'économie planifiée;

dans la perspective de la politique sociale: emplois (non subventionnés), coûts de l'énergie pour les particuliers;

calendrier: d'une part, planifier à l'horizon 2020-2030, d'autre part, réfléchir à l'après 2050. Les nombreux nouveaux développements et la mise en œuvre exigeront du temps; la précipitation est source d'erreurs;

marge de manœuvre pour les innovations et leurs essais;

au plan international: 1) concernant le climat ou l'augmentation des émissions de dioxyde de carbone et 2) concernant la politique économique et la position concurrentielle de l'Europe (risque de fuite de carbone).

4.3

Liste des priorités. Lorsque l'on considère les actions à entreprendre, il y a lieu de mieux prendre en compte les tendances et les données du contexte mondial, d'établir une liste claire des priorités pour les objectifs clefs et d'inverser la tendance croissante à des interventions étatiques non harmonisées de la part des différents États membres (voir le paragraphe 4.7). Il est nettement préférable de promouvoir la confiance et d'amener le secteur privé à investir. L'on trouvera dans les paragraphes suivants quelques considérations à ce propos.

4.4

Penser "mondial". L'objectif principal de la politique européenne en matière d'énergie et de climat devrait être d'adopter les mesures et d'envoyer les messages les plus à même d'induire – en dépit des échecs enregistrés jusqu'ici (Copenhague, Cancún, Durban, Doha, etc.) – une limitation de l'augmentation des concentrations de dioxyde de carbone au niveau mondial, de renforcer la compétitivité économique européenne sur le marché mondial et de rendre les prix de l'énergie aussi accessibles que possible sur le marché intérieur européen. Le climat étant un problème mondial, une approche exclusivement eurocentrée serait erronée. La revendication d'un rôle de "pionnier" pourrait certes permettre de générer des investissements et des emplois, mais aussi affaiblir notre capacité de négociation au niveau international et notre capacité à appréhender la réalité.

4.5

Transparence, société civile et intérêts des consommateurs: si nous voulons que la société civile s'implique de manière constructive dans ces processus (voir le dossier TEN/503) et si nous souhaitons appliquer une politique énergétique qui serve davantage les intérêts des consommateurs, il importe que citoyens et décideurs se familiarisent davantage et plus ouvertement avec les faits quantitatifs et les corrélations. Le succès de cette entreprise se heurte souvent au caractère partial des arguments et des informations avancés par les différentes parties prenantes, qui occultent les inconvénients de leurs positions. Le Comité se félicite des conclusions afférentes du Conseil (conclusion du Conseil du 3 décembre 2012 concernant les énergies renouvelables) mais souhaite dans le même temps appeler de ses vœux des ambitions nouvelles en matière de politique d'information ouverte. À long terme, la réalité finit toujours par prévaloir.

4.6

Dialogue européen sur l'énergie. Il importerait également, dans le cadre de la nouvelle procédure, d'instaurer un dialogue public dans toute l'Europe sur la question de l'énergie, tel que décrit dans l'avis adopté récemment par le Comité (TEN/503) et accueilli favorablement par la Commission européenne. L'engagement du grand public, la compréhension et l'acceptation des différents changements que connaîtra inéluctablement notre système énergétique au cours des prochaines décennies sont essentiels. À cet égard, la composition et la mission du CESE le placent idéalement pour toucher les citoyens et les parties prenantes dans les États membres et pour établir un programme exhaustif issu de la démocratie participative et centré sur l'action concrète.

4.7

Une communauté européenne de l'énergie. Le Comité affirme son engagement en faveur d'une communauté européenne de l'énergie (voir l'avis CESE 154/2012). Seule l'existence d'une telle communauté permettra de représenter les positions et les intérêts de l'Europe de la manière la plus efficace dans les relations avec ses partenaires internationaux, tout en optimisant l'utilisation des données régionales et climatiques pertinentes. De plus, il s'agit de la seule manière de coordonner et d'améliorer les réglementations et les instruments nationaux de financement, lesquels se contredisent fréquemment les uns les autres. C'est également la seule manière de concevoir le développement du réseau intraeuropéen et de le mettre en place.

4.8

Marché intérieur de l'énergie. Une communauté européenne de l'énergie aurait pour corollaire un marché intérieur de l'énergie libre (voir l'avis CESE 2527/2012), comportant des énergies renouvelables. Celui-ci est à même de garantir, dans le contexte de la grande mutation du système d'approvisionnement en énergie envisagée par la feuille de route énergétique à l'horizon 2050, que la production d'électricité soit orientée vers les besoins des consommateurs au meilleur coût possible et que des investissements soient effectués au moment et à l'endroit opportuns, par exemple selon les zones de climat, dans les technologies de production d'électricité les plus économiques. Il y a lieu dès lors d'intégrer les énergies renouvelables dans un marché intérieur européen de l'énergie fonctionnant comme un véritable marché.

4.8.1

Des énergies renouvelables concurrentielles. Pour que les énergies renouvelables deviennent concurrentielles sur le marché de l'énergie, il y a lieu d'intégrer suffisamment dans les prix les émissions de dioxyde de carbone provenant des combustibles fossiles au moyen d'une grille de tarification ou d'un instrument de marché approprié et cohérent. Il y a lieu dès lors de rendre les énergies renouvelables "concurrentielles" à moyen terme. La liberté des prix de l'électricité et un niveau adéquat de prix (par exemple, une taxe) du carbone, servant à promouvoir les investissements, devraient suffire pour y parvenir. Parallèlement à un système de tarification appropriée pour l'utilisation du réseau, cette condition devrait être nécessaire et suffisante pour assurer l'investissement dans des centrales d'appoint, des installations de stockage et une gestion de la demande en temps et en lieu opportun et en quantité suffisante. Aides et subventions seraient alors réservées exclusivement à la recherche, au développement, ainsi qu'aux activités de démonstrations liées aux nouvelles technologies.

4.9

Une approche prudente en matière de répartition des coûts. Même si l'augmentation du coût de l'électricité est prévisible et n'en est qu'à son début, des mesures sont d'ores et déjà débattues, voire appliquées dans certains cas exceptionnels. D'une part, il est nécessaire, et c'est là également une demande du Comité, de protéger les catégories sociales à bas revenus contre la pauvreté énergétique (1). D'autre part, les secteurs de l'industrie à haute intensité énergétique doivent bénéficier d'une protection étendue face à l'augmentation des coûts de l'énergie, afin de ne pas porter préjudice à leur compétitivité sur les marchés mondiaux, sous peine d'entraîner la délocalisation de leurs sites de production hors d'Europe vers des pays où l'énergie est meilleur marché, évolution qui ne favoriserait en rien la cause du climat ("fuite de carbone", voir le dossier TEN/492).

4.9.1

Ces impératifs signifient toutefois, entre autres, que les classes moyennes comme les entreprises moyennes devront assumer de surcroît les coûts dont seraient exemptés certains secteurs.

4.10

Éviter la désindustrialisation. Il y a lieu d'éviter que la désindustrialisation de l'UE ne s'accentue. À l'heure actuelle, la désindustrialisation crée l'illusion que les efforts de l'Europe en vue de réduire les émissions de dioxyde de carbone sont couronnés de succès. En réalité, nous assistons à une forme cachée de "fuite de carbone". Si les produits sont fabriqués dans des pays tiers et non plus en Europe, comme auparavant, l'"empreinte carbone" liée à cette production demeurera; elle pourrait même se trouver aggravée.

4.11

Accroître la recherche et le développement au lieu de procéder à des introductions sur le marché précipitées, prématurées et à trop grande échelle. Il y a lieu de bien garder présente à l'esprit la distinction entre recherche, développement et démonstration d'une part, et mise sur le marché à grande échelle et soutien d'autre part, sous peine d'aboutir, par exemple, à des situations sur les marchés empêchant toute innovation. Les aides très excessives accordées à la mise sur le marché de l'énergie photovoltaïque, comme en Allemagne, selon Frondel et al., "Economic impacts from the promotion of renewable energy technologies" ("Les conséquences économiques de la promotion des technologies des énergies renouvelables"), Energy Policy, 2010, n'ont pas contribué à donner naissance à des systèmes concurrentiels dans l'UE; on se reportera à ce propos à Hardo Bruhns et Martin Keilhacker, "Energiewende – wohin führt der Weg" ("Où conduit la transition énergétique?"), extrait de Politik und Zeitgeschichte, 2011. La baisse des prix des panneaux solaires s'est produite en Chine, pas en Europe! C'est pourquoi il y a lieu de concentrer nos efforts sur l'élaboration de toutes les options potentiellement viables en faveur d'un approvisionnement énergétique à faible intensité de carbone, notamment en ce qui concerne les sources d'énergie susceptibles de contribuer à l'approvisionnement en charge de base, telles que l'énergie géothermique et la fusion nucléaire. D'ici 2050, le problème de l'énergie ne sera résolu de manière définitive ni en Europe, ni ailleurs!

4.12

Encourager l'investissement. Dans le contexte de la crise actuelle et de la nécessité de développer le système intégré, les investissements dans les nouvelles technologies et les infrastructures revêtent un caractère d'urgence. De tels investissements suscitent l'optimisme, créent des emplois et de la confiance. Cette observation vaut également, en principe, pour les investissements dans les technologies à faible intensité de carbone telles que les sources d'énergie renouvelables. Toutefois, il existe à cet égard un certain nombre de limitations et de conditions préalables, dont certaines ont déjà été mentionnées précédemment. Il convient notamment que les décideurs politiques évitent d'édicter des règles en matière de technologies, car elles peuvent conduire de nouveau à une mauvaise allocation de ressources limitées (voir plus haut).

4.13

Recommandation générale. L'on recommandera donc, de manière générale, d'examiner l'ensemble de la réglementation et des conditions d'encadrement et de les orienter de manière à créer un climat qui stimule la recherche, encourage l'investissement, promeuve l'innovation, soutienne le marché intérieur et ne mette pas en péril la sécurité de l'approvisionnement énergétique. Les subventions doivent se concentrer sur la recherche, le développement et la démonstration des technologies et des systèmes, tandis qu'il conviendrait d'assurer la compétitivité des sources d'énergie renouvelables uniquement au moyen du critère des coûts d'évitement du dioxyde de carbone (prix du carbone, voir l'avis CESE 271/2008). Dans le même temps, il y a lieu de supprimer les subventions à la consommation d'énergies fossiles.

4.14

Concurrence loyale au plan mondial. Afin de garantir que ces mesures n'exercent pas d'effet négatif sur la compétitivité de l'industrie européenne sur les marchés mondiaux et qu'elles aient un impact suffisant sur la solution au problème du climat à l'échelle mondiale, il est absolument nécessaire que les pays tiers fassent des efforts similaires au niveau mondial, ou s'accordent ensemble sur des objectifs réalistes, de manière à instaurer des conditions équitables et comparables de concurrence. Le Comité soutient tous les efforts supplémentaires de l'UE en la matière, en dépit des déceptions connues jusqu'à présent.

4.15

Cavalier seul européen. Si l'on ne parvient pas à réaliser l'objectif visé ci-avant, la question se pose de savoir pendant combien de temps l'UE pourra se permettre de faire cavalier seul et d'essayer d'atteindre des objectifs radicaux sans compromettre sa puissance économique, et se priver des ressources mêmes dont elle a besoin pour se préparer au changement climatique –lequel serait devenu entre-temps probablement inévitable – et faire face à toutes ses conséquences économiques et politiques.

Bruxelles, le 17 avril 2013.

Le président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  JO C 44 du 11.2.2011, pp. 53-56.


10.7.2013   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 198/9


Avis du Comité économique et social européen sur le «Ciel unique européen II+» (avis exploratoire)

2013/C 198/02

Rapporteur: M. KRAWCZYK

Le 24 janvier 2013, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur le

"Ciel unique européen II+"

(avis exploratoire).

La section spécialisée "Transports, énergie, infrastructure, société de l'information", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 3 avril 2013

Lors de sa 489e session plénière des 17 et 18 avril 2013 (séance du 17 avril 2013), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 188 voix pour, 2 voix contre et 3 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

L'achèvement de l'initiative de l'UE du Ciel unique européen fait partie intégrante du processus visant à améliorer la compétitivité et la croissance de l'économie européenne en continuant de renforcer le marché unique européen. Il a pour objectif d'offrir aux citoyens européens de meilleures conditions de voyage aérien, et d'en améliorer l'efficacité et la viabilité.

1.2

La crise persistante du secteur européen de l'aviation, et notamment de l'industrie du transport aérien, rend plus urgente que jamais la mise en œuvre du Ciel unique européen. Il importe au plus haut point de porter la gestion du trafic aérien en Europe à un niveau d'efficacité comparable, en termes de performance, d'économie, de qualité, de sécurité et de protection de l'environnement, à celui des meilleures pratiques dans le monde.

1.3

Conformément à la position exprimée dans ses avis antérieurs TEN/451 (20 juin 2011) et TEN/354-355 (21 janvier 2009), le CESE apporte son plein soutien à la nécessité de mettre en place en temps voulu et de manière complète le Ciel unique européen et ses initiatives de recherche en matière de gestion du trafic aérien (SESAR) dans le cadre convenu à l'origine en 2004 et en 2009. Pour ce faire, la règlementation de l'UE munit la Commission européenne d'instruments juridiques suffisants. Du fait de la crise persistante dans le secteur européen de l'aviation, en particulier dans le secteur du transport aérien, les objectifs pour 2025 pourraient faire l'objet d'une réflexion.

1.4

Le CESE déplore que la plupart des États membres pour lesquels les objectifs de performance avaient été définis ne s'y soient pas conformés et cela sans aucune conséquence juridique effective. Le CESE déplore également qu'une grande partie de l'initiative du bloc d'espace aérien fonctionnel n'ait pas donné de résultats et que la date limite légale du 4 décembre 2012 n'ait pas été respectée.

1.5

Dans ce contexte, le CESE se félicite du projet de la Commission visant à relancer le Ciel unique européen, grâce à une nouvelle initiative baptisée "Ciel unique européen II+".

1.6

Le CESE estime que la révision du cadre légal actuel du Ciel unique européen ne devrait pas se focaliser sur les seuls développements institutionnels et l'amélioration de la clarté des dispositions juridiques, mais également contribuer à renforcer les éléments suivants:

des éléments descendants pour compléter l'approche ascendante,

appuyer une mise en œuvre substantielle et en temps voulu du Ciel unique européen en prévoyant des sanctions en cas de non-conformité,

la séparation des services auxiliaires de gestion du trafic aérien en les ouvrant à une plus grande concurrence et aux forces du marché,

la définition d'objectifs axés autant sur la qualité du service que sur l'amélioration de l'efficacité,

une participation accrue des utilisateurs de l'espace aérien.

1.7

L'industrie européenne du transport aérien se trouve dans une situation économique très difficile, qui a déjà conduit à la perte de milliers d'emplois. La mise en œuvre du Ciel unique européen et son efficacité accrue revêtent donc une grande importance afin de préserver les emplois dans ce maillon de la chaîne de valeur du secteur aérien. À cet égard, le cinquième pilier du Ciel unique européen est essentiel pour relever de façon appropriée les défis en matière d'emploi, de mobilité des travailleurs, de modifications dans la gestion du personnel et de formation professionnelle. En conséquence, le dialogue social devrait être renforcé et dépasser le cadre du seul secteur de la gestion du trafic aérien et il conviendrait de l'ouvrir à la participation d'autres partenaires sociaux que les seuls représentants des prestataires de services de navigation aérienne, tout comme il conviendrait d'en étendre la portée pour débattre des conséquences sociales pour les gestionnaires du trafic aérien et les employés des compagnies aériennes et des aéroports, ainsi que de la manière de préserver les emplois dans le secteur aérien de l'UE au sens large.

1.8

Il y a lieu que les États membres, y compris ceux qui accusent des retards quant à la mise en œuvre du Ciel unique européen, présentent leurs stratégies respectives en vue des développements futurs de leur secteur du transport aérien.

1.9

Le CESE estime que le niveau de sécurité élevé dans le secteur aérien de l'UE devrait rester de la plus haute importance. Il est primordial de veiller à ce que les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs économiques contribuent également à renforcer ce niveau.

2.   Introduction

2.1

L'achèvement du projet de Ciel unique européen fait partie intégrante du processus visant à améliorer la compétitivité et la croissance de l'économie européenne en continuant à renforcer le marché unique européen. Le Ciel unique européen a pour objectif d'améliorer l'efficacité générale du mode d'organisation et de gestion de l'espace aérien européen. Il s'agit notamment de réduire les coûts, de renforcer la sécurité et les capacités, et de limiter les retombées sur l'environnement. Il a pour objectif d'offrir aux citoyens européens des meilleures conditions de voyage aérien, et d'en améliorer l'efficacité et la fiabilité.

2.2

Comme l'indiquent plusieurs rapports récemment publiés par Eurocontrol (rapport comparatif 2010 sur l'analyse coût-efficacité de l'ATM européen, projet de rapport 2011 sur le même sujet, projet de rapport 2011 de la commission d’examen des performances d’Eurocontrol), la période 2007-2011 a été marquée par de nombreux changements. Il en découle qu'aucune analyse de l'évolution globale en matière de coût-efficacité ne devrait être réalisée sans prendre en considération les principaux développements qui ont eu lieu durant cette période.

2.3

En 2010, le coût annuel de la fragmentation de l'espace aérien européen s'élevait à 4 milliards d'euros. Cette estimation prend en compte les 19,4 millions de minutes de retard lié à la gestion des courants de trafic aérien (GCTA). De plus, chaque vol était en moyenne 49 km plus long que le trajet de vol direct. Au niveau européen, le coût économique par heure de vol composite a augmenté légèrement entre 2006 et 2009 (à savoir 1 % par an en valeur réelle). Il a ensuite connu une hausse considérable en 2010 (+4,6 % en valeur réelle) avant de baisser en 2011 (-4,3 %), avant le début de la première période de référence pour le Ciel unique européen II. En 2010, le coût des systèmes ATM/CNS a baissé de 4,8 % en valeur réelle. Cette baisse a été compensée par une forte augmentation des coûts unitaires des retards GCTA (+77,5 %), qui ont chuté de 42 % en 2011.

2.4

La variation considérable qui caractérise les coûts totaux supportés par les compagnies pour les services de navigation aérienne – pour l'année 2010, de 179 à 849 euros, à savoir du simple au quintuple – revêt une importance particulière. En outre, les quatre plus importants prestataires de services de navigation aérienne, qui opèrent tous dans des conditions économiques et opérationnelles largement similaires, présentent des écarts importants au niveau de leurs coûts unitaires, lesquels varient de 466 à 720 euros. Ces écarts signifient clairement que l'ATM n'est pas optimisé en Europe.

2.5

Les résultats engrangés par les régimes Ciel unique européen I et II (introduits respectivement en 2004 et en 2009) attestent que les principes et l'orientation générale de cette initiative sont valables, que des efforts ont été consentis pour optimaliser les règles relatives à l'ATM et qu'ils commencent à porter leurs fruits. Néanmoins, ces régimes ont aussi révélé plusieurs faiblesses, dues largement à l'incapacité des États membres de délimiter clairement leurs priorités actuelles en matière d'aviation. Ces priorités vont de la création de valeur ajoutée pour les utilisateurs de l'espace aérien à la maximisation de leurs propres revenus au titre des opérations aériennes, en passant par l'utilisation de l'aviation en tant qu'outil de développement régional et microéconomique. Il en résulte que la fourniture de services de navigation aérienne en Europe connaît toujours des lacunes importantes sur le plan de l'efficacité et de la qualité, sans qu'aucune explication claire ne soit apportée à cette situation. De plus, le cadre institutionnel actuel, qui se caractérise par de nombreux chevauchements et lacunes et par l'absence d'une orientation commune aux différentes parties prenantes, est loin d'être optimal. Il convient donc de renforcer le cadre institutionnel du Ciel unique européen.

2.6

SESAR constitue le volet technologique du Ciel unique européen. Selon une étude de l'Entreprise commune SESAR, l'impact macroéconomique du système européen de nouvelle génération pour la gestion du trafic aérien pourrait produire 419 milliards d'euros de PIB supplémentaires pour l'économie européenne et créer 320 000 emplois. L'achèvement du programme SESAR nécessitera des investissements considérables de la part de tous les participants à la chaîne de valeur de l'aviation, investissements qu'il sera difficile de justifier s'il on ne parvient pas à établir que des retours sur investissements acceptables peuvent être attendus d'un déploiement synchronisé d'éléments en l'air et au sol, y compris les utilisateurs de l'espace aérien, les prestataires de services de navigation aérienne et les aéroports. Il est essentiel que le cadre institutionnel évolue pour garantir la réussite du déploiement de SESAR. Dans le même temps, il convient que toutes les parties qui participent à cette coopération mènent de sérieuses études coûts-bénéfices pour l'enchaînement des projets d'investissement tout au long de la chaîne entière de valeur du secteur aérien.

2.7

Pour cette raison, la Commission européenne prévoit de publier un paquet législatif (Ciel unique européen II+) qui s'appuie sur des initiatives existantes dans ce domaine et dont l'objectif sera d'améliorer encore le rapport coût-efficacité, les capacités, la sécurité et la qualité de la réglementation.

2.8

Sur la base des informations transmises par la Commission européenne, l'initiative Ciel unique européen II+ visera à:

améliorer les faibles performances des services de navigation aérienne en revitalisant les blocs d'espace aérien fonctionnel, assurer le financement du déploiement de SESAR, moderniser le système de tarification du CTA, moderniser la technologie en menant le programme SESAR à terme et définir des objectifs de performance plus efficaces;

améliorer le cadre institutionnel actuel infra-optimal en adoptant différentes mesures visant notamment à concentrer la réglementation économique au niveau de la Commission européenne et à faire de l'AESA l'instance responsable de la réglementation technique et du contrôle, reconnaître à Eurocontrol un rôle de soutien à ces institutions, moderniser la gouvernance du gestionnaire de réseau et clarifier les cadres du Ciel unique européen et de l'AESA en supprimant les chevauchements, et développer à terme une Agence européenne de l'aviation (AEA) qui couvrirait tous les aspects du contrôle du secteur aérien européen, y compris les volets techniques, économiques et de sécurité;

procéder à la refondre des instruments réglementaires en un seul acte législatif cohérent;

inviter les États membres à adapter Eurocontrol au nouvel environnement institutionnel.

3.   Observations générales

3.1

Conformément à la position exprimée dans ses avis antérieurs TEN/451 (20 juin 2011) et TEN/354-355 (21 janvier 2009), le CESE apporte son plein soutien à une mise en œuvre en temps voulu et de manière exhaustive des initiatives de l'UE relatives au Ciel unique européen et à SESAR, qu'il considère comme nécessaires. Cette urgence devrait se faire d'autant plus sentir que de nombreuses compagnies aériennes européennes se trouvent dans une mauvaise situation économique.

3.2

Le CESE escompte l'achèvement complet de la mise en œuvre du paquet de mesures relatives au Ciel unique européen, c'est-à-dire dans le cadre convenu à l'origine en 2004 et en 2009. Pour ce faire, la règlementation de l'UE munit la Commission européenne d'instruments juridiques suffisants.

3.3

Dans ce contexte, le CESE se félicite du projet de la Commission visant à relancer l'initiative du Ciel unique européen. Il importe que tous les États membres de l'UE honorent leurs engagements politiques antérieurs en matière de mise en œuvre en temps voulu du Ciel unique européen. Il importe également au plus haut point que la Commission européenne continue à montrer un haut degré de leadership et de responsabilité tout au long du processus de mise en œuvre.

3.4

Vu les résultats relativement faibles de la mise en œuvre du Ciel unique européen à la suite de l'entrée en vigueur des paquets Ciel unique européen I et Ciel unique européen II, respectivement en avril 2004 et en décembre 2009, le CESE estime que la révision du cadre légal actuel du Ciel unique européen ne devrait pas se focaliser sur les seuls développements institutionnels mais également contribuer à renforcer les points suivants:

des éléments descendants pour compléter l'approche ascendante,

une présentation claire des stratégies des États membres, surtout de celles susceptibles d'entraver la mise en œuvre du Ciel unique européen,

appuyer une mise en œuvre substantielle et en temps voulu du Ciel unique européen en prévoyant des sanctions en cas de non-conformité,

la séparation obligatoire des services auxiliaires de gestion du trafic aérien en les ouvrant à une plus grande concurrence et aux forces du marché,

la définition d'objectifs axés autant sur la qualité du service que sur l'amélioration de l'efficacité,

une participation accrue des utilisateurs de l'espace aérien,

une participation plus large des partenaires sociaux, autres que les seuls représentants des prestataires de services de navigation aérienne, en tant qu'élément du dialogue social dans le cadre du Ciel unique européen II+.

4.   Observations particulières

4.1

Le CESE déplore qu'un nombre important d'États membres pour lesquels les objectifs de performance avaient été définis ne s'y soient pas conformés et cela sans aucune conséquence juridique effective. Les plans de performance nationale soumis récemment montrent que ces États membres ont en fait encore revu leurs objectifs à la baisse. C'est pourquoi, pour s'assurer que les États membres renforcent les synergies au sein de leurs blocs d'espace aérien fonctionnel, et in fine, entre ceux-ci, il apparaît clairement nécessaire de fixer des objectifs de performance ambitieux, assortis d'un mécanisme de sanction efficace et de stratégies nationales claires et non équivoques, soutenues par l'indispensable harmonisation paneuropéenne des législations dans ce domaine. Le Ciel unique européen devrait encourager le développement des instruments juridiques européens communs nécessaires (c'est-à-dire du droit civil) et une approche commune du secteur de la défense aérienne européenne.

4.2

Le CESE estime nécessaire de doter l'UE et l'échelon des blocs d'espace aérien fonctionnel de compétences supplémentaires pour contribuer à résoudre le problème que pose aujourd'hui la tendance marquée des États membres à protéger leurs propres fournisseurs nationaux de services de navigation aérienne et à les utiliser comme des outils d'économie nationale au lieu de chercher à créer de la valeur ajoutée pour les utilisateurs de l'espace aérien et les consommateurs et/ou les passagers. Des objectifs de performance au niveau de l'Union européenne devrait contribuer à la réalisation des objectifs de haut niveau du Ciel unique européen pour 2020 (à savoir tripler, par rapport aux chiffres de 2005, les capacités là où cela est nécessaire, réduire de 10 % l'impact environnemental des vols et de 50 % le coût des services ATM pour les utilisateurs de l'espace aérien) et faciliter la progression sur la voie de la défragmentation des espaces aériens nationaux.

4.3

Le CESE insiste sur l'importance de garantir l'indépendance de l'organe européen d’évaluation des performances. Ses activités devraient être détachées de celles d'Eurocontrol et transférées à un organisme européen à part entière, sous la responsabilité de la Commission. L'UE devrait également attribuer à l'organe d’évaluation des performances un rôle dans le processus de définition des objectifs de performance européens et d'élaboration des plans de performance nationale. Il conviendrait que ne perdure pas la surreprésentation des prestataires de services de navigation aérienne.

4.4

Le CESE est d'avis que des sanctions et des mesures incitatives doivent être mises en place au niveau de l'UE pour prévenir la non conformité aux objectifs de performance et pour s'assurer que ces objectifs demeurent distincts des intérêts nationaux. Plus particulièrement, il serait opportun d'envisager de lier le taux de rendement des investissements réalisés par les prestataires de services de navigation aérienne et leurs capitaux propres aux réalisations du système de performance.

4.5

Le CESE déplore qu'une grande partie de l'initiative du bloc d'espace aérien fonctionnel n'ait pas donné de résultats et que la date limite légale du 4 décembre 2012 pour l'initiative Ciel unique européen II n'ait pas été respectée. Il conviendrait d'imprimer un nouvel élan aux initiatives de blocs d'espace aérien fonctionnels grâce à une approche descendante renforcée à l'échelon de L'UE. Une telle approche, plus directive, devrait permettre à ces blocs d'espace aérien fonctionnels d'offrir de réels avantages, plutôt que d'être les simples opérations cosmétiques réalisées actuellement. Dans ce contexte, il conviendrait d'octroyer au gestionnaire de réseau du Ciel unique européen le pouvoir de proposer et de mettre en œuvre des projets spécifiques à partir des blocs d'espace aérien fonctionnels, afin d'optimiser la gouvernance, l'espace aérien, ainsi que les ressources techniques et humaines, sur la base d'échéances précises. Il conviendrait de prévoir des sanctions en cas d'infraction. Il conviendrait également d'octroyer au gestionnaire de réseau et aux usagers de l'espace aérien concernés le statut d'observateur au sein des principaux organismes des blocs d'espace aérien fonctionnels.

4.6

Dans les contributions des États membres au comité de l'UE du Ciel unique européen, les intérêts nationaux l'ont pour l'instant plutôt emporté sur les objectifs de l'UE. La plus récente décision de ce comité relative au système de performance et de tarification pour la période 2015-2019 constitue un nouveau revers dans la mise en œuvre du Ciel unique européen. Le CESE suggère qu'il conviendrait d'accorder le statut d'observateur au sein de ce comité et un droit d'initiative pour toutes ses activités à la fois aux usagers de l'espace aérien et aux prestataires de services de navigation aérienne.

4.7

Le CESE se félicite derechef de l'intention de la Commission d'envisager sous un jour nouveau la question de la séparation claire des services annexes de gestion du trafic aérien, qui pourrait être un moyen d'accroître la prise en compte du client et l'efficacité. Il conviendrait de recourir aux instruments réglementaires de l'UE afin d'accélérer ce processus de séparation. Dans ce contexte, le CESE déplore que la Commission ne soit pas parvenue à respecter la date limite légale du 4 décembre 2012, à laquelle la Commission aurait du élaborer et présenter au Parlement européen et au Conseil une étude évaluant les effets sur la sécurité et les effets juridiques, industriels, économiques et sociaux de l'application des principes de l'économie de marché à la fourniture de services de communication, de navigation, de surveillance et d'information aéronautique, au regard des principes organisationnels existants ou possibles et en tenant compte de l'évolution des blocs d'espace aérien fonctionnels et des technologies à disposition.

4.8

Le CESE estime que les textes législatifs relatifs au Ciel unique européen II+ devraient aborder la question de la séparation des prestations essentielles complètes de services de navigation aérienne et des services annexes, tels que ceux de communication, de navigation et de surveillance, les services météorologiques et d'entraînement, en ouvrant le marché de ces services, ce qui pourrait entraîner une efficacité accrue, une plus grande qualité et une réduction générale des coûts. Le CESE relève que l'étude d'impact liée aux textes législatifs relatifs au Ciel unique européen II+ et la conférence à haut niveau de Limassol sur le Ciel unique européen ont également mis en exergue l'importance de poursuivre la libéralisation des services annexes. Bien que la législation en vigueur autorise cette séparation à l'échelon national, les États membres hésitent encore à recourir à cet instrument pour accroître les performances. Chaque fois que cela est possible, il conviendrait de soumettre la fourniture de services de communication, de navigation et de surveillance et de services météorologiques aux conditions du marché et à des procédures d'appel d'offres. En outre, il conviendrait de ne pas combiner sur le même marché ces conditions de marché avec un mécanisme de désignation, sous peine de voir ce dernier l'emporter. Il conviendrait d'interdire toutes les subventions locales et croisées substantielles.

4.9

Il conviendra d'étudier comme il se doit la nouvelle idée d'Eurocontrol de services centralisés, à condition que ces derniers se fondent sur des modèles commerciaux acceptables et approuvés par toutes les parties prenantes opérationnelles (compagnies aériennes, prestataires de services de navigation aérienne et aéroports), ainsi que sur des appels d'offres ouverts afin d'attribuer des contrats à échéance fixe aux entreprises qui ont présenté la meilleure offre.

4.10

Le CESE met en évidence qu'il serait possible de décloisonner les installations de services de navigation aérienne en recourant à des centres gérés en commun. À cet égard, l'idée de "centre virtuel" pourrait constituer un point de départ utile. Cette approche prévoit le recours à des méthodes entièrement standardisées des unités du service la circulation aérienne qui travaillent à partir de différents endroits qui utilisent des méthodes de fonctionnement, des procédures et des équipements entièrement standardisés mais modulables, de manière à ce qu'ils apparaissent aux usagers de l'espace aérien comme un système unique. Cet effet a été également clairement manifeste dans le cadre de la gamme actuelle de programmes du Ciel unique européen, tels que le soutien à l'Espace européen de la recherche et le système européen de nouvelle génération pour la gestion du trafic aérien (SESAR). Ces dispositifs autorisent une interopérabilité complète à la fois technique et opérationnelle entre les prestataires de services de navigation aérienne participants, ce qui, en retour, permet de transférer à titre temporaire des secteurs qui ressortissent à une unité donnée à la responsabilité opérationnelle d'une autre. Cela aurait pour conséquence de permettre d'optimiser l'utilisation des centres régionaux de la navigation aérienne pendant la nuit et de garantir des performances optimales à tout moment.

4.11

En conséquence, le CESE estime que les textes législatifs relatifs au Ciel unique européen II+ devraient créer un cadre réglementaire adéquat pour guider et piloter la mise en œuvre de mesures de standardisation de manière à la fois consistante et cohérente. Il conviendrait d'établir un comité directeur conjoint au sein des blocs d'espace aérien fonctionnels en vue de garantir une mise en place cohérente et coordonnée. Ces mesures de standardisation constituent un moyen à la fois réaliste et efficace de réaliser les objectifs de performance pour l'ensemble de l'UE.

4.12

Le CESE se félicite des plans de la Commission visant à élargir les missions et les compétences du gestionnaire de réseau du Ciel unique européen. À cet égard, il est indispensable d'autoriser les usagers de l'espace aérien à participer aux décisions stratégiques qui touchent aux performances des réseaux et d'octroyer un rôle aux prestataires de services de navigation aérienne dans la prise de décision sur les performances locales.

4.13

Le CESE prend acte des plans de la Commission qui visent à étendre le champ d'activité de l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) qui traitera de l'ensemble de la réglementation technique et de la surveillance, y compris dans des domaines qui ne touchent pas à la sécurité. Le CESE convient qu'il peut s'agir là de la bonne approche, mais se préoccupe du fait que, même si l'on s'appuie sur la notion de priorités en fonction des risques, l'on surcharge cette agence de missions nouvelles, ce qui pourrait créer davantage de problèmes qu'en résoudre, et pourrait distraire son attention de sa mission première qu'est la sécurité. Le CESE estime donc que l'extension du champ d'activité de l'AESA ne devrait pas, pour l'instant du moins, constituer une priorité. De fait, il estime qu'il serait possible de résoudre les chevauchements possibles entre les domaines de l'AESA et du Ciel unique européen au moyen de mécanismes adéquats de coordination entre l'AESA, Eurocontrol et la Commission, sans qu'il soit nécessaire de modifier le cadre institutionnel.

4.14

Eurocontrol joue un rôle très important dans la mise en œuvre des aspects opérationnels du Ciel unique européen. En vue d'assurer l'efficacité des performances futures de services centralisés, tels que ceux fournis par le gestionnaire de réseau, il sera nécessaire de revoir la convention en vigueur relative à Eurocontrol.

4.15

En ce qui concerne le SESAR, le CESE met en avant qu'il importe d'assurer un financement chic public suffisant pour appuyer la mise en œuvre synchronisée des éléments terrestres et aériens. De surcroît, il conviendrait d'octroyer aux investisseurs opérationnels (utilisateurs de l'espace aérien, prestataires de services de navigation aérienne et aéroports) un rôle prédominant dans la gouvernance de la mise en œuvre du SESAR lorsque l'on décide des priorités, sur la base de scénarios d'activités précis. Le CESE fait valoir qu'il importe de mettre en œuvre SESAR en tant que projet européen essentiel d'infrastructure. Le Comité s'alarme au plus haut point des coupes budgétaires qui pourraient frapper le mécanisme pour l'interconnexion en Europe et avoir des effets sur la capacité à faire progresser cette mise en œuvre. Il importe également au plus haut point d'élaborer de possibles modèles futurs de financement pour l'application militaire de SESAR.

4.16

Le CESE désapprouve la proposition de la Commission d'introduire une modulation de la tarification pour les itinéraires encombrés. En fait, cette proposition ne conduirait à aucune amélioration de l'utilisation de la capacité de l'espace aérien; de surcroît, son instauration pourrait contraindre les exploitants d'aéronefs à emprunter des itinéraires plus longs, contrevenant ainsi aux objectifs de l'UE de réduire les émissions en vue notamment de lutter contre le changement climatique. De plus, un tel système serait injuste puisque les exploitants d'aéronefs payent déjà pour l'encombrement, en raison des coûts indirects des retards. Une telle approche reviendrait à pénaliser deux fois les exploitants d'aéronefs, ce qui serait tout à fait inacceptable, notamment parce qu'ils utilisent les redevances de route pour financer la modernisation des infrastructures qui devrait, en définitive, réduire l'encombrement.

4.17

Le CESE est au contraire d'avis que la modulation des tarifs devrait servir en premier lieu à motiver les exploitants d'aéronefs à acquérir les équipements nécessaires pour améliorer les performances générales du système de gestion du trafic aérien. Il serait possible d'y parvenir en recourant à des financements publics afin de réduire les redevances d'usage pour les exploitants d'aéronefs qui investissent à un stade précoce dans les technologies SESAR. Il serait alors possible de flanquer cette approche d'autres mesures, telles que le principe selon lequel "le mieux équipé sera le mieux servi", qu'approuve pleinement le CESE.

5.   Dialogue social

5.1

L'industrie européenne du transport aérien se trouve dans une situation économique très difficile, qui a déjà conduit à la perte de milliers d'emplois. La mise en œuvre du Ciel unique européen et son efficacité accrue revêtent donc une grande importance afin de préserver les emplois dans ce maillon de la chaîne de valeur du secteur aérien. À cet égard, le cinquième pilier du Ciel unique européen est essentiel pour relever de façon appropriée les défis en matière d'emploi, de mobilité des travailleurs, de modifications dans la gestion du personnel et de formation professionnelle. En conséquence, le dialogue social devrait être renforcé et dépasser le cadre du seul secteur de la gestion du trafic aérien et il conviendrait de l'ouvrir à la participation d'autres partenaires sociaux que les seuls représentants des prestataires de services de navigation aérienne, de même qu'il conviendrait d'en étendre la portée pour débattre des conséquences sociales pour les gestionnaires du trafic aérien et les employés des compagnies aériennes et des aéroports, ainsi que de la manière de préserver les emplois dans le secteur aérien de l'UE au sens large.

5.2

Le CESE est fermement convaincu qu'un dialogue social permanent efficace est indispensable pour favoriser le processus de transition. Si les membres du personnel ne sont pas pleinement associés à cette transition, alors celle-ci risque sensiblement plus d'échouer. Tout particulièrement, les nouvelles technologies et les modèles opérationnels développés par SESAR changeront le rôle traditionnel des contrôleurs aériens, qui endosseront celui de gestionnaires du trafic aérien.

5.3

Il importe que le dialogue social dans le cadre du Ciel unique européen prenne en compte les inquiétudes de toutes les parties associées à sa réalisation. Rien ne permet donc de justifier la domination qu'y exercent actuellement les représentants des prestataires de services de navigation aérienne, et qui risque de se poursuivre au détriment d'autres acteurs importants du secteur.

Bruxelles, le 17 avril 2013.

Le président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


10.7.2013   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 198/14


Avis du Comité économique et social européen sur «Les textiles techniques: un moteur de la croissance» (avis d'initiative)

2013/C 198/03

Rapporteure: Mme Emmanuelle BUTAUD-STUBBS

Corapporteure: Mme Ingeborg NIESTROY

Le 12 juillet 2012, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur le thème:

"Les textiles techniques: un moteur de la croissance"

(avis d'initiative).

La commission consultative des mutations industrielles (CCMI), chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 12 mars 2013.

Lors de sa 489e session plénière des 17 et 18 avril 2013 (séance du 17 avril 2013), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 172 voix pour, 0 voix contre et 6 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le secteur des textiles techniques, qui a enregistré dans l'UE des tendances positives sur le plan économique et de l'emploi, constitue un exemple de "secteur traditionnel" capable de "se réinventer" en un nouveau modèle commercial pleinement adapté aux besoins de la nouvelle révolution industrielle (plus intelligente, inclusive et durable).

1.2

Les matériaux et les technologies textiles constituent des innovations clés susceptibles de répondre à une grande variété de défis sociétaux. Les textiles techniques constituent des facilitateurs pour d'autres entreprises, dans la mesure où ils proposent et offrent:

des matériaux alternatifs: légers, souples, doux, (pluri)fonctionnels et durables;

de nouvelles technologies: flexibles, progressives, polyvalentes

des composants fonctionnels: composants de systèmes et de solutions technologiques plus vastes fiables, plurifonctionnels, rentables et conviviaux.

1.3

Le Comité économique et social européen attire l'attention de la Commission européenne et du Parlement européen sur les principaux facteurs de succès qu'il y a lieu d'encourager afin de stimuler la croissance de ce secteur prometteur:

mettre en place, aux niveaux national et de l'UE, des moyens simples et efficaces, visant à encourager et à financer l'innovation technologique et non technologique;

soutenir les efforts nécessaires pour permettre aux travailleurs d'améliorer leurs qualifications et d'adapter leurs compétences aux marchés à forte croissance (santé, construction, transports, cosmétiques, etc.);

inclure une composante textile dans les programmes européens de R & D, afin d'encourager la substitution de matériaux traditionnels tels que l'acier et le ciment par des matériaux textiles plus durables, et de renforcer la recherche concernant le recyclage de ces matériaux et le domaine en pleine évolution de l'"économie de CO2" (CO2 comme ressource);

prendre en compte l'effet de toute augmentation des coûts de l'énergie sur les entreprises grandes consommatrices d’énergie dans l'UE, par exemple dans le secteur du non-tissé et des composites;

soutenir l'industrie en menant des analyses du cycle de vie, afin de démontrer la durabilité environnementale des produits.

2.   Le secteur des textiles techniques dans l'UE

2.1   Définition du secteur et principaux marchés

2.1.1   Les textiles techniques sont des fibres, tissus et matériaux de support textiles répondant à des critères techniques plutôt qu'esthétiques, même si, pour certains marchés tels que les vêtements de travail et les équipements de sport, les deux types de critères sont appliqués.

Les textiles techniques apportent une réponse fonctionnelle à une grande diversité de critères spécifiques: légèreté, résistance, renforcement, filtration, ignifugation, conductivité, isolation, flexibilité, absorption, etc.

Grâce à la nature des fibres (polyester, polypropylène, viscose, coton, carbone, verre, aramide, etc.), ainsi qu'au choix des techniques de fabrication les plus adéquates (filature, tissage, tressage, tricotage, non-tissé, etc.), y compris les processus de finition (teinture, impression, laminage, etc.), les producteurs de textiles techniques peuvent proposer des solutions textiles offrant les propriétés mécaniques, protectrices ou d'échange qui répondent aux besoins spécifiques des utilisateurs finaux.

Par conséquent, la définition ne dépend pas de la matière première, de la fibre ou de la technologie utilisée, mais de l'utilisation finale du produit.

Le groupe Messe Frankfurt, qui organise le plus grand salon professionnel international des textiles techniques, "Techtextil", a identifié douze marchés principaux (1).

En fait, les textiles techniques font partie d'un domaine plus vaste que David Rigby Associates appelle la "conception de matériaux flexibles" (2), y compris les mousses, pellicules, poudres, résines et plastiques. Ils constituent également un élément clé des matériaux composites que l'on peut définir comme une association de deux ou plusieurs matériaux dont la forme ou la composition diffère, dont la matrice est généralement composée de fibres et dont le renforcement est plus fort que la matrice.

2.2   Faits et chiffres

2.2.1   L'industrie européenne du textile et de l'habillement

Conformément aux dernières estimations d'EURATEX, en 2011 l'industrie européenne du textile et de l'habillement a atteint un chiffre d'affaires de 171,2 milliards d'euros, avec ses quelque 187 000 entreprises qui emploient plus de 1,8 million de travailleurs. La taille des entreprises est assez réduite (textile: 13, habillement: 9, total: 10), ce qui explique pourquoi elles réalisent principalement leurs échanges commerciaux au sein du marché intérieur, tandis que les exportations hors UE s'élèvent à 38,7 milliards, soit 22,6 % des ventes mondiales.

2011

Consommation des ménages

(milliards d'euros)

Chiffre d'affaires

(milliards d'euros)

Entreprises

(.000)

Emploi

(.000 pers.)

Importations hors UE

(milliards d'euros)

Exportations hors UE

(milliards d'euros)

Balance commerciale

(milliards d'euros)

Habillement

304,0

77,5

131,4

1 117,9

67,7

18,4

–49,32

Textile

166,5

93,9

55,5

716,4

25,4

20,3

–5,06

TOTAL

470,5

171,4

186,9

1 834,3

93,1

38,7

–54,37

Source: Données révisées EURATEX, fournies par les membres et EUROSTAT – 2011

2.2.2   L'industrie européenne des textiles techniques

Dans ses précédents avis sur le secteur des textiles, le CESE a signalé que le domaine des textiles techniques était l'un des plus prometteurs pour l'entreprise textile européenne, en particulier pour les PME. L'industrie européenne joue déjà un rôle clé dans le développement de textiles techniques (3). Grâce à sa grande capacité d'innovation, cette industrie offre des perspectives réelles en termes d'emplois directs et indirects mais aussi de croissance au sein de l'UE.

2.2.2.1   Un sous-secteur de l'industrie textile

Selon EURATEX, l'industrie des textiles techniques représente, au sein de l'UE, environ 30 % du chiffre d'affaires total de l'industrie textile (hors habillement), c'est-à-dire 30 milliards d'euros (dans certains États membres tels que l'Allemagne, l'Autriche ou la France, la part de marché est plus élevée, avec respectivement 50 %, 45 % et 40 %), 15 000 entreprises et 300 000 employés. Certains analystes estiment qu'il convient d'ajouter d'autres parties de l'industrie européenne: une partie de l'industrie des machines textiles, ainsi que la partie "textile" des activités de production d'autres secteurs tels que les pneus ou le géotextile pour le revêtement des routes ou des bâtiments. C'est pourquoi la taille globale de l'industrie des textiles techniques de l'UE pourrait être encore plus importante (jusqu'à 50 milliards d'euros).

2.2.2.2   L'UE dans la consommation de fibres mondiale

Dans le monde, le développement de la production des textiles techniques ressort des chiffres de la consommation des fibres. Les textiles techniques ont consommé au niveau mondial quelque 22 milliards de tonnes de fibres en 2010, ce qui représente 27,5 % de la consommation totale de 80 milliards de tonnes pour l'ensemble des applications du textile et de l'habillement. Comme il ressort des évaluations de l'Association européenne des fibres chimiques (CIRFS), l'Europe représente environ 15 % de la consommation mondiale de textiles techniques.

 

Consommation de fibres

(000 tonnes)

UE

3 437

Amériques

4 111

Chine

7 100

Inde

4 020

Reste du monde

3 812

Monde

21 880

Sources: CIRFS, Edana, JEC

La part de marché de l'UE en valeur est plus importante: elle représente de 20 % à 33 % des principaux sous-segments du marché des textiles techniques, y compris le non-tissé et les composites, qui s'élève à 230 milliards de dollars US.

STRUCTURE DU MARCHÉ MONDIAL DES TEXTILES TECHNIQUES - 2011

2011

Mt

Milliards USD

Part de l'UE

Taux de croissance

Textiles techniques

25

133

20 %

+3 %

Non tissé:

7,6

26

25 %

+6,9 %

Composites

8

94

33 %

+6 %

Total

40,6

253

 

 

Source: INDA, Freedonia Group, IFAI, JEC

2.2.2.3   Les exportations de textiles techniques de l'UE-27 vers le monde en 2011

Les cinq principaux exportateurs de textiles techniques (DE, IT, FR, UK, BE) représentent 60 % des exportations totales des États membres vers le reste du monde. En outre, les États membres, dont les textiles techniques représentent la plus grande partie de leurs exportations de textiles (hors habillement) sont la Finlande, le Danemark, la Suède, la République tchèque et la Hongrie (voir annexe 1: part des textiles techniques en 2011 dans les exportations de textiles par les États membres dans le monde).

2.2.3   Tendances récentes concernant l'industrie des textiles techniques de l'UE

2.2.3.1   La croissance du non-tissé et des composites

Au cours de ces dix dernières années, le secteur a progressé de 22 %, comme le montre ce graphe qui illustre le développement de la consommation des fibres selon leur utilisation (fibres de verre non incluses).

Image

Le secteur des textiles techniques connaît une importante mutation industrielle avec l'importance croissante de nouvelles applications (médical, sports et loisirs, aéronautique, environnement), et l'abandon de technologies traditionnelles (tricotage, tissage, tressage, etc.) au profit de technologies plus récentes (telles que les composites ou les technologies non tissées).

La croissance en Europe est surtout imputable à deux technologies:

le non-tissé avec un taux de croissance de 60 % au cours des dix dernières années;

les composites avec un taux de croissance de 75 % au cours des dix dernières années.

2.2.3.2   Une position clé sur trois marchés

"Les trois principaux domaines d'application en Europe représentent également plus de 50 % de la consommation totale, mais dans ce cas les domaines sont Mobiltech, Hometech et Indutech." (David Rigby Associates (4)).

2.2.3.3   Partenariat Euromed

L'industrie européenne du textile et de l'habillement a établi un partenariat industriel réussi avec des pays Euromed tels que le Maroc, la Tunisie, l'Égypte, dans le domaine de la mode. Reste pour le futur, l'opportunité de promouvoir les investissements UE sur certains marchés des textiles techniques d'Asie qui sont plus matures, ont un plus faible contenu technique et sont plus sensibles à la pression sur les prix.

À cet égard, la situation de la Turquie mérite d'être considérée à part. Acteur clé dans le domaine de la mode au niveau des pays Euromed, la Turquie a une industrie textile intégrée puissante, des matières premières (coton ou fibres synthétiques), à l'habillement, en passant par les produits textiles domestiques. Un nombre croissant d'entreprises turques sont actives sur les marchés techniques (10 % à 15 %) et la consommation domestique est dynamique.

2.2.3.4   Secteur à haute capacité d'innovation

De récentes recherches en Allemagne ont confirmé que les compagnies de textiles techniques appartenant à cette branche intersectorielle, qui fournissent en matériel de nombreux segments industriels, ont une capacité d'innovation élevée et réalisent plus de 25 % de leur chiffre d'affaires sur les nouveaux produits innovants, arrivant en troisième position après les industries automobile et électronique. (Source: présentation de M. Huneke durant la première convention EURATEX, Istanbul)

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2.3   Une analyse FFPM (Forces, faiblesses, possibilités et menaces)

2.3.1   Forces et possibilités

2.3.1.1   Forces

Augmentation constante du niveau de R&D et d'innovation au sein des entreprises, quelle que soit leur taille

Outils collectifs efficaces pour soutenir l'innovation au niveau national (groupes textiles, centres de R&D, etc.), en particulier en Allemagne, en France, en Belgique, en Italie, en Espagne, aux Pays-Bas et en Pologne

Outils collectifs efficaces au niveau de l'UE: la plateforme technologique textile et habillement héberge de nombreux projets de collaboration qui ont permis des échanges fructueux entre les marchés d'applications, les entreprises textiles et les chercheurs; un réseau européen englobant les principaux instituts de technologie textile (Textranet), des réseaux universitaires (AUTEX) ainsi qu'un réseau incluant les principales régions innovantes dans le secteur textile

Leaders européens sur des marchés en pleine croissance (Freudenberg ou Fiberweb pour les non-tissés par exemple)

Position de leader du marché de fabrication de matériel textile au sein de l'UE avec 75 % du marché mondial

Diversité des utilisations finales, ce qui constitue un atout en période de faible croissance

Appui massif à l'équipement de protection individuelle (EPI) considéré par la CE comme l'un des six marchés de premier plan

De manière générale, meilleurs ratios financiers que pour les autres entreprises du secteur textile et de l’habillement (plus de valeur ajoutée par employé, marge brute d'autofinancement supérieure, marge supérieure, etc.)

Contrôle du plus grand salon professionnel au niveau mondial (Techtextil)

2.3.1.2   Possibilités

Accroissement des besoins de solutions textiles des utilisateurs finaux: solutions de confort et de suivi pour un mode de vie active, réduction de l'émission de carbone dans le transport (grâce à une diminution du poids) et la construction (grâce à l'isolation thermique), amélioration de la technologie médicale (prévention des maladies nosocomiales, implants, surveillance de la santé), etc.

Étroite coopération entre les producteurs et les clients afin de répondre à des besoins très spécifiques ("solutions sur mesure"), ainsi que des innovations induites par la demande

Demande croissante d'amélioration de la recyclabilité, comme le remplacement de la mousse par des matériaux non tissés, composites et des filtres à air de cabine au sein des véhicules

Croissance rapide de la consommation de textile technique par habitant à l’échelle mondiale et, en particulier, en Chine, en Inde et au Brésil

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2.3.2   Faiblesses et menaces

2.3.2.1   Faiblesses

Petites et moyennes entreprises disposant d'une capacité d'investissement limitée

Accès au crédit plus difficile

Faible attractivité de l'industrie textile pour les jeunes diplômés

Déclin de la production des fibres naturelles et artificielles au sein de l'UE, ce qui entraîne des difficultés en matière d'innovation étant donné le nombre limité de types de fibres disponibles et le risque croissant de dépendance aux importations

Faible recyclabilité à ce jour des textiles techniques par rapport aux matériaux traditionnels

Industrie à forte intensité énergétique

Spécialisation sur des marchés d'applications matures, tels que Mobiltech (avec la situation critique de l'industrie automobile dans l'UE) ou Hometech, en particulier pour les tapis, les tissus d'ameublement et les matelas

2.3.2.2   Menaces

Rareté des matières premières et hausse des prix (principalement fibres synthétiques, régénérées ou inorganiques, polymères, fils filés et fils continus)

Augmentation des coûts énergétiques (gaz et électricité) dans l'UE qui pourraient conduire à une délocalisation des usines de production vers les États-Unis ou l'Asie pour les usines plus gourmandes en énergie (de fibres synthétiques, non-tissés, teintures et finisseurs …)

Développement de la concurrence de pays émergents et multiplication des entraves à leur accès au marché. L'Asie était déjà la première région de production en tonnage en 2010, ayant multiplié par 2,6 sa valeur de production

Pression croissante sur les prix, en particulier sur les marchés matures

Risque croissant de contrefaçon et de copie

3.   Contribution de ce secteur dynamique à la réalisation des défis de la stratégie Europe 2020

3.1   Une croissance intelligente

La croissance intelligente sera basée sur une industrie européenne plus innovante, assortie d'une utilisation efficace de l'énergie, de nouveaux matériaux, de l'appui des TIC (Technologies de l'information et de la communication) et de la compétitivité des entreprises, y compris les PME.

Le secteur des textiles techniques peut, à son niveau, contribuer de différentes manières à cette croissance intelligente:

La promotion des meilleures pratiques de transfert de technologies d'un secteur à l'autre (échanges fructueux)

La réalisation d'efforts pour accroître l'efficacité énergétique de la production

La capacité d'associer innovation technologique et innovation non technologique: une ceinture lombaire doit être efficace mais aussi bien conçue pour le patient

La capacité d'encourager la créativité dans la conception, l'utilisation et la fin de vie des produits/matériaux

L'expérience du développement des qualifications des salariés en vue de conquérir de nouveaux marchés, etc.

Une diffusion des TIC dans la vie quotidienne grâce aux textiles intelligents, soit des textiles qui communiquent avec leur environnement: par exemple, les "vêtements intelligents" destinés aux personnes âgées, qui contrôlent et envoient des données physiologiques essentielles aux hôpitaux, aideront ces dernières à rester à leur domicile.

3.2   Une croissance inclusive

Le secteur des textiles techniques de l'UE a connu, dans un passé récent, un rythme positif de création d'emploi dans de nombreux États membres. Des cas de manque de main-d'œuvre et de compétences, auxquels il faut s'attaquer, ont déjà été enregistrés.

Une croissance inclusive au sein de l'UE permettra de maintenir et développer notre modèle social basé sur un niveau de normes élevé, une tradition d'aide sociale et un fort ancrage du dialogue social. Afin de s'assurer que les industries, territoires et personnes vulnérables bénéficient de la croissance économique, du progrès et de l'innovation technologiques au quotidien, il convient de leur réserver une attention particulière.

Le secteur des textiles techniques peut, à son niveau, contribuer de différentes manières à cette croissance inclusive:

capacité de mettre sur le marché des biens et services adaptés et innovants pour les personnes handicapées, malades ou âgées: vêtements sur mesure, vêtements antichute, équipement spécifique pour le sport et les loisirs;

grâce à la personnalisation, capacité d'apporter des réponses à l'évolution démographique et sociale qui génère une demande accrue de produits et services plus sophistiqués et personnalisés (voir certains projets de l'initiative de recherche sur les biens de consommation européens, Prosumer.net).

3.3   Une croissance durable

La croissance durable dans l'UE suppose une économie qui permette une utilisation efficace de l'énergie et des ressources et s'avère capable de remplir ses engagements dans la lutte contre le changement climatique et la pénurie des ressources à venir. Cette économie est habituellement dénommée "économie à faible intensité de carbone", ce qui fait référence à la réduction des émissions de CO2. Toutefois, le secteur des textiles techniques fournit un premier exemple d'évolution possible vers une économie qui utilise le carbone comme ressource.

Le secteur des textiles techniques peut, à son niveau, contribuer à une croissance durable, essentiellement de trois manières différentes:

en réduisant les émissions de CO2 grâce à l'utilisation de matériaux plus légers dans les transports (composites pour l'aéronautique et fibres de carbone pour les voitures);

en proposant des solutions textiles concrètes, par exemple en matière de filtration, de renforcement et d'isolation afin d'améliorer l'efficacité énergétique dans les secteurs du logement et de la construction;

En recyclant le PET des bouteilles en plastique pour produire du polyester.

Pour la commercialisation durable potentielle des textiles techniques, les entreprises européennes doivent être encouragées à:

envisager l'écoconception lors de la création des produits et des modes de production;

effectuer une analyse du cycle de vie (ACV) de leurs produits, qui jouera un rôle croissant à l'avenir car jusqu'ici, les matériaux traditionnels, tels que les métaux, étaient moins chers au recyclage.

Trois grandes questions liées aux fibres de carbone sont en suspens:

la première concerne le développement, en prévision de la fin de l'ère du pétrole, d'une fibre de carbone recyclable européenne basée sur des fibres naturelles (5);

la deuxième a trait au développement de méthodes de recyclage qui permettraient d'effectuer un recyclage complet des textiles à base de tissus mélangés (80-90%);

la troisième, plus ambitieuse, consiste à soutenir l'industrie et la communauté scientifique dans le développement de processus adaptés pour l'utilisation du carbone issu du CO2 en tant que ressource, par exemple par la transformation via une photosynthèse accélérée ou d'autres approches. Des recherches sont déjà menées dans le cadre d'autres applications, mais elles devraient être intensifiées ("Vers une économie de CO2" (6)).

[Voir à l'annexe 2 une comparaison qualitative des incidences sur l'environnement des matériaux traditionnels par rapport aux textiles techniques fondée sur trois exemples.]

4.   Principaux facteurs de réussite qui doivent être encouragés au niveau de l'UE

4.1   Améliorer et transmettre les compétences et le savoir-faire

4.1.1   Le rôle de l'éducation est essentiel pour le développement de ce secteur: université, écoles d'ingénieurs dans le secteur du textile, du plastique, des matériaux flexibles, etc. Les entreprises européennes doivent avoir accès à de jeunes professionnels détenant les compétences requises pour ces nouveaux marchés: une main-d'œuvre plus qualifiée, des ingénieurs ayant des compétences variées dans les domaines des textiles, mais également des produits chimiques, des plastiques et résines, de la construction automobile, de la construction, etc.

Le rôle de la formation et de la qualification pour les employés est également essentiel. Il conviendrait d'accorder la priorité au niveau national au transfert des qualifications plus utiles des marchés matures vers les marchés en croissance.

C'est pourquoi le Comité économique et social européen soutient les activités du Conseil sectoriel européen textile-habillement-cuir (ESC-TCL), qui a été créé en 2011 par les partenaires sociaux, avec l'appui financier de la Commission européenne, et demande à ce Conseil d'évaluer les besoins spécifiques en matière de compétences des entreprises fabriquant des textiles techniques.

4.1.2   Étant donné que le développement rapide de nouveaux marchés d'applications est relativement récent, il convient de promouvoir les nouvelles possibilités d'emplois dans ce secteur. Le projet visant à établir un lien entre les différents observatoires des compétences et de l'emploi existants doit être encouragé. Cette tâche de promotion est particulièrement urgente en raison de la mauvaise image de l'industrie du textile.

4.2   L'accès à l'innovation non technologique et technologique et les moyens permettant de commercialiser de nouveaux produits et services

La Commission européenne a identifié trois grandes priorités, pour la période 2014-2020, dans le cadre de l'initiative Horizon 2020:

des défis sociétaux;

la primauté dans le domaine des technologies génériques et industrielles;

l'excellence de la base scientifique.

Le Comité économique et social européen soutient les changements-clés que propose l'initiative Horizon 2020 par rapport à l'ancien 7e programme-cadre:

Accroître la participation et les avantages de l'industrie et des PME

De plus petits projets assortis de charges administratives plus restreintes (durée de 2 ans maximum, 3 à 6 partenaires)

Un engagement clair en faveur de l'innovation, y compris de l'innovation non technologique.

4.2.1   Le Comité économique et social européen soutient le programme COSME parce qu'il propose des possibilités d'aide aux PME dans le secteur des biens de consommation afin de permettre la commercialisation de produits de consommation innovants à travers des projets et des initiatives de première application commerciale utilisant de nouveaux modèles d'entreprise.

4.2.2   L'expérience liée à l'utilisation des divers outils collectifs au niveau des États membres et de l'UE (déjà évoquée) a permis de définir certains besoins spécifiques à ce secteur:

Développer une forme de communication simple, adaptée aux PME en ce qui concerne les programmes de R&D liés aux nouveaux produits et nouveaux matériaux parce qu'un grand nombre d'entre eux ont des liens avec l'industrie textile

Soutenir la collaboration industrie/université dans la recherche et les structures d'innovation (Plateforme technologique européenne pour l'avenir du textile et de l'habillement, conseils et réseaux au niveau national, pôles d'innovation au niveau régional, etc.)

Assurer la communication et l'interaction entre ces structures à travers l'UE et des structures similaires dans d'autres industries pour promouvoir l'innovation entre les secteurs

Proposer un nouveau financement ambitieux dans le cadre de l'initiative Horizon 2020 pour le recyclage des textiles (tant les déchets de la production que les produits finis) afin d'améliorer les performances de recyclage des textiles par rapport à celles des industries du papier ou du verre. La révision de la directive sur les déchets constitue l'occasion d'organiser le secteur du recyclage des textiles.

Intensifier la recherche sur les approches en matière d'utilisation du CO2 en tant que ressource, y compris la photosynthèse accélérée.

4.3   Le défi de l'accès au financement

4.3.1   L'accès au financement des banques

La mise en œuvre des nouvelles règles de solvabilité de l'accord de Bâle III (7) débouchera sur une activité de crédit plus restrictive dans le secteur bancaire en raison du taux plus élevé de fonds propres exigé par les autorités de régulation bancaires. Cette limitation du crédit aura d'importantes répercussions sur les PME, en particulier dans les secteurs industriels.

L'accès au financement pour divers investissements (achat de machines, nouvelles technologies, croissance externe, achat de brevets, etc.) constitue un facteur clé du développement des textiles techniques au sein de l'UE.

L'accès au financement par les banques est généralement plus difficile pour les PME disposant de moins de fonds propres et qui pourraient de surcroît être désavantagées par une notation négative du secteur.

4.3.2   Accès au financement non bancaire

La part du financement non bancaire dans l'économie de l'UE est plus limitée qu'aux États-Unis: il y représente respectivement 1/3 contre 2/3 du financement global. Il convient dès lors d'encourager les efforts visant à favoriser l'accès des PME aux marchés financiers et à promouvoir les investisseurs providentiels et les fonds propres.

Les entreprises du secteur des textiles techniques présentent certaines caractéristiques qui pourraient attirer les investissements privés: il s'agit souvent d'entreprises familiales; leurs dirigeants sont souvent des ingénieurs ayant une formation scientifique (comme dans certaines jeunes entreprises françaises lancées par des chirurgiens afin de développer des prothèses et fils chirurgicaux spécifiques); et la part du chiffre d'affaires investie dans la R&D est plus élevée que dans les entreprises dites "traditionnelles" (voir 2.2.3.4 plus haut).

4.4   La protection des droits de propriété intellectuelle (DPI) au sein et en dehors de l'UE

Les PME sous-estiment généralement la valeur de leurs actifs incorporels. Il convient de les aider à protéger leurs droits de propriété intellectuelle (DPI), en particulier dans le domaine des brevets et des marques, tandis que les modèles et dessins concernent davantage les marchés de la mode et de l'ameublement.

Le Comité économique et social européen préconise une mise en œuvre rapide du brevet européen, qui garantira une simplicité et une protection uniforme et abordable pour les PME innovantes de l'UE, dans les limites de la "brevetabilité" (analyse FFPM (Forces, faiblesses, possibilités et menaces) spécifique portant sur le type d'innovation, de marché et le profil de l'entreprise.

Au niveau mondial, les entreprises européennes sont victimes de copies et de contrefaçons à grande échelle. La Commission européenne devrait les aider à protéger leurs droits au sein des grands marchés émergents tels ceux de la Chine, de l'Inde, du Brésil ou du Mexique. Les problèmes liés à la protection des marques, dessins et modèles sont déjà bien connus des industries créatives. La protection des brevets relatifs aux machines textiles, aux nouvelles fibres et procédures qui ajoutent de nouvelles fonctionnalités devrait être renforcée dans le plan d'action de la Commission européenne relatif aux DPI.

4.5   Accès aux marchés publics au sein et en dehors de l'UE

Les marchés publics représentent un puissant levier pour créer des emplois, encourager le développement durable et stimuler l'innovation au sein de l'industrie des textiles techniques (8). Au sein de l'UE, les spécifications doivent inclure des critères économiques, sociaux et environnementaux. Les acheteurs publics devraient suivre une formation sur les moyens d'"atténuer" les critères de prix et les critères autres que le prix (lignes directrices pratiques).

L'accès aux marchés publics européens devrait être limité pour les entreprises étrangères opérant depuis l'étranger et ne respectant pas les normes sociales et environnementales de l'UE. Par ailleurs, l'accès aux marchés publics étrangers doit être amélioré pour les entreprises européennes.

Le Comité économique et social européen soutient la proposition de règlement du 21 mars 2012 qui vise une totale réciprocité concernant l'accès des entreprises des pays tiers aux marchés publics européens et des entreprises européennes aux marchés publics des pays tiers (9).

4.6   Accès aux marchés tiers

La DG Commerce est parfaitement consciente de l'intérêt offensif de l'ensemble de l'industrie européenne du textile et de l'habillement, et la CE est déjà décidée à détecter et supprimer les différents obstacles tarifaires et non tarifaires.

Dans le cadre des négociations bilatérales actuelles et futures (avec l'Inde, le Canada, le Japon, les États-Unis, etc.), le Comité économique et social européen demande à la DG Commerce de prendre en compte les besoins spécifiques des textiles techniques:

en accordant davantage d'attention aux investissements (et pas seulement aux exportations);

en accordant davantage d'attention à toutes les positions tarifaires qui ne sont pas spécifiquement incluses dans les chapitres 50 à 63 (des fils aux vêtements), par exemple, les tissus en fibres de verre (HS 70.19) ou les produits d'hygiène non tissés (HS 96.19);

en étudiant de plus près les problèmes rencontrés par les entreprises européennes lorsqu'elles souhaitent accéder aux marchés publics étrangers dans des secteurs tels que les vêtements de travail, les hôpitaux;

en incluant, par exemple, dans le cadre d'un accord transatlantique futur, certains engagements par rapport à la normalisation.

4.7   Accès aux matières premières essentielles

Plus de 80 % des fibres utilisées pour confectionner les textiles techniques sont synthétiques. Certaines sont disponibles en grandes quantités et à un prix abordable, comme le polyester, tandis que d'autres, comme les fibres de carbone, les fibres aramides, les fibres de verre ou les fils à haute ténacité, sont plus coûteuses et généralement produites dans des pays tiers.

L'industrie des textiles techniques de l'UE dépend de fournisseurs extérieurs à l'UE qui pourraient être tentés de prendre des mesures commerciales restrictives, comme ce fut le cas en Inde en 2011, lorsque des mesures commerciales restrictives avaient été adoptées pour le coton brut et les fils de coton.

C'est pourquoi le Comité économique et social européen demande à la Commission européenne de:

prendre en compte, le cas échéant, les matières premières essentielles pour les textiles techniques dans ses pourparlers sur les matières premières;

encourager la production de fibres naturelles – lin, chanvre, laine, fibres cellulosiques – et de biopolymères afin de garantir à l'industrie textile des ressources européennes.

5.   Annexe 1

Part des textiles techniques dans les exportations de textiles des États membres vers le reste du monde en 2001 (hors habillement)

État membre

Part des textiles techniques dans les exportations de textiles

Exportations en euros

Part du total

AT

21 %

545 836 380

2,5 %

BE

28 %

1 664 943 280

7,5 %

BG

23 %

94 353 020

0,4 %

CZ

46 %

1 075 687 960

4,9 %

DE

37 %

5 471 826 120

24,8 %

DK

55 %

696 198 480

3,2 %

EE

40 %

44 819 560

0,2 %

FI

61 %

201 378 760

0,9 %

FR

35 %

1 781 833 080

8,1 %

GR

16 %

106 778 290

0,5 %

HU

47 %

356 668 170

1,6 %

IT

23 %

2 608 481 980

11,8 %

LT

39 %

178 787 500

0,8 %

NL

31 %

1 499 620 840

6,8 %

PL

42 %

723 561 280

3,3 %

PT

23 %

383 053 520

1,7 %

RO

24 %

237 749 020

1,1 %

SE

65 %

558 986 660

2,5 %

SK

36 %

262 766 180

1,2 %

SL

37 %

221 994 210

1 %

SP

28 %

963 521 670

4,4 %

UK

40 %

1 683 055 490

7,6 %

Autres 5 (o)

65 %

712 194 990

3,2 %

Pays UE

33,3 %

22 074 096 440

100 %

(o): Chypre, Irlande, Luxembourg, Lettonie & Malte

Source: Calcul EURATEX sur données CITH

4.   Annexe 2 – Comparaison qualitative des impacts environnementaux des matériaux traditionnels et des textiles techniques fondée sur trois exemples

Février 2013, IFTH, Institut français du textile et de l'habillement

Les comparaisons détaillées et scientifiquement étayées sont de préférence réalisées sur la base d'ACV (analyses du cycle de vie). L'un des inconvénients majeurs de cet outil est la quantité de données à collecter et à exploiter de même que les nombreuses hypothèses qui peuvent être utilisées, ce qui rend la comparaison des ACV entre elles et leur interprétation difficiles.

Afin de donner un aperçu des avantages de l'utilisation des textiles techniques pour l'environnement, nous rassemblons par exemple les résultats de l'analyse du cycle de vie comparant les matériaux textiles avec les matériaux traditionnels dans trois applications différentes, qui ont été choisies parmi les produits de construction et de transports. Ces deux secteurs, avec celui des produits alimentaires et des boissons, représentent 70 à 80 % de l'impact des produits en Europe sur la totalité du cycle de vie. (Impact environnemental des produits (EIPRO), analyse des impacts environnementaux tout au long du cycle de vie relatifs à la consommation finale de l'UE à 25 (http://ec.europa.eu/environment/ipp/pdf/eipro_report.pdf). Les résultats présentés sont basés sur une valeur standard (excepté pour le troisième pour lequel la valeur standard n'a pas été calculée dans l'étude) et portent sur les incidences environnementales majeures de chaque produit. Ces résultats montrent quelques avantages significatifs des textiles techniques dont la performance environnementale est meilleure.

6.1   1) Construction et isolation

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6.2   2) Construction – Réservoirs d'eau

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6.3   3) Transport aérien-tubes structurels

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Bruxelles, le 17 avril 2013.

Le président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  1. Agrotech: agriculture, sylviculture et pêche, 2. Buildtech: bâtiment et construction, 3. Clothtech: éléments fonctionnels de la chaussure et de l'habillement, 4. Geotech: géotextiles et génie civil, 5. Hometech: éléments d'ameublement, revêtements de sol, 6. Indutech: filtration et autres produits utilisés dans l'industrie, 7. Medtech: hygiène et secteur médical, 8. Mobiltech: construction, équipement et ameublement des transports, 9. Oekotech: protection de l'environnement, 10. Packtech: conditionnement et stockage, 11. Protech: protection individuelle et des biens, 12. Sporttech: sports et loisirs.

(2)  Technical textiles and nonwovens: world market forecasts to 2010, David Rigby Associates, disponible à l'adresse suivante: http://www.fibre2fashion.com/industry-article/pdffiles/Technical-Textiles-and-Nonwovens.pdf.

(3)  

Supplément d'avis sur la communication concernant "L'avenir du secteur du textile et de l'habillement dans l'Union européenne élargie" (CCMI/009), adopté le 7 juin 2004, rapporteur: Nollet.

Avis sur la communication "L'avenir du secteur du textile et de l'habillement dans l'Union européenne élargie" (INT/220), adopté le 1er juillet 2004, rapporteur: Pezzini.

CCMI Rapport d'information sur L'évolution de l'industrie textile et de la chaussure européennes (CCMI/041), adopté le 4 février 2008, rapporteur: Cappellini.

Avis sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux dénominations des produits textiles et à l'étiquetage y afférent (INT/477), adopté le 16 décembre 2009, rapporteur: Cappelini.

(4)  Voir note de bas de page 1.

(5)  Cette option a néanmoins ses limites, en raison des surfaces de terres requises et du fait que la production de ces fibres entre en conflit avec la production alimentaire (à l'instar de ce qui se produit avec les biocarburants aujourd'hui).

(6)  Voir, par exemple, www.bio-based.eu, www.nova-institut.de; VCI/Dechema, 2009: Positionspapier – Verwertung und Speicherung von CO

(7)  Il s'agit des nouvelles règles relatives au capital et aux liquidités des banques.

(8)  Voir également le rapport d'information de la CCMI sur l'évolution de l'industrie textile et de la chaussure européenne (CCMI/041) CESE 1572/2007, adopté le 4 février 2008, rapporteur: Cappellini.

(9)  Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant l'accès des produits et services des pays tiers au marché intérieur des marchés publics de l'Union et établissant des procédures visant à faciliter les négociations relatives à l'accès des produits et services originaires de l'Union aux marchés publics des pays tiers, COM(2012) 124 final, 21.3.2012, disponible via le lien suivant: http://ec.europa.eu/internal_market/publicprocurement/docs/international_access/COM2012_124_fr.pdf.


10.7.2013   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 198/26


Avis du Comité économique et social européen sur «La politique arctique de l'UE pour aborder les nouveaux enjeux mondiaux dans la région — point de vue de la société civile»

2013/C 198/04

Rapporteur: M. HAMRO-DROTZ

Lors de sa session plénière des 11 et 12 juillet 2012, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29 paragraphe 2 de son Règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur

"La politique arctique de l'UE pour aborder les nouveaux enjeux mondiaux dans la région – point de vue de la société civile"

La section spécialisée "Relations extérieures", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 27 mars 2013.

Lors de sa 489e session plénière des 17 et 18 avril 2013 (séance du 17 avril 2013), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 163 voix pour, 1 voix contre et 6 abstentions.

1.   Résumé

1.1

L'Arctique traverse actuellement une période de profonds changements. Le changement climatique a un impact important sur le réchauffement de la planète et sur la fonte de la banquise dans la région, ce qui a des répercussions sur les conditions météorologiques et environnementales de par le monde. Dans le même temps, ces changements affectent également l'économie mondiale car ils offrent de nouvelles opportunités d'activités économiques dans cette région riche en ressources. L'attention du monde se porte désormais vers la région arctique, dont le fragile écosystème et la population doivent être protégés et pris en considération. Ces changements peuvent avoir des conséquences sur le plan géopolitique.

1.2

Le CESE invite l'UE à adopter une stratégie arctique claire et à s'engager de manière crédible dans une coopération avec les États arctiques. L'Arctique revêt une importance considérable pour l'UE et cette dernière peut apporter une importante contribution à la coopération dans cette région. Le Comité plaide en faveur d'investissements dans des activités économiques responsables reposant sur l'expertise en matière de climats froids et le développement des infrastructures. Il appelle également à poursuivre la coopération dans le domaine de la recherche sur le changement climatique et à des efforts soutenus afin de protéger l'environnement fragile de la région.

1.3

La position du Conseil arctique, et celle de l'UE au sein dudit Conseil, doivent être renforcées. La société civile doit être largement associée à la coopération arctique. Une plus grande ouverture ainsi qu'un effort soutenu afin d'améliorer la communication dans la coopération arctique sont nécessaires.

1.4

L'audition publique tenue à Rovaniemi, dans le nord de la Finlande, en coopération avec le Centre arctique de l'université de Laponie (1), s'est révélée très précieuse pour le CESE. Le Comité entend contribuer à la coopération arctique ainsi qu'à la politique arctique de l'UE et renforcer ses liens avec la société civile dans la région.

2.   Principaux points de vue et recommandations de la société civile

Le présent avis présente les points de vue et les recommandations des organisations de la société civile de l'UE relatives à la politique arctique européenne; il insiste plus particulièrement sur la communication conjointe de la Commission européenne et de la haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité en date de juin 2012 ainsi que sur le document de travail conjoint des services accompagnant ladite communication (2).

2.1

L'importance stratégique de l'Arctique s'est accrue de manière considérable et la région suscite un intérêt croissant dans le monde. Il est dès lors vital que l'UE finalise dès que possible sa politique arctique afin de pouvoir participer en tant qu'acteur crédible et constructif à la coopération dans la région arctique. L'UE doit faire la preuve de son engagement envers l'Arctique ainsi qu'envers la coopération dans la région. Il y a lieu de prendre en compte en tout premier lieu les régions septentrionales des États arctiques membres de l'UE et de consolider la coopération avec les États arctiques, surtout avec les pays voisins situés en Europe (y compris le Groenland). La situation exige que l'UE élabore une stratégie arctique à part entière.

Concentrer les ressources de l'UE allouées à la région arctique, assurer une coordination efficace de ces ressources et prévoir une rubrique pour la région arctique dans le budget de l'Union sont nécessaires pour rendre crédible la mise en œuvre de la politique arctique de l'UE.

2.2

La politique arctique de l'UE et les stratégies des États arctiques doivent être cohérentes les unes par rapport aux autres; il y a lieu d'élaborer et de mettre en œuvre une gouvernance arctique sur la base d'une coopération constructive avec ces pays et avec des partenaires-clefs. La coopération et la coexistence dans la région arctique doivent être fondées, dans toute la mesure du possible, sur les accords internationaux et sur la coopération au sein d'organisations internationales telles que les Nations unies, l'Organisation maritime internationale (OMI), l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et l'Organisation internationale du travail (OIT). La coopération est facilitée par le fait que les pays participants auraient ratifié les plus importants de ces accords ayant un rapport avec l'Arctique.

2.3

Il ne faut pas que la course à laquelle on assiste actuellement dans l'Arctique dégénère en conflit. L'UE doit promouvoir le dialogue sur un mécanisme juridique international de résolution des litiges qui soit contraignant pour toutes les parties concernées. C'est l'une des raisons pour lesquelles, comme cela a été proposé en 2010 et approuvé par le Parlement européen (3), il convient d'organiser dès que possible, sous l'égide du Conseil arctique, un Sommet arctique qui permettrait aux acteurs-clefs intéressés par la région et par la coopération de débattre de l'avenir de la région et de rechercher une position commune sur les principes d'une collaboration dans cette région. De même, il serait souhaitable que de tels sommets aient lieu à intervalles réguliers à l'avenir; le succès de la coopération entre les acteurs de l'Arctique suppose l'existence d'instruments efficaces tels que la mise en commun d'un réseau de communication et de surveillance fondé sur les technologies modernes.

2.4

Le CESE reconnaît la nécessité de renforcer la position du Conseil arctique et estime que cet organisme devrait disposer d'un mandat lui permettant d'agir en tant que forum international de négociation en ce qui concerne les problèmes-clefs de la région arctique. Le succès de la coopération arctique suppose que tous les États arctiques soient traités sur un pied d'égalité.

Il y a lieu également de renforcer la position de l'UE au sein du Conseil arctique, ce qui lui permettait de mieux contribuer aux travaux du Conseil et de promouvoir par sa participation l'influence de ce dernier. L'UE peut apporter une contribution importante en matière de coopération. L'une des façons de renforcer la position de l'Union est de lui octroyer un statut d'observateur; de plus, les États membres de l'UE faisant partie de la région arctique devraient également tenir compte des points de vue exprimés par l'UE au sein du Conseil.

De même, l'UE devrait s'efforcer de renforcer la coopération au sein du Conseil euro-arctique de la mer de Barents (CEAB) (et du Conseil régional de la mer de Barents); en effet, ces organes jouent un rôle-clef dans les interactions transfrontalières entre les treize régions (de Norvège, de Suède, de Finlande et de Russie) riveraines de la mer de Barents, une région riche en ressources. L'UE devrait promouvoir la coopération entre les différents forums de coopération régionale et mettre à profit l'expérience de ces derniers, parmi lesquels ceux visés à la section 4, tels que le Conseil nordique des ministres, le Conseil des États de la mer Baltique ou la coopération nordique-baltique (NB8).

2.5

Le CESE reconnaît la nécessité de disposer de connaissances plus précises et plus fiables sur les changements climatiques en cours dans l'Arctique, région dont les conditions environnementales sont uniques et dont l'écosystème est fragile. Il estime qu'il y a lieu de continuer à mettre l'accent sur la recherche scientifique et sur le contrôle du changement climatique ainsi que sur les questions d'ordre écologique, environnemental et météorologique. L'évaluation de l'impact du changement climatique dans l'Arctique (ACIA), l'évaluation des incidences du changement climatique sur la neige, l'eau, la glace et le permafrost de l'Arctique (SWIPA), le programme Ice2sea, le projet d'évaluation de l'empreinte écologique et de la politique de l'Arctique et la participation aux réseaux d'observation durables de l'Arctique (SAON) peuvent servir à catalyser la coopération en matière de recherche dans l'Arctique. Il y a lieu d'accroître l'efficacité des réseaux de coopération et de surveillance de l'UE, dont l'expérience et le bon fonctionnement sont reconnus, afin d'approfondir les connaissances et de renforcer les capacités.

2.5.1

Jusqu'ici, la recherche visait principalement à atténuer et à gérer le changement climatique dans différentes régions du monde; or tant les phénomènes de changement climatique que leurs séquelles semblent avoir atteint un point au-delà duquel il sera difficile de faire marche arrière (4). Il convient dès lors de s'attacher davantage à la recherche sur la préservation de l'environnement arctique et la gestion durable des ressources naturelles ainsi que sur l'adaptation aux conséquences sociales et économiques du changement climatique. Les activités de recherche et leurs conclusions devraient être rendues publiques; la recherche doit couvrir tous les aspects de la question et elle doit être ouverte et inclusive pour la société civile et les chercheurs de tous les pays de l'Union (voir également le paragraphe 2.9).

2.5.2

Il y a lieu d'accorder davantage d'importance à la recherche arctique dans les programmes de recherche de l'UE et de prévoir à cet effet un financement spécifique dans le cadre financier de l'UE pour la période 2014-2020.

2.6

La région arctique revêt une importance économique considérable pour la population locale, pour l'Europe tout entière et de manière plus générale. Il est capital de promouvoir l'esprit d'entreprise dans la région, y compris dans le secteur de l'industrie de transformation et en milieu rural, par exemple par le biais d'initiatives telles que ArcticStartup et par des actions de formation. Il y a lieu également de promouvoir les investissements. S'agissant de l'extraction des ressources et des autres activités économiques, l'UE doit investir dans des technologies adaptées aux conditions arctiques ainsi que dans l'élaboration et la diffusion de connaissances pertinentes sur les climats froids. Citons à titre d'exemple les forages en mer, les industries minières et maritimes, la conception et la construction de machines, la construction navale, la technologie portuaire ainsi que les technologies des chantiers navals et des transports.

2.6.1

Le développement des infrastructures, spécialement en matière ferroviaire, routière, aérienne et maritime, ainsi que des réseaux de transport d'énergie, doit également être basé sur une technologie et un savoir-faire adaptés aux rudes conditions environnementales de l'Arctique. La création d'infrastructures et d'une logistique opérationnelles (tant dans le sens nord-sud que dans le sens ouest-est) est d'une importance capitale pour le développement de l'Arctique.

2.6.2

Parmi les autres domaines importants dont le développement nécessite des financements dans la région, l'on citera la construction d'agglomérations, l'utilisation des technologies de l'information dans les zones faiblement peuplées (enseignement à distance, soins de santé en ligne) et le tourisme.

2.6.3

En développant la route du Nord pour le transport maritime, qui constitue une solution rentable et, à certains égards, plus sûre que la route du Sud par le canal de Suez, l'UE devrait dûment prendre en considération les considérations environnementales. L'UE devrait également œuvrer à rendre de nouvelles routes maritimes dans l'Arctique accessibles au "droit de passage inoffensif" conformément aux accords internationaux en la matière (CNUDM, sigle anglais: UNCLOS), y compris lorsque ces routes traversent les zones économiques exclusives de différents pays. Cet aspect est d'une importance cruciale pour le développement du trafic de marchandises et de passagers dans la région.

2.6.4

L'UE devrait accentuer ses efforts afin d'intégrer ces priorités dans la stratégie de croissance "Europe 2020" et dans ses autres programmes, par exemple "l'Union pour l'innovation" et "Horizon 2020". La politique régionale et la politique de cohésion de l'UE, de même que le programme Interreg et les programmes de l'Instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP), revêtent une importance capitale pour les régions nordiques périphériques de l'UE; il est vital que ces instruments puissent continuer à atteindre ces régions et les régions voisines de manière efficace, à soutenir l'activité économique et sociétale et à promouvoir la coopération transfrontalière.

2.6.5

L'UE doit également investir dans les initiatives de coopération régionale ayant fait l'objet d'accords avec ses partenaires. Le projet de partenariat en matière de transport dans le cadre de la dimension septentrionale mérite une attention particulière et des ressources adéquates; il peut en effet contribuer au développement de couloirs de transport en direction et en provenance de la région de la mer de Barents, riche en ressources, y compris vers les marchés européens. Il est ainsi essentiel d'établir sans tarder des liaisons terrestres entre l'UE et les principaux ports de l'Arctique, tels que Mourmansk et Narvik. De tels projets devraient être considérés comme extrêmement urgents (voir également les paragraphes 2.6.1 et 2.6.3).

Orienter les ressources vers la promotion de l'activité économique pourrait avoir des effets bénéfiques sur l'emploi, la croissance et le bien-être des populations de la région.

2.7

L'UE doit œuvrer à garantir un équilibre soutenable entre la protection de l'environnement et l'activité économique dans la région arctique. L'UE doit consentir un effort important afin d'aider les pays arctiques à parvenir à cet équilibre, compte tenu de la grande fragilité de l'écosystème de la région. L'activité économique de la région arctique devrait être conforme aux normes internationales en matière de développement durable exigées par les conditions propres à cette région. L'on insistera à cet égard sur l'importance de la responsabilité sociale des entreprises et des principes directeurs de l'OCDE pour les entreprises multinationales. Les entreprises doivent agir de manière prudente et responsable, notamment dans les sites présentant un intérêt particulier du point de vue de la nature ou dans les endroits ayant une valeur sacrée pour les peuples autochtones. Ce principe d'action prudente et responsable doit s'appliquer également à la pêche; il y a lieu de veiller à utiliser les ressources de stocks de poisson pélagiques de manière durable sur la base des règles de l'UE en matière de pêche en haute mer, des lignes directrices de la FAO, de la communication conjointe JOIN(2012) 19 final et du document de travail connexe des services de la Commission SWD(2012) 182 final et éventuellement, également, de l'accord conclu dans le cadre de la Commission des pêches de l'Atlantique du nord-est (CPANE) (5). Ce point est essentiel à la sauvegarde de la vitalité économique et du bien-être dans l'Arctique.

2.7.1

Les lignes directrices de l'UE relatives à l'évaluation de l'impact environnemental et son expérience en la matière doivent être largement diffusées dans le cadre de la coopération arctique. Outre l'impact environnemental des mesures sur la région, il y a lieu de toujours évaluer l'impact économique.

2.7.2

L'UE doit œuvrer au respect du nouvel accord du Conseil arctique sur la prévention des déversements pétroliers ainsi qu'à l'ouverture des négociations sur les principes régissant les forages.

2.7.3

De même, il est vital que les négociations relatives au Code de navigation pour les régions polaires (code polaire) de l'Organisation maritime internationale (OMI) soient couronnées de succès. S'agissant des routes maritimes dans l'Arctique, l'UE devrait également donner accès à ses services de surveillance par satellite Galileo afin de promouvoir la navigation et la sécurité dans le contexte du développement des voies navigables dans la région arctique, et combiner ce système avec d'autres lorsque cela est possible.

2.8

Le CESE est un fervent partisan du dialogue lancé par l'UE avec les Sames et les autres peuples autochtones ainsi qu'avec les groupes d'intérêt actifs dans la région arctique. Il estime nécessaire d'agir avec détermination en vue de maintenir et de renforcer ce dialogue. Le patrimoine culturel et le mode de vie traditionnel (y compris l'élevage des rennes) des peuples autochtones doivent être respectés. Toutefois, les résidents de la région appartenant pour la plupart à des groupes non autochtones (environ 90 %), le dialogue devrait être étendu à l'ensemble de la population. Le CESE marque également son accord avec l'observation formulée dans la communication de juin 2012, à savoir que "l'Arctique offre tout à la fois des défis et des opportunités qui auront un grand impact sur la vie des citoyens européens dans les générations futures". Les changements en cours dans l'Arctique ont une incidence sur les conditions de vie de la population non seulement dans cette région et dans les régions frontalières, mais également dans d'autres régions du monde (potentiel économique, incidence croissante de conditions météorologiques extrêmes du fait du changement climatique, modifications des courants océaniques, hausses du niveau de la mer, sécheresses, pluies diluviennes et tempêtes de neige).

2.8.1

Outre les populations autochtones, il y a lieu d'associer largement et plus régulièrement la société civile aux travaux sur la région arctique. De même, il est souhaitable d'associer aux activités multilatérales et aux activités de l'UE ayant un rapport avec la région arctique les différents acteurs, y compris les entreprises, les salariés et les militants pour la défense de l'environnement. Un dialogue, des tables rondes et des auditions devraient être organisés avec les différents secteurs de la société civile.

2.8.2

Le CESE préconise que l'UE œuvre à améliorer la participation de la société civile à différents niveaux:

chaque pays arctique devrait associer des partenaires-clefs de la société civile à ses travaux sur l'Arctique;

les partenaires-clefs de la société civile devraient avoir un rôle consultatif plus marqué au sein du Conseil arctique et du Conseil euro-arctique de la mer de Barents sur les questions concernant la société civile;

l'UE devrait intégrer le dialogue avec les partenaires-clefs de la société civile européenne dans sa future politique/stratégie arctique.

2.8.3

Le CESE entend participer à ces travaux et présenter les points de vue et les propositions de la société civile organisée de l'UE. Il a également l'intention de renforcer ses liens avec la société civile de la région arctique, tant à l'intérieur des frontières de l'UE qu'au-delà. L'objectif visé est de soutenir la voix et la représentation organisée de la société civile dans les pays arctiques. Il y a lieu également d'entreprendre des démarches afin de créer un espace pour que les acteurs de la sous-région et les acteurs locaux puissent exprimer leurs points de vue au niveau de l'UE.

2.9

Le CESE partage pleinement l'avis de la Commission quant à la nécessité d'une plus grande transparence et d'une information accrue de l'opinion publique sur l'Arctique et sur la coopération dans la région. L'UE doit dès lors se doter d'une stratégie de communication efficace pour la coopération arctique. Le CESE soutient la proposition avancée par la Commission en 2008 (6), mentionnée par le Conseil des ministres en 2009 (7) et ultérieurement par le Parlement européen (8), de créer un Centre d'information arctique de l'UE qui serait responsable, en premier lieu, de la diffusion de l'information sur les résultats des recherches et les autres activités liées à la coopération dans la région arctique. Cette initiative est particulièrement importante en termes d'accroissement de la transparence. Le CESE se félicite que la Commission européenne ait choisi de confier au Centre arctique de l'université de Laponie la tâche d'effectuer les travaux préparatoires en la matière. Le futur centre d'information pourrait fonctionner comme un réseau bénéficiant d'une large participation des organes de recherche arctique et de communication tant en Europe que dans les pays tiers. La société civile aurait également un rôle à jouer.

3.   Historique

3.1   Principales caractéristiques de la région arctique

La zone située entre le pôle Nord et le cercle arctique (latitude 66° 33′ 44″) est généralement connue sous le nom de région arctique.

3.1.1

La plus grande partie de cette région est constituée par l'océan Arctique, dont la plus grande partie est recouverte de glace - le pôle Nord est situé au milieu de l'océan. La mer de Barents, la mer de Kara, la mer de Norvège, la mer de Beaufort, la mer de Laptev et un certain nombre d'autres régions maritimes font toutes partie de l'océan Arctique. L'océan Arctique est entouré de plateaux continentaux. Huit pays arctiques - le Canada, le Danemark (y compris le Groenland), la Finlande, l'Islande, la Norvège (y compris le Svalbard), la Russie, la Suède et les États-Unis (y compris l'Alaska) - sont situés, au moins partiellement, au-delà du cercle arctique et possèdent de vastes territoires dans la région arctique. Au moins cinq de ces pays - la Norvège, la Russie, le Canada, le Danemark/Groenland et les États-Unis (les "cinq de l'Arctique") sont riverains de l'océan Arctique. L'on compte parmi les pays arctiques trois États membres de l'UE: la Finlande, la Suède et le Danemark. La Norvège et l'Islande, bien que non membres de l'UE, font partie de l'EEE, et l'Islande a demandé son adhésion à l'UE. Les États-Unis, la Russie et le Canada sont des partenaires stratégiques de l'UE. Le Groenland fait partie du Royaume du Danemark mais jouit d'une large autonomie depuis 2009; il n'est pas membre de l'UE mais a conclu avec elle un accord de partenariat.

3.1.2

L'Arctique couvre 14,5 millions de kilomètres carrés et compte environ 4 millions d'habitants (la plupart en Russie) dont quelque 10 % appartiennent à des groupes autochtones (notamment Sames, Inuits, Nenets, Aléoutes, Athabascans et Gwich'in)). Les Sames de Finlande et de Suède sont les seules populations autochtones vivant à l'intérieur des frontières de l'UE. Mourmansk, au nord-ouest de la Russie, est le plus grand port de l'Arctique (9). La région possède de bonnes structures communautaires et de planification, comme par exemple les programmes de développement rural du Conseil régional de Laponie pour la période 2009-2014 (10). L'agriculture, la sylviculture, le secteur des animaux à fourrure et différentes sortes d'activités convenant au climat rude de l'Arctique sont également pratiquées dans la région (11).

3.2   Principaux défis de la région arctique

3.2.1

Traditionnellement, l'Arctique est une région stable, et la coexistence entre les États arctiques repose sur une coopération constructive et sur la confiance. L'Arctique est important sur le plan géopolitique et l'intérêt pour la région s'est considérablement accru ces dernières décennies tant dans les pays arctiques qu'en Europe et dans le reste du monde. Pour différentes raisons, cette région connaît actuellement d'importants changements.

3.2.2

Le changement climatique anthropogénique mondial, principalement le réchauffement de la planète, revêt une importance exceptionnelle et progresse rapidement dans l'Arctique. Il est à l'origine de la fonte de la banquise et du dégel du pergélisol, deux phénomènes qui contribuent à accélérer l'effet de gaz à effet de serre dans le monde entier (du fait notamment des émissions de méthane). Cette évolution est à l'origine de l'augmentation des variations météorologiques extrêmes, de modifications des courants du vent et des courants océaniques, de la hausse du niveau des mers, d'une incidence accrue des sécheresses de longue durée, de fortes pluies et de chutes de neige dans différentes régions du monde. La fonte des glaces, particulièrement dans l'Antarctique et au Groenland, pourrait provoquer une hausse du niveau de la mer de un à deux mètres. En septembre 2012, la calotte glaciaire arctique avait rétréci de manière record (3,41 millions de kilomètres carrés). La glace au sol, en particulier, fond rapidement (70% depuis 1980) et fait place à une fine couche de glace en surface qui dure une année. À l'été 2008, 65 % de la superficie de l'océan Arctique étaient libres de glace, et la glace restante pourrait fondre en grande partie dans les prochaines décennies (12).

3.2.3

La région abrite d'importantes ressources naturelles inexploitées tant en mer qu'à terre. L'amincissement et le rétrécissement de la calotte glaciaire du fait du réchauffement de l'atmosphère, associés au développement et à la diffusion des nouvelles technologies, multiplient les possibilités d'exploration et d'extraction de nouveaux hydrocarbures (pétrole, gaz) ainsi que d'autres réserves de matières premières sous-marines. À titre d'exemple, un quart des réserves de gaz connues dans le monde et 80 % du gaz naturel russe se trouvent dans l'Arctique. L'on estime cette région renferme 13 % des réserves mondiales de pétrole, 30 % des réserves de gaz et 20 % des réserves de gaz liquide qui n'ont pas encore été découvertes.

3.2.4

La plupart des grandes compagnies pétrolières et gazières internationales sont présentes dans l'Arctique; il existe d'ores et déjà de nombreux sites de forage pétrolier en mer et de nouveaux sites encore plus au nord sont actuellement en cours d'exploration et font l'objet de recherches (à titre d'exemple, la Norvège dispose de 89 sites en mer de Barents et commencera d'ici peu des forages sur neuf nouveaux sites). L'importance croissante de l'énergie dérivée de l'exploitation des schistes bitumineux n'entame en rien l'attrait de ces sources d'énergie.

3.2.5

Il existe, depuis déjà plusieurs décennies, d'importantes activités minières (métaux et minéraux) dans différentes parties de l'Arctique, où se trouvent d'importantes réserves encore inexploitées. C'est ainsi que 90 % de la production de minerai de fer de l'UE et environ 20 % de la production mondiale de nickel proviennent de l'Arctique, principalement de la région de la mer de Barents. L'Arctique est aussi riche en forêts, source importante d'énergie renouvelable.

3.2.6

L'Arctique abrite environ un quart des stocks mondiaux de poisson. Les changements qui affectent l'environnement ont également un impact sur les mouvements des poissons, phénomènes qui se répercutent sur la pêche. Les activités de pêche se déplacent d'ores et déjà de plus en plus loin en direction du nord, vers des eaux jusqu'alors inexploitées.

3.2.7

Au fur et à mesure que la calotte glaciaire devient de plus en plus fragile et que les températures atmosphériques augmentent, de nouvelles possibilités émergent quant à l'ouverture et au développement de nouvelles voies de navigation – le passage du Nord-Ouest et la route maritime du Nord – permettant de relier l'Asie orientale par l'océan Arctique. Ces routes sont environ 40 % plus courtes que les routes maritimes existantes pour relier les pays riverains de l'océan Atlantique et les États côtiers asiatiques. Cette évolution permettra à la fois de réduire de manière substantielle le coût du trafic de transit et de réduire les émissions de CO2. Une proportion considérable du fret maritime mondial est assurée par des navires de l'UE et quelque 90% du fret maritime mondial empruntent aujourd'hui la route maritime traditionnelle, celle du sud. En 2012, 46 navires ont emprunté la route maritime du Nord reliant la mer de Barents au détroit de Béring. Le trafic de marchandises est en augmentation, bien que d'importantes incertitudes demeurent quant à l'utilisation de cette route, essentiellement du fait des lacunes dans le domaine des règles de navigation, des coûts, de la sécurité ainsi que des conditions météorologiques extrêmes qui prévalent dans la région.

3.2.8

Le potentiel économique est énorme et l'Arctique pourrait devenir une région-clef pour l'économie mondiale grâce à ses ressources en énergie et en matières premières et à ses nouvelles voies pour le transport maritime.

3.2.9

Les conditions environnementales dans l'Arctique sont uniques; son écosystème est fragile et vulnérable. Les efforts visant à gérer les changements environnementaux et à prévenir les catastrophes environnementales résultant de l'activité économique humaine (marées noires, etc.) revêtent une importance capitale pour la région.

3.2.10

Ces changements ont un impact sur les conditions de vie des populations autochtones et des autres personnes vivant dans l'Arctique et dans les régions frontalières. La modification des conditions météorologiques et environnementales, les nouvelles perspectives économiques et l'importance croissante de la région sur le plan géopolitique et de la sécurité ont également des répercussions sur la vie des populations d'autres régions d'Europe et du monde.

3.2.11

Trouver un équilibre stratégique dans l'Arctique entre menaces et atouts constitue un défi critique pour l'avenir du monde entier.

4.   Principaux acteurs politiques dans l'Arctique

4.1

Les huit pays arctiques ont chacun leur propre stratégie arctique (13). Pour une bonne part, leurs priorités sont similaires: importance politique et économique de l'Arctique pour le pays en question; situation spécifique du pays dans la région; conditions naturelles, écosystème; nécessité de coopérer afin de développer la gouvernance de la région de manière durable. Toutes ces stratégies prennent comme point de départ le potentiel de la région arctique en termes d'énergie, de matières premières et de développement des routes commerciales. Ces pays ont également noué des relations bilatérales les uns avec les autres afin de protéger et de promouvoir leurs intérêts communs dans l'Arctique. L'Assemblée parlementaire de l'OTAN a publié une résolution sur l'Arctique en octobre 2012 (14).

4.2

Il existe dans le nord quatre forums de coopération régionale:

Le Conseil arctique  (15) est le plus important instrument de coopération régionale. Il compte huit membres (les pays arctiques, y compris les îles Féroé et le Groenland, deux territoires autonomes au sein du royaume du Danemark), six participants permanents (les différents forums de coopération entre les peuples autochtones) (16) et un grand nombre d'observateurs (les Pays-Bas, l'Espagne, le Royaume-Uni, la Pologne, la France, l'Allemagne et 18 organisations intergouvernementales et non-gouvernementales). L'Union européenne, l'Italie, la Chine, l'Inde, le Japon, la Corée du Sud et Singapour ont demandé le statut d'observateurs permanents. Ces dernières années, la Chine a accru de manière substantielle ses activités dans la région arctique ainsi que dans les pays de la région. Les États membres du Conseil arctique ont conclu des accords tels que l'Accord sur la recherche et le sauvetage dans l'Arctique. Il est question de donner au Conseil un rôle plus important, d'étendre sa juridiction et de lui donner plus de poids en tant qu'instrument de coopération internationale.

4.3

Le Conseil euro-arctique de la mer de Barents  (17) couvre les régions arctique et subarctique d'Europe. Il s'attache à promouvoir la coopération dans la région de la mer de Barents, qui est riche en ressources et qui a besoin d'améliorer les voies de transports en direction des marchés européens et mondiaux. Le Conseil compte sept membres: la Finlande, la Norvège, la Suède, le Danemark, l'Islande, la Russie et la Commission européenne. Il héberge également le Conseil régional de la mer de Barents  (18), lequel regroupe 13 sous-régions faisant partie de la région de la mer de Barents et œuvre en faveur d'une coopération pragmatique.

4.4

Le Conseil nordique des ministres  (19) (et le Conseil nordique) possède sa propre stratégie arctique. Les cinq pays nordiques possèdent une tradition riche et bien développée en matière de coopération et de grandes compétences sur les conditions nordiques. Le Groenland participe en tant que membre à part entière à cette coopération.

4.5

Le Conseil des États de la mer Baltique (CEMB) (20) est un forum de coopération entre les huit pays de la région de la mer Baltique. L'UE a sa propre stratégie macrorégionale pour la région de la mer Baltique (SUERMB).

4.6

La dimension septentrionale  (21), politique commune à l'UE, à l'Islande, à la Norvège et à la Russie, couvre une zone géographique importante qui comprend les régions arctique et subarctique européennes de l'ouest de la Russie à l'est à l'Islande et au Groenland à l'ouest. La coopération repose sur quatre partenariats thématiques (NDEP, NDPHS, NDPTL et NDPC) et un "volet arctique". Le Partenariat pour les transports et la logistique (NDPTL), pour lequel une proposition de réseau de transport régional est actuellement en cours d'élaboration, est important en termes de coopération arctique. Le Partenariat pour l'environnement de la dimension septentrionale (NDEP) joue également un rôle-clef dans l'Arctique, d'autant qu'il a fourni le cadre qui a permis de nettoyer avec succès les déchets radioactifs dans la péninsule de Kola. La troisième réunion des ministres des affaires étrangères de la Dimension septentrionale s'est tenue en février 2013à Bruxelles (22). Le Conseil d'affaires dans le cadre de la dimension septentrionale (NDBC) (23) œuvre essentiellement à l'amélioration des conditions dans la région afin de la rendre plus concurrentielle. Les États-Unis et le Canada ont le statut d'observateurs lors des réunions de la Dimension septentrionale.

4.7

Les parlementaires des pays de la région arctique participent à tous les forums de coopération mentionnés ci-dessus et ont créé leur propre forum de coopération, la Conférence des parlementaires de la région arctique (CPRA).

4.8

Les six forums de coopération des peuples autochtones de la région maintiennent une coopération régulière.

4.9

La Fondation polaire internationale (FPI) entretient une coopération internationale entre les parties intéressées par les questions arctiques; en septembre 2012, elle a organisé au siège du Comité des régions un symposium sur l'avenir de l'Arctique.

5.   Lignes directrices pour la coopération régionale

5.1

La coopération portant sur les questions relatives à la région arctique repose, dans la mesure du possible, sur des accords internationaux et se déroule au sein de forums internationaux.

5.2

L'accord international le plus important concernant la région arctique est la Convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982 (CNUDM (24)) qui traite des zones océaniques et maritimes situées entre États indépendants, et dans le cadre de laquelle a été créé la Commission des limites du plateau continental (CLPC).

5.3

Par ces accords, les États riverains de l'océan Arctique ont cherché à parvenir à une position commune sur les limites de leurs eaux territoriales régionales et de leurs zones économiques exclusives (200 milles marins au-delà du plateau continental). Des efforts ont été entrepris afin d'éviter les disputes territoriales mais certains contentieux géographiques restent encore en suspens. Il existe un risque de voir ces disputes s'envenimer. En 2008, les États riverains ont publié à Ilulissat, au Groenland, une déclaration conjointe qui souligne le droit souverain de tous les pays signataires à réglementer leur activité économique au sein de leur zone économique exclusive.

5.4

Le développement de routes maritimes potentielles - le passage du Nord-Ouest (situé dans la zone économique exclusive du Canada) et la route maritime du Nord (qui traverse la zone économique exclusive de la Russie) - de même que l'aménagement, les conditions et la sécurité de leur utilisation font l'objet d'études et de discussions approfondies au sein des différents forums de coopération. Le but est de parvenir à la meilleure entente possible entre les parties sur les principes régissant l'utilisation et la gestion de ces voies de communication. Il existe des accords internationaux en la matière, par exemple la CNUDM et l'accord de l'Organisation maritime internationale (OMI)  (25) sur le droit de passage inoffensif, et des travaux ont été entrepris afin de parvenir à l'élaboration d'un Code polaire de l'OMI.

5.5

Les questions relatives au changement climatique et au développement durable revêtent une importance particulière pour l'Arctique. La Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique (CCNUCC)  (26) demeure l'un des piliers des relations internationales. Ces questions pourraient avoir des conséquences considérables pour l'Arctique également.

Le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) (27) a lancé son propre programme de surveillance de l'Arctique.

5.6

Des associations de protection de l'environnement participent activement à ces travaux. Greenpeace a proposé de soumettre toute activité économique dans l'Arctique à un accord préalable sur les principes visant à protéger la région.

6.   Activités de l'UE et évolution de la politique arctique

6.1

L'UE a des intérêts géopolitiques, environnementaux et économiques substantiels croissants dans l'Arctique. Elle participe à la coopération dans la région, du fait notamment que certains de ses États membres sont des États arctiques.

6.2

La politique arctique de l'UE est encore en cours d'élaboration. Elle a pris de l'ampleur à partir de 2008, principalement à l'initiative du Parlement européen (28). La Commission a publié deux communications (en 2008 et 2012) sur le sujet (voir notes en bas de page 2 et 7). Le Conseil des ministres a publié deux résolutions (en 2008 et 2009) (29). Le Conseil a examiné la situation lors de sa réunion du 31 janvier 2013.

6.3

En 2008 et en juin 2012, l'UE a annoncé son intention d'adopter, en matière de politique arctique, une approche globale comportant trois objectifs-clefs:

protéger l'environnement arctique en coopération avec sa population

promouvoir l'utilisation durable des ressources naturelles

promouvoir la coopération internationale en mettant l'accent sur l'importance des accords internationaux.

La politique est axée aujourd'hui sur trois domaines prioritaires: la connaissance, la responsabilité et l'engagement.

6.4

Les relations bilatérales de l'UE avec les pays de l'Arctique couvrent également la coopération avec la région. L'UE a un accord spécial avec le Groenland, et la Dimension septentrionale multilatérale joue également un rôle-clef dans l'Arctique.

6.5

De nombreux programmes existants de l'UE peuvent également être appliqués aux activités dans la région arctique. Au cours de la période 2007-2013, l'UE a investi environ 1,4 milliard d'euros afin de promouvoir le développement durable dans l'Arctique et dans les régions voisines. La priorité est allée à la coopération en matière de recherche scientifique. Le Sixième programme-cadre pour la recherche, qui a débuté en 2002, comportait des projets en liaison avec l'Arctique. Ces dernières années, l'UE a investi plus de 200 millions d'euros dans la recherche liée à l'Arctique et s'est associée à de nombreux projets conjoints de recherche, essentiellement dans le cadre de son Septième programme-cadre pour la recherche  (30). Il existe un excellent réseau destiné à faciliter la coopération entre les divers instituts de recherche (tant dans l'UE que dans les pays tiers). Les principaux projets de recherche pour la période 2008-2012 et les programmes de financement pour la coopération régionale 2007-2013 ont été répertoriés (31). Un certain nombre de projets ont été réalisés dans l'Arctique dans le cadre de la politique régionale de l'UE, des programmes Interreg et CTE, des lignes directrices pour la coopération régionale et des programmes de l'Instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP). Le Mécanisme pour l'interconnexion en Europe et le réseau TEN-T n'ont pas été étendus à l'Arctique.

La Commission européenne a récemment décidé d'examiner les moyens permettant de recueillir des informations sur la recherche arctique dans l'UE. La création d'un Centre d'information arctique de l'UE est actuellement envisagée.

6.6

L'UE participe à la Dimension septentrionale et est membre du Conseil euro-arctique de la région de la mer de Barents. Elle a un statut d'observateur ad hoc au Conseil arctique et a demandé le statut d'observateur permanent. Elle participe pleinement aux divers groupes de travail du Conseil depuis plusieurs années.

6.7

Des membres du Parlement européen assistent à la Conférence des parlementaires de la région arctique (CPRA) (voir paragraphe 4.7) et participent à la coopération parlementaire des quatre conseils régionaux de Nord ainsi qu'à la Dimension septentrionale. Le Parlement européen a publié deux résolutions sur l'Arctique (en 2008 et en 2011) (voir note en bas de page no 3 et le document P6_TA(2008)0474).

6.8

L'UE a entamé un dialogue régulier avec les représentants des peuples autochtones de la région ainsi qu'avec les autres organisations de la société civile, et participe aux activités de la Fondation polaire internationale (FPI).

6.9

Le CESE a émis des avis portant sur la coopération arctique, notamment sur la dimension septentrionale, la politique régionale et maritime, le développement durable et les relations avec les pays voisins. Le CESE entretient des relations institutionnelles avec la société civile de Norvège, d'Islande et de Russie par l'intermédiaire du CC-EEE, du CCM UE-Islande et du CCM UE-Fédération de Russie. Il a organisé deux forums sur la dimension septentrionale (en 2002 et en 2006) ainsi qu'une réunion des acteurs concernés à l'occasion de la réunion ministérielle des pays de la dimension septentrionale en février 2013.

Bruxelles, le 17 avril 2013.

Le président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  L'université de Laponie est l'université la plus septentrionale de l'UE www.ulapland.fi; www.arcticcentre.org.

(2)  Communication conjointe de la Commission européenne et de la haute représentante de l'UE pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité – "Élaboration d’une politique de l’UE pour la région de l’Arctique: progrès réalisés depuis 2008 et prochaines étapes", JOIN(2012) 19 final.

(3)  Voir la résolution du Parlement européen du 20 janvier 2011 sur Une politique européenne durable dans le grand Nord, P7_TA(2011)0024, p. 52.

(4)  Norsk Polarinstitutt, www.npolar.no, and Matthews,J.A.:The Encyclopaedia of Environmental Change, Sage, London 2013.

(5)  Avis CESE JO C 133 du 09.05.2013, p. 41.

(6)  Communication de la Commission européenne -L'Union européenne et la région arctique, COM(2008) 763 final, 20 novembre 2008.

(7)  Conclusions du Conseil sur les questions arctiques, 2985e session du Conseil Affaires étrangères, 8 décembre 2009.

(8)  Résolution du Parlement européen Une politique européenne durable dans le Grand Nord, 20 janvier 2011.

(9)  Pour une vision actualisée de la région arctique et de sa gouvernance, voir Arctic Governance: balancing challenges and development, Briefing régional, Parlement européen, Direction générale des politiques externes de l'Union, Département politique. Fernando Garcés de los Fayos, DG EXPO/B/polDep/Note/2012_136, juin 2012.

(10)  www.lapinliitto.fi.

(11)  voir par exemple http://www.arcticbusinessforum.org.

(12)  Arctic Impact Assessment, ACIA.

(13)  Norvège: The High North: visions and strategies, 2011; Russie: The Russian Federation’s main state policy in the Arctic until 2020 and beyond 2008; Canada: Canada’s Northern Strategy: Our North, Our Heritage, Our Future, 2009; Suède: The Arctic: Sweden's strategy for the region, 2012; États-Unis: US: Arctic Region Policy, 2009; Finlande: Finland’s Strategy for the Arctic Region, 2011; Danemark, Groenland et ÎlesFéroé: Kingdom of Denmark Strategy for the Arctic 2011-2020, 2011; Islande: www.utansrikisraduneyti.is.

(14)  Assemblée parlementaire de l'OTAN, résolution 396.

(15)  www.arctic-council.org.

(16)  Secrétariat des peuples autochtones du Conseil arctique www.arcticpeoples.org.

(17)  www.beac.st.

(18)  www.beac.st.

(19)  www.norden.org.

(20)  www.cbss.org.

(21)  www.europa.eu/north_dim.

(22)  www.consilium.europa.eu 6597/13.

(23)  http://www.northerndimension.info/component/content/article/10-innerpage/9-ndbc.

(24)  www.un.org.

(25)  www.imo.org.

(26)  www.un.org.

(27)  www.unep.org.

(28)  Résolution P6 TA(2008)0474 du 9 octobre 2008.

(29)  Conclusions du Conseil sur les questions arctiques, 2985e session du Conseil Affaires étrangères, 8 décembre 2009. Voir aussi note en bas de page no 9.

(30)  Septième programme-cadre pour la recherche.

(31)  Annexe I du document SWD(2012) 182 final, et Coopération territoriale européenne (CTE) à l'annexe II.


III Actes préparatoires

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

489e session plénière des 17 et 18 avril 2013

10.7.2013   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 198/34


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — plan d’action pour renforcer la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales»

COM(2012) 722 final

2013/C 198/05

Rapporteur: Petru Sorin DANDEA

Le 12 mars 2013, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

"Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil – Plan d’action pour renforcer la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales"

COM(2012) 722 final.

La section spécialisée "Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 4 avril 2013.

Lors de sa 489e session plénière des 17 et 18 avril 2013 (séance du 17 avril 2013), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 169 voix pour, 1 voix contre et 0 abstention.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE se prononce en faveur du plan présenté par la Commission et soutient les efforts de celle-ci pour trouver des solutions concrètes afin de réduire la fraude et l'évasion fiscales. Un réel progrès n'est possible que si les États membres accordent davantage d'attention à l'augmentation de l'efficacité des services fiscaux, en y consacrant des ressources humaines et financières suffisantes, et assurent une meilleure coordination de ceux-ci.

1.2

Le CESE recommande à la Commission et au Conseil d'intégrer dans l'analyse annuelle de la croissance et le semestre européen les thèmes de la fraude et de l'évasion fiscales, mais aussi de la planification fiscale agressive, ainsi que de mettre en œuvre des mesures spécifiques pour lutter contre ces phénomènes, de sorte à garantir des progrès concernant le paiement et la perception des taxes, à rendre celles-ci plus équitables, à améliorer la redistribution et à mieux combattre la pauvreté.

1.3

Le CESE se félicite des propositions de la Commission d'inscrire sur une liste noire les États qui opèrent comme des paradis fiscaux, au mépris des principes de la bonne gouvernance dans le domaine fiscal, et demande que les critères communs qui permettront d’identifier ces États et territoires soient fixés au niveau européen, en évitant qu'ils soient appliqués de manière disparate au niveau national. Il convient que l'inscription sur la liste noire ne soit pas limitée aux pays tiers, mais qu'elle concerne aussi les territoires ou juridictions appartenant à des États membres ainsi que les entreprises qui opèrent dans ces zones.

1.4

Le CESE estime que la Commission pourrait compléter ses propositions d'inscription sur une liste noire par des sanctions à l'encontre des entreprises, consistant par exemple à les exclure des marchés publics ou à les priver des financements de l'UE ou des aides d'État.

1.5

Le CESE estime que la planification fiscale agressive, dans la mesure où elle crée une érosion des assiettes fiscales, obligeant de ce fait les États membres à augmenter le niveau des taxes, constitue en soi une pratique immorale qui a une incidence grave sur le fonctionnement du marché intérieur et crée des distorsions des systèmes fiscaux pour les contribuables, sur le plan de l'équité. Étant donné la complexité du phénomène, il est nécessaire de rendre suffisamment claires les propositions de la Commission relatives à la règle générale anti-abus et la définition des accords bilatéraux artificiels, afin qu'elles soient faciles à appliquer par tous les États membres.

1.6

Le CESE reconnaît l'importance des efforts déployés par la Commission pour négocier les accords concernant la bonne gouvernance en matière fiscale avec des États voisins de l'UE. Il recommande au Conseil de donner mandat à la Commission pour mener ces négociations, ces instruments pouvant se révéler extrêmement utiles pour lutter contre la fraude et l'évasion fiscales.

1.7

Le CESE préconise que la Commission et les États membres poursuivent la tâche de simplifier et d’harmoniser le cadre juridique existant, au niveau européen comme au niveau national. Un cadre juridique simplifié et davantage harmonisé dans le domaine fiscal, capable de garantir une fiscalité équitable, et complété par des outils informatiques modernes de vérification, de contrôle et d'échange de données, serait à même de réduire considérablement les possibilités de fraude et d'évasion fiscales.

1.8

Le CESE recommande à la Commission, au Conseil et au Parlement européen de dissuader les États membres de maintenir entre eux de grandes différences de niveaux d'imposition, directe ou indirecte, lesquelles favorisent la concurrence fiscale.

1.9

Le CESE salue la décision de la Commission d'étudier la possibilité d'introduire un système de TIN européen. Le CESE réitère la demande, qu'il a déjà adressée aux États membres dans plusieurs de ses avis, d'harmoniser le système de fiscalité indirecte. Il encourage la Commission à faire des propositions en ce sens. Une telle harmonisation, parallèlement à l'introduction d'un système de TIN européen, permettrait de réduire massivement la fraude de type "carrousel".

2.   Introduction

2.1

La fraude et l'évasion fiscales, mais aussi le fait d'éviter le paiement des taxes par une méthode de planification fiscale agressive, entretiennent les inégalités croissantes causées par la crise économique et les programmes d'austérité, et représentent en cela un danger important pour les États membres de l'UE alors qu'ils s'efforcent de garantir un fonctionnement efficace des systèmes fiscaux dans le but d'assurer le financement des services publics, la redistribution du bien-être et la lutte contre la pauvreté, et d'éviter que ne s'installe une concurrence fiscale entre les États membres et les pays tiers. L'on estime que l'ampleur financière des pertes subies par les États membres dépasse 1 000 milliards d'euros par an (1).

2.2

Le 2 mars 2012, le Conseil européen a invité le Conseil et la Commission européenne à concevoir des moyens concrets de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

2.3

La Commission a adopté, en juin 2012, une communication (2) dans laquelle elle indique comment améliorer le respect des obligations fiscales et réduire la fraude et l'évasion fiscales. Dans cette communication, la Commission annonçait la présentation d'un plan d'action visant à consolider la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales.

2.4

En décembre 2012, la Commission a présenté le plan d'action annoncé, qui couvre à la fois les initiatives prises récemment et de nouvelles mesures pouvant être mises en œuvre à brève ou à longue échéance. Ce plan est accompagné de la Recommandation de la Commission relative à des mesures visant à encourager les pays tiers à appliquer des normes minimales de bonne gouvernance dans le domaine fiscal  (3) ainsi que de la Recommandation de la Commission concernant la planification fiscale agressive  (4).

3.   Observations générales

3.1

Le CESE se prononce en faveur du plan présenté par la Commission et soutient les efforts de celle-ci pour trouver des solutions concrètes afin de réduire la fraude et l'évasion fiscales. (5) Néanmoins, le Comité exprime son scepticisme quant à la mise en œuvre de certaines des mesures proposées, étant donné les nombreuses divergences qui existent entre les États membres, lesquelles induisent une lenteur dans la prise de décisions au niveau du Conseil. De même, la réduction, dans la majorité des États membres, des ressources financières et humaines destinées aux administrations fiscales (6), en raison des mesures d'austérité appliquées ces dernières années, représente un obstacle majeur pour la mise en œuvre des nouvelles mesures. Un réel progrès n'est possible que si les États membres accordent davantage d'attention à l'augmentation de l'efficacité des services fiscaux, en s'appuyant sur des ressources financières et humaines suffisantes, et assurent une meilleure coordination de ceux-ci.

3.2

Une part importante des pertes que l'économie souterraine génère pour les systèmes de perception des taxes est due à la planification fiscale agressive. La Commission reconnaît que cette pratique tire profit des incohérences qui existent entre les systèmes fiscaux de deux ou plusieurs États membres; si une telle pratique est, à l'échelle mondiale, considérée comme légitime, elle n'en foule pas moins aux pieds les principes de la responsabilité sociale des entreprises. Le CESE estime que la planification fiscale agressive, dans la mesure où elle crée une érosion des assiettes fiscales, obligeant de ce fait les États membres à augmenter le niveau des taxes, constitue en soi une pratique immorale qui a une incidence grave sur le fonctionnement du marché intérieur, - puisqu'il décourage la concurrence effective entre les entreprises en général, et plus particulièrement entre les petites et moyennes entreprises - et crée des distorsions des systèmes fiscaux pour les contribuables, sur le plan de l'équité.

3.3

Le CESE accueille favorablement la recommandation de la Commission concernant la planification fiscale agressive, mais estime que les mesures proposées pour lutter contre cette pratique sont insuffisantes. Étant donné la complexité du phénomène (la planification fiscale agressive), il peut s'avérer difficile d'appliquer dans le cadre des accords conclus entre les États membres la règle générale anti-abus et de définir des accords bilatéraux artificiels. De même, le CESE estime que ces mesures soulèvent davantage de problèmes de mise en œuvre pour les États membres que si elles dénonçaient immédiatement ces accords, notamment ceux auxquels participent des juridictions généralement considérées comme des paradis fiscaux ou ne respectant pas les normes minimales de la bonne gouvernance dans le domaine fiscal.

3.4

La Commission propose aux États membres d'adopter un ensemble de critères permettant d’identifier les pays tiers qui ne respectent pas les normes minimales de la bonne gouvernance dans le domaine fiscal, et d'inscrire ces pays sur une liste noire. Le CESE attire l'attention sur le fait que cette mesure doit couvrir également les juridictions appartenant aux États membres, ainsi que les entreprises qui continueront à faire des transactions impliquant des entités appartenant à ces territoires.

3.5

La Commission a fait des propositions de modifications de certaines directives (7) pour corriger les lacunes susceptibles d'encourager la fraude et l'évasion fiscales. De même, la Commission a demandé au Conseil de lui donner mandat pour négocier des accords en matière de coopération fiscale et de lutte contre la fraude avec quatre pays tiers voisins et pour signer le projet d’accord entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et le Liechtenstein, d’autre part. Le CESE recommande au Conseil de tenir compte de ces propositions dans les meilleurs délais, ces instruments pouvant se révéler extrêmement utiles pour lutter contre la fraude et l'évasion fiscales.

3.6

Le CESE estime que dans le cadre de la mise en œuvre du plan d'action, il conviendra que la Commission et les États membres poursuivent la tâche de simplifier et d’harmoniser le cadre juridique existant, au niveau européen comme au niveau national. Un cadre juridique simplifié et davantage harmonisé dans le domaine fiscal, capable de garantir une fiscalité équitable, et complété par des outils informatiques modernes de vérification, de contrôle et d'échange de données, tout en bénéficiant d'un personnel bien préparé, serait à même de réduire considérablement les possibilités de fraude et d'évasion fiscales. Cela permettrait d'alléger les charges administratives et fiscales pesant sur les entreprises et les citoyens, avec des avantages directs pour les recettes des finances publiques.

3.7

Le CESE recommande à la Commission, au Conseil et au Parlement européen de dissuader les États membres de maintenir entre eux de grandes différences de niveaux d'imposition, directe ou indirecte, lesquelles favorisent la concurrence fiscale. De même, le CESE attire l'attention sur la corrélation directe qui existe entre le niveau des taxes et l'évasion fiscale. Lutter efficacement contre la fraude et l'évasion fiscales ainsi que contre la planification fiscale agressive peut conduire à une réduction du niveau général d'imposition, au bénéfice de tous les contribuables.

4.   Observations particulières

4.1

La Commission reconnaît que, compte tenu des libertés dont elles disposent pour opérer sur le marché intérieur, les entreprises peuvent mettre en place des accords avec les juridictions considérées comme des paradis fiscaux, en passant par l’État membre le moins réactif. Ce phénomène entraîne l’érosion des assiettes fiscales des États membres et compromet les conditions de concurrence effective entre les entreprises en général, et plus particulièrement entre les petites et moyennes entreprises, en dénaturant le fonctionnement du marché intérieur. Le CESE encourage la Commission et les États membres à inscrire sur une liste noire les entreprises qui promeuvent des pratiques de ce genre. Entre autres mesures appliquées au niveau national, les États membres devraient prévoir de suspendre les droits de ces entreprises à participer aux procédures de marchés publics, ou encore de refuser de leur accorder, le cas échéant, les aides d'État demandées.

4.2

Suivant les estimations de la Commission, la planification fiscale agressive est responsable de la moitié des pertes enregistrées par les États membres en raison des pratiques spécifiques de l'économie souterraine. Le CESE juge insuffisantes les mesures proposées par la Commission pour lutter contre ces pratiques (8) et recommande de préciser, dans un sens plus concret, la formulation de la règle générale anti-abus ainsi que la définition des accords artificiels, de sorte que les États membres puissent procéder rapidement à leur mise en œuvre, sans que cela crée des situations complexes au niveau des juridictions, dans le cas de litiges liés à la planification fiscale agressive.

4.3

Le CESE juge utile la proposition de la Commission de créer une plate-forme pour la bonne gouvernance fiscale. Il recommande à la Commission d'inviter également les partenaires sociaux à participer à cette plate-forme, notamment ceux qui ont pour membres des travailleurs issus des administrations financières, lesquels ont une riche expérience dans le domaine de la lutte contre les phénomènes de fraude ou d'évasion fiscales. Il est également nécessaire de préciser comment la plate-forme interagira avec d'autres structures qui opèrent dans le domaine de la fiscalité au niveau européen.

4.4

Dans le cadre des négociations, coordonnées par l'OCDE, du code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises, la Commission se propose d'agir en vue de supprimer des directives existantes les dispositions qui offrent, dans certaines situations, des possibilités de planification fiscale agressive ou empêchent d’apporter des solutions appropriées en permettant la double non-imposition. Le CESE se félicite de cette initiative de la Commission et recommande que ces mesures soient prises le plus tôt possible.

4.5

La Commission propose d’intensifier les travaux sur les régimes fiscaux particuliers destinés aux expatriés et aux personnes fortunées, qui nuisent au fonctionnement du marché intérieur et réduisent les recettes fiscales globales. Le CESE encourage les États membres à supprimer ces régimes fiscaux spéciaux. De même le CESE réitère ses appels (déjà formulés dans d'autres avis (9) adressés aux institutions de l'UE) à prendre des mesures pour prévenir le recours abusif au "principe de résidence" dans le cadre de régimes de propriété et de domiciliation fictifs par lesquels des sociétés-écrans ou des sociétés holding sans aucune activité permettent à leurs propriétaires de ne pas être imposés dans le pays où ils sont domiciliés.

4.6

Le CESE se félicite du lancement du portail "TIN sur Europa" Cet instrument permet à tout tiers, et en particulier aux établissements financiers, d’identifier et d’enregistrer rapidement, facilement et correctement les numéros d'identification fiscale (TIN - tax identification number). En outre, cet instrument peut être utilisé pour améliorer l'efficacité de l'échange automatique d'informations. Compte tenu de la décision de la Commission d'étudier la possibilité d'introduire un système de TIN européen, le CESE réitère la demande, qu'il a déjà adressée aux États membres dans plusieurs de ses avis, d'harmoniser le système de fiscalité indirecte. Le CESE encourage la Commission à faire des propositions en ce sens. Une telle harmonisation, parallèlement à l'introduction d'un système de TIN européen, permettrait de réduire massivement la fraude de type "carrousel", et ce dispositif, à l'avenir, pourrait devenir un identificateur unique des contribuables pour tous les types de taxes.

4.7

La Commission a commencé ses travaux de standardisation des formulaires pour l'échange d'informations dans le domaine fiscal. Une application informatique a été développée pour gérer ces formulaires types dans toutes les langues de l'Union; elle est disponible depuis le 1er janvier 2013. Le CESE apprécie le fait que ces nouveaux formats puissent jouer un rôle important dans la coopération administrative entre les États membres dans le domaine fiscal, surtout dans la mesure où le développement du système informatique permettra l'échange automatique d'informations.

4.8

Le CESE apprécie tout particulièrement la décision de la Commission de réviser la directive "mères-filiales" et de réexaminer les dispositions anti-abus qui sont présentes dans d'autres directives. Cette révision est nécessaire pour garantir la mise en œuvre de la recommandation de la Commission sur la planification fiscale agressive. Le CESE recommande aux États membres d'appuyer les efforts de la Commission, afin que cette révision puisse être réalisée dans un délai raisonnable. Il importe d'introduire, dans le cadre de cette révision, l'obligation pour les entreprises multinationales de tenir une comptabilité séparée pour chaque pays dans lequel elles ont des activités, et de préciser pour chacun le volume de la production réalisée et les bénéfices obtenus. La présentation des données comptables sous cette forme faciliterait l'identification des entreprises pratiquant l'abus d'établissement du prix de transfert ou faisant la promotion de la planification fiscale agressive. De même, le CESE recommande de mettre en place une réglementation sur la taxation des profits des entreprises, fondée sur un ensemble de règles communes.

4.9

Le CESE salue les efforts consentis par la Commission pour promouvoir les outils informatiques développés par l'UE dans le cadre de l'OCDE. Si l'OCDE devait approuver les formulaires électroniques mis au point pour l'échange spontané d'information et le retour d'informations dans le domaine de la fiscalité directe, ces outils représenteraient des instruments extrêmement utiles et efficaces pour lutter contre les cas sérieux de fraude ou d'évasion fiscales.

4.10

La Commission propose d'établir un code européen du contribuable qui regroupera les meilleures pratiques existant au niveau des États membres, afin de renforcer la confiance entre les administrations fiscales et les contribuables de manière à assurer davantage de transparence en ce qui concerne les droits et obligations des contribuables et à favoriser une approche axée sur les services. Le CESE attire l'attention sur le fait qu'une simplification des systèmes fiscaux aurait pour effet de réduire les charges administratives auxquelles les contribuables et les entreprises font face, et de susciter davantage de confiance de leur part. Il conviendrait que les États membres prévoient une diminution des charges administratives pour les bons contribuables, qu'il s'agisse de personnes physiques ou d'entreprises, et une augmentation de ces charges pour ceux qui enfreignent la loi. Il est bien connu que, de manière générale, les entreprises impliquées dans des activités liées à la planification fiscale agressive sont de grandes entreprises transnationales.

4.11

La Commission recommande aux États membres de promouvoir une approche de type "guichet unique", auprès desquels les contribuables, résidents comme non-résidents, pourraient obtenir tout type d'informations fiscales. Le CESE marque son accord avec la proposition de la Commission et estime qu'une telle approche permet d'éliminer une partie des obstacles auxquels sont confrontés les contribuables qui s'engagent dans des opérations transfrontières. De plus, en centralisant les informations existantes au niveau du guichet unique de chaque État membre, la Commission sera à même de développer un portail web sur la fiscalité au niveau européen, sur le modèle du portail e-Justice.

4.12

La Commission propose que, sur la base de l'expérience qu'Eurofisc accumulera en matière de lutte contre la fraude dans le domaine de la TVA, grâce à l'échange rapide d'informations, ce réseau soit étendu à l'avenir au domaine de la fiscalité directe. Le CESE estime que l'extension d'Eurofisc à la fiscalité directe permettra de compléter l'ensemble d'instruments de lutte contre la fraude, l'évasion fiscale et la planification fiscale agressive qui existent déjà au niveau de l'UE.

4.13

Le CESE est favorable à l'idée d’aligner la définition de certains types d’infractions fiscales, et les sanctions administratives et pénales dont elles sont assorties, pour tous les types d’impôts et taxes. Si un tel alignement était réalisé, il permettrait de décourager les entreprises de tirer parti des États membres les moins réactifs pour y développer leurs opérations. La Commission se propose d'examiner si un tel alignement est opportun

4.14

La Commission a présenté, dans sa communication de juin 2012, un certain nombre d'actions possibles, que le Conseil a jugé non prioritaires. Le CESE estime que garantir l'accès direct aux bases de données nationales dans le domaine de la fiscalité directe, qui est une des propositions de la Commission, constitue l'un des instruments les plus puissants dont pourraient bénéficier les États membres pour lutter contre la fraude et l'évasion fiscales. Par ailleurs, la Commission propose d'évaluer la possibilité d'élaborer un instrument juridique unique pour la coopération administrative relative à l'ensemble des impôts et taxes. Le CESE soutient ces propositions de la Commission, dans la mesure où elles peuvent accroître l'efficacité de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales.

Bruxelles, le 17 avril 2013.

Le président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  COM(2012) 351 final, p.2.

(2)  COM(2012) 351 final.

(3)  C(2012) 8805 final.

(4)  C(2012) 8806 final.

(5)  Le Comité n'a eu de cesse de se prononcer en faveur de mesures destinées à limiter la fraude et l'évasion fiscales: Voir JO C 11 du 15.1.2013, p.31, JO C 347 du 18.12.2010, p.73, JO C 255 du 22.9.2010, p.61.

(6)  Impact of austerity on jobs in tax services and the fight against tax fraud and avoidance in EU-27 + Norway ("Les effets de l'austérité sur les emplois dans les services fiscaux et la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales dans l'UE-27 plus la Norvège"), rapport réalisée par Lionel Fulton, du Labour Research Department, à la demande de la FSESP (Fédération syndicale européenne des services publics), http://www.lrd.org.uk/, mars 2013.

(7)  COM(2008) 727 final - 2008/0215 (CNS); COM(2012) 428 final, - 2012/0205 (CNS).

(8)  C(2012) 8806 final

(9)  JO C 229 du 31.7.2012, p. 7.


10.7.2013   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 198/39


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: promouvoir les secteurs de la culture et de la création pour favoriser la croissance et l'emploi dans l'Union européenne»

COM(2012) 537 final

2013/C 198/06

Rapporteur: M. PEZZINI

Corapporteur: M. KONSTANTINOU

Le 19 décembre 2012, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

"Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - Promouvoir les secteurs de la culture et de la création pour favoriser la croissance et l'emploi dans l'UE"

COM(2012) 537 final.

La Commission consultative des mutations industrielles (CCMI), chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 12 mars 2013.

Lors de sa 489e session plénière des 17 et 18 avril 2013 (séance du 17 avril 2013), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 175 voix pour, 2 voix contre et 3 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le Comité est convaincu que les secteurs de la culture et de la création constituent pour l'Europe:

la pierre angulaire des valeurs fondatrices de l'identité de l'UE et de son modèle d'économie sociale de marché;

un binôme gagnant sur le plan du développement économique, social et productif de qualité aux niveaux local, régional, national et de l'UE;

des éléments centraux de l'avantage comparatif que présente la valeur ajoutée européenne pour la conception, le développement, la production et la consommation de biens matériels et immatériels;

un facteur clé qui permet la compétitivité et concerne tous les secteurs économiques et sociaux;

un gisement de fortes potentialités pour l'emploi, sur le plan quantitatif et qualitatif;

une "carte de visite" illustrant le prestige et l'originalité de l'UE sur la scène internationale.

1.2

Le CESE estime que, face à l'importance croissante du rôle des secteurs de la culture et de la création (SCC) dans le développement de l'économie européenne et ses projections internationales, il est nécessaire de mettre en place une stratégie à moyen et long terme pour garantir:

une dimension sociale forte et cohérente des SCC, qui soit en mesure de redéfinir et de requalifier les compétences professionnelles existantes, de garantir des conditions de travail équitables et de promouvoir le potentiel latent de ces secteurs, et soit capable:

de libérer tout le potentiel de création d'emplois que porte le secteur de la culture et de la création et de garantir des emplois de qualité, au sein d'un cadre protégeant les droits fondamentaux;

de redéfinir et de requalifier les compétences professionnelles existantes;

de réduire les charges administratives et bureaucratiques des PME, des microentreprises et des travailleurs indépendants;

d'accompagner les processus de réorganisation et de restructuration, dans le plein respect des droits et de la dignité des personnes, par des actions de formation et de requalification, et dans un cadre transparent du point de vue de l'information et de la consultation des travailleurs;

de promouvoir un dialogue social structuré pour les secteurs de la culture et de la création dans leur ensemble, articulé aux niveaux européen, national et de l'entreprise;

de définir un cadre réglementaire européen approprié, capable d'assurer une diversité culturelle et de choix, de réduire les charges administratives, et de faciliter la mobilité à l'intérieur de l'UE et sur le plan international;

une dimension technologique et de valeur ajoutée sur le plan de la création, à même de protéger les droits de propriété intellectuelle, dans le marché intérieur, mais aussi et surtout sur le plan international; de promouvoir la recherche de nouvelles technologies et d'applications innovantes en matière de produits et de processus; de soutenir avec force les nouveaux procédés de production et les nouvelles possibilités offertes par le numérique, moyennant la création d'un label de qualité européen; d'assurer le développement de chaînes de valeur, à travers des réseaux et des systèmes communs de distribution;

une dimension de dialogue territorial avec la société civile, à même: d'appliquer au SCC des modèles de dialogue structuré aux niveaux européen, national et territorial; de promouvoir le développement des secteurs de la culture et de la création, qui sont indispensables à la revitalisation et à la requalification des territoires, à la mise en valeur de leurs talents créatifs, aux professions intellectuelles et à l'emploi;

une dimension internationale de l'Europe créative et culturelle, conformément aux engagements internationaux souscrits dans le cadre de la convention de l'Unesco sur la diversité culturelle, qui sache valoriser de nouveaux modèles d'entreprises où le design est intégré à la chaîne de valeur et dont tous les acteurs soient en mesure d'apporter de la valeur ajoutée à des produits et procédés pouvant être identifiés comme des produits de l'excellence européenne sur les marchés mondiaux; qui protège leurs œuvres contre la piraterie et la contrefaçon, en recourant à des instruments souples, accessibles et efficaces;

une dimension financière et d'accès au crédit qui soit en mesure de soutenir les initiatives du secteur sur le marché intérieur et à l'échelle internationale - y compris par des allégements fiscaux, des crédits d'impôt et l'élimination de la double imposition - et de garantir la présence d'instruments adaptés aux caractéristiques du secteur pour l'accès au crédit, notamment s'agissant des systèmes de garanties adaptés aux microentreprises et aux projets de nature immatérielle;

1.3

Le CESE demande à la Commission d'effectuer ponctuellement une vérification de l'application de l'acquis communautaire au SCC, surtout s'agissant des règles appropriées de politique de la concurrence, des droits de propriété intellectuelle et du droit du travail, ainsi que de la protection des accords conclus entre l'UE et les pays tiers.

1.4

Le Comité propose à la Commission d'examiner quelles seraient les possibilités et modalités pour organiser un forum élargi des parties prenantes des milieux créatifs et culturels, afin de mieux identifier, y compris à travers un exercice de prospective participative, tous les acteurs du secteur, et de fixer les axes essentiels d'un plan d'action stratégique à moyen et long terme destiné à relancer la croissance et la création d'emplois de qualité; un tel plan devra reposer sur une stratégie transversale aux niveaux local, régional et européen, avec la participation active des États membres, des collectivités locales et régionales, des partenaires sociaux et de la société civile.

1.5

Le Comité appelle à lancer sans tarder des initiatives spécifiques pour lutter contre le travail précaire dans le SCC, pour assurer des conditions de travail équitables à l’ensemble des travailleurs de ce secteur, en particulier aux activités "indépendantes" ou atypiques qui s'exercent suivant un régime de sous-traitance, notamment le travail intermittent, afin d'assurer à tous un accès sécurisé aux réseaux numériques, sur un pied d'égalité.

1.6

Le CESE attire l'attention de la Commission sur la nécessité d'adapter le cadre réglementaire aux besoins spécifiques des SCC, notamment dans le domaine de la propriété intellectuelle, de la simplification administrative et fiscale, de l'égalité de traitement des communications imprimées et sur support numérique au regard de la TVA, spécialement pour les petites entreprises du secteur.

1.7

Selon le Comité, la Commission devrait profiter du fait que cette année soit l'année européenne des citoyens pour réfléchir à la possibilité de mettre en place des structures de dialogue avec la société civile axées sur le citoyen.

2.   Les secteurs de la culture et de la créativité en Europe

2.1

Les secteurs de la culture et de la création constituent une ressource stratégique essentielle en Europe: l'excellence et la compétitivité de l'Europe dans les secteurs de la culture et de la création sont le fruit du travail des artistes, des auteurs, des créateurs, des professionnels et des entrepreneurs, dotés de talents traditionnels et novateurs et de compétences formelles et informelles, qui doivent être préservés, encouragés et développés.

2.2

Le Comité a déjà eu l'occasion de souligner que, "comme le confirme la stratégie Europe 2020, les industries culturelles et créatives jouent un rôle central pour la croissance, la compétitivité et l'avenir de l'Union européenne et de ses citoyens. […] Elles sont également productrices d'un avantage comparatif sans équivalent, facteurs de développement local et vecteurs de la mutation industrielle" (1).

2.3

Ensuite, suivant la définition donnée par le Livre vert de 2010 (2), "Les "industries culturelles sont les industries qui produisent et diffusent des biens ou des services considérés au moment de leur conception comme possédant une qualité, un usage ou une finalité spécifique qui incarne ou véhicule des expressions culturelles, indépendamment de la valeur commerciale que ces biens ou services peuvent avoir" – conformément à la convention de l'Unesco de 2005 (3) –, alors que "Les industries créatives sont les industries qui utilisent la culture comme intrant et possèdent une dimension culturelle, quoique leurs productions soient essentiellement fonctionnelles." Elles comprennent "l'architecture et le design, lesquels intègrent des éléments créatifs dans des processus plus larges, ainsi que des sous-secteurs, comme la conception graphique, la création de mode ou la publicité."

2.4

Néanmoins, la ligne de partage entre les domaines relevant du secteur culturel et/ou du secteur de la création demeure encore floue (4) et rend difficile d'évaluer la portée effective de leur contribution au produit intérieur brut et à l'emploi.

2.5

Dans le contexte de la proposition du programme-cadre Europe créative (5), sur laquelle le Comité a déjà eu l'occasion de s'exprimer (6), sont définis à l'article 2 comme ""secteurs de la culture et de la création", tous les secteurs dont les activités sont fondées sur des valeurs culturelles ou sur une expression artistique et créatrice, à visée commerciale ou non, indépendamment du type de structure qui les réalise." Il est souhaitable d'inclure explicitement à cette liste les industries graphiques et de l'édition, l'imprimerie et les industries numériques.

2.6

En 2008, ces secteurs représentaient dans l'Union 4,5 % du PIB et employaient 3,8 % de la main-d'œuvre, soit plus de 8,5 millions de personnes (7).

2.7

Le Parlement européen partage la définition donnée ci-dessus, en y ajoutant explicitement les musées et la mode.

2.8

Si le poids des secteurs de la culture et de la création dans la production économique de l'Europe est considérable et en augmentation, avec une incidence importante sur l'emploi (8), la multiplicité des définitions existantes (de celles de l'OMPI, de l'OCDE, de la CNUCED à celle de l'Unesco et du Conseil de l'Europe) ne permet pas de travailler sur une base certaine et à partir de statistiques comparables à l'échelle internationale: dans l'UE, l'évaluation du poids de ces secteurs dans le PIB varie suivant les sources: 2,6 % (Livre vert), 3,3 % (programme Europe créative), 4,5 % (9), et jusqu'à 6,5 % (Conseil de l'Europe), et on passe de plus de 5 millions de personnes concernées à 8,5 millions (10), et même jusqu'à près de 18 millions (11).

2.9

La diversification des industries culturelles et créatives se retrouve dans les caractéristiques des structures du secteur, avec une forte présence des petites, moyennes et micro entreprises, qui représentent environ 80 % de l'environnement productif total. Les grandes entreprises en représentent moins de 1 %, mais comptent plus de 40 % des employés du secteur (12).

2.10

Cette configuration des secteurs de la culture et de la création, en Europe, pose des problèmes à de multiples points de vue: du développement des compétences à l'accès aux financements, de la promotion de nouveaux modèles d'entreprises à la protection des droits de propriété intellectuelle, de la difficulté d'accéder aux marchés internationaux à l'amélioration des liens avec d'autres secteurs, sans parler du problème relatif à la reconnaissance mutuelle des qualifications (formelles et informelles, etc.) (13).

2.11

Si, en Europe, les secteurs qui constituent le noyau non industriel de ces activités, à savoir les arts visuels, les arts du spectacle et le patrimoine historico-artistique, conservent souvent une forte valeur stratégique, aux États-Unis, cette valeur stratégique est surtout concentrée dans les secteurs industriels, avec une forte visée commerciale.

2.12

Le modèle américain est la référence naturelle pour les pays dont la préoccupation essentielle est de construire un système de production culturelle peu dépendant des financements publics et fortement motivé par la recherche d'un profit.

2.13

Le Japon se pose comme un pays de référence bien au-delà du contexte asiatique, dans la mesure où il a développé à travers le temps des types de production séculaires très spécifiques, avec des formes d'industries culturelles nouvelles et originales, destinées au grand public et qui s'attachent à répondre aux goûts du marché.

2.14

La Chine est en train d'accomplir un effort énorme d'investissement dans les infrastructures du domaine culturel, avec une stratégie claire, qui limite la pénétration des contenus culturels américains, et avec un intérêt marqué pour les modèles d'organisation européens et le rôle des politiques publiques dans la mise en œuvre et le soutien aux systèmes culturels locaux.

2.15

En Inde, l'industrie culturelle qui a connu le développement le plus dynamique est le cinéma, avec une croissance extraordinaire sur le plan du chiffre d'affaires, même s'il s'agit de productions encore fortement ancrées dans la culture indienne traditionnelle, dont l'intérêt est donc relativement limité pour un public étranger à cette culture.

2.16

L'Amérique latine est aujourd'hui au centre d'un imposant processus de croissance de ses industries culturelles, qui est également dû à l'influence qu'exerce la culture hispanique aux États-Unis et à la rapide croissance économique et démographique du Mexique, tandis que le Brésil connaît un épanouissement culturel qui va bien au-delà du domaine de la musique. Par ailleurs, l'Afrique développe actuellement un esprit culturel original, qui tient aussi des multiples contacts que le continent a eu avec la culture de l'ensemble de l'Europe: l'interaction entre les deux continents ainsi que l'éducation artistique peuvent nous apprendre beaucoup sur la vie quotidienne et la culture d'une région, en abattant les barrières qui empêchent la coopération.

2.17

Le CESE a toujours soutenu qu'il importe de lancer une stratégie visant à exprimer tout le potentiel des secteurs de la culture et des professions de la création dans l'UE, afin de stimuler l'emploi et la croissance: dès 2004, dans un avis élaboré à la demande de la commissaire Viviane REDING, il a mis en évidence les problèmes des secteurs européens de la culture et de la création (14). Il a réitéré et approfondi ces positions dans un certain nombre d'avis ultérieurs (15).

2.18

L'Europe est de loin le leader mondial des exportations de produits de l'industrie de la création. Pour conserver cette position, elle a besoin d'investir dans les capacités de ces secteurs à opérer au-delà des frontières nationales. C'est en ce sens que se sont exprimés, respectivement, le Conseil du 12 mai 2009, et le Parlement européen dans sa résolution du 12 mai 2011.

3.   Observations générales

3.1

Le Comité est conscient que l'excellence et la compétitivité dont jouit l'Europe dans les secteurs de la culture et de la création sont le fruit du travail des artistes, des créateurs, des auteurs, des professionnels, d'entreprises et d'individus dotés de talents traditionnels et novateurs et de compétences formelles et informelles, qui doivent être préservés, encouragés et développés.

3.2

Le CESE se dit convaincu que la culture et la créativité constituent l'élément clé de l'identité même de l'UE et de sa légitimité, dans sa diversité d'expressions: unité dans la diversité sur le plan de la créativité et de la culture, qui doivent inspirer le développement d'une économie européenne fondée sur la connaissance.

3.3

Pour respecter cette identité culturelle de l'Europe et la promouvoir, et assurer la durabilité complète des SCC, il convient que les mesures adoptées par l'UE en faveur de ces secteurs soient mises en œuvre dans le respect du modèle social européen, des principes démocratiques et des normes environnementales.

3.4

À partir des nombreuses analyses effectuées au niveau européen ou national, il est manifeste que les secteurs de la culture et de la création (SCC) sont confrontés à des défis communs, à savoir:

un marché européen très fragmenté;

une structure des entreprises composée à 80 % de PME et de microentreprises;

un impact croissant du passage au numérique et de la diffusion de nouvelles technologies sur les processus de production et de distribution;

un processus accéléré de mondialisation, avec de nouveaux acteurs et de nouveaux concurrents;

une obsolescence rapide des compétences, associée à l'apparition permanente de nouveaux besoins;

des limites dans la protection des droits de propriété intellectuelle, particulièrement au niveau international;

des difficultés d'accès aux financements et aux investissements dans l'innovation technologique;

des carences en matière de collecte de données;

l'absence d'une définition univoque, acceptée par tous internationalement, des secteurs concernés, avec des spécifications pour les sous-secteurs;

le besoin de davantage de synergies entre le monde créatif et culturel et les innovations technologiques;

la nécessité de développer des partenariats entre les secteurs de l'éducation et de la formation, le monde des entreprises et les activités culturelles et créatives;

la hausse des niveaux de qualité et l'amélioration des perspectives de carrière, en reconnaissant la "valeur créative" dans la chaîne des valeurs;

la lutte contre le dumping social dans les secteurs de la culture et de la création.

3.5

De l'avis du CESE, l'importance et la complexité que revêt le secteur de la culture et de la création exige un plan stratégique au niveau de l'UE, cohérent et sur une période d'application nettement plus longue, avec des programmes de travail nationaux et régionaux détaillés et des objectifs quantifiables et évaluables à partir d'une feuille de route, qui fasse l'objet d'un suivi de la Commission et du Parlement et répartisse les contributions et les responsabilités aux divers niveaux d'action (local, régional, national et de l'UE).

3.6

Le Comité demande par conséquent à la Commission d'élaborer une nouvelle stratégie coordonnée, à moyen long terme, fondée sur une vision participative et commune à l'horizon 2020, qui tienne pleinement compte des spécificités des SCC et établisse un cadre donnant des certitudes, ce qui est indispensable pour attirer des investissements liés à l'innovation dans ces secteurs et développer des ressources humaines qualifiées.

3.7

En outre, une telle stratégie doit nécessairement tenir compte du fait que les SCC sont caractérisés par un pourcentage disproportionné d'emplois atypiques, en particulier d'emplois intermittents, avec de nombreux emplois temporaires free-lance, un nombre très élevé de travailleurs indépendants, de microentreprises souvent composées d'un seul travailleur et de PME comprenant moins de 10 employés (16). La rémunération des travailleurs du secteur est par conséquent souvent irrégulière, et dans certains cas voisine du seuil de pauvreté, voire en dessous.

3.8

Nombre de travailleurs du secteur sont confrontés à des conditions de travail difficiles, sans bénéficier des droits de protection sociale de base. Cela concerne particulièrement les femmes, qui représentent une grande proportion de la main-d'œuvre du secteur et connaissent une discrimination plus grave, surtout sur le plan des conditions d'emploi et de travail, avec de fortes inégalités de salaires.

3.9

Le secteur compte un nombre relativement élevé de travailleurs indépendants, catégorie qui est souvent divisée en deux extrêmes: une extrémité est constituée de professionnels hautement qualifiés et très expérimentés, occupant une position forte sur le marché du travail; à l'autre extrémité se trouvent des travailleurs indépendants qui n'ont d'autre finalité que de fournir du travail à moindre coût permettant de réduire les charges administratives et financières pour le client. L'OIT a depuis longtemps tiré le signal d'alarme concernant la possibilité d'abus dans ce secteur (17).

3.9.1

Il est également vrai que la crise économique touche les SCC dans leur ensemble, à cause des mesures d’austérité et des coupures d’une envergure sans précédent à travers l’Europe dans le soutien public à la culture.

3.10

Le CESE estime qu'il faut également appliquer aux SCC les mesures qu'il a mises en évidence dans ses avis consacrés à l'anticipation des processus de restructuration (18). Les technologies et modèles d'entreprises du SCC sont en évolution rapide, et de nombreuses grandes entreprises procèdent actuellement à une réorganisation de leur production sous l'influence de la numérisation de la presse écrite, de la réduction des aides publiques, des absorptions et des fusions d'entreprises.

3.11

Ces changements ont une incidence directe sur les travailleurs des SCC, laquelle se concrétise souvent par des licenciements d'employés, des pressions sur les salaires, des plans de départs en préretraite, par un recours plus marqué au travail temporaire, un abaissement des conditions de travail et une augmentation du stress, par des réductions de la durée des contrats de travail et un manque d'information et de consultation des travailleurs.

3.12

Afin de garantir la diversité et la richesse culturelles de l'Union, le Comité juge opportun d'éviter des concentrations excessives, tant dans le domaine de la production que celui de la distribution; il suggère de privilégier les réseaux numériques et les métadistricts, qui permettent d'atteindre une masse critique d'investissements, de renforcer la recherche et la pénétration des marchés internationaux, ainsi que de préserver l'emploi.

3.13

De même, le CESE et d'avis qu'il est nécessaire de développer des efforts conjoints, aux niveaux européen et national, pour soutenir des programmes de formation et de qualification en renouvelant et en mettant à jour les profils professionnels par des actions de formation tout au long de la vie, afin de tenir compte des transformations qui ont cours dans le secteur et de développer les qualifications et l'expertise professionnelle de sorte à les maintenir constamment en phase avec les besoins. Il est nécessaire d'accélérer les investissements dans la modernisation des systèmes d'enseignement et de formation des artistes, des créateurs et des travailleurs des SCC, afin de permettre à l'UE de garder sa prééminence actuelle et d'atteindre les objectifs de la stratégie Europe 2020.

3.13.1

De telles actions se font encore plus urgentes, en raison des mutations profondes qui résultent du développement de la concurrence à l'échelle mondiale et se manifestent aussi pour les professions intellectuelles; ces transformations ont obligé à procéder à la création de concepts et de modalités, toujours plus novateurs, d'exécution du travail à haute concentration de savoir, comme les coopératives européennes de la connaissance.

3.14

Si, comme le souligne la Commission elle-même, "les établissements financiers doivent […] prendre davantage conscience du potentiel économique de ces secteurs et améliorer leur capacité d'évaluation des entreprises dont l'activité repose sur des actifs incorporels", cela doit valoir en premier lieu pour le cadre budgétaire 2014-2020 de la Communauté, en éliminant les incertitudes actuelles – les plus emblématiques étant celles concernant Erasmus – par un remodelage des programmes et des instruments d'intervention de l'Union (Fonds structurels, BEI, FEI, etc.), de sorte à inclure et privilégier l'innovation "non technologique" et une programmation internationale compétitive des SCC.

3.15

La préparation de la future politique de cohésion, à partir de 2014, doit tirer des enseignements des projets et des études concernant la réalisation d'instruments destinés à libérer toutes les potentialités des secteurs des industries créatives; de l'avis du CESE, le secteur de la culture et celui de la création doivent être incorporés dans des stratégies intégrées de développement régional ou local, en collaboration avec les pouvoirs publics et avec une représentation appropriée de la société civile organisée.

3.16

Il faut un cadre communautaire pour faciliter la mobilité des artistes et des créateurs, de leurs œuvres, des services et des systèmes de distribution, avec une reconnaissance mutuelle des qualifications, des instruments avancés d'éducation et de formation, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'espace culturel et créatif européen, qui permette de mettre en pratique les recommandations que le groupe d’experts nationaux sur la mobilité des artistes établi par la Commission a élaborées en la matière (19).

3.17

Le CESE souligne que les industries de la culture et de la création contribuent à stimuler la reconversion des économies locales, en favorisant l'émergence de nouvelles activités économiques, en créant des emplois nouveaux et durables (20), et en augmentant la capacité d'attraction des régions et des villes européennes, comme cela est décrit dans l'étude "The rise of the creative class" ("La montée de la classe sociale des créateurs") (21).

3.18

Une véritable nouvelle stratégie pour les ICC devra avoir comme élément central, de l'avis du CESE, un plan d'action communautaire intitulé "Une Europe créative sur la scène mondiale" (Creative Europe Open to the World- CEOW) qui visera à garantir la présence des artistes et des industries de la culture et de la création de l'UE, et notamment les PME, sur les marchés clés internationaux, grâce à l'instauration de régimes spécifiques pour faciliter les échanges avec les pays tiers et moyennant un commun accord sur des dispositions précises et contraignantes, dans les accords bilatéraux et multilatéraux de l'Union.

4.   Observations particulières

4.1   Contribuer à un environnement réglementaire approprié

4.1.1

Il conviendrait que les États membres et la Commission adoptent - avec la pleine contribution et l'engagement actif des partenaires sociaux - des mesures réglementaires spécifiques, adaptées aux particularités des SCC, qui incluraient des règles de concurrence appropriées afin d'éviter des concentrations de marché excessives et de préserver la diversité culturelle, la pluralité de choix pour le consommateur et la multiplicité des formes d'entrepreneuriat.

4.1.2

Les États membres devraient réduire les charges administratives et bureaucratiques qui pèsent en particulier sur les PME des secteurs de la création et de la culture et sur leurs travailleurs autonomes, en simplifiant les procédures pour la fourniture de services et en facilitant la mobilité des services, des artistes et des opérateurs culturels.

4.2   Accès aux financements, aux aides financières de l'UE et au partenariat public-privé

4.2.1

Les SCC, y compris lorsqu'ils sont majoritairement tournés vers le marché, reposent toujours sur le travail de créateurs individuels, d’auteurs, d'artistes, d'acteurs et d'interprètes, qui ont besoin de disposer d'une simplicité d'accès au financement et au crédit: il est vital de relier les aides financières apportées aux SCC à la création et de maintenir de bonnes conditions de travail pour toutes les catégories de travailleurs, y compris sur le plan financier.

4.2.2

Il est dès lors important de créer un environnement fiscal qui soutienne le développement des PME et des travailleurs autonomes, avec des exemptions permettant d'éviter la double imposition en cas de mobilité transfrontalière et transnationale, ainsi que des régimes appropriés de sécurité sociale.

4.2.3

L'UE et les États membres doivent encourager la coopération entre le secteur public et privé pour assurer la durabilité des SCC et promouvoir la diversité culturelle des biens et services.

4.2.4

L'UE et les États membres doivent soutenir les mécanismes d'analyse comparative concernant les modalités de garanties, de prêts, d'investissement, d'incitation à l'exportation, afin d'assouplir, pour les projets créatifs et culturels, les conditions d'accès à des mécanismes privés de financement et de favoriser les liens entre les secteurs non commerciaux qui bénéficient souvent de fonds publics et les secteurs davantage orientés vers les entreprises comme le design, la mode ou la publicité.

4.2.4.1

Le CESE recommande d'élaborer:

une cartographie des principales actions européennes menées ces trois dernières années en faveur des SCC;

le budget des financements spécifiques alloués aux SCC ces trois dernières années;

un tableau récapitulatif des résultats obtenus par l'application de la méthode ouverte de coordination appliquée aux CSS.

4.3   Entrepreneuriat créatif et culturel et modèles d'entreprises

4.3.1

Le développement de nouveaux modèles d'entreprises exige d'accepter de nouvelles formules de numérisation, de remixage, de mashing et d'échantillonnage - c'est-à-dire la possibilité d'utiliser un fichier multimédia numérique qui contient un élément ou un ensemble de données textuelles, graphiques, audio, vidéo et d'animation tirées de sources préexistantes pour créer une nouvelle œuvre qui en dérive, ou un échantillon.

4.3.2

Le modèle de "créativité pour la qualité sociale" (creativity for social quality) se réfère en pratique à la culture, au territoire et à la société, dans le cadre du groupement créatif, intégrant des mesures de mobilisation de connaissances et de promotion de l'utilisation du designer comme une sorte de "courtier" ou de facilitateur des processus d'interface entre le développement, la technologie et la production.

4.3.3

Pour le CESE, il est indispensable de valoriser de nouveaux modèles d'entreprise où le design est intégré à la chaîne de valeurs et où tous les acteurs sont en mesure d'apporter une valeur ajoutée aux produits et à des processus pouvant être identifiés, sur les marchés internationaux, comme relevant de l'excellence européenne.

4.3.4

Pour le CESE, il est également important d'encourager la mobilité transfrontalière et transnationale ainsi que les capacités d'attirer des travailleurs qualifiés et de talent, ainsi que le transfert de connaissances, les échanges d'expériences et de compétences entrepreneuriales, la constitution de réseaux et de grappes d'entreprises entre différents acteurs de l'UE et différents secteurs de l'économie sur le territoire de l'UE.

Bruxelles, le 17 avril 2013.

Le président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  JO C 051 du 17.2.2011 p. 43-49.

(2)  COM(2010) 183 final.

(3)  Voir le portail de l’Unesco consacré à la culture: http://www.unesco.org/new/fr/culture/themes/cultural-diversity/diversity-of-cultural-expressions/the-convention/

(4)  Réseau du système statistique européen concernant la culture – Rapport final 10/2012.

(5)  COM(2011) 785 final.

(6)  JO C 181 du 21.6.2012, p. 35–39.

(7)  Voir aussi le rapport TERA Consultants 2010 et le Rapport 2010 sur la compétitivité de l'UE, COM(2010) 614 final.

(8)  D'après Eurostat, "entre 2008 et 2011, l’emploi dans les secteurs de la culture et de la création s’est révélé plus résistant que dans l’économie de l’Union dans son ensemble".

(9)  TERA Consultants, 2010.

(10)  TERA Consultants, 2010.

(11)  Voir rapport 2006 – "The cultural economy of Europe" (CEOE).

(12)  Voir l'étude consacrée à la dimension des entreprises dans les industries de la culture et de la création.

(13)  JO C 175 du 28.7.2009 p. 63–72.

(14)  JO C 108 du 30.4.2004, p. 68–77.

(15)  Avis: JO C 181 du 21.6.2012, p. 35–39; JO C 228 du 22.9.2009, p. 52–55; JO C 132 du 3.5.2011, p. 39–46; JO C 68 du 6.3.2012, p. 28–34; JO C 48 du 15.2.2011, p. 45–50; JO C 27 du 3.2.2009, p. 119–122; JO C 51 du 17.2.2011, p. 43–49; JO C 112 du 30.4.2004, p. 57–59; JO C 110 du 9.5.2006, p. 34–38; JO C 248 du 25.8.2011, p. 144–148; JO C 229 du 31.7.2012, p. 1–6; JO C 255 du 14.10.2005, p. 39–43; JO C 117 du 30.4.2004, p. 49–51; JO C 228 du 22.9.2009, p. 100–102; JO C 77 du 31.3.2009, p. 63–68.

(16)  Au niveau de l'UE-27, 25 % des travailleurs du secteur de la culture occupent un emploi temporaire contre 19 % des travailleurs en général; de même, la proportion des travailleurs à domicile est deux fois plus élevée dans les secteurs culturels (26 %) que dans l'ensemble des secteurs. Le fait d'exercer plusieurs emplois est également plus fréquent dans les secteurs culturels (6 %) que dans la population active totale (4 %). Voir les statistiques d'Eurostat sur la culture, Cultural statistics, Eurostat pocketbooks, édition 2011.

(17)  Voir avis CESE "L'abus du statut de travailleur indépendant", JO C 161 du 6.6.2013.

(18)  JO C 299 du 4.10.2012, p. 54–59.

(19)  Voir http://ec.europa.eu/culture/documents/moc_final_report_en.pdf.

(20)  Voir l'initiative en faveur de l'emploi des jeunes, Sommet européen du 8 février 2013.

(21)  Par Richard Florida, expert américain du développement urbain.


10.7.2013   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 198/45


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — stratégie pour une compétitivité durable du secteur de la construction et de ses entreprises»

COM(2012) 433 final

2013/C 198/07

Rapporteur: M. Aurel Laurențiu PLOSCEANU

Corapporteur: M. Enrico GIBELLIERI

Le 7 septembre 2012, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

"Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil - Stratégie pour une compétitivité durable du secteur de la construction et de ses entreprises"

COM(2012) 433 final.

La commission consultative des mutations industrielles, chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 12 mars 2013.

Lors de sa 489e session plénière des 17 et 18 avril 2013 (séance du 17 avril 2013), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 128 voix pour, 2 voix contre et 7 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE accueille favorablement le plan d'action de la Commission sur la compétitivité durable du secteur de la construction, publié en juillet 2012.

1.2

Le CESE reconnaît l'importance stratégique du secteur de la construction dans l'économie européenne, tant pour sa contribution au PIB que pour son rôle dans l’emploi, ainsi qu'en tant que vecteur de croissance économique.

1.3

Le CESE estime que le secteur de la construction est un acteur essentiel pour la réduction de la demande énergétique de l'UE et de l'empreinte écologique de l'homme, ainsi que pour l'atténuation des/l'adaptation aux effets du changement climatique. Le CESE espère que le plan d'action proposé aidera le secteur à relever ces défis importants pour la société.

1.4

Le secteur de la construction, qui représente près de 10 % du PIB de l'UE, est essentiel pour la santé de l'ensemble de l'économie. Pour relancer la croissance, les décideurs politiques nationaux doivent nouer un dialogue avec le secteur de la construction, comme la Commission l'a fait à travers sa communication, et veiller à ce que le secteur apporte - à condition de bénéficier de conditions correctes sur le plan financier et réglementaire - la croissance, les emplois et la protection de l'environnement que les citoyens de l'UE sont en droit d'attendre.

Le CESE est d'avis que le secteur de la construction ne nécessite pas d'aide financière directe du type des subventions, mais que le plan d'action devrait viser à mettre en place un cadre politique et réglementaire qui permettra au secteur de jouer au mieux son rôle de contributeur à la croissance économique, au bien-être social et à la gestion environnementale, notamment en garantissant un flux suffisant d'investissements publics et de financements privés pour soutenir des projets viables, ainsi qu'un financement de l'économie des États membres qui soit majoritairement assuré par des crédits bancaires, en imposant des mesures immédiates et efficaces pour améliorer l'accès des PME au crédit, y compris par la mise en place de mesures spécifiques de garantie et de contre-garantie.

1.5

Pour assurer la compétitivité du secteur de la construction en Europe, tant sur le plan interne que par rapport à l'extérieur, il est essentiel que le cadre réglementaire et de normalisation de l'UE soit simple, stable et cohérent.

1.6

Le CESE est parfaitement conscient que si les mesures d'austérité servent à rééquilibrer les déficits structurels, elles ne conduisent pas à un renouveau de la croissance; au contraire, elles exacerbent la crise économique dans de nombreux pays. L'investissement dans des bâtiments et des infrastructures durables est nécessaire pour garantir la future croissance européenne ainsi que des perspectives d'emploi.

1.7

La société civile organisée invite la Commission, le Parlement européen, le Conseil et les gouvernements des États membres à considérer les investissements dans les bâtiments durables et les infrastructures vitales comme une contribution stratégique à la future croissance économique et aux emplois de demain, et non comme un nouveau type de dépenses publiques. Par ailleurs, le CESE préconise de ne pas utiliser le niveau de ces investissements dans le calcul de la performance d'un pays relativement au pacte de stabilité et de croissance.

1.8

La rénovation du parc immobilier vieillissant de l'UE présente un potentiel colossal pour la réduction de la demande énergétique, ce qui permettrait d'atteindre les objectifs de l'UE de réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre et la demande énergétique, mais aussi de diminuer les importations d'énergies fossiles et de garantir qu'une partie plus importante de la richesse de l'UE reste sur son territoire, en aidant par là-même à maintenir ou à créer des emplois dans le contexte actuel de crise économique et financière. Pour réaliser ce potentiel, les pays de l'UE doivent garantir qu'ils disposent d'incitations financières et fiscales appropriées pour orienter le marché vers davantage d'économies d'énergie et s'assurer de réduire les lacunes en matière de qualifications.

1.9

Un autre grand défi est la modernisation des infrastructures européennes de transport, d'énergie et de haut débit, afin de répondre aux besoins des générations futures et de garantir la compétitivité de l'Europe sur le plan international et son attractivité pour les investissements directs étrangers (IDE). Si les gouvernements négligent de voir l'importance de ce genre d'investissements, l'Europe risque de prendre du retard par rapport à d'autres régions du monde, tant sur le plan économique qu'en termes de bien-être social.

1.10

Le changement démographique impose de nouveaux défis à l'environnement bâti, lesquels devront être relevés par le secteur, en particulier les effets du vieillissement de la population sur l'accès à l'environnement bâti. Le CESE prend acte des travaux actuellement menés par le Comité européen de normalisation (CEN), qui a été mandaté par la Commission européenne pour adapter les normes concernées aux principes de la conception universelle ("design for all"). De plus, le secteur de la construction est confronté au vieillissement de la main-d'œuvre. À cet égard, le CESE rappelle la stratégie Europe 2020 pour une croissance intelligente, durable et inclusive (1) et souligne que ce défi se pose à l'économie dans son ensemble.

1.11

En sus de sa contribution à l'atténuation des changements climatiques, le secteur de la construction devra relever les nouveaux défis pour l'environnement bâti que pose l'adaptation aux effets de ces mêmes changements climatiques. Il s'agit notamment des effets des phénomènes climatiques extrêmes, qui requièrent un environnement bâti plus résilient, ainsi que des structures adéquates de protection. Le CESE fait valoir qu'il convient de tenir compte également de ces éléments dans le cadre des méthodologies techniques normalisées existantes, telles qu'Eurocodes.

1.12

Face à ces défis, le secteur de la construction a un rôle essentiel à jouer, à condition que les investissements dont il a besoin lui soient accessibles, et que l'on garde à l'esprit que les emprunts obligataires pour le financement de projets sont un moyen de lever des fonds privés complémentaires pour financer des projets, mais qu'ils ne peuvent remplacer les investissements publics.

1.13

De nombreuses entreprises du secteur de la construction, notamment des PME, sont soumises à de fortes pressions en raison des retards de paiement de leurs clients du secteur public comme du secteur privé. La directive 2011/7/UE concernant la lutte contre les retards de paiement dans les transactions commerciales doit être dûment appliquée, si l'on souhaite garantir la survie des entreprises du secteur. Pour mettre en œuvre pleinement les dispositions de la directive 2011/7/UE et réaliser ses objectifs, le CESE insiste particulièrement sur l'importance de réduire à 30 jours maximum les délais de paiement/réception dans les marchés publics et sur la garantie de leur respect sous la forme d'un acquittement effectif des factures, en adoptant les mesures budgétaires et administratives adéquates (notamment concernant l'obtention de crédits bancaires pour le règlement des arriérés). Le CESE souscrit à l'importance de résoudre en priorité le problème des arriérés enregistrés avant la transposition de la directive 2011/7/UE. En effet, les retards de paiement de factures très importants dans le cadre des différents marchés publics pèsent gravement sur la compétitivité, la rentabilité et la viabilité des entreprises. Les pays qui ont appliqué jusqu'à présent des périodes de paiement plus courtes ne devraient pas utiliser les dérogations prévues par la directive pour allonger ces périodes. Dans ce cadre, le CESE recommande de limiter à 30 jours maximum la période autorisée pour le paiement des factures (procédures d'acceptation et de vérification comprises).

1.14

Pour ne pas compromettre ou réduire sensiblement les chances de relance économique, le CESE souligne la nécessité de relancer et de renforcer les crédits bancaires en faveur des investisseurs et de l'économie réelle; il recommande d'éviter d'exercer une surveillance prudentielle excessive lors de l'octroi de crédits et de renoncer à privilégier le développement des placements sous forme de titres financiers, au détriment des crédits aux entreprises qui ont survécu en période de crise. Les prêts relais sont vitaux pour la survie quotidienne de nombreuses entreprises, notamment des PME. Par conséquent, la restriction des prêts bancaires qui a lieu actuellement constitue une réelle menace pour la viabilité de ces entreprises. Afin de ne pas aggraver la situation de l'offre de prêts, déjà réduite à la portion congrue, il convient que les règles prudentielles financières telles que celles proposées par l'accord de Bâle III ne mettent pas un frein supplémentaire aux prêts consentis par les banques à l'économie réelle. À cette fin, l'obtention de financements bon marché de la BCE doit être subordonnée à l'obligation d'en faire profiter l'économie réelle dans une large mesure.

1.15

Pour disposer d'un secteur de la construction qui soit durable et concurrentiel, il est crucial de garantir de bonnes conditions de travail dans le secteur. En 1993, le rapport Atkins (2) est arrivé à la conclusion qu'un secteur de la construction qui dépend de formes d'emplois précaires telles que le faux travail indépendant décourage la productivité. Par conséquent, le plan d'action devrait prévoir également des stratégies destinées à stabiliser l'emploi et à lutter contre les pratiques illicites dans le secteur, telles que le faux travail indépendant.

1.16

Indépendamment des formes d'emploi, il est nécessaire de mettre en place des incitants pour développer les qualifications de la main-d'œuvre et lui offrir des possibilités de formation tout au long de la vie.

1.17

Le contournement des règles et des obligations sociales crée une distorsion du marché de la construction. Il faut donc garantir des conditions de concurrence égales pour tous respectant les réglementations existantes et les normes de protection sociale en vigueur dans le pays d'accueil. À cette fin, il convient d'appliquer des mécanismes appropriés de mise en œuvre pour conforter les conditions qui prévalent dans le pays hôte.

1.18

Le CESE appelle les institutions européennes et les États membres à renforcer leurs politiques et à prendre des mesures concrètes contre l'influence de la corruption et des organisations criminelles sur les marchés publics, notamment ceux concernant de grands projets d'infrastructure, qui crée une concurrence inacceptable et déloyale par le recours aux menaces et à la violence, en portant atteinte à la liberté et à la démocratie.

1.19

Le CESE souligne que les États membres devraient être autorisés à imposer les mesures de contrôle ou formalités administratives existantes ou supplémentaires qui sont jugées efficaces et nécessaires, notamment l'obligation de s'assurer de la bonne mise en œuvre des mécanismes de vérification, de suivi et d'application ainsi que de la conduite d'inspections efficaces et appropriées, de manière à garantir le respect de la législation nationale et de la directive 96/71/CE relative au détachement de travailleurs.

1.20

Les travailleurs immigrés devraient se voir garantir des conditions sociales minimales et/ou une égalité de traitement fondées sur les conditions et réglementations en vigueur dans le pays d'accueil. Il convient de mettre en place des mécanismes d'application appropriés pour combattre dans le respect de la loi le dumping social et les inégalités de traitement des travailleurs immigrés.

1.21

Il faut renforcer la part que représente la R&D dans le secteur de la construction, en tant qu'instrument permettant d'améliorer la productivité. Il convient de développer une politique en faveur de l'innovation permanente, d'une hausse de productivité fondée sur une main-d'œuvre compétente, de nouveaux produits "intelligents" et d'une "organisation intelligente du travail", ainsi que d'emplois de qualité. À cet égard, la technologie environnementale peut être un des moteurs de ce nouveau développement.

1.22

Le CESE est favorable à ce que des conditions contractuelles équitables et équilibrées soient mises en place dans tous les États membres de l'UE et s'appliquent aussi aux entreprises de pays tiers présentes sur le marché de la construction de l'UE. Il est essentiel de promouvoir la notion d'"offre économiquement la plus avantageuse" (en lieu et place de l'offre la moins chère) ainsi qu'une approche cohérente concernant le rejet des offres anormalement basses, en tant que piliers d'une concurrence efficace et loyale.

1.23

Afin que le secteur de la construction contribue davantage au développement durable, le CESE recommande que les actifs soient évalués et chiffrés sur la base de leur cycle de vie. Le cas échéant, ces évaluations devraient être fondées sur les normes produites ou adoptées par le Comité européen de normalisation (CEN).

1.24

Le CESE se félicite de la création du forum de haut niveau de l'UE sur la construction et entend y prendre part afin d'accroître la cohérence des politiques de l'UE ayant trait au secteur de la construction.

2.   Contexte

2.1

Le secteur de la construction de l'UE-27 a été gravement touché par la crise financière qui a éclaté en 2008 et le ralentissement économique qui s'en est suivi dans l'activité de construction. Le début de la crise de la dette souveraine de la zone euro et l'imposition de programmes d'austérité dans de nombreux États membres ont retardé le retour à la croissance.

2.2

Néanmoins, en 2011, le secteur de la construction a dégagé un chiffre d'affaires de 1 208 milliards d'euros, ce qui représente 9,6 % du PIB de l'UE-27 et 51,5 % de la formation brute de capital fixe (3).

2.3

Du point de vue des entreprises, le secteur de la construction compte 3,1 millions d'entreprises dont 95 % sont des PME comprenant moins de 20 employés et dont 93 % ont moins de 10 ouvriers.

2.4

Le secteur de la construction est le plus gros employeur industriel en Europe: il comptait 14,6 millions d'ouvriers en 2011, soit 7 % du total de l'emploi et 30,7 % de l'emploi industriel. Depuis 2008, le nombre d'emplois n'a cessé de diminuer.

2.5

Si l'on prend en compte l'effet multiplicateur (une personne employée dans ce secteur entraîne l'emploi de deux autres personnes dans un autre secteur), ce sont au total 43,8 millions de travailleurs dans l'UE qui dépendent directement ou indirectement du secteur de la construction.

2.6

Dans les différents États membres, le secteur de la construction a été touché par des facteurs économiques similaires, qui sont pour l'essentiel:

les effets durables de la pénurie de crédit, qui a limité les prêts;

le retrait des mesures restantes en matière de reprise;

le début de la crise de la dette souveraine durant l'été 2010;

et la mise en œuvre qui a suivi de mesures d'austérité dans toute l'Europe.

2.7

Les efforts consentis au niveau national ont été sapés par les mesures d'assainissement budgétaire et fiscal ainsi que par des coupes majeures dans les investissements, destinées à résoudre la crise de la dette souveraine.

2.8

Cette situation a encore affaibli la confiance toujours fragile des entreprises et des consommateurs.

2.9

L'ensemble des résultats du secteur de la construction devrait, selon les prévisions, avoir baissé de plus de 2 % en 2012, tous les segments du secteur ayant enregistré une baisse.

2.10

Une analyse de la Banque mondiale comptait la construction parmi les secteurs touchés par la corruption et par le crime organisé, qui se manifestent:

dans l'attribution des projets suivant un intérêt politique – et non par voie d'adjudication;

dans les moyens par lesquels sont obtenues les accréditations, concernant la procédure de certification pour les bâtiments.

Les États membres de l'UE repèrent des phénomènes de corruption qui se manifestent:

dans les pratiques d'ingénierie financière et l'incapacité à payer à temps les travaux entrepris par les entreprises de construction;

la permanence de barrières techniques, administratives ou réglementaires qui créent une distorsion du processus d'adjudication.

3.   Proposition de la Commission

3.1

La stratégie proposée poursuit les objectifs suivants:

relever les principaux défis auxquels le secteur de la construction est confronté sur le plan de l'investissement, du capital humain, des exigences énergétiques et environnementales, de la réglementation et de l'accès aux marchés, à l'horizon 2020;

proposer un plan d'action à court et moyen terme pour relever ces défis.

3.2

La proposition à l'examen a pour objet:

de promouvoir la demande d'environnement bâti durable, et en particulier la rénovation de bâtiments;

d'améliorer la performance de la chaîne d'approvisionnement/de valeur et celle du marché intérieur des produits et services de construction;

d'élargir les perspectives de marché au niveau international pour les entreprises de construction de l'UE.

3.3

Le plan d'action proposé est centré sur les 5 objectifs suivants:

3.3.1

promouvoir des conditions d’investissement favorables

3.3.2

renforcer le capital humain dans le secteur de la construction

3.3.3

améliorer l’utilisation efficace des ressources, les performances environnementales et les perspectives commerciales des entreprises

3.3.4

renforcer le marché intérieur de la construction

3.3.5

promouvoir la compétitivité des entreprises de construction de l’UE au niveau mondial

3.4

Sur le plan de la gouvernance, il est proposé de mettre en place un forum stratégique tripartite (associant la Commission, les États membres et les parties prenantes) chargé de suivre les avancées de la mise en œuvre de la stratégie.

4.   État actuel du secteur de la construction - analyse AFOM

4.1   Atouts

4.1.1

L'atténuation des/l'adaptation aux effets du changement climatique et la réduction de l'empreinte écologique de l'humanité.

L'activité de construction est une activité locale et à forte intensité de main-d'œuvre. Ainsi, sa production ne peut pas être délocalisée, ce qui garantit que l'emploi reste sur le territoire de l'UE.

43,8 millions de travailleurs de l'UE-27 dépendent toujours, directement ou indirectement, du secteur de la construction.

Le nombre élevé de microentreprises et de PME actives dans le secteur de la construction démontre qu'il s'agit d'une activité fortement ancrée dans les communautés locales et qui reflète la diversité des traditions et cultures locales.

Dans de nombreux États membres, le secteur de la construction, associé aux instances de l'enseignement professionnel, joue un rôle central pour fournir une activité d'apprentis aux jeunes travailleurs, garantissant en cela la mobilité sociale.

4.2   Faiblesses

4.2.1

Dans de nombreux pays, le secteur de la construction souffre de réglementations, par exemple en matière de règles de responsabilité, qui entravent la constitution d'associations de coopération entre entreprises; il présente une chaîne de valeur complexe et un fort risque de conflits et d'inefficacité. Ce trait est un obstacle à l'accroissement de sa compétitivité.

4.2.2

En dépit de récentes améliorations, comme la publication, en novembre 2010, du manifeste intitulé "Construire la prospérité pour l'avenir de l'Europe" par la plate-forme informelle "Forum européen de la construction", retravaillé par la suite en janvier 2013 spécialement dans le contexte de la communication de la Commission, le secteur est composé d'un nombre tel de diverses parties prenantes qu'il a du mal à coordonner tous les différents points de vue et à parler d'une seule voix au niveau national ou européen.

4.2.3

Dans certains cas, le secteur a tendance à suivre les flambées immobilières spéculatives, comme celle qu'ont connue de nombreux États membres pendant la décennie 2000-2010, entretenue par la possibilité de contracter des crédits à faible taux d'intérêt pour le développement de l'immobilier.

4.2.4

Les mesures politiques destinées à encourager les formes spécifiques de construction – tels que les incitants fiscaux pour les rénovations améliorant l'efficacité énergétique ou pour les travaux de mise en conformité, ou encore les prix de rachat garanti destinés à soutenir la microproduction d'énergie renouvelable – sont souvent imprévisibles, à court terme et sujettes à des restrictions avant que leurs avantages ne se fassent véritablement sentir.

4.2.5

Les marchés publics sont traditionnellement accordés sur la base du prix le plus bas. Une telle pression pour réduire le montant des offres empêche les entreprises d'innover dans leurs processus de production et d'investir dans des matériaux nouveaux et innovants. De plus, les marchés publics ne permettent pas souvent de présenter des variantes. Cette absence de possibilité de proposer des variantes, couplée à des régimes d'assurance restrictifs, constitue encore une barrière au renforcement de l'innovation.

4.2.6

L'investissement dans la R&D est faible dans le secteur de la construction par rapport à d'autres industries. Cela est dû à la nature fragmentée du secteur, au fait que les travaux de construction sont soumis à des réglementations et prescriptions rigoureuses, et aux marges de profit généralement serrées du secteur. Le CESE prend note des partenariats public-privé en matière d'efficacité énergétique (bâtiments économes en énergie - Energy-efficient Buildings, EeB), qui associent des aides de l'Union européenne en faveur de la R&D à un cofinancement du secteur privé.

4.2.7

Malgré les grandes avancées accomplies ces dernières années, le secteur de la construction connaît encore un problème d'image, et améliorer ses résultats en matière de santé et de sécurité reste encore une priorité. De manière plus générale, malgré la récession, le secteur a toujours des difficultés à attirer un nombre suffisant d'ingénieurs qualifiés issus de l'université. Ce problème ne fera que s'accentuer avec l'évolution démographique. C'est au secteur lui-même de remédier à son problème d'image et de parvenir à attirer des jeunes travailleurs qualifiés.

4.3   Possibilités offertes

4.3.1

L'objectif de performance énergétique du parc immobilier, tant au niveau de l'UE qu'au niveau national, constitue une formidable occasion pour le secteur d'augmenter son activité avec les technologies existantes. Néanmoins, il faut que les gouvernements nationaux reconnaissent ce potentiel et fournissent l'aide financière requise ainsi que les incitants fiscaux nécessaires.

4.3.2

Il conviendrait que les États membres et l'Union européenne coordonnent des programmes d'investissement à grande échelle dans les infrastructures clefs et le bâtiment, en allant plus loin que les montants proposés par le mécanisme pour l'interconnexion en Europe dans le prochain cadre financier pluriannuel.

4.3.3

À moyen et long terme, le secteur dispose du potentiel pour parvenir à une économie durable et à faibles émissions de carbone, à condition que soient mis en place des incitants réglementaires et financiers.

4.3.4

Le secteur de la construction sera en première ligne pour relever les défis de l'atténuation des/l'adaptation aux effets du changement climatique.

4.3.5

Le développement de nouvelles technologies fondées sur l'informatique, comme la modélisation des données du bâtiment (ou BIM, Building Information Modelling), est en train de susciter de l'innovation et d'améliorer l'efficacité du secteur.

4.4   Menaces

4.4.1

La principale menace qui pèse sur le secteur de la construction est le manque d'investissements publics et privés, lequel a déjà causé la faillite d'entreprises pourtant viables et entraîné une chute colossale du niveau d'emploi depuis 2008. Si elle doit durer, cette récession du secteur de la construction entraînera une pénurie permanente d'architectes, de dessinateurs-projeteurs, d'ingénieurs et d'artisans.

4.4.2

Corrélée à la première, une deuxième menace pèse sur le secteur: le vieillissement de la main-d'œuvre et le manque de jeunes travailleurs qualifiés pour remplacer les départs. Les données chiffrées d'Allemagne montrent qu'en 2011, 44 % de la main-d'œuvre du secteur avait plus de 45 ans.

4.4.3

Une autre menace est l'arrivée de contractants de pays tiers sur les marchés publics de l'UE. Ces entreprises, souvent possédées par l'État, ont dans certains cas utilisé des fonds publics de leur pays d'origine pour court-circuiter la concurrence équitable, par exemple dans des affaires comme la construction de l'autoroute A2 en Pologne, en 2009, qui concernait une entreprise nationale chinoise. Ce type de concurrence déloyale, d'une part, fait baisser la qualité des constructions et, d'autre part, tire vers le bas les salaires des travailleurs locaux du secteur de la construction.

4.4.4

La pression exercée par les pouvoirs publics pour faire des économies dans le cadre de marchés publics conduit à l'apparition fréquente d'offres anormalement basses. De telles offres réduisent la qualité de l'environnement bâti, menacent le bien-être social des travailleurs et augmentent les coûts sur le long terme.

4.4.5

Le secteur de la construction est une activité qui fait déjà l'objet d'une réglementation très rigide, ce qui est justifié, mais la législation adoptée par l'UE concernant ce secteur risque d'être contre-productive si elle n'est pas coordonnée.

4.4.6

La forte mobilité de l'emploi est l'une des caractéristiques essentielles du secteur de la construction dans l'UE. Il ne convient pas que le recours à de la main-d'œuvre venue d'autres pays, et notamment à des travailleurs indépendants et à des travailleurs temporairement détachés, soit utilisé suivant une forme de dumping social pour éviter de payer les contributions de sécurité sociale et contourner les obligations sociales en vigueur dans le pays d'accueil.

4.4.7

Concernant l'industrie des matériaux de construction, l'accès aux matières premières et l'utilisation efficace des ressources constitueront un grand défi dans l'avenir.

5.   Points de vue des partenaires économiques et sociaux et de la société civile organisée

5.1

Les vues exprimées lors de l'audition organisée par la CCMI le 19 décembre 2012 ont mis en exergue les points suivants:

5.1.1

La publication de la communication de la Commission arrive à point nommé et tient compte de nombreux éléments attendus par le secteur de la construction.

5.1.2

La stratégie proposée ne prévoit pas de dispositif pour faire face à l'impact du changement climatique sur le secteur.

5.1.3

Le financement des projets et la tendance aux retards de paiement restent des sujets importants figurant à l'ordre du jour de l'industrie de la construction.

5.1.4

Le vieillissement de la main-d'œuvre du secteur de la construction est très sensible et il convient d'y remédier en attirant de jeunes travailleurs qualifiés.

5.1.5

Il convient d'adopter une approche renforcée pour remédier aux principales menaces et faiblesses et garantir la réalisation des objectifs de la stratégie UE 2020 et du RTE-T.

5.1.6

Sans une conception et une exécution de qualité, il ne sera pas possible de parvenir à une construction durable ou à une compétitivité durable du secteur de la construction. Une conception et une exécution de haute qualité ne peuvent être obtenues en accordant la préférence à des offres fondées sur le seul critère du prix le plus bas et en ignorant les coûts à long terme.

5.1.7

Les marchés publics pour les services de construction, traditionnellement accordés sur la base du prix le plus bas, empêchent les compagnies d'innover dans leurs processus de production et d'investir dans des matériaux nouveaux et innovants. L'innovation est également entravée par des régimes d'assurance qui pénalisent les entreprises désireuses de diversifier leurs pratiques de travail ou d'utiliser des matériaux innovants.

5.1.8

Il existe une concurrence déloyale entre les entreprises de l'OCDE et celles des pays BRICS, à laquelle il faut remédier par des solutions spécifiques.

5.1.9

L'on pourrait à nouveau envisager une réduction de TVA pour les logements abordables comme un incitatif possible.

5.1.10

Il convient également de développer et de renforcer le partenariat social – qui a fait naître plusieurs ONG paritaires – dans le secteur de la construction au niveau des États membres, parallèlement au dialogue social, afin de répondre aux défis très spécifiques auxquels le secteur est confronté (santé et sécurité, formation, congés payés, etc.).

5.1.11

Il est également nécessaire et judicieux de mettre en place un code de déontologie pour réduire l'incidence de la corruption.

5.1.12

Il est nécessaire de renforcer la communication sur les politiques d'investissement afin d'améliorer les stratégies des entreprises, qui sont dans l'immédiat fondées essentiellement sur une logique de survie à court terme.

5.1.13

Le forum de haut niveau sur la construction créé par la Commission, qui a commencé ses travaux en janvier 2013, est plus que nécessaire, et il conviendrait que le CESE y soit associé.

6.   Observations générales

6.1

Suivant les prévisions, le développement du secteur de la construction se caractérise par:

la performance énergétique des bâtiments et la gestion efficace des ressources dans la production, le transport et l’utilisation de produits pour la construction de bâtiments et d’infrastructures;

l'économie à faibles émissions de carbone, et son impact très important sur le secteur du bâtiment et de la construction;

des défis internationaux, à savoir:

une concurrence déséquilibrée et mondialisée;

l'efficacité énergétique;

les bâtiments durables;

la résilience aux catastrophes;

le climat à l'intérieur des bâtiments;

la réutilisation, la récupération et le recyclage des bâtiments et matériaux;

la conception sur mesure pour répondre aux demandes futures des clients;

le vieillissement de la main-d'œuvre;

les procédures en matière de marchés publics;

les partenariats public-privé (PPP);

les problèmes spécifiques de santé et de sécurité;

l'éthique des affaires.

6.2

Il est nécessaire qu'il y ait une "chaîne trophique" dans le secteur de la construction, entre les acteurs impliqués: les sociétés de construction, les urbanistes, les architectes, les concepteurs, les promoteurs, etc., devraient participer à des domaines de connaissance spécifiques tels que le financement, les assurances, les marchés publics, le marketing et l'enseignement.

6.3

Afin de combattre les manifestations de corruption et de crime organisé, les entreprises de construction sont en train de fixer un éventail complexe de mesures et de réformes structurelles, notamment:

la suppression des barrières techniques, administratives et réglementaires qui existent actuellement et créent une distorsion des procédures d'adjudication pour les travaux d'infrastructure, de construction et d'assemblage, en simplifiant le cadre réglementaire spécifique et en imposant des exigences fermes aux acteurs impliqués;

la révision des contrats en cours et des mécanismes de paiement impliquant la participation de fonds de l'UE, en améliorant le flux de documents, en augmentant la responsabilité des entités de surveillance et de contrôle et en utilisant un compte de garantie bloqué pour chaque projet; des audits et des contrôles conjoints ou croisés menés à la fois auprès du bénéficiaire et de l'entreprise de construction, concernant les paiements dus et les travaux bénéficiant de financements conjoints de l'UE et des États membres, dans le cadre de projets mis en œuvre grâce à un financement européen.

Bruxelles, le 17 avril 2013.

Le président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  Communication de la Commission COM(2010) 2020 du 3 mars 2010: "Europe 2020 - Une croissance intelligente, durable et inclusive".

(2)  Secteur, Strategic Study on the Construction Sector: Final Report: Strategies for the Construction Sector, WS Atkins International (1993).

(3)  Rapport statistique R54 de la Fédération de l'industrie européenne de la construction (FIEC).


10.7.2013   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 198/51


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: la politique extérieure de l'UE dans le domaine de l'aviation — anticiper les défis à venir»

COM(2012) 556 final

2013/C 198/08

Rapporteur: M. McDONOGH

Le 19 décembre 2012, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

"Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - La politique extérieure de l’UE dans le domaine de l'aviation – Anticiper les défis à venir"

(COM (2012) 556 final).

La section spécialisée "Transports, énergie, infrastructures, société de l'information", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 3 avril 2013.

Lors de sa 489e session plénière des 17 et 18 avril 2013 (séance du 17 avril 2013), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 165 voix pour, 1 voix contre et 7 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le Comité accueille favorablement la communication de la Commission sur la politique extérieure dans le domaine de l'aviation. Compte tenu de la dépendance toujours accrue de l'Europe vis-à-vis du commerce extérieur et du fait que les aéroports sont essentiels pour relier notre continent au reste du monde, le CESE soutient sans réserve un programme ambitieux dans le secteur de l'aviation.

1.2

Le Comité souhaite en particulier que des avancées rapides soient réalisées sur la voie d'un espace aérien unique élargi, qui s'étendrait à nos voisins du Proche-Orient, d'Europe orientale, de Russie, de Turquie et, au-delà de la Méditerranée, d'Afrique du Nord. Cet élargissement offrirait des possibilités de développement aux aéroports secondaires et régionaux, en raison de la proximité de ces marchés et du fait que bon nombre d'entre eux connaissent une croissance économique soutenue.

1.3

Le CESE est également très favorable à un programme de libéralisation ambitieux à mener avec les pays BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) et ceux de l'ANASE, qui permettrait aux transporteurs européens de renforcer leur coopération avec d'autres compagnies aériennes et entraînerait une hausse du trafic sur les aéroports européens.

1.4

La Commission souligne à juste titre la nécessité de mettre en place des conditions de concurrence équitables pour l'industrie des transports aériens. Parmi les facteurs de distorsion auxquels il faut remédier, la communication relève très justement les impôts dans le secteur de l'aviation, les aides d'État inappropriées, la saturation des aéroports et de l'espace aérien, les charges liées à la protection des consommateurs et le coût des émissions de carbone.

1.5

Le CESE partage les préoccupations de la Commission concernant la nécessité d'investir pour accroître les capacités des aéroports. Il est urgent de garantir des capacités aéroportuaires dans l'Union européenne afin de ne pas subir de pertes de compétitivité par rapport à d'autres régions qui connaissent la croissance, et empêcher ainsi que le trafic ne se détourne vers les régions voisines.

2.   Introduction et contexte

2.1

Le Comité accueille favorablement la communication de la Commission sur la politique extérieure dans le domaine de l'aviation.

2.2

Il convient sans réserve que l'aviation joue un rôle fondamental dans l'économie européenne, tant pour les citoyens que pour l'industrie de l'UE. Ce secteur, qui emploie 5,1 millions de personnes et représente 2,4 % du PIB européen, soit 365 milliards d'euros, apporte une contribution essentielle à la croissance économique et à l'emploi dans l'UE.

2.3

Grâce aux efforts coordonnés de la Commission européenne et des États membres de l'UE, 1 000 accords bilatéraux de services aériens ont été mis en place avec 117 pays ne faisant pas partie de l'UE. Des progrès ont été réalisés dans le développement d'un espace aérien commun élargi avec les pays voisins, des accords ayant déjà été signés avec les Balkans occidentaux, le Maroc, la Jordanie, la Géorgie et la Moldavie.

2.4

Toutefois, passer d'une situation où existaient seulement des relations bilatérales entre les États membres de l’UE et les pays partenaires à une situation combinant relations bilatérales et relations à l'échelle de l'UE a été parfois source de confusion chez les pays partenaires, et les intérêts de l'UE n'ont pas toujours été les mieux définis et défendus.

2.5

En outre, la fragmentation nationale signifie que l'industrie de l'aviation reste excessivement soumise aux intérêts locaux et a tendance à trop compter sur des initiatives ad hoc fondées sur des mandats de négociation individuels pour créer les conditions de la croissance et d'un accès effectif au marché. Le rythme de la libéralisation non coordonnée des marchés, au niveau des États membres de l'UE, avec certains pays non membres, ainsi que l'intention apparente de certains États membres de continuer à accorder des droits de trafic aérien bilatéraux à des pays tiers, sans contrepartie appropriée, ou sans prendre en compte les implications au niveau européen, sont tels que si nous n'agissons pas dès maintenant pour instaurer une politique extérieure européenne plus ambitieuse et efficace, il sera peut-être déjà trop tard dans quelques années.

2.6

Le Conseil a également accordé à la Commission l'autorisation de négocier des accords globaux avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Ces négociations ne sont pas encore terminées. À l'heure actuelle, le secteur européen de l'aviation ne comporte plus que deux compagnies aériennes européennes desservant l'Australie: British Airways et Virgin Atlantic, alors qu'elles étaient beaucoup plus nombreuses auparavant.

2.7

Le CESE se félicite des conclusions exhaustives du Conseil sur la proposition de la Commission (1) mais considère que les États membres pourraient se montrer plus explicites dans le soutien qu'ils apportent à certaines négociations essentielles de l'UE, par exemple en confiant à la Commission un mandat fort pour "normaliser" les relations tendues avec la Russie dans le domaine de l'aviation.

2.8

L'Amérique latine est un marché en forte croissance, et la fusion des compagnies LAN et TAM représente une véritable menace commerciale pour Iberia, Tap et d'autres compagnies aériennes européennes qui desservent cette région. Il importe de conclure le plus rapidement possible l'accord avec le Brésil.

3.   L'importance des plateformes de correspondance ("hubs")

3.1

Malgré la croissance des transporteurs à bas coûts qui ont ouvert des lignes vers des aéroports sans plateforme de correspondance, les plateformes de correspondance européennes revêtent une grande importance dans l'aviation mondiale et les relations extérieures, dans la mesure où les accords sur le trafic aérien sont souvent centrés sur elles.

3.2

La croissance des grandes plateformes de correspondance comme celles d'Abou Dhabi et de Dubaï représente une menace sérieuse pour la compétitivité des services longs courriers de l'UE. Par exemple, l'accord conclu récemment entre les compagnies Quantas et Emirates met réellement en danger le secteur européen de l'aviation.

3.3

Pour qu’une plateforme de correspondance soit viable, il faut une demande locale élevée et un vaste réseau de services de collecte, ce qui explique pourquoi les meilleurs sites sont généralement les aéroports des grandes villes, qui sont de plus en plus saturés et ne peuvent s'agrandir en raison principalement de problèmes environnementaux.

3.4

En raison d'un manque de capacités, certaines plateformes de correspondance européennes commencent déjà à limiter le nombre de liaisons de collecte qu'il est possible d'exploiter, un problème qu'il convient de traiter efficacement si l'on veut maintenir la compétitivité européenne.

4.   Mettre en place une concurrence loyale et ouverte

4.1

Les transporteurs de l'UE, qui sont nombreux à connaître des difficultés financières, voient leur compétitivité menacée lorsque les contraintes économiques entraînant une hausse des coûts unitaires de production sont plus élevées que celles des transporteurs d'autres régions du monde.

4.2

Il importe que la chaîne entière de valeur du secteur aérien (aéroports, fournisseurs de services de navigation aérienne, fabricants, systèmes informatisés de réservation, manutentionnaires au sol, etc.) soit prise en compte et que les structures de coûts, le niveau d'exposition à la concurrence dans d'autres secteurs de la chaîne de valeur et les mécanismes de financement des infrastructures dans d'autres marchés clés soient également pris en considération dans l'évaluation de la compétitivité du secteur européen de l'aviation, et en particulier des compagnies aériennes de l'UE au niveau international.

4.3

Au sein de l'UE, force est de constater que des conditions de concurrence équitables n'ont pas été mises en place au niveau des États membres et à l'échelon local/régional; par exemple, il n'a pas été possible d'éviter que, dans de nombreux cas, des aéroports de petite taille n'accordent aux compagnies aériennes des tarifs non commerciaux, sans respecter le principe de l'investisseur privé dans une économie de marché. La série d'enquêtes approfondies récemment ouvertes sur des affaires d'octroi potentiel d'une aide d'État à des compagnies aériennes exploitant des services au départ d'aéroports régionaux dans plusieurs États membres de l'UE montre la nécessité d'agir au plus vite pour parachever les lignes directrices de la Commission européenne en matière d'aides d'État aux aéroports, dont l'élaboration a fait l'objet de retards constants. L'adoption récente de la réglementation de l'UE relative à la sécurité sociale des travailleurs mobiles dans l'UE, comme le personnel de bord, permettra également d'améliorer le fonctionnement du marché unique. La Commission a pris des mesures dans de nombreux cas de concurrence déloyale présumée.

5.   Une stratégie de croissance basée sur l'idée de "plus d'Europe"

5.1

Selon une étude indépendante réalisée pour la Commission, des retombées économiques très importantes (plus de 12 milliards d'euros par an) seraient suscitées par la mise en place, au niveau de l'UE, d’accords de transport aérien globaux avec les pays voisins et les partenaires principaux, en particulier sur les marchés restreints et/ou à croissance rapide.

5.2

Il est d'une importance stratégique pour l'UE de maintenir une industrie aéronautique européenne forte et compétitive reliant l'UE au reste du monde. À présent que les marchés aéronautiques les plus dynamiques ne se trouvent plus en Europe, il est essentiel que l'industrie européenne puisse se développer sur ces marchés également.

5.3

Il importe de veiller à ce que ce processus débouche au fil du temps sur un espace aérien commun réellement intégré, où les relations entre les pays voisins eux-mêmes deviennent ouvertes et intégrées. Il n'est plus logique que le Conseil doive examiner au cas par cas, pour chaque pays, l’octroi des autorisations de négocier des accords. Il serait beaucoup plus efficace d'accorder à la Commission une autorisation unique pour mener des négociations avec les pays voisins restants, mais toujours avec chaque pays séparément.

5.4

Dans le cadre du troisième pilier (accords globaux avec les principaux partenaires), un certain nombre d'accords importants ont été négociés. Toutefois, il s'agit aussi d'un secteur où certains objectifs clés doivent encore être réalisés, notamment dans le cadre des accords UE-États-Unis et UE-Canada pour la libéralisation en matière de propriété et de contrôle des compagnies aériennes.

5.5

La plupart des pays conservent encore des règles stipulant que les compagnies aériennes doivent être majoritairement détenues et contrôlées par les ressortissants de leur pays, empêchant ainsi les transporteurs aériens de faire appel à une palette plus étendue d’investisseurs et de marchés financiers. De ce fait, le secteur de l'aviation s’est vu imposer une structure industrielle artificielle qui n'existe dans aucune autre industrie. Aux États-Unis par exemple, les investisseurs étrangers ne peuvent pas détenir plus de 25 % des compagnies aériennes. Ces restrictions nationales en matière de propriété et de contrôle ont fait apparaître trois alliances mondiales entre compagnies aériennes (Star Alliance, SkyTeam et Oneworld), et plus spécifiquement des entreprises communes créées entre certains de leurs membres sur certaines lignes. Il s’agit là de ce qui se rapproche le plus de compagnies aériennes internationales.

5.6

Cependant, aux termes de la législation de l’UE, les transporteurs de l'UE ne sont pas soumis à des restrictions nationales de propriété et de contrôle, et peuvent être détenus par des investisseurs provenant de l'UE.

5.7

Cette tendance au regroupement en Europe est unique, puisque les fusions et acquisitions transfrontalières ne sont autorisées que dans l'UE, alors que les régimes de propriété et de contrôle restent fondamentalement figés dans l'état où ils ont été négociés en 1944 dans la Convention de Chicago. Les difficultés engendrées par les dispositions de propriété et de contrôle actuelles sont importantes et requièrent des négociations avec les pays partenaires et des structures de gouvernance très complexes. Les membres des alliances coopèrent chaque jour plus étroitement pour offrir aux clients un service homogène de réseau mondial intégré à plusieurs plateformes.

5.8

Le moment est maintenant venu de prendre les mesures supplémentaires envisagées dans l'accord UE - États-Unis sur le transport aérien pour libéraliser la propriété et le contrôle des compagnies aériennes, afin de leur permettre d'attirer des investisseurs de toute nationalité.

6.   Les principes clés régissant la future politique extérieure de l’UE dans le domaine de l'aviation

6.1

L'UE doit continuer à faire preuve d'audace pour promouvoir davantage l'ouverture et la libéralisation du secteur de l'aviation, tout en veillant à ce qu'un niveau satisfaisant de convergence réglementaire soit atteint. Dans les négociations avec les pays partenaires, une attention particulière devrait donc être portée aux normes dans le domaine du travail et de l'environnement et au respect des conventions et des accords internationaux dans ces deux domaines afin d'éviter une distorsion du marché et un nivellement par le bas. Il importe que les compagnies aériennes qui desservent l'Europe se conforment aux règles et règlements de l'OIT.

6.2

Compte tenu de la dépendance toujours accrue de l'Europe vis-à-vis du commerce extérieur et du fait que les aéroports sont essentiels pour relier notre continent au reste du monde, le CESE soutient sans réserve un programme ambitieux dans le domaine de la libéralisation de l'aviation.

6.3

Pour optimiser les bénéfices, il importe que l'UE réagisse rapidement (avant que les efforts de libéralisation entre des marchés émergents ne s'intensifient) pour profiter de l'avantage conféré à celui qui prend l’initiative. Cela permettrait à la fois de protéger et de renforcer la position du marché européen de l'aviation à l'échelle mondiale. À défaut, l'UE risquerait d'être totalement court-circuitée dans la future configuration des flux mondiaux de trafic aérien.

6.4

De plus, prendre l'initiative en matière de libéralisation de l'aviation contribuerait sensiblement à la diffusion des normes techniques européennes, ce qui pourrait susciter des retombées positives non négligeables pour l'industrie aérospatiale européenne.

6.5

Le CESE est depuis longtemps favorable à la suppression des restrictions sur la propriété et le contrôle (2), afin de permettre aux transporteurs d'accéder à une palette plus large d'investisseurs et de marchés financiers. En raison du poids des marchés européen et nord-américain, il convient de poursuivre activement cette politique en se concentrant prioritairement sur les modifications supplémentaires à apporter aux dispositions des accords UE - États-Unis. Celle-ci pourrait marquer le début d’une nouvelle ère post-convention de Chicago dans le domaine de l’aviation.

6.6

La Commission devra apporter la preuve qu’une approche coordonnée des négociations permettra d’obtenir des résultats plus rapidement qu’en concluant des accords bilatéraux, de manière à éviter tout retard indu au moment où les opportunités se présentent. Nous constatons actuellement un retard regrettable dans la signature de l’accord bilatéral avec le Brésil. Il convient également de mentionner que le renforcement de la politique extérieure de l’Europe dans le domaine de l’aviation relève de la responsabilité commune des États membres et que la Commission doit disposer de mandats de négociation solides, notamment lorsqu’elle défend les règles de marché de l'UE vis-à-vis d’États et de régions appliquant des normes très différentes dans le secteur de l'aviation.

6.7

L'industrie européenne verrait sa position s'affaiblir davantage si l'un des transporteurs aériens du Moyen-Orient reprenait l'une des compagnies aériennes indiennes confrontées à des difficultés financières.

7.   Améliorer les relations avec les principaux partenaires

7.1

Compte tenu de ses caractéristiques intrinsèques, l’industrie européenne du transport de marchandises et du transport rapide subit les conséquences, dans le monde entier, d’accords bilatéraux restrictifs en matière de services aériens, et devrait devenir une priorité lorsque les entraves à l'accès au marché seront levées.

7.2

En particulier, le Comité souhaite que des avancées rapides soient réalisées sur la voie d'un espace aérien unique élargi, qui s'étendrait à nos voisins du Proche-Orient, d'Europe orientale, de Russie, de Turquie et, au-delà de la Méditerranée, d'Afrique du Nord. Cet élargissement offrirait des possibilités de développement aux aéroports secondaires et régionaux, en raison de la proximité géographique de ces marchés et du fait que bon nombre d'entre eux connaissent une croissance économique soutenue. Un programme positif et pragmatique de coopération avec la Turquie permettrait de réaliser des avancées mutuellement bénéfiques dans la résolution de problèmes concrets dans la région. Il convient notamment de progresser sur la question d’un accord bilatéral sur la sécurité.

7.3

Le CESE soutient également sans réserve un programme de libéralisation ambitieux mené avec les pays BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) et ceux de l'ANASE. Ces nations évoluent rapidement pour devenir les principaux fournisseurs mondiaux de matières premières ainsi que de produits manufacturés et de services, et leur population a tendance à voyager de plus en plus. Il a été démontré que d'importants avantages économiques potentiels pouvaient être retirés d’accords globaux de transport aérien entre l'UE et la Chine, l'Inde, le Japon et l'Amérique latine, qu'il convient de faire progresser. La libéralisation du trafic aérien permettrait aux transporteurs européens de renforcer leur coopération avec d'autres compagnies aériennes dans ces régions et entraînerait une hausse du trafic sur les aéroports européens.

7.4

Il importe aussi que tout accord conclu fournisse des avantages réciproques à l'UE et aux pays tiers. Dans ce cadre, il est urgent que la Russie honore ses engagements vis-à-vis de l'accord de 2011 relatif à la mise en œuvre des principes de modernisation du système de survol des routes transsibériennes ("Agreed Principles on the modernisation of the Siberian overflight system"). La Commission, soutenue par les États membres, devrait prendre les mesures nécessaires si ces engagements ne sont pas respectés.

7.5

Ces dernières années, les relations avec les États du Golfe se sont en grande partie développées suite au lancement d'un processus à sens unique, à savoir l'ouverture des marchés de l'UE pour les transporteurs du Golfe, qui a créé des déséquilibres importants en termes d'opportunités. Pour éviter de perdre davantage de trafic, il est recommandé, dans l'immédiat, de ne pas axer la poursuite des négociations sur les États du Golfe.

8.   Investir dans les aéroports

8.1

Le CESE partage les préoccupations de la Commission concernant la nécessité d'investir pour accroître les capacités des aéroports. Il conviendrait d'indiquer plus clairement, dans la partie de la proposition consacrée à cet aspect, quelles sont les actions proposées pour atteindre les objectifs recherchés, et de mieux expliquer la relation avec la précédente proposition relative au paquet "aéroport" (3) de la Commission.

8.2

Il est urgent de garantir des capacités aéroportuaires dans l'Union européenne afin de ne pas subir de pertes de compétitivité par rapport à d'autres régions qui connaissent la croissance, et empêcher ainsi que le trafic ne se détourne vers les régions voisines.

8.3

L'économie européenne en subira les conséquences bien avant que la demande n'excède l'offre. Selon Eurocontrol, une fois que les plateformes aéroportuaires commencent à employer plus de 75 % de leurs capacités théoriques maximales, l'on observe une diminution rapide de leur capacité à faire face efficacement aux situations d'intempéries et aux retards d'exploitation, ainsi qu'à assurer des correspondances de vols fiables.

8.4

En outre, aux heures de pointe, les passagers doivent actuellement payer davantage que s'il existait des capacités supplémentaires. Par exemple, la commission des transports de la Chambre des communes britannique a été récemment informée que les voyageurs pourraient devoir s'acquitter d'un montant de 1,2 milliards de livres sterling en tarifs aériens d'ici 2030 si les infrastructures aéroportuaires n'étaient pas étendues dans le sud-est de l'Angleterre.

8.5

Il convient de contrôler les capacités des aéroports au niveau de l'UE et d'élaborer des lignes directrices de l'UE afin de fournir aux autorités locales un cadre global commun lorsque des projets d'expansion d'aéroports sont envisagés.

8.6

S'il est absolument indispensable de renforcer les capacités des grands aéroports à long terme, il demeure toutefois nécessaire de tirer le meilleur parti des capacités existantes, en ce qui concerne en particulier les créneaux horaires des aéroports. Ceux-ci devraient être habilités à répondre aux modifications de l'offre et de la demande, et être capables d'orienter l'utilisation de leurs créneaux pour un résultat économique optimal. Dans ce contexte, il importe que le volet "créneaux" de l'actuel paquet "aéroports" (4) continue à favoriser l'amélioration des performances dans l'utilisation des capacités aéroportuaires par la prise en compte des circonstances locales dans l'allocation des créneaux; ce serait en effet le seul moyen, pour certains aéroports, de se développer à l'avenir. Dans les grands aéroports, les pistes sont souvent utilisées à leur capacité maximale, alors que les aéroports régionaux situés à proximité disposent de nombreuses capacités.

8.7

Les aéroports sans plateforme de correspondance peuvent aussi largement contribuer à réduire la saturation des principales plateformes aéroportuaires d'Europe et permettre ainsi au secteur aéroportuaire européen de se maintenir au premier rang. Compte tenu des délais importants requis pour toute extension de piste ou de terminal dans les grands aéroports, il est possible d'atténuer plus rapidement les problèmes de capacités en exploitant davantage les aéroports sans plateforme de correspondance et en leur consacrant les investissements appropriés. Un réseau bien développé d’aéroports régionaux et d’aéroports sans plateforme de correspondance permettra également d’accroître la sécurité des passagers en garantissant, entre autres, la disponibilité d’aéroports d’urgence ou de remplacement en cas de perturbation météorologique ou dans d'autres circonstances.

8.8

Le CESE appelle à nouveau à l’introduction sans délai d’un contrôle unique de sécurité, qui permettrait de réduire considérablement les coûts encourus par les compagnies aériennes et de faire gagner du temps aux passagers. Ce sujet doit dès lors être considéré comme une priorité à aborder avec les principaux partenaires.

9.   Ciel UNIQUE/SESAR

9.1

Les blocs d'espace aérien fonctionnels (BEAF) doivent être mis en place si l'on veut faire avancer le Ciel unique européen. Tous les BEAF devaient être opérationnels le 4 décembre 2012. Compte tenu du caractère crucial de cette question en termes d’optimisation de la fourniture des services de navigation aérienne et de gestion efficace du volume de trafic aérien, la Commission doit impérativement engager des procédures auprès de la Cour de justice de l'UE à l’encontre des États membres qui n'ont pas encore pris de mesures.

9.2

Une mise en œuvre rapide et cohérente des propositions de la Commission peut aider l’industrie à se développer de manière durable et, dès lors, à contribuer pleinement à la reprise de l’économie européenne.

10.   Les outils à disposition

10.1

Des accords globaux de services aériens avec les pays voisins et les principaux partenaires partageant la vision de l'UE devraient examiner et synchroniser les conditions réglementaires permettant une concurrence loyale et une industrie aéronautique durable, y compris des questions essentielles comme la sécurité, la sûreté, l'environnement et la réglementation économique.

10.2

La forme exacte que doit revêtir le nouvel instrument proposé pour protéger les intérêts européens contre les pratiques déloyales n'est pas encore clairement établie, mais il devrait se rapprocher d’une procédure de réclamation de vaste portée contre les "subventions cachées" répercutées dans les tarifs aériens. Il est probable que les "clauses de concurrence équitable" que la Commission cherche à signer avec les pays tiers lui conféreraient un poids juridique plus important.

10.3

La Commission souligne à juste titre la nécessité de chercher à instaurer des conditions de concurrence équitables sur le plan international, ce qui doit s’accompagner d’efforts similaires au sein de l’Europe. Le secteur européen de l’aviation est soumis à une charge réglementaire croissante et souffre d’incohérences. Parmi les facteurs de distorsion auxquels il faut remédier, la communication relève très justement les impôts dans le secteur de l'aviation, les aides d'État inappropriées, la saturation des aéroports et de l'espace aérien, les charges liées à la protection des consommateurs et le coût des émissions de carbone.

10.4

Il convient tout particulièrement de mentionner le système d’échange de quotas d’émissions de l’UE (SCEQE). Dans le cadre des discussions sur la politique extérieure dans le domaine de l'aviation, la question du SCEQE est très controversée. La Chine et l’Inde ont refusé de s’y conformer, tandis que le Congrès américain a adopté une législation qui interdit aux compagnies aériennes américaines de respecter les règles de l’UE. S’il convient de garantir que la viabilité environnementale reste une question centrale, l’UE doit laisser à l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) une chance de formuler une proposition de solution globale, susceptible d’être acceptée par l'ensemble des pays partenaires lors de l'assemblée de l'OACI qui se déroulera à l'automne 2013, plutôt que de placer le secteur de l’aviation de l'UE dans une situation de concurrence défavorable (5).

Bruxelles, le 17 avril 2013.

Le président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  Conclusions du 3213e Conseil "transports, télécommunications et énergie" qui s'est tenu à Bruxelles le 20 décembre 2012.

(2)  Avis du CESE sur les "Relations transatlantiques dans le secteur du transport aérien", JO C 306 du 16.12.2009, pp. 1-6.

(3)  COM(2011) 823 final; JO C 277 du 13.9.2012, pp. 110-124.

(4)  COM(2011) 827 final/2 – 2011/0391 (COD)

(5)  Voir également l’avis du CESE sur le thème "Dérogation au système communautaire d'échange de quotas d'émission (SCEQE) dans le domaine de l'aviation" COM(2012) 697 final 2012/0328 (COD) Cat. B1.


10.7.2013   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 198/56


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 98/70/CE concernant la qualité de l'essence et des carburants diesel et modifiant la directive 2009/28/CE relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables»

COM(2012) 595 final — 2012/0288 (COD)

2013/C 198/09

Rapporteur: M. Lutz RIBBE

Le 19 novembre 2013, le Parlement européen et le Conseil ont décidé, conformément à l'article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

"Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 98/70/CE concernant la qualité de l'essence et des carburants diesel et modifiant la directive 2009/28/CE relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables"

COM(2012) 595 final – 2012/0288 (COD).

La section spécialisée "Transports, énergie, infrastructures, société de l'information", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 3 avril 2013.

Lors de sa 489e session plénière des 17 et 18 avril 2013 (séance du 17 avril 2013), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 147 voix pour, 26 voix contre et 23 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE a toujours plaidé pour un recours accru aux énergies renouvelables, notamment sous la forme de bioénergies. Il avait toutefois critiqué, dans son avis sur la proposition de directive relative aux énergies renouvelables, l'utilisation d'agrocarburants dans le domaine de la mobilité, et se félicite dès lors que la Commission entende désormais limiter la contribution des "biocarburants conventionnels" à 5 %.

1.2

La Commission entend à présent promouvoir davantage l'exploitation énergétique des résidus, des sous-produits et des déchets pour la production de carburant. Sur le principe, le CESE est favorable à cette démarche. Il convient néanmoins de veiller scrupuleusement à poursuivre une politique cohérente et à éviter de causer de nouveaux problèmes. Or le Comité estime que c'est bien là que le bât risque de blesser dans la proposition de la Commission.

1.3

Si la biomasse est renouvelable, les surfaces exploitées pour la produire sont, elles, limitées. C'est pourquoi il est judicieux de tenir compte des "changements indirects dans l'affectation des sols" – dans la mesure où ils impliquent une concurrence en matière d'occupation des sols – dans le cadre des réflexions politiques et stratégiques. De tels changements ou rivalités ne se produisent toutefois que lorsqu'une production jusqu'alors destinée à l'alimentation humaine ou animale est remplacée par exemple par une production de bioénergie, mais pas dans le cas d'un simple déplacement de cultures au plan régional.

1.4

L'approche retenue par la Commission, fondée sur les changements indirects dans l'affectation des sols, s'inscrit dans une évaluation comparative des sources d'énergie fossiles et biogènes, orientée de manière unilatérale vers les performances en matière d'émissions de gaz à effet de serre. D'autres questions telles que celles de la sécurité de l'approvisionnement et celle du caractère fini des matières premières fossiles, n'entrent pas dans le cadre de ces calculs et sont passées sous silence. L'approche fondée sur les changements indirects dans l'affectation des sols ne peut dès lors prétendre répondre à une politique de durabilité.

1.5

L'on peut également s'interroger sur la pertinence de ladite approche, dans la mesure où celle-ci vaut certes pour les sources d'énergie à l'état liquide, mais pas pour celles à l'état gazeux ou solide. Le CESE n'est pas d'accord.

1.6

La proposition à l'examen remet en question la production européenne de protéines et partant, l'exploitation directe, et parfaitement justifiée dans certains domaines, d'huiles végétales à des fins énergétiques, car la Commission prévoit d'appliquer à ces huiles un facteur lié aux changements indirects dans l'affectation des sols, leur infligeant ainsi des restrictions. Cette approche n'est pas justifiée. Les huiles végétales ne constituent pas un "produit principal", mais ne sont que le sous-produit de la culture, par ailleurs souhaitable, de plantes protéagineuses en Europe. Il conviendrait, non pas de restreindre, mais bien de promouvoir la culture des oléagineux en Europe dans le cadre de pratiques agricoles durables, dans la mesure où ils fournissent à la fois des aliments protéiques et des huiles végétales (et remplacent par conséquent les importations de soja).

1.7

En ce qui concerne les biocarburants dont la Commission européenne vante le caractère "avancé" et entend dorénavant faire la promotion, le CESE estime qu'il y a un danger à se servir de précieux puits de carbone potentiels (tels que le bois, la paille, les feuilles) comme base pour des carburants, ce qui entraînerait une augmentation de la concentration de CO2 dans l'atmosphère (voir à cet égard la partie 4).

1.8

Le CESE considère que l'actuelle proposition de modification de la directive sur les énergies renouvelables ne constitue pas une base prometteuse pour une stratégie qui permette de réduire réellement l'utilisation de carburants fossiles au minimum, d'améliorer la sécurité de l'approvisionnement de l'Europe et de contribuer à la protection du climat.

1.9

Les biocarburants, quel qu'en soit le type, ne constituent pas un remède pérenne à la surconsommation généralisée d'énergie. Ne fût-ce que du point de vue de la disponibilité, ils ne pourront pas remplacer les carburants fossiles. Il s'agit donc tout au plus – en particulier dans le cas de la circulation automobile, où des alternatives aux carburants liquides se profilent – d'une solution transitoire, susceptible au demeurant de s'accompagner d'effets indésirables importants, qui ne saurait détourner l'attention de l'impérieuse nécessité de réduire notre consommation énergétique en tant que telle, indépendamment des sources d'énergie considérées.

1.10

Le CESE est bien conscient que dans certains domaines liés à la mobilité comme dans l'agriculture et la sylviculture, il n'existe pour l'heure aucune solution de remplacement des carburants liquides qui soit praticable. Si les huiles végétales pures peuvent être en l'occurrence un substitut pratique, leur volume de production a lui aussi ses limites. Leur domaine d'utilisation doit donc faire l'objet d'une planification stratégique.

1.11

La communication de la Commission sur le thème "Énergie propre et transports: la stratégie européenne en matière de carburants de substitution" (1), qui, d'un point de vue stratégique, est étroitement liée à la politique en matière de biocarburants, ne propose pas non plus d'approche satisfaisante (2).

1.12

De manière générale, le CESE relève de fortes incohérences entre différentes approches politiques de la Commission, qu'il convient de corriger sans délai. Le Comité appelle par conséquent la Commission à repenser de fond en comble sa politique en matière de bioénergies, en particulier dans le secteur des transports, en tenant compte du caractère fini de la ressource "sol" (et donc de la biomasse), du bilan et de l'efficacité énergétiques des différentes bioénergies (et partant, du potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre dont elles sont respectivement porteuses) et de la rentabilité. Il conviendrait d'accorder bien davantage d'attention aux pertes d'énergie qui se produisent lors des processus de conversion, de développer et de promouvoir des solutions visant à remplacer le moteur à combustion dans le secteur des transports (p.ex. la mobilité électrique, les technologies de l'hydrogène) et d'élaborer une stratégie européenne autonome en faveur d'une production européenne durable de protéines et d'huiles végétales et de leur utilisation.

2.   Introduction: contexte politique et présentation des propositions de la Commission

2.1

Par la voie de la directive 2009/28/CE ("directive sur les énergies renouvelables"), des objectifs contraignants ont été fixés en matière de développement des énergies renouvelables, dont la part dans la consommation totale d'énergie de l'UE doit représenter 20 % d'ici 2020. Cette directive accorde aux États membres une marge de manœuvre importante lors de l'application, car ceux-ci peuvent décider eux-mêmes du secteur (production d'électricité, de chaleur ou de froid, ou encore transports) sur lequel ils souhaitent faire porter leur effort principal.

2.2

Cette flexibilité connaît toutefois une exception dans le secteur des transports, pour lequel est prescrite une part minimale contraignante de 10 % de la consommation d'énergie. Dans un premier temps, il était prévu de prescrire cette part sous forme de biocarburants (3); toutefois, à la suite des critiques du CESE et du Parlement européen, un accord est intervenu pour comptabiliser d'autres formes d'énergies renouvelables, telles par exemple que l'électricité provenant de sources renouvelables destinée à mouvoir les véhicules automobiles et ferroviaires, le biogaz, etc.

2.3

Les propositions de modification que présente maintenant la Commission découlent du rapport que cette dernière a publié en 2010 "sur les changements indirects d’affectation des sols liés aux biocarburants et aux bioliquides" (4), où elle constatait qu'il importe "d'aborder la question des changements indirects d'affectation des sols au profit des biocarburants".

2.4

De manière générale, la Commission s'entête à préconiser l'utilisation, blâmée par le CESE, de carburants obtenus à partir de matières végétales dans le secteur des transports, mais prévoit toutefois désormais de procéder à une limitation des "agrocarburants conventionnels" et d'effectuer une transition vers les biocarburants dits "avancés", qui ne devraient pas présenter de risques de changements indirects dans l'affectation des sols. La Commission entend par biocarburants "avancés" des carburants liquides tels que ceux obtenus à partir de déchets et de matières résiduelles biogènes ou d'algues. De l'avis de la Commission, il conviendrait d'encourager leur production, étant donné qu'actuellement, ils ne sont pas disponibles en grandes quantités dans le commerce. Il y aurait lieu d'instaurer des incitations par l’augmentation de la pondération des "biocarburants avancés" par rapport aux biocarburants conventionnels en vue de la réalisation de l’objectif de 10 % dans les transports fixé par la directive 2009/28/CE.

2.5

Par ses propositions, la Commission poursuit en somme les objectifs suivants:

limiter la contribution des biocarburants conventionnels à la réalisation des objectifs de la directive sur les énergies renouvelables, à un maximum de 5 % de la consommation d'énergie dans le secteur des transports et donc à la moitié au plus de l'objectif global de 10 %;

promouvoir les "biocarburants avancés" (qui induisent des changements indirects minimes ou nuls dans l’affectation des sols), en permettant notamment à ces carburants de contribuer plus que les agrocarburants conventionnels, sur un plan purement comptable, à la réalisation des objectifs de la directive sur les énergies renouvelables;

améliorer la performance des processus de production des biocarburants en termes de gaz à effet de serre (réduction des émissions associées) en relevant les niveaux minimaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour les nouvelles installations;

améliorer la notification des émissions de gaz à effet de serre en obligeant les États membres et les fournisseurs de carburants à notifier les émissions liées aux changements indirects dans l’affectation des sols dus aux biocarburants.

3.   Observations générales

3.1

Dans son avis (5) sur la précédente proposition de directive relative aux énergies renouvelables, le CESE avait approuvé et soutenu l'orientation générale de la directive. Il avait en revanche critiqué le recours aux bioénergies dans le secteur des transports.

3.2

Un développement cohérent des énergies renouvelables est nécessaire à l'Europe, mais celui-ci doit s'accompagner d'une approche cohérente en matière d'économies d'énergie, d'améliorations efficaces et globales de l'efficacité énergétique ainsi que de changements structurels dans différents domaines (notamment dans la politique des transports, par exemple).

3.3

Le CESE avait toutefois rejeté le traitement spécifique réservé au secteur des transports, ainsi que l'accent mis sur les agrocarburants, notamment parce que "l'exigence stratégique consistant à remplacer partiellement le diesel ou l'essence par des agrocarburants est l'une des mesures les moins efficaces et les plus chères pour lutter contre le changement climatique, et correspond donc à l'heure actuelle à une très mauvaise allocation des ressources financières. Le CESE ne voit pas pourquoi les mesures les plus coûteuses devraient précisément être celles qui bénéficient du plus fort appui politique, et ce d'autant qu'outre les aspects économiques, une kyrielle de questions environnementales et sociales restent totalement sans réponse. Aussi le CESE rejette-t-il l'objectif spécifique de 10 % d'agrocarburants" (6). Sur ce point, la position du Comité demeure inchangée.

3.4

La Commission ne devrait toutefois pas s'en tenir à l'objectif de 10 % fixé au niveau politique, mais bien se donner pour but de mettre au point une politique cohérente visant, dans la mesure du possible, à remplacer sur le long terme 100 % des carburants fossiles utilisés aujourd'hui.

3.5

Étant donné le trafic actuel, les agrocarburants ne contribueront que dans une proportion très marginale à la réalisation de cet objectif. La FAO a calculé que l'on devrait utiliser deux tiers des surfaces agricoles aujourd'hui disponibles dans le monde entier pour produire des agrocarburants si l'on souhaitait que ces derniers couvrent les besoins énergétiques mondiaux actuels du secteur des transports.

3.6

Les effets qui découleraient d'une telle politique en matière de changements indirects de l'affectation des sols sont évidents.

3.7

Les biocarburants, quel qu'en soit le type, ne constituent donc pas un remède pérenne à la surconsommation généralisée d'énergie. Ne fût-ce que du point de vue de la disponibilité, ils ne pourront remplacer les carburants fossiles que de manière très limitée. Il s'agit donc tout au plus – n particulier dans le cas de la circulation automobile, où des alternatives aux carburants liquides se profilent d'une solution transitoire, susceptible au demeurant de s'accompagner d'effets indésirables importants, qui ne saurait détourner l'attention de l'impérieuse nécessité de réduire notre consommation énergétique en tant que telle, indépendamment des sources d'énergie considérées.

3.8

L'un des motifs de la position à la fois critique et distante adoptée par le CESE à l'égard de la proposition de la Commission de 2008 résidait en la question des changements indirects dans l'affectation des sols. Aussi le Comité se félicite-t-il de l'approche actuelle qui vise à limiter l'utilisation des agrocarburants conventionnels.

L'approche fondée sur les changements indirects dans l'affectation des sols est compréhensible, mais présente de graves déficiences

3.9

L'idée qui sous-tend l'approche de la Commission en matière de changements indirects dans l'affectation des sols est compréhensible: chaque fois qu'une surface agricole sur laquelle l'on cultivait jusqu'alors des produits destinés à l'alimentation humaine ou animale trouve de nouveaux champs d'application (tels que, par exemple, les agrocarburants, mais aussi la valorisation de la matière végétale, etc.), cette production destinée à l'alimentation humaine ou animale doit être déplacée sur d'autres surfaces, ce qui peut avoir des conséquences écologiques et sociales négatives.

3.10

C'est pourquoi il est judicieux de tenir compte de ces "changements indirects dans l'affectation des sols" dans le cadre des réflexions stratégiques et politiques.

3.11

Selon une étude commandée par la Commission, il suffirait que l'utilisation d'agrocarburants dans l'ensemble de l'UE passe de moins de 5 % aujourd'hui à 10 % pour induire des changements indirects dans l'affectation des sols de 1,4 millions d'hectares.

3.12

Le Comité attire l'attention de la Commission, du Parlement européen et du Conseil sur le fait que les changements indirects dans l'affectation des sols ne se produisent pas seulement lors de l'utilisation de carburants liquides, mais sont plutôt inhérents à l'utilisation de la biomasse, dès lors qu'il ne s'agit pas de matières résiduelles.

3.13

Cela signifie qu'il conviendrait logiquement d'adopter pour les sources d'énergie gazeuses et solides la même approche que celle appliquée maintenant aux carburants liquides. En Allemagne, par exemple, l'on a utilisé en 2011, en sus des 1,2 million d'hectares de terres arables affectées aux cultures végétales destinées à la production d'agrocarburants conventionnels, autour d'un million d'hectares de cultures végétales (en premier lieu du maïs) afin de produire du biogaz. L'on est censé prendre en compte le facteur des changements indirects dans l'affectation des sols lorsque ces végétaux sont transformés en carburant, mais pas lorsqu'ils servent à produire de l'électricité. Cette approche n'est ni logique, ni cohérente.

3.14

Le Comité estime qu'il est très utile de ne recourir à des sources d'énergie telles que la biomasse, qui requièrent que des terres leur soient allouées en propre, dans le secteur des transports que lorsqu'aucune autre possibilité pratique ne se présente. S'il est vrai que la biomasse se régénère, elle n'est pas toutefois disponible sans limite, du fait des terres qu'elle nécessite.

3.15

Souvent, il existe ou il est possible de mettre au point des solutions de rechange, notamment dans le cadre de la mobilité électrique, où l'on peut produire de l'électricité à partir de l'énergie éolienne et solaire, avec une plus grande économie de surface. En vue de produire 10 GWh d'électricité par an, il est par exemple nécessaire de disposer d'une surface cultivée de maïs de 400 hectares, alors qu'il suffit d'une surface de 8 hectares de toitures équipées d'installations photovoltaïques ou d'une surface de 0,3 hectare pour des installations éoliennes pour parvenir au même résultat. En d'autres termes, lorsqu'il est possible d'envisager par exemple une mobilité électrique, c'est-à-dire lorsqu'elle est économiquement justifiée ou peut être mise en œuvre dans la pratique, il conviendrait de continuer à la développer et d'y recourir, afin d'éviter ou de limiter autant que possible toute concurrence en matière d'occupation des sols.

3.16

Le CESE ne parvient pas à distinguer dans la proposition de la Commission une conception d'ensemble logique, qu'il s'agisse de bioénergies ou de résoudre les problèmes que la Commission ne cesse d'évoquer en matière de transports, à savoir:

a)

la très forte dépendance par rapport aux importations d'énergies

b)

et la perte presque totale de contrôle sur les émissions de gaz à effet de serre.

La nouvelle approche ne contribue guère à améliorer la protection du climat et la sécurité de l'approvisionnement

3.17

La Commission est consciente que les biocarburants dits "avancés", obtenus à partir de matières résiduelles ou d'algues, seront sensiblement plus chers que les "agrocarburants conventionnels" produits à partir de cultures alimentaires. Comme la Commission part de l'hypothèse que ces carburants "avancés" sont indispensables pour réaliser l'objectif de 10 %, l'on recourt à une astuce comptable pour y parvenir. Chaque litre de carburant "avancé" produit à partir des matières premières spécifiées dans la partie A de l'annexe IX de la proposition de directive (à savoir par exemple algues, paille, fumier ou boues d'épuration, coques ou écorces, sciure de bois et éclats de coupe ou feuilles), se voit appliquer un coefficient 4, c'est-à-dire qu'il compte comme 4 litres d'"agrocarburant conventionnel". Pour les carburants produits à partir des matières premières énumérées à la partie B de l’annexe IX, à savoir par exemple à partir d'huiles de cuisson usagées, de graisses animales, de matériaux cellulosiques d'origine non alimentaire, l'on appliquera un coefficient 2.

3.18

En d'autres termes, l'on peut considérer avoir atteint "l'objectif de 10 %" rien qu'avec une part de 2,5 % de "carburants avancés", valorisée par un coefficient 4. Si l'on part de l'hypothèse que ces "carburants avancés" entraînent une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 60 % par rapport aux carburants fossiles, ces émissions seraient donc réduites d'environ 1,5 % dans le secteur des transports. Comme les émissions liées aux transports représentent en gros 25 % des émissions totales de l'UE, l'on obtiendrait ainsi une réduction totale théorique des émissions de gaz à effet de serre de l'UE de moins d'un demi pour cent.

3.19

Que l'on atteigne l'objectif de 10 % grâce à 2,5 % de biocarburants "modernes" ou grâce à une combinaison d'une part maximale de 5 % de carburants conventionnels et par exemple de 1,25 % de biocarburants "avancés", l'on ne peut de toute manière considérer qu'il s'agisse là d'une contribution essentielle ni à l'augmentation de la sécurité de l'approvisionnement dans l'UE ni à la protection du climat.

3.20

Il sera nécessaire de parvenir sur le long terme à une part d'énergies renouvelables dans le secteur des transports qui dépasse largement l'objectif actuel de 10 %. La Commission elle-même prévoit une réduction des émissions de gaz à effet de serre dans ce secteur jusqu'à 67 % d'ici à 2050. La proposition à l'examen ne porte pas le ferment d'une stratégie prometteuse pour atteindre cet objectif.

L'approche de la Commission va à l'encontre d'une stratégie européenne en matière de protéines

3.21

Le CESE souligne que l'on ne saurait envisager une approche fondée sur les changements indirects dans l'affectation des sols que si l'on se trouve en présence de nouvelles formes d'utilisation, mais pas dans le cas d'un déplacement à l'échelle régionale des cultures pratiquées jusqu'alors. C'est précisément sur cette question que le projet de la Commission contient une erreur conceptuelle décisive.

3.22

Dans le cadre de ses calculs relatifs aux changements indirects dans l'affectation des sols, la Commission constate que la production d'huiles végétales donne lieu à un sous-produit, le tourteau oléagineux, riche en protéines, dont la "valeur" n'est toutefois estimée que sous l'angle de la politique climatique, car l'on ne prend en compte que sa valeur énergétique dans le calcul comparatif des émissions de gaz à effet de serre.

3.23

Or il ne viendrait à l'idée de personne en Europe de brûler des tourteaux. Au contraire, la culture de plantes oléagineuses en Europe fait parfaitement sens. Le colza, par exemple, a été sélectionné au cours des dernières décennies en vue de favoriser sa culture à des fins d'alimentation animale pour remédier aux très grandes difficultés de l'Europe en matière d'approvisionnement en protéines. À de nombreuses reprises, le CESE a fait valoir qu'il s'agit là d'une obligation absolue, sachant qu'à l'heure actuelle, près de 75 % des aliments protéiques donnés aux animaux doivent être importés. Cultiver des plantes protéagineuses en Europe peut permettre d'en réduire l'importation, comme celle de soja, et partant, de réduire les incidences écologiques et sociales négatives qu'entraîne parfois la culture industrielle du soja dans d'autres régions du monde.

3.24

La production d'huile végétale n'est donc pas l'objectif primordial de la culture de plantes oléagineuses. En volume, deux tiers de la récolte sont constitués par le tourteau protéique, et seulement un tiers par l'huile pressée. Cette dernière, au même titre que la paille qui résulte de cette production (7), n'en est qu'un sous-produit, voire un déchet.

3.25

La Commission prétend vouloir favoriser les sous-produits et les déchets, mais la proposition à l'examen semble remettre en question la production européenne de protéines et partant, l'exploitation directe, et parfaitement justifiée, des huiles végétales. Cette politique est tout sauf cohérente.

Les changements indirects dans l'affectation des sols ne sont qu'un critère; les bioénergies ne se limitent pas à une simple question de surfaces et d'émissions de gaz à effet de serre

3.26

Dans ses propositions, la Commission réduit le débat sur les bioénergies à une comptabilité comparative des émissions de gaz à effet de serre générées par les sources d'énergie fossiles et renouvelables. Son approche consiste à ne faire entrer dans le cadre de sa directive sur les énergies renouvelables que les carburants biogènes qui offrent un certain degré de réduction des émissions de gaz à effet de serre par rapport aux carburants fossiles.

3.27

Le CESE souligne combien une telle politique manque d'ambition, car elle ignore d'autres questions d'importance, telles que celle de la sécurité de l'approvisionnement (y compris celle du développement de structures régionales d'approvisionnement). Elle ne prend pas davantage en compte la question du caractère fini des énergies et des matières premières fossiles, ni des aspects sociaux tels que l'éviction de petits exploitants ou de groupes indigènes dans les régions agricoles d'outre-mer, non plus que l'évolution des prix sur les marchés des denrées alimentaires. En effet, à la différence des changements indirects dans l'affectation des sols, il n'est pas possible de réduire ces aspects à une grille mathématique fondée sur des équivalences en termes d'émissions de gaz à effet de serre.

3.28

De surcroît, il n'est pas établi une distinction suffisamment stricte, s'agissant des valeurs comparatives relatives aux réductions des émissions de gaz à effet de serre, entre la ressource fossile et finie qu'est le pétrole (produit de base de l'essence, du gazole et du kérosène) et les huiles végétales par exemple, qui sont renouvelables et que l'on peut produire indéfiniment (en tant que sous-produit d'une stratégie européenne en matière de protéines). Si l'on souhaite utiliser à bon escient l'indicateur comparatif des émissions de gaz à effet de serre, l'on doit absolument tenir compte de cette distinction entre matières fossiles et renouvelables. En d'autres termes, les produits dérivés du pétrole devraient être fortement pénalisés a priori, en fonction de leurs incidences concrètes. Dans le bilan climatique des ressources fossiles, il convient en outre de prendre en considération les nouvelles méthodes d'exploitation qui s'avèrent plus préjudiciables encore (au climat) (sable et schiste bitumeux, par exemple). La Commission doit revoir ses propositions à cet égard.

3.29

De surcroît, il convient de relever qu'il existe des différences considérables entre les différents carburants biogènes. Les émissions de gaz à effet de serre liées aux biocarburants résultent a) du mode de culture des plantes et b) de l'effort requis par la production technique du biocarburant, y compris le transport des matières premières et des produits finaux.

3.30

Il convient dès lors de distinguer les biocarburants dont la production repose sur des pratiques culturales respectueuses de l'environnement naturel et des ressources, comme celles de l'agriculture biologique, par exemple, de ceux produits à grand renfort de produits agrochimiques (technique qui alourdit le bilan des émissions de gaz à effet de serre), ceux issus de la production locale de ceux provenant d'exploitations centralisées à grande échelle… Or la Commission n'opère pas de telles distinctions.

3.31

Bien au contraire, les méthodes de calcul que propose la Commission placent à un bien meilleur rang, curieusement, certains carburants "avancés", produits avec une grande dépense d'énergie et de transports, que par exemple les produits de base disponibles dans la nature pour ainsi dire "gratuitement" (comme les huiles végétales pures); à cet égard, voir la partie 4 ci-après. Le CESE estime que c'est inacceptable.

4.   Observations particulières

4.1   La Commission indique que les carburants "avancés" ne doivent présenter aucun danger en matière de changements indirects dans l'affectation des sols. Le CESE tient à signaler que cela ne signifie nullement que ces carburants soient sans danger du point de vue de la politique climatique. À l'aide de quatre exemples concrets tirés de la liste des matières résiduelles proposées par la Commission, il souhaite préciser ci-après le jugement critique qu'il porte sur l'approche à présent proposée.

4.2   Le glycérol

4.2.1

En matière de "biocarburants avancés", la Commission mise maintenant notamment sur le glycérol au lieu du biodiesel "conventionnel", que l'on souhaite limiter. Or ce sont précisément les producteurs européens de biodiesel qui sont devenus ces dernières années les plus importants fournisseurs de glycérol en Europe, puisque 80 % de la production européenne de glycérol provient de celle de biodiesel (8). Le CESE se demande d'où proviendra à l'avenir "la matière première glycérol", dont il est prévu de développer l'utilisation, si l'on souhaite limiter la production de sa matière de base(le biodiesel). C'est en soi contradictoire.

4.2.2

La Commission a elle-même posé clairement qu'il serait de toute manière bien plus pertinent, en termes de politiques climatique et énergétique, d'utiliser directement les huiles végétales à l'état naturel et de ne pas les transestérifier en biodiesel (voir à cet égard la partie A de l'annexe V de la directive 2009/28/CE). Cette approche, opportune du point de vue de la politique climatique, ne produirait absolument pas de glycérol. La proposition actuelle de la Commission entraîne à n'en pas douter une "distorsion de la concurrence" notable et désastreuse dans la classification établie en fonction des émissions de gaz à effet de serre. En effet, le résidu industriel qu'est le glycérol, qui résulte d'un procédé de production à haute intensité énergétique (la transestérification d'huiles végétales en biodiesel), obtient ainsi, grâce au coefficient 4 qui lui est appliqué pour le calcul de sa valeur en tant que déchet, un résultat virtuel bien meilleur, du point de vue des émissions de gaz à effet de serre, que le produit de départ, à savoir les huiles végétales. L'on obtient ainsi un avantage théorique en termes d'économies d'émissions de gaz à effet de serre qui, dans les faits, est inexistant. (voir également à cet égard le paragraphe 4.4.3).

4.3   Le bois (conversion biomasse - liquide)

4.3.1

D'un point de vue technique, il est tout à fait possible d'emprunter la voie de la conversion biomasse-liquide, comme le propose la Commission, par exemple en utilisant du bois. Le procédé correspondant, dit "Fischer-Tropsch", est connu depuis des décennies. Il consiste à casser complètement les molécules de lignine du bois et à transformer le monoxyde de carbone restant en molécules d'hydrocarbures, le plus souvent par injection de dihydrogène.

4.3.2

Il n'est pas possible de faire fonctionner ce processus à partir de résidus de bois ou d'écorce, car il requiert un bois de la plus haute qualité (ce qui crée une concurrence avec le bois d'ameublement et de placage); en effet, les molécules étrangères qui sont présentes précisément dans les résidus de bois et dans l'écorce entravent la réaction de Fischer-Tropsch.

4.3.3

Ce processus consomme énormément d'énergie. À partir de 1 000 kilos de grumes de la plus haute qualité (avec une teneur massique en substances organiques de 60 %), il est possible de produire 135 kilos de carburant diesel. L'on perd, dans ce processus, plus de 85 % de l'énergie employée sous forme de bois et un pourcentage d'environ 15 % à peine est transformé en "biocarburant avancé". En d'autres termes, pour une forêt de 1 000 arbres, plus de 850 sont brûlés pour fournir l'énergie requise par le processus de production de carburant à partir de moins de 150 arbres. Lors de la combustion ultérieure de ce carburant dans le moteur des automobiles, tout le CO2 que les 1 000 arbres utilisés ont fixé grâce à la photosynthèse est libéré.

4.3.4

Il s'agit d'une performance d'une médiocrité intolérable, sans commune mesure avec l'efficacité énergétique que la Commission ne cesse de prôner. Les objectifs de performance énergétique exigent que l'on investisse dans des processus capables d'exercer un impact qui soit acceptable du point de vue de la consommation d'énergie.

4.3.5

Néanmoins, dans le cadre de la politique de l'UE en matière d'énergies renouvelables, l'on présente ce processus comme étant pour l'essentiel neutre du point de vue des émissions de CO2, précisément parce que l'on veut utiliser le bois pour la production de l'énergie nécessaire au processus. Or l'UE prévoit par ailleurs de créer des réservoirs de carbone. Qu'y a-t-il de plus approprié à cette fin que de transformer le CO2 en bois et de le fixer ainsi durablement, plutôt que de le libérer de nouveau par un processus de combustion destiné par exemple à la production de "biocarburants avancés"?

4.3.6

Pour le CESE, il est évident que le bois provenant de forêts gérées selon les principes de la sylviculture durable peut et doit également être utilisé à des fins énergétiques, en remplacement de combustibles fossiles tels que le pétrole ou le charbon, par exemple. Il a néanmoins déjà attiré l'attention auparavant (9) sur la nécessité de suivre les recommandations du Centre commun de recherche et de donner la priorité aux mesures les plus efficaces sur le plan de la politique climatique et les plus pertinentes sur le plan économique, en tête desquelles figure l'utilisation du bois pour la production de chaleur (dans des systèmes de chauffage collectifs, par exemple, associés dans l'idéal à des installations de cogénération), et non la conversion chimique énergivore du bois en carburant liquide destiné au secteur des transports (10).

4.4   La paille

4.4.1

Du point de vue environnemental et climatique, il est extrêmement problématique que la Commission définisse la paille comme une simple "matière résiduelle" (au sens de déchet inutilisable). Pendant des siècles, la paille a été la matière primordiale dans le circuit de l'économie rurale. Un hectare de terres cultivables saines recèle environ dix tonnes d'organismes vivants qui ont besoin de se nourrir. De plus, il faut savoir que ce sont justement ces organismes vivant dans le sol qui ont constitué l'humus au cours de nombreux siècles à partir de la paille, du feuillage ou de l'herbe fanée, etc. L'humus, c'est la qualité d'un sol, sa fertilité et un piège à CO2.

4.4.2

Le CESE se demande ce que la Commission veut vraiment maintenant: mettre en place et développer des puits de CO2, ou priver les puits potentiels d'une de leurs ressources essentielles en privilégiant l'utilisation de la paille pour la production de carburants?

4.4.3

C'est cette dernière politique que soutient l'UE en considérant la paille comme un "déchet" et en produisant à partir de celle-ci, au prix d'une forte consommation d'énergie, un carburant "avancé" qui bénéficie pour sa comptabilisation d'un coefficient multiplicateur égal à quatre au regard de l'objectif climatique visé dans le secteur des transports. Par contre, ce calcul ne prend pas en compte la contrepartie, à savoir la perte de puits de CO2.

4.4.4

Un autre aspect n'a pas été suffisamment réfléchi: lorsque la paille fait défaut dans l'écosystème des sols, la structure des sols et les micro-organismes ne sont pas les seuls à en souffrir. Il est également nécessaire de trouver des substituts aux substances nutritives qui ont été ainsi retirées, sous forme d'engrais minéraux dont la production coûte de l'argent et beaucoup d'énergie.

4.4.5

Pour les agriculteurs, il est intéressant que les conditions politiques générales fassent de la paille un bien économique pour lequel ils sont rémunérés. En revanche, lorsqu'il s'agit de créer de l'humus et de séquestrer le dioxyde de carbone dans le sol ou encore d'économiser l'énergie grâce à l'utilisation de la paille dans le cadre d'une économie en circuit fermée, cela ne leur rapporte rien. L'on crée ainsi manifestement des incitations erronées en termes d'économie de marché.

4.4.6

Le Comité renvoie à son avis du 19 septembre 2012 sur la "Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative aux règles comptables et aux plans d'action concernant les émissions et les absorptions de gaz à effet de serre résultant des activités liées à l'utilisation des terres, au changement d'affectation des terres et à la foresterie" (11). Il y est indiqué que les plans d'action prévus pour créer par exemple des puits de carbone grâce à l'agriculture devaient être impérativement couplés "à d'autres mesures politiques, qui peuvent éventuellement déjà exister, afin d'établir des conditions générales grâce auxquelles les propriétaires fonciers et les exploitants pourront appliquer des mesures efficaces ressortissant à l'UTCATF de manière économiquement rentable et sans qu'ils aient à en assumer totalement la charge". Il est tout à fait regrettable que moins de deux mois après que le Comité a formulé ce principe, la Commission propose à présent de transformer la paille en carburants "avancés" et donne ainsi une impulsion dans un sens tout à fait opposé.

4.5   Le feuillage

4.5.1

D'un point de vue écologique, il est inacceptable de qualifier de manière indifférenciée le feuillage de "déchet" ou de matière première pour la production de biocarburants "avancés". Le feuillage joue un rôle essentiel par exemple dans le cycle écologique des forêts et dans leur productivité. Avoir supprimé le feuillage de certaines forêts d'Europe au Moyen Âge par exemple a provoqué leur dégradation durable. Selon les propositions actuelles de la Commission, l'on pourrait envisager d'utiliser le feuillage de la forêt de manière privilégiée pour la production de carburant, un procédé que l'on a fini par abolir avec bien des difficultés il y a quelques décennies seulement, dans le but d'améliorer la santé des forêts. Seules des considérations d'ordre économique sont actuellement susceptibles de s'opposer à la réalisation des propositions de la Commission.

5.   Propositions du CESE

5.1

Le Comité appelle la Commission à repenser de fond en comble sa politique en matière de bioénergies, notamment en ce qui concerne les biocarburants, en tenant compte du caractère fini de la ressource "sol" (et donc de la biomasse), du bilan et de l'efficacité énergétiques des différentes bioénergies (et partant, du potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre dont elles sont respectivement porteuses) et de la rentabilité. Il lui recommande de prendre ce faisant en considération les observations importantes du Centre commun de recherche, ainsi que les thèses principales formulées dans le document exposant la position du Bureau fédéral allemand de l'environnement (12), présenté lors de la manifestation du CESE en marge des débats de la conférence de Durban sur le climat.

5.2

Il convient d'accorder bien davantage d'attention à la consommation d'énergie lors du processus de conversion, car elle est souvent sous-estimée. Dans de nombreux secteurs, comme dans celui des médicaments, les interventions dans la structure moléculaire des produits de base sont essentielles, mais cela ne vaut pas forcément dans le domaine de l'énergie. En l'occurrence, c'est l'efficacité énergétique maximale qui importe, car c'est bien de l'énergie que l'on veut obtenir. Tous les produits énergétiques soumis à une conversion chimique doivent être reconsidérés lorsqu'il existe des solutions de remplacement.

5.3

Au lieu de transformer du bois, au prix d'une grande dépense d'énergie, pour ensuite le brûler dans le moteur des voitures, il conviendrait soit de l'utiliser comme réservoir de carbone, soit de le brûler directement pour produire de la chaleur, en remplacement des combustibles fossiles.

5.4

La Commission devrait développer une stratégie qui, comme dans le cas de la stratégie européenne prévue en matière de protéines, permette de conjuguer, de manière efficace sur le plan énergétique, la nécessité de fournir de l'énergie avec des processus naturels, comme dans le secteur de l'agriculture et de la sylviculture. En d'autres termes, il conviendrait, non pas de restreindre, mais bien de promouvoir la culture des oléagineux en Europe dans le cadre de pratiques agricoles durables, dans la mesure où ils fournissent à la fois des aliments protéiques et des huiles végétales (et remplacent par conséquent les importations de soja).

5.5

Il conviendrait que la Commission réserve stratégiquement l'utilisation des biocarburants, qui offre des possibilités limitées, aux secteurs où l'on ne dispose pas encore, à la différence du secteur automobile, de solutions de remplacement vraiment prometteuses des carburants fossiles, par exemple au secteur des transports aériens et maritimes, mais également à l'agriculture et la sylviculture (c'est-à-dire hors route).

5.6

Ceci étant, elle devrait également prendre au sérieux le principe qu'elle a elle-même formulé, à savoir qu'il convient de recourir aux bioénergies là où il est possible d'obtenir les plus grands effets d'un point de vue climatique et énergétique au plus faible coût économique. C'est sans contexte le cas dans le domaine de l'utilisation thermique, mais non dans celui des combustibles liquides.

5.7

Le CESE s'est déjà exprimé à plusieurs reprises sur le thème des énergies renouvelables dans l'agriculture et a notamment attiré l'attention sur le fait que l'utilisation d'huiles végétales pures offre des alternatives intéressantes dans ce secteur. Par exemple, l'Autriche exploite les résultats d'un projet soutenu par la Commission dans le cadre du 7e programme-cadre de recherche et de développement concernant l'utilisation d'huiles végétales pures non modifiées chimiquement, qu'elle entend utiliser plus largement dans l'agriculture. L'on peut déplorer que la Commission ne formule aucune observation à ce sujet et ne prenne pas elle-même d'initiatives en ce sens.

5.8

Le CESE entend à l'avenir s'investir plus encore dans la réflexion de la société civile sur des questions comme l'occupation des sols et la concurrence en la matière, ou encore le problème croissant de l'imperméabilisation des sols.

Bruxelles, le 17 avril 2013.

Le président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  COM(2013) 17 final

(2)  Se référer à l'avis du CESE "Énergie propre pour le paquet transport "(qui n'a pas encore été adopté).

(3)  Dans la proposition de directive, le terme officiel retenu est celui de "biocarburants". Le CESE a, dans plusieurs avis, attiré l'attention sur les nombreux problèmes environnementaux provoqués par ces "biocarburants". Dans la mesure où le préfixe "bio" laisse entendre qu'il s'agit d'un produit irréprochable sur le plan écologique (cf. agriculture "bio"logique), le CESE opte dans le présent avis pour le terme d'"agrocarburant" plutôt que de "biocarburant".

(4)  COM(2010) 811 final du 22.12.2010.

(5)  JO C 77 du 31.3.2009, p. 43-48.

(6)  JO C 77 du 31.3.2009, p. 43.

(7)  Il s'agit tout de même dans le cas du colza de quelque 9 tonnes par hectare; il est étrange de constater que la valeur énergétique de cette paille n'est pas prise en compte dans le calcul des émissions de gaz à effet de serre.

(8)  Voir cet égard le rapport annuel de la société ADM pour 2009 (en allemand): http://www.oelag.de/images_beitraege/downloads/ADM%20GB%202009%20final.pdf.

(9)  JO C 77 du 31.3.2009, p.43.

(10)  Centre commun de recherche de la Commission européenne: "Biofuels in the European Context: Facts, Uncertainties and Recommendations", 2008, http://ec.europa.eu/dgs/jrc/downloads/jrc_biofuels_report.pdf (disponible en anglais uniquement).

(11)  JO C 351 du 15.11.2012, pp. 85-88.

(12)  "Globale Landflächen und Biomasse nachhaltig und ressourcenschonend nutzen" [Utiliser les surfaces agricoles mondiales et la biomasse de manière durable et respectueuse des ressources], Bureau fédéral de l'environnement, 2012; http://www.umweltbundesamt.de/uba-info-medien/4321.html


ANNEXE

à l'avis du Comité économique et social européen

Les amendements suivants, qui ont recueilli au moins un quart des suffrages exprimés, ont été rejetés au cours des débats:

Paragraphe 3.16 (amendement 8)

Modifier comme suit:

"Le CESE ne parvient pas à distinguer dans la proposition de la Commission une conception d'ensemble logique, qu'il s'agisse de bioénergies ou de résoudre les problèmes que la Commission ne cesse d'évoquer en matière de transports, à savoir:

a)

la très forte dépendance par rapport aux importations d'énergies

b)

et la perte presque totale de contrôle sur les émissions de gaz à effet de serre.

Il fait en outre observer que l'obligation, envisagée par la Commission, de notifier les gaz à effet de serre liés aux changements dans l'affectation des sols, n'est réalisable ni dans la pratique, ni d'un point de vue technique, et entraînerait également une augmentation considérable des dépenses pour l'administration et les entreprises concernées."

Exposé des motifs

Sera présenté oralement.

Résultat du vote

Voix pour:

63

Voix contre:

79

Abstentions:

34

Paragraphe 4.3.1 (amendement 11)

Modifier comme suit:

"D'un point de vue technique, il est tout à fait possible d'emprunter la voie de la conversion biomasse-liquide, comme le propose la Commission, par exemple en utilisant du bois. Le procédé correspondant, dit "Fischer-Tropsch", est connu depuis des décennies. Il consiste à casser complètement les molécules de lignine du bois et à transformer le monoxyde de carbone restant en molécules d'hydrocarbures, le plus souvent par injection de dihydrogène. Il est techniquement possible de convertir la biomasse en carburant liquide (BtL), comme le propose la Commission pour le bois, en utilisant plusieurs méthodes différentes. Le procédé Fischer-Tropsch (qui consiste à casser complètement les molécules de lignine du bois et à transformer le monoxyde de carbone restant en molécules d'hydrocarbures, le plus souvent par injection de dihydrogène), pour ne citer que lui, existe depuis des décennies. De nouvelles méthodes ont été mises au point, en plus de ce procédé."

Exposé des motifs

Bien que le procédé dit "Fischer-Tropsch" soit bien connu, il peut être trompeur de citer une unique méthode à titre d'exemple.

Résultat du vote

Voix pour

:

53

Voix contre

:

89

Abstentions

:

30

Paragraphe 4.3.2 (amendement 12)

Modifier comme suit:

"Il n'est pas possible de faire fonctionner ce processus à partir de résidus de bois ou d'écorce, car il requiert un bois de la plus haute qualité (ce qui crée une concurrence avec le bois d'ameublement et de placage); en effet, les molécules étrangères qui sont présentes précisément dans les résidus de bois et dans l'écorce entravent la réaction de Fischer-Tropsch.

Conformément au principe de performance des ressources, il est possible d'appliquer ces processus aux déchets forestiers, aux flux de sous-produits industriels et au bois provenant de coupes d'éclaircie, qui sont recueillis dans le cadre de la gestion forestière. Cela amène à une utilisation plus efficace du bois et n'a pas pour conséquence l'utilisation de grumes de haute qualité pour produire de l'énergie."

Exposé des motifs

Le texte initial n'était pas précis. Les processus permettent d'utiliser le bois de manière plus efficace.

Résultat du vote

Voix pour

:

54

Voix contre

:

96

Abstentions

:

27

Paragraphe 4.3.3 (amendement 13)

Modifier comme suit:

"Ce processus consomme énormément d'énergie. À partir de 1 000 kilos de grumes de la plus haute qualité (avec une teneur massique en substances organiques de 60 %), il est possible de produire 135 kilos de carburant diesel. L'on perd, dans ce processus, plus de 85 % de l'énergie employée sous forme de bois et un pourcentage d'environ 15 % à peine est transformé en "biocarburant avancé". En d'autres termes, pour une forêt de 1 000 arbres, plus de 850 sont brûlés pour fournir l'énergie requise par le processus de production de carburant à partir de moins de 150 arbres. Lors de la combustion ultérieure de ce carburant dans le moteur des automobiles, tout le CO2 que les 1 000 arbres utilisés ont fixé grâce à la photosynthèse est libéré. Exécuté de façon correcte, ce processus est performant au plus haut point, au plan énergétique et au plan des ressources. La meilleure qualité de grumes est encore utilisée pour la production de bois sciés et autres produits, et les sous-produits tels que l'écorce, la sciure et les déchets forestiers sont transformés pour fabriquer des carburants pour les transports, ainsi que de l'électricité et du chauffage. À partir de 1 000 kilos de bois sec, il est possible de produire 526 kilos de méthanol et 205 kilos de diesel FT. Cela signifie qu'il est possible de convertir environ 60 % du contenu énergétique du bois en méthanol ou à peu près 50 % en carburant diesel, en utilisant des technologies qui sont déjà éprouvées au niveau industriel. Des processus qui sont en cours de développement permettront d'améliorer encore la performance de 5 %. Si l'on intègre la production de carburant dans l'industrie forestière ou dans d'autres industries qui consomment de la chaleur, il sera possible d'exploiter la chaleur générée sous forme de sous-produit du processus, ce qui amènera la performance totale de l'utilisation du bois à un niveau de 70 à 80 %."

Exposé des motifs

Ce qui est dit n'est pas exact et donne une image tout à fait fausse de la production actuelle de biocarburant.

Résultat du vote

Voix pour

:

66

Voix contre

:

99

Abstentions

:

24

Paragraphe 4.3.5 (amendement 15)

Modifier comme suit:

"Néanmoins, dans le cadre de la politique de l'UE en matière d'énergies renouvelables, l'on présente ce processus comme étant pour l'essentiel neutre du point de vue des émissions de CO2, précisément parce que l'on veut utiliser le bois pour la production de l'énergie nécessaire au processus. Or l'UE prévoit par ailleurs de créer des réservoirs de carbone. Qu'y a-t-il de plus approprié à cette fin que de transformer le CO2 en bois et de le fixer ainsi durablement, plutôt que de le libérer de nouveau par un processus de combustion destiné par exemple à la production de "biocarburants avancés" ? Le bois est considéré comme une source d'énergie dont la neutralité en carbone est avérée, compte tenu du temps que représente la croissance des arbres. Il a été démontré que l'utilisation de la biomasse exerce des effets bénéfiques sur le climat en améliorant la capacité de croissance des forêts et en augmentant le piégeage du carbone, et aussi parce que cette utilisation de la biomasse se substitue aux combustibles fossiles et autres matières non renouvelables."

Exposé des motifs

La sylviculture durable et l'utilisation accrue du bois augmentent de manière avérée la capacité du bois à fixer le carbone et sont en mesure de se substituer aux matières non renouvelables. Il est fallacieux de prétendre que les forêts joueraient plus efficacement leur rôle de puits de carbone s'il était exclu de pouvoir les exploiter.

Résultat du vote

Voix pour

:

60

Voix contre

:

96

Abstentions

:

25

Paragraphe 1.5 (amendement 1)

Supprimer:

"L'on peut également s'interroger sur la pertinence de ladite approche, dans la mesure où celle-ci vaut certes pour les sources d'énergie à l'état liquide, mais pas pour celles à l'état gazeux ou solide. Le CESE n'est pas d'accord."

Exposé des motifs

L'approche fondée sur les changements indirects dans l'affectation des sols se révélant dans l'ensemble problématique, il ne faudrait pas dans le même temps réclamer son application à d'autres sources d'énergie. Des critères de durabilité spécifiques sont actuellement développés pour les sources d'énergie à l'état gazeux et solide. Avant de recommander une extension de l'application de l'approche fondée sur les changements indirects dans l'affectation des sols, il faudrait tout d'abord traiter les difficultés mentionnées dans l'avis.

Résultat du vote:

Voix pour

:

56

Voix contre

:

93

Abstentions

:

36

Paragraphe 1.7 (amendement 9)

Modifier comme suit:

"En ce qui concerne les biocarburants dont la Commission européenne vante le caractère "avancé" et entend dorénavant faire la promotion, le CESE estime qu'il y a un danger à se servir de précieux puits de carbone potentiels (tels que le bois, la paille, les feuilles) comme base pour des carburants, ce qui entraînerait une augmentation de la concentration de CO2 dans l'atmosphère (voir à cet égard la partie 4)."

Exposé des motifs

Pour produire des biocarburants avancés, il ne convient pas d'utiliser les massifs de feuillus ou de conifères d'Europe, mais seulement de petits arbres et des résidus de bois. Grâce aux techniques actuelles, les biocarburants sont plus efficaces que ne le laisse entendre le texte actuel de l'avis; voir l'amendement au paragraphe 4.3.3.

Résultat du vote

Voix pour

:

47

Voix contre

:

121

Abstentions

:

18


10.7.2013   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 198/67


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 912/2010 établissant l'Agence du GNSS européen»

COM(2013) 40 final — 2013/0022 (COD)

2013/C 198/10

Rapporteur: M. PEZZINI

Le 27 février 2013 et le 12 mars 2013 respectivement, le Conseil de l'Union européenne et le Parlement européen ont décidé, conformément à l'article 172 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

"Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 912/2010 établissant l'Agence du GNSS européen"

COM (2013) 40 final – 2013/0022 (COD).

La section spécialisée "Transports, énergie, infrastructures, société de l'information", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 3 avril 2013.

Lors de sa 489e session plénière des 17 et 18 avril 2013 (séance du 17 avril 2013), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 169 voix pour, 1 voix contre et 5 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le Comité accueille favorablement l'initiative visant à adapter les structures de l'Agence du système mondial de navigation par satellite (GNSS) de l'UE afin de garantir la pleine indépendance de ses organes et une autonomie claire des activités d'homologation et de sécurité.

1.2

Le Comité juge adéquat le nouveau cadre d'autonomie et de coopération proposé au sein de l'Agence du GNSS européen (GSA). Dans les circonstances actuelles, il soutient dès lors la proposition de modification du règlement (UE) no 912/2010 établissant l'Agence du GNSS européen et recommande d'accepter ladite proposition, dans la mesure où elle s'avérera être en mesure d'atteindre pleinement les objectifs indiqués.

1.3

En conséquence, le Comité estime que pour déterminer si la solution adoptée se révèle effectivement être la meilleure, il importe que la mise en œuvre effective des structures de fonctionnement créées fasse l'objet d'une surveillance et que la Commission présente des rapports périodiques détaillés sur ce point.

1.4

Le Comité rappelle une nouvelle fois le rôle fondamental des programmes européens de navigation par satellite EGNOS et Galileo, qui constituent un moteur de l'innovation et de la compétitivité au service des citoyens dans le cadre de la politique spatiale européenne et de la stratégie Europe 2020, tout comme les grands projets de surveillance globale de la Terre et de sécurité, qui doivent donner à l'Europe la possibilité de conserver solidement sa position prédominante et son indépendance stratégique dans le domaine spatial, qui sont importants pour son avenir.

1.5

De l'avis du Comité, l'Union doit prendre conscience que grâce à la réalisation de ses objectifs en matière d'intégration et de développement durable et pacifique de ses États membres, il doit être possible de consacrer les ressources ainsi épargnées à un déploiement accéléré de grands projets communs, tels que Galileo, le GMES ou ITER (le GMES est le "programme européen de surveillance de la Terre" et ITER, le réacteur thermonucléaire expérimental international"), qui sont compétitifs au niveau mondial.

1.6

Le CESE se dit profondément déçu par la décision du Conseil européen du 19 février 2013 de réduire l'enveloppe financière octroyée à Galileo dans le cadre financier pluriannuel 2014-2020 et demande avec insistance aux institutions européennes, en particulier le Parlement, de revoir cette décision, en renforçant par ailleurs l'effort consenti pour le GMES et ITER.

1.7

Le Comité estime indispensable de garantir la compatibilité et l'interopérabilité de Galileo avec d'autres systèmes de navigation par satellite et les normes européennes, reconnues au niveau mondial.

1.8

Le Comité réclame une vaste action de soutien et de sensibilisation aux avantages découlant des programmes GNSS, de manière à permettre à la population de mieux exploiter les nouvelles possibilités offertes par les services Galileo et EGNOS.

1.9

Selon le CESE, la mise en place des centres de surveillance de la sécurité Galileo doit également être accélérée.

1.10

Le Comité exprime de fortes réserves pour ce qui est de transférer à des agences des activités de soutien à la recherche et à l'innovation qui relevaient jusqu'à présent de la Commission et recommande que les précieuses expériences acquises jusqu'à présent soient davantage prises en compte.

1.11

Le Comité recommande d'accélérer la conclusion de la convention de délégation entre la Commission et la GSA, notamment pour promouvoir l’inclusion des technologies GNSS dans différents domaines de recherche et leur prise en compte dans les initiatives stratégiques sectorielles, sans entraîner de nouveaux retards qui s'ajouteraient à ceux déjà accumulés par le programme Galileo.

2.   Introduction

2.1

Le GNSS, système mondial de géolocalisation, de synchronisation et de navigation par satellite, constitue un élément essentiel de l'innovation technologique européenne, au service des citoyens, des entreprises, des administrations publiques et de la société, en ce qu'il permet de fournir des services de radionavigation s'accompagnant d'une création d'emplois et d'avantages économiques majeurs en matière de compétitivité.

2.2

Le CESE a déjà adopté plusieurs avis sur le programme Galileo (1). Les exigences de sécurité occupent une place essentielle dans les phases de conception, de mise en place et d’exploitation des infrastructures découlant des programmes Galileo et EGNOS.

2.3

Il importe que le système Galileo, qui a déjà subi divers retards, commence enfin à fonctionner dans les plus brefs délais – sans obstacles de procédure ni conflits d'intérêts – de manière à ce que l'Europe dispose de son propre système de navigation par satellite et ne dépende plus des services fournis par des tiers, en particulier si ceux-ci sont utilisés à des fins militaires.

2.4

Le CESE est pleinement conscient que la diffusion de la radionavigation par satellite permettra, dans de nombreux secteurs d'activité, d'accroître la sécurité et, du point de vue commercial, d'augmenter les rentrées, à condition d'en garantir la continuité de fonctionnement, sans interruption dans la fourniture des services.

2.5

La Commission a placé au centre des travaux la question de la gestion des risques, dont l’importance a été soulignée lors de la réforme de la gouvernance intervenue en 2007. Tous les risques des programmes sont centralisés dans un registre intégrant les risques liés à la chaîne de fourniture industrielle, les facteurs externes, comme l’influence des instances politiques et les exigences de sécurité, et les facteurs internes, comme l'organisation des programmes et l'autorité de supervision du GNSS, qui, depuis 2007, a repris les responsabilités de l'ancienne entreprise commune Galileo (2).

2.6

À chaque risque sont attribués une probabilité de survenance et un degré d’impact. Le registre des risques prévoit de nombreuses éventualités: risques technologiques, risques industriels liés à la réalisation de systèmes intégrés, en particulier en ce qui concerne la sécurité, risques de marché, risques de gouvernance et risques en matière de responsabilité civile pour les infrastructures fournies.

2.7

S’agissant de la sécurité, il convient de rappeler que si la Commission, aux termes du règlement, est responsable de gérer la sécurité des systèmes, sa liberté est dans ce domaine restreinte par deux facteurs importants.

2.7.1

Tout d'abord, ce sont les États membres qui définissent les exigences en matière de sécurité, étant donné que les menaces susceptibles d’affecter la sécurité d'infrastructures sensibles comme celles de la radionavigation par satellite, varient en permanence. La couverture d'une partie de ces risques relève des États membres.

2.7.2

En second lieu, le règlement GNSS (CE) no 683/2008 confie la tâche d'homologuer la sécurité des systèmes à la GSA. Séparer ainsi les fonctions de gestion et d’homologation s'inscrit dans une démarche de bonne gouvernance et constitue une pratique courante et essentielle pour ce type de projet.

2.8

Comme le CESE l'avait déjà souligné précédemment, "il est essentiel de parvenir à mettre en œuvre et à gérer avec succès les programmes GNSS européens Galileo et EGNOS, afin de concrétiser l'objectif d'une croissance intelligente, durable et inclusive décrite dans la stratégie Europe 2020", étant donné également que "les programmes GNSS proposés généreront 68,63 milliards d'euros de bénéfices nets pour l'Union pendant le cycle de vie 2014-2034 du système" (3).

2.9

Le Comité s'est en outre félicité de l'obligation faite à la Commission européenne de "gérer les fonds alloués aux programmes et superviser la mise en œuvre de l'ensemble des activités relevant de ces derniers, y compris celles qui sont déléguées tant à l'Agence du GNSS européen qu'à l'Agence spatiale européenne" et de "mettre en place un mécanisme de gestion des risques" (4).

2.10

Le CESE estime indispensable de renforcer les garanties d’indépendance dans l’exercice des activités liées à l’homologation de sécurité, afin de garantir une séparation totale entre ces activités et les autres activités de l’Agence GSA, afin d'éviter les conflits d’intérêts, en particulier avec d'autres fonctions (5), et le risque de se retrouver tout à la fois juge et partie.

2.11

Dans ce nouveau contexte, il est impératif, de l'avis du CESE, de s’assurer que le conseil d’homologation de sécurité (CHS) puisse s'acquitter de la mission qui lui est confiée, en toute indépendance vis-à-vis des autres organes et activités de la GSA, avec une séparation claire, au sein de l'agence, entre activités d'homologation et autres activités.

2.12

Par ailleurs, le Parlement européen a souligné que "la structure d'administration et de gestion à long terme du GNSS doit définir la division des tâches et des responsabilités entre la Commission, l'Agence du GNSS européen et l'Agence spatiale européenne et régler d'autres questions importantes, telles qu'un partage judicieux des coûts, le mécanisme de partage des recettes, le système de responsabilité, la politique de tarification ainsi que la participation et la contribution éventuelles du secteur privé aux programmes GNSS" (résolution du PE du 8 juin 2011 - P7_TA(2011)0265);

2.13

Le Conseil, pour sa part, a déclaré que les activités liées à l'homologation de sécurité des systèmes GNSS européens, actuellement régies par le chapitre II du règlement (UE) no 912/2010, devront être menées de manière strictement indépendante des autres tâches de l'agence du GNSS européen (Conseil de l'UE, document no 11279/12, ADD 1 du 7.6.2012).

2.14

La Commission propose par conséquent de "modifier le règlement (UE) no 912/2010 afin principalement d’accroître l’autonomie et les pouvoirs du conseil d’homologation de sécurité et de son président et d’aligner en grande partie ces derniers sur ceux respectivement du conseil d’administration et du directeur exécutif de l’Agence, tout en prévoyant une obligation de coopération entre les différents organes de l’Agence".

2.15

Le Comité souscrit à la proposition de la Commission de modifier le règlement (UE) no 912/2010 et recommande l'adoption de la réglementation proposée dans la mesure où il sera démontré, grâce à des vérifications et rapports périodiques, qu'elle répond bien aux objectifs qui y étaient définis.

3.   Observations générales concernant le programme GNSS européen

3.1

Le Comité rappelle que la politique spatiale européenne constitue un élément essentiel de la stratégie Europe 2020, ainsi qu'un moteur d'innovation et de compétitivité au service des citoyens: les programmes européens de navigation par satellite EGNOS et Galileo revêtent à cet égard un rôle fondamental qui doit être valorisé et renforcé, tout comme le projet GMES (6).

3.2

Le CESE souligne l'importance stratégique que revêtent la politique spatiale et le programme GNSS en tant qu'éléments qui participent à la création d'une vraie stratégie industrielle européenne, fondée sur des projets concrets qui apportent des bénéfices tangibles pour les citoyens et les entreprises.

3.3

Pour juger si la solution retenue est véritablement la meilleure qui puisse être, il s'avère dès lors capital d'appliquer réellement le dispositif de gouvernance du GNSS européen. Aussi le CESE demande-t-il, tout en soutenant les modifications proposées, que la mise en œuvre effective des structures de fonctionnement créées fasse l'objet d'une surveillance et que la Commission présente des rapports périodiques détaillés sur ce point

3.4

Le Comité se dit profondément déçu par la décision du Conseil européen du 19 février 2013 de réduire à 6,3 milliards d'euros seulement l'enveloppe financière octroyée à Galileo dans le cadre financier pluriannuel 2014-2020, alors que la Commission prévoyait un budget de 7,9 milliards d'euros.

3.5

Le CESE demande aux institutions européennes et, en particulier, au Parlement, de rétablir, lors de l'adoption de la décision définitive concernant le prochain cadre financier pluriannuel 2014-2020, les niveaux de financement proposés précédemment pour Galileo et de renforcer par ailleurs l'effort consenti pour les projets GMES et ITER (7).

3.6

La GSA devrait en outre mener une vaste action de soutien et de sensibilisation aux avantages découlant des programmes GNSS, de manière à permettre à la population de mieux exploiter les nouvelles possibilités de commercialisation des services Galileo et EGNOS, afin d'en faciliter la diffusion sur le marché et d'optimiser les bénéfices socioéconomiques escomptés.

4.   Observations particulières

4.1

Pertinence du cadre de gouvernance. Le Comité estime que dans la perspective du transfert à la GSA de la gestion de la phase d'exploitation d'EGNOS et, à partir de janvier 2014, de la phase d'exploitation du programme Galileo, le nouveau cadre d'autonomie et de coopération proposé au sein de l'Agence du GNSS est approprié et conforme aux orientations interinstitutionnelles. Il juge toutefois que ces évolutions positives doivent faire l'objet d'une surveillance, visant à vérifier si les solutions proposées répondent bien de la meilleure manière possible, dans les faits, aux objectifs assignés.

4.2

Centre de surveillance de la sécurité Galileo. Il convient d'accélérer la mise en place des "centres de surveillance de la sécurité Galileo" en France et au Royaume-Uni et de consolider par ailleurs leur structure et leurs ressources. Les activités de formation devront être renforcées afin de répondre aux exigences des usagers en ce qui concerne l'accès au PRS (service public réglementé).

4.3

Actions de communication. Les campagnes de communication mondiales de l'Agence devront être améliorées à mesure que les services Galileo seront lancés, en vue de la phase de pleine exploitation en 2018-2019. Il y a lieu de veiller à la bonne gestion des "centres d’excellence" afin de promouvoir le développement et l’adoption des applications GNSS et "d'adopter une stratégie de marque et un label de qualité pour les technologies et les services EGNOS/Galileo" (par "label de qualité", le Comité entend un système de marque commerciale autorisant les fournisseurs agréés de technologies EGNOS/Galileo à vendre des technologies et des solutions répondant à des normes techniques rigoureuses et d'excellence. Ce système de marque déposée a par exemple été utilisé avec succès par le consortium Wi-Fi Alliance pour doper le succès commercial de la technologie des réseaux sans fil LAN. Voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Wi-Fi_Alliance) (8).

4.4

Recherche et innovation. Le Comité a émis de fortes réserves quant à la tendance "à transférer à des agences certaines des tâches et activités de soutien à la recherche et à l'innovation incombant jusqu'ici à la Commission, celle-ci se limitant pour sa part aux questions juridiques et à la gestion des aspects financiers" et a recommandé de "davantage tenir compte de l'expérience acquise dans l'édification de projets d'envergure du même type, concernant des domaines technologiques inexplorés, et, partant, de veiller à l'instauration d'un "contingent", 10 % nous paraissant par exemple une valeur adaptée à la situation" (9).

4.5

Délais et modalités de mise en œuvre. Le Comité est préoccupé par le retard accumulé dans le cadre de l'adoption du règlement relatif à la mise en place et l'exploitation des systèmes européens de radionavigation par satellite, censé remplacer le règlement (CE) no 683/2008, étant donné qu'il est étroitement lié à la proposition de la Commission à l'examen.

Bruxelles, le 17 avril 2013.

Le président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  JO C 181 du 21.6.2012, pp. 179-182.; JO C 256 du 27.10.2007, pp. 73-75; JO C 256 du 27.10.2007, p. 47; JO C 324 du 30.12.2006, pp. 41-42; JO C 221 du 8.9.2005, p. 28.

(2)  JO C 48 du 21.2.2002, pp. 42-46; JO C 324 du 30.12.2006, pp. 37-40.

(3)  JO C 181 du 21.6.2012, pp. 179-182.

(4)  JO C 181 du 21.6.2012, pp. 179-182.

(5)  JO C 388 du 15.12.2012, p. 208.

(6)  JO C 299 du 4.10.2012, pp. 72-75.

(7)  JO C 229 du 31.7.2012, pp. 60-63.

(8)  JO C 107 du 6.4.2011, pp. 44-48.

(9)  JO C 229, du 31.7.2012, pp. 60-63.


10.7.2013   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 198/71


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1224/2009 du Conseil instituant un régime communautaire de contrôle afin d'assurer le respect des règles de la politique commune de la pêche»

COM(2013) 09 final — 2013/0007 (COD)

2013/C 198/11

Rapporteur unique: M. Gabriel Sarró IPARRAGUIRRE

Le 5 février 2013, le Parlement européen et le Conseil ont décidé, conformément aux articles 43, paragraphe 2 et 304, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

"Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1224/2009 du Conseil instituant un régime communautaire de contrôle afin d'assurer le respect des règles de la politique commune de la pêche"

COM(2013) 09 final – 2013/0007 (COD).

La section spécialisée "Agriculture, développement rural, environnement", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a confié l'élaboration de l'avis à M. Sarró IPARRAGUIRRE, rapporteur, et a adopté son avis le 25 mars 2013.

Lors de sa 489e session plénière des 17 et 18 avril 2013 (séance du 17 avril 2013), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 177 voix pour et 10 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE juge qu'il est nécessaire de modifier le règlement (CE) no 1224/2009 afin de le rendre conforme au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

1.2

Le Comité estime qu'il convient de définir au moyen d'actes d'exécution et non d'actes délégués certains éléments essentiels, qui sont cités dans le présent avis.

2.   Contexte

2.1

Le règlement (CE) no 1224/2009 institue un régime communautaire de contrôle afin d'assurer le respect des règles de la politique commune de la pêche (PCP).

2.2

Ce règlement confère à la Commission des compétences lui permettant de mettre en œuvre certaines des dispositions dudit règlement.

2.3

Le TFUE établit une distinction entre, d'une part, les compétences déléguées à la Commission, lui permettant d'adopter des actes non législatifs de portée générale qui complètent ou modifient certains éléments non essentiels d'un acte législatif (actes délégués, article 290, paragraphe 1) et, d'autre part, les compétences conférées à la Commission pour qu'elle adopte des conditions uniformes d'exécution d'actes juridiquement contraignants de l'Union (actes d'exécution, article 291, paragraphe 2).

2.4

Étant donné la nécessité d'aligner le règlement (CE) no 1224/2009 sur les nouvelles règles du TFUE en matière de prise de décisions, la Commission européenne a dès lors présenté une proposition de modification dudit règlement, qui fait l'objet du présent avis et dans laquelle elle reclassifie les compétences conférées à la Commission en compétences déléguées et en compétences d'exécution.

3.   Contexte de la proposition

3.1

La proposition recense les compétences conférées à la Commission dans le règlement (CE) no 1224/2009 du Conseil et les classe en compétences déléguées ou en compétences d'exécution.

3.2

En outre, elle adapte certaines dispositions pour les rendre conformes aux procédures de prise de décision établies par le TFUE.

3.3

À cet effet, la proposition prévoit de modifier 66 articles du règlement (CE) no 1224/2009.

3.4

En conséquence, l'analyse de la proposition se révèle très complexe, la modification de ces 66 articles induisant au total quelque deux cents modifications du règlement (CE) no 1224/2009, qui confèrent à la Commission les compétences nécessaires pour adopter des actes délégués et des actes d'exécution.

3.5

Les compétences qui permettent à la Commission d'adopter des actes délégués lui sont conférées pour une période indéterminée et peuvent être révoquées à tout moment par le Parlement européen ou par le Conseil. La décision de révocation met fin à la délégation de pouvoir qui y est indiquée. La révocation prend effet le jour suivant celui de la publication de ladite décision au Journal officiel de l'Union européenne ou à une date ultérieure qui y est précisée. Elle ne porte pas atteinte à la validité des actes délégués déjà en vigueur.

3.6

L'acte délégué n'entre en vigueur que s'il n'a donné lieu à aucune objection du Parlement européen ou du Conseil dans les deux mois suivant sa notification à ces deux institutions ou si, avant l'expiration de ce délai, le Parlement européen et le Conseil ont tous deux informé la Commission de leur intention de ne pas formuler d'objections. Cette période peut être prolongée de deux mois à l'initiative du Parlement européen ou du Conseil.

3.7

Dans le cadre de ces procédures, la Commission est assistée par le comité de la pêche et de l'aquaculture institué par l'article 30 du règlement (CE) no 2371/2002.

3.8

Dans ses avis, le CESE a soutenu l'octroi à la Commission de pouvoirs lui permettant d'adopter des actes délégués de contrôle afin de garantir le respect des règles de la politique commune de la pêche.

3.9

Toutefois, le Comité estime qu'étant donné le nombre élevé de modifications du règlement (CE) no 1224/2009 prévues par la proposition à l'examen, il conviendrait d'obtenir un consensus préalable avec les États membres sur le contenu et le champ d'application de l'ensemble des modifications proposées.

4.   Observations particulières

4.1

De manière générale, la philosophie du TFUE est que les éléments essentiels de la législation sont définis au moyen d'actes d'exécution et les éléments non essentiels au moyen d'actes délégués.

4.2

Après examen de la proposition, le CESE estime qu'eu égard à leur importance, il convient à tout le moins que les éléments concernant:

la notification préalable et le transbordement,

l'adoption de changements dans le mode et la fréquence de transmission des données à la Commission sur les quotas et l'effort,

les dérogations à l'obligation d'établir des notes de vente sur certaines flottes,

l'adoption de règles relatives aux plans des cales,

la détermination des pêcheries qui feront l'objet de programmes spécifiques de contrôle et d'inspection,

soient définis par voie d'actes d'exécution, et non d'actes délégués.

4.3

Pour terminer, le Comité s'étonne que l'on puisse à tout moment priver la Commission de la compétence d'adopter un acte délégué dans un domaine qui relève de sa compétence sans qu'il n'en résulte de révocation automatique de l'acte délégué déjà adopté dans ce domaine.

Bruxelles, le 17 avril 2013.

Le président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


10.7.2013   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 198/73


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les comptes rendus d'événements dans l'aviation civile, modifiant le règlement (UE) no 996/2010 et abrogeant la directive 2003/42/CE, le règlement (CE) no 1321/2007 de la Commission et le règlement (CE) no 1330/2007 de la Commission

COM(2012) 776 final — 2012/0361 (COD)

2013/C 198/12

Rapporteur: M. HENCKS

Le Conseil, le 24 janvier 2013, et le Parlement européen, le 17 janvier 2013, ont décidé, conformément à l'article 100(2) du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

"Proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les comptes rendus d'événements dans l'aviation civile, modifiant le règlement (UE) no 996/2010 et abrogeant la directive no 2003/42/CE, le règlement (CE) no 1321/2007 de la Commission et le règlement (CE) no 1330/2007 de la Commission"

COM(2012) 776 final – 2012/0361 (COD).

La section spécialisée "Transports, énergie, infrastructures, société de l'information", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 3 avril 2013.

Lors de sa 489e session plénière des 17 et 18 avril 2013 (séance du 17 avril), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 195 voix pour, 1 voix contre et 1 abstention.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE félicite la Commission pour les mesures de prévention d'accidents dans le domaine de l'aviation civile et le renforcement du flux d'informations sur des événements ou incidents qui mettent en danger ou qui, s'ils ne sont pas corrigés, mettraient en danger des passagers ou toute autre personne ou un aéronef.

1.2

Afin de pouvoir cerner et prévenir les risques d'accident dans l'aviation civile, il est crucial que tous les professionnels du secteur soient amenés à signaler tous les événements susceptibles de constituer un risque pour la sécurité, y compris, le cas échéant, des erreurs que des agents du secteur ont commises eux-mêmes, ou auxquelles ils ont contribué ou qui sont imputables à des collègues de travail.

1.3

Un tel système de notification ne saura fonctionner efficacement que:

si l'objectif exclusif des comptes rendus des événements en question est la prévention des accidents et incidents et non la détermination de fautes ou de responsabilités et,

s'il est appliqué dans le cadre d'une "culture juste" qui met les agents impliqués à l'abri d'actions engagées à leur encontre par leur employeur et qui les protège contre tout préjudice ou poursuite judiciaire pour des erreurs involontaires, sauf en cas de négligence grave délibérée clairement identifiée comme telle.

1.4

Le CESE estime que les mesures de protection des sources de l'information existantes ou supplémentaires, prévues dans la proposition, peuvent encore être renforcées ou complétées. À cette fin, le CESE:

réitère sa proposition de créer une charte européenne de la "culture juste",

propose de préciser expressément que non seulement les États membres, mais également les organisations du secteur de l'aviation civile doivent s'abstenir d'intenter une action en ce qui concerne les infractions non préméditées ou réalisées par inadvertance qu'ils viendraient à connaître seulement parce qu'elles ont été notifiées,

demande que les règles internes décrivant comment les principes de la culture juste sont garantis et appliqués, qui doivent être établies par les organisations du secteur, soient, avant leur mise en œuvre, approuvées par l'autorité publique compétente.

1.5

Vu l'importance cruciale d'une culture juste pour protéger efficacement les notifiants, dans l'intérêt bien compris de la prévention contre tout risque d'accident, le CESE a chargé un expert externe d'une étude en la matière, et ne manquera pas d'en communiquer les conclusions aux parties intéressées.

1.6

Le CESE exprime des réserves par rapport à la nouvelle mesure qui prévoit que dorénavant, les notifiants pourront transmettre leur compte rendu, soit à leur employeur, soit à l'autorité publique compétente, alors que jusqu'ici seule une transmission à l'autorité publique était prévue. Il estime que pour les comptes rendus transmis directement à l'employeur, dans le souci de neutralité et afin d'éviter toute ingérence ultérieure de l'employeur dans la formulation des faits par les notifiants, une copie du compte rendu devrait être, en même temps, obligatoirement adressée par le notifiant à l'autorité publique compétente.

1.7

Le CESE regrette qu'une notification d'incidents par des passagers ne soit pas expressément prévue par le règlement, alors que les passagers ont souvent une approche plus vigilante vis-à-vis des risques de sécurité des infrastructures et services et constatent des défaillances que les professionnels du secteur, par routine, voient d'un œil différent. Ceci vaut au même titre pour les personnes à mobilité réduite, qui sont les mieux placées pour évaluer des facteurs de risque par rapport à leur situation spécifique. Le CESE propose donc de prévoir des procédures pour intégrer tous les passagers dans le flux d'information des événements à signaler.

1.8

Finalement, le CESE estime que des événements ou défaillances constatés lors des opérations d'embarquement, notamment lors des contrôles de sécurité effectués sur les passagers, devraient figurer parmi les événements à signaler obligatoirement.

2.   Introduction

2.1

Depuis la création du marché unique du transport aérien en 1992, le respect d'exigences réglementaires de plus en plus strictes en matière de sécurité aérienne concernant un aéronef immatriculé dans un État membre, ou exploité par une entreprise établie dans un État membre, soutenue par des enquêtes approfondies et indépendantes sur les accidents, s'est traduit par une baisse importante et quasi continue des taux d'accidents aériens mortels.

2.2

L'expérience montre que, souvent, avant qu'un accident ne survienne, certains incidents ou défaillances signalent l'existence d'un risque de sécurité. Il est vite apparu qu'il devenait de plus en plus difficile d'accroître la sécurité aérienne en suivant uniquement l'approche "réactive", qui prévalait jusque-là, et qui consistait à ne réagir et tirer des leçons que suite aux accidents survenus.

2.3

L'Union européenne ne pouvait dès lors se contenter de son rôle de législateur, mais s'est vue contrainte de se préoccuper également du traitement systémique des risques liés à la sécurité aérienne. Par sa directive 2003/42/CE concernant les comptes rendus d'événements dans l'aviation civile, elle a adopté une approche complémentaire dite "proactive".

2.4

Le système des comptes rendus se fonde sur une relation de confiance entre le notifiant de ces incidents ou défaillances et l'entité responsable de la collecte et de l'évaluation des données afférentes.

2.5

Depuis 2007, l'Union européenne détient un répertoire central européen (RCE) regroupant tous les événements de l'aviation civile collectés par les États membres; au stade actuel, près de 600 000 événements sont consignés dans ce répertoire.

2.6

Vu leur nature sensible, les informations recueillies sont confidentielles et ne peuvent être utilisées qu'aux fins des activités des participants et des destinataires. Dans un souci d'éviter des craintes et réactions infondées, les informations au public doivent se faire sous forme agrégée et se limitent le plus souvent à un rapport annuel sur le niveau général de sécurité de l'aviation.

2.7

Outre le système de comptes rendus obligatoires, les États membres peuvent mettre en place un système de comptes rendus volontaires pour collecter et analyser les faiblesses observées dans l'aviation civile qui ne tombent pas dans le champ d'application des comptes rendus obligatoires.

2.8

L'obligation de notification s'applique à l'ensemble de la chaîne du transport aérien, notamment les exploitants aériens, les exploitants d'aérodromes certifiés, les sociétés d'assistance en escale, etc.

2.9

Les différentes catégories de personnel qui travaillent dans l'aviation civile et qui observent des événements qui présentent un intérêt pour la prévention des accidents sont tenues de les signaler.

2.10

Dans les comptes rendus, tous les détails personnels concernant le notifiant et les aspects techniques qui pourraient permettre d'identifier le notifiant doivent être supprimés. Les États membres doivent veiller à ce que les travailleurs qui rendent compte d'incidents ne subissent aucun préjudice de la part de l'employeur; aucune sanction administrative, disciplinaire ou professionnelle ne pourra être infligée à une personne qui a notifié un tel événement, sauf en cas de négligence grave ou de manquements délibérés.

3.   Contenu du nouveau règlement

3.1   Selon la Commission européenne, la transmission des comptes rendus d'événements dans l'UE et l'utilisation du RCE sont toujours affectées par un certain nombre de lacunes qui en limitent l'utilité et hypothèquent sérieusement le retour d'expériences pour prévenir des accidents. Pour remédier à cette situation, la Commission propose les mesures suivantes:

3.1.1   Amélioration de la collecte des événements

La proposition établit le cadre pour garantir que tous les événements qui menacent ou menaceraient la sécurité aérienne soient notifiés. Outre les systèmes d'information obligatoires, la proposition impose l'établissement de systèmes volontaires.

La proposition contient également des dispositions pour encourager les professionnels de l'aviation à communiquer des informations sans craindre des sanctions, sauf en cas de négligence grave.

3.1.2   Clarification des flux d'information

Chaque organisation active dans le domaine de l'aviation devra, à côté de l'autorité publique, également mettre en place un système de comptes rendus.

3.1.3   Meilleure qualité et exhaustivité des données

Les comptes rendus d'événements devront contenir des informations minimales et des champs obligatoires déterminés. Les événements devront être classés en fonction du risque qu'ils présentent selon un mécanisme européen commun de classification des risques à élaborer. En outre, des procédures de contrôle de qualité des données devront être mises en place.

3.1.4   Meilleur échange d'informations

L'accès des États membres et de l'AESA aux données du RCE est étendu à l'ensemble des informations consignées dans ladite base de données. Tous les comptes rendus doivent être compatibles avec le logiciel communautaire ECCAIRS.

3.1.5   Meilleure protection contre l'utilisation inappropriée des informations relatives à la sécurité

Outre l'obligation de garantir la confidentialité des données recueillies, les informations doivent uniquement être mises à disposition et utilisées en vue de maintenir ou d'améliorer le niveau de la sécurité aérienne. Des accords doivent être conclus avec les autorités judiciaires pour atténuer les effets négatifs de l'utilisation de ces données à des fins judiciaires.

3.1.6   Meilleure protection des notifiants afin de garantir la disponibilité continue des informations (culture juste)

Les règles relatives à la protection des notifiants sont renforcées et l'obligation d'anonymiser les comptes rendus et de limiter l'accès aux données identifiables à un cercle restreint de personnes est réaffirmée. La règle selon laquelle les membres du personnel ne doivent subir aucun préjudice de la part de leur employeur, sauf en cas de négligence grave (telle que définie à l'article 2(4) du projet de règlement), sur la base des informations communiquées, est renforcée. Les organisations actives dans le domaine de l'aviation civile sont invitées à adopter un document décrivant comment la protection des employés est assurée. En outre, chaque État membre doit désigner un responsable de la mise en œuvre des dispositions concernant la protection des sources auquel les notifiants peuvent signaler des infractions aux règles afférentes. Le cas échéant, ledit responsable propose à son État membre d'adopter des sanctions à l'égard des employeurs ayant enfreint les règles en la matière.

3.1.7   Introductions d'exigences relatives à l'analyse des informations et adoption de mesures de suivi au niveau national

La proposition transpose dans la législation communautaire les règles relatives à l'analyse et au suivi des événements notifiés qui ont été convenues au niveau international.

3.1.8   Renforcement de l'analyse au niveau de l'UE

Le principe d'une analyse par l'AESA et les États membres des informations consignées dans le RCE est renforcé et la collaboration actuelle est formalisée au sein d'un réseau d'analystes de la sécurité aérienne présidé par l'AESA.

3.1.9   Plus grande transparence à l'égard du public

Dans le respect de la nécessaire confidentialité, les États membres publient un rapport annuel contenant, dans une forme agrégée, des informations relatives aux mesures prises pour augmenter la sécurité aérienne.

4.   Remarques générales

4.1

Le CESE félicite la Commission pour les mesures de prévention d'accidents dans le domaine de l'aviation civile et le renforcement du flux d'informations sur des événements qui mettent en danger ou qui, s'ils ne sont pas corrigés, mettraient en danger des passagers ou toute autre personne ou un aéronef.

4.2

En outre, il accueille favorablement la simplification de la législation dans la mesure où elle regroupe dans un seul texte une ancienne directive et deux règlements.

4.3

Vu que les États membres dépassent régulièrement les délais de transposition des directives - et c'était également le cas pour la directive 2003/42/CE traitant du sujet qui nous préoccupe - et vu qu'un repérage le plus rapide possible d'éventuels problèmes de sécurité peut éviter des catastrophes et sauver des vies humaines, le CESE est d'accord avec la Commission pour constater que le recours à un acte législatif d'application directe, en l'occurrence un règlement, est l'instrument juridique le plus approprié pour atteindre les objectifs poursuivis.

4.4

Sans mettre en question l'approbation générale de la proposition de règlement sous avis, le CESE s'interroge néanmoins sur plusieurs points:

4.5

Dorénavant, les notifiants pourront transmettre leur compte rendu soit à leur employeur, soit à l'autorité publique compétente, alors que jusqu'ici seule une transmission à l'autorité publique était prévue. Lorsque les notifications sont adressées directement à l'employeur, celui-ci doit les communiquer à l'autorité publique compétente. Or, l'article 7§3 du projet de règlement prévoit que les organisations du secteur mettent en place des procédures de contrôle de qualité des données notamment pour garantir la cohérence entre les diverses données contenues dans les comptes rendus d'événements et les informations sur les événements initialement communiquées par le notifiant.

Le CESE en déduit que les données relatives à des événements initialement communiquées par le notifiant ne sont pas forcément les mêmes que celles redirigées vers l'autorité publique, ce qu'il ne saurait approuver.

Il exprime des réserves par rapport aux comptes rendus transmis directement à l'employeur. Dans le souci de neutralité et afin d'éviter toute ingérence ultérieure de l'employeur dans la formulation des faits par les notifiants, une copie du compte rendu devrait, en même temps, être adressée par le notifiant à l'autorité publique compétente.

4.6

Le CESE constate que dans la liste des incidents à notifier obligatoirement (annexe 1 du règlement) ne figurent pas ceux concernant les opérations avant l'embarquement. Il s'ensuit que des défaillances lors du contrôle de sécurité avant l'embarquement doivent, tout au plus, être signalées dans le cadre des comptes rendus volontaires. Or, des défaillances du genre peuvent avoir des conséquences désastreuses telles que le CESE estime qu'elles devraient figurer parmi les événements à signaler obligatoirement.

4.7

De même, une notification d'incidents par des passagers n'est pas expressément prévue par le projet de règlement qui, toutefois, ne l'exclut pas lorsqu'il indique que les systèmes de comptes rendus volontaires doivent permettre la collecte d'informations par des personnes autres que les professionnels du secteur qui sont soumis à une notification obligatoire.

Or, les passagers ont souvent une approche plus vigilante vis-à-vis des risques de sécurité des infrastructures et services et constatent des défaillances que les professionnels du secteur, par routine ou déformation professionnelle, voient d'un œil différent. Le CESE propose donc de prévoir des procédures pour intégrer les passagers dans le flux d'information des événements à signaler. Ceci vaut au même titre pour les personnes à mobilité réduite, qui sont, dans l'annexe I §4.3 du règlement, traitées sur un pied d'égalité avec la prise en charge des bagages et de la cargaison, alors que les facteurs de risque sont totalement différents.

5.   Culture juste

5.1

Afin de pouvoir cerner et prévenir les risques d'accident dans l'aviation civile, il est crucial que tous les professionnels du secteur soient amenés à signaler tous les événements susceptibles de constituer un risque pour la sécurité.

5.2

Il faut le cas échéant demander aux personnes concernées de signaler des erreurs qu'elles ont elles-mêmes commises, auxquelles elles ont contribué ou qui sont imputables à des collègues de travail.

5.3

Il est évident qu'un tel système de notification ne saura fonctionner efficacement que dans le cadre d'une "culture juste" qui met les agents impliqués à l'abri d'actions engagées à leur encontre par leur employeur, et qui les protège contre tout préjudice ou poursuite judiciaire pour des erreurs involontaires, sauf en cas de négligence grave délibérée clairement identifiée comme telle.

5.4

Le CESE se félicite donc que l'accent soit mis sur le fait que l'objectif exclusif des comptes rendus des événements en question est la prévention des accidents et incidents et non la détermination de fautes ou de responsabilités, et que le projet de règlement réaffirme et complète les mesures de protection du notifiant qui, toutefois, pourraient être renforcées davantage.

5.5

Ainsi, dans son avis sur le règlement sur les enquêtes et la prévention des accidents dans l'aviation civile (1), le CESE avait déjà souligné qu'il est nécessaire d'agir davantage au niveau de l'UE pour garantir que tous les États membres modifient leur système pénal national en vue de développer une culture juste, et avait insisté sur l'importance de créer une "charte européenne de la culture juste" dans le but d'éviter toute sanction pour des erreurs involontaires.

5.6

Le CESE regrette que cette proposition n'ait pas été reprise dans le projet de règlement sous avis qui certes prévoit une coopération entre les autorités chargées de la sécurité et les autorités judiciaires sous forme d'accords préalables (article 15§4: "Ces accords préalables s’efforcent d’établir un juste équilibre entre la nécessité d’une bonne administration de la justice et l’impératif d’une disponibilité continue des informations relatives à la sécurité."), ce qui constitue un pas dans la bonne direction, mais ils ne concernent que la confidentialité "adéquate" des informations et ne mettent pas les notifiants à l'abri d'une poursuite judiciaire.

5.7

Pour ce qui est de la protection du notifiant, la disposition qui veut que les États membres s'abstiennent d'intenter une action en ce qui concerne les infractions non préméditées ou réalisées par inadvertance qu'ils viendraient à connaître seulement parce qu'elles ont été notifiées devrait également s'appliquer à l'employeur du notifiant; l'article 16§3 du projet de règlement devrait être complété dans ce sens.

5.8

En ce qui concerne la disposition qui impose à chaque organisation du secteur d'adopter des règles internes décrivant comment les principes de la culture juste sont garantis et appliqués, le CESE propose que ces règles soient auparavant approuvées par l'organisme responsable dans chaque État membre de la mise en œuvre des dispositions communautaires en matière de protection des sources.

5.9

Même si le règlement est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre le vingtième jour suivant celui de sa publication au journal officiel de l'Union européenne, une partie de ces éléments, notamment les règles internes décrivant comment les principes de la culture juste sont appliqués par les organisations, ou les règles applicables en cas d'infraction au règlement, doivent encore être établies ou, le cas échéant, être transposées dans le droit national. Le CESE aurait préféré que le règlement prévoie une date limite pour la mise en application de ces éléments.

5.10

Vu l'importance cruciale d'une culture juste qui protège efficacement les personnes concernées, dans l'intérêt bien compris de la prévention contre tout risque d'accident, le CESE a chargé un expert externe d'une étude en la matière, et ne manquera pas d'en communiquer les conclusions aux parties intéressées.

Bruxelles, le 17 avril 2013.

Le président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  JO C 21 du 21.1.2011, p. 62-65.


10.7.2013   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 198/77


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 92/58/CEE, 92/85/CEE, 94/33/CE, 98/24/CE du Conseil et la directive 2004/37/CE du Parlement européen et du Conseil afin de les aligner sur le règlement (CE) no 1272/2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges»

COM(2013) 102 final — 2013/0062 COD

2013/C 198/13

Le Parlement européen, en date du 12 mars 2013, et le Conseil, en date du 15 mars 2013, ont décidé, conformément à l'article 153, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

"Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 92/58/CEE, 92/85/CEE, 94/33/CE, 98/24/CE du Conseil et la directive 2004/37/CE du Parlement européen et du Conseil afin de les aligner sur le règlement (CE) no 1272/2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges"

COM(2013)102 final – 2013/0062 COD.

Étant donné que le Comité s'est déjà prononcé sur le contenu de la proposition en objet dans son avis CESE 493/2008, adopté le 12 mars 2008 (1), le Comité, lors de sa 489e session plénière des 17 et 18 avril 2013 (séance du 17 avril 2013) a décidé, par 178 voix pour, 3 voix contre et 10 abstentions, de ne pas procéder à l'élaboration d'un nouvel avis en la matière, mais de se référer à la position qu'il a soutenue dans le document susmentionné.

Bruxelles, le 17 avril 2013.

Le président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  Avis du CESE sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et des mélanges, et modifiant la directive 67/548/CEE et le règlement (CE) no 1907/2006 COM(2007) 355 final — 2007/0121 COD (JO C 204 du 9.8.2008, p. 47–56).