ISSN 1977-0936

doi:10.3000/19770936.C_2012.068.fra

Journal officiel

de l'Union européenne

C 68

European flag  

Édition de langue française

Communications et informations

55e année
6 mars 2012


Numéro d'information

Sommaire

page

 

I   Résolutions, recommandations et avis

 

AVIS

 

Comité économique et social européen

 

477e session plénière des 18 et 19 janvier 2012

2012/C 068/01

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Enseignement et formation professionnels postsecondaires en tant qu'alternative attractive à l'enseignement supérieur (avis d'initiative)

1

2012/C 068/02

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Emploi des jeunes, compétences techniques et mobilité (avis d'initiative)

11

2012/C 068/03

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Associer la société civile à la mise en place d'une future communauté européenne de l'énergie (avis d'initiative)

15

2012/C 068/04

Avis du Comité économique et social européen sur Le rôle de l'Union européenne dans la consolidation de la paix dans les relations extérieures: meilleures pratiques et perspectives

21

 

III   Actes préparatoires

 

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

 

477e session plénière des 18 et 19 janvier 2012

2012/C 068/05

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – Vers un marché unique des droits de propriété intellectuelle – doper la créativité et l'innovation pour permettre à l'Europe de créer de la croissance économique, des emplois de qualité et des produits et services de premier choixCOM(2011) 287 final

28

2012/C 068/06

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen sur une vision stratégique pour les normes européennes: aller de l’avant pour améliorer et accélérer la croissance durable de l’économie européenne à l’horizon 2020COM(2011) 311 final

35

2012/C 068/07

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissementCOM(2011) 452 final – 2011/0202 (COD)

39

2012/C 068/08

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Conseil concernant la coopération administrative dans le domaine des droits d'acciseCOM(2011) 730 final – 2011/0330 (CNS)

45

2012/C 068/09

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un plan pluriannuel pour le stock de saumon de la Baltique et les pêcheries qui exploitent ce stockCOM(2011) 470 final – 2011/0206 (COD)

47

2012/C 068/10

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – Le sixième programme d'action de l'UE pour l'environnement – évaluation finaleCOM(2011) 531 final

52

2012/C 068/11

Avis du Comité économique et social européen sur Les OGM dans l'UE (supplément d'avis)

56

2012/C 068/12

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant un mécanisme d'échange d'informations sur les accords intergouvernementaux conclus entre des États membres et des pays tiers dans le domaine de l'énergieCOM(2011) 540 final – 2011/0238 (COD)

65

2012/C 068/13

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 1999/32/CE relative à la teneur en soufre des combustibles marinsCOM(2011) 439 final – 2011/0190 (COD)

70

2012/C 068/14

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1300/2008 du Conseil du 18 décembre 2008 établissant un plan pluriannuel pour le stock de hareng présent à l'ouest de l'Écosse et les pêcheries qui exploitent ce stockCOM(2011) 760 final – 2011/0345 COD

74

FR

 


I Résolutions, recommandations et avis

AVIS

Comité économique et social européen

477e session plénière des 18 et 19 janvier 2012

6.3.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 68/1


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Enseignement et formation professionnels postsecondaires en tant qu'alternative attractive à l'enseignement supérieur» (avis d'initiative)

2012/C 68/01

Rapporteure: Mme Vladimíra DRBALOVÁ

Le 20 janvier 2011, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur le thème suivant:

«Enseignement et formation professionnels postsecondaires en tant qu'alternative attractive à l'enseignement supérieur».

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 16 décembre 2011.

Lors de sa 477e session plénière des 18 et 19 janvier 2012 (séance du 19 janvier 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 208 voix pour, 7 voix contre et 10 abstentions.

1.   Conclusions et propositions

Recommandations pour la Commission européenne

1.1   Le Comité économique et social européen appelle la Commission européenne à encourager les États membres à réaliser les objectifs à long et court termes définis dans le communiqué de Bruges et à améliorer la qualité et l'efficacité de l'enseignement et de la formation professionnels (EFP) afin de les rendre plus attractifs. Les partenaires sociaux à tous les niveaux doivent continuer à jouer un rôle actif dans le processus de Copenhague et contribuer à l'obtention de résultats à court terme.

1.2   Le Comité invite instamment la Commission à coordonner les deux processus, celui de Bologne et celui de Copenhague, dans le cadre d'une approche intégrée. Cette synergie contribuera à doter les personnes des compétences dont elles ont besoin pour réaliser leur potentiel au plan de leur développement et leur employabilité.

1.3   Le Comité estime que la Commission doit servir de plate-forme pour le suivi statistique de la situation dans les différents États membres et qu'elle devrait créer une plate-forme pour permettre l'échange de bonnes pratiques.

1.4   Le Comité se félicite des efforts déployés par la Commission pour mettre en œuvre de nouveaux instruments et lancer de nouvelles initiatives. Il est néanmoins urgent, surtout et avant tout, d'évaluer les mesures qui ont déjà été développées, afin d'éviter que les instruments ne se chevauchent et de s'assurer que les programmes et les politiques existants sont convenablement et pleinement mis en œuvre.

Recommandations pour les États membres

1.5   Fixer des objectifs relatifs au nombre de jeunes fréquentant l'université comme seul indicateur induit en erreur lors de la formulation d'une politique et matière d'éducation car cela ne reflète qu'en partie les besoins du marché de l'emploi en termes de compétences. Il faut plutôt équilibrer les systèmes d'éducation et de formation.

1.6   Mettre en œuvre le communiqué de Bruges et le processus de Copenhague efficacement, contribuer à la réalisation de l'objectif de l'UE de parvenir à ce que 40 % des jeunes achèvent une formation universitaire ou équivalente, ce qui inclut un niveau supérieur d'EFP.

1.7   Développer des incitations financières et non financières pour les entreprises, et plus particulièrement pour les PME, les micro-entreprises et les entreprises de type artisanal, afin de rendre aussi bien l'enseignement et la formation professionnels en entreprise que l'enseignement et la formation professionnels continus plus attractifs, de mobiliser les entreprises et de favoriser la coopération des établissements d'enseignement avec les entreprises.

1.8   Mener des actions globales de promotion visant à accroître systématiquement le degré de reconnaissance sociale de la formation professionnelle postsecondaire.

1.9   Fournir des services de conseil et d'orientation plus efficaces et mieux adaptés aux besoins du marché de l'emploi et des jeunes, et notamment un conseil personnalisé pour les personnes handicapées. Il est urgent d'élargir la mentalité des jeunes, de leurs familles et des conseillers qui ont tendance à considérer que pour trouver un emploi, il est primordial d'effectuer des études universitaires.

Recommandations pour les organisations d'entreprises

1.10   Les organisations professionnelles devraient participer activement, en coopération avec les autres partenaires sociaux, aux systèmes de conseil et d'orientation puisqu'elles sont les entités appropriées pour fournir des informations en matière d'enseignement et de formation professionnels (EFP) et des opportunités d'emploi. Elles devraient assister les prestataires de formation à concevoir des programmes de formation intégrée au travail (FIT) et de nouvelles méthodes.

1.11   Les secteurs industriels et les entreprises doivent offrir plus de places d'apprentis et de possibilités de formation sur le lieu de travail et encourager les salariés à transmettre leurs connaissances et leur expérience aux apprentis et à ceux qui suivent une formation sur le lieu de travail ou aux formateurs à titre temporaire d'EFP.

Recommandations pour les établissements d'enseignement

1.12   Faire preuve de plus de conviction dans la nécessité de créer des liens avec les entreprises et admettre la nécessité d'une coopération constructive et la valeur de l'expérience acquise dans des environnements extérieurs.

1.13   Coopérer plus étroitement avec les secteurs de l'industrie et développer une panoplie plus large de méthodes de formation intégrée au travail. Une attitude plus souple vis-à vis de l'EFP est nécessaire.

1.14   La qualité des enseignants et des formateurs devrait être garantie et ceux-ci devraient être familiarisés avec les besoins changeants de l'environnement de travail. Des stages en entreprises devraient être encouragés à l'intention des enseignants et des formateurs.

Recommandations pour les partenaires sociaux

1.15   Le Comité invite les organisations de partenaires sociaux à assumer leurs responsabilités et à être proactives dans le processus en utilisant toutes les méthodes et tous les instruments qui permettent d'améliorer l'attractivité de l'enseignement et de la formation professionnels postsecondaires (emplois sectoriels, conseils de compétences, etc.).

1.16   Les partenaires sociaux de tous les niveaux devraient donner suite de manière appropriée à leurs engagements découlant de leur programmes de travail conjoints et contribuer à la mise en œuvre au niveau national de tous les instruments de l'UE liés à l'EFP afin pour l'obtention de résultats.

Recommandations pour les individus et les organisations de la société civile

1.17   Les individus devraient prendre conscience du fait que l'enseignement supérieur ne constitue pas nécessairement une garantie d'emploi et qu'il convient d'envisager de vraies alternatives. Ils doivent, par conséquent, agir de manière responsable en faisant des choix informés par rapport à leurs études et leur formation. Enfin, ils devraient avoir suffisamment confiance pour s'engager dans une formation professionnelle postsecondaire.

1.18   Il faut mettre en balance les préférences des étudiants et les attentes de leur famille, d'une part, et les besoins des employeurs, d'autre part. Ils pourraient, à l'avenir, utiliser le Panorama des compétences nouvellement établi par l'UE et ses prévisions en matière d'offre de compétences et de besoins du marché.

2.   Cadre politique européen

2.1   En juin 2010, le Conseil européen de printemps a adopté sa nouvelle stratégie pour la croissance et l'emploi intitulée «Europe 2020», reposant sur sept initiatives phares et des documents stratégiques visant à renforcer le marché intérieur de l'UE (Acte pour le marché unique).

2.2   L'initiative phare majeure, le programme intitulé: «Des compétences nouvelles pour des emplois nouveaux», qui met l'accent sur la nécessité de doter les personnes des compétences adaptées à l'emploi et sur l'adaptation de l'offre de compétences aux besoins du marché du travail, s'inscrit dans une forte synergie avec d'autres initiatives (politique industrielle, stratégie numérique, Union pour l'innovation, jeunesse en mouvement, plate-forme européenne contre la pauvreté, etc.).

2.3   Les objectifs de la stratégie Europe 2020 seront renforcés par le cadre financier pluriannuel (CFP)  (1) proposé. Cette stratégie investira dans la matière grise européenne en augmentant les montants alloués à l'éducation, à la formation, à la recherche et à l'innovation.

3.   Enseignement et formation professionnels - évolution et défis actuels

3.1   Le fonctionnement du marché du travail européen est actuellement dicté par les crises financières et économiques, la mondialisation, les pressions démographiques, les nouvelles technologies et de nombreux autres facteurs.

3.2   Parmi les cinq objectifs horizontaux définis par la stratégie Europe 2020 figurent les suivants:

un taux d'emploi de 75 % pour les personnes âgées de 20 à 64 ans;

un objectif en matière de réussite scolaire permettant de régler le problème de l'abandon scolaire prématuré dont le taux, qui est actuellement de 15 %, doit être ramené à 10 %;

augmenter la proportion de la population âgée de 30 à 34 ans ayant achevé un cursus universitaire ou équivalent de 31 % à au moins 40 % en 2020.

3.3   La déclaration de Copenhague des 29 et 30 novembre 2002 a lancé la stratégie pour une coopération européenne renforcée en matière d'enseignement et de formation professionnelle (EFP), généralement connue sous le nom de «Processus de Copenhague».

3.4   Un cadre stratégique pour la coopération européenne en matière d'éducation et de formation (EFP 2020) a été adopté par le Conseil le 12 mai 2009.

3.5   La communication de la Commission européenne intitulée «Donner un nouvel élan à la coopération européenne en matière d’enseignement et de formation professionnels pour appuyer la stratégie Europe 2020» (2) souligne les principales actions à poursuivre pour relancer le processus de Copenhague et met en exergue le rôle crucial de l'EFP pour l'apprentissage tout au long de la vie et la mobilité.

3.6   Un ferme engagement a été inscrit dans le communiqué de Bruges adopté en décembre 2010 par les ministres de l'UE responsables de l'enseignement et de la formation professionnels et les partenaires sociaux européens. Le communiqué réexamine et définit les priorités en matière de coopération de l'UE dans le domaine de l'EFP jusqu'en 2020 comme suit:

développement de l'EFP de niveau postsecondaire et de l'EFP à des niveaux supérieurs du cadre européen des certifications (CEC);

perméabilité et système de passerelles plus souple entre l'EFP et l'enseignement supérieur;

document d'orientation sur le rôle de l'excellence professionnelle pour une croissance intelligente et durable.

3.7   Pour pouvoir honorer l'engagement de Bruges, la Commission est en train de mettre au point un programme pour l'excellence en matière d'enseignement et de formation professionnels, qui met l'accent à la fois sur l'EFP initial et sur l'EFP continu. Le processus devrait être finalisé avec les conclusions du Conseil (fin 2010).

4.   Base d'informations pour le processus de coopération renforcée dans le domaine de l'enseignement et de la formation professionnels

4.1   Selon le Cedefop, les prévisions portant sur les futurs besoins de compétences révèlent une augmentation de la demande de niveaux de qualification intermédiaires et élevés jusqu'en 2020, ainsi qu'une baisse de la demande de travailleurs peu qualifiés. Cependant, la population de l'UE en âge de travailler compte encore actuellement 78 millions de personnes peu qualifiées.

4.2   Le quatrième rapport du Cedefop sur la recherche en matière d'enseignement et de formation professionnels en Europe intitulé «Moderniser l'enseignement et la formation professionnels» fournit une base d'informations pour le processus de coopération renforcée dans le domaine de l'EFP. Il définit également des priorités pour la réforme de l'EFP visant à contribuer à la stratégie de l'UE pour la croissance et l'emploi.

4.3   Il faut de toute urgence moderniser l'EFP en raison du renforcement de la concurrence mondiale, du vieillissement de la population, des pressions que subit le marché de l'emploi et de l'objectif d'amélioration de la cohésion sociale en Europe.

4.4   Le Cedefop évoque en outre la question de savoir comment rehausser l'image et l'attractivité de l'EFP. L'impression générale qui se dégage de l'analyse des indicateurs ayant trait à l'attractivité de l'EFP dans l'UE est négative. Certaines recherches ont permis d'identifier les principales catégories d'éléments déterminants qui ont une influence sur l'attractivité des parcours scolaires:

a)

Le contenu et le contexte de la formation: sélectivité des parcours, réputation des établissements, des filières ou des programmes;

b)

Les perspectives des étudiants concernant l'éducation et le marché du travail: accès aux études ultérieures (notamment universitaires), perspectives d'emploi;

c)

Les facteurs économiques: aides financières ou avantages fiscaux ou frais d'inscription.

4.5   Dans sa publication intitulée «Un pont vers l'avenir», le Cedefop met également l'accent sur les progrès accomplis dans le développement et la mise en œuvre de principes communs européens (orientation et conseil, identification et validation de l'apprentissage non formel et informel) et d'instruments (3) (cadre européen des certifications (CEC), système européen de crédits dans l'enseignement et la formation professionnels (ECVET), cadre européen de référence pour l'assurance de la qualité dans l'EFP (CERAQ), Europass). Ces principes et ces instruments contribuent à renforcer la mobilité des travailleurs, des apprenants et des formateurs d'un système d'éducation et de formation à l'autre, et d'un pays à l'autre. Leur développement et leur mise en œuvre encourage l'évolution des acquis de l'apprentissage quel que soit le type et le niveau d'éducation et de formation afin de soutenir l'apprentissage tout au long de la vie.

4.6   Le nouveau document de recherche du Cedefop (4) portant sur l'enseignement et la formation professionnelle à des niveaux de qualification supérieurs dans 13 pays et 6 secteurs montrent que les points de vue et les conceptions sur l'EFP et le CEC aux niveaux 6 à 8 sont influencés par les contextes nationaux.

4.7   La Fondation européenne pour la formation (EFT) souligne qu'il est crucial de fournir des informations sur les différents secteurs professionnels et de définir les politiques sur la base de données factuelles en vue de relier le secteur de l'éducation aux secteurs professionnels. Pour rendre l'EFP plus attractive, la fondation recommande:

la reconnaissance des diplômes au moyen d'un partenariat étroit avec le monde des entreprises;

l'intégration de l'EFP postsecondaires (ou la formation professionnelle de niveau supérieur) au système d'enseignement universitaire;

la création d'options et de tremplins vers un apprentissage tout au long de la vie;

la création de partenariats internationaux dans le domaine de l'enseignement professionnel de niveau supérieur;

des programmes composés de 20 % de cours, 40 % de travaux pratiques et 40 % d'ateliers;

un corps enseignant composé à la fois d'universitaires et d'experts du monde des entreprises.

4.8   Une étude commandée par la Commission européenne mettant l'accent sur la définition et l'analyse des besoins en compétences futurs dans les micro-entreprises et les entreprises de type artisanal (5) recommande que les programmes de formation intègrent, plus que ce n'est le cas actuellement, les tendances et les évolutions futures en matière de besoins en compétences. Il faut concevoir des programmes d'apprentissage plus orientés vers le travail et prévoir des moyens de reconnaissance de l'expérience pratique acquise de manière informelle, et ce y compris au niveau européen.

4.9   La réunion ministérielle informelle de l'OCDE sur l'EFP qui s'est tenue à Copenhague en janvier 2007 a reconnu l'importance cruciale que revêtent de plus en plus l'enseignement et la formation professionnels et lancé une analyse qui a conduit en 2010 à un rapport final intitulé «Apprendre pour le monde du travail» («Learning for jobs») (6). Un travail de suivi mettant l'accent sur l'enseignement et la formation postsecondaires et les compétences «au-delà de la scolarité» a été engagé à la fin de 2010.

5.   L'EFP du point de vue du marché du travail

5.1   En raison des changements démographiques associés à la demande prévue de travailleurs plus qualifiés, l'Europe est confrontée à une diminution de la main-d'œuvre et à des pénuries dans certains secteurs, et ce malgré la crise économique.

5.2   Le déficit structurel de main-d'œuvre qualifiée que connaît l'UE est un fait. Pour les entreprises européennes, les conséquences immédiates qui en résultent sont des occasions manquées en termes de croissance économique et de renforcement de la productivité. Le manque de travailleurs qualifiés sera l'un des principaux obstacles auxquels sera confrontée la croissance économique dans les années à venir.

5.3   L'écologisation des emplois et le développement d'une «économie des seniors», services sociaux et de santé compris, ouvrent des opportunités de création de nouveaux emplois dignes pour toutes les catégories de la population en âge de travailler et d'amélioration de la compétitivité et du potentiel de croissance de l'économie européenne dans son ensemble. Ces évolutions entraînent également une demande accrue pour de nouvelles professions et des compétences actualisées et d'un niveau supérieur.

5.4   L'enseignement et la formation professionnels peuvent contribuer à la réalisation du principal objectif de la stratégie Europe 2020 mentionné précédemment: 1) en offrant la possibilité d'évoluer de l'enseignement et de la formation professionnels vers la formation de spécialistes et l'enseignement supérieur, 2) en développant l'EFP aux niveaux supérieurs du cadre européen des certifications (CEC) en s'appuyant sur des systèmes d'EFP solides au niveau secondaire, 3) en contribuant à la mise en place de dispositifs adéquats en matière de validation et d'accréditation des résultats de l'apprentissage non formel à tous les niveaux et 4) en développant une formation en lien avec le monde du travail et qui implique les adultes dans la préparation des jeunes à la réussite.

5.5   Afin de renforcer la compétitivité des entreprises européennes, l'Europe doit impérativement disposer d'une main-d'œuvre mobile dotée d'un ensemble d'aptitudes et de capacités qui correspondent aux demandes actuelles du marché du travail. Les entreprises ont besoin de qualifications transparentes et comparables, quelle que soit la manière dont les compétences ont été acquises.

5.6   La mise en place des systèmes de crédits et de qualifications à partir des acquis d'apprentissage actuels facilitera l'évaluation des capacités que possède tel ou tel individu. Ainsi, l'offre et la demande sur les marchés du travail européen pourront mieux concorder. Les employeurs ne récompensent pas les qualifications mais les performances. De même, le système éducatif devrait davantage récompenser les véritables résultats des études plutôt que, par exemple, le nombre de semaines que dure tel ou tel enseignement.

5.7   Les possibilités d'évoluer de l'EFP vers l'enseignement supérieur (ES) sont importantes et pourraient être favorisées par une meilleure transparence s'agissant de l'acquis. Le cadre européen des certifications pourrait s'avérer utile pour renforcer la perméabilité entre l'EFP et le crédit d'apprentissage de l'enseignement supérieur, puisqu'il permet de convertir les acquis d'apprentissage en unités au niveau de qualification correspondant.

5.8   L'enseignement et la formation professionnels postsecondaires ne peuvent être placés dans une zone grise entre l'EFP du deuxième cycle de l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur car ils revêtent une importance stratégique dans le cadre de la stratégie Europe 2020 en tant que voies à suivre pour faire de l'EFP une option de carrière plus attractive aux yeux des jeunes et soutenir une hausse du niveau des qualifications et des niveaux d'éducation. Du point de vue des PME et des entreprises artisanales en Europe, des avancées ont été accomplies pour ce qui est de rendre l'enseignement et la formation professionnels plus pertinents et plus attractifs. Il faut néanmoins faire davantage à tous les niveaux: européen, national, régional, local et sectoriel, pour diversifier l'offre d'EFP à des niveaux supérieurs, améliorer la perméabilité, réformer les systèmes d'EFP et créer des incitations financières, afin d'encourager les entreprises à participer à l'organisation d'un enseignement et d'une formation professionnels de niveau supérieur et d'inciter les individus à les suivre.

5.9   La qualité et l'excellence de l'EFP sont des facteurs décisifs pour en renforcer l'attractivité. Toutefois, cette qualité élevée a un coût et les PME sont confrontées à des défis particuliers: 1) elles sont les plus grands fournisseurs d'EFP en entreprise; 2) elles doivent actualiser les compétences de tous leurs salariés et pas uniquement des plus qualifiés. Concernant ces derniers, la «formation en entreprise» est cruciale pour rehausser le niveau de compétences dans les PME.

5.10   La mobilité transfrontière en matière d'apprentissage est un aspect essentiel que les entreprises soutiennent depuis longtemps, notamment pour les jeunes suivant un enseignement ou une formation professionnels ou qui sont sous contrats d'apprentissage. La mobilité dans ce domaine est encore insuffisante en Europe pour les salariés, les apprenants et les enseignants. Celle-ci ne peut être améliorée que grâce à un bon niveau de connaissance dans au moins une langue étrangère.

6.   Quelles raisons expliquent le manque d'attractivité de l'EFP, en particulier au niveau postsecondaire?

6.1   La formule «enseignement supérieur» est souvent utilisée comme synonyme d'enseignement universitaire théorique. L'enseignement supérieur est souvent opposé à la formation professionnelle, cette dernière étant considérée comme correspondant à un niveau inférieur.

6.2   Les politiques qui visent le développement et l'expansion de l'enseignement supérieur n'ont pas accordé suffisamment d'attention à l'EFP. L'enseignement et la formation à vocation professionnelle (ou orientée vers le marché du travail) constituent déjà une part importante bien qu'«invisible» de l'enseignement supérieur.

6.3   En Europe, l'EFP varie très fortement d'un État membre à l'autre. Toute une série de solutions institutionnelles créent la confusion et dans certains pays, il est peu pertinent de s'y référer en tant que système.

6.4   Les systèmes nationaux d'enseignement et de formation sont eux-mêmes quelque peu opaques et la perméabilité entre les différents parcours d'apprentissage est faible. De plus, l'enseignement et la formation postsecondaires sont dispensés par une grande variété de prestataires: universitaires, instituts tertiaires d'EFP, écoles secondaires, instituts d'enseignement pour adultes, partenaires sociaux, entreprises privées.

6.5   Les qualifications d'EFP sont parfois difficilement compréhensibles et les autres pays ne les reconnaissent pas facilement. Les programmes d'EFP ne concordent pas avec les modèles en trois cycles de Bologne (licence, master et doctorat). L'on ne voit toujours pas clairement comment et à quel niveau classer les qualifications professionnelles dans le CNC ou le CEC.

6.6   Il n'existe pas de lien entre les qualifications et les compétences acquises lors des études et les systèmes nationaux de classification professionnelle.

6.7   L'industrie souffre, d'une part, de la mauvaise image que véhiculent souvent les médias, et d'autre part, de la crise actuelle. Cela se traduit par une défiance accrue envers les entreprises en Europe.

6.8   La stigmatisation et la faible reconnaissance sociale dont bénéficient les diplômés de l'EFP dissuadent un grand nombre de jeunes de s'orienter vers ce type de formation.

6.9   Un faible degré d'alphabétisation mathématique dans l'enseignement primaire entraîne une réticence des jeunes à orienter leurs plans de carrière vers les disciplines STEM (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques) ou vers des études à orientation plus pratique.

6.10   La capacité à répondre à des besoins en matière de qualifications qui ne cessent d'évoluer en raison des rapides mutations engendrées par les TIC est faible; on peut également citer l'évolution progressive vers une économie à faible intensité de carbone.

6.11   L'on perçoit un manque de perspectives d'enseignement et d'emploi en ce qui concerne par exemple l'accès à des études complémentaires, en particulier au niveau supérieur, les perspectives d'emplois, les salaires, un travail satisfaisant et une bonne adéquation entre l'emploi et la formation.

6.12   L'on peut également déplorer un manque d'information et d'assistance aux individus et à leurs familles au moment où est abordée pour la première fois la question de la future carrière des jeunes. La décision finale quant au choix de l'école et du futur métier est souvent dictée par l'expérience de vie des parents et leur parcours professionnel. Par ailleurs, l'approche de l'orientation pour le choix des carrières est souvent trop fragmentée, pas proactive et très déconnectée de la pratique.

6.13   Dans certains États membres, les incitations financières et non financières accordées par les gouvernements aux employeurs pour investir dans l'enseignement et la formation professionnels et les organiser sont insuffisantes.

6.14   Le cadre de coopération entre les représentants des entreprises et les établissements d'enseignement n'est pas adapté pour permettre de concevoir des programmes garantissant un équilibre entre l'apprentissage théorique et les compétences professionnelles. Le manque de conviction dans le milieu scolaire et universitaire s'agissant de créer des liens avec les entreprises est toujours de mise. La valeur de l'expérience acquise dans des environnements qui leur sont extérieurs ne bénéficie que d'une faible reconnaissance de leur part.

6.15   La population active est vieillissante et de nombreux pays sont confrontés à une pénurie d'enseignants et de formateurs dans les établissements d'EFP. Parmi ces enseignants et formateurs, certains manquent d'une expérience récente du monde du travail.

6.16   Le rôle de l'EFP dans la lutte contre les désavantages sociaux est sous-estimé, les élèves désavantagés étant plus susceptibles de quitter l'école précocement.

6.17   L'EFP, en particulier l'EFP postsecondaires, souffrent de stéréotypes de genre qui entravent le déroulement des carrières.

6.18   La mobilité transfrontière des apprenants est un problème épineux en matière d'EFP et de contrats d'apprentissage. Le degré de mobilité des enseignants et des apprenants d'EFP est encore faible en Europe.

6.19   De meilleures compétences linguistiques sont nécessaires pour permettre cette mobilité et la rendre fructueuse.

6.20   L'enseignement tertiaire n'est pas suffisamment perçu comme un défi mondial, en particulier pour ce qui est de l'EFP postsecondaire. Il faudrait soutenir la participation à la circulation des connaissances à l'échelle mondiale.

7.   Comment peut-on améliorer l'attractivité de l'enseignement et de la formation professionnels postsecondaires?

7.1   Le pourcentage d'étudiants inscrits dans les universités ne peut continuer à être la seule mesure de modernité et de progrès car ces établissements ne peuvent à eux seuls assurer la croissance économique et le progrès social. Il faut inventorier et promouvoir tous les parcours alternatifs possibles.

7.2   Le processus de Copenhague, qui vise à garantir la transparence et la qualité des qualifications professionnelles, doit être étroitement lié à la réforme de l'enseignement supérieur. Coordonner les deux processus, celui de Bologne et celui de Copenhague, dans le cadre d'une approche intégrée est par conséquent capital pour une intégration satisfaisante et durable des jeunes dans le marché du travail.

7.3   L'image de marque de l'industrie en Europe doit être améliorée. Une nouvelle approche de la politique industrielle est nécessaire en raison de l'importante contribution de l'industrie à la croissance et à la création d'emplois ainsi qu'au développement de l'innovation. Une telle approche serait un soutien pour l'industrie en mettant l'accent sur la durabilité, l'innovation et les compétences humaines nécessaires pour maintenir la compétitivité de l'industrie européenne sur les marchés mondiaux.

7.4   Les services sont essentiels pour l'économie de l'Europe. Ils représentent 70 % du PIB de l'UE est les deux tiers environ du nombre total d'emplois. Sur 10 nouveaux emplois 9 sont créés dans le secteur des services. Ce secteur ouvre de nouvelles possibilités pour l'EFP au niveau postsecondaire.

7.5   Une Europe confrontée à des pénuries de main-d'œuvre dans de nombreuses professions doit mettre davantage l'accent sur la manière d'équilibrer les systèmes d'enseignement et de formation et de trouver le meilleur dosage d'enseignement général, professionnel et universitaire. L'EFP de niveau postsecondaire montre quel est l'enjeu en la matière. Elle a pour finalité d'optimiser l'utilisation du lieu de travail en tant qu'environnement d'apprentissage valable.

7.6   Les cadres de qualification peuvent s'avérer très utiles pour les systèmes d'EFP car ils peuvent contribuer à les unifier et à accroître la transparence, de sorte que la valeur des différentes qualifications soit plus clairement reconnue par les étudiants, les employeurs et autres parties prenantes, à faciliter l'apprentissage tout au long de la vie et à améliorer l'accès à l'enseignement supérieur pour tous. Le travail réalisé concernant ces cadres a relancé le débat sur le profil et le statut de l'enseignement et de la formation professionnels et sur comment définir et comprendre l'EFP.

7.7   Il y a lieu de développer un vrai esprit de coopération entre les établissements d'enseignement, les représentants des entreprises et les PME sur la base de la confiance et de la compréhension mutuelles. Le CESE croit en la nouvelle «Alliance pour la connaissance» (7), par exemple, des projets réunissant des entreprises et des établissements d’enseignement et de formation dans l’élaboration de nouveaux programmes d’études destinés à faire face aux déficits de compétences dans l’innovation et à répondre aux besoins du marché du travail. A cet égard, la proposition de la Commission de créer le premier forum EFP-Entreprises en 2012 est une nouvelle initiative prometteuse.

7.8   Les secteurs industriels et les entreprises doivent eux-mêmes investir dans la formation sur le lieu de travail, offrir plus de places d'apprentis et de possibilités de formation et permettre aux salariés intéressés et disposant des compétences nécessaires de devenir tuteurs dans ce cadre pour guider les apprentis et ceux qui suivent ce type de formation, soutenir l'intérêt manifesté par des salariés de travailler comme formateurs à titre temporaire d'EFP et de suivre des études d'EFP durant les heures de travail. Ils devraient, par ailleurs, coopérer avec les prestataires d'enseignement au développement de cours correspondant à la demande du marché de l'emploi relativement à certaines compétences.

7.9   Les prestataires d'enseignement devraient développer plus avant des méthodes d'apprentissage intégré au travail (à savoir que la plus grande partie de l'apprentissage, et pas seulement celui réalisé dans le cadre du contrat d'apprentissage, devrait avoir lieu sur le lieu de travail). Ils devraient également adopter une attitude plus flexible envers l'EFP (méthodes d'apprentissage plus souples), inclure l'utilisation des TIC dans tous les modules d'EFP et coopérer étroitement avec les secteurs industriels afin d'inventorier les nouveaux besoins en matière d'apprentissage.

7.10   Les carrières se diversifiant, il est de plus en plus difficile et de plus en plus crucial et nécessaire d'offrir de bons conseils pour orienter le choix. Les personnes, en particulier les jeunes, ont besoin d'avoir une vision claire de leurs études et de leurs perspectives. L'idée dépassée selon laquelle la formation professionnelle initiale préparerait les étudiants à un seul métier pour toute leur vie n'est plus valable. Les services d'orientation doivent être bien dotés en ressources et les conseils qu'ils prodiguent cohérents, bien documentés, proactifs, objectifs et bien étayés par des données factuelles. Il convient d'accorder une attention particulière à l'orientation des personnes handicapées, laquelle doit être très personnalisée, tenir compte du type de handicap, des éventuelles limitations à la mobilité qui en découlent et des difficultés dans l'obtention de certaines qualifications qu'il entraîne.

7.11   Le rôle de la famille ne peut être sous-estimé. L'information, les conseils et l'orientation devraient également se centrer sur la famille car les parents et l'entourage familial jouent souvent un rôle décisif dans le choix d'un cursus et d'une carrière. Il faut une politique qui repose davantage sur l'information, la sensibilisation et la prise en compte de données factuelles pour montrer quelles sont les possibilités offertes par le marché du travail en rapport avec l'EFP de niveau supérieur.

7.12   Toutefois, l'offre d'EFP doit mettre en balance les préférences des étudiants et les demandes des employeurs. Les premières sont importantes mais elles ne sauraient être à elles seules l'élément déterminant. Quant aux secondes, elles sont tout aussi importantes mais pas toujours faciles à définir. L'équilibre dépend aussi du financement au niveau des pouvoirs publics, des étudiants eux-mêmes et des employeurs.

7.13   Une égalité de traitement doit être garantie à tous les étudiants dans tous les parcours d'apprentissage, de même qu'en ce qui concerne l'accès à des soutiens financiers pour le logement, le transport, les soins de santé et les régimes de sécurité sociale.

7.14   La qualité des enseignants et des formateurs est importantes et ces derniers doivent être familiarisés avec le monde du travail. Afin d'y parvenir, il y a lieu d'encourager des parcours de recrutement plus flexibles, conçus de manière à faciliter l'entrée de personnes ayant des compétences industrielles dans le corps enseignant des établissements d'EFP. Il y a lieu de développer des programmes favorisant la mobilité des enseignants.

7.15   Le rôle des partenaires sociaux est essentiel pour conférer à l'EFP une plus grande pertinence et souplesse. Ils devraient également être davantage associés à l'élaboration et à la mise en œuvre des politiques en matière d'EFP, notamment à la conception des programmes, afin d'en promouvoir l'excellence, car cela permettrait de faire en sorte que les compétences enseignées sont en adéquation avec les besoins du marché du travail. Les faits démontrent que ce sont les pays qui coordonnent les liens entre les établissements d'enseignement et le marché du travail et incluent les acteurs de ce marché au suivi, à la surveillance et à la certification des compétences et des qualifications professionnelles qui sont considérés comme ayant de bons résultats en la matière. Le CESE a déjà souligné à de multiples reprises le rôle des conseils sectoriels et des conseils de compétences transversaux pour l'emploi (8) dans l'analyse des besoins quantitatifs et qualitatifs du marché du travail et salue l'effort collectif des partenaires sociaux européens pour mettre l'accent sur l'enseignement et la formation dans leurs programmes conjoints (9) de travail.

7.16   La crise a montré que de nombreuses solutions intelligentes et efficaces pour la préservation de l'emploi et le lancement de formules d'enseignement et de formation différentes ont été développées au niveau des entreprises. L'avis du CESE sur les stratégies de sortie de crise (10) expose un certain nombre de «bonnes pratiques» en la matière.

7.17   La mobilité à des fins d'apprentissage renforce l'employabilité, en particulier celle des jeunes, en ce qu'elle permet d'acquérir de nouvelles compétences. Le CESE accueille par conséquent favorablement l'ambitieux programme d'évaluation, lequel s'impose au plan politique, qui est proposé par la Commission sur la mobilité à des fins d'apprentissage. Il y est précisé qu'au moins 10 % des jeunes diplômés issus de l'EFP initial devraient étudier ou se former pendant une certaine période à l'étranger. Cette démarche d'évaluation devrait améliorer la mobilité aussi bien au plan quantitatif que qualitatif en mettant l'EFP et les études supérieures sur un pied d'égalité.

7.18   Le récent livre vert sur la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles (11) a lancé un débat public sur les moyens de réduire et de simplifier les réglementations restrictives qui régissent les qualifications professionnelles afin d'améliorer le fonctionnement du marché intérieur et de stimuler la mobilité transfrontière et l'activité économique. Le succès de la carte professionnelle européenne récemment proposée dépendra en premier lieu de la confiance mutuelle et de la coopération entre les États membres.

7.19   Le CESE est convaincu qu'il est essentiel que tous les enseignants et les formateurs, en particulier dans l'EFP, aient un niveau de compétences linguistiques élevé pour promouvoir l'enseignement d'une matière intégré à une langue étrangère (E&F 2020). Le CESE soutient les activités réalisées dans ce domaine par la plate-forme pour le multilinguisme (12) et la plate-forme de la société civile en faveur du multilinguisme visant à garantir des possibilités d'apprentissage tout au long de la vie pour tous (13).

7.20   Il est absolument crucial, en ce 21e siècle, d'éliminer les stéréotypes qui ont cours dès l'école primaire et de promouvoir l'égalité des genres à tous les niveaux de l'enseignement et de la formation, en soutenant les mesures à caractère culturel visant à orienter davantage les jeunes femmes vers des carrières scientifiques et technologiques, comme indiqué dans le Pacte européen pour l'égalité des genres (14).

7.21   Ces dix dernières années, certains pays ont développé et mis en œuvre différentes approches en termes de partage du coût, ce qui a changé l'équilibre des contributions apportées par les États, les employeurs et les particuliers. Les mesures financières concernées incluent: des fonds de formation, des incitations fiscales, des bons d'échanges, des comptes étudiants, des prêts étudiants et des formules d'épargne. L'objectif est d'accroître l'investissement privé et la participation à l'enseignement et à la formation professionnels continus.

7.22   La contribution financière la plus importante du budget de l'UE s'agissant d'investir dans les personnes provient du Fonds social européen (FSE). Afin de rehausser le niveau de compétences et de s'attaquer efficacement au niveau élevé de chômage chez les jeunes dans de nombreux États membres, les actions actuellement soutenues dans le cadre du programme Leonardo seront renforcées pour la prochaine période de financement pluriannuel (15).

8.   Mise en œuvre adéquate des instruments et des principes européens au niveau national

8.1   Il est devenu évident, avec le lancement d'instruments visant à intensifier la coopération européenne dans le domaine de l'EFP, qu'une coopération accrue entre les différentes structures s'impose si l'on veut améliorer le fonctionnement des structures-mêmes.

8.2   Les processus de Bologne et de Copenhague ne peuvent continuer à évoluer indépendamment l'un de l'autre. Il convient d'accroître l'interopérabilité et la comparabilité entre les différents instruments. Il conviendrait d'admettre que le processus de Copenhague est moins avancé, car il faudra encore quelques années pour parvenir à un fonctionnement satisfaisant du système des ECVET (16) et de l'EFP.

8.3   L'EFP, les ECVET (crédits d'apprentissage européens pour la formation et l'enseignement professionnels) et l'EQAVET (cadre de référence européen pour l’assurance qualité dans l’enseignement et la formation professionnels) devraient contribuer à promouvoir un apprentissage à tous les niveaux dans tous les types d'enseignement et de formation. L'EFP devrait être classé aux niveaux 6-8 dans le cadre national des certifications (NQF) à l'instar de l'enseignement supérieur. Quant au système des ECVET, les crédits prévus pour l'EFP, il faut une mise en œuvre cohérente et convergente avec l'ECTS (système européen de transfert de crédits) (17), puisque les ECVET ne sont pas encore un système opérationnel.

8.4   Les instruments européens peuvent être complétés par des dispositions nationales (telles que les cadres nationaux des certifications) ou intégrés dans des normes nationales (concernant, par exemple, les systèmes de crédits nationaux) lorsque cela s'avère nécessaire dans le cadre des réformes nationales. Une interaction accrue entre les différents niveaux (UE, national, régional) est nécessaire.

8.5   La mise en œuvre du programme «Erasmus pour les apprentis» doit progresser. Ce programme permettra à l'EFP d'être mis sur un pied d'égalité avec les initiatives en matière d'enseignement supérieur et, partant, de promouvoir l'enseignement et la formation professionnels. Cela donnera une dimension internationale à l'EFP, permettra de remédier au manque de mobilité qui caractérise cette voie et de renforcer l'attractivité de l'enseignement et de la formation professionnels postsecondaires.

8.6   Toutefois, la Commission ne devrait pas se précipiter dans la création de nouveaux instruments avant d'avoir pu évaluer la valeur ajoutée de ceux qui existent déjà. La communication et la coopération dans le cadre de ceux-ci et entre eux doit être améliorée afin que leurs objectifs puissent être traduits en pratique.

8.7   Le CESE a élaboré un certain nombre d'avis de qualité sur les différents instruments concernés: ECVET (18) et EQAVET (19) ainsi que sur la comparabilité d'un État membre à l'autre des qualifications acquises dans le cadre de la formation professionnelle (20).

Bruxelles, le 19 janvier 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Un budget pour l'Europe 2020 COM(2011) 500 final Parties I et II, du 29.6.2011.

(2)  Communication de la CE COM(2010)296 final.

(3)  Cadre européen des certifications (CEC), système européen de crédits dans l'enseignement et la formation professionnels (ECVET), cadre européen de référence pour l'assurance de la qualité dans l'EFP (CERAQ), EUROPASS (toute une série de documents soutenant l'emploi et la mobilité géographique).

(4)  Document de recherche du Cedefop no 15 sur l'éducation et la formation professionnelle à des niveaux de qualification supérieurs.

(5)  Rapport final d'identification des futurs besoins en compétences dans les micro-entreprises et les entreprises de type artisanal jusqu'en 2020, FBH (Forschungsinstitute fúr Berufsbildung in Handwerk an der Universität zu Köln, Januar 2011).

(6)  Rapport OCDE sur le programme «Apprendre pour le monde du travail» (axé sur l'EFP), http://www.oecd.org/dataoecd/41/63/43897561.pdf.

(7)  Initiative phare «Une stratégie pour des compétences nouvelles et des emplois».

(8)  Avis exploratoire du CESE, JO C 347/1, du 18.12.2010.

(9)  Cadre d'action pour le développement tout au long de la vie des compétences et des qualifications (2002) et accord autonome sur des marchés du travail inclusifs (2010).

(10)  À l'initiative du JO C 318/43, du 29.10.2011 CESE.

(11)  COM(2011) 367 final livre vert – Moderniser la directive sur les qualifications professionnelles, 22.6.2011.

(12)  http://ec.europa.eu/education/languages/pdf/business_fr.pdf.

(13)  http://ec.europa.eu/education/languages/pdf/doc5080_fr.pdf.

(14)  3073e réunion du Conseil Emploi, politique sociale, santé et consommation, 7 mars 2011.

(15)  Un budget pour la stratégie Europe 2020 COM(2011) – 500 final, du 29.06.2008.

(16)  Système de crédits européens pour l'EFP: il permet de valider de reconnaître et d'accumuler des compétences et des connaissances liées au travail.

(17)  Système européen de transfert de crédits.

(18)  Avis CESE, JO C 100/140, du 30.04.2009.

(19)  Avis CESE, JO C 100/136, du 30.04.2009.

(20)  Avis CESE, JO C 162/90, du 25.06.2008.


ANNEXE

à l'avis du Comité économique et social européen

Les amendements suivants, qui ont obtenu un quart des votes exprimés, ont été au cours du débat (Article 54(3) du Règlement intérieur):

Paragraphe 1.10

Modifier comme suit:

«Les devraient participer activement aux systèmes de conseil et d'orientation puisqu' sont les mieux placés pour fournir des informations en matière d'enseignement et de formation professionnels (EFP) et des opportunités d'emploi. devraient assister les prestataires de formation lors de la conception des programmes de formation intégrée au travail (FIT) et de nouvelles méthodes».

Vote

Pour

:

81

Contre

:

100

Abstentions

:

20

Paragraphe 1.18

Modifier comme suit:

«Il faut préférences des étudiants et attentes de leur famille les besoins des employeurs. Ils pourraient, à l'avenir, utiliser le Panorama des compétences nouvellement établi par l'UE et ses prévisions en matière d'offre de compétences et de besoins du marché».

Vote

Pour

:

75

Contre

:

127

Abstentions

:

18


6.3.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 68/11


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Emploi des jeunes, compétences techniques et mobilité» (avis d'initiative)

2012/C 68/02

Rapporteure: Mme ANDERSEN

Le 14 juillet 2011, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur le thème:

«Emploi des jeunes, compétences techniques et mobilité».

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 16 décembre 2011.

Lors de sa 477e session plénière des 18 et 19 janvier 2012 (séance du 18 janvier 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 173 voix pour, 1 voix contre et 4 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   L'évolution démographique place le marché du travail devant des défis considérables. Les conséquences de la crise économique montrent que les marchés du travail souffrent de problèmes structurels. Les jeunes, en particulier, ont du mal à s'insérer sur le marché du travail alors même qu'ils possèdent les qualifications adéquates. Les États membres devraient dès lors appliquer les réformes prévues par la stratégie Europe 2020 et les programmes nationaux de réforme afin de restaurer la croissance.

1.2   Le chômage des jeunes entraîne pour la société et pour les jeunes eux-mêmes des inconvénients considérables sur le plan économique et social et limite les perspectives de croissance. La compétitivité de l'Europe dépendra dans une large mesure du niveau de qualification de sa main-d'œuvre, et l'Europe risque de se laisser distancer dans la course visant à disposer d'une main-d'œuvre spécialisées et hautement qualifiée.

1.3   Nul ne sait réellement à quoi ressembleront les emplois de demain, mais la formation devrait prendre comme point de départ les besoins des marchés du travail et les tâches réelles à accomplir. Il conviendrait d'améliorer la reconnaissance des qualifications acquises en dehors des systèmes de formation. Les programmes devraient s'attacher davantage aux compétences générales et innovantes.

1.4   Il y a lieu de démanteler les obstacles entre le système d'enseignement et le marché du travail et d'éviter de tout envisager en fonction de considérations financières. Le partenariat entre les entreprises et les établissements d'enseignement et de formation devrait être renforcé en matière d'élaboration des programmes et d'anticipation des besoins. La formation doit mener à l'emploi.

1.5   Le système d'enseignement – y compris l'enseignement supérieur et la formation professionnelle – devrait faire une plus large place à la formation en alternance et aux stages. Les synergies entre les travaux pratiques, l'apprentissage à un poste de travail et l'enseignement théorique renforcent le potentiel d'employabilité des jeunes, améliorent le passage de l'école au monde du travail et donnent un nouvel élan au développement de l'enseignement.

1.6   Le Fonds social européen devrait subventionner les frais d'amorçage pour les pays ou les régions qui souhaitent mettre en place un système de formation en alternance.

1.7   Un marché du travail ouvert et dynamique peut promouvoir la mobilité et plus particulièrement créer des perspectives d'emploi pour les jeunes. La stratégie Europe 2020 et les programmes nationaux de réforme font obligation aux États membres de moderniser leurs marchés du travail afin d'en accroître la capacité et d'en améliorer le fonctionnement

1.8   Une politique active en matière de marché du travail, qui motive les demandeurs d'emploi et les salariés à envisager une formation tout au long de la vie, contribue à renforcer la mobilité professionnelle et géographique et crée de ce fait davantage de perspectives en matière d'emploi.

2.   Introduction et objectifs

2.1   La jeunesse européenne est l'avenir de l'Europe. Pourtant, de nombreux jeunes n'ont pas de travail ou ne disposent pas des compétences requises. De plus, nombreux sont ceux qui se heurtent à des difficultés pour décrocher un premier emploi, en dépit d'un niveau adéquat de compétences.

2.2   Le présent avis étudie la question des possibilités d'emploi pour les jeunes, notamment la future demande de techniciens et de travailleurs qualifiés, l'accès des jeunes au marché du travail et la mobilité professionnelle. Il s'agit donc ici de la main-d'œuvre «essentielle», ayant suivi des cycles d'études techniques, spécialisées et disposant d'un niveau moyen de qualifications, qui selon le CEDEFOP, représentera 50 % des actifs en 2020.

2.3   Il a pour objet de présenter des propositions concrètes en vue d'améliorer les possibilités d'emploi pour les jeunes et de faire en sorte que les entreprises aient accès aux compétences dont elles ont besoin.

2.4   Le concept de «compétences» recouvre de nombreux aspects: par exemple, les compétences sociales et générales, les compétences techniques et spécialisées, ainsi que les compétences acquises tant par l'apprentissage et la formation formelles que dans le cadre du travail ou des relations et activités sociales et familiales.

2.5   Le présent avis cherche à répondre à deux questions étroitement liées: en premier lieu, de quelles compétences le marché du travail aura-t-il besoin à l'avenir et en second lieu, comment peut-on garantir l'intégration des jeunes sur ce marché et les possibilités de mobilité professionnelle?

2.6   La Commission européenne a lancé plusieurs initiatives phares dans ce domaine, dont les plus récentes s'intitulent «Jeunesse en mouvement» et «Une stratégie pour des compétences nouvelles et des emplois». Elles sont d'une importance capitale et comportent différentes initiatives destinées à améliorer les possibilités d'emploi des jeunes. Il y est fait référence dans les avis du CESE correspondants (1).

3.   Situation actuelle en Europe

3.1   Dans l'Union européenne, la main-d'œuvre diminue en raison de l'évolution démographique: l'ancienne génération du «baby boom» se retire actuellement du marché du travail pour être remplacée par des personnes plus jeunes, nées à une période où le taux de natalité était moins élevé. Une offre importante de main-d'œuvre hautement qualifiée étant une condition essentielle de la croissance en Europe, le marché du travail se trouve confronté à d'importants défis à relever.

3.2   Selon le dernier numéro de la Revue trimestrielle sur l'emploi et la situation sociale dans l'UE, publiée par la Commission européenne, la relance du marché du travail européen se poursuit lentement et de manière inégale. Si de nouveaux emplois sont créés, leur nombre est insuffisant. Le chômage des jeunes (20,3 %), en particulier, met en évidence la nécessité d'agir immédiatement et efficacement.

3.3   Le chômage touche toutes les catégories de jeunes, y compris les groupes vulnérables, quels que soient leurs diplômes et leur formation. Le risque de ne pas trouver de travail est toutefois plus élevé pour les jeunes peu qualifiés ou dépourvus d'expérience professionnelle. Par ailleurs, le chômage de longue durée a progressé pour atteindre 9,5 % en mars 2011 et de nombreux jeunes, en particulier, courent le risque de devenir chômeurs de longue durée.

3.4   Tant le chômage que le sous-emploi des jeunes engendrent de graves problèmes économiques et sociaux pour la société et les jeunes eux-mêmes, et entraînent la perte de possibilités de croissance.

3.5   Avant la crise, l'Europe a connu une période au cours de laquelle un nombre d'emplois relativement élevé a été créé: selon la Commission européenne, 20 millions d'emplois nouveaux ont été créés entre 1995 et 2006.

3.6   En revanche, la crise a entraîné la perte de quelque 5 millions d'emplois. Selon Eurofound, il s'agissait principalement d'emplois peu rémunérés, occupés par des travailleurs non qualifiés. Il existe toutefois de grandes différences entre les États membres.

3.7   Le CEDEFOP estime que quelque sept millions d'emplois nouveaux seront créés au cours de la période 2010-2020, et qu'environ 73 millions postes se libéreront du fait de l'évolution démographique. Les emplois nouvellement créés seront en grande partie hautement qualifiés.

3.8   Paradoxalement, certains pays et secteurs connaissent une pénurie de main-d'œuvre alors même qu'il y a des chômeurs en grand nombre, ce qui indique la persistance de problèmes structurels sur les marchés du travail européens. Il y avait par exemple 118 000 postes vacants aux Pays-Bas à la fin de l'année 2009. En Allemagne et en Pologne, ce sont respectivement 87 800 et 18 300 postes qui sont à pourvoir dans le secteur des technologies de l'information.

3.9   Le secteur privé sera d'autant plus compétitif que les travailleurs seront hautement qualifiés. Si les entreprises privées ne peuvent trouver en Europe les travailleurs disposant des compétences requises, elles pourraient se voir obligées de les recruter dans des pays tiers. L'évolution démographique crée aussi des besoins de renforcement du secteur des soins aux personnes âgées et du secteur de la santé, ce qui suscitera une demande de main-d'œuvre.

4.   Besoins futurs de main-d'œuvre

4.1   La contraction du marché de l'emploi et la nécessité d'une reprise urgente de la croissance imposent que les futures générations de jeunes qui entrent sur le marché du travail présentent un niveau élevé d'éducation et de formation, qui corresponde aux besoins existants et futurs. Cela signifie aussi qu'il convient de réduire la déscolarisation précoce et de faire en sorte que davantage de jeunes terminent leur formation professionnelle. Il est également essentiel que la structure du marché permette aux jeunes de trouver un premier emploi. Ces dernières années ont montré que la transition entre la formation et l'emploi est difficile. Des entraves liées à la formation ou à la législation du travail rendent également malaisée la réorientation d'un emploi vers un autre.

4.2   L'UE et ses États membres se sont déjà engagés à mettre en œuvre un certain nombre de réformes dans le cadre de la stratégie Europe 2020, des bonnes pratiques et des programmes de réforme nationaux. C'est en ce sens qu'ont été proposées dans un certain nombre d'États membres des réformes visant à rapprocher les systèmes d'éducation des besoins existant sur le marché du travail.

4.3   La stratégie Europe 2020 fixe deux objectifs essentiels dans le domaine de l'éducation et de la formation. Ils ne sont toutefois que purement quantitatifs. Tout aussi intéressante est la question de la capacité des systèmes d'éducation et de formation à lancer dans la vie des jeunes ayant acquis les bonnes compétences, c'est-à-dire celles qui sont demandées et qu'ils pourront utiliser.

4.4   Selon les prévisions, les citoyens européens verront augmenter leur niveau d'éducation et de compétences, mais il existe un risque de polarisation. Certaines prévisions indiquent que l'objectif selon lequel 40 % au moins des jeunes de 30 à 34 ans devront avoir étudié dans l'enseignement supérieur sera atteint d'ici 2017.

4.5   En revanche, les prévisions sont loin d'être aussi encourageantes en ce qui concerne l'objectif consistant à faire passer la proportion des jeunes en décrochage scolaire en-dessous de 10 % d'ici l'année 2020. Le CEDEFOP, par exemple, estime que d'ici 2020, au moins 83 % des 22-24 ans (contre 78 % en 2010) auront terminé leur cycle secondaire supérieur, dans le cadre de la formation professionnelle ou de l'enseignement en lycée. Garantir une offre de main-d'œuvre hautement qualifiée sera très difficile compte tenu du nombre élevé de jeunes sans qualifications. Les emplois de l'avenir exigeront principalement des travailleurs hautement qualifiés ou une main-d'œuvre spécialisée. Il convient donc en priorité de faire en sorte que davantage de jeunes quittent l'enseignement en ayant acquis des qualifications, y compris de nature professionnelle.

4.6   La mondialisation et les nouvelles technologies vont faire évoluer le marché du travail et entraîneront, par exemple, un raccourcissement constant du cycle de vie des produits. Un nouveau rapport de forces entre les secteurs et de nouveaux modes d'organisation du travail créent de nouveaux emplois, mais aussi un besoin de nouvelles compétences.

4.7   Cela renforcera les nécessités d'apprentissage tout au long de la vie, d'éducation et de formation des adultes, ainsi que d'adaptation au changement, dans le cadre de la vie professionnelle. Il s'agit là d'un domaine de responsabilité commune où, en particulier, les partenaires sociaux et les prestataires de services d'éducation et de formation peuvent, ensemble, trouver des solutions innovantes.

4.8   Selon le Cedefop, à l'échelle de l'UE, la demande de travailleurs hautement qualifiés va monter à près de 16 millions de personnes à l'horizon 2020, et celle de travailleurs semi-qualifiés à environ 3,5 millions. À l'inverse, l'on s'attend à une baisse de la demande de travailleurs peu qualifiés, de l'ordre de 12 millions.

4.9   Sur la période 2010-2020, l'on s'attend à une baisse significative du nombre d'emplois dans le secteur primaire, mais aussi dans le secteur productif et manufacturier. La croissance la plus importante concernera le secteur des services, et notamment les services aux entreprises, mais la distribution, la restauration, le secteur de la santé et des transports connaîtront aussi une expansion. Les secteurs à forte intensité de connaissances progresseront, ainsi que des secteurs à moindre intensité de connaissances comme le commerce de détail. L'évolution vers une économie fondée sur la connaissance et axée sur l'innovation, dans un monde en mutation rapide, se confirme. Il est donc important de transférer l'amélioration des compétences en connaissances, qui déboucheront sur de l'innovation et de nouveaux produits et services. La volonté d'adaptation reste un paramètre clé pour les individus comme pour le système éducatif, si l'on souhaite qu'ils répondent aux besoins du marché du travail.

4.10   Dans toute analyse de la structure de l'emploi et des besoins futurs de compétences pour l'avenir, l'innovation constitue un élément central. Par innovation, on entend la capacité d'améliorer les processus et les méthodes, mais elle comprend aussi des compétences générales telles que la créativité, la capacité à résoudre des problèmes, à travailler en équipe, à diriger, ainsi que l'esprit d'entreprise. Ainsi, par exemple, de nombreuses personnes travaillant dans le secteur à forte intensité de connaissances de l'industrie ne sont pas elles-mêmes très qualifiées, mais contribuent à l'innovation, par exemple en améliorant les processus ou l'organisation du travail.

4.11   Certaines études montrent que l'innovation, qui est le fondement de la croissance, provient pour l'essentiel des entreprises. Celles-ci se développent à partir des contributions et de la demande des clients, des fournisseurs et du personnel.

4.12   Toutefois, l'innovation ne doit pas être perçue en termes de discipline. La capacité d'innovation induit de nouvelles exigences pour les systèmes éducatifs, avec par exemple le problème de savoir comment développer les compétences d'innovation des jeunes afin qu'ils entrent directement sur le marché du travail et apportent une contribution directe à la création de richesse dans notre société.

5.   Les compétences clés des travailleurs de demain et les systèmes d'éducation et de formation

5.1   Personne ne sait réellement à quoi ressembleront les emplois de demain. L'UE lancera bientôt un outil dénommé «Panorama des qualifications» («Skills Panorama»), l'on met en place dans l'UE des «Conseils pour les compétences sectorielles» («Sector Skills Councils») et l'on améliore constamment les pronostics permettant de prévoir les futurs besoins et goulets d'étranglement. La concurrence mondialisée, l'évolution des technologies ainsi que l'immigration et l'émigration font de la souplesse et de la capacité d'adaptation des systèmes d'éducation et de formation des éléments d'importance fondamentale.

5.2   Il faut aussi des synergies et une coopération beaucoup plus fortes entre les établissements d'éducation et de formation, les gouvernements et les employeurs, par exemple pour ce qui concerne l'élaboration des programmes d'enseignement. Les qualifications s'acquièrent et s'approfondissent tout au long de la vie par l'éducation et la formation et par le travail, mais aussi à l'extérieur du marché du travail, et cela doit faire l'objet d'une reconnaissance plus affirmée.

5.3   L'éducation et la formation de la future main d'œuvre «essentielle» débute à un âge précoce, au niveau de l'école primaire, où il y a lieu de renforcer la qualité de l'enseignement. Mais c'est à l'école aussi qu'il appartient d'apprendre aux enfants et aux adolescents à apprendre, et à acquérir de nouvelles connaissances. À titre d'exemple, l'on soulignera l'importance de l'orientation scolaire et professionnelle dans l'enseignement primaire et secondaire. Cela suppose que les compétences des enseignants soient à la hauteur de l'enjeu.

5.4   Le système d'enseignement professionnel fait l'objet d'un autre avis du CESE (2), mais il faut souligner ici qu'il joue un rôle essentiel pour garantir que les compétences recherchées seront disponibles à l'avenir.

5.5   L'enseignement professionnel fait toutefois face actuellement à des défis majeurs, lesquels concernent, entre autres, l'image et la qualité des cours dispensés, leur correspondance avec les besoins de la vie active, l'amélioration de l'employabilité. De nombreuses formations relevant de l'enseignement professionnel ont des taux d'abandon élevés, parce que les jeunes qui les suivent n'ont pas les compétences élémentaires requises, par exemple en lecture. De plus, il est souvent difficile de passer du système d'enseignement professionnel à l'enseignement supérieur. Enfin, l'on constate aussi une différenciation par sexe entre les formations.

5.6   Certains pays ont adopté un système d'enseignement professionnel par alternance. Cela signifie que la formation alterne entre, d'une part, des cours traditionnels en classe, et d'autre part, une formation et une expérience professionnelle en entreprise. Ce contact avec l'entreprise permet d'établir des passerelles avec le monde du travail et garantit que la plupart des jeunes disposant d'une qualification professionnelle trouveront un emploi rapidement. Par opposition, le système d'enseignement professionnel de pays tels que la Suède, la Belgique et l'Espagne se caractérise par des contacts limités avec le milieu du travail, la formation étant pour l'essentiel dispensée dans un établissement scolaire. En même temps, dans ces pays, de nombreux jeunes ont des difficultés à décrocher un premier emploi.

5.7   Beaucoup (Commission, OCDE, Parlement européen, entre autres) considèrent que la combinaison entre travail, formation pratique et enseignement scolaire est un excellent moyen de faire entrer les jeunes sur le marché du travail. Aussi le CESE proposera-t-il des initiatives concrètes destinées à étendre davantage à l'échelle de l'UE ce système d'enseignement professionnel par alternance.

6.   Transition entre formation et marché du travail et mobilité professionnelle

6.1   Le passage entre la formation et l'emploi, autrement dit entre le système d'enseignement professionnel et le marché du travail, implique souvent nombre de considérations financières. Bien que l'approfondissement des liens entre le système d'enseignement professionnel et le marché du travail ainsi que la promotion de l'accès au marché du travail pour les jeunes soient une priorité politique de l'UE, ces dernières années ont montré que des défis majeurs subsistent en la matière.

6.2   La mobilité professionnelle et géographique en Europe reste limitée et se heurte souvent à des obstacles qui tiennent aux systèmes de qualification, à des problèmes de reconnaissance des qualifications ou à une insuffisance d'orientation. Les programmes d'échanges et de mobilité de l'UE, en particulier, sont d'une importance tout à fait essentielle et il faut les renforcer. L'on a largement privilégié les formations universitaires, mais il conviendrait, pour l'avenir, de s'intéresser aux possibilités de mobilité dont pourraient bénéficier les formations techniques et les formations commerciales, par exemple grâce à des stages transfrontaliers en entreprise. Des solutions telles que des systèmes de stages transfrontaliers sont de nature à apporter un progrès dans les régions frontalières où l'offre de stages est insuffisante d'un côté de la frontière, mais importante de l'autre côté.

6.3   Le système de formation par alternance pourrait constituer un tremplin assurant aux jeunes un démarrage positif et sûr dans la vie professionnelle, tout en garantissant aux entreprises que les compétences recherchées sont disponibles. Une enquête Eurobaromètre a montré, par exemple, que 87 % des employeurs considèrent l'expérience professionnelle pratique acquise, par exemple, dans le cadre de stages, comme une considération essentielle dans une perspective d'embauche.

6.4   Il convient de généraliser davantage l'alternance entre enseignement scolaire théorique et apprentissage à un poste de travail. Cela devrait toutefois s'inscrire dans la sécurité d'une relation contractuelle créant des obligations à la fois pour l'entreprise concernée, en matière de formation du jeune apprenti, et pour l'apprenti lui-même. Tous les intervenants ont à gagner à ce système. Les entreprises peuvent en même temps embaucher sur base d'une plus large possibilité de choix, mais aussi bénéficier d'un apport de connaissances et d'idées nouvelles. Du point de vue des établissements d'enseignement, cela permet d'accéder plus largement à un savoir et à une coopération avec les opérateurs économiques. Et du point de vue de l'apprenti, cela apporte une expérience pratique du monde du travail.

6.5   Étant donné que la mise en place et le développement d'un système de formation en alternance comportent des coûts de départ, les Fonds et les programmes de l'UE, par exemple le Fonds social, peuvent, au stade du démarrage, soutenir les pays ou les régions qui souhaitent promouvoir le système d'alternance.

6.6   Toutefois, si l'on veut que les citoyens connaissent un bon démarrage de leur carrière et soient en mesure de progresser et de connaître une mobilité professionnelle, un certain nombre de conditions doivent être remplies. Il s'agit à la fois de promouvoir la création d'emplois et de garantir que les marchés du travail soient ouverts et dynamiques, pour soutenir la mobilité tout en garantissant un bon départ aux jeunes travailleurs. Un marché du travail disposant de nombreux débouchés et proposant une mobilité volontaire pour de nouveaux emplois est à même de faciliter l'accès des jeunes au travail.

6.7   Dans le cadre de la stratégie Europe 2020, nombreux sont les pays qui modernisent leur marché du travail pour améliorer sa capacité d'insertion et son fonctionnement. En particulier pour ce qui est de faciliter l'accès des jeunes, cela suppose de supprimer les obstacles qui découragent les employeurs d'embaucher un jeune à des conditions normales. Il faudrait partir du principe que ce ne sont pas les avantages ou les inconvénients que cela comporte pour l'employeur ou l'employé, mais uniquement la nature de l'emploi, qui détermine le choix du type de contrat offert à l'intéressé.

6.8   C'est pourquoi il y a lieu de mettre en œuvre une politique active du marché du travail qui encourage à la fois le demandeur d'emploi et le salarié dans le sens de l'apprentissage tout au long de la vie, de la formation continue et de la mise à niveau des qualifications. Il s'agit d'une politique active du marché du travail qui contribue à accroître la mobilité et par là, à créer de nouvelles perspectives d'emploi, en particulier pour les jeunes.

6.9   En même temps, différents types de droits individuels, qui ne sont pas liés à une entreprise déterminée ou à un emploi, mais qui suivent la personne concernée (y compris en cas de changement d'emploi) peuvent contribuer à la mobilité sur le marché de l'emploi. L'on peut citer, par exemple, les droits à pension ou les formations qui sont financées par des Fonds.

Bruxelles, le 18 janvier 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Avis du CESE sur les thèmes «Jeunesse en mouvement», JO C 132 du 3.5.2011, p. 55 et «Une stratégie pour des compétences nouvelles et des emplois» (JO C 318 du 29 octobre 2011, p. 142).

(2)  Avis du CESE sur le thème «Enseignement et formation professionnels postsecondaires en tant qu'alternative attrayante à l'enseignement supérieur» (Voir page 1 du présent Journal officiel).


6.3.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 68/15


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Associer la société civile à la mise en place d'une future communauté européenne de l'énergie» (avis d'initiative)

2012/C 68/03

Rapporteur: M. COULON

Le 14 juin 2011, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur le thème:

«Associer la société civile à la mise en place d'une future communauté européenne de l'énergie».

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 20 décembre 2011.

Lors de sa 477e session plénière des 18 et 19 janvier 2012 (séance du 18 janvier 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 183 voix pour, 2 voix contre et 8 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le CESE approuve les récentes initiatives de la Commission européenne visant à poursuivre les interconnexions et à achever le marché intérieur de l'énergie. Il soutient également les efforts – notamment du Conseil – en vue de renforcer la position de l'UE et de ses États membres sur la scène internationale. Le CESE prend notamment acte de la feuille de route pour l'énergie à l'horizon 2050 publiée par la Commission européenne le 15 décembre 2011, notamment dans la perspective «de définir une approche européenne dans laquelle tous les États membres possèdent une vision commune (…)».

1.2   Le CESE soutient le principe de créer une communauté européenne de l'énergie (CEE) et approuve les étapes intermédiaires qui s'imposent, notamment des réseaux énergétiques européens régionaux, un fonds pour le développement des énergies renouvelables et un groupement d'achat de gaz.

1.3   Le CESE recommande d'aller plus loin et d’intégrer les marchés européens afin de faire converger et de réduire les prix de l'énergie. S'agissant du bouquet énergétique, il préconise également de faire les choix les plus cohérents et efficaces à l'échelle de l'UE. Des groupes d'États pourraient formaliser une coopération accrue sur la base de projets prioritaires d'infrastructures, d'interconnexions et de la complémentarité au niveau de la production et de l'approvisionnement énergétiques.

1.4   Le CESE propose de concentrer les investissements, y compris nationaux, vers la recherche dans le domaine des technologies énergétiques à faible intensité carbonique. L'accent devrait être mis sur les énergies renouvelables et les projets d'envergure susceptibles de contribuer à la ré-industrialisation de l'Europe et à l'emploi.

1.5   Le CESE plaide pour que l'accès universel à l'énergie figure parmi les objectifs de la politique énergétique commune de l'UE. Il préconise que les autorités compétentes ou les distributeurs d'énergie informent systématiquement les consommateurs finaux de leurs droits et que, le cas échéant, la protection des consommateurs soit renforcée. Le CESE recommande de répondre sans délai au problème de la précarité énergétique, notamment à travers un «pacte européen de solidarité énergétique».

1.6   Le CESE plaide pour la création d'une structure commune d'approvisionnement en énergies fossiles. Il appelle à un renforcement des compétences de l'UE en matière de négociation et de contrôle des accords internationaux de fourniture d'énergie.

1.7   Le CESE recommande d'intensifier la coopération dans le domaine de l'énergie avec les pays en développement et les voisins de l'UE dans un esprit de développement et de partenariat.

1.8   Vu l'importance des enjeux environnementaux, les montants des investissements à réaliser, les répercussions sociales des décisions politiques, les conséquences sur les modes de vie et le nécessaire soutien de l'opinion, il est indispensable que les citoyens soient informés et associés au débat sur les questions énergétiques. Le CESE appelle à créer un forum européen de la société civile chargé de suivre les questions d'énergie qui permette aux organisations membres de faire valoir leur point de vue auprès des décideurs.

1.9   Le CESE doit être un lieu de débats structurés périodiques avec la société civile européenne concernant l'état d'avancement de cette communauté européenne de l'énergie.

1.10   Le CESE recommande d'évaluer d'ici 2014 les progrès réalisés à l'aide de l'article 194 du TFUE et d'examiner alors si des changements s'imposent à l'aune des propositions contenues dans cet avis.

2.   La politique énergétique de l'UE: défis, progrès et limites

2.1   La situation énergétique de l'UE se caractérise par un déséquilibre croissant entre production et consommation domestiques, et une dépendance forte et persistante aux sources carbonées d'énergie. Ainsi l'Union européenne est confrontée à trois défis majeurs simultanés, a priori difficilement conciliables:

la lutte contre le changement climatique et la transition vers une société à faible intensité carbonique;

l'intégration et un marché intérieur de l'énergie efficace et des prix de l'énergie abordables, et

la sécurité de ses approvisionnements.

2.2   L'objectif de créer un marché intérieur de l'électricité et du gaz date de 1996 (premier paquet libéralisation) mais 15 ans plus tard le marché intérieur de l'énergie reste pour l'essentiel une coquille vide: seule 10 % de l'électricité transite d'un pays à l'autre, les consommateurs ne peuvent toujours pas choisir un fournisseur établi dans un autre État membre, le développement des renouvelables – amenés à devenir la principale source de production d'électricité – continue à être basé sur des mécanismes de soutien nationaux, la planification des réseaux reste en grande partie une compétence nationale (ACER étant en charge des seules capacités transfrontalières, alors qu'un véritable marché intégré nécessite d'agir également en commun sur les réseaux nationaux), l'UE ne parle toujours pas d'une seule voix avec les pays fournisseurs etc. Les politiques majeures s'appliquant au secteur du gaz et de l'électricité sont toujours essentiellement décidées au niveau national.

2.3   L'ampleur de ces questions et le degré élevé d'interdépendance politique, économique et technique entre les États membres de l'UE rendent nécessaire une action commune qui privilégie l'intérêt collectif de l'UE sur les intérêts perçus comme nationaux

2.4   L'objectif est à présent de finaliser la construction du marché intérieur de l'énergie en 2014. La constitution d'un système énergétique européen répond aux souhaits des Européens. Il ressort d'enquêtes eurobaromètre récentes du Parlement européen (EB Standard «Énergie» 74.3 du 31.1.2011 et EB Spécial 75.1 du 19.4.2011) (i) que les Européens croient en la plus-value européenne et privilégient l'approche communautaire; et (ii) que leurs préoccupations correspondent aux grands défis énoncés ci-dessus, dans l'ordre, la stabilité des prix, les énergies renouvelables et la garantie de l'approvisionnement énergétique. Soixante pourcent des Européens considèrent qu'au regard de la sécurité des approvisionnements ils seraient mieux protégés par des mesures coordonnées avec les autres pays de l'UE. Enfin, les Européens sont 78 % à marquer leur accord avec la proposition de communauté européenne de l'énergie.

2.5   Le CESE considère qu'en répondant efficacement à ces préoccupations fortes des citoyens, l'UE serait en mesure de relégitimer son action. La création par étapes d'une CEE est le meilleur moyen d'atténuer pour les Européens les conséquences économiques et sociales des défis énergétiques. L'interdépendance énergétique de fait entre États membres fait peser un risque majeur sur la cohésion de l'UE si elle n'est pas assortie de dispositifs de gouvernance démocratiques permettant de prendre des décisions communes en faveur du bien commun.

3.   Vers une communauté européenne de l’énergie (CEE)

3.1   Dans ce contexte, Jacques Delors a avancé l'idée de créer une véritable «communauté européenne de l'énergie» (CEE), projet qui a reçu le soutien de Jerzy Buzek. Le CESE considère que ce projet politique, qui a fait l'objet d'un rapport détaillé élaboré par le laboratoire de pensée Notre Europe (voir: http://www.notre-europe.eu/uploads/tx_publication/Etud_Energie_fr.pdf), pourrait répondre aux défis tout en relégitimant et en relançant la construction européenne.

3.2   Plusieurs options sont proposées allant du statu quo (article 194 du TFUE) à la conclusion d'un nouveau traité européen de l'énergie.

3.3   Des étapes intermédiaires sont aussi proposées, notamment:

une coopération renforcée autour de réseaux énergétiques régionaux européens;

un fonds commun de l'énergie pour le développement de nouvelles technologies;

la création d'un groupement européen d'achat de gaz.

3.4   Le CESE, qui a déjà adopté des avis avançant l’idée d’un service européen commun de l’énergie (1), estime qu'il convient de capitaliser sur la dynamique lancée par le rapport du think tank Notre Europe et d'aller plus loin en associant la société civile au débat, ainsi qu'en mettant en œuvre des mesures pour atteindre les objectifs d'intégration et de coopération.

4.   L'Union européenne progresse vers une politique énergétique plus intégrée

4.1   Le CESE note avec satisfaction les initiatives de la Commission européenne en vue de répondre aux défis énergétiques, notamment ses récentes propositions en matière de prévention des crises, de réseaux et d'infrastructures et de sécurisation des approvisionnements auprès de pays tiers. Ces propositions contribuent à une solidarité, une coopération et une efficacité accrues et convergent vers une vision commune.

4.2   Le CESE accueille favorablement la récente proposition de règlement concernant des orientations pour les infrastructures énergétiques transeuropéennes (COM(2011) 658 final) qui découle du schéma directeur pour un réseau énergétique européen intégré proposé en 2010 (COM(2010) 677 final). Il prendra position dans un avis séparé (avis TEN/470).

4.3   Le CESE soutient les initiatives de la Commission en vue de conférer à la politique énergétique de l'UE une dimension extérieure intégrée et cohérente, apte à favoriser la sécurisation des approvisionnements en provenance de pays tiers (COM(2011) 539 final). Le CESE appuie tout renforcement de la position de l'UE vis-à-vis de ses partenaires extérieurs de l'UE. Il examine cette question dans son avis TEN/464.

4.4   Le CESE soutient le mécanisme d'échange d'informations sur les accords intergouvernementaux conclus entre les États membres et des pays tiers dans le domaine de l'énergie (COM(2011) 540 final). Cette proposition de la Commission européenne est importante pour affirmer la primauté de l'intérêt collectif européen sur les intérêts nationaux (avis TEN/464).

5.   Une dynamique plus ambitieuse et participative est nécessaire pour faire face aux défis de demain

5.1   En dépit de ces avancées notables, le CESE estime qu'il faut aller plus loin dans la gouvernance en commun des questions énergétiques, en particulier au regard de l'objectif d'un système énergétique à faible intensité carbonique d'ici 2050.

Vers un marché de l'énergie intégré au niveau européen

5.2   Il convient que la législation européenne en matière d'énergie promeuve davantage une approche commune s'agissant de la production d'énergie. Cela vaut en particulier pour les énergies renouvelables assorties d'objectifs nationaux. Il importe de privilégier les investissements les plus rentables au regard de leurs coûts et de leur bénéfice de production sur le territoire de l'UE. Une solidarité accrue est également nécessaire en cas d'épisodes de faible production au niveau européen. Cela peut nécessiter d'adapter la législation européenne.

5.3   Le CESE rappelle par conséquent l'importance de planifier en commun les réseaux et de les interconnecter afin de débloquer les congestions, notamment aux frontières. La Commission européenne devrait à cet égard jouer un rôle moteur. Il faut également donner aux opérateurs privés une visibilité à long terme quant au retour sur investissement. Dans ce contexte, des partenariats public-privé pourraient être envisagés.

5.4   Bien que le choix du bouquet énergétique soit une compétence nationale, les États membres doivent faire preuve de responsabilité dans leurs décisions en matière de production d'énergie. Les décisions prises unilatéralement par certains États membres, telles que celles résultant de l'accident de Fukushima qui ont rendu plus difficile l'équilibre entre demande et production d'énergie au niveau régional, se doivent d'être désormais concertées à l'échelle de l'UE, compte tenu du fort degré d'interdépendance. La montée en puissance des énergies renouvelables nécessitera à terme de garantir, en commun, une réserve de production d'énergie tampon suffisante en cas de faible production à partir de sources renouvelables.

5.5   L'absence de coordination nuit à la fiabilité de l'approvisionnement énergétique des États membres, réduisant à néant les efforts entrepris en parallèle pour renforcer les interconnexions et la solidarité dans l'UE. Dans le même temps, le renoncement à l'énergie nucléaire – une source d'énergie à faible intensité carbonique – à court terme ne doit pas se faire au profit d'un recours massif à des sources d'énergie polluantes, ce qui irait à l'encontre de l'objectif de l'UE. Il doit se faire dans la plus grande transparence et en concertation avec les représentants de la société civile organisée.

5.6   Le CESE estime que, vu l'interdépendance énergétique entre les États membres, la perspective de l'indépendance énergétique ne peut être qu'européenne, et non pas nationale.

5.7   Le CESE propose de réfléchir à la mise en place d'approches communes entre des sous-groupes d'États membres ou d'opérateurs sur la base de leurs bouquets énergétiques respectifs et de leurs pratiques d'échanges d'énergie transfrontaliers. Cette coordination régionale assurerait une plus grande cohérence entre les choix énergétiques des États membres concernés et une sécurité accrue de leurs approvisionnements. Ces groupes pourraient par ailleurs tirer un meilleur parti des ressources énergétiques de chacun tant pour ce qui est des énergies renouvelables que de la production d'électricité de base à partir d'autres sources d'énergie.

5.8   Le CESE propose que ces groupes soient responsables du choix de leur bouquet énergétique ainsi que de leur réseau d'infrastructures. Des communautés énergétiques régionales cohérentes et interconnectées pourraient être ainsi mises en place. Elles présenteraient l'avantage d'instaurer entre ces États membres des conditions de marché similaires (prix de l'énergie, subventions aux énergies renouvelables, relations avec les clients etc.).

5.9   L'une des politiques harmonisées avec succès dans certaines régions d'Europe démontre bien que l'harmonisation des politiques agit clairement sur l'intégration des marchés: il s'agit du couplage des marchés pour l'allocation des capacités de transmission. Le couplage par les prix entre différents pays permet de créer une zone d’échange unique – et par conséquent des zones de prix uniques – quand les capacités d’interconnexion ne limitent pas les échanges transfrontaliers. Il participe à la création du marché européen unique de l’électricité. Nord Pool Spot a mis en place un «price splitting» en 1993, et en 2006 un couplage par les prix a pour la première fois été appliqué entre la France, la Belgique et les Pays Bas. Au fur et à mesure, ces conditions de marché ont vocation à offrir aux consommateurs un éventail de choix transeuropéens.

5.10   Le CESE attire l'attention sur les opportunités économiques que ces groupes macrorégionaux peuvent présenter pour les États membres, en raison notamment des économies d'échelle et du développement industriel lié aux sources d'énergie renouvelable.

5.11   Le CESE rappelle qu'il est favorable à un bouquet énergétique diversifié et durable. Les choix nationaux doivent être conformes à la législation et aux objectifs de l'UE. Le CESE insiste pour que ces choix n'aient pas de conséquences négatives disproportionnées sur l'économie, l'environnement ou la société. Dans cet esprit, l'UE devrait se saisir des nouvelles sources d'énergie, par exemple le gaz de schiste, après une large consultation dans la transparence des représentants de la société civile organisée, afin de prévenir le risque de divergence des approches nationales.

Promouvoir la compétitivité de l'UE: mutualiser et accroître les ressources financières

5.12   Les efforts conjoints de recherche entre les États membres et les opérateurs devraient être encouragés et les réseaux et communautés de recherche appropriés devraient être mis en place, en particulier dans le domaine des énergies renouvelables et des technologies à «faibles émissions», par exemple à travers des plateformes de recherche technologiques.

5.13   Compte tenu des investissements nécessaires considérables et des contraintes budgétaires actuelles, les moyens disponibles doivent être concentrés sur les grands défis. Il importe de renforcer les liens entre les financements nationaux et européens. Cela peut supposer que les États membres orientent leur soutien national à la recherche vers des projets liés aux objectifs européens.

5.14   Il convient d'évaluer si une consolidation des ressources financières disponibles pour les infrastructures et la recherche pourrait accroître l'efficacité des financements. Cela pourrait supposer d'allouer des montants fixes aux projets énergétiques au titre des différents programmes de financement européens et nationaux.

5.15   Si une évaluation en ce sens s'avère positive, l'utilisation d'obligations pour le financement de projets pourrait être un moyen efficace d'accroître les ressources pour promouvoir la recherche et le déploiement des sources d'énergies renouvelables et des infrastructures.

5.16   Il importe de mieux prioriser les prêts octroyés par la BEI au regard des projets d'infrastructures prioritaires de l'UE. Les investissements des groupes macrorégionaux d'États membres devraient être éligibles aux prêts de la BEI.

5.17   Un effort global et coordonné en faveur des énergies renouvelables pourrait aider l'UE à sortir de la crise économique actuelle. La disponibilité d'une énergie abordable est un élément essentiel de la compétitivité économique. Les retombées positives seraient nombreuses: créations d'emplois, savoir-faire, ré-industrialisation de l'UE etc. Des projets tels que le Supergrid ou le développement et le déploiement des réseaux intelligents pourraient se prêter à une coopération industrielle et d'innovation renforcée à l'échelle de l'UE.

Une politique énergétique pour tous

5.18   L'accès universel à l'énergie doit figurer parmi les objectifs de la politique énergétique commune de l'UE, au-delà de la seule intégration du marché.

5.19   Un prix de l'énergie juste et transparent permet aux entreprises de croître et d'investir. Des prix de l'énergie accessibles passent par des choix efficaces, un marché intérieur de l'énergie intégré et transparent et des pouvoirs de contrôle accrus conférés aux régulateurs nationaux et européens.

5.20   La législation européenne octroie des droits aux consommateurs mais ces derniers les connaissent mal et en bénéficient peu. Le CESE préconise que les autorités compétentes ou les distributeurs d'énergie informent systématiquement les consommateurs finaux de leurs droits. Il demande que des rapports réguliers sur l'application des droits des consommateurs soient publiés au niveau national. Le cas échéant, des mesures supplémentaires pourraient être prises pour assurer l'application des droits des consommateurs.

5.21   L’hiver 2010/2011, la pauvreté énergétique a concerné entre 50 et 125 millions d'Européens (en fonction de la définition utilisée). Cette précarité affecte les plus démunis et les plus mal logés, qui occupent souvent des logements mal isolés et ne peuvent même pas payer les tarifs sociaux mis en place dans les États membres. À côté d’un effort européen, nécessaire, en matière d’efficacité énergétique et de réduction de la demande, le CESE suggère une réflexion nouvelle sur le renforcement des mécanismes de solidarité à l’échelle des 27 pour lutter contre la précarité énergétique, à commencer par une définition commune (2).

5.22   Un «pacte européen de solidarité énergétique» pourrait ainsi consacrer la dimension stratégique et vitale de l’énergie (accessibilité, tarifs et prix abordables, régularité, fiabilité, provenance). Ce bouclier social énergétique européen traduirait la proximité de l'Europe avec les préoccupations des citoyens. Il ferait partie intégrante des efforts en vue d'une plus forte harmonisation sociale, qui est souhaitable pour renforcer et redonner du sens au projet européen. Il devra se traduire par des mesures concrètes au niveau adéquat.

Renforcer la dimension extérieure de la politique énergétique de l'Union européenne

5.23   Le CESE approuve la proposition du think tank Notre Europe concernant la création d'un groupement européen d'achat de gaz si les États et entreprises participants peuvent bénéficier d'un pouvoir de négociation accru, mieux sécuriser leurs approvisionnements et réduire la volatilité des prix, dans le respect des règles de la concurrence. Une étape ultérieure pourrait être la création d'une structure commune d'approvisionnement en gaz, et éventuellement en autres énergies fossiles.

5.24   Dans les cas ayant une incidence sur plusieurs États membres, le Conseil devrait confier à la Commission européenne un mandat l'autorisant à négocier, au nom de l'UE, des accords de fourniture d'énergie avec des États tiers. Le CESE note avec satisfaction la décision du Conseil de confier à la Commission européenne le soin de négocier au nom des États membres des accords avec l'Azerbaïdjan et le Turkménistan en vue de la fourniture de gaz via le Trans-Caspian Pipeline. En pareilles circonstances, le CESE appelle le Conseil et la Commission à généraliser cette pratique.

5.25   Le CESE recommande un suivi plus étroit par la Commission européenne de l'ensemble des accords nationaux d'approvisionnement énergétique conclus avec des États tiers. La Commission européenne devrait être en mesure d'approuver ces accords en fonction de leurs répercussions, positives ou négatives sur l'ensemble de l'UE (avis TEN/464).

5.26   Le CESE recommande une démarche de développement et de partenariat avec les pays Euromed et les voisins orientaux de l'UE, qui permette de diversifier et de sécuriser les approvisionnements énergétiques de l'UE (notamment en énergies renouvelables à travers Desertec, Mediterranean Ring, Mediterranean Solar Plan, Medgrid), et d'aider ses partenaires à exploiter leur potentiel. L'UE pourrait apporter une aide technique, ainsi que de l'expertise et des savoir-faire en matière de formation et de conduite de projets (avis REX/329).

5.27   Le CESE estime que la CEE et les dispositifs intermédiaires devront être dotés d'une dimension extérieure forte visant à favoriser l'accès à l'énergie des pays en développement. Ces pays doivent être aidés pour produire l’énergie dont ils ont besoin mais ils doivent aussi être en mesure de l’exporter vers l’Europe pour financer leurs investissements.

5.28   Le CESE prend acte des conclusions du Conseil «Transports, télécommunications et énergie» du 24 novembre 2011 en faveur d'un renforcement de la dimension extérieure de la politique énergétique. Il prend également acte des priorités du Conseil et persévère dans sa demande d'une meilleure intégration des politiques énergétiques, au minimum des concertations systématiques en amont des décisions. S'agissant de la méthode, il préconise, dans tous les cas où cela présente une valeur ajoutée, une approche communautaire en lien étroit avec les États membres.

Association de la société civile

5.29   Vu l'importance des enjeux environnementaux, les montants des investissements à réaliser, les répercussions sociales des décisions politiques, les conséquences sur les modes de vie et le nécessaire soutien de l'opinion, il est indispensable que les citoyens soient associés au débat sur les questions énergétiques. Les Européens ont droit à une information claire et transparente sur les choix énergétiques effectués aux niveaux européen, national et régional (3). Les CES nationaux ont à cet égard un rôle important à jouer. Des campagnes d'information et de consultation sur les grands enjeux énergétiques de l'Europe s'imposent. L’accent doit également être mis sur l’efficacité énergétique.

5.30   Les citoyens devraient aussi être en mesure de faire valoir régulièrement leur point de vue sur les grands choix politiques. Des consultations pourraient être organisées au niveau approprié. Le CESE mène depuis de nombreuses années ces consultations au niveau de l'UE (notamment sur l'énergie nucléaire, la capture et le stockage du CO2 – CSC). Les autorités nationales, régionales et locales sont invitées à organiser une large consultation de la société civile.

5.31   Le CESE propose de créer un forum européen de la société civile chargé de suivre les questions d'énergie. Ce forum travaillerait étroitement avec les institutions de l'UE et se réunirait régulièrement pour contribuer à un programme pluriannuel d'intégration du marché de l'énergie. Il pourrait réunir des organisations européennes et nationales actives dans le domaine de l'énergie. Ce forum pourrait être consulté sur la conception du réseau énergétique de l'UE, la transition vers un système énergétique à faible intensité carbonique d'ici 2050 et les questions économiques et sociales qui en découlent. Ses membres devraient également bénéficier d'une information adéquate qu'ils pourraient répercuter auprès des organisations similaires dans les États membres.

5.32   L'acceptation par l'opinion publique des choix énergétiques constitue un défi supplémentaire (nucléaire, CSC, parcs éoliens, lignes à haute tension etc.). Participation et responsabilité vont de pair. Le CESE, qui préside notamment le groupe de travail «Transparence» du Forum européen de l'énergie nucléaire (ENEF), pourrait contribuer à l'information transparente des citoyens et à l'échange avec eux via son site internet (diffusion des bonnes pratiques, suivi des initiatives et des projets de coopération, développements du secteur, recueil des points de vue de la société civile en vue des débats du forum de la société civile sur l'énergie et diffusion auprès des décideurs). Le CESE invite la Commission européenne et les États membres à fournir aux citoyens une information pertinente par des canaux neutres et objectifs. Le rôle des organisations de la société civile et les forums de consultation sont à cet égard essentiels.

Envisager les évolutions institutionnelles possibles à plus long terme

5.33   La mise en place de la communauté européenne de l'énergie reste l'objectif final. Toutefois, étant donné qu'il pourrait être difficile que les 27 États membres s'orientent simultanément dans la même direction, des coopérations plus poussées entre États membres, notamment au niveau régional, pourraient permettre d'avancer plus vite. Cela étant, ces actions ne devraient pas être en contradiction avec la législation ou les autres mesures de l'UE, et ce grâce à une consultation permanente et l'association des institutions de l'UE. Si nécessaire, des mécanismes plus formalisés pourraient être mis en place.

5.34   Le CESE recommande d'évaluer d'ici 2014 les progrès réalisés à l'aide de l'article 194 du TFUE et d'examiner alors si des changements s'imposent, à l'aune des propositions les plus ambitieuses de ce document. Un éventuel nouveau cadre institutionnel pourrait s'inspirer du traité CECA. Il devrait être possible d'intégrer tout nouveau dispositif institutionnel, ainsi que son acquis, à la structure de l'UE si les États membres le décident.

Bruxelles, le 18 janvier 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO C 175 du 28.7.2009, pp. 43-49.

JO C 306 du 16.12.2009, pp. 51-55.

(2)  Avis du CESE sur «La précarité énergétique dans le contexte de la libéralisation et de la crise économique», JO C 44 du 11.2.2011, pp. 53-56.

(3)  Voir par exemple en France pour l’énergie nucléaire: l’ANCCLI, Association nationale des comités et des commissions locales d'information, instaurée par décret en Conseil d’État.


6.3.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 68/21


Avis du Comité économique et social européen sur «Le rôle de l'Union européenne dans la consolidation de la paix dans les relations extérieures: meilleures pratiques et perspectives»

2012/C 68/04

Rapporteure: Mme MORRICE

Lors de sa session plénière des 19 et 20 janvier 2011, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son Règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur:

«Le rôle de l'Union européenne dans la consolidation de la paix dans les relations extérieures: meilleures pratiques et perspectives».

La section spécialisée «Relations extérieures», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 15 décembre 2011.

Lors de sa 477e session plénière des 18 et 19 janvier 2012 (séance du 19 janvier 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 190 voix pour, 1 voix contre et 3 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   La consolidation de la paix est inscrite dans les gènes de l'Union européenne. Sa création elle-même, son élargissement et sa survie en temps de crise témoignent de ses capacités en la matière. En tant que communauté de nations défendant la démocratie, les droits humains, l'égalité et la tolérance, l'UE a l'obligation morale de soutenir la consolidation de la paix partout dans le monde, et un traité lui en donne désormais le mandat. En tant que première pourvoyeuse mondiale d'aides, forte d'années d'expérience dans des zones de conflit et dotée d'un large éventail d'instruments, c'est elle qui devrait indiquer la voie à suivre dans le cadre des efforts de consolidation de la paix sur la scène internationale. Pourtant, elle ne parvient pas à tirer parti du potentiel dont elle dispose dans ce domaine et les retombées de son soutien en faveur de changements positifs ne sont pas à la hauteur de ce qu'elles devraient et pourraient être. En dépit des efforts pour améliorer la cohérence grâce à la création du Service européen d'action extérieure (SEAE), une «approche unique» et intégrée «pour l'ensemble de l'UE» doit encore voir le jour. Sans une stratégie de consolidation de la paix clairement définie, sans un partage accru des expériences entre toutes les actions de l'UE en la matière et en l'absence d'une véritable coopération entre les États membres, les donateurs internationaux, les ONG et les organisations de la société civile qui construisent la paix sur le terrain, la capacité de l'UE à changer la situation de manière tangible et durable dans les régions les plus troublées de la planète ne sera pas pleinement exploitée. Le défi est immense, mais la récompense plus grande encore. Une Europe pacifique s'épanouira davantage dans un monde en paix.

1.2   Sur la base de ces conclusions, le CESE formule les recommandations suivantes.

En ce qui concerne la stratégie et la politique

1.2.1   Le SEAE devrait élaborer une stratégie de consolidation de la paix qui associe les actions civiles, militaires, diplomatiques, politiques, les opérations de réaction rapide, l'action humanitaire, l'aide au développement à long terme, l'aide à court terme, le changement climatique, les politiques commerciales et d'investissement et toutes les actions de l'UE qui ont une incidence sur les zones fragiles.

1.2.2   Il devrait créer un groupe de travail, regroupant des représentants du Parlement, de la Commission, du CdR, du CESE, de la BEI et des ONG œuvrant en faveur de la consolidation de la paix pour élaborer cette stratégie.

1.2.3   Les politiques et les programmes européens, en particulier ceux portant sur des zones de conflit, devraient pouvoir être soumis à une analyse d'impact tenant compte des situations de conflit pour s'assurer qu'ils sont conformes aux normes et valeurs de l'UE et à même de garantir l'utilisation la plus rationnelle possible de l'aide de l'UE.

En ce qui concerne les questions opérationnelles

1.2.4   Il conviendrait d'établir un code de principes régissant toutes les opérations de l'UE dans des zones de conflit ou exposées à un conflit.

1.2.5   Tous les projets de consolidation de la paix devraient inclure la promotion de la bonne gouvernance et des principes démocratiques (droits humains, liberté de parole, égalité, libertés politiques et syndicales), ainsi que des normes de protection de l'environnement.

1.2.6   Il conviendrait d'établir des critères permettant de suivre les progrès des réformes et il y a lieu de renforcer les systèmes de surveillance afin d'y associer des représentants de la société civile, de veiller à l'équilibre entre hommes et femmes dans les organes de surveillance et de garantir le respect des engagements en faveur des réformes. L'accent devrait être davantage placé sur la prévention des conflits, avec une insistance particulière sur le rôle de l'éducation et des médias, notamment des médias sociaux, dans les zones fragiles, de même qu'il conviendrait d'encourager et de promouvoir activement des mesures visant à promouvoir la réconciliation, notamment le dialogue interculturel et la médiation.

1.2.7   Les engagements de l'UE à l'égard de la société civile organisée dans les zones fragiles devraient être amplifiés par un accroissement du soutien aux organisations qui partagent les valeurs de l'UE de promotion de la tolérance, du pluralisme et des autres actions de consolidation de la paix. Les actions du CESE dans ce domaine devraient être facilitées.

1.2.8   Il importe d'encourager le respect de la résolution 1325 des Nations unies sur la place des femmes dans les matières relatives à la paix, ainsi que d'accorder un soutien accru aux groupes de femmes travaillant sur le terrain et à la promotion de l'égalité des sexes.

1.2.9   Les victimes des conflits, en particulier les enfants, devraient bénéficier d'une attention mieux ciblée, ainsi que d'une reconnaissance et d'un soutien accrus de la part de l'UE.

1.2.10   Il importe d'encourager, de faciliter et de soutenir les programmes visant à aider les jeunes vulnérables, en particulier les garçons, afin qu'ils puissent jouer un rôle constructif et à part entière dans la société.

1.2.11   Le recrutement et la formation de personnel civil en vue de missions devraient être étendus et améliorés et la priorité des missions devrait passer d'une gestion militaire des crises à une gestion civile.

1.2.12   Il y a lieu d'établir une base de données des experts en consolidation de la paix et des candidats à des missions civiles issus du monde judiciaire, des barreaux, de la police, des ONG œuvrant pour la paix, ainsi que des médiateurs, des administrateurs et des responsables politiques expérimentés en la matière.

En ce qui concerne les meilleures pratiques et les échanges d'expérience

1.2.13   Un partage des principaux enseignements tirés des expériences devrait avoir lieu entre les institutions européennes, les États membres et les organisations internationales. Ce partage serait facilité par un recueil des meilleures pratiques en matière de consolidation de la paix et par des recherches complémentaires sur l'utilisation du kit d'outils pour la résolution des conflits du CESE (1).

1.2.14   Il y a lieu d'accorder une plus grande attention à l'échange d'expériences entre, d'une part, les actions de consolidation de la paix que l'UE mène à l'intérieur de ses frontières, comme son programme PEACE en Irlande du Nord et, d'autre part, ses actions à l'extérieur.

1.2.15   Il conviendrait d'envisager sérieusement la création d'un centre d'excellence/institut européen pour la consolidation de la paix, qui serait étroitement lié aux structures existantes, s'appuierait sur celles-ci et assurerait le suivi des idées et des recommandations des autres institutions et des experts.

1.2.16   Une grande conférence sur la consolidation de la paix devrait être organisée pour réunir toutes les composantes d'une nouvelle stratégie en la matière et pour rassembler toutes les recommandations sur la meilleure manière de partager les connaissances acquises.

2.   Contexte

2.1   Le présent avis est un suivi de l'avis d'initiative sur «Le rôle de l'UE dans le processus de paix en Irlande du Nord», adopté par le CESE en octobre 2008 (2), qui appelle l'UE à placer la consolidation de la paix au cœur de ses orientations stratégiques à venir. Il élargit le champ de la recherche au-delà des frontières de l'UE, passe en revue les outils de consolidation de la paix dont elle dispose, en particulier depuis la création du SEAE, examine dans quelle mesure les expériences ont été échangées et formule des recommandations pour les actions à venir dans ce domaine.

3.   Introduction

3.1   Souvent décrite comme le projet supranational de consolidation de la paix le plus réussi au monde, l'UE peut être considérée comme un modèle pour les autres dans ce domaine. Sa propre expérience, qui a consisté à réunir des ennemis jurés au lendemain de la seconde guerre mondiale, est probablement sa plus grande réussite. Les maintenir ensemble au sein d'une union de nations, en accroître le nombre et étendre leur influence à la planète entière constitue un autre succès extraordinaire de la consolidation de la paix. Conserver cet élan en dépit de la crise financière constituera un autre défi majeur.

3.2   Toutefois, l’UE n'a pas été dotée des moyens adéquats pour assumer le poids de ses obligations morales de modèle ou de chef de file de la consolidation de la paix dans le monde. Dans le cadre de ses opérations dans des zones de conflit, elle met en action tout un éventail d’outils à sa disposition, depuis la gestion de crise en passant par l’aide humanitaire et jusqu’à l’assistance militaire et l’aide au développement. Par contre, son approche a manqué de cohérence, manqué de coordination et manqué d'un lien crédible avec la société civile sur le terrain

3.3   Avec l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, l'UE dispose d'un nouveau mandat en matière de consolidation de la paix (article 21), d'une nouvelle structure pour le soutenir (le SEAE) et d'un nouveau porte-drapeau (la haute représentante de l'UE, Catherine Ashton) pour l'incarner. Il ne devrait donc plus y avoir aucune raison susceptible d’empêcher l’UE de devenir le chef de file et d’exercer une réelle influence en matière de consolidation de la paix à l’échelle mondiale.

3.4   S'il existait pour l'UE un moment opportun pour jouer un rôle de premier plan dans ce domaine, ce moment est venu. Ses plus proches voisins connaissent une vague de bouleversements politiques, économiques et sociaux. Ils ont besoin d’un soutien vigoureux en ce moment crucial de leur histoire. En lançant une politique de voisinage «nouvelle et ambitieuse», l'UE a montré qu'elle pouvait et voulait montrer l'exemple. Toutefois, dans ce domaine comme en matière de consolidation de la paix à travers le monde, les actes comptent bien davantage que les mots.

3.5   L'UE dispose aujourd'hui d'un «potentiel colossal» pour conjuguer les différentes facettes de son influence en vue d'adopter une approche cohérente et globale de la consolidation de la paix et elle possède les ressources pour y parvenir. Toutefois, le succès dépendra en définitive de la volonté politique des États membres de l'UE, de leur capacité à parler d'une seule voix et de leur désir de soutenir pleinement une stratégie commune ambitieuse en la matière, qui n'apportera pas seulement davantage de crédibilité à l'UE sur la scène internationale, mais servira aussi à promouvoir des changements positifs dans le monde.

4.   Contexte

4.1   L'emploi du terme «consolidation de la paix» est relativement récent dans le vocabulaire de la diplomatie internationale. Il a été défini pour la première fois en 1992 par le Secrétaire général des Nations unies, M. BOUTROS-GHALI comme «l'action menée en vue de définir et d’étayer les structures propres à raffermir la paix afin d’éviter une reprise des hostilités». En 2006, les Nations unies ont mis en place une Commission pour la consolidation de la paix afin de soutenir les efforts de paix dans les pays sortant d'un conflit et, en 2009, l'OCDE a créé un Réseau international sur les conflits et les situations de fragilité (INCAF).

4.2   Dans le contexte européen, la première référence spécifique à la consolidation de la paix dans les relations extérieures de l'UE se trouve dans le programme de Göteborg pour la prévention des conflits violents, adopté en 2001. L'on trouve la plus récente à l'article 21 du traité de Lisbonne, qui reprend comme objectifs fondamentaux de l'action extérieure de l'Union le principe des droits humains et de la démocratie, la prévention des conflits et le maintien de la paix.

4.3   Le traité de Lisbonne définit également un nouveau cadre pour les relations extérieures de l'UE. Le haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité combine des compétences que se partageaient auparavant le Conseil et la Commission européenne. La haute représentante actuelle, Mme Catherine ASHTON, s'appuie sur le SEAE, dont les compétences couvrent les domaines de la diplomatie, du développement et de la défense (les trois «d»), trois secteurs susceptibles de jouer un rôle dans la consolidation de la paix.

4.4   Avec le SEAE et les directions générales concernées au sein de la Commission, l'UE dispose d'un large éventail d'outils qu'elle peut utiliser dans le cadre de la consolidation de la paix. Parmi ceux-ci figurent notamment les éléments suivants.

Les missions civiles et militaires de la PCSD (politique commune de sécurité et de défense), centrées sur la police, l'État de droit, l'administration civile et la protection civile, souvent entravées par le manque de personnel qualifié disponible. La sécurité et la capacité logistique sont considérées comme des conditions préalables à la mise en place d'un environnement stable et sûr pour la consolidation de la paix.

L'Instrument de stabilité est la principale source de financement européen pour l'action en matière de soutien à la consolidation de la paix. Plus de 70 % des crédits disponibles (2 milliards d'euros pour 2007-2013) sont utilisés pour les actions de réaction aux crises afin d'assurer la jonction entre l'aide humanitaire à court terme et l'aide au développement à long terme.

Le Partenariat pour la consolidation de la paix, créé dans le cadre de l'Instrument de stabilité, vise à améliorer la communication avec les principaux partenaires dans le cadre d'une réaction en cas de crise. Il favorise la collaboration avec les organisations de la société civile, contribue à diffuser les meilleures pratiques et favorise l'accès à une assistance logistique et technique.

4.5   De nombreux autres instruments de l'UE, qui ne sont pas spécifiques à la consolidation de la paix, peuvent être sollicités pour y concourir. Il s'agit notamment de l'aide humanitaire (via ECHO), de l'Instrument européen pour la démocratie et les droits de l'homme, de l'aide au développement par le biais du Fonds européen de développement (pour les pays ACP et les pays et territoires d'outre-mer) et de l'Instrument de coopération au développement (pour l'Amérique latine, l'Asie, la région du Golfe et l'Afrique du Sud).

4.6   Certaines politiques de l’UE, comme la politique commerciale, les investissements de la BEI, les politiques de l'environnement, de l’énergie ou de l’agriculture, peuvent également être utilisées dans ce contexte. La politique d'élargissement de l'UE possède également une dimension qui touche à la consolidation de la paix, dans la mesure où elle impose aux pays candidats le respect des valeurs fondamentales de l'UE (3). La politique européenne de voisinage (PEV), qui couvre 16 des plus proches voisins de l'Union européenne, a été «revitalisée» suite au «printemps arabe» afin d'intégrer un volet relatif à la consolidation de la paix de manière à contribuer à l'établissement d'«une démocratie solide et durable». De même, le nouveau «programme pour le changement» de l'UE propose de renforcer le rôle de celle-ci en matière de consolidation de la paix par différents moyens.

4.7   Si la majorité des activités de consolidation de la paix de l'UE ont été déployées dans le cadre de sa politique extérieure, l'Union a également mené une initiative de paix unique en son genre à l'intérieur de ses propres frontières. Ainsi, son programme d'aide spéciale en faveur de la paix et de la réconciliation en Irlande du Nord et dans les comtés limitrophes d'Irlande a vu le jour en 1996 et se trouve actuellement dans son troisième cycle de financement (4).

5.   Consolidation de la paix – Les défis

5.1   Recherche d'une définition et d'une stratégie

5.1.1   Bien que la consolidation de la paix soit aujourd'hui largement acceptée comme une approche nouvelle et positive des interventions dans les zones de conflit, le terme n'a pas de définition précise. Certains considèrent que cette notion s'applique uniquement à des situations consécutives à un conflit nécessitant une stabilisation et une reconstruction. D'autres estiment qu'elle a vocation à combler les lacunes entre les politiques de défense et de développement. D'autres encore la décrivent comme un «processus catalytique déployé dans un continuum allant de la prévention de conflit à la stabilisation après-conflit en passant par la gestion de crise, le rétablissement et le maintien de la paix».

5.1.2   Si l'on analyse les diverses notions, il apparaît que le concept de «maintien de la paix» relève de la sécurité et de la défense et que le «rétablissement de la paix» concerne l'usage de la diplomatie en vue de parvenir à un accord politique, tandis que la «consolidation de la paix» englobe les deux et davantage. Idéalement, il s'agit d'une action entamée avant l'arrivée des acteurs du maintien de la paix ou du rétablissement de la paix et qui, si elle porte ses fruits et s'inscrit dans la durée, peut rendre inutile le recours à ces deux types d'acteurs. Associant toutes les parties, couvrant tous les aspects, foncièrement consultative et inscrite dans le long terme, l'on pourrait décrire la consolidation de la paix comme un processus ouvert, qui sert à réconcilier en ouvrant les portes et les esprits.

5.2   La nécessité de conjuguer les efforts en matière de réflexion

5.2.1   Quelle qu'en soit la définition, les experts s'accordent pour dire que la consolidation de la paix est «un processus extrêmement complexe, qui suppose l'implication d'un large éventail d'acteurs de l'intervention militaire et civile, des milieux diplomatiques, ainsi qu'un soutien financier et technique à court ou à long terme aux niveaux local, national et international.» Le grand défi est de trouver une manière de garantir «la cohérence, la coordination et la complémentarité» entre les nombreuses politiques et les nombreux acteurs et instruments qui, tant au sein de l'UE qu'à l'extérieur, déploient leurs activités dans le même domaine. La principale difficulté est que les priorités des différents États membres et des divers contributeurs extérieurs divergent et que des tensions peuvent survenir quand les besoins et les intérêts de chacun prennent des directions différentes.

5.2.2   Au sein de l'UE, la complexité des structures présentes dans ses diverses institutions et directions fait de la coordination pratique entre les différents responsables un autre défi considérable. De même, il est important d'assurer la cohérence entre les politiques destinées à des zones fragiles, telles que la politique d'aide au développement, et celles qui ont une incidence majeure sur celles-ci, en particulier les politiques relatives au commerce, aux investissements, au changement climatique et à l'énergie. La création du SEAE est considérée comme une véritable occasion de «faire le lien» entre les politiques et les pratiques au sein des institutions de l'UE et entre l'Union, ses États membres et les autres grands contributeurs, comme les Nations unies, les États-Unis, la Chine, ainsi que les autres acteurs.

5.2.3   Si le « Saint Graal d'une approche globale» demeure hors de portée, des efforts sont déployés pour exploiter de façon plus cohérente la gamme des instruments européens. Un exemple récent en est l'approbation par le Conseil des affaires étrangères de juin 2011 d'une approche globale de la question du Soudan et du Sud-Soudan allant du dialogue politique à l'aide au développement et à la coopération commerciale, en passant par le renforcement des capacités civiles. Le récent «programme pour le changement» de l'UE qui redéfinit les priorités de sa politique de développement constitue un autre exemple d’une nouvelle approche en matière de consolidation de la paix. Les propositions mettent notamment l’accent sur les droits de l’homme, la démocratie, l’égalité, la bonne gouvernance et les liens avec la société civile. D'aucuns pensent que c'est une nouvelle conception valable tandis que d'autres estiment qu'elle ne va pas assez loin.

5.3   Un rôle accru pour la société civile en matière de transformation des conflits

5.3.1   Le processus de transformation des conflits nécessite quelques changements fondamentaux des attitudes et des comportements. L’inclusion, la participation et le dialogue sont des armes contre la peur, la haine, l’intolérance et l’injustice et constituent les fondements d’un environnement propice à la prévention des conflits et à la consolidation de la paix. Ce travail doit être mené sur le terrain et dans la rue, là où la consolidation de la paix compte le plus. À ce niveau, la participation des organisations de la société civile qui partagent les valeurs de l’UE en matière d’égalité, de droits de l’homme, d’inclusion et de tolérance, ne peut plus être laissée au hasard, et le soutien à ceux qui sont vulnérables, courent un danger ou, simplement, ne parviennent pas à se faire entendre, doit être la priorité.

5.3.2   Il est largement admis que les organisations de la société civile ont un rôle crucial à jouer pour assurer l'efficacité et la pérennité de toute stratégie de consolidation de la paix. La coopération et la concertation avec les «acteurs locaux non étatiques» ne sont pas seulement utiles pour améliorer la compréhension par les Européens d'une situation de conflit du point de vue de la base mais renforcent également l'«appropriation» du processus de consolidation de la paix sur le terrain. Elles contribuent en outre à promouvoir une consolidation de la paix tenant davantage compte des conflits et constituent un renforcement positif pour leurs efforts en la matière.

5.3.3   Jusqu'à présent, dans les initiatives de consolidation de la paix, les priorités ont eu tendance, tant au niveau politique d'opérationnel, à négliger les groupes dont l'influence est capitale pour le processus. Les femmes qui souvent maintiennent le tissu social pendant un conflit, sont rarement représentées au niveau de la prise de décision L’attitude des commerçants locaux qui s’emploient à «revenir aux affaires» dans les zones de conflit est une manifestation importante de résistance, qui doit être soutenue. L’activité syndicale, telle que les manifestations de solidarité et en faveur de la paix souvent observées par le passé dans des rues qui sont aujourd'hui sur le territoire de l’UE, est une autre ressource efficace pour la consolidation de la paix. Il convient d’aider les jeunes à canaliser leurs énergies d’une manière constructive et d’accorder une attention experte et ciblée aux groupes vulnérables, en particulier aux victimes.

5.3.3.1   L'on reconnaît toujours davantage que la prévention des conflits et la réconciliation entre des groupes divisés méritent de faire l'objet d'une attention accrue lorsque l'on s'efforce de consolider la paix. À cet égard, l'éducation revêt un rôle d'une importance cruciale, en enseignant aux jeunes non seulement à accepter, mais également à respecter la différence. Il convient de prendre en compte les médias, qui sont eux aussi des acteurs importants, notamment les médias sociaux, en raison du rôle qu'ils peuvent jouer en faveur de changements positifs. La promotion de stratégies spécifiques pour rassembler les différents groupes, telles que le dialogue et la médiation interculturels, constitue également un autre aspect important de cette action.

5.3.4   Le «dialogue structuré» entre l’UE et les organisations de la société civile dans les zones de conflit peut engendrer des relations durables et favoriser la compréhension sur le terrain. En raison de ces liens étroits avec la société civile organisée, le CESE est bien placé pour jouer un rôle accru dans l’engagement de l’UE auprès des associations de terrain dans ces régions. Il collabore déjà avec des entreprises, des syndicats et d’autres organisations dans des zones telles que la Chine, le Tibet, le Liban, l'Afrique du Nord et les ACP et est disposé à accroître ce partage d’expérience pour «soutenir et renforcer» les efforts des organisations de la société civile et la coopération avec l'UE dans le cadre de projets de consolidation de la paix.

5.4   Reconnaissance accrue de la valeur des échanges d’expérience

5.4.1   Formant une communauté de 27 nations unies pour le bien commun, l'UE se trouve dans une position qui lui permet de partager sa propre expérience originale avec d’autres. Depuis le processus de prise de décision jusqu’à la stratégie d'élargissement, l’UE offre des exemples d’une pratique qui pourrait être reproduite par des associations régionales dans d’autres parties du monde. L’Union africaine est l’une de ces organisations qui s’inspire de l’approche de l’UE et d’autres souhaitent en faire autant. Il existe d'autres exemples concluants de régions et de pays qui ont réussi à faire changer une situation sans conflit. Cela vaut la peine de les mettre en exergue dans le cadre des politiques et des pratiques de consolidation de la paix.

5.4.2   Depuis sa naissance, l’UE a œuvré pour la consolidation de la paix dans le cadre de ses relations extérieures. C’est pourquoi elle a de nombreuses expériences à partager dans des régions telles que l’Asie du Sud-est, le Moyen-Orient, l’Amérique centrale, les Balkans et l’Afrique sub-saharienne. Certaines de ces actions ont été largement couronnées de succès. D’autres moins. En effet, le bilan de l’UE dans certaines zones de conflits a été sévèrement critiqué. Toutefois, même ces expériences peuvent être instructives si les enseignements en sont diffusés de manière appropriée.

5.4.3   Sous l'angle du «partage d’expériences positives», il y a beaucoup à apprendre. Le processus de paix d’Aceh, la réunification du réseau d'égouts de la ville divisée de Nicosie (5) et le soutien de l’UE pour la paix en Irlande du Nord pourraient être utilisés davantage dans le «kit d'outils pour la résolution des conflits». S’il n’existe pas de panacée en la matière, un certain nombre de principes fondamentaux communs à de nombreuses zones de conflit ne peuvent être ignorés.

5.4.4   Les recherches montrent cependant que ce partage d’expérience n’est pas une pratique bien établie dans le cadre des politiques de l’UE, en particulier lorsque l’expérience touche à la fois aux actions internes et externes. Dans le cas du programme PEACE pour l’Irlande du Nord, on observe l'absence de toute approche systématique de partage des enseignements tirés avec d’autres zones de conflit. Cette apparente absence d’analyse croisée entre cette expérience et l'action extérieure est une occasion manquée et un échec politique majeur au regard du fait que l’UE est reconnue pour avoir aidé à contribué à l’avènement de la paix dans la région, que la task-force Barroso pour l’Irlande du Nord a recommandé un partage d’expérience avec d'autres zones de conflit et qu’un réseau PEACE a précisément été mis sur pied à cette fin.

5.5   Vers la création d’un centre pour la consolidation de la paix

5.5.1   Beaucoup reste à faire donc pour que l'UE puisse faire valoir son expertise en tant que leader mondial en matière de stratégie de consolidation de la paix et faire en sorte d'accroître la portée et l'impact de son action. L'une des propositions en discussion est la création d’un institut européen pour la paix, préconisée par l’ancien président finlandais et par le ministre suédois des affaires étrangères afin d’accroître «la cohérence, la coordination et la complémentarité» des efforts de consolidation de la paix de l’UE. Pour leur part, les leaders nord-irlandais ont proposé un centre d’excellence international voué à la consolidation de la paix en dehors de Belfast, pour lequel ils ont sollicité des crédits du programme européen PEACE. Le Parlement européen s’est également joint aux débats en produisant un document politique intitulé «Blue Print for an Institute for Peace» (Un plan pour la création d'un Institut pour la paix).

5.5.2   La possibilité de créer un nouveau centre/institut lié à d’autres organismes œuvrant dans ce domaine, tels l’EUISS (Institut d’études de sécurité de l’Union européenne) ou l’Agence pour les droits fondamentaux est une question sérieuse qui mérite attention. Si un tel organisme pouvait mettre en valeur l’expertise indépendante, le dialogue, la formation, les études et le partage d’expérience entre les personnes travaillant dans ce domaine, il pourrait s’avérer être un atout précieux pour appuyer le travail du SEAE dans ce domaine crucial de l’action européenne.

5.6   Une occasion à ne pas manquer

5.6.1   Le présent avis est centré sur la question de savoir quelle est la meilleure manière pour l'UE de s'organiser afin de jouer un rôle plus constructif dans ce qui est devenu le plus grand défi du monde d’aujourd’hui: la résolution des conflits. L'absence de définition de la notion de consolidation de la paix et le fait que l’UE n’a pas encore défini une stratégie dans ce domaine signifient que l’on part pratiquement d’une page blanche. C’est une occasion exceptionnelle pour l’UE dans le domaine des relations internationales, qui pourrait ne jamais se représenter.

5.6.2   La création du SEAE doit permettre à l’UE de saisir l'occasion de devenir le chef de file des efforts de consolidation de la paix à l’échelle internationale. Le défi consiste aujourd’hui à élaborer une stratégie distincte de consolidation de la paix qui veille à la cohérence non seulement entre les programmes et les politiques de l’UE, mais aussi entre les valeurs et les intérêts de l’UE et de ses États membres. Cette tâche pourrait s'avérer difficile en l'absence d'une politique étrangère commune énonçant des principes partagés d'intervention ou de non-intervention dans les zones de conflits, mais certains sont d'avis qu'«une approche unique pour l'ensemble de l'UE» représente la seule solution pour garantir que les efforts de consolidation de la paix aient un impact réel sur le terrain.

5.6.3   L'histoire a appris à l’UE la supériorité de la démocratie sur la dictature, l’importance de la justice, de l’égalité et des droits humains, ainsi que les dangers de l’intolérance, de la xénophobie, de la discrimination et des préjugés. Depuis la guerre mondiale jusqu'à la chute du mur de Berlin, l'UE n'a cessé de progresser sur la voie de la consolidation de la paix, en pérennisant ses acquis et en permettant à d’autres de suivre le même chemin. Elle a connu de nombreuses épreuves, dont la moindre n’est pas la crise financière actuelle, mais ses valeurs fondamentales servent de socle à son action à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières. Elle ne doit jamais s’en écarter.

5.6.4   En ces temps de crise interne et d'introspection, l'UE ne doit pas négliger une vision plus vaste ni ses responsabilités à l'échelle de la planète. Elle ne doit pas abandonner les politiques et les engagements extérieurs et doit se forger pour elle-même un rôle distinct qu’aucun autre pays ou groupe de pays n’est en mesure d’égaler. Par son action de consolidation de la paix, l'UE apporte son histoire, son éthique et sa marque de fabrique sans équivalent caractérisée par des interventions à partir de la base, dans un domaine d’action où la réputation, la compréhension, l’expérience, la générosité et la confiance sont les atouts les plus appréciés. En tant que leader mondial de la consolidation de la paix, l’UE doit faire preuve de la confiance, de la conviction et du courage nécessaires pour aller de l’avant.

Bruxelles, le 19 janvier 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Voir l'avis SC/029, «Le rôle de l'UE dans le processus de paix en Irlande du Nord», (rapporteure: Mme MORRICE, 2009), JO C 100 du 30.4.2009, pp. 100-108.

(2)  Ibid.

(3)  Voir paragraphe 2 des conclusions du Conseil relatives à l'élargissement et au processus de stabilisation et d'association, 3132e Conseil «Affaires générales» du 5 décembre 2011: «Le processus d'élargissement continue de renforcer la paix, la démocratie et la stabilité en Europe et permet à l'UE d'être mieux armée pour faire face aux grands problèmes qui se posent dans le monde. Les progrès sur la voie du rapprochement vis-à-vis de l'UE étant un puissant facteur de motivation, la capacité du processus d'élargissement à amener le changement donne lieu à des réformes politiques et économiques profondes dans les pays visés par l'élargissement, ce qui est également bénéfique à l'UE dans son ensemble.»

(4)  Voir l'avis CESE sur le «Projet de note à l'attention des États membres – Orientations pour une initiative dans le cadre du programme d'aide spéciale en faveur de la paix et de la réconciliation en Irlande du Nord et dans les comtés limitrophes de l'Irlande» (SEC(95) 279 final), JO C 236/29 du 11.9.1995, et l'avis CESE sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les contributions financières de l'Union européenne au Fonds international pour l'Irlande (2007-2010)», COM(2010) 12 – 2010/0004 (COD), JO C 18/114 du 19.1.2011.

(5)  Voir l'avis du Comité des régions sur la «Diplomatie des villes» du 12 février 2009 (JO C 120/01 du 28.5.2009).


ANNEXE

Personnes interviewées lors de la préparation de l'avis:

1.

M. Gerrard QUILLE (conseiller politique en matière de politique de sécurité et de défense, département de la politique, direction générale des politiques externes du Parlement européen).

2.

Mme Franziska Katharina BRANTNER (députée européenne) – membre du groupe des Verts/«Alliance libre européenne»; membre de la commission des affaires étrangères; rapporteure sur la proposition de règlement instituant un instrument de stabilité et membre de la délégation pour les relations avec Israël.

3.

M. Marc Van BELLINGHEN, chef de division faisant fonction et M. Andrew BYRNE, administrateur, division «Construction de la paix, prévention des conflits et médiation» de la direction C «Prévention des conflits et politique de sécurité» de l'organe «Questions mondiales et multilatérales» du Service européen pour l'action extérieure.

4.

M. Kyriacos CHARALAMBOUS, gestionnaire de programmes – politiques de l'UE, au sein de l'unité D1 «Coordination des programmes, relations avec les autres institutions et les ONG, simplification, fonds de solidarité» de la DG REGIO, et Mme Tamara PAVLIN, gestionnaire de programmes – politiques de l'UE au sein de l'unité D4 «Irlande, Royaume-Uni» de la DG REGIO.

5.

Mme Catherine WOOLLARD, directrice exécutive du Bureau européen de liaison pour la construction de la paix (EPLO).

6.

Mme Olga BAUS GIBERT, responsable des relations internationales – construction de la paix – planification de la réaction en cas de crise, au sein de l'unité «Opérations de l'instrument de stabilité» du service des instruments de politique étrangère.

7.

M. David O'SULLIVAN, directeur général administratif du Service européen pour l'action extérieure.

8.

M. Joachim KOOPS, professeur, directeur scientifique du programme d'études européennes sur la paix et la sécurité au Vesalius College de Bruxelles, et directeur de l'Institut de gouvernance mondiale.

9.

Mme Danuta HÜBNER (députée européenne) – membre du groupe «Parti populaire européen» – présidente de la commission du développement régional, membre de la commission spéciale sur la crise financière, économique et sociale, membre de la délégation pour les relations avec les États-Unis et membre suppléante de la commission des affaires économiques et monétaires.

10.

M. VAN DEN BRANDE, président de la commission CIVEX du Comité des régions.

11.

Mme Mireia VILLAR FORNER, conseillère politique en chef dans le domaine de la prévention des crises et du relèvement au Programme des Nations unies pour le développement.


III Actes préparatoires

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

477e session plénière des 18 et 19 janvier 2012

6.3.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 68/28


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – Vers un marché unique des droits de propriété intellectuelle – doper la créativité et l'innovation pour permettre à l'Europe de créer de la croissance économique, des emplois de qualité et des produits et services de premier choix»

COM(2011) 287 final

2012/C 68/05

Rapporteur: M. MEYNENT

Le 24 mai 2011, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - Vers un marché unique des droits de propriété intellectuelle - Doper la créativité et l'innovation pour permettre à l'Europe de créer de la croissance économique, des emplois de qualité et des produits et services de premier choix»

COM(2011) 287 final.

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 19 décembre 2011.

Lors de sa 477e session plénière des 18 et 19 janvier 2012 (séance du 18 janvier 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 160 voix pour, 3 voix contre et 7 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Les droits de «propriété intellectuelle» (DPI) doivent persévérer dans leur rôle traditionnel d'impulsion de l'innovation et de la croissance. Le régime de protection que la Commission entend faire évoluer doit conserver cet aspect classique sans dériver entièrement vers une approche purement patrimoniale et financière, bien qu'on ne puisse ignorer que la capitalisation boursière des plus grandes entreprises multinationales est fondée désormais largement sur son «portefeuille» de droits immatériels et de licences dont la valeur doit s’inscrire au bilan, en application des normes comptables IFRS.

1.2   La stratégie exposée par la Commission pour les DPI dans le Marché unique est un élément à la fois essentiel et complémentaire de la Stratégie «Europe 2020», de l'Acte pour le marché unique et de l'Agenda numérique pour l'Europe. Une stratégie dans ce domaine est indispensable compte tenu de la part immatérielle croissante et de la financiarisation de l'économie, mais il convient de ne pas oublier que les actuels développements reposent sur la formation et les compétences de plus en plus importantes des personnes et de leurs connaissances dans la croissance de la nouvelle économie; la dimension humaine et l'intérêt public doivent faire partie intégrante de la stratégie, et le Comité considère que cela ne ressort pas très clairement des propositions et analyses formulées.

1.3   Par ailleurs, la priorité, comme le Comité l'a toujours souligné dans ses précédents avis, doit consister à permettre aux PME de protéger leurs inventions et créations, en même temps que d'accéder au potentiel des connaissances représenté par les dépôts de brevets, et par les stratégies commerciales et publicitaires qui se diversifient dans la société de la connaissance et de l'information.

1.4   Le brevet unitaire européen et la possibilité d'unifier les jurisprudences des tribunaux nationaux à l'échelle du Marché unique sont attendus depuis longtemps par le Comité, qui espère que leur concrétisation va désormais s'effectuer, dans l'intérêt des entreprises et de l'économie européennes, qui sont placées en situation désavantageuse par rapport à la concurrence extérieure. Le Comité attend des initiatives de la Commission qu'elles réduisent sérieusement les coûts de transaction en particulier pour les brevets d'invention.

1.5   La Commission présentera en 2012 une proposition législative sur le recouvrement des droits d'auteur relatifs à la diffusion de la musique en ligne; le Comité insiste sur la consultation des organisations représentatives des droits et intérêts en cause, y compris ceux des usagers et des salariés, au préalable et de manière non formelle; il insiste aussi sur la transparence et le contrôle des organismes de gestion des droits d'auteur et droits voisins qui doivent prévaloir dans le système de recouvrement qui sera proposé. En ce qui concerne la taxe pour copie privée, le Comité estime qu’elle est inéquitable car cette copie fait partie intégrante du fair use. Elle ne devrait en tout état de cause pas s’appliquer pour les disques durs utilisés par les entreprises dans leurs activités industrielles et commerciales.

1.6   Par ailleurs, il ne suffit pas d'envisager de traiter les DPI comme des valeurs mobilières éventuellement négociables dans une bourse européenne spécialisée, car les possibilités d'accès ne seront pas les mêmes pour les PMI-PME européennes et les grands groupes transnationaux, et cela pourrait accélérer la fuite des innovations européennes vers d'autres continents; le Comité attend avec intérêt les propositions concrètes de la Commission à cet égard.

1.7   La future politique harmonisée des DPI doit aussi prendre en considération l'intérêt général et les droits des consommateurs, ainsi que la participation effective de toutes les composantes de la société à la réflexion et au processus d'élaboration d'une stratégie globale et équilibrée en la matière. Il s'agit en effet d'apporter l'innovation et la création ainsi protégées dans le pool commun de connaissances de la société et de les faire contribuer à la promotion de la culture, de l'information, de l'éducation et de la formation, et plus généralement des droits collectifs fondamentaux dans les États membres.

1.8   Un rapprochement des législations nationales concernant la protection des droits immatériels et la répression de la contrefaçon sont nécessaires dans le Marché Unique en vue de faciliter la coopération administrative et douanière et, le cas échéant, policière et judiciaire au niveau des enquêtes et de la répression des atteintes les plus graves aux droits protégés, lorsque les violations sont de nature commerciale et en particulier lorsque la santé et la sécurité des consommateurs sont mises en péril.

1.9   En effet, la contrefaçon à grande échelle et les copies frauduleuses à des fins commerciales sont souvent en relation directe avec le crime organisé, les chances d'être pris et les peines infligées à ce type de banditisme n'étant pas suffisamment dissuasives.

1.10   C'est pourquoi le Comité soutient la stratégie de la Commission, afin de promouvoir des politiques et actions coordonnées et une véritable coopération administrative qui en constituent un pilier essentiel, dans l'intérêt des entreprises aussi bien que dans l'intérêt général.

1.11   Aujourd'hui, des exemples de diffusion on-line payants, développés par exemple par Apple, Amazon, Google ou Deezer, montrent que la valorisation des droits d'auteur ne passe pas par la criminalisation de la jeunesse, pourvu que les prix soient raisonnables, accessibles, les copies illicites privées perdront l'essentiel de leur attraction.

1.12   Les tribunaux civils sont compétents dans la majorité des cas de violation des droits immatériels considérés, mais, outre la lenteur habituelle des procédures, la charge de la preuve pesant sur les PME est souvent excessive, surtout pour des cas de violation hors de leur pays, et il conviendrait d’envisager des procédures spécifiques dans le cadre du marché unique en matière d’enquête, de saisies, de reconnaissance réciproque des actes administratifs et judiciaires, de renversement de charge de la preuve.

1.13   L’indemnisation des plaignants peut aussi s’avérer difficile dans un contexte international et devrait faire l’objet d’une coopération entre les pays concernés pour assurer une indemnisation des titulaires des droits correspondant autant que possible à la réalité du dommage effectif subi, indépendamment des amendes pénales et autres peines qui peuvent être prononcées par les tribunaux.

1.14   Il faut un cadre législatif clair vis-à-vis des «solutions» privées (codes …) et surtout, au lieu de telles initiatives, un contrôle judiciaire et les garanties de procédures et de respect des droits individuels qui doivent s'imposer: droit à l'information, au respect de la vie privée, à la liberté d'expression et de communication, et garanties de la neutralité d'internet.

1.15   En même temps, le principe général de proportionnalité entre les délits et les sanctions devrait être effectivement appliqué; certaines législations nationales très intrusives et répressives envers les copies illicites de produits audiovisuels, faites à faible échelle par des particuliers via internet sans but d'en faire commerce devraient être revues dans cet esprit. Il ne faudrait pas donner l’impression que la législation répond aux pressions de lobbies plutôt qu’à un principe fondamental du droit pénal.

1.16   Le Comité attend également, avec intérêt, de connaître les propositions de la Commission relatives à la rénovation du droit des marques et à son harmonisation et rénovation dans le cadre du Marché unique. En effet, il estime qu'une telle rénovation et une amélioration de la protection sont nécessaires compte tenu de leur place dans la valorisation des sociétés.

2.   Propositions de la Commission

2.1   Lorsque l'on pense à l'immatériel, c'est souvent la recherche, les brevets et plus généralement l'innovation technologique qui viennent à l'esprit dans un premier temps. Or, s'il est vrai que ces éléments sont des atouts déterminants pour la compétitivité, il existe également une autre catégorie d'actifs immatériels: l'ensemble du champ des immatériels liés à l'imaginaire. Cela recouvre une palette d'activités, de concepts et de secteurs, qui englobent la création culturelle et artistique, au sens le plus large, le design, la publicité, les marques, etc. Tous ces éléments ont une caractéristique commune: ils sont fondés sur les notions de création et de créativité.

2.2   Les faits nouveaux que constituaient les ratifications des «traités internet» de l’OMPI (WCT, WPPT) par l’Union et les États membres n’avaient pu être pris en compte dans les propositions de la Commission en 2009. Aujourd'hui, la communication prend en compte cette nouvelle réalité, ainsi que celle de l'Acta (Accord international Anti-contrefaçon).

2.3   On distingue deux formes de propriété immatérielle (ou «intellectuelle»), la propriété industrielle et la propriété littéraire et artistique.

2.4   Les deux grands axes de la protection des inventeurs et créateurs consistent dans les deux formes historiques des brevets pour ce qui est des inventions susceptibles d'applications industrielles, et du droit d'auteur (ou sa version plus restrictive du copyright en commonlaw) pour les publications et autres créations littéraires, audiovisuelles ou artistiques, envisagées très largement.

2.5   Cette communication entend présenter la stratégie globale conçue par la Commission pour créer le véritable marché unique de la «propriété intellectuelle» qui fait actuellement défaut en Europe – pour créer un régime européen des DPI (droits de propriété intellectuelle) qui soit adapté à l'économie de demain, qui récompense les efforts d’innovation et de créativité, qui génère les incitations requises pour favoriser l’innovation au sein de l’UE et qui permette l’épanouissement de la diversité culturelle grâce à de nouveaux marchés du contenu ouverts et concurrentiels.

2.6   Il s’agit d’un ensemble de propositions, certaines reprenant des politiques engagées depuis longtemps, mais qui devraient être harmonisées et adaptées, et des propositions nouvelles en faveur de l'incorporation et de l'intégration des DPI dans le Marché unique européen.

2.7   Certaines propositions ne sont pas concrètement formulées, et il faut attendre les mois à venir pour disposer de propositions concrètes sur la forme d'organisation d'un marché européen des DPI et sur la révision dans le sens de l'harmonisation de la protection des marques. La Commission présentera en 2012 des propositions sur la gestion des droits relatifs à la musique en ligne.

2.8   Les autres propositions sont déjà avancées depuis longtemps, comme le brevet unitaire, qui semble approcher de sa finalisation, après trois décennies d'efforts, ou l'harmonisation des législations et des mesures concrètes de lutte contre la contrefaçon et le piratage des produits, ou le parasitisme des marques; mais ces propositions se trouvent désormais formulées dans un cadre harmonisé et cohérent afin de concourir avec d'autres à l'efficacité de la stratégie proposée.

3.   Considérations générales du Comité

3.1   Pour le Comité, un régime européen des DPI à la fois moderne et intégré apporterait une contribution majeure à la croissance, à la création d’emplois durables et à la compétitivité de l’économie européenne – les grands objectifs de la stratégie Europe 2020. Le Comité s'est régulièrement prononcé dans le passé et a fait des suggestions sur la propriété industrielle et la propriété littéraire et artistique dans le marché unique (1).

3.2   Les droits de propriété intellectuelle incluent les droits d'exploitation industrielle et commerciale, tels que les brevets et modèles d'utilité, les marques, obtentions végétales, les droits sur les bases de données ou les schémas électroniques, les dessins et modèles, les indications géographiques, les droits d’auteur et les droits voisins, les secrets de fabrication …

3.3   Les seules industries de la connaissance représentent 1,4 millions de PME en Europe et 8,5 millions d'emplois, et elles connaissent une croissance rapide et continue par rapport aux autres secteurs économiques, participant ainsi à la relance économique.

3.4   La Commission affirme: «les DPI sont des droits de propriété» Ils sont assimilés à un droit de propriété, mais sont en fait des droits incorporels protégeant les titulaires contre la copie et la concurrence. Ils constituent des exceptions à la libre concurrence, sous forme de monopoles temporaires protégés par un titre ou un certificat, délivrés par une autorité étatique compétente (brevets …), ou reconnus par une législation gouvernementale (droit d'auteur et droits voisins).

3.5   Les titulaires de ces droits peuvent les céder, ou vendre le seul droit de reproduction sous forme de licences, ce qui les rapproche d'un droit de propriété incorporel, mais dont la protection est plus aléatoire en pratique que celle de la propriété des biens matériels, en raison de leur fondement différent. Les monopoles temporaires ne sont en effet reconnus, et protégés, que dans un but d'intérêt général, pour augmenter le potentiel des connaissances et des technologies afin d’impulser le développement industriel ou culturel.

3.6   Cette dimension d'intérêt général n'est plus présente dans le domaine des logiciels, qui ne sont pas contraints à publication de leurs sources là où des brevets sont délivrés pour leur protection. Le droit européen pour sa part exclut la protection des logiciels par brevets (Convention de Munich) et protège par un droit dérivé du droit d'auteur non les sources, mais les seuls effets produits par les logiciels dits propriétaires. Cela pose néanmoins un problème puisque les mêmes effets peuvent être obtenus par des programmes différents; de plus des obligations spécifiques sont attachées à la protection du droit d'auteur de logiciels, en vue de l'interopérabilité des différents programmes, ce qui peut autoriser la décompilation. La protection, d'une durée de cinquante années en principe, paraît cependant très excessive dans un domaine où le renouvellement et l'innovation sont d'une extrême rapidité et où «le gagnant prend tout» (winner takes all) sur un marché où technologies et programmes sont en constante évolution ou transformation.

3.7   À contrario, des mouvements s'opposent aux formes traditionnelles de protections par la création de licences publiques libres, telles la «Général Public Licence» pour les logiciels et les «créative commons» pour le domaine littéraire ou artistique; il s'agit d'une contestation des protections classiques jugées comme des freins pour la société de la connaissance et de l'information. Ces licences libres, qui représentent une part importante du marché global devraient être reconnues et protégées au même titre que les autres licences représentatives de titres propriétaires.

3.8   Des dérogations peuvent affecter les protections temporaires pour des raisons d'intérêt général (licences obligatoires lorsque les titulaires des droits refusent d'accorder des licences dans certains pays, ou en matière de médicaments en cas d'épidémie ou d'épizootie). Avant que les accords TRIPS et les traités récents de l'OMPI ne donnent une dimension plus large, sinon universelle, aux droits incorporels liés au commerce international, nombre de pays n'ont, par le passé, pas accordé de protections réelles ou suffisantes, ou ont toléré des violations de la propriété industrielle et littéraire dans le but de construire leur base industrielle et de développer leurs connaissances (Japon, certains pays européens, etc.). De telles pratiques sont en recul, mais les États peuvent être plus ou moins répressifs ou tolérants envers les contrefaçons dans la pratique (Chine, Inde …).

3.9   Le développement d'actifs immatériels (marques) permet à une entreprise de se distinguer de ses concurrents, de mettre sur le marché de nouveaux produits, de nouveaux concepts et, plus généralement, de gagner en compétitivité hors-prix, ce qui in fine génère des clients et des profits supplémentaires ainsi que de nouveaux postes de travail. La contrefaçon et les pratiques parasitaires se développent et menacent aussi bien les emplois que les investissements; elles menacent aussi la santé et la sécurité des consommateurs ainsi que leur confiance dans les marques contrefaites ou copiées, réduisant les opportunités de cession de licences, ainsi que les revenus et les impôts attendus.

3.10   Or, la valeur générée par ces actifs est de plus en plus prise en compte dans la détermination de la valeur boursière des grandes entreprises dans une économie de l'immatériel, dans le contexte de la financiarisation de cette économie. Les principales capitalisations boursières d'entreprises comme Microsoft, Apple, IBM (portefeuille de 40 000 brevets), Google ou Facebook, sont composées à 90 % de leurs actifs immatériels; ce pourcentage varie selon les secteurs de l'économie mais reste considérable, entre 90 % et 40 % de la capitalisation boursière des entreprises du marché. Les nouvelles normes comptables demandent l’inscription au bilan des valeurs immatérielles, mais posent des problèmes sérieux d’évaluation.

3.11   Un tel changement d'échelle a des conséquences directes sur la notion de «propriété intellectuelle», qui a en fait changé de nature depuis les usages classiques des brevets et du droit d'auteur, comme cela a été reflété dans les plus récentes conventions de l'OMPI. La Commission a demandé à l'OMPI d'inscrire la protection des bases de données à une prochaine conférence en vue d'un traité international.

3.12   Cela explique aussi l'ACTA, et les conditions de son adoption (sans toutefois les justifier); ce traité vise à la mise en œuvre transfrontière des mesures de protection de la propriété des brevets et du droit d'auteur inscrits dans les accords TRIPS de l'OMC. En effet, certains pays tels la Chine ou l'Inde bloquent à Genève, l'adoption de mesures de mise en œuvre des TRIPS, empêchant par là toute protection effective des droits immatériels dans le commerce international.

3.13   En principe, l'ACTA ne devrait pas modifier l'acquis communautaire; cependant son orientation exclusive vers le renforcement de la protection des droits des titulaires, par des mesures douanières, policières et de coopération administrative continue de privilégier une vision spécifique de la propriété des droits; les autres droits humains, sans doute les plus fondamentaux, comme les droits à l'information, à la santé, à une alimentation suffisante, à la sélection des semences par les agriculteurs, à la culture, ne sont pas pris suffisamment en considération, et cela aura des conséquences sur les futures législations européennes qui seront prises en vue de l'harmonisation des législations des États membres. La conception propriétaire individualisée et exclusive des exceptions temporaires à la libre concurrence sont donc loin de rester sans conséquence sur l'avenir de la société de la connaissance et de l'information et les droits humains de troisième génération inclus dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

3.14   Il faut noter que les inventions admises comme étant brevetables sont sujettes à des variations considérables selon les pays, particulièrement pour ce qui concerne les nouvelles technologies; les logiciels présentent des spécificités et sont protégés ici par des brevets – USA – et là par un droit d'auteur particulier – Europe –, mais ces régimes contradictoires créent l'un et l'autre de forts obstacles à l'innovation et sont à l'origine, par exemple aux États Unis, de coûts disproportionnés de défense juridique. La délivrance de brevets triviaux crée une forte insécurité juridique; les USA viennent de réformer l'USPTO et de réviser leur système de protection des nouvelles technologies, en particulier du logiciel, pour délivrer des brevets de bonne qualité, afin de favoriser l'innovation et la sécurité juridique.

3.15   La procédure d'examen des revendications est essentielle et doit être d'une qualité irréprochable et reconnue pour le futur brevet unitaire, afin de consacrer sa valeur et éviter autant que possible les contestations et procès. Le personnel qualifié existe à l'OEB, encore faudra-t-il lui donner des temps d'étude suffisants par dossier pour garantir cette qualité, qui devrait être le signe distinctif de l'innovation européenne. De même, la qualité des traductions des langues nationales vers les langues véhiculaires retenues par la Convention de Londres devra faire l'objet des mêmes soins, avec des spécialistes de la traduction technique; le Comité estime en effet que le niveau actuel des logiciels de traduction automatique est encore trop faible pour rendre avec la qualité requise le langage technico-juridique spécialisé et de haut niveau d'écriture des brevets (2).

4.   Considérations particulières du Comité

4.1   Protection des inventions par des brevets

4.1.1   Selon la Convention de Munich, les inventions présentant un caractère de nouveauté et susceptibles d’applications industrielles peuvent faire l’objet d’une demande de protection par un brevet; les logiciels, les méthodes d’affaires, les algorithmes et équations ainsi que les découvertes scientifiques ne sont pas brevetables; la remise en cause de ces principes en ce qui concerne les logiciels (qui sont des algorithmes) et les découvertes génétiques (génome humain, rôle des gènes) a fait débat car de fortes oppositions existent. Les États Unis délivrent des brevets dans le domaine des exceptions européennes (ce en suivant une jurisprudence de la Cour Suprême) qui posent aujourd’hui de graves problèmes et génèrent des coûts de protection disproportionnés en cas de litiges.

4.2   Protection des logiciels

4.2.1   «La directive 91/250/CEE du Conseil accorde la protection du droit d'auteur aux programmes d'ordinateur en tant qu'œuvres littéraires au sens de la Convention de Berne sur la protection des œuvres littéraires et artistiques (Paris, 1971). La question de la qualité d'auteur est largement laissée à l'appréciation des États membres de l'UE. Les employeurs sont autorisés à exercer les droits économiques afférents aux programmes créés par leurs salariés. Les droits moraux sont exclus du cadre de la directive». (3) Cette directive ne règle pas le problème des droits des créateurs salariés aussi bien en matière de droit d’auteur que de brevet.

4.2.2   Le Comité suggère à la Commission d’évaluer la possibilité d’une protection spécifique, de durée très réduite, pour les logiciels; la directive 91/250/CEE (4) pourrait être revue afin de réduire très sensiblement la durée de protection, par exemple à cinq ans, et obliger ensuite à la publication des sources, compte tenu de la rapidité de l’innovation et des renouvellements des programmes des grands éditeurs.

4.3   Protection des bases de données

4.3.1   Il s’agit d’une protection «sui generis» inspirée de la Propriété littéraire et artistique, mais pour une durée de quinze ans, alors que les ouvrages référencés ou cités par certaines bases restent soumis au droit d’auteur. La législation européenne est une des rares qui accordent une protection aux créateurs de bases de données, lesquels restent largement ignorés du reste du monde.

4.4   Protection des schémas d’ordinateurs

4.4.1   Les cartes électroniques et les processeurs informatiques font l’objet d’une protection «ad hoc» universelle contre la copie, inscrite dans les Accords de Marrakech (1994) créant l’OMC.

4.5   Protection de la propriété littéraire et artistique

4.5.1   Le droit d’auteur (schématiquement le copyright plus le droit moral de l’auteur) ainsi que le droit de suite des artistes font également l’objet d’une protection universelle en Europe.

4.5.2   La protection des œuvres, en particulier du livre, du cinéma et de la musique, est affectée par les moyens modernes de reproduction numérique et de transmission par internet. Ces moyens peuvent faciliter les copies de même qualité que l'original, et leur commerce. Ces pratiques sont illégales en Europe, mais les législations nationales divergent, et le Comité soutient une véritable harmonisation des législations dans une perspective de proportionnalité et d'équilibre des contrôles et des sanctions

4.5.3   Un droit européen très protecteur des titulaires du droit d’auteur et des droits voisins s’est particulièrement développé dans ce domaine. C’est aussi le cas aux États-Unis, ce qui explique en bonne partie l’ACTA, sa procédure d’élaboration «secrète» restreinte à certains pays seulement, et surtout ses objectifs d’«enforcement» face à l’impossibilité de faire accepter des procédures pratiques et des obligations à l’OMC, en raison de l’unanimité requise et du blocage de certains pays, comme la Chine ou l'Inde.

4.5.4   Cependant, selon le Comité, l'approche de l'ACTA vise le renforcement continu de la position des titulaires de droits face à un «public» dont certains droits fondamentaux (vie privée, liberté d'information, secret des correspondances, présomption d'innocence) sont de plus en plus affaiblis par des législations très orientées en faveur des distributeurs de contenus.

4.5.5   Les fraudeurs «professionnels» savent parfaitement échapper à toute forme de contrôle des flux de données sur le net, et les sanctions «exemplaires» contre quelques adolescents ne peuvent cacher le fait que les producteurs audiovisuels ont pris dix ans de retard dans la création d’un «business model» adapté aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. Afin de réduire les coûts de procédure et le temps de règlement, des codes de conduite ont été établis ça et là, parfois encouragés par le gouvernement, qui obligent les fournisseurs d’accès internet à fournir aux fournisseurs de contenus audiovisuels et musicaux – secteur à fort degré de concentration – les noms et adresses de présumés «copieurs» de contenus illégalement acquis sur l’internet. Les risques d’erreurs ne sont pas nuls. Cette forme de dénonciation peut être aggravée par des coupures de l’accès internet des présumés contrefacteurs. Si cela allège le travail de tribunaux surchargés et évite au législateur d’agir et de proposer des institutions officielles de lutte contre la contrefaçon, dans un contexte de restrictions budgétaires, de telles pratiques privées peuvent conduire à des dérives, au même titre d’ailleurs que les législations décidées sous la pression des lobbies de la distribution de films et de musique qui sévissent dans différents pays avec des résultats généralement très peu convaincants et au prix de violation des droits des consommateurs, en général totalement ignorés et considérés en bloc comme des fraudeurs potentiels.

4.5.6   S'il est nécessaire en soi de faire respecter les législations contre la contrefaçon, qui protègent dans la plupart des cas les consommateurs contre les risques concernant la santé et la sécurité, et protègent aussi des emplois qualifiés qui respectent les droits des travailleurs, il serait préférable de préciser la conception générale de la propriété littéraire et artistique afin de rééquilibrer les législations à harmoniser en tenant compte aussi des droits des consommateurs et utilisateurs, ainsi que de ceux des travailleurs, et en associant leurs organisations représentatives à l'élaboration des normes en ces domaines.

4.5.7   Une directive (5) règle la radiodiffusion des œuvres par câble ou satellite. Il existe d'autres normes européennes:

une directive sur les œuvres orphelines (en cours d’examen par le législateur) (6),

une directive sur la location et le prêt (7),

et des exceptions au droit d'auteur (8).

Ces législations font l’objet de rapports périodiques. Les «exceptions» ou «tolérances» devraient être reconsidérées sous l'angle d'une affirmation claire des droits des utilisateurs par une législation protectrice de leurs droits fondamentaux et l’imposition d’exceptions, en cas de handicaps par exemple (9).

4.6   Proposition de la Commission sur le marché unique des droits de propriété intellectuelle et commentaires du Comité

4.6.1   Une tendance permanente à assimiler les droits temporaires à protection par brevet, droit d’auteur et autres systèmes «sui generis» (schémas électroniques, dessins et modèles, obtentions végétales, etc.) à des droits de propriété similaires au droit de propriété sur les biens meubles et immeubles s’est dessinée et se renforce. Cette tendance, dont on ne sait si elle sera durable, est reprise au niveau de la Commission et marque la stratégie proposée d'une empreinte profonde.

4.6.2   Une telle confusion d'exceptions temporaires avec une propriété issue du droit romain n’a pas que des avantages, sinon pour les seuls titulaires. Or, la suspension du droit de la concurrence et sa soumission au régime d’autorisation par les titulaires que constituent les licences ne créent pas un véritable droit de propriété incluant tous ses attributs. Des limitations dans l’intérêt public existent (licences obligatoires), la territorialité des brevets constitue une limite à la protection, ainsi que des divergences dans les législations nationales y compris en Europe, etc.

4.6.3   Néanmoins, l'orientation actuelle est de considérer les brevets et licences comme des valeurs de placement, de garanties pour l'investissement, et on assiste même à leur titrisation en vue de spéculations financières. Cela résulte de la financiarisation de l'économie en parallèle avec le déploiement d'une économie de l'immatériel liée aux nouvelles technologies de l'information et de la communication ainsi qu’aux nouvelles normes comptables IFRS. La Commission devrait prochainement concrétiser sa stratégie dans le domaine du marché des brevets sous la forme d’un «instrument de valorisation des DPI» (une Bourse européenne?). Le problème majeur des «nouvelles pousses innovantes» en Europe réside dans l’insuffisance des liens recherche fondamentale, appliquée et université-entreprises, et aussi de l’insuffisance criante de capital-risque dans les entreprises innovantes. Le Comité attire encore l’attention sur les pratiques des multinationales des secteurs de haute technologie, consistant à acquérir PME et ingénieurs avec le portefeuille de brevets des entreprises innovantes, plutôt que des licences qui pourraient aussi être accordées à la concurrence; cela vise à utiliser les brevets et les autres titres de propriété industrielle pour des stratégies monopolistes et anticoncurrentielles.

4.6.4   Un autre pilier de la stratégie réaffirme la place majeure du brevet européen unitaire et d'une juridiction supérieure européenne destinée à unifier la jurisprudence, en vue de remédier aux sérieuses difficultés que connaissent les entreprises, en particulier celles qui empêchent largement l’accès des PME à la protection de leur propriété industrielle, et de promouvoir une meilleure connaissance de l’état de la technique dans le marché unique.

4.6.5   Le Comité a toujours fortement soutenu la démarche de la Commission en vue de l’instauration d’un tel brevet unitaire, tout en émettant des réserves sur certaines pratiques de l’OEB qui ne respectent pas totalement les clauses de la Convention de Munich en ce qui concerne l’exclusion expresse des logiciels, et alors que tous les brevets portant sur des logiciels ou les méthodes d’affaires ont été annulés par les juridictions nationales saisies en cas de plaintes; de telles pratiques portent atteinte à la sécurité juridique qui doit s’attacher à l'obtention d’un brevet, procédure coûteuse pour les demandeurs (frais d’examen, de traduction, redevance annuelle, emploi d'intermédiaires en brevets). De telles déviations ne doivent pas affecter le futur brevet.

4.6.6   En ce qui concerne les suggestions de la Commission de créer un Code européen du droit d’auteur et d’étudier la faisabilité d’un droit d’auteur optionnel «à effet unitaire», le Comité considère qu’il s’agit de propositions très ambitieuses dans le sens de l’harmonisation et de la réalisation du Marché unique, mais estime qu’il est encore trop tôt pour se prononcer sur de simples hypothèses, et invite la Commission à poursuivre les études et à présenter des propositions concrètes qui tiennent compte de l’état de développement de cette matière dans les différents États-membres.

4.6.7   Le Comité estime que la taxe prélevée sur les supports électroniques et magnétiques de toute nature, au titre du financement de la copie privée repose sur une présomption de culpabilité. Au contraire, le Comité estime que la copie privée constitue une pratique légitime permettant le changement de support ou de matériel et qui devrait être reconnue comme un droit du titulaire légal de la licence d’utilisation comme élément du fair use  (10).

Bruxelles, le 18 janvier 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO C 18 du 19.01.2011, p. 105;

JO C 116 du 28.04.1999, p. 35;

JO C 32 du 05.02.2004, p. 15;

JO C 77 du 31.03.2009, p. 63.

(2)  L’Office Européen des Brevets (OEB) offre des outils de traduction, mais limités aux trois langues officielles.

(3)  Voir COM(2000) 199 final.

(4)  JO L 122 du 17.5.1991, p. 42.

(5)  Directive 93/83/CEE (JO L 248 du 6.10.1993, p. 15).

(6)  Avis CESE: JO C 376 du 22.12.2011, p. 66.

(7)  Directive 2006/115/CE (JO L 376 du 27.12.2006, p. 28).

(8)  Directive 2001/29/CE (JO L 167 du 22.6.2001, p. 10).

(9)  Avis CESE: JO C 228 du 22.09.2009, p. 52.

(10)  Cette analyse est partagée par la CJUE dans son jugement Padawan.


6.3.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 68/35


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen sur une vision stratégique pour les normes européennes: aller de l’avant pour améliorer et accélérer la croissance durable de l’économie européenne à l’horizon 2020»

COM(2011) 311 final

2012/C 68/06

Rapporteur: M. IOZIA

Le 1er juin 2011, la Commission a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen sur une vision stratégique pour les normes européennes: aller de l’avant pour améliorer et accélérer la croissance durable de l’économie européenne à l’horizon 2020»

COM(2011) 311 final.

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 19 décembre 2011.

Lors de sa 477e session plénière des 18 et 19 janvier 2012 (séance du 19 janvier 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 158 voix pour, 6 voix contre et 2 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le Comité économique et social européen (CESE) est un fervent partisan de la stratégie Europe 2020 pour une croissance intelligente, durable et inclusive, et se félicite de l'initiative de la Commission. L'adoption de normes européennes communes, en particulier, contribue au développement d'un marché unique concurrentiel offrant des produits et des services interopérables et innovants normalisés.

1.2   L'on peut considérer les normes comme l'héritage de notre civilisation: elles représentent la connaissance d'aujourd'hui et d'hier et doivent être évolutives, de manière à se modifier en fonction des besoins. Le temps nécessaire à l'élaboration des normes devrait être réduit, afin de toujours refléter les besoins de la société sans que toutefois cela se fasse de manière uniforme et sans remettre en cause les nécessaires et parfois longues consultations des parties prenantes. Ces consultations s’effectuent de manière plus efficace au niveau national et sont utilement complétées par l'action directe des organisations européennes spécialisées.

1.3   La participation à la normalisation devrait être aussi importante que la participation au processus législatif. Une participation accrue des consommateurs, des PME et des autres parties prenantes est nécessaire et peut être obtenue par le biais d'une aide financière. Une évaluation des normes nationales par les pairs, effectuée par les parties prenantes intéressées, pourrait garantir la représentation des intérêts de la société à tous les niveaux.

1.4   Dans le domaine des marchés publics, les normes sont essentielles à la bonne mise en œuvre du marché unique.

1.5   Le CESE réitère son point de vue selon lequel «les spécifications adoptées par des forums ou des consortiums industriels internationaux dans le domaine des technologies de l'information et de la communication (TIC) ne devraient être acceptées qu'à l'issue d'un processus de certification par les organismes européens de normalisation (OEN), avec la participation de représentants des PME, des consommateurs, des acteurs environnementaux, des travailleurs et des organismes représentant des intérêts sociaux majeurs (1)».

1.6   La Commission propose plusieurs mesures dans différents domaines. La normalisation étant un outil extrêmement important de soutien à la politique industrielle, à l'innovation et à la compétitivité, le CESE soutient les actions proposées, spécialement celles qui concernent le rôle du Centre commun de recherche de la Commission européenne, qui a pour objectif de vérifier que les normes scientifiques correspondent bien aux exigences des économies européennes et nationales en termes de compétitivité, de besoins sociaux, de préoccupations relatives à la sûreté et à la sécurité et d'impact environnemental (actions 1 à 5 de la communication).

1.7   En ce qui concerne la responsabilité sociétale, la Commission prévoit d'accorder une attention particulière à la sûreté, la sécurité et la protection et demande aux États membres de veiller à garantir une véritable participation des consommateurs, des associations environnementales, des personnes âgées et des personnes handicapées. Le CESE considère ces propositions comme particulièrement précieuses (actions 6 à 9).

1.8   Le CESE a toujours été partisan de faire participer les organisations de la société civile et de leur donner un rôle de premier plan; il marque son accord total avec la Commission, ainsi qu'avec l'initiative de cette dernière visant à élargir la méthode de travail et à la rendre plus inclusive, tant au niveau national qu'au niveau européen, sur la base de critères reconnus tels que les principes de la Convention de l'OMC sur les obstacles techniques au commerce. Un soutien financier pourrait être accordé aux organisations représentatives des PME, aux consommateurs, aux syndicats et aux autres acteurs concernés (actions 10 à 15).

1.9   Le chapitre 5 de la communication de la Commission est consacré à l'élaboration de normes dans le domaine des services: le CESE est favorable au point de vue exprimé dans ce chapitre et juge extrêmement utile pour tous les secteurs de l'économie, y compris pour ceux autres que les services, l'idée consistant à en confier la responsabilité au groupe de haut niveau sur les services aux entreprises, comme proposé dans la communication intitulée «Vers un acte pour le marché unique» (actions 16 à 18).

1.10   Le CESE reconnaît la spécificité du marché des TIC, ainsi que la nécessité d'une rapide définition des normes qui seraient en réalité élaborées par des forums et des consortiums spécialisés. Comme il l'a déjà fait observer, ces normes devraient être validées par un processus véritablement inclusif. Il y a lieu de se féliciter de la création d'un forum regroupant plusieurs parties prenantes. Le CESE recommande que ce forum se réunisse sur une base régulière et non pour une initiative unique. Il souhaiterait en faire partie.

Les normes en matière de TIC sont essentielles pour les marchés publics électroniques et, plus généralement, pour l'administration en ligne. De même, il est capital de garantir l'interopérabilité des TIC (actions 19 à 23).

1.11   Les propositions finales soulignent le rôle de l'Europe dans la normalisation au niveau international et l'initiative dynamique annoncée par la Commission. Le CESE est favorable aux actions proposées; il estime qu'il est crucial pour l'UE de jouer un rôle très actif dans les activités internationales et il approuve les décisions de la Commission visant à soutenir les organisations européennes de normalisation dans leurs travaux sur une base bilatérale et multilatérale (actions 24 à 28).

1.12   Le réexamen indépendant qui doit être lancé d'ici 2013 au plus tard est basé sur l'intérêt qu'a la Commission à évaluer la progression et le respect des objectifs (politique industrielle, innovation et développement technologique), du point de vue des besoins du marché en matière d'inclusivité et de représentativité. Le CESE marque son plein accord avec cette proposition (action 29).

2.   Observations générales

2.1   En substance, un système européen de normalisation efficace permettra de créer des produits et des services interopérables, susceptibles d'être proposés plus facilement dans toute l'Union européenne, pas uniquement dans un contexte transfrontalier mais également au niveau local, régional ou national.

2.2   Le CESE reconnaît que les normes constituent des instruments politiques efficaces et qu'elles sont en mesure de contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur, particulièrement dans le domaine des TIC et des services, deux secteurs dans lesquels l'élaboration de normes applicables aux processus et à la production est en cours.

2.3   Le CESE soutient sans réserve l'utilisation des normes dans les marchés publics, car elle stimulera la fourniture de produits et de services normalisés. Les acheteurs publics de l'UE devraient utiliser, lorsqu'elles existent, des normes mondiales ou européennes pour toute demande de produits ou de services; en revanche, l'utilisation de normes exclusives et de produits ou de services non interopérables devrait être vivement découragée.

2.4   Le CESE souligne qu'il importe d'éliminer de manière permanente les entraves aux échanges et apprécie les engagements pris par tous les organes nationaux de normalisation des États membres d'appliquer les normes européennes en tant que normes nationales identiques, de supprimer les normes nationales existantes susceptibles d'entrer en conflit avec ces dernières et de n'entreprendre à l'avenir aucune action pouvant porter préjudice à cette harmonisation.

2.5   Le CESE reconnaît que le processus de normalisation européenne doit être accéléré, simplifié et modernisé et qu'il doit être plus inclusif. Dans les demandes d'élaboration de normes et de financement européens, la Commission européenne devrait inclure le recours à des délais spécifiques stricts, à des ressources d'expertise et à une représentation effective de tous les acteurs intéressés (notamment des PME, des consommateurs et des autres acteurs sociétaux, lesquels sont souvent faiblement représentés, voir absents, au niveau national).

2.5.1   De même, la participation au niveau national est très importante. Les propositions émanant des organismes nationaux de normalisation constituent la base d'une norme européenne. Il est plus facile pour les consommateurs et pour les PME d'apporter leur contribution au niveau national.

2.6   La normalisation étant un processus volontaire répondant aux exigences du marché, dont le succès dépend en premier lieu de l'acceptation par ce dernier, le CESE souligne l'importance de mieux associer les PME, y compris par le biais de leurs associations, à tous les stades de la normalisation, à savoir les consultations sur les nouveaux projets (mandats compris), l'élaboration des normes et le vote final, tant au niveau national qu'au niveau européen.

3.   Observations particulières

3.1   Considérations liées aux OEN  (2)

3.2   Le CESE prend acte de la réduction considérable du délai moyen nécessaire à l'élaboration des normes européennes ces dernières années. Il estime toutefois qu'il est nécessaire de procéder à de nouvelles réductions, mais considère que cette démarche ne doit se faire au détriment ni de l'inclusivité, ni de la qualité, Il demande également à la Commission d'améliorer et d'accélérer ses procédures en ce qui concerne l'élaboration des mandats de normalisation et la référence aux normes harmonisées au Journal officiel de l'UE. Le CESE se félicite de l'intention du Commissaire, qui a déclaré vouloir réduire la durée du processus de 50 % d'ici 2020.

3.2.1   La composition des groupes de travail et des comités techniques des OEN doit être plus équilibrée et représenter tous les acteurs du marché intéressés par le domaine à normaliser. Des financements permettant de garantir la participation des micro-entreprises, des consommateurs et de tous les autres acteurs de la société civile et de leurs associations aux ateliers sont nécessaires. Le CESE soutient la décision de réviser et de rationaliser le système actuel d'incitations et d'aides financières afin d'accroître les possibilités pour toutes les parties prenantes. L'unification de la réglementation relative à tous les instruments existants serait la bienvenue.

3.2.2   Une surveillance efficace s'impose si l'on veut éviter des chevauchements dans les travaux ou dans les résultats des groupes de travail au niveau européen (lesquels sont financés par la Commission européenne).

3.2.3   Les organismes nationaux de normalisation exigent la participation pleine et entière des États membres, plus particulièrement en ce qui concerne le soutien politique et les ressources techniques et financières, afin de permettre à tous les acteurs concernés de participer.

3.2.4   Si l'un des principaux avantages de la normalisation est la possibilité d'offrir des produits et des services interopérables, garantir des cycles de développement de produits plus rapides suppose de créer un mécanisme clair et des instruments permettant de tester et de valider les normes européennes.

3.2.5   Face à une «Europe vieillissante», la normalisation européenne a également un rôle clef à jouer afin de garantir la livraison de produits sûrs et accessibles aux consommateurs, quels que soient leur âge et leurs capacités. Ce point revêt une importance d'autant plus grande lorsque l'on considère le rôle des normes européennes dans le soutien aux contrats de marchés publics.

3.3   Lignes directrices pour l'application. Certains organes internationaux de normalisation ne fournissent aucune ligne directrice pour l'application des normes élaborées. Les OEN devront satisfaire à cette exigence et produire des lignes directrices claires et concises afin de faciliter l'application des normes.

Les PME pourront avoir accès au marché appliquant des normes communes, cette évolution réduira la complexité et les coûts auxquels elles doivent faire face et améliorera la concurrence.

En l'absence de normes nationales, il y a lieu d'encourager l'utilisation de normes européennes, ou d'assurer la convergence entre les normes nationales et les normes européennes en fournissant des feuilles de route claires.

3.4   Sensibilisation et représentation des PME: des ateliers ciblés, ainsi que des actions de formation et de sensibilisation devraient être organisés au niveau régional et national; en effet, il est plus facile d'atteindre les PME par le biais des fédérations industrielles locales ou des associations de PME et des administrations publiques.

3.4.1   Les PME sont rarement conscientes du mécanisme d'élaboration des normes et se contentent d'accepter des produits avec des normes prédéfinies. Les associations représentant les PME, que ce soit au niveau national ou au niveau européen, ne disposent pas toujours des ressources nécessaires pour contribuer à la normalisation, de sorte que leur influence s'en trouve encore amoindrie.

3.4.2   De l'avis du CESE, il y a lieu de renforcer la position des associations européennes représentant les PME et les acteurs de la société civile. Il conviendrait d'envisager sérieusement la possibilité d'accorder le droit de vote dans les OEN aux associations de PME et aux acteurs sociétaux de l'UE. Le CESE est intéressé à participer à ce débat, très controversé pour l'instant, du fait que les organisations européennes de normalisation sont des organismes privés.

3.4.3   Le CESE apprécie le travail effectué avec le soutien financier de la Commission européenne par le NORMAPME (Bureau européen de l’artisanat et des petites et moyennes entreprises pour la normalisation) et l'ANEC (organisme de représentation des consommateurs).

3.4.4   Le CESE, soucieux de sensibiliser davantage l'opinion publique et d'accroître l'utilisation des normes, suggère aux organisations de normalisation du niveau de l'UE et du niveau national de fournir aux utilisateurs potentiels un accès simplifié aux normes, avec notamment un résumé de leur contenu. Si un instrument juridique prévoit l'obligation d'utiliser une norme, l'entité qui en est l'auteur doit veiller à garantir l'accès tant à la norme qu'à l'instrument lui-même.

3.5   Éducation: une initiation aux concepts de base de la normalisation devrait faire partie des programmes des établissements d'enseignement secondaire et supérieur européens. Il serait souhaitable de créer des incitations spécifiques à l'intention des étudiants et des chercheurs afin de les encourager à élaborer des solutions et des applications interopérables conformes aux normes. À titre d'exemple, les financements accordés par l'UE aux étudiants et aux chercheurs, que ce soit en tant qu'individus ou que groupes transfrontaliers, devraient être plus accessibles.

3.5.1   La Commission devrait contrôler les tendances en matière d'innovation en travaillant étroitement avec l'industrie des TIC, les centres de recherche et les universités, afin de veiller à ce que l'élaboration des normes tienne compte de l'innovation dans le secteur des produits et des services. Le programme de travail pour la normalisation devrait s'occuper de ces questions et définir des actions prioritaires en se basant sur le comportement d'adoption et les besoins du marché.

3.6   Les normes constituent un processus volontaire d'évaluation des besoins, des exigences et des règles à respecter afin de faciliter l'acceptation des produits et des services. Cependant, ces règles ne deviennent des normes que si elles sont acceptées par le marché et si elles sont largement adoptées par les utilisateurs. La recherche d'un équilibre entre les exigences des différents acteurs et le consensus doivent dès lors constituer la base de tout travail de normalisation. Toutefois, ce sont principalement les grandes entreprises, publiques et privées, qui participent à l'élaboration des normes, ce qui se traduit par une représentation déséquilibrée des intéressés.

3.7   La normalisation est un outil important pour la compétitivité. Le CESE invite les États membres à élaborer au niveau national un cadre efficace de normalisation, capable de contribuer à l'élaboration de normes européennes et internationales et d'apporter des solutions répondant aux besoins exclusivement nationaux en matière de normalisation.

3.8   Les ONN (organes nationaux de normalisation) doivent être renforcés. Ce renforcement dépend néanmoins en bonne partie des politiques industrielles nationales; en conséquence, le degré d'engagement varie d'un pays à l'autre. Il serait possible d'élaborer des incitations spécifiques, assorties d'une campagne de communication sur les bonnes pratiques des États membres de l'UE qui considèrent les normes comme un atout stratégique pour leur compétitivité.

3.9   Le CESE reconnaît le rôle capital de l'élaboration de normes pour les services. Il estime toutefois crucial de veiller à ce que les normes pour les services soient orientées vers le marché et qu'elles reposent sur un consensus.

3.9.1   Il arrive que les normes nationales fassent obstacle à l'achèvement du marché unique. Il est capital d'élaborer des normes au niveau de l'UE avant que les États membres n'entreprennent d'élaborer des normes nationales qui, souvent, ne permettent pas l'interopérabilité

3.10   Le CESE soutient sans réserve les actions de la Commission européenne en matière de normes TIC et d'interopérabilité. S'agissant des TIC, il soutient plus particulièrement la possibilité d'employer des normes bénéficiant d'une large reconnaissance dans les marchés publics afin de créer une demande de services interopérables, principalement dans le secteur public, par une démarche qui constituera un élément moteur de la normalisation.

3.10.1   Comme il l'a déjà proposé, «le Comité estime indispensable que les OEN et la Commission assurent un contrôle préventif afin de garantir que les spécifications qui sont adoptées par des forums ou des consortiums industriels internationaux et doivent être utilisées comme références dans les marchés publics aient elles aussi été élaborées de manière neutre, équitable et transparente, avec une participation appropriée des représentants des petites et moyennes entreprises, des consommateurs, des défenseurs de l'environnement, des travailleurs et des organismes représentant d'importants intérêts sociaux.»

3.11   De même, le CESE est sceptique quant à la proposition visant à améliorer la compétitivité sur la scène mondiale; c'est la législation qui doit soutenir les politiques et les normes, et non l'inverse. La normalisation ne doit pas être un obstacle à l'innovation et au développement.

3.12   Les produits ou les services normalisés résultant d'initiatives réussies financées par l'UE doivent être incorporés dans toutes les initiatives futures de l'UE en rapport avec la matière, en vue d'éliminer les chevauchements et de promouvoir à l'avenir l'expansion ou l'adoption de ces normes.

Bruxelles, le 19 janvier 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO C 376 du 22.12.2011, p. 58.

(2)  OEN: Organisme européen de normalisation. Les trois organismes européens officiels de normalisation sont le CEN, le CENELEC et l'ETSI (Institut européen des normes de télécommunication).


6.3.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 68/39


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement»

COM(2011) 452 final – 2011/0202 (COD)

2012/C 68/07

Rapporteur: M. MORGAN

Le 30 novembre 2011 et le 17 novembre 2011, respectivement, le Conseil et le Parlement européen ont décidé, conformément à l'article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement»

COM(2011) 452 final – 2011/0202 (COD).

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 19 décembre 2011.

Lors de sa 477e session plénière des 18 et 19 janvier 2012 (séance du 18 janvier 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 179 voix pour, 2 voix contre et 7 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le CESE approuve les grandes lignes de la directive sur l'adéquation des fonds propres IV (DAFP IV) (1), ainsi que l'accord de Bâle III sur lequel celle-ci se fonde. Toutefois, la DAFP IV augmentera le coût des activités bancaires, et c'est là un aspect d'une grande importance pour les entreprises de l'UE, notamment les PME. Le dispositif de Bâle est conçu pour des banques d'envergure internationale, qui devraient toutes s'y conformer.

1.2   Les directives de l'UE sur l'adéquation des fonds propres se sont toujours appliquées à toutes les banques, ce qui est important en raison du rôle que jouent pour soutenir l'économie les banques régionales et celles qui ne sont pas constituées en société par actions. Les PME dépendent fortement des financements bancaires et il convient donc de veiller à éviter d'imposer à celles de l'UE un handicap de coût par rapport à leurs concurrents dans le monde. C'est dans ce contexte que le CESE invite instamment la Commission à faciliter l'essor de la banque éthique et participative (2).

1.3   L'analyse d'impact menée par la Commission a conclu que les nouvelles exigences en matière de fonds propres ne présenteraient pas d'inconvénients particuliers pour les PME, mais le Comité reste méfiant à cet égard et demande que la Commission suive de près les évolutions du crédit et des frais bancaires aux PME. En outre, le CESE approuve que la Commission examine la notation des risques liés au crédit aux PME.

1.4   Ce nouveau dispositif rassemble les deux aspects microprudentiel et macroprudentiel. En ce qui concerne le volet microprudentiel, ces propositions prévoient des fonds propres plus élevés et de meilleure qualité, une meilleure couverture des risques, l'instauration d'un ratio de levier qui vient compléter les mesures de fonds propres fondées sur le risque et une nouvelle approche de la liquidité. En ce qui concerne le volet macroprudentiel, la DAFP IV exige la constitution de volants de fonds propres en période de conjoncture favorable, dans lesquels on peut puiser en période de crise, ainsi que d'autres mesures pour gérer le risque systémique et l’interdépendance des établissements. Au moins sur le plan théorique, les propositions à l'examen répondent à l'ensemble des problèmes révélés par la crise bancaire, tels que les énumère l'avis antérieur du CESE sur la DAFP III (3).

1.5   En dernier ressort, les effets de la législation dépendront toutefois de son application et des acteurs concernés. La crise bancaire n'a pas de cause unique; tous les acteurs en sont responsables. Les directeurs responsables de la gouvernance de nombreuses banques étaient manifestement en faute, mais c'était aussi le cas des commissaires aux comptes, des agences de notation, des investisseurs institutionnels et des analystes, des instances régulatrices et des autorités de surveillance des États membres, des banques centrales, des ministères des finances et des responsables politiques; dans le même temps, les universitaires économistes et les commentateurs des médias n'ont eux non plus rien vu de ce qui se produisait. Le CESE voudrait croire que ces acteurs ont tiré les enseignements de la dernière crise, mais la manière dont la crise de la dette souveraine est traitée tend à prouver le contraire. Dans certains cas, la recapitalisation des banques n'a pas été abordée, les tests de résistance ont été peu convaincants (Dexia), les auditeurs n'ont pas exigé la constitution rigoureuse de provisions pour dépréciation de la dette souveraine, tandis que les hommes politiques, en appliquant des solutions politiques aux problèmes économiques, portent la responsabilité d'avoir laissé la crise échapper à tout contrôle.

1.6   En contrepartie de ce nouveau règlement, il convient de mettre en œuvre des mesures de sortie de crise et de résolution fondées sur des instruments tels que les «testaments». Tout en laissant l'État continuer à garantir les dépôts de faible montant, il convient d'éliminer l'aléa moral que constitue un soutien illimité de l'État aux banques en faillite. Si la situation est assez claire, les investisseurs, les créanciers et les directeurs devront engager directement leur responsabilité pour la santé future de chaque établissement de crédit.

1.7   En vue de rétablir la stabilité et la confiance à l'égard des marchés, les chefs d'État et de gouvernement de l'UE ont convenu dans leur plan de sortie de crise du 26 octobre 2011 d'exiger d'un certain nombre de banques qu'elles détiennent un ratio de 9 % de fonds propres de la plus haute qualité d'ici juin 2012, y compris un tampon temporaire pour faire face à l'exposition aux risques souverains. Ces dispositions étaient nécessaires, étant donné que la proposition de règlement à l'examen prévoyait pour les nouvelles exigences en fonds propres une période de transition qui s'étale sur plusieurs années. En conséquence de cette décision, certaines banques éprouveront de grandes difficultés à lever de nouveaux capitaux, notamment parce qu'elles doivent refinancer la dette existante, ce qui est en soi problème crucial, car les sources de financement se sont taries dans la seconde moitié de 2011. Le Comité reconnaît qu'il s'agit là de mesures exceptionnelles, mais dont l'incidence n'en demeure pas moins immédiate, quels que soient les bénéfices qu'elles produiront en dernier ressort.

1.7.1   Si elles devaient s'appliquer, ces exigences en matière de fonds propres pourraient avoir des conséquences désastreuses pour les petites banques et les banques locales, qui sont généralement plus accommodantes que les banques internationales à l'égard des PME et des microentreprises. Si ces banques devaient éprouver plus de difficultés à mobiliser de tels capitaux, il serait plus difficile pour les PME d'accéder à des financements.

1.8   Cette décision soulève deux grandes inquiétudes, si la crise actuelle du financement devait se prolonger. Si les banques ne peuvent ou ne veulent pas lever à court terme de nouveaux capitaux sous forme d'actions, ce qui risquerait de diluer leur actionnariat actuel, elles ont la possibilité de réduire la taille de leur bilan en réduisant leur encours de prêts, pour le rendre cohérent avec leurs réserves de fonds propres. À un moment où les États membres tentent de redynamiser leurs économies, l'arrêt de l'octroi de crédit par les banques serait un désastre. Afin d'éviter qu'une telle situation ne se produise, les autorités des États membres et de l'UE devraient chercher à coopérer avec le secteur bancaire, plutôt que de l'affronter en permanence. Elles devraient également s'employer à prendre un ensemble de mesures visant à encourager les méthodes de financement alternatives telles que la banque participative, comme cela a déjà été proposé dans un précédent avis du CESE (4).

1.9   La seconde inquiétude concerne les banques qui lèvent des fonds propres supplémentaires sur les marchés. La plupart de ces capitaux sont disponibles auprès de fonds souverains et de banques d'Asie et du Proche-Orient. Il existe un réel danger que la structure de propriété du système bancaire européen échappe au contrôle des États membres de l'UE.

1.10   Un problème particulier s'est fait jour au cours de la crise de la dette souveraine, à savoir la preuve patente que, contrairement aux lignes directrices tant de l'accord que des directives en matière d'exigences de fonds propres, la dette souveraine n'est manifestement pas sans risque. Il s'agit là d'une déficience notable des dispositions du règlement relatives à la qualité des fonds propres. Elle a de lourdes répercussions pour les banques, qui n'ont guère eu d'autre choix que d'accumuler des titres de dette souveraine. Il y a lieu à cet égard que les instances de régulation reconsidèrent l'application mécanique de la notation «sans risque», et que les banques revoient leurs méthodologies internes en matière d'appréciation des risques.

1.11   L'effet cumulé sur les fonds propres, la liquidité et le levier des DAFP II, III et IV, les régimes de résolution à venir, l'intérêt croissant pour des propositions à la Volcker afin de limiter les opérations bancaires en nom propre et de séparer les activités bancaires de dépôt et d'investissement sont autant d'éléments qui conduiront probablement à devoir repenser le modèle opérationnel appliqué si rentablement par les plus grandes banques au cours de la dernière décennie et l'adapter au contexte marqué par l'austérité et la pénurie de capital de la présente décennie. Il est de l'intérêt de l'ensemble des acteurs – emprunteurs et prêteurs, salariés et investisseurs – et de la société en général que les banques puissent mettre en place un nouveau modèle opérationnel, d'une rentabilité moins élevée mais, espérons-le, plus durable pour les années qui viennent.

1.12   De l'avis du CESE, les nouveaux modèles économiques doivent être éthiques et durables. Il faut améliorer les relations avec les clients, les pratiques commerciales doivent être scrupuleusement éthiques et les structures de récompense doivent être entièrement revues. Tous les acteurs portent une responsabilité dans l'essor de la crise. Tous doivent maintenant s'unir pour construire des établissements de crédit capables de soutenir l'économie de l'UE dans la décennie difficile qui s'annonce.

2.   Introduction

2.1   Les directives de l'UE sur l'adéquation des fonds propres sont conçues pour mettre en place le cadre du marché bancaire intérieur. Par là même, elles transposent les accords de Bâle dans le droit de l'Union. Le Comité de Bâle a été constitué en 1975. En 1988, ce comité a décidé de mettre en place un système de mesure des fonds propres, communément appelé accord de Bâle sur les fonds propres. Ce système prévoyait la mise en place d'un dispositif de mesure du risque de crédit. L'UE a transposé cet accord par la voie de sa première directive en matière de fonds propres (DAFP) (5) sur l'adéquation des fonds propres des entreprises d'investissement et des établissements de crédit en mars 1993.

2.2   Un deuxième accord de Bâle (Bâle II) a été rendu public en 2004. L'UE a transposé ces éléments dans une nouvelle DAFP adoptée en juin 2006, qui a pris effet en décembre 2006. Le CESE a adopté son avis (6) sur cette proposition de CRD lors de sa session plénière en mars 2005.

2.3   La Commission a adopté en octobre 2008 une proposition de modifications fondamentales de la DAFP (DAFP II). Cette révision de la DAFP répondait en partie aux recommandations du Forum sur la stabilité financière du G7 et à la crise du marché. Ce document a été publié en juillet 2009 pour application en décembre 2010.

2.4   En cohérence avec les travaux menés en parallèle par le Comité de Bâle, la Commission a procédé à des consultations et a publié des propositions (en juillet 2009) de modification relatives au portefeuille de négociation, à la retitrisation et à la rémunération des personnels bancaires, qui constituaient une partie du paquet DAFP III. Le CESE a adopté un avis (7) à ce sujet lors de sa session plénière de janvier 2010.

2.5   En réponse à la crise financière, le troisième accord de Bâle a été rendu public en décembre 2010. Les exigences proposées en matière de fonds propres et de volants de liquidité sont bien plus élevées qu'auparavant. Le dispositif de Bâle III exige des banques qu'elles détiennent une composante d'actions ordinaires de 4,5 % (au lieu des 2 % prévus par Bâle II) et des fonds propres de base (T1) de 6,0 % des actifs pondérés des risques (au lieu de 4 % selon Bâle II). Le dispositif «Bâle III» prévoit également des volants supplémentaires de fonds propres, à savoir: (i) un volant obligatoire de conservation des fonds propres de 2,5 %, et (ii) un volant facultatif contracyclique, qui permet aux instances régulatrices nationales d'exiger jusqu'à 2,5 % de fonds propres supplémentaires lors de périodes de croissance du crédit. En outre, ce même dispositif instaure un ratio de levier minimal de 3 %, ainsi que deux ratios obligatoires de liquidité. Le ratio de liquidité à court terme exige qu'une banque dispose d’un niveau adéquat d’actifs liquides de haute qualité pour couvrir ses besoins de liquidité sur une période de 30 jours; le ratio de liquidité à long terme requiert la détention d’un montant minimum de financements stables supérieur aux éventuels besoins de liquidité sur une période d'un an. Les propositions visant à transposer Bâle III en une DAFP IV ont été publiées en juillet 2011 et constituent l'objet du présent avis.

3.   Résumé de la proposition de la Commission

3.1   La Commission européenne a présenté des propositions pour changer le comportement des 8 000 banques qui opèrent en Europe. Cette proposition vise pour l'essentiel à renforcer la capacité de résistance du secteur bancaire européen tout en faisant en sorte que les banques continuent de financer l'activité économique et la croissance. Les propositions de la Commission visent trois objectifs concrets:

cette proposition exige que les banques détiennent davantage de fonds propres de meilleure qualité pour résister par elles-mêmes aux prochaines crises. Des établissements ont abordé la dernière crise avec des fonds propres insuffisants, d'un point de vue tant quantitatif que qualitatif, ce qui a conduit les autorités nationales à les aider dans une mesure sans précédent. Par cette proposition, la Commission transpose pour l'Europe les normes internationales sur les fonds propres des banques, convenues au niveau du G20 (et plus communément connues sous l'appellation d'accord de Bâle III). Dans ce domaine, l'Europe jouera un rôle pionnier, en appliquant ces règles à plus de 8 000 banques, qui représentent 53 % des actifs mondiaux.

La Commission veut également mettre en place un nouveau dispositif de gouvernance qui confère aux autorités de surveillance de nouveaux pouvoirs pour suivre les banques plus étroitement et pour intervenir lorsqu'elles détectent des risques, par exemple pour réduire le crédit lorsque ce dernier semble en train de former une bulle.

En rassemblant l'ensemble de la législation en vigueur en la matière, la Commission propose de fournir un code unique de la règlementation bancaire. Ceci permettra d'en améliorer à la fois la transparence et l'application.

3.2   La proposition à l'examen contient deux parties: une directive relative aux activités de prise de dépôts et un règlement régissant la manière dont sont menées les activités des établissements de crédit et d'investissement. Ces deux instruments juridiques forment un tout et il convient de les examiner ensemble. La proposition à l'examen est accompagnée d'une analyse d'impact qui démontre que cette réforme permettra de réduire sensiblement la probabilité d'une crise bancaire systémique.

3.3   Le règlement à l'examen détaille les exigences prudentielles à l'intention des établissements de crédit et des entreprises d'investissement et il recouvre les thèmes suivants:

les fonds propres: la proposition de la Commission augmente le montant des fonds propres qu'une banque doit détenir, ainsi que leur qualité. Elle harmonise également les éléments à déduire de ces fonds propres, afin de déterminer le montant net de capital règlementaire qu'il est prudent de prendre en compte à des fins règlementaires;

la liquidité: afin d'améliorer la solidité à court terme du profil de risque de liquidité des établissements financiers, la Commission propose d'instaurer un ratio de liquidité à court terme, dont la composition et l'équilibrage exact seront déterminés après une période d'observation et de révision en 2015;

un ratio de levier: afin de limiter une accumulation excessive de l'effet de levier sur les bilans des établissements de crédit et sur les entreprises d'investissement, la Commission propose également qu'un ratio de levier soit soumis à l'examen des autorités de surveillance. Les conséquences d'un ratio de levier seront suivies de près avant que cette exigence ne devienne éventuellement obligatoire le 1er janvier 2018;

le risque de contrepartie: en cohérence avec la politique de la Commission en matière d'opérations sur dérivés de gré à gré, des modifications sont apportées afin d'encourager les banques à compenser les dérivés de gré à gré ou les contreparties centrales;

un code unique: la crise financière a mis en lumière les dangers liés à la divergence des règles nationales. Un marché unique a besoin d'un code unique. Le règlement est d'application directe sans qu'il soit nécessaire de le transposer dans les droits nationaux et de ce fait, cet instrument élimine une source possible de divergence. De même, le règlement fixe une série unique de règles en matière de fonds propres.

3.4   La directive à l'examen couvre les domaines régis par la directive en vigueur relative aux exigences en fonds propres, mais ces dispositions de l'UE doivent être transposées par les États membres d'une manière adaptée à l'environnement propre à chacun, telles que les exigences en matière de reprise et de poursuite d'activités bancaires, les conditions de l'exercice de leur liberté d'établissement et de celle de fournir des services, la désignation des autorités compétentes et la définition des principes qui régissent la surveillance prudentielle. La directive à l'examen propose les éléments nouveaux suivants:

une gouvernance renforcée: la proposition à l'examen renforce les exigences en ce qui concerne les dispositifs et les procédures de gouvernance des entreprises et instaure de nouvelles règles destinées à accroître l'efficacité de la surveillance du risque par les conseils d'administration; elle renforce ainsi le statut des fonctions de gestion des risques et assure un suivi efficace par les instances de surveillance de la gouvernance du risque;

des sanctions: si des établissements contreviennent aux exigences de l'UE, la proposition à l'examen permettra d'assurer que toutes les instances de surveillance puissent infliger des sanctions qui soient réellement dissuasives, mais aussi efficaces et proportionnées – par exemple, des amendes administratives qui peuvent atteindre jusqu'à 10 % du chiffre d'affaires annuel d'un établissement ou encore des interdictions temporaires concernant les membres de l'organe de direction de l'établissement en question;

des volants de fonds propres: elle met en place deux volants de fonds propres en sus des exigences minimales de fonds propres: un volant obligatoire de conservation des fonds propres pour toutes les banques de l'UE et un volant facultatif contracyclique qui doit être défini à l'échelon national;

une surveillance renforcée: la Commission se propose de renforcer le régime de surveillance, de manière à imposer l'élaboration annuelle d'un programme de surveillance pour chaque établissement faisant l'objet d'une surveillance, sur la base d'une évaluation des risques; un recours plus systématique et plus important aux vérifications sur place; des normes plus strictes et une évaluation plus poussée et plus prospective de la surveillance.

3.5   En dernier lieu, la proposition visera à réduire, autant que possible, la mesure dans laquelle les établissements de crédit s'appuient sur des agences externes de notation du crédit: a) en exigeant que toutes les décisions des banques en matière d'investissement ne se fondent pas sur les seules notations, mais également sur leur propre avis sur le crédit et b) en exigeant que les banques avec un nombre significatif d'expositions dans un portefeuille donné élaborent des notations internes pour ce portefeuille au lieu de se reposer sur des notations externes afin de calculer leurs exigences en matière de fonds propres.

3.6   La Commission estime que:

la proposition à l'examen réduira les actifs pondérés en fonction du risque des grands établissements de crédit de 24,5 % et de 4,1 % pour ceux plus petits;

le besoin de lever de nouveaux fonds propres en raison des nouvelles exigences et du volant de conservation s'élève à 84 milliards d'euros d'ici 2015 et à 460 milliards d'euros d'ici 2019.

4.   Perspective du CESE

4.1   Le CESE n'a pas été saisi d'une demande d'avis sur la directive. En conséquence, à deux exceptions près, le présent avis du Comité se limitera au règlement.

4.2   La DAFP IV est un grand progrès pour la règlementation des fonds propres. Elle relèvera substantiellement les exigences prudentielles, elle garantira que les fonds propres règlementaires permettent réellement d'absorber les pertes et elle découragera les activités risquées, pour lesquelles le dispositif d'avant la crise n'exigeait que bien trop peu de fonds propres. Plus généralement, tant cette crise que celles qui l'ont précédée ont montré que des montants insuffisants de fonds propres de haute qualité et liquides coûtent très cher à la société d'un point de vue économique lorsque les banques rencontrent des difficultés. Il importe de corriger cette situation. Si le CESE souscrit à l'orientation générale du règlement, il émet toutefois plusieurs réserves qu'il détaille dans le présent avis.

4.3   Les banques doivent détenir suffisamment d'actifs liquides pour faire face aux problèmes de liquidité qu'elles pourraient rencontrer sans devoir demander l'aide publique. Ce n'est que dans des circonstances exceptionnelles que la banque centrale devrait envisager d'agir en tant que prêteur en dernier ressort. Le ratio de liquidité à court terme joue donc un rôle utile. En outre, les banques doivent limiter les asymétries d'échéance dans leurs bilans. Le financement d'actifs à très long terme par des passifs à très court terme engendre des risques, non seulement pour la banque elle-même, mais également pour le reste de l'économie. C'est pourquoi le CESE soutient la proposition d'élaborer et d'instaurer le ratio de liquidité à long terme en temps voulu.

4.4   En tout état de cause, il conviendra de calibrer avec le plus grand soin les exigences de liquidités, afin qu'elles ne provoquent pas une grave dislocation des activités bancaires. Le CESE se félicite que la proposition offre la souplesse d'autoriser des modifications des ratios de liquidité à long terme et à court terme, au fur et à mesure que les autorités de surveillance acquièrent l'expérience de leur incidence. Les activités bancaires traditionnelles consistaient à transformer la maturité, à savoir emprunter à court terme pour prêter à long terme. Si elles subissaient de trop fortes restrictions, l'économie en pâtirait. En outre, le CESE s'inquiète des asymétries d'échéance dans le bilan des banques.

4.5   Il y a un élément procyclique inhérent au mode de fonctionnement du système financier. Les risques tendent à être sous-estimés lors de périodes d'expansion économique et surévalués en période de crise. Mais la crise qui a suivi la faillite de Lehman a montré quelles extrémités les fluctuations pouvaient atteindre. En sus des exigences de fonds propres et de liquidité du règlement, la directive instaurera également un volant de conservation des fonds propres et un volant contracyclique. La stabilité financière à long terme devrait en conséquence en sortir renforcée, ce qui devrait permettre de soutenir la croissance économique.

4.5.1   En tout état de cause, l'application des règles de Bâle, systémiques ou autres, à toutes les banques est susceptible de faire peser une pression particulière sur les institutions bancaires communautaires de petite taille. Le Comité plaide auprès de la Commission, de l'ABE et des autorités nationales de supervision pour qu'elles garantissent que les tampons de capitaux des petites banques soient adaptés au modèle économique de celles-ci.

4.6   Les calculs des exigences de fonds propres dépendent des méthodes comptables utilisées. Au cours de son enquête sur le rôle des commissaires aux comptes lors de la crise financière, la Chambre des Lords du Royaume-Uni a conclu que l'application des normes internationales d'information financière (IFRS) constituait un obstacle matériel à la véracité des bilans des banques. Ces derniers mois, il a été manifeste que les banques dans un ou plusieurs États membres n'ont pas évalué les dettes souveraines à leur prix de marché dans leurs rapports à leurs actionnaires ce qui donne lieu à des applications divergentes des normes internationales d'information financière (IFRS). Sachant que ces normes constituent un ensemble cohérent fondé sur une série de principes, le CESE appelle instamment la Commission à travailler avec les autorités de normalisation comptable, la profession des auditeurs et les autorités de surveillance des États membres afin de garantir que la règlementation harmonisée en matière d'adéquation des fonds propres soit soutenue par des pratiques comptables harmonisées et exactes. Dans le cadre de ce processus, l'Autorité européenne des marchés financiers devrait jouer un rôle important de coordination. Il s'agit là d'un préalable fondamental à une application uniforme du nouveau cadre prudentiel.

4.7   La Commission attend naturellement que l'on juge de la réussite de la DAFP IV à l'aune de la manière dont les nouveaux dispositifs de fonds propres et de liquidité répondront à de futures crises financières. Le CESE, conscient de l'ampleur de la crise économique que subit l'UE actuellement, se soucie que rien dans le nouveau dispositif ne restreigne le crédit à l'économie ou les flux de crédit à l'exportation ou de financement des échanges commerciaux. Si les banques ne peuvent atteindre les ratios de fonds propres et de liquidité prescrits qu'en resserrant leur bilans et en restreignant le crédit, alors le règlement sera un échec. Cela serait inacceptable. Le Comité n'est pas convaincu par l'analyse d'impact qui a déjà été menée et demande une analyse plus approfondie. Le CESE propose que la disponibilité de crédits fasse l'objet d'une surveillance continue (menée éventuellement par un observatoire aux travaux duquel le CESE participerait) jusqu'au terme du calendrier du DFP IV (2019) et la réalisation de la stratégie UE 2020 (qui nécessite le soutien des banques).

4.8   Dès lors, si la motivation d'une harmonisation maximale apparaît clairement, la crise économique et le flux de crédit peuvent exiger de procéder à un réglage fin des deux ratios et des calendriers si les performances et la sortie de crise de l'économie de chacun des États membres doivent être optimisées aux cours des prochaines années.

4.9   Le règlement à l'examen propose une exigence de ratio de fonds propres total de 8 %. Cette exigence se compose d'un ratio de fonds propres de base de 4,5 % auquel il faut ajouter 1,5 % de ratio de fonds propres de catégorie 1 et 2 % de ratio de fonds propres de catégorie 2, ainsi qu'un volant de conservation des fonds propres de base de catégorie 1 s'élevant à 2,5 %. Lorsque l'ensemble des changements auront été introduits en 2019, les exigences imposées en matière de fonds propres, en tenant compte du volant de conservation, atteindront 10,5 %. Le règlement à l'examen requiert une harmonisation maximale, c'est-à-dire des exigences prudentielles en matière de fonds propres homogènes dans toute l'Union européenne, atteinte grâce à un code véritablement unique. Cette exigence d'harmonisation se justifierait par le fait que des exigences plus strictes, inadéquates et non coordonnées, dans certains des États membres pourraient conduire à transférer les expositions sous-jacentes et les risques vers le secteur bancaire parallèle ou bien d'un État membre de l'UE vers un autre. Il est possible que certains États membres qui entendent proposer des taux plus élevés choisissent de s'opposer à cette thèse avant que le règlement ne soit finalisé. Le CESE s'opposerait à une telle démarche si elle devait avoir un impact négatif sur les petites banques et/ou les crédits aux PME.

4.10   Le dispositif de Bâle est conçu pour des banques d'envergure internationale. L'UE rend ses directives sur l'adéquation des fonds propres applicables à tous les établissements de crédit de l'Union. Le dispositif de Bâle restreint plus ou moins la définition de la composante actions ordinaires et assimilées des fonds propres de base (T1) aux seules actions et bénéfices non distribués. Cela peut représenter un problème pour les sociétés qui ne sont pas constituées en sociétés par action, telles que les banques mutualistes, coopératives ou caisses d'épargne en Europe. L'article 25 de la DAFP III reconnaît que ces établissements nécessitent une approche différente des fonds propres de base. Il importe au plus haut point que les dispositions finales du règlement soient cohérentes avec les différents types de modèles opérationnels de ces établissements.

4.11   Bien qu'il ne s'agisse pas ici d'un avis sur la directive, le CESE estime devoir formuler des observations sur la proposition de réduire le recours par les établissements de crédit aux notations externes des crédits (voir à cet égard le paragraphe 3.5 ci-dessus). Dans son avis de mai 2009 sur le règlement sur les agences de notation de crédit (8), le CESE invite instamment les autorités de réglementation de l'UE à ne pas s'appuyer à l'excès sur les notations de crédit, compte tenu, surtout, de l'expérience vécue au cours de la période récente, lorsque des notations de titres liés à des créances hypothécaires se sont révélées n'avoir aucun sens. C'est pourquoi le CESE se félicite de la proposition actuelle car, bien qu'elle continue d'autoriser le recours à des notations externes, elle exige des États membres d'assurer que leurs établissements réglementés ne recourent pas seulement ou mécaniquement à ces notations externes et qu'ils disposent de méthodologies internes d'évaluation de la solvabilité. Il en découle également que lorsque la méthodologie interne d'un établissement indique qu'il est nécessaire d'élever les fonds propres à un niveau supérieur que celui indiqué par une notation externe, c'est cette méthodologie interne qu'il convient d'appliquer.

4.12   Un problème particulier s'est fait jour au cours de la crise de la dette souveraine, à savoir la preuve patente que, contrairement aux lignes directrices tant de l'accord que des directives en matière d'exigences de fonds propres, la dette souveraine n'est manifestement pas sans risque. Il s'agit là d'une déficience notable des dispositions du règlement relatives à la qualité des fonds propres. Elle a de lourdes répercussions pour les banques, qui n'ont guère eu d'autre choix que d'accumuler des titres de dette souveraine. Il y a lieu à cet égard que les instances de régulation reconsidèrent l'application mécanique de la notation «sans risque», et que les banques revoient leurs méthodologies internes en matière d'appréciation des risques.

4.13   Le CESE prend acte que le règlement à l'examen maintiendra les exigences de fonds propres pour les crédits aux PME à 75 % de la norme, mais doute que cela suffise dans le climat actuel. Le Comité estime que le problème essentiel pour les PME est celui de la prise de risque par les banques. Historiquement, les banques étaient disposées à épauler les PME prometteuses et à soutenir leur croissance, mais les faillites en raison de la crise financière et la fragilité générale des bilans des banques les ont conduites à se montrer toujours plus réticentes à prendre des risques. Dès lors, pour atténuer cette aversion au risque, le CESE recommande de ramener ce ratio à 50 % pour les PME. Il a été porté à la connaissance du Comité que la Commission prévoit d'examiner cette question plus avant.

4.14   C'est dans ce contexte que le CESE invite instamment la Commission à faciliter l'essor de la banque éthique et participative. Ce type d'activité bancaire a résisté à la crise financière, et quoiqu'il n'ait pas été à l'abri de ses répercussions, il a certainement montré sa résilience et sa valeur. Vu les pressions qui pèsent sur le système bancaire, il peut utilement offrir une source supplémentaire de crédit aux PME. Le Comité invite donc instamment la Commission à élaborer une directive sur le thème de la banque éthique et participative, comme il l'a déjà proposé dans un précédent avis (9).

4.15   Prises ensemble, les DFP II, III et IV font peser un lourd fardeau sur les opérations bancaires en augmentant le poids de la réglementation et les coûts de mise en conformité tout en réduisant le rendement du capital et la rentabilité à long terme. Compte tenu du rôle des banquiers dans la crise récente, et dans un contexte marqué par l'incompréhension de la structure de leurs bonus, la plupart des citoyens européens ont le sentiment que les banquiers n'ont que ce qu'ils méritent. Toutefois, le CESE se doit de lancer un avertissement. Pour que l'UE prospère, les banques doivent prospérer. Pour pouvoir octroyer des crédits, elles doivent être rentables. Malheureusement, les banques de l'UE ne sont actuellement pas en bonne santé: il est difficile d'évaluer quels ravages supplémentaires la crise de la dette fera encore dans leurs bilans et dans leur rentabilité à long terme.

4.16   Dans ce contexte, la rédaction finale et l'application subséquente du train de mesures de la DAFP IV seront cruciales pour la réussite de ce projet et notamment pour la capacité des banques à procéder aux changements voulus et à recouvrer la santé. Prises dans les retombées de la crise de la dette souveraine, les banques des différentes régions de l'UE pourraient ne pas être en mesure d'évoluer à la même vitesse. Les législateurs et les autorités de surveillance doivent y être préparés, même si le calendrier de mise en œuvre s'étend jusqu'en 2019.

Bruxelles, le 18 janvier 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO L 329 du 14.12.2010, p. 3–35, Avis CESE: JO C 339 du 14.12.2010, p. 24-28.

(2)  JO C 48 du 15.2.2011, p. 33.

(3)  JO C 228 du 22.9.2009, p. 62-65.

(4)  JO C 48 du 15.2.2011, p. 33.

(5)  JO L 141 du 11.6.1993, p. 1-26.

(6)  JO C 234 du 22.9.2005, p. 8-13.

(7)  JO C 339 du 14.12.2010, p. 24-28.

(8)  JO C 54 du 19.2.2011, p. 37-41.

(9)  JO C 48 du 15.2.2011, p. 33.


6.3.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 68/45


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Conseil concernant la coopération administrative dans le domaine des droits d'accise»

COM(2011) 730 final – 2011/0330 (CNS)

2012/C 68/08

Rapporteure générale: Mme LOUGHEED

Le 28 novembre 2011, le Conseil a décidé, conformément à l'article 113 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Proposition de règlement du Conseil concernant la coopération administrative dans le domaine des droits d'accise»

COM(2011) 730 final — 2011/0330 (CNS).

Le 6 décembre 2011, le Bureau du Comité a chargé la section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale» de préparer les travaux du Comité en la matière.

Compte tenu de l'urgence des travaux, le Comité économique et social européen a décidé au cours de sa 477e session plénière des 18 et 19 janvier 2012 (séance du 18 janvier 2012) de nommer Mme LOUGHEED rapporteure générale, et a adopté le présent avis par 138 voix pour, aucune voix contre et 10 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le CESE soutient et approuve la proposition à l'examen d'un nouveau «règlement concernant la coopération administrative dans le domaine des droits d'accise», car il s'agit là d'une mise à jour à la fois nécessaire et utile des règles en vigueur afin de soutenir la coopération des administrations nationales en vue d'assurer une collecte efficace de ces droits et de combattre la fraude en la matière.

2.   Exposé des motifs

2.1   Des droits sont perçus dans l'Union européenne sous la forme de droits d'accise sur trois catégories de produits, à savoir l'alcool et les boissons alcoolisées, les tabacs manufacturés et les produits énergétiques. Ces droits jouent un rôle important: ils tentent de modifier les comportements du public et contribuent aux budgets publics des États membres et de l'UE (1).

2.2   Pour de nombreuses raisons, dont notamment la possibilité de dégager des bénéfices élevés sur des volumes d'activité relativement réduits, le niveau de fraude (notamment en ce qui concerne les secteurs du tabac et de l'alcool) est très élevé dans l'UE. À tel point qu'un «Groupe à haut niveau sur la fraude dans le secteur du tabac et de l'alcool» a été mis sur pied (2),. Les recommandations de ce dernier pour combattre la fraude ont été approuvées par le Conseil ECOFIN en mai 1998. De nombreuses recommandations ont été formulées, mais la plus significative d'entre elles à long terme était que l'UE devrait mettre en place un «système entièrement informatisé de circulation et de contrôle».

2.3   En conséquence, durant plusieurs années, l'UE a conçu et déployé progressivement un nouveau système moderne pour suivre les produits circulant en régime de suspension de droits d'accise au sein du marché intérieur – le système d'informatisation des mouvements et des contrôles de produits soumis à accise (EMCS).

3.   Le système d'informatisation des mouvements et des contrôles intracommunautaires des produits soumis à accises

3.1   La décision 1152/2003/CE a créé le système informatisé de circulation et de contrôle des produits soumis à accises (EMCS). Mettre en place ce dernier a représenté un travail très important, auquel ont participé la Commission européenne, les administrations des accises des États membres et les opérateurs, qui ont tous œuvré au cours de différentes phases de conception pour le remplacement d'un système fondé principalement sur des documents papier, fort coûteux pour toutes les parties concernées, par un système informatique et électronique qui fera presque entièrement l'économie du support papier. Qui plus est, ce nouveau système devrait donner aux autorités compétentes la possibilité de suivre en temps réel les mouvements des produits et de recouper immédiatement les informations des bases de données qui permettront ainsi de faciliter et d'approfondir les analyses et d'automatiser les analyses de risque.

3.1.1   Pour l'ensemble des opérateurs concernés, cette nouvelle automatisation accélère les procédures administratives nécessaires (dès maintenant, tout mouvement s'accompagne d'un document administratif électronique qui remplace les documents sur papier). Elle a permis de standardiser nombre des documents exigés et comprend une interface internet pour vérifier les justificatifs présentés par d'éventuels partenaires commerciaux.

3.1.2   Le CESE estime que les fonctionnalités du système d'informatisation facilitent les échanges légaux au sein du marché intérieur, tout en complétant les instruments dont disposent les États membres pour s'attaquer à la fraude aux droits d'accise.

4.   Proposition de règlement du Conseil concernant la coopération administrative dans le domaine des droits d'accise

4.1   La proposition à l'examen est l'une des dernières «pièces du puzzle» nécessaires pour utiliser toute la capacité du système. Cette proposition se substitue au règlement en vigueur relatif à la coopération administrative dans le domaine des droits d'accise (règlement 2073/2004) en prenant acte de la modernisation pour ainsi dire achevée et en permettant aux administrations des États membres d'en profiter dans le cadre de leur coopération mutuelle, ce qui permet ainsi de renforcer leur capacité à coordonner leurs activités de manière optimale.

4.2   Le CESE prend acte de l'élargissement de la portée de la proposition à l'examen, et il l'approuve: celle-ci intègre la coopération dans l'application de la législation relative aux droits d'accise et ne se contente plus du seul calcul du montant des droits dus et elle constitue une amélioration utile pour combattre la fraude et renforcer le marché intérieur et la confiance que les citoyens y placent.

4.3   Par nécessité, les principaux éléments de la proposition déterminent les règles juridiques pour régir la manière dont devrait se dérouler la coopération administrative dans le cadre de ce nouveau système. Le CESE estime que cette proposition constitue une approche équilibrée qui permettra aux États membres de profiter des avantages inhérents à ce nouveau système, sans pour autant accroître leurs charges administratives ni celles des opérateurs.

4.3.1   Le CESE estime également qu'elle décrit clairement les droits et les responsabilités de tous, en tout premier lieu celles des administrations nationales, et que les processus et les délais proposés sont à la fois suffisamment ambitieux pour assurer des réactions plus ou moins dans les délais, tout en restant facilement réalisables par tous. À cet égard, le CESE s'attache à la teneur de l'acte d'exécution actuellement en cours d'élaboration, qui doit détailler les catégories d'information susceptibles de faire l'objet d'un échange obligatoire ou facultatif dans le cadre des échanges automatiques.

4.4   La plupart des éléments nouveaux de la proposition à l'examen sont directement liés à la modernisation du système et aux nouvelles possibilités qui s'offrent d'améliorer la coopération entre administrations. Le CESE encourage fortement la Commission européenne et les États membres à faire le meilleur usage de ce système renforcé pour améliorer l'efficacité du calcul et de la collecte des droits et pour déceler et combattre la fraude, notamment grâce à l'amélioration de la coopération entre les États membres à cet effet.

4.4.1   Le Comité espère ainsi que le nouveau système améliorera la qualité des rapports automatisés, ce qui permettra aux États membres de concentrer leur action sur les activités problématiques. L'introduction par cette proposition d'un système de «suivi» est particulièrement judicieuse et elle devrait contribuer à évaluer et améliorer la qualité et l'utilité des informations échangées sur une base permanente.

4.5   Si le CESE souscrit à la nécessité, exprimée dans la proposition, de définir une base juridique pour la collecte de données concernant les enregistrements de chaque mouvement et pour l'utilisation de ces derniers dans le cadre des analyses menées par les États membres, il souhaite néanmoins exprimer une mise en garde concernant leur usage et rappeler aux administrations de veiller à faire preuve d'un sens adéquat des proportions dans l'utilisation de telles informations.

4.6   Le CESE estime que la proposition à l'examen établit correctement un équilibre des responsabilités dans le domaine des droits d'accise et de l'EMCS, lorsque qu'elle charge la Commission européenne du fonctionnement et de l'entretien du système en tant que tel et les États membres des informations contenues dans ce système, de la communication de ces informations et bien évidemment de la mise à jour de fraudes et de la prise de mesures visant à y remédier.

4.7   Le CESE estime qu'il est judicieux d'harmoniser davantage les règles relatives aux droits d'accise avec les modifications des règles de l'UE concernant la coopération administrative en matière de TVA et de fiscalité directe. Le CESE soutient l'ensemble des efforts que déploient les services nationaux en charge de l'imposition, des recettes, des droits d'accise et de douane afin d'améliorer leur communication et leur coopération, car il estime qu'en dernier ressort, ces efforts contribueront à améliorer le marché intérieur.

4.8   Le CESE soutient tout particulièrement la base juridique que fournit la proposition pour le service SEED sur Europa, car il estime qu'il s'agit là d'un instrument utile pour aider les opérateurs légaux à établir rapidement la crédibilité de ceux avec lesquels ils envisagent de commercer.

Bruxelles, le 18 janvier 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Au sein de l'UE, on estime que 307 milliards d'euros de droits d'accise et assimilés sont collectés par an (chiffre de 2010), à savoir 22 milliards au titre de l'alcool et des boissons alcooliques, 207 milliards au titre des produits énergétiques et 77 milliards sur les tabacs manufacturés. Ces chiffres sont les totaux agrégés des recettes totales présentées par la Commission européenne dans chacun de ses différents «tableaux des droits d'accise» sur les boissons alcooliques, les produits énergétiques et l'électricité et les tabacs manufacturés, qui peuvent être consultés sur le site internet de la DG TAXUD (http://ec.europa.eu/taxation_customs/taxation/excise_duties/index_fr.htm).

(2)  À l'époque, ce groupe à haut niveau estimait que les pertes en raison de la fraude s'élevaient en 1996 à environ 3,3 milliards d'ECU pour le secteur du tabac et de 1,5 milliard d'ECU pour le secteur de l'alcool.


6.3.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 68/47


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un plan pluriannuel pour le stock de saumon de la Baltique et les pêcheries qui exploitent ce stock»

COM(2011) 470 final – 2011/0206 (COD)

2012/C 68/09

Rapporteur: M. KALLIO

Le 13 septembre 2011, le Parlement européen a décidé, conformément à l'article 43, paragraphe 2 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un plan pluriannuel pour le stock de saumon de la Baltique et les pêcheries qui exploitent ce stock

COM(2011) 470 final — 2011/0206 (COD).

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 21 décembre 2011.

Lors de sa 477e session plénière des 18 et 19 janvier 2012 (séance du 18 janvier 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 169 voix pour, 4 voix contre et 9 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le Comité économique et social européen approuve pleinement les objectifs du plan pluriannuel destinés à garantir une exploitation durable et la préservation de l'intégrité et de la diversité génétiques de l'ensemble des stocks de saumon de la Baltique. Toutefois, concernant les stocks fragilisés du Sud de la Baltique, le Comité juge le calendrier irréaliste compte tenu des informations disponibles actuellement.

1.2   Le Comité estime indispensable que les restrictions de pêche s'appliquent à tout le cycle de vie des saumons et à toutes les formes de pêche. Pour assurer le rétablissement des stocks de saumon fragilisés, il faudra non seulement des restrictions de pêche, mais aussi des mesures de restauration des zones de reproduction des saumons. De l'avis du Comité, fixer des totaux admissibles des captures (TAC) pour les zones de rivière n'a pas de sens, car cela représente une lourde charge administrative, et le contrôle de cette mesure entraînerait des coûts supplémentaires considérables. La responsabilité de réglementer et de contrôler les activités de pêche dans les eaux territoriales devrait incomber au premier chef à l'État membre concerné. La Commission européenne superviserait la mise en œuvre des programmes nationaux de contrôle, en se fondant sur les rapports fournis par les États membres.

1.3   Le Comité est favorable à ce que les navires de services soient pris en compte par le règlement. Toutefois, la pêche récréative, qui n'est pas dans le champ d'application du plan, est encore responsable d'une proportion importante de l'ensemble des prises de saumons. Il convient que la pêche récréative soit elle aussi réglementée et contrôlée au niveau national, et que les mesures prises en la matière soient répertoriées dans les rapports délivrés à la Commission par les États membres.

1.4   Concernant la viabilité de la pêche, le Comité estime qu'il importe de passer progressivement d'un système de quotas et de restrictions de l'activité de pêche à des objectifs en termes de taux de mortalité par pêche. À l'avenir, la réglementation de la pêche du saumon en mer ne devrait plus être fondée sur des TAC applicables à un certain nombre de stocks de saumon mais sur des règlements techniques concernant les périodes d'ouverture et l'équipement de pêche, afin de protéger les stocks de saumon fragilisés.

1.5   Le Comité n'est pas d'accord pour interdire le repeuplement compensatoire des stocks sans qu'il soit apporté de preuves scientifiques solides de la nocivité de ce mode de repeuplement. La qualité des saumoneaux d'élevage destinés aux lâchers doit être contrôlée. Le Comité préconise de réduire le risque génétique des activités de peuplement en produisant chaque année des saumoneaux issus de saumons capturés à l'état sauvage.

1.6   Le Comité économique et social européen estime essentiel d'assurer un contrôle effectif et approprié de la pêche du saumon, et recommande d'affecter d'urgence des moyens financiers à cette fin. Toutefois, le Comité estime qu'il faudrait prioritairement, plutôt que de créer de nouvelles obligations de contrôle permanent, assurer la mise en œuvre effective, dans tous les États membres, des règlementations abondantes mises en place ces dernières années en matière de contrôle. Le Comité invite le Conseil international pour l'exploration de la mer à apporter davantage de clarifications sur son évaluation des fréquentes déclarations erronées de captures de saumons.

1.7   Le Comité souligne l’importance de développer une recherche de pointe sur les saumons afin de réussir à mettre en œuvre le plan pluriannuel. En effet, seules des informations suffisamment fiables peuvent garantir des mesures appropriées de protection et de restauration des stocks de saumon, ainsi que la possibilité d'exploiter ces stocks durablement. Il est nécessaire de disposer, en plus de statistiques fiables sur les captures, d'informations supplémentaires sur les causes de la mortalité du saumon en mer.

1.8   Le Comité estime que la proposition de règlement pourrait avoir des effets négatifs sur l'emploi pour les pêcheurs professionnels, les activités de transformation et de vente, les équipementiers, le tourisme de la pêche et l'aquaculture. L'étendue de ces effets connaîtra des disparités entre les États membres, mais aussi entre régions à l'intérieur de ces derniers. Le Comité appelle à limiter ces effets négatifs sur l'emploi lors de l'application des mesures relevant du règlement proposé, et à prendre largement en considération les effets produits au moment d'approuver des aides structurelles de l'UE ainsi que dans le cadre de la future réforme de la politique commune de la pêche. Le Comité fait remarquer qu'une amélioration et une rationalisation de l'accès aux fonds structurels permettrait une croissance durable des stocks de saumon ainsi que la création d'emplois plus nombreux dans le secteur de la pêche en région Baltique.

2.   Introduction

2.1   La règlementation antérieure sur les stocks de saumon de la Baltique comprenait des restrictions de pêche fixées par les gouvernements nationaux, ainsi que des dispositions techniques sur la pêche établies par un règlement du Conseil, et des quotas de pêche (TAC) fixés annuellement. Jusqu'en 2006, ces quotas étaient fixés par la Commission internationale pour la conservation des pêcheries de la Baltique (IBSFC). Et jusqu'en 2010, toutes les mesures concernant le saumon étaient coordonnées par le plan d'action pour le saumon de la Commission internationale pour la conservation des pêcheries de la Baltique.

2.2   Depuis 2006, les quotas de pêche en mer Baltique réservés aux États membres sont fixés annuellement par règlement du Conseil. La proposition de règlement de la Commission européenne a été élaborée à partir des recommandations du Conseil international pour l'exploration de la mer (CIEM) et du Comité scientifique, technique et économique de la pêche (CSTEP).

2.3   L'UE continue à allouer à ses États membres des quotas, qui ont fait l'objet d'accords, suivant le principe de «stabilité relative». Cela signifie que la part relative du quota accordée à chaque État membre ne change pas d'une année à l'autre, mais que c'est le montant du quota lui-même qui est susceptible de changer.

2.4   Le seul pays tiers à effectuer des opérations de pêche en mer Baltique est la Russie. L'UE et la Russie examinent la situation des stocks de poissons et les possibilités de pêche en mer Baltique dans le cadre de pourparlers bilatéraux séparés. Il n'existe pas à l'heure actuelle de procédure officielle de négociation, comparable à celle de la Commission internationale pour la conservation des pêcheries de la Baltique, pour répartir les quotas de poissons entre l'UE et la Russie.

2.5   Le quota des saumons pour les pêcheurs professionnels en mer Baltique est divisé en deux parties: le quota pour le bassin principal et le golfe de Botnie (ICES 22-31) et le quota pour le golfe de Finlande (ICES 32). En pratique, ce quota n'a pas restreint la pêche du saumon depuis plusieurs années. Ainsi, alors que le quota pour le saumon de mer Baltique était de 309 665 en 2010, les prises n'ont été que de 150 092 (soit 48,5 % du quota). Le pourcentage du quota utilisé varie suivant les pays, de 2,8 % à 84,9 %. Le saumon est capturé par les pêcheurs professionnels et des pêcheurs de loisir, en mer, dans les estuaires et en rivière. La pêche récréative représente 20 à 30 % de l'ensemble des prises de saumon dans la région de la mer Baltique, et près de la moitié des prises sur les côtes ou en rivière. Les prises de saumon dans le cadre du loisir n'entrent pas dans le calcul du quota de pêche.

2.6   L'état des principales rivières à saumons du grand Nord s'est considérablement amélioré au milieu des années 1990, grâce aux restrictions nationales sur les périodes d'ouverture de la pêche côtière imposées en Suède et en Finlande. Depuis lors, la production des saumoneaux est restée, dans ces rivières, à un niveau nettement plus élevé, proche de leur capacité potentielle de production et du rendement maximal durable fixé comme objectif par le plan pluriannuel. La pêche du saumon en mer Baltique est largement tributaire de la production de ces rivières à saumon septentrionales, qui sont en bon état.

2.7   Malgré les mesures qui ont été prises à ce jour, la production de saumoneaux est restée faible dans les cours d'eau à saumon des parties centrale et méridionale de la Baltique. Suite à l'interdiction des filets dérivants en 2008, la pêche dans le stock mixte de saumons du bassin principal de la Baltique a décliné significativement. L'augmentation de la pêche aux lignes dérivantes marque une nouvelle augmentation de la pêche de saumons dans le bassin principal.

2.8   Si la production de saumoneaux a connu une hausse significative, la taille du stock de saumons propres à la pêche n'a pas progressé dans les mêmes proportions. Il est nécessaire de disposer de davantage de données de recherche sur les facteurs de mortalité des saumons en mer.

2.9   Dans ses recommandations pour les possibilités de pêche en 2012, le CIEM met en évidence que les captures de saumons en mer Baltique sont fréquemment déclarées de façon erronée comme des captures de truite de mer prises aux lignes dérivantes.

2.10   Le CIEM a exprimé sa préoccupation quant à la situation des stocks de saumon de la Baltique et leur diversité génétique. La Commission pour la protection de l'environnement marin de la mer Baltique (HELCOM) a elle aussi attiré l'attention sur l'état des stocks de saumon en mer Baltique.

2.11   Pour les communautés côtières de pêcheurs, la pêche au saumon est importante, tant sur le plan économique que social. Les plus récentes estimations du nombre total de pêcheurs de saumon en mer Baltique remontent à 2007. La Commission européenne évaluait alors le total des pêcheurs professionnels à environ 400 personnes, dont 340 pêchaient au large de la côte. En 2010, le groupe de travail du CIEM sur le saumon a estimé le nombre total de navires pêchant le saumon en haute mer à 141, soit un nombre nettement supérieur à l'estimation de 2007. Le saumon ne fournit pas seulement des emplois aux pêcheurs professionnels; il concerne au moins autant d'emplois dans le secteur du tourisme de la pêche. Selon les estimations, dans le golfe de Botnie, la pêche professionnelle et la pêche récréative ont des répercussions similaires en termes d'emplois. La pêche au saumon fournit aussi un grand nombre d'emplois indirects, dans la transformation et la vente des produits de la pêche, et dans l'industrie de l'équipement de pêche. La production de saumoneaux destinés à maintenir l'activité de pêche et les stocks de saumon représente aussi un important vivier d'emplois à l'échelle locale.

3.   Proposition de la Commission

3.1   Le 12 août 2011, la Commission européenne a soumis au Conseil une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un plan pluriannuel pour le stock de saumon de la Baltique et les pêcheries qui exploitent ce stock (COM (2011) 470).

3.2   Ce plan de gestion pour le saumon de la Baltique s'appliquerait à la pêche professionnelle en mer Baltique et sur les fleuves qui s'y jettent. Il concernerait aussi les entreprises offrant des séjours de pêche guidés et des services de pêche de loisir en mer Baltique. La proposition prévoit la possibilité que la pêche en rivière soit, sous certaines conditions, réglementée par des dispositions de l'UE, et elle s'applique également aux lâchers de saumons.

3.3   L'objectif principal de la proposition est de garantir que le saumon de la Baltique fasse l'objet d'une exploitation durable conforme au principe du rendement maximal durable; et que son intégrité et sa diversité génétiques soient préservées.

3.4   L'objectif fixé pour les stocks de saumon de la mer Baltique est d'atteindre dans chacun des cours d'eau abritant des saumons sauvages 75 % de la production potentielle de saumoneaux. En fonction de l'état actuel du cours d'eau, l'objectif doit être atteint dans les cinq à dix ans suivant l'entrée en vigueur du règlement.

3.5   Il est proposé de fixer des TAC obligatoires par cours d'eau pour les stocks de saumons sauvages. La responsabilité de les fixer incomberait aux États membres. Ceux-ci, à partir de données scientifiques, seraient habilités à déterminer le taux de mortalité maximum admissible par pêche et le TAC correspondant, pour chaque cours d'eau.

3.6   La Commission procèderait tous les trois ans à une évaluation de l'efficacité des mesures susmentionnées prises par les États membres et de leur compatibilité avec la réalisation des objectifs. Si un État membre devait ne pas publier de données, ou si ses mesures nationales s'avéraient inappropriées pour atteindre les objectifs, la Commission pourrait modifier les niveaux de mortalité par pêche et/ou le TAC correspondant pour les cours d'eau à saumons sauvages et/ou imposer la fermeture de la pêche au saumon dans tous les cours d'eau concernés.

3.7   Un taux de mortalité par pêche unique est proposé pour l'ensemble des stocks de saumon de la mer Baltique, dont la valeur est 0,1. Ce taux signifierait que les prises annuelles pourraient s'élever à environ 10 % des saumons propres à la pêche. En fixant le TAC annuel, l'instance de réglementation devrait s'assurer que le taux de mortalité par pêche de 0,1 n'est pas dépassé. La Commission peut modifier la valeur du taux de mortalité par pêche en zone de mer, au cas où les circonstances évolueraient au point de compromettre la réalisation des objectifs.

3.8   Le saumon capturé en mer par des navires de services devrait être imputé sur le quota national de l'État membre concerné.

3.9   Il serait exigé des États membres qu'ils fixent des règles techniques spécifiques à la pêche en rivière pour les stocks de saumon sauvage fragilisés qui n'ont pas atteint 50 % de la capacité potentielle de production de saumoneaux. Les États membres disposeraient de deux ans pour adopter ces mesures, à compter de l'entrée en vigueur du règlement. Il incomberait à l'État membre lui-même de sélectionner et de décider de ces dispositions techniques sur la pêche (par exemple, restrictions en matière d'équipement, interdiction de pêche à certaines périodes ou dans certaines zones).

3.10   Les dispositions techniques sur la pêche prises par les États membres seront évaluées tous les trois ans par la Commission. Si un État membre n'introduit pas de mesures dans le délai prescrit ou ne publie pas les mesures prévues ou si ses mesures sont inappropriées pour atteindre les objectifs concernant les cours d'eau à saumons sauvages, la Commission se voit conférer le pouvoir de fixer des règles techniques spécifiques à la pêche en rivière.

3.11   Les lâchers de saumons ne seraient possibles que pour le peuplement et le repeuplement direct. «Peuplement» désigne le lâcher de stocks de saumons dans des cours d'eau à saumon sauvage et «repeuplement direct» le fait de lâcher des saumons dans les cours d'eau présentant des possibilités de réinstallation de populations autonomes de saumons sauvages.

3.12   L'acte proposé prévoit une période de transition de sept ans pour les lâchers. Après cette période de transition, seuls les types de lâchers susmentionnés seraient autorisés.

3.13   La proposition établit de nouvelles dispositions de contrôle venant compléter celles qui sont déjà en vigueur. Ces nouvelles obligations s'appliquent aux navires de pêche professionnelle au saumon, quelle que soit leur longueur, et aux navires utilisés pour les services de pêche récréative.

3.14   Les prises pourront être inspectées au moment de leur débarquement. Il faut que les inspections au débarquement représentent au moins 10 % de l'ensemble des captures débarquées.

3.15   La Commission propose que le pouvoir d'adopter, si nécessaire, des actes délégués lui soit conféré pour une durée indéterminée, aux fins de la réglementation sur la pêche au saumon en mer et en rivière.

4.   Observations particulières

4.1   Le Comité économique et social européen approuve pleinement les objectifs du plan pluriannuel. L'objectif du plan d'atteindre une production égale à au moins 75 % de la capacité potentielle de production de saumoneaux en l'espace de dix ans est extrêmement ambitieux. Selon les évaluations du CIEM, cet objectif est en cours de réalisation dans les principales rivières à saumons du Nord de la région de la Baltique, mais pour les stocks fragilisés du Sud de la Baltique, le calendrier est irréaliste, malgré le niveau des restrictions de pêche.

4.2   Le règlement s'applique à la pêche professionnelle et aux navires de services. Ces derniers ont une incidence faible sur l'ensemble des captures de saumon. Toutefois, les captures de saumon cumulées de la pêche récréative côtière et en rivière, qui échappe au champ d'application du règlement, sont comparables aux captures de la pêche professionnelle pour une zone équivalente. Le Comité estime qu'il n'est pas avisé de fixer un TAC spécifique pour la pêche professionnelle en zone de rivière, dans la mesure où la quasi-totalité de la pêche en rivière est récréative. Le Comité estime que les restrictions de pêche doivent s'appliquer à tout le cycle de vie des saumons et à toutes les formes de pêche. La responsabilité de réglementer les activités de pêche commerciale ou récréative dans les eaux territoriales devrait incomber au premier chef à l'État membre concerné.

4.3   Au sein des plans de gestion et de restauration qui ont déjà été adoptés pour les stocks de poissons de l'UE, le taux de mortalité par pêche fixé pour chaque stock correspond au taux le plus approprié pour parvenir à une exploitation durable de ce stock. De nombreux stocks de saumon différents sont pêchés en Baltique, et leur statut biologique varie. Le règlement et son exposé des motifs n'explicitent pas pourquoi la proposition établit un taux unique de mortalité par pêche pour l'ensemble des stocks de saumon de la mer Baltique ni comment on est arrivé à ce taux.

4.4   Les stocks de saumon du Nord de la mer Baltique sont déjà très près de leur rendement maximal durable. Réduire le quota de saumons pour le bassin principal de la Baltique et le golfe de Botnie à un niveau où le taux de mortalité par pêche des stocks de saumon du Sud serait également à son rendement maximal durable se traduirait par des restrictions inutiles sur la pêche des stocks de saumon du Nord. À l'avenir, il serait donc souhaitable que la réglementation de la pêche du saumon en mer ne soit plus fondée sur des TAC applicables à un certain nombre de stocks de saumon mais sur des règles techniques régissant les périodes d'ouverture et l'équipement de pêche, qui peuvent être spécifiquement ciblées pour protéger les stocks de saumon fragilisés. Si la réglementation de la pêche au saumon continue d'être fondée sur la fixation annuelle de TAC, la diminution progressive de la mortalité par pêche à un niveau cible qui s'applique aux plans de gestion pour d'autres stocks de poissons devrait également s'appliquer aux quotas de pêche au saumon en mer. Du point de vue du secteur de la pêche, les changements de réglementation soudains et radicaux qui apparaissent sans raison impérieuse sont très problématiques.

4.5   Dans le bassin principal de la région de la mer Baltique, la pêche au saumon consiste entièrement en des pêcheries mixtes, qui comprennent différents stocks de saumon. Plus l'action de pêche a lieu près d'un cours d'eau à saumons, plus elle peut cibler le stock de saumons de ce cours d'eau. À l'avenir, les règles concernant la pêche aux lignes dérivantes et son contrôle dans le bassin principal de la mer Baltique joueront un rôle important dans le rétablissement des stocks de saumon fragilisés. L'on a remarqué qu'en automne, davantage de saumons n'ayant pas la taille requise sont capturés par lignes dérivantes que par les autres formes de pêche; par conséquent, l'on pourrait avoir recours à des restrictions sur la période de pêche à la palangre pour réduire le nombre de poissons devant être rejetés. Toutefois, il convient de noter que les stocks de saumon du Sud de la mer Baltique n'ont pas été régénérés, en dépit de la réduction draconienne de la pêche dans le bassin principal. Cela signifie que, pour assurer le rétablissement des stocks de saumon fragilisés, il faudra non seulement des restrictions sur la pêche en mer, mais aussi une stricte limitation de la pêche dans les zones d'estuaires et de rivières, ainsi que des mesures de restauration des zones de reproduction des saumons, afin de garantir leur reproduction naturelle.

4.6   Le Comité économique et social européen est préoccupé par les estimations concernant les déclarations erronées de captures de saumons; il appelle à ce que cette question soit élucidée plus avant et juge important d'assurer un contrôle effectif et approprié de la pêche du saumon. La proposition de la Commission conduirait à une augmentation continue des obligations de contrôle dans le domaine public, et à une augmentation des coûts. Des coûts seraient notamment induits par les changements de systèmes informatiques et leur maintenance, ainsi que par la nécessité d'augmenter les ressources humaines et autres ressources nécessaires pour contrôler et étudier l'application des règles. Le Comité appelle à augmenter autant que faire se peut les ressources destinées au contrôle et à concentrer les moyens disponibles sur le contrôle de la pêche au saumon, jusqu'à l'approbation du plan pluriannuel et jusqu'au moment où les problèmes de déclarations seront considérés comme résolus. Concernant les règles de contrôle de la pêche du saumon, le Comité estime qu'il faudrait prioritairement assurer l'application efficace, dans tous les États membres, des règlementations abondantes mises en place ces dernières années en matière de contrôle. La Commission européenne devrait surveiller la mise en œuvre des programmes nationaux de contrôle, en se fondant sur les rapports fournis par les États membres.

4.7   Les lâchers de saumons ont lieu dans un but de peuplement ou de repeuplement direct ou de repeuplement obligatoire sur décision de justice, pour compenser les pertes de captures résultant de la construction de centrales hydroélectriques. La proposition mettrait fin, sept ans après l'entrée en vigueur du règlement, à toutes les formes de lâcher autres que le peuplement ou le repeuplement direct dans les cours d'eau susceptibles d'abriter des saumons sauvages. Ce délai de sept ans pour remplacer le repeuplement compensatoire par d'autres dispositions est tout simplement trop court, car il est probable que beaucoup de temps soit accaparé par la préparation et la mise en œuvre de dispositions alternatives, en plus du processus de transition qui impliquerait des auditions judiciaires aux trois niveaux.

4.8   L'interdiction du repeuplement compensatoire est justifiée par la menace que ce type de repeuplement fait peser sur la diversité génétique des stocks de saumon. Cette présomption n'est cependant étayée par aucune preuve scientifique. Les captures issues de repeuplement compensatoire sont d'une importance indubitable pour la pêche dans les aires de peuplement de saumon en estuaire et en zone côtière, et représentent en outre une manne d'emplois pour plusieurs dizaines de personnes par an dans les entreprises aquacoles exerçant leur activité sur la côte. Par conséquent, le repeuplement compensatoire ne devrait pas être interdit sans qu'il soit apporté de preuves scientifiques solides qu'une telle activité est dangereuse. Le Comité estime par ailleurs que la qualité des saumoneaux d'élevage destinés aux lâchers doit être contrôlée et qu'il faut procéder à l'ablation de la nageoire adipeuse de tous les saumoneaux lâchés afin de pouvoir reconnaître, lors de la capture, les individus reproduits en milieu naturel et ceux issus de lâchers. Le risque que le repeuplement fait peser sur la diversité génétique doit être limité, dans la mesure du possible, par les établissements piscicoles produisant des saumoneaux, lesquels devraient utiliser comme géniteurs des saumons capturés chaque année à l'état sauvage et ayant subi une sélection naturelle, plutôt que des stocks de saumons devant être protégés.

4.9   La situation du golfe de Finlande illustre bien l'importance de la constitution de peuplements de saumon. Si cette pratique devait par exemple être interdite dans l'estuaire (construit) du fleuve Kymi, cela signifierait en pratique la fin de la pêche au saumon dans le golfe de Finlande et de l'activité importante de pêche de loisir qui a lieu en aval de l'usine électrique de Kymi. Cette activité a une importance considérable pour le tourisme de la pêche, et la situation est identique pour de nombreux cours d'eau de la région.

4.10   La proposition, si elle devait par exemple réduire le quota, aurait un impact économique considérable sur les pêcheurs professionnels, ainsi que sur les secteurs qui dépendent de la production primaire, comme la transformation et la vente des produits de la pêche, et les fabricants d'équipements de pêche. Les longues voies migratoires qu'empruntent les saumons, la variété des méthodes de pêche et les différents besoins réglementaires nécessaires à chaque étape de la migration font que les incidences économiques diffèrent entre les États membres mais aussi à l'intérieur même de ceux-ci. En raison de la brièveté de la saison de la pêche au saumon, la plupart des pêcheurs capturent d'autres espèces de poissons. Néanmoins, pour la majorité d'entre eux, le saumon est l'espèce la plus importante économiquement, et des changements de règlementation, même mineurs, peuvent créer des bouleversements quant à la viabilité de l'activité pêche. Du point de vue des pêcheurs qui risquent de devoir abandonner leur activité, la proposition fera baisser l'approvisionnement en saumon et autres espèces de poissons capturées en même temps à des fins de consommation, transformation et vente, en augmentant par là-même la dépendance vis-à-vis de poissons produits hors UE. Le tourisme de la pêche en zone de rivières pourrait également pâtir financièrement du surcroît de règlementations sur la pêche en rivière et de l'obligation de respecter des TAC pour cette activité. Toutefois, à plus long terme, la proposition pourrait permettre d'accroître les emplois dans le tourisme de la pêche en zones de rivières, avec le rétablissement des stocks de saumon.

4.11   La proposition a également des incidences sur les entreprises aquacoles. En effet, les entreprises aquacoles qui produisent des saumoneaux pour la reconstitution compensatoire des stocks emploient plusieurs dizaines de personnes, dans des zones où les perspectives de changement d'emploi sont faibles. Si les entreprises aquacoles doivent cesser leur activité en raison de l'interdiction du repeuplement compensatoire, la situation de l'emploi se détériorera dans ces zones. De plus, la fermeture de ces activités signifierait une perte d'expérience et de savoir-faire de longue haleine pour l'aquaculture.

4.12   Les effets négatifs sur l'emploi induits par la proposition de règlement devraient être pris en considération lors de l'application des règles existantes de l'UE en matière de financement et de la réforme de la politique commune de la pêche. Les possibilités d'aides financières incluraient par exemple une aide pour l'interruption d'une activité de pêche ou pour les investissements et la formation destinés à réorienter des opérations de pêche. Toutefois, le Comité pense qu'une telle assistance ne pourrait être qu'une mesure de complément. La priorité est celle des emplois dans la pêche au saumon et activités connexes, qu'il faut prendre en compte dès la phase de planification de mesures concrètes, de manière à ce que les effets négatifs sur l'emploi soient minimes.

Bruxelles, le 18 janvier 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


6.3.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 68/52


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – Le sixième programme d'action de l'UE pour l'environnement – évaluation finale»

COM(2011) 531 final

2012/C 68/10

Rapporteur: M. CHIRIACO

Le 31 août 2011, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - Le sixième programme d'action de l'UE pour l'environnement – Évaluation finale»

COM(2011) 531 final.

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 21 décembre 2011.

Lors de sa 477e session plénière des 18 et 19 janvier 2012 (séance du 18 janvier 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 174 voix pour, 4 voix contre et 8 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le CESE accueille favorablement l'initiative de la Commission, dont l'objet est de présenter une évaluation du 6e programme d'action de l'UE pour l'environnement (PAE). La Commission estime que ce programme s'est avéré utile dans la mesure où il a permis d'établir un cadre global pour la politique de l'UE en matière d'environnement. Une telle conclusion ne saurait être approuvée sans restriction. Bien qu'il ait joué un rôle important dans l'élaboration des politiques, le 6e PAE n'a eu qu'un impact limité sur l'adoption d'instruments spécifiques. Indépendamment de la difficulté inhérente à la collecte d'informations aux fins d'une analyse de la mise en œuvre des actions contenues dans le programme, l'on relève des retards importants dans l'adoption des instruments législatifs, une difficulté à définir des objectifs concrets et des mécanismes de contrôle et de suivi insuffisants.

1.2   Le CESE invite en conséquence la Commission à améliorer les instruments disponibles, y compris les mécanismes de suivi et d'évaluation, afin de garantir une application efficace de la législation existante. Parallèlement, le CESE appelle de ses vœux une plus grande cohérence de l'ensemble des initiatives législatives et des programmes en matière d'environnement et une meilleure intégration de la dimension environnementale dans les politiques sectorielles connexes. Comme il l'a indiqué dans un récent avis (1), le CESE demande à la Commission d'adopter une démarche plus claire et plus concrète face aux enjeux environnementaux, en expliquant notamment ce qu'elle entend par «utilisation efficace des ressources» et «économie verte» et en précisant quels sont les changements concrets, en termes quantitatifs et qualitatifs, attendus de la part des producteurs et des consommateurs.

1.3   Le CESE estime en outre qu'il conviendrait de prêter davantage attention à la dimension internationale. En effet, les enjeux environnementaux ont une portée mondiale qui nécessite une approche fondée sur le renforcement de la coopération multilatérale et de meilleurs instruments de gouvernance mondiale.

1.4   Enfin, la communication de la Commission ne propose pas de vision à long terme, ne fait aucunement référence à un nouveau programme d'action éventuel et n'indique pas quelle devrait être la valeur ajoutée du 7e PAE. Le CESE considère que ce programme devrait être cohérent et complémentaire par rapport à la stratégie Europe 2020 et aux initiatives phares, identifier des objectifs et des priorités définis de manière réaliste et sur la base d'un large consensus politique et prévoir des instruments propres à assurer l'efficacité des mesures proposées.

2.   Contenu essentiel de la communication

2.1   Le contexte politique

2.1.1   Depuis le début des années 1970, les programmes d'action pour l'environnement orientent le développement de la politique de l'UE dans ce domaine. Aussi y a-t-il lieu de considérer le 6e programme d'action de l'UE pour l'environnement (PAE) comme faisant partie intégrante d'un processus continu et en constante évolution.

2.1.2   Le 6e PAE met une fois de plus en évidence l'importance des concepts de croissance verte et d'économie à faible intensité de carbone et efficace dans l'utilisation des ressources, comme confirmé également par la stratégie Europe 2020 (2) - qui constitue le cadre approprié pour garantir l'intégration des objectifs environnementaux dans le programme de travail de l'UE en matière socioéconomique -, ainsi que par la nouvelle stratégie ayant pour but d'enrayer la perte de biodiversité et la dégradation des services écosystémiques dans l'UE d'ici à 2020 (3), les travaux préparatoires à la conférence «Rio+ 20» (4), la feuille de route vers une économie compétitive à faible intensité de carbone à l'horizon 2050 (5), le livre blanc sur le transport (6), la communication sur la stratégie Énergie 2020 (7) et le plan 2011 pour l'efficacité énergétique (8).

2.2   Constatations générales

2.2.1   La conclusion générale de la Commission est que le 6e PAE a été utile, car il a permis d'établir un cadre global pour la politique en matière d'environnement. En effet, la grande majorité des actions présentées dans le programme ont été achevées ou sont en voie d'achèvement.

2.2.2   Ce programme ayant été adopté dans le cadre de la procédure de codécision, les parties prenantes lui accordent davantage de légitimité qu'aux programmes précédents, ce qui leur a permis de s'approprier plus facilement les propositions stratégiques qui ont suivi.

2.2.3   Les sept stratégies thématiques (9) du 6e PAE – air, pesticides, prévention et recyclage des déchets, ressources naturelles, sols, milieu marin, environnement urbain – ont été élaborées dans le but de renforcer l'intégration des politiques en la matière et d'améliorer les connaissances de base. Bien que les progrès enregistrés dans les différents domaines soient variables, la préparation de ces stratégies a dans certains cas contribué à consolider la volonté politique d'adopter des objectifs et des calendriers efficaces et de les réaliser. Toutefois, rien ne prouve que le 6e PAE ait pu favoriser l'adoption d'instruments spécifiques en matière d'environnement.

2.3   Domaines prioritaires

2.3.1   Nature et biodiversité: le 6e PAE a été à l'origine de l'élaboration des stratégies thématiques sur la protection des sols et sur la protection et la conservation du milieu marin. Il a mis en évidence la nécessité de constituer une base de connaissances plus solide, d'améliorer le financement et d'intensifier les activités en cours. Néanmoins, il aurait été possible de réaliser davantage de progrès en vue de la réalisation de l'objectif visant à mettre un terme à l'appauvrissement de la biodiversité d'ici à 2010 si l'UE et les États membres lui avaient accordé l'attention politique et les ressources financières nécessaires.

2.3.2   Environnement et santé: le 6e PAE a permis de dresser un bilan utile des engagements existants et des actions planifiées et de faire le point sur les liens entre les facteurs environnementaux et la santé humaine. En particulier, le programme a contribué à la mise en œuvre d'actions qui, sans lui, n'auraient peut-être pas été entreprises, par exemple dans le domaine de l'environnement urbain, ou qui auraient été plus longues à entreprendre ou auraient été moins globales sans l'impulsion du programme, par exemple en ce qui concerne les pesticides. Par ailleurs, il existe des lacunes dans la législation et il convient d'intégrer les résultats des recherches et les informations sur l'incidence de la qualité de l'environnement sur la santé dans l'objectif stratégique élargi visant l'amélioration de la santé publique.

2.3.3   Ressources naturelles et déchets: le 6e PAE a renforcé le lien unissant la politique en matière de déchets et celle en matière de ressources et a contribué à améliorer la gestion des déchets et à évoluer vers une politique basée sur la consommation et la production durables. L'utilisation des ressources n'augmente plus au même rythme que la croissance économique. Mais dans l'absolu, l'utilisation des ressources continue d'augmenter, ce qui est incompatible avec l'objectif visant à respecter la capacité de charge de l'environnement à plus long terme. En outre, des différences substantielles quant à la productivité des ressources subsistent entre les États membres et d'une manière générale, la dépendance à l'égard des importations augmente.

2.3.4   Changements climatiques: le 6e PAE a apporté une réelle contribution dans le domaine du changement climatique. En dépit du fait que les ambitions relatives à l'action de la communauté internationale n'ont pas été satisfaites et que les objectifs quantifiables en particulier tendaient vers l'idéal et étaient plus difficiles à réaliser, le 6e PAE a permis de réaliser les objectifs politiques essentiels.

2.3.5   Questions internationales: le 6e PAE a confirmé les engagements de l'UE à prendre en compte les considérations environnementales dans toutes ses relations extérieures et à conférer une dimension externe à sa stratégie en matière de développement durable. En dépit des efforts consentis par l'UE pour renforcer la coopération multilatérale et pour prouver son engagement à l'égard des conventions et accords internationaux, peu d'avancées ont été faites en vue d'améliorer la gouvernance mondiale en matière d'environnement. Les enjeux environnementaux, qui acquièrent de plus en plus une dimension planétaire, exigent un effort plus cohésif et plus ciblé au sein de l'UE, de sorte que cette dernière puisse jouer de manière plus efficace son rôle dans l'élaboration des politiques internationales et qu'elle puisse continuer à œuvrer en faveur d'une meilleure gouvernance environnementale dans le monde.

2.4   L'efficacité des approches et des instruments stratégiques

2.4.1   Le 6e PAE faisait la promotion active de principes et d'instruments ayant pour but d'améliorer le processus d'élaboration des politiques, tels que les analyses d'impact intégrées, et l'utilisation accrue d'instruments basés sur le marché. Il soulignait également l'importance de disposer de bases scientifiques solides pour la formulation des politiques. Malgré de récents développements positifs, les informations environnementales, en particulier les données et statistiques officielles, restent incomplètes et ne sont pas toujours disponibles en temps voulu.

2.4.2   La nature changeante des enjeux environnementaux exige une meilleure cohérence entre i) la phase de formulation des politiques et celle de leur mise en œuvre; ii) le niveau européen, national et régional; iii) les domaines prioritaires d'intervention.

2.4.3   Une mise en œuvre inappropriée de la législation environnementale compromet la réalisation des objectifs et la crédibilité de la politique en matière d'environnement. Elle n'aide pas non plus à obtenir l'engagement d'autres secteurs à améliorer leur performance. En outre, il y a lieu d'accorder la priorité aux politiques dont la valeur ajoutée pour la création d'une économie verte est évidente et qui peuvent être mises en œuvre à court ou à moyen terme.

2.5   Les enjeux à venir

2.5.1   Les principaux piliers de la politique et de la législation en matière d'environnement sont aujourd'hui en place, sauf dans le domaine des sols. Toutefois, étant donné les manquements constatés quant à leur mise en œuvre, leur potentiel d'amélioration n'a pas encore pu être pleinement exploité. La politique traditionnelle en matière d'environnement conserve un rôle très important dans la protection de l'environnement. Cependant, le contexte évolutif et l'interconnexion croissante des enjeux environnementaux supposent d'être flexible et de pouvoir s'adapter.

2.5.2   L'enjeu capital sous-jacent pour la politique environnementale future consiste à passer, moyennant l'adoption d'une vision à plus long terme, de la réparation des dommages à leur prévention et à poursuivre l'intégration de l'environnement dans toutes les politiques concernées.

2.5.3   Pour atteindre l'objectif de la stratégie Europe 2020 d'une économie verte, utilisant rationnellement les ressources, compétitive et à faible intensité de carbone, l'intégration des considérations liées à l'environnement et aux faibles émissions de carbone dans les modèles d'activité d'autres secteurs et la garantie de la cohérence, de la formulation des politiques à leur mise en œuvre, sont essentielles. De plus, il y a lieu de lutter contre les obstacles à la bonne exécution de la législation existante, en particulier les problèmes de gouvernance à tous les niveaux dans les États membres, dans le but de protéger l'environnement et de limiter les conséquences négatives sur la santé publique.

2.5.4   La pression environnementale se fait de plus en plus mondiale et systémique par nature. Étant donné les interconnexions complexes, nous avons besoin d'une base de connaissances plus complète et il faut également examiner de manière approfondie le potentiel de changement du comportement des consommateurs.

3.   Observations générales

3.1   Le 6e PAE représente un engagement politique formel du Parlement, du Conseil et de la Commission et constitue un indicateur important de l'état d'avancement de la politique de l'UE en matière d'environnement. À la suite de l'adoption du 6e PAE, l'UE a engagé avec succès de multiples initiatives, a atteint des résultats ambitieux et a élaboré un certain nombre de stratégies et de programmes multisectoriels. Cependant, il est difficile de dire dans quelle mesure le cadre général établi par ce programme a influé sur le développement des politiques correspondantes. Il serait opportun de réfléchir à cette question en étudiant la mise en œuvre des actions prévues par le programme et leurs interactions et interdépendances avec la stratégie européenne en faveur du développement durable et la stratégie de Lisbonne (10).

3.2   Le débat qui, ces dernières années, s'est engagé au sein des institutions européennes et de la société civile, concernant l'évaluation des résultats atteints et les perspectives d'avenir de la politique environnementale européenne (11), a permis de mettre en avant deux aspects essentiels: la définition des nouvelles priorités et le renforcement des instruments disponibles pour assurer l'efficacité des mesures proposées.

3.3   Il convient notamment de ne pas réduire le débat à l'opportunité ou non de lancer un nouveau programme, mais plutôt de se concentrer sur la forme qu'il doit revêtir, ainsi que sur son but, son contenu et son calendrier. Avant toute chose, il faut s'interroger sur les mesures à prendre pour faire des prochaines actions en matière d'environnement un instrument stratégique plus visible, important et efficace, en tirant les leçons de l'expérience et en évitant les pièges qui ont nui à l'efficacité du 6e PAE.

3.4   Compte tenu de l'expérience acquise à ce jour dans d'autres contextes (par exemple le FEDER, le FSE et le FEADER), il conviendrait d'envisager la possibilité d'expérimenter, également en ce qui concerne le programme en matière d'environnement, un renforcement croissant des instruments de suivi et d'évaluation, dans leurs diverses composantes (ex ante, in itinere et ex post).

4.   Observations particulières

4.1   Les stratégies thématiques

4.1.1   L'introduction des stratégies thématiques a donné lieu à une approche plus stratégique, en permettant de surmonter certaines lacunes du 5e PAE, telles que l'absence de compétence du programme dans plusieurs domaines. Cependant, le processus d'élaboration des stratégies thématiques a de fait ralenti le processus décisionnel dans son ensemble et l'adoption des mesures correspondantes.

4.1.2   Bon nombre des instruments législatifs qui accompagnent les stratégies thématiques en sont encore aux premiers stades de leur mise en œuvre. Le retard pris par leur adoption, l'absence d'objectifs concrets, la délégation aux États membres de la responsabilité non seulement de leur application, mais aussi des spécifications supplémentaires à fournir concernant la plupart des mesures prévues, et enfin les insuffisances du mécanisme de contrôle et de suivi, ont dans certains cas sérieusement compromis la possibilité d'atteindre les objectifs du programme avant son terme.

4.2   Cohérence et intégration

4.2.1   Aujourd'hui, les défis environnementaux ne peuvent à l'évidence être relevés uniquement au moyen de politiques environnementales spécifiques: c'est l'ensemble de l'économie et de la société qui doivent être mises à contribution. Une cohérence accrue est donc de mise, aussi bien entre les thématiques directement liées (comme le changement climatique, l'énergie, la protection de la santé) qu'entre les différentes politiques sectorielles (l'alimentation, les transports, le bâtiment, l'innovation). S'agissant en particulier du processus de réforme de la PAC actuellement en cours, comme l'a également souligné le CESE (12), ce principe s'est concrétisé par l'introduction de l'«écologisation» du paiement unique.

4.2.2   Il est en outre essentiel de soutenir et de développer l'intégration de la politique environnementale dans le cadre des «métastratégies» (Europe 2020), ainsi que dans celui des instruments financiers. Concernant en particulier la feuille de route pour une Europe efficace dans l'utilisation des ressources (13), l'importance cruciale de ce programme pour une transition plus aisée vers une «économie verte» et celle de la complémentarité des deux initiatives, s'agissant notamment de la mise en œuvre des mesures, des ressources naturelles et de la gestion des écosystèmes, ont été reconnues lors d'un récent atelier organisé à Bruxelles (14).

4.3   Objectifs prioritaires

4.3.1   Les objectifs prioritaires sont à définir en se référant spécifiquement aux problématiques environnementales telles que la rareté des ressources naturelles, la pollution atmosphérique, la biodiversité et l'environnement urbain.

4.3.2   Il convient notamment de rechercher et d'encourager de nouveaux comportements dans le domaine de la consommation, du commerce et de la production. Les changements technologiques doivent en effet aller de pair avec un changement des habitudes.

4.4   De meilleurs instruments

4.4.1   Doter la politique environnementale européenne de meilleurs instruments signifie avant tout améliorer la réglementation grâce à l'adoption de mesures législatives et le choix de règles univoques et non facultatives, également en ce qui concerne les aspects économiques. Par ailleurs, comme l'a déjà soutenu le CESE dans son avis de 2001, il est essentiel d'assurer une mise en œuvre efficace de la législation existante pour éviter les distorsions du marché et préserver la compétitivité des entreprises européennes (15). S'agissant en particulier du programme d'aide en faveur des PME (ECAP - Environmental Compliance Assistance Programme (programme d'aide au respect de l'environnement)), le CESE a souligné qu'il était important que l'évaluation d'impact environnemental fasse l'objet d'une gestion intégrée et transversale de la part de l'entreprise (16).

4.4.2   En second lieu, il convient d'améliorer les instruments d'évaluation de l'état de l'environnement, ainsi que de la mise en œuvre des stratégies et de leur efficacité (17), par le biais d'études d'impact indépendantes, ouvertes et réalisées en temps opportun.

4.4.3   Enfin, il est essentiel d'améliorer la phase de mise en œuvre grâce à la mise au point de mécanismes internationaux d'assistance, de contrôle et de sanction, ce qui en d'autres termes signifie légiférer, transposer dans la réglementation, mettre en œuvre, contrôler et sanctionner (18).

4.5   Le rôle des protagonistes

4.5.1   La participation des collectivités territoriales devrait intervenir dès le stade de l'élaboration des politiques. Dans un avis récent, le Comité des régions (19) a défendu la nécessité d'une participation proactive des collectivités territoriales et a proposé le développement de méthodes innovantes de gouvernance à multiniveaux, y compris la mobilisation des plates-formes et des réseaux existants.

Bruxelles, le 18 janvier 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO C 376 du 22.12.2011, p. 97.

(2)  COM(2010) 2020 final du 3.3.2010.

(3)  COM(2011) 244 final du 3.5.2011.

(4)  COM(2011) 363 final du 20.6.2011.

(5)  COM(2011) final 112 du 8.3.2011.

(6)  COM(2011) 144 final du 28.3.2011.

(7)  COM(2010) 639 final.

(8)  COM(2011) 109 final du 8.3.2011.

(9)  COM(2005) 446 final (pollution atmosphérique); COM(2006) 372 final (utilisation durable des pesticides); COM(2005) 666 final (prévention et recyclage des déchets); COM(2005) 670 final (utilisation durable des ressources naturelles); COM(2006) 231 final (protection des sols); COM(2005) 504 final (protection et conservation du milieu marin); et COM(2005) 718 final (environnement urbain).

(10)  Strategic Orientations of EU Environmental Policy under the Sixth Environment Action Programme and Implications for the Future (Orientations stratégiques de la politique environnementale de l'UE dans le cadre du 6e PAE et implications pour l'avenir), rapport final, IEEP, mai 2010.

(11)  Toutes les contributions relatives aux manifestations et aux études préparatoires sont disponibles à l'adresse www.eapdebate.org.

(12)  JO C 132 du 3.5.2011, p. 63-70.

(13)  COM(2011) 571 final.

(14)  Atelier d'experts: «The future of European Environmental Policy: what role for the Resource Efficiency Roadmap and what role for the Environment Action Programme?» (L'avenir de la politique environnementale européenne: quel rôle assigner à la feuille de route pour une utilisation efficace des ressources et au programme d'action pour l'environnement?), Bruxelles, 13.9.2011.

(15)  JO C 221 du 7.8.2001 p. 80-85.

(16)  JO C 211 du 19.8.2008, p. 37.

(17)  The issue of Evaluation in the Framework of European Environmental Policy (La question de l'évaluation dans le cadre de la politique européenne de l'environnement), Bruxelles Environnement, 11.6.2010.

(18)  «Better instruments for European Environmental Policy» (De meilleurs instruments pour la politique européenne de l'environnement), atelier organisé par le ministère espagnol de l'environnement, en collaboration avec Bruxelles Environnement, Madrid, 20.05.2010.

(19)  Avis du Comité des régions des 5 et 6 octobre 2010.


6.3.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 68/56


Avis du Comité économique et social européen sur «Les OGM dans l'UE» (supplément d'avis)

(2012/000/)

Rapporteur: M. Martin SIECKER

Le 16 mars 2011, conformément à l'article 29, point A des modalités d'application de son règlement intérieur, le Comité économique et social a décidé d'élaborer un supplément d'avis sur

«Les OGM dans l'UE»

(supplément d'avis).

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 21 décembre 2011.

Lors de sa 477e session plénière des 18 et 19 janvier 2012 (séance du 18 janvier 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 160 voix pour, 52 voix contre et 25 abstentions.

1.   Organismes génétiquement modifiés dans l'UE – Orientations en vue d'un débat à venir

1.1   Les organismes génétiquement modifiés (OGM) constituent un sujet de discussion délicat. L'ingénierie génétique suscite à la fois un grand intérêt et beaucoup d'inquiétude. Le débat est souvent émotionnel et polarisé, et, quand il est rationnel, tant les partisans que les détracteurs ont tendance à appréhender la réalité de manière sélective et à dédaigner les nuances dans leur argumentation. Il semble par ailleurs qu'au-delà des divergences de vues concernant les avantages et les inconvénients de l'ingénierie génétique, il existe, même au sein du CESE, de nombreuses incertitudes et hypothèses concernant entre autres la nature et l'étendue de la réglementation relative aux OGM dans l'UE. Cela est regrettable, car ce sujet important et politiquement sensible mérite et exige un débat d'une autre qualité.

1.2   Une modification du cadre juridique européen actuel régissant les OGM est en cours. Dans ce contexte, le CESE formulera plus souvent, dans un avenir proche, des avis sur la politique et la législation en matière d'OGM. En guise de préparation et d'orientation, le présent avis présente les grandes lignes de l'état actuel de la situation, du débat sur les OGM et de la réglementation dans ce domaine au sein de l'UE. Différents éléments entrent en jeu dans ce cadre et notamment des questions éthiques, écologiques, technologiques, (socio)économiques, juridiques et politiques. Toutes ces questions soulevées par les possibilités virtuellement illimitées du génie génétique et l'évolution rapide des applications OGM doivent être examinées dans un contexte sociétal étendu. Le présent avis entend servir de système de navigation en prévision d'un débat politique équilibré et pertinent sur ces questions essentielles.

1.3   Le présent avis se bornera à mettre en exergue les points les plus importants du débat et à mentionner quelques-unes des principales questions que posent les OGM et la réglementation dans ce domaine au sein de l'UE. Pour beaucoup de ces sujets, des avis complémentaires (exploratoires) du CESE seront nécessaires et le Comité a l'intention d'entreprendre ces travaux d'exploration au cours de la période à venir. À cet égard, il y a lieu d'accorder la priorité notamment à l'évaluation de la législation et de la réglementation européennes en vigueur en matière d'OGM, à la révision éventuelle de celles-ci et à la correction des lacunes réglementaires actuelles mises en évidence dans le présent avis. Le CESE s'engage à publier des suppléments d'avis sur ces questions importantes dans un avenir proche.

2.   Histoire du génie génétique

2.1   Même concernant l'histoire de l'ingénierie génétique les opinions divergent. Alors que ses détracteurs parlent d'une technologie fondamentalement nouvelle, comportant éventuellement des risques et suscitant des réserves d'ordre éthique, ses partisans placent le génie génétique dans un continuum de traditions séculaires de sélection des plantes et de processus de fabrication recourant à des levures, des bactéries et des champignons. Des éléments objectifs permettent toutefois de conclure que le génie génétique est quelque chose de fondamentalement neuf et différent de ces applications historiques. La ligne de partage définitive entre la biotechnologie «ancienne» et «moderne» naît de l’introduction de la génétique. La découverte par Watson et Crick en 1953 de la structure en double hélice de l'ADN a mis en lumière le code génétique de l'homme et de l'ensemble de la flore et de la faune qui nous entourent, et a permis aux scientifiques de procéder à des manipulations révolutionnaires au niveau génétique, celui des éléments de base de la vie.

2.2   L'ingénierie génétique voit le jour en 1973, lorsque des scientifiques américains procèdent sur des bactéries aux premières expériences concluantes en matière d'ADN recombiné. La possibilité d'identifier, d'isoler, de multiplier et de transplanter des gènes spécifiques dans un autre organisme vivant a permis aux scientifiques de modifier pour la première fois de manière spécifique des caractéristiques héréditaires d'organismes vivants pour arriver à un résultat impossible à obtenir par des voies naturelles telles que la reproduction ou la recombinaison naturelle. Auparavant, les méthodes de perfectionnement et de croisement classiques permettaient de combiner des génomes entiers (de plantes ou d'animaux congénères) et ensuite d'essayer de perpétuer les caractères favorables par voie de sélection. Bien que le génie génétique ait permis d'améliorer la précision des manipulations, l'introduction de gènes dans un autre organisme (ou une autre espèce) demeure un processus instable et incertain, générant des effets secondaires et des retombées difficilement prévisibles sur le génome d'accueil et sur l'interaction avec l'environnement. De plus, les conséquences à long terme demeurent encore largement méconnues.

2.3   Après 1975, le développement de la technologie génétique s'accélère. Les premières applications commerciales (médicales) sont mises sur le marché dès 1982. Le début des années 1990 voit l'apparition de plantes et d'animaux «transgéniques». Au fil des ans, la frontière entre les espèces est également franchie. Ainsi a-t-on introduit un gène de porc dans une variété de tomate, un gène de luciole dans une plante de tabac et un gène humain dans un taureau. La transgression des frontières naturelles entre les espèces, la nature imprévisible des effets à long terme et l'irréversibilité des retombées éventuelles (sur l'environnement) font de l'ingénierie génétique une technologie fondamentalement nouvelle et potentiellement risquée. Il importe dès lors que la réglementation relative aux OGM dans l'UE et ses États membres, dans de nombreux pays tiers et dans les traités internationaux soit fondée sur cette réalité.

3.   Secteurs concernés par les OGM et acceptation sociétale

3.1   Les principaux secteurs concernés par les OGM sont l'agriculture et le secteur alimentaire (essentiellement la résistance aux pesticides), le secteur médical et pharmaceutique (médicaments, génodiagnostique, génothérapie) et l'industrie (pétro)chimique et de l'armement. L'on distingue souvent ces différents secteurs en les qualifiant respectivement de biotechnologies «verte», «rouge» et «blanche».

3.2   Le génie génétique n'est pas aussi controversé dans tous ces secteurs. Les inquiétudes et les réserves du monde politique et de l'opinion publique semblent davantage liées à certaines applications spécifiques qu'à la technologie en elle-même. Ainsi, les applications médicales sont généralement bien accueillies tandis que les discussions les plus virulentes se concentrent autour des applications agricoles et alimentaires. La pondération entre l'utilité et la nécessité d'une part et les réserves et les risques potentiels de l'autre constitue un élément central du débat. Ainsi, de nombreux citoyens voient dans l'ingénierie génétique une contribution essentielle et prometteuse au traitement de maladies graves, alors que les avantages qu'apporte la génération actuelle d'OGM agricoles et alimentaires aux consommateurs sont beaucoup moins évidents (leurs propriétés purement agronomiques comportant surtout des avantages pour les producteurs). Par ailleurs, les règles de sécurité et les recherches cliniques préalables à l'octroi des autorisations pour les applications médicales sont depuis longtemps bien plus strictes et bien plus étendues que les procédures qui précèdent l'introduction d'OGM dans l'environnement ou dans l'alimentation.

3.3   En outre, il importe, d'un point de vue tant sociétal que réglementaire, d'établir une distinction entre deux types d'applications de l'ingénierie génétique. D'une part, il y a celles qui sont pratiquées dans des lieux fermés et isolés tels que des laboratoires, des sites industriels et des serres, dans des conditions de confinement efficace et en suivant des mesures de sécurité strictes capables de prévenir toute dissémination accidentelle d'OGM. De l'autre, il y a les applications dans le cadre desquelles on plante ou on libère dans un environnement ouvert, sans possibilités de confinement, des végétaux ou des animaux génétiquement modifiés, capables de se reproduire et de se disséminer de manière incontrôlée et irréversible dans la biosphère et dont les effets sur la biodiversité environnante et les interactions avec celle-ci sont imprévisibles.

3.4   Toutefois, dans le cas des végétaux implantés dans un environnement ouvert, on doit distinguer deux situations. D’une part, l’espèce végétale cultivée dont le croisement avec une espèce sauvage est possible étant donné la présence de celle-ci à proximité, et d’autre part le cas où le croisement est impossible, vu l’absence, dans l’environnement, d’espèces sauvages proches de la plante génétiquement modifiée. Cette distinction est importante à intégrer lors de l’élaboration du cadre réglementaire pour l’implantation de plantes génétiquement modifiées dans un espace agricole ouvert.

3.5   Il ne s'agit pas là par définition d'une distinction entre biotechnologie «rouge» et «verte». Dans les secteurs agricole et alimentaire, la recherche scientifique fondamentale peut aussi se dérouler de façon novatrice et sûre, dans des laboratoires isolés, d'une manière comparable à ce qui est accepté de longue date quand il s'agit de biotechnologie médicale. De même des enzymes OGM sont utilisés à grande échelle dans la production alimentaire, dans des environnements isolés, sans pour autant qu'ils restent présents en tant qu'organismes vivants dans le produit fini ou se retrouvent dans l'environnement. La distinction entre une utilisation en milieu confiné et une introduction dans un environnement ouvert, de même que celle entre recherche scientifique fondamentale et applications commerciales constituent deux éléments essentiels tant du débat politique sur les OGM que de leur perception par l'opinion et de la réaction des consommateurs à leur égard.

3.6   Dans l'UE, on observe une majorité toujours croissante de citoyens très sceptiques, voire carrément négatifs par rapport aux OGM, surtout dans les domaines alimentaire, de l'alimentation animale et de l'agriculture, comme l'indiquent de manière constante de nombreuses enquêtes d'opinion dont les sondages Eurobaromètre (1) et la littérature scientifique. Les gouvernements des États membres défendent des avis et des politiques divergents en ce qui concerne les OGM. Les détracteurs convaincus comme l'Autriche, la Hongrie, l'Italie, la Grèce, la Pologne et la Lettonie font face aux partisans déclarés que sont notamment les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède, l'Espagne, le Portugal et la République tchèque, tandis que de nombreux États membres s'abstiennent.

3.7   Cette divergence de vues se traduit par un processus décisionnel long et controversé dans le dossier des OGM. D'une manière générale, la Commission autorise unilatéralement des OGM étant donné l'incapacité des États membres de prendre une décision en comitologie, à la majorité qualifiée, concernant les licences OGM. Bien qu'on ait eu un moratoire de fait sur les autorisations d'OGM entre 1999 et 2004 afin de pouvoir revoir la réglementation, l'UE n'est pas parvenue à mettre cette période à profit pour mener un débat de fond et évoluer vers une approche plus consensuelle des OGM en Europe. Le nombre d'États membres interdisant la culture d'OGM sur leur territoire a augmenté au cours des dernières années et la récente proposition de la Commission en faveur d'une plus grande liberté de décision au niveau (infra)national en matière d'interdiction de la culture de végétaux génétiquement modifiés soulève de nombreuses critiques de la part des États membres, du Parlement européen et de divers acteurs sociaux et de l'industrie ainsi que dans un avis récemment adopté par le CESE (2). En tout état de cause, on ne peut se satisfaire du fait que sur un thème aussi important que les OGM, il existe un risque de déboucher sur une impasse politique dans l'UE.

3.8   Divers partenaires sociaux et parties prenantes ont fait part de leurs préoccupations concernant les OGM pour des raisons variées liées à l'environnement, au bien-être animal, à l'intérêt des consommateurs, des agriculteurs ou des apiculteurs, au développement rural et mondial, à l'éthique, à la religion, etc. Le Parlement européen a lui-même souvent exprimé des critiques à l'égard des OGM et de la réglementation s'y rapportant, tout comme le CESE, certaines autorités nationales, régionales et locales, ainsi que des scientifiques indépendants. Du côté des partisans, on trouve surtout les grandes entreprises détentrices de brevets dans le domaine des OGM et d'autres parties – dont certains cultivateurs d'OGM et des scientifiques – et partenaires commerciaux internationaux pour lesquels une réglementation européenne plus flexible en matière d'OGM est synonyme d'intérêts économiques importants. Quelques-uns des principaux avantages attribués aux OGM sont abordés au point 5.

3.9   Les réticences (politiques et sociétales) aux OGM dans l'alimentation et dans l'environnement sont aussi répandues à l'extérieur de l'UE, notamment dans des pays tels que le Japon, la Suisse, la Corée, la Nouvelle-Zélande, le Mexique, les Philippines et différents pays africains. Cependant, dans certains pays, les OGM sont cultivés à grande échelle: en 2010, plus de 15 millions d'exploitants agricoles cultivaient des OGM sur une superficie de quelque 150 millions d'hectares (essentiellement du soja, du maïs, du coton). Toutefois, il convient de noter que 90 % de la superficie totale cultivée se situaient dans seulement cinq pays: les États-Unis, le Canada, l'Argentine, le Brésil et l'Inde. Malgré ce chiffre, les OGM ne sont pas à l'abri des controverses dans ces pays. En fait, on observe, depuis récemment, une intensification des critiques émanant de la société dans ces pays, due largement à des incidents liés à la propagation involontaire de végétaux génétiquement modifiés comme le maïs et le riz, et à des décisions de justice relatives à la coexistence. Il convient de faire remarquer qu'il n'existe aucune obligation d'étiquetage dans ces pays, ce qui signifie que les consommateurs ne sont pas informés de leur consommation d'OGM et ne sont donc pas libres de choisir en connaissance de cause.

4.   Intérêts économiques, propriété intellectuelle et concentration du marché

4.1   Les intérêts économiques potentiels de l'utilisation des OGM dans le secteur du perfectionnement des plantes sont considérables. Le chiffre d'affaires mondial annuel du marché des semences a dépassé les 35 milliards d'euros et celui-ci constitue la base d'un marché de produits encore bien plus important dont le chiffre d'affaires s'élève à plusieurs centaines de milliards d'euros.

4.2   La technologie du génie génétique et la commercialisation des OGM ont connu un développement fulgurant, ce qui a considérablement influencé le contexte interne au secteur. La protection intellectuelle dans le domaine de l'amélioration des plantes est régie depuis plus d'un demi siècle par le «droit d'obtention végétale», qui est sanctionné dans plusieurs conventions internationales. Une exception à ce droit d'exclusivité provisoire pour les créateurs de nouvelles races est ce qu'on appelle «l'exemption en faveur de l'obtenteur». D'autres opérateurs du perfectionnement peuvent, en vertu de cette exemption, utiliser librement des variétés protégées en vue de développer des variétés nouvelles, perfectionnées sans l'autorisation des détenteurs du droit d'obtention végétal. Cette exception n'existe dans aucune autre branche et est dictée par le fait que de nouvelles variétés ne peuvent être créées que sur la base de variétés plus anciennes.

4.3   Le développement de la biologie moléculaire, qui trouve son origine en dehors du secteur agricole, a eu pour conséquence l'entrée du droit des brevets dans le secteur du perfectionnement des plantes. Le droit de brevets et le droit d'obtention végétale sont, pour plusieurs raisons, incompatibles. Tout d'abord parce que le droit des brevets ne connaît pas d'exemption en faveur de l'obtenteur. Ainsi, le détenteur du brevet peut revendiquer un droit exclusif sur du matériel génétique et en interdire l'usage à d'autres ou lier celui-ci à de coûteuses licences. Contrairement au droit d'obtention végétale, le droit des brevets ne favorise pas une innovation ouverte et ne permet pas de combiner les incitants économiques à l'innovation et la protection d'autres intérêts sociétaux de nature publique.

4.4   Cependant, la lutte pour les droits va encore plus loin. La directive européenne sur la brevetabilité des inventions biotechnologiques adoptée en 1998 (3) rend possible la protection par brevet des inventions liées aux plantes. Les gènes de plantes et les séquences de gènes peuvent être brevetés, contrairement aux variétés de plantes. Cette interprétation n'est pas dépourvue de toute ambiguïté. Des multinationales de premier plan du secteur de l'amélioration génétique des plantes allèguent que, si les propriétés génétiques sont brevetables, la variété elle-même est indirectement régie par le droit des brevets (4). Certaines variétés couvertes par un brevet ne peuvent alors plus être utilisées par d'autres pour poursuivre l'innovation, ce qui est dommageable pour la diversité biologique agricole et a pour conséquence que les plantes présentant des propriétés intéressantes ne sont plus accessibles à d'autres dans le but de poursuivre l'innovation. Les évolutions qu'a connues le secteur de la biotechnologie médicale sont révélatrices des retombées négatives que cette approche peut comporter: à cause de la haute protection des brevets et des prix élevés, seules les personnes qui en ont les moyens peuvent acheter les nouveaux produits tandis que les personnes défavorisées qui en ont le plus besoin n'y ont pas accès. Le secteur de la sélection des plantes pourrait connaître les mêmes évolutions non souhaitables.

4.5   Le secteur de l'amélioration des plantes a connu au cours des dernières décennies une concentration phénoménale, principalement à cause de la protection par brevet et des exigences réglementaires. S'il y avait auparavant plusieurs centaines d'entreprises actives dans l'amélioration génétique des plantes, elles ne sont aujourd'hui plus qu'une poignée à dominer le marché mondial. En 2009, seules dix compagnies se partageaient près de 80 % du marché mondial des semences, un marché dont les trois plus grandes entreprises concentraient 50 % des parts. Les mêmes multinationales contrôlaient également environ 75 % du secteur agrochimique mondial. Il ne s'agit plus d'entreprises actives exclusivement dans le perfectionnement des plantes mais bien de grandes sociétés globales qui exercent des activités dans les secteurs alimentaire, chimique, énergétique, pharmaceutique et des pesticides. Elles produisent en outre souvent des produits complémentaires tels que des végétaux génétiquement modifiés rendus résistants à un pesticide spécifique commercialisé par la même entreprise. Cette consolidation permet à un groupe restreint de multinationales d'exercer un contrôle considérable sur toute la chaîne de production de denrées alimentaires et de produits connexes et met ainsi en péril la liberté de choix, le caractère abordable des produits, l'innovation ouverte et la diversité génétique. En tout état de cause, pareilles concentration du marché et monopolisation ne sont pas souhaitables, surtout dans des secteurs aussi fondamentaux que l'agriculture et l'approvisionnement alimentaire, et méritent une attention prioritaire de la part du CESE et de l'UE.

5.   Autres problématiques liées aux OGM

5.1   Les OGM concentrent autour d'eux plusieurs problématiques de nature très diverse. Les avis sont très partagés concernant les avantages et les inconvénients des OGM. Le débat est fortement polarisé et dominé par l'émotion. Le caractère synthétique du présent avis ne permet pas d'exposer dans le détail les tenants et aboutissants de ces discussions, il convient toutefois de mentionner quelques questions essentielles. Parmi les arguments fréquemment exprimés figurent la nécessité de combattre la faim, l'approvisionnement alimentaire d'une population mondiale en forte croissance et la lutte contre le changement climatique. Il existe un besoin considérable en recherche scientifique indépendante dans tous ces domaines et le CESE insiste sur l'importance (de la poursuite) d'un financement structurel européen à cette fin, non seulement pour promouvoir l'innovation scientifique et commerciale mais également afin d'étudier les retombées socioéconomiques, environnementales et autres des avancées technologiques.

5.2   Les végétaux génétiquement modifiés ne seront jamais en mesure de résoudre les problèmes de la faim et de la pauvreté. Le simple accroissement de la productivité ne conduira pas nécessairement à une meilleure répartition des aliments. Malheureusement, pour aborder efficacement le grave problème de la sécurité alimentaire, il est essentiel d'améliorer l'accès à la terre, de promouvoir une distribution plus équitable de la richesse, de renforcer la durabilité des accords commerciaux et de réduire la volatilité des prix des matières premières. Bien que la biotechnologie ne soit évidemment pas la panacée, la FAO a fait valoir dans ses derniers rapports qu'elle présentait de nombreux avantages agronomiques et économiques pour les agriculteurs des pays tiers, principalement les petits agriculteurs. Or, depuis les tout premier temps de la technologie des OGM, ses partisans ont affirmé que les végétaux génétiquement modifiés étaient indispensables pour combattre les problèmes de la faim et de la pauvreté. L'on prédisait alors que des plantes capables de produire plus de vitamines ou de substances nutritives contribueraient à combattre la faim et les maladies dans le Tiers-Monde. Grâce à des propriétés potentielles comme la résistance à la sécheresse, à la salinisation ou au gel ou d'autres types de tolérances au stress, des plantes pourraient être cultivées là où ce n'était pas possible auparavant. On prédisait aussi une augmentation des rendements à l'hectare. Cependant, malgré des décennies de promesses alléchantes, aucune de ces propriétés révolutionnaires n'a à ce jour été développée commercialement. La motivation économique pour le développement de ces végétaux est en effet réduite, étant donné qu'ils seraient essentiellement destinés aux groupes les plus défavorisés et les moins solvables de la population mondiale. Même si la prochaine génération d'OGM apporte la tolérance au stress et les rendements plus élevés promis, cela ne résoudra pas nécessairement le problème de la faim dans le monde, la plupart des terres cultivées dans les pays en développement étant utilisées pour produire des marchandises de luxe destinées à l'exportation vers l'Occident. De plus, les plantes génétiquement modifiées actuellement sur le marché sont pour l'écrasante majorité d'entre elles cultivées afin de servir d'aliments pour le bétail destinés à permettre la consommation de viande et de produits laitiers par les Occidentaux (90 % des importations européennes de soja), ou pour produire du biocarburant ou des matières plastiques. L'utilisation accrue des cultures vivrières à des fins autres qu'alimentaires s'est traduite par une hausse des prix des produits de base et des denrées alimentaires, ce qui n'a fait qu'aggraver encore l'insécurité alimentaire et la pauvreté dans le monde (5).

5.3   Le problématique de l'approvisionnement alimentaire mondial n'est pas tant un problème de production que de répartition (la production mondiale équivaut à plus de 150 % de la consommation mondiale) et appelle dès lors plutôt une solution politique et économique qu'une innovation agraire. Le CESE reconnaît que le problème de la sécurité alimentaire mondiale se posera de manière encore plus aiguë avec l'augmentation rapide de la population mondiale. Des organisations internationales comme l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), de grandes ONG comme Oxfam et le rapport récemment publié par une instance scientifique des Nations Unies faisant autorité dans le domaine agricole, à savoir le panel de l'Évaluation internationale des sciences et technologies agricoles au service du développement (EISTAD) soulignent tous l'importance de l'agriculture durable comme solution pour assurer la sécurité et l'autonomie alimentaires. Ces analyses dignes de foi insistent sur la nécessité de recourir à des pratiques et techniques agricoles durables et écologiques sans prévoir nécessairement un rôle pour les OGM mais plutôt pour des techniques alternatives. L'exemple le plus marquant de ces techniques alternatives mentionnées par l'EISTAD et d'autres est la sélection assistée par marqueurs. Cette technique consiste à sélectionner de manière ciblée et efficace des caractéristiques génétiques particulières sans pour autant procéder à des manipulations génétiques risquées ou imprévisibles ou à des transplantations de gènes. La sélection assistée par marqueurs, dont l'efficacité est prouvée et qui offre un meilleur rapport coût-efficacité que l'ingénierie génétique, pourrait constituer une alternative non controversée aux OGM et son moindre coût permettrait de limiter les problèmes liés à la concentration du marché et à celle des brevets. Sans négliger le potentiel d'avenir des OGM, un choix européen délibéré en faveur du développement de techniques non OGM et de pratiques agricoles durables pourrait générer pour l'UE des avantages concurrentiels considérables qui ont été perdus dans le contexte des OGM. C'est en investissant de manière intensive dans l'agriculture durable que l'UE pourra occuper une place de leader mondial unique et novatrice, qui influencera positivement l'innovation et l'emploi européens, ainsi que la compétitivité de l'Union. De plus, cette approche sera plus conforme au modèle d'agriculture européen, avantageux pour la biodiversité, envisagé dans le cadre de la PAC de demain.

5.4   En matière de changement climatique également, les partisans des OGM présentent ceux-ci comme un moyen utile tant pour s'y adapter que pour en atténuer les effets. Cependant, dans ce domaine pas plus que dans celui de la lutte contre la faim, la génération actuelle d'OGM commercialisés ne possède les propriétés nécessaires. En fait, l'une des applications OGM les plus visibles dans ce domaine, à savoir la production de biocarburant à partir de végétaux alimentaires génétiquement modifiés, s'avère déjà avoir une influence négative sur les prix et l'approvisionnement mondial en matières premières et en denrées alimentaires, tout en maintenant une forte dépendance aux combustibles fossiles.

5.5   Si l'on ne peut certainement pas exclure que les OGM pourraient contribuer à la lutte contre des menaces de dimension planétaire telles que la faim, la pauvreté, le changement climatique et les problèmes environnementaux, force est de constater que la génération actuelle n'est ni apte ni destinée à jouer ce rôle. Les propriétés qu'elle possède se limitent à ce jour encore au volet «production», comme la résistance aux pesticides, et profitent donc surtout aux producteurs. La question de savoir si la contribution de ces végétaux génétiquement modifiés à une utilisation moindre ou, au contraire, plus importante de pesticides fait débat (parmi les scientifiques); cette contribution ne semble en tout cas pas clairement positive. Un nombre croissant d'études attire l'attention sur les conséquences à long terme et notamment sur l'augmentation des monocultures intensives, sur le développement de la résistance aux pesticides, sur les infiltrations dans les nappes phréatiques et sur les dommages graves pour la biodiversité environnante et les risques pour la santé humaine d'une exposition de longue durée à certains pesticides utilisés conjointement avec des OGM. Plusieurs de ces effets peuvent être imputés à de mauvaises pratiques agricoles. Cependant, compte tenu du fait que la génération actuelle d'OGM est commercialisée en combinaison avec les pesticides correspondants, il importe que ces produits et leurs retombées environnementales et sociétales soient également évalués conjointement (6).

5.6   Une autre problématique importante liée aux OGM est la liberté de choix des consommateurs et des agriculteurs. Elle se pose tant à l'intérieur de l'UE qu'à l'extérieur de celle-ci. Dans les pays en développement, les prix élevés des semences brevetées combinés aux obligations d'achat et à l'interdiction de la pratique traditionnelle consistant à conserver des semences des saisons précédentes sont une source de dilemmes socio-économiques et culturels considérables pour les paysans, en particulier pour les petits exploitants pauvres. Dans les pays où la culture des OGM est très répandue, et notamment aux États-Unis, au Canada, en Argentine et au Brésil, la diversité des cultures s'est considérablement réduite. À l'échelle du monde, près de 80 % de l'ensemble du soja produit sont génétiquement modifiés, à quoi viennent s'ajouter 50 % du coton, plus de 25 % du maïs et plus de 20 % du colza (canola). Au sein de l'Union européenne, la liberté de choisir est censée être assurée par les exigences en matière d'étiquetage. Cependant, pour garantir une liberté de choix tant aux agriculteurs qu'aux consommateurs, il y a lieu de veiller à une séparation sûre et totale des chaînes de production avec et sans OGM. L'un des aspects importants de cette séparation est la mise en place d'une réglementation stricte en matière de coexistence, comprenant des dispositions efficaces concernant la responsabilité et les réparations en cas de dommages environnementaux et/ou économiques à la suite d'une dissémination imprévue, des systèmes de certification de la chaîne de production et de séparation, et des normes de pureté et d'étiquetage s'agissant de la présence de composantes OGM dans des semences non génétiquement modifiées et des produits dérivés.

6.   Législation et révision de la politique

6.1   Depuis 1990, l'Union européenne a élaboré un cadre législatif riche en matière d'OGM qui, à l'instar de la technologie elle-même, est en évolution constante et a connu de nombreux changements substantiels. Ainsi s'est constituée au cours des vingt dernières années une mosaïque complexe composée de diverses directives et autres règlements et dont les principaux éléments sont les suivants:

directive 2001/18/CE relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement et abrogeant la directive 90/220/CEE du Conseil (7);

règlement 1829/2003 concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés (8);

règlement 1830/2003 concernant la traçabilité et l'étiquetage des organismes génétiquement modifiés et la traçabilité des produits destinés à l'alimentation humaine ou animale produits à partir d'organismes génétiquement modifiés (9);

règlement 1946/2003/CE relatif aux mouvements transfrontières des organismes génétiquement modifiés (appliquant le Protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques relatif à la Convention sur la diversité biologique) (10); et

directive 2009/41/CE relative à l'utilisation confinée de micro-organismes génétiquement modifiés (11).

6.2   Les règles actuellement en vigueur en matière d'autorisation et d'utilisation des OGM se fondent sur une série de principes (juridiques) généraux, notamment:

autorisation indépendante et scientifiquement fondée avant l'introduction;

haut niveau de protection de la santé et du bien-être des personnes et des animaux, et de l'environnement, conformément aux principes de précaution et du pollueur-payeur;

liberté de choix et transparence dans l'ensemble de la chaîne alimentaire et défense des autres intérêts des consommateurs par le biais notamment de l'information et de la participation du public;

respect du marché intérieur et des obligations internationales;

sécurité juridique;

subsidiarité et proportionnalité.

6.3   Cependant, on observe toujours des lacunes, étant donné qu'une législation ou une politique européenne spécifique portant sur des aspects essentiels de l'introduction des OGM font encore défaut. L'on peut notamment penser aux points suivants:

la coexistence entre les OGM, l'agriculture biologique et l'agriculture conventionnelle;

les dispositions réglementaires en matière de responsabilité et de réparations en cas de dommages environnementaux et/ou économiques causés par l'introduction d'OGM ou par contamination imprévue de produits agricoles biologiques ou conventionnels, et des systèmes de compensation pour les frais découlant de la coexistence et de la certification de la chaîne dans le but de prévenir la contagion;

les normes en matière de pureté et d'étiquetage concernant la présence de composants OGM dans des semences ou du matériel de multiplication non génétiquement modifiés;

les normes d'étiquetage, notamment pour la viande et les produits laitiers provenant d'animaux nourris avec des aliments génétiquement modifiés, ainsi que les normes harmonisées pour l'étiquetage «sans OGM»;

un renforcement général des normes d'étiquetage des OGM en vue de garantir le choix des consommateurs, notamment une clarification juridique du concept de «présence accidentelle» et un resserrement éventuel des valeurs seuil;

une réglementation relative aux animaux transgéniques ou clonés et aux produits (alimentaires) dérivés, notamment en matière d'autorisation et d'étiquetage;

un droit bien établi pour les États membres et/ou les régions autonomes d'interdire partiellement ou totalement la culture d'OGM pour diverses raisons liées à des préoccupations environnementales, socioéconomiques, éthiques et autres.

6.4   Bien que la Commission ait avancé en juillet 2010 une proposition législative visant à rendre possible au niveau (infra)national les limitations et les interdictions en matière de culture d'OGM, ce document semble avoir soulevé plus de questions qu'il n'a apporté de réponses, essentiellement à cause de plusieurs incertitudes et contradictions juridiques dans le texte, et de l'exclusion des motivations notamment environnementales. Si l'idée de base, qui était d'accroître la souveraineté (infra)nationale en matière de culture d'OGM, a suscité un large soutien, la version lacunaire actuelle de la proposition a donné lieu à une première lecture critique par le Parlement européen accompagnée d'amendements substantiels, avant de faire l'objet d'un avis critique de la part du CESE (12). Cette proposition est actuellement examinée par le Conseil qui, à ce jour, n'est pas parvenu à dégager une position commune. Le Comité estime que ce dossier revêt une importance capitale, qu'il doit être prioritaire et qu'il faudra en tout état de cause le prendre en considération dans le cadre d'une révision future du cadre juridique régissant les OGM. Le CESE invite la Commission européenne à collaborer activement et dans un dialogue constructif avec le Parlement et le Conseil afin d'établir une base juridique solide pour une autonomie (infra)nationale en matière de culture d'OGM qui serait fondée sur des motivations légitimes telles que des préoccupations environnementales, socioéconomiques, éthiques et culturelles au sens large, et liée à une obligation légale pour les États membres et/ou les régions de mettre en place des règles de coexistence contraignantes afin d'éviter toute contamination non souhaitée entre zones OGM et conventionnelles.

6.5   Au cours des dernières années, le CESE s'est exprimé à plusieurs reprises en faveur de l'adoption d'une législation européenne portant sur la coexistence, la responsabilité et un étiquetage plus complet des produits OGM (13). De plus, la nécessité de combler les dernières lacunes juridiques par une politique européenne harmonisée a encore été récemment accentuée par l'arrêt que la Cour de Justice de l'UE a rendu le 6 septembre 2011 concernant un problème de coexistence lié à la présence accidentelle de pollen de maïs transgénique dans du miel, présence pour laquelle la Cour a confirmé que, pour ce type de présence non autorisée d'OGM, le droit européen appliquait la tolérance zéro (14). Cet arrêt souligne l'importance d'une politique de coexistence et de séparation des chaînes de production efficace, cohérente et stricte visant à prévenir la contamination de produits non génétiquement modifiés par des OGM, doublée de règles concernant les responsabilités et les réparations en cas de dégâts occasionnés, et d'un système de compensation pour les frais générés par les mesures de coexistence et la certification de la chaîne d'approvisionnement. Il fait également mention de la possibilité d'interdire la culture d'OGM en milieu ouvert dans certaines régions (par exemple celles où on produit du miel) au moyen d'un zonage.

6.6   Si la recommandation de la Commission européenne relative aux mesures nationales de coexistence publiée en juillet 2010 représente un assouplissement par rapport à la recommandation de 2003, le CESE souligne toutefois explicitement qu'aucune des deux recommandations n'est juridiquement contraignante, et donc en mesure d'imposer des limitations juridiquement obligatoires au large mandat national dans le domaine de la politique de coexistence, ni d'établir les obligations nécessaires en matière de normes de coexistence. L'introduction prévue des végétaux non alimentaires (par exemple pour des applications pharmaceutiques, industrielles, pour le développement de biocarburants) au côté des plantes vivrières accentuera même encore la nécessité d'une réglementation efficace en matière de coexistence et de responsabilité. Le Comité estime important de prendre les devants et d'aborder dès maintenant ces questions à un stade précoce.

6.7   En décembre 2008, le Conseil «Environnement» a appelé à consolider et à mieux mettre en œuvre le cadre juridique actuel régissant les OGM. Il a estimé plus particulièrement que des améliorations étaient indispensables dans les domaines suivants: l'estimation des risques environnementaux par l'EFSA, le contrôle postérieur à l'introduction des OGM et les protocoles de suivi, avec un rôle accru pour l'expertise externe émanant des États membres et de scientifiques indépendants, l'estimation des retombées socioéconomiques de l'introduction et de la culture d'OGM, les valeurs seuil pour l'étiquetage des traces d'OGM dans les semences, une meilleure protection des zones sensibles et/ou protégées et la possibilité de créer des zones sans OGM aux niveaux local, régional ou national.

6.8   Si la Commission a bien lancé des actions dans ces différents domaines, les demandes du Conseil n'ont pas encore donné lieu à suffisamment de résultats concrets. Le CESE souligne combien il est important que pour chacun des points et chacune des lacunes juridiques mentionnés ci-dessus des mesures concrètes et substantielles soient prises à court terme afin d'adopter une législation et une politique adéquates. S'agissant de la révision des procédures d'évaluation et de gestion des risques, et de l'autorisation des OGM, le CESE préconise, à l'instar du Conseil et du Parlement européen, de consulter également des diplômés en sciences sociales, des juristes, des spécialistes de l'éthique et des représentants d'organisations de la société civile en plus des scientifiques, de manière à prendre en compte lors de la prise de décisions non seulement de l'évaluation scientifique des risques pour l'homme et l'environnement mais aussi d'autres facteurs légitimes comme par exemple des considérations de nature socioéconomique, culturelle et éthique et des valeurs de société. Cela permettrait peut-être aussi de dépasser la controverse sociétale autour des OGM et l'impasse politique qui paralyse la prise de décisions.

6.9   Une activité importante mais qui a pris du retard est l'évaluation du cadre juridique actuel régissant les OGM et les aliments génétiquement modifiés destinés à la consommation humaine ou animale, lancée par la Commission à la demande du Conseil en 2008 et dont les résultats auraient dû être présentés début 2011. La Commission a promis au Conseil que des initiatives visant à réviser la législation et la réglementation seraient prises avant 2012 et le CESE souligne combien il est important que ce calendrier soit respecté. Les lacunes réglementaires mentionnées précédemment devront en tout état de cause être abordées dans le cadre de cette révision. Dans un premier temps, la Commission doit organiser une vaste consultation publique sur la base du rapport d'évaluation maintenant publié (15), afin de veiller à ce que la société puisse apporter sa contribution à la révision du cadre législatif. Cela ne manquera pas d'aider à atténuer les préoccupations de l'opinion et pourrait renforcer sa confiance dans le législateur.

6.10   La définition du terme OGM est l'un des aspects qui sera sans aucun doute abordé à l'avenir. Bien que la science et les applications de l'ingénierie génétique aient connu un développement extrêmement rapide au cours des dernières décennies, la définition juridique est demeurée inchangée depuis la première législation européenne adoptée en 1990. Selon la définition en vigueur, un OGM est: «un organisme, à l'exception des êtres humains, dont le matériel génétique a été modifié d'une manière qui ne s'effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle» (16). Certaines techniques de génie génétique ne sont cependant pas couvertes par cette définition et échappent dès lors aux dispositions légales du cadre juridique régissant les OGM.

6.11   Au fil des ans, de nombreuses nouvelles techniques de sélection des plantes qui n'étaient pas encore prévues lors de l'élaboration du cadre juridique actuel ont vu le jour. Il s'agit entre autres de techniques telles que la cisgénèse, qui consiste à implanter des gènes d'espèces identiques dans un organisme au moyen d'une technique d'incorporation d'ADN recombiné. La question qui se pose depuis pour ce type de nouvelles techniques est de savoir si elles entrent dans la définition actuelle de l'ingénierie génétique et si les organismes obtenus au moyen de ces techniques sont régis par le cadre juridique actuel sur les OGM. Compte tenu des charges administratives mais aussi de la manière dont les OGM sont stigmatisés dans la classe politique et dans l'opinion publique, une dérogation à la législation pour ces techniques représente un intérêt économique considérable pour le secteur de l'amélioration des plantes. Dans ce cas de figure, ces innovations pourraient être commercialisées plus rapidement sans que l'obligation d'étiquetage puisse donner lieu à des réactions négatives de la part des consommateurs. Cependant, ces techniques suscitent les mêmes réserves de nature éthique, écologique, socioéconomique et politique que la génération actuelle d'OGM étant donné qu'elles se basent, pour l'essentiel, sur les mêmes technologies de génie génétique pour lesquelles on ne dispose encore que d'une expérience limitée et qui sont entourées d'une grande incertitude.

6.12   Dans le but de garantir une approche réglementaire uniforme dans l'ensemble des États membres à l'égard de ces nouvelles techniques de sélection des plantes et de leurs produits, la Commission a créé en 2008 un groupe de travail scientifique qui sera suivi d'un groupe de travail politique dans le but d'émettre des recommandations concernant l'approche juridique à adopter. Les rapports des deux groupes de travail devaient être finalisés pour l'été 2011 et être pris en compte lors de la révision du cadre juridique prévue en 2012. Le CESE est d'avis qu'il est essentiel de s'en tenir à l'approche réglementaire actuelle fondée sur les processus et que ces nouvelles techniques d'amélioration des plantes doivent dès lors en principe être soumises au cadre juridique européen régissant les OGM étant donné la technique d'ingénierie génétique utilisée (ADN recombiné), même quand les plantes ainsi perfectionnées ou les produits finis dérivés ne présentent en tant que tels aucune atypie établie par rapport à leurs équivalents conventionnels.

Bruxelles, le 18 janvier 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Tout récemment, Eurobaromètre, «Europeans and Biotechnology in 2010» (Les Européens et la biotechnologie en 2010) http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/ebs/ebs_341_winds_en.pdf.

(2)  CESE, JO C 54, 19.2.2011, p. 51

(3)  Directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques, JO L 213, p.13.

(4)  Affaire C-428/08, Monsanto Technology.

(5)  Comme soulevé lors de l'audition sur le thème «Biotechnologie agro-alimentaire: denrées alimentaires et aliments pour animaux génétiquement modifiés dans l'UE», CESE, Bruxelles, le 20 octobre 2011

(6)  Voir note de page no 4

(7)  JO L 106/1 du 17 avril 2001.

(8)  JO L 268/1 du 18 octobre 2003.

(9)  JO L 268/24 du 18 octobre 2003.

(10)  JO L 287/1 du 5 novembre 2003.

(11)  JO L 125/75 du 21 mai 2009.

(12)  Voir note de bas de page no 2.

(13)  Voir entre autres CESE, JO C 54, 19.2.2011, p. 51; CESE, JO C 157, 28.6.2005, p. 155; CES, JO C 125, 27.5.2002, p. 69; CES, JO C 221, 17.9.2002, p. 114-120 etc.

(14)  Affaire C-442/09, Bablok e.a. contre Freistaat Bayern et Monsanto.

(15)  http://ec.europa.eu/food/food/biotechnology/index_en.html.

(16)  Par exemple l'article 2, paragraphe 2, de la directive 2001/18/CE, et l'article 2, point b) de la directive 2009/41/CE. Le terme organisme est défini comme «toute entité biologique capable de se reproduire ou de transférer du matériel génétique».


ANNEXE I

à l'avis du Comité

Les amendements suivants, qui ont recueilli au moins un quart des suffrages exprimés, ont été rejetés au cours des débats:

Paragraphe 3.8

Remplacer par le texte suivant:

«  (1) »

Résultat du vote

Voix pour

91

Voix contre

122

Abstentions

19

Paragraphe 5.3

Remplacer le texte du paragraphe:

«»

Résultat du vote

Voix pour

83

Voix contre

139

Abstentions

13


(1)  Voir les conclusions du Président Nilsson lors de la conférence du CESE sur le thème «De quoi manger pour tous», organisée en coopération avec la Commission européenne pour apporter une contribution au G20 concernant la question de la sécurité alimentaire.


6.3.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 68/65


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant un mécanisme d'échange d'informations sur les accords intergouvernementaux conclus entre des États membres et des pays tiers dans le domaine de l'énergie»

COM(2011) 540 final – 2011/0238 (COD)

2012/C 68/12

Rapporteur: M. PEEL

Le 27 septembre 2011, le Conseil de l'Union européenne a décidé, conformément à l'article 194, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant un mécanisme d'échange d'informations sur les accords intergouvernementaux conclus entre des États membres et des pays tiers dans le domaine de l'énergie»

COM(2011) 540 final — 2011/0213 COD.

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 20 décembre 2011

Lors de sa 477e session plénière des 18 et 19 janvier 2012 (séance du 18 janvier 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 177 voix pour, 1 voix contre et 10 abstentions.

1.   Recommandations et conclusions

1.1   L'énergie est une composante essentielle de notre niveau et de notre qualité de vie (1). Le CESE accueille favorablement la décision proposée, telle que publiée par la Commission, qui prévoit la création d'un mécanisme d'échange d'informations sur les accords intergouvernementaux conclus entre des États membres et des pays tiers dans le domaine de l'énergie. Il estime qu'il s'agit là d'une étape appropriée vers la mise en œuvre effective d'une politique extérieure commune de l'UE en matière d'énergie, conforme tant au traité de Lisbonne (article 194 du TFUE (2)) qu'à la stratégie européenne «Énergie 2020» (3), ainsi qu'aux conclusions en matière énergétique du Conseil européen du 4 février 2011. Il est grand temps de mettre en place un système contraignant et effectif d'échange d'informations, du type de celui qui est proposé, dans le cadre duquel la Commission jouera un rôle actif lorsque les États membres négocient des accords gouvernementaux en matière d'énergie avec des pays partenaires.

1.2   Dans cette perspective, le Comité se félicite également que la décision proposée inclue un échange d'informations sur tous les accords énergétiques bilatéraux en vigueur. La Commission estime qu'une trentaine d'accords intergouvernementaux auraient été signés entre des États membres et des pays tiers sur le marché du pétrole, une soixantaine sur celui du gaz mais un nombre inférieur sur celui de l'électricité.

1.2.1   Le Comité est surpris qu'un tel mécanisme d'information n'existe pas encore, que ce soit entre la Commission et les États membres ou entre les États membres eux-mêmes, tout en prenant pleinement en considération la nécessité de confidentialité. Il tient à faire remarquer que si à l'heure actuelle, ni la Commission, ni les États membres pris isolément ne sont en mesure de disposer d'une vue d'ensemble de la situation concernant tel ou tel de leurs partenaires commerciaux, il ne fait aucun doute que les plus importants de ceux-ci disposent, eux, d'un tel aperçu. Il est primordial que l'Europe agisse d'un seul tenant pour garantir un approvisionnement en énergie adéquat, stable et sûr dans un avenir prévisible et qu'elle poursuive l'édification d'un marché unique effectif dans le domaine énergétique. Des estimations donnent à penser que la demande globale d'énergie – portant sur des réserves qui ont un caractère fini – pourrait augmenter de quelque 40 % sur les vingt prochaines années. Ce phénomène serait dû essentiellement à une concurrence accrue des économies émergentes et il serait susceptible d'être exacerbé par des mesures, qui ne sont pas encore prévues, visant à contrecarrer les effets du changement climatique.

1.3   Le Comité se félicite également que l'article 5 de la proposition évoque la perspective que la Commission émette une déclaration officielle attestant qu'un projet d'accord en cours de négociation n'enfreint pas les règles du marché intérieur, à condition que cette déclaration soit effectuée sans retard indu et dans les délais prévus. La sécurité juridique est vitale pour les investisseurs, comme le Comité l'a souligné par le passé dans son avis sur une politique globale des investissements de l'UE à l'échelle internationale (4), domaine dans lequel nombre de questions évoquées ici trouvent un écho remarquable.

1.3.1   Le Comité est toutefois préoccupé par la suggestion qu'un silence de la Commission pendant quatre mois équivaudrait à son consentement. Il conçoit que pour des raisons de procédure, il ne soit pas toujours réalisable ou commode pour la Commission de rendre un avis explicite dans chaque cas mais, au double motif qu'une enquête de compatibilité aura été demandée spécifiquement et qu'il y a lieu de préserver toute clarté en la matière, il voudrait insister pour qu'une indication soit fournie chaque fois que possible, fût-ce sous forme officieuse, ou que l'alerte soit donnée suffisamment vite dès lorsqu'un problème potentiel nécessitant un examen plus approfondi aura été repéré.

1.4   Les accords sur l'énergie doivent être guidés par des considérations tant stratégiques que commerciales. Considérant la nécessité de respecter tout à la fois le principe de proportionnalité et celui de transparence, le Comité regrette toutefois que soient exclus de la proposition à l'examen les accords de travail dans lesquels interviennent des opérateurs commerciaux, en particulier eu égard au message fort qui est exprimé dans son exposé des motifs (chapitre 1) quant au danger que des fournisseurs donnés n'obtiennent un monopole ou quasi-monopole contraires au droit de l'UE. À tout le moins, le Comité invite instamment la Commission à prendre des mesures actives afin de pouvoir accéder aisément et pleinement aux volets d'accords commerciaux dont il est estimé qu'ils risquent d'avoir des implications au niveau de la réglementation de l'UE, en particulier lorsqu'ils pourraient revêtir la forme d'annexes à des accords intergouvernementaux. Le Comité est particulièrement préoccupé par les menaces susceptibles de voir le jour lorsque des partenariats stratégiques contraindraient éventuellement à introduire des pratiques imposées par des intérêts extérieurs à l'UE qui pourraient s'avérer néfastes.

1.4.1   En outre, il faut relever que les consommateurs européens auront de la peine à saisir la différence, pour les accords passés avec une partie étrangère, entre ceux qui sont de nature intergouvernementale, d'une part, et privée, d'autre part, car dans l'un et l'autre cas, leurs répercussions sont identiques pour les tarifs, le choix des fournisseurs, la composition de l'équation énergétique et d'autres critères pertinents.

1.4.2   Le Comité entend plaider en faveur de l'adoption d'une action équitable mais ferme dans les cas, inévitables, où les intérêts stratégiques et commerciaux des fournisseurs de pays tiers différeront de ceux de l'UE. Il se demande dans quelle mesure la Commission parviendra, comme elle entend le faire, à renforcer le respect par ces fournisseurs des règles du marché intérieur de l'UE. Néanmoins, il estime que des négociations devraient être entreprises, chaque fois que possible, dans un esprit de partenariat, de franchise et de confiance réciproque.

1.5   En revanche, le CESE déplore tout particulièrement l'absence d'une analyse d'impact en bonne et due forme, dans la mesure où cet exercice aurait permis d'anticiper et comprendre mieux et de manière plus ouverte les réactions probables des États membres sur la question. L'énergie est, bien entendu, une compétence que la Commission partage avec les États membres et elle est étroitement liée à la manière dont beaucoup d'entre eux conçoivent la souveraineté, avec des effets dans l'un et l'autre sens: certains rechercheront un soutien supplémentaire auprès d'elle, tandis que d'autres verront dans son intervention une ingérence injustifiée, en particulier pour ce qui est de perdre le contrôle sur leur mandat et leur autonomie de négociation, le nouveau mécanisme étant perçu comme une tentative pour transférer en catimini à l'UE des compétences en matière de politique énergétique. Dans le domaine qui nous occupe ici, la Commission ne dispose pas des mêmes attributions que dans celui des investissements, où une action similaire est proposée en ce qui concerne les traités bilatéraux d'investissement (beaucoup plus nombreux que ceux afférents à l'énergie) mais où la prudence serait aussi de l'intérêt de toutes les parties.

1.5.1   La Commission doit montrer qu'elle est attentive à ces réticences d'États membres qui pourraient se sentir ainsi menacés et elle se doit d'aborder toute transition avec circonspection, pour susciter une adhésion plus forte à sa thèse affirmant que l'échange d'information proposé renforcera la position des États membres lors de leurs négociations avec des pays tiers. Il sera très important à cet égard de coopérer pleinement avec les autorités réglementaires des États membres. Tout en se félicitant de l'accent placé sur le soutien aux États membres au plan des négociations, le Comité estime capital que dans les premiers dossiers à la négociation desquels elle prendra une part active, la Commission démontre une bonne efficacité et produise suffisamment de résultats pour contribuer à surmonter les inévitables appréhensions.

1.5.2   Le Comité demande également que soit éclaircie la manière dont sera mis en œuvre l'article 7, traitant de la confidentialité, étant donné que toutes les données essentielles d'un contrat commercial, comme les prix et les conditions, sont confidentielles, en tant qu'elles constituent des secrets commerciaux. Il s'agit là d'un point crucial pour susciter l'adhésion à la décision. Dans la mesure où il n'existe pas encore de politique énergétique commune de l'UE en bonne et due forme, les États membres et la Commission doivent poursuivre leurs efforts en vue de développer la confiance mutuelle nécessaire entre toutes les parties intéressées: la proposition à l'examen ne peut servir que de point de départ pour ce processus.

1.6   Le Comité met en doute l'assertion selon laquelle la proposition n'aura pas d'incidence budgétaire pour l'Union. Du fait des exigences croissantes imposées par la politique énergétique européenne, nous ne pensons pas que les fréquentes activités de contrôle et de conseil qui sont prévues dans la proposition puissent être assurées sans ressources supplémentaires.

1.7   La première évaluation intermédiaire devrait s'effectuer non pas après quatre ans, mais au terme de deux années, car un tel laps de temps est suffisamment étendu pour collecter les expériences et les données requises afin d'évaluer si le mécanisme fonctionne bien.

1.8   S'agissant des implications plus étendues de la proposition, lesquelles sont essentiellement abordées par la communication qui l'accompagne et embrasse un champ plus large, le Comité se félicite de l'objectif général de la Commission, qui consiste à renforcer la dimension extérieure de la politique énergétique globale de l'UE. L'efficacité, la sécurité et la stabilité énergétiques sont clairement liées, mais le Comité regrette que par ailleurs, le lien avec le triple objectif, plus classique, d'une énergie compétitive, durable et sûre n'ait pas été établi très clairement, d'autant que la compétitivité de l'énergie et sa durabilité ne sont pas toujours compatibles.

1.8.1   Le Comité regrette également qu'à côté des aspects techniques et procéduraux dont elle traite à titre principal, la proposition n'aborde pas de manière spécifique des éléments étroitement liés, notamment les relations diplomatiques et socio-économiques avec les pays fournisseurs et de transit, et que la communication ne le fasse pour sa part que dans une mesure limitée.

1.8.2   De même, il n'apparaît clairement ni que la proposition à l'examen est entièrement liée aux aspects de la question de l'énergie qui, plus largement, sont en rapport avec le commerce, ni que ces deux domaines s'influencent mutuellement. Depuis plusieurs décennies, les négociations commerciales relèvent bien évidemment de la compétence de l'UE. À cet égard, il est acquis que l'énergie joue un rôle majeur dans les négociations, les premières du genre, à caractère pionnier et proches de la conclusion, qui sont menées en vue d'établir un accord de libre-échange approfondi et global avec l'Ukraine, pays clé en matière de transit d'énergie pour l'UE. De même, des négociations sur un accord de ce genre sont activement envisagées avec d'autres pays voisins de l'UE, dans le cadre tant du partenariat oriental que du dialogue euro-méditerranéen et l'énergie est appelée à y jouer un rôle de premier plan.

1.8.3   Le Comité souhaite insister spécialement auprès de la Commission pour que dans la négociation des volets énergétiques, étendus et capitaux, qui figureront dans le nouvel accord envisagé entre l'UE et la Russie, elle accorde une attention particulière à la situation atypique qui est celle des trois États baltes, du fait que leurs installations électriques sont synchronisées avec le réseau de la Russie plutôt que de l'Union.

1.9   Enfin, le Comité regrette profondément que ni la proposition, ni la communication ne fassent référence à aucun mécanisme qui aborderait la participation de la société civile. Il faut remédier à cette carence. Des dispositifs formels ont été établis ou seront bientôt en passe de l'être pour surveiller la mise en œuvre d'accords de libre-échange récemment conclus par l'UE, notamment avec la Corée du Sud, tandis qu'un Forum de la société civile est actif dans le cadre du partenariat oriental.

1.9.1   Ne fût-ce qu'en raison de l'intégration déjà bien établie de la société civile dans les réunions des trois autres plates-formes thématiques du partenariat oriental, le Comité apprécie néanmoins beaucoup d'avoir finalement été associé aux travaux de celle qui est consacrée à l'énergie.

2.   Contexte

2.1   Le 4 février 2011, le Conseil européen est convenu que l'Union et les États membres se devaient d'améliorer leur coordination dans leurs activités énergétiques extérieures et a demandé à ces derniers d'informer la Commission, à dater du 1er janvier 2012, de tous les accords énergétiques bilatéraux, tant nouveaux qu'existants, qui sont passés avec des pays tiers.

2.2   En septembre, la Commission européenne a dès lors publié deux documents sur l'établissement d'une politique énergétique extérieure de l'UE, le premier étant une «Proposition de décision établissant un mécanisme d'échange d'informations sur les accords intergouvernementaux conclus entre des États membres et des pays tiers dans le domaine de l'énergie» (5) et le second, une communication intitulée «La politique énergétique de l'UE: s'investir avec des partenaires au-delà de nos frontières» (6).

2.3   Le Comité n'a été saisi pour avis que sur le texte législatif, qui fixe le mécanisme de mise en œuvre des conclusions du Conseil de février 2011. La communication couvre un champ bien plus vaste et ne traite que brièvement de la proposition susdite. Le Comité regrette cette limitation, dès lors que la communication aborde des aspects clés sur lesquels il aurait souhaité formuler des observations, tels que les énergies renouvelables, l'efficacité énergétique et d'autres questions liées au développement durable, comme les relations que l'UE entretient avec la Russie, la Chine, d'autres économies en croissance rapide et les pays en développement de manière générale.

2.3.1   La Commission a clairement indiqué que la communication débouchera sur plusieurs propositions, dont la décision proposée est la première, et l'une des plus importantes.

2.4   La demande mondiale d'énergie et la dépendance de l'UE vis-à-vis des combustibles fossiles importés vont l'une et l'autre croissant. Comme le souligne la communication, l'Union, prise globalement, importe 60 % de son gaz et plus de 80 % de son pétrole, tout en devant faire face à une concurrence accrue de la part d'autres intervenants, notamment les économies émergentes. Sur les vingt prochaines années, la demande mondiale d'énergie pourrait augmenter de 40 %, cependant que des mesures imprévues prises en relation avec le changement climatique seraient susceptibles de compliquer encore la donne. Beaucoup d'États membres n'ont d'autre choix que de dépendre d'un nombre limité de fournisseurs, devenant dès lors vulnérables aux goulets d'étranglement et à l'instabilité des prix, en particulier gaziers et pétroliers. Une urgence se fait par conséquent véritablement sentir quant à la nécessité d'asseoir la politique énergétique extérieure de l'UE sur des bases bien plus solides. Il est primordial que l'Europe agisse d'un seul tenant pour garantir un approvisionnement en énergie adéquat, stable et sûr dans un avenir prévisible et qu'elle poursuive l'édification d'un marché unique effectif dans le domaine énergétique.

2.5   Les outils efficaces dont l'UE dispose à cette fin sont toutefois en nombre réduit. On peut supputer que l'énergie constituera un chapitre essentiel des accords de libre-échange approfondis et complets qu'elle est sur le point de conclure avec l'Ukraine. Par ailleurs, la Communauté de l'énergie régit ses relations énergétiques avec neuf pays partenaires de l'Est et du Sud-Est de l'Europe (7). Une approche stratégique internationale de long terme nécessitera des dispositions institutionnelles nettement plus structurées et fournies. La stratégie Énergie 2020 de l'UE relève à juste titre que l'une des priorités essentielles en la matière consiste à renforcer la dimension extérieure de la politique énergétique de l'UE et c'est à cet impératif que la proposition de décision s'efforce de faire droit.

2.6   La proposition de décision demande aux États membres de procéder à un échange d'informations avec la Commission européenne concernant leurs intentions de conclure des accords intergouvernementaux avec des pays tiers en matière énergétique. Grâce à un «mécanisme de contrôle de la compatibilité» (article 5), la Commission souhaite garantir que ces accords sont compatibles avec le droit de l'Union européenne. Un des avantages majeurs de ce dispositif serait d'offrir une sécurité juridique pour les investissements (8). La Commission souligne que ce nouveau mécanisme est une mesure de coordination visant à épauler les États membres et à renforcer leur pouvoir de négociation, et non un instrument qui remplacerait ou limiterait la possibilité qu'ils ont de conclure de tels accords. L'article 7 souligne que des dispositions existent pour garantir la confidentialité des informations, qui constitue une question très sensible.

2.7   Le Comité regrette toutefois que les accords entre opérateurs commerciaux soient exclus du champ d'application de la décision, eu égard notamment aux mises en garde claires de la Commission quant à la possibilité qu'un ou plusieurs fournisseurs donnés ne parviennent à un monopole ou quasi-monopole, qui serait contraire au droit de l'Union (9). Le Comité exhorte la Commission à prendre à tout le moins des mesures actives afin de pouvoir accéder aisément et pleinement aux volets d'accords commerciaux dont il est estimé qu'ils pourraient avoir des implications au niveau de la réglementation de l'UE, en particulier lorsqu'ils sont susceptibles de revêtir la forme d'annexes à des accords intergouvernementaux.

3.   Le CESE: un soutien ferme à une politique extérieure forte de l'Union européenne en matière énergétique, fondée sur la sécurité de l'approvisionnement

3.1   En mars 2011, le Comité avait lancé (10) un appel clair pour qu'une politique extérieure commune de l'UE en matière d'énergie soit mise en place de manière rapide et progressive. En réponse à une demande de la présidence hongroise du Conseil, il avait plaidé pour des mesures concrètes propres à mieux articuler les politiques intérieures et extérieures, ainsi que pour une approche intégrée et cohérente. Il suggérait également de donner un nouvel encadrement institutionnel au dossier de l'énergie, de conférer une orientation stratégique multilatérale à la politique en la matière et de mettre en œuvre des partenariats énergétiques privilégiés avec les pays voisins de l'UE.

3.2   Précédemment, en 2009, le Comité avait également souhaité (11) que l'UE mène une stratégie extérieure globale dans le domaine énergétique et dispose des moyens de la mettre en œuvre de manière effective. Dans la perspective du long terme, il avait vu dans la sécurité énergétique et la politique climatique les deux piliers essentiels des relations internationales de l'UE dans le domaine de l'énergie. Tout en soulignant l'importance que le troisième train de mesures en matière énergétique revêtait pour réduire la dépendance de l'UE par rapport à ses fournisseurs extérieurs, il avait aussi fait valoir qu'il y avait lieu d'encourager la production et la consommation durables d'énergie dans les pays tiers. Il avait rappelé le lien solide qui unit la politique énergétique et la politique commerciale afférente, ainsi que l'obligation qui s'impose aux pays partenaires d'appliquer les règles du marché, telles que la réciprocité, l'égalité de traitement, la transparence, la protection des investissements ou le respect de l'état de droit et des droits de l'homme. L'énergie étant appelée à jouer un rôle de plus en plus prégnant dans les conflits internationaux, le Comité a attiré à nouveau l'attention sur la nécessité pressante qu'une voix européenne commune vienne équilibrer les intérêts nationaux des États membres.

3.3   Le Comité (12) a également souligné que la promotion des énergies renouvelables et la diversification des sources d'énergie ne peuvent être disjointes de l'action extérieure de l'Union, en particulier dans l'aire euro-méditerranéenne. Si l'on veut rester en accord avec la politique climatique de l'UE, il est nécessaire d'éliminer progressivement les subventions dommageables que les pays partenaires accordent aux combustibles fossiles, d'augmenter les ressources financières allouées à la recherche et au développement concernant les projets d'énergie renouvelable et de promouvoir les échanges de biens et de services économes en énergie.

4.   Le rôle de la société civile

4.1   Les carences qui, en 2011, ont mené aux vastes soulèvements dans le monde arabe ont démontré une fois de plus le rôle central que joue la société civile dans la transition démocratique, la réforme constitutionnelle et le développement des institutions. Dans cette zone comme dans les pays du partenariat oriental (13), il est nécessaire de prendre dûment en considération la contribution apportée par la société civile en général et les partenaires sociaux en particulier aux fins de garantir que les processus décisionnels soient transparents et inclusifs et qu'ils recueillent le soutien de l'opinion publique. Le Comité regrette profondément que ni la proposition, ni la communication ne fassent aucune référence à un quelconque mécanisme qui couvrirait la participation de la société civile, alors que les partenaires sociaux seront très engagés sur le terrain et indispensables pour fournir un retour d'information capital, en particulier sur les points où des problèmes surgissent et bien qu'il soit fait spécifiquement état, dans la communication, de «projets communs menés par des entreprises» (14). Ne fût-ce qu'en raison de l'intégration déjà bien établie de la société civile dans les réunions des trois autres plates-formes thématiques du partenariat oriental, le Comité apprécie néanmoins beaucoup d'avoir finalement été associé aux travaux de celle qui est consacrée à l'énergie.

4.2   En outre, des dispositifs formels ont été établis ou seront bientôt en passe de l'être pour surveiller la mise en œuvre d'accords de libre-échange récemment conclus par l'UE, notamment avec la Corée du Sud, tandis qu'un Forum de la société civile est actif dans le cadre du partenariat oriental. En matière d'énergie, la voix de la société civile est tout aussi importante. Il convient que les consommateurs proprement, qui ont souvent à subir une part disproportionnée des retombées produites par les carences du marché, deviennent eux aussi parties prenantes de cette problématique, le but étant, en particulier, d'y introduire plus de transparence, de leur donner plus d'influence et d'éclairer l'opinion publique.

5.   Considérations stratégiques de plus vaste ampleur

5.1   Le Comité soutient pleinement la Commission dans son intention de jouer un rôle moteur pour établir une stratégie extérieure complète et coordonnée de l'UE en matière énergétique et il exhorte les États membres à seconder ses efforts dans un esprit de solidarité et de confiance mutuelle.

5.2   Pour le CESE, la solidarité est une des pierres angulaires d'une politique commune de l'UE en matière énergétique, notamment en vue d'aider les États membres qui ne disposent pas de la puissance de négociation nécessaire pour se procurer de l'énergie à des tarifs équitables et abordables.

5.3   Grande consommatrice d'énergie, l'UE fait aussi partie du cercle des principaux fournisseurs de technologies, ainsi que le reconnaît la communication, de même qu'elle dispose de normes parmi les plus rigoureuses au monde en matière de transparence et de réglementation du marché, y compris pour la sûreté du nucléaire et des autres énergies.

5.4   Le Comité prend acte des chiffres mentionnés par la Commission (15), suivant lesquels la Russie, la Norvège et l'Algérie représentent 85 % des importations de gaz naturel de l'UE et près de 50 % de ses importations de pétrole brut, les pays de l'OPEP représentant environ 36 % de ces dernières. La Russie joue également un rôle de premier plan pour l'approvisionnement de l'UE en charbon et uranium.

5.5   L'accès à l'énergie, tout comme aux matières premières, constitue une problématique stratégique essentielle pour l'UE, étant donné que la demande mondiale d'énergie devrait monter en flèche au cours des vingt prochaines années. Le Comité engage à établir avec les grands acteurs mondiaux du secteur de l'énergie, qu'ils appartiennent au secteur de la fourniture, du transit ou de la consommation, des partenariats stratégiques qui devraient inclure une coopération pour améliorer la profitabilité et la diffusion des technologies à faibles émissions de carbone, encourager l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables et mettre davantage l'accent (16) sur la sécurité de l'approvisionnement. Le Comité se réjouit en particulier de la perspective imminente d'un accord avec l'Ukraine, qui devrait inclure l'assurance d'un approvisionnement ininterrompu, les tarifs et d'autres questions essentielles.

5.6   Ce point sera spécialement important pour l'évolution future de la politique commerciale de l'UE mais le Comité se félicite également que la communication fasse référence aux liens de plus en plus étroits entre la politique énergétique et celles que mène l'UE en ce qui concerne le développement, l'élargissement, les investissements et les relations internationales au sens plus large. Un des objectifs premiers du traité de Lisbonne a consisté à rapprocher la gestion de ces différents aspects de l'action de l'Union. Il est capital que la politique énergétique de l'UE s'articule désormais parfaitement avec ces autres domaines d'intervention, en particulier pour ce qui concerne le développement économique et social durable des pays en développement.

5.7   Le Comité escompte que nos partenaires au sein de la Communauté de l'énergie s'attelleront à se conformer à la réglementation du marché intérieur de l'énergie de l'UE et à la respecter. Il est préoccupé par le jugement critique que la Commission européenne a exprimé en mars dernier (17) s'agissant des résultats engrangés par ladite Communauté. Le fossé reste considérable entre les engagements politiques et la mise en œuvre effective de l'acquis énergétique par ses membres. La Commission a également reproché à ces pays de conserver des structures de marché dépassées, d'entraver les investissements et de fausser la concurrence, en persistant à donner un avantage à leurs fournisseurs publics grâce à la réglementation des tarifs. Le Comité s'interroge dès lors sur le type d'instruments qui convient le mieux à l'UE pour gérer ses relations avec ses partenaires plus éloignés et se demande s'il ne serait pas plus opportun de prendre ses distances avec le schéma de la relation fournisseur-client pour viser plutôt à une convergence accrue des marchés de l'énergie.

5.8   Dans la mesure où elle vient aujourd'hui en tête des pays assurant son approvisionnement énergétique, le CESE exhorte la Commission à œuvrer avec énergie pour arriver à conclure le nouvel accord entre l'Union et la Russie, qui doit comporter une convention fort complète concernant l'énergie. Ce pays est également tributaire de la taille du marché offert par l'Union. Pareil accord représenterait une percée d'une haute importance et un jalon posé sur la voie d'une action européenne commune en matière de relations extérieures dans le domaine de l'énergie.

5.8.1   Dans la négociation de cet accord, il convient d'accorder une attention particulière à la situation atypique qui est celle des trois États baltes, du fait que leurs installations électriques sont synchronisées avec le réseau de la Russie et non de l'Union, de sorte qu'ils dépendent exclusivement de ce pays pour la stabilité de leur dispositif électrique et le réglage de sa fréquence.

5.9   L'Algérie, la Libye et la zone euro-méditerranéenne tout entière restent également un champ d'intervention capital pour la coopération énergétique externe.

5.10   Enfin, le Comité a reconnu que l'Asie centrale (18) recèle «un important potentiel de réserves énergétiques qui peuvent offrir à l'Europe un approvisionnement complémentaire» (sans pouvoir toutefois être substitué à celui qui est actuellement le sien); il a insisté pour que la viabilité de tels rapports soit fondée sur des motifs pragmatiques et économiques et souligné que les liens de l'UE avec cette région doivent être développés «dans le cadre d'une information étroite et mutuelle portant sur les relations de l'UE avec la Russie, la Chine et la Turquie». En tant qu'autre gros consommateur d'énergie, la Chine est particulièrement importante, de sorte que dans ce domaine aussi, il est primordial d'insister spécifiquement sur une étroite coopération à mener avec elle en matière d'énergie, de technologie et de questions liées au changement climatique.

Bruxelles, le 18 janvier 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Giles Chichester, député européen, ancien président de commission du Parlement européen, octobre 2011.

(2)  Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

(3)  COM(2010) 639 final.

(4)  JO C 318, 29 octobre 2011, pp. 150-154.

(5)  COM(2011) 540 final.

(6)  COM(2011) 539 final.

(7)  Albanie, ancienne République yougoslave de Macédoine, Bosnie-Herzégovine, Croatie, Kosovo, Moldavie, Monténégro, Serbie et Ukraine.

(8)  Cet aspect doit évidemment s'articuler avec les nouveaux pouvoirs et domaines d'action étendus qui ont été attribués à l'UE en matière d'investissements aux termes du traité de Lisbonne (JO C 318, 29 octobre 2011, pp. 150-154).

(9)  Exposés des motifs (chapitre 1, COM (2011) 540 final).

(10)  JO C 132, 3 mai 2011, pp. 15-21.

(11)  JO C 182, 4 août 2009, pp. 8-12.

(12)  CESE JO C 376 du 22/12/2011, p. 1.

(13)  Ukraine, Moldavie, Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan et Biélorussie.

(14)  Chapitre 1.3, p. 8.

(15)  COM(2011) 539 final, p. 9.

(16)  Ibid., p.4 (note en bas de page 7).

(17)  COM(2011) 105 final.

(18)  JO C 248, 25 août 2011, pp. 49-54.


6.3.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 68/70


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 1999/32/CE relative à la teneur en soufre des combustibles marins»

COM(2011) 439 final – 2011/0190 (COD)

2012/C 68/13

Rapporteur: M. Jan SIMONS

Le 1er et le 13 septembre 2011, respectivement, le Conseil et le Parlement européen ont décidé, conformément à l'article 192, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 1999/32/CE relative à la teneur en soufre des combustibles marin»

COM(2011) 439 final – 2011/0190 (COD).

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 21 décembre 2011.

Lors de sa 477e session plénière des 18 et 19 janvier 2012 (séance du 18 janvier 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 110 voix pour, 46 voix contre et 31 abstentions.

1.   Conclusions

1.1   Le CESE, gardant à l'esprit l'objectif ultime d'une suppression quasi-totale du soufre dans les combustibles utilisés dans la navigation maritime, répète qu'il approuve la décision prise par l'Organisation maritime internationale des Nations unies (OMI) en 2008 de réduire drastiquement la teneur en soufre des combustibles marins d'ici 2020. Il invite tous les pays membres de l'OMI à ratifier sans attendre la convention correspondante de l'OMI afin qu'elle s'applique à l'échelle mondiale.

1.2   Le Comité soutient par conséquent la proposition de la Commission européenne visant à adapter la directive 1999/32/CE à l'annexe VI relative à la prévention des problèmes de pollution de l'air liés aux navires de mer de la Convention MARPOL 73/78 de l'OMI, c'est-à-dire la Convention internationale pour la prévention de la pollution des eaux de la mer par les hydrocarbures. Certaines propositions et conséquences devraient toutefois être approfondies.

1.3   Le CESE plaide pour qu'on ajoute dans la directive des dispositions qui correspondent parfaitement à la règle 18 de l'OMI sur la qualité des combustibles, ainsi, partant, que sa clause relative à leur disponibilité (la demande relative à «la mise sur le marché»), les obligations de faire rapport lorsqu'un navire recourt à la règle 18, et sa «clause d'indisponibilité».

1.4   Le CESE fait part de la réserve que lui inspire la proposition relative à l'application à partir de 2020 d'une valeur limite de 0,1 % de teneur en soufre pour les combustibles de navires à passagers en dehors des zones de contrôle des émissions de soufre (ZCES). Cette proposition n'a pas encore été suffisamment étudiée. Néanmoins, compte tenu de la nécessité de protéger la santé des passagers et de l'équipage des navires à passagers, il se rallie à cette proposition. La protection de la santé des citoyens devrait être identique dans toute l'Union européenne.

1.5   Le Comité est d'avis que l'interdiction de commercialiser des combustibles marins d'une teneur en soufre supérieure à 3,5 % en masse limite l'attractivité et l'utilisation des méthodes de réduction des émissions à bord des navires (lave-ponts/absorbeurs-neutralisateurs). Ce point devrait être clarifié.

1.6   Le CESE est inquiet des problèmes qui peuvent éventuellement survenir, selon l'industrie, si on introduit à partir de 2015 dans les ZCES une valeur limite de teneur en soufre de 0,1 %. Aucun rapport sérieux sur les retombées possibles de cette introduction n'a été rédigé au sein de l'OMI. Le Comité recommande qu'à l'OMI également, on commence à l'avenir par réaliser les études d'impact nécessaires.

1.7   Le CESE estime nécessaire de continuer d'étudier et d'améliorer les méthodes alternatives de réduction des émissions ou le recours éventuel à d'autres combustibles. Compte tenu de diverses incertitudes touchant par exemple à la disponibilité des combustibles pauvres en soufre en 2015 ou encore au risque d'un transfert modal inversé, la Commission indique, dans sa communication accompagnant la proposition de directive, que si ces incertitudes menacent de se concrétiser, il y aurait alors lieu de modifier le délai de mise en œuvre. Le CESE conseille de le faire, le cas échéant, à temps pour que les investissements nécessaires puissent continuer à être encouragés. Étant donné le peu de temps qui reste d'ici à 2015, il conviendrait en premier lieu de repousser à 2020 la date de l'application de la valeur limite de 0,1 %.

2.   Introduction

2.1   Les combustibles destinés au transport maritime sont les combustibles les moins chers et les moins raffinés. La plupart d'entre eux sont des sous-produits d'un processus plus élevé de raffinage du pétrole. Ils représentent actuellement une importante source de pollution atmosphérique, composée surtout de dioxyde de carbone (4 % du total mondial des sources anthropiques) et d'oxyde de soufre (9 %).

2.2   Avant que les conventions et protocoles de l'Organisation maritime internationale (OMI) des Nations unies et en particulier la Convention pour la prévention de la pollution par les navires (MARPOL) de 1973 puis de 1978, puis le protocole de 2008, n'entrent en vigueur, la teneur en soufre autorisée dans les combustibles était de 4,5 %.

2.3   L'annexe VI du protocole à la convention MARPOL, de 2008, prévoit une réduction progressive drastique, l'objectif global étant de 0,5 % en 2020 et, en cas de difficultés, en 2025 au plus tard.

2.4   Il est notoire que les particules de soufre, qui ont été virtuellement éliminées des sources telluriques (énergie et émissions dues aux transports routiers), sont à l'origines de problèmes respiratoires et cardiaques, et un consensus prévaut quant à la nécessité de réduire la teneur en soufre des combustibles de navires.

3.   Proposition de la Commission européenne

3.1   La directive 1999/32/CE (telle que modifiée par la directive 2005/33/CE) réglemente la teneur en soufre pour les combustibles utilisés pour le transport maritime et introduit dans la législation de l'UE certaines règles adoptées dans le cadre de l'OMI.

3.2   Dans son état actuel, la directive contient notamment des dispositions plus strictes pour la teneur en soufre des combustibles marins utilisés dans des zones nécessitant une protection spéciale de l'environnement, dénommées zones de contrôle des émissions de soufre (ZCES).

3.3   Le CESE a déjà publié un avis consacré à la proposition de directive 1999/32/CE, le 14 mai 2003 (1).

3.4   Avec le soutien des États membres de l'Union, l'annexe VI de la Convention MARPOL a été adaptée en octobre 2008 afin de revoir et de renforcer les règles internationales de l'OMI (2).

3.5   Les principaux changements apportés à l'annexe VI (MARPOL) portant sur la pollution par le SO2 peuvent être résumés comme suit:

une réduction de 1,5 % en masse de la teneur en soufre de tous les combustibles marins utilisés dans les ZCES, pour atteindre une valeur limite de 1,00 % à partir de juillet 2010 et de 0,10 % d'ici janvier 2015.

une réduction de 4,5 % en masse de la teneur en soufre de tous les combustibles marins utilisés d'une manière générale (à l'extérieur des ZCES), pour atteindre une valeur limite de 3,50 % d'ici janvier 2012 et de 0,50 % d'ici janvier 2020, sous réserve d'une révision en 2018, avec un report possible jusqu'en 2025.

l'autorisation de recourir à une large gamme de moyens permettant de réduire les émissions (équivalents), comme des appareils, des méthodes, des procédures ou des combustibles alternatifs.

3.6   Pour assurer la cohérence avec le droit international et le respect dans l'UE des nouvelles normes établies au niveau mondial en matière de teneur en soufre, la Commission propose d'aligner les dispositions de la directive 1999/32/CE sur l'annexe VI révisée de la Convention MARPOL (3). Il s'agirait notamment:

d'intégrer dans la directive la modification apportée à l'annexe VI de la Convention MARPOL en 2008 concernant la teneur en soufre des combustibles marins.

d'aligner la directive sur les règles de l'OMI qui autorisent un éventail plus large de méthodes équivalentes de réduction des émissions. Il conviendra aussi de compléter ces dispositions avec des mesures de sauvegarde supplémentaires afin d'éviter que les méthodes équivalentes de réduction ne s'accompagnent de conséquences négatives inacceptables sur l'environnement.

de déterminer une procédure de contrôle des combustibles par l'OMI.

3.7   La Commission propose par ailleurs les mesures complémentaires suivantes:

fixer une nouvelle valeur limite de 0,1 % pour les navires à passagers en dehors des ZCES à partir de 2020.

élaborer un document d'orientation non contraignant pour l'échantillonnage et les rapports de conclusions. En l'absence d'effets, il faudra envisager l'adoption de règles contraignantes.

4.   Observations générales

4.1   Le CESE estime, au même titre d'ailleurs que la Commission européenne et que beaucoup d'autres parties intéressées, que l'objectif ultime est, notamment pour des raisons liées à la santé, que la navigation maritime se fasse quasiment sans soufre. En outre, les citoyens ainsi que ce secteur du transport actif au niveau mondial ont tout avantage à ce qu'existe une réglementation mondiale.

4.2   Le CESE salue par conséquent la décision prise par l'OMI visant à réduire drastiquement les émissions de soufre dans les transports maritimes. Le Comité estime qu'il n'y a dès lors pas lieu d'opérer une distinction entre la réglementation mondiale et celle de l'Union européenne.

4.3   Il invite tous les pays parties à la convention de l'OMI à ratifier sans attendre l'annexe VI de la Convention MARPOL 73/78 afin d'en garantir l'application à l'échelle mondiale.

4.4   La règle 18 de l'annexe VI dispose que tout État partie doit faire en sorte que les combustibles concernés soient disponibles et doit déclarer à l'OMI leur disponibilité dans les ports et terminaux. Cependant, l'OMI a quand même, de manière assez réaliste, introduit une clause d'indisponibilité.

4.5   Le Comité observe que cette clause d'indisponibilité du combustible concerné telle que figurant dans l'annexe VI de la Convention MARPOL n'est pas reprise dans la proposition de modification de la directive. Le CESE plaide pour qu'on ajoute dans la directive des dispositions qui correspondent parfaitement à la règle 18 de l'OMI sur la qualité des combustibles, ainsi, partant, que sa clause relative à leur disponibilité (la demande relative à «la mise sur le marché»), les obligations de faire rapport lorsqu'un navire recourt à la règle 18, et sa «clause d'indisponibilité».

4.6   Le CESE émet des doutes concernant la nouvelle proposition de la Commission relative à l'introduction en 2020 d'une valeur limite de 0,1 % de teneur en soufre pour les combustibles de navires à passagers en dehors des ZCES. Cette proposition n'a pas encore été suffisamment étudiée. Néanmoins, compte tenu de la nécessité de protéger la santé des passagers et de l'équipage des ces navires, il se rallie à cette proposition. La protection de la santé des citoyens devrait être identique dans toute l'Union européenne.

4.7   Désigner de nouvelles ZCES ne peut en effet se faire qu'en suivant la procédure de l'OMI et en prenant en compte une série de normes scientifiques, environnementales et économiques. Le nouvel article 4 bis, paragraphe 2, n'est pas clair à cet égard. Les nouvelles ZCES approuvées dans le cadre de l'OMI seront-elles automatiquement intégrées dans la directive ou une procédure purement européenne permet-elle à la Commission de désigner de nouvelles ZCES avant de les soumettre directement à l'OMI? Une clarification est nécessaire ici.

4.8   À l'article 1.4 (nouvel article 3 bis), la Commission propose que les États membres empêchent sur leur territoire l'utilisation et la mise sur le marché de combustibles marins dont la teneur en soufre dépasse 3,5 % en masse, pour éviter les risques liés à cette utilisation, pouvant notamment causer une concentration élevée dans les eaux usées. Il y aurait lieu néanmoins de prendre en considération des méthodes de réduction des émissions (absorption-neutralisation, ou «scrubbing») qui permettent d'utiliser des combustibles à plus haute teneur en soufre, sans pour autant excéder les normes de l'OMI.

4.9   Bien que cela ne soit pas prévu par la réglementation de l'OMI, la Commission propose qu'en cas de recours à des méthodes de réduction des émissions, les navires soient tenus de réaliser en permanence des réductions des émissions au moins équivalentes à celles qu'ils auraient obtenues en utilisant des combustibles marins répondant aux exigences énoncées aux articles 4 bis et 4 ter. Cela est difficilement réalisable étant donné les interruptions temporaires des réductions des émissions qui pourraient avoir lieu et/ou les baisses éventuelles de rendement des équipements pouvant découler d'une utilisation intensive des moteurs, ce qui pourrait donner lieu à des émissions de dioxyde de soufre temporairement plus élevées. Il conviendrait dès lors de supprimer cette exigence.

4.10   Dans l'esprit du commentaire exprimé au paragraphe 4.8, le CESE observe qu'il est dans la pratique impossible à un navire de satisfaire au critère énoncé à l'article 4 quater, paragraphe 3 de l'annexe 2 de la proposition, à savoir démontrer «clairement, documents à l'appui, que les flux de déchets déversés dans la mer, y compris dans les ports et les estuaires clos, n'entraînent pas d'incidences ni de risques notables pour la santé humaine et pour l'environnement». Le CESE estime qu'il y a ici lieu de se reporter aux exigences reprises dans la résolution de l'OMI MEPC184(59), qui interdisent justement le rejet dans les ports de mer, les bassins portuaires marins et les embouchures des fleuves.

4.11   Si la baisse radicale de la teneur en soufre des combustibles telle que réglementée en 2008 par l'annexe VI de la Convention MARPOL de l'OMI a été généralement saluée et devrait être reprise dans la directive 1999/32/CE, la décision d'appliquer à partir de 2015 une valeur limite de 0,1 % dans les zones de contrôle des émissions de soufre (ZCES) (4) suscite des inquiétudes.

4.12   Réagissant à la décision de l'OMI concernant ce point précis, plusieurs parties prenantes ont attiré l'attention lors de la consultation publique organisée par la Commission dans le cadre de la modification de la directive 1999/32/CE sur la hausse considérable des coûts qui résultera d'une teneur en soufre maximale autorisée de 0,1 % pour les combustibles marins. Si certaines études estiment que l'utilisation de ces combustibles (distillats) générera une très forte augmentation des coûts et une perte de compétitivité, selon les paramètres utilisés, une série d'autres études ne confirment pas qu'un aussi grand risque puisse se faire jour.

4.13   Quoi qu'il en soit, le fait est que l'OMI n'a réalisé aucune analyse d'impact convenable avant de prendre cette décision. Le CESE préconise que les États membres également membres de l'OMI et la Commission européenne insistent pour que l'OMI procède préalablement à des études d'impact pertinentes.

4.14   Un transfert modal vers le transport routier serait en contradiction avec la stratégie mise en avant dans le livre blanc intitulé «Feuille de route pour un espace européen unique des transports – Vers un système de transport compétitif et économe en ressources» (stratégie des transports 2050) datant de mars 2011 (5). Ce transfert modal engendrerait également une forte augmentation des coûts externes concernant notamment l'environnement, et en particulier l'augmentation des émissions de CO2, la congestion du trafic, les nuisances sonores, les accidents, etc. À ce titre, le Comité recommande de ne pas prendre le risque de générer un transfert modal inversé.

4.15   Les parties intéressées situées dans les trois ZCES craignent de voir leur compétitivité considérablement réduite par une hausse des frais de transport, ce qui risquerait de provoquer un déplacement de la production et des emplois correspondants vers d'autres zones non ZCES tant en Europe que dans le reste du monde.

5.   Observations particulières

5.1   Un travail volontariste est mené pour élaborer une «boîte à outils» devant permettre la mise en œuvre de la décision prise par l'OMI de limiter à partir de 2015 à 0,1 % la teneur en soufre des combustibles de navires dans les ZCES. À cet égard, une analyse approfondie a été lancée, avec le concours de différents spécialistes, sur la disponibilité des combustibles marins d'une teneur en soufre de 0,1 %, l'utilisation de méthodes de réduction des émissions à bord des navires (absorbeurs-neutralisateurs) et le recours au GNL comme combustible marin. Sur la disponibilité, aucun élément concluant n'est apporté.

5.2   L'utilisation de méthodes de réduction des émissions (absorbeurs-neutralisateurs/lave-ponts) est testée dans le cadre de différents projets expérimentaux. Des progrès sensibles ont été réalisés, dans la mesure où des absorbeurs sont déjà opérationnels à bord des navires. Un tel équipement, qui élimine simultanément le NO2 et le CO2, pourrait prouver sa rentabilité dans un avenir proche et doit être pris en considération. Étant donné le peu de temps qui reste d'ici à 2015, il conviendrait en premier lieu de repousser à 2020 la date de l'application de la valeur limite de 0,1 %.

5.3   Le recours au GNL comme combustible alternatif – seul ou combiné à du fioul (système dual) – est perçue de manière positive par le secteur du transport maritime, surtout en ce qui concerne son utilisation dans le cadre du transport maritime à courte distance. Plusieurs projets expérimentaux ont été lancés, principalement dans le Nord de l'Europe. Les problèmes encore en suspens font l'objet de discussions avec les parties prenantes. Il s'agit notamment des fuites de méthane, qui contribuent à l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre, de la possibilité de souter dans les différents ports européens, des règles de sécurité lors du soutage. L'association européenne des armateurs (ECSA) est aussi active, en collaboration avec l'Agence européenne pour la sécurité maritime (AESM). Il est ici aussi évident que la résolution des problèmes toujours en suspens prendra encore beaucoup de temps.

5.4   L'industrie des transports maritimes continue de travailler à trois éléments de la «boîte à outils». Étant donné qu'ils ne seront pas prêts en 2015, de nombreuses voix s'élèvent pour demander de reporter l'application de la nouvelle disposition au moyen d'une dérogation dans le cadre de l'OMI.

5.5   La Commission européenne suggère, dans la communication accompagnant la proposition, qu'il y aurait lieu de modifier le délai de mise en œuvre si les incertitudes mentionnées menacent de se concrétiser. Le CESE conseille de le faire, le cas échéant, en temps utile pour que les investissements nécessaires puissent continuer à être encouragés.

5.6   La Commission est consciente que l'application de la décision de l'OMI figurant à l'annexe VI de la Convention MARPOL d'appliquer à partir de 2015 dans les ZCES une valeur limite de 0,1 % de teneur en soufre pour les combustibles marins générera des hausses de coûts importantes. La Communication de la Commission européenne relative à l'examen de la mise en œuvre de la directive 1999/32/CE (6) s'étend largement sur la question.

5.7   La Commission est d'avis que les moyens complémentaires de satisfaire aux normes, qui sont fondés sur des mesures technologiques - comme les méthodes de réduction des émissions (absorbeurs-neutralisateurs/lave-ponts), les combustibles alternatifs (GNL) et le transfert d'électricité terrestre vers les navires – et prévus par l'annexe VI de la Convention MARPOL ainsi que par la proposition de modification de la directive 1999/32/CE, nécessiteront d'importants investissements en capital tant de la part des particuliers que du secteur public.

5.7.1   À cet égard, la Commission a prévu une série de mesures d'accompagnement à court terme afin de soutenir le secteur par le biais d'instruments de financement européen existants tels que le programme relatif aux réseaux transeuropéens de transport (RTE-T), le programme Marco Polo II, le mécanisme européen pour des transports propres (ECTF), la Banque européenne d'investissement (BEI), le recours à des capitaux provenant des États membres pour soutenir des mesures à bord des navires et la mise en place d'infrastructures terrestres.

5.7.2   S'agissant du moyen terme, la Commission européenne envisage une approche globale, notamment sous la forme d'un «dispositif pour un transport par voie d'eau durable».

5.7.3   Le CESE se félicite des intentions de la Commission européenne en soulignant toutefois que les coûts générés par l'application de méthodes alternatives seront assez élevés. Toutefois, les méthodes de réduction des émissions, en particulier lorsqu'elles sont utilisées pour maîtriser les émissions de NO2 et de CO2, pourraient être plus rentables. Les programmes d'aides auxquels fait référence la Commission sont positifs en soi, mais pourront difficilement, compte tenu des ressources et des calendriers actuels, contribuer à réduire les coûts de mise en œuvre d'ici à 2015.

5.8   En ce qui concerne la définition de la procédure de contrôle de l'OMI pour les combustibles, le CESE fait observer qu'il existe une différence entre, d'une part, cette procédure de contrôle, et, de l'autre, la norme de l'Organisation internationale de normalisation. Il y a lieu de clarifier ce point.

Bruxelles, le 18 janvier 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  CESE 580/2003, JO C 208 du 3.9.2003, p. 27-29.

(2)  Résolution MEPC.176(58) du 10 octobre 2008 (annexe VI de la Convention MARPOL révisée).

(3)  COM(2011) 439 final.

(4)  Les ZCES dans l'UE sont la mer Baltique, la mer du Nord et la Manche.

(5)  COM(2011) 144 final.

(6)  COM(2011) 441 final, 17.7.2011.


6.3.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 68/74


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1300/2008 du Conseil du 18 décembre 2008 établissant un plan pluriannuel pour le stock de hareng présent à l'ouest de l'Écosse et les pêcheries qui exploitent ce stock»

COM(2011) 760 final – 2011/0345 COD

2012/C 68/14

Le Parlement européen, le 30 novembre 2011, et le Conseil, le 13 décembre 2011, ont décidé, conformément à l'article 43, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1300/2008 du Conseil du 18 décembre 2008 établissant un plan pluriannuel pour le stock de hareng présent à l'ouest de l'Écosse et les pêcheries qui exploitent ce stock»

COM(2011) 760 final — 2011/0343 COD.

Ayant estimé que le contenu de la proposition est satisfaisant, le Comité, lors de sa 477e session plénière des 18 et 19 janvier 2012 (séance du 18 janvier 2012), a décidé, par 171 voix pour, et 14 abstentions, de rendre un avis favorable au texte proposé.

Bruxelles, le 18 janvier 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON