ISSN 1977-0936

doi:10.3000/19770936.C_2011.318.fra

Journal officiel

de l'Union européenne

C 318

European flag  

Édition de langue française

Communications et informations

54e année
29 octobre 2011


Numéro d'information

Sommaire

page

 

I   Résolutions, recommandations et avis

 

AVIS

 

Comité économique et social européen

 

473e session plénière des 13 et 14 juillet 2011

2011/C 318/01

Avis du Comité économique et social européen sur le thème L'avenir du marché du travail en Europe — à la recherche d'une réponse efficace aux évolutions démographiques (avis exploratoire)

1

2011/C 318/02

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Renforcer la culture numérique, les compétences numériques et l'insertion numérique (avis exploratoire)

9

2011/C 318/03

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Partenariat oriental et dimension orientale des politiques de l'UE, en particulier la politique agricole de l'UE — sécurité alimentaire, commerce non perturbé, coopération accrue et aide au développement, partenariat stratégique (avis exploratoire)

19

2011/C 318/04

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Éducation financière et consommation responsable de produits financiers (avis d’initiative)

24

2011/C 318/05

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Droits de propriété intellectuelle dans le secteur de la musique (avis d’initiative)

32

2011/C 318/06

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Harmonisation des allégations destinées aux consommateurs dans le domaine des produits cosmétiques (avis d'initiative)

40

2011/C 318/07

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Stratégies de sortie de crise de l'UE et mutations industrielles: des emplois plus précaires ou durables? (avis d'initiative)

43

2011/C 318/08

Avis du Comité économique et social européen sur le thème La crise, l'éducation et le marché du travail (avis d'initiative)

50

2011/C 318/09

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Révision de la politique de prêt de la BEI dans le secteur des transports (avis d'initiative)

56

2011/C 318/10

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Aides d'État à la construction navale (supplément d'avis)

62

2011/C 318/11

Avis du Comité économique et social européen sur le thème La coopération entre les organisations de la société civile et les collectivités locales et régionales en matière d'intégration des immigrants (supplément d'avis)

69

 

III   Actes préparatoires

 

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

 

473e session plénière des 13 et 14 juillet 2011

2011/C 318/12

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Relever les défis posés par les marchés des produits de base et les matières premièresCOM(2011) 25 final

76

2011/C 318/13

Avis du Comité économique et social européen sur le thème La contribution de la politique régionale à une croissance intelligente dans le cadre de la stratégie Europe 2020COM(2010) 553 final

82

2011/C 318/14

Avis du Comité économique et social européen sur le Livre vert sur l'avenir de la TVA — Vers un système de TVA plus simple, plus robuste, plus efficaceCOM(2010) 695 final

87

2011/C 318/15

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social européen — Lever les obstacles fiscaux transfrontaliers pour les citoyens de l’Union européenneCOM(2010) 769 final

95

2011/C 318/16

Avis du Comité économique et social européen sur le Livre vert sur le développement des marchés publics électroniques dans l’UECOM(2010) 571 final

99

2011/C 318/17

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Faire profiter pleinement l’Europe des avantages de la facturation électroniqueCOM(2010) 712 final

105

2011/C 318/18

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: Vers une amélioration du fonctionnement du marché unique des services — Tirer pleinement profit des résultats du processus d’évaluation mutuelle prévu par la directive servicesCOM(2011) 20 final

109

2011/C 318/19

Avis du Comité économique et social européen sur le Livre vert sur la modernisation de la politique de l'UE en matière de marchés publics — Vers un marché européen des contrats publics plus performantCOM(2011) 15 final

113

2011/C 318/20

Avis du Comité économique et social européen sur le Livre vert — Quand les défis deviennent des chances: vers un cadre stratégique commun pour le financement de la recherche et de l'innovation dans l'UECOM(2011) 48 final

121

2011/C 318/21

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Conseil (Euratom) définissant les règles de participation des entreprises, des centres de recherche et des universités à des actions indirectes du programme-cadre de la Communauté européenne de l’énergie atomique et fixant les règles de diffusion des résultats de la recherche (2012-2013)[COM(2011) 71 final — 2011/0045 NLE] —Proposition de décision du Conseil relative au programme-cadre de la Communauté européenne de l’énergie atomique pour des activités de recherche et de formation en matière nucléaire (2012-2013)[COM(2011) 72 final — 2011/0046 NLE] —Proposition de décision du Conseil concernant le programme spécifique, à exécuter aux moyens d'actions indirectes, mettant en œuvre le programme-cadre de la Communauté européenne de l'énergie atomique pour des activités de recherche et de formation dans le domaine nucléaire (2012-2013)[COM(2011) 73 final — 2011/0043 NLE] —Proposition de décision du Conseil concernant le programme spécifique, à exécuter au moyen d’actions directes par le Centre commun de recherche, mettant en œuvre le programme-cadre de la Communauté européenne de l’énergie atomique pour des activités de recherche et de formation en matière nucléaire (2012-2013)[COM(2011) 74 final — 2011/0044 NLE]

127

2011/C 318/22

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur les contrats de crédit relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel[COM(2011) 142 final — 2011/0062 COD]

133

2011/C 318/23

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 521/2008 du Conseil portant création de l’entreprise commune Piles à combustible et hydrogène [COM(2011) 224 final — 2011/0091 NLE]

139

2011/C 318/24

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Une stratégie pour des compétences nouvelles et des emplois: une contribution européenne au plein emploiCOM(2010) 682 final

142

2011/C 318/25

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Vers une politique européenne globale en matière d'investissements internationauxCOM(2010) 343 final

150

2011/C 318/26

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Plan 2011 pour l'efficacité énergétiqueCOM(2011) 109 final

155

2011/C 318/27

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les exportations et importations de produits chimiques dangereux (refonte)[COM(2011) 245 final — 2011/0105 COD]

163

FR

 


I Résolutions, recommandations et avis

AVIS

Comité économique et social européen

473e session plénière des 13 et 14 juillet 2011

29.10.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/1


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «L'avenir du marché du travail en Europe — à la recherche d'une réponse efficace aux évolutions démographiques» (avis exploratoire)

2011/C 318/01

Rapporteur: M. Wolfgang GREIF

Dans une lettre du 30 novembre 2010, M. Mikołaj DOWGIELEWICZ, secrétaire d'État polonais aux affaires étrangères, a invité le Comité économique et social européen, au nom de la présidence polonaise du Conseil de l'UE, à élaborer un avis sur le thème:

«L'avenir du marché du travail en Europe — à la recherche d'une réponse efficace aux évolutions démographiques».

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière a adopté son avis le 27 juin 2011.

Lors de sa 473e session plénière des 13 et 14 juillet 2011 (séance du 13 juillet 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 120 voix pour, et 11 abstentions.

1.   Conclusions

1.1

Le présent avis du CESE se concentre sur les aspects suivants de la politique de l'emploi et du marché du travail:

a)

l'utilisation cohérente des potentiels d'emploi disponibles dans toutes les tranches d'âge, en tant que leviers essentiels pour la maîtrise des défis démographiques;

b)

les opportunités et la nécessité d'une plus large utilisation du potentiel d'emploi des personnes âgées ainsi que l'importance macroéconomique accrue de la «génération des seniors»;

c)

les aspects centraux de la nécessaire réorientation vers un monde du travail adapté aux personnes âgées.

1.2

Au vu du vieillissement de la population européenne, la stratégie de loin la plus efficace consiste à exploiter dans toute la mesure du possible les potentiels d'emploi disponibles. Cet objectif ne pourra être atteint que grâce à une politique de croissance ciblée et à l'augmentation de l'emploi de qualité assorti d'un assujettissement obligatoire à la sécurité sociale.

Les efforts déployés pour accroître le taux d'activité des personnes âgées en s'attaquant prioritairement aux systèmes de retraite, ce qui conduit à une détérioration des conditions d'accès et d'éligibilité, et surtout les propositions de relèvement de l'âge légal du départ à la retraite, ne constituent pas une réponse adaptée au vieillissement de la société.

Ce ne sont pas les rapports démographiques (entre les personnes âgées et celles en âge de travailler) qui déterminent les futurs besoins de financement de l'assurance-retraite; le critère essentiel, c'est l'évolution du taux de dépendance économique, c'est-à-dire le rapport entre les bénéficiaires d'allocations sociales et la population active.

Dès lors, si l'on parvient dans les prochaines décennies à améliorer nettement, à l'échelle européenne, l'intégration dans la vie active des personnes en âge de travailler, la hausse de la dépendance économique se maintiendra dans des limites maîtrisables.

1.3

La pleine exploitation des potentiels d'emploi disponibles nécessite un large recours à une politique offrant des possibilités de participation. Cette politique devrait recouvrir, entre autres mesures, l'adaptation du monde du travail aux personnes âgées, le développement de la formation de base et continue, la création d'emplois de qualité et productifs, la garantie de systèmes de protection sociale performants et l'adoption de mesures globales visant à concilier vie professionnelle et vie familiale.

1.4

Les évolutions démographiques sont également sources d'opportunités pour l'économie et l'emploi. D'une part, les personnes âgées jouent un rôle de plus en plus important en tant que clients, ce qui crée également des possibilités d'emploi pour les autres tranches d'âge de la population. D'autre part, une société vieillissante recèle aussi un important potentiel d'emploi du côté de l'offre.

Le nombre et la qualité des emplois susceptibles d'être créés grâce au pouvoir économique que représentent les personnes âgées dépendra de manière déterminante de la forme que prendra l'«économie des seniors», sous l'effet d'une politique active dans le domaine des services.

Il s'agira, dans le domaine de la santé et des soins en particulier, mais aussi dans d'autres secteurs, de saisir l'opportunité offerte par l'augmentation de la demande pour proposer des emplois assortis de conditions de travail décentes et d'une rémunération équitable, et pour moderniser et professionnaliser les profils de qualification.

1.5

Si l'on veut reculer l'âge du départ à la retraite, il convient aussi de veiller à ce que l'on puisse travailler plus longtemps. Cela signifie qu'il faut créer des emplois et les aménager de manière à ce qu'il soit également possible de travailler jusqu'à l'âge légal du départ à la retraite. Pour ce faire, il convient de réorganiser en conséquence le monde du travail, afin de l'adapter aux personnes âgées.

Dans ce contexte, il ne s'agit pas seulement d'adapter spécifiquement les emplois pour les personnes âgées, mais aussi d'organiser le travail pour qu'il réponde au processus du vieillissement de la population à toutes les étapes de la carrière professionnelle.

Cela suppose d'adopter un ensemble de mesures pour que chacun, quelle que soit la tranche d'âge auquel il appartient, ait réellement une chance de trouver un emploi et de l'exercer durablement.

Il convient d'adapter les conditions de travail et l'environnement professionnel à une main-d'œuvre d'âge varié et de lutter contre la discrimination et les stéréotypes négatifs dont sont victimes les travailleurs âgés.

Toutes ces mesures doivent faire appel à la responsabilité des pouvoirs publics et des entreprises ainsi qu'à la disponibilité des individus à travailler plus longtemps, ce qui présuppose aussi une attitude favorable à l'apprentissage tout au long de la vie et aux mesures de prévention en matière de santé.

1.6

Cette évolution passe par un réaménagement général du monde du travail, dans lequel les partenaires sociaux à tous les niveaux ont un rôle spécifique à jouer. Dans cet esprit, le CESE présente au paragraphe 6.5 du présent avis un ensemble de propositions concrètes en vue de progresser vers un monde du travail adapté aux personnes âgées. À cet égard, il est clair que cela ne doit conduire ni à une pression accrue sur les personnes âgées, ni à la misère quand elles ne pourraient plus continuer à travailler.

2.   Introduction

2.1

Le CESE s'est déjà prononcé à de multiples reprises sur les évolutions démographiques et a souligné entre autres la nécessité de mettre en œuvre sur les marchés de l'emploi des stratégies globales afin de relever les défis liés au vieillissement de la société. La situation des salariés âgés sur le marché de l'emploi, ainsi que les opportunités et les contraintes que présente une utilisation accrue du potentiel d'emploi de ces personnes, ainsi que celui d'autres groupes prioritaires présents sur ce marché, ont ainsi été étudiées dans divers contextes (1).

2.2

Concernant les implications des évolutions démographiques sur les retraites, le CESE a dernièrement affirmé clairement que le passage tant vanté à des systèmes de retraite par capitalisation ne constituait pas une réponse suffisante au vieillissement de la société (2). En outre, ce système ne permet de réduire ni les coûts, ni les risques. Ce système ne permet pas non plus de réaliser des économies de coûts, mais engendre en règle générale des coûts supplémentaires ou, au mieux, des transferts de coûts; il n'apporte pas non plus un surcroît de sécurité, mais génère une dépendance à l'égard des marchés de capitaux et ainsi des risques fortement accrus pour l'assurance-vieillesse. Le CESE s'est aussi montré très sceptique quant à l'utilité du report de l'âge légal de la retraite pour relever les défis démographiques. Il apparaît beaucoup plus indiqué de rapprocher l'âge effectif du départ à la retraite de l'âge légal en vigueur.

2.3

Compte tenu des évolutions démographiques prévues, à savoir la stagnation ou la baisse du nombre de personnes en âge de travailler, le CESE a par ailleurs affirmé que les leviers essentiels pour relever les défis d'une société vieillissante résident dans une politique de croissance ciblée et l'augmentation d'un emploi de qualité assorti d'un assujettissement obligatoire à la sécurité sociale. Cela vaut tant pour les personnes âgées que pour les jeunes. C'est également de cette politique que dépendra la préservation durable des retraites. Le plein emploi et de bons revenus constituent ainsi la meilleure garantie pour le régime de retraite.

2.4

Dans ce contexte, le CESE n'a cessé de souligner la nécessité d'utiliser tous les potentiels d'emploi qui ne sont pas pleinement exploités (femmes ayant des enfants, jeunes, personnes ayant abandonné leurs études, personnes faiblement qualifiées, handicapés, personnes ayant des problèmes de santé, etc.) et de prôner la mobilisation du potentiel représenté par les personnes âgées. Il a aussi constaté avec regret que le taux de participation des personnes âgées au marché du travail, en dépit d'une augmentation sensible au cours des dix dernières années, est resté largement en dessous des objectifs européens.

2.5

Le CESE s'est également penché sur des domaines qui dépassent largement le cadre du marché de l'emploi et jouent un rôle dans l'évolution démographique des sociétés européennes (notamment la politique familiale et le taux de natalité, les migrations et l'intégration, les relations entre les générations, etc.) (3). Le présent avis exploratoire ne revient pas spécifiquement sur ces questions. En réponse à la saisine par la future présidence polonaise, il doit plutôt se concentrer sur les aspects suivants de la politique de l'emploi et du marché du travail:

a)

l'exploitation cohérente, dans le cadre d'un marché du travail inclusif, des potentiels d'emploi existants dans toutes les tranches d'âge;

b)

les opportunités et les contraintes liées à l'utilisation renforcée du potentiel d'emploi des personnes âgées, ainsi que l'importance macroéconomique grandissante de la «génération des seniors»;

c)

les aspects centraux de la nécessaire réorientation vers un monde du travail adapté aux personnes âgées.

2.6

Le CESE est d'avis que même si la mise en œuvre du paquet de mesures présenté dans le présent avis relève principalement de la responsabilité des États membres, ils pourraient néanmoins tirer profit d'une coopération à l'échelon européen. C'est la raison pour laquelle le CESE invite les États membres à renforcer la coopération entre le groupe d'experts sur les questions démographiques de la Commission européenne, le comité de l'emploi et le comité de la protection sociale afin de veiller à ce que dans leurs activités ces deux comités puissent bénéficier de manière permanente de l'expertise dans le domaine des évolutions démographiques, des analyses et des meilleures pratiques nationales en matière d'intégration effective des personnes de toutes les tranches d'âge, et notamment des personnes âgées, dans le marché du travail.

3.   Une meilleure intégration sur le marché du travail: la principale réponse au vieillissement de la population

3.1

Au cours des prochaines décennies, le nombre de personnes âgées va nettement augmenter dans tous les États membres de l'Union. De même, on prévoit, pour la moyenne de l'UE, une baisse du nombre de personnes en âge de travailler. En additionnant ces deux données, on doit s'attendre à une nette augmentation du taux de dépendance démographique  (4), qui, selon les projections démographiques d'EUROSTAT, devrait pratiquement doubler d'ici à 2050, pour passer de 26 % aujourd'hui à 50 %.

3.2

Cet important vieillissement de la population est souvent assimilé, de manière superficielle, à une hausse correspondante de la pression sur les systèmes sociaux, et l'on en déduit également que les systèmes de retraite existants ne sont plus viables. Toutefois, les rapports purement démographiques ne donnent que peu d'indications sur les données économiques réelles. S'agissant des questions relatives au financement de l'État social, l'élément essentiel n'est pas le taux de dépendance démographique, mais le taux de dépendance économique, c'est-à-dire, en particulier, le nombre de retraités, de bénéficiaires de prestations d'incapacité de travail et de chômeurs par rapport au nombre d'actifs qui financent des transferts sociaux grâce à leurs cotisations et impôts. En outre, l'augmentation de la productivité du travail dans l'ensemble de l'économie sera déterminante, car elle permet d'accroître le «gâteau» qui pourra être partagé entre les actifs et les inactifs.

3.3

L'utilisation fallacieuse du taux de dépendance démographique et la confusion fréquente entre le nombre de personnes en âge de travailler et le nombre d'actifs ne correspond pas à la réalité et empêche de trouver des solutions adaptées aux problèmes. En effet, le taux de dépendance économique est actuellement plus de deux fois supérieur au rapport, purement démographique, du nombre de personnes âgées d'au moins 65 ans sur celui des personnes en âge de travailler. Cette situation s'explique principalement par le fait que les personnes en âge de travailler n'ont pas toutes un emploi, loin de là:

l'Union européenne compte aujourd'hui plus de 23 millions de chômeurs;

nombre de personnes en âge de travailler sont déjà retraitées, avant tout pour des raisons de santé;

ou ces personnes ne sont pas intégrées au monde du travail pour d'autres raisons, qu'elles soient en formation, qu'elles s'occupent d'un proche, qu'elles soient au foyer, etc.

bien souvent, nombre de personnes handicapées font l'expérience d'obstacles à leur participation au marché du travail, entre autres la discrimination et l'absence d'aménagements en leur faveur;

3.4

L'idée fondamentale du rapport de dépendance économique est qu'il convient de tenir compte non seulement de l'âge, mais aussi, et surtout, de l'évolution du marché du travail comme paramètres essentiels pour évaluer les effets des évolutions démographiques dans un pays (5). Dans ce contexte, le CESE estime qu'il est capital d'insister davantage sur le rapport entre l'évolution du marché du travail et celle du taux de dépendance économique, afin de pouvoir répondre de manière adéquate au défi démographique.

3.5

Même si le vieillissement s'avère conforme aux prévisions actuelles, on observera à l'avenir, selon la tendance du marché du travail, des évolutions extrêmement différentes de la dépendance économique: si l'on parvient, au cours des prochaines décennies, à améliorer, à l'échelle européenne, l'intégration dans la vie active des personnes en âge de travailler (c'est-à-dire à l'élever au niveau des États membres qui sont actuellement les plus performants), la hausse du taux de dépendance économique restera dans des limites maîtrisables, malgré le vieillissement évident de la société (6).

3.6

À cet égard, la Commission européenne avait constaté il y a plusieurs années déjà que finalement, pour la gestion des défis démographiques, l'âge constituait un critère beaucoup moins pertinent que le statut professionnel réel des personnes en âge de travailler:

«La population active est en effet bien inférieure à la population en âge de travailler (entre 15 et 64 ans). (…) La plupart des États membres bénéficient donc d'une importante marge de manœuvre pour accroître le taux d'emploi, et par conséquent d'une possibilité d'améliorer sensiblement le rapport entre la population en âge de travailler et celle des personnes âgées à la retraite. (…) Ceci montre combien il importe de relever les niveaux d'emploi dans l'UE. Il s'agit là sans aucun doute de la stratégie la plus efficace pour permettre aux pays d'affronter le vieillissement de leur population  (7)

3.7

Compte tenu du vieillissement de la population en Europe, la Commission estime elle aussi que l'utilisation cohérente des potentiels d'emploi existants est de loin la stratégie la plus efficace. Dans le même temps, il est évidemment essentiel de continuer à augmenter la productivité du travail, afin de garantir des niveaux de vie croissants. Si l'on prend en compte ces deux exigences, il apparaît clairement que la seule et unique réponse possible au défi démographique ne peut être qu'une politique de croissance ciblée et le développement de l'emploi. Dans la plupart des États membres de l'Union, le potentiel de main-d'œuvre disponible est en principe largement suffisant. Il s'agit donc, en premier lieu, de promouvoir et d'accompagner de manière appropriée le processus d'intégration sur le marché du travail.

3.8

Toutefois, la nécessité d'utiliser les potentiels d'emploi existants ne se limite pas aux personnes âgées, mais concerne toutes les tranches d'âge. En outre, il convient de fournir d'importants efforts afin que tous les groupes de population désavantagés en matière de possibilités d'emploi aient de meilleures chances de trouver un travail rémunéré. Dans ce contexte, le CESE a déjà souvent fait remarquer que, pour faire face aux changements démographiques, il était nécessaire d'élaborer un concept général qui s'attaque à de nombreux aspects économiques, sociaux et politiques, l'immigration légale pouvant aussi constituer à cet égard une partie de la solution (8).

3.9

De l'avis du CESE, il est clair que la pleine exploitation des potentiels d'emploi disponibles exige le recours cohérent à une politique et à des pratiques d'entreprise offrant des possibilités de participation et consistant à:

prévenir l'apparition du chômage et l'éviction précisément des personnes âgées lors des périodes de récession (à l'aide de politiques contra-cycliques de la demande);

augmenter et améliorer les possibilités d'embauche et les perspectives de travail offertes aux jeunes et aux personnes défavorisées en la matière;

assurer une vaste formation initiale et continue, également à l'intention des personnes qui travaillent (en veillant entre autres à garantir légalement des possibilités de congés de formation);

réduire les taux d'incapacité grâce à une protection de haute qualité des travailleurs et de leur santé, au sein des entreprises et au niveau sectoriel, et par des mesures globales de promotion de la santé, de prévention et de réadaptation;

faire tomber les barrières à l'emploi des personnes handicapées en aménageant en conséquence les lieux de travail, qu'il s'agisse par exemple d'y accéder physiquement, d'accéder aux technologies de l'information, de bénéficier de régimes de travail plus souples, si nécessaire avec le soutien financier des pouvoirs publics;

multiplier clairement les efforts en vue de concilier travail et vie familiale, et améliorer le partage des tâches familiales.

3.10

À cet égard, les partenaires sociaux européens ont conclu en mars 2010 des accords autonomes, qui contiennent aussi bien des propositions de mesures des partenaires sociaux nationaux que des recommandations aux pouvoirs publics nationaux (9).

3.11

Cela signifie également qu'il faut accroître les taux de participation des personnes âgées au marché du travail en leur ouvrant davantage de possibilités d'emploi, ainsi qu'en se réorientant résolument vers un monde du travail qui leur soit adapté. À cet égard, il est clair que cela ne doit conduire ni à une pression accrue sur les personnes âgées, ni à la misère quand elles ne pourraient plus continuer à travailler. Prendre sa retraite est un droit reconnu par les conventions de l’OIT (10), et les retraites doivent permettre à leurs titulaires une vie décente.

4.   Les personnes âgées sur le marché du travail au sein de l'UE: état des lieux

4.1

L'utilisation du potentiel d'emploi des salariés âgés de 55 à 64 ans reste insuffisante jusqu'à présent au niveau de l'UE. La figure 1 montre que, à partir d'un niveau bas, d'importants progrès ont été réalisés durant la période de la stratégie de Lisbonne. Les taux d'emploi des personnes âgées ont augmenté de presque 10 points de pourcentage.

4.2

Cependant, l'objectif voulu d'un taux de 50 % pour 2010 n'a clairement pas été atteint. L'amélioration était légèrement plus nette chez les femmes que chez les hommes. Toutefois, il restait un écart très important entre les sexes: même à la fin de la période, à peine plus d'un tiers des femmes âgées de 55 à 64 ans avait un emploi (voir la figure 1).

Figure 1:

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4.3

La comparaison avec l'évolution de l'emploi des autres tranches d'âge s'avère également intéressante. Alors qu'ils partaient du même niveau, le taux d'emploi des personnes âgées croît, tandis que celui des jeunes diminue (voir figure 2). Cette dernière évolution s'explique principalement par l'allongement de la durée des études. Cependant, dans l'année de crise qu'a été 2009, il est apparu que c'est l'emploi des jeunes qui s'est fortement réduit. Il s'agit là d'une différence importante avec les crises précédentes, qui ont été souvent «surmontées» aux dépens de l'emploi des personnes âgées. Ceci met en lumière que les problèmes qui concernent une tranche d'âge (en l'occurrence les personnes âgées) ne doivent pas être résolus aux dépens d'autres groupes (les jeunes).

Figure 2:

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4.4

La figure 3 révèle de grandes disparités entre les États membres de l'UE: en Suède, 70 % des personnes âgées travaillent (ce qui correspond globalement à l'objectif de Lisbonne pour l'emploi). Dans les autres pays, ce n'est qu'un tiers environ des personnes âgées de 55 à 64 ans qui travaillent. Il convient de souligner les bons résultats obtenus par les trois pays nordiques que sont la Suède, le Danemark et la Finlande. Toutefois, ces trois pays mis à part, il n'apparaît pas de corrélation avec les types traditionnels de systèmes d'État-providence en Europe. Il semble qu'un taux d'emploi élevé des personnes âgées soit compatible avec différentes structures institutionnelles. Les différences constatées laissent en tout cas deviner quels sont les potentiels d'emploi actuellement inexploités en Europe.

Figure 3:

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4.5

En matière de chômage, la situation des personnes âgées n'est, à première vue, pas plus dramatique que la moyenne. Ainsi, le taux de chômage des personnes âgées à l'échelle de l'UE et dans de nombreux pays, est légèrement inférieur à celui de la population dans son ensemble. Mais toute médaille a son revers: le taux de chômage des jeunes est en effet excessivement élevé. Notons néanmoins que ces chiffres sont aussi dus au fait que de nombreuses personnes âgées inactives, mais aptes à travailler, ne sont pas enregistrées comme chômeurs, mais sont «rangées» dans des «systèmes de classification».

4.6

Le risque de chômage de longue durée pour les personnes âgées est cependant immense. Il augmente rapidement avec l'âge. Si une personne âgée perd son emploi, elle reste souvent au chômage jusqu'à la fin de sa carrière: en effet, alors que, chez les jeunes chômeurs, environ un quart n'a pas de travail depuis plus d'un an, ce pourcentage augmente avec l'âge et, chez les personnes âgées (de 55 à 64 ans), la moyenne européenne atteint environ 50 %.

5.   Exploiter les potentiels d'emploi d'une société vieillissante: du travail pour les personnes âgées et du travail effectué par elles

5.1

Les évolutions démographiques sont aussi une source d'opportunités pour l'économie et l'emploi. D'une part, la clientèle que sont les personnes âgées prend une importance croissante, ce qui crée des possibilités d'emploi pour les autres tranches d'âge de la population aussi. D'autre part, le vieillissement de la société recèle de nombreux potentiels d'emploi du côté de l'offre. Dans les deux cas, il convient d'accompagner et d'orienter du point de vue politique et institutionnel ces processus naturels et de marché.

5.2

Les sociétés dont les individus vivent plus longtemps offrent de grandes possibilités de développement de produits et services nouveaux. De nombreux secteurs peuvent profiter de ce «marché des seniors». Il s'agit ici, entre autres, de la construction et du logement, des services liés à la qualité de vie (culture, temps libre, tourisme, sport, médias, télécommunications) et des services de santé et sociaux.

5.3

Les jeunes et les personnes âgées ont des comportements de consommation et d'épargne différents. Ces différences induisent à l'échelle de la société dans son ensemble une évolution de la demande, qui aura aussi des conséquences sur les structures futures de production et d'emploi. Il convient d'escompter que l'évolution démographique renforcera la tendance, déjà forte, qui conduit à une société de services. Ce seront en premier lieu les secteurs de la santé et des soins qui croîtront de manière disproportionnée. Ces glissements sectoriels s'ajoutent à ceux qui se produisent pour d'autres raisons (on pense ici à la «transition écologique»). Pour partie, le marché s'adaptera au changement de la demande. Toutefois, l'action politique conserve un rôle d'organisation et d'orientation, notamment en matière de mesures actives sur le marché du travail, par exemple dans le domaine des qualifications, de l'information et de la recherche d'emploi grâce aux organismes pour l'emploi.

5.4

Le nombre et la qualité des emplois qui résultent de ce «potentiel économique de la vieillesse» dépendront pour l'essentiel de la manière dont une politique active de services façonnera «l'économie des seniors». C'est notamment dans le domaine de la santé et des soins, mais aussi dans d'autres secteurs (tourisme ou temps libre), qu'il importera de saisir l'opportunité de cette demande croissante pour proposer des emplois assortis de conditions de travail décentes et de salaires équitables, ainsi que pour moderniser et professionnaliser les profils de compétences. Afin de motiver davantage de personnes à entamer une carrière dans le domaine des services de santé, de soins et sociaux, il convient de rendre ces emplois plus attrayants sur toute la durée du parcours professionnel.

5.5

Des services sociaux professionnalisés peuvent également permettre d'atteindre des objectifs ambitieux en matière d'égalité entre hommes et femmes. Une offre bien structurée de services sociaux (places de garderie pour les enfants et offre de soins) contribue à réduire la charge qui pèse sur les soignants (le plus souvent des femmes) et permet d'exploiter pleinement leurs compétences sur le marché du travail.

5.6

Investir dans les services sociaux permet non seulement de créer de nouveaux emplois, mais également de dynamiser les économies régionales. Assurer à grande échelle un accès à un coût raisonnable à des services de haute qualité ouvre de nouveaux potentiels d'emploi. Les initiatives en faveur de l'emploi mises en œuvre dans le secteur des activités à but non lucratif, notamment celui de l'économie sociale, sont également essentielles dans ce contexte. Il y revient une place de choix aux communes: non seulement celles-ci sont responsables au premier chef des services sociaux, mais également, elles connaissent le mieux les besoins et la situation qui prévaut sur le terrain. Mais le plus grand problème réside dans la fragilité financière croissante de la plupart des communes, qui empêche celles-ci de mettre à disposition l'offre nécessaire.

5.7

Du côté de l'offre, il convient de constater que les travailleurs âgés et jeunes ne sont pas aisément interchangeables: si les jeunes font preuve en général d'une plus grande flexibilité dans leur capacité à apprendre, les travailleurs âgés apportent davantage d'expérience. Même si la productivité d'un travailleur diminue à certains égards (en ce qui concerne par exemple les performances physiques), il peut y être pallié en partie au moyen de changements de l'organisation du travail, de formations continues appropriées, de mesures de prévention sanitaire et d'une utilisation plus efficace des technologies liées au travail.

5.8

L'évolution sectorielle en faveur des services peut même améliorer la situation des personnes âgées: dans de nombreux domaines, l'effort corporel nécessaire tend à se réduire, tandis que les compétences sociales prennent davantage d'importance. C'est pourquoi les entreprises ne devraient pas parier uniquement sur les jeunes travailleurs. La productivité d'une entreprise ne se réduit pas à la somme de la productivité de chacun de ses travailleurs. Le maintien du savoir-faire accumulé, comme l'entend la gestion des savoirs internes à l'entreprise, et la structure organisationnelle importent souvent davantage que la productivité individuelle. C'est précisément ici que tous les efforts de professionnalisation en matière de conseil, de tutorat et de suivi personnalisé jouent un rôle important. En fin de compte, il s'agit que les entreprises intègrent à l'avance l'évolution démographique dans le développement de leur personnel et utilisent une combinaison optimale des qualités de leurs travailleurs de tous âges.

6.   Adapter le monde du travail aux personnes âgées

6.1

Si l'on veut reculer l'âge du départ à la retraite, il convient aussi de veiller à ce que l'on puisse travailler plus longtemps. Cela signifie qu'il faut créer des emplois et les aménager de manière à ce qu'il soit davantage possible de travailler jusqu'à l'âge légal du départ à la retraite. Dans ce contexte, il ne s'agit pas seulement de créer et d'adapter des emplois tout spécialement pour les personnes âgées, mais aussi et surtout d'organiser le travail pendant toute la durée de la carrière professionnelle de manière à prévenir précocement les risques et les effets négatifs sur la santé. Les travailleurs en profitent à chaque époque de leur vie.

6.2

Bien qu'il soit évident que la responsabilité personnelle des travailleurs joue un rôle important dans le maintien de leur capacité à être employés, il convient de constater que les principales raisons pour lesquelles les personnes concernées se retirent prématurément de la vie active sont notamment les problèmes de santé physique et psychique liés à des conditions de travail pénibles, une intensité de travail élevée, le licenciement prématuré des travailleurs âgés, mais aussi l'insuffisance des mesures de remise à niveau et le manque de possibilités de (re)trouver un emploi. De plus, de nouvelles formes d'organisation du travail restreignent de plus en plus les possibilités pour les personnes âgées de maintenir leur emploi dans une entreprise, dans des secteurs moins pénibles.

6.3

Toutefois, maintenir la santé et l'aptitude au travail des personnes âgées et rendre ces personnes plus attrayantes pour les employeurs ne suffit pas pour augmenter leur taux d'emploi. Les emplois offerts doivent également être plus attrayants pour les personnes âgées elles-mêmes. C'est de la qualité de l'emploi que dépend dans une large mesure l'éventuel maintien, voire le retour, des personnes âgées à l'emploi.

6.4

Seule une politique volontaire de «vieillissement actif», incluant de larges possibilités de participation à des mesures de perfectionnement, peut permettre d'augmenter durablement le taux d'emploi des personnes âgées. Dans ce contexte, la question principale est de savoir quelles mesures s'imposent pour que les personnes âgées aient réellement une chance de trouver un emploi et de l'exercer à plus long terme.

6.5

Le CESE estime en ce sens qu'il convient de procéder à une réorientation résolue vers un monde du travail adapté aux personnes âgées à partir d'un ensemble de mesures comprenant notamment les grands axes suivants:

inciter les entreprises à créer des emplois adaptés aux personnes âgées et à stabiliser l'emploi actuel des personnes âgées (prendre des mesures pour prévenir le licenciement prématuré des personnes âgées, ainsi que créer des concepts innovants pour maintenir ces dernières dans des secteurs moins pénibles de l'entreprise);

mener une politique du marché du travail offensive pour réinsérer les chômeurs âgés dans la vie professionnelle et réduire le risque du chômage de longue durée, ce qui implique également l'octroi des ressources correspondantes pour une politique active de l'emploi;

prendre des mesures globales pour conseiller et accompagner les personnes à la recherche d'un emploi et tailler à la mesure de celles-ci les services de l'emploi (par exemple subventionner les emplois, aider à l'insertion, réaliser des projets sociaux d'intérêt général) et le cas échéant prendre des mesures de prévention et de réadaptation en vue d'une réinsertion;

prendre des mesures qui visent à maintenir plus longtemps en activité dans des conditions physiques et psychiques appropriées, en particulier réduire les exigences de rendement dans les entreprises et adapter les conditions de travail aux personnes âgées (notamment inciter à renforcer la protection des travailleurs et de la santé; soutenir des programmes d'entreprises afin de promouvoir la santé) en tenant compte du fait que la pénibilité des emplois peut constituer un butoir;

prendre des mesures pour accroître l'ouverture des lieux de travail aux personnes âgées handicapées, au moyen notamment d'aménagements destinés à en accroître l'accessibilité physique et à faciliter l'utilisation des technologies de l'information;

prendre des mesures afin d'accroître la volonté de chaque personne de travailler aussi plus longtemps, et donc entre autres d'apprendre tout au long de la vie et de pourvoir à sa santé;

élaborer et négocier avec les partenaires sociaux dans le cadre conventionnel au niveau des branches et des entreprises des modèles d'horaires de travail propices à la santé tout au long de la carrière professionnelle (par exemple, des congés sabbatiques ou de formation);

prendre des mesures d'entreprises, réglementaires et conventionnelles garantissant une participation accrue des personnes âgées à la formation continue (créer des incitations visant à remédier au manque de participation à la formation continue au sein de l'entreprise, notamment chez les personnes peu qualifiées, garantir les ressources financières correspondantes au moyen d'une campagne de qualification pour les plus de 40 ans et améliorer le cadre juridique pour les congés de formation);

prendre des mesures de sensibilisation en faveur des personnes âgées (valoriser l'expérience et la transmission à des travailleurs plus jeunes des compétences professionnelles acquises pendant la vie active);

sensibiliser à grande échelle la société pour éliminer les stéréotypes et les préjugés envers les travailleurs âgés et porter un regard positif sur le concept du «vieillissement»; lutter contre la discrimination fondée sur l'âge et les stéréotypes négatifs dont sont victimes les travailleurs âgés;

conseiller et soutenir les entreprises, en particulier les PME, pour une gestion prévisionnelle des ressources humaines et l'instauration d'une organisation du travail adaptée aux personnes âgées et au vieillissement;

créer les incitations adéquates pour employer des personnes âgées et les maintenir dans leur emploi, sans que cela ne provoque de distorsions de concurrence;

prendre des mesures socialement acceptables incitant à allonger la période d'activité dans le cadre des dispositions légales existantes relatives à l'âge du départ à la retraite pour tous ceux qui trouvent un travail et peuvent travailler;

lorsque cela est possible ou souhaitable, développer des modèles innovants et attrayants facilitant le passage de la vie active à la retraite dans le cadre des régimes légaux de retraite (notamment poursuite du développement de modèles de travail à temps partiel).

6.6

La promotion d'une vie professionnelle plus longue fait appel en tout cas à la responsabilité partagée et aux efforts de l'État, des employeurs et des salariés eux-mêmes. Toutes les parties se doivent d'assumer ces responsabilités. Les partenaires sociaux jouent un rôle particulier dans la réalisation de tous ces efforts. Il existe, aussi bien dans les pays nordiques que dans d'autres États membres, des modèles de réussite qui montrent la voie d'une solution socialement acceptable, permettant de créer, sur la base de conventions collectives et au niveau de l'entreprise, ainsi qu'avec la participation des partenaires sociaux, un marché de l'emploi fonctionnel pour les personnes âgées, assorti d'une grande stabilité de l'emploi et d'un niveau élevé d'employabilité et d'activité des personnes âgées.

Bruxelles, le 13 juillet 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Avis du CESE sur les thèmes suivants: «Situation des travailleurs vieillissants» (http://www.eesc.europa.eu/?i=portal.fr.soc-opinions&itemCode=57); «L'emploi pour les catégories prioritaires (stratégie de Lisbonne)» (http://www.eesc.europa.eu/?i=portal.fr.soc-opinions&itemCode=78); «Stratégies/Relever l'âge de sortie du marché du travail» (http://www.eesc.europa.eu/?i=portal.fr.soc-opinions&itemCode=93).

(2)  Avis du CESE sur le «Livre vert - Vers des systèmes de retraite adéquats, viables et sûrs en Europe» (http://www.eesc.europa.eu/?i=portal.fr.soc-opinions&itemCode=14892).

(3)  Voir l'avis du CESE sur «Le rôle de la politique familiale dans le processus de changement démographique afin de partager les meilleures pratiques dans les États membres» (http://www.eesc.europa.eu/?i=portal.fr.soc-opinions&itemCode=14900).

(4)  Nombre de personnes âgées d'au moins 65 ans par rapport au nombre de personnes en âge de travailler âgées de 15 à 64 ans.

(5)  Ce rapport est expliqué à l'aide du calculateur du taux de dépendance de l'AK-Wien: la référence, établie dans ce modèle, du nombre de retraités et de chômeurs par rapport au nombre de travailleurs salariés (taux de dépendance économique) traduit de manière éclatante la forte influence de différents scénarios du marché du travail (les taux d'emploi, par exemple) concernant les défis démographiques, et permet, en faisant référence à des déterminants économiques réels, de porter un regard nettement plus réaliste que la simple relation entre le nombre de personnes âgées d'au moins 65 ans et celles âgées de 16 à 64 ans (taux de dépendance démographique).

(6)  Exemple de l'Autriche: en 2008, taux de dépendance démographique de 25 %, pour un taux de dépendance économique de 61 %; projection des taux de dépendance pour 2050, compte tenu de la situation du marché du travail danois (taux de participation): alors que le taux de dépendance économique ne devrait augmenter que modérément de 61 % en 2008 à 72 % en 2050, le taux de dépendance démographique devrait presque doubler et atteindre 48 %.

(7)  Rapport 2008 sur la démographie (SEC(2008) 2911, p. 133).

(8)  Voir entre autres l'avis du CESE sur le thème: «Immigration légale et défi démographique» (rapporteur: M. PARIZA CASTAÑOS), http://www.eesc.europa.eu/?i=portal.fr.soc-opinions.14696.

(9)  Partenaires sociaux européens: «Accord-cadre sur des marchés du travail inclusifs», mars 2010 (voir les documents afférents à l'adresse http://ec.europa.eu/social/main.jsp?langId=fr&catId=89&newsId=744&furtherNews=yes).

(10)  La Convention C 128 concernant les prestations d’invalidité, de vieillesse et de survivants évoque l’âge de 65 ans comme âge limite pour la vie de travail.


29.10.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/9


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Renforcer la culture numérique, les compétences numériques et l'insertion numérique» (avis exploratoire)

2011/C 318/02

Rapporteure: Mme BATUT

Le 24 janvier 2011, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur

«Renforcer la culture numérique, les compétences numériques et l'insertion numérique»

(avis exploratoire).

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 22 juin 2011.

Lors de sa 473e session plénière des 13 et 14 juillet 2011 (séance du 13 juillet 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 136 voix pour et 2 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Les inégalités d'accès au numérique sont le prolongement d'inégalités économiques et sociales: développer la croissance et l'emploi, sortir de la crise par le haut est urgent.

1.2   Pour TOUT citoyen, s'approprier de façon critique les contenus de tous les supports media signifie, 1) être connecté; 2) savoir manipuler les matériels; 3) être à l'aise avec la technologie; 4) être formé à l'utilisation; 5) être impliqué dans le monde digital.

1.3   L'e-inclusion doit être une approche globale et garantir par le numérique l'émancipation de chacun, quelle que soit sa situation dans la société. Le CESE estime que l'Union et les États membres (EM) devraient garantir l'accessibilité du fait numérique par l'apprentissage permanent des compétences digitales pour exercer un emploi et/ou pour soi-même, ainsi que de la citoyenneté.

1.4   L'accès à l'infrastructure et à l'outil doit être considéré comme un droit fondamental.

1.5   Le CESE souhaite que les structures de dialogue, qui existent, soient sollicitées par les autorités européennes, nationales et locales pour rencontrer les représentants de la société civile organisée pour mieux identifier les besoins réels.

1.6   La qualité, l'innovation, la transparence et l'accessibilité que l'on peut attendre des services d'intérêt général (SIG) et des administrations en Europe et dans les États membres sont les bases mêmes de l'e-inclusion.

1.7   Parce que le phénomène numérique touche largement les sociétés (1), et que 30 % des ménages n’étaient pas encore connectés à internet en 2010 (2), le CESE estime que le rôle de l'Union doit être un rôle d'impulsion et de guide, pour donner aux citoyens une égalité de chances, et qu'elle pourrait en la matière donner d'emblée aux EM une approche harmonisée incluant l’exigence de protection, pour la sécurisation des pratiques et des données. Il préconise la coordination entre l'Union et les États membres:

pour l'e-inclusion des personnes âgées, afin:

de faire de l'«Année du Vieillissement Actif» (2012) l'occasion pour l'UE de mettre en valeur le rôle de lien que jouent les TIC entre générations, pour le maintien dans l'activité des moins anciens, contre l'isolement et pour le confort de vie des plus anciens;

de guider les anciens dans l'apprentissage du numérique par des formations, des accompagnements locaux;

d'avoir des objectifs, des matériels, des logiciels accessibles pour créer l'intérêt puis le besoin;

de créer des projets locaux autour de la e-santé, de la reconstitution d'une mémoire collective par exemple de quartier, de l'autonomie, pour la reconquête du lien social;

pour l'e-inclusion des handicapés, afin:

d'assurer par les TIC leur participation à la société sur une base non discriminatoire, sous réserve de la garantie d'accessibilité et de facilité d'usage;

de développer par l'intermédiaire de la Commission auprès de l'industrie, des concepteurs et des constructeurs l'exigence de «design for all», de faire imposer une clause d'accessibilité des matériels et logiciels dans les marchés d'importation, et la prise de mesures exigeant la diffusion de l'intelligence dans la vie domestique, les transports publics et privés, la construction, etc.

pour l'e-inclusion des personnes à bas revenus, afin:

de soutenir la production de logiciels accessibles et adaptés aux besoins des populations minoritaires;

de soutenir un service gratuit d'internet public à des endroits névralgiques des villes, ainsi que leurs quartiers défavorisés;

de donner l'opportunité d'apprendre et de se qualifier pour un emploi par e-learning;

de faciliter l'utilisation des données ouvertes 2.0 («open data») et les open sources.

pour l'e-inclusion des personnes manquant de l'éducation de base, afin:

d'accéder à des aides publiques pour l'accompagnement (locaux, 'sachants') évitant de laisser les intéressés seuls face à la machine;

d'exiger des opérateurs des coûts abordables pour l'utilisation du téléphone et des médias comme supports de formation;

promouvoir le ludique qui évite d'être rebuté: «serious games», logiciels à contenu qualifiant, utilisation des réseaux sociaux;

garantir des aides aux acteurs locaux.

pour l'e-inclusion des minorités, afin:

de soutenir les projets d'applications en ligne, multilingues et adaptées (ex: l'éducation à la santé, la santé en ligne, le e-learning) et

d'assurer l'accès des minorités à des points Internet publics et gratuits, au e-learning et à l'école.

1.8   À titre général, le CESE estime qu'il convient de:

de faire de l'e-inclusion, au niveau de l'UE et des États membres un élément de mainstreaming des politiques;

d'achever rapidement les infrastructures de réseaux (régions isolées, large bande …);

de penser les politiques publiques de développement du numérique, aux niveaux européen national et local, dès le début comme inclusives et non discriminatoires;

de favoriser l'utilisation des matériels et logiciels juste dépassés;

de mobiliser des moyens pour assurer l'e-inclusion des femmes.

1.8.1   Pour le financement des actions:

favoriser le financement de l'accès universel par des subventions publiques nationales et des fond communautaires;

développer les investissements en particulier pour les services qui vont vers le public (FSE, FEDER), assurer les fonds du budget de la R&D à hauteur de 3 % du PIB européen, et réduire les coupes des budgets publics;

consacrer un fonds de réserve à ce défi vital, pour maintenir les savoirs et lisser les effets des crises;

inscrire le défi numérique comme priorité (FSE) dans les programmes des collectivités locales et procurer aux organisations de la société civile organisée les moyens d'aider les publics e-exclus;

aménager le principe d'additionnalité des Fonds structurels dédiés à l'inclusion numérique;

utiliser le cas échéant des emprunts obligataires pour les grands travaux d'infrastructure;

promouvoir les PPP (partenariats public privé) dans un cadre européen approprié;

favoriser le principe d'une taxation européenne sur les transactions financières (TTF) et en affecter une part à l'inclusion numérique;

rechercher la négociation entre les entreprises du «commercial gaming» et les acteurs publics (éducation) pour réutiliser en second rang à moindre coût leurs technologies dès qu'elles sont dépassées;

favoriser le développement de micro-financement de projets de formation;

promouvoir des systèmes d'aide directe à la personne pour l'accès aux outils de base (matériels et logiciels);

faire une évaluation des progrès obtenus sur les 5 dernières années par le numérique (emplois créés) pour définir avec les acteurs leurs besoins réels.

1.8.2   Sur l'acquisition de compétences:

créer un conseil sectoriel dont le rôle serait d'établir un référentiel européen;

établir un référentiel européen des formations et des nouvelles filières de métiers dans et autour du numérique et définir les éléments utiles d'attribution de diplômes reconnus au plan européen;

créer un module européen d'apprentissage au contenu multilingue pour l'acquisition rapide de connaissances et compétences qualifiantes;

rendre par ce cadre européen les filières du numérique plus visibles et mieux rémunérées, et développer l'e-learning vers une professionnalisation de qualité (actualisation des métiers de l'informatique) dans le but d'augmenter le nombre de praticiens du numérique et leur requalification;

créer un «Passeport européen numérique», obligatoire pour créer une entreprise.

1.8.3   Sur la sécurisation des publics fragiles face au numérique:

définir des contenus de base d'Internet sans laisser tout au marché (UE et EM);

définir des normes «anti-pollution» des sites, enseigner la cyber-sécurité dès l'école;

assurer que tous les sites comportent des dispositifs servant à rappeler à tout un chacun les précautions élémentaires de sécurisation;

assurer l'établissement et le respect des droits de l'utilisateur des réseaux;

et pour cela établir un code du droit des utilisateurs du numérique, conforme aux principes de la Charte des droits fondamentaux et à l'article 9 du Traité, assurant au moins le respect de leur liberté d'expression, d'information, du droit à la protection des données privées, du droit à l'oubli, du droit à voir les mineurs protégés.

1.8.4   Sur leur accès au travail:

promouvoir le développement des dialogues social et civil avec les nombreuses structures existantes sur tous les points évoqués, pour la meilleure écoute des besoins, et pour transformer le numérique en emplois et en chance de développement économique, social et personnel;

promouvoir la formation des salariés des entreprises au numérique pour leur maintien plus longtemps dans l'emploi et le développement de la productivité de l'entreprise.

1.8.5   Sur le plan de l'éducation inclusive pour tous, le CESE préconise que l'Union s'engage à:

promouvoir l'égalité d'accès à une éducation inclusive dans toutes les écoles;

promouvoir l'e-inclusion de demain dès l'âge pré scolaire, sans discrimination;

promouvoir la formation des parents et des maîtres, et le réaménagement des conditions de travail de ces derniers;

promouvoir pour les élèves, et particulièrement pour ceux qui sont en échec la généralisation de la pratique du numérique à l'école, notamment sous forme ludique (3), encadrée bien par les enseignants vers une utilisation maîtrisée de la force de l'image qui sollicite de nouvelles formes d'apprentissage et d'expression, notamment sous forme ludique (utilisation des smart phones dans la classe, des «serious games», des tablettes, du livre numérique, des réseaux sociaux …);

promouvoir l'ouverture à tous de l'accès au marché de l'emploi par l'acquisition de bases générales et numériques solides.

2.   Contexte

2.1   L'objectif de la Stratégie UE 2020 est celui d'une croissance intelligente, durable et inclusive pour sortir de la crise. La «Stratégie numérique pour l'Europe (4)» désigne comme des obstacles le manque de compétences numériques, le risque de défiance vis-à-vis des réseaux et la cyber-délinquance; les occasions manquées de relever des défis sociétaux.

2.2   Le CESE estime cet objectif primordial. Aucun citoyen ne devrait rester en dehors du numérique sous réserve que cela lui donne d'abord les moyens de son épanouissement personnel, de participer à la vie sociale et de s'émanciper (5).

3.   Définitions

3.1   L'e-inclusion

Selon la Déclaration de RIGA (6), concerne à la fois les technologies de l'information et l'usage que l'on en fait pour atteindre des objectifs plus larges d'inclusion, par la participation de tous les individus et de toutes les collectivités à tous les aspects de la société de l'information.

3.2   Les destinataires des mesures

Les citoyens sont répartis en catégories pour pouvoir être identifiables au regard des aides qui leur sont destinées: cependant l'e-inclusion doit être une démarche globale. Sur le plan humain, cette inclusion commence par la non-stigmatisation des personnes en catégories, sur le plan social, elle passe par des prises en charge collectives, et sur le plan industriel et commercial, elle passe par un «design for all» anticipé, de la conception à l'arrêt de l'utilisation.

3.3   La culture numérique

Par défaut, la culture numérique est le moyen, l'outil sans lequel on ne peut plus profiter de ce qu'était auparavant la culture au sens large, vue comme le lien entre les citoyens. Sans cet outil, les possibilités d'aller vers les autres et vers d'autres connaissances se réduisent.

Culture (alphabétisation), compétences et inclusion, sont indissociables et correspondent à une définition holistique et non discriminatoire de l'e-inclusion pour toute la société.

3.3.1   Être inclus suppose de remplir des conditions préalables:

Être connecté: l'e-accessibilité reste un volet primordial.

Savoir manipuler les matériels.

Être à l'aise avec la technologie: être formé, avoir des compétences numériques, pour utiliser tous les logiciels Mac, Windows, Linux, d'Internet, du GSM, etc.

S'approprier l'information pour évaluer de façon critique les contenus de tous les supports média, dans l'exercice d'une citoyenneté active.

3.3.2   Parmi les exclus du numérique il y a les personnes âgées, les handicapés, parfois les personnes aidantes, celles à bas revenus, à bas niveaux d'éducation, avec des nuances: parmi la population «âgée», une partie est éduquée et utilisatrice d'Internet qu'elle a connu dès son apparition, et elle constitue dans certains États membres un véritable moteur de l'économie. Le CESE estime qu'il s'agit de garantir par le numérique l'émancipation de chacun, quelle que soit sa situation dans la société, à la fois par des approches spécifiques et par une approche pour tous qui est plus économe et plus intégrante.

3.3.3   Le CESE estime que l'e-inclusion est loin d'être stable et linéaire. Les technologies évoluent sans cesse, le travail est précarisé, flexibilisé, les carrières morcelées. L'e-exclusion est souvent liée à des causes superposées. La formation et l'actualisation des connaissances sont des facteurs de base de l'inclusion.

3.3.4   Des entreprises qui souffrent de difficultés financières, de manque de compétences et/ou de temps sont concernées. Pour le CESE, l'e-inclusion doit être anticipative pour faire coïncider le plus possible les évolutions des TIC avec les évolutions des causes de l'exclusion.

3.4   Les e-compétences des professionnels

La formation tout au long de la vie est capitale. Après voir connu un véritable engouement auprès des jeunes générations, l'acquisition des e-qualifications (7) souffre de la mauvaise visibilité des filières et de rémunérations moins avantageuses. Remotiver de futurs professionnels par un statut, des rémunérations, des conditions de travail meilleures est urgent, pour combler les manques de personnels qualifiés, de formations adéquates, inclure le public en difficulté. Les professionnels du numérique entraînent les utilisateurs derrière eux.

4.   Les moyens

4.1   Un accès universel

4.1.1   Afin d'éliminer la disparité d'accès aux TIC et de promouvoir l'e-inclusion, l'Union a introduit en 2002 le service universel et les droits des utilisateurs aux réseaux et services de communications électroniques (8). Faire la demande d'un raccordement au réseau public de communications doit impliquer de bénéficier de débits suffisants pour avoir un accès fonctionnel et abordable à Internet. Il ne s'agit pas d'éliminer le marché ni la concurrence loyale, mais de créer un équilibre entre des objectifs économiques et des besoins sociaux urgents à satisfaire. Comme le CESE l'a plusieurs fois rappelé, le marché n'est pas un objectif en soi, il est au service de l'amélioration de la vie des citoyens.

4.1.2   La qualité, l'innovation, la transparence et l'accessibilité que l'on peut attendre des SIG en Europe et dans les États membres sont les bases mêmes de l'e-inclusion. Il s'agit d'efficacité sociale donc de durée, élément essentiel de «performance» inclusive. Et c’est tout le paradoxe de ce défi de l’inclusion numérique: l'efficacité sociale des SIG et services sociaux d'intérêt général (SSIG) de contexte, les actions publiques, qui s’inscrivent dans la durée, seront les éléments essentiels de la performance inclusive, alors qu’il s’agit d’un domaine où la rapidité est une donnée vitale. C’est la tâche des pouvoirs publics de tenter de résoudre ce paradoxe.

4.2   Un égal accès pour tous

4.2.1   La couverture de tout le territoire européen par les réseaux, le développement de la large bande de fréquences favorisant le haut débit, l'utilisation du dividende numérique (9) devraient être rapidement achevés pour garantir le service universel.

4.2.2   Or, on constate que les inégalités d'accès et d'utilisation des TIC persistent et reflètent les inégalités économiques et sociales préexistantes. Les citoyens e-inclus sont le plus souvent ceux qui disposent des moyens d'acquisition de la logistique et des compétences requises.

5.   Acquérir les compétences numériques de base

L'alphabétisation numérique

La rencontre des 3 notions de besoin + intérêt + moyens (financiers et autres) amène les publics-cibles au numérique.

5.1   Les personnes âgées

5.1.1   Les populations les plus âgées (10), qui augmentent, utilisent moins les TIC:

: elles ont besoin de mise à jour des connaissances. Pour viser une réintégration ou un maintien sur le marché du travail, le CESE estime que les collectivités locales, conjointement aux entreprises, dans la pratique du dialogue social, pourraient proposer des enseignements adaptés.

: elles doivent combattre le manque d'intérêt, la timidité et la défiance, et apprendre la manipulation des outils, que ce soit pour un emploi, ou pour la facilité de la vie domestique et sociale. Le CESE estime que c'est à la technologie et aux «sachants» de s'adapter. Ces personnes devraient se voir proposer 1) d'être guidées, 2) d'avoir à leur disposition des logiciels facilitateurs, 3) de disposer de matériels à leur portée, 4) d'avoir des objectifs adaptés pour créer l'intérêt puis le besoin, comme la création de projets autour de l' «e-santé», la reconstitution d'une mémoire collective de quartier par exemple, la reconquête du lien social, d'une autonomie.

5.1.2   Pour les personnes vivant seules, le numérique peut constituer un lien vital. Par exemple généraliser les liaisons téléphone/services d'urgences par simple pression sur un bouton à coût raisonnable, peut être une réelle mission de SSIG qui sauve les citoyens en situation de détresse. La santé en ligne va jouer un rôle accru (11); tous les principes que le CESE souhaite faire respecter pour les utilisateurs du numérique ont un caractère d'universalité et sont applicables aux domaines de la santé et des soins sociaux.

5.1.3   L'Année 2012, comme «Année du Vieillissement Actif» et ses partenariats de l'innovation doivent être l'occasion pour l'UE de mettre en valeur le rôle de lien inclusif que jouent les TIC entre générations (apprentissage), contre l'isolement et pour le confort de vie des anciens.

5.2   Les handicapés

Les TIC peuvent faciliter la participation des personnes handicapées à la société sur une base d'égalité avec les autres (12). Les données restent les mêmes que pour tous les publics: définition de l'objectif, accompagnement dans l'apprentissage, logiciels et matériels accessibles et adaptés, machines accessibles et faciles à utiliser et notamment les systèmes de transports intelligents (13). Le rôle de «service d'intérêt général» de la culture numérique se révèle à propos des personnes handicapées. L'aide à chaque type de handicap peut procurer une meilleure insertion sociale. Le rôle des ONG doit être reconnu et coordonné avec celui de la puissance publique. Une approche universelle dans sa conception, qui, dans la mesure du possible, tient compte des besoins de toutes sortes d'utilisateurs, est préférable à des approches spécialisées ciblant les seules personnes handicapées.

5.3   Les personnes à bas revenus

5.3.1   Les inégalités d'accès au numérique sont le prolongement d'inégalités économiques et sociales: hommes/femmes, ménages/femmes isolées, villes/régions rurales ou insulaires, pays riches/pays moins avancés. Elles doivent évidemment être combattues pour réussir l'inclusion du plus grand nombre.

5.3.1.1   Les personnes issues de l'immigration, ou de groupes minoritaires sont encore plus défavorisées. Il n'y a pas de production des logiciels qui les intéresseraient.

5.3.2   Le CESE estime que l'organisation d'accès internet publics gratuits à des points névralgiques des villes et l'accès aux données ouvertes 2.0 ainsi qu'aux «open sources» offriraient la possibilité de chercher un emploi, de communiquer. Les points fixes gardent leur intérêt pour l'accompagnement de la formation. C'est un rôle à partager entre pouvoirs publics, opérateurs, et associations.

5.3.3   L'accès à l'infrastructure et à l'outil doit être considéré comme un droit fondamental: formations, transmissions de savoir et d'expérience sont très importantes à tout âge et dans toute situation de la vie pour l'alphabétisation numérique.

5.4   Les personnes à bas niveau d'éducation

5.4.1   Le CESE estime que ces personnes doivent trouver leur intérêt au numérique grâce à des accompagnements spécialisés partant du téléphone et des médias.

5.4.2   Associer machine/éducateur, commencer par le ludique évite d'être rebuté. Le CESE estime que les enfants en échec scolaire pourraient être rattrapés par le «smart phone» vu comme un nouveau crayon. L'accès aux enseignements fondamentaux peut commencer par des «serious games» proches des jeux cérébraux, pour les jeunes comme pour les adultes, avec des logiciels à contenus qualifiants.

5.4.3   Pour être inclusif, le numérique dans l'Union a besoin d'un Internet enrichi de culture. La culture est ce que les Européens reconnaissent le plus avoir en commun. L'UE doit mettre en œuvre la diversité des expressions culturelles dans toutes les initiatives relatives à l'agenda numérique (14). La numérisation d'objets de culture facilite pour les moins favorisés l'accès à la connaissance qui fait partie du bagage utile tant à l'intégration sociale qu'à l'épanouissement personnel, en particulier dans sa langue maternelle.

5.5   Les populations minoritaires

5.5.1   Le CESE souhaite que la possibilité d'e-inclusion soit donnée à ces populations, immigrés ou non, tels les Roms. Elles ne sont pas analphabètes, mais elles ne possèdent ni la langue, ni la culture de leur pays d'accueil. L'utilisation de l'ordinateur ne leur est pas aisément accessible. Les femmes sont souvent les moins informées et encore plus défavorisées.

5.5.2   L'exemple de l'IMI (15), application en ligne multilingue destinée aux autorités administratives nationales de l'UE pour communiquer facilement, pourrait servir de base à des applications sociales pour développer l'apprentissage des résidents et des citoyens de l'Union, et ainsi leur permettre d'accéder au e-learning.

5.5.3   Pour l'ensemble des publics énumérés en ce chapitre 5, le rôle des réseaux sociaux peut-être éminent s'il est maîtrisé. Par ailleurs, les cybers cafés qui jouent un rôle certain auprès des jeunes pour développer leur intérêt et leurs compétences numériques, pourraient être rendus plus abordables par exemple par la délivrance de bons à tarif aidé par les collectivités locales.

5.6   Les entreprises aussi

5.6.1   Les PME, lorsque leur activité principale n'est pas le numérique, peuvent se trouver en situation d'e-exclusion. Le manque de temps pour l'initiation à l'usage, le poids des traditions, des difficultés financières, une approche obsolète de la gestion informatique peuvent affecter la gestion des entreprises, leurs process, et leurs salariés. La pratique du «cloud computing  (16)», qui apporte des solutions de gestion IT peut dès lors leur échapper. Comme leur productivité peut en être affectée, la recherche de moyens est nécessaire pour les inclure.

6.   Développer les compétences numériques de tous pour relever les défis sociaux et sociétaux

6.1   Éducation et formation  (17)

6.1.1   L'inclusion de demain commence dès l'âge préscolaire.

L'égalité d'accès dans toutes les écoles à une éducation numérique inclusive pour tous les enfants, y compris les handicapés, les isolés, ceux de familles en difficulté, augmentera leur autonomie à l'âge adulte. La généralisation des «seriousgames», des tablettes, du livre numérique, encadrée par les enseignants, de l'utilisation des réseaux sociaux, pourrait permettre d'inclure les élèves les plus en difficulté grâce aux nouvelles formes d’apprentissage qu’ils leur offrent.

6.1.2   L'acquisition de qualifications et de diplômes et l'engagement dans les filières de métiers du numérique, devraient pouvoir s'appuyer sur un référentiel européen de formations notamment celles relatives aux nouvelles filières de métiers liées à la société numérique. Certaines professions sont des requalifications d'anciennes, d'autres pas. Un annuaire européen ouvert des «digital skills» (compétences numériques) pourrait être établi pour fixer les conditions de délivrance de diplômes européens facilitant la mobilité des intéressés. Le CESE estime que des mesures permettant aux étudiants européens d'accéder à un statut socioprofessionnel de qualité devraient ralentir leur désaffection pour les filières du numérique.

6.1.3   L'impulsion européenne doit être déclinée pour tous types d'enseignements sur le numérique aux niveaux national, régional et local, et inclure la formation des parents et des maîtres, dont les conditions de travail sont à réadapter.

6.2   Formation au long de la vie, le «life long e-learning»

6.2.1   Certains des publics concernés relèvent de campagnes ciblées. Pour les e-exclus, la transmission des savoirs expérimentaux est importante, et les méthodes participatives, à côté de l'enseignement théorique, représentent à la fois le développement des potentiels, et une possibilité d'insertion. Les chômeurs, les actifs, les âgés, et les groupes socialement exclus qui veulent un emploi sont particulièrement concernés et ont besoin d'employabilité et de sociabilité.

6.2.2   Actions des entreprises

L'obtention d'un «Passeport pour l'économie numérique» après une formation standard aux TIC dans l'environnement des affaires pourrait à l'avenir être requise pour créer une entreprise.

La formation interne des personnels des entreprises aux TIC devrait être généralisée par des accords internes car elle participe de l'e-inclusion et permet de les maintenir dans l'emploi plus longtemps et augmenter la productivité de l'entreprise.

6.2.3   Actions des pouvoirs publics

Les politiques de développement du numérique, au niveau national et local, doivent être pensées dès le début comme inclusives et non discriminatoires.

L'utilisation des fonds structurels: c'est aux autorités de définir quelles activités innovantes sont importantes pour la société dans son entier et peuvent être aidées pour être proposées à toutes les parties intéressées au meilleur prix.

L'UE et les États membres devraient proposer un cadre européen pour développer la professionnalisation des métiers de l'informatique.

6.3   Travailler les contenus

6.3.1   L'importance des contenus interdit de laisser la définition des formations, éducation, culture, au marché.

6.3.2   Les pouvoirs publics nationaux devraient définir des contenus de base, faciliter les cours de formation à distance, et avec l'Union, fixer les éléments utiles à l'attribution de diplômes reconnus au plan européen. L'écoute des utilisateurs est essentielle pour définir les besoins réels.

6.3.3   Des contenus adaptables et multimédias sont indispensables pour que l'environnement numérique de la personne ait un continuum (internet «lettré»), dans le respect de l'accessibilité pour les personnes handicapées.

6.3.4   Les citoyens des pays dont les langues sont très peu parlées au dehors se trouvent en situation d’inégalité par rapport aux offres internet. L'Union et leurs États membres devraient veiller au respect de leur culture et à la diffusion de réels contenus dans leur langue.

6.3.5   Le contenu des réseaux sociaux est créé par les utilisateurs. L'outil peut être utilisé pour y attirer toute personne en difficulté avec le numérique, dans le respect de ses droits d'utilisateurs.

7.   Sécuriser pour déjouer la défiance

A.

L'utilisation du numérique exige la plus grande prudence (18) quand on ne se sent pas sûr de soi, ni du système, et que la relative ignorance de la cyber-sécurité empêche de se prémunir (19). Les personnes exclues ou en cours d'e-inclusion encourent plus de risques.

B.

La pratique du numérique modifie les schémas mentaux des personnes et de la société: par exemple, faut-il protéger la «transparence» ou l'«intimité»? À titre général, toute approche de l’inclusion numérique doit se faire avec la conscience que l’outil comporte en lui-même un fort «degré d’intrusivité» (20) dans la vie privée, consenti ou non, dont le mauvais usage entraînerait des conséquences dévastatrices pour chaque utilisateur, et surtout pour les publics fragiles. L'intensification de la lutte contre les abus et la criminalité liée au numérique doit contribuer à améliorer encore la confiance des utilisateurs.

C.

Le résumé des défis posés par l’agenda numérique et des attentes des citoyens peut-être symbolisé par ces trois cercles concentriques.

Image

7.1   Les droits des utilisateurs

7.1.1   Le CESE souhaite des mesures qui donnent confiance et sécurisent tous les publics, l'environnement numérique et les transactions en ligne, comme le prévoit le 7oPlan (21) PCRD.

7.1.2   L'on pourrait envisager d'intégrer dans les sites internet des dispositifs servant à rappeler aux utilisateurs les prescriptions simples à respecter pour se protéger (22). L'étude à l'école, dès le début du cycle secondaire, de petits opuscules tels que «eYou Guide –To your rights online» (23) publié par la Commission européenne serait d'une grande importance pour sensibiliser le public jeune, lui aussi vulnérable, aux réflexes à acquérir pour utiliser le numérique sans dégâts.

7.1.3   Le CESE estime que le rôle du Contrôleur européen de la protection des données (CEPD) établi par l'article 16 du TFUE, ainsi que celui du G29 devraient être mieux enseignés aux citoyens.

7.1.4   Le CESE souhaite que la dignité des utilisateurs soit protégée grâce à la création de règles de droit européennes (24) conformes aux principes de la Charte des droits fondamentaux, pour le respect de leur:

liberté d'expression, d'information, en particulier dans sa langue maternelle,

droit à la protection de leur vie privée et de leurs données privées (ID, Santé …),

droit à l'oubli,

droit à voir les mineurs protégés.

7.1.5   Il rappelle aussi qu'il existe déjà différentes chartes nationales et internationales (25) des consommateurs qui reprennent les droits fondamentaux des utilisateurs du numérique en vue de leur garantie. Le Parlement européen en appelle une de ses vœux. Le Comité souhaite que le Code des droits en ligne dans l'UE, annoncé par la Commission européenne dans sa communication sur la Stratégie numérique (26), fasse rapidement l'objet d'un dialogue avec les organisations de consommateurs mais aussi avec les partenaires sociaux européens.

7.2   Le PE souhaite la reconnaissance d'une «cinquième liberté permettant la libre circulation des contenus et des connaissances» sur les réseaux. Le CESE estime qu'elle devrait garantir la sécurité des utilisateurs et la propriété intellectuelle. Les données économiques et industrielles ont également besoin de sécurité. Les «grids» et le «cloud computing» qui mobilisent de nombreux acteurs numériques en même temps, requièrent des méthodes de protection spécifiques qui doivent être mises à la disposition des entreprises, particulièrement des TPME.

7.3   L'accélération du e-gouvernement (27) sous l'angle de la facilitation des formalités pourrait sécuriser les démarches administratives, en particulier pour les personnes âgées, en tenant compte du fait que l'«e-démocratie» peut être inclusive mais qu'elle ne doit pas porter atteinte à la démocratie tout court, et que ses pratiques doivent être soumises aux principes rappelés ci-dessus.

8.   Créer des emplois

8.1   L'e-inclusion de tous est supposée procurer l'augmentation du volume de main d'œuvre employée et de la croissance. La crise, la situation démographique et l'augmentation du chômage, de la précarité, ne favorisent pas le développement des compétences, ni du point de vue des salariés, ni du point de vue des employeurs. Combattre l'emploi précaire et l'isolement, est une des conditions à la recherche de qualification, spécialement numérique, en vue d'accéder à un marché de l'emploi inclusif (28) car l'écart entre qualifiés et non-qualifiés s'accroît. Le dialogue social, particulièrement sectoriel (29), et les politiques publiques doivent se rencontrer impérativement pour augmenter et transformer les qualifications numériques des publics défavorisés en emplois.

8.2   De nouvelles filières de métiers intéressent les catégories se formant au numérique pour se réinsérer. Les agences chargées de l'emploi dans les États devraient être en mesure de les mettre en évidence dans différents domaines pour favoriser leur reconnaissance par l'Union.

8.3   Dans tous les États membres, les corps d'inspection du travail ont besoin d'actualisation.

8.4   Le «mainstreaming» et la synergie entre actions européennes seront des clés de la réussite de l'e-inclusion dans l'Union. La plupart des matériels numériques de l'utilisateur final sont importés dans l'Union, et les caractéristiques de leur fabrication échappent aux Européens. Or l'accessibilité, pour le citoyen, passe par la technologie du matériel qu'il a chez lui, en particulier pour les publics défavorisés, et spécialement pour les personnes âgées et handicapées. Il convient de favoriser un design et des fonctionnalités très accessibles, et des logiciels aux contenus adaptés pour en faire des atouts de la culture numérique inclusive, définis selon les approches européennes dans le respect des standards mondiaux, et d'inclure des clauses dans les accords de commerce.

8.5   Cela requiert des investissements dans tous les domaines, en particulier pour les services qui vont vers le public. Si ce ne sont pas les Européens d'autres le feront, et les entreprises de l'UE perdront des marchés et des emplois. L'objectif actuel de l'UE est d'investir 3 % du PIB dans la R&D. Le CESE estime qu'il est urgent de le faire vraiment. Tous les publics désavantagés attendent des progrès.

9.   Le financement des actions

9.1   Les politiques à développer doivent éviter que les e-inclus d'aujourd'hui ne sortent de la boucle vertueuse. Les budgets à consacrer à ce défi vital pour l'Union sont à développer sur le long terme, du début (R&D&I) à la fin de la chaîne (utilisateurs finals), avec des réserves financières qui permettent de lisser les effets des crises. Quand les budgets nationaux n'ont plus de marge de manœuvre en raison des coupes imposées pour réduire leurs dépenses, chaque 1 % en plus peut faire la différence.

9.2   L'inclusion de tous les publics e-exclus peut être développée par la création d'un marché européen structuré des services de soutien appropriés, éventuellement sous forme de Task force, qui aurait un effet d'échelle.

9.3   Le financement concerne la couverture complète du territoire européen en infrastructures, la recherche et l'innovation technologique, les contenus, l'innovation sociale pour les publics exclus, le e-learning, la transformation des compétences en emplois, les actions de la société civile, des entreprises, des acteurs publics nationaux, territoriaux, locaux.

9.4   Le cumul des aides devrait dénouer des causes d'exclusion elles-mêmes cumulatives, prendre en charge les coûts énergétiques, les locaux, la définition des contenus, créer des matériels adaptés, définir des enseignements adaptés.

9.5   Les mesures relatives à l'e-inclusion (gestion, actions, contrôle) devraient selon le CESE être citées dans le rapport annuel que publie la Commission et discutées avec les partenaires sociaux; les mesures destinées à orienter les citoyens vers les possibilités d'e-inclusion devraient faire l'objet d'une large diffusion.

9.5.1   Les acteurs territoriaux, qui sont aux avant-postes pour la mise en œuvre des politiques nationales doivent 1) inscrire à leurs agendas locaux la priorité numérique et s'adresser au FSE; 2) conscientiser les responsables aux besoins numériques des groupes sociaux dont ils ont la charge; 3) sensibiliser les groupes cibles par des moyens locaux comme la télévision locale; 4) les consulter sur leurs propres besoins par des réunions avec les représentants de la société civile organisée.

9.5.1.1   Le CESE déplore que le dialogue social et civil, tant européen que national, ne soit pas spécifiquement structuré sur l'e-société dont l'influence est profonde sur les modes de vies, alors que les groupes défavorisés ont besoin de durée, de cohérence, de garanties et d'actions décentralisées.

9.6   Les entreprises doivent avoir la possibilité de se développer par le numérique, et de sensibiliser les développeurs, les constructeurs, pour elles-mêmes et pour la prise en compte des handicaps de tous ordres («Design for all», y compris l'e-accessibilité).

9.7   Les modes de financement

9.7.1   Le Fonds social européen (FSE): Pour la période 2014-2020, la Commission (Actions clés 11 & 12) prévoit d'attribuer des fonds aux États membres via le FSE pour la réalisation des objectifs e-inclusion. Le CESE estime qu'il est de plus nécessaire de rechercher toutes les synergies entre les lignes budgétaires.

9.7.1.1   Le CESE s'interroge sur la pertinence du principe d'additionnalité pour l'attribution des fonds structurels face à un tel enjeu d'avenir, au moment où de nombreux acteurs publics ont de fortes difficultés budgétaires, quand les étapes de la réduction de la fracture numérique ne peuvent pas attendre. Il souhaite que soient étudiées les possibilités d'attribution directe.

9.7.2   Le Comité propose que soient recherchées pour la réalisation de l'e-inclusion, des opportunités de nouveaux modes de financement:

entre acteurs privés et publics, pour les TIC en général, et par exemple avec les entreprises du «commercial gaming» (qui collectent d'importantes recettes) pour réutiliser à moindre coût, car en second rang, leurs technologies à la pointe,

pour les e-infrastructures et les infrastructures, dans le cadre de l'initiative de la Commission «emprunts obligataires Europe 2020 pour le financement de projets», si celle-ci aboutissait (30),

une participation destinée à l'e-learning par les fournisseurs d'accès, les opérateurs, les fournisseurs de matériels,

une taxation européenne sur les transactions financières (TTF) (31), dont une part pourrait être dédiée à l'inclusion numérique.

9.7.3   Dans tous les cas, le contrôle (32) de l'utilisation des fonds serait crucial pour que les aides soient efficaces. Les partenaires sociaux devront être associés aux différentes formes de contrôle. Pour le FSE, des comités de suivi existent déjà. Le cas des PPP, envisageables dans un cadre européen approprié, mérite que l'on invente de nouvelles formes de regard sur le coût final tant pour le contribuable que pour l'utilisateur, dans la logique et les règles des SIG, SIEG et SSIG. Ils ne seraient envisageables que dans un cadre européen approprié (33).

9.7.4   Le CESE estime qu'il ne suffit pas de généraliser l'accès et d'adapter les vitesses de transmission du service universel à l'évolution technologique, et réitère sa proposition (avis CESE 1915/2008) selon laquelle il convient:

de se préoccuper de l'exclusion sociale qui coïncide avec le manque de moyens et de compétences des groupes d'usagers défavorisés, autant que de l'exclusion géographique, et d'élargir le service universel pour assurer l'accès à tous les usagers, quelle que soit leur situation;

de favoriser le financement du service universel (34) par des subventions publiques nationales et les fonds communautaires, ce qui constitue le seul moyen adapté aux pays où le poids financier des obligations de service universel représente une charge excessive pour un opérateur;

de soutenir les projets d'inclusion numérique notamment le micro-financement de projets de formation menés par des centres publics locaux, et le placement de bornes interactives dans les lieux publics offrant un accès gratuit à internet;

d'inviter les États membres à prévoir des aides financières pour les familles ou personnes pour lesquelles le matériel de base (ordinateur, logiciel, modem) l'accès et le service représentent un coût prohibitif.

Bruxelles, le 13 juillet 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO C 116 du 20.04.2001, p. 30; JO C 77 du 31.03.2009, p. 60 et p. 63; JO C 175 du 28.07.2009, p. 92; JO C 317 du 23.12.2009, p. 84; JO C 128 du 18.05.2010, p. 69; JO C 255 du 22.09.2010, p. 116; JO C 48 du 15.02.2011, p. 72; JO C 54 du 19.02.2011, p. 58; JO C 107 du 06.04.2011, p. 44 et p. 58; CESE 816/2011 du 04/05.05.2011.

(2)  Voir Eurostat-STAT10/193, 14.12.2010.

(3)  Pratique qualifiée «edutainement» en anglais.

(4)  COM(2010) 245 final/2; JO C 54 du 19.02.2011.

(5)  UE, Déclaration ministérielle, Malmö, Suède, le 18.11.2009.

(6)  UE, Déclaration ministérielle «Les TIC pour une société inclusive», Riga, Lettonie, le 11.06.2006, pt 4.

(7)  D’après l'Insead, «The school of the world» citée par DG Industry, M. Richier, audition 28.03.2011.

(8)  DIR 2002/22/CE

(9)  JO C 94 du 18.04.2002; JO C 110 du 09.05.2006; JO C 175 du 27.07.2007; JO C 224 du 30.08.2008; JO C 175 du 28.07.2009; JO C 128 du 18.05.2010; JO C 44 du 11.02.2011; JO C 54 du 19.02.2011; JO C 107 du 06.04.2011, p. 53.

(10)  JO C 44 du 11.02.2011, p. 17; JO C 77 du 31.03.2009, p. 115; JO C 74 du 23.03.2005, p. 44.

(11)  JO C 317 du 23.12.2009, p. 84.

Voir EHTEL, European Health Telematics Association.

(12)  COM(2010) 636 final; La Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées/UE/23.12.2010.

(13)  JO C 277 du 17.11.2009, p. 85.

(14)  Convention de l’Unesco relative à la promotion la diversité des expressions culturelles 20.10.2005, entrée en vigueur le 18 mars 2007; Résolution du PE du 05.05.2010 Un nouvel agenda numérique pour l’Europe, 2015.eu.

(15)  IMI, COM(2011) 75 final du 21.02.2011 - Coopération et Europe / Développement économique et emploi, www.ec.europa.eu/imi-net.

(16)   Cloud computing : usage des technologies de l’information visant la livraison de produits, services, et solutions de gestion en temps réel par Internet, de manière interne à l’entreprise (private) ou externe (public), ou hybride. Avis CESE (TEN/452), en cours.

(17)   e-Learning : utilisation des nouvelles technologies, du multimédia et de l'Internet afin d'améliorer la qualité de l'éducation et de la formation à travers l'accès à distance à des ressources et des services, ainsi qu'à des collaborations et des échanges. (définition de la Commission européenne - Initiative e-Learning).

(18)  JO C 218 du 23.7.2011, p. 130.

(19)  JO C 107 du 06.04.2011, p. 58 et COM(2010) 521 final.

(20)  Alex Türk, président de la Commission Nationale Informatique et Libertés, France, in «La vie privée en péril, des citoyens sous contrôle», Ed. O. Jacob, 2011; travaux du G29, groupe de travail rassemblant les représentants de chaque autorité indépendante de protection des données nationales (art. 29, DIR. du 24.10.1995.

(21)  7oPCRD pour 2007-2013 - Décision CE 1982/2006 du 18.12.2006.

(22)  Avis 5/2009 du G29 sur les réseaux sociaux en ligne, 12.06.2009, chap. 5, pt. 8: concevoir des technologies paramétrées par défaut pour le respect de la vie privée.

(23)  www.ec.europa.eu/eyouguide.

(24)  Résolution du Parlement européen du 5 mai 2010 sur un nouvel agenda numérique pour l'Europe: 2015.eu pt 29, de nombreux «États membres n’ont toujours pas ratifié la Convention du Conseil de l’Europe sur la cybercriminalité».

(25)  DOC No: 3708 INFOSOC, mars 2008 - Charte des droits des consommateurs dans le monde numérique.

(26)  COM(2010) 245 final/2, Action 4.

(27)  Déclaration de Malmö, 2009.

(28)  Accord-cadre ETUC-BUSINESS.EUROPE, CEEP, UEAPME- 2010.

(29)  Recommandation du Parlement européen et du Conseil établissant le cadre européen des certifications pour l'éducation et la formation tout au long de la vie (2008/C 111/01).

(30)  Consultation lancée jusqu’au 2.05.2011.

(31)  PE, Rapport Podimata sur la taxation des transactions financières - 529 voix pour, 127 voix contre, 18 abstentions-(8 & 9.03.2011).

(32)  JO C 132 du 03.05.2011, p. 8.

(33)  JO C 48 du 15/02/2011, p. 72.

(34)  JO C 175 du 28.07.2009, p. 8.


29.10.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/19


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Partenariat oriental et dimension orientale des politiques de l'UE, en particulier la politique agricole de l'UE — sécurité alimentaire, commerce non perturbé, coopération accrue et aide au développement, partenariat stratégique» (avis exploratoire)

2011/C 318/03

Rapporteur: M. Seppo KALLIO

Le 30 novembre 2010, la future présidence polonaise de l'UE a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur le thème

«Partenariat oriental et dimension orientale des politiques de l'UE, en particulier la politique agricole de l'UE — sécurité alimentaire, commerce non perturbé, coopération accrue et aide au développement, partenariat stratégique»

(avis exploratoire).

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 21 juin 2011.

Lors de sa 473e session plénière des 13 et 14 juillet 2011 (séance du 14 juillet 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 149 voix pour et 1 voix contre.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le CESE souligne que les objectifs des pays partenaires et leur volonté d'entreprendre des réformes politiques et économiques sont importants dans le cadre des négociations relatives aux accords d’association et de libre-échange avec l'Union européenne.

1.2   Le CESE considère comme une question essentielle de savoir dans quelle mesure les pays partenaires disposent de la capacité ou de la volonté politique d'entreprendre les réformes économiques et sociales exigées dans le cadre de ces accords.

1.3   Il est crucial pour le CESE que les accords d'association et de libre-échange aient pour objectif de réconcilier les intérêts des pays partenaires et de l'UE afin que les avancées à venir soient bénéfiques pour toutes les parties.

1.4   Le CESE est d'avis que la stratégie de négociation de l'Union européenne doit prendre davantage en compte la situation du secteur agricole et l'importance de la politique agricole pour la coopération entre l'UE et les pays partenaires. Dans les accords en la matière, l'agriculture et le secteur alimentaire doivent jouer un rôle plus concret.

1.5   Le CESE souligne qu'à ce jour, la place laissée au secteur agricole et à la politique agricole dans la plate-forme «Intégration économique et convergence avec les politiques de l'UE» est insignifiante. L'agriculture, la production agricole et la politique agricole doivent figurer parmi les sujets abordés.

1.6   Le CESE a la ferme conviction que l'agriculture constitue un secteur d'une importance capitale pour le développement économique, social et régional des pays partenaires. Une évolution favorable de ce secteur sera nécessaire pour atteindre les objectifs. L'investissement dans l'agriculture et le développement du secteur sont également des conditions clés indispensables à la réduction de la pauvreté dans les zones rurales.

1.7   Le CESE estime essentiel d'améliorer la compétitivité et la qualité des produits agricoles et des denrées alimentaires ainsi que la sécurité alimentaire et la qualité des autres aliments provenant des pays partenaires. Répondre aux réglementations et normes fixées dans l'accord de l'OMC sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires (MSP) s'est révélé un problème de taille dans la démarche visant à garantir l'accès des denrées alimentaires des pays partenaires au marché. Assurer la sécurité alimentaire sur les marchés de l'UE requiert de respecter les critères de qualité. Pour résoudre ces problèmes, les pays partenaires ont besoin de bénéficier d'un soutien technique et financier et d'être conseillés.

1.8   La difficulté éprouvée par les pays partenaires pour respecter l'accord de l'OMC sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires pour les denrées alimentaires a été identifiée comme une entrave considérable au commerce des produits agricoles. Néanmoins, lorsque les pays du partenariat oriental disposent déjà de normes sanitaires et phytosanitaires spécifiques et opérationnelles, quand bien même non entièrement compatibles, la Commission doit s'employer à chaque fois que possible à négocier leur reconnaissance mutuelle. De la même manière, tant l'UE que ces pays doivent également faire preuve d'une extrême vigilance afin d'éviter qu'avec l'entrée en vigueur des Accords concernant des zones de libre-échange approfondies et complètes (DCFTA), des acteurs des pays tiers ne trouvent le moyen d'importer dans l'UE par des voies détournées des denrées alimentaires illégales ou non conformes aux normes ou d'autres produits reconnus comme une menace sanitaire pour les hommes, les animaux et les végétaux. Le CESE propose que les mesures sanitaires et phytosanitaires deviennent un nouveau thème spécifiquement traité dans le cadre des initiatives phares

1.9   Le CESE souligne que la transition vers une économie de marché nécessite un changement de mentalité, la mise en place de réglementations et d'institutions et des capacités techniques globales permettant d'adapter les méthodes et les pratiques dans les domaines de la production primaire, de la transformation et du commerce extérieur.

1.10   Le Comité estime nécessaire de renforcer la coopération, surtout dans les domaines de la formation et de la recherche, où les projets de recherche conjoints, les visites et les séminaires jouent un grand rôle dans le développement de la compréhension mutuelle et de modèles opérationnels.

1.11   Le CESE fait également valoir que prévenir les retombées environnementales nuisibles des engrais et des pesticides, tant dans les sols que dans les systèmes aquatiques, relève de l'intérêt commun de l'UE et des pays partenaires. Garantir le cycle des substances nutritives constitue également un objectif de développement majeur.

1.12   Le CESE pense qu'une coopération entre l'UE et les pays partenaires sur les questions énergétiques est également d'une importance capitale pour le développement agricole.

1.13   Le Comité souligne que le respect des droits fondamentaux du travail approuvés par l'Organisation internationale du travail (OIT) constitue un élément majeur du respect des droits humains. Il importe que les normes du travail approuvées au plan international soient respectées dans les zones de libre-échange approfondies et complètes créées entre l'Union européenne et les pays partenaires.

1.14   Le CESE est d'avis qu'il conviendrait de renforcer considérablement l'aide aux organisations du secteur alimentaire des pays du partenariat oriental. Elles doivent être largement associées au forum de la société civile. Cette démarche implique aussi un rôle accru pour le CESE et une participation équilibrée à ces travaux importants réalisés par les organisations qu'il représente.

1.15   Le CESE estime que l'UE et les gouvernements des pays partenaires doivent soutenir et encourager le renforcement des capacités des organisations, ainsi que leur participation à l'élaboration de la stratégie du partenariat oriental et à la mise en place de processus permettant à une société civile indépendante d'apporter une importante contribution au développement de la coopération agricole.

2.   Contexte

2.1   Il est crucial pour l'Union européenne que la stabilité, une meilleure gouvernance et le développement économique prévalent dans les pays qui bordent ses frontières orientales. La politique européenne de voisinage a réussi à forger des liens étroits entre l'UE et ses voisins. La politique du partenariat oriental, approuvée à Prague en 2009, doit aller plus loin. Nos partenaires (1) en Europe orientale et dans le Caucase du Sud cherchent tous à resserrer leurs relations avec l'UE. L'Union soutient fermement ces pays dans leurs efforts visant à se rapprocher d'elle. L'UE promeut activement des réformes essentielles par l'intermédiaire du partenariat oriental, qui s'inscrit dans la politique européenne de voisinage; en effet, les pays membres du partenariat souffrent à l'heure actuelle de lacunes considérables en ce qui concerne les objectifs politiques et la pratique de la démocratie.

2.2   Dans une déclaration (2), le Conseil européen estime que le partenariat oriental contribuera à renforcer considérablement la politique de l'UE s'agissant des pays voisins de l'Est et partenaires, en s'efforçant de créer les conditions d'une association politique et d'un renforcement de l'intégration économique entre l'Union européenne et ses partenaires orientaux.

2.3   Les négociations bilatérales visent à conclure avec chaque pays un accord d'association, dont la création d'une «zone de libre-échange approfondie et complète» (DCFTA (3)) (4) constitue un élément clé.

2.4   Les objectifs des pays partenaires et leur volonté politique de conclure des accords avec l'UE sont importants pour l'évolution des négociations. Le degré auquel ces pays disposent de la capacité ou de la volonté politique d'entreprendre les réformes économiques et sociales exigées dans le cadre de ces accords constitue une question essentielle.

2.5   Les pays partenaires, dans la déclaration de Prague, se sont engagés à mener des réformes politiques et économiques. La démocratie, la bonne gouvernance, la promotion de l'État de droit et du respect des droits humains, l'éradication de la corruption et la garantie d'une participation de la société civile sont essentielles. Le point de départ des réformes économiques est l'application des pratiques de l'économie de marché et la mise en conformité des normes et réglementations avec la législation européenne (5).

2.6   La voie multilatérale privilégiée dans le cadre du partenariat oriental complète les relations bilatérales en établissant une coopération, un dialogue ouvert et un échange de meilleures pratiques et d'expériences. La coopération s'articule autour de plates-formes thématiques et de certaines initiatives phares (6), ainsi que du forum de la société civile (7). La convergence du secteur agricole et celle de la politique agricole sont des questions traitées dans le cadre de la plate-forme «Intégration économique et convergence avec les politiques de l'UE». La place de l'agriculture et de la politique agricole est jusqu'à ce jour inexistante. Ces deux aspects doivent être inclus dans la liste des thèmes à aborder.

2.7   L'agriculture et la production alimentaire constituent un secteur vital pour tous les pays du partenariat oriental. Elle représente une part du PIB élevée et emploie un nombre considérable de personnes. La forte croissance de la production agricole et alimentaire est une condition de la croissance de l'économie dans son ensemble et, dans le même temps, de la réduction de la pauvreté.

2.8   Le présent avis:

a)

souligne la nécessité de préciser l'approche stratégique de l'UE à l'égard des pays du partenariat oriental, y compris dans le domaine de la politique agricole,

b)

examine des projets mis en œuvre ou en cours dans le secteur agricole, à l'appui des objectifs du partenariat oriental,

c)

fait valoir que les questions agricoles sont liées à de nombreuses politiques européennes et à leurs objectifs dans le cadre de la politique de partenariat.

2.9   Le CESE suggère que la stratégie de négociation de l'Union européenne devrait prendre en compte l'importance de la politique agricole pour la coopération entre l'UE et les pays partenaires et la place du secteur agricole dans la politique de développement des pays partenaires.

2.10   Les pays partenaires sont d'importants producteurs de céréales, de produits animaux, de légumes et de racines ainsi que de fruits et de raisin. L'Ukraine est l'un des premiers producteurs mondiaux de céréales. En 2008, elle était le huitième producteur et le septième exportateur en importance. La productivité s'améliore mais le rendement annuel des récoltes pourrait encore augmenter considérablement. Si la production de l'Ukraine varie entre 40 et 50 millions de tonnes, la récolte céréalière annuelle des cinq autres pays partenaires s'élève à un total de quelque 15 millions de tonnes.

2.11   L'UE-27 est le plus grand partenaire commercial de l'Ukraine, de l'Arménie, de l'Azerbaïdjan, de la Géorgie et de la République de Moldavie (8), et le second partenaire commercial en importance de la Biélorussie (9). Plus de la moitié des exportations en provenance de la République de Moldavie et un peu moins de 50 % de celles provenant de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan sont destinées à des pays de l'UE. En outre, les produits agricoles jouent un rôle de premier plan dans les échanges commerciaux qu'entretiennent les pays du partenariat oriental avec l'Union européenne.

3.   Éléments stratégiques de l'agriculture et de la politique agricole

3.1   Le CESE souligne que l'agriculture constitue un secteur particulièrement important pour le développement économique, social et régional des pays partenaires. Améliorer la sécurité alimentaire est également un objectif social majeur pour ces pays. En premier lieu, le besoin de technologies et d'expertise en matière de production, de transformation et de marketing se fait cruellement sentir. Améliorer la qualité et la compétitivité des produits agricoles et des denrées alimentaires constitue un autre objectif des pays partenaires.

3.1.1   Un autre élément stratégique à prendre en considération est la politique de développement rural, deuxième pilier de la PAC qui permet d'utiliser des fonds communautaires pour améliorer la situation économique et sociale des zones rurales et de leur population. Il s'agit non seulement de maintenir la production agricole dans les conditions exigées par l'UE, mais aussi de préserver l'emploi et l'habitabilité des zones rurales, dans le respect de leur culture et des mesures environnementales prises en faveur du développement durable des zones rurales.

3.2   L'Union européenne est, avec un marché de 500 millions de consommateurs et compte tenu de leur pouvoir d’achat, la plus grande zone commerciale du monde. La proximité des marchés offre aux pays partenaires et à l'UE la possibilité de développer les flux d'échanges et donc les conditions de la croissance économique.

3.3   L'objectif poursuivi par les politiques agricole et commerciale de l'UE est d'assurer la stabilité des marchés de produits alimentaires dans des conditions changeantes. La politique mise en œuvre devrait garantir aux consommateurs européens des produits de grande qualité à des prix équitables. Il importe qu'elle veille à la stabilité des marchés, qui répondent aux besoins des consommateurs tout en assurant un revenu équitable aux agriculteurs.

3.4   Le maintien de la sécurité alimentaire figure parmi les objectifs fondamentaux des secteurs agricole et alimentaire de l'Union européenne. La prévention des maladies des animaux et des végétaux et une surveillance étroite des résidus nuisibles pour la santé permettent de veiller à ce que les produits alimentaires soient sûrs pour les consommateurs. À cet effet, des contrôles frontaliers portent sur les aliments importés dans l'Union, y compris ceux en provenance des pays du partenariat.

3.5   Il est crucial pour le CESE que les accords d'association et de libre-échange aient pour objectif de concilier les intérêts des pays partenaires et de l'UE, afin que les avancées à venir soient bénéfiques pour toutes les parties.

4.   Points de départ pour les négociations de libre-échange et principales questions

4.1   Les négociations relatives à la zone de libre-échange portent sur un large éventail de questions liées au commerce: les tarifs, les services, les formalités douanières, les normes sanitaires et phytosanitaires (accord MSP), les marchés publics, les indications géographiques, les instruments de défense commerciale et les aspects techniques de la protection des frontières (10).

4.2   Depuis deux ans à présent, les négociations avec l'Ukraine sur la création d’une zone de libre-échange approfondie et complète se poursuivent de manière intensive. Elles ont commencé après l'adhésion officielle de l'Ukraine à l'OMC, en 2008 (11). Elles n'ont pas encore abouti à une percée, qui pourrait cependant survenir en 2011.

4.3   Le lancement de ce type de négociations de libre-échange requiert l'adhésion à l'OMC. Des efforts sont actuellement déployés pour entamer des négociations avec la République de Moldavie, l'Arménie et la Géorgie dans les meilleurs délais. La République de Moldavie a fait part de sa volonté de mener à bien ces négociations assez rapidement.

4.4   L'Azerbaïdjan n'étant pas encore membre de l'OMC, il n'est toujours pas possible de lancer les négociations de libre-échange. Les conditions politiques pour entamer pareilles négociations avec la Biélorussie ne sont par ailleurs pas réunies.

4.5   Répondre aux critères fixés dans l'accord de l'OMC sur les mesures sanitaires et phytosanitaires (accord MSP) s'est révélé être un problème de taille dans la démarche visant à garantir l'accès des denrées alimentaires des pays partenaires au marché. Cet accord, ainsi que d'autres normes environnementales et sanitaires européennes, imposent à l'Ukraine et aux autres pays partenaires de procéder à d'importantes activités de développement. À cette fin, les pays partenaires ont besoin de bénéficier d'un soutien technique et financier et d'être conseillés.

5.   Développer le secteur agricole dans les pays partenaires

5.1   Le programme du partenariat oriental, arrêté à Prague le 7 mai 2009, amène la coopération financière entre l'UE et les six pays partenaires à un niveau plus élevé. L'Union a prévu d'allouer 600 millions d'euros à la coopération au cours de la période 2010-2013. Les financements transitent par l'Instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP) (12).

5.2   Au cours de la période 2007-2011, 10 à 12 projets portaient spécifiquement sur le développement de l'agriculture et de la sécurité alimentaire (13). De nombreux projets étaient d'ampleur réduite. Le plus grand a concerné la modernisation de la production vinicole de la République de Moldavie. Il est cofinancé par la Banque européenne d'investissement et a débuté en 2010.

5.3   Environ la moitié des projets visent à améliorer la sécurité alimentaire dans les pays partenaires en développant le savoir-faire concernant, notamment, les mesures sanitaires et phytosanitaires. Quelques projets sont destinés à développer la gestion et la planification agricoles. En 2009, la Géorgie s'est vu octroyer un peu moins de 2 millions d'euros pour renforcer la sécurité alimentaire des enfants vulnérables.

5.4   Dans le cadre des négociations d'association avec l'Ukraine, les deux parties ont souligné entre autres l'importance de promouvoir la compétitivité de la production agricole et l'objectif visant à prendre en compte les éléments qualitatifs liés aux denrées alimentaires (14). Concrètement, il en résulte que l'aide européenne dans ce secteur devrait être axée sur le développement des institutions, le conseil et la formation.

5.5   La pratique a montré que le passage d'une économie planifiée à une économie de marché dans les pays partenaires est un long processus. Des efforts doivent être déployés afin de promouvoir ce processus et d'examiner cette question. Outre un changement de mentalité, la transition vers une économie de marché nécessite d'adopter des réglementations et de mettre en place des institutions et des capacités techniques permettant d'adapter les méthodes et les pratiques dans les domaines de la production primaire, de la transformation et du commerce extérieur. La coopération dans le cadre du partenariat et les programmes de l'UE devraient créer les conditions permettant de diversifier la coopération en matière agricole et d'améliorer les termes de l'échange.

5.6   Des sujets particuliers ont été désignés comme objectifs de développement pour l'UE et les pays partenaires. Ils se sont révélés de première importance dans le cadre des négociations bilatérales. Les thèmes et sujets liés à ces différents domaines ont été baptisés «initiatives phares». Étant donné que la difficulté des pays partenaires à respecter les réglementations et normes fixées par l'accord de l'OMC sur les mesures sanitaires et phytosanitaires a été identifiée comme une entrave considérable au commerce des produits alimentaires, cette question devrait être couverte par les initiatives phares.

6.   Prendre en compte les facteurs environnementaux et l'impact social

6.1   La production agricole et l'industrie alimentaire ont un impact notable sur l'environnement local. Le choix des méthodes de culture influe tout particulièrement sur la qualité des sols, des eaux de surface et des nappes phréatiques. Prévenir les retombées environnementales nuisibles des engrais et des pesticides, tant dans les sols que dans les systèmes aquatiques, relève de l'intérêt commun de l'UE et des pays partenaires. Garantir le cycle des substances nutritives constitue également un objectif de développement majeur.

6.2   Les évolutions que connaissent les marchés mondiaux de l'énergie et la gestion énergétique de chaque pays jouent un rôle important dans le développement et la réussite de la production agricole. Les rendements dépendent de la disponibilité et des prix d'intrants qui nécessitent de l'énergie, comme les engrais. Dans le même temps, la production d'énergie renouvelable a un impact sur les prix des denrées alimentaires, une partie de la bioénergie pouvant être produite sur des terres agricoles. Une coopération bilatérale entre l'UE et les pays partenaires sur les questions énergétiques s'avère dès lors d'une importance capitale pour le développement agricole aussi.

6.3   Dans le cadre des interactions entre l'Union européenne et les pays partenaires, il y a lieu de prêter attention au rôle joué par le secteur agricole dans le développement des zones rurales de ces pays. En l'absence d'évolutions favorables dans le développement régional, les écarts de richesses entre les différentes régions atteindront des niveaux alarmants.

6.4   Le respect des droits fondamentaux du travail approuvés par l'Organisation internationale du travail (OIT) constitue un élément majeur des droits humains. Il importe que les normes du travail approuvées au plan international soient respectées dans la zone de libre-échange créée entre l'Union européenne et les pays partenaires.

7.   Développement de la coopération administrative et d'autres formes de coopération

7.1   La mise en œuvre du partenariat oriental, des accords d'association, de la zone de libre-échange approfondie et complète et d'autres formes de coopération requiert une interaction et une coopération intenses entre les décideurs politiques, les pouvoirs publics et les experts mais aussi les organisations internationales, sans parler des organisations économiques et sociales et des organisations de la société civile. Il y aurait lieu de prendre cet élément en considération dans le cadre de l'application du programme du partenariat oriental.

7.2   Les échanges entre les citoyens de l’UE et des pays partenaires, notamment les jeunes, doivent être entérinés comme un moyen de promouvoir le changement. L'UE a reconnu la valeur de la coopération culturelle et du dialogue interculturel, en tant que partie intégrante des politiques extérieures (15).

7.3   La coopération peut être renforcée, surtout dans les domaines de la formation et de la recherche, où les projets de recherche conjoints, les visites et les séminaires jouent un grand rôle dans le développement de la compréhension mutuelle et de modèles opérationnels.

8.   Le rôle et la position des organisations doivent être renforcés

8.1   Il convient d'accorder une attention particulière à la participation des organisations représentatives de la société civile dans la coopération entre l'UE et les pays partenaires. Le CESE recommande d'apporter un soutien, d'une part, aux efforts déployés par les organisations de la société civile pour développer leurs activités et, d'autre part, au renforcement du Forum de la société civile pour le partenariat oriental.

8.2   Le rôle et le statut de la société civile dans les pays du partenariat oriental ont été plutôt faibles. Pour développer la démocratie, il est essentiel de consolider la fonction des organisations indépendantes. Le CESE a déjà élaboré des avis sur le renforcement et le soutien du rôle des organisations et de la société civile dans les pays concernés. Le Comité a publié un avis sur la question (16) sous la présidence tchèque, au printemps 2009.

8.3   La participation de la société civile a été jusqu'à présent bien trop limitée et mal organisée. L'une des préoccupations centrales de la politique du partenariat oriental doit être de guider et d'aider un large éventail d'organisations afin qu'elles puissent apporter une valeur ajoutée importante à l'amélioration et au renforcement de la coopération entre l'UE et les pays partenaires.

8.4   La position et les capacités des organisations dans le secteur agricole sont relativement faibles elles aussi. Le développement du secteur et le renforcement de la coopération avec l'UE passent par celui des organisations du secteur agricole, grâce à une amélioration de la formation et à la promotion des compétences, tant au niveau national qu'en relation avec le maintien des relations avec l'UE et la mise en œuvre du partenariat oriental.

8.5   Pour promouvoir le programme du partenariat oriental, il y a lieu que les organisations des secteurs agricole et alimentaire jouent un rôle significativement plus important à chaque étape du processus. La complexité de la chaîne d'approvisionnement alimentaire génère des défis supplémentaires, tant pour les travailleurs, les industriels, les chercheurs, les conseillers et les gestionnaires que pour les producteurs. Soutenir les activités de l'ensemble des parties et renforcer les capacités des organisations sont des conditions nécessaires pour que la coopération agricole des pays partenaires et de l'UE puisse parvenir à des résultats durables, bénéfiques pour les deux parties. Il est vital d'intensifier les activités organisées conjointement par le CESE, les organisations européennes et celles du niveau national.

Bruxelles, le 14 juillet 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Les partenaires orientaux sont les pays d'Europe orientale et du Caucase du Sud couverts par la politique européenne de voisinage: l'Arménie, l'Azerbaïdjan, la Géorgie, la République de Moldavie, l'Ukraine et la Biélorussie. Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur le partenariat oriental, COM(2008) 823 final.

(2)  Conseil de l'Union européenne: Déclaration du Conseil européen sur le Partenariat oriental, Bruxelles, 20 mars 2009, 7880/09, CONCL 1.

(3)  DCFTA est l'acronyme de «Deep and Comprehensive Free Trade Area».

(4)  Alexander Duleba et Vladimir Bilčik: Toward a Strategic Regional Framework for the EU Eastern Policy, Searching for Synergies between the Eastern Partnership and the Partnership for Modernization with Russia («Vers un cadre régional stratégique pour la politique orientale de l'UE, recherche de synergies entre le partenariat oriental et le partenariat pour la modernisation avec la Russie»), Bratislava 2010.

(5)  Conseil de l'Union européenne, conclusions de la Présidence, Conseil européen, Bruxelles, 19 et 20 mars 2009, 7880/09, CONCL 1.

(6)  Les cinq initiatives emblématiques du Partenariat oriental sont les suivantes (http://eeas.europa.eu/eastern/initiatives/index_en.htm):

a)

programme intégré de gestion des frontières,

b)

initiative phare en faveur des PME,

c)

promotion des marchés régionaux de l'énergie et de l'efficacité énergétique,

d)

prévention, préparation et réponse aux catastrophes naturelles ou d'origine humaine,

e)

initiative phare en faveur de la promotion de la bonne gouvernance environnementale,

f)

diversification de l'approvisionnement en énergie: Corridor Sud.

(7)  Mise en œuvre du partenariat oriental: rapport à la réunion des ministres des affaires étrangères, 13 décembre 2010.

(8)  UE: DG Commerce: Statistiques.

(9)  Commission européenne: commerce, relations bilatérales, pays, Biélorussie.

(10)  Voir note de bas de page no 6.

(11)  4th Joint Progress Report, Negotiations on the EU-Ukraine Association Agreement (4e Rapport d'étape conjoint sur les négociations relatives à l'Accord d'association UE-Ukraine), Kiev, 4-8 novembre 2010.

(12)  Commission européenne, Direction générale des relations extérieures, Politique européenne de voisinage, Guide du financement dans le cadre du partenariat oriental, 24 septembre 2010.

(13)  EAP Community, www.easternpartnership.org.

(14)  Commission européenne - DG RELEX: liste de domaines prioritaires pour le programme d'association UE-Ukraine en 2010.

(15)  Voir note de bas de page no 2.

(16)  JO C 277 du 17.11.2009, p. 30, «Associer la société civile au partenariat oriental».


29.10.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/24


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Éducation financière et consommation responsable de produits financiers» (avis d’initiative)

2011/C 318/04

Rapporteur: M. TRIAS PINTÓ

Le 20 janvier 2011, le Comité économique et social européen a décidé, conformément aux dispositions de l’article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d’élaborer un avis d’initiative sur

«Éducation financière et consommation responsable de produits financiers».

La section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 24 juin 2011.

Lors de sa 473e session plénière des 13 et 14 juillet 2011 (séance du 14 juillet 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 142 voix pour, 6 voix contre et 4 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   La complexité et l’opacité croissantes du système financier ont ces dernières années rendu la compréhension des produits financiers encore plus difficile.

1.1.1   Face à cette situation, le CESE apprécie les différentes initiatives mises en œuvre par la Commission européenne et l’OCDE afin de pallier les carences du système financier; de même, il invite le secteur financier à dûment appliquer la nouvelle réglementation et à faire preuve d’autorégulation pour favoriser des pratiques appropriées et honnêtes, qui corrigent le comportement antérieur de certaines entités et qui facilitent l’accès à des produits financiers transparents, permettant aux consommateurs de savoir ce qu’ils souscrivent et de comparer les différentes offres du marché.

1.2   L’amélioration indispensable de la régulation, de la surveillance et de la transparence du système financier pour augmenter la protection du consommateur et de l’investisseur de produits financiers n’exonère pas le citoyen de l’engagement à développer ses aptitudes financières tout au long de son existence, dans le souci d’exercer une consommation responsable de produits financiers en prenant des décisions bien informées et parfaitement mûries. Il s’agit en définitive, de tracer un triangle vertueux entre l’éducation financière, la régulation des marchés et la protection du consommateur.

1.3   L’éducation financière doit être conçue comme une politique holistique, fondée sur la collaboration de tous les acteurs concernés: administrations publiques, secteur financier, entreprises, organisations syndicales, associations de consommateurs, système éducatif, et plus globalement, ensemble des citoyens en tant que consommateurs de produits financiers. L’éducation et la formation devraient toutefois être dispensées par des organismes libres de tout conflit d’intérêt.

1.4   Dans le cadre d’un système éducatif qui incite le citoyen européen à développer son esprit critique, l’éducation financière doit être présente tout au long du cycle de vie des personnes. Le CESE demande qu’elle soit intégrée dans les programmes d’enseignement à titre de matière obligatoire et, en prolongement, dans les plans de renforcement des aptitudes et de recyclage des travailleurs. Cette matière aura pour objectif, entre autres, de promouvoir la gestion consciente des questions financières (épargne, utilisation des cartes de crédit, emprunts, etc.), en mettant en valeur les produits financiers socialement responsables. Le CESE soutient les mesures de régulation des marchés financiers de produits de base qui ont été adoptées par la Commission européenne pour accroître la transparence et améliorer la qualité de l’information et les mécanismes de surveillance.

1.5   Une éducation financière pleinement accessible est bénéfique pour l’ensemble de la société. Les projets de développement des aptitudes financières doivent être destinés prioritairement aux segments de la population qui courent un risque d’exclusion financière, et le secteur financier doit de son côté s’engager activement dans une double action conjuguant microfinancements et éducation et faciliter l’accès à des services financiers de base.

1.6   Le CESE met en évidence l’impact limité des programmes actuels d’éducation financière, et souligne en même temps qu’évaluer le caractère approprié des différents programmes éducatifs et l’efficacité des canaux d’accès utilisés est aussi important que d’identifier les besoins de formation des consommateurs de produits financiers et de concevoir des propositions ad hoc. Il faut à cette fin la participation des parties intéressées.

1.7   L’éducation financière est en définitive un élément clé pour maintenir la confiance envers le système financier et exercer une consommation responsable de produits financiers. Ainsi, dans une perspective d’avenir, il est indispensable que les institutions (publiques et privées) les plus pertinentes et les parties prenantes unissent leurs forces pour doter l’éducation financière des stratégies et des ressources qu’elle mérite et remédier au manque de coordination et à l’insuffisance de synergies entre les nombreuses initiatives existantes (à l’échelle internationale, européenne et des États membres).

1.8   Le CESE est conscient du fait que les compétences de la Commission en matière d’éduction sont limitées mais cela étant, il fait valoir que l’éducation financière dépasse le cadre de l’éducation en soi dès lors qu’elle concerne également le renforcement de la capacité d’action des personnes, traite le problème de l’exclusion sociale et promeut une consommation responsable.

1.9   Enfin, le CESE insiste sur la nécessité d’inscrire les besoins des consommateurs de produits financiers parmi les thèmes prioritaires des réunions internationales à haut niveau, en particulier le sommet du G20. A cet égard, il demande la constitution d’un groupe d’experts en protection financière du consommateur.

2.   La culture financière et le rôle des consommateurs

2.1   La culture de la dérégulation et de l’autorégulation financières, la créativité en matière de finances, la sophistication des nouveaux instruments financiers et l’opacité du système constituent non seulement la cause principale de la crise majeure à laquelle nous sommes confrontés, mais empêchent également les citoyens de pénétrer les arcanes du fonctionnement d’un marché déjà complexe en soi et mondialisé, inondé de produits financiers d’une diversité considérable.

2.2   Dans «la société de la connaissance», qui doit tirer parti d’un système éducatif capable de stimuler l’esprit critique de ses citoyens, l’éducation financière constitue un instrument stratégique devant accompagner la nouvelle régulation du système financier. En effet, il n’est pas possible de construire un système financier plus solide, plus sûr et plus transparent sans avoir l’appui de consommateurs responsables et engagés en faveur du développement de leurs capacités financières.

2.3   De fait, le concept de «consommation responsable de produits financiers», qui invite à dissocier désir et besoin, est en plein essor. De même, «l’épargne consciente» fait de plus en plus d’adeptes. Il s’agit d’un concept qui, dans une perspective de long terme, fait la promotion de produits socialement responsables (1), c’est-à-dire qui attestent d’un meilleur comportement en matière environnementale, sociale et de gouvernance des entreprises (critères ESG).

2.4   L’objectif ne doit pas être simplement de transmettre des connaissances et des attitudes (éducation financière), mais aussi de parvenir à une capacité de jugement bien informé (alphabétisation financière) afin que les citoyens puissent, dans la réalité concrète, prendre des décisions appropriées lorsqu’ils gèrent leurs économies à titre individuel (renforcement des aptitudes financières).

2.5   En définitive, une partie importante des décisions qu’une personne doit prendre durant sa vie, depuis la recherche de financement pour les études jusqu’à la planification de la pension de retraite, sont associées à un comportement financier, qui a une incidence directe sur l’entourage personnel et familial du citoyen (2).

2.6   De plus, si l’on prend en compte le contexte de crise économique internationale, l’intérêt croissant des citoyens pour le développement durable et le comportement du monde des entreprises envers les dimensions environnementale, sociale et de gouvernance de l’entreprise (critères ESG), il semble important de favoriser une meilleure information sur la manière d’intégrer ces critères dans les décisions financières des consommateurs individuels.

2.7   Par conséquent, le Comité estime qu’il est fondamental d’assurer une culture financière suffisante à l’ensemble des catégories de la population durant toute leur existence, afin de préserver leur confiance envers un système financier bien régulé et garantir le développement et la stabilité de celui-ci, en favorisant une consommation intelligente de produits financiers, fondée sur des décisions bien informées et parfaitement mûries. Cette question devient en fait actuellement un objectif commun pour les gouvernements et les organismes régulateurs et de surveillance.

2.8   Les entités financières ont également un rôle important à jouer. Pour ce faire, la société doit pourvoir compter sur l’engagement d’une industrie financière qui soit garante de pratiques honnêtes et transparentes dans la prestation de services aux clients et se mette clairement au service de l’intérêt des personnes.

3.   Actions en matière d’éducation financière

3.1   Par «éducation financière», on entend le processus par lequel les consommateurs améliorent leur compréhension des produits financiers et acquièrent des connaissances plus larges sur les risques financiers et les possibilités que présente le marché, devenant ainsi aptes à prendre des décisions d’ordre économique à partir d’informations appropriées. Une éducation financière pleinement accessible profite à l’ensemble de la société, en réduisant les risques d’exclusion financière et en encourageant les consommateurs à planifier et à épargner, ce qui contribue également à éviter le surendettement.

3.2   Pour promouvoir la culture financière des consommateurs, les organismes régulateurs, les entités financières et les autres acteurs de la société civile ont lancé diverses initiatives sous l’intitulé «Plans d’éducation financière».

3.3   Ce thème n’est pas une nouveauté: il a été abordé par le passé par l’OCDE (3), la Commission européenne (4) et le Conseil ECOFIN (5).

3.4   Les initiatives institutionnelles les plus significatives menées en la matière au niveau européen ont été la mise en place d’un large volet sur l’éducation financière dans le cadre du projet d’éducation à la consommation intitulé DOLCETA (Development of On Line Consumer Education Tools for Adults – développement d’outils en ligne pour l’éducation continue à la consommation) et la création par la Commission en octobre 2008 du Groupe d’experts sur l’éducation financière (GEEF) qui depuis se réunit périodiquement en vue d’analyser les différentes stratégies de développement des programmes d’éducation financière, en encourageant la coopération public-privé afin de favoriser une meilleure mise en œuvre.

3.5   La nécessité d’améliorer l’éducation financière se justifie par des facteurs tels que la complexité des nouveaux instruments financiers, les changements démographiques (6) et le nouveau cadre réglementaire européen (7).

3.6   S’ajoute à cela le fait que la population est en général dotée d’une culture financière insuffisante. Pour être atteint, cet objectif exige comme préalable que les citoyens prennent conscience de la nécessité d’améliorer leur formation financière. À cet égard, le CESE demande que soient réalisées, au niveau national, davantage de campagnes de vulgarisation sur le thème des finances.

3.7   Le CESE est favorable à ce que tous les citoyens (enfants, jeunes, personnes âgées, personnes handicapées ou autres groupes) se voient offrir un accès effectif aux programmes de renforcement des aptitudes financières correspondant à la thématique propre à chaque étape de la vie, en prenant en considération les objectifs et les intérêts de chaque groupe. Parallèlement aux contenus essentiels de la formation (planification financière, épargne, endettement, assurances et retraites, etc.) et à la méthodologie spécifique de sa mise en œuvre, il convient de prévoir des canaux efficaces permettant de toucher les différents segments de la population: établissements scolaires, lieux de travail, associations de consommateurs, sites Internet, publications spécialisées, moyens de communication, etc.

3.8   Les enfants et les jeunes sont le public prioritaire de ces programmes, mais l’éducation financière ne fait partie du cursus, c’est-à-dire n’est intégrée aux programmes scolaires, que dans un nombre restreint de pays (8). Le CESE insiste sur le fait que tant que ce sera le cas, il ne sera pas possible d’atteindre les objectifs souhaitables en matière d’acquisition de compétences financières.

3.9   De même, le CESE encourage la Commission européenne et les autres institutions à améliorer l’information et la sensibilisation à l’investissement socialement responsable (ISR) dans les différents États membres, dans le cadre des initiatives menées actuellement en matière d’éducation financière.

3.10   Les programmes d’éducation financière qui fonctionnent actuellement, dans des pays tels que le Royaume-Uni (programme de conseils d’ordre général), la France (Institut pour l’éducation financière), l’Espagne (plan d’éducation financière 2008-2012), l’Autriche («Initiative Finanz Wissen» [initiative en matière d’éducation financière]), etc., sont correctement conçus, mais souffrent d’un manque de stratégies de réalisation d’une portée suffisante, de même que d’une connaissance lacunaire de la part des citoyens des ressources en formation de ces institutions.

3.11   Le CESE estime qu’il est nécessaire d’intensifier les études destinées à évaluer le caractère approprié des contenus formatifs et des canaux d’accès utilisés et, partant, de mesurer l’amélioration des aptitudes financières dans une perspective à long terme; en particulier en ce qui concerne l’impact de cette discipline sur la formation des enfants et des jeunes.

4.   Nouveaux comportements financiers des consommateurs

4.1   Les facteurs démographiques, socioculturels et technologiques qui entourent les consommateurs induisent chez eux de nouveaux comportements financiers. Concrètement, ils cherchent de nos jours des produits sur mesure, un traitement plus professionnel, demandent davantage d’informations, s’intéressent à la destination de leurs investissements (9), et adoptent une attitude critique.

4.2   Dans ce contexte, la relation étroite qui unissait les clients à leurs entités financières se délite peu à peu: ils travaillent avec des entités diverses, désirent que leur établissement bancaire soit à proximité, ou à défaut travaillent avec une banque électronique, et recherchent l’efficacité du service et la rentabilité de leurs actifs.

4.3   Pour fidéliser les clients, la clé de la réussite se trouve dans une gestion correcte de l’information, afin d’analyser leurs habitudes de consommation et, en accord avec la définition de leur profil, de fournir l’information adéquate. Compte tenu de ce qui précède, le consommateur doit comparer les informations qu’il reçoit et parfaitement analyser les services qu’il souscrit.

4.4   Du point de vue des associations de consommateurs, il est recommandé d’adopter un certain nombre de règles dans les relations avec les entités financières (service personnalisé, qualité de service, degré de spécialisation pour certains produits) avant de se jeter dans le tourbillon de la meilleure rentabilité possible. À cet égard, l’éducation financière permettra au consommateur de détecter le danger des «pseudo-cabinets financiers».

5.   Encourager la transparence pour renforcer la protection et regagner la confiance des consommateurs

5.1   Les actions menées en matière d’éducation financière doivent être complémentaires d’une régulation complète des marchés financiers et d’un renforcement effectif de la protection du consommateur de produits financiers. Cela étant, la régulation financière n’exonère pas le citoyen de la nécessité de s’engager à développer ses capacités financières tout au long de sa vie.

5.2   La transparence est un critère indispensable dans la relation avec l’utilisateur, et un atout fondamental pour regagner la confiance du consommateur dans le secteur des services financiers.

5.3   La transparence de l’information peut être obtenue au moyen d’outils tels que les rapports et les publications, des services de conseil responsable, les prospectus informatifs, les fiches et les guides, les nouveaux canaux de consultation, les présentations de produits et de services financiers, etc. Les annotations en petits caractères, les clauses abusives dans les contrats et la publicité trompeuse doivent être supprimées.

5.4   D’une manière générale, les entités financières sont source de préoccupation pour le client; cela est dû au manque de communication, aux critères présidant à l’accueil des clients par les employés au guichet et aux documents mêmes, qui sont le plus souvent incompréhensibles pour les non-experts. Pour faire face à cette situation, les entités financières doivent engager du personnel qualifié capable de tenir les clients informés, de nouer le contact avec eux et d’utiliser leur langage.

5.5   En ce qui concerne la commercialisation de produits et de services financiers, les exigences d’information sont renforcées par le devoir de communiquer réellement au consommateur les conditions contractuelles et leurs implications respectives, avec un délai suffisant préalablement à l’acceptation de l’offre.

5.6   En particulier, il est indispensable de préciser les risques liés à chaque opération et de tenter d’équilibrer la prise de risque, étant donné que l’on a pu dernièrement constater un déplacement du risque que comporte le produit financier vers le consommateur. Dans le cas de la banque en ligne, il faut garantir l’accès complet à l’information la plus pertinente à cet égard.

5.7   Concrètement, la directive européenne 2007/64/CE sur les services de paiement impose de fournir un meilleur accès à l’information. De son côté, la directive MIFID (10) établit les informations qui sont nécessaires pour la prestation de services d’investissement, applicables à toutes les étapes de la négociation d’un contrat, c’est-à-dire les informations à fournir avant, au moment et après la conclusion d’un contrat. Elle exige par ailleurs des entités financières qu’elles renforcent la protection des investisseurs et offrent à leurs clients les produits les mieux adaptés, en fonction de leurs profils de risque et socioculturels.

5.8   Un autre instrument de protection des droits des consommateurs est la directive communautaire 2008/48/CE de crédit à la consommation, qui énonce le principe de «prêt responsable», le prêteur devant assumer l’obligation de conseil et d’évaluation de la solvabilité présente et future du consommateur à partir des informations fournies par ce dernier et de celles qui ressortent de la consultation de la base de données appropriée.

5.9   À l’avenir, un outil important de l’Union européenne pour renforcer la confiance des consommateurs sera l’Acte pour le marché unique (11), qui comporte un chapitre sur un train de mesures destinées à la protection des consommateurs de produits financiers de détail, et accorde une attention particulière à la transparence des frais bancaires et au manque actuel de protection des consommateurs de prêts hypothécaires.

6.   Promouvoir les meilleures pratiques bancaires

6.1   La déréglementation financière des dernières décennies a encouragé l’interconnexion entre le marché bancaire et le marché des capitaux, accentuant de la sorte la vulnérabilité des droits des clients de la banque commerciale.

6.2   Ainsi, les consommateurs ont-ils dénoncé l’insuffisance d’information dans la commercialisation des produits financiers, à plus forte raison lorsqu’il s’agit de produits sophistiqués nouvellement créés.

6.3   Concrètement, la Commission européenne (12) souligne que les problèmes fondamentaux de relation du consommateur avec la banque sont les suivants: information précontractuelle déficiente, conseil non fiable, manque de transparence au niveau des commissions bancaires et difficultés pour changer d’entité.

6.4   Pour lutter contre ces dysfonctionnements, la Commission européenne a lancé à destination du secteur bancaire une initiative sur l’autorégulation, visant à améliorer l’accès aux informations sur les tarifs bancaires et à garantir une meilleure compréhension et une meilleure comparabilité de ceux-ci. Le CESE se félicite de cet important projet d’harmonisation, qui devra conduire à un système plus standardisé, facilitant la comparaison entre différentes offres. IL insiste à son tour sur la nécessité de faire participer les organisations de consommateurs à ce processus afin d’en garantir le succès.

6.5   D’autre part, il y a lieu de mettre en évidence la réticence affichée par les institutions financières à placer chez leurs clients des produits d’autres entités lorsqu’ils sont moins rentables pour elles. De plus, parmi les erreurs commises dans le domaine de l’investissement collectif, figure le lancement de nouveaux produits indépendamment de la demande.

6.6   En somme, l’inadéquation entre les besoins du client et le produit auquel il souscrit est une réalité qui relève d’un modèle de gestion où l’offre entraîne la demande en profitant d’un écart de connaissances croissant, compte tenu de l’asymétrie d’information entre les vendeurs et acheteurs de produits financiers. À cet égard, le CESE propose d’établir des «codes de conduite» stricts, contraignants pour le personnel des entités financières, qui permettent de réduire les possibilités de conflits d’intérêt entre le conseil et la commercialisation. Les entités financières devraient apporter la preuve qu’elles respectent ces codes de conduite.

6.7   Par conséquent, les intermédiaires financiers (pas uniquement bancaires, mais également les agents d’assurances, les courtiers en bourse, etc.) doivent, sans préjudice de la stricte application de la réglementation en vigueur, adopter les «meilleures pratiques» pour protéger le consommateur de services financiers en instaurant des mesures d’amélioration de la qualité de l’information (claire, précise, répondant aux besoins du client, compréhensible, et permettant de faire une comparaison avec d’autres offres), des politiques qui favorisent l’éducation financière des épargnants et des investisseurs, des conseils professionnels (fiables et honnêtes) qui facilitent le choix de l’utilisateur et une entité indépendante qui défende et protège les droits et les intérêts des clients de produits financiers (médiateur).

6.8   Pour consolider ce nouveau scénario, le CESE souligne la nécessité d’améliorer la qualification des intermédiaires financiers de telle sorte qu’ils puissent accomplir cette tâche pédagogique essentielle. Le défi pour les intermédiaires financiers est double: d’une part, mieux connaître les produits qu’ils commercialisent et, d’autre part, savoir transmettre efficacement l’information à l’usager.

7.   Encourager l’inclusion financière

7.1   Le CESE est conscient que l’inclusion financière doit s’inscrire dans le contexte de la pleine inclusion sociale des personnes. Il est à cet égard évident que les garanties en matière d’emploi, de protection sociale, etc. ne feront que rendre plus viables les initiatives d’éducation financière.

7.2   Différentes études (13) constatent l’insuffisance du niveau d’éducation financière et sa corrélation avec le niveau culturel et le statut socio-économique des personnes. Ainsi, nombre d’individus éprouvent des difficultés à gérer leur situation financière et à évaluer les risques que comportent leurs investissements. L’on a également pu observer que parmi ces personnes, rares sont celles qui envisagent des plans de secours pour faire face au changement de leur situation personnelle suite à des circonstances imprévues (chômage, accident, divorce, décès du conjoint, etc.).

7.3   Dans de nombreux pays, à peine 30 % de la population adulte est capable de calculer un intérêt simple et à peine 44 % ont des connaissances de base sur le fonctionnement du système des pensions (14).

7.4   Environ 80 millions de citoyens européens, soit 16 % de la population totale, sont menacés de pauvreté. Parmi les objectifs fixés par l’Union européenne pour «l’Année européenne de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale», en 2010, figure la promotion du soutien social aux politiques d’inclusion, en soulignant la responsabilité collective et individuelle.

7.5   L’inclusion financière soutient les processus d’intégration sociale. Ainsi, il est important de valoriser les initiatives qui favorisent l’intégration financière de groupes présentant un risque élevé d’exclusion (femmes, chômeurs, personnes handicapées, personnes âgées, personnes sans ressources, etc.), dans une perspective d’accessibilité universelle, en développant des produits et services financiers adaptés à ces groupes.

7.6   Dans le contexte économique et social actuel, il est indispensable de mettre l’accent sur l’éducation financière orientée vers la planification de la retraite, étant donné la tendance lourde à s’orienter vers des régimes publics de pensions contributives, dont les prestations sont fonction des contributions versées («earnings-related benefits»). De même, il faut, en vue de favoriser l’émancipation de la femme active, assortir son inclusion dans le marché du travail de programmes spécifiques de renforcement de ses aptitudes financières.

7.7   En définitive, les mesures d’amélioration de la culture financière des consommateurs doivent cibler en priorité les segments de la population les plus vulnérables et qui sont menacés d’exclusion financière ou risquent de faire les frais de certaines opérations spéculatives abusives.

7.8   Le CESE souligne que les entités financières doivent, entre autres fonctions, faciliter l’accès des personnes sans ressources aux services bancaires, afin d’éviter leur exclusion financière. Ainsi, les programmes d’octroi de microcrédits (15) doivent faire partie intégrante des formules offertes par les entités financières. Les personnes au chômage, les jeunes qui terminent leurs études et ont besoin de cautions, les entrepreneurs, les immigrants, les personnes handicapées, etc. (16), sont les catégories de personnes visées par le microcrédit et il importe de leur en garantir l’accès.

7.9   L’action conjuguée des micro-financements et de l’éducation dans certains programmes offre d’excellents résultats, l’éducation apportant un avantage concurrentiel par rapport à d’autres initiatives exclusivement axées sur les micro-financements.

8.   Perspectives de l’éducation financière

8.1   Le CESE est pleinement conscient du fait que les compétences de la Commission en matière d’éduction sont limitées (17) mais cela étant, il fait valoir que l’éducation financière dépasse le cadre de l’éducation en soi dès lors qu’elle concerne également le renforcement de la capacité d’action des personnes, traite le problème de l’exclusion sociale et promeut une consommation responsable.

8.2   Le CESE exhorte la Commission à envisager sérieusement l’élaboration de mesures législatives qui obligent les États membres à promouvoir activement l’éducation financière.

8.3   Dans une perspective d’avenir, il existe un vaste consensus entre organismes et institutions (dont les plus intéressants en matière d’éducation financière sont probablement le réseau international sur l’éducation financière (INFE) de l’OCDE, et le groupe d’experts sur l’éducation financière (GEEF) de la Commission européenne) concernant les contenus et pratiques les plus pertinents qu’il y a lieu de considérer en matière d’éducation financière. À cet égard, le CESE rejoint pleinement ces orientations et appelle par conséquent les gouvernements et les entités financières à fournir des moyens suffisants pour promouvoir leurs initiatives:

Application d’une méthodologie commune pour évaluer le niveau de familiarité avec les questions financières et le degré d’inclusion de la population.

Inclusion accrue de l’éducation financière dans les programmes scolaires. Application d’une méthodologie internationale visant à évaluer l’efficience et l’efficacité des programmes dans les écoles.

Conception de stratégies nationales d’éducation financière, incluant des systèmes adéquats de suivi et d’évaluation d’impact.

Renforcement des stratégies d’inclusion financière. Redoublement d’efforts auprès de groupes spécifiques (jeunes, femmes, immigrés, personnes à faibles revenus).

Protection des droits des consommateurs de produits financiers.

Renforcement de la coopération entre la Commission européenne, l’OCDE et les gouvernements nationaux pour exploiter les synergies potentielles et éviter les doubles emplois.

Organisation d’une journée européenne de l’éducation financière, par exemple sous les auspices de la présidence tournante de l’Union européenne.

Promotion de l’organisation d’une conférence annuelle en faveur de l’éducation financière, avec la participation d’experts reconnus.

Création d’un système de reconnaissance publique à l’échelle européenne (par exemple un prix) récompensant les meilleures initiatives d’éducation et les meilleures pratiques.

Promotion du «permis de conduire financier».

Tenue de réunions périodiques entre gouvernements des États membres sur les programmes d’éducation financière en cours et inclusion de ces considérations dans l’agenda politique national (ces réunions doivent non seulement permettre de présenter les actions en cours mais également d’analyser l’impact de ces actions).

8.4   Le CESE souhaite ajouter les propositions suivantes, qui associent des initiatives destinées à améliorer les aptitudes financières des citoyens et différentes mesures visant à renforcer les niveaux de protection du consommateur individuel de produits financiers:

Création d’un organe indépendant, pour conseiller gratuitement les consommateurs de produits financiers et leur donner les moyens d’intégrer des critères ESG dans leurs décisions financières: ces conseils pourraient être dispensés dans le cadre d’un contact direct ou d’un service téléphonique spécial.

Régulation du rôle des intermédiaires financiers et des officiers publics dans l’éducation financière, pour faciliter un accès élargi aux informations financières et en améliorer la compréhension (18). Il conviendrait d’établir des mécanismes de surveillance à même de garantir l’impartialité de leurs opérations.

Création d’une agence européenne de protection des consommateurs individuels de produits financiers, afin de surveiller les pratiques bancaires (notamment en matière d’accessibilité, de transparence et de comparabilité des produits financiers) et de combattre la fraude. Cette institution devra être habilitée à prendre des sanctions.

Obliger le secteur financier à incorporer des supports physiques pour informer les clients de produits financiers sur leurs droits et sur les étapes à suivre en cas de non-conformité d’une proposition ou d’une décision de l’entité financière.

Faire apparaître sur les supports d’information sur les produits financiers (comme c’est le cas pour les médicaments) des avertissements sur les contre-indications et effets secondaires potentiels de chaque produit, ainsi que les éléments relatifs aux conditions des contrats.

Créer un GEEF dans chaque État membre qui dispose d’une stratégie d’éducation financière, de manière à renforcer les plans prévus, en impliquant de manière équilibrée les principaux acteurs de la société civile organisée.

Soutien de la Commission européenne à la définition d’une stratégie cohérente sur l’éducation financière (auprès des pouvoirs publics nationaux des États membres qui ne l’ont pas encore mise en œuvre), en prenant comme référence les pays ayant progressé de la manière la plus satisfaisante dans ce domaine.

Prévoir un plan budgétaire pour chaque stratégie nationale d’éducation financière, précisant qui financera les programmes d’éducation financière et avec quelles ressources.

Renforcer le parrainage par la Commission européenne des actions menées en matière d’éducation financière dans les États membres, sur la base des meilleures pratiques enregistrées.

Encourager la généralisation des comptes nationaux de sécurité sociale de telle sorte que tous les travailleurs soient informés, une fois par an, des pensions auxquelles ils auront droit au moment de leur départ à la retraite.

Encourager les produits financiers spécifiques pour les jeunes (à partir de 14 ans, âge qui précède l’émancipation et l’entrée dans la vie active) et leur envoyer des informations périodiques sur leurs caractéristiques et leur fonctionnement.

Inciter l’industrie du jouet à développer des jeux qui incluent des notions financières dans un but didactique.

Émettre des programmes de télévision et de radio de courte durée, 10 ou 15 minutes, sur des questions financières de base (crédits, hypothèques, assurances, etc. ainsi que des concepts de base tels que la rentabilité ou le risque), lancer des initiatives multimédias et promouvoir l’éducation financière sur les réseaux sociaux.

Recourir davantage aux organisations de consommateurs et à d’autres organisations indépendantes de la société civile organisée pour diffuser et mettre en œuvre les initiatives des gouvernements en matière d’éducation financière.

8.5   Enfin, le CESE souligne que les besoins des consommateurs de produits financiers doivent occuper une place prioritaire dans l’ordre du jour des réunions internationales de haut niveau, en particulier, les sommets du G-20. À cet égard, Consumers International (19) appelle à la création d’un groupe d’experts en protection financière du consommateur, qui rende compte au G-20, afin de garantir l’accès à des services financiers stables, justes et compétitifs.

Bruxelles, le 14 juillet 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Avis du CESE sur le thème «Produits financiers socialement responsables», JO C 21 du 21.1.2011, p. 33.

(2)  Voir à ce sujet le document de la Commission: Livre vert - Vers des systèmes de retraite adéquats, viables et sûrs en Europe, COM(2010) 365 final.

(3)  En juillet 2005. Il faut aussi souligner le projet de l’OCDE de 2009 sur l’éducation financière.

(4)  La Commission européenne a publié «Huit principes de base pour des programmes d’éducation financière de qualité», COM(2007) 808 final.

(5)  Dans ses conclusions de mai 2008.

(6)  Le facteur le plus déterminant à cet égard est l’augmentation de l’espérance de vie, qui rend nécessaire de familiariser les personnes âgées avec les nouveaux instruments financiers et oblige les adultes à mieux planifier l’avenir.

(7)  Établi à partir du Plan d’action pour les services financiers, lancé par la Commission européenne à la fin des années 1990.

(8)  En 2012, le rapport Pisa évaluera pour la première fois les compétences financières des élèves de 15 ans dans 19 pays.

(9)  Ces dernières années ont vu augmenter la demande de produits financiers socialement responsables, qui appliquent des principes de responsabilité sociale dans la sélection des investissements.

(10)  Directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les marchés d’instruments financiers, JO L 145 du 30.4.2004, p. 1–44.

(11)  COM(2011) 206 final.

(12)  Commission européenne «Data Collection for prices of current accounts provided to consumers» (Rassemblement de données sur les tarifs de comptes courants proposés aux consommateurs), Bruxelles 2009.

(13)  Voir: Braunstein & Welch, 2002, Mandell, 2008, FINRA Investor Education Foundation, 2009.

(14)  Conformément à l’article de Ma José Gómez Yubero «Financial education: from information to knowledge and informed financial decision-making».

(15)  L’Assemblée générale des Nations Unies a décrété 2005 «Année internationale du microcrédit».

(16)  Comme en France, le microcrédit doit être un outil de réponse aux besoins des personnes disposant de peu de ressources et pas uniquement de soutien à l’entreprise.

(17)  Selon l’article 165 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, seuls les États membres peuvent légiférer dans le domaine de l’éducation.

(18)  Sans préjudice des fonctions de formation à proprement parler qui incombent au système éducatif.

(19)  Représente 220 organisations de consommateurs dans 115 pays.


ANNEXE I

Contenus de l’éducation financière  (1)

Produits

Domaines et publics cibles

Canaux

Épargne ou passif

(comptes d’épargne; feuilles de paie)

Investissements ou actifs

(crédits à la consommation ou hypothécaires)

Moyens de paiement

(cartes de débit ou de crédit)

Produits parafinanciers

(assurances, plans de retraite)

Services

(virements, conseils, tarifs)

Apprendre à épargner (enfants et jeunes)

Commencer à travailler (jeunes)

Commencer une vie indépendante (jeunes)

Fonder une famille (adultes)

Préparer la retraite (personnes âgées)

Gestion financière d’une microentreprise (entrepreneurs)

Établissements scolaires

Lieux de travail

Maisons de retraite

Associations professionnelles ou syndicales

Associations de consommateurs et ONG

Médias

Internet


(1)  À titre d’illustration, sans caractère exhaustif ni limitatif.


29.10.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/32


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Droits de propriété intellectuelle dans le secteur de la musique» (avis d’initiative)

2011/C 318/05

Rapporteur: M. GKOFAS

Le 17 janvier 2008, le Comité économique et social européen a décidé, conformément aux dispositions de l’article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d’élaborer un avis d’initiative sur le thème des:

«Droits de propriété intellectuelle dans le secteur de la musique»

(avis d’initiative).

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 26 mai 2011.

Lors de sa 473e session plénière des 13 et 14 juillet 2011 (séance du 14 juillet 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 119 voix pour, 51 voix contre et 42 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Les données du problème

1.1.1   Les droits des créateurs et les droits voisins des interprètes dans le domaine de la musique, ainsi que leur protection constituent, dans la mesure où ils concernent des produits dématérialisés qui font de plus en plus l’objet d’un commerce et d’une diffusion sous forme de fichiers numériques, une problématique qui touche très directement la société civile.

1.1.2   Le présent avis est articulé autour de cinq grands axes. Le premier consiste à déterminer et à distinguer, en matière musicale, les prérogatives des ayants droit et des sociétés de gestion collective de droits mais aussi les obligations qui découlent du négoce des droits de la propriété intellectuelle et des droits voisins. Le deuxième a pour objet la rémunération et, plus spécifiquement, la rémunération à laquelle ont droit les auteurs pour l’utilisation que des tiers (consommateurs) font tant des droits de propriété intellectuelle que des droits voisins. Un troisième thème consiste à déterminer comment est fixée cette rémunération, ainsi qu’à définir quel sens il convient de donner à la notion d’«exécution publique» ou à partir de quel moment on peut parler d’une telle «exécution publique». Le quatrième enjeu est celui des sanctions qu’il convient d’infliger aux utilisateurs pour exploitation illégale de ce droit. La cinquième thématique, enfin, est celle de la manière dont les organismes de gestion collective (OGC) ou les sociétés de gestion collective (SGC), dans certains États membres, sont structurés et fonctionnent pour assurer la représentation des ayants droit.

1.1.3   Le Comité s’inquiète de ce qu’en l’absence d’harmonisation du droit de l’Union avec les droits nationaux et du fait des divergences qui existent entre les ordres juridiques internes des différents États membres, le risque existe que l’équilibre nécessaire entre l’accès des citoyens aux contenus culturels et de divertissement, la libre circulation des biens et services et la protection des droits de propriété intellectuelle ne soit pas atteint.

1.1.4   Le point de départ pour l’élaboration d’un règlement qui visera à harmoniser mutuellement les législations des États membres devra consister à voter et entériner, au niveau de l’Union européenne, quelques «principes fondamentaux» élémentaires sur le thème en question conformément aux conventions internationales existantes, et notamment à la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, sans mettre en cause les droits des usagers et en tenant compte des propositions du CESE.

1.1.5   Le Comité préconise que les législations des États membres fassent l’objet d’une harmonisation sur les points qui posent problème dans la vie collective des citoyens et l’influencent directement, de manière à éviter que leurs droits acquis et sanctionnés constitutionnellement ne soient mis en péril par des interprétations de la loi qui sont tantôt littérales, focalisées sur des mots, tantôt erronées et partiales, au détriment des consommateurs utilisateurs. C’est à la Commission qu’il incombe de traiter les points controversés que constituent les restitutions juridiques des termes employés par les différents législateurs et le Comité estime qu’il est de son devoir de les mettre sur la table des négociations, afin de parvenir à un juste résultat. La protection des auteurs et des interprètes ne devra pas constituer un obstacle à la libre circulation des œuvres et doit garantir dans le même temps, par une modification des dispositions afférentes, que les consommateurs disposent d’une liberté d’accès et d’utilisation des contenus électroniques, de telle sorte qu’ils conservent les mêmes droits pour une utilisation en ligne ou hors ligne, tout en respectant la propriété intellectuelle.

1.1.6   Le Comité propose qu’aux fins a) d’octroyer des licences de représentation des ayants droit, b) concernant l’établissement de conventions pour l’exploitation des droits patrimoniaux des auteurs et c) en prévoyant, en cas de survenue d’un différend ou de désaccord, l’application d’un arbitrage, il soit instauré une réglementation législative unique, qui pourrait aider tant les utilisateurs de contenus et les consommateurs que les créateurs intellectuels et autres ayants droit, à résoudre les conflits qui les opposent pour l’exploitation d’une «œuvre». Pour ce faire, il est nécessaire d’instituer au niveau national un organe unique de médiation et de résolution des différends entre ayants droit et utilisateurs des contenus.

1.1.7   Le Comité pense qu’il est possible d’atteindre cet objectif en créant une instance nationale unique indépendante qui, outre les missions susmentionnées, assumera également la responsabilité de garantir la transparence concernant le reversement intégral aux ayants droit des rétributions collectées par le truchement des OGC, étant entendu que, pour les cas où ce dispositif ne fonctionnerait pas il sera prévu des garde-fous qui seront fixés par le droit européen, tandis que la seule marge de manœuvre laissée à la discrétion des États membres sera de réglementer la création, la structuration et le fonctionnement de l’organisme concerné. Celui-ci pourra veiller a) à assurer une stricte application de la législation existante, qu’elle soit communautaire ou intérieure, propre à l’État membre concerné, afin de parvenir à l’objectif susmentionné, b) à instaurer une totale transparence dans la perception et le versement des rémunérations dues lorsque les droits patrimoniaux des auteurs sont exploités et c) à combattre la fraude fiscale dans le paiement à l’État des contributions qui résultent de l’exploitation des œuvres.

1.1.8   Pour susciter la confiance des détenteurs de droits et des utilisateurs et faciliter l’octroi de licences transnationales, le régime et la transparence de la gestion collective des droits doivent être améliorés et adaptés au progrès technique. Des solutions plus simples, plus uniformes et technologiquement neutres pour l’octroi de licences transnationales et paneuropéennes dans le secteur audiovisuel stimuleront la créativité et aideront les auteurs, producteurs et diffuseurs de contenu, dans l’intérêt des consommateurs européens.

1.2   L’efficacité de la gestion des droits numériques (GDN)

1.2.1   En outre, le Comité soutient la promotion et l’amélioration des offres légales comme Deezer, le premier site de musique à la demande gratuit et légal, ou encore Spotify, service d’offre légale de diffusion de musique par Internet autofinancée par la publicité, et pense que ce type de voie doit continuer à s’épanouir aux côtés de l’œuvre législative.

1.2.2   Les campagnes d’éducation et de sensibilisation, notamment des jeunes, devraient aussi être des actions à envisager.

1.2.3   Le CESE invite instamment la Commission à approfondir les principes établis dans sa recommandation du 18 mai 2005 relative à la gestion transfrontière du droit d’auteur et des droits voisins dans le domaine des services licites de musique en ligne.

1.2.4   Le Comité demande à la Commission d’approuver dans les plus brefs délais la proposition de directive-cadre sur la gestion collective des droits prévue dans l’Agenda numérique.

2.   Introduction

2.1   Les créateurs et les interprètes tirent leurs revenus des recettes provenant de l’utilisation partout dans le monde de leurs créations artistiques. Ce sont des sociétés de gestion collective, agissant tous domaines artistiques confondus, qui collectent pour le compte des créateurs les recettes engendrées par l’utilisation des œuvres partout dans le monde.

2.2   La taille et le pouvoir de ces sociétés de gestion collective varient en fonction des États membres: certaines sont d’ampleur modeste, alors que d’autres sont puissantes au point de parvenir à détenir, dans certains cas, des monopoles de fait pour l’exploitation. Les services qu’elles offrent aux artistes varient aussi en fonction de ces paramètres.

2.3   On peut légitimement se demander, comme l’a fait la Commission européenne, si la complexité du système actuel sert aussi efficacement qu’il le devrait et s’il préserve les intérêts des ayants-droit, mais aussi ceux des utilisateurs de contenus, des citoyens et du consommateur final.

2.4   Ne faudrait-il pas penser la situation au-delà d’une «simple» harmonisation technique du droit d’auteur et des droits voisins? Comment améliorer la gestion nationale du droit d’auteur et remédier aux inconvénients dus au morcellement actuel de la redevance pour copie privée des œuvres, pour ne citer qu’elle? Comment concilier les efforts pour une «meilleure réglementation» et l’efficacité de la gestion transfrontalière des droits collectifs? Il est nécessaire de légiférer sue ces aspects.

2.5   La complexité de la situation et son caractère sensible pour la société civile amènent le Comité à se saisir du sujet et à s’interroger sur les pistes de réflexions qui pourraient être envisagées.

2.6   En effet, l’ignorance, si ce n’est l’indifférence, voire l’hostilité, du public à l’égard de la notion de droits de propriété intellectuelle, doivent appeler une réaction de la société civile.

2.7   Le régime en vigueur en matière de protection des droits patrimoniaux (non moraux) des créateurs et des droits voisins des interprètes et producteurs dans le domaine musical est régi par une série de directives – par exemple les directives du Parlement européen et du Conseil 2006/115/CE, du 12 décembre 2006, 2006/116/CE, du 12 décembre 2006, 2001/29/CE, du 22 mai 2001, qui avaient pour objectif premier de faciliter la libre circulation des marchandises et des idées, dans un cadre de saine concurrence, mais aussi d’établir un équilibre et de lutter contre le piratage. Toute l’harmonisation du régime des droits d’auteurs et droits voisins se fonde sur un niveau élevé de protection, étant donné que ces droits sont essentiels pour la création intellectuelle. Une telle protection contribue à préserver et développer la créativité dans l’intérêt des auteurs, des interprètes, des producteurs, des consommateurs, des utilisateurs de contenus, et plus généralement de la culture, de l’industrie et du public. Ainsi, la propriété intellectuelle a été reconnue comme faisant partie intégrante du droit de propriété et est protégée par la Charte européenne des droits fondamentaux, étant donné que les efforts de création artistique des auteurs et artistes, interprètes ou exécutants exigent des revenus suffisants pour servir de base à de nouveaux travaux de création artistique. Seule une protection juridique adéquate des titulaires de droits permet de garantir efficacement de tels revenus.

2.8   Certains pays sont dotés de lois très répressives contre toute forme de copie et d’échange de fichiers protégés par le droit de propriété intellectuelle, que ces échanges aient lieu à titre privé et limité ou à titre commercial (1).

2.9   Les consommateurs européens, dont les organisations ont dénoncé leur exclusion des négociations en la matière comme une pratique non transparente et non démocratique, ont averti qu’il n’est pas possible, sous couvert de lutte contre le piratage, d’instaurer un contrôle policier de l’ensemble des échanges et communications sur Internet, au détriment du respect de la vie privée par rapport au contenu des correspondances et informations qui y circulent. Le Comité souhaite lui aussi être informé des discussions et propositions actuellement sur la table, et s’exprimer à leur propos.

3.   Observations particulières

3.1   Propriété intellectuelle: précisions et distinctions

3.1.1   Il est de la plus haute importance de distinguer et de bien comprendre les notions de droit d’auteur et de droits voisins. L’une et l’autre font partie d’un ensemble auquel on peut donner la qualification et la dénomination de «propriété intellectuelle». Cette notion a été fixée au plan international par la convention du 14 juillet 1967, qui a institué l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle et a été par la suite reprise dans la législation communautaire, en particulier par la directive 2006/115/CE, de sorte que le concept est ancré dans l’acquis communautaire.

3.1.2   Le Comité juge que si l’on veut que les auteurs et les interprètes puissent poursuivre leur travail créatif et artistique, ils doivent recevoir une compensation adéquate pour l’utilisation qui est faite de leurs œuvres, de même que les producteurs, de façon à ce qu’ils soient en mesure de financer cette tâche. L’élaboration de produits tels que les phonogrammes, les films ou les produits et services multimédias, comme les services à la demande, exige des investissements considérables. Il est indispensable d’assurer une protection appropriée des droits de propriété intellectuelle, afin de garantir que ce dédommagement soit disponible et d’offrir la perspective que les moyens ainsi investis seront susceptibles de produire un rendement satisfaisant.

3.1.3   Le Comité réclame l’harmonisation de certaines transpositions du droit de l’auteur intellectuel et des prérogatives des droits voisins. Pour harmoniser ces matières, il conviendra de tenir compte des divers rapports sur l’application des directives et de la jurisprudence de la Cour de justice en la matière.

3.1.4   Le Comité fait état de sa satisfaction après l’adoption de la récente proposition de directive sur certaines utilisations autorisées des œuvres orphelines (COM(2011) 289 final), sur le contenu de laquelle il se prononcera dans un prochain avis.

3.2   Rémunération

3.2.1   La rémunération des auteurs au titre du droit intellectuel dans le domaine musical (dans sa partie patrimoniale) constitue probablement l’un des points sur lesquels la plupart des États membres rencontrent des problèmes particuliers dans les relations contractuelles entre les organismes de gestion collective et les utilisateurs et qui ont été résolus en majeure partie par la jurisprudence de la Cour de justice.

3.2.2   Le Comité ressent qu’il est nécessaire de préconiser l’application du principe de l’égalité devant la loi de tous les citoyens mais aussi de prôner celui de la proportionnalité pour ce qui est d’assurer tant la propriété intellectuelle des auteurs et autres ayants droit que les droits des utilisateurs de contenus et des consommateurs finaux. Aujourd’hui les droits de la propriété intellectuelle en Europe sont désormais protégés par les «traités Internet» de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) qui ont été ratifiés par l’UE et les États membres en décembre 2009, ce qui, en principe, unifie le droit applicable, bien que diverses déclarations nationales à l’occasion de la ratification mettent en cause une approche unifiée au niveau communautaire. Ces traités demandent la répression des copies et contrefaçons commerciales, comme le fait la directive sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information.

3.3   Définition de la rémunération et exécution publique

3.3.1   Les points qui requièrent une attention plus particulière sont d’établir à quel moment on peut affirmer qu’une rémunération est due pour utilisation de musique, qu’il y a exécution publique et qu’il est permis de parler d’exploitation et non d’utilisation.

3.3.2   Le Comité estime qu’une distinction claire doit être établie entre l’exploitation commerciale et l’usage privé, en ce qui concerne le but de cette utilisation mais aussi les sanctions qui s’y rapportent. Dans la pratique, les tarifs des organismes de gestion collective, fixés avec les associations représentatives des diverses catégories d’utilisateurs tiennent déjà compte des utilisations différentes que les établissements publics font de la musique, de sorte que ceux où elle joue un rôle essentiel, comme les discothèques, ne paient pas les mêmes montants que ceux où elle n’a qu’une fonction accessoire ou anecdotique, par exemple un salon de coiffure ou un grand magasin.

3.3.3   Le Comité juge que la rémunération de l’«utilisation secondaire», visée par la convention de Berne, est pleinement justifiée, dans la mesure où les propriétaires des organismes de diffusion, les émissions de télévision ou de radio, constituent des utilisateurs secondaires des œuvres comprises dans les émissions primaires à partir desquelles ces œuvres et prestations sont «communiquées publiquement» dans les lieux mentionnés.

3.3.4   Il convient de réformer le système actuel de rémunération des droits de propriété intellectuelle, en tant que rétribution en contrepartie de la reproduction à usage privé, afin de renforcer la transparence dans le calcul de la rémunération équitable, la collecte et le versement des droits. Les rémunérations devront refléter le préjudice financier réel que subissent les ayants droit du fait des copies à usage privé et se fonder sur lui.

3.3.5   Le Comité préconise que pour faciliter l’octroi de licences transnationales, la liberté contractuelle des ayants droit soit préservée. Ils ne devraient pas être tenus de concéder des licences couvrant la totalité du territoire européen, ni de fixer par contrat le niveau des redevances desdites licences.

3.3.6   Le Comité prône des modèles de négociation plus novateurs, qui permettent d’accéder aux contenus sous des modalités différentes (gratuité, tarif plein, gratuité pour le service de base uniquement), en fonction de la viabilité des offres et des attentes et attitudes des utilisateurs finaux, en établissant un juste équilibre entre la rémunération des ayants droit et l’accès des consommateurs et du grand public aux contenus.

3.4   Sanctions et pénalités

3.4.1   Le Comité est convaincu que la protection des œuvres intellectuelles constitue réellement un enjeu d’une portée capitale pour l’essor économique et culturel de l’Union, en particulier face aux nouvelles évolutions de l’économie et de la technologie, afin d’assurer la protection des activités créatives et artistiques des auteurs et interprètes. À cette fin a été mis en place un régime de sanctions effectives, dissuasives et proportionnées, conformément aux exigences établies par la jurisprudence de la Cour de justice.

3.4.2   Le Comité considère que l’usage de nombre d’œuvres intellectuelles, qui n’est autorisé qu’à titre de dérogation aux droits exclusifs des bénéficiaires, avec des limitations pour les utilisateurs; devrait être considéré comme un droit positif général des citoyens. De même, les limites à leur usage ne sont ni absolument claires, ni bien établies par la loi, et les consommateurs se heurtent à la législation en vigueur pour ce qui est de savoir quelles sont les pratiques autorisées.

La protection de la propriété intellectuelle par le droit pénal représente une garantie essentielle pour la sauvegarde et la préservation de l’ordre social, culturel, économique et politique des pays avancés.

Le CESE s’oppose au recours à la voie pénale contre les utilisateurs n’ayant pas de but lucratif.

3.4.3   L’Institut pour le droit de l’information de l’université d’Amsterdam a réalisé, pour le compte de la direction générale Marché intérieur de la Commission européenne, une étude consacrée à la mise en œuvre de la directive 2001/29/CE sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, ainsi qu’à l’influence qu’elle a exercée sur les lois des États membres (2). Les chapitres de la seconde partie, qui concernent l’application du texte dans les autres États membres de l’UE, montrent que sur les 26 pays examinés, il n’y en a que six qui infligent en la matière des peines de privation de liberté.

3.4.4   Le Comité demande et propose que l’article 8 de la directive 2001/29/CE soit complété par l’adjonction d’un paragraphe 4, dans lequel il sera indiqué que s’agissant de la protection légale contre la violation des droits et obligations qui sont visés dans ladite directive, l’utilisation par les utilisateurs consommateurs des contenus dont les exploitants qui en assurent la diffusion publique n’ont pas acquitté préalablement les droits de propriété intellectuelle sera dépénalisée. En cas de mise à la disposition du public, son traitement sera limité à la responsabilité civile et aux sanctions qui en découlent (imposition d’un dédommagement proportionnel à la rémunération due au titre des droits patrimoniaux des auteurs et des titulaires des droits voisins). Les sanctions pénales pour les infractions à l’encontre des droits de la propriété intellectuelle ne devront s’appliquer que dans des cas clairement définis de violations aux règles du commerce commises par le crime organisé et d’exploitation commerciale illégale des droits de propriété intellectuelle. En tout état de cause, les mesures d’exécution doivent respecter les droits fondamentaux des consommateurs.

3.5   Structure et fonction des OGC (organismes de gestion collective)

3.5.1   Il y a lieu de souligner que les directives existantes qui sont mises en question sont régies par une totale «non-protection» des utilisateurs consommateurs, dont le sort est suspendu aux dispositions prises par des SGC qui agissent sans véritable contrôle. Le Comité réclame que la législation reconnaisse, protège et garantisse les droits des citoyens consommateurs ainsi qu’une égalité au regard de la loi et entre citoyens en ce qui concerne cette protection des utilisateurs et des consommateurs face aux auteurs et aux détenteurs des droits voisins, conformément aux dispositions régissant la propriété intellectuelle et plus particulièrement à la recommandation de la Commission du 18.05.2005.

3.5.2   Le Comité demande que l’article 5 de la directive 2006/115/CE soit complété par l’adjonction d’un paragraphe 5, dans lequel il conviendra d’indiquer que les SGC auxquelles sont octroyées des licences les habilitant à percevoir des droits et à représenter les ayants droit ne pourront, en tant qu’organismes de gestion collective, revêtir la forme de sociétés de nature commerciale mais devront être des entités à caractère non lucratif, qui présenteront une structure associative et seront constituées par les titulaires des droits intellectuels et voisins.

3.5.3   Le Comité demande que l’article 5 de la directive 2006/115/CE soit complété par l’adjonction d’un paragraphe 6, dans lequel il conviendra d’indiquer que les sociétés ou organismes de gestion collective (SGC ou OGC) sont supervisés par un organisme indépendant de niveau national (organisme national unique de gestion), lequel peut être identique à celui qui a octroyé leur permis de collecte des droits des artistes interprètes ou exécutants. En d’autres termes, l’organisme émetteur des licences peut également être celui qui exercera le contrôle de supervision.

3.5.4   Le Comité demande que l’article 5 de la directive 2006/115/CE soit complété par l’adjonction d’un paragraphe 7, dans lequel il conviendra d’indiquer que les auteurs, interprètes ou exécutants qui sont des ayants droit sont habilités à «céder» les droits patrimoniaux qu’ils possèdent au titre de la propriété intellectuelle et «transférer» leur droit de prêt ou location à plusieurs OGC (SGC), existants ou nouvellement fondés. Dans la mesure où dans un tel dispositif, il existera différents OGC (SGC), le risque sera a) que ces redevances dues aux artistes seront collectées plus qu’une seule fois, par plusieurs de ces OGC (SGC), entraînant, comme danger supplémentaire, b) que l’utilisateur en arrivera à passer des contrats et faire des transactions avec un grand nombre d’entre eux plutôt qu’avec un seul OGC (SGC), et enfin c) à débourser une double rémunération pour l’utilisation de la même œuvre. L’organisme qui octroie les licences aux OGC (SGC) sera également compétent et responsable pour répartir entre les auteurs et les titulaires des droits voisins les rémunérations qu’ils auront récoltées auprès des utilisateurs. Il est proposé d’installer dans les lieux concernés des logiciels issus de la technologie moderne, qui permettront de recenser les coordonnées des phonogrammes (auteur, interprète, durée, etc.) lorsqu’ils sont exécutés, tant et si bien que l’utilisateur effectuera le paiement pour utilisation des droits des auteurs intéressés d’une manière telle qu’ils pourront également leur être reversés de manière proportionnée. L’organisme susmentionné assumera aussi la responsabilité d’éviter les paiements multiples pour la rémunération d’une œuvre dans son ensemble. Les États membres dépourvus d’un organisme d’octroi de licences aux OGC (SGC) devront pour leur part prévoir d’en créer un, suivant leur législation nationale.

3.5.5   Le Comité demande que l’article 5 de la directive 2006/115/CE soit complété par l’adjonction d’un paragraphe 8, dans lequel il conviendra d’indiquer que les OGC qui représentent les artistes interprètes ou exécutants devront dresser un bilan et un rapport financier nominatif sur la gestion et la répartition des rémunérations qu’ils auront collectées pour le compte des ayants droit et fournir tout autre élément propre à établir que les «rentrées» concernées ont été reversées à ces derniers et que ces «revenus» ont été «déclarés» et taxés par les services fiscaux des États membres. La comptabilité des organismes de gestion des droits et la répartition effective des droits collectés entre les divers ayants droit devront être certifiés par un auditeur indépendant dont le rapport devra être public; elles devront en outre faire l’objet d’un contrôle périodique par une autorité compétente, telle qu’une Cour des comptes ou une autorité publique indépendante

3.5.6   Le Comité demande que l’article 5 de la directive 2006/115/CE soit complété par l’adjonction d’un paragraphe 9, dans lequel il conviendra d’indiquer qu’au cas où les OGC ne reversent pas aux ayants droit les rémunérations qu’ils ont perçues, ou encore lorsqu’ils ne respectent pas les dispositions des paragraphes 5 et 7 de l’article dont il est question, l’organisme qui leur octroie les licences entreprendra tout d’abord de les leur retirer et, par voie de conséquence, suivant la gravité de la violation, de les renvoyer devant les tribunaux nationaux.

Bruxelles, le 14 juillet 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Les peines sont les mêmes, qu’il s’agisse d’usage privé ou de contrefaçon à des fins commerciales.

(2)  Cette étude a été publiée en février 2007.


ANNEXE

à l'avis du Comité économique et social européen

Les textes suivants de l'avis de section ont été modifié en faveur des amendements adoptés par l'Assemblée, mais ont recueillis plus du quart des suffrages exprimés (article 54(4) du règlement intérieur):

a)   Paragraphe 1.1.8

1.1.8

La transparence de la gestion des recettes perçues par les sociétés de gestion collective dans un environnement transfrontalier est sujette à interrogations. En effet, les auteurs, les titulaires de droits voisins, les redevables de droits ou le consommateur ne savent toujours pas ce qui est perçu, ni la destination des recettes engrangées par le système de gestion collective des droits.

Résultat du vote de l'amendement:

Voix pour

:

113

Voix contre

:

61

Abstentions

:

23

b)   Paragraphe 3.1.1

3.1.1

Il est de la plus haute importance de distinguer et de bien comprendre les notions de droit d'auteur et de droit voisin des interprètes. L'une et l'autre font partie d'un ensemble auquel on peut donner la qualification et la dénomination de «propriété intellectuelle». C'est un lieu commun que d'affirmer que celle-ci se compose du droit d'auteur, qui revient aux auteurs, compositeurs et paroliers des œuvres, et des prérogatives des droits voisins, qui sont dus aux artistes et aux exécutants desdites œuvres.

Résultat du vote de l'amendement:

Voix pour

:

116

Voix contre

:

55

Abstentions

:

27

c)   Paragraphe 3.1.3

3.1.3

Le Comité réclame l'harmonisation de certaines transpositions du droit de l'auteur intellectuel et des prérogatives des droits voisins des interprètes et exécutants. Une telle opération est nécessaire dans le cadre de l'action de communication et d'information, par exemple lorsque l'œuvre «phonogramme» devient «chose publique». La nécessité d'assurer la sécurité juridique et la protection des droits susmentionnés impose de procéder à une harmonisation des législations des États membres, dans des domaines comme cette notion de «chose publique», en tant que source de revenus procurant des rentrées aux auteurs, l'ensemble de la démarche ayant pour but de garantir le fonctionnement harmonieux du marché intérieur.

Résultat du vote de l'amendement:

Voix pour

:

108

Voix contre

:

57

Abstentions

:

31

d)   Paragraphe 3.2.1

3.2.1

La rémunération des auteurs au titre du droit intellectuel dans le domaine musical (dans sa partie patrimoniale) constitue probablement l'un des points sur lesquels la plupart des États membres rencontrent des problèmes particuliers dans les relations contractuelles entre les organismes de gestion collective et les utilisateurs.

Résultat du vote de l'amendement:

Voix pour

:

88

Voix contre

:

71

Abstentions

:

34

e)   Paragraphe 3.3.2

3.3.2

Le Comité estime qu'une distinction claire doit être établie entre l'exploitation commerciale et l'usage privé, en ce qui concerne le but de cette utilisation mais aussi les sanctions qui s'y rapportent. Est considérée comme «publique» toute utilisation, exécution ou communication d'une œuvre qui la rend accessible à un cercle plus large que le strict cercle de famille et l'environnement social immédiat, que les personnes composant ce cercle plus large se trouvent dans un même endroit ou dans des lieux différents, ainsi que toute communication au public non présent au lieu d'origine de la communication, cette définition devant couvrir toute transmission ou retransmission, de cette nature, d'une œuvre au public, par fil ou sans fil, y compris la radiodiffusion.

Résultat du vote de l'amendement:

Voix pour

:

103

Voix contre

:

53

Abstentions

:

27

f)   Paragraphe 3.3.3

3.3.3

Le Comité juge qu'il y a lieu de préciser de manière claire et franche que «l'utilisation publique» est celle au cours de laquelle l'utilisateur exploite une œuvre avec une visée lucrative et dans le cadre d'une activité entrepreneuriale qui exige ou justifie l'usage concerné (d'une œuvre, d'un son, d'une image ou encore d'un son et d'une image combinés).

Résultat du vote de l'amendement:

Voix pour

:

100

Voix contre

:

58

Abstentions

:

28

g)   Paragraphe 3.3.6

Étant donné qu'une rémunération équitable devrait contenir «sui generis» un élément de proportionnalité, souvent mis en œuvre dans la pratique, il convient de distinguer les activités économiques dans lesquelles l'exécution ou l'utilisation de l'œuvre constituent l'activité principale et rémunératrice de l'entreprise (organisateurs de concerts ou spectacles, cinéma, radio, télévision, etc.) d'autres activités économiques dans lesquelles l'exécution de l'œuvre a un caractère non économique (chauffeur de taxi écoutant une radio, tout en transportant un client par exemple) ou un caractère secondaire par rapport à l'activité économique principale (musique de fond dans un ascenseur de grand magasin, dans un restaurant, etc.). Les redevances applicables doivent faire l'objet d'une différenciation, allant de la gratuité jusqu'à une redevance complète suivant la proportion effective dans laquelle l'œuvre contribue à l'activité économique. Ces distinctions sont clairement appliquées dans nombre de pays, comme la France, qui appliquent un tarif différent pour les organisateurs de spectacles et diffuseurs d'œuvres d'une part, et les cafés-restaurants notamment d'autre part.

Résultat du vote de l'amendement:

Voix pour

:

106

Voix contre

:

62

Abstentions

:

27

h)   Paragraphe 3.3.7

3.3.7

Le Comité demande qu'après le paragraphe 7 de l'article 11 de la directive 2006/115/CE, qui dispose qu'en l'absence d'accord entre les titulaires de droits, les États membres peuvent fixer le niveau de la rémunération équitable, il soit ajouté un paragraphe 8, avec des dispositions réglementaires précisant la détermination de la rémunération équitable. Dans ce paragraphe 8, il conviendra d'indiquer qu'il est institué une commission de résolution des différends entre les ayants droit et les utilisateurs, à laquelle les deux parties devront obligatoirement recourir et dont les tractations devront déboucher sur un accord qui, conclu entre, d'une part, les créateurs et interprètes ayants droit et, d'autre part, les utilisateurs consommateurs, devra mentionner le montant de la rémunération équitable, pour l'ensemble du droit concerné. Le recours à cette commission de résolution des différends présuppose que les sociétés de gestion collective auront préalablement conclu par écrit un protocole d'accord de représentation des créateurs et interprètes ayants droit qu'elles représentent pour des œuvres données. En l'absence d'une telle convention, corroborée par un document à la datation certifiée qui énumérera un par un, pour chaque œuvre ou phonogramme concernés, quels sont les titulaires de droits, ces sociétés ne seront pas habilitées à exiger un quelconque paiement d'une somme au nom d'un ayant droit avec lequel elles ne seraient pas en contrat. Le mandat par conjecture, qui voudrait que du simple fait que l'on exige un versement, on soit présumé être mandaté pour ce faire, est irrecevable. La commission se composera d'un membre pour les consommateurs, d'un autre pour les ayants droit, ainsi que de deux autres, venant respectivement, parmi les partenaires sociaux, du groupe des employeurs et de celui des salariés ou, au niveau européen, pour le compte des groupes sociaux, d'un membre du CESE.

Résultat du vote de l'amendement:

Voix pour

:

116

Voix contre

:

57

Abstentions

:

23

i)   Paragraphe 3.4.1

3.4.1

Le Comité est convaincu que la protection des œuvres intellectuelles constitue réellement un enjeu d'une portée capitale pour l'essor économique et culturel de l'Union, en particulier face aux nouvelles évolutions de l'économie et de la technologie, mais qu'elle peut déboucher sur des résultats opposés à ceux qui sont recherchés, en l'occurrence en aboutissant à handicaper sensiblement le commerce, lorsque lesdits droits sont protégés d'une manière disproportionnée, au détriment des utilisateurs consommateurs.

Résultat du vote de l'amendement:

Voix pour

:

104

Voix contre

:

61

Abstentions

:

36

j)   Paragraphe 3.4.2

3.4.2

Le Comité s'inquiète de constater que bien loin d'éliminer les obstacles aux échanges et aux innovations dans ce domaine, la directive en vigueur les en crée de nouveaux. Pour ne prendre que cet exemple, le flou qui entoure la question de la rémunération équitable a pour effet de compliquer plutôt que de faciliter le fonctionnement des petites et moyennes entreprises durant une période de protection qui se trouve allongée, sans les indispensables garde-fous; tel est encore le cas lorsque les OGC n'adoptent pas un comportement rationnel et transparent, que les utilisateurs commerciaux n'ont pas pleinement connaissance de la situation qui prévaut ou que le préjudice qui découle pour les ayants droit d'une éventuelle utilisation de l'œuvre concernée est insignifiant, alors que les sanctions correspondantes sont d'une sévérité excessive.

Résultat du vote de l'amendement:

Voix pour

:

104

Voix contre

:

61

Abstentions

:

36

k)   Paragraphe 3.4.3

3.4.3

Le Comité prône avec insistance le remplacement du paragraphe qui accorde aux États membres une liberté d'appréciation quant aux sanctions imposées, étant donné que celles prévues par bon nombre d'entre eux – dont certaines peuvent même être de nature pénale – sont souvent dépourvues du caractère proportionné qu'elles devraient revêtir.

Résultat du vote de l'amendement:

Voix pour

:

104

Voix contre

:

61

Abstentions

:

36

l)   Paragraphe 3.4.4

3.4.4

Le Comité s'alarme tout particulièrement de voir que la législation communautaire vise à protéger les droits intellectuels et droits voisins des créateurs, artistes, etc., mais ne prend pas suffisamment en compte ceux des utilisateurs et, au final, des consommateurs. En effet, s'il est signalé que les actions créatives, artistiques et entrepreneuriales constituent, dans une large mesure, des activités de professions libérales et doivent en tant que telles être facilitées et protégées, ce n'est pas la même approche qui est suivie au niveau des utilisateurs. L'usage de nombre d'œuvres intellectuelles n'est autorisé qu'à titre de dérogation aux droits exclusifs des bénéficiaires, avec des limitations pour les utilisateurs; néanmoins, les limites à leur usage ne sont ni absolument claires, ni bien établies par la loi, et les consommateurs se heurtent à la législation en vigueur pour ce qui est de savoir quelles sont les pratiques autorisées.

Résultat du vote de l'amendement:

Voix pour

:

104

Voix contre

:

61

Abstentions

:

36


29.10.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/40


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Harmonisation des allégations destinées aux consommateurs dans le domaine des produits cosmétiques» (avis d'initiative)

2011/C 318/06

Rapporteur: M. OSTROWSKI

Le 20 janvier 2011, le Comité économique et social européen a décidé, conformément aux dispositions de l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur le thème:

«Harmonisation des allégations destinées aux consommateurs dans le domaine des produits cosmétiques»

(avis d'initiative).

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 23 juin 2011.

Lors de sa 473e session plénière des 13 et 14 juillet 2011 (séance du 13 juillet 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 115 voix pour et 7 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le CESE considère que l'adoption rapide de critères communs et d'orientations pratiques pour les allégations relatives aux produits cosmétiques bénéficiera aux entreprises actives sur le marché intérieur, aux consommateurs et aux organismes de contrôle.

1.2   Le Comité se réjouit dès lors que la Commission européenne ait déjà entamé ses travaux sur la mise au point de critères communs pour les allégations relatives aux produits cosmétiques et que la rédaction de lignes directrices à cet égard soit déjà bien avancée.

1.3   Conformément au règlement no 1223/2009 relatif aux produits cosmétiques, la Commission devrait présenter au Parlement et au Conseil un rapport portant sur l'utilisation des allégations, sur la base des critères communs adoptés. Le Comité estime toutefois que le délai fixé à juillet 2016 pour la remise du rapport au Parlement européen et au Conseil doit être avancé.

1.4   Le Comité invite dès lors la Commission à accélérer le processus d'adoption des critères communs afin que le rapport puisse être élaboré au moins un an plus tôt.

1.5   Le Comité demande à la Commission d'envisager de recourir à de nouvelles lignes directrices concernant les allégations éthiques et environnementales pour la commercialisation des produits, d'ici la fixation par l'Organisation internationale de normalisation des critères relatifs aux «allégations écologiques» (par exemple à partir des nouvelles lignes directrices élaborées par le médiateur des consommateurs danois).

2.   Observations générales

2.1   Allégations propres aux cosmétiques

2.1.1

Les allégations relatives à des produits cosmétiques sont des affirmations portant sur les fonctions d'un produit, le plus souvent formulées dans des publicités (R. Schueller et P. Romanowski, C&T, janvier 1998). Une allégation peut consister en un mot, une phrase, un paragraphe, voire une simple affirmation. Par exemple: «réduit l'apparence des ridules et des rides en dix jours» ou, plus simplement, «anti-âge». Autres exemples d'allégations: «couvre à 100 % les cheveux gris» pour un produit de coloration des cheveux, ou «70 % des femmes ont estimé que leurs cheveux ne présentaient plus de pellicules après une seule utilisation» – slogan tiré d'une étude de perception visant à tester un shampooing «antipelliculaire».

2.1.2

Les allégations et la publicité relatives aux produits, ainsi que d'autres techniques de communication employées pour la commercialisation (ci-après regroupées sous le vocable «allégations concernant les produits») sont des outils essentiels pour informer les consommateurs des caractéristiques et des qualités des produits ainsi que pour les aider à choisir les produits qui correspondent le mieux à leurs besoins et à leurs attentes. Étant donné la grande importance que revêtent les produits cosmétiques pour les consommateurs, il est essentiel de fournir à ces derniers des informations claires, utiles, compréhensibles, comparables et fiables, afin qu'ils soient en mesure de choisir en connaissance de cause.

2.1.3

Les allégations concernant les produits sont également des outils essentiels permettant aux entreprises cosmétiques de différencier leurs produits de ceux de la concurrence. Il est aussi possible que ces allégations contribuent au fonctionnement du marché intérieur en stimulant l'innovation et en encourageant la concurrence entre les entreprises.

2.1.4

Pour que les allégations relatives aux produits atteignent leur but, c'est-à-dire servent les intérêts des consommateurs et également des entreprises cosmétiques tels que décrits ci-dessus, il est important de disposer d'un cadre qui garantisse que les allégations sont justes et ne trompent pas les consommateurs, en tenant compte du contexte et des outils de commercialisation véhiculant ces allégations (qu'il s'agisse d'une publicité télévisée ou sur support imprimé, ou de l'utilisation de tout nouveau type de média comme Internet ou les smartphones).

2.2   Législation en matière d'allégations propres aux cosmétiques dans l'UE

2.2.1

Le règlement sur les produits cosmétiques (règlement (CE) No 1223/2009, ou RPC) remplacera dans son intégralité la directive 76/768/CEE concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits cosmétiques en juillet 2013. Les principaux objectifs du nouveau règlement sont d'assurer un niveau élevé de protection des consommateurs et de garantir le bon fonctionnement du marché intérieur. Le RPC prévoit que «le consommateur devrait être protégé des allégations trompeuses concernant l’efficacité de même que d’autres caractéristiques des produits cosmétiques».

2.2.2

Le RPC ne concerne que des produits cosmétiques et non des médicaments, des dispositifs médicaux ou des produits biocides. Aux fins du règlement, le terme «produit cosmétique» désigne toute substance ou tout mélange destiné à être mis en contact avec les parties superficielles du corps humain ou avec les dents et les muqueuses buccales dans le but exclusif ou principal de les nettoyer, de les parfumer, d’en modifier l’aspect, de les protéger, de les maintenir en bon état ou de corriger les odeurs corporelles. Une substance ou un mélange destiné à être ingéré, inhalé, injecté ou implanté dans le corps humain n’est pas considéré comme un produit cosmétique.

Les produits cosmétiques comprennent notamment les produits destinés aux soins des cheveux (shampooings, après-shampooing, etc.), aux soins de la peau (lotions corporelles, crèmes pour le visage, produits pour les ongles, etc.), à l'hygiène personnelle (produits pour le bain et la douche, dentifrice, déodorants/antisudoraux, etc.), les cosmétiques destinés à la coloration (teintures pour cheveux, maquillage, etc.), les fragrances (parfums, eaux de toilette, etc.).

2.2.3

L'article 20 du règlement dispose que «pour la publicité des produits cosmétiques, le texte, les dénominations, marques, images ou autres signes figuratifs ou non ne peuvent être utilisés pour attribuer à ces produits des caractéristiques ou des fonctions qu'ils ne possèdent pas».

2.2.4

S'agissant des déclarations trompeuses, il sera également tenu compte des articles pertinents de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur (directive PCD).

2.2.5

Selon l'article 6 («actions trompeuses») de la directive PCD, «une pratique commerciale est réputée trompeuse si elle contient des informations fausses, et qu'elle est donc mensongère ou que, d'une manière quelconque, y compris par sa présentation générale, elle induit ou est susceptible d'induire en erreur le consommateur moyen, même si les informations présentées sont factuellement correctes», en ce qui concerne par exemple les caractéristiques principales du produit, notamment son aptitude à l'usage, son utilisation, les résultats qui peuvent être attendus de son utilisation ou les résultats et les caractéristiques essentielles des tests ou contrôles effectués sur le produit.

2.2.6

L'article 7 («omissions trompeuses») de la même directive dispose quant à lui que «une pratique commerciale est réputée trompeuse si, dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances ainsi que des limites propres au moyen de communication utilisé, elle omet une information substantielle dont le consommateur moyen a besoin, compte tenu du contexte, pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause.» Les caractéristiques principales du produit figurant dans une allégation seront considérées comme des informations substantielles (dans la mesure appropriée eu égard au moyen de communication utilisé et au produit concerné).

2.2.7

En outre, les publicitaires seront tenus de respecter les règles établies par la directive 2006/114/CE sur la publicité trompeuse et la publicité comparative.

2.3   Pratique actuelle dans le marché intérieur

2.3.1

Plusieurs affaires récemment traitées en Europe par les tribunaux ou des autorités réglementaires montrent que des autorités différentes dans les États membres sont susceptibles d'interpréter les mêmes instruments législatifs cités plus haut de façon différente. Il n'y a donc pas d'interprétation unifiée des règles concernant les allégations propres aux produits cosmétiques, ce qui constitue une lourde contrainte pour les entreprises cosmétiques opérant dans le marché commun, dès lors qu'elles ne peuvent être certaines qu'une publicité considérée comme légale par exemple en France ne sera pas contestée par les pouvoirs nationaux compétents en Hongrie ou au Royaume-Uni. La plupart de ces affaires ont abouti à de lourdes amendes pour les entreprises cosmétiques. En 2007, l'autorité hongroise en matière de concurrence (HCA) a affirmé par exemple que, dans la mesure où les essais cliniques étaient réalisés aux États-Unis ou en France, on ne pouvait utiliser en Hongrie aucune déclaration sur l'efficacité de produits cosmétiques prenant la forme d'allégations où figure un pourcentage, résultant de ces essais cliniques. Elle estime en effet qu'il existe des différences entre les types de peau rencontrés dans différents pays et zones géographiques. En conséquence, les résultats de ces essais, effectués dans des conditions climatiques différentes, avec des degrés d'humidité différents et sur des femmes n'ayant pas les mêmes habitudes alimentaires, ne fournissent pas d'informations appropriées aux consommateurs hongrois sur l'efficacité de ces produits cosmétiques. Aucun autre État membre n'est parvenu à la même conclusion à ce jour. De plus, les exigences liées aux produits «naturels» ou «biologiques» diffèrent d'un point de vue géographique. Cet écart d'interprétation de la loi est également préjudiciable au consommateur, dans la mesure où celui-ci pourra être mieux protégé dans tel État membre que dans tel autre.

2.3.2

Eu égard aux différences d'interprétation dues à l'absence de critères communs et d'orientations pratiques pour les allégations concernant les produits, les entreprises cosmétiques actives dans le marché intérieur sont contraintes d'examiner et de vérifier chaque allégation et chaque publicité dans chaque État membre par elles-mêmes, afin de s'assurer qu'elles y respectent la loi. Ces entreprises doivent ainsi acquitter des coûts supplémentaires considérables. En mettant en œuvre des orientations communes pour les allégations relatives aux produits cosmétiques dans l'UE, ces coûts pourraient être réduits et les économies ainsi réalisées pourraient être utilisées à des fins d'innovation, de recherche, ou de réduction des prix des produits. Il convient de mentionner que le marché européen des cosmétiques représente presque un tiers du marché mondial de ces produits, avec plus de 4 000 entreprises de production dans l'Union européenne employant directement et indirectement 1,7 million de personnes.

La nécessité pour les entreprises de cosmétiques actives sur le marché intérieur de revoir et d'examiner la totalité des allégations et publicités dans chaque État membre signifie également que le marché intérieur n'existe pas pour ce segment.

2.3.3

Les différences d'interprétation dues à l'absence d'orientations communes dans l'UE pour les allégations propres aux produits cosmétiques sont également préjudiciables aux consommateurs, dès lors qu'ils ne peuvent être certains du sens qu'il convient de donner à une allégation lorsqu'ils achètent un même produit dans différents États membres, ce qui est susceptible d'induire chez eux un sentiment de confusion. S'il n'existe pas de critères communs pour les produits «naturels» ou «biologiques», par exemple, les consommateurs ne pourront être certains de la réelle qualité d'un produit. Dans l'environnement numérique actuel, ils peuvent aisément faire leurs achats à l'étranger et, d'un simple clic, avoir accès à des produits différents dans des pays différents. S'ils constatent par exemple que, dans un pays donné, un produit anticellulite est censé «réduire la cellulite en dix jours seulement», sans aucune autre explication, alors que dans d'autres pays, il est précisé «dans le cadre d'un régime alimentaire et de la pratique régulière d'un exercice physique», ils peuvent se poser des questions sur l'efficacité réelle du produit considéré. De plus, il est nécessaire que les allégations reposent sur des critères communs, dans la mesure où les consommateurs devraient pouvoir comparer différents produits de même catégorie (par exemple, deux variétés de crème pour le visage). À cette fin, ils doivent pouvoir disposer d'allégations qui soient facilement vérifiables à partir de critères communs. Seules des allégations claires et concrètes fondées sur des méthodes universellement reconnues permettent au consommateur de comparer les produits et de choisir en connaissance de cause ceux qui répondent le mieux à ses besoins.

2.4   Nécessité d'orientations pratiques communes dans l'UE

2.4.1

Selon l'article 20 du RPC, la Commission, après consultation du comité scientifique pour la sécurité des consommateurs (CSSC) ou de toute autre autorité compétente, établit un plan d'action et adopte une liste de critères communs concernant les allégations pouvant être utilisées pour les produits cosmétiques, en tenant compte des dispositions de la directive PCD.

2.4.2

La Commission européenne a commencé l'année dernière à élaborer des critères communs pour les allégations concernant des produits cosmétiques, en collaboration avec les parties prenantes (autorités nationales, associations de consommateurs, industrie cosmétique, fournisseurs, PME, etc.). Le CESE salue les progrès réalisés dans ces travaux, la rédaction des lignes directrices étant déjà bien avancée.

2.4.3

Le 11 juillet 2016 au plus tard, la Commission présentera au Parlement européen et au Conseil un rapport concernant l'utilisation des allégations sur la base des critères communs adoptés. Si le rapport conclut que les allégations sur les produits cosmétiques ne respectent pas les critères communs, la Commission prendra des mesures appropriées et plus strictes, en coopération avec les États membres, afin d'en garantir le respect. Dans ce cas, la Commission pourrait avoir à réexaminer le champ d'application de ses lignes directrices et passer d'orientations générales à une approche plus détaillée (par exemple, par le biais d'actions en justice telles que celles intentées pour des allégations concernant des produits alimentaires).

2.4.4

Le CESE est très favorable à l'idée d'introduire des critères communs fournissant un cadre harmonisé à l'échelon de l'UE pour justifier l'utilisation d'allégations pour tous les produits cosmétiques. Les critères s'appliqueraient à toutes les allégations propres à des produits cosmétiques, tant primaires que secondaires, dans tous les médias, en permettant une spécification pour chaque produit, son emballage, les allégations et leur contexte, sans entraver l'innovation et tout en garantissant le respect de règles uniformes.

2.4.5

Le CESE estime cependant que la Commission européenne devrait accélérer ce processus. Si le travail d'élaboration des lignes directrices pour des critères communs est effectivement bien avancé, le Comité considère que la Commission devrait prévoir leur entrée en vigueur de préférence au début de l'année 2012, le rapport pouvant ainsi être soumis au Parlement européen bien avant 2016.

2.4.6

Le projet de lignes directrices élaboré par la Commission européenne sur des critères communs ne fait pas spécifiquement référence à des «allégations écologiques». La question est actuellement examinée à l'échelon de l'ISO. Il est néanmoins difficile de dire à l'heure actuelle si les normes convenues pourront être utilisées dans l'Union européenne et à quelle date elles seront disponibles. Le CESE demande dès lors à la Commission européenne d'envisager, d'ici là, de recourir à de nouvelles lignes directrices concernant des allégations éthiques et environnementales pour la commercialisation des produits (par exemple à partir des nouvelles lignes directrices élaborées par le médiateur des consommateurs danois).

2.4.7

Le CESE estime que les allégations doivent être étayées par des études scientifiques objectives (y compris des études cliniques), ou par des études relatives à la perception subjective des consommateurs. Toutefois, les deux types d'études doivent répondre à un certain nombre de critères généralement acceptés (nombre de consommateurs consultés, représentation adéquate, etc.), de manière à ce qu'elles n'induisent pas les consommateurs en erreur.

Bruxelles, le 13 juillet 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


29.10.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/43


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Stratégies de sortie de crise de l'UE et mutations industrielles: des emplois plus précaires ou durables?» (avis d'initiative)

2011/C 318/07

Rapporteur: M. SIECKER

Corapporteur: M. POP

Le 15 juillet 2010, le Comité économique et social européen a décidé, conformément aux dispositions de l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur le thème:

«Stratégies de sortie de crise de l'UE: des emplois plus précaires ou durables?».

La commission consultative des mutations industrielles (CCMI), chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 7 juin 2011.

Lors de sa 473e session plénière des 13 et 14 juillet 2011 (séance du 13 juillet 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 123 voix pour, 5 voix contre et 6 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le présent avis tente de répondre à la question de savoir quel est le meilleur chemin que devrait emprunter l'industrie européenne pour sortir de la crise. Le CESE est convaincu qu'à cette fin des emplois durables sont nécessaires, à savoir, des emplois qui permettent aux gens d'acquérir un revenu dans un environnement de travail sûr et sain et un climat qui reconnaît les droits des travailleurs et ménage une place à un dialogue social fructueux. Ce sont des emplois très productifs qui créent une grande valeur ajoutée sur le plan de l'innovation, de la qualité, de l'efficacité et de la productivité. L'Europe peut ainsi générer une croissance économique stable et rester compétitive par rapport aux autres régions du monde.

1.2   Le CESE estime que la principale condition à remplir pour créer de nouveaux emplois est une croissance économique durable et stable. Le CESE se réjouit que plusieurs institutions et organisations aient tenu compte de la dimension sociale de la reprise dans les propositions qu'elles ont formulées pour trouver une issue à la crise. La stratégie Europe 2020 avec les «initiatives phares» de la Commission européenne et les recommandations des partenaires sociaux concernant la politique de l'emploi vont dans le même sens. Par ailleurs, le Conseil de l'Union européenne, le Parlement européen, l'OIT et le FMI formulent également des recommandations qui ne prennent pas uniquement en considération des intérêts économiques.

1.3   Le CESE constate que les entreprises recourent à différents types d'emplois, ce qui conduit à de nouvelles formes de travail, donnant lieu également à des emplois précaires pour lesquels les personnes sont recrutées sur la base de contrats temporaires, assortis de faibles revenus et d'un niveau peu élevé de protection sociale et n'offrant aucune garantie des droits des travailleurs. Tous les emplois à durée déterminée ne sont pas précaires: des indépendants très bien formés peuvent fort bien s'en sortir sur le marché de l'emploi en n'effectuant que des missions ponctuelles. Cependant, l'emploi temporaire est, par définition, bel et bien précaire lorsqu'il s'agit d'un travail peu ou non qualifié dans la production ou dans les services. La flexicurité peut constituer une réponse au besoin de travail flexible rencontré par les entreprises, mais uniquement à la condition qu'elle aille de pair avec une sécurité d'un niveau comparable à celle d'un emploi fixe, comme l’a fait observer le CESE dans un avis antérieur consacré à ce thème (CCMI/066).

1.4   L'évolution démographique (une population active vieillissante et une diminution du nombre de jeunes qui arrivent sur le marché du travail) et la rapidité des mutations technologiques dans les processus de production font peser sur l'Europe la menace d'une importante pénurie de personnel qualifié. C'est pourquoi il est de la plus haute importance que tout le monde ait et conserve l'accès au marché de travail et que personne n'en soit exclu. Le CESE souligne que les travailleurs doivent avoir la possibilité de développer leurs compétences et leurs qualifications professionnelles et d'en acquérir de nouvelles tout au long de leur vie active, afin qu'ils puissent s'adapter aux changements qui surviennent dans leur environnement de travail et pourvoir aux besoins du marché en main-d'œuvre qualifiée. Gérer ce processus d'une manière appropriée et efficace constitue une des tâches les plus importantes que l'UE doit remplir pour rester compétitive par rapport aux autres régions du monde.

1.5   Le CESE partage l'avis selon lequel les travailleurs doivent pouvoir accéder en particulier aux programmes de formation professionnelle. Des études ayant montré que ce sont les travailleurs ayant le plus besoin d'une formation qui utilisent le moins ces programmes, il convient d'adopter des mesures différentes pour les différents groupes de travailleurs.

1.5.1   Il faudrait consacrer une grande partie du budget aux travailleurs les moins qualifiés, car ce sont eux qui ont le plus besoin d'un complément de formation. Il devrait être possible d'y parvenir en attribuant aux travailleurs un budget formation individuel inversement proportionnel à leur niveau d'éducation, afin que les travailleurs les moins qualifiés puissent bénéficier du montant le plus élevé.

1.5.2   S'agissant des travailleurs plus âgés, il convient de mener une politique du personnel qui tienne compte de l'âge. Alors que dans beaucoup de pays membres de l'UE, l'âge de la retraite est relevé, de nombreux travailleurs âgés perdent leur emploi avant d'atteindre l'âge actuel de la retraite, notamment parce qu'ils ne sont pas capables de s'adapter aux évolutions. Des formations spécifiques et ciblées pourraient contribuer à résoudre ce problème.

1.5.3   Il importe également que l'enseignement et les formations soient efficaces. Différents États membres expérimentent de nouvelles méthodes de formation, plus efficaces, et redécouvrent toute l'importance de l'apprentissage sur le lieu de travail. Le CESE souligne qu'il importe de développer les projets de ce type et invite la Commission à les stimuler en veillant à l'échange de bonnes pratiques dans ce domaine.

1.5.4   Les travailleurs acquièrent des connaissances et des expériences informelles mais néanmoins précieuses durant l'exercice de leur fonction. Les compétences acquises de cette manière ne sont pas suffisamment reconnues car elles ne sont pas sanctionnées par un diplôme officiel. Différents États membres œuvrent à l'élaboration d'un système de validation des compétences acquises. Cette initiative mérite également la reconnaissance et le soutien de la Commission.

1.5.5   Plusieurs instruments ont été développés à l'initiative de la direction générale Education et culture dans le but de promouvoir au niveau européen la transparence des qualifications ainsi que la qualité de l'enseignement et de la formation dans le cadre l'apprentissage tout au long de la vie (1). À l'heure actuelle, ces instruments sont introduits principalement dans le domaine de l'enseignement, afin d'accroître la mobilité et l'employabilité des étudiants au sein de l'Europe. Le CESE souligne l'importance de ces instruments et invite la Commission à examiner de quelle manière ils pourraient également être employés pour accroître la mobilité et l'employabilité des travailleurs au sein de l'Union européenne.

1.5.6   Différents instruments sont disponibles pour faciliter ce type de mesures. Il est possible de définir certains de ces programmes dans le cadre de conventions collectives et d'en gérer le financement au niveau national en proposant des incitations financières telles que des avantages fiscaux. L'Union européenne peut y contribuer au moyen d'un cofinancement provenant des Fonds structurels et en diffusant les bonnes pratiques dans les institutions concernées au niveau européen et dans les États membres.

1.5.7   Le CESE note que les travailleurs ne doivent pas seulement pouvoir accéder aux programmes de formation professionnelle mais qu'ils ont également besoin d'une sécurité de revenus et d'une protection sociale afin de pouvoir évoluer de manière optimale et sans crainte du lendemain dans une société en rapide mutation.

1.6   L'Union a l'ambition de devenir une économie de la connaissance compétitive qui propose des emplois plus nombreux et de meilleure qualité et qui renforce la cohésion sociale. Le traité de Lisbonne prévoit en toutes lettres que l'UE entend y parvenir, notamment, en prévenant l'exclusion sociale, en favorisant le progrès économique et social des citoyens, ainsi qu'en garantissant les droits sociaux de la charte sociale européenne de 1961, de la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux de 1989, et de la charte des droits fondamentaux de 2000.

1.7   Le CESE appelle les institutions européennes à assurer le maintien des normes sociales européennes avec davantage de conviction. Le manque de résolution à cet égard a notamment eu pour conséquence une augmentation du nombre de travailleurs pauvres, des inégalités grandissantes, une crainte de plus en plus grande à l’égard de l’avenir et, dans le même temps une défiance de plus en plus marquée des gens vis-à-vis de leurs concitoyens, des institutions sociales et des pouvoirs publics. Ces réactions ne concernent pas seulement les autorités nationales mais aussi les institutions européennes, comme l’indique un euroscepticisme en progression dans plusieurs États membres.

1.8   Dans les États membres, de nombreuses initiatives existent dans le domaine faisant l'objet du présent avis. Nombre d'entre elles sont décrites en annexe. Les exemples ont été fournis par les membres de la CCMI. Ils indiquent qu'il existe une importante dynamique, mais également qu'il y a de grandes différences entre pays et entre secteurs. L'échange d'expériences et de bonnes pratiques est indispensable au niveau opérationnel. Qu'est-ce qui fonctionne bien, qu'est-ce qui ne fonctionne pas? Quels sont les facteurs déterminants? Le CESE recommande à la Commission européenne de promouvoir et de favoriser l'échange d'expériences et de bonnes pratiques.

2.   Où en sommes-nous?

2.1   L'économie est frappée depuis trois ans par une crise. Elle a commencé par une crise des marchés financiers, due à la stagnation du marché immobilier aux États-Unis. Au second semestre 2008, cette crise financière a également provoqué un ralentissement brutal de l'«économie réelle». La désigner comme une «crise du crédit» ne rend pas compte de toute la puissance du phénomène. En effet, il ne s'agissait pas seulement d'une moindre disponibilité des liquidités et des capitaux (à plus long terme), mais aussi d'une crise de confiance profonde et structurelle à l'égard du secteur financier. Le présent avis d'initiative ne traite pas de la crise, il tente avant tout de répondre à la question de savoir quel est le meilleur chemin que devrait emprunter l'industrie européenne pour sortir de la crise.

2.2   Au total, 3,25 millions d’emplois ont été perdus en Europe en 2009 et 2010, en particulier dans l’industrie et l’agriculture. Dès avant le déclenchement de la crise, l'évolution démographique de l'UE suscitait des inquiétudes. En effet, les personnes nées durant le baby-boom qui a suivi la Seconde guerre mondiale partent à la retraite et nous aurons cruellement besoin, à court terme, de travailleurs bien formés. Comme la crise a accéléré le départ des travailleurs plus âgés, la demande de remplacement est devenue plus urgente. Deux problèmes se posent à cet égard. Le premier est quantitatif: dans certains États membres et dans une série de secteurs industriels, le nombre de jeunes qualifiés qui arrivent sur le marché de l'emploi est insuffisant pour satisfaire la demande. Le second est qualitatif: la façon brutale dont le remplacement s'effectue met en péril la transmission des savoirs au sein des entreprises.

2.3   La principale condition pour créer de nouveaux emplois est une croissance économique durable et stable. Même si la situation varie selon les États membres, une timide reprise est perceptible depuis le début 2010: la production augmente, de manière limitée, dans un certain nombre de secteurs et la demande de main-d'œuvre enregistre une croissance mesurée. Sous l’influence de la mondialisation, la société change à un rythme rapide et il en va de même pour le marché du travail. Les entreprises recourent à différents types d'emplois. Cette évolution conduit de plus en plus à de nouvelles formes de travail, notamment précaires. La dernière enquête d'Eurofound sur les conditions de travail en Europe montre qu'un emploi fixe est encore la norme pour la plupart des travailleurs, mais que la part du travail temporaire augmente (2). Les principaux instruments pour éviter les conventions collectives semblent être la sous-traitance, l'externalisation et le pseudo-travail indépendant dans des conditions de travail inférieures aux normes minimales. Ces dernières années, ces modèles sont de plus en plus souvent appliqués.

3.   Comment en est-on arrivé là?

3.1   Le modèle social européen est un modèle de capitalisme social unique en son genre, qui s'est développé sur notre continent après la Seconde guerre mondiale et a permis de combattre avec succès les dérives du capitalisme, tout en en conservant les atouts. Ce modèle a inspiré les États européens pour établir une société caractérisée par la cohésion, la solidarité et la compétitivité. Au final, il doit déboucher sur l'instauration d'un espace de prospérité démocratique, écologique, compétitif et solidaire, fondé sur l'intégration sociale de tous les citoyens d'Europe.

3.2   Ce principe se retrouve dans le traité de Lisbonne. Outre un certain nombre de droits économiques et de règles en matière de concurrence loyale dans le marché intérieur, l'UE assure à ses citoyens:

qu'elle entend combattre l'exclusion sociale;

qu'elle est déterminée à favoriser leur progrès économique et social;

qu'elle garantit les droits sociaux de la charte sociale européenne de 1961, de la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux de 1989 et de la charte des droits fondamentaux;

qu'elle est déterminée à promouvoir pour eux le développement du niveau de connaissance le plus élevé possible, par un large accès à l’éducation;

qu'elle garantit l’application du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes en matière d’emploi et de travail, y compris le principe de l’égalité des rémunérations pour un même travail ou un travail de même valeur au sein d'une même entreprise ou d'une même convention collective.

3.3   La réalité est nettement plus contrastée. Des emplois sont effectivement créés, mais il s'agit surtout de petits boulots temporaires, qui ne procurent qu'une faible rémunération, une sécurité sociale limitée et protègent chichement les droits du travailleur. En soi, il est compréhensible que les employeurs ne proposent pas directement des emplois fixes aux salariés à l'heure où l'économie commence lentement à se remettre de la crise. Les emplois temporaires peuvent même compléter de manière opportune l'offre d'emplois et contribuer dans le même temps à la lutte contre l'exclusion sociale en proposant un travail à des groupes qui, à défaut, n'auraient pas accès au marché du travail. Toutefois, cette démarche ne peut pas déboucher sur l’exploitation: lorsque la reprise se confirme et que l'activité s'avère structurelle, ces emplois doivent également être convertis sous la forme d'un contrat qui garantit effectivement un niveau de revenu raisonnable, la sécurité sociale et la protection des droits.

3.4   Un problème plus grave est que des emplois fixes dotés de conditions de travail décentes sont également transformés en emplois précaires, fondés sur des contrats temporaires et ne bénéficiant que d'une sécurité sociale restreinte et d'une protection limitée des droits. Et ce phénomène ne se produit pas seulement dans le secteur privé mais également au sein des administrations publiques. Une telle évolution est en contradiction avec les promesses faites aux citoyens dans le traité de Lisbonne à propos de la cohésion sociale. En outre, si tous les emplois temporaires ne sont pas précaires – des indépendants très qualifiés peuvent fort bien s'en sortir sur le marché du travail en n'effectuant que des missions ponctuelles – l'emploi temporaire est, par définition, bel et bien précaire lorsqu'il s'agit d'un travail peu ou non qualifié dans la production ou les services (3).

3.5   Dans de nombreux domaines, l'Europe est encore dans le peloton de tête mondial en ce qui concerne le bien-être, la protection sociale et la compétitivité, mais nous avons perdu du terrain par rapport à notre propre histoire et par rapport à d'autres économies. On observe notamment une augmentation de la pauvreté, un accroissement des inégalités de revenus et la réalisation d'économies aux dépens des services publics, comme l'indique une étude de l'OCDE publiée en 2008 (4).

3.6   En 2003, Eurostat a ajouté les «travailleurs pauvres» à l'éventail européen des indicateurs sociaux. En 2008, la proportion de «travailleurs pauvres» s'élevait à 8,6 % pour l'UE des 27. Cette situation vient notamment de ce que la part des emplois fixes et décents diminue, tandis que celle des emplois instables et précaires augmente. Pareille évolution suscite une défiance croissante chez les citoyens. Or, il n'y a pas de place pour une croissance économique durable et stable dans une société fondée sur la méfiance et déchirée par des conflits sociaux.

3.7   Depuis quelques décennies, les inégalités sur le plan matériel ont fortement augmenté. Dans un de ses derniers ouvrages (5), Tony Judt en donne quelques exemples remarquables: en Grande-Bretagne, les inégalités n'ont jamais été aussi grandes depuis les années 1920; le pays compte plus d'enfants pauvres que tout autre État membre de l'UE; la plupart des nouveaux emplois créés sont soit très bien payés, soit très mal; depuis 1973, c'est dans ce pays que le fossé des rémunérations s'est le plus creusé. Aux États-Unis, le directeur le plus haut placé de General Motors gagnait 66 fois le salaire moyen de son entreprise en 1968, alors qu'en 2009, son homologue de Wal-Mart percevait 900 fois le salaire moyen de ses employés. Cet exemple reflète des cas extrêmes, mais les situations moyennes sont du même ordre. En 1965, les directeurs des grandes entreprises aux États-Unis gagnaient 24 fois le salaire moyen dans leurs entreprises. En 2007, leurs rémunérations étaient 275 fois plus élevées (6).

3.8   Le creusement des inégalités a un coût social élevé. Une étude de Wilkinson et Picket (7) a montré que dans une société où les disparités économiques sont relativement fortes, pratiquement tous les autres aspects de la vie quotidienne sont de moins bonne qualité que dans une société où les inégalités sont relativement réduites. La population est en moins bonne santé, la criminalité est plus élevée et, surtout, la confiance entre les citoyens et envers la société est anéantie. Cette situation conduit finalement la population à rejeter les autorités, tant nationales qu'européennes, comme l'indique la montée de l'euroscepticisme dans un nombre croissant d'États membres. Elle mine également la confiance entre les différentes composantes de la société, de même qu’entre partenaires sociaux.

4.   Quels sont nos objectifs?

4.1   Les changements économiques s'accélèrent. Conjugués aux problèmes démographiques auxquels nous sommes confrontés, ils exigent des mesures rapides et radicales. La société n'est jamais «achevée». Elle évolue continuellement et le marché du travail doit s'adapter en conséquence. Toutefois, les intérêts économiques ne sont pas les seuls à influencer la refonte du marché du travail. Des considérations sociales entrent également en ligne de compte. Le défi consiste donc à trouver, pour aménager le marché de l'emploi, une méthode qui bénéficie à l'ensemble de la société.

4.2   Dans toutes les institutions concernées, il semble exister un consensus sur la direction dans laquelle il convient d'orienter le marché du travail. Le Conseil de l’Union européenne a présenté des propositions de lignes directrices pour les politiques de l'emploi (8), qui accordent une large place aux questions sociales. Le Conseil des ministres de l’emploi a souligné qu'il est à bien des égards plus avantageux d'organiser la flexibilité à l’intérieur de l’entreprise plutôt que de faire des salariés une variable d'ajustement externe. Le Parlement a adopté une résolution dans laquelle l’UE est appelée à présenter une stratégie en faveur des «emplois verts», car la démarche est non seulement plus indiquée pour garantir un avenir durable mais oblige de surcroît l’Europe à innover (9). Le CESE a déjà formulé plusieurs avis à ce sujet (10). Le Parlement européen a également adopté à une large majorité une résolution sur les contrats de travail atypiques, qui se prononce en faveur des emplois fixes et contre la transformation de ce type de contrats en emplois précaires (11).

4.3   Dans le cadre de la stratégie Europe 2020, la Commission européenne a élaboré un certain nombre d'«initiatives phares» comportant des propositions concrètes dans ce domaine. L'initiative intitulée «Une politique industrielle à l'ère de la mondialisation», prévoit de favoriser la création d'un plus grand nombre d'emplois qualifiés et hautement productifs. Les initiatives phares «Jeunesse en mouvement» et «Une stratégie pour des compétences nouvelles et des emplois» plaident également en faveur d'un «contrat unique», grâce auquel la Commission se propose de lutter contre la dualisation du marché du travail en offrant aux nouveaux arrivants la possibilité d'acquérir des droits sociaux après une période d'essai raisonnable en leur donnant accès à des systèmes fondés sur des conventions collectives entre partenaires sociaux ou sur une législation.

4.4   Pour l'essentiel, les partenaires sociaux sont également d’accord sur la politique à suivre. Tant en 2007 (12) qu’en 2010 (13), Businesseurope, la CES, l'UEAPME et le CEEP ont publié des rapports dont les recommandations en matière de politique de l’emploi tiennent compte non seulement des intérêts économiques mais aussi des intérêts sociaux.

4.5   Lors d’une conférence à Oslo en septembre 2010, le FMI et l’OIT ont souligné que l’éradication du chômage massif était de la plus haute importance d’un point de vue économique mais aussi sous l'angle de la cohésion sociale. Selon le FMI, il faudra éviter à l’avenir qu’une génération entière coure à nouveau le risque d’être perdue pour le marché du travail. L’OIT possède depuis 1999 déjà son «Agenda pour le travail décent», qui vise à permettre aux citoyens de travailler librement, à des conditions égales, dans un environnement sûr et dans le respect de leur dignité humaine. En juin 2009, l'OIT a approuvé le «Pacte mondial pour l'emploi», une nouvelle initiative axée sur la reprise économique et le maintien de l'emploi. Quant à l’OCDE, sa dernière publication consacrée à l’emploi (14) plaide en faveur d’une politique visant à prévenir le chômage massif de longue durée.

4.6   Le principe fondamental est bien évidemment que l’Europe doit rester compétitive par rapport aux autres régions du monde. Elle ne le peut qu’en s’appuyant sur l'enseignement, la connaissance, l’innovation, la qualité, l’efficacité et la productivité. Il est purement et simplement impossible pour l’UE de concurrencer des pays comme la Chine, l’Inde et le Brésil sur le plan du coût de la main-d'œuvre. Elle ne pourrait le faire qu’en abaissant considérablement le niveau des conditions de travail sur son territoire, en contradiction avec son ambition de devenir une économie de la connaissance compétitive, qui offre des emplois plus nombreux et de meilleure qualité et garantit une large cohésion sociale. En plus du déploiement d'efforts supplémentaires dans le domaine de la recherche et du développement, elle pourrait encourager et soutenir les investissements dans les formations, l'enseignement public ayant la responsabilité des formations générales tandis que les partenaires sociaux et les pouvoirs publics s'occupent des formations professionnelles ciblées.

4.7   L'importance des formations professionnelles ciblées est sous-estimée. Ces formations sont souvent circonscrites aux jeunes travailleurs et aux travailleurs qui ont déjà un niveau de qualification relativement élevé. Dans l'UE des 27, 57,6 % des travailleurs hautement qualifiés participent à ce type de formations, tandis que pour les travailleurs peu qualifiés, ce pourcentage est de 28,4 %. Les pays qui enregistrent les valeurs les plus élevées et les plus faibles sont respectivement la Suède (91 % et 57,6 %) et la Roumanie (14 % et 3,9 %) (15). Les formations doivent aussi et avant tout s’adresser aux personnes moins formées, aux plus âgés, aux femmes et aux immigrés afin que ces groupes puissent également retrouver et conserver la perspective d'une place sur le marché de l’emploi. L'attribution aux travailleurs d'un budget formation individuel inversement proportionnel à leur niveau d'éducation constituerait une mesure de poids permettant d'atteindre cet objectif. Le chômage frappe surtout les travailleurs moins qualifiés et ceux dont les connaissances sont dépassées, dans des secteurs traditionnels en voie de disparition. Sans un effort de formation supplémentaire, il n’est pas possible de leur offrir la perspective d’un emploi dans une autre branche, plus moderne, de l'économie. Et si nous ne faisons pas en sorte que ces personnes se réinsèrent dans le marché l’emploi, nous connaîtrons une pénurie de travailleurs qualifiés à tous les niveaux de ce marché.

4.8   La situation des travailleurs plus âgés ne bénéficie pas d'une attention suffisante. Alors que dans beaucoup de pays membres de l'UE, l'âge de la retraite est relevé, nombreuses sont les personnes plus âgées qui perdent leur place sur le marché de l'emploi avant d'atteindre l'âge actuel de la retraite, soit parce qu'elles ne sont plus capables de s'adapter aux évolutions rapides des processus de production, soit parce que le travail posté devient problématique avec l'âge. Une politique du personnel ciblée, tenant compte de l'âge, est nécessaire pour que ces travailleurs plus âgés puissent eux aussi continuer à travailler dans de bonnes conditions de santé. Une grande partie de ces problèmes peuvent résolus au moyen de formations spécifiques ciblées. Toutefois, les données d'Eurostat (16) indiquent également que les personnes plus âgées participent moins aux formations professionnelles que les plus jeunes (20,9 % de personnes de 55 à 64 ans et 44,2 % de personnes de 25 à 43 ans).

4.9   L'éducation et la formation n'ont de sens que si les programmes sont efficaces et qu'ils permettent aux travailleurs qui les suivent d'acquérir les compétences nécessaires pour s'adapter aux évolutions rapides du marché du travail. L'enseignement théorique classique, éloigné du monde du travail, doit être complété par des stages en entreprise. Dans la pratique, les formations de ce type sont encore trop souvent proposées. Ces dernières années, différents États membres ont acquis de l'expérience dans l'instauration sur le lieu de travail de nouvelles formations efficaces, axées sur la pratique. Le Cedefop a effectué récemment une enquête sur les effets de l'apprentissage sur le lieu de travail (17). Il y a lieu de recommander vivement la diffusion et l'encouragement de ce type de filières de formation.

4.10   Les travailleurs n'apprennent pas uniquement en suivant des filières de formation formelles, ils acquièrent aussi des connaissances et des expériences informelles mais néanmoins précieuses dans l'exercice de leur fonction. Les compétences acquises de cette manière ne sont pas suffisamment reconnues car elles ne font pas l'objet d'une certification et ne sont donc pas sanctionnées par un diplôme officiel reconnu. La mobilité des travailleurs s'en trouve limitée. Cette situation ne pose aucun problème tant qu'ils conservent leur ancien emploi, mais leurs possibilités de changer de travail sont restreintes étant donné qu'ils ne peuvent faire valoir leurs qualifications informelles quand ils se portent candidats à un nouvel emploi. De nombreuses études, effectuées notamment par l'OCDE (18) et le Cedefop (19), examinent déjà les systèmes possibles en matière de validation des compétences acquises. La plupart des États membres œuvrent à l'élaboration d'un système visant à évaluer et à reconnaître les résultats de l'apprentissage informel et non formel mais seuls quelques-uns d'entre eux ont abouti à des résultats concrets (20). Cette initiative mérite d'être reconnue et soutenue.

4.11   Plusieurs instruments ont été développés à l'initiative de la direction générale Education et culture dans le but de promouvoir au niveau européen la transparence des qualifications ainsi que la qualité de l'enseignement et de la formation dans le cadre l'apprentissage tout au long de la vie (21). À l'heure actuelle, ces instruments sont introduits principalement dans le domaine de l'enseignement afin d'accroître la mobilité et l'employabilité des étudiants au sein de l'Europe. Le CESE souligne l'importance de ces dispositifs et invite la Commission à examiner de quelle manière ils pourraient également être employés à accroître la mobilité et l'employabilité des travailleurs au sein de l'Union européenne.

4.12   Un employeur qui investit dans ses salariés en organisant des séances de formation pendant les heures de travail et en payant tous les frais qui y sont liés peut leur demander d’étudier durant leur temps libre si une étude est nécessaire en dehors du temps de formation. Un tel programme de formation, axé non seulement sur l'exécution d’une tâche spécifique mais aussi sur l'acquisition de qualifications permettant de s'adapter à un plus large éventail de fonctions au sein de l’entreprise et sur le marché de l’emploi, est la meilleure façon de se préparer aux temps à venir dans un monde en rapide évolution. Il présente des avantages tant pour les employeurs que pour les salariés. Aux premiers, il permet de disposer d’un personnel qualifié et motivé. Aux seconds, il offre une position solide sur le marché de l’emploi. Cette approche doit être réactivée de toute urgence, car des chiffres récents indiquent que le processus d’apprentissage tout au long de la vie stagne depuis des années (22).

5.   Comment y arriver?

5.1   Les entreprises ont besoin de sécurité lorsqu'elles veulent investir à long terme, par exemple dans de nouveaux développements. En Allemagne, le développement de nouvelles technologies dans les énergies renouvelables a été bien plus rapide que dans les autres pays d’Europe parce que les autorités allemandes ont établi un programme pluriannuel de soutien qui a donné aux entrepreneurs du secteur la garantie qu’il s’agissait d’une démarche structurelle, qui serait soutenue et stimulée par les pouvoirs publics sur une période de plusieurs années. Le résultat de cette politique est que ce pays occupe une position de tête dans le domaine et que l'emploi dans le secteur y a progressé en dix ans de moins de 70 000 postes de travail à près de 300 000.

5.2   Les entreprises ne sont pas les seules à avoir besoin de sécurité: il en va de même pour les salariés qui ont besoin de sécurité en matière de revenus, de protection sociale et de formation. Ces principes constituent les valeurs centrales du modèle social européen qui s'est développé en Europe après la Seconde guerre mondiale. Des travailleurs bien formés bénéficient d’une sécurité de revenus parce que leurs qualifications leur donnent accès au marché du travail et leur procurent l'assurance d’un emploi décent. Les salariés qui se retrouvent malgré eux sans emploi ont besoin de protection sociale pour pouvoir, durant cette période, se reconvertir, se recycler ou acquérir une formation complémentaire afin de se réinsérer ailleurs. Enfin, il faut que les salariés aient la certitude que chacun d’entre eux ait accès à un programme de formation qui lui permette de réaliser ses éventuelles ambitions personnelles de carrière et de revenus. La seule manière de préserver le modèle social européen dans un marché mondialisé est de disposer d’une population active motivée, qualifiée, responsable et flexible. La contrepartie à payer à cette fin est que cette population active doit bénéficier de la sécurité liée aux valeurs fondamentales du modèle social européen.

5.3   Les travailleurs n’ont d’ailleurs jamais recours en même temps à ces trois formes de sécurité. En outre, à terme, les dépenses consenties pour ces trois sécurités finissent toujours par se compenser. Lorsque la demande et l’offre sur le marché de l’emploi sont mieux ajustées parce que des programmes de formation permettent aux personnes de se reconvertir, de se recycler ou d'acquérir une formation complémentaire, le chômage de longue durée est moins répandu.

5.4   La flexicurité, négociée entre les partenaires sociaux, peut devenir un instrument important dans le segment du marché de l’emploi où la demande de flexibilité dans le travail est logique, compréhensible et justifiée (23). De nouvelles formes de travail peuvent être introduites avec plus de plus grandes chances de succès si elles sont régies par des conventions collectives élaborées de commun accord par les partenaires sociaux. Un tel état de choses n'est possible que dans un climat fondé sur la confiance. La société n’est pas la seule à avoir beaucoup changé: tel est aussi le cas des salariés. À l'heure actuelle, tout le monde n'est plus à la recherche d’un emploi pour toute la vie. Ce que les travailleurs veulent surtout, c’est la certitude que pendant toute leur vie active, ils auront un travail qui leur convient, non sous la forme de contrats précaires et temporaires, mais selon des formules qui leur offrent davantage de sécurité, comme l'explique le paragraphe 5.2. Cette condition est parfaitement réalisable dans les grandes entreprises grâce à une flexibilité qui ne transforme pas les salariés en variable d'ajustement à l'extérieur de leurs murs mais confère au personnel statutaire l'aptitude à s'adapter aisément à un plus large éventail de fonctions en leur sein. Le Conseil des ministres de l'emploi a débattu de cette possibilité en juillet 2010. Cette forme de flexicurité est beaucoup plus adaptée à l'économie de la connaissance que l'UE ambitionne d'être. Les conventions collectives entre partenaires sociaux représentent la meilleure voie pour établir cette forme de flexibilité.

5.5   Les entreprises ont néanmoins toujours besoin de travailleurs temporaires pendant les pointes d'activité. En outre, ce modèle de flexibilité interne est moins adapté aux petites et moyennes entreprises, lesquelles jouent un rôle important dans l'économie européenne. Or, la plus grande part des emplois se situe à ce niveau. Il faut donc trouver une méthode efficace pour réduire l'écart entre les salariés bénéficiaires d'un contrat de travail à durée indéterminée, d'une bonne protection sociale et d'un statut juridiquement solide et ceux qui n'ont qu'un contrat temporaire, une protection sociale minimale et une position juridique précaire. Eux aussi doivent bénéficier d'un droit garanti à des avantages tels que le maintien du salaire en cas de maladie, les droits à la constitution d'une retraite, les allocations de chômage, les congés payés ou les congés parentaux. Ils pourraient par exemple avoir accès, à des conditions déterminées et pour un tarif abordable, à des régimes qui sont régis au niveau sectoriel par des conventions collectives ou réglementés au niveau national par des dispositions législatives. C'est notamment le cas en Autriche, où un tel système a été adopté récemment. Il convient ici aussi que les partenaires sociaux et les pouvoirs publics se partagent les responsabilités.

5.6   La gestion des ressources humaines est également appelée à jouer un double rôle important à l’avenir. Tout d’abord, elle a une fonction essentielle à remplir pour l'élaboration de programmes de formation qui permettent aux travailleurs de maintenir leurs qualifications professionnelles à niveau. Toutefois, il lui incombe également de rétablir la confiance, largement entamée, entre les partenaires sociaux de manière à ce qu’ensemble et en bonne intelligence, ils puissent trouver des solutions aux problèmes du marché de l’emploi. Réussir à trouver conjointement des solutions grâce à cette confiance retrouvée pourrait conduire à l’avènement d’un marché du travail dans lequel les employeurs bénéficient de la flexibilité qu’ils appellent de leurs vœux et les travailleurs de la sécurité dont ils ont besoin.

5.6.1   Cette gestion améliorée des ressources humaines est à la fois la clé d’une confiance restaurée entre partenaires sociaux et celle d’une approche nouvelle du marché de l’emploi durable. Cette gestion doit notamment se bâtir sur les éléments suivants:

anticiper sur l’évolution des métiers et des postes de travail en veillant à leur non-pénibilité,

inciter les salariés à la prise de risque et de responsabilité afin d’améliorer la performance individuelle et collective,

réexaminer certaines filières de formation (initiale) qui ne sont pas ou sont mal adaptées aux besoins de bassins d’emplois locaux,

améliorer les dispositifs d’orientation professionnelle des jeunes en y associant plus de professionnels et d’experts du secteur;

porter une attention particulière aux savoir-faire, productions traditionnelles locales et marques régionales, dont la rareté relative fait aussi l'originalité patrimoniale.

5.6.2   L'objectif d'un marché du travail plus stable et plus sain devrait être une composante d'une stratégie plus vaste, dans laquelle d'autres acteurs, comme les services d'intérêt général et les professions libérales, joueraient également un rôle.

5.7   Si Bruxelles indique la direction générale dans laquelle le marché du travail doit se développer, la mise en œuvre ne peut s'effectuer que dans les États membres. Les régions apparaissent par excellence comme le niveau le plus approprié pour ce faire. Dans une économie de la connaissance, c'est à elles qu'il incombera de former et de retenir une population active créative. L'UE peut favoriser une telle évolution en la soutenant financièrement par l’intermédiaire des Fonds structurels européens, ainsi que par la collecte des exemples de bonnes pratiques et leur mise à disposition sous la forme d’une base de données. Les membres de la CCMI ont rassemblé bon nombre d'exemples de ces bonnes pratiques qui sont joints en annexe (24). Le CESE invite la Commission européenne à diffuser ces exemples et à les recommander auprès des institutions concernées tant de l'Union européenne que des États membres.

5.8   Il existe en Europe plusieurs exemples de régions qui, dotées d'un riche passé industriel, ont assisté à la disparation brutale de leurs industries traditionnelles et, avec elles, de l'assise de leurs emplois et de leur prospérité. C'est le cas du Nord de la France, autour de Lille, ou de la Ruhr en Allemagne. Au lieu d'essayer de s'accrocher désespérément au passé, les acteurs régionaux se sont mis à réfléchir aux possibilités qui existaient pour construire l'avenir et ont agi en conséquence. Le résultat est que la région de Lille et le bassin de la Ruhr ont repris espoir et se sont redéployés en s'appuyant sur un large éventail d'activités économiques nouvelles, qui, dans une large mesure sont durables et fondées sur la connaissance. La force de l’économie européenne se situe en effet à ce niveau: c’est dans ces secteurs que l’Europe dispose des meilleures perspectives et qu’elle doit renforcer sa position. Tant Lille que la région de la Ruhr sont même devenues capitales européennes de la culture. À ce niveau, les gouvernements et les partenaires sociaux doivent élaborer des initiatives qui ont pour objectif ultime de mettre en œuvre du modèle social européen, tel qu'il a été défini dans un avis antérieur du CESE (25).

Bruxelles, le 13 juillet 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Cadre européen de qualifications (CEQ), cadre européen de référence pour l’assurance de la qualité dans l’EFP (ECVET), Europass, cadre européen de référence pour l’assurance de la qualité dans l’EFP (EQAF).

(2)  Vingt ans de conditions de travail en Europe: premiers résultats (à partir) de la 5e enquête européenne sur les conditions de travail.

(3)  Définition d'un emploi précaire: emploi sur la base d'un contrat temporaire qui peut être résilié à tout moment unilatéralement par l'employeur sans aucune obligation de sa part.

(4)  Croissance et inégalités: Distribution des revenus et pauvreté dans les pays de l’OCDE.

(5)  Ill fares the land (2010) («Le pays va mal»).

(6)  www.finfacts.ie/irishfinancenews/article_1020265.shtml

(7)  The Spirit Level: Why more equal societies almost always do better (2009).

(8)  Document interinstitutionnel 2010/0115.

(9)  P7_TA(2010)0299.

(10)  JO C 306 du 16.12.2009, p. 70 et avis du CESE sur la «Proposition de décision du Conseil relative aux lignes directrices pour les politiques de l'emploi des États membres - Partie II des lignes directrices intégrées Europe 2020» (JO C 107 du 6.4.2011, p. 77–77).

(11)  2009/2220 (INI).

(12)  Défis essentiels auxquels les marchés européens du travail sont confrontés: analyse conjointe des partenaires sociaux européens.

(13)  Accord cadre sur des marchés du travail inclusif.

(14)  Perspectives de l'emploi de l'OCDE 2010. Sortir de la crise de l'emploi.

(15)  Eurostat, Enquête sur l'éducation des adultes.

(16)  Cf. note 1.

(17)  http://www.cedefop.europa.eu/ «Learning while Working – Success stories on workplace learning in Europe».

(18)  http://www.oecd.org/dataoecd/9/16/41851819.pdf

(19)  http://www.cedefop.europa.eu/EN/Files/4054_fr.pdf

(20)  Par exemple, il existe en France un Certificat de compétences en entreprise (CCE) et aux Pays-Bas un certificat d'expérience.

(21)  Cadre européen de qualifications (CEQ), cadre européen de référence pour l’assurance de la qualité dans l’EFP (ECVET), Europass, cadre européen de référence pour l’assurance de la qualité dans l’EFP (EQAF).

(22)  http://epp.eurostat.ec.europa.eu/tgm/table.do?tab=table&language=en&pcode=tsiem080&tableSelection=1&footnotes=yes&labeling=labels&plugin=1

(23)  Voir l'avis du CESE intitulé «Comment utiliser la flexicurité en matière de restructuration, dans le contexte du développement mondial», JO C 318 du 23.12.2009, pp. 1-5.

(24)  http://www.eesc.europa.eu/resources/docs/handout.doc

(25)  JO C 309 du 16.12.2006, p. 119.


29.10.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/50


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «La crise, l'éducation et le marché du travail» (avis d'initiative)

2011/C 318/08

Rapporteur: Mário SOARES

Le 20 janvier 2011, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur

«La crise, l'éducation et le marché du travail».

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 27 juin 2011.

Lors de sa 473e session plénière des 13 et 14 juillet 2011 (séance du 14 juillet 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis à l'unanimité.

1.   Recommandations

Les États membres sont invités à:

empêcher que les mesures destinées à surmonter la crise économique et celle de la dette souveraine compromettent l'investissement public dans l'éducation et la formation;

être attentifs aux investissements publics dans l’éducation, la recherche et la formation professionnelle lorsqu'ils évaluent leurs objectifs budgétaires à moyen terme de manière à assurer la continuité et le renforcement des investissements dans ces secteurs;

insister sur l’amélioration de l’apprentissage de la langue maternelle et sur l'enseignement des contenus «STEM» (sciences, technologies, ingénierie et mathématiques);

améliorer l'orientation scolaire et professionnelle à un stade précoce, en tenant compte des besoins du marché du travail;

promouvoir l'esprit d'entreprise à tous les niveaux d'éducation;

stimuler l’application adéquate du cadre européen des certifications et le développement des systèmes nationaux de certification;

développer des possibilités complémentaires de formation pour les jeunes qui ont abandonné leurs études et les travailleurs peu qualifiés, sans négliger les outils numériques;

respecter le droit de tout un chacun à la formation certifiée de qualité dans le cadre professionnel, indépendamment du niveau de qualification et du type de contrat;

développer la reconnaissance, l'évaluation et la certification des compétences acquises dans divers environnements éducatifs (formels et non formels), ainsi que dans le cadre de l'exercice de l'activité professionnelle;

utiliser les fonds européens, en particulier le Fonds social européen pour favoriser l’éducation et la formation;

soutenir les programmes d’insertion professionnelle et inciter les entreprises à recourir à ces instruments pour créer des emplois stables;

revaloriser la profession d'enseignant, en promouvant le respect pour l'activité éducative et la formation continue des enseignants et en améliorant leurs conditions de travail ainsi que leurs salaires.

2.   Introduction

2.1   La crise financière qui a débuté en 2008 a provoqué la crise économique la plus aiguë que nous avons connue depuis les années 1930 et a entraîné la réduction la plus importante du PIB mondial jamais enregistrée depuis la Seconde guerre mondiale. Nous assistons aujourd'hui en Europe à une profonde crise économique et sociale, avec la fermeture de milliers d'entreprises, en particulier de PME, l'augmentation du chômage, la diminution des salaires et du taux d'emploi, les coupes budgétaires affectant le système de protection sociale, la hausse des impôts sur les biens de consommation et du prix des denrées de première nécessité, ainsi que l'aggravation de la pauvreté et de l'exclusion sociale.

2.2   Ce n'est pas le propos du présent avis d'analyser les causes de la crise. Son objectif est de souligner les incidences négatives sur le tissu social qui en ont résulté et se font sentir, ainsi que de suggérer quelques stratégies pour en diminuer l'impact et en surmonter les effets.

2.3   L'avis évoque l'importance de l'éducation et de la formation en tant qu'instruments essentiels pour faire face à la crise, les rapports entre l'éducation/la formation et le monde du travail, l’intégration des jeunes sur le marché du travail, les besoins et la responsabilité des entreprises en ce qui concerne la formation de leurs travailleurs et la promotion d’un emploi décent et de qualité.

2.4   Par ailleurs, le présent avis estime que la préservation du modèle social européen mérite de la part de la société un effort collectif caractérisé par la créativité et le sens de la solidarité.

3.   Observations générales

3.1   Quatre initiatives récentes de la Commission revêtent une importance particulière pour l'analyse de cette problématique:

«Une stratégie pour les nouvelles compétences et les nouveaux emplois: une contribution de l'Europe au plein emploi» (1), qui, dans le but de parvenir en 2020 à un taux d'emploi de 75 % pour toutes les personnes âgées de 20 à 64 ans, fixe comme priorités: des marchés du travail plus opérationnels; une main-d'œuvre plus qualifiée; des emplois et des conditions de travail de meilleure qualité et des politiques plus volontaristes pour promouvoir la création d'emplois et la recherche de main-d'œuvre (2);

l'initiative «Jeunesse en mouvement» (3), destinée à stimuler le potentiel des jeunes pour parvenir à une croissance intelligente, durable et inclusive dans l'Union européenne (4);

la communication sur «l'abandon scolaire: une contribution essentielle à la stratégie Europe 2020» (5), qui analyse l'impact du décrochage scolaire sur les personnes, la société et l'économie, résume les causes de ce phénomène et décrit les mesures actuelles et futures à l'échelle européenne;

le cadre européen de certification, dont l'objectif est de promouvoir la comparaison des systèmes nationaux d'éducation en permettant une plus grande mobilité dans le cadre de l'apprentissage et la reconnaissance au niveau européen des connaissances, des compétences et des aptitudes.

Tous ces documents font valoir la nécessité d'une coopération plus étroite entre les secteurs de l'éducation, de la formation et du marché du travail, s'inspirant d'une vision que le CESE partage.

3.1.1   Le Comité note également que la Commission envisage de lancer en 2012 un «panorama européen des compétences» en vue de garantir une transparence accrue tant au bénéfice des demandeurs d'emplois et des travailleurs que des entreprises et des administrations publiques. Ce panorama sera disponible en ligne et présentera des prévisions actualisées de l'offre et de la demande de compétences jusqu'en 2020 grâce au travail en réseau des organismes nationaux chargés de la prévision de l'évolution du marché du travail.

3.1.2   Il convient également de souligner l'importance des conseils sectoriels européens comme espaces d'intervention des partenaires sociaux dans l'analyse des compétences des travailleurs et des besoins du marché du travail et comme instrument pour accélérer les échanges d'informations et de bonnes pratiques fournies auparavant par les conseils et les observatoires de chaque pays (6).

3.2   La crise et le marché du travail

3.2.1   La crise financière et économique fait sentir ses effets désastreux sur le marché du travail. Selon l'OIT, le nombre de chômeurs au niveau mondial s'est élevé en 2010 à 250 millions, le taux de chômage étant passé de 5,7 % à 6,2 % cette même année. Le chômage s'est accompagné, dans de nombreux pays, d'une détérioration de la qualité du travail et d'une augmentation de la précarité des emplois.

3.2.2   Selon Eurostat, le taux de chômage mondial se situait en janvier 2011 à 9,6 % dans la zone euro et à 9,5 % dans le l'UE27, atteignant 15,775 millions de chômeurs dans la zone euro et 23,048 dans l'UE27, dont presque 5 millions chômeurs de longue durée.

3.2.3   Entre fin 2008 et février 2011, le taux de chômage dans l'UE à 27 est passé de 7,5 % et 9,5 % (chômage des hommes: de 6 à 9,5 %; des femmes: de 7,5 à 9,6 %; des jeunes: de 19,7 à 20,4 %).

3.2.4   Ces chiffres ne rendent néanmoins pas compte des écarts très significatifs qui existent en la matière entre les États membres (de 4,3 % aux Pays-Bas à 20,5 % en Espagne) et ne fournissent pas beaucoup d'indications sur certaines catégories de population relativement affectées (les immigrants et les travailleurs plus âgés).

3.2.5   Le chômage des jeunes de 15 à 25 ans a atteint 20,4 %, suite à une augmentation de 4 points de pourcentage rien qu'entre les quatre premiers mois de 2008 et le premier trimestre de 2009. En outre, le chômage de longue durée de cette tranche d'âge a augmenté de près de 30 % depuis le printemps 2008, touchant 1,2 million de jeunes parmi les 5,2 millions de chômeurs de longue durée.

3.2.6   Les travailleurs à bas salaires (qui sont généralement les moins qualifiés) courent un risque de chômage deux à trois fois plus élevé que les travailleurs mieux payés.

3.2.7   Une fois de plus, ce sont les jeunes qui sont les plus touchés par cette situation dès lors que le risque de recevoir des salaires bas est deux fois plus élevé parmi eux (bien qu'ils aient en général des qualifications supérieures) que parmi les travailleurs de la tranche d'âge intermédiaire.

3.2.8   Selon Eurostat (7), en 2007, avant même la crise, 79 millions de citoyens étaient exposés au risque de tomber dans la pauvreté et 32 millions se trouvaient en situation de pauvreté. Même si ceux qui travaillent sont moins exposés à ces risques, le phénomène de la «pauvreté au travail» touche au moins 17,5 millions de travailleurs (8).

3.2.9   Les emplois créés ont été caractérisés par une précarité accrue, particulièrement dans le cas des jeunes, avec plusieurs conséquences pour ceux-ci et pour la société (départ tardif du domicile parental, dépendance vis-à-vis des parents, report à une date ultérieure de décisions relatives au mariage et à la maternité) (9). Il faut savoir que le concept de précarité n'est pas lié aux contrats à durée déterminée mais plutôt au recours abusif à ceux-ci alors que les besoins du marché du travail sont, eux, reconnus comme permanents.

3.2.10   Pour le CESE, les principaux défis sont:

a)

le décalage entre la reprise économique en cours, avec des écarts significatifs d'un pays à l'autre, et la poursuite de la dégradation de la situation sur le marché du travail, en particulier de la croissance sans emploi. Le CESE adhère à la mise en garde faite par l'OIT dans son rapport mondial sur l'emploi (10) et dans les conclusions de la récente rencontre «Dialogue sur la croissance et l'emploi en Europe» (11);

b)

les déséquilibres sociaux créés par la situation difficile qui prévaut sur les marchés du travail, notamment pour les jeunes (en dépit de niveaux de formation plus élevés que ceux des générations antérieures) et les chômeurs de longue durée;

c)

la situation démographique européenne, et en particulier le vieillissement de la population active, qui peuvent aggraver le problème du manque de travailleurs qualifiés sur le marché de l'emploi;

d)

la mutation des emplois, qui tend à s'accélérer. Selon le CEDEFOP, la demande en personnel hautement qualifié pourrait s'accroître de 16 millions d'ici à 2020 et en personnel moyennement qualifié de 3,5 millions, tandis que la demande en personnel faiblement qualifié pourrait diminuer de 12 millions. Les déficits de qualification auront tendance à s'aggraver, en particulier dans les domaines «STEM» (sciences, technologies, ingénierie et mathématiques), de l'énergie, des technologies de l'information et de la communication, des transports écologiques, de l'environnement et de la santé. Les emplois qui se créent s’écartent de plus en plus dans leur nature de ceux qui se perdent, et les chômeurs ont de plus en plus de difficultés à la réinsertion.

3.3   La crise de l'éducation

3.3.1   L'éducation est un instrument d'épanouissement personnel des individus, d'insertion dans l'activité productive, de cohésion des sociétés et d'amélioration des conditions de vie. Selon Eurostat, les personnes qui ont un niveau d'instruction plus élevé ont une espérance de vie plus longue.

3.3.2   Les faibles niveaux de formation vont de pair avec la pauvreté et l'exclusion sociale, ce qui explique l'accent mis par les politiques d'inclusion sur la garantie de l'accès aux services publics (en particulier, d'éducation et de formation).

3.3.3   La stratégie Europe 2020 renforce l'idée selon laquelle l'éducation en Europe doit être améliorée, de l'enseignement préscolaire à l'enseignement supérieur, afin d'accroître la productivité et de combattre les inégalités et la pauvreté, partant de la conviction que l'Europe ne pourra prospérer que si sa population dispose des compétences lui permettant de contribuer à une économie basée sur la connaissance et en bénéficier.

3.3.4   Le CESE partage la préoccupation exprimée par la Commission européenne dans la «Stratégie numérique pour l'Europe», selon laquelle l'UE présente un retard dans l'adoption des nouvelles technologies, soulignant que 30 % des Européens n'ont jamais utilisé l'Internet et que les dépenses consacrées par l'UE à la recherche et au développement dans le domaine des technologies de l'information et de la communication (TIC) représentent à peine 40 % de celles des États-Unis. L'apprentissage de l'outil numérique depuis la petite enfance est un facteur d'inclusion.

3.3.5   Le CESE constate également que l'UE accuse face aux États-Unis et au Japon un déficit d'innovation, qui doit être comblé en augmentant le nombre de personnes hautement qualifiées, en encourageant l'investissement des États et des entreprises dans la recherche et le développement et en veillant à une meilleure articulation entre la science, la technologie et les activités productives. Il note d'ailleurs que le terme «innovation» englobe l'organisation du travail et l'innovation sociale.

3.3.6   Les deux grands objectifs de la Commission en matière d'éducation dans le cadre de la stratégie Europe 2020 sont:

a)

faire passer le taux de décrochage scolaire sous la barre des 10 %;

b)

porter à 40 % la proportion d'individus âgés de 30 à 34 ans ayant terminé des études universitaires ou équivalentes.

3.3.7   Le CESE partage la préoccupation de la Commission quant à l'abandon scolaire, un phénomène complexe qui a de graves conséquences sur la qualité de l'emploi auquel les jeunes peuvent aspirer et dont l'atténuation requiert un engagement politique ferme ainsi que de nouvelles méthodes d'approche et d'action.

3.3.8   Selon la Commission, en 2009, plus de 6 millions de jeunes (14,4 % des jeunes âgés de 18 à 24 ans) ont abandonné leurs études (scolaire, formation), avec en poche seulement un diplôme du premier cycle de l'enseignement secondaire ou inférieur, et 17,4 % d'entre eux seulement étaient allés jusqu'à la fin de l'enseignement primaire (12). Cela signifie qu'il suffirait de réduire d'un point de pourcentage la moyenne d'abandon scolaire prématuré pour dégager chaque année un potentiel de près d'un demi-million de jeunes travailleurs qualifiés préparés à entrer dans le monde du travail.

3.3.9   Un autre aspect important à considérer est le taux de redoublement. Selon les données de PISA pour 2009, le pourcentage de redoublement à l'école primaire est de 11 % en Irlande, 21 % en Espagne et peut atteindre 22,4 % aux Pays-Bas et au Portugal. Au niveau de l'enseignement secondaire inférieur, ces tendances se confirment, avec des taux de redoublement pouvant aller de 0,5 % en Finlande à 31,9 % en Espagne.

3.3.10   Selon les données Eurostat 2009, s'agissant de l'enseignement supérieur et de la recherche, le nombre de diplômés de l'enseignement supérieur en Europe ne s'élevait qu'à 32,3 % cette année-là. Les coupes budgétaires auxquelles procèdent actuellement la plupart des pays (13) auront pour effet de compromettre encore davantage la recherche universitaire, ce qui aura des implications dans de nombreux secteurs de l'économie et de la société (sciences, techniques, médecine, biologie, sciences sociales, arts et sciences humaines).

4.   Observations spécifiques: les propositions du CESE

4.1   Renforcer l'éducation en temps de crise

4.1.1   Il importe de rappeler en temps de crise que l'éducation est un droit de l'homme fondamental et un bien public qui doit être garanti à tous sans contrepartie, sur un pied d'égalité, sans aucune espèce de discrimination et en prenant en considération la question de l'égalité entre hommes et femmes.

4.1.2   Les investissements dans l'éducation ne doivent pas être considérés comme un problème en période de difficultés économiques, mais comme une solution pour que la sortie de crise puisse se faire dans les meilleures conditions. Dans cette perspective, afin d'encourager les États membres à investir davantage et de façon plus cohérente dans le domaine de l'éducation, il faudrait les inviter à se montrer particulièrement attentifs aux investissements dans l'éducation, la recherche et la formation professionnelle lorsqu'ils évaluent leurs objectifs budgétaires à moyen terme.

4.1.3   Il est également important de rappeler que l'éducation relève d'une mission collective, qui incombe à l'ensemble de la société. L'école est une institution spécialisée dotée de professionnels, qui ne peut ni ne doit agir de manière isolée mais plutôt interagir avec les familles, dont le rôle est irremplaçable, et qui doit également établir un dialogue permanent avec la société et les milieux économiques et sociaux.

4.1.4   Le Comité est convaincu que l'acquisition de connaissances de base solides donne aux élèves une plus grande capacité d'adaptation, et que plus le processus d'acquisition sera un succès, plus il sera facile, dans l'orientation scolaire et professionnelle, de tenir compte des besoins du marché.

4.1.5   L'éducation doit en particulier:

a)

aider les élèves à filtrer l'information qu'ils reçoivent et à apprendre à utiliser ce qui leur permettra le mieux de planifier leur avenir personnel et professionnel;

b)

développer une conscience critique, la curiosité et l'esprit d'entreprise, pour les rendre capables de prendre des initiatives et de résoudre des problèmes. En ce sens, l'interaction école/entreprise peut être d'une grande utilité;

c)

éveiller les élèves au principe de réalité afin qu'ils acceptent l'effort que suppose l'apprentissage et qu'ils en reconnaissent la valeur. Il importe de leur faire comprendre que cela vaut la peine d'apprendre et que la culture n'est pas uniquement destinée à être consommée mais doit être intégrée et transformée;

d)

fournir une formation de base solide, en particulier dans la langue maternelle et les mathématiques, ainsi que dans les autres savoirs et compétences nécessaires à une bonne intégration sur un marché du travail élargi à l'ensemble de l'espace européen, notamment l'apprentissage de plusieurs langues vivantes dès les premières années de la scolarité, contribuant ainsi dans le même temps à mieux préparer à s'engager dans un processus d'apprentissage tout au long de la vie;

e)

développer chez chaque individu les capacités créatives et esthétiques susceptibles d'ouvrir l'esprit à la culture et à l'innovation;

f)

en résumé, il s'agit de former des citoyens libres et solidaires, conscients de leurs droits et de leurs devoirs et capables d'exercer un emploi décent dans les meilleures conditions.

4.1.6   Cela exige une formation initiale et continue des enseignants, plus complète et plus enrichissante qu'elle n'a été jusqu'ici. Une formation qui mobilise les enseignants et les aide à adopter de nouvelles approches pédagogiques, en accord avec les défis auxquels ils font face (nouvelles technologies, nouveaux besoins du marché du travail, environnement pluriculturel avec de plus en plus d'élèves d'origine immigrée, etc.). Les États membres doivent promouvoir le respect de l'activité éducative, faciliter la formation continue des enseignants et améliorer leurs conditions de travail et leurs salaires.

4.1.7   L'éducation doit couvrir toutes les étapes de la vie, depuis l'éducation préscolaire jusqu'à l'enseignement supérieur et la formation des adultes, ainsi que différents contextes d'apprentissage formels, non formels et informels. Les États doivent la développer en accord avec les défis économiques et sociaux du futur: les sociétés de la connaissance et les économies caractérisées par une productivité élevée et une faible intensité de carbone.

4.1.8   Dans cette perspective, le CESE préconise que l'Union européenne:

a)

s'acquitte des engagements pris dans le cadre des initiatives «Jeunesse en mouvement», «Une stratégie pour les nouvelles compétences et les nouveaux emplois: une contribution de l'Europe au plein emploi» et dans la communication sur l'«abandon scolaire»;

b)

étudie la possibilité d'utiliser les fonds européens pour atteindre les objectifs en matière d'éducation, de formation, de recherche et de développement dans l'UE;

c)

soutienne les programmes d'insertion professionnelle en incitant les gouvernements et les entreprises à recourir à de tels instruments pour créer des emplois stables;

d)

renforce, développe et approfondisse les programmes d'échange d'étudiants de différents niveaux d'apprentissage;

et recommande aux États membres:

a)

d'adopter des mesures afin que les efforts pour sortir de la crise économique, en particulier celle de la dette souveraine, ne compromette pas les investissements publics dans les systèmes d'éducation et de formation nationaux;

b)

de maintenir (et, si possible, d'accroître) l'investissement dans la recherche et le développement;

c)

de lancer et de coordonner des initiatives afin d'améliorer l'enseignement des contenus «STEM» (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques);

d)

d'adopter des mesures qui revalorisent la profession d'enseignant de manière à ne pas compromette l'accomplissement par ces professionnels de leur mission (14);

e)

d'établir des systèmes d'orientation scolaire et professionnelle en vue d'améliorer l'information sur les compétences professionnelles essentielles pour accéder au marché du travail et les modalités de leur acquisition;

f)

de développer des programmes alternatifs de formation pour les jeunes qui abandonnent l'école ou qui ont des emplois peu qualifiés;

g)

de résoudre le problème du redoublement grâce à des dispositifs de soutien aux élèves plus faibles;

h)

d'encourager les entreprises à développer leur capacité à accepter les expériences professionnelles des jeunes;

i)

de stimuler l'esprit d'entreprise à tous les niveaux d'éducation.

4.1.9   Le CESE comprend qu'en cette période de changement, les entreprises ont besoin de main-d'œuvre ayant des compétences spécifiques, c'est la raison pour laquelle les systèmes de formation doivent être davantage sensibilisés à cette demande et mis en adéquation avec celle-ci, après l'acquisition de solides connaissances de base.

4.1.10   Le double système d'apprentissage d'éducation/formation en alternance à travers lequel les jeunes sont initiés au monde du travail tandis qu'ils terminent leurs études a produit des résultats positifs dans certains pays européens. Il conviendrait dès lors de l'analyser.

4.1.11   Le CESE est conscient que l'éducation relève de la responsabilité des États membres mais estime que l'Union européenne peut les aider, non seulement en les encourageant à réaliser les objectifs de l'Union et en recourant pour ce faire à la méthode ouverte de coordination, mais aussi en créant un environnement plus favorable, par exemple en ne comptabilisant pas les investissements consacrés à l'éducation et à la formation dans le calcul du déficit public.

4.2   Accorder de la valeur à l'apprentissage, de l'école au monde du travail

4.2.1   Les changements en cours (accroissement de la concurrence internationale, révolution scientifique et technique, changements climatiques, développement rapide des économies émergentes, vieillissement de la population) exigent une main-d'œuvre mieux formée et plus qualifiée.

4.2.2   Le renouvellement des générations n'est pas suffisant en soi pour élever le niveau des qualifications, étant donné que de nombreux jeunes ayant un niveau de formation élevé exercent des emplois peu qualifiés. Le décalage entre l'éducation reçue et la nature des emplois occupés peut d'ailleurs conduire à la dévalorisation des qualifications et des diplômes.

4.2.3   Pour le CESE, la réponse tient dans le développement de l'emploi de qualité et la reconnaissance de la valeur du «travail digne» préconisé par l'OIT.

4.2.4   Cela suppose d'investir dans des politiques volontaristes d'emploi et de formation professionnelle et de s'appuyer sur les fonds européens, en particulier le Fonds social européen (15).

4.2.5   Il importe également d'avoir présent à l'esprit que la création d'emplois dépend de la dynamique des entreprises, ce qui impose d'éliminer les lourdeurs administratives qui pèsent de manière superflue sur l'activité économique, en particulier sur la création de nouvelles entreprises.

4.2.6   Dans ce contexte, le CESE recommande les initiatives prioritaires suivantes:

4.2.6.1

Promouvoir l'insertion des jeunes dans le marché du travail par:

a)

l'amélioration des systèmes d'orientation scolaire en fournissant une information plus rigoureuse sur l'évolution et les besoins du marché du travail, les compétences professionnelles requises et les filières pour les acquérir;

b)

la création de programmes permettant l'insertion professionnelle au moyen de stages ou de l'apprentissage en milieu professionnel;

c)

le développement de programmes spécifiques pour les jeunes qui abandonnent l'école ou occupent des emplois peu qualifiés;

d)

la dissociation du type de contrat de travail (à durée déterminée ou indéterminée) de l'âge du travailleur, de manière à ne pas pénaliser les jeunes travailleurs pour la simple raison qu'ils sont jeunes.

4.2.6.2

Répondre aux défis de la formation tout au long de la vie:

a)

en garantissant que tous bénéficient des conditions adéquates pour un apprentissage tout au long de la vie qui permette un accroissement des compétences et un accès à des postes de travail plus qualifiés, de manière à concrétiser l'objectif d'une «croissance inclusive» fixé par la stratégie Europe 2020;

b)

en améliorant la formation (perfectionnement et reconversion) de tous ceux qui sont intégrés au marché du travail mais dont le niveau scolaire est insuffisant. Il importe dans le cas de ces initiatives de tenir compte de l'âge, de l'expérience et des connaissances des travailleurs concernés;

c)

en consacrant le droit de tout un chacun à une formation certifiée de qualité, en fixant un nombre annuel d'heures de formation pour tous les travailleurs, indépendamment du niveau de qualification ou du type de contrat;

d)

en soutenant l'élaboration au sein des entreprises de programmes de développement des compétences individuelles, conçus en commun par les travailleurs et les employeurs, en tenant compte des conditions dans lesquelles les entreprises opèrent, en particulier les PME, dans l'esprit du consensus entre les travailleurs et les employeurs existant au niveau européen;

e)

en soutenant les initiatives qui visent à accroître la reconnaissance de l'apprentissage non formel, à garantir la qualité de celui-ci et à augmenter la visibilité des compétences acquises en dehors du système formel (comme c'est le cas du passeport européen des compétences);

f)

en établissant un lien étroit entre la formation professionnelle et la carrière du travailleur en investissant dans la reconnaissance, la validation et la certification des compétences acquises dans le cadre de l'exercice d'activités professionnelles. Dans les deux cas, les États doivent assurer le suivi de la qualité des services d'évaluation et de certification;

g)

en s'efforçant de destiner en priorité les actions de formation aux chômeurs;

h)

en rappelant que les services publics doivent jouer un rôle plus actif dans la politique de formation de publics cibles prioritaires, tels que les travailleurs moins formés et moins qualifiés ou occupant des emplois précaires, ou encore les catégories les plus vulnérables telles que les handicapés, les chômeurs âgés ou les immigrés;

i)

en prenant dûment en considération la question de l'égalité entre les hommes et les femmes sur le marché du travail et en éliminant les inégalités et les discriminations, notamment l'écart de salaire entre ces deux catégories de travailleurs.

4.2.6.3

Améliorer les qualifications et exploiter le potentiel des travailleurs plus âgés:

a)

Le CESE souligne le risque élevé que représente le chômage de longue durée (perte de revenus et de qualifications ainsi qu'exclusion sociale). Aussi, estime-t-il que les services publics de l'emploi doivent jouer un rôle plus actif dans le placement de ces chômeurs et dans le développement de politiques actives de l'emploi et de la formation professionnelle.

b)

Il convient de développer le dialogue social au niveau sectoriel, tant à l'échelle de l'UE que dans les États membres, en tant qu'instrument essentiel pour résoudre les problèmes liés aux qualifications, en insistant par conséquent sur l'importance des conseils sectoriels des qualifications dans ce domaine.

c)

Dans cette perspective, il convient de préserver et de valoriser les conventions collectives, dès lors qu'aussi bien les travailleurs que les entreprises ont intérêt à ce que le niveau des qualifications s'élève.

d)

Dans un contexte de crise il serait légitime de pouvoir compter sur le Fonds social européen pour financer les mesures visant l'amélioration du niveau de qualification ainsi que des projets innovants en matière de création d'emplois décents.

e)

Il y a également tout intérêt à créer les conditions pour que les personnes plus âgées optent pour un prolongement de leur vie active, qui implique l'amélioration de la santé, l'adaptation du travail aux personnes, la valorisation du travail et l'amélioration du niveau de qualification, conformément aux principes définis dans la recommandation 162 de l'OIT (16).

f)

Dans ce contexte, il importe plus particulièrement de valoriser le potentiel des travailleurs plus âgés pour la transmission de connaissances sur les lieux du travail, laquelle pourrait faire l'objet d'une discussion entre les représentants des travailleurs et des entreprises.

Bruxelles, le 14 juillet 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  COM(2010) 682 final.

(2)  Avis du CESE «De nouvelles compétences pour de nouveaux emplois», JO C 128 du 18.5.2010, p. 74.

(3)  COM(2010) 477 final.

(4)  JO C 132 du 3.5.2011, p. 55.

(5)  COM(2011) 18 final.

(6)  Voir l'avis du CESE «L'adéquation des compétences aux besoins de l'industrie et des services en mutation – contribution à éventuelle mise en place au niveau européen de conseils sectoriels emploi-compétences», JO C 347 du 18.12.2010, p. 1.

(7)  Statistiques en Bref (46/2009).

(8)  Voir l'avis du CESE sur le thème: «Travail et pauvreté». JO C 318 du 23.12.2009, p. 52.

(9)  La jeunesse: Europe – portrait statistique 2009.

(10)  «Rapport mondial sur l'emploi» (www.ilo.org).

(11)  «Dialogue sur la croissance et l'emploi en Europe», 13 mars 2011, Vienne (www.ilo.org).

(12)  «Le redoublement dans l'enseignement obligatoire en Europe: réglementation et statistiques», EURYDICE, janvier 2011.

(13)  En Lettonie, après une coupe budgétaire de 48 % en 2009, les universités subissent une nouvelle coupe de 18 % en 2010; en Italie, les économies budgétaires prévues d'ici à 2013 s'élèvent à 20 %; en Grèce, elles se montent à 30 %; au Royaume Uni, ces coupes auront atteint en 2014 près de 40 %.

(14)  Avis du CESE «Améliorer la qualité des études et de la formation des enseignants»JO C 151 du 17.6.2008, p. 41.

(15)  Voir l'avis du CESE sur «Le futur du Fonds social européen après 2013», JO C 132 du 3 mai 2011, p. 8.

(16)  Recommandation 162 sur les travailleurs âgés, 1980, 0IT (http://www.ilo.org/ilolex/cgi-lex/convdf.pl?R162).


29.10.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/56


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Révision de la politique de prêt de la BEI dans le secteur des transports» (avis d'initiative)

2011/C 318/09

Rapporteur général: M. SIMONS

Le 5 mai 2011, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur la

«Révision de la politique de prêt de la Banque européenne d'investissement dans le secteur des transports».

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», a été chargée de préparer les travaux du Comité en la matière.

Compte tenu de l'urgence des travaux (article 59 du règlement intérieur), le Comité économique et social européen a décidé au cours de sa 473e session plénière des 13 et 14 juillet 2011 (séance du 13 juillet 2011), de nommer M. SIMONS rapporteur général, et a adopté le présent avis par 123. voix pour et 3 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le secteur des transports revêt une grande importance pour la BEI et l'inverse est également vrai. En 2010, elle lui a consacré 13,2 milliards, soit 21 % des 63 milliards d'euros de prêts qu'elle a consentis.

1.2   La Commission devant présenter sous peu de nouvelles orientations pour les réseaux transeuropéens de transport (RTE-T), il importe de s’accorder avec la BEI sur la manière de financer au mieux le réseau des infrastructures de base et les projets ponctuels, sur la toile de fond des objectifs tels qu'ils ont été formulés dans le livre blanc publié le 28 mars 2011.

1.3   Le Comité estime que c'est dans cette même perspective qu'il convient de placer le réexamen de la «Réorientation de la politique de prêt de la BEI dans le secteur des transports», publiée en 2007 par la BEI. Dans la mesure où le livre blanc insiste désormais bien plus qu'on ne l'avait fait jusqu'à présent sur les investissements dans le domaine de la durabilité, s’agissant, par exemple, de réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 60 % en 2050 par rapport à leur niveau de 1990, il s’en ensuivra que le critère de ladite durabilité acquerra un poids nettement plus important qu'auparavant pour les projets à financer.

1.4   Le Comité convient avec la BEI que dans l'octroi de facilité de crédit, le premier principe directeur doit consister à s’efforcer de satisfaire la demande de transport de la manière la plus efficace, la plus économique et la plus durable. Il sera nécessaire à cette fin de disposer d'un éventail de solutions qui concerneront tous les modes de transport, conformément à la comodalité et à l'internalisation des coûts externes, deux points de départ pour les chaînes logistiques.

1.5   Le Comité entend souligner que la BEI doit dès lors agir de manière neutre et objective, quel que soit le mode de transport concerné. Surtout en ce qui concerne les longues distances, il s’impose de recourir à une comodalité efficace et performante, qui exploite au mieux les avantages de chacun des moyens de transport pris en considération.

1.6   Le Comité souscrit sans réserve au deuxième principe directeur, à savoir le développement des RTE-T.

1.7   Le Comité souhaiterait que le troisième principe directeur dont la BEI fait usage dans ses lignes directrices et critères de sélection, à savoir la priorité accordée aux projets concernant le rail, le transport urbain, la navigation intérieure et le secteur maritime, ne tienne pas tant compte du mode de transport en tant que tel, mais plutôt des chaînes logistiques concernées, cela afin de générer le plus de bénéfices possible dans le domaine de la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

1.8   Pour ce qui est du financement des projets de recherche, développement et innovation, le Comité juge que financer des projets qui intègrent la lutte contre les émissions à la source constitue l'approche correcte.

1.9   Dans le réexamen des orientations pour l'octroi de facilités de financement, l'attention de la BEI devra, de l'avis du Comité, porter en priorité sur la prise en considération des chaînes logistiques dans leur ensemble, les nœuds de transport tels que les ports de mer, les aéroports et les terminaux multimodaux revêtant à cet égard une importance cruciale en tant que plates-formes logistiques.

1.10   Dans un contexte parcouru par une tension entre, d'une part, l'objectif ambitieux de réduire de 60 %, d'ici 2050, les émissions de gaz à effet de serre et, d'autre part, la crise financière, le Comité pense qu'un des défis que pose pareille situation consiste aussi à développer de nouvelles formes de financement, public et privé, comme les partenariats public-privé, fût-ce de manière sélective, tel que décrit au paragraphe 4.6.3.

1.11   Le Comité renvoie, pour une réponse détaillée aux trois questions spécifiques de la BEI, aux nombreux avis qu'il a élaborés et qui sont énumérés aux paragraphes 4.7 et suivants du présent avis.

2.   Introduction

2.1   La Banque européenne d'investissement (BEI), comme le CESE, est un organe de l'Union européenne créé par le traité de Rome en 1958; elle finance des projets permettant de réaliser les objectifs de l'Union européenne. La BEI emprunte elle-même de l'argent peu cher et le prête à son tour aux banques et aux entreprises.

2.2   La BEI bénéficie d'une notation de type «Triple A», qui lui permet d'emprunter de l'argent à faible taux d'intérêt sur les marchés de capitaux. La BEI peut ensuite à son tour prêter cet argent à des conditions favorables, de différentes manières:

elle prête l'argent directement à des entreprises ou d'autres instances pour contribuer au financement de grands projets (dont le budget dépasse les 25 millions d'euros);

elle prête l'argent à des banques et autres prêteurs, qui accordent à leur tour des prêts pour des projets de moindre envergure, en mettant l'accent sur les petites et moyennes entreprises;

elle peut se porter caution pour des emprunts, de sorte que les bailleurs de fonds ne courent aucun risque.

2.3   S’agissant de l'exécution des projets et du contrôle des moyens financiers octroyés, la BEI a noué des liens de coopération étroits avec le système bancaire international et d'autres institutions de l'UE.

2.4   Compte tenu de la forte interdépendance entre les différents acteurs, les institutions de l'UE invitent régulièrement la BEI dans le cadre de l'examen et de l'harmonisation des politiques. Ainsi, la BEI est associée à la préparation des réunions du Conseil des ministres et prend part aux travaux de certaines commissions du Parlement européen. Elle est en outre en concertation permanente avec la Commission européenne.

2.5   Les actionnaires de la BEI sont les États membres de l'Union européenne. Ceux-ci souscrivent conjointement au capital de la Banque, selon une clé de répartition qui reflète leur poids économique dans l'Union.

2.6   En 2010, la BEI a prêté un montant total de 63 milliards d'euros, dont 21 % (soit 13,2 milliards d'euros) au secteur des transports. Au cours de la période 2006-2010, les prêts de la Banque au secteur des transports ont représenté 23,7 % du total. Hormis les États membres eux-mêmes, la BEI est le principal bailleur de fonds des projets de RTE-T.

2.7   En 2007, la BEI a publié un document intitulé «Réorientation de la politique de prêt de la BEI dans le secteur des transports», énonçant les principes généraux et les critères de sélection qui permettront de mieux prendre en compte les préoccupations relatives aux conséquences du changement climatique tout en répondant au besoin croissant de mobilité. Ce document indique également qu'un réexamen régulier de la politique de prêt au secteur des transports est utile, eu égard à la dynamique d'évolution de la politique.

2.8   Maintenant que la Commission vient de publier le livre blanc, le 28 mars 2011, et présentera sous peu des orientations révisées pour les projets RTE-T, il est d'autant plus important que la politique de prêt de la BEI au secteur des transports soit revue et coordonnée.

2.9   La BEI a elle-même publié un communiqué en ce sens et a lancé une sollicitation d'avis du public. Outre les principes directeurs actuels, elle s’intéresse en particulier aux trois questions suivantes:

2.9.1

Comment la Banque peut-elle apporter une contribution plus efficace à la réalisation de l’objectif de «croissance intelligente» fondée sur la connaissance et sur l’innovation? Elle pense notamment dans ce cadre à l'influence des nouvelles technologies sur les transports.

2.9.2

Comment la Banque peut-elle apporter une contribution plus efficace à la réalisation de l’objectif de «croissance durable» et à l’émergence d'une économie plus efficace dans l'utilisation des ressources, plus respectueuse de l'environnement et plus concurrentielle? Il s’agit ici notamment d'améliorer la mobilité durable tout en contribuant à la réduction de l’encombrement et de la pollution et en promouvant l’utilisation des énergies renouvelables.

2.9.3

Comment la Banque peut-elle apporter une contribution plus efficace à la réalisation de l’objectif de «croissance inclusive» et favoriser l'emploi et la cohésion sociale et territoriale? Sont visés notamment dans ce contexte les goulets d'étranglement, les infrastructures transfrontalières, les nœuds intermodaux ainsi que le développement urbain, régional et des régions périphériques.

3.   Observations générales

3.1   Le Comité estime utile et nécessaire une harmonisation en amont, régulière, entre les organes politiques et consultatifs de l'UE et la BEI; c'est la raison pour laquelle il se félicite de la décision de la BEI de demander au CESE d'élaborer un avis d'initiative sur «le réexamen de la politique de financement du secteur des transports».

3.2   Comme le précise le livre blanc dans sa conclusion, la politique des transports doit promouvoir la compétitivité des transports tout en répondant à l'objectif du secteur de réduire d'au moins 60 %, d'ici 2050, les émissions des gaz à effet de serre par rapport à 1990. L'objectif visé est de réduire, d'ici 2030, les émissions de gaz à effet de serre de 20 % par rapport au niveau de 2008. De l'avis du Comité, des efforts considérables seront nécessaires si l'on veut remplir ces objectifs; d'autre part, en ce qui concerne le développement durable, il conviendra de rechercher un financement pour des projets potentiellement très prometteurs sur le plan de la «durabilité». Tout cela est exposé en détail dans le document du groupe d'étude TEN/454 concernant le «Livre blanc - Feuille de route pour un espace européen unique des transports – Vers un système de transports compétitif et économe en ressources».

3.3   De manière générale, le Comité reconnaît la pertinence des lignes directrices actuelles (2007) dont se sert la BEI pour accorder des prêts dans le domaine du transport; elles posent comme premier principe directeur de s’efforcer de satisfaire la demande de transport de la manière la plus efficace, la plus économique et la plus durable possible. La réalisation de cet objectif suppose la mise en place d'un mélange de solutions qui concerne tous les modes de transport. De l'avis du Comité, cette pratique est conforme au principe de comodalité auquel il souscrit également, et qui sera demain comme aujourd'hui le point de départ des chaînes logistiques, et d'une internalisation des coûts externes objective, applicable universellement, transparente et compréhensible, accepté par la société en général et en particulier par les modes de transports (1)

3.4   Le Comité estime toutefois qu'il peut être justifié de faire porter le financement sur un mode de transport en particulier, s’il est prouvé que le résultat est le plus économique, le plus durable, le plus sûr et le plus social dans une chaîne logistique donnée.

3.5   Le Comité considère que la BEI doit par conséquent continuer à agir de manière neutre et objective quel que soit le mode de transport. Comme le préconise le livre blanc, le recours au transport multimodal efficace et efficient est souhaitable sur les longues distances, pour autant que l'on tire le meilleur parti des avantages de chacun des modes de transport retenus.

3.6   La Commission estime quant à elle qu'il y a lieu de mettre en place des corridors de fret spéciaux pour les longues distances, qui optimisent le transport en termes de consommation d'énergie et d'émissions et réduisent au minimum la pollution tout en demeurant attrayants du fait de leur fiabilité, de l'absence d'embouteillages et de leur faible coût sur le plan opérationnel et administratif. Le Comité peut souscrire à cette analyse, mais souhaite que le même raisonnement s’applique aux corridors comparables pour le transport de passagers.

3.7   Le deuxième principe directeur qui guide les choix de la BEI dans l'octroi de prêts est l'évolution des RTE. Il s’agit ici d'investissements à long terme qui revêtent une grande importance pour la mise en place d'un système de transport efficace dans l'UE. Le Comité attache également une grande importance à la réalisation et à l'amélioration du réseau RTE-T.

3.8   Le troisième principe directeur dont s’inspire l'action de la BEI est de donner la priorité aux projets concernant le rail, la circulation en milieu urbain, la navigation intérieure et le secteur maritime, au motif qu'investir dans ce type de projet serait le plus rentable en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre par unité de transport. Le Comité attire l'attention sur le fait que ce n'est pas tant le moyen de transport en soi, mais bien plutôt les chaînes logistiques concernées qui doivent constituer le fil conducteur de la réduction des émissions. Qui plus est, se concentrer uniquement sur le mode de transport ne serait pas conforme à l'idée de la comodalité, à savoir le renforcement de tous les modes de transport afin d'obtenir une coopération entre les différents modes dans les chaînes logistiques, surtout sur les longues distances.

3.9   En ce qui concerne l'attention qu'accorde la BEI aux activités de recherche, développement et innovation (RDI) et les moyens alloués à ces dernières en accord avec les constructeurs de véhicules, le Comité estime que la bonne approche consiste à promouvoir la lutte contre les émissions à la source, ce qui suppose de prendre également en compte l'efficacité énergétique et les aspects liés à la sécurité.

3.10   Des phénomènes tels que le vieillissement de la population européenne, la raréfaction croissante des combustibles fossiles, la progression continue du taux d'urbanisation, le changement climatique et la généralisation de la mondialisation accroissent de manière considérable les besoins en ressources financières. De l'avis du Comité, c'est dès lors à juste titre que la BEI préconise l'élaboration d'une stratégie cohérente de financement associant des formes de financements publiques et privées. Le Comité est également partisan, pour chaque mode de transport, d'internaliser les coûts externes, conformément au principe selon lequel le pollueur/l'usager doit payer en fonction des coûts qu'il occasionne, et de réinvestir les bénéfices dans la lutte contre ces coûts externes, ce qui doit être le but ultime de l'internalisation (2).

4.   Observations spécifiques

4.1   Le Comité plaide pour que l'on accorde davantage d'attention, non seulement aux réseaux, mais aussi au rôle crucial que jouent les nœuds de transport - ports maritimes, aéroports et terminaux multimodaux - en tant que centres logistiques nécessitant des liaisons efficaces avec l'arrière-pays. Il soutient l'avis de la BEI, également confirmé dans le livre blanc, selon lequel une véritable approche comodale efficace est l'option qui contribuera le plus à réduire les pertes d'énergie et les émissions.

4.2   S’agissant des critères relatifs au financement des infrastructures RTE, il importe, outre l'optimalisation des flux de transport, de mettre davantage l'accent sur les rendements à réaliser en matière de consommation d'énergie et de production d'émissions. À cet égard, il y a lieu également de prendre en compte l'expansion du réseau RTE-T vers les pays voisins de l'UE.

4.3   Lors de l'élaboration d'un nouveau cadre pour le financement des infrastructures, la finalisation du réseau RTE-T devra être une priorité. Dans ce cadre, les stratégies d'investissement tant des programmes RTE-T que des Fonds structurels et de cohésion doivent être prises en considération. Le CESE estime qu'une meilleure coordination des Fonds de cohésion, structurels et d'investissements en ce qui concerne le secteur des transports est nécessaire afin d'utiliser au mieux les fonds européens.

4.4   La Commission estime, dans le livre blanc qu'elle a publié le 28 mars 2011, que le coût des investissements qui s’imposent dans les infrastructures pour répondre à la demande de transport s’élève, pour la période 2010-2030, à 1,5 trillion d'euros. Dans ce cadre, la réalisation du réseau RTE-T s’accompagnera jusqu'en 2020 d'un montant d'environ 550 milliards d'euros dont 215 milliards devraient être consacrés à la suppression des principaux goulets d'étranglement dans les infrastructures.

4.5   Dans le domaine technologique, le Comité considère qu'il convient surtout d'être attentif au financement de projets visant à réduire à la source les émissions de substances nuisibles au moyen d'investissements ciblés dans la recherche et le développement. Cela devrait également être le cas pour la recherche de formes alternatives de combustibles afin de remplacer les combustibles fossiles.

4.6   Le CESE est conscient de la tension existant entre, d'une part, l'objectif ambitieux tel qu'il est formulé dans le livre blanc de réduire de 60 % les émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050 et les efforts financiers considérables qui seront nécessaires à cette fin, et, d'autre part, la crise financière qui requiert la prudence en matière de politique financière.

4.6.1   Le Comité estime toutefois que cette situation offre aussi l'occasion de se pencher sur une meilleure allocation des ressources financières disponibles et, dans le même temps, représente un défi: celui de développer d'autres formes de financement public et privé.

4.6.2   À cet égard, l'on peut penser à une participation à l'élaboration de nouveaux instruments financiers pour le secteur des transports, dans lesquels des investisseurs tels que des fonds de pension et des compagnies d'assurances pourraient jouer un rôle.

4.6.3   À cet égard, le CESE préconise une utilisation judicieuse et sélective des partenariats public-privé (PPP) pour le financement des RTE-T, en tenant compte du fait que tous les États membres n'ont pas la même expérience en matière de PPP et que les instruments financiers de l'UE (Fonds structurels, Fonds de cohésion, RTE-T, BEI) doivent être mobilisés en tant qu'éléments d'une stratégie de financement cohérente dans laquelle les ressources tant publiques que privées, qu'elles soient européennes ou nationales, sont mises en commun. Afin de donner aux pouvoirs publics le libre choix de conclure des PPP, le CESE rappelle sa position, à savoir qu'il y a lieu d'adapter la définition des PPP dans les procédures Eurostat pour la dette publique (3).

4.7   S’agissant des questions spécifiques de la BEI (voir paragraphe 2.9), le CESE renvoie aux avis qu'il a élaborés précédemment et dont on trouvera ci-après les références ainsi que des citations des paragraphes les plus pertinents.

4.7.1   Concernant la première question, «Contributions de la connaissance et de l'innovation à la croissance intelligente» et l'influence des nouvelles technologies dans le domaine des transports, on lira avec profit les documents suivants:

TEN/419«Vers une large pénétration des véhicules électriques» (4), paragraphe 1.1: une plus large pénétration des voitures électriques et une réduction des émissions de gaz à effet de serre émanant du secteur des transports; paragraphe 1.6: le CESE invite instamment l'Union européenne et ses États membres à entreprendre un vaste effort collectif en vue de promouvoir et de soutenir cette évolution cruciale;

TEN/382«Les systèmes de modes de transport intelligents» (5); paragraphe 1.7: Le Comité souligne que pour la mise en place de cette infrastructure, l'on devrait pouvoir compter sur un financement adéquat assuré par la Communauté, par les États membres ainsi que le secteur privé;

TEN/362«Une stratégie européenne pour la recherche marine et maritime» (6), paragraphe 1.10: La Commission devrait élaborer des documents faisant suite à sa communication qui pourraient comporter des propositions en faveur du soutien aux domaines de recherche marine et maritime qui ne sont pas couverts par la stratégie européenne de la recherche grâce aux moyens prévus à cet effet; paragraphe 3.6.4: La coordination entre les fonds structurels, le programme cadre européen et les autres sources de financement est tout aussi cruciale; et

TEN/335«Émissions dues au transport par route - mesures concrètes contre la stagnation» (7).

4.7.2   L'on renverra le lecteur désireux de s’informer sur la deuxième question, la «croissance durable», et sur l'objectif d'une économie plus efficace sur le plan énergétique, plus écologique et plus concurrentielle, aux avis suivants:

TEN/399-400«Un avenir durable pour les transports/Politique européenne de transport après 2010» (8); paragraphe 2.8, premier tiret: augmentation rapide du poids démographique des personnes âgées, modification des comportements de voyage, augmentation de la part des ressources publiques consacrées aux pensions et aux soins de santé, diminution de budget des transports en commun; paragraphe 4.15: nécessité de modifier radicalement les investissements d'infrastructure;

TEN/412«Politique européenne des transports dans le cadre de la stratégie de Lisbonne après 2010 et de la stratégie de développement durable» (9); paragraphe 1.5: élaboration de nouvelles lignes directrices pour le réseau transeuropéen de transport et incitations provenant des interventions de la Banque européenne d’investissement; paragraphe 1.8: solutions nécessitant des choix politiques forts et s’accompagnant de répercussions financières plus lourdes etc.;

TEN/297«Bouquet énergétique dans les transports» (10), paragraphe 5.4: aides accordées aux transports, qui en Europe s’élèvent à un montant compris entre 270 et 290 milliards d'euros; paragraphe 8.13: La Commission européenne a inscrit au budget 470 millions d'euros pour la création de l'entreprise commune «Piles à combustible et Hydrogène»; paragraphe 8.15: le projet «Zero Regio» cofinancé par la Commission européenne prévoit la construction et l'expérimentation de deux infrastructures innovantes de distribution;

TEN/376«Le transport routier en 2020: les attentes de la société civile organisée» (11) paragraphe 1.9: développement de l'infrastructure nécessaire; paragraphe 4.2: Il conviendra d'œuvrer à la mise en place ou à l'amélioration (élimination des goulets d'étranglement) de l'infrastructure matérielle,

TEN/336«Les conséquences sociales de l'évolution du binôme transport/énergie» (12), paragraphe 1.2.5: extension du mécanisme de financement avec partage de risques (MFPR);

TEN/262«La logistique du transport de marchandises en Europe, la clé de la mobilité durable» (13), paragraphe 1.3: l'optimisation des infrastructures du réseau physique suppose la mobilisation des sources de financement nécessaires; paragraphe 4.5.5: augmenter les fonds budgétés par l'UE pour la construction des réseaux transeuropéens; paragraphe 4.5.6: système de financement mixte pour la construction et l'entretien des infrastructures;

TEN/440: «Programme de soutien pour le développement d'une politique maritime intégrée» (14), paragraphe 2.9: la mise en œuvre de la politique maritime intégrée est compromise en raison de l'insuffisance des moyens; paragraphe 2.10: établir un programme financier en vue de soutenir le développement de la politique maritime intégrée;

TEN/427«Assistance financière communautaire à des projets dans le domaine de l'énergie» (15): paragraphe 1.1: utiliser les fonds européens comme levier démultiplicateur afin d’accélérer la mise en œuvre des investissements dans le domaine de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables; paragraphe 2.2: créer un instrument financier spécialement destiné à promouvoir l’efficacité énergétique et des initiatives en matière d’énergies renouvelables;

TEN/404«La politique énergétique de l’Union européenne en faveur des PME» (16), paragraphe 1.2: aider le financement des investissements et construire des synergies financières UE/États membres/organisations d’entreprises; paragraphe 1.3: appui à l’innovation et financement des investissements dans les priorités des programmes régionaux;

TEN/366: «L'intégration des politiques en matière de transport et d'aménagement du territoire pour des transports urbains plus durables» (17), paragraphe 5.2: L'UE a alloué des ressources par l'intermédiaire des Fonds structurels et de cohésion ainsi que de la Banque européenne d'investissement; paragraphe 5.3: Les nouveaux défis du changement climatique mettent en évidence la nécessité d'un effort collectif européen;

TEN/381: Réseau ferroviaire européen pour un fret compétitif (18), paragraphe 4.1.2: les institutions européennes devront jouer un rôle important dans la facilitation du déploiement des instruments d'aide communautaires en faveur du développement d'un réseau ferroviaire européen pour un fret compétitif en cofinançant la création de corridors de fret ferroviaire au moyen du budget alloué au réseau transeuropéen de transport (RTE-T), du Fonds européen de développement régional et du Fonds de cohésion, ainsi que des prêts de la BEI;

4.7.3   Enfin, concernant la troisième question, la «croissance inclusive», le Comité s’est également exprimé de manière explicite dans plusieurs avis, plus particulièrement sur l'emploi et la cohésion sociale et territoriale. L'on conseillera plus particulièrement la lecture des documents suivants:

TEN/276«Transports dans les aires urbaines et métropolitaines» