ISSN 1977-0936

doi:10.3000/19770936.C_2013.076.fra

Journal officiel

de l'Union européenne

C 76

European flag  

Édition de langue française

Communications et informations

56e année
14 mars 2013


Numéro d'information

Sommaire

page

 

I   Résolutions, recommandations et avis

 

AVIS

 

Comité économique et social européen

 

486e session plénière des 16 et 17 janvier 2013

2013/C 076/01

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Libérer le potentiel des enfants et des jeunes à hautes capacités intellectuelles au sein de l'Union européenne (avis d'initiative)

1

2013/C 076/02

Avis du Comité économique et social européen sur le thème La dimension de genre dans la stratégie Europe 2020 (avis d'initiative)

8

2013/C 076/03

Avis du Comité économique et social européen sur La piraterie maritime: renforcer la réaction de l'Union européenne (avis d'initiative)

15

2013/C 076/04

Avis du Comité économique et social européen sur La création d'un label social européen (avis exploratoire)

20

 

III   Actes préparatoires

 

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

 

486e session plénière des 16 et 17 janvier 2013

2013/C 076/05

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – L'Acte pour le marché unique II – Ensemble pour une nouvelle croissance — COM(2012) 573 final

24

2013/C 076/06

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – Un partenariat renforcé pour l'excellence et la croissance dans l'Espace européen de la recherche — COM(2012) 392 final

31

2013/C 076/07

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen – Politique industrielle en matière de sécurité – Plan d’action en faveur d'un secteur industriel de la sécurité innovant et compétitif — COM(2012) 417 final

37

2013/C 076/08

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: renforcement et ciblage de la coopération internationale de l’Union européenne dans la recherche et l’innovation: une approche stratégique — COM(2012) 497 final

43

2013/C 076/09

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – Pour un meilleur accès aux informations scientifiques: dynamiser les avantages des investissements publics dans le domaine de la recherche — COM(2012) 401 final

48

2013/C 076/10

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 273/2004 relatif aux précurseurs de drogues — COM(2012) 548 final — 2012/0261 (COD)

54

2013/C 076/11

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – Exploiter le potentiel de l'informatique en nuage en Europe — COM(2012) 529 final

59

2013/C 076/12

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication conjointe au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – Vers un partenariat renouvelé pour le développement UE-Pacifique — JOIN(2012) 6 final

66

FR

 


I Résolutions, recommandations et avis

AVIS

Comité économique et social européen

486e session plénière des 16 et 17 janvier 2013

14.3.2013   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 76/1


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Libérer le potentiel des enfants et des jeunes à hautes capacités intellectuelles au sein de l'Union européenne» (avis d'initiative)

2013/C 76/01

Rapporteur: M. José Isaías RODRIGUEZ GARCÍA CARO

Le 19 janvier 2012, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis sur le thème:

«Libérer le potentiel des enfants et des jeunes à hautes capacités intellectuelles au sein de l'Union européenne»

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 20 décembre 2012.

Lors de sa 486e session plénière des 16 et 17 janvier 2013 (séance du 16 janvier 2013), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 131 voix pour, aucune voix contre et 13 abstentions.

1.   Recommandations

1.1

Le Comité économique et social européen a conscience que la problématique des enfants et des jeunes à hautes capacités intellectuelles se trouve relativement bien étudiée, grâce aux recherches qui ont été menées depuis plusieurs décennies et à l'existence d'une abondante littérature scientifique spécialisée (1). Eu égard à l'importance de cette question, il recommande néanmoins à la Commission européenne et aux États membres de soutenir la réalisation d'études et d'investigations supplémentaires et d'adopter des mesures propres à favoriser la prise en compte de la diversité de toutes les personnes en général, dont des programmes qui soient à même de libérer le potentiel des enfants et des jeunes à hautes capacités, de manière à ce qu'il puisse en être tiré parti dans les domaines les plus divers. Cette action aurait notamment pour objectif de conforter l'emploi et l'aptitude à l'emploi au sein de l'Union européenne et, dans un contexte de crise économique, de valoriser davantage les connaissances spécialisées et d'éviter l'exode des personnes à hautes capacités vers d'autres régions du monde.

1.2

Le Comité préconise de stimuler l'épanouissement et les potentialités des enfants et des jeunes à hautes capacités tout au long des différentes étapes et dans les différentes formes de leur éducation, en évitant de les spécialiser à des stades trop précoces, en encourageant une meilleure prise en compte de la diversité dans les établissements scolaires et en exploitant les possibilités ouvertes par l'apprentissage coopératif et l'éducation non formelle.

1.3

Le Comité recommande de soutenir l'éducation et l'apprentissage tout au long de la vie, en tenant compte du fait que le potentiel intellectuel d'une personne n'est pas statique et qu'il connaît des évolutions spécifiques à chaque étape de son existence.

1.4

Le Comité prône qu'une attention plus soutenue soit à l'avenir consacrée aux modèles et expériences de travail avec des étudiants à hautes capacités intellectuelles qui ont cours dans chacun des États membres, en particulier lorsqu'ils s'avèrent bénéfiques pour l'ensemble de la société, sont propices à sa cohésion, réduisent l'échec scolaire et se prêtent à améliorer le système éducatif suivant les objectifs de la stratégie Europe 2020.

1.5

Le Comité rappelle qu'il s'impose de repérer, sur les lieux mêmes où ils exercent leur activité, les travailleurs, en particulier jeunes, qui possèdent les capacités et le désir de développer leurs facultés intellectuelles et de contribuer à l'innovation et qu'il convient de leur octroyer la possibilité de poursuivre leur formation dans un environnement qui s'accorde avec leurs ambitions et leurs centres d'intérêt.

1.6

Le Comité propose d'améliorer la prise en charge éducative des enfants et des jeunes dotés de hautes capacités, sur les points suivants:

la formation initiale et continue du corps professoral relative au profil et aux caractéristiques des élèves à hautes capacités, ainsi qu'à leur détection et à la prise en charge éducative dont ils ont besoin,

la mise en commun des procédures qui permettent une détection précoce de la présence de hautes capacités intellectuelles chez les élèves dans leur ensemble et plus particulièrement ceux qui sont issus de secteurs ou milieux sociaux défavorisés,

la conception et l'exécution de mesures pédagogiques destinées aux élèves à hautes capacités intellectuelles. Ces mesures doivent comprendre des actions menées à l'intérieur comme à l'extérieur des établissements d'enseignement ordinaire,

l'intégration dans la formation du corps professoral des valeurs de l'humanisme, de la réalité du pluriculturalisme, de l'utilisation à des fins pédagogiques des technologies de l'information et de la communication et enfin, de la stimulation de la créativité, de l'esprit d'innovation et de la capacité d'initiative.

1.7

Une meilleure attention portée à l'éducation des enfants et des jeunes dotés de hautes capacités doit inclure leur éducation émotionnelle, particulièrement importante durant l'adolescence, l'acquisition des compétences sociales et viser à faciliter leur intégration et inclusion dans la société, leur insertion professionnelle et à développer leur capacité à travailler en équipe.

1.8

Il s'impose d'exploiter les mécanismes et procédures d'échanges d'étudiants et de séjours temporaires d'études à l'étranger de façon que puissent y participer les élèves qui sont considérés comme dotés de hautes capacités, en particulier lorsqu'ils sont issus de milieux défavorisés.

1.9

Il convient d'exploiter les opportunités d'échange d'informations et de bonnes pratiques entre les États membres de l'Union européenne en matière de repérage et de suivi des élèves et des étudiants à hautes capacités.

1.10

L'esprit d'entreprise doit être encouragé chez les enfants et les jeunes à hautes capacités, dans un esprit de responsabilité et de solidarité soucieux du bien-être de la société dans son ensemble.

2.   Contexte général

2.1

Le programme Europe 2020, «stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive», que la Commission européenne a approuvé en 2010 reprend parmi ses trois priorités fondamentales la quête d'une «croissance intelligente pour le développement d'une économie fondée sur la connaissance et l'innovation». Dans cette perspective, la formation de tous les citoyens se mue en ressource essentielle pour assurer l'avenir de l'Union européenne et cette promotion implique, entre autres, de mieux repérer les personnes à hautes capacités et d'améliorer les efforts éducatifs qui leur sont destinés.

2.2

Les politiques d'éducation actuellement menées par les États membres de l'Union européenne donnent une grande importance à l'attention accordée à la diversité de la population scolaire, qui peut être définie comme l'engagement d'offrir à tout étudiant le suivi pédagogique dont il a besoin pour tirer le maximum de son potentiel. Dans cet effort déployé envers tous les élèves, il y a lieu d'augmenter les ressources actuellement consacrées à ceux qui présentent des capacités intellectuelles élevées.

2.3

En ce qui concerne le repérage et le suivi pédagogique des élèves à hautes capacités intellectuelles, le tableau d'ensemble qui ressort à l'analyse de la situation actuelle dans l'Union européenne est des plus hétérogènes. Il fait en outre apparaître clairement la nécessité d'améliorer les pratiques et activités pédagogiques ciblant ce type d'élèves, les carences en la matière étant conditionnées par le manque de formation spécifique du corps enseignant à cet égard.

3.   Les hautes capacités intellectuelles

3.1   Le concept

3.1.1

Les études et recherches internationales s'accordent sur le fait que les personnes ayant un profil à hautes capacités sont présentes dans tous les groupes sociaux (2). Ce principe s'applique à la population des États membres de l'Union européenne. D'un point de vue social, politique et éducatif, le repérage et le suivi des personnes à hautes capacités est une thématique qui est apparue assez récemment et dont l'importance augmentera sans aucun doute au cours des prochaines années. Un consensus se dégage de ces mêmes travaux pour affirmer qu'améliorer le repérage et la prise en charge pédagogique des élèves à hautes capacités nécessite que la société tout entière s'engage, depuis les responsables politiques jusqu'aux partenaires sociaux, en passant par le corps enseignant, les scientifiques, les chercheurs et les familles.

3.1.2

La littérature scientifique spécialisée en matière de hautes capacités reprend divers termes concernant les hautes capacités intellectuelles, comme la «précocité» (résultats supérieurs à ceux attendus pour un âge spécifique), le «talent» (compétences particulières dans des domaines très spécifiques tels que les mathématiques, la musique, etc.), ou encore le «surdouement» ou les «hautes capacités», ce dernier concept étant défini, à l'heure actuelle, par les caractéristiques suivantes:

une capacité intellectuelle supérieure à la moyenne, en rapport avec des compétences tant générales que spécifiques. Bien que traditionnellement la référence adoptée fût la présence d'un quotient intellectuel supérieur à 130 sur une échelle dont la moyenne est égale à 100, ces dernières années ce critère a été étendu et assoupli pour inclure l'évaluation d'autres indicateurs également importants:

un degré élevé de concentration et d'engagement vis-à-vis des tâches à réaliser: persévérance, intérêt, ténacité, confiance en soi, etc.,

de hauts niveaux de créativité, de souplesse et d'originalité pour interroger, questionner, répondre et résoudre les problèmes et difficultés qui se présentent.

Bien que les hautes capacités dans le contexte des activités scolaires et académiques s'accompagnent généralement de bons résultats scolaires, il est relativement fréquent de rencontrer des cas d'échecs scolaires chez les élèves à hautes capacités. Le profil de hautes capacités ne doit pas être considéré comme une donnée statique mais comme un potentiel, qui pour être exploité, doit être détecté, reconnu et suivi par la société, autrement il peut être perdu.

3.1.3

Un consensus règne également dans la littérature scientifique pour affirmer que le profil des hautes capacités revêt un caractère multidimensionnel, c'est-à-dire étendu et polyvalent, qui ne peut se réduire à la détermination du quotient intellectuel, doit inclure également l'évaluation d'aspects tels que l'originalité et la créativité intellectuelles et se trouve souvent conditionné et influencé par des facteurs familiaux et socioculturels. Parfois, comme dans le cas de certaines personnes souffrant d'autisme ou d'un handicap moteur particulier, les hautes capacités peuvent coïncider avec la présence d'un handicap.

3.1.4

Les élèves et personnes qui présentent un profil de hautes capacités sont présentes dans toutes les catégories et couches de la société, sans distinction de sexe ou de condition sociale même si dans la pratique, les processus de détection sont habituellement affectés par deux phénomènes qu'il convient de prendre en compte, de manière à les contrebalancer:

les élèves à hautes capacités sont plus fréquemment détectés dans les strates sociales moyennes et élevées, étant donné que les familles qui s'y rattachent sont davantage informées sur la question et que les entourages familiaux y exercent une influence plus stimulante dans le domaine éducatif et scolaire. Parfois, les faibles attentes des établissements d'enseignement quant aux capacités de leurs propres élèves peuvent avoir une influence négative sur le repérage des élèves à hautes capacités dans les milieux sociaux défavorisés,

bien que les élèves et personnes à hautes capacités témoignent d'une tendance généralisée à privilégier la discrétion et l'anonymat, il est plus fréquent qu'ils soient détectés chez les hommes que chez les femmes, en raison de facteurs culturels et psycho-évolutifs, qui montrent que les filles et les femmes pouvant être concernées sont plus enclines à rester anonymes (3).

3.1.5

Comme pour le reste de la population scolaire, lorsque nous faisons référence aux élèves et aux jeunes à haute capacités, nous devons tenir compte du fait qu'ils constituent une population très hétérogène.

3.1.6

Il arrive de rencontrer des élèves qui tout en présentant un profil de hautes capacités intellectuelles, peuvent éprouver des difficultés à réussir leur scolarité et font partie de la population en situation d'échec scolaire, pour des raisons qui peuvent notamment être l'absence ou l'insuffisance d'un suivi éducatif spécifique ou des problèmes d'inadaptation. De même, on en rencontre fréquemment qui, apparaissant dotés de ces hautes capacités, rencontrent des problèmes de marginalisation et de rejet par le groupe, qui contribuent également à aggraver chez eux le risque d'échec scolaire. Détecter et suivre dûment les élèves à hautes capacités représente un élément qui peut et doit contribuer à faire baisser le taux de décrochage scolaire et augmenter celui des titulaires d'un diplôme de l'enseignement supérieur, constituant l'un des objectifs éducatifs fondamentaux du «programme Europe 2020: une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive».

3.2   Détection et suivi pédagogique des élèves à hautes capacités

3.2.1

Améliorer le suivi des élèves à hautes capacités fait intervenir plusieurs éléments distincts: détection initiale, évaluation psychopédagogique et sociale, pour confirmer ou infirmer la présence de ces facultés, et, enfin, réponse ou prise en charge pédagogiques proprement dites, qui peuvent s'effectuer tant au moyen de l'éducation formelle que de l'éducation non formelle.

3.2.2

Il est communément admis qu'un nombre considérable de sujets à hautes capacités échappent aux procédures de détection en la matière. Celles-ci peuvent être lancées à partir de la fin de l'enseignement préprimaire ou au début du primaire. Comme pour tout élève qui présente des besoins spécifiques d'assistance éducative, il est plus facile, lorsque la détection des hautes capacités s'effectue de manière précoce, d'y apporter la réponse adéquate et le suivi pédagogique nécessaire et d'éviter, par la suite, d'éventuelles situations d'échec ou de décrochage scolaires. Bien qu'il soit également possible de détecter les hautes capacités à des stades d'éducation ou de vie plus avancés, cette observation confère une importance toute particulière au processus de détection initiale et d'évaluation psychopédagogique des effectifs d'élèves susceptibles de présenter de hautes capacités.

3.2.3

Habituellement, la détection initiale de l'élève à hautes capacités s'enclenche lorsque ses parents ou ses professeurs remarquent que l'enfant se démarque des autres garçons ou filles de son âge, ou montre parfois des signes d'inadaptation. Ce repérage préliminaire, qui devra ensuite recevoir une confirmation ou une infirmation de la part de spécialistes, peut reposer sur les indicateurs suivants:

son maniement de la langue: l'étendue de son vocabulaire, sa précision dans l'emploi des termes, la complexité de la structure de ses phrases,

son excellente compréhension d'idées compliquées et abstraites, les capacités dont il fait preuve, dans le même temps et à un niveau inattendu compte tenu de son âge, pour développer ou élaborer des idées,

la qualité de ses questions, qui peuvent être inhabituelles, originales, compliquées ou encore empreintes de maturité et d'intentions,

sa capacité à élaborer des stratégies méthodiques et multiples pour résoudre des problèmes,

son don d'apprentissage rapide et facile, dès lors que son intérêt est éveillé,

son comportement de la plus haute créativité pour produire des idées, des objets ou des solutions à des problèmes spécifiques.

3.2.4

Pour les tranches d'âge les plus précoces (jusqu'à 4 ou 5 ans), il convient de montrer la plus grande prudence pour verser un élève dans la catégorie des sujets à hautes capacités, étant donné que le phénomène de la précocité ou la présence de situations familiales stimulant fortement l'activité scolaire peut donner lieu à un diagnostic prématuré (qui, éventuellement, n'est alors ni stable, ni exact). Dans ces cas, il sera opportun de procéder à une réévaluation de la situation quand l'individu concerné soit consolidera ses hautes capacités, soit, au contraire, se rapprochera des paramètres de la normalité.

3.2.5

Dans les milieux sociaux défavorisés, il arrive souvent qu'un profil de hautes capacités soit masqué par des difficultés ou des manques d'ordre socio-économique voire même par les faibles attentes des établissements d'enseignement eux-mêmes et se manifeste moins facilement que dans d'autres catégories. Il importe de tenir compte de cet élément et de prêter une attention particulière au développement et à l'évolution des enfants et des jeunes qui appartiennent à ces environnements défavorisés, afin de leur offrir la prise en charge éducative dont ils ont besoin et qui comporte notamment la détection de ceux d'entre eux qui sont susceptibles de présenter un profil correspondant à de hautes capacités.

3.2.6

Parmi les aspects ou attentes dont il convient de se garder en ce qui concerne les élèves et les jeunes à hautes capacités, on notera les points suivants:

escompter que l'enfant surdoué se distinguera dans tous les domaines lors de son développement et qu'il sera émotionnellement mûr, doté d'un degré élevé d'autocontrôle, indépendant, responsable et soucieux de plaire à son professeur,

penser qu'il s'illustrera dans tous les domaines de son parcours scolaire. Les enseignants nourrissent l'espoir que les élèves «brillants» brilleront par leurs réalisations dans tous les domaines,

espérer que les enfants dotés de grandes capacités seront des plus motivés pour s'illustrer à l'école et qu'ils effectueront avec application et intérêt toute tâche qui leur sera proposée.

3.2.7

Dès lors que les parents ou les enseignants d'un enfant ou d'un jeune pressentent qu'il pourrait présenter un profil à hautes capacités, la détection initiale nécessite des instruments d'évaluation spécifiques et doit être effectuée par des spécialistes professionnels de l'évaluation psychopédagogique qui peuvent compter sur la collaboration des professeurs de l'établissement scolaire. Cette expertise doit être la plus variée et la plus complète possible et comporter différents volets (environnement scolaire, social et familial) et des moyens diversifiés de collecte d'information, le but étant de pouvoir les appliquer à tout élève, quelles que soient ses origines familiales et sociales. Cet examen étendu et diversifié permet d'établir le rapport psychopédagogique définitif, qui confirme ou infirme la présence de hautes capacités.

3.3   Suivi pédagogique des élèves à hautes capacités

3.3.1

Une fois que la présence de hautes capacités a été confirmée, les facteurs et paramètres qui peuvent faciliter une réponse éducative adaptée au cas des élèves et jeunes concernés sont les suivants:

une ambiance stimulante, propice au développement de leur potentiel,

l'autonomie et l'autocontrôle,

sentiment de faire partie d'un groupe d'amis et de camarades,

un entourage qui les accepte et leur fait confiance,

un enseignement adapté à leurs besoins et un rythme d'apprentissage personnalisé,

la possibilité d'un parcours scolaire souple, qui leur permette d'approfondir les matières,

l'accès à des ressources pédagogiques supplémentaires, en complément de l'offre éducative classique,

l'assouplissement de l'enseignement qu'ils suivent, sur des aspects tels que les horaires, les activités, les moyens, les matières ou les groupements,

la participation des élèves à la planification de leur processus personnel d'apprentissage.

3.3.2

Les divers modèles pédagogiques et systèmes éducatifs adoptent des démarches différentes quant à la manière de répondre aux besoins éducatifs que présente l'élève à hautes capacités. L'adoption des dispositions en la matière peut s'inscrire dans deux tendances distinctes:

a)

l'éducation différenciée: l'on forme dans un même établissement d'enseignement des groupes d'élèves homogènes en fonction de leurs capacités et de leur niveau d'apprentissage respectifs,

b)

l'éducation inclusive: les groupes d'élèves sont hétérogènes et le centre pédagogique offre des prises en charge adaptées à la diversité des élèves dans chaque groupe.

3.3.3

À l'heure actuelle, l'éducation inclusive constitue le paradigme dominant dans les différents systèmes éducatifs de l'Union européenne. Elle implique la volonté d'offrir à tous les élèves qui parcourent les premières étapes éducatives un enseignement commun et un environnement scolaire attentif qui tienne compte de la diversité et évite de constituer prématurément des groupes homogènes. Cette approche permet tout à fait que dans les stades de l'éducation qui suivent ceux de l'enseignement obligatoire ou quand les lycéens approchent du terme de leur formation secondaire et sont près d'entamer leur parcours universitaire, certains États membres de l'Union européenne s'emploient à effectuer des expériences visant l'épanouissement de talents spécifiques, ou des expériences de groupes plus homogènes, destinées à des étudiants qui présentent de hautes capacités ou réalisent des performances scolaires élevées. L'analyse de la réalité actuelle laisse deviner quelle sera probablement la tendance du futur, qui consistera à conserver l'éducation inclusive pour les premières étapes du parcours pédagogique et ouvrir la voie pour des essais spécifiques de groupes homogènes aux stades d'enseignement plus avancés ou post-obligatoires.

3.3.4

S'agissant des élèves qui présentent un profil à hautes capacités, certaines mesures pédagogiques spécifiques peuvent être adoptées au sein même de l'établissement éducatif – étant entendu que certaines d'entre elles, de nature courante, sont applicables à l'ensemble de la population scolaire. Elles se présentent comme suit:

mesures de nature courante:

présentation de contenus avec différents degrés de difficulté, groupements à caractère souple, diversification des activités et extension du programme ordinaire,

enrichissement de l'enseignement, qui est organisé autour de la motivation et de l'intérêt de l'élève pour des thèmes spécifiques et articulé par ses propres soins,

mesures de nature moins habituelle: interventions impliquant une adaptation du programme, dont l'élève réalise lui-même l'extension ou l'enrichissement, par des modulations personnelles dudit programme,

mesures de nature exceptionnelle: actions supposant un assouplissement des différents cycles et enseignements, avec réduction de leur durée, l'élève pouvant être scolarisé avec des condisciples plus âgés. Elles ne s'appliquent que dans un très petit nombre de cas, pour quelque 3 % des élèves présentant un profil de hautes capacités.

3.3.5

En dehors de l'école, les élèves à hautes capacités peuvent participer à des activités qui, pour être programmées, sont moins réglementées que les activités scolaires et leur permettent d'entrer en contact avec des condisciples à hautes capacités d'autres centres d'enseignement. Les activités hors programme de ce type sont assez étendues et offrent un panorama des plus variés. Elles pourraient être soutenues par les États, les administrations publiques et l'Union européenne.

3.3.6

Ces deux types de prise en charge pédagogique, éducation formelle et éducation non formelle, ne constituent pas des voies qui s'excluent mutuellement. Un effort pour améliorer le suivi des élèves à hautes capacités doit englober l'un et l'autre aspect, c'est-à-dire une double prise en charge, l'une à l'intérieur de leurs centres scolaires et pendant les heures d'école, similaire à celle que requièrent tous les élèves nécessitant un soutien spécifique, et l'autre, complémentaire et hors programme, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur de l'établissement d'enseignement.

3.3.7

À l'heure actuelle, le grand défi qui reste à relever est d'assurer une amélioration notable de la prise en charge pédagogique des élèves à hautes capacités au sein de leur établissement, qui requiert d'améliorer la formation initiale et continue du corps professoral pour ce qui est de les détecter et de les accompagner pédagogiquement, dans le cadre général d'une prise en compte de la diversité de la population scolaire.

3.3.8

Libérer le potentiel de tous les jeunes de l'Union européenne et, en particulier, de ceux qui sont surdoués représente une question qui n'est pas du seul ressort du monde de l'éducation. Il importe tout autant de mettre à exécution une politique économique et sociale qui permette d'offrir à ces personnes, dès leur jeune âge, des emplois et des perspectives pour tirer parti de leurs dons. En l'occurrence, l'Europe assume une mission capitale, qui est de prévenir et d'empêcher l'exode des personnes les plus talentueuses, partant en quête d'autres endroits de la planète où leurs capacités trouveront à s'employer.

4.   Le suivi des élèves à hautes capacités dans le contexte européen

4.1   Vue d'ensemble

4.1.1

Au cours de ces dernières années, différentes études se sont attelées à brosser un tableau général de la situation qui prévaut dans l'ensemble de l'Union européenne en ce qui concerne les hautes capacités intellectuelles (4). Les informations qui se dégagent de leur contenu sont les suivantes:

d'une manière générale, les études révèlent et mettent en évidence la nécessité de changer et de remanier les pratiques des établissements d'enseignement, afin d'améliorer l'attention accordée à la diversité de la population scolaire qui inclut les élèves à hautes capacités,

la législation en matière d'éducation des différents pays tient compte de l'existence des élèves à hautes capacités, mais elle varie fortement lorsqu'il s'agit de déterminer si ces élèves nécessitent ou non des mesures spécifiques de suivi pédagogique,

les critères pour la détection des hautes capacités s'élargissent peu à peu, dépassant la conception traditionnelle, axée exclusivement sur l'évaluation de l'intelligence, et font intervenir en règle générale également des tests spécifiques qui évaluent la créativité et l'originalité ainsi que les rapports scolaires, sociaux et familiaux fournis par les professeurs et les familles,

en matière d'assistance aux élèves à hautes capacités, les actions de nature extrascolaire s'inscrivant dans le cadre de l'éducation non formelle prédominent généralement sur celles qui s'inscrivent dans les programmes ou sont réalisées dans le centre éducatif classique durant les heures d'école. Les concours et tournois spécifiques s'adressant à des talents particuliers (sciences, technologie, sports, musique, etc.) sont plus fréquents que les initiatives destinées aux hautes capacités en général,

il existe une marge de progression importante en matière de formation, tant initiale que continue, du corps professoral concernant le repérage et le suivi des hautes capacités.

4.2   Législation et prise en charge pédagogique

4.2.1

Il existe dans tous les pays de l'Union européenne des associations privées de professionnels ou de familles qui organisent des activités extrascolaires destinées à exploiter les dons des élèves à hautes capacités. En outre les administrations de certains États qui sont chargées de l'enseignement promeuvent également des actions ou collaborent à leur promotion.

4.2.2

Dans les pays dont se compose l'Union européenne, l'éventail couvert par la prise en charge pédagogique des élèves à hautes capacités est le suivant:

la quasi-totalité des pays qui constituent l'Union européenne prévoient dans leur législation l'un ou l'autre type de mesures pédagogiques qui font référence à ces élèves. Certains pays ont édicté des dispositions éducatives générales, applicables à l'ensemble des étudiants mais n'établissent pas de distinction entre les élèves hautement doués ou pourvus de talents et les autres, car elles visent l'excellence de tous,

la majorité des pays établissent des groupements hétérogènes d'élèves dotés de capacités différentes, en s'efforçant de laisser la possibilité de réaliser un suivi des élèves au sein de chaque groupe. Par ailleurs, certains pays procèdent à des groupements homogènes d'élèves en fonction de leurs capacités et de leurs résultats scolaires bien que certains d'entre eux ne le font que pour rassembler des talents sportifs ou artistiques,

en ce qui concerne les moyens d'assouplir ou d'accélérer l'enseignement, à savoir la possibilité pour un élève de suivre les cours d'un niveau scolaire plus élevé que celui de son âge, des possibilités en ce sens sont prévues dans la législation de la majorité des pays, sans qu'il existe de critère uniformisé pour la mettre en œuvre. Certains États membres autorisent les élèves particulièrement doués de l'enseignement secondaire à participer précocement à des projets et à suivre des cours personnalisés dans les universités.

4.3   Formation du corps professoral

4.3.1

Malgré le contexte économique actuel difficile, qui touche également le système éducatif, et les défis auxquels sont confrontés les enseignants dans leur travail quotidien, il est nécessaire d'améliorer la formation spécifique du corps professoral dans ce domaine, tant initiale que continue.

4.3.2

La plupart des pays de l'Union européenne prévoient, dans les programmes d'études officiels destinés à former leurs futurs professeurs, une forme d'enseignement spécifique qui les initie au suivi des élèves à hautes capacités en tant que matière spécifique ou dans le cadre de la matière générale portant sur l'attention à accorder à la diversité de la population scolaire.

4.3.3

Dans leurs plans en la matière, seulement la moitié des pays assurent à leurs enseignants une formation continue gérée par des organismes publics, cette filière formative officielle voisinant avec l'offre de certains établissements privés.

4.3.4

Si l'on analyse l'état de la question dans l'Union européenne, on peut dire en substance que le panorama qui se dessine présente une grande marge d'amélioration dans les domaines suivants:

la formation initiale et continue du corps professoral, dans le but d'améliorer la perception qu'ont les enseignants des élèves à hautes capacités, de mieux leur faire connaître ce profil d'élèves, ainsi que les méthodes pour le détecter et appliquer un suivi pédagogique spécifique,

l'intégration dans la formation du corps professoral des valeurs de l'humanisme, de la réalité du pluriculturalisme, de l'utilisation à des fins pédagogiques des technologies de l'information et de la communication et enfin, de la stimulation de la créativité, de l'esprit d'innovation et de la capacité d'initiative,

la mise en commun des procédures d'évaluation psychopédagogique et des paramètres sociaux et familiaux qui interviennent dans le repérage des élèves dotés de hautes capacités intellectuelles. Cette détection doit s'effectuer à un âge précoce mais doit également se prêter à être réalisée à des étapes éducatives plus avancées et y compris sur les lieux de travail des personnes ayant déjà un emploi,

la conception et l'exécution de mesures de suivi pédagogique destinées à la catégorie des élèves à hautes capacités intellectuelles ou présentant d'autres caractéristiques exceptionnelles, à l'intérieur comme à l'extérieur des établissements d'enseignement ordinaire dans le cadre de l'éducation non formelle: programmes d'enrichissement des contenus pédagogiques,

l'élaboration et le lancement de mécanismes et procédures qui facilitent l'éducation tout au long de la vie des personnes à hautes capacités intellectuelles, en particulier lorsqu'elles accèdent à l'université et en suivent les cours.

Bruxelles, le 16 janvier 2013.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Les études sur les hautes capacités intellectuelles et leurs réponses pédagogiques incluent les publications suivantes:

 

Martínez Torres, Mercé. et Guirado, Ángel (coords.) Altas capacidades intelectuales. Pautas de actuación, orientación, intervención y evaluación en el período escolar (Hautes capacités intellectuelles – procédures, orientation, intervention et évaluation durant la période scolaire), Barcelone, Editorial Graó, 2012.

 

Torrego, Juan Carlos. (coord.), Alumnos con altas capacidades y aprendizaje cooperativo.Un modelo de respuesta educativa (Élèves à hautes capacités intellectuelles et apprentissage coopératif – Un modèle de réponse pédagogique), Madrid, Fondation SM, 2012.

 

Pfeiffer, Stephen: Current perspectives on the identification and assessment of gifted students, (Perspectives actuelles pour la détection et l'évaluation des étudiants doués), dans le Journal of Psychoeducational assessment (Journal d'évaluation psychopédagogique), 2011.Wallace, B. et Erikson, G.: Diversity in Gifted Education. International perspectives on global issues (Diversité dans l'éducation des élèves doués, perspectives internationales pour les questions globales), New York, Routledge, 2006.

 

Sternberg, R.J. et Davidson, J.E.: Conceptions of giftedness (Conceptions du surdouement), Cambridge University Press, 2005.

 

Sternberg, R J. (ed.) Definitions and conceptions of giftedness (Définitions et conceptions du surdouement), Thousand Oaks, Corwin Press, 2004.

(2)  Sur la base du groupe social le plus étudié, à savoir la population en âge scolaire, les estimations du pourcentage de personnes présentant un profil de hautes capacités oscillent entre 2 et 15 % de la population selon les indicateurs utilisés pour effectuer cette estimation. Le critère le plus courant, celui du quotient intellectuel, prenait généralement comme référence un quotient intellectuel égal ou supérieur à 130, ce qui s'applique à environ 2 % de la population. Actuellement, il est admis que ce critère est très restrictif et que l'évaluation des capacités intellectuelles n'est qu'un des facteurs à prendre en compte lorsqu'il s'agit de déterminer les hautes capacités. C'est pourquoi la notion de hautes capacités s'est élargie et inclut des facteurs tels que la créativité, l'originalité, la capacité à établir des liens, déduire et extrapoler. Dans cette perspective plus actuelle, le pourcentage des personnes à hautes capacités peut s'élever à 10 voire 15 % de l'ensemble de la population, bien que les estimations généralement acceptées varient entre 5 et 10 % de la population. Comme introduction au sujet, voir les études déjà classiques de Joseph Renzulli ou les études plus récentes de Borland, J.H. Myth 2. The gifted constitute 3 % to 5 % of the population (Mythe no2, les doués représentent 3 à 5 % de la population) dans Gifted child quarterly, 53, 2009, Miraca, G.: Exceptionally gifted children (Les enfants exceptionnellement doués), New York, Routledge, 2004, et Robson, D.: High IQ kids: collected insights, information and personal stories from the experts (Les enfants à QI élevé: recueil de perspectives, d'informations et de cas personnels en provenance d'experts), Free spirit publishing, 2007.

(3)  Par exemple, entre 1999 et 2012, le Programa de Enriquecimiento Educativo para Alumnos con Altas Capacidades de la Comunidad de Madrid (Programme d'enrichissement pédagogique pour les élèves à hautes capacités de la communauté de Madrid) (Espagne) a enregistré une participation, variant à peine, de 70 % d'étudiants et de 30 % d'étudiantes. Sur le même thème, voir également Pérez, L. Domínguez P. et Alfaro, E. (coords.) Actas del Seminario: situación actual de la mujer superdotada en la sociedad (Rapport sur le séminaire: situation actuelle des femmes surdouées dans la société), Madrid, Consejería de Educación, 2002.

(4)  Pour une analyse détaillée de la situation actuelle du suivi pédagogique des élèves à hautes capacités dans les États membres de l'UE, voir les publications suivantes:

 

La atención a los alumnos con altas capacidades en la Unión Europea (Le suivi des élèves à hautes capacités dans l'Union européenne), dans De todo un poco, 11, publication annuelle du Programa de Enriquecimiento Educativo para Alumnos con Altas Capacidades de la Comunidad de Madrid (Programme d'enrichissement pédagogique pour les élèves à hautes capacités de la communauté de Madrid), pp. 21-29, Madrid, 2009.

 

Gifted Learners. A survey of educational policy and provision (Les élèves doués - Vue d'ensemble de la politique et des dispositions éducatives). Agence européenne pour le développement de l'éducation pour les élèves à besoins spécifiques, 2009.

 

Eurydice (2006), Specific Educations Measures to promote all Forms of Giftedness at School in Europe (Mesures pédagogiques spécifiques pour la promotion scolaire de toutes les formes de talent en Europe), Bruxelles, unité Eurydice.

 

Monks, F.J., Pflüger, R, Gifted Education in 21 European Countries: Inventory and Perspective (L'éducation des élèves doués dans 21 pays européens: état des lieux et perspectives), Université de Nimègue, 2005.


14.3.2013   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 76/8


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «La dimension de genre dans la stratégie Europe 2020» (avis d'initiative)

2013/C 76/02

Rapporteure: Mme Joana AGUDO I BATALLER

Corapporteure: Mme Grace ATTARD

Le 12 juillet 2012, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis sur:

«La dimension de genre dans la stratégie Europe 2020».

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 20 décembre 2012.

Lors de sa 486e session plénière des 16 et 17 janvier 2013 (séance du 17 janvier 2013), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 200 voix pour, 6 voix contre et 4 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

Le CESE:

1.1

Approuve et soutient le principe selon lequel la «stratégie Europe 2020 – une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive» (1) et la «stratégie pour l'égalité entre les hommes et les femmes» (2) doivent se renforcer mutuellement. Aussi est-il indispensable d'intégrer la dimension de genre (gender mainstreaming) et les mesures spécifiques y relatives aux objectifs, à l'exécution, au suivi et à l'évaluation des politiques mises en œuvre dans le cadre de la SE 2020.

1.2

Considère qu'il est essentiel de faire en sorte que la dimension de genre soit traitée de manière spécifique, ce qui n'a été le cas jusqu'ici dans aucune des sept initiatives phares de la SE 2020. Pour cela, il lui paraît indispensable d'intégrer systématiquement la dimension de genre dans les programmes nationaux de réformes (PNR) ainsi que dans le semestre européen, surtout compte tenu du fait que la situation économique requiert une efficacité accrue dans l'application des politiques et une utilisation des ressources plus efficiente, reconnaissant ainsi l'impact négatif de l'inégalité entre les hommes et les femmes sur la croissance économique.

1.3

Soutient les recommandations spécifiques par pays, dans lesquelles la Commission invite instamment les États membres à revoir les budgets consacrés aux PNR de manière à ce que les mesures politiques tiennent compte du principe d'égalité entre les femmes et les hommes. Il importe que les réunions ministérielles de réexamen et de suivi garantissent l'application et la continuité de ces recommandations et donnent de la visibilité aux progrès réalisés en matière de politique d'égalité. Il faut par conséquent utiliser les fonds européens de manière cohérente, en particulier le Fonds social européen.

1.4

Recommande que le prochain cadre financier pluriannuel 2014-2020 mette à disposition des fonds spécifiques pour progresser en matière de droits de la femme et d'égalité entre les hommes et les femmes. Selon le CESE, il faut une visibilité du financement et celui-ci doit être approprié pour garantir l'application et la transparence en vue de favoriser le soutien aux politiques d'égalité ainsi qu'aux activités et aux projets relevant de tous les domaines de compétences de l'UE.

1.5

Estime que compte tenu des différentes situations concrètes qui prévalent dans les pays, les régions et les secteurs, il y a lieu de prendre des mesures permettant d'améliorer la situation dans le contexte social et d'accroître la participation des femmes au marché du travail, sans oublier le soutien à la création d'entreprises. Le potentiel qu'elles représentent tant au plan quantitatif que qualitatif doit être favorisé dans les différents volets de la SE 2020: innovation, recherche, éducation et formation professionnelle, société numérique, climat et économie verte, énergie, mobilité, compétitivité, emploi, qualifications, exclusion sociale et pauvreté.

1.6

Souligne l'importance de l'engagement et de la participation des partenaires sociaux, aux niveaux européen, national, territorial et sectoriel et à tous les stades de la mise en œuvre des différentes politiques, pour permettre l'évolution nécessaire en matière d'égalité entre les femmes et les hommes dans tous les pays de l'Union européenne. Le dialogue social et les accords de négociation collective sont des instruments fondamentaux pour compléter les programmes nationaux de réforme avec la dimension de genre. Le cadre d'action pour l'égalité entre les femmes et les hommes qui est celui des partenaires sociaux européens est un exemple important à cet égard, qui devrait se refléter dans la SE 2020.

1.7

Souligne l'importance de l'intégration de la dimension de genre dans la mise en œuvre de chacune des sept initiatives phares. Pour cela, il faudrait connaître la situation spécifique et différente des hommes et des femmes en ce qui concerne le marché du travail et la formation tout au long de la vie; l'accès à tous les niveaux d'éducation et d'emploi; la pauvreté et les risques d'exclusion; l'accessibilité et l'utilisation des nouvelles technologies dans le secteur numérique ainsi que la participation à tous les niveaux de la formation, de la recherche et de la production, en particulier dans les nouveaux secteurs émergents. Le CESE recommande de mettre l’accent sur l’éducation numérique des femmes qui sont trop peu présentes dans les métiers de l’informatique productive. De même, il juge indispensable que la Commission et les États membres utilisent les indicateurs de genre existants et en établissent de nouveaux dans les domaines où il n'y en a pas.

1.8

Pense qu'en raison de la gravité de la situation en matière de chômage des jeunes et d'abandon scolaire qui prévaut dans la plupart des États membres, et qui frappe différemment les jeunes hommes et les jeunes femmes, il est impératif d'intégrer de manière plus approfondie la dimension de genre dans la mise œuvre des politiques liées à la jeunesse.

1.9

Appelle les États membres à prendre en considération les recommandations spécifiques de la Commission et à arrêter des mesures pour accroître la quantité et la qualité de l'emploi des femmes dans tous les pays. Il faut pour cela améliorer l'accessibilité et la qualité de services publics à l'enfance et aux personnes âgées qui soient abordables, mettre fin aux écarts de salaires, appliquer des mesures permettant de concilier vie de famille et personnelle et vie professionnelle (faciliter l'obtention des congés de paternité et les congés payés).

1.10

Rappelle que la SE 2020 doit favoriser et soutenir, en collaboration avec les partenaires sociaux, les accords et les mesures qui soient spécifiques et efficaces et de nature à garantir la santé et la sécurité des femmes enceintes sur leur lieu de travail et de celles qui viennent de donner naissance. Le CESE a soutenu la proposition de la Commission de prendre des mesures pour fixer une durée appropriée du congé de maternité, qui doit être de 18 semaines au minimum (3).

1.11

La crise a touché, à des degrés divers toutefois selon les pays, les régions et les secteurs, la vie des personnes et a accentué certains problèmes de coexistence et de santé. Le CESE estime dès lors qu'il faut accorder une attention particulière à la mise en œuvre de mesures contribuant à pallier les effets négatifs de cette situation (stress, violence et harcèlement dans la sphère familiale et professionnelle (4)). Un engagement collectif est par conséquent essentiel pour promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes au sein de la société, supprimer les inégalités structurelles et modifier la répartition des rôles entre eux et les stéréotypes de genre.

1.12

Considère que faire progresser la participation des femmes aux processus décisionnels doit être une priorité, en particulier dans les secteurs et les entreprises considérés comme stratégiques et d'avenir dans le cadre de la SE 2020. Le Comité émettra sous peu un avis sur la proposition de la Commission d'adopter des mesures contraignantes au niveau européen pour accroître cette participation.

1.13

Constate avec préoccupation les coupes opérées dans les services sociaux et de protection des catégories les plus défavorisées et exposées au risque d'exclusion sociale et de pauvreté. Les mesures à mettre en œuvre dans le cadre de la SE 2020 devraient combattre plus spécialement la féminisation croissante de la pauvreté et viser à intégrer les femmes, avec, sur le court terme, des incitations à l'insertion dans le marché du travail et, sur le long terme, l'accès à la formation de base et aux nouvelles compétences, l'utilisation des nouvelles technologies et de nouvelles formes d'organisation du travail, conciliant vie professionnelle et vie familiale. Le CESE estime qu’après 60 ans de construction européenne il n’est pas acceptable de laisser l'écart de salaire permanent entre hommes et femmes servir de variable d’ajustement ni de laisser s’installer la précarisation des salariées femmes. Il estime que les États membres doivent inclure en urgence dans leurs PNR des mesures qui procurent aux femmes travail stable, avec un salaire et des retraites décents.

1.14

Pour atteindre les objectifs de la SE 2020 et de la stratégie pour l'égalité, le CESE juge qu'il est prioritaire d'envoyer aux parties prenantes et à la société européenne en général un message clair sur la nécessité d'accroître les mesures en vue de progresser davantage en matière d'égalité. Pour ce faire, il faut en premier lieu une coordination et une coopération plus étroite entre toutes les institutions européennes: Parlement européen, Commission, Conseil et Banque centrale européenne ainsi que Comité économique et social européen et Comité des régions, et en second lieu, intégrer ces aspects d'égalité à tous les niveaux, dans la composition (5) et le travail quotidien des groupes, sections et commissions de ces institutions.

2.   Introduction

2.1

La SE 2020, adoptée en 2010, a défini la voie à suivre pour garantir la croissance de l'Union européenne dans un contexte économique difficile qui laissait déjà entrevoir les difficultés financières et politiques que traverse actuellement l'Union. La SE 2020 contient une série de mesures pour permettre aux États membres de relever, d'une manière efficace et unitaire, les défis que pose la crise, tout en relançant un modèle de croissance plus intelligente, durable et inclusive.

2.2

Un nouveau processus de gouvernance économique, appelé «semestre européen» a également été créé dans le double but de synchroniser l'évaluation des politiques budgétaires et structurelles des États membres et de permettre le contrôle de l'application de la stratégie.

2.3

En parallèle, la Stratégie pour l’égalité établit le programme de travail de la Commission en matière d'égalité entre les femmes et les hommes. Cette proposition politique suit le programme de travail pour l'égalité entre les femmes et les hommes (2006-2010) (6) et constitue à ce jour la principale tentative de définir un ensemble d'objectifs stratégiques et d'indicateurs sur l'égalité entre les genres.

2.4

Depuis 1996, l'UE a adopté une double approche pour l'égalité entre les femmes et les hommes consistant en, d'une part, des mesures spécifiques pour mettre fin aux discriminations existantes à l'encontre des premières et, d'autre part, un principe d'«intégration des questions d'égalité entre les hommes et les femmes»(gender mainstreaming) dans les décisions politiques (7).

2.5

Le CESE soutient le principe selon lequel l'application correcte de la SE 2020 doit être conforme à la stratégie pour l'égalité si l'on veut apporter une réponse plus efficace aux défis de la crise, car elles se renforcent mutuellement, et il rejoint par conséquent l'avis du Parlement européen. Par ailleurs, le Pacte européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes (2011-2020), adopté par le Conseil en mars 2011 (8), fait remarquer qu'il existe un lien étroit entre les deux stratégies et lance un appel à l'application combinée d'instruments permettant de sortir de la crise.

3.   La SE 2020 – une analyse de la dimension de genre

3.1

Aucune des initiatives phares ne traite spécifiquement de l'égalité entre les hommes et les femmes et cette problématique n'est mentionnée dans aucun des cinq objectifs quantifiables, à l'exception du taux d'emploi, à propos duquel on en appelle à une plus grande participation des femmes au marché du travail. Cela témoigne d'une profonde contradiction avec les principes énoncés au début de la SE 2020, où l'on affirme que le respect de l'égalité est l'un des facteurs essentiels pour surmonter la crise économique, au même titre que la solidarité économique, sociale et territoriale, le respect de l'environnement et la diversité culturelle.

3.2

Plusieurs institutions européennes et organisations représentant la société civile ainsi que les partenaires sociaux ont largement souligné la nécessité d'ériger le principe d'égalité entre les hommes et les femmes en priorité de la nouvelle stratégie d'action et de le considérer comme un facteur clé pour la compétitivité et la croissance. Selon le Parlement européen, il aurait fallu inclure dans le texte la pleine participation des femmes au marché du travail et à la formation professionnelle, ainsi qu'un programme qui aurait pour objectif d'éliminer les écarts de salaires entre les hommes et les femmes.

3.3

La formulation de la SE 2020 n'a pas reçu un soutien unanime et a fait l'objet de diverses critiques concernant aussi bien son contenu jugé trop général, que sa structure trop complexe et le caractère excessivement économique de son approche qui ne tient pas suffisamment compte des aspects sociaux. Concernant l'égalité entre les hommes et les femmes, on constate un net recul par rapport aux précédentes stratégies pour l'emploi. Un seul volet concret visible est explicité, le taux d'emploi des femmes, mais en faisant clairement l'impasse sur les aspects qualitatifs du travail et la diversité des situations de départ sur le marché du travail. Même les objectifs quantitatifs par sexe qui existaient dans la stratégie de Lisbonne ont disparu.

3.4

Le CESE considère que ni la SE 2020 ni la stratégie pour l'égalité n'atteindront leurs objectifs en l'absence de mesures concrètes permettant d'améliorer la situation des femmes dans l'environnement social et professionnel. Leur potentiel quantitatif et qualitatif doit être soutenu comme condition indispensable dans les différents domaines de la SE 2020. À défaut de mesures concrètes prises dans le cadre des sept initiatives phares, il sera impossible d'avancer dans les priorités de la SE 2020: une croissance intelligente, durable et socialement inclusive ne peut devenir réalité sans une politique d'égalité.

3.5

Les plans de réforme des différents États membres doivent reconnaître la valeur ajoutée pour l'économie du travail des femmes comme celle que procurerait la professionnalisation des services à la personne (9) et les problèmes spécifiques qu'elles rencontrent sur le marché de l'emploi (accès à tous les niveaux et pour toutes les tranches d'âge, carrière professionnelle, continuité, etc.), mais aussi dans la société par rapport à tous les aspects sociaux que la stratégie pour l'égalité signale comme étant essentiels. Pour pouvoir sortir de la crise et relever les nouveaux défis, la SE 2020 doit être mise en œuvre selon des programmes, des plans et des mesures spécifiques qui permettent de faire progresser l'égalité. Or il est impossible de le faire sans tenir compte de l'impact que peuvent avoir les mesures contre la crise sur les hommes et les femmes en fonction de leurs situations de départ différentes.

3.6

Le CESE manifeste sa préoccupation face à l'absence de mesures concrètes et d'indicateurs spécifiques de genre. Cela empêche d'effectuer un suivi et une évaluation pour déterminer si la SE 2020 progresse ou pas et démontre que le semestre européen ne dispose pas des instruments nécessaires pour combattre l'inégalité en tenant compte des différents points de départ qui sont fonction des réalités de genre, lesquelles varient selon les pays, les secteurs et les domaines.

3.7

La SE 2020 devrait fournir des instruments efficaces pour évaluer le rôle des femmes dans la croissance de l'Union et la valeur ajoutée qu'elles représentent au plan social, comme le souligne l'avis du CESE (10), qui coïncide avec une étude réalisée sous la présidence suédoise (11). Cette étude souligne notamment que l'égalité sur le marché de l'emploi permettrait d'accroître le produit intérieur brut (PIB) des États membres de 27 % en moyenne.

4.   Priorités de la stratégie pour l'égalité entre les femmes et les hommes (2010-2015)

4.1

Adoptée en 2010, la stratégie pour l'égalité est étroitement liée à la SE 2020, en ce qui concerne tous les aspects et les initiatives phares, en particulier lorsqu'il s'agit de concevoir et d'appliquer des mesures nationales appropriées, par le biais de l'assistance technique, des fonds structurels ou des principaux instruments de financement comme le septième programme-cadre de recherche. Conformément aux lignes directrices pour l'emploi et l'évaluation des politiques nationales, la Commission suivra attentivement la situation en vue de réduire les inégalités et de favoriser l'inclusion sociale des femmes.

4.2

La stratégie fait également référence au rôle des hommes dans la promotion de l'égalité de genre et indique que leur participation est importante pour que puissent se produire les changements nécessaires dans les rôles respectifs des hommes et des femmes au sein de la société, tant dans la sphère familiale que professionnelle.

4.3

La stratégie pour l'égalité prévoit des actions dans cinq domaines prioritaires définis dans la Charte des femmes et un chapitre de questions transversales: a) Indépendance économique égale; b) Égalité de rémunération pour un même travail ou un travail de même valeur; c) Égalité dans la prise de décision; d) Dignité, intégrité et fin des violences fondées sur le sexe; e) Égalité entre les femmes et les hommes en dehors de l'Union; f) Questions horizontales (rôles en fonction du sexe, législation, gouvernance et outils de l'égalité).

4.4

Le CESE partage l'idée de la Commission selon laquelle les instruments européens, tels que le marché unique, les leviers financiers et les instruments de politique extérieure doivent être pleinement mobilisés pour faire face aux problèmes et atteindre les objectifs de la SE 2020, mais considère qu'il est nécessaire d'assurer un suivi de la cohérence entre l'application des principes de la stratégie pour l'égalité et celle des principaux instruments de la SE 2020, en particulier les sept initiatives phares et les lignes directrices, étant donné que ces initiatives seront mises en œuvre aussi bien au niveau de l'UE que de ses États membres.

5.   La dimension de genre dans les sept initiatives phares  (12)

5.1   «Programme relatif aux nouvelles qualifications et à l'emploi»

5.1.1

Dans son avis sur le thème «Examen annuel de la croissance» (13) le CESE a déjà souligné, entre autres, la nécessité d'encourager davantage la qualité dans la création d'emplois. À l'heure actuelle et compte tenu de la crise et de ses effets économiques et sociaux, les institutions européennes et les États membres doivent veiller à garantir que l'on poursuive dans cette voie.

5.1.2

Le CESE considère que pour mettre en œuvre cette initiative, il est nécessaire de tenir compte de la situation actuelle des femmes dans le monde de l'emploi, car si elles représentent aujourd'hui 44 % de la population active européenne, leur situation est toujours différente et vulnérable à plusieurs niveaux: taux d'emploi plus bas, différences de salaire, concentration ou absence des femmes selon les secteurs; faible participation à la création de nouvelles entreprises, travail à temps partiel (75 % du total); contrats temporaires, manque de structures préscolaires adéquates; difficultés dans la carrière professionnelle; faible représentation des femmes aux postes de plus haute responsabilité, dans les instances aussi bien économiques que politiques, ainsi que déséquilibre dans l'accès aux différentes spécialités dans les domaines de l'éducation et de la formation professionnelle et universitaire.

5.1.3

Le taux d'emploi est passé de 51 % en 1997 à 62 % en 2011, se concentrant essentiellement dans les secteurs fortement féminisés et très touchés par les mesures d'ajustement. La crise économique qui frappe l'Union européenne affecte les pays à des degrés divers, mais elle a aussi pour effet de détériorer la situation des femmes et de menacer les avancées fragiles en matière d'égalité entre les hommes et les femmes. Le CESE considère qu'il faut prendre les mesures nécessaires de soutien pour faire en sorte que l'inégalité entre les hommes et les femmes dans le monde du travail n'ait pas augmenté d'ici à la fin de la crise.

5.1.4

Le Fonds social européen doit en particulier programmer, assurer le suivi et évaluer toutes les activités mises en œuvre au sein des États membres, en veillant à l'avancement de la stratégie pour l'égalité.

5.2   «Jeunesse en mouvement»

5.2.1

Cette initiative porte principalement sur deux domaines: l'emploi et la formation. Son contenu est, dès lors, intimement lié à celui de l'initiative précédente: renforcer la mobilité dans la formation, moderniser l'enseignement supérieur, valoriser et valider l'apprentissage formel et informel et garantir des investissements efficaces et durables en termes d'éducation et de formation professionnelle.

5.2.2

Pour le CESE, le taux de chômage des jeunes est l'un des éléments les plus préoccupants en Europe. Il s'élève actuellement à 20 %. Le taux de jeunes femmes au chômage, particulièrement de celles ayant une faible qualification, est plus élevé encore.

5.2.3

L'impact de la maternité sur le marché de l'emploi diffère largement de celui de la paternité. Seules 64,7 % des femmes ayant des enfants de moins de douze ans travaillent, alors que pour les hommes, ce taux s'élève à 89,7 %. Ces données et différences augmentent avec le nombre d'enfants. Le manque de structures d'éducation préscolaire et le déséquilibre dans la répartition des tâches familiales rendent problématique la conciliation de la vie professionnelle et de la vie personnelle, posant de sérieux obstacles à la promotion professionnelle des femmes.

5.2.4

Peu d'États ont mis en œuvre les objectifs adoptés lors du Conseil de Barcelone en 2002 en matière de disponibilité des structures d'éducation préscolaire et les coupes actuelles dans ces services publics risquent d'aggraver la situation.

5.2.5

Une autre donnée alarmante concerne le taux de jeunes femmes qui ne travaillent pas, ne font pas d'études et ne suivent pas de formation (les «ninis»). Selon Eurostat, cette situation affecte 20 % de femmes, contre 13 % d'hommes. La réduction du taux d'abandon scolaire est l'un des objectifs inscrits dans la SE 2020 qui reprend cette initiative.

5.2.6

Le CESE considère qu'il est nécessaire, dans la mise en œuvre de cette initiative phare, de tenir compte de la situation actuelle des jeunes femmes qui sont vulnérables à plusieurs niveaux, en plus de ceux cités précédemment: bas niveau de formation de base, accès moins aisé à la formation professionnelle qu'exige la nouvelle société de la connaissance, validation des compétences et orientation professionnelle insuffisantes, problèmes financiers spécifiques au moment de créer une entreprise ou une activité indépendante. Tout cela exige des mesures s'adressant spécialement aux jeunes femmes.

5.3   «Une plateforme européenne contre la pauvreté»

5.3.1

Cette initiative propose d’élaborer et de mettre en œuvre des programmes afin d’encourager l’innovation sociale pour les populations les plus vulnérables, notamment en proposant aux communautés les plus défavorisées des solutions innovantes en matière d’éducation, des possibilités de formation et des opportunités d’emploi, de lutter contre les discriminations (par exemple à l’égard des handicapés) et de mettre sur pied une nouvelle stratégie pour l’intégration des immigrés afin de leur permettre d'exploiter pleinement leurs capacités. Elle propose également d’évaluer la pertinence et la viabilité des systèmes de protection sociale et de retraite et de rechercher des solutions pour améliorer l’accès aux systèmes de soins de santé. Le CESE est réservé sur le concept d’innovation sociale dont les expérimentations sont par nature fragmentaires et peu transposables. Il relève à la fois du principe législatif de subsidiarité et d’une notion sociologique comme l’«équité». Une réponse locale à un besoin exprimé par un petit groupe peut être utile mais ne saurait remplacer l’égalité et la justice que procurent les grands systèmes de protection sociale collective (14).

5.3.2

La SE 2020 affirme que les États membres devront s'attacher à définir et à appliquer des mesures répondant aux particularités des groupes présentant des risques particuliers et à mobiliser pleinement leurs systèmes de sécurité sociale et de retraite afin d'assurer une aide au revenu et un accès aux soins de santé adéquats dans le but de garantir la cohésion sociale. L'augmentation des taux de chômage et d'inactivité, l'insécurité économique, les bas salaires, les mesures d'austérité et les coupes dans les prestations sociales et les aides familiales ont une incidence particulière sur les femmes. En premier lieu, en tant que travailleuses, étant donné que la réduction des postes dans les secteurs public et des services, où le taux d'emploi des femmes est élevé, a une incidence directe sur elles, mais aussi en tant que citoyennes et utilisatrices, si l'on prend en considération le fait que les coupes dans la prestation de services d'intérêt général ont des répercussions sur les femmes du fait qu'elles en sont les premières utilisatrices.

5.3.3

En Europe, plus de 70 % des travailleurs ayant des salaires peu élevés sont des femmes. Dans la plupart des États membres, 17 % des femmes sont touchées par la pauvreté. La proportion d'hommes concernés, également préoccupante, s'élève à 15 %. La pauvreté et la marginalisation vont de pair avec l'exclusion du marché de l'emploi. C'est la raison pour laquelle les périodes d'interruption de travail et les emplois précaires, si fréquents parmi les femmes, en particulier chez celles qui ont peu de qualifications, ont un effet négatif immédiat mais aussi à moyen et à long termes.

5.3.4

Les familles monoparentales, les veuves, les femmes handicapées, les victimes de la violence à caractère sexiste, les femmes âgées et les femmes immigrées sont particulièrement touchées par les coupes budgétaires et la crise et elles courent un risque plus important d'exclusion sociale face au manque de protection et d'aides sous la forme de mesures spécifiques.

5.4   «Une stratégie numérique pour l’Europe»

5.4.1

L’objectif est de promouvoir l’accès aux technologies de l'information et en particulier à l’Internet et son utilisation par tous les citoyens européens, notamment par le biais de programmes qui renforcent la culture et l’accessibilité du numérique.

5.4.2

Pour y parvenir, les États membres devront s'attacher à concevoir des stratégies permettant d'avoir accès à des services Internet à haut débit et à concentrer les financements publics, y compris au moyen des fonds structurels, dans les domaines qui ne sont pas totalement couverts par les investissements privés, ainsi qu'à promouvoir le déploiement et l’utilisation de services en ligne modernes (le gouvernement en ligne, la santé en ligne, les maisons intelligentes, les compétences numériques, la sécurité, par exemple) (15).

5.4.3

Le Comité fait part de sa préoccupation concernant le manque de statistiques par sexe, qui ne permet pas de connaître la situation des femmes dans les secteurs professionnels liés aux nouvelles technologies ni leurs niveaux d'utilisation. Il serait important de réaliser les études pertinentes afin de déterminer quelle est leur situation, également en tant qu'utilisatrices de services, afin de pouvoir orienter plus spécifiquement l'information et la formation que propose la SE 2020.

5.5   «Une Union pour l’innovation»

5.5.1

Cette initiative vise, entre autres, à promouvoir et à renforcer les liens entre l'éducation, le monde de l'entreprise, la recherche et l'innovation ainsi qu'à encourager l’entreprenariat. Les États membres devront réformer leurs systèmes nationaux et régionaux de R&D de manière à encourager l’excellence et la spécialisation intelligente, à donner la priorité aux dépenses axées sur la connaissance, à renforcer la coopération entre les universités, la recherche et les entreprises, à produire suffisamment de diplômés en mathématiques et en ingénierie et à recentrer les programmes scolaires sur la promotion de la créativité, l’innovation et l'esprit d'entreprise.

5.5.2

Les femmes peuvent et doivent jouer un rôle essentiel dans ce processus. En 2010, environ 60 % des diplômes universitaires étaient obtenus par des femmes, ce qui pourtant ne se reflète pas dans les postes qu'elles occupent sur le marché du travail. Par ailleurs, les femmes créent actuellement une entreprise sur trois, représentent 13,7 % des conseils d'administration des grandes entreprises cotées en bourse et sont seulement 3 % à en assumer la présidence.

5.5.3

Dans la plupart des pays, une discrimination horizontale de genre subsiste sur base du type d'études: les sciences, ingénierie, mathématiques et technologies, qui constituent, par ailleurs, un domaine privilégié pour la coopération entre les responsables du monde économique et de la recherche, en particulier dans les mastères et les doctorats, auxquels les femmes on plus de difficultés à accéder. Aussi, le CESE considère-t-il qu'il est indispensable de prendre des mesures visant à éliminer ces obstacles

5.5.4

Les femmes sont encore sous-représentées dans les sphères décisionnelles du monde scientifique, comme dans celles de l’entreprise et des services. L'on constate que 18 % de femmes à peine occupent les postes les plus élevés dans les universités. Les opportunités d'emploi et l'octroi de fonds à la recherche doivent garantir la progression des femmes dans ce domaine et servir à renforcer le potentiel de développement durable de la société européenne.

5.6   «Une Europe efficace dans l’utilisation des ressources»

5.6.1

L'initiative propose d’adopter et de mettre en œuvre un plan d’action révisé pour l'efficacité énergétique et de promouvoir un programme substantiel en matière d'utilisation efficace des ressources (aidant à la fois les PME et les ménages), en utilisant les Fonds structurels, entre autres, afin de mobiliser de nouveaux financements à travers des systèmes existants et efficaces de modèles d’investissements innovants; cela permettrait de promouvoir des changements de modes de consommation et de production.

5.6.2

L'énergie et l'environnement ne sont pas des thèmes neutres: l’utilisation de l'énergie, l'accès à l'eau potable, le recyclage, les sources de chaleur pour réchauffer et alimenter le foyer, le respect de l'environnement et sa préservation sont certains des domaines dans lesquels les femmes jouent un rôle essentiel. Il est impensable d'envisager des changements de modèles sans concevoir des mesures spécifiques fondées sur une connaissance concrète de la réalité et s'adressant d'une manière ciblée à des publics différents et, principalement, aux femmes.

5.6.3

Le Conseil EPSCO l'a d'ailleurs reconnu dans ses conclusions de juin 2012, en soulignant le rôle essentiel des femmes dans le développement durable. Le CESE partage les conclusions du Conseil, lorsqu'il affirme que les femmes peuvent avoir une influence décisive dans la prise de décisions touchant à l'environnement, en particulier dans le cadre de la politique en matière de changement climatique. Il s'agit d'une nouvelle opportunité pour les femmes, qui peuvent jouer un rôle clef et améliorer leur situation personnelle et économique en lien avec la nouvelle économie verte, secteur vital pour le développement et la création d'emploi.

5.6.4

Au niveau de l'entreprise, la discrimination verticale dans ce secteur est encore très présente. Bien que 33 % des postes de cadres soient aujourd'hui occupés par des femmes, contre 31 % en 2001, la plupart sont concentrés dans les secteurs des services et du commerce et, dans une mesure nettement moindre, dans l'industrie manufacturière, la construction ou l'énergie.

5.6.5

Il y a très peu d'analyses et de données qui permettraient de déterminer quelle est la situation réelle des hommes et des femmes et quelles mesures il y aurait lieu d'adopter pour accroître le pourcentage de femmes dans ce processus de développement durable. Le CESE considère qu'il est important non seulement d'investir, mais aussi de donner des orientations pour vaincre les stéréotypes, apporter des solutions et promouvoir une action positive, car s'agissant d'un secteur en croissance, une situation de départ discriminatoire risquerait de renforcer les différences sociales et de creuser la fracture sociale.

5.6.6

L'une des priorités de la stratégie pour l'égalité est l'action à mener dans le cadre des relations extérieures de l'UE, à savoir, d'une part, les programmes de coopération avec les régions voisines, dans le cadre des politiques européennes de voisinage, en particulier concernant la région Euromed, et d'autre part, l'intervention de l'UE dans les forums mondiaux. Les femmes immigrées des pays-tiers, les femmes migrantes de l’Union européenne et celles venant des pays du voisinage ont besoin d’une attention particulière. Il est préoccupant de constater l'échec de Rio+20 en matière de développement durable et de droits des femmes. Aucun progrès n'a été fait sur des sujets aussi critiques que le lien entre la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation, le droit des femmes à la propriété et à l'héritage des terres, le changement climatique et les emplois verts.

5.7   «Une politique industrielle à l’ère de la mondialisation»

5.7.1

Cette initiative phare joue un rôle fondamental dans la mise en œuvre des aspects d'intégration de la dimension de genre à la stratégie pour l'égalité: la transparence des salaires, les initiatives en faveur de l'égalité salariale, les mesures visant à encourager les femmes à embrasser des professions «non traditionnelles», figurent parmi les actions-clés que propose la stratégie et qui sont appropriées et en synergie avec cette initiative.

5.7.2

En Europe, la différence de salaire entre les hommes et les femmes est en moyenne de 17 %, avec des écarts allant de 5 % à 31 % selon les États. Différents facteurs interdépendants sont à l'origine de cette situation: moindre valeur des emplois dans les secteurs à forte présence de femmes, importante ségrégation professionnelle et interruption de carrière pour différents motifs, par exemple. La situation de crise ne fait qu'aggraver cette situation.

5.7.3

Dans certains cas, l'écart entre le taux d'emploi et les salaires a diminué; néanmoins cela n'est malheureusement pas imputable à une progression de l'emploi et des salaires des femmes, mais à la contraction de la demande dans des secteurs où les hommes sont majoritaires (construction, manufacturier, financier), qui est un effet direct de la crise. Le CESE rappelle que les termes du TFUE définissent comme un des objectifs de la construction européenne «l’amélioration des conditions de vie et de travail, permettant leur égalisation dans le progrès» (16), et ceci pour tous.

5.7.4

Le CESE considère qu'il est nécessaire d'adopter des mesures de relance pour la croissance de ces secteurs en difficulté et, en parallèle, des mesures pour lutter contre la ségrégation professionnelle, en particulier pour améliorer la participation des femmes dans les domaines des sciences, des technologies, de l'ingénierie et des mathématiques. Il faut par ailleurs des mesures visant à améliorer la reconnaissance des secteurs fortement féminisés comme les tâches domestiques, les services de santé et les soins aux personnes.

6.   La dimension de genre dans les programmes nationaux de réforme et le semestre européen

6.1

Le semestre européen de coordination de la politique est le nouvel instrument adopté par les États membres pour surveiller la mise en œuvre de la SE 2020. Le Pacte européen pour l'égalité entre les femmes et les hommes recommande d'inclure une perspective d'égalité des sexes et la promotion de politiques d'égalité entre les femmes et les hommes dans l'élaboration et l'exécution des programmes nationaux de réforme. Il invite également la Commission et le Conseil à suivre cette approche dans l'enquête annuelle sur la croissance, ainsi que dans les conclusions et les recommandations spécifiques par pays.

6.2

En avril 2012, douze États membres ont reçu des recommandations nationales spécifiques liées à la dimension de genre dans les plans d'action nationaux. La Commission a suggéré des réformes concrètes, que le CESE soutient, dans les domaines suivants: renforcer la participation des femmes au marché du travail, améliorer la disponibilité et la qualité des services d'accueil en garderie et dans les écoles ouvertes toutes la journée ainsi que la prise en charge des personnes âgées y compris les soins apportés à d'autres personnes dépendantes.

6.3

La plupart des recommandations ont pour objectif d'accroître le taux d'emploi des femmes, sans tenir compte toutefois des obstacles qui les empêchent d'avoir un emploi de qualité pour ce qui est de la rémunération et des conditions de travail, et de mettre les femmes et les hommes sur un pied d'égalité en ce qui a trait aux responsabilités familiales. Un seul pays, l'Autriche, s'est vu recommander de s'attaquer à la différence de salaire entre les femmes et les hommes bien que les écarts en la matière persistent dans tous les États membres.

6.4

Le CESE juge préoccupantes certaines des recommandations qui pourraient avoir un effet négatif sur l'égalité entre les femmes et les hommes telles que celles qui se rapportent à la réforme des retraites, au réexamen des mécanismes de révision des salaires et des retraites, au relèvement de l'âge de départ à la retraite sans tenir compte des années de vie en bonne santé et à la proposition d'introduire des incitations fiscales pour la deuxième source de revenus du ménage.

Bruxelles, le 17 janvier 2013.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Titre ci-après abrégé en «SE 2020», COM(2010) 2020 final.

(2)  COM(2010) 491 final, titre ci-après abrégé en «Stratégie pour l'égalité».

(3)  JO C 277 du 17.11.2009, pp. 102-108.

(4)  JO C 351 du 15.11.2012, pp. 21-26.

(5)  Composition du CESE: 343 membres, dont 81 (23,6 %) sont des femmes. Par groupe: Groupe I: 112 membres, dont 22 (22,1 %) sont des femmes, Groupe II: 120, dont 32 (26,8 %) sont des femmes, Groupe III: 111membres, dont 27 (24,3 %) sont des femmes.

(6)  COM(2006) 92 final et JO C 354 de 28.12.2010, pp. 1-7.

(7)  Intégration de la dimension de genre: intégrer l’égalité entre les femmes et les hommes dans cette tendance dominante (mainstream) au sein de la société de façon à ce que les femmes et les hommes en bénéficient de manière égale, Commission européenne, Guide EQUAL.

(8)  JO C 155/02 du 25.5.2011, pp. 10-13.

(9)  JO C 21 du 21.1.2011, p. 39.

(10)  JO C 318 du 23.12.2009, pp. 15-21.

(11)  Gender equality, economic growth and employment (égalité entre les femmes et les hommes, croissance économique et emploi), Åsa Löfström (http://ec.europa.eu/social/BlobServlet?docId=3988&langId=en).

(12)  Le CESE a adopté un avis sur chacune d'entre elles.

(13)  JO C 132/06 du 3.5.2011, pp. 26-28.

(14)  JO C 143 de 22.5.2012, pp. 88-93.

(15)  JO C 318 du 29.10.2011, pp. 9-18.

(16)  Article 151 du TFUE.


14.3.2013   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 76/15


Avis du Comité économique et social européen sur «La piraterie maritime: renforcer la réaction de l'Union européenne» (avis d'initiative)

2013/C 76/03

Rapporteure: Mme BREDIMA

Le 12 juillet 2012, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur:

«La piraterie maritime: renforcer la réaction de l'UE»

(avis d'initiative).

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructure, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 26 novembre 2012.

Lors de sa 486e session plénière des 16 et 17 janvier 2013 (séance du 16 janvier 2013), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 147 voix pour, 1 contre et 8 abstentions.

1.   Conclusion

1.1

La piraterie maritime constitue un fléau dont la société civile européenne ne mesure pas encore toute la gravité. Le CESE souhaite l'y sensibiliser davantage, tout comme l'opinion publique européenne, afin de mobiliser les États membres et les institutions de l'UE pour une action concrète visant à éradiquer ces méfaits. La Journée maritime mondiale de 2011 a été consacrée à la lutte contre la piraterie, qui, constituant un phénomène à facettes multiples, nécessitera une action d'ensemble et non une approche en ordre dispersé, au coup par coup. La piraterie n'est pas une problématique perdue au fin fond de l'océan Indien, qui n'affecterait que les bateaux attaqués et leurs hommes d'équipage; elle touche au contraire les consommateurs et les contribuables européens sous beaucoup d'angles et ne constitue aucunement un mal dont ils pourraient s'accommoder.

Le CESE exhorte les institutions de l'UE et ses États membres à faire preuve d'une volonté politique concrète pour élaborer des solutions durables à l'encontre de la piraterie.

1.2

L'UE dispose d'un arsenal exceptionnel, dont les options vont du commerce et de l'aide au développement à la présence militaire, en passant par la construction ou la reconstruction des États.

1.3

Le CESE se félicite des décisions prises par le Conseil de sécurité des Nations unies et l'UE de prolonger jusqu'en décembre 2014 l'opération Atalante de l'EU-NAVFOR et d'étendre son champ opérationnel vers l'Est et le Sud de l'océan Indien, ainsi que sur le littoral somalien. Il estime qu'il conviendrait de donner à cette force un mandat plus prégnant, avec des règles d'engagement renforcées. Il appelle instamment à préserver un engagement vigoureux pour ce qui concerne le nombre de navires que les États membres de l'UE déploient au service de cette opération.

1.4

Le couplage récemment établi entre l'accord de coopération régionale sur la lutte contre la piraterie et les vols à main armée contre des navires en Asie (ReCAAP), d'une part, et le code de conduite de Djibouti, d'autre part, ainsi que la conclusion par l'UE d'accords bilatéraux de poursuite des pirates avec le Kenya, les Seychelles, l'île Maurice et d'autres pays constituent des développements d'une très haute portée.

1.5

Le CESE accueille favorablement le lancement, par le Service européen pour l'action extérieure (SEAE), d'une mission de développement des capacités maritimes régionales. Cette initiative «EUCAP Nestor» aidera les pays de la Corne de l'Afrique à se doter d'un plan directeur de lutte contre la piraterie, à élaborer la législation afférente et à entretenir des moyens de surveillance de leurs côtes.

1.6

Le CESE demande aux États membres de l'UE et à ceux qui participent au processus d'adhésion ou ont conclu des accords d'association avec elle de mettre en œuvre des actions juridiques de lutte contre la piraterie et de poursuivre les pirates en haute mer, conformément à l'article 105 de la convention des Nations unies sur le droit de la mer, du 10 décembre 1982.

1.7

Le CESE encourage l'industrie maritime à appliquer les «meilleures pratiques de gestion» révisées du secteur (Best Management Practices, BMP 4) concernant les mesures d'autoprotection à bord des navires. Le CESE invite les États membres qui envisagent d’autoriser l'utilisation de gardes armés privés dûment qualifiés pour protéger les bâtiments vulnérables à se conformer aux directives en la matière de l'Organisation maritime internationale (OMI) et à définir un encadrement juridique strict qui fixe entre autres les conditions de la responsabilité du commandant du navire, notamment en cas d’ouverture de feu. Le recours à ces vigiles privés en armes ne constitue pas une solution en soi, ni ne devrait devenir la norme mais représente une mesure qui complète les meilleures pratiques. Il est préconisé que les États membres organisent des convois escortés par des moyens militaires et mettent à la disposition des Nations unies des unités militaires qui, basées à terre (détachements de protection des navires), soient à même de monter à bord de bateaux pour la traversée de zones à haut risque.

1.8

Le CESE est opposé à ce que des restrictions soient apportées au paiement des rançons, car la mesure aurait des effets contre-productifs et augmenterait encore le danger couru par les otages. À l'heure actuelle, ce versement reste un moyen d'assurer le bon retour des marins qui sont utilisés comme boucliers humains. Le CESE condamne les pratiques des pirates qui, pour extorquer leur versement, exécutent ou torturent des gens de mer.

1.9

Le CESE est d'avis que détecter et couper les circuits financiers impliqués dans la piraterie constitue la clé qui permettra de résoudre ce problème. Il se félicite que l'on entreprenne d'en viser les bailleurs de fonds et de coordonner les bases de données afin de mieux appréhender le modèle économique de cette activité. Au sein de l'UE, il y aurait lieu de dresser une liste noire des institutions financières impliquées dans le blanchiment de l'argent des flibustiers. Le travail accompli à cet égard par Europol et Eurojust mérite d'être loué.

1.10

Le CESE presse les institutions de l'UE de faire face à la montée des attaques à main armée en mer et des vols de pétrole en Afrique de l'Ouest et dans le golfe de Guinée. Les auteurs de ces actes opérant d'une manière très différente des pirates somaliens, il s'imposerait de soutenir des mesures spécifiquement destinées à cette région. Chaque jour, trois millions de barils de pétrole et 50 % du trafic mondial par conteneurs traversent les régions de l'océan Indien qui sont touchées par la piraterie.

1.11

Le CESE souligne qu'il est urgent de libérer les 218 marins actuellement détenus en otages et préconise de donner aux gens de mer une formation professionnelle antipirates aux fins de leur autoprotection, ainsi que de prévoir des centres de soins de santé pour ceux qui sont en détention. Trois conventions internationales (convention sur les normes de formation, la délivrance des brevets et la veille pour les gens de mer, de 2010, Code international pour la sûreté des navires et des installations portuaires, de 2004, et convention du travail maritime, de 2006) fournissent la base juridique pour la formation avant embarquement, les entraînements et exercices à bord, le rapatriement, les compensations, l'établissement de communication avec les familles et les soins aux gens de mer une fois qu'ils ont été relâchés. Le CESE presse l'UE de renforcer lesdites conventions et d'élaborer de nouvelles lignes directrices globales pour le bien-être des marins qui ont été ou pourraient être victimes de la piraterie et pour celui de leurs familles. L'UE devrait jouer un rôle pionnier, s'agissant de revoir ces conventions internationales pour qu'elles couvrent des mesures en faveur des gens de mer retenus en otage.

1.12

Les élections du 20 août 2012 ont marqué un tournant dans l'histoire de l'État en déréliction que constitue la Somalie. Le CESE s'engage à apporter son concours à toute action qu'entreprendra l'UE pour l'aider à bâtir sa société civile, dans la logique des initiatives analogues lancées vis-à-vis d'autres pays d'Afrique.

1.13

Le CESE réclame que l'UE agisse de manière coordonnée pour qu'une partie de l'aide au développement ou d'autres ressources soit orientée vers des programmes qui forment les jeunes à la pêche professionnelle et promeuvent l'agriculture durable et l'esprit d'entreprise. S'ils disposaient de conditions de vie décentes, les jeunes Somaliens seraient moins enclins à se lancer dans les activités de piraterie.

2.   Les multiples facettes du problème de la piraterie

2.1   La complexité de la piraterie

2.1.1

Si les attaques de pirates contre des navires marchands dans le golfe d'Aden, le bassin Somalien, la mer d'Oman et l'océan Indien ont connu cinq années d'escalade, les chiffres donnés par les statistiques pourraient donner l'illusion qu'un coup d'arrêt aurait à présent été porté au problème de la piraterie. On se fourvoierait en posant une telle affirmation, qui néglige les effets d'imitation et la montée en puissance du phénomène en Afrique de l'Ouest. La problématique de la flibuste constitue malheureusement une question d'ampleur mondiale, qui se pose également en Indonésie, dans le détroit de Malacca-Singapour, en mer de Chine méridionale et en Amérique du Sud. Les chiffres actuels, arrêtés au 24 septembre 2012, font état de 50 actes de piraterie en Somalie, 34 dans le golfe de Guinée et 51 en Indonésie.

2.1.2

En utilisant des «navires ravitailleurs», les pirates ont accru le succès de leurs opérations. Modifiant sans cesse leurs tactiques, recourant à des équipements qui facilitent le repérage de leurs proies et disposant d'outils pour s'introduire dans les citadelles des navires, ils sont devenus plus agressifs, inventifs et violents, en une évolution qui a abouti dans certains cas à la mort de marins.

2.1.3

De maritime au départ, la piraterie s'est muée en un problème humanitaire, commercial et économique, d'ampleur mondiale, affectant les consommateurs du monde entier. Son coût pourrait s'envoler si les voies d'approvisionnement en biens et en énergie venaient à être interrompues, dès lors que la communauté mondiale ne parviendrait pas à contrer efficacement les activités des pirates ou que les syndicats de marins refuseraient toute navigation dans les zones atteintes, lesquelles sont traversées chaque année par 18 000 navires. La flibuste qui ravage le golfe d'Aden et la Corne de l'Afrique représente une menace stratégique pour l'UE, dans la mesure où elle affecte le trafic sur la principale route de navigation entre l'Europe et l'Asie. Les compagnies maritimes utilisent de plus en plus la voie du cap de Bonne-Espérance, afin d'éviter le canal de Suez. L'attaque de navires est devenue une activité criminelle des plus lucratives et une occupation attrayante pour les jeunes de ces régions. Son coût est sans commune mesure avec le nombre d'individus qui la pratiquent – en Somalie, ils seraient environ 1 500. Elle entrave la fourniture de l'aide alimentaire de l'UE, à un moment où les victimes de la sécheresse en Afrique en ont le plus grand besoin. Quant à la présence navale dans l'océan Indien, on a pu la comparer à «vingt voitures de police patrouillant une zone grande comme l'Europe».

2.1.4

On ne peut tolérer que les actes de piraterie restent impunis, ni que le droit et l'ordre internationaux (convention des Nations unies sur le droit de la mer, 1982) soient ainsi bafoués, et l'UE se doit de montrer une volonté politique forte d'éradiquer le phénomène. Le groupe de contact des Nations unies sur la lutte contre la piraterie au large de la Somalie a encouragé l'élaboration d'une stratégie globale, qui comporte des mesures de prévention et de dissuasion et des orientations opérationnelles pour une meilleure coopération entre les forces navales, les poursuites contre les pirates et le repérage de leurs ressources financières.

2.1.5

L'UE, qui contrôle 40 % de la marine marchande mondiale ne peut permettre que la piraterie prospère ainsi en échappant à tout contrôle. Comme l'a dit Siim KALLAS, membre de la Commission européenne qui est responsable du transport, «la piraterie maritime constitue véritablement une menace pour la politique européenne des transports». En outre, elle met en péril le commerce extérieur de l'UE, son approvisionnement et sa sécurité énergétiques, le bien-être des marins et l'acheminement de l'aide humanitaire.

2.2   Le coût humain de la piraterie

2.2.1

En 2011, les pirates ont assassiné plus de sept marins et en ont blessé 39 autres. Pour 2012, à la date du 24 septembre, ils étaient six à avoir été tués et 448 étaient prisonniers, à la suite de 225 attaques et 24 détournements. Au 30 juin 2012, ils avaient capturé onze navires et détenaient 218 hommes d'équipage en Somalie. Depuis 2007, plus de 43 gens de mer ont été tués et 2 653 personnes détenues en otages dans des actes de piraterie au large des côtes somaliennes.

2.2.2

Des associations internationales d'armateurs et de gens de mer, comme la Chambre internationale de la marine marchande (ICS), les Associations des armateurs de la Communauté européenne (ECSA), le Forum des armateurs asiatiques (ASF) ou le groupement SOS Save Our Seafarers («Sauvez nos marins»), qui rassemble 31 organisations internationales du secteur maritime, ont uni leurs forces pour mener des actions de sensibilisation au coût humain et économique de la piraterie en utilisant les médias et en contactant, au plus haut niveau, les hommes politiques et l'industrie. Le 24 mai 2012, l'ASF a déclaré qu'au cours des sept dernières années, les actes de piraterie ont entraîné la mort de 62 marins et que 4 000 personnes ont été retenues en otages sur les quelque 200 bâtiments détournés par des Somaliens. Si les attaques de pirates dans l'océan Indien ont enregistré leur première baisse en cinq ans (2007-2012), le nombre de gens de mer qui y ont trouvé la mort a triplé ces deux dernières années (Sultan AHMED BIN SULAYEM, président de Dubai Port World, 30 juin 2012). Il n'y a donc aucune raison de pavoiser.

2.2.3

Contrer la piraterie exige avant tout de prévenir cette forme de criminalité et non d'empêcher les versements qui rendent la liberté à ses victimes. La mort de marins ne peut passer pour un «dommage collatéral» auquel il faudrait se résigner dans la guerre contre la piraterie (Nautilus International).

2.3   Le coût économique de la piraterie

2.3.1

En ce qui concerne l'aspect économique de la piraterie, il convient de mentionner deux rapports:

2.3.2

«The Economic Cost of Maritime Piracy» («Le coût économique de la piraterie maritime», décembre 2010) en analyse les coûts directs (rançons, primes d'assurance, déroutement par le cap de Bonne espérance, mesures de sécurité dissuasives, présence de gardes armés, déploiement de trois missions navales, poursuites, financement des organisations de lutte contre la piraterie, dépenses humanitaires). L'étude estime que leur montant annuel se situe entre 7 et 12 milliards de dollars. Par ailleurs, la fondation One Earth a calculé que les rançons versées en 2009-2010 se seraient montées à 830 millions de dollars et que les équipements de dissuasion et les gardes armés privés coûtent chaque année de 360 millions à 2,5 milliards de dollars.

2.3.3

Publié en mai 2011, «The Economics of Piracy» («Économie de la piraterie») analyse la «chaîne de valeur» qui lie les pirates, leurs bailleurs de fonds, leurs comptables et leurs fournisseurs d'armement. Ce travail démontre que la piraterie peut constituer un choix de carrière fort rémunérateur si on le rapporte au PIB par tête somalien, puisque celui qui s'y livre peut en retirer de 67 à 157 fois le revenu moyen en Somalie. Le texte insiste sur la nécessité de suivre le dispositif informel de transfert d'argent par les hawalas et estime que la piraterie coûte annuellement de 4,9 à 8,3 milliards de dollars.

3.   L'action de l'Union européenne

3.1   Les institutions européennes

3.1.1

Dans leur déclaration commune sur un partenariat pour lutter contre la piraterie maritime et les vols à main armée dans l'Ouest de l'océan Indien, adoptée le 15 mai 2012 à Londres, l'Union européenne et l'Organisation maritime internationale (OMI) ont rappelé leur détermination à augmenter leurs capacités de réaction contre ces phénomènes et à améliorer la gouvernance maritime dans la zone. Le «code de conduite de Djibouti» est devenu un instrument essentiel, qui donne à dix-huit États d'Afrique orientale la possibilité d'élaborer une réponse régionale à ce problème. En outre, l'UE a apporté au Bureau maritime international (BMI) un soutien financier d'une durée de trois ans pour les activités de son Centre de rapport sur la piraterie, qui se consacre à l'éradication de ce phénomène et des agressions à main armée contre des navires.

3.1.2

Étant donné que les chefs de réseaux somaliens perçoivent des rançons pour un montant de 300 à 500 millions d'euros et les mettent en dépôt, peut-être même dans des banques de l'UE, le Groupe de travail sur la piraterie internationale explore différentes voies pour sévir contre les bénéficiaires de cette activité. Le CESE réclame que le cheminement de ces sommes soit reconstitué et qu'elles soient confisquées, afin qu'être pirate cesse d'être une occupation attrayante.

3.1.3

Conséquence de l'adoption du cadre stratégique pour la Corne de l'Afrique, la désignation d'un représentant spécial coordonnant l'action de l'UE dans cette zone représente un pas dans la bonne direction.

3.1.4

Le CESE salue la résolution sur la piraterie maritime que la Parlement européen a adoptée le 10 mai 2012, qui vise une meilleure coordination entre les institutions de l'UE pour accentuer les efforts déployés afin de lutter contre les pirates et de reconstruire la Somalie en tant qu'État souverain.

3.1.5

Dans toute une série d'avis antérieurs, échelonnés depuis 2008, le CESE a exprimé sa préoccupation face à l'explosion des vols armés et de la piraterie dans le Sud-Est asiatique et en Afrique (1). Il a insisté pour que la Commission encourage l'instauration des juridictions appropriées pour combattre l'impunité dont jouissent actuellement les pirates et s'est opposé catégoriquement à ce que les marins soient armés. Il a pressé la Commission d'examiner avec les États membres la formation qui leur est dispensée en matière de lutte antipiraterie.

3.1.6

Sa conférence sur «L'attrait des professions maritimes», du 7 mars 2010, a vu dans la piraterie l'un des motifs qui dissuadent d'embrasser les métiers de la marine et annihilent les effets des campagnes lancées pour souligner leurs attraits.

3.2   Les partenaires sociaux européens (ECSA et ETF)

3.2.1

Dans une déclaration commune datée du 31 juillet 2012, l'Association des armateurs de la Communauté européenne (ECSA) et la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF) ont fait part de leur inquiétude face aux attaques qui se poursuivent malgré le succès remporté par les efforts internationaux et européens. Ils ont placé l'élimination de la piraterie en tête de l'ordre du jour de la commission de dialogue social sectoriel pour le transport maritime (SSDC).

4.   Une réaction de l'UE plus coordonnée

4.1

La piraterie constitue un problème complexe et à tiroirs multiples, qu'il n'est possible de résoudre que par une approche coordonnée, à terre et en mer. L'UE est dans une situation privilégiée pour assurer une telle démarche, en ce qu'elle constitue un intervenant qui, dans la région, est fort respecté au regard de la diplomatie, des échanges, du transport, des armes et de l'humanitaire.

4.2

Les gens de mer continuent à payer un lourd tribut à la piraterie. Il y a lieu de consentir tous les efforts pour éviter que leur intégrité physique, intellectuelle et psychologique ne soit mise en péril. La Chambre internationale de la marine marchande (ICS) a rédigé, à l'intention des compagnies de navigation, un guide de bonnes pratiques pour venir en aide aux marins concernés et à leurs familles.

4.3

Si l'on considère qu'une démarche de long terme, sur la terre ferme, est indispensable afin de traiter les causes de la piraterie à la racine, il apparaît capital de développer en Somalie les capacités requises pour mettre un terme à l'impunité et restaurer l'état de droit. Les États ressortissant au pavillon de l'UE doivent s'engager davantage pour assurer une meilleure coordination de leurs forces navales et la poursuite des pirates.

4.4

Depuis que la piraterie a fait son retour, en 2007, l'action qui s'impose consiste à témoigner de la volonté politique de la placer au sommet des priorités d'action de l'UE et à augmenter les ressources pour que davantage d'avions et de navires de guerres soient présents. Le Service européen pour l'action extérieure (SEAE) et la Commission européenne devraient collaborer avec le Conseil européen afin de déterminer les champs de compétence pour agir contre la piraterie et développer les capacités de la Somalie. La Banque mondiale, Interpol et Europol peuvent apporter une aide dans l'effort de traque des rançons.

4.5

La législation antipirates des États membres de l'UE demande des mises à jour:

La piraterie ayant disparu de la liste des délits pénaux dans certains pays, il conviendrait de créer un cadre juridique plus clair en ce qui concerne les juridictions compétentes pour poursuivre les pirates.

S'agissant des propositions visant à interdire les rançons, cette mise hors la loi pourrait avoir des effets non escomptés et mettre encore plus de vies humaines en péril. Tout bien pesé, il serait opportun que leur versement soit autorisé dans l'UE.

Dans les États membres, il devrait être licite d'employer des gardes privés armés dûment accrédités, sous réserve d’un encadrement juridique strict qui, entre autres, place leur formation sous la responsabilité de l'État membre d'établissement et fixe les conditions déterminant la responsabilité du commandant du navire, notamment en cas d’ouverture de feu.

L'UE se devrait d'examiner avec les pays riverains de la région les problèmes posés par le transit de bateaux qui ont à leur bord des gardes armés.

Bruxelles, le 16 janvier 2013.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Avis du CESE sur «Une politique maritime intégrée pour l'Union européenne», JO C 211, du 19.8.2008, p. 31.

Avis du CESE sur les «Objectifs stratégiques et recommandations concernant la politique du transport maritime de l’UE jusqu’en 2018», JO C 255, du 22.9.2010, p. 103.

Avis du CESE «Sur la voie de l'intégration de la surveillance maritime: un environnement commun de partage de l'information pour le domaine maritime de l'UE», JO C 44, du 11.2.2011, p. 173.

Avis du CESE sur le «Partenariat Union européenne-Afrique – Connecter l'Afrique et l'Europe: vers un renforcement de la coopération en matière de transport», JO C 18, du 19.1.2011, p. 69.

Avis du CESE sur le «Niveau minimal de formation des gens de mer», JO C 43, du 15.2.2012, p. 69.

Avis du CESE sur la «Convention du travail maritime – Responsabilité de l'État du pavillon et de l'État du port»JO C 299 du 4.10.2012, p. 153.


14.3.2013   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 76/20


Avis du Comité économique et social européen sur «La création d'un label social européen» (avis exploratoire)

2013/C 76/04

Rapporteure: Mme Ariane RODERT

Le 3 juillet 2012, le Parlement européen a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement l'Union européenne, d'inviter le Comité économique et social européen à élaborer un avis exploratoire sur:

«La création d'un label social européen».

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 20 décembre 2012.

Lors de sa 486e session plénière des 16 et 17 janvier 2013 (séance du 16 janvier 2013), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 128 voix pour, 1 voix contre et 9 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE se réjouit de la possibilité qui lui est donnée de s'exprimer sur la proposition de la commission de l'emploi et des affaires sociales du Parlement européen relative au lancement, en 2013, d'un projet pilote concernant un label social européen. Toutefois, la situation a changé depuis la demande d'avis, étant donné que le texte a été adopté par la commission des budgets du Parlement européen le 4 octobre 2012 sans aucune référence à ce projet pilote.

1.2

Le CESE soutient le principe d'un renforcement de la dimension sociale en Europe et de la nécessité de mettre l'accent sur la responsabilité sociale des entreprises et de l'encourager. Il importe cependant de souligner que la responsabilité sociale des entreprises ne doit en aucun cas remplacer des droits sociaux garantis par des instruments juridiques nationaux ou internationaux, dont le dialogue social est un élément central.

1.3

Dans un premier temps, il convient dès lors de préciser davantage la valeur ajoutée, le calendrier et l'orientation de cette proposition par rapport aux objectifs politiques poursuivis. Ces objectifs sont importants mais dans les circonstances actuelles, le moyen principal et le plus efficace de les atteindre est la mise en œuvre d'une législation plus contraignante et mieux adaptée en matière sociale.

1.4

Le CESE souhaite en outre faire remarquer que sans nier l'importance de cette approche, l'on peut se demander si cette proposition n'est pas trop complexe en un temps où l'UE traverse une crise marquée par un chômage élevé et un nombre croissant de faillites. Un label social au titre de la responsabilité sociale des entreprises ne reflète que la part volontaire de leurs activités sociales. Or cette part diffère d'un État membre à l'autre en raison des divergences entre les législations, la législation européenne ne prévoyant que des normes minimales en la matière. Il serait fâcheux d'introduire de nouvelles obligations pour les entreprises, qui risqueraient en ce moment précis d'élargir le fossé entre les entreprises et les pays de l'UE de tailles différentes au lieu de renforcer leur cohésion au niveau européen.

1.5

Il convient également de prendre en compte les initiatives parallèles en cours, comme, par exemple, le label appliqué aux entreprises dans le domaine de l'entrepreneuriat social (évoqué dans le cadre de «l'initiative pour l'entrepreneuriat social») pour éviter toute confusion. À cet égard, le CESE recommande que l'on attende le résultat de la cartographie du label social que réalisera la Commission dans le domaine de l'entrepreneuriat social et que l'on en tire des enseignements. D'autres initiatives susceptibles de faire double emploi, telles que les tout nouveaux prix de la responsabilité sociale des entreprises, l'intégration des considérations sociales dans la passation de marchés, etc. doivent également être prises en compte en relation avec cette proposition.

1.6

Le CESE estime par ailleurs qu'il convient de mieux démontrer la fiabilité, la légitimité et le pouvoir d'un label social volontaire. Pour faire connaître un nouveau label au niveau européen et assurer sa crédibilité, un système complet d'agrément et de suivi est indispensable, mais sa pertinence doit être mise en balance avec l'utilité de ce nouveau label. Dans ce contexte, avant d'envisager l'instauration d'un nouveau label social européen, le CESE préconise de recenser de manière exhaustive les systèmes existants dans les différents États membres ainsi que les bonnes pratiques en la matière, et de tirer la leçon des échecs passés. Le CESE recommande dès lors d'améliorer plutôt les systèmes de label existants et de les étendre à la responsabilité sociale (lorsque ce n'est pas déjà le cas).

1.7

Il convient également de faire connaître les systèmes existants et les entreprises qui les utilisent; de même, il y a lieu d'encourager d'autres entreprises à les utiliser plutôt que de créer un nouveau système avec lequel les consommateurs et les entreprises devraient se familiariser. Il y a lieu, en outre, d'envisager une campagne de communication, au moins à moyen terme, afin de sensibiliser les consommateurs et les citoyens.

1.8

Toutefois, dans l'éventualité de la création d'un nouveau label, il serait souhaitable, afin d'éviter toute distorsion, que le label social européen ne s'écarte pas trop des normes internationalement reconnues mais qu'il ajoute une «marque de fabrique» proprement européenne, à savoir le respect des droits sociaux.

2.   Introduction

2.1

La commission de l'emploi et des affaires sociales du Parlement européen a proposé le lancement, dans le courant de l'année 2013, d'un projet pilote concernant un label social européen, mais le texte concernant les projets pilotes pour 2013 a été adopté en l'absence de toute référence à cette proposition par la commission des budgets du Parlement européen au mois d'octobre (1). Compte tenu de ce changement de situation, le présent avis entend avant tout apporter une contribution au projet pilote proposé.

2.2

L'idée qui sous-tend cette proposition est de contribuer à une Europe plus sociale dans laquelle les normes minimales existant dans le domaine social et en matière de droit du travail seraient mieux appliquées. L'objectif est d'encourager la création d'emplois, de soutenir l'emploi des jeunes et de lutter contre la pauvreté en mettant en place un système de certification progressif sous la forme d'un «label social européen».

2.3

La demande adressée au CESE par le Parlement européen porte en particulier sur l'influence et l'importance du label dans les différents domaines politiques, les types d'entreprises qui pourraient être intéressées sur une base volontaire, la possibilité de créer un label progressif, les critères à respecter pour obtenir le label ainsi que les mesures à prendre pour le faire connaître.

2.4

La proposition de la commission de l'emploi relative à un label social prévoit un système volontaire et gratuit. Il s'adresserait à l'ensemble des entreprises de l'Union, et plus spécifiquement aux petites et moyennes entreprises (2) et aux très petites entreprises (3). Il viserait à créer une Europe plus responsable socialement en garantissant des normes sociales élevées dans l'ensemble des entreprises de l'UE. La proposition prévoit également l'harmonisation des systèmes de labellisation existants ainsi qu'une échelle de notation pour démontrer le potentiel d'amélioration. L'idée est d'évaluer, sur la base d'une liste de divers critères sociaux, la responsabilité sociale interne de l'entreprise et de lui attribuer l'un des différents niveaux du label.

3.   Observations générales

3.1

Le CESE reconnaît l'importance de cette approche en vue de renforcer la dimension sociale et les valeurs sociales en Europe. Toutefois, il y a lieu de réfléchir à la valeur ajoutée, au calendrier et à l'orientation de cette proposition et de prendre en compte les initiatives en cours dans des domaines connexes. Le Comité réclame des arguments plus probants concernant la valeur ajoutée que comporte une telle initiative et pour qui, ainsi que la contribution qu'elle apporte à la législation européenne.

3.2

Le CESE a récemment fait remarquer, dans son avis sur la «Responsabilité sociale des entreprises» (4), que celle-ci constitue une approche relevant du développement durable. Dans le même avis, le Comité insistait sur la nécessité de clarifier des concepts tels que la responsabilité «sociale» (qui ne concerne que le lieu de travail) et la responsabilité «sociétale» (les activités qui dépassent le cadre du lieu de travail).

3.3

Sur la base de ces définitions, la proposition de la commission de l'emploi concernant le label social semble porter sur la «responsabilité sociale»; comme elle s'adresse à l'ensemble des entreprises de l'UE, il y a lieu de l'envisager dans le contexte des travaux en cours de la Commission relatifs à la stratégie de l'Union européenne pour la responsabilité sociale des entreprises (5), publiée en 2011, qui couvre déjà des aspects similaires.

3.4

Comme l'a déjà indiqué précédemment le CESE, il importe de souligner que la responsabilité sociale des entreprises ne doit en aucun cas être utilisée pour remplacer des droits sociaux garantis par des instruments juridiques, nationaux ou internationaux, lesquels sont en premier lieu du ressort des États et des gouvernements. En outre, de nombreuses entreprises vont volontairement plus loin en matière de responsabilité sociale et il est dès lors essentiel de préciser qu'il convient de mettre l'accent sur le renforcement de la responsabilité sociale et de l'encourager, également au-delà des prescriptions légales en la matière. Le CESE est d'avis que chaque entreprise doit trouver sa propre approche en matière d'exercice de la responsabilité sociale en sus des instruments prévus par la loi. Un label social au titre de la responsabilité sociale des entreprises fait courir le risque de voir l'innovation sociale passer au second plan, l'accent étant mis sur la quête de certification.

3.5

L'idée d'un label social a déjà été évoquée en relation avec les travaux de la Commission concernant l'entrepreneuriat social, auxquels le CESE a activement contribué par plusieurs avis (6). Le label social a été mentionné en relation avec l'entrepreneuriat social et l'entreprise sociale dans le document intitulé «Vers un Acte pour le Marché unique» (7). Cette initiative a ensuite été reprise dans les actions clés proposées dans la communication de la Commission intitulée «Initiative pour l'entrepreneuriat social» (8), qui visait à offrir aux entreprises sociales de meilleures possibilités d'exercer leurs activités, de soutenir la concurrence et de se développer aux mêmes conditions que les autres entreprises. Cette initiative proposait entre autres la création d'une base de données publique des certifications pour aider les acteurs concernés à mieux comprendre les différents types de labels applicables aux entreprises sociales dans l'UE et pouvoir les comparer. La Commission a en outre l'intention de lancer, dans un avenir proche, une cartographie des entreprises sociales, en répertoriant non seulement les différentes formes de labels sociaux existants pour les entreprises mais aussi les caractéristiques spécifiques, les règles et les modèles applicables à ce type d'entreprises.

3.6

Le CESE estime dès lors que la future cartographie des entreprises sociales évoquée dans l'initiative pour l'entrepreneuriat social doit être réalisée avant les travaux relatifs à une définition plus large de la labellisation sociale des entreprises et indépendamment de ceux-ci. Le CESE estime qu'elle doit être achevée avant que l'on envisage d'élargir la labellisation étant donné que la cartographie des dispositifs de labellisation existants pour les entreprises sociales peut contribuer utilement à l'évaluation des possibilités et de l'utilité d'un label plus vaste. Par ailleurs, les autres initiatives similaires telles que l'intégration des considérations sociales dans la passation de marchés, les tout nouveaux prix de la RSE et les plateformes sectorielles œuvrant dans le domaine de la labellisation pour les entreprises sociales doivent avoir le temps de mûrir avant que ne soient lancées de nouvelles activités.

3.7

Le CESE fait remarquer qu'il importe d'établir une distinction claire entre la proposition de la commission de l'emploi (qui porte sur la responsabilité sociale des entreprises) et l'initiative pour l'entrepreneuriat social. Les objectifs ne sont pas les mêmes, un traitement distinct s'impose donc. Le CESE invite dès lors la commission de l'emploi à envisager le recours à un autre concept dans sa proposition afin d'éviter toute nouvelle confusion. Un autre argument à l'appui de cette suggestion est le fait que parmi les entreprises sociales, certains acteurs sont déjà reconnus et utilisent ce concept de labellisation des entreprises sociales, par exemple le Social Enterprise Mark  (9).

4.   Observations particulières à propos des questions posées par la commission de l'emploi

4.1

La proposition de projet pilote relatif à un label social a pour objectif d'amener les entreprises à s'efforcer de devenir socialement plus responsables, au-delà de leurs responsabilités juridiques. Cette approche est d'une importance capitale mais l'on peut se demander si un label social européen doté d'un tel objectif n'est pas trop complexe par rapport à la valeur ajoutée qu'il comporte dans le climat économique actuel. D'un point de vue politique, la proposition vise à favoriser la création d'emplois et l'emploi des jeunes et à lutter contre la pauvreté. Tous ces domaines sont essentiels pour l'Europe mais le CESE considère que le lien entre ceux-ci et un label social volontaire n'est pas assez fort pour être efficace. Le CESE est plutôt d'avis que le principal moyen d'atteindre effectivement cet objectif restera toujours la mise en œuvre d'une législation plus contraignante et mieux adaptée dans ce domaine ainsi que le renouvellement et le renforcement de la méthode ouverte de coordination en matière sociale.

4.2

Le CESE juge également important de faire observer que les propositions en la matière doivent partir du principe que des entreprises fortes et compétitives sont indispensables à la croissance économique et du même coup, à la garantie à long terme de meilleures conditions sociales.

4.3

La proposition suggère la mise en place d'un «système de notation» graduel et progressif en fonction du degré de réalisation de différents critères sociaux tels que, par exemple, des salaires décents, la sécurité sociale, la couverture maladie, l'égalité entre les hommes et les femmes, la garde des enfants, le télétravail, etc. Eu égard à la crise économique que nous traversons actuellement et aux grandes difficultés auxquelles sont confrontés certains pays, le CESE craint qu'un tel système graduel de notation, en ce moment précis, n'élargisse le fossé entre les entreprises et les pays de l'UE de tailles différentes au lieu de renforcer leur cohésion au niveau européen. Un «système de notation» progressif n'est pas approprié s'il n'est pas élaboré de manière à convenir non seulement aux grandes multinationales, mais aussi aux PME et aux TPE.

4.4

Un label n'est utile que s'il est à la fois connu et reconnu. Les PME et les TPE bénéficiant d'un tel label devraient dès lors faire l'objet de campagnes de communication soulignant leur engagement. Ce qui est considéré comme un progrès social doit par conséquent faire l'objet d'une discussion approfondie compte tenu du principe de subsidiarité en la matière, mais aussi des systèmes nationaux de sécurité sociale qui reposent sur des traditions et modèles différents. Ces dialogues doivent être menés avec les partenaires sociaux et d'autres acteurs tels que les associations de consommateurs, tant au niveau de l'UE que des États membres.

4.5

Dans le cadre des efforts déployés par l'UE pour faciliter le lancement et la gestion des entreprises, un grand nombre de simplifications et de mesures stimulant la croissance ont été mises en œuvre afin de ne pas affaiblir la responsabilité sociale des entreprises, les droits sociaux des salariés ou le potentiel de croissance et la compétitivité de l'entreprise. Même s'il reste beaucoup à faire en matière de droits, le CESE émet des doutes quant à la possibilité qu'un système volontaire améliore effectivement la responsabilité sociale. Le CESE fait en outre observer qu'un label social, gratuit ou non, accaparera des ressources qui peuvent être mieux utilisées pour les entreprises déjà sous pression en cette période de crise.

4.6

Lorsque l'on s'efforce d'améliorer la responsabilité sociale, il convient également d'évaluer jusqu'à quel niveau une entreprise est responsable du respect des droits sociaux, par exemple en ce qui concerne sa coopération avec les fournisseurs situés hors des frontières de l'UE. En l'absence de clarté s'agissant de cette responsabilité, le label n'inspirera pas confiance. À cet égard, il convient également de prendre en compte l'incidence éventuelle du label sur les échanges et les importateurs.

4.7

Il importe également de poser la question de la légitimité d'un éventuel label standardisé. De précédentes expériences ont montré qu'en général, les initiatives de ce type, plus contraignantes et venant d'en haut, ont peu d'impact parmi les associations de consommateurs ou d'autres acteurs, ce qui est pourtant indispensable si l'on veut que le label soit efficace. À cet égard, Fairtrade (10) est un bon exemple d'initiative de labellisation prise par le secteur des consommateurs lui-même, exemple dont on pourrait s'inspirer.. Par ailleurs, les systèmes de labellisation qui sont considérés comme n'étant pas pleinement opérationnels doivent être analysés de plus près (11).

4.8

La manière dont l'on crée la confiance en un nouveau label est importante. Du point de vue des consommateurs, aujourd'hui déjà, les différents systèmes de labellisation sèment la confusion, bon nombre d'entre eux sont difficiles à comprendre, et il est impossible de rester informé. Il peut sembler exagéré d'ajouter encore un nouveau système et d'attendre des consommateurs qu'ils fassent des choix éclairés. Plutôt que d'imaginer un nouveau label social, il conviendrait d'envisager l'extension des systèmes existants à la responsabilité sociale (lorsque ce n'est pas déjà le cas). Cela s'applique également à la possibilité que le label accroisse la confiance des investisseurs. Grâce, par exemple, à des initiatives dans le domaine des investissements sociaux, la Commission va définir des orientations sur la manière de mieux rendre compte des effets sociaux des activités, une approche saluée comme primordiale par le CESE s'agissant des investissements dans l'entrepreneuriat social (12), et qu'il conviendrait d'adopter également dans le cadre de cette initiative-ci.

4.9

Il convient également de se pencher sur la problématique liée à la création d'un système complexe au niveau européen, en particulier en ce qui concerne les aspects sociaux, techniques et pratiques. Il existe déjà actuellement différents labels de certification sociale à différents égards, dont la plupart ont permis d'accroître la visibilité et la situation des questions sociales dans les entreprises (13). Dans le contexte de la proposition de la commission de l'emploi, il convient avant tout de prendre en compte la norme ISO 26000 (14), car celle-ci couvre la majorité des critères prévus par la proposition et que de nombreuses entreprises ont déjà obtenu cette certification. Il existe en outre de nombreuses autres normes internationales bien établies (15). Le projet pilote doit dès lors estimer la valeur d'un nouveau système de labellisation et examiner s'il ne serait pas préférable de mieux faire connaître les systèmes existants, d'encourager les entreprises à les utiliser et de les renforcer par exemple au moyen d'indicateurs d'amélioration.

4.10

Afin d'éviter toute distorsion, il conviendrait que le label social européen ne s'écarte pas trop des normes internationalement reconnues mais qu'il ajoute une «marque de fabrique» proprement européenne, à savoir le respect des droits sociaux.

4.11

Bon nombre des critères proposés pour servir de base au label social sont couverts par le dialogue social, le processus de négociation dans le cadre duquel les partenaires sociaux prennent leurs décisions, ou par les législations nationales en vigueur. Cela signifie qu'une gradation de ces critères est inappropriée. Le CESE fait également remarquer que l'on a aussi, dans le cadre du dialogue social, promu les bonnes pratiques et élaboré des orientations en la matière, étant donné que la responsabilité sociale contribue au dialogue social et le complète.

4.12

La création d'une liste de critères sociaux pouvant s'appliquer à tous les types d'entreprises, toutes les situations et toutes les conditions présentes dans les États membres est complexe et relève du défi. Il existe aujourd'hui une grande variété de systèmes et traditions dans les États membres s'agissant des avantages sociaux allant au-delà des prescriptions légales, par exemple les modalités de garde d'enfants, de congé parental, d'assurance maladie, le salaire minimal, etc. Le projet pilote doit dès lors tenir compte du principe de subsidiarité et des critères proposés, afin de pouvoir évaluer l'applicabilité du label.

4.13

Afin que le label suscite la confiance, il faut non seulement fournir un travail d'information à l'intention des entreprises, des investisseurs et des consommateurs, mais aussi mettre en place un système de suivi opérationnel. Un label ne donne qu'une image instantanée reflétant le niveau de respect des critères par l'entreprise au moment de la demande. En l'absence d'une instance indépendante pour la certification et le suivi ainsi que d'un calendrier pour la labellisation, ni la confiance ne le progrès social visés par le label ne seront au rendez-vous. À cet égard, il convient de tenir compte des risques d'abus ou d'irrégularités et de prévoir la manière dont il y a lieu de traiter les exclusions d'entreprises. La mise en place d'un contrôle approprié nécessite des ressources et une structure administrative. Il importe dès lors d'évaluer les coûts de la plus-value sociale attendue par rapport à la bureaucratie et à la complexité accrues.

4.14

Le CESE se demande s'il est raisonnable de créer un label englobant tous les secteurs et États membres européens. Des possibilités très diverses s'offrent aux différentes entreprises pour atteindre les objectifs proposés et il est impossible de créer une instance d'évaluation qui serait équitable vis-à-vis de chacune d'entre elles. Nous proposons dès lors la création d'un volet de la responsabilité sociale des entreprises qui permettrait de labelliser des activités ou processus plutôt que l'entreprise dans son ensemble.

4.15

Le CESE fait dès lors remarquer que si, par hasard, un projet pilote dans ce domaine se concrétisait, les groupes cibles de la labellisation devraient participer à sa conception. Il serait utile de réaliser une étude afin de clarifier les éléments déterminants du label social, tels que le suivi, la durée de validité, le retrait du label, l'intervalle de temps entre les évaluations ainsi que les indicateurs d'amélioration, etc. En outre, un projet pilote devrait viser à déterminer si un label social européen est réalisable et utilisable pour atteindre les résultats escomptés.

Bruxelles, le 16 janvier 2013.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Commission des budgets du Parlement européen, 4 octobre 2012.

(2)  PME.

(3)  TPE.

(4)  JO C 229 du 31.7.2012, p. 77.

(5)  COM(2011) 681 final.

(6)  JO C 24 du 28.1.2012, p. 1 et JO C 229 du 31.7.2012, p. 44.

(7)  COM(2010) 608 final.

(8)  COM(2011) 682 final.

(9)  http://www.socialenterprisemark.org.uk

(10)  http://www.fairtrade.net

(11)  Par exemple le label social belge, ou le label social et environnemental français.

(12)  JO C 229 du 31.7.2012, p. 55.

(13)  Par exemple le Pacte mondial, EMAS, la Business Social Compliance Initiative et la Global Reporting initiative.

(14)  http://www.iso.org/iso/fr/home/standards/iso26000.htm?=

(15)  Principes directeurs de l'OCDE pour les entreprises multinationales, Déclaration de principes tripartite de l'OIT, Pacte mondial des Nations unies.


III Actes préparatoires

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

486e session plénière des 16 et 17 janvier 2013

14.3.2013   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 76/24


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – L'Acte pour le marché unique II – Ensemble pour une nouvelle croissance»

COM(2012) 573 final

2013/C 76/05

Rapporteur: M. SIECKER

Corapporteurs: Mme FEDERSPIEL et M. VOLEŠ

Le 19 décembre 2012, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: L'Acte pour le marché unique II – Ensemble pour une nouvelle croissance»

COM(2012) 573 final.

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 8 janvier 2013.

Lors de sa 486e session plénière des 16 et 17 janvier 2013 (séance du 16 janvier 2013), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 162 voix pour, 24 voix contre et 18 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le Comité rappelle (1) que le marché unique est une pièce maîtresse de l'intégration européenne et qu'il a la capacité de produire des avantages directement perceptibles pour les parties prenantes européennes et de générer une croissance durable pour les économies de l'UE. Dans le contexte actuel de crise économique, un marché unique orienté vers l'avenir et qui fonctionne bien n'est pas seulement souhaitable mais bien essentiel pour l'avenir politique et économique de l'Union européenne.

1.2

Face à la crise économique actuelle et, notamment, aux conséquences de la déréglementation des marchés financiers sur les budgets nationaux des États membres, sur l'économie réelle, sur la pauvreté et sur l'emploi au sein de l'Union européenne (2), le ton optimiste adopté par la Commission dans sa communication relative à la mise en œuvre du marché unique semble inapproprié. Le CESE estime que la Commission n'a pas accordé suffisamment d'attention aux conséquences négatives imprévues du marché unique. Annoncer la réussite sur un ton trop explicite et démonstratif, mais de manière prématurée, ne peut que frustrer les citoyens de l'Union. Cette approche pourrait affaiblir davantage le marché unique au lieu de lui insuffler un nouvel élan. La Commission pourrait adopter une approche plus réaliste en tenant un discours plus nuancé.

1.3

L'amélioration du fonctionnement du marché unique, qui s'appuie sur les anciennes et les nouvelles orientations, est fortement menacée par l'augmentation massive du nombre de chômeurs (28 millions), qui frappe particulièrement les jeunes dans l'UE. Des centaines de milliers de PME ont fait faillite et 120 millions de citoyens sont exposés au risque de pauvreté et d'exclusion sociale, à savoir environ 25 % de la population de l'Union. C'est pourquoi la demande et la consommation dans l'UE sont fortement touchées. Outre la mise en œuvre d'actions-clés, l'UE et les États membres doivent redoubler d'efforts pour surmonter la crise financière, économique et budgétaire, et pour libérer tout le potentiel du marché unique.

1.4

Le CESE invite le Parlement, la Commission et le Conseil à agir rapidement, sans toutefois nuire à la qualité, afin de garantir l'adoption de ces propositions législatives avant la fin des mandats du Parlement et de la Commission au printemps 2014. Le Comité accueillerait très favorablement l'application rapide des mesures proposées dans la communication relative à la gouvernance du marché unique afin d'améliorer la mise en œuvre générale des règles de l'UE.

2.   Observations générales: «Pour une économie sociale de marché hautement compétitive»

2.1

La Commission a défini la deuxième phase de l'Acte pour le marché unique au moyen de 12 nouvelles actions-clés destinées à améliorer le fonctionnement du marché unique. Le CESE se félicite d'avoir été consulté avant la publication de la communication et du fait que la Commission ait repris certaines de ses recommandations dans l'Acte pour le marché unique II. Cependant, il déplore qu'aucune consultation publique formelle n'ait été menée cette fois-ci et que la consultation informelle n'ait pas été réalisée de manière équilibrée entre les acteurs concernés.

2.2

Malgré la contribution positive qu'il a apportée à la croissance économique et la création de nouveaux emplois depuis sa mise en place, le marché unique n'a pas déployé tout son potentiel vis-à-vis des différentes parties prenantes, qu'il s'agisse des entreprises, des travailleurs, des consommateurs, des citoyens ou autres. La Commission mentionne 2,77 millions d'emplois supplémentaires, mais elle ne fait aucune allusion à la nature précaire d'une partie de ceux-ci (3). Or, nous savons que quelque 10 millions d'emplois ont été perdus depuis le printemps 2008, lorsque les effets de la crise économique se sont fait sentir à travers l'Europe, et il semblerait que nous ne soyons pas encore au bout de cette récession (4).

2.3

Bien que la Commission indique les principes directeurs qui ont guidé ces choix (le principe du «mieux légiférer», le coût de la non-Europe, etc.), le caractère urgent de certaines propositions n'est pas toujours clair dans toutes les institutions européennes. En ce qui concerne notamment la mobilité des travailleurs, la Commission annonce une initiative en rapport avec le portail EURES, alors que, dans le même temps, d'autres activités fondamentales dans ce domaine sont toujours en suspens au Conseil.

2.4

Le CESE estime que la Commission n'a pas accordé suffisamment d'attention aux conséquences négatives imprévues du marché unique. La réglementation de l'UE en matière de marchés financiers n'a pas été suffisamment stricte pour mettre fin à une surveillance défaillante et pour empêcher un modèle d'entrepreneuriat orienté vers les intérêts à court terme d'un groupe privilégié d'actionnaires. Il y a lieu d'accorder une attention accrue à l'amélioration de la gouvernance d'entreprise. Il conviendrait d'accorder la priorité absolue au renforcement de la transparence et de la responsabilisation afin de garantir que le marché unique contribue au développement d'un environnement juridique qui respecte les intérêts légitimes de toutes les parties prenantes.

2.5

Il y a lieu de signaler la fermeté avec laquelle la Commission affirme que ces douze nouveaux leviers contribueront à renforcer la croissance, l'emploi et la confiance dans le marché unique. Le CESE estime que l'histoire de l'introduction du marché unique montre que certaines des mesures prises par le passé ont eu des conséquences majeures à court terme. Annoncer la réussite sur un ton trop explicite et démonstratif, mais de manière prématurée, ne peut que frustrer les citoyens de l'Union, surtout en l'absence de preuves solides provenant d'analyses d'impact. Cette approche pourrait affaiblir davantage le marché unique au lieu de lui insuffler un nouvel élan (5). La Commission pourrait adopter une approche plus réaliste en tenant un discours plus nuancé.

2.6

Malheureusement, la première et la deuxième édition de l'Acte pour le marché unique ne soulignent pas l'importance de la confiance en matière d'application des droits. Le CESE attend toujours avec impatience que l'on mette enfin à la disposition des consommateurs européens un mécanisme judiciaire de recours collectif efficace. Si la libéralisation des marchés et le renforcement de la concurrence constituent des objectifs clés de la politique du marché unique et jouent un rôle majeur en permettant aux consommateurs de choisir librement, ces derniers ont également besoin d'un cadre solide qui prévoie des droits de protection en matière d'achat de biens et services et l'application efficace de ces droits. Plusieurs études ont conclu que la mise en œuvre de différents instruments de l'UE est lente et que l'application demeure relativement faible, notamment en cas d'activités transfrontalières. La Commission européenne devrait donc d'urgence proposer des mesures contraignantes relatives à de nouveaux mécanismes d'exécution.

2.7

Il est regrettable que seule une des douze initiatives porte la mention «Consommateurs», en dépit du fait que plusieurs leviers ont un impact significatif sur la vie quotidienne des consommateurs européens (6). Nous espérons que cette approche ne reflète pas le point de vue général de la Commission vis-à-vis de la politique des consommateurs. Il importe de viser large et de ne pas considérer les consommateurs comme un appendice à la politique des entreprises, mais plutôt comme des acteurs indépendants, afin de créer un marché unique profitable à tous (cf. les rapports de Monti et de Grech). Le CESE partage l'avis de la Commission selon lequel les 50 propositions et les 12 premiers leviers n'exploitent pas pleinement le potentiel du marché unique. Toutefois, du point de vue des consommateurs, la Commission aurait pu et aurait dû mettre davantage l'accent sur des initiatives qui leur sont favorables, comme le CESE l'a souligné précédemment dans un avis (7).

2.8

Le CESE s'étonne de l'absence de toute sensibilisation au partenariat social dans cette communication. La confiance ne peut être rétablie si la participation des partenaires sociaux aux politiques de l'UE se limite au domaine politique relevant de la DG Emploi. La consultation des partenaires sociaux est également nécessaire dans le cadre de diverses activités de la DG Marché intérieur.

2.9

Comme le CESE l'a déjà souligné dans des avis antérieurs, toute proposition relative à des transactions transfrontalières avec des consommateurs doit être réalisée de manière progressive, en commençant par les contrats de vente transnationaux entre entreprises (B2B), conçus comme des opérations pilotes. En attendant l'adoption d'une proposition relative aux opérations d'entreprise à consommateur (B2C), aucune autre initiative à caractère facultatif ne doit être présentée en matière de contrats de vente transnationaux.

3.   Les douze premiers leviers et éléments manquants – situation

3.1

La Commission a déjà présenté 11 des 12 propositions législatives pour les actions-clés et le CESE a adopté des avis sur ces propositions (8). Le CESE invite le Parlement, la Commission et le Conseil à agir rapidement, sans toutefois nuire à la qualité, afin de garantir l'adoption de ces propositions législatives avant la fin des mandats du Parlement et de la Commission au printemps 2014. Il convient que les États membres mettent en œuvre la législation adoptée de façon appropriée et qu'ils veillent au respect de son application afin de garantir des conditions équitables. En outre, il y a lieu d'éliminer les entraves basées sur des motifs injustifiés et discriminatoires de manière à garantir le bon fonctionnement du marché unique.

3.2

Le retrait du règlement «Monti II» ne règle pas les problèmes engendrés par les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne relatifs au détachement des travailleurs. Il y a lieu de trouver une solution à la situation actuelle, qui empêche les travailleurs d'exercer pleinement leurs droits. La Commission devrait garantir que les droits sociaux fondamentaux ne soient pas restreints par les libertés économiques. Elle doit envisager une proposition qui prévoie l'intégration d'un protocole de progrès social dans les traités européens. Ce protocole devrait clarifier le lien entre les droits sociaux fondamentaux et les libertés économiques en confirmant que le marché unique n'est pas une fin en soi, mais qu'il a été établi afin d'instaurer le progrès social pour les citoyens de l'Union (de fait, en application de l'article 3.3 de la version consolidée du traité sur l'Union européenne). Il doit en outre indiquer clairement que les libertés économiques et les règles de la concurrence ne peuvent primer les droits sociaux fondamentaux et le progrès social, et qu'elles ne sauraient aucunement être interprétées de manière à accorder aux entreprises le droit de se soustraire ou de contourner les lois et les pratiques nationales dans le domaine social et en matière d'emploi, ou bien d'imposer une concurrence déloyale jouant sur les salaires et les conditions de travail.

3.3

Le CESE a relevé un certain nombre de mesures qui font défaut dans l'Acte pour le marché unique I et qui, selon lui, contribueraient également à renforcer la confiance des citoyens. Ces mesures manquantes portaient notamment sur la révision de la directive sur les droits d'auteur, les prélèvements au titre des droits d'auteur, la neutralité de l'internet, le protocole de progrès social, les microentreprises et les entreprises familiales, les mesures de soutien à la création de nouvelles sociétés et à l'extension des entreprises existantes, le surendettement et les virements interbancaires en vue de consolider le fonctionnement de l'espace unique de paiements en euros (SEPA).

4.   Les 12 nouveaux leviers

4.1   Transport

Le CESE accueille favorablement les mesures destinées à améliorer l'interconnexion du marché unique dans le domaine du transport ferroviaire, maritime et aérien, mais déplore l'absence d'une approche globale; la Commission ne propose en effet aucune action dans le domaine du transport de marchandises par rail, du transport routier, qui constitue le segment le plus important dans le transport des marchandises et des passagers, et du transport multimodal comme moyen d'optimiser l'efficacité des transports.

4.1.1   Ferroviaire

La façon dont la privatisation du transport ferroviaire est définie et défendue ne reflète nullement le fait que dans d'importantes régions d'Europe, il convient de prendre en considération des raisons autres que purement économiques afin de maintenir à flot le transport public. Se borner à introduire le critère de la rentabilité pourrait affaiblir la fonction d'utilité publique remplie par les systèmes de transport ferroviaire. Évaluer les privatisations qui ont réussi ou pas uniquement sur la base des économies réalisées ne suffira pas. Le raisonnement doit tenir compte en priorité de la qualité et de la sécurité pour le personnel et le grand public.

4.1.2   Maritime

Un véritable marché unique du transport maritime ne pourra être garanti que si les conditions de concurrence sont équitables par rapport aux autres modes de transport. Cela signifie qu'il convient de s'orienter résolument vers une simplification administrative (c'est-à-dire douanière) dans le cas des transports maritimes purement intra-UE. Les marchandises de l'UE devraient être traitées différemment de celles qui proviennent de pays tiers (notamment au moyen du manifeste électronique) afin de réduire les formalités administratives et déléguer la responsabilité aux transporteurs. En fait, les marchandises inspectées à leur entrée dans l'UE ne devraient pas faire l'objet d'une nouvelle inspection dans un autre port de destination situé au sein de l'UE.

Cela permettrait aussi, d'une part, de créer un transport maritime sans frontières au sein de l'UE et, d'autre part, de mettre en place les autoroutes de la mer, ces routes maritimes principales qui relient des ports européens en association avec d'autres modes de transport et dont l'UE a fortement besoin. Le CESE élabore actuellement un avis sur la «croissance bleue» et présentera des propositions pragmatiques début 2013.

4.1.3   Aérien

Bien qu'il reconnaisse l'importance de prendre des mesures contre la fragmentation actuelle de l'espace aérien européen, le CESE regrette que la révision du règlement relatif aux droits des passagers aériens en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important n'ait pas encore été présentée. Il convient de clarifier et d'actualiser d'urgence cette législation européenne en ce qui concerne son champ d'application et l'interprétation de certaines dispositions générales. Le CESE invite également la Commission à soumettre une proposition législative qui impose aux compagnies aériennes de garantir la protection de tous les passagers en cas d'insolvabilité des compagnies aériennes, ainsi qu'à agir contre la prolifération de clauses contractuelles déloyales, le manque de transparence des prix des billets et les difficultés pour les consommateurs d'obtenir réparation en obligeant les compagnies aériennes à adhérer aux procédures de règlement extrajudiciaires des litiges (REL), ainsi qu'aux décisions prises par les autorités nationales chargées du transport aérien.

4.2   Énergie

Dans de nombreux États membres, il n'est toujours pas possible, étant donné l'absence de concurrence, de choisir entre différents fournisseurs d'énergie. Il reste du chemin à parcourir en Europe pour garantir l'accessibilité financière des services, une gestion efficace des plaintes, la comparabilité des offres et des prix, la possibilité de changer facilement de fournisseur et la transparence des tarifs et des clauses de contrat. Le CESE demande à la Commission et au Conseil de garder sous surveillance étroite les marchés nationaux de détail de l'énergie et, le cas échéant, d'agir rapidement pour assurer la poursuite efficace de la mise en œuvre du troisième paquet énergétique au bénéfice des citoyens. Il est important que les États membres transposent les dispositions du troisième paquet de manière à aider les citoyens vulnérables et à lutter contre la pauvreté énergétique dans leur pays. L'engagement des consommateurs est indispensable à la réussite de la mise en place de compteurs intelligents, un système susceptible d'améliorer l'efficacité énergétique. Toutefois, de nombreuses questions subsistent, notamment en ce qui concerne les avantages potentiels par rapport aux coûts supportés par les consommateurs, ainsi qu'en matière de protection des données. Dans l'intérêt de tous les utilisateurs d'énergie, il conviendrait de résoudre ces problèmes le plus rapidement possible.

4.3   Mobilité des citoyens

La Commission européenne est un ardent défenseur de la mobilité. Cependant, la mobilité ne constitue pas un objectif en elle-même. Il faut beaucoup pour qu'une personne quitte son lieu d'origine, et les comparaisons avec les États-Unis ne tiennent pas toujours la route. Les travailleurs, salariés et indépendants, qui traversent les frontières sont souvent confrontés au manque de reconnaissance de leurs qualifications, à de longues heures de travail, à des conditions de travail médiocres, aux discriminations, à l'inégalité de traitement et à la barrière de la langue. L'amélioration des conditions de travail et la promotion de l'égalité de traitement devraient être des objectifs poursuivis dans le cadre d'une politique active de l'emploi à l'échelle européenne. En particulier, le CESE déplore le fait qu'après plus de 20 ans, aucun progrès n'ait été enregistré dans le dossier important de la reconnaissance des qualifications professionnelles (9). Il conviendrait de promouvoir la mobilité des stagiaires, des apprentis et des jeunes entrepreneurs en Europe.

4.4   Accès aux financements

Les mesures proposées afin de faciliter l'accès aux fonds d'investissement à long terme constituent une avancée positive. Elles ne permettront toutefois pas de résoudre les problèmes que rencontrent les PME à cause du manque de capital opérationnel. Les PME, qui constituent l'épine dorsale de l'économie de l'UE, ne devraient pas faire l'objet de discriminations en matière d'accès aux financements en raison des règles strictes qui régissent les réserves bancaires (10). Le Comité renvoie à ses avis antérieurs consacrés à l'accès des PME aux financements (11). À cet égard, il recommande de créer des instruments renouvelables pour fournir de tels prêts afin de permettre aux PME d'accéder facilement au financement sans garanties excessives (12). Ces crédits seraient garantis par des ressources nationales ou européennes. Les États membres devraient envisager d'autres possibilités, telles que les exonérations fiscales pour les investisseurs privés et familiaux qui investissent dans les jeunes PME, leur extension pour un certain nombre d'années et d'autres mesures incitatives. Ces mesures devraient compléter la proposition relative à la libre circulation transfrontalière du capital-risque européen de l'Acte pour le marché unique I, qui s'axe sur les entreprises innovantes mais ne résout pas le problème du manque de financement que connaissent les autres PME.

4.5   Environnement des entreprises

La proposition visant à moderniser la législation en matière d'insolvabilité représente un pas dans la bonne direction si l'on veut améliorer l'environnement des affaires, surtout quand l'objectif poursuivi est de donner aux entrepreneurs une seconde chance. La part des charges administratives auxquelles les PME, et surtout les microentreprises, ne peuvent faire face est toujours trop importante. Le Comité invite la Commission à poursuivre ses efforts de réduction des charges administratives et à définir des objectifs quantitatifs et qualitatifs. À cet égard, il y aurait lieu d'améliorer constamment l'analyse d'impact. Les évaluations menées jusqu'à présent se focalisent trop sur la réglementation en tant que telle et sont, en partie à cause de cela, de nature trop «technocratique». La réglementation d'un État membre peut très bien être motivée par une volonté de maintenir la qualité du service fourni et donc être dans l'intérêt des citoyens; elle n'est dès lors pas superflue (13).

4.6   Services

Le CESE se félicite que l'Acte pour le marché unique II prévoie la révision de la directive sur les services de paiement (DSP) et souligne que le développement d'un marché européen des paiements efficace, au bénéfice de l'ensemble des consommateurs et des entreprises, devrait être l'objectif principal de cette révision. Il est particulièrement important de rendre les services de paiement accessibles aux consommateurs, mais aussi d'en assurer une offre qui soit sûre, efficace et peu coûteuse. La révision devrait interdire la pratique consistant à imposer aux consommateurs des majorations pour le recours à certains modes de paiement à travers l'UE. Les personnes qui ont recours à la domiciliation devraient se voir garantir des droits inconditionnels à remboursement pour les transactions autorisées et non autorisées. Les consommateurs devraient bénéficier d'une protection efficace quelle que soit la méthode de paiement qu'ils privilégient et qui tiendrait compte des règles solides de protection des consommateurs qui existent déjà dans certains États membres. À cet égard, il convient de tenir compte des nombreux avantages que présentent ces méthodes de paiement pour l'ensemble des acteurs concernés, mais aussi de la nécessité de limiter leur coût pour les PME qui les proposent à leurs clients. Le CESE salue la volonté de la Commission de présenter une proposition législative sur les commissions multilatérales d'interchange pour les paiements par carte.

4.7   Un marché unique numérique

Le CESE se félicite de l'intention de la Commission européenne de réduire les coûts et d'améliorer l'efficacité du déploiement des infrastructures de communication à haut débit en adoptant des règles communes. Le Comité souscrit à la proposition relative à l'amélioration de la connexion à l'internet à large bande et à haut débit comme une condition technique indispensable à l'expansion du commerce en ligne. Il importe d'adopter un modèle cohérent pour les méthodes de calcul des coûts utilisées par les autorités de régulation nationales à travers l'Union afin de veiller à ce que les coûts soient équitables et calculés selon des normes identiques. Des marchés des télécommunications dûment réglementés doivent garantir un choix aux consommateurs. Si un accès équitable des nouveaux opérateurs aux réseaux d'accès de la nouvelle génération n'est pas effectivement assuré, le choix de services de détail pour les consommateurs sera qualitativement faussé ou limité. Tous les concurrents devraient pouvoir accéder aux infrastructures aux mêmes conditions et l'accès aux réseaux pour les nouveaux venus et les opérateurs historiques devrait être garanti à des prix raisonnables (c'est-à-dire fixés en fonction des coûts).

4.8   La facturation électronique dans les marchés publics

Les entreprises demandent depuis longtemps le recours généralisé à la facturation électronique, notamment dans le cadre des activités transfrontalières. Pour cette raison, le CESE apporte un soutien ferme à la proposition visant à faire de ce type de facturation la règle générale pour les marchés publics. Cependant, le formulaire électronique devrait également être d'application dans le cadre de la présentation des offres étant donné que sa non-utilisation est l'une des raisons expliquant le nombre réduit de PME qui prennent part à des appels d'offres dans d'autres États membres que celui sur le territoire duquel elles ont leur siège (voir également le Programme de travail de la Commission 2013).

4.9   Consommateurs

4.9.1

L'on trouve toujours sur le marché de l'UE des produits de consommation dangereux, dont certains portent le marquage CE. Les risques qu'ils présentent pour la santé et la sécurité pourraient être évités. Le CESE se réjouit donc que la Commission européenne entende proposer un paquet législatif «Sécurité des produits» qui comprendra un instrument de surveillance du marché unique pour tous les produits non alimentaires, une proposition relative à une nouvelle directive sur la sécurité générale des produits (DSGP) et un plan-cadre pluriannuel pour la surveillance du marché. La révision devrait permettre de clarifier la manière dont les différentes législations européennes portant sur la sécurité des produits interagissent entre elles. Plus particulièrement, les responsabilités des fabricants doivent être renforcées et clarifiées. Il importe de garantir un degré d'application de la législation identique dans tous les États membres et que les activités de surveillance des marchés soient efficaces sur tout le territoire de l'UE.

4.9.2

Il convient d'accorder une attention spécifique aux produits attrayants pour les enfants et de maintenir l'interdiction des produits imitant la nourriture. La politique de l'UE doit constituer une avancée considérable en matière de sécurité et d'hygiène. Il convient de se pencher sur la question de la concurrence déloyale que subissent les entreprises européennes tenues de respecter les règles de l'UE. La révision de la directive sur la sécurité générale des produits devrait empêcher efficacement la mise sur le marché de produits dangereux, ce qui nécessite un système de surveillance européenne du marché, notamment des contrôles efficaces aux frontières extérieures de l'UE.

4.10   Cohésion sociale et entrepreneuriat social

4.10.1

Les propositions présentées ici sont placées sous ce titre de façon plutôt artificielle. Le CESE reconnaît l'importance, en cette période de crise, de mettre l'accent sur la lutte contre l'exclusion sociale et la pauvreté. À cet égard, l'entreprise de l'économie sociale a été présentée comme un élément fondamental de la stratégie de sortie de crise. Le manque d'actions-clés ciblées en faveur du développement et de la croissance de l'économie sociale et de ses entreprises est décevant. L'action-clé no 12 proposée omet l'exclusion sociale et la pauvreté croissantes en Europe. Pour cette raison, le CESE recommande de prévoir une action-clé claire et ciblée portant sur les entreprises de l'économie sociale, sur la base des recommandations du CESE, qui, selon lui, seront mieux à même de répondre au besoin de cohésion sociale (14).

4.10.2

Le CESE accueille favorablement la proposition visant à donner à tous les citoyens de l'Union européenne accès à un compte de paiement de base, à veiller à ce que les frais bancaires soient transparents et comparables et à simplifier le changement de compte bancaire. Le Comité espère que, cette fois, la Commission proposera une législation contraignante au lieu de la recommandation de juillet dernier, dont la nature facultative a suscité beaucoup de critiques. Le CESE observe que la transparence et la comparabilité des frais bancaires payés par les consommateurs ont soit présenté des lacunes considérables, soit complètement échoué. La législation européenne proposée devrait garantir à chaque citoyen le droit d'accès à un compte de paiement de base et devrait éliminer toute entrave au changement de compte bancaire.

Bruxelles, le 16 janvier 2013.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO C 24 du 28.1.2012, p. 99.

(2)  http://epp.eurostat.ec.europa.eu/cache/ITY_PUBLIC/3-03122012-AP/EN/3-03122012-AP-EN.PDF (en anglais).

(3)  FLASH-IT, Policy Research Alert 5 – Employment, octobre 2012.

(4)  Communiqué de presse Eurostat, 31 octobre 2012.

(5)  Monti, 2010: «Cela saperait le fondement de l'intégration économique, de la croissance et de l'emploi dans l'ensemble de l'UE, au moment où l'émergence de nouvelles puissances mondiales et l'apparition de sérieux défis environnementaux rendent plus que jamais nécessaire la cohésion de l'UE, dans l'intérêt des citoyens européens et d'une gouvernance mondiale efficace.»

(6)  Résolution du Parlement européen du 14 juin 2012 sur «L'acte pour le marché unique: les prochaines étapes vers la croissance».

(7)  JO C 299 du 4.10.2012, p. 165.

(8)  JO C 24 du 28.1.2012, p. 99.

(9)  JO C 191 du 29.6.2012, p. 103.

(10)  cf. le paquet «CRD IV».

(11)  JO C 351 du 15.11.2012, p. 45.

(12)  La carte Széchenyi en Hongrie – cf. http://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=1&ved=0CC8QFjAA&url=http%3A%2F%2Fwww.iapmei.pt%2Fconferencia%2F1_Laslo_Krisan.ppt&ei=DM29UKvHJNGRhQehsoGwDA&usg=AFQjCNHWIFTTA7fbjHyT1ShycR1qL7tKRQ

(13)  Voir l'avis du CESE JO C 318 du 29.10.2011, p. 109, § 3.2.

(14)  Cette question a aussi été mise en évidence dans l'avis suivant du CESE: JO C 299 du 4.10.2012, p. 165.


ANNEXE

à l'avis du Comité économique et social européen

L'amendement suivant, qui a recueilli plus du quart des suffrages exprimés, a été rejeté au cours des débats (article 39, paragraphe 2 du règlement intérieur):

a)   Paragraphe 3.2 (amendement 5)

3.2

Le retrait du règlement «Monti II» ne règle pas les problèmes engendrés par les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne relatifs au détachement des travailleurs. Il y a lieu de trouver une solution à la situation actuelle, qui empêche les travailleurs d'exercer pleinement leurs droits. La Commission devrait garantir que les droits sociaux fondamentaux ne soient pas restreints par les libertés économiques. Elle doit envisager une proposition qui prévoie l'intégration d'un protocole de progrès social dans les traités européens. Ce protocole devrait clarifier le lien entre les droits sociaux fondamentaux et les libertés économiques en confirmant que le marché unique n'est pas une fin en soi, mais qu'il a été établi afin d'instaurer le progrès social pour les citoyens de l'Union (de fait, en application de l'article 3.3 de la version consolidée du traité sur l'Union européenne). Il doit en outre indiquer clairement que les libertés économiques et les règles de la concurrence ne peuvent primer les droits sociaux fondamentaux et le progrès social, et qu'elles ne sauraient aucunement être interprétées de manière à accorder aux entreprises le droit de se soustraire ou de contourner les lois et les pratiques nationales dans le domaine social et en matière d'emploi, ou bien d'imposer une concurrence déloyale jouant sur les salaires et les conditions de travail. La Commission a présenté deux propositions législatives destinées à améliorer et à renforcer la transposition, l’application et le respect dans la pratique de la directive «détachement des travailleurs». La première, relative à la mise en œuvre de la directive 96/71/CE, vise à renforcer la protection des travailleurs provisoirement détachés à l'étranger, en améliorant l'information, la coopération administrative et les contrôles; elle est encore en discussion. La seconde proposition, relative à l'exercice du droit de mener des actions collectives dans le contexte de la liberté d'établissement et de la libre prestation des services («Monti II»), a été retirée.

S'agissant du principe de l'égalité en valeur entre les droits sociaux fondamentaux et les libertés économiques, le Comité est d'avis que cette approche doit tout particulièrement être entérinée par le droit primaire. Il fait observer que le 3e considérant du Préambule, et plus concrètement l’article 151 du TFUE, stipulent déjà que l'un des objectifs est l'amélioration des conditions de vie et de travail «permettant leur égalisation dans le progrès». Le Comité demande expressément qu'un «protocole sur le progrès social» soit intégré dans les traités, afin de consacrer l'équivalence entre les droits sociaux et les libertés économiques fondamentaux et de préciser ainsi que ni les libertés économiques, ni les règles de concurrence ne peuvent prendre le pas sur les droits sociaux fondamentaux, et afin de définir clairement la portée de l'objectif de réaliser le progrès social qui a été assigné à l'Union  (1).

Exposé des motifs

Se fera oralement.

Résultat du vote de l'amendement:

Voix pour

:

77

Voix contre

:

114

Abstentions

:

11


(1)  JO C 376 du 22.12.2011, p. 74.


14.3.2013   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 76/31


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – Un partenariat renforcé pour l'excellence et la croissance dans l'Espace européen de la recherche»

COM(2012) 392 final

2013/C 76/06

Rapporteure: Mme RONDINELLI

Le 17 juillet 2012, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - Un partenariat renforcé pour l'excellence et la croissance dans l'Espace européen de la recherche»

COM(2012) 392 final.

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 8 janvier 2013.

Lors de sa 486e session plénière des 16 et 17 janvier 2013 (séance du 16 janvier 2013), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 120 voix pour et 2 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le Comité économique et social européen (CESE) considère que la réalisation de l'Espace européen de la recherche (EER) est un objectif prioritaire pour encourager la croissance et le développement économique, social et culturel de l'UE, ainsi que l'excellence scientifique et la cohésion entre les États membres, les régions et les sociétés. La politique de financement prévue dans le cadre du programme Horizon 2020 devrait être la référence pour la réalisation de cet objectif.

1.2

Le CESE a eu l'occasion de faire part de sa vision de l'EER dans de nombreux avis (1) et de débattre et confronter ses points de vue en profondeur avec la Commission, le Parlement européen et le Conseil sur ce sujet. C'est donc avec satisfaction qu'il accueille la communication.

1.3

Le CESE s'accorde avec la Commission pour considérer que la croissance est l'un des objectifs prioritaires de l'EER. Dans le contexte actuel de crise économique et sociale grave, cette référence est essentielle pour la société civile organisée européenne.

1.4

Le CESE estime que la libre circulation des chercheurs, de la connaissance scientifique et de la technologie doit devenir la «cinquième liberté» du marché intérieur.

1.5

Le CESE considère que la réalisation d'une zone unifiée de la recherche est un processus en évolution continuelle et que le délai fixé à 2014 est trop ambitieux, si l'on considère que nombre de pays européens adoptent actuellement des mesures d'austérité qui réduisent les investissements nationaux dans la recherche et l'innovation.

1.6

Le CESE accueille la proposition de réaliser l'EER à travers un partenariat renforcé fondé sur les bonnes pratiques plutôt que par la voie réglementaire. Il exprime toutefois la préoccupation que lui inspire le caractère juridiquement non-contraignant et informel des protocoles d'accord souscrits avec les organisations.

1.7

Le CESE plaide pour une volonté politique forte qui permette de garantir des systèmes nationaux de recherche efficaces et compétitifs. L'évaluation «par les pairs» fondée sur la qualité de l'équipe de recherche, les structures concernées et les résultats produits, permettra une meilleure mise en œuvre de ces systèmes.

1.8

Le Comité considère que les fonds publics devraient accorder la priorité aux domaines de recherche ayant une importance particulière pour le bien-être des citoyens européens et continuer à financer des projets dans un contexte de coopération européenne forte et partagée à l'échelle européenne.

1.9

Le CESE demande instamment à la Commission et aux États membres d'adopter toutes les mesures nécessaires pour éliminer les obstacles qui entravent la réalisation de l'EER liés à l'absence d'un marché de l'emploi européen des chercheurs, à leurs conditions de travail, leur mobilité et au système de sécurité sociale.

1.10

Le CESE rappelle qu'il est urgent de modifier la situation des retraites et des fonds de pension pour les chercheurs engagés dans des projets transnationaux, et de créer un fonds de pension complémentaire européen pour couvrir ou compenser les pertes que subissent les chercheurs en changeant de pays et en passant d'un système de sécurité sociale à l'autre.

1.11

Le Comité prévient que les nouvelles initiatives proposées par la Commission ne doivent pas compromettre ou neutraliser les efforts tendant à réduire la charge administrative des chercheurs au sein de l'EER.

1.12

Le CESE rappelle à la Commission européenne ainsi qu'aux États membres la nécessité d'adopter toutes les initiatives visant l'élimination effective des discriminations, des inégalités et des disparités entre hommes et femmes qui subsistent dans les domaines universitaire, scientifique et de la recherche. Il salue, en particulier, la décision d'assurer une présence minimum de 40 % de femmes dans tous les comités participant au recrutement, à l’élaboration et/ou à la révision des critères d'évaluation des projets, ou dans ceux qui établissent les politiques de travail dans les centres universitaires, scientifiques et de recherche.

1.13

Le CESE accueille favorablement la proposition de la Commission européenne d'élaborer une feuille de route pour le déploiement des infrastructures électroniques visant à soutenir l'e-Science. Il se réfère à son avis (2) sur la communication (3) de la Commission en matière d'accès ainsi que de conservation et de diffusion des résultats de la recherche et des connaissances scientifiques.

1.14

Le CESE soutient l'appel lancé par les chercheurs et la communauté scientifique européenne (4) aux chefs d'État et de gouvernement ainsi qu'aux présidents des institutions européennes, signalant que l'Europe ne peut pas se permettre de perdre ses meilleurs talents, chercheurs et enseignants, en particulier s'ils sont jeunes; et que les financements européens sont essentiels pour accroître l'efficacité des financements nationaux et améliorer la compétitivité paneuropéenne et internationale. Le CESE demande, par conséquent, que la ligne budgétaire correspondante ne soit pas réduite dans le futur budget européen 2014-2020.

1.15

Le CESE considère que la carte des activités qu'il est proposé de dresser concernant les domaines prioritaires, le forum pour la diffusion et la transmission des résultats des projets scientifiques et de recherche et l'évaluation finale des résultats produits par la communication devront prévoir la participation pleine et effective de la société civile associée à l'EER.

1.16

Pour toutes les raisons exprimées ci-dessus, le CESE plaide pour la constitution en son sein d'un groupe de haut niveau, faisant office de point de référence pour les institutions européennes dans les différentes phases futures d'évaluation, de suivi et de prise de décisions concernant la réalisation de l'EER.

2.   Introduction

2.1

Le CESE a exprimé dans plusieurs avis sa vision concernant l'EER, qui garde toute sa validité et sa pertinence. Il salue la communication à l'examen qui vise la création d'un partenariat renforcé et témoigne de l'urgente nécessité que l'UE et les États membres respectent et étendent leurs engagements. Les progrès enregistrés dans les États membres n'ont pas été homogènes et restent lents dans certains cas. L'aspect novateur de la communication à l'examen réside dans le fait qu'elle élargit la collaboration de la Commission et des États membres aux organisations concernées par l'EER (5). Le CESE souscrit à l'idée qu'il est nécessaire de garantir une coopération renforcée, plus large et plus efficace.

2.2

Le CESE partage le point de vue exprimé par la Commission européenne, selon lequel la réalisation de l'EER doit soutenir la croissance économique, l'excellence scientifique et la cohésion entre les régions, les pays et les sociétés. Dans le même temps, il y a lieu de prendre en compte et de développer l'interaction nécessaire entre la science et les marchés, entre l'innovation et l'entreprise, entre les nouvelles formes d'organisation du travail et un monde de la recherche toujours plus interconnecté.

2.3

Le CESE estime que, dans le contexte de la crise mondiale actuelle, il est nécessaire de prendre des mesures plus précises et plus résolues pour contrer les effets négatifs de la fragmentation nationale s'agissant de la conception et de la mise en œuvre des politiques de recherche, et pour optimiser les activités qui tendent à augmenter l'efficacité de celle-ci. Les mesures adoptées doivent également contribuer à accroître la saine concurrence et les synergies transfrontières entre les systèmes de recherche nationaux, à faciliter la carrière de chercheur, la mobilité et la libre circulation des connaissances (6).

2.4

La consultation publique réalisée pour l'élaboration de la communication à l'examen a mis en évidence les points suivants:

Pour ce qui est des chercheurs, leurs principales préoccupations sont le faible attrait des carrières, la liberté de mouvement limitée et le manque de possibilités concernant l'échange d'idées.

Pour les organismes qui financent et/ou réalisent la recherche, il convient de renforcer et d'améliorer les efforts et la coordination pour parvenir à l'excellence de sorte à répondre aux défis majeurs auxquels l'Europe et le monde sont actuellement confrontés. La coopération transfrontière et paneuropéenne et des infrastructures appropriées d'accès à des bases de données, des résultats et des publications sont des éléments indispensables. Les organisations de la société civile intéressées par la recherche doivent davantage participer à la prise de décisions concernant l'EER.

Du point de vue du secteur privé, il y a une préoccupation générale concernant le manque de chercheurs hautement qualifiés et formés. Les entreprises réclament également davantage de coopération entre le monde de l'éducation et scientifique et le monde de l'entreprise. Les entreprises estiment que l'université, le secteur privé et le monde de l'entreprise ne coopèrent pas suffisamment.

Les États membres et les pays associés s'accordent à dire qu'il faut des actions plus concrètes pour achever la réalisation de l'EER et préfèrent une approche fondée sur les meilleures pratiques plutôt qu'une éventuelle intervention d'ordre législatif.

3.   Renforcer les systèmes de recherche nationaux pour les rendre plus efficaces, plus ouverts et plus concurrentiels

3.1

Le CESE partage avec la Commission l'idée de renforcer les systèmes de recherche nationaux en adoptant les meilleures pratiques en la matière. Il est favorable à ce que l'allocation de fonds se fasse par voie d'appels à propositions publics, de propositions ouvertes et d'évaluation par des groupes d'experts (évaluation par les pairs  (7)) issus du pays concerné, d'États membres ou de pays tiers. Il souhaite que les décisions adoptées pour le financement par des institutions publiques soient fondées sur l'évaluation de la qualité des équipes de recherche, des centres participants et des résultats obtenus. En effet, encore aujourd'hui, dans de nombreux cas, les chercheurs, les équipes et les projets et programmes de recherche ne sont pas évalués à partir de normes comparables, même lorsqu'il s'agit de projets et de recherches menés de manière similaire et avec les mêmes financements. De l'avis du CESE, cela représente une perte de valeur inacceptable à un moment où de nombreux États membres réduisent sensiblement les budgets de la recherche.

3.2

Le CESE est conscient que le secteur européen de la recherche est l'un des meilleurs au monde. Les recherches menées dans les universités et les centres scientifiques ont permis aux entreprises européennes d'avoir un statut de chefs de file et de pionnières dans le développement technologique, et d'occuper ainsi les premiers rangs. Toutefois, le CESE exprime son inquiétude face à la conclusion à laquelle arrive la Commission dans son évaluation d'impact, où elle affirme que le fossé entre l'Europe, les États-Unis, le Japon et les autres économies développées devient toujours plus manifeste (8). Cela semble indiquer que l'Europe perd du terrain dans la production de connaissances, et que, pour certains indicateurs, les leaders mondiaux de l'innovation distancent l'UE-27. Face à la crise mondiale et au changement des rapports de force qui en découle, le CESE estime que l'EER doit consolider la prééminence de l’Europe dans le secteur scientifique, dont la qualité et le niveau d'excellence doivent être utilisés comme un avantage concurrentiel par rapport aux autres acteurs internationaux.

3.3

L'UE a décidé en 2002, que l'investissement de tous les États membres dans la R&D devait atteindre 3 % de son PIB (9). Étant donné les manquements répétés en la matière et le fait que ce pourcentage soit devenu un objectif pour 2020, le CESE se demande si cet objectif sera atteint. Le CESE reconnaît que l'une des priorités de l'EER doit être la croissance, en particulier dans l'actuel contexte de crise économique et sociale grave, et se dit profondément préoccupé par les coupes budgétaires considérables que subit la recherche en conséquence des politiques d'austérité.

3.4

L'un des piliers de l'Espace européen de l'enseignement supérieur étroitement lié à la réalisation de l'EER est de «favoriser la mobilité pour enrichir effectivement la formation des étudiants, des professeurs et des chercheurs». Ces coupes budgétaires compliqueront pour de nombreux chercheurs européens l'accès et la pleine participation à l'EER. Le CESE exprime son inquiétude face aux décisions adoptées (10).

3.5

Le CESE réaffirme que des systèmes nationaux de recherche efficaces et compétitifs requièrent une volonté politique forte et demande à l'UE et à ses États membres de progresser plus résolument et rapidement dans la réalisation des engagements qu'ils ont pris.

3.6

Ces dernières années, la recherche financée par des fonds publics semble avoir abandonné des secteurs stratégiques pour le bien-être des citoyens européens, qui devraient pourtant représenter des domaines novateurs de recherche pour l'EER, en particulier dans le cadre d'une coopération européenne commune.

3.7

De même, le CESE considère que pour optimiser et/ou redéfinir les ressources économiques destinées aux systèmes de recherche nationaux, il convient de dépasser la dichotomie trompeuse qui existe entre science appliquée et science fondamentale, dans laquelle tombent certains États, tout à la tâche de réduire leurs budgets. Cela pourrait être un obstacle considérable à l'accès à des ressources ou à des financements.

4.   La coopération transnationale

4.1

Dans l'UE, la coopération en matière de recherche à l'échelle européenne s'est concentrée autour de quelques grandes initiatives (11). Mais seulement 0,8 % des crédits budgétaires publics (12) de recherche et de développement (CBPRD) nationaux sont utilisés pour des programmes conjoints entre États membres, y compris ceux qui sont soutenus ou cofinancés par la Commission, alors qu'il est prouvé que par la coopération transnationale, il est possible d'améliorer le niveau de R&D, de s'étendre à de nouveaux secteurs et d'obtenir des aides publiques et privées pour des projets communs. Cela confirme la nécessité de disposer, à l'échelle de l'Europe, d'un tissu solide de réseaux du savoir.

4.2

L'introduction de nouveaux programmes de financement de la recherche, à l'instar de la «subvention pour les synergies» du CER, dispositif créé en 2012 pour aider de petits groupes transnationaux (et généralement transdisciplinaires) de chercheurs, peut contribuer à montrer la valeur ajoutée et la complémentarité du travail en commun, à condition de faire preuve de créativité dans la gestion et partagent d'une manière nouvelle les connaissances complémentaires, les capacités et les ressources.

4.3

Des obstacles et des barrières empêchent toujours l'accès de chercheurs étrangers aux centres de recherche nationaux d'intérêt européen, ainsi que l'accès aux infrastructures de recherche paneuropéennes pour les scientifiques qui travaillent dans des États membres non participants. Dans les deux cas, l'accès est consenti sur la base de la préférence nationale. Le CESE estime que ces difficultés entravent la pleine réalisation de l'EER.

4.4

Concernant la proposition de dresser une carte des activités, laquelle mettrait en évidence les forces, faiblesses et lacunes de la coopération scientifique transnationale, le CESE estime que cet examen devrait non seulement reprendre les informations fournies par les États membres, mais aussi garantir la participation effective et réelle des organisations de la société civile concernées et/ou intéressées par l'EER.

5.   Ouvrir le marché du travail pour les chercheurs

5.1   Recrutement

En dépit des efforts réalisés, il subsiste des obstacles à l’application de procédures de recrutement transparentes, ouvertes et fondées sur le mérite. Les critères de sélection ne sont pas toujours dûment publiés, et les règles d'identification des membres de jurys d'évaluation ne sont pas connues (13), et bien souvent ne sont pas comparables entre États membres (par exemple le portail Euraxess). La Commission estime qu'un certain nombre de postes de chercheurs n'ont pas été pourvus sur la base du mérite, même si leur nombre exact est inconnu. La recommandation relative à la charte européenne du chercheur et au code de conduite pour le recrutement des chercheurs et l’initiative «Un partenariat européen pour les chercheurs» (14) ont donné quelques bons résultats aux niveaux national et institutionnel. Toutefois, la mise en œuvre des principes de la charte et du code reste trop lente. Le CESE craint que l'absence d'un marché du travail pour les chercheurs plus intégré et donnant davantage de garanties ne s'avère être un obstacle difficile à surmonter pour compléter l'EER d'ici 2014.

5.2   Conditions de travail

Les conditions de travail des chercheurs diffèrent sensiblement d'un État membre à l'autre, et sont dans certains cas trop peu attrayantes tant pour attirer de jeunes chercheurs que pour retenir les professionnels expérimentés et les chercheurs étrangers. De même, les critères de promotion, les perspectives de carrière et les systèmes de rémunération varient encore trop suivant les pays. Les institutions ne reconnaissent pas toujours la mobilité comme un indicateur de performances universitaires. Les pays les plus touchés par la crise enregistrent déjà une importante fuite des chercheurs, débutants et/ou expérimentés, qui cherchent d'autres alternatives, y compris hors d'Europe. Ce gaspillage de ressources humaines dans le secteur de la science et de la recherche ne peut être ignoré par la Commission, et le CESE encourage celle-ci à prendre d'urgence, de concert avec les États membres, des mesures concrètes pour freiner cette fuite.

5.3   Mobilité

Les conditions de portabilité et d'accès aux subventions et aux financements compliquent également la mobilité des chercheurs, qui ne peuvent pas toujours conserver les subventions nationales dont ils bénéficient (c'est le cas dans 13 États membres). De même, s'agissant des projets de recherche nationaux, les équipes de recherche ne peuvent pas toujours être ouvertes à des partenaires d'autres pays, puisque dans différents États membres (11 au total), les bénéficiaires doivent être des institutions du pays-même. Et dans quatre États membres, les bourses sont réservées aux ressortissants du pays.

5.4   Sécurité sociale

Le CESE réitère la recommandation qu'il a formulée dans son avis sur le programme Horizon 2020 (15), à savoir qu'il est urgent d'améliorer la situation des retraites et des fonds de pension pour les chercheurs engagés dans des projets transnationaux, et qu'il convient de créer un fonds de pension complémentaire paneuropéen pour couvrir ou compenser les pertes que subissent les chercheurs en changeant de pays et en passant d'un système de sécurité sociale à un autre. Les systèmes de prévoyance partent souvent du principe que les chercheurs travaillent pour le même employeur tout au long de leur carrière, et tendent à ignorer les années de recherche à l'étranger, voire à les exclure de leurs calculs. Les efforts réalisés jusque-là sont clairement insuffisants et n'ont pas permis d'aplanir cette difficulté, particulièrement grave pour les jeunes chercheurs.

6.   Pleine réalisation de l'égalité entre les hommes et les femmes. Prise en compte de la dimension hommes-femmes dans les projets de recherche

6.1

Ces dernières années, le nombre de chercheuses a connu une progression importante, pratiquement dans tous les secteurs, mais il y a encore trop peu de chercheuses actives occupant des postes universitaires supérieurs, comme chefs de recherche de haut niveau dans les instituts scientifiques et à l'Université (16). Cela, alors qu'il existe des preuves suffisantes que les équipes de recherche mixtes ont un meilleur rendement, bénéficient d'une expérience plus large, de connaissances partagées, de points de vue différents et d'un niveau plus élevé d'intelligence sociale. Le parcours universitaire des femmes continue d'être marqué par une forte ségrégation verticale. Le «plafond de verre» est toujours une réalité, de même que la ségrégation dans le monde du travail (17).

6.2

L'écart de rémunération entre les hommes et les femmes subsiste dans le monde universitaire et dans les centres de recherche ainsi que dans d'autres secteurs de l'économie. Les systèmes de présentation des postes, entre autres, contribuent à ce phénomène: les descriptifs de postes, prétendument neutres, ignorent les inégalités hommes-femmes, la mauvaise répartition des responsabilités familiales et la persistance d'une discrimination directe et indirecte (18) à l'égard des femmes. Cela signifie que le potentiel scientifique des femmes est sous-évalué et qu'il n'est pas utilisé à sa pleine capacité; les femmes sont sous-représentées, et il manque un équilibre hommes-femmes dans les prises de décisions concernant la recherche et l'innovation.

6.3

Tous les États membres ne disposent pas de politiques nationales pour favoriser la prise en compte de la dimension hommes-femmes dans la recherche, et cela limite la qualité et la pertinence de celle-ci. Une participation plus équitable des femmes permettrait d'avoir davantage de diversité dans nos réserves de talents, dans la main-d'œuvre et dans le processus de prise de décisions et permettrait d'améliorer la qualité de la recherche. Cela permettrait d'éviter des coûts économiques élevés ainsi que des erreurs découlant de l'absence de prise en compte de la dimension hommes-femmes dans la recherche. Si cette prise en compte ne s'améliore pas, il y aura des effets négatifs pour les objectifs que s'impose l'EER en termes de niveaux d'excellence. Une participation plus importante des femmes contribuera à la croissance économique et sociale de l'Europe ainsi qu'à l'excellence, à une meilleure application et de meilleurs résultats de la recherche.

6.4

Le CESE exhorte la Commission et les États membres à redoubler d'efforts et à faire des avancées plus résolues vers l'élimination effective des inégalités hommes-femmes qui subsistent dans le secteur universitaire, de la recherche et de la science. En particulier, il convient de concrétiser la promesse qui a été faite d'avoir au moins 40 % de femmes dans tous les comités participant au recrutement, à l'élaboration et/ou à la révision des critères d'évaluation des projets, ou qui fixent les politiques d'emploi dans les centres universitaires, scientifiques et de recherche. Par ailleurs, le CESE est favorable à la mesure concernant l'élaboration, l'exécution et l'évaluation des plans d'action pour l'égalité entre les hommes et les femmes dans les universités et dans les centres de recherche, à condition que les femmes participent activement et pleinement à l'ensemble du processus.

6.5

De même, il exhorte la Commission européenne à garantir que la société civile organisée participe à l'élaboration de la recommandation qui contiendra les orientations pour la réalisation de changements institutionnels promouvant l'égalité effective entre hommes et femmes dans les universités et les centres de recherche.

7.   Optimiser la diffusion, l’accessibilité et le transfert des connaissances scientifiques, y compris grâce aux moyens numériques

7.1

En avril 2008, la Commission a publié une recommandation (19) concernant la gestion de la propriété intellectuelle dans les activités de transfert de connaissances, avec en annexe un code de bonne pratique destiné aux universités et aux autres organismes de recherche publics (20). Toutefois, ce code n'est pas suffisant pour réaliser les objectifs de la recommandation.

7.2

L'accès aux informations scientifiques est une condition essentielle du succès de la recherche et de la promotion de l'innovation et, partant, de la compétitivité de l'Europe. Il comprend le transfert de connaissances entre les chercheurs, entre les partenaires de recherche - en particulier le secteur de la recherche et les entreprises - et entre les chercheurs et les citoyens, ainsi qu'un accès ouvert aux publications. Le CESE salue la communication de la Commission sur ce thème (21) et se réfère à l'avis spécifique qu'il a élaboré en la matière (22).

7.3

De même, il juge positivement l'intention d'élaborer une feuille de route pour le déploiement des infrastructures électroniques visant à soutenir l'e-Science grâce à l'accès aux outils et moyens de la recherche.

7.4

Il exhorte la Commission européenne à réclamer et à évaluer la participation d'organisations de la société civile européenne concernées par la recherche et la science aux échanges périodiques annoncés dans le cadre de la création d’un forum des États membres qui servira de référence pour la diffusion et la transmission des résultats des programmes et projets scientifiques.

Bruxelles, le 16 janvier 2013.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO C 95 du 23.4.2003, p. 48; JO C 218 du 11.9.2009, p. 8; JO C 306 du 16.12.2009, p. 13; JO C 132 du 3.5.2011, p. 39; JO C 318 du 29.10.2011, p. 121; JO C 181 du 21.6.2012, p. 111; JO C 299 du 4.10.2012, p. 72; JO C 229 du 31.7.2012, p. 60; JO C 44 du 15.2.2013, l'avis du CESE «Technologies clés génériques», l'avis du CESE «Coopération internationale en matière de recherche et d'innovation» et l'avis du CESE «Accès aux informations scientifiques – investissements publics». (Voir page 43, 48 du présent Journal officiel).

(2)  Avis du CESE «Accès aux informations scientifiques – investissements publics».

(3)  COM(2012) 401 final.

(4)  Lettre ouverte de 42 Prix Nobel et de cinq médailles Fields; 23.10.2012 http://erc.europa.eu/

(5)  Le 17 juillet 2012, la Commission a signé un protocole d'accord avec l'Association européenne des organisations de recherche et de technologie (EARTO); Nordforsk; la Ligue européenne des universités de recherche (LERU); l'Association européenne des Universités (EUA); Science Europe.

(6)  COM(2010) 546 final.

(7)  Principes fondamentaux définis dans les «Lignes directrices facultatives relatives aux conditions-cadres de la programmation conjointe dans le domaine de la recherche», ERAC- GPC, 2010.

(8)  Le rapport «Innovation scoreboard 2011» de l'UE montre que les États-Unis, le Japon et la Corée du Sud ont un rendement supérieur à celui de l'UE 27. L'espace occupé par les économies émergentes comme le Brésil, la Chine et l'Inde ne cesse d'augmenter et leur poids dans la R & D gagne en pertinence.

(9)  En 2008, les investissements s'élevaient à 1,92 % du PIB européen, tandis qu'aux États-Unis ils s'élevaient à 2,79 % (EUROSTAT, 2008).

(10)  Patrizio FIORILLI, porte-parole du budget à la Commission européenne, a déclaré en octobre 2012 qu'il y aurait des réductions dans les crédits budgétaires de l'UE et des États membres affectés aux bourses Erasmus.

(11)  Par exemple, les programmes cadres, l'Agence spatiale européenne, le laboratoire de biologie moléculaire, l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire.

(12)  Le CBPRD est l'indicateur utilisé pour mesurer les crédits budgétaires, les investissements publics et les mesures de soutien que les gouvernements nationaux consacrent à la recherche et développement.

(13)  L'on recense près de 40 000 postes vacants de chercheurs par an, dont 9 600 postes de titulaires de chaire universitaire (Technopolis, 2010).

(14)  Afin de soutenir l'application concrète de la charte et du code, l'UE a lancé, en 2008, la «Stratégie de gestion des ressources humaines en recherche incluant la charte des chercheurs et le code de conduite de recrutement des chercheurs» et a institué en 2009 un «Groupe de stratégie institutionnelle pour les ressources humaines» afin de constituer une plateforme d'échange des meilleures pratiques entre acteurs concernés de toute l'Europe.

(15)  JO C 181 du 21.6.2012, p. 111.

(16)  Les femmes représentent 45 % des diplômés du doctorat, mais seules 30 % des chercheuses sont en activité, et seulement 19 % d'entre elles occupent des postes universitaires supérieurs. En moyenne, seulement 13 % des organismes de haut niveau consacrés à la recherche ou à la science sont dirigés par des femmes, et seulement 9 % des universités. She Figures, données préliminaires 2012, ₫Gender in Research and Innovation: statistics and indicators», du groupe de Helsinki Femmes et science – Commission européenne http://ec.europa.eu. (She Figures Preliminary data 2012, «Gender in Research and Innovation: statistics and indicators», du groupe d'Helsinki «Femmes et sciences» – Commission européenne http://ec.europa.eu)

(17)  Le pourcentage d'étudiantes universitaires (55 %) et de licenciées (59 %) est plus élevé que celui des hommes, mais ces derniers sont plus nombreux aux niveaux supérieurs. Les femmes représentent à peine 44 % du personnel universitaire de niveau inférieur, 36 % des professeurs associés et 18 % des titulaires de chaire.

(18)  La résolution du Parlement européen de mars 2012 souligne que l'écart salarial reste élevé. En moyenne, les femmes dans l'UE gagnent 17,5 % de moins que les hommes alors qu'elles représentent 60 % des nouveaux diplômés.

(19)  C(2008)1329.

(20)  Ce document entendait proposer aux États membres et aux acteurs intéressés un ensemble de bonnes pratiques et de politiques destinées à intensifier le transfert des connaissances. Cependant, cela s'avère insuffisant. D'autre part, le personnel (par exemple, dans les services universitaires chargés de la diffusion et du transfert des connaissances) disposant d'une expérience dans le secteur industriel est nettement inférieur en Europe. De plus, seuls 5 à 6 % des chercheurs de l'UE ont connu une mobilité entre le secteur public et le secteur privé, dans un sens ou dans l'autre.

(21)  COM(2012) 401 final

(22)  Avis du CESE «Accès aux informations scientifiques – investissements publics».


14.3.2013   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 76/37


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen – Politique industrielle en matière de sécurité – Plan d’action en faveur d'un secteur industriel de la sécurité innovant et compétitif»

COM(2012) 417 final

2013/C 76/07

Rapporteur: M. PEZZINI

Le 26 juillet 2012, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen - Politique industrielle en matière de sécurité - Plan d’action en faveur d'un secteur industriel de la sécurité innovant et compétitif»

COM(2012) 417 final.

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 8 janvier 2013.

Lors de sa 486e session plénière des 16 et 17 janvier 2013 (séance du 16 janvier 2013), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 128 voix pour, 2 voix contre et 5 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le Comité économique et social européen (CESE) considère essentielle une politique européenne intégrée pour le secteur industriel de la sécurité, qui s’appuie sur une approche coordonnée des réponses à apporter aux défis de ce secteur, sur une stratégie commune et sur une vision partagée de son développement compétitif, dans le cadre d’un marché européen unifié.

1.2

Afin de garantir les conditions d’une relance compétitive de ce secteur industriel (appréhendé comme secteur traditionnel de l’industrie de la sécurité et comme industrie de la défense orientée vers la sécurité et comprenant également les nouveaux entrants, c’est-à-dire essentiellement les entreprises qui étendent l’utilisation de leur technologie civile à des applications de sécurité et les fournisseurs de services de sécurité) disposant de gisements vastes et prometteurs d’emplois et d’utilisateurs, le CESE estime qu’il est indispensable de développer:

une pleine interopérabilité interne du marché unique: en soutenant, grâce à un cadre réglementaire, juridique et technique et procédural, un niveau approprié de ressources financières dédiées, une stratégie unitaire de développement ainsi que des investissements importants dans la recherche et l’innovation;

des actions prioritaires par types de produits et de services, en fonction des capacités de réponse à des réglementations et à des procédures harmonisées;

un accès fiable aux marchés internationaux, assorti d’une meilleure protection internationale des droits de propriété industrielle (DPI), d’une libéralisation de l’accès aux marchés, aussi bien commerciaux que de marchés publics, s’accompagnant d’une stratégie intégrée de politique industrielle;

la possibilité pour tous les producteurs européens de bénéficier d'un accès équitable aux voies maritimes afin d'exporter leurs produits vers les marchés internationaux;

des actions intégrées et communes dans les différents secteurs de la sécurité et de la protection civile;

une dimension sociale et éthique des applications technologiques inhérentes à la sécurité, dès leur conception afin d’en assurer leur acceptation par la société, et s’accompagnant d’une pleine protection de la vie privée des citoyens;

une dimension relative à la formation et au caractère professionnel des ressources humaines, vouées à la conception, au montage, à l’entretien et au fonctionnement des applications des technologies de sécurité, lesquelles doivent être axées sur le respect de la dignité et des libertés de l’homme et sur le droit à la protection de sa dignité.

1.3

Le CESE souscrit aux initiatives prévues par le plan d’action mais dans un cadre de coopération et de coordination plus poussées et qui soit également axé sur les typologies de produits, en s'appuyant sur des statistiques appropriées et détaillées, également en ce qui concerne les aspects productifs, de l’emploi et de la taille des entreprises du secteur.

1.4

Le CESE préconise une coordination, une convergence des systèmes de gestion de l’information ainsi que des garanties d’interopérabilité.

1.5

Le CESE se dit très favorable au développement de possibilités de gouverner et d’anticiper de nouveaux projets concurrentiels et de perspectives d’accès aux ressources financières institutionnelles, notamment en ayant recours à des techniques de prévision participatives à l’échelon européen.

1.6

La prise en compte des dimensions sociétale et éthique doit être transparente et assurée à toutes les étapes, en partant de la conception et de la normalisation jusqu’à l’application technologique sur le terrain. Il convient que de nouvelles technologies et réglementations intègrent dès le départ la protection des droits fondamentaux du citoyen, notamment ceux inhérents à la vie privée et à la protection des données personnelles.

1.7

Il importe de consentir un effort à l’échelle de l’Union s’accompagnant d’une coordination des mesures des États membres en vue d’assurer une formation et un encadrement des ressources humaines, aptes à fournir des services professionnels de qualité respectueux de l’individu, et à niveau en ce qui concerne l’application de technologies de pointe, dans un régime de pleine interopérabilité.

2.   Introduction

2.1

L'industrie de la sécurité constitue un secteur stratégique qui développe des applications civiles et militaires proches et reliées entre elles, et représente un point de rencontre idéal entre la recherche scientifique, l’innovation technologique et les applications avancées.

2.2

Cette industrie est de par sa nature-même axée sur la technologie et exposée à un flux constant de nouvelles réalisations technologiques. Les produits et les services de ce secteur sont diversifiés, subissent une obsolescence rapide et exigent des performances techniques et scientifiques de haut niveau.

2.3

L'on estime que le marché de l’industrie de la sécurité dans l’UE a une valeur pouvant atteindre 36,5 milliards d’euros et emploie environ 180 000 personnes; à l’échelon mondial, ce secteur est passé au cours de la dernière décennie de 10 à 100 milliards d’euros en 2011. Il comprend les secteurs de la sécurité aérienne, maritime, des transports en général, des frontières, la protection des infrastructures critiques, le renseignement antiterroriste (y compris la sécurité informatique et des communications, ainsi que le cyberespace), la sécurité matérielle, la gestion des crises et les vêtements de protection.

2.4

Il convient d’ajouter à la liste de ces secteurs l’industrie spatiale de la sécurité et ses nombreuses applications.

2.5

En Europe, le marché des produits issus des technologies spatiales pour la sécurité s’appuie sur de grandes multinationales qui opèrent au niveau européen et des États membres dans les domaines civil et commercial et dont la demande est à 40 % d'origine privée et à 60 % d'origine institutionnelle.

2.6

Malgré un essor continu du marché et bien que celui-ci ne soit pas touché par le ralentissement économique de la crise mondiale, l’industrie de la sécurité de l’UE doit faire face à une forte fragmentation du marché intérieur et à un affaiblissement de sa base industrielle dû à des fortes divergences des cadres réglementaires et des normes techniques et juridiques nationales, alors que les efforts consentis dans le domaine de la recherche et les marchés publics, malgré les interventions de l’UE dans ce domaine comme par exemple dans le cadre du 7e PC, sont encore en large partie limités aux États membres agissant individuellement.

2.7

L'UE est tenue d’assurer la sécurité de ses citoyens, de ses entreprises et de la société dans sa globalité dans différents domaines, allant de la protection civile contre les catastrophes naturelles à la protection de la chaîne alimentaire, de la prévention et de la lutte contre le terrorisme à la protection contre le risque chimique, biologique, radiologique, nucléaire et explosif.

2.8

Le secteur industriel de la sécurité est capital pour l’avenir et est particulièrement représentatif des défis et des possibilités que l’Europe a devant soi: de nombreuses entreprises européennes, grâce à leur niveau technologique, comptent parmi les leaders mondiaux dans plusieurs segments du secteur, mais risquent de perdre des parts de marché par rapport à leurs principaux partenaires commerciaux.

2.8.1

Il est nécessaire de disposer de bases statistiques appropriées, détaillées et fiables, notamment sur le plan de la production, de l'emploi et de la dimension des entreprises du secteur.

2.9

La gestion des entreprises du secteur de la sécurité est marquée par une grande complexité, due à une série de variables:

homogénéité, transparence et accessibilité des marchés,

stratégies et vision pour l'avenir; accès aux ressources financières,

cadres réglementaires, normes techniques, procédures harmonisées et protection en matière de droits de propriété intellectuelle (DPI),

performances technologiques et opérationnelles,

possibilité de gouverner et d'anticiper de nouveaux scénarios en matière de concurrence.

2.10

Afin d'assurer les conditions d'une relance compétitive de l'industrie européenne de ce secteur, le CESE considère qu'il est indispensable que le marché intérieur européen garantisse:

une dimension intérieure de pleine interopérabilité du marché unique, en réduisant la fragmentation tant des marchés nationaux que des investissements pour la recherche et l'innovation;

une dimension extérieure d'accès aux marchés internationaux, en trouvant des solutions au manque de protection des DPI au niveau international et aux restrictions d'accès aux marchés tant commerciaux que des marchés publics et en mettant en œuvre dans ce secteur également une stratégie intégrée plus agressive de politique industrielle pour ce qui relève de sa dimension extérieure; il convient que cette stratégie permette à l'Union de jouer un rôle moteur dans les échanges commerciaux et garantisse qu'une même ligne de conduite soit suivie dans les accords commerciaux multilatéraux et bilatéraux (1);

l'égalité des droits entre producteurs européens lors de l'exportation de matériel militaire vers des pays tiers. Au sein du marché intérieur, il convient de ne pas imposer de mesures discriminatoires aux producteurs originaires d'États membres dépourvus d'un accès direct à la mer, en exigeant qu'ils obtiennent des «licences de transit» afin de pouvoir transporter leurs produits vers un port maritime situé dans un autre État membre;

une dimension sociétale et éthique des applications technologiques dans le domaine de la sécurité, dès leur conception afin d'en assurer leur acceptation par la société, et en garantissant la pleine protection de la vie privée des citoyens et de leurs droits fondamentaux ainsi que celle des informations confidentielles;

une dimension des produits et des services qui n'empiète pas sur la vie privée, mais qui permette des parcours de réussite tant en ce qui concerne le développement des ressources humaines que les projets internationaux, en soutenant les grandes entreprises, les entreprises naissantes et les PME, en exploitant notamment les consortiums en réseaux et en valorisant les districts, afin d'obtenir des masses critiques concurrentielles appropriées.

2.11

À l'échelon mondial, les États-Unis sont de loin le concurrent le plus important: ils disposent d'un cadre juridique harmonisé, de normes communes et d'une forte demande publique fédérale (2), dans un marché intérieur consolidé qui constitue plus de 42% du chiffre d'affaires mondial et avec des entreprises à la pointe pour les équipements techniques de sécurité. Le Japon et Israël possèdent des entreprises de pointe pour certains équipements technologiquement avancés, notamment dans les secteurs informatique et des communications, alors que la Russie et la Chine enregistrent des taux élevés de développement dans le secteur traditionnel de la protection de la sécurité matérielle.

2.12

Dans ce contexte mondial, le CESE souligne la nécessité d'une politique industrielle européenne proactive dans le secteur de la sécurité, qui reflète mieux l'équilibre entre les capacités du secteur, un cadre réglementaire technique relatif au DPI et, surtout, les typologies de produits, services et systèmes en mesure de répondre à des normes communes, à des réglementations et à des procédures harmonisées telles que:

les systèmes de contrôle d'accès,

les logiciels et le matériel informatique de balayage (scanning),

les systèmes et appareils de protection,

les systèmes et appareils d'identification et d'interprétation du réel,

les systèmes et appareils de surveillance et de traçabilité,

les systèmes d'alerte,

alors que, pour les produits dits «sensibles», les conditions relatives à la réglementation et à l'accès sont soumises à des évaluations et à un accord, au cas par cas, afin de maintenir les niveaux de qualité et de sécurité.

2.13

À plusieurs reprises, le CESE a souligné la nécessité de développer des politiques en matière de sécurité des réseaux et de l'information, ce qui est essentiel pour la stratégie numérique pour l'Europe.

2.14

Le CESE s'est déjà exprimé sur les aspects fondamentaux relatifs à la sûreté aérienne (3), maritime (4) et des transports terrestres (5), ainsi que sur la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures (6), et a souligné le rôle de l'Agence FRONTEX et la nécessité d'adopter une approche globale en matière de sécurité des frontières et de lutte contre l'immigration clandestine.

2.15

En ce qui concerne la surveillance de l'environnement depuis l'Espace et la sécurité, le Comité a souligné l'importance que revêtent les satellites Sentinel et le programme européen GMES ainsi que le système de navigation par satellite Galileo (7).

2.16

De nombreuses recherches ont souligné l'importance des projets de démonstration relatifs aux technologies de la sécurité dans le domaine des risques liés aux substances chimiques, biologiques, radiologiques, nucléaires et explosives (CBRNE).

2.17

Le septième programme-cadre (PC) a été le premier à prévoir un programme de recherche spécifique en matière de sécurité, doté d'un budget de 1,4 milliards d'euros et axé uniquement sur des projets d'applications civiles et sur le développement de technologies et de connaissances destinées à la protection des citoyens de l'UE (8), dans le respect de leur vie privée et de leurs droits fondamentaux.

2.18

De l'avis du CESE, il y a lieu de faciliter l'utilisation de technologies hybrides civiles/militaires, en développant des normes appropriées en coopération avec l'Agence européenne de défense, et soutenir plus résolument et avec davantage de ressources les aspects relatifs à la «sécurité», notamment par le biais des technologies clés génériques du nouveau PC de recherche et d'innovation (9), en favorisant les projets de démonstration et de prototypage pilotes.

2.19

La Commission a inscrit l'industrie de la sécurité parmi les éléments essentiels de l'initiative phare de la stratégie Europe 2020 «Une politique industrielle intégrée à l'ère de la mondialisation», sur laquelle le Comité a déjà eu l'occasion de s'exprimer (10).

2.20

Le CESE estime essentiel de lancer une stratégie européenne unitaire d'approche intégrée du secteur de l'industrie de la sécurité, dès lors que la sécurité compte parmi les principales préoccupations exprimées par la société à l'heure actuelle, représente un élément fondamental pour la croissance et l'emploi et exige des efforts conjoints et des visions partagées dans l'ensemble des États membres en vue de renforcer la compétitivité.

3.   Contenu essentiel du document de la Commission

3.1

La communication illustre l'importance stratégique de l'industrie de la sécurité et définit les principales actions visant à rendre innovant et compétitif ce secteur industriel européen et grâce auxquelles la Commission entend accompagner ce processus.

3.2

Le plan d'action proposé fixe les lignes directrices suivantes:

surmonter la fragmentation du marché intérieur de l'UE en ayant recours à des procédures de certification et à des normes techniques harmonisées pour les technologies de la sécurité ainsi qu'à la reconnaissance mutuelle des systèmes de certification;

renforcer l'efficacité de la recherche et de l'innovation et les rapprocher des entreprises, par le biais de mandats techniques et de normalisation, en accord avec l'Agence européenne de défense (AED), pour des «normes hybrides» pouvant être utilisées par la recherche et le développement aussi bien en matière de sécurité que de défense; utiliser les nouvelles règles de propriété intellectuelle et d'achats publics avant commercialisation prévus par le programme Horizon 2020, ainsi que les financements au titre du futur Fonds pour la sécurité intérieure destinés aux tests de validation rapide des technologies de sécurité;

intégrer la dimension sociétale et du respect de la vie privée;

pour l'accès aux marchés: avoir recours à une réglementation en matière d'exportation pour l'ouverture des marchés publics des pays tiers et éliminer les barrières techniques, élaborer un label de sécurité UE pour les produits; étudier les limitations de la responsabilité juridique, tel que prévu par la Loi américaine sur la sécurité («US Safety Act») (mise en œuvre: 2012/2013).

3.3

La Commission entend créer un groupe de contrôle pour superviser l'état d'avancement des mesures proposées, en fonction d'échéances précises.

4.   Observations générales

4.1

Le Comité estime qu'il est fondamental de définir à l'échelon de l'UE une approche intégrée et coordonnée pour faire face aux défis en matière de sécurité et de développement du secteur industriel européen concerné, dans l'intérêt des citoyens européens, des entreprises et des travailleurs de l'Union, de la société européenne dans son ensemble et au profit du développement d'une économie compétitive e durable; pour ce faire, il y a lieu d'élaborer une stratégie globale de l'UE en matière de systèmes de sécurité qui soit axée sur l'individu et sa dignité, de manière à répondre aux besoins essentiels de liberté et de sécurité.

4.2

De l'avis du CESE, il importe de prendre davantage en compte la valeur ajoutée apportée par les agences déjà créées telles que l'AED (Défense), FRONTEX (frontières extérieures), EUROPOL (sécurité publique), l'ENISA (réseaux et information), l'AESA (sécurité aérienne), l'EMSA (sécurité maritime), l'EFSA (sécurité des aliments), ainsi que des systèmes d'alerte, tels que RAPEX (Système communautaire d'échange rapide d'informations sur les dangers découlant de l'utilisation de certains produits) et l'agence ECHA à Helsinki (système d'enregistrement, d'évaluation et d'autorisation des substances chimiques REACH).

4.3

Le CESE souscrit à l'analyse de la Commission en ce qui concerne la nécessité d'exploiter pleinement les technologies de pointe de nombreuses entreprises européennes de ce secteur, en assurant de manière proactive un marché intérieur européen réellement unifié et viable, sans obstacles dus à la fragmentation, et en promouvant un secteur qui représente un bassin de produits et de services riches et prometteurs du point de vue de l'emploi.

4.4

Le CESE estime néanmoins qu'il serait opportun d'aller plus en avant dans la définition d'un plan d'action européen, afin de décider du lancement d'une véritable stratégie commune européenne du secteur industriel de la sécurité, s'appuyant sur une vision commune, qui soit une plateforme européenne regroupant les différents aspects de la sécurité et apporte une gouvernance en mesure de garantir une réelle coordination unitaire.

4.5

Cette stratégie d'approche intégrée pourrait prendre la forme d'une plateforme virtuelle qui intègre les thématiques de l'éthique et de la gouvernance, les aspects intersectoriels et l'interopérabilité.

4.6

Le CESE est d'avis qu'il est nécessaire de combler le hiatus qui existe en termes de compréhension entre les décideurs politiques et l'industrie, y compris en développant des initiatives telles que le Congrès européen de la sécurité et une plateforme de dialogue permanent comme le Forum de la politique de sécurité.

4.7

Afin de surmonter la fragmentation du marché intérieur européen, il y a lieu de procéder à:

une coopération et une coordination horizontales dans le domaine de la sécurité, à l'intérieur des institutions de l'UE et de ses agences et entre elles, afin de veiller à la pleine interopérabilité des produits et des procédures, en les assortissant d'une coordination verticale entre les différents niveaux d'intervention;

un exercice de prospective participative, afin de définir une vision commune partagée;

un système de gouvernance associant le secteur public et privé.

4.8

Le Comité estime qu'en sus d'intégrer la dimension sociétale dès le stade de la conception des produits, des services et des systèmes, il convient également de mettre en place des mécanismes qui permettent la participation des partenaires sociaux et de la société civile organisée au contrôle du respect de la dimension sociétale et éthique dans le développement du secteur de la sécurité et de ses applications technologiques et de production.

4.8.1

L'attribution de mandats techniques et de normalisation, en accord avec l'AED, devrait avoir lieu en suivant les principes de la nouvelle politique de normalisation, en garantissant la publicité et la transparence du programme annuel de travail, ainsi que la pleine participation des partenaires sociaux et des représentants de la société civile organisée, et en élaborant les exigences relatives aux marchés publics qui respectent les principes d'ouverture, de consensus, de transparence, de pertinence, de neutralité et de qualité (11).

4.8.2

Le CESE souscrit à l'approche proposée en matière de reconnaissance réciproque des systèmes de certification, à condition de disposer de niveaux communs de compétence des organismes accrédites de certification, ainsi que de critères de sélections plus rigoureux et de procédures harmonisées de sélection, en vue des évaluations de conformité (12).

4.9

Le Comité considère important la reconnaissance réglementaire des technologies à double usage en vue de stimuler les technologies hybrides à vocation conjointe civile et militaire, mais soutient de manière encore plus marquée le développement tant des moyens financiers que des contenus, dans le cadre de la priorité «technologies génériques clés» prévue dans le programme Horizon 2020, parallèlement aux interventions au titre du Fonds pour la sécurité intérieure.

4.9.1

En matière de propriété industrielle et intellectuelle, tout en reconnaissant l'importance des approches innovantes prévues par le programme Horizon 2020, il convient de renforcer la protection des DPI au sein de l'Organisation mondiale du commerce et dans le cadre des accords d'association européens bilatéraux et multilatéraux, en accordant une attention particulière aux clauses relatives à la limitation de la responsabilité juridique et à l'accès aux marchés publics extérieurs.

4.9.2

Le CESE s'accorde sur l'utilité d'exploiter pleinement les nouvelles possibilités offertes par l'instrument des achats publics avant commercialisation, prévu par le programme Horizon 2020.

4.10

Le CESE appuie sans réserve le renforcement de la dimension sociétale et éthique dans la réglementation relative au secteur industriel des technologies de la sécurité.

5.   Observations particulières

5.1

Surmonter la fragmentation du marché par typologie de produit. Le CESE préconise d'établir des priorités d'action, non par secteur, mais par typologie de produits qui puissent plus facilement répondre aux exigences du marché unique, en utilisant des réglementations et des procédures harmonisées, eu égard à leur potentiel de marché important et à leur impact sur un grand nombre de citoyens et de travailleurs, en accordant une attention particulière à la promotion du développement des PME, aussi bien du point de vue des ressources financières et des moyens de recherche que des aspects organisationnels.

5.2

Recherche et innovation, DPI et marchés publics. Le CESE demande de renforcer les fonds de l'UE alloués aux technologies de sécurité prévus dans le cadre du programme Horizon 2020, en les accompagnant d'une présence forte des thématiques liées aux technologies clés génériques, de développer des projets communs d'interopérabilité en matière de sécurité dans le cadre du programme ISA (13), d'appliquer les exemptions au secteur, dans le cadre du régime des aides d'État à l'innovation, de superviser l'application réelle des directives CE/2004/18 et CE/2009/81 et des instruments des achats publics avant commercialisation au secteur de l'industrie de la sécurité, de renforcer la coopération entre les secteurs publics et privé et civil et militaire et de faciliter les stratégies de fusion et de regroupement transnational des entreprises, d'harmoniser les normes relatives au principe de protection par la limitation de la responsabilité juridique à l'égard des tiers («Third party limited liability protection-TPLL») et, enfin, d'améliorer les réglementations internes en matière de DPI.

5.3

Accès aux marchés extérieurs. Le CESE est d'avis qu'il importe de développer des actions de politique extérieure intégrées et communes dans le secteur de l'industrie de la sécurité, en renforçant la protection des DPI au sein de l'OMC et dans le cadre d'accords bilatéraux et multilatéraux d'association, en garantissant une égalité d'accès aux marchés extérieurs et aux marchés publics sur une base de réciprocité, en renforçant l'influence de l'action européenne en matière de normalisation internationale et en lançant un label de qualité Euro Security Label.

5.4

Dimension sociétale et éthique. Il convient que tous les systèmes, produits et services de sécurité respectent les libertés et les droits fondamentaux des citoyens, notamment le droit à la confidentialité des données et contribuent au progrès économique et social, à un commerce sûr et au bien-être et à la sécurité des personnes. Les progrès technologiques doivent permettre de renforcer d'emblée la protection des données personnelles et leur confidentialité, et fournir, en s'appuyant sur un dialogue entre les secteurs public et privé, les instruments d'une application transparente et responsable de la loi, qui doit être axée sur la protection de l'individu.

5.5

Dimension de la formation, de l'encadrement et de l'insertion de ressources humaines qualifiées, conformément aux exigences de sécurité et d'application des technologies de sécurité avancée, en mesure de fournir des services professionnels de qualité, dans un régime d'interopérabilité totale, et qui respectent l'individu et protègent sa dignité.

Bruxelles, le 16 janvier 2013.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Cf. JO C 218 du 23.7.2011, p. 25.

(2)  Cf. Loi sur la sécurité intérieure de 2002 (Homeland Security Act) et Loi américaine sur la sécurité de 2002 (US Safety Act).

(3)  JO C 100 du 30.4.2009, p. 39, JO C 128 du 18.5.2010, p. 142.

(4)  Cf. JO C 44 du 11.2.2011, p. 173.

(5)  Cf. JO C 65 du 17.3.2006, p. 30.

(6)  Cf. JO C 44 du 11.2.2011, p. 162 et JO C 191 du 29.6.2012, p. 134.

(7)  Cf. JO C 256 du 27.10.2007, p. 47, JO C 256 du 27.10.2007, p. 73 et JO C 181 du 12.6.2012, p. 179.

(8)  À mi-parcours, le 7e PC avait déjà permis le financement de plus de 130 projets de recherche en matière de sécurité. La Commission européenne a publié un catalogue des projets financés au titre du 7e PC qui ont été des succès.

(9)  Cf. INT/651 technologies clés génériques.

(10)  JO C 218 du 23.7.2011, p. 38.

(11)  Cf. JO C 68 du 6.3.2012, p. 35.

(12)  Cf. JO C 120 du 16.5.2008, p. 1.

(13)  ISA – Solutions d'interopérabilité pour les administrations publiques européennes 2000-2015.


14.3.2013   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 76/43


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: renforcement et ciblage de la coopération internationale de l’Union européenne dans la recherche et l’innovation: une approche stratégique»

COM(2012) 497 final

2013/C 76/08

Rapporteur: M. WOLF

Le 14 septembre 2012, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: Renforcement et ciblage de la coopération internationale de l’Union européenne dans la recherche et l’innovation: une approche stratégique»

COM(2012) 497 final.

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 8 janvier 2013.

Lors de sa 486e session plénière des 16 et 17 janvier 2013 (séance du 16 janvier 2013), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 133 voix pour, 1 voix contre et 2 abstentions.

1.   Synthèse

1.1

Le succès de la recherche et de l'innovation est déterminant pour la compétitivité de l'Europe dans l'environnement international, socle de l'emploi, des prestations sociales et de la prospérité. Le programme Horizon 2020 englobe les mesures européennes de soutien prévues dans ce domaine et nécessaires de toute urgence. La coopération internationale avec des partenaires de pays tiers en fait partie intégrante.

1.2

Cette coopération a de multiples effets positifs sur les avancées réalisées en la matière par les partenaires participant et sur la compréhension entre les peuples.

1.3

Cependant, le bénéfice que l'Europe en retire dépend considérablement de l'attrait de l'Espace européen de la recherche, ainsi que de la renommée et des performances des universités, des instituts de recherche et des entreprises (y compris des PME) européens. Créer, du côté européen, les conditions requises à cet effet est l'un des objectifs essentiels de la stratégie Europe 2020.

1.4

Il est dès lors d'autant plus urgent, au vu de la crise économique et financière actuelle, de mettre en œuvre une politique européenne de soutien anticyclique, d'adopter toutes les mesures financières et structurelles qui s'imposent pour renforcer et rendre attrayants l'Espace européen de la recherche, ses fondements et sa dimension internationale, tout en les préservant des coupes budgétaires. Le budget réservé au programme Horizon 2020 ne saurait être le jouet de conflits entre des intérêts divergents.

1.5

Les accords-cadres conclus avec les États partenaires doivent avoir pour principal objectif de créer des conditions de concurrence équitables, assorties de droits et d'obligations réciproques. Au demeurant, les partenaires de la coopération ne doivent pas être bridés par la réglementation européenne au-delà de ce qui est strictement nécessaire à la défense des intérêts européens. La créativité a besoin d'espace.

1.6

Conformément au principe de subsidiarité, les accords de coopération autour d'un projet donné devraient être conclus par les acteurs qui participent eux-mêmes au projet de coopération concerné ou qui sont responsables de son organisation.

1.7

Les infrastructures de recherche et les projets de démonstration de grande envergure peuvent dépasser les capacités et les possibilités d'utilisation d'un seul État membre, voire peut-être de l'UE dans son ensemble, et requièrent donc, le cas échéant, une participation directe de la Commission.

1.8

Le succès des projets de coopération internationaux repose sur la fiabilité, la continuité et le maintien d'une provision permettant de faire face aux imprévus tout au long de la période qu'ils couvrent. À cet égard, des précautions particulières s'imposent. Il convient de surcroît de garantir une mobilité suffisante aux experts qui y participent et de soutenir celle-ci.

1.9

La coopération internationale n'est pas une fin en soi: elle absorbe des ressources humaines et doit se justifier par la valeur ajoutée escomptée. Elle ne saurait devenir un vecteur politique de l'action extérieure menée par la Commission.

1.10

Les intérêts propres de l'UE, ainsi que le renforcement de l'Espace européen de la recherche et de la capacité européenne d'innovation doivent être le principe directeur en toutes choses. Il serait par conséquent préférable que les coopérations avec des partenaires issus de pays encore en développement qui sont subventionnées par des fonds européens soient financées par les budgets réservés à l'aide au développement.

1.11

Pour les partenaires européens de la coopération, le fait qu'il n'existe toujours pas de brevet européen pour protéger la propriété intellectuelle constitue un sérieux handicap économique. Le Comité appelle le Parlement, la Commission et le Conseil à soutenir la percée escomptée vers un «brevet européen à effet unitaire» et à sortir enfin de l'impasse. Il conviendrait ce faisant d'instaurer à l'échelon européen un «délai de grâce ne portant pas préjudice aux innovations».

1.12

Pour obtenir les informations relatives à la mise en œuvre de l'approche stratégique, il n'y a pas lieu de mettre en place de nouveaux instruments, mais bien d'exploiter les données recueillies dans le cadre du semestre européen, par exemple.

2.   Contenu essentiel de la communication de la Commission

2.1

La communication présente les motifs, les objectifs stratégiques et quelques pratiques de la coopération internationale dans les domaines de la recherche, du développement et de l'innovation. Par coopération internationale, il faut entendre la coopération avec des partenaires extérieurs à l'UE.

2.2

Les objectifs évoqués sont les suivants:

a)

renforcer l’excellence de l’Union en matière de recherche et d’innovation, son caractère attractif pour la poursuite de ces activités, ainsi que sa compétitivité économique et industrielle – en ayant accès aux sources externes de connaissance; en attirant les talents et les investissements dans l’Union; en facilitant l’accès à des marchés nouveaux et émergents; en adoptant des pratiques communes pour la conduite des activités de recherche et l’exploitation des résultats;

b)

relever des défis sociétaux d’envergure mondiale – en mettant au point et en déployant des solutions efficaces plus rapidement et en optimisant l’utilisation des infrastructures de recherche;

c)

soutenir les politiques extérieures de l’Union – en établissant une étroite coopération avec les politiques en matière d’élargissement, de voisinage, de commerce, la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), les politiques en matière d’aide humanitaire et de développement, et en faisant de la recherche et de l’innovation une partie intégrante d’un vaste ensemble d’instruments d’action extérieure.

2.3

La nouvelle approche stratégique de la coopération internationale en matière de recherche et d'innovation sera caractérisée par:

l'ouverture intégrale du programme Horizon 2020 aux participants de pays tiers, permettant aux chercheurs européens de coopérer avec les cerveaux les plus brillants du monde entier;

des activités de coopération internationale ciblées, possédant l'ampleur et la portée nécessaires pour maximiser leurs effets;

l'élaboration de feuilles de route pluriannuelles pour la coopération avec les principaux pays et régions partenaires;

le renforcement du partenariat entre la Commission, les États membres et les parties prenantes;

la promotion de principes communs pour la conduite de la coopération internationale en matière de recherche et d'innovation;

le renforcement du rôle de l'Union dans les organisations internationales et dans les enceintes internationales;

le renforcement de la mise en œuvre, de la gouvernance, du contrôle et de l'évaluation.

3.   Observations générales du Comité

3.1

Le succès de la recherche et de l'innovation est déterminant pour la compétitivité de l'Europe dans l'environnement international, socle de l'emploi, des prestations sociales et de la prospérité. Le programme Horizon 2020 englobe les mesures de soutien prévues par la Commission européenne dans ce domaine, lesquelles sont nécessaires de toute urgence. La coopération internationale avec des partenaires de pays tiers en est l'un des volets.

3.2

La coopération internationale en matière de recherche et d'innovation a de multiples effets positifs sur les avancées réalisées dans ces domaines par les partenaires participant et sur la compréhension entre les peuples. Cela est vrai non seulement au sein de l'Espace européen de la recherche, mais également au niveau mondial, et s'applique donc à la thématique ici à l'examen. Le Comité réitère ses précédentes recommandations à ce sujet (1).

3.3

En conséquence, il réserve un accueil favorable à la nouvelle communication de la Commission, dont il appuie, pour l'essentiel, les objectifs et arguments.

3.4

Les positions de négociation de la partie européenne lors du démarrage des partenariats et le bénéficie que l'UE retire de la coopération internationale dépendent considérablement de l'attrait de l'Espace européen de la recherche, de la renommée et des performances des universités et instituts de recherche européens, ainsi que de la capacité d'innovation des entreprises, notamment des PME.

3.5

Créer, du côté européen, les conditions requises à cet effet est l'un des objectifs essentiels de la stratégie Europe 2020. Il est dès lors d'autant plus urgent, au vu de la crise économique et financière actuelle, de mettre en œuvre une politique européenne de soutien anticyclique, c'est-à-dire d'adopter toutes les mesures financières et structurelles qui s'imposent pour renforcer et rendre attrayants l'Espace européen de la recherche, ses fondements et sa dimension internationale, au lieu de procéder à des coupes budgétaires sur ce plan. C'est précisément pour cette raison que le programme Horizon 2020 doit être pourvu d'un budget au moins équivalent à celui proposé par la Commission. Le Comité réitère par conséquent l'appel qu'il a maintes fois adressé au Parlement européen et au Conseil, les invitant à ne tolérer aucune restriction en la matière et à ne pas faire de ce budget le jouet de conflits d'intérêt.

3.6

La recherche et l'innovation ne progressent pas avec le même bonheur dans tous les États membres. Le Comité renouvelle l'appel qu'il a lancé à plusieurs reprises, plaidant pour qu'au sein de l'Espace européen de la recherche, les États membres qui, à l'heure actuelle, ne sont pas dotés en suffisance d'organismes de recherche d'excellence et de creusets d'innovation surmontent au plus vite ce handicap à l'aide des Fonds structurels et de cohésion et favorisent l'émergence d'un nombre suffisamment important de chercheurs d'excellence et d'un entrepreneuriat innovant au moyen de politiques d'aide et de politiques économiques fructueuses. C'est la seule manière de mettre en pratique le précieux concept de «teaming of excellence» (formation d'équipes d'excellence) (2). Le Comité invite donc également tous les États membres (ainsi que, le cas échéant, le secteur privé) à réaliser enfin, de leur côté, les objectifs de la stratégie de Lisbonne, qui font désormais partie intégrante de la stratégie Europe 2020, et à consacrer 3 % du PIB à la recherche et au développement.

3.7

L'un des objectifs déclarés de la Commission réside dans «l'ouverture intégrale d'Horizon 2020 aux participants de pays tiers, permettant aux chercheurs européens de coopérer avec les cerveaux les plus brillants du monde entier». Dans la mesure où cette possibilité existe (3) bien entendu depuis de nombreuses décennies et est d'ailleurs largement exploitée, la Commission devrait faire un point plus précis de la situation. Il serait bon qu'elle décrive quelles libertés supplémentaires elle ambitionne ici, à quels nouveaux moyens elle pense recourir pour atteindre ces visées et quelles solutions inédites elle entend dorénavant autoriser et financer.

3.8

La Commission suggère, parmi les mesures de soutien essentielles à une coopération internationale fructueuse, la signature d'accords-cadres avec les États partenaires potentiels. Le Comité estime qu'il conviendrait de privilégier en l'occurrence la conclusion d'accords avec les États industrialisés particulièrement novateurs, féconds et performants. À l'instar des accords de libre-échange, les accords-cadres devraient avant tout créer des conditions de concurrence équitables, assorties de droits et d'obligations réciproques. Au demeurant, les partenaires potentiels ne devraient pas être bridés par la réglementation européenne au-delà de ce qui est strictement nécessaire à la défense des intérêts européens.

3.9

Ces accords-cadres doivent se garder de tout point de vue et de toute influence extérieurs et laisser une flexibilité et une marge de manœuvre suffisantes pour pouvoir conclure les contrats les mieux adaptés aux cas particuliers et à leur situation de départ spécifique. La créativité a besoin d'espace.

3.10

Il est particulièrement important de garantir, pour toute la durée des projets de coopération, la fiabilité et la continuité nécessaires, ainsi qu'une provision suffisante pour faire face aux imprévus. C'est là une tâche ambitieuse qui exige des précautions particulières.

3.11

Conformément au principe de subsidiarité, les accords de coopération devraient être conclus par les acteurs qui participent eux-mêmes au projet de coopération concerné ou qui sont responsables de son organisation.

3.12

Pour sa part, la Commission ne devrait intervenir directement que dans les cas où le potentiel d'un État membre, d'une entreprise ou d'un organisme de recherche agissant seul s'avère insuffisant, notamment pour des projets scientifiques et techniques de grande envergure, mais devrait alors en assumer également la responsabilité. Le Comité rappelle (4) que ce sont surtout les infrastructures de recherche et les projets de démonstration de grande ampleur qui peuvent dépasser les capacités et les possibilités d'utilisation d'un seul État membre, voire peut-être de l'UE dans son ensemble, et qui requièrent de ce fait une participation plus poussée de la Commission.

3.13

Ceci étant, la plupart des formes de coopération internationale se développent par la voie des contacts personnels entre les chercheurs, les équipes de chercheurs, les entreprises, notamment les PME, ou les organismes de recherche, qui sont généralement noués et entretenus lors de conférences ou de salons internationaux spécialisés. Il convient de prendre conscience de ces processus d'auto-organisation, de les reconnaître, de les mettre à profit et de les appuyer plus fermement. Le Comité regrette que les recommandations qu'il a maintes fois formulées à ce propos n'aient trouvé à ce jour aucun écho perceptible auprès de la Commission.

3.14

Assurer une mobilité suffisante aux experts participant aux projets de coopération est une des conditions du succès de ces derniers. Aussi la Commission devrait-elle s'employer à développer ce volet, en s'inspirant le cas échéant de la réglementation et des modèles de financement applicables à la mobilité intra-européenne.

3.15

Le Comité redoute (eu égard au point 5 de la communication) que la coopération internationale ne devienne pour la Commission une fin politique en soi ou un vecteur politique de son action extérieure. Or la coopération n'est pas une fin en soi, elle exige des efforts additionnels qui ne se justifient que par l'apport de connaissances et de compétences supplémentaires et complémentaires et par les fruits récoltés en termes d'innovations. Pour cette raison, les projets de coopération ne devraient inclure que les acteurs susceptibles de contribuer à la création de valeur ajoutée.

3.16

Les craintes du Comité ne portent pas seulement sur les priorités dans la répartition des fonds, mais également sur la charge administrative. Bien que l'on puisse espérer que les mesures de simplification (5) annoncées réduisent la charge imposée par le programme Horizon 2020 aux États membres de l'UE, elle continue d'absorber une part considérable de la capacité de travail des scientifiques et des chercheurs. Y ajouter maintenant une coopération à l'échelle mondiale soumise à des procédures éventuellement trop formelles fait courir le risque d'une nouvelle inflation de la bureaucratie.

3.17

L'utilisation des ressources financières hélas toujours trop maigres du programme Horizon 2020 constitue un autre sujet de préoccupation pour le Comité. Si ces fonds sont investis dans des pays tiers en dehors de l'UE, ils seront automatiquement soustraits à l'Espace européen de la recherche. À cet égard, une pondération minutieuse des priorités est en tous cas nécessaire, compte tenu notamment du sérieux retard que certains États membres de l'UE ont à rattraper. Il serait par conséquent préférable que les coopérations qui ressortissent au premier chef à l'aide au développement soient financées par les budgets qui lui sont réservés.

3.18

La communication de la Commission aborde également la question de la propriété intellectuelle, qu'elle présente comme un motif pour adopter une approche «européenne». Dans le cas de la recherche fondamentale, il s'agit avant tout de reconnaître la priorité d'une nouvelle découverte ou conclusion dans le temps. Cependant, dans la période de transition qui en précède l'application, la question de la brevetabilité d'une possible invention entre naturellement déjà en jeu.

3.19

C'est là que le bât blesse depuis des décennies en Europe: il n'existe toujours pas de brevet européen. Cette situation implique, pour toutes les entreprises de l'UE et en particulier pour les PME, des coûts bien supérieurs à ceux supportés par leurs partenaires non européens (notamment ceux implantés aux États-Unis) ou peut même les amener à renoncer à un brevet, c'est-à-dire à perdre la protection qu'il confère. Le Comité appelle le Parlement, la Commission et le Conseil (6) à soutenir sans réserve la percée vers un «brevet européen à effet unitaire» escomptée dans un proche avenir et à sortir enfin de l'impasse. Il salue les résolutions adoptées par le Parlement européen à ce sujet (7). Dans cette optique, il conviendrait également d'instaurer à l'échelon européen un «délai de grâce ne portant pas préjudice aux innovations» (8).

3.19.1

En outre, il conviendrait de réexaminer et de remanier les réglementations relatives à la propriété intellectuelle dans le cadre des initiatives technologiques conjointes mises en place à l'échelon international.

4.   Observations particulières du Comité

4.1

La Commission propose de restreindre la liste des pays admissibles à un financement automatique en complétant le critère de sélection actuel, fondé uniquement sur le RNB par habitant, par un critère supplémentaire fondé sur le PIB total, qui exclura les pays dépassant un seuil déterminé.

4.1.1

Le Comité estime qu'il convient d'opter en l'occurrence pour une approche différenciée. Le premier et unique critère régissant une coopération subventionnée par l'UE avec des ressortissants choisis d'États extérieurs à l'UE devrait être l'intérêt particulier des organisations, des entreprises et PME, des scientifiques et des chercheurs européens à l'égard du gain de savoir-faire qui y est associé ou le besoin qu'ils en ont. Le soutien à l'Espace européen de la recherche doit avoir la priorité. Si la participation d'un éminent expert d'un pays au PIB plus élevé que le seuil est requise pour un projet particulier, il devrait être malgré tout possible de lui octroyer un soutien financier lorsqu'il n'existe aucun autre moyen d'exploiter ses compétences et ses connaissances dans l'intérêt européen. Les intérêts propres de l'UE doivent être le principe directeur en toutes choses.

4.2

La Commission estime que des informations objectives sont nécessaires à la mise en œuvre de l'approche stratégique. Le Comité se félicite de la déclaration verbale du représentant de la Commission affirmant que l'étude et la collecte de données statistiques envisagées dans la communication à l'examen ne doivent nécessiter aucun effort supplémentaire, mais que la Commission entend plutôt recourir pour ce faire à des sources d'information existantes. Le Comité recommande d'exploiter par exemple les données recueillies dans le cadre du semestre européen (9), afin d'éviter des contraintes supplémentaires aux chefs d'entreprise et aux chercheurs.

Bruxelles, le 16 janvier 2013.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Voir à ce propos JO C 306 du 16.12.2009, p. 13.

(2)  Voir notamment Peter Gruss in Max Planck Forschung 3/12, p. 6, ISSN 1616 – 4172.

(3)  Voir à ce propos JO C 306 du 16.12.2009, p. 13, paragraphe 3.2.

(4)  Voir en particulier à ce propos JO C 181 du 21.6.2012, p. 111, paragraphe 4.3.1.

(5)  Voir JO C 48 du 15.2.2011, p. 129, paragraphe 1.2.

(6)  Conseil de l'Union européenne du 23 juin 2011 – 11328/11.

(7)  http://www.europarl.europa.eu/news/fr/pressroom/content/20121210IPR04506/html/Le-Parlement-approuve-la-r%C3%A9glementation-sur-le-brevet-unitaire

(8)  Voir à ce sujet l'avis du CESE «Accès aux informations scientifiques – investissements publics», paragraphe 3.4 (Voir page 48 du présent Journal officiel).

(9)  http://ec.europa.eu/europe2020/making-it-happen/index_fr.htm


14.3.2013   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 76/48


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – Pour un meilleur accès aux informations scientifiques: dynamiser les avantages des investissements publics dans le domaine de la recherche»

COM(2012) 401 final

2013/C 76/09

Rapporteur: M. Gerd WOLF

En date du 17 juillet 2012, la Commission européenne a décidé, conformément à l’article 304 TFUE, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – Pour un meilleur accès aux informations scientifiques: dynamiser les avantages des investissements publics dans le domaine de la recherche»

COM(2012) 401 final.

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 8 janvier 2013.

Lors de sa 486e session plénière des 16 et 17 janvier 2013 (séance du 16 janvier 2013), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 151 voix pour et 5 abstentions:

1.   Conclusions et recommandations

1.1

L’accès aux informations scientifiques est une condition essentielle du succès de la recherche et de la promotion de l’innovation et, partant, de la compétitivité de l’Europe. Il comprend le transfert de connaissances entre les chercheurs, entre les partenaires de recherche, en particulier entre le secteur de la recherche et les entreprises, ainsi qu’entre les chercheurs et les citoyens.

1.2

À la lumière de ce qui suit, le Comité soutient les objectifs et les propositions formulés par la Commission, lesquels permettront, selon lui, de simplifier le travail scientifique – d’un point de vue technique, au moyen de l’internet – et d’en renforcer potentiellement l’efficacité.

1.3

Pour atteindre efficacement ces objectifs, il y a lieu de continuer à garantir à cet égard la qualité d’auteur et la propriété intellectuelle des chercheurs et de leurs organisations, de ne pas porter atteinte à la liberté de la science et de la recherche et d’éviter que les chercheurs ne soient confrontés à une surcharge de travail contreproductive ou à un surcroît de dépenses administratives.

1.4

Le libre accès aux publications scientifiques (au moyen de l’internet) élargit ou complète, au moyen des possibilités techniques actuelles, l’accès offert dans les bibliothèques. Cette pratique revêtant une grande utilité est aujourd’hui très répandue et devrait être poursuivie et complétée. Il convient de tendre vers une symétrie globale entre l’Europe et les pays non européens.

1.5

La sauvegarde d’informations scientifiques (stockage de données de la recherche) aux fins d’une éventuelle utilisation ultérieure est nécessaire. Elle fait aujourd’hui partie des bonnes pratiques scientifiques. Le Comité salue l’intention de la Commission de soutenir également, à l’avenir, les infrastructures nécessaires à cette fin. Dans la mesure où le stockage de données dans le cadre d’accords de projet doit être traité de manière plus détaillée, les décisions relatives à la portée, au format, au niveau de détail et à la description (avec des métadonnées) de ce stockage doivent être prises, selon le domaine concerné, de concert avec les chercheurs concernés.

1.6

Sur cette base se pose la question d’un libre accès au moyen de l'internet (donc général, global, gratuit, incontrôlé et inconditionnel) à des données de recherche stockées. Cette question présente de nombreux aspects. Elle a trait aux pratiques scientifiques appliquées jusqu’ici et doit être traitée de façon très nuancée et avec beaucoup de prudence. S’il peut exister des domaines de recherche pour lesquels un libre accès externe aux données peut s’avérer utile et ne présenter aucun risque, dans de nombreux autres domaines, certains aspects décisifs s’opposent à un tel accès. Il y a donc lieu d’éviter de généraliser.

1.7

Dans certains cas, les solutions possibles en vue de cet accès devraient s’appuyer, de manière progressive et à titre expérimental, sur des procédures volontaires déjà usuelles aujourd'hui aux fins d’un échange de données auto-organisé (par exemple, le CERN avec le World Wide Web) et devraient être testées de manière empirique dans le cadre d’un projet pilote, en accord avec les scientifiques qui participent au processus de recherche. Dans le cadre des procédures administratives y afférentes, il convient toutefois de ne pas contrecarrer les efforts de simplification déjà entamés en imposant de nouvelles exigences ou des procédures supplémentaires.

1.8

Sans préjudice de ce qui précède, le libre accès à une sélection adéquate des données sur lesquelles s'appuient les publications en libre accès pourrait s’avérer utile, surtout dans le cas d’une symétrie globale entre l’Europe et les pays non européens, pour autant que le surcroît de charges que cela implique s'avère acceptable et justifié.

1.9

Toutes ces mesures entraînent pour les chercheurs et leurs organisations des coûts supplémentaires parfois importants, dont il faut pleinement tenir compte dans la planification et l’affectation budgétaires.

2.   Contenu essentiel de la communication de la Commission

2.1

La communication porte sur les mesures prévues par la Commission qui ont pour but d’améliorer l’accès aux informations scientifiques et l’efficacité des investissements publics dans la recherche.

2.2

Les objectifs de ces mesures sont:

l’accès aux publications scientifiques,

la conservation des informations scientifiques,

l’accès aux données de la recherche.

2.3

En ce qui concerne l’accès aux publications scientifiques, deux modèles de libre accès sont aujourd’hui négociés avec les éditeurs de publications scientifiques:

la«voie dorée» (publication en libre accès): les coûts de publication ne sont plus à la charge des lecteurs (par l’intermédiaire des abonnements), mais des auteurs. Ces coûts sont généralement supportés par l’établissement universitaire ou l’institut de recherche auquel est affilié le chercheur, ou par l’organisme de financement qui finance les travaux de recherche;

la«voie verte» (autoarchivage): le chercheur dépose l’article publié ou le manuscrit définitif évalué par les pairs dans des archives en ligne avant ou après sa publication, ou parallèlement à celle-ci. L’accès à cet article est souvent soumis à une période d’embargo à la demande de l’éditeur afin que les abonnés continuent à bénéficier d’un avantage supplémentaire.

2.4

En outre, un calendrier est prévu pour la réalisation progressive de ces objectifs dans le cadre du programme Horizon 2020.

3.   Observations du Comité

La question traitée ici est celle du libre accès (c'est-à-dire général, gratuit, global et illimité) au moyen de l'internet à des publications futures et aux données de la recherche sur lesquelles elles s'appuient, lesquelles sont généralement aussi disponibles aujourd'hui en version numérisée.

3.1   Avis antérieurs

Dans son avis (1) sur le thème «Coopération et transfert de connaissances entre les organismes de recherche, l’industrie et les PME - un préalable important pour l’innovation», le Comité a déjà abordé la question qui fait aujourd’hui l’objet des discussions et a formulé des remarques fondamentales sur le sujet, qui restent d’application et qui avaient pour objectif d’améliorer le transfert de connaissances entre les partenaires de recherche (en particulier, entre le secteur de la recherche et les entreprises). Ce transfert a été vu comme un facteur essentiel à l’innovation et, partant, à la compétitivité de l’Europe. Ces remarques portaient également sur la gestion de la propriété intellectuelle née dans le cadre du processus de recherche et d’innovation, ainsi que sur la liberté des arts et des sciences (2)  (3).

3.2   Qualité d’auteur et propriété intellectuelle

Par la notion de qualité d'auteur et de propriété intellectuelle des chercheurs et de leurs organisations, il faut entendre, d’une part, la reconnaissance d’avoir effectué une découverte scientifique ou d’en avoir eu connaissance en premier, habituellement documentée au moyen d’un travail d’auteur dans une publication et, d’autre part, la reconnaissance du processus créatif ainsi que, le cas échéant, les droits d’exploitation (totale ou partielle) issus de ce processus, au cours duquel des innovations et des découvertes sont peut-être nées de nouvelles connaissances et font souvent l’objet d’une demande de protection par brevet. Le Comité se félicite dès lors de la déclaration de la Commission (chapitre 4.1), selon laquelle «[l]es politiques en matière de libre accès ne portent pas atteinte à la liberté de l’auteur en ce qui concerne sa décision de publier ou non. Elles n’ont pas non plus d’incidence sur le dépôt de brevets ou sur d’autres formes d’exploitation commerciale».

3.3   Délai de grâce ne portant pas préjudice aux innovations

Le choix entre d'une part une publication précoce des résultats scientifiques, qui impliquerait la perte de l’exigence de nouveauté liée aux découvertes qui pourraient découler de ces résultats, et d'autre part, afin d’empêcher cela, la rétention de la publication dans un premier temps, qui pourrait signifier la perte éventuelle du droit de priorité, concernant une découverte par exemple, est un dilemme compliqué susceptible d’entraîner des pertes, le cas échéant. Pour surmonter ce dilemme, le Comité réitère sa recommandation visant à prévoir un délai de grâce ne portant pas préjudice aux innovations lors de l’introduction de la demande de brevet européen (4).

3.4   Exemple du droit des brevets

Au terme d’années d'évolution sur le plan international, le droit des brevets est parvenu à établir et à maintenir un bon équilibre entre, d’une part, les exigences initiales de confidentialité liées à la propriété intellectuelle et, d’autre part, le libre accès à ses produits. Aussi les demandes de brevets sont-elles aujourd’hui rendues publiques après 18 mois et accessibles à tous au moyen de l’internet.

3.5   Données de la recherche

Une caractéristique de la procédure appliquée jusqu’à aujourd’hui, qui se manifeste plus ou moins fortement selon le domaine, est que:

i.

les données intervenant dans le processus de recherche, qui se fondent sur des données dites «brutes», sont tout d’abord calibrées et vérifiées afin de détecter d’éventuelles mesures erronées, leur cohérence est examinée dans le cadre d’un processus de formation d’opinion, leur importance est évaluée et, si nécessaire, elles sont comparées avec d’autres données de mesure ou associées à celles-ci avant d’alimenter un enregistrement valide et fiable et d’être rendues publiques, et

ii.

que les chercheurs chargés de ces données soient les premiers à publier des rapports sur celles-ci, à interpréter les résultats et à tirer les conclusions qui s’imposent.

3.6   Accord de principe

Compte tenu de ce qui précède, le Comité soutient les objectifs formulés par la Commission, lesquels permettront, selon lui, de simplifier le travail scientifique – d’un point de vue technique, au moyen de l’internet – et d’en renforcer potentiellement l’efficacité. Il recommande de continuer à développer progressivement les processus entamés ou les idées de départ en collaboration permanente avec les scientifiques qui participent activement au processus de recherche. Il y a lieu de tenir compte à cet égard des particularités des différentes disciplines de recherche et d’éviter que les chercheurs ne soient confrontés à une surcharge de travail contreproductive ou à un surcroît de dépenses administratives. Le chapitre ci-après aborde d’autres aspects et limitations.

4.   Observations particulières du Comité

4.1   Libre accès aux publications

Le libre accès aux publications scientifiques (au moyen de l’internet) élargit ou complète, à l’aide des possibilités techniques actuelles, l’accès offert dans les bibliothèques. Cette pratique revêtant une grande utilité est aujourd’hui très répandue et devrait être poursuivie avec vigueur et complétée.

4.1.1   Voie dorée ou voie verte

Le choix entre la voie dorée et la voie verte est une question de coût plutôt pragmatique. En effet, il y a lieu d’examiner s’il est possible ou souhaitable de se mettre d’accord avec l’éditeur sur l’option choisie. Ce qui est important, c’est l’accès par l’internet aux publications scientifiques et techniques, qu’il convient de ne pas trop différer.

4.1.2   Coûts majorés

Il est cependant apparu que les grands éditeurs facturaient un coût trop élevé pour cet accès. Une concurrence accrue dans les interactions entre les auteurs, les directeurs de publication et les éditeurs pourrait remédier à ce problème. Lors de l’évaluation des résultats scientifiques, le prestige de la revue qui publie ces résultats joue néanmoins un rôle. Le Comité encourage dès lors la Commission à poursuivre ses réflexions avec les organisations scientifiques concernant les moyens d'améliorer ce système. Ce faisant, il convient toutefois de ne pas restreindre la liberté des auteurs quant au choix de la revue.

4.1.3   Rapports préalables

Le Comité fait référence à la pratique répandue qui consiste à rendre préalablement accessible à la communauté scientifique, sous la forme de rapports – également par l’internet – de nouveaux résultats dont la publication dans des revues spécialisées est encore en cours d’évaluation par des experts externes (référents). Il en va de même pour les présentations effectuées au cours de symposiums et de conférences spécialisées, dont la fonction de liaison est donc très importante.

4.1.4   Accords internationaux - Symétrie

Il y a lieu d’éviter que d’importants déséquilibres apparaissent au niveau international entre l’Union européenne et les autres pays. Si les scientifiques ou les citoyens du monde entier peuvent accéder gratuitement sur internet à des publications scientifiques émanant de l’Union, il est également utile de garantir que les scientifiques ou les citoyens de l’Union puissent également accéder gratuitement à toutes les publications scientifiques originaires d'ailleurs. Le Comité soutient les efforts de la Commission visant à réaliser cette symétrie au moyen d’accords internationaux. Le travail scientifique ne sera véritablement simplifié qu’au moyen d’un flux d’informations général.

4.1.5   Conférences spécialisées et bibliothèques

Parallèlement, le Comité signale qu’il ne faut pas croire qu’un Open Access («accès libre») peut rendre superflues ou négligeables les autres formes d’échange d’idées et d’informations. Le travail devant un ordinateur ne remplace ni l’effet stimulant d’une conversation ou d’une discussion, ni l’environnement intellectuel d’une bibliothèque ou d’une conférence spécialisée.

4.2   Stockage de données

Dans la plupart des grandes organisations de recherche, le stockage de données fait déjà partie des bonnes pratiques scientifiques. Étant donné la très grande quantité de données traitées aujourd’hui, cette tâche est principalement une question de ressources et d’infrastructures disponibles, et donc d’investissement important en équipements et en personnel, afin de valider les séries de données, de trier ou de compresser, de réduire ou d’effacer des données brutes ou de décrire à l’aide de métadonnées, en évitant que des informations importantes ne soient perdues durant ces opérations. Sur ce point, il ya a lieu de tenir compte du rapport coût/investissement utile.

4.2.1   Promotion par la Commission

Le Comité se félicite des mesures actuelles et futures prévues par la Commission en vue d’encourager le stockage des données de la recherche et les infrastructures nécessaires aux fins de ce stockage.

4.2.2   Solutions spécifiques

Le Comité partage l’avis de la Commission selon lequel il ne convient pas de chercher des solutions générales, mais plutôt de veiller à ce que chaque domaine spécifique décide de façon autonome dans quelle mesure et avec quels moyens effectuer le stockage de données et dans quelle mesure il faut chercher à appliquer des normes. Chaque domaine devrait autant que possible appliquer des normes ouvertes et internationales en vue de permettre l’interopérabilité.

4.3   Libre accès externe aux données

L’intention de la Commission et d’autres partisans (5) d’encourager le libre accès (numérique) aux données de la recherche se fonde en particulier sur les objectifs suivants:

a)

renforcer la qualité du discours scientifique dans la mesure où, en règle générale, le suivi et l’évaluation détaillée des résultats de la recherche publiés exigent d’accéder aux données exploitées et aux outils utilisés pour leur exploitation;

b)

augmenter le rendement des ressources publiques utilisées pour collecter les données, grâce à l’utilisation ultérieure des données.

Le Comité peut a priori approuver pleinement ces objectifs dans leur ensemble.

La question reste toutefois de savoir avec quels instruments, à quel niveau de différenciation et dans quelle mesure ces objectifs doivent être réalisés, quelles sont les dépenses supplémentaires – également administratives– qui y sont associées, si le bénéfice attendu justifie ces dépenses et quels sont les aspects qui s’y opposent.

4.3.1   Procédure existante

Une caractéristique essentielle de la recherche scientifique est que le processus de connaissance et les données et sources obtenues dans le cadre de ce processus doivent être compréhensibles et reproductibles et que les conclusions qui en sont tirées doivent résister à des discussions et des débats. C’est la raison pour laquelle il existe dans la communauté scientifique, avant, pendant et après la publication dans des revues, des procédures bien établies et efficaces telles que des séminaires, des conférences, des expertises, des examens par des pairs, l’échange d’informations et de données, l’échange de personnel, etc. Les moyens modernes de l’agenda numérique sont également prévus à cet effet. C’est précisément aux fins de l’échange de données que le CERN (6) a proposé et développé avec des partenaires le World Wide Web (www).

4.3.2   Mesures supplémentaires

Les propositions de la Commission ne peuvent donc porter que sur les moyens de compléter, améliorer, simplifier et rendre plus efficaces les processus d’auto-organisation habituels. La communication n’expose pas de manière suffisamment claire les mesures concrètes supplémentaires prévues à cet effet; parmi les mesures envisageables figurent évidemment les projets pilotes.

4.3.3   Problèmes - Impossibilités

Si les attentes relatives au libre accès ont déjà été évoquées, il est également nécessaire de mettre en évidence les problèmes à résoudre, les exceptions et les impossibilités. Ces dernières concernent, par exemple:

la confidentialité lors de développements innovants, en particulier avec l’industrie (PME), ainsi que les aspects relatifs aux brevets;

la confidentialité des données relatives aux patients dans la recherche médicale;

la garantie de la qualité d’auteur (des chercheurs et des organisations de recherche) des données;

les malentendus lors de la récupération et de l’interprétation des données et les conséquences qui en découlent;

le cas échéant, les limitations du transfert de technologie prévues par la loi sur le contrôle des exportations;

la garantie d’une symétrie globale entre l’Union européenne et les pays tiers;

les dépenses en personnel et en équipements requises pour extraire les données pertinentes d'une kyrielle de données brutes souvent difficiles à démêler et les rendre compréhensibles et utilisables par des personnes extérieures.

À l’évidence, ces problèmes font obstacle à une introduction généralisée du libre accès aux données de la recherche.

4.3.4   Différenciation

Il s'impose donc de suivre une approche différenciée. Le Comité confirme qu’il existe des domaines dans lesquels le libre accès externe aux données de la recherche par l’internet peut être avantageux, par exemple pour les données météorologiques, le patrimoine génétique, les données démographiques ou des données définies tout aussi clairement et présentant un intérêt statistique (il reste toutefois à clarifier comment des «données» peuvent être définies).

En outre, il recommande toutefois de procéder avec retenue, par exemple:

i.

dans les cas d’expériences extrêmement complexes telles que les accélérateurs ou les installations d’essai dans la recherche sur la fusion, et

ii.

dans toutes les collaborations impliquant la recherche industrielle, y compris les PME.

4.3.5   Pour ce dernier cas précisément, le Comité relève une contradiction intrinsèque entre des objectifs qui encouragent, d’une part, le libre accès aux données de la recherche et, d’autre part, le renforcement de la promotion de l’innovation en mettant l’accent sur des partenariats entre le secteur public et le secteur privé, pour lesquels la confidentialité constitue une question clé. La tentative de concilier ces objectifs contradictoires, en distinguant entre d'une part les données «anodines» telles que celles de la recherche fondamentale et d'autre part les données innovantes de la recherche appliquée par exemple, n'est il est vrai pas dénuée de risques. Car une telle distinction «a priori» présuppose la capacité de se projeter dans l'avenir. Après tout, les nouvelles découvertes révolutionnaires de la recherche dite fondamentale peuvent s'avérer particulièrement innovantes et, si elles sont publiées à un stade précoce, se voir privées de la protection conférée par un brevet (voir également le paragraphe 3.3). C'est pourquoi il conviendrait de trouver ici une solution aussi pragmatique que dans le cas des publications «normales» (voir le paragraphe 3.2 et le chapitre 4.1 de la communication de la Commission).

4.3.6   Volontariat

Par conséquent, il convient de laisser les chercheurs participant à un projet de recherche particulier décider librement si, à partir de quand et, dans l’affirmative, jusqu’à quel niveau de détail ils donnent libre accès aux données obtenues dans le cadre du projet, sous certaines conditions. L’exemple du CERN montre justement que des processus ascendants volontaires sont davantage favorables à la question discutée dans le présent document que des règles imposées de force. Le Comité recommande de faire preuve de plus de confiance envers les forces d’auto-organisation du système économique. Il convient d’éviter toute ingérence forcée (voir paragraphe 4.3.10) dans la culture scientifique, qui s’est avérée très fructueuse jusqu’ici, mais qui est aussi très sensible.

4.3.7   Données issues de publications

La possibilité pourrait par exemple être envisagée de traiter électroniquement et de rendre librement accessible, parallèlement aux publications, une sélection (voir paragraphe 4.2) des données qui sont à la base des publications disponibles en libre accès. Mais l'on est là aussi en droit de se demander si les gains escomptés d'une exploitation en ligne des données par des tiers justifie véritablement les efforts supplémentaires que cela exige de la part des auteurs initiaux, ainsi tenus éloignés de leur propre activité de recherche, et il convient d'examiner cette question au cas par cas.

4.3.8   Projet pilote

Le Comité soutient les efforts de la Commission visant à lancer un projet pilote dans un domaine spécialisé plutôt simple et approprié dans le but d’acquérir de l’expérience. Un rapport devrait être établi concernant la valeur ajoutée ainsi obtenue.

4.3.9   Bureaucratie et acceptation

Le mécontentement important de nombreux chercheurs concernant la bureaucratisation excessive, par la Commission, des procédures de demande et d’octroi s’est légèrement apaisé grâce aux efforts de simplification et de continuité de l’instrument d’aide (7). Il pourrait toutefois être ravivé par de nouvelles exigences mal réfléchies, une ingérence dans les activités de recherche et par de nouveaux obstacles bureaucratiques.

4.3.10   Intérêt du «bailleur de fonds»

Le débat autour des thèmes évoqués ci-dessus soulève également la question de savoir si et dans quelle mesure le «bailleur de fonds» ou «contribuable», représenté ici par la Commission, devrait simplement exiger comme préalable à sa contribution que tous les résultats issus de la recherche soient rendus librement accessibles sur internet. Sans préjudice des observations formulées aux paragraphes 3.1 et 3.2, cette question n'est pas au cœur des réflexions développées dans le présent avis. Pour le Comité, l'important est plutôt de savoir quelles sont les procédures de financement et de gestion de la recherche à appliquer – dans l'intérêt justement du «bailleur de fonds» – pour obtenir des résultats scientifiques et économiques optimaux.

4.4   Charge supplémentaire pour le budget de la recherche

Toutes les mesures proposées par la Commission exonèrent le destinataire des informations (publications, données) de toute obligation de contrepartie financière. Ces coûts doivent en revanche être supportés par les auteurs des données et des publications, c'est-à-dire les chercheurs et leurs organisations. Ils doivent donc être imputés au budget de la recherche concerné – dans la mesure où il s’agit ici d’une aide de l’Union européenne, le budget en question est celui du programme «Horizon 2020». Il y a donc lieu de tenir compte de ces coûts dans le montant de l’aide concernée.

4.4.1

Dans le cas du libre accès à des publications scientifiques, le budget de la recherche concerné doit donc couvrir non seulement les dépenses nécessaires à l’obtention de nouveaux résultats de recherche, mais aussi celles liées à la mise à disposition de ces résultats.

4.4.2

Par ailleurs, il en va de même pour les coûts liés à l’augmentation du stockage de données et pour les dépenses en personnel et en infrastructure nécessaires à cet effet (notamment en tant que condition nécessaire pour le paragraphe 4.4.3).

4.4.3

Et, bien entendu, cela vaut d’autant plus pour les dépenses supplémentaires liées, le cas échéant, à l’établissement d’un accès public à toutes les données de recherche ou à certaines données de la recherche sélectionnées.

4.5   Possibles malentendus

Le Comité a l’impression que, dans le débat politique, certaines exigences relatives au libre accès et certaines raisons justifiant ce libre accès reposent également sur des malentendus qui concernent tant la méthode de travail utilisée dans la science et la recherche que la capacité de compréhension des questions spécifiquement scientifiques par le citoyen ordinaire. En effet, en règle générale, seuls les experts du domaine concerné comprennent les publications scientifiques. Le libre accès ne sert dès lors qu’à l’information des experts. Il en va de même pour l’accès aux données de la recherche.

4.6   Information des citoyens et des acteurs politiques

Par conséquent, les efforts visant à expliquer aux profanes les informations essentielles contenues dans les nouvelles connaissances sont d’autant plus importants. Le Comité a souligné à plusieurs reprises l’importance de ces moyens et reconnaît les efforts de la Commission en la matière, y compris s'agissant du portail CORDIS (8). Il y a lieu de mettre l’accent sur l’engagement du scientifique qui a le don de rendre compréhensible par tous les connaissances de son domaine. Enfin, il importe également que les acteurs politiques soient informés au mieux du contenu et de la signification des connaissances scientifiques ainsi que du potentiel de nouvelles recherches afin de pouvoir prendre des décisions éclairées.

4.7   Accès à une expertise

Les entreprises et les organisations de la société civile déplorent souvent l'accès insuffisant à une expertise spécialisée. C'est pourquoi il est particulièrement important, pour les PME notamment, de disposer au moins d'un expert interne ou externe capable de comprendre ces données ou d'avoir accès à un organisme de conseil correspondant. Par ailleurs, le Comité renvoie d'une part aux recommandations (formulées dans un avis antérieur (9)) qu'il a adressées à la Commission afin qu'elle crée un moteur de recherche spécifique dans ce domaine, et d'autre part au moteur de recherche (10) mis à disposition par l'Office européen des brevets, grâce auquel il est possible aujourd'hui d'accéder à la plupart des fascicules des brevets les plus récents disponibles au niveau international.

4.8   Accès internet à des publications antérieures

Au-delà du thème traité ici, il serait intéressant, notamment pour les sciences humaines, de rendre également accessibles sous forme électronique au moyen d'internet d'anciennes publications originales. Même s'ils ne font pas l'objet du présent avis, les efforts en ce sens sont expressément salués par le Comité.

Bruxelles, le 16 janvier 2013.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO C 218 du 11.9.2009, p. 8, chapitre 3.

(2)  Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, article 13 (mars 2010): «La liberté académique est respectée».

(3)  Voir par exemple Torsten Wilholt in FORSCHUNG & LEHRE, 19e année 12/12, p. 984; www.forschung-und-lehre.de.

(4)  JO C 132 du 3.5.2011, p. 39, point 3.9.

(5)  P.ex.: www.royalsociety.org/uploadedFiles/Royal_Society_Content/policy/projects/sape/2012-06-20-SAOE.pdf, www.wissenschaftsrat.de/download/archiv/2359-12.pdf

(6)  Organisation européenne pour la recherche nucléaire.

(7)  JO C 48 du 15.2.2011, p. 129.

(8)  http://cordis.europa.eu/home_fr.html

(9)  JO C 218 du 11.9.2009, paragraphe 3.2.

(10)  http://worldwide.espacenet.com


14.3.2013   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 76/54


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 273/2004 relatif aux précurseurs de drogues»

COM(2012) 548 final — 2012/0261 (COD)

2013/C 76/10

Rapporteur: M. SEARS

Le 15 octobre 2012 et le 22 octobre 2012, respectivement, le Conseil et le Parlement européen ont décidé, conformément à l'article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 273/2004 relatif aux précurseurs de drogues»

COM(2012) 548 final – 2012/0261 (COD).

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 8 janvier 2013.

Lors de sa 486e session plénière des 16 et 17 janvier 2013 (séance du 16 janvier 2013), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 130 voix pour, 1 voix contre et 7 abstentions.

1.   Contenu essentiel et recommandations

1.1

La proposition à l'examen a été élaborée pour remédier en particulier à des faiblesses qui ont été décelées dans la législation en vigueur de l’Union européenne concernant la surveillance des échanges, entre entreprises de l'UE, de l'anhydride acétique, un produit chimique de base qui a de nombreuses utilisations légitimes et importantes, mais qui fait également l'objet de détournements en tant que précurseur utilisé aux fins de la fabrication illicite d’héroïne à partir de morphine, en général en Afghanistan. Le CESE reconnaît qu'il est nécessaire de modifier le règlement et soutient vivement cette proposition.

1.2

Le CESE est également favorable à la proposition de créer une base de données européenne relative aux opérateurs et utilisateurs finals agréés et d'améliorer la collecte des informations fournies par les États membres sur les saisies et interceptions de tous les précurseurs de drogues illicites, classifiés et non classifiés.

1.3

Le fait d'étendre la législation en vigueur relative à l'enregistrement aux «utilisateurs», par opposition aux «opérateurs», exige de proposer quelques nouvelles définitions ou de réviser un certain nombre des définitions existantes; à cet égard, le CESE relève des problèmes mineurs et formule des recommandations. Les utilisateurs finals devraient être pleinement informés de l'objectif et des avantages de l'enregistrement. Les autorités compétentes devraient se voir garantir des droits d'accès aux locaux professionnels des utilisateurs finals identiques à ceux prévus dans le cas des opérateurs.

1.4

Le CESE constate que les nouvelles propositions ne seront efficaces que si elles font l'objet d'une communication appropriée et ne génèrent pas inutilement de charges financières supplémentaires pour les parties concernées. Par conséquent, le CESE soutient vivement la proposition d'exonérer les microentreprises de droits d'enregistrement.

1.5

Enfin, le CESE observe qu'en Europe, les parties prenantes ont pleinement adopté les dispositions de la convention y afférente des Nations unies de 1988, et notamment son article 12, concernant la nécessité de travailler ensemble pour atteindre les objectifs visés. Cela a permis d'engranger des réussites sur le plan de la collaboration mutuelle, à l'intérieur comme à l'extérieur de l'UE, afin de lutter contre la criminalité, de protéger la santé des citoyens, de permettre au commerce légitime de poursuivre son activité, et de préserver la réputation des organismes et entreprises concernés. Les procédures adoptées, le degré de respect mutuel et de confiance qui a été atteint, le style et le contenu des messages adressés aux parties concernées, tout cela mérite d'être reconnu comme un modèle de bon comportement et de déontologie en matière de réglementation, au niveau de l'UE ou à tout autre niveau. L'on peut espérer que les contrôles qu'il est prévu de proposer, dans le cadre de politiques européennes et nationales de santé publique fortes, bien ciblées et fondées sur des données avérées, en particulier dans le domaine de la prévention, sur les substances psychotropes et les drogues de synthèse, suivront un modèle similaire. Le CESE escompte contribuer, en temps utile, à ces propositions.

2.   Introduction

2.1

Les précurseurs de drogues sont des substances qui sont fabriquées, commercialisées et utilisées dans le monde entier, dans un vaste éventail de processus légitimes et essentiels, mais qui peuvent également être détournées aux fins de la fabrication illicite de drogues comme la cocaïne, l'héroïne, l'ecstasy ou les métamphétamines. Il est de longue date considéré comme essentiel de s'employer à contrôler le commerce de ces substances, lesquelles sont recherchées pour leurs propriétés physiques et sont par exemple utilisées comme solvants pour extraire des principes actifs de plantes, ou comme agents destinés à modifier la nature et les effets des médicaments qui en sont tirés.

2.2

C'est la convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de 1988 qui encadre l'action internationale en la matière. Son article 12 souligne que la coopération entre les autorités de régulation et les entreprises est essentielle pour parvenir aux résultats recherchés.

2.3

Au niveau de l'Union européenne (UE), la réduction du détournement des précurseurs de drogues est l'un des objectifs importants de la stratégie antidrogue de l’UE (2005-2012) et du plan d’action drogue de l’UE (2009-2012). Actuellement, sur le plan juridique, le commerce de ces produits est encadré respectivement, pour les échanges intérieurs, par le règlement (CE) no 273/2004, géré par la DG ENTR (direction générale des entreprises et de l'industrie), et pour les échanges extérieurs, par le règlement (CE) no 111/2005, géré par la DG TAXUD (direction générale de la fiscalité et de l'union douanière). Les modalités d’application pour les autorités compétentes et les opérateurs économiques sont fournies par le règlement de la Commission (CE) no 1277/2005 modifié par les règlements (CE) no 297/2009 et (UE) no 225/2011.

2.4

Ces règlements font obligation aux États membres de collecter et de communiquer des informations relatives aux volumes de certaines substances, classifiées (c'est-à-dire expressément surveillées et contrôlées) ou non classifiées (surveillées sur une base volontaire) qui ont été interceptés (avant le début de la livraison) ou saisis (pendant ou après la livraison). Ces quantités peuvent alors être mises en rapport avec les quantités totales de ces mêmes substances interceptées ou saisies à l'échelle de la planète. Lorsque l'on constate une augmentation inattendue des quantités déclarées, ou un changement de la fréquence ou de la répartition des interceptions et saisies, cela peut s'expliquer par l'amélioration de la surveillance, mais aussi indiquer qu'un marché particulier devient davantage la cible d'activités à but illicite, éventuellement en raison de faiblesses – réelles ou présumées – en matière de contrôles locaux.

2.5

Les données consolidées pour 2008 ont montré, par rapport à 2007, une multiplication par 7 des quantités constatées pour un précurseur spécifique, l'anhydride acétique, utilisé pour transformer la morphine (dérivée de l'opium) en héroïne. Les 241 tonnes saisies dans l'UE représentaient plus de 75 % de l’ensemble des saisies à l'échelle mondiale, d'où des critiques répétées de l'Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS) des Nations unies à l'endroit de l'Europe. Un rapport de la Commission, COM(2009) 709, portant sur l'évaluation et le fonctionnement de la législation en la matière, a conclu que, si les performances étaient globalement satisfaisantes, il y avait malgré tout des faiblesses; c'est pourquoi il formulait des recommandations, notamment concernant la surveillance et le contrôle des ventes d'anhydride acétique au sein de l'UE

2.6

Pendant ce processus, la Commission et toutes les autres parties concernées ont pris acte que l'anhydride acétique joue un rôle essentiel en tant qu'agent alcoylant dans la synthèse d'un grand nombre de matériaux enduits: films, plastiques, produits pharmaceutiques (par exemple, aspirine) et autres produits de consommation. La majeure partie de la production mondiale totale (actuellement environ un million de tonnes par an) est, pense-t-on, utilisée en interne par les producteurs; une proportion moindre, moins d'un tiers du total, est vendue à des utilisateurs finals tiers. La quantité nécessaire à l'utilisation illicite, essentiellement en Afghanistan, est estimée entre 380 et 570 tonnes par an. Elle sert à son tour à produire environ 380 tonnes d'héroïne, sur le sol afghan, dont 70 tonnes approvisionnent les toxicomanes en Europe. Cette héroïne étant vendue en moyenne, selon les rapports, 40 euros le gramme sur le marché de la rue en Europe, cela signifie que le marché illicite représente environ 3 milliards d'euros par an. La valeur de marché de l'anhydride acétique nécessaire est négligeable en comparaison de ces montants, et en comparaison de la valeur des ventes légitimes ou du coût sur le plan de la perte de réputation pour les individus ou les entreprises touchées par de tels détournements à des fins illicites. Le programme «Responsible Care» (attitude responsable) dans l’industrie chimique, qui existe à l'échelle mondiale, contribue à garantir que ces éléments sont connus des opérateurs légitimes qui entrent sur le marché pour la première fois.

2.7

L'on reconnaît également que, même si l'on pouvait empêcher toutes les tentatives de détournement en Europe, des détournements similaires se produiraient dans d'autres endroits du monde. Les bénéfices financiers pour les producteurs de drogues, tels qu'évoqués ci-dessus, sont tout simplement trop importants. Toutefois, les contrôles effectués sont encore pleinement justifiés, et servent de modèle à suivre. Dès lors qu'ils sont considérés comme rentables, ils sont pleinement soutenus par les secteurs d'activités concernés, soucieux que leur activité commerciale dans l'UE puisse continuer.

2.8

Étant donnée la situation décrite ci-avant, la Commission a envisagé un certain nombre d'approches alternatives, présentées dans l'analyse d'impact, et a consulté les organisations représentatives des secteurs concernés – principalement le Conseil européen des fédérations de l'industrie chimique (Cefic), pour les producteurs («opérateurs») et certains grands utilisateurs finals, et la Fédération européenne du commerce chimique (FECC) pour les distributeurs et les utilisateurs finals de dimension plus modeste – ainsi que des représentants des États membres, lesquels seront chargés de mettre en œuvre les propositions. De l'avis général, la proposition actuelle de la Commission est l'option à privilégier.

3.   Résumé de la proposition de la Commission

3.1

La proposition de la Commission étend l'obligation d’enregistrement (qui ne s’applique actuellement qu’aux opérateurs qui produisent, distribuent ou commercialisent l’anhydride acétique) aux utilisateurs finals industriels de la substance, c'est-à-dire aux entreprises qui achètent de l'anhydride acétique pour leurs propres usages ou processus sur le territoire de l'UE.

3.2

L'objectif est de restreindre encore davantage les détournements ou tentatives de détournement d'anhydride acétique dans l'UE pour en réduire l'utilisation illicite hors des frontières de l'UE, et d'assurer une sécurité juridique accrue pour les entreprises dont l'activité est légitime au sein de l'UE.

3.3

L'actuelle catégorie 2 des substances classifiées visées par le règlement (CE) no 273/2004 est donc scindée en deux parties, la sous-catégorie 2A étant réservée à l'anhydride acétique et la catégorie 2B à 4 autres produits chimiques de base qui ne sont pas touchés par cette modification. Les définitions de la catégorie 1, qui concerne les produits chimiques spéciaux à faible volume soumis à des contrôles encore plus rigoureux que les précurseurs de drogues «clés» les plus sensibles, et celles de la catégorie 3, visant les produits chimiques en vrac à usage multiple (bulk chemicals), demeurent inchangées.

3.4

La proposition vise également à créer une base de données européenne relative aux précurseurs de drogues afin d'améliorer la collecte de données sur les saisies et les interceptions et de tenir une liste des opérateurs et utilisateurs enregistrés ou titulaires d’un agrément dans l’UE, qui produisent, commercialisent ou utilisent légalement les précurseurs de drogues.

3.5

La proposition, par ailleurs, clarifie certaines définitions existantes, prévoit des exonérations de droits d'enregistrement pour les microentreprises, modifie les dispositions en vigueur en matière de comitologie en les alignant sur les nouvelles règles du traité de Lisbonne, et supprime la nécessité d'un processus formel d'adoption dans la préparation des lignes directrices. La proposition clarifie aussi les droits qui sont ceux des États membres en matière d'adoption de mesures supplémentaires leur permettant d'obtenir des informations et, si nécessaire, d'accéder aux locaux professionnels des opérateurs concernant toute commande suspecte relative à des substances non classifiées.

3.6

La base juridique de la proposition est l’article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE); elle est conforme, du moins dans sa forme actuelle, avec les exigences de l'UE en matière de subsidiarité et de proportionnalité.

3.7

Le règlement entrerait en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l'Union européenne et serait obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre. Le règlement prévoit une période de transition de 18 mois maximum pour que les autorités compétentes élaborent les processus nécessaires et que certains utilisateurs finals s'enregistrent pour la première fois. Les procédures d'enregistrement s'appliquant à tous les utilisateurs finals ont été rendues plus rigoureuses et l'enregistrement peut à présent être refusé si l'on estime que les informations fournies aux autorités compétentes sont insuffisantes.

3.8

La proposition s'accompagne d'un exposé des motifs et d'un document de travail des services de la Commission (analyse d'impact). Une synthèse de l'analyse d'impact est également disponible. Les pages Internet pertinentes de la DG ENTR et de la DG TAXUD font la synthèse des évolutions de la législation communautaire concernant la surveillance et le contrôle des précurseurs de drogues au sein l'UE et entre l'Union et des pays tiers et présentent des liens vers tous les documents associés ainsi que vers les parties prenantes et organisations concernées.

3.9

Ces sites Internet permettent également d'accéder aux rapports de la Commission relatifs aux interceptions et saisies de précurseurs de drogues, élaborés à partir des données fournies par les États membres pour les années 2006-2010, qui exposent les motivations des actuelles propositions. Une présentation de la DG ENTR datée du 16 octobre 2012, faite à l'attention du groupe de travail «Union douanière» du Conseil, a ajouté d'autres informations. Un exemplaire des «Lignes directrices à l'intention des opérateurs», publiées conjointement par la DG ENTR et la DG TAXUD pour être diffusées par les autorités nationales compétentes, et généralement réservées aux sociétés de confiance engagées de longue date dans les transactions licites de substances classifiées et non classifiées a été remis sous enveloppe séparée.

3.10

D'autres rapports présentent un panorama extérieur, et généralement plus global, par exemple le rapport de 2011 de l'Organe international de contrôle des stupéfiants sur les précurseurs et produits chimiques fréquemment utilisés dans la fabrication illicite de stupéfiants et de substances psychotropes et le rapport stratégique 2012 du contrôle international des stupéfiants du département d'État (États-Unis). Il est désormais admis, par exemple, que l'Afghanistan n'a aucune demande légitime d'anhydride acétique, et que par conséquent toutes ses importations sont illicites. Selon un rapport, les forces de la coalition ont saisi environ 20 tonnes de cette substance, sur un total beaucoup plus considérable d'importations en 2011. Les principales sources d'approvisionnement illicite seraient la Chine, la Corée du Sud, l'Europe, les États d'Asie centrale et l'Inde. Il reste manifestement du travail à fournir, et il est essentiel de maintenir une coopération internationale étroite ainsi que la confiance mutuelle si chèrement acquise.

4.   Observations générales

4.1

Le 26 février 2003, le CESE a publié son avis sur le document COM(2002) 494 final (1), dans lequel il souscrivait pleinement aux propositions de la Commission en matière de contrôle des précurseurs de drogues. Cela est dûment mentionné dans la version finale du document, soit le règlement (CE) no 273/2004, publié en février 2004 (2).

4.2

Le CESE soutient également avec force les efforts visant à réduire l'utilisation des drogues dans l'UE comme dans les pays tiers, par exemple dans son avis de mai 2012 répondant à la communication de la Commission «Vers une approche plus ferme de l'UE en matière de lutte contre la drogue» (3). Celui-ci avait mis en exergue la nécessité de préserver une approche équilibrée tant vis-à-vis de l'offre que vis-à-vis de la demande. Des réductions de l'offre, qui peuvent n'être que temporaires, doivent être étayées par des politiques européennes et nationales de santé publique qui soient des politiques fortes, bien ciblées et efficaces, en particulier dans le domaine de la prévention (article 168, paragraphe 1, du TFUE). La coopération et l'échange de bonnes pratiques entre États membres seront essentiels. Les politiques doivent se fonder sur des données avérées – et non l'inverse.

4.3

Par conséquent, le CESE soutient vivement l'actuelle proposition de resserrer la surveillance et le contrôle du commerce d'anhydride acétique entre entreprises sur le territoire de l'UE et de mettre en œuvre de nouvelles mesures pour contribuer à la surveillance et au contrôle des précurseurs de drogues en général, notamment par la création d'une base de données européenne répertoriant les opérateurs et utilisateurs finals enregistrés ou titulaires d’un agrément et en regroupant les informations fournies par les États membres sur les interceptions et saisies de substances détournées en vue d'une utilisation illicite, en particulier pour la fabrication de stupéfiants ou de substances psychotropes, généralement à l'extérieur de l'UE. Le détournement de petites quantités d'anhydride acétique pour la fabrication d'héroïne est particulièrement préoccupant.

4.4

Le CESE félicite également la Commission et toutes les parties engagées dans la mise en œuvre de la législation en vigueur et dans le processus de révision et de consultation qui ont suivi, pour leur coopération étroite et continue avec les États membres, les autorités de régulation, les organismes chargés de l'application de la loi, les producteurs, transporteurs ou utilisateurs finals, conformément à l'article 12 de la convention de l'ONU de 1988. Cela a permis de produire une série de propositions bien ciblées, bien informées, bien documentées et rentables, bénéficiant d'un soutien clair de tous les acteurs directement concernés et, partant, susceptibles d'être pleinement appliquées par eux.

4.5

Cette coopération a déjà permis de réduire drastiquement les quantités de précurseurs de drogues interceptées ou saisies sur le territoire de l'UE. Il est à espérer que c'est le signe que l'UE n'est plus considérée comme une cible facile. Selon les rapports, la surveillance volontaire de substances non classifiées s'est avérée particulièrement efficace. Il est essentiel de pouvoir disposer de souplesse pour agir contre des formes de criminalité si novatrices, persistantes et lucratives. Dans ce domaine, au moins, tout le monde poursuit le même objectif. C'est un constat qui est pleinement partagé par toutes les parties concernées, et l'action en la matière pourrait peut-être servir de modèle pour une législation de l'Union rentable dans d'autres domaines, avec incidences plus larges sur les entreprises, les salariés et les consommateurs.

4.6

La législation fonctionne également parce que les producteurs, distributeurs et utilisateurs finals concernés sont déjà soumis à toute une gamme de contrôles similaires – dont l'application leur est donc familière - pour les matières radioactives, les agents biologiques, les produits chimiques à double usage et les exportations qui exigent un consentement préalable en connaissance de cause, etc. Une nouvelle législation sur les précurseurs d'explosifs est sur le point d'être adoptée. Toutefois, il faut que les modèles généraux de ces exigences restent les mêmes et que la liste des substances nécessitant un enregistrement ou un agrément soit réduite au minimum nécessaire. La proposition actuelle a donc toutes les chances d'être efficace, en tout cas dans le cadre de l'objectif assez strictement défini de réduire encore les détournements en vue d'un usage illicite durant les échanges légaux en cours au sein de l'UE; d'autres solutions moins ciblées ou représentant une charge supérieure risqueraient davantage d'échouer.

4.7

Le CESE est également d'accord avec la Commission pour dire que cette proposition n'a pas d'incidence sur les conditions de travail dans le secteur d'activité concerné ou sur les droits des consommateurs en général - sinon dans la mesure où ceux-ci, en tant qu'individus, sont favorables à la réduction de la disponibilité d'héroïne et produits connexes à l'intérieur ou l'extérieur de l'Europe. Malheureusement, il sera difficile de mesurer ce fait, à supposer qu'une telle réduction se produise. Néanmoins, la proposition à l'examen ne dépend pas d'une évaluation du rapport coût-bénéfices en la matière, et devrait être appliquée sous sa forme actuelle le plus rapidement possible.

4.8

Enfin, le CESE escompte contribuer à d'autres initiatives de l'UE dans ce domaine et invite dès lors la Commission à publier aussitôt que possible les nouvelles propositions prévues, en particulier sur les substances psychotropes et les drogues de synthèse purement synthétiques, qui remplacent à présent de plus en plus les drogues traditionnelles comme l'héroïne et s'étendent sur l'ensemble du marché.

5.   Observations particulières

5.1

Le CESE remarque que l'on peut comprendre les définitions respectives des termes «opérateur» et «utilisateur» comme se chevauchant (puisque tous les opérateurs concernés, à un certain moment, «détiennent des substances classifiées»). Étant donné qu'il est, à l'évidence, nécessaire de distinguer les deux notions, l'on pourrait ajouter l'expression «qui n'est pas un opérateur, mais» après l'expression «toute personne physique ou morale», à la première ligne du nouveau point h) de l'article 2.

5.2

Il importe également d'établir que cette mention vise expressément les utilisateurs enregistrés et opérant au sein de l'UE. Les ventes et/ou livraisons à des utilisateurs situés hors de l'UE relèvent d'une législation distincte. Pour garantir le bon fonctionnement du marché intérieur, il conviendrait également de clarifier auprès des États membres à quel endroit il est obligatoire d'enregistrer les opérateurs et utilisateurs, par exemple s'il s'agit du lieu où l'opérateur ou utilisateur est implanté, ou du lieu où le produit (anhydride acétique) est commercialisé.

5.3

Rendre obligatoire, pour la première fois, l'enregistrement des utilisateurs finals risquerait de créer à court terme des perturbations pour le commerce légitime. Pour réduire autant que possible les problèmes, il convient que les opérateurs et les distributeurs développent une communication proactive pendant les 18 mois de transition prévus, de préférence en se fondant sur des notes explicatives claires et adéquatement rédigées élaborées par les autorités compétentes des États membres. Les actuelles «Lignes directrices à l'intention des opérateurs» fournissent un excellent modèle pour des communications de ce type. Il y a lieu d'indiquer clairement, au moment de l'enregistrement, l'objectif et les avantages qui sont les siens, afin que les utilisateurs finals et les opérateurs prennent conscience de la possibilité d'un détournement et de ses risques, et puissent dès lors mieux contribuer à les réduire au minimum. Les autorités compétentes devraient avoir des droits d'accès identiques aux locaux professionnels des utilisateurs finals et des opérateurs.

5.4

Le CESE soutient la proposition de la Commission qui prévoit d'exonérer les microentreprises de tout droit d'enregistrement, dans la mesure où il est essentiel que, d'une part, le commerce légitime de la substance concernée continue (pour l'intérêt des microentreprises et de tous leurs employés) et, d'autre part, que l'utilité des contrôles soit bien comprise et qu'ils soient mis en œuvre aussi largement que possible. Les quantités de substances nécessaires à l'utilisation illicite étant relativement réduites, ce sont probablement les petits utilisateurs qui risquent le plus de succomber à des offres qu'il est trop tentant de ne pas laisser passer. À cet égard, il sera essentiel de développer une bonne communication pour soutenir la mise en œuvre, sur des supports imprimés ou électroniques, dans toutes les langues locales pertinentes.

5.5

Le CESE note que les exigences en matière de rapports et d'autres informations concernant les substances non classifiées sont adaptées à leur nature facultative, c'est-à-dire que chaque État membre «peut», et non «doit», suivre les procédures proposées. Cette formule n'est manifestement pas idéale pour la protection du marché intérieur, mais elle est sans doute préférable à un allongement de la liste des précurseurs de drogue prioritaires déjà répertoriés. Cette situation doit donc être examinée avec attention par toutes les parties concernées.

5.6

Enfin, concernant la base européenne de données proposée, le CESE se félicite de cette proposition et encourage vivement son approfondissement, avec cette seule réserve qu'il conviendrait de doter cet outil de suffisamment de ressources pour qu'il puisse être mis à jour et utilisé par toutes les parties concernées sur le long terme, et qu'il soit conçu pour produire des résultats, et non pas seulement pour accumuler des données périmées ou partielles. Autant d'importance sera accordée à la qualité qu'à la quantité des données collectées. Il sera essentiel à cet égard de soutenir les organismes chargés de l'application de la loi dans les États membres.

5.7

Bien entendu, l'accès aux données devra être limité à des parties qui sont résolument et de manière constante engagées dans le commerce légitime - probablement les acteurs qui sont enregistrés dans la banque de données. Il conviendra d'harmoniser, quand cela est possible, les données à intégrer par les opérateurs, les distributeurs, les intermédiaires et les utilisateurs finals, ainsi que par les États membres, afin de préserver le marché intérieur et de réduire les coûts. Cela ne devra toutefois pas se faire au détriment de l'objectif premier de la proposition, à savoir de répertorier et de réduire les cas de détournement de précurseurs de drogues et, idéalement, d'arrêter les responsables.

Bruxelles, le 16 janvier 2013.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO C 95 du 23.4.2003, p. 6.

(2)  JO L 47 du 18.2.2004, p. 1.

(3)  COM(2011) 689 final, avis du CESE: JO C 229, du 31.7.2012, p. 85.


14.3.2013   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 76/59


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – Exploiter le potentiel de l'informatique en nuage en Europe»

COM(2012) 529 final

2013/C 76/11

Rapporteur: M. PIGAL

Le 14 août 2012, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - Exploiter le potentiel de l'informatique en nuage en Europe»

COM(2012) 529 final.

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 18 décembre 2012.

Lors de sa 486e session plénière des 16 et 17 janvier 2013 (séance du 16 janvier 2013), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 158 voix pour, 2 voix contre et 7 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le Comité voit dans le Cloud Computing (CC) une opportunité de croissance et de compétitivité pour l’Europe, et souhaite, par le présent avis, proposer une vision différente et complémentaire de celle qu'expose la Commission dans sa communication. Le Comité encourage fortement la Commission à considérer avec attention cette proposition et à ajuster sa stratégie CC en fonction.

1.2

Le Comité partage le point de vue de la Commission sur la nécessité de développer l’usage du CC en Europe afin de rendre son économie plus agile, plus performante et innovante. Il soutient donc les 3 actions proposées par la Commission:

faire un tri dans la jungle des normes techniques et soutenir les systèmes de certification;

élaborer des conditions contractuelles types «sûres et équitables» pour les contrats CC;

créer un partenariat européen associant les États membres et les entreprises pour développer des secteurs publics s’appuyant sur le CC.

1.3

L’usage du Cloud Computing renforce la nécessité de protéger les citoyens, leurs données et leur vie privé. C’est pourquoi le Comité encourage la Commission à continuer dans cette voie, notamment par la coopération internationale et par le renforcement d’un cadre réglementaire pour:

protection des données et vie privée;

les accès gouvernementaux aux données;

le contrôle des données et la gestion des conflits entre utilisateurs et fournisseurs;

la portabilité et l’interopérabilité.

Le Comité rappelle aussi que ces efforts de protection auront une efficacité maximale pour des données stockées par des fournisseurs CC sur le territoire Européen.

1.4

En parallèle et complément aux usages facilités du CC, et s’inspirant de la réussite qu’ont connue les USA dans le CC, le Comité recommande que la Commission s’attache à favoriser la création d’une production européenne d’énergie numérique, autrement dit l’émergence et le renforcement de fournisseurs européens d’infrastructure CC (IaaS: «Infrastructure as a Service»).

Pour cela, plusieurs voies peuvent être envisagées:

encourager des acteurs européens à se mobiliser et à investir dans des projets de production d’énergie numérique. Les entreprises cibles pourraient notamment être les opérateurs de télécommunication, les éditeurs de logiciels, etc.;

renforcer les allocations des Fonds structurels ou favoriser l'emploi des subventions afin de favoriser l’émergence de centres de données CC gérés et opérés par des acteurs européens; le financement européen du haut débit pourrait servir de modèle pour celui du CC;

lancer des projets européens sur lesquels des consortia européens pourraient proposer des offres compétitives et renforcer ainsi leurs activités, les services, leurs produits.

L’objectif est de profiter de conditions favorables (protection des données forte en Europe, craintes des utilisateurs vis-à-vis de fournisseurs trop distants, besoin de garanties fortes de sécurité, etc.), pour permettre l’émergence de fournisseurs CC européens, qu’ils soient locaux, nationaux (Cloud Souverain) ou transfrontaliers (consortia sur plusieurs États membres).

1.5

Les restructurations liées à la «cloudification» des services informatiques, les pertes d’emplois, les délocalisations, la virtualisation et distanciation entre les utilisateurs et les informaticiens sont autant d’aspects négatifs qu’il convient de prendre en compte. Or cet impact social n’est pas mentionné dans la communication de la Commission.

Au contraire, la Commission s’appuie sur les perspectives d’un cabinet d’analyse pour annoncer que le CC devrait conduire à la création de 2,5 millions d’emplois. Le Comité s’interroge pour savoir si ces chiffres ne sont pas inatteignables et déconnectés de la réalité du terrain informatique.

1.6

En complément au Partenariat européen du CC (ECP), la Commission devrait engager au plus vite le développement d’un « texte de type Cloud First Policy » (s’inspirant de celles des USA ou de la Nouvelle-Zélande) pour favoriser l’usage du CC, parmi les administrations européennes et des États membres. L’objectif en est de casser les barrières culturelles ou les craintes individuelles, et naturellement de bénéficier de la plus grande flexibilité des services, mais aussi de la réduction importante des coûts liées au CC.

Naturellement, le Comité insiste pour que la Commission intègre, dans cette «Cloud First Policy», des garde-fous à l’utilisation du CC dans les services publics et certains secteurs privés sensibles afin de contrôler, voire d’empêcher, son hébergement par des fournisseurs soumis à des réglementations nationales à risque; par exemple le « Patriot Act » pour les fournisseurs nord-américains, même quand ils sont implantés en Europe.

1.7

Une des principales difficultés et craintes des utilisateurs (individuels ou entreprises) concernant le CC est la gestion de conflits avec un fournisseur hors de leurs frontières.

S’inspirant du e-Commerce, tout aussi globalisé et international que le CC, le Comité, qui a produit un avis sur le sujet (1), suggère que la Commission intègre l’ODR (Online Dispute Resolution) comme une possible solution pour résoudre, par la médiation, la plupart des conflits, notamment ceux impliquant plusieurs juridictions. Cette médiation, devant être indépendante et impartiale, pourrait être confiée à une agence européenne existante ou nouvelle. Celle-ci se chargerait de la modération et la négociation entre les fournisseurs et les utilisateurs du CC. De plus, cette activité de médiation permettrait d’identifier les principales causes de conflits, les dysfonctionnements récurrents, les besoins d’ajustement des pratiques ou réglementations.

1.8

Même si les différentes interventions (conférences, presse, etc.) des représentants de la Commission ont confirmé leur volonté de soutenir la communication, la sensibilisation et la formation des utilisateurs potentiels du CC, la communication ne propose pas de mesures concrètes et chiffrées.

Le Comité attend donc que la Commission complète sa communication avec notamment des initiatives visant en priorité les utilisateurs les moins sensibilisés au CC, c'est-à-dire:

l’éducation des utilisateurs individuels sur les protections et précautions d’usage liées au CC; conditions générales ou contrats, la protection de la vie privée, etc.;

la sensibilisation des PME sur les bénéfices qu’elles peuvent attendre du CC; réduction des couts, flexibilité et agilité des développements informatiques, etc.

1.9

Le Comité propose que le Commission ajoute à la communication l’élaboration de normes sur les consommations d’énergie des centres de serveurs spécialisés dans le CC.

1.10

Concernant les actions que la Commission se propose d’entreprendre, le Comité suggère qu’un agenda précis soit établi, et que des dates et rapports d’avancement soient précisément et explicitement planifiés pour chacun des chantiers envisagés.

2.   Proposition de la Commission

2.1

Pour rappel, le CC peut être expliqué par la phrase introductive de la communication:

«L'informatique en nuage peut se résumer au stockage, au traitement et à l'utilisation de données contenues dans des ordinateurs distants [sans en connaitre précisément la localisation] et auxquelles on accède par Internet».

En complément, le Comité a adopté en 2012 un avis traitant exclusivement du CC (2). Les travaux du National Institute of Standards and Technology (NIST), du Parlement européen et du Contrôleur européen de la protection des données sont aussi tout à fait intéressants.

La Commission a publié deux documents (la saisine de la Commission au Comité porte exclusivement sur le premier document):

une communication («la communication») qui présente la stratégie CC de la Commission européenne («la Commission»);

un document d'analyse d'impact.

2.2

La Commission propose trois «actions stratégiques» pour stimuler l’usage du CC en Europe:

faire un tri dans la jungle des normes techniques et soutenir les systèmes de certification à l'échelle de l'UE pour les prestataires de services en nuage fiables;

élaborer des conditions contractuelles types «sûres et équitables» pour les contrats CC, notamment pour les accords sur les niveaux de service;

créer un partenariat européen en faveur du CC associant les États membres pour développer, ensemble, des secteurs publics basés sur le CC.

3.   Observations générales

3.1

Le Comité propose une nouvelle vision du CC, illustré par le concept d’«énergie numérique» qui tend à se généraliser pour évoquer la capacité informatique (stockage, traitement, transfert d’informations) mise à disposition par le CC.

L’énergie numérique est mise à disposition sans avoir à connaître (pour les consommateurs) le mode de production, autrement dit, le centre de données, sa localisation, les technologies utilisées, etc. Apparaît aussi une nouvelle segmentation du marché: aux utilisateurs et prestataires de services, viennent maintenant s’ajouter des producteurs d’énergie numérique, capables de réaliser d’énormes investissements (en milliards de dollars) pour mettre en place des centres de CC.

3.2

L’énergie numérique devient un enjeu économique et stratégique comme les autres énergies (fossiles, électriques, etc.).

D’abord, la maîtrise de cette énergie (que ce soit pour la production ou la distribution) est à la base du potentiel de croissance et de la création d’emplois tels qu’envisagés dans l’Agenda numérique. De plus, un rôle actif dans la production d’énergie numérique est nécessaire pour assurer à l’Union européenne et ses États membres une indépendance et autosuffisance stratégiques (au moins partielle).

3.3

Le développement du CC en Europe passe donc par la maitrise de toute la chaine de valeur de l’énergie numérique (usage, services et production) comme l’illustre le tableau suivant:

Niveau de développement

Description

Objectifs politiques

Description

Usage

Usage croissant de solutions de CC par les particuliers, les entreprises et les services publics

Cloud Friendly

L'Europe utilise les technologies développées et l'énergie numérique produite en dehors de ces frontières.

Services

Émergence d’un nouvel écosystème CC spécialisé dans le développement de logiciels s’appuyant sur une infrastructure CC

Cloud Active (3)

L'Europe est non seulement utilisatrice, mais aussi active dans l’énergie numérique; par l'innovation et le développement de nouveaux services

Production

Capacités informatiques mises à disposition des prestataires de services et des utilisateurs (par ex. les «mégafermes» de serveurs à la base de l'infrastructure CC)

Cloud Productive (4)

L'Europe ne se contente pas de proposer des services pour consommer l'énergie numérique produite par d'autres, elle est aussi productrice pour être indépendante et autosuffisante

Les dernières décennies permettent de mesurer toute l’importance que revêt la dépendance des États membres ou même de la zone Europe vis-à-vis de différentes sources d’énergie: pétrole, gaz, électricité, etc. Si, à l’avenir les informations des citoyens, des entreprises et des services publics européens devaient être hébergées, gérées et contrôlées par des acteurs du CC non européens, on peut légitimement s’interroger sur les effets d’une telle dépendance:

la protection des informations les plus sensibles si elles sont au cœur d’une compétition stratégique entre des pays non européens et européens; par exemple l’aéronautique, l’automobile, la pharmacie, la recherche, etc.;

la disponibilité des informations dans l’hypothèse de tensions internationales entre des pays «hébergeurs» et des États membres;

l’égalité de traitement des consommateurs d’énergie numérique selon qu’ils soient citoyens ou organisations d’un pays «ami» ou non;

la création d’emplois et de richesses par la production d’énergie numérique, mais aussi par tout l’écosystème de développement de services, dans les pays hébergeurs; et ce, au détriment des pays simples utilisateurs, s’étant contentés d’être «cloud-friendly».

3.4

Or, l’Europe est déjà très dépendante de fournisseurs non européens pour la fourniture de matériels, de logiciels et de réseaux informatiques. Les stars des réseaux sociaux sont issues des USA. Les moteurs de recherche les plus populaires sont contrôlés par des firmes basées soit aux USA, soit en Chine. Les développements informatiques sont de plus en plus externalisés en Inde ou d’autres pays à bas coûts.

Actuellement, la production d’énergie numérique est presque totalement contrôlée au niveau mondial par un oligopole de producteurs. Le premier acteur européen est, selon certaines études, OVH (acronyme de «On Vous Héberge» - www.ovh.com), sans qu’il bénéficie pourtant de la même visibilité et puissance mondiale. Quelques initiatives ont été lancées par des opérateurs de télécommunications tels que T-Systems, Telefonica Digital, Cloud Sigma, Numergy/SFR ou Cloudwatt/Orange; sans qu'ils soient, cependant, en position de rivaliser avec les leaders du marché: Amazon, Microsoft et Google.

3.5

Actuellement, même s’il existe certaines différences entre les réglementations des États membres, elles restent proches des textes, normes et directives européens, d’où les craintes des utilisateurs, parfois légitimes, de voir leurs informations délocalisées en dehors de la zone Europe, avec des difficultés et blocages judiciaires en cas de litige.

De plus, l’aspect qui catalyse le plus les craintes des utilisateurs est le «patriotAct». Issu de la lutte contre le terrorisme (après les attentats contre les tours jumelles du World Trade Center), il permet au gouvernement des USA ou à un juge fédéral d’accéder à n’importe quelle information; son propriétaire peut être américain ou non, la seule condition est qu’elle soit hébergée et contrôlée par une société américaine; y compris, si les données sont hébergées dans un centre sur le sol européen. Surtout, le propriétaire de ces informations ne peut pas être informé que l’hébergeur a révélé les données hébergées.

3.6

Économiquement, le secteur devrait, selon la Commission, permettre de créer 2,5 millions de nouveaux emplois d'ici huit ans en Europe et contribuer à hauteur de 160 milliards d'euros par an au PIB de l'Union européenne (1 % environ).

Le Comité s’interroge sur la pertinence de ces objectifs chiffrés. En effet, une analyse détaillée de l’impact du CC sur le terrain fait apparaître que:

les services d’exploitation seront «mutualisés» entre les clients du CC, s’accompagnant naturellement d’une réduction des effectifs, voire d’une délocalisation;

le CC favorise l’utilisation de logiciels standards (cf. SaaS) au détriment de développements plus spécifiques qui requièrent aussi plus de développeurs. Donc là aussi, une perte d’emplois est à prévoir.

Or dans la communication, l’impact social décrit ci-dessus n’est pas mentionné ni pris en compte; pas plus, d’ailleurs, que les restructurations liées à la «cloudification» des services informatiques, les pertes d’emplois, les délocalisations, la virtualisation et la distanciation des utilisateurs et des informaticiens.

3.7

Le simple usage du CC permet déjà des économies d’énergie pour les équipements informatiques. En parallèle, les grands fournisseurs de CC (espace de stockage et services associés) possèdent des fermes de serveurs dont la majorité utilise des processeurs ayant une consommation de l’ordre de 100 W/h par unité, et qui pourrait être divisée par 10 à court ou moyen terme. Quelques constructeurs de microprocesseurs offrent des processeurs bon marché, dégageant moins de chaleur (un vrai problème pour la climatisation des salles machines) et consommant moins d’énergie.

4.   Observations particulières

4.1

La Commission s’intéresse principalement au Cloud public sans se pencher sur le marché du Cloud privé. Il s’agit pourtant d’une approche considérée comme fiable et parfois nécessaire pour les informations critiques avant de passer au «tout Cloud Public».

Il convient de noter que par Cloud public, il faut comprendre «Cloud publiquement disponible» et non «Cloud pour les services publics».

4.2

Dans le paragraphe d’introduction, il est mentionné que la technologie Cloud pourrait être porteuse de risques supplémentaires, ce qui ne reflète pas nécessairement la réalité; en effet, le Cloud apporte certes de nouveaux risques, mais en supprime aussi certains autres.

4.3

Certains termes anglophones tels que «cloud-friendly» ou «cloud-active» sont difficilement traduisibles dans d’autres langues; dans certains cas, la traduction de la communication a totalement dénaturé le propos de la version originale.

Par exemple en 3.1 et 3.2 «cloud-friendly» et «cloud-active» sont traduits (dans certaines langues) de manière identique alors qu’ils reflètent des objectifs différents.

5.   Analyse du Comité économique et social européen

5.1

Les propositions de la Commission pour développer l’usage du Cloud visent à:

l’amélioration des contrats liant les consommateurs et les fournisseurs d’énergie numérique; il s’agit d’imposer (ou d’empêcher) certaines clauses afin de mieux protéger les utilisateurs individuels ou les petites entreprises face à la puissance de certains producteurs;

l’émergence de normes cohérentes et reconnues de tous, qui faciliteront l’interopérabilité, voire la portabilité, entre deux plateformes Cloud;

la définition d’un marché unique européen du CC s’appuyant sur un cadre légal cohérent, possiblement unique entre les États membres.

Toutes ces propositions sont concrètes, réalistes et nécessaires; elles recueillent donc l’entier soutien du Comité. Ce dernier note cependant que les deux premières propositions ne portent pas sur des difficultés propres à l’Europe. Il aurait donc attendu que la Commission, par sa communication, s’attaque prioritairement à des difficultés spécifiquement européennes.

5.2

Le Comité reste attaché aux objectifs fondamentaux de l’Agenda numérique; notamment:

positionner l’Europe, ses États membres et ses acteurs économiques, en leader des secteurs informatiques et télécommunications;

atteindre une certaine indépendance vis-à-vis d’autres zones économiques actuellement leaders ou émergentes;

et surtout, la création d’emplois et de richesses au sein même de l’Europe.

5.3

Concernant le développement de l’«usage» du CC, la section 3.1 mentionne à deux reprises le terme anglais de «cloud-friendly» comme objectif à atteindre. Or la commissaire en charge de l’Agenda numérique, dans ses nombreuses interventions pour soutenir le CC, défend, elle, l’objectif de rendre l’Europe «cloud-active».

La Vice-présidente de la Commission européenne, Mme Neelie KROES, indiquait à Davos le 27 janvier 2011): «I want to make Europe not just “cloud-friendly” but “cloud-active”» («Je veux rendre l'Europe non seulement “cloud friendly”, mais surtout “cloud-active”») et annonçait officiellement la communication par un article du 27 septembre 2012 sur son blog «Making Europe cloud active» («Rendre l'Europe “cloud-active”»). Le niveau de développement défendu dans ces interventions est donc plus ambitieux que le seul «cloud-friendly».

Le Comité s’étonne donc de l’écart entre les objectifs légitimement défendus par la Vice-présidente de la Commission, avec, en deçà, la réalité des actions proposées dans la communication. De plus, il rappelle que, dans un précédent avis (5), il avait encouragé la Commission à être plus ambitieuse que «cloud-active» pour l’Europe, en proposant qu'elle vise à être « cloud-productive ».

5.4

La communication ne propose pas la création d’un acteur européen, un «super-nuage européen», pour la production d’énergie numérique. Compte tenu de la mission de DG Connect, de la difficulté de la création d’un tel «géant», le Comité comprend et soutient cette position. Les différents acteurs du secteur rencontrés (opérateurs de télécommunication, éditeurs de logiciels, intégrateurs de systèmes, etc.) sont d’ailleurs unanimes pour renforcer cette position.

Il n’en reste pas moins qu’entre un irréaliste «géant» européen, et des «micro-Cloud» européens cantonnés aux marchés de niche face à la puissance marketing, commerciale et financière d’acteurs globaux et non-européens, un juste milieu Européen existe!

La proposition du Comité vise à l’émergence et au renforcement d’acteurs européens majeurs en charge de méga-centres CC, la future Industrie numérique Européenne! Ces acteurs pourront être locaux, nationaux (Cloud Souverain) ou transfrontaliers (consortia sur plusieurs États membres).

5.5

Le Comité fait aussi remarquer que, sans avoir la taille des leaders du marché, les acteurs CC européens bénéficient de plusieurs avantages concurrentiels:

les clients du CC sont encore extrêmement prudents et préfèrent un fournisseur CC de proximité, possiblement national ou même régional, même si cette prudence ne permet pas de maximiser les réductions de coûts du CC;

la réglementation sur la protection des données en Europe et dans les États membres reste complexe pour les utilisateurs et favorise le choix d’un fournisseur CC national;

la réglementation internationale, à laquelle des fournisseurs d’autres pays non européens sont tenus, n’est à l’heure actuelle pas appropriée pour le CC; l’exemple le plus connu étant le Patriot Act aux USA.

Or, ces conditions favorables pour l’émergence d’acteurs européens ne dureront pas. Il est donc important et urgent que la Commission agisse pour favoriser l’émergence d’acteurs européens dans cette période encore favorable.

5.6

Dans la section 2 de la communication il est indiqué: «il est peu vraisemblable que les efforts déployés isolément au niveau national s'avèrent très rentables». Le Comité encourage la Commission à réexaminer sa position vis-à-vis du Cloud souverain.

D’une part, nulle part dans la communication ou l’analyse d’impact, cette affirmation n’est étayée par le moindre élément factuel, fait assez surprenant compte tenu de la sévérité de l’affirmation.

D’autre part, sauf à proposer une solution alternative, qui n’est pas non plus dans la communication, les critiques vis-à-vis des clouds souverains ou locaux sont sévères et pourraient compromettre toute solution crédible pour construire une offre CC robuste, durable et compétitive, face aux géants des autres zones géographiques (Inde, Chine ou USA).

5.7

L’approche proposée, à travers le Partenariat du Cloud européen, est très largement centrée sur le secteur des services publics souhaitant (cf. section 3.5) « investir le secteur public d’un rôle moteur ».

Le Comité reconnait et appuie la position de la Commission sur l’importance des services publics dans les modèles socio-économiques en Europe. Ils ont donc un rôle à jouer dans le développement du CC.

Cependant, le Comité peut difficilement envisager que, dans un contexte généralisé de restrictions budgétaires, les services publics européens puissent être les moteurs de l’innovation CC. Il rappelle d’ailleurs que les plus remarquables réussites européennes ont été portées soit par le secteur privé (exemple: la téléphonie mobile, les cartes à puce), soit par un secteur privé bénéficiant de soutien public (exemple: Airbus, Ariane Espace, etc.).

Le Comité recommande que la Commission soit plus explicite sur le «rôle moteur» envisagé par ce partenariat.

5.8

L’approche proposée par la Commission s’inscrit dans un modèle «top-down»; autrement dit, faciliter l’usage, pour encourager l’émergence des services et possiblement de la production d’énergie numérique.

Le Comité soutiendrait tout à fait cette montée en puissance progressive tirée par la demande; dans un environnement vierge de tout acteur dominant, ou avec un équilibre entre les acteurs européens et non européens. Malheureusement, cet environnement n’existe plus, et les principaux acteurs du Cloud sont non européens et dans une position oligopolistique. Le développement de l’usage du Cloud pourrait donc avoir des effets contre-productifs renforçant encore la position de ces leaders.

Sans refuser ce développement, le Comité insiste pour que la Commission établisse des «garde-fous» pour que ses actions bénéficient aux acteurs européens et leur permettent d’émerger face à la position dominante d’acteurs non européens.

5.9

En parallèle et complément à l’approche «top-down» décrite précédemment, le Comité souhaite encourager la Commission à proposer des actions concrètes s’inscrivant explicitement dans une approche «bottom-up», c’est-à-dire encourager la création de producteurs CC au niveau régional, national ou transfrontalier pour, par la suite, favoriser le développement des services et l’usage du CC.

D’autres secteurs, tels que l’automobile ou la téléphonie mobile, ont montré combien une production industrielle forte et puissante en Europe pouvait avoir un effet d’entraînement sur les niveaux supérieurs (services et usages). Les mesures d’encouragement pour ces secteurs pourraient être réutilisées pour la production d’énergie numérique.

Autre exemple, à prendre en compte, celui des USA. Le développement du CC dans ce pays a immédiatement adopté une approche «bottom-up», avec le succès que l’on connaît!

Le Comité s’appuie donc sur cet exemple réussi de développement, à grande échelle, du Cloud, pour proposer à la Commission de s’en inspirer et participer à un succès similaire en Europe.

5.10

La Commission, comme les autres institutions européennes, font un usage massif de moyens informatiques. Or à ce jour, les solutions développées ne sont que très rarement basées sur le CC. En parallèle, les USA ont mis en place le «Cloud First Act» qui impose aux administrations concernées de choisir prioritairement une approche Cloud.

S’appuyant sur ce succès, le Comité propose que la Commission s’impose à elle-même, comme aux autres institutions, une « Cloud First policy », permettant ainsi le développement d’un écosystème CC européen et des réductions de budgets de fonctionnement significatives.

5.11

Par le passé, la Commission avait développé et mis en place des actions de terrain; c’était notamment le cas du «haut débit» et de la «modernisation informatique». Il s’agissait notamment:

de programmes d’information et de communication visant à la sensibilisation et la formation des acteurs concernés localement;

de programmes de développement de projets innovants visant au développement d’écosystèmes locaux, y compris dans des régions considérées comme exclues de l’innovation;

de subventions visant à la modernisation des services publics, tels que l'administration en ligne.

Compte tenu du succès de ces programmes passés, le Comité encourage la Commission à planifier et budgéter un programme similaire spécifiquement pour le CC.

Le CESE préconise que des bases de données institutionnelles et sécurisées soient intégrés de manière réglementée, graduellement mais le plus tôt possible dans l'environnement de l'informatique en nuage. Cela permettrait aux citoyens de gérer plus facilement les données sensibles au sens du droit européen ou national et, dans le même temps, d'accroître leur confiance dans l'informatique en nuage.

5.12

La Commission propose une série d’actions pour le développement du CC. La communication ne présente pas, pour ces actions, un planning précis et resserré.

Le Comité encourage la Commission à rendre public, au plus vite, un tel calendrier. En effet les évolutions autour de la technologie CC sont rapides; il est donc urgent et important que tous les acteurs puissent accorder et aligner leur propre stratégie avec les actions de la Commission.

Bruxelles, le 16 janvier 2013.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Avis du CESE sur le «Règlement extrajudiciaire des litiges de consommation», JO C 181 du 21.6.2012, p. 93 et sur le «Règlement en ligne des litiges de consommation», JO C 181 du 21.6.2012, p. 99.

(2)  Avis du CESE sur «L'informatique en nuage (cloud computing) en Europe» (Avis d'initiative), JO C 24 du 28.1.2012, p. 40.

(3)  Mme Neelie KROES, vice-présidente de la Commission européenne, en charge de l’Agenda Numérique, a défendu ce niveau de développement dans de nombreuses interventions.

(4)  Le CESE a proposé cet objectif politique plus ambitieux dans son avis précédent sur le CC (dossier TEN/452).

(5)  Avis du CESE sur «L'informatique en nuage (cloud computing) en Europe» (Avis d'initiative), JO C 24 du 28.1.2012, p. 40.


14.3.2013   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 76/66


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication conjointe au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – Vers un partenariat renouvelé pour le développement UE-Pacifique»

JOIN(2012) 6 final

2013/C 76/12

Rapporteur: M. Carmelo CEDRONE

Le 21 mars 2012, la Commission européenne et la haute représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ont décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Communication conjointe au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – Vers un partenariat renouvelé pour le développement UE-Pacifique»

JOIN(2012) 6 final.

La section spécialisée «Relations extérieures», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 19 décembre 2012.

Lors de sa 486e session plénière des 16 et 17 janvier 2013 (séance du 17 janvier 2013), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 139 voix pour, 13 voix contre et 14 abstentions.

1.   Conclusions et propositions

1.1

Le Comité économique et social européen (CESE) estime que les objectifs définis par l'UE comme base du nouveau partenariat pour le développement UE-Pacifique sont ambitieux et de grande envergure, mais que les modalités d'application, qui portent principalement sur la protection de l'environnement et la préservation de la biodiversité dans la région, manquent de clarté. Il convient de la nécessité d'agir en synergie avec d'autres organisations pour faire face aux incidences du changement climatique, qui influence de manière transversale l'ensemble des politiques nationales et multilatérales de développement et a des répercussions non seulement économiques, mais aussi sociales. Par ailleurs, les problématiques liées aux effets du changement climatique devraient faire partie intégrante des politiques environnementales de la région, de manière à susciter des comportements et des interventions cohérents.

1.2

Le CESE considère toutefois que pour atteindre cet objectif, il faut réussir à mettre en place des actions et des activités intégrées de développement durable dans les pays concernés, afin d'optimiser les effets des aides et d'utiliser toutes les interventions en synergie, en associant aussi activement les acteurs locaux, grâce à une programmation à moyen et à long termes.

1.3

Le CESE juge important que la communication reconnaisse que la pleine jouissance des droits et la stabilité de la démocratie sont essentielles au développement économique d'un pays. Malheureusement, la situation des Fidji, où continue de régner un régime dictatorial qui prive toujours les citoyens de leurs droits fondamentaux, y est seulement évoquée, alors qu'elle mériterait une prise de position plus résolue et cohérente des pays européens.

1.4

Il conviendrait de saisir l'occasion que représente la définition d'un nouveau partenariat de développement pour poser des principes et une conditionnalité qui devraient constituer la ligne de conduite de l'UE envers tous les pays bénéficiaires d'aides de l'Union, sur la base d'une pleine application de l'accord de Cotonou. Il convient en outre de garantir l'exercice effectif de la démocratie dans tous les pays, grâce à la pleine jouissance des droits fondamentaux et des droits du travail et à la participation à la vie démocratique.

1.5

Il y a lieu d'accorder une attention particulière, dans tous les pays de la région, à la situation dramatique et préoccupante des femmes, privées de leurs droits les plus fondamentaux. Les droits et la protection des femmes devraient jouer un rôle important dans toutes les questions liées aux relations UE – Pacifique. Le niveau élevé de la violence fondée sur le sexe et la faible ampleur de la participation des femmes au processus décisionnel et de leur présence dans des postes importants préoccupent le CESE et ses partenaires et devraient occuper une place plus importante dans les documents et futures activités de la Commission.

1.6

Pour le CESE, la croissance des partenaires sociaux et de la société civile dans son ensemble reste essentielle dans cette région comme dans les autres concernées par les accords conclus avec l'UE. À cette fin, il est fondamental de promouvoir et de mettre en œuvre des instruments appropriés permettant d'atteindre cet objectif dans la pratique. Tout en étant conscient des difficultés liées à la situation géographique de la région, qui limitent également les relations bilatérales structurées, le CESE estime en particulier qu'il serait utile de créer un réseau et un comité mixte au niveau territorial, à celui des différents pays et si possible de toute la région. Ces instruments de participation devraient faciliter la contribution active des partenaires sociaux et de la société civile à toutes les étapes de l'élaboration, de la mise en œuvre et du suivi des accords. Cette approche devrait être érigée en véritable principe. Il est souhaitable qu'une initiative soit prise en vue de favoriser la naissance d'un véritable conseil économique et social dans la région, afin d'encourager également l'intensification du dialogue social et civil et de renforcer les capacités de tous les acteurs locaux grâce à des financements spécifiques.

1.7

Selon le CESE, il y a lieu d'accorder la priorité à la coordination entre les diverses actions de l'UE par l'intermédiaire des différentes directions générales de la Commission concernées par les programmes et du SEAE, ainsi qu'à l'engagement de l'OMC dans la région. La coordination est capitale, eu égard à la taille réduite des appareils administratifs des pays concernés. Cette approche pourrait être l'occasion, pour le SEAE, de mener une action décisive dans l'espoir que l'UE renforce son action de politique extérieure sur la base d'une plus grande coordination entre ses États membres.

1.8

La communication de la Commission européenne met fortement l'accent sur le climat. Le CESE observe toutefois que le développement économique est essentiel pour faire face au défi climatique. Afin de garantir une croissance inclusive, durable et intégrée en faveur du développement dans la région, le CESE estime fondamental de garantir la cohérence entre les politiques de développement et les interventions en faveur de la protection de l'environnement ainsi que dans d'autres secteurs tels que le commerce, la pêche, l'agriculture, la sécurité alimentaire, la recherche et la promotion des droits de l'homme et de la démocratie. Les critères d'attribution des aides doivent reposer sur des indicateurs bien définis et préétablis, également pour le suivi ultérieur des programmes, grâce à une coordination entre les divers bailleurs de fonds.

1.9

Le CESE est favorable à la suggestion d'établir, concernant les interventions, une distinction entre les pays ACP et les pays d'outre-mer, en tenant compte des situations institutionnelles et de développement différentes de chaque pays, afin d'optimiser les possibilités d'intégration dans la région. Il convient également d'évaluer la situation des territoires d'outre-mer, dont le développement est plus avancé par rapport aux autres pays et qui bénéficient déjà du Fonds européen de développement et d'aides bilatérales. Ces interventions devraient être coordonnées avec les programmes destinés aux autres pays de la région. Ces territoires pourraient constituer une référence importante pour diffuser la promotion des droits, les valeurs et les bonnes pratiques inhérentes aux politiques européennes axées sur la croissance inclusive.

1.10

En ce qui concerne les accords commerciaux, il serait opportun, en dépit des difficultés actuelles, de s'orienter vers un accord régional qui supplanterait les accords bilatéraux, en tenant toutefois compte du fait qu'à l'exception du secteur de la pêche, l'on se trouve en présence de petites entités économiques en termes d'échanges commerciaux.

1.11

Le CESE juge en outre opportun que l'UE suive attentivement les négociations sur les droits maritimes ayant trait au PLATEAU CONTINENTAL menées par la commission de l'ONU chargée de cette question, en particulier pour ce qui concerne la zone géographique sur laquelle porte le présent avis.

2.   Introduction

2.1

Comme chacun sait, l'UE a conclu divers accords de partenariat avec la région du Pacifique; le partenariat renouvelé dont il est question ici concerne 15 pays insulaires indépendants (1), 4 pays et territoires d'outre-mer (PTOM) (2), le Forum des îles du Pacifique (FIP), ainsi que l'Australie et la Nouvelle-Zélande, qui figurent parmi les principaux membres du Forum et sont des partenaires partageant les mêmes valeurs. Dans le prolongement de la stratégie de 2006, l'UE a pour but de consolider son rôle dans la région, à la fois parce qu'elle est le deuxième bailleur de fonds après l'Australie et qu'elle souhaite contribuer au développement économique et social de toute la région, tout en reconnaissant la nécessité de garantir le plein respect des droits et le renforcement des institutions démocratiques.

2.2

Sur la base de l'accord de Cotonou (UE-ACP), la communication à l'examen propose que l'UE concentre son action dans le Pacifique en tant que région sur quelques objectifs fondamentaux, conformément à son programme pour le changement (3):

promouvoir la cohérence entre les politiques de l'UE en matière de développement et d'action pour la protection de l'environnement et d'autres politiques telles que le commerce, l'environnement, la pêche, la recherche, d'une part, et le soutien de la reconnaissance et de la pleine jouissance des droits de l'homme et de la démocratie, d'autre part;

adapter et rationaliser les méthodes de fourniture de l'aide publique au développement (APD) de l'UE et prévoir des fonds renforcés pour la lutte contre les risques liés au changement climatique dans le Pacifique, en vue d'accroître la valeur ajoutée globale, les résultats, l'impact et l'efficacité de l'aide;

encourager une intégration régionale réussie des PTOM du Pacifique et renforcer leur capacité à promouvoir les valeurs de l'UE et à devenir les catalyseurs d'une croissance inclusive et durable au service du développement humain dans la région;

définir avec les pays du Pacifique un programme constructif de points d'intérêt commun au sein des Nations unies et d'autres enceintes internationales;

unir les forces de l'UE à celles des partenaires partageant les mêmes valeurs afin de répondre à des enjeux essentiels en matière de droits de l'homme et de contribuer à renforcer les processus démocratiques dans la région.

Reconnue par les partenaires et interlocuteurs locaux comme un chef de file en matière de lutte contre le changement climatique et ses effets, l'UE entend consolider, de manière responsable, sa présence dans la région.

2.3

La majeure partie des États et territoires insulaires constituent une région de petite taille si l'on considère la population concernée, mais vaste eu égard à son étendue et à son hétérogénéité, confrontée à de nombreux problèmes en raison de sa situation géographique particulière, ce qui en fait un ensemble fragile et délicat, toutefois unifié, entre autres, par son écosystème marin, qui reste une valeur unique méritant d'être prise en compte et défendue.

2.4

Cet objectif n'est pas facile à réaliser, non seulement pour les raisons évoquées dans la communication, mais aussi compte tenu des restrictions que la crise économique impose à la politique extérieure de l'Union, qui pourraient aussi avoir une incidence sur le futur accord de Cotonou, après 2020. La situation géographique de ces pays, en revanche, en fait un lieu géostratégique pour l'UE, entre autres, étant donné la proximité de pays comme la Chine et le Japon. Il serait très utile à cet effet de mieux utiliser les PTOM et de les associer davantage à la diffusion des politiques et la mise en œuvre des programmes et de la culture juridique de l'UE, ce qui présenterait un intérêt réciproque indéniable.

3.   Aspects positifs

3.1

Une attention est prêtée aux effets du changement climatique et à ses graves répercussions dans toute la région, en ce qui concerne non seulement la stabilité de l'écosystème, dont l'existence même peut être menacée, mais aussi les risques de déséquilibres croissants en matière de développement durable des pays concernés, du point de vue strictement économique et budgétaire, mais aussi politique et social, avec un effet multiplicateur, limitant également la réalisation des objectifs du millénaire des Nations unies.

3.2

L'on souligne la nécessité que des actions intégrées soient mises en œuvre par les divers acteurs internationaux fournissant des aides, tant bilatérales que multilatérales, qui ne sont pas pleinement efficaces en raison de la fragmentation actuelle. Les instruments financiers adoptés et l'incidence des aides elles-mêmes sont valorisés.

3.3

La nécessité de coordination avec les institutions internationales est également mise en avant; la communication de la Commission fait surtout référence aux Nations unies en ce qui concerne les effets du changement climatique.

3.4

Une attention est accordée à la coopération régionale et à la nécessité d'intensifier les programmes sectoriels et les plans de développement soutenus par les organisations régionales (ou d'en élaborer) pour favoriser une approche intégrée des aides et de leur gestion, en plus des stratégies de développement de la région.

3.5

La communication souligne l'importance du dialogue avec les acteurs institutionnels locaux pour définir les programmes d'assistance et partager les responsabilités en matière de mise en œuvre.

3.6

Elle aborde l'amélioration de l'efficacité des interventions, mettant en évidence la nécessité de prévoir avec les pays bénéficiaires des mécanismes partagés de suivi, de gestion et de mise en œuvre. Une meilleure information spécifique serait nécessaire à cet égard.

3.7

La Commission analyse les modalités d'attribution des aides par les bailleurs de fonds multilatéraux et bilatéraux et s'engage à adapter les modalités d'attribution des aides de manière à tenir compte des difficultés rencontrées par les petites administrations des États et territoires insulaires du Pacifique; elle évoque la difficulté des pays bénéficiaires à intégrer les aides dans des programmes nationaux de développement, qui supposent des interventions visant à améliorer le renforcement des capacités des institutions nationales.

3.8

La Commission exprime sa préoccupation par rapport à la violation des droits fondamentaux aux îles Fidji, qu'elle entend suivre de près, mais sans faire de référence spécifique à une éventuelle conditionnalité ultérieure pour l'attribution des aides.

4.   Points négatifs

4.1

De manière générale, la communication de la Commission n'indique pas clairement comment l'UE entend rechercher et améliorer les interventions au-delà des objectifs à court terme, qui sont importants mais ne suffisent pas à influencer le développement durable dans la région. Il s'agit d'une région spécifique, vaste, comprenant un nombre élevé de pays pouvant être qualifiés de petits, voire très petits si l'on considère le nombre d'habitants, mais très étendus géographiquement; des pays qui ont des approches et des conceptions différentes en ce qui concerne l'utilité des mesures visant un développement durable à long terme, des visions différentes pour ce qui est des règles à appliquer au niveau national et dans les eaux territoriales et internationales délimitant les frontières entre les pays.

4.2

Le CESE estime qu'une approche intégrée et à long terme est nécessaire, avec une responsabilité partagée de tous les acteurs présents dans la région, qu'il s'agisse d'institutions internationales, d'autres pays ou d'acteurs locaux. La proposition de partenariat de la Commission devra tenir compte des négociations relatives au réexamen du budget de l'Union, des nouvelles priorités des Objectifs du millénaire après 2015 et du processus de renégociation de l'accord de Cotonou.

4.3

Il serait utile que les objectifs indiqués accordent davantage d'attention au développement intégré de la région du Pacifique, aux politiques de développement et aux domaines d'intervention; ainsi, par exemple, l'agriculture et la sécurité alimentaire ne sont mentionnées que dans le contexte des répercussions du changement climatique dans la région. C'est sur l'agriculture que repose la viabilité des zones rurales. Même si l'agriculture est principalement une agriculture de subsistance – seule la production de canne à sucre et d'huile de palme donne lieu à des exportations d'une certaine importance – il existe un problème de gestion des ressources naturelles et d'utilisation durable de la terre et de l'agriculture. Il convient de noter qu'à la suite de la réforme de la politique sucrière européenne, en 2006, certains des pays concernés ont perdu leur position préférentielle et ont subi en conséquence des pertes d'emploi.

4.4

La communication se focalise surtout sur les risques liés au changement climatique, question essentielle pour la survie de certains pays et de l'écosystème (élévation du niveau des eaux, disparition des forêts, intrusion d'eau salée dans les nappes phréatiques, augmentation de la température de la mer, etc.). Par conséquent, la Commission propose d'affecter des ressources principalement à ce secteur; il conviendrait plutôt de développer des programmes intégrés et cohérents de développement durable et de croissance assortis d'engagements précis à respecter par les pays bénéficiaires. À cette fin, la participation du secteur privé serait également souhaitable, en particulier pour les PME.

4.5

Le CESE estime qu'une approche intégrée stratégique de l'assistance est indispensable et la communication est un bon début. Il conviendrait d'encourager la collaboration entre les différentes directions générales de la Commission, en particulier les DG Développement et coopération, Affaires maritimes et pêche, Commerce, Santé et consommateurs, et Recherche et innovation, ainsi que le SEAE; bien que des progrès aient été réalisés, leurs travaux devraient être mieux coordonnés (4) encore afin d'assurer une plus grande cohérence des politiques de l'UE.

4.6

Le secteur de la pêche en particulier, essentiel pour tous les pays du Pacifique, mais aussi pour l'UE eu égard au niveau élevé des exportations (notamment de thon) vers ses États membres, devrait être davantage pris en considération dans le cadre des interventions, compte tenu de la nécessité de maintenir aujourd'hui la durabilité de la production et de l'écosystème, en empêchant la surexploitation qui pourrait compromettre la pêche future. Le CESE accueille favorablement l'action menée par l'UE en matière de lutte contre la pêche illégale, grâce à l'application du règlement de l'UE visant à prévenir, à décourager et à éradiquer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN). Sur la base de ce règlement, la Commission a notifié à deux pays de la région (Vanuatu et les Fidji) qu'ils pourraient être considérés comme pays tiers non coopérants en matière de lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée.

4.6.1

C'est pourquoi l'Union devrait maintenir les régimes préférentiels ACP, comme cela a été le cas récemment avec certains pays de la région (5), même s'il convient de tenir compte, pour l'Union, du risque de distorsion de la concurrence avec les autres opérateurs du secteur.

4.6.2

Le CESE reconnaît les difficultés objectives que connaît ce secteur et accueille favorablement les trois accords de partenariat concernant la pêche conclus avec Kiribati, les îles Salomon et les États fédérés de Micronésie, mais espère qu'un accord global complet pourra être conclu avec tous les pays concernés sur les règles à appliquer dans les eaux territoriales et internationales de cette région.

4.7

En ce qui concerne la coordination des diverses aides au commerce sur laquelle insiste précisément la communication, la Commission ne fait aucune référence aux activités de l'OMC dans la région, bien que parmi les îles du Pacifique, 6 pays soient membres de cette organisation et bénéficient de programmes et facilités spécifiques.

4.8

Commerce (OMC): les Fidji, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les îles Salomon, les Tonga, les Samoa et le Vanuatu sont membres de l'OMC qui, grâce à divers accords d'adhésion, cherche à garantir un système commercial stable et intégré au niveau régional afin de capitaliser les bénéfices, d'utiliser plus efficacement les ressources et de faire des économies d'échelle.

4.8.1

L'OMC s'est employée à créer en 2004 un bureau de représentation des îles du Pacifique (Pacific Islands Forum Representative Office) à Genève, dans le but de faciliter une plus grande intégration des systèmes administratifs et promouvoir le renforcement des capacités à propos du commerce et du programme multilatéral, essentiels pour ces petites économies.

4.8.2

Il est absolument pertinent que l'Union européenne, entre autres sur la base de l'accord de Cotonou renouvelé, établisse des liens étroits et structurés avec le bureau de représentation de Genève et l'OMC. Une approche coordonnée est essentielle, ne serait-ce qu'en raison de la taille limitée que présentent les administrations de bon nombre des pays concernés. Cette démarche permettrait de coordonner les initiatives de soutien de ces économies et les programmes d'assistance technique déjà opérationnels et non coordonnés au niveau multilatéral. À tout cela s'ajoute une longue période de croissance économique faible et instable, avec d'énormes différences entre les pays – la Papouasie-Nouvelle-Guinée et les îles Salomon ont bénéficié d'un taux de croissance plus élevé en raison des prix des produits de base, tandis que les Fidji et les Samoa, aux économies déjà chancelantes, ont dû faire face aux conséquences de catastrophes naturelles (6).

4.8.3

Il conviendrait en outre d'accorder une attention spécifique au développement des PME et à la création de services d'assistance régionale aux PME, qui devraient être demandés et établis au niveau multilatéral grâce aux ressources et aux programmes existants de l'OMC, du FMI et de la Banque mondiale, également en ce qui concerne le développement rural.

4.9

La communication de la Commission fait référence, à juste titre, aux risques sociaux liés à un faible développement économique de ces îles, aux taux d'émigration de la main-d'œuvre qualifiée qui ne trouve pas d'emploi sur place et aux conséquences sociales du changement climatique. Selon les données de la Banque mondiale, les Îles Salomon, Vanuatu, Samoa, Kiribati, le Timor-Oriental et Tuvalu font partie des pays les moins avancés (PMA) et présentent des taux de pauvreté élevés. En Papouasie-Nouvelle-Guinée, le plus grand pays du Pacifique, plus de 40 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Ces données ont une incidence sur la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement et requièrent une intervention coordonnée au niveau international. La communication ne mentionne toutefois pas les travaux des nombreuses agences des Nations unies visant à soutenir le développement économique et social.

4.9.1

Les divers programmes des agences des Nations unies sont indispensables et devraient être encouragés par la Commission, dans la mesure où ils contribuent à cette prise de conscience nécessaire et au renforcement des capacités permettant «d'absorber» et d'optimiser les aides des divers donateurs, y compris l'UE. Ils vont en outre dans la direction d'une prise de responsabilités accrue de la part des institutions et des partenaires sociaux et civils nationaux et encouragent la création d'institutions démocratiques participatives.

5.   Droits, démocratie et libertés syndicales, situation aux Fidji

5.1

Les îles du Pacifique sont considérées par les institutions financières internationales comme faisant partie des pplus défavorisées au monde: isolées et sous-peuplées, elles sont en outre caractérisées par une forte poussée migratoire, des niveaux modestes d'instruction et de formation et d'énormes lacunes en compétences spécifiques dans le commerce et l'activité économique internationale.

5.1.1

La situation des jeunes, en particulier, semble extrêmement problématique en raison de divers facteurs tels que l'isolement géographique, les limites du développement économique (petites économies peu intégrées entre elles et marchés domestiques restreints), des dynamiques démographiques caractérisées par une croissance rapide de la main-d'œuvre juvénile (7). L'Australie a lancé un programme d'aide aux travailleurs saisonniers des pays du Pacifique les plus défavorisés. Ce type d'intervention mérite d'être favorisée et développée également dans d'autres pays de la région.

5.1.2

La situation des femmes est dramatique et préoccupante car le phénomène d'exploitation et de dégradation s'étend et la recherche de solutions efficaces ne progresse que très peu. Les femmes sont toujours victimes d'une forte discrimination: non seulement leur participation au marché de l'emploi régulier et à la vie politique est quasi inexistante, mais leurs droits fondamentaux sont aussi largement bafoués, ce qui se traduit par des actes de violence persistants et répandus dans tous les pays. Il ne s'agit pas uniquement d'une question culturelle, il faut aussi leur offrir des possibilités d'emploi, d'intégration et de participation. Il conviendrait de faire explicitement référence au plan d'action de l'UE sur l'égalité entre les hommes et les femmes et l'émancipation des femmes dans le développement (2010-2015), qui requiert entre autres l'utilisation d'indicateurs précis pour évaluer la participation des femmes aux institutions nationales.

5.2

Le respect des droits de l'homme et de la démocratie sont des conditions sine qua non de la politique d'assistance et de coopération de l'UE. Parmi ces droits figurent les droits syndicaux, reconnus au niveau international sur la base des huit conventions fondamentales de l'OIT.

5.3

L'accord de Cotonou également reconnaît la valeur fondatrice du respect des droits de l'homme et des institutions démocratiques pour la création d'une économie stable et prospère. Malheureusement, la communication de la Commission, qui porte pourtant sur une stratégie pour cette région, n'accorde pas suffisamment d'attention aux violations graves de ces droits se produisant actuellement surtout aux Fidji, qui, comme chacun sait, sont le deuxième archipel de la région de par leur étendue géographique et leur population.

5.4

En effet, la situation aux Fidji est inacceptable: le gouvernement, dirigé par une junte militaire depuis le coup d'État de 2006, a lancé une campagne agressive en 2011 pour démanteler le mouvement syndical et priver les travailleurs fidjiens de leurs droits fondamentaux, violant ainsi les conventions 87 et 98 de l'OIT, pourtant ratifiées par le gouvernement. L'élimination de la liberté d'expression, d'association et de réunion, la torture et les mauvais traitements, la violence à l'égard des femmes et des mineurs, la suppression des droits les plus élémentaires des travailleurs font des Fidji un cas emblématique pour l'UE, qui ne doit plus être toléré. En dépit de l'application de l'article 96 de l'accord de Cotonou, le CESE juge nécessaire d'intervenir plus fermement aux Fidji, notamment dans la perspective des élections de 2014 et du processus d'élaboration de la nouvelle Constitution.

5.5

La situation aux Fidji a été récemment examinée par le conseil d'administration de l'OIT qui s'est réuni en novembre 2012 et qui a adopté une résolution spécifique, notamment en raison de la décision du gouvernement fidjien de mettre un terme à la mission de l'OIT et de renvoyer sa délégation mandatée par le conseil d'administration (8). L'UE n'a pas d'autre choix que d'aborder cette question de manière cohérente avec les États membres qui ont eux-mêmes condamné la situation au sein de l'OIT.

5.6

Les conditions d'action de la société civile, dans ce cas, sont difficiles, voire presque inexistantes. En effet, les droits les plus élémentaires de la société civile sont manifestement violés, en contradiction avec tous les principes démocratiques, et le CESE ne saurait accepter de temporiser. Il doit faire part de sa position aux autres institutions européennes et agir en conséquence (9).

5.7

Il convient d'intervenir avec davantage de fermeté, soit directement, soit au niveau bilatéral, en définissant les conditions d'octroi des aides européennes, et en affirmant qu'en matière de droits, les États membres de l'UE ont une position commune et conforme aux principes fondateurs de l'Union, non négociable.

6.   Le rôle des partenaires sociaux et de la société civile

6.1

Pour le CESE, la participation de la société civile organisée reste l'élément fondamental autour duquel doivent se développer les diverses formes de partenariat pour atteindre les objectifs de la cohésion économique et sociale. Son rôle est d'autant plus important en matière de droits et de démocratie, dont le respect est une condition sine qua non pour pouvoir bénéficier de la politique d'aide et de coopération de l'UE.

6.2

La participation de la société civile organisée constitue une ambition prioritaire dans cette région également, malgré deux limites objectives: la première tient à la configuration géographique particulière, la vulnérabilité des îles et la dispersion de la population, qui rendent très difficile dans la pratique l'exercice de ce droit; la deuxième est liée à l'exercice de la démocratie et à la participation active de la société civile organisée à la vie des institutions.

6.3

Le CESE demande en tout état de cause que tout soit mis en œuvre pour associer les représentants des communautés locales à la définition, à la réalisation et au suivi des projets de l'Union, en particulier ceux liés à la protection de l'environnement, au dialogue social et civil, au développement et à la défense des droits et de la démocratie.

6.4

Le CESE demande que soit créé dans les plus brefs délais un partenariat UE-Pacifique au sein duquel la société civile organisée serait présente, de manière à faire face plus efficacement à l'ensemble des problèmes de la région (10), et qui prévoirait l'institution d'un comité de suivi ad hoc des programmes comme élément fondamental de la participation.

7.   Actions recommandées dans la communication: observations

7.1

Les actions recommandées par l'UE, qui mettent l'accent sur le problème des risques liés au changement climatique dans le Pacifique, ne peuvent être approuvées que partiellement, dans la mesure où une approche intégrée du développement durable de la région fait défaut.

7.2

Il convient de rechercher et de favoriser une meilleure approche coordonnée entre le SEAE et les diverses directions générales de la Commission afin de définir des programmes cohérents et stratégiques qui orientent les ressources disponibles vers la protection de l'environnement et de la pêche, mais aussi vers des programmes intégrés de développement durable et de développement rural.

7.3

Le CESE convient de la nécessité de renforcer le dialogue avec les institutions locales, mais il y a lieu de garantir la participation plus systématique de la société civile, en constituant une table ronde permanente pour évaluer les aides et analyser leur impact.

7.4

Le CESE juge nécessaire d'assurer la continuité des rencontres entre l'ensemble des bailleurs de fonds et des pays bénéficiaires pour garantir la coordination des programmes sur laquelle insiste la Commission. L'affectation des aides et l'évaluation de leur efficacité restent fondamentales. Dans cette optique, outre des actions préventives d'information et de formation, il est essentiel qu'un comité mixte axé sur les partenaires sociaux et civils continue d'assurer un suivi.

7.5

Comme le CESE l'a déjà dit, il conviendrait d'évaluer plus rigoureusement le respect des droits fondamentaux de l'être humain, la condition inacceptable des femmes dans la région, les possibilités limitées de travail pour les jeunes, le rôle de la société civile dans tous les pays, et en particulier la situation spécifique des Fidji.

Bruxelles, le 17 janvier 2013.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Les Îles Cook (sans droit de vote au sein des Nations unies), les États fédérés de Micronésie, les Fidji, Kiribati, les Îles Marshall, Nauru, Niue (sans droit de vote au sein des Nations unies), Palaos, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, Samoa, les Îles Salomon, le Timor-Oriental, Tonga, Tuvalu et Vanuatu.

(2)  La Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie, Pitcairn, et Wallis-et-Futuna.

(3)  Communication de la Commission – Accroître l'impact de la politique de développement de l'UE: un programme pour le changement (COM(2011) 637 du 13.10.2011).

(4)  Le montant total de l'aide au développement et à la lutte contre le changement climatique allouée aux pays du Pacifique et aux PTOM pour la période 2008-2013 est d'environ 785 millions d'euros, dont 730 millions au titre du 10e FED et 56 millions au titre du budget de l'UE. Sans compter les programmes nationaux, la coopération régionale UE-Pacifique pour la période 2008-2012 est dotée d'une enveloppe budgétaire initiale d'environ 95 millions d'euros, qui vient compléter les financements au titre des programmes thématiques de l'instrument de coopération au développement. Le programme régional UE-Pacifique vise à renforcer les capacités d'intégration économique et le commerce dans la région (45 millions d'euros), à soutenir la société civile et renforcer la capacité de gestion des finances publiques (10 millions d'euros) et à promouvoir la gestion durable des ressources naturelles (40 millions). La Commission a en outre annoncé le lancement prochain du «Mécanisme d'investissement pour le Pacifique» dont le but est d'améliorer les investissements dans les infrastructures principales afin de rendre la région plus compétitive sur les marchés mondiaux et relancer la croissance économique, réduire la pauvreté et financer les instruments «verts» et d'adaptation au changement climatique.

(5)  Voir NAT/459, Situation et enjeux de la flotte thonière tropicale de l'Union européenne, rapporteur: Gabriel SARRÓ IPARRAGUIRRE, JO C 48 du 15.2.2011, pp. 21-26.

(6)  FMI: Regional Economic Outlook, Asia and the Pacific, Navigating an Uncertain Global Environment while building inclusive Growth (octobre 2011).

(7)  Aux îles Samoa, sur 4 000 jeunes demandeurs d'emploi, seulement 500 trouvent un travail; au Vanuatu, le rapport est de 700 sur 3 500, aux Fidji le chômage des jeunes se situe aux alentours de 46 %; voir également UNICEF: Investing in Youth Policy, groupe inter-agences Asie-Pacifique des Nations unies sur la jeunesse (2011).

(8)  Communiqué de presse du Trade Union Congress du 19.9.2012 à propos des Fidji et autres documents de l'OIT en préparation.

(9)  Voir lettre du Conseil.

(10)  Avis CESE sur «Le rôle de la société civile dans l'Accord commercial multipartite entre l'UE, la Colombie et le Pérou», JO C 299 du 4.10.2012, pp. 39-44.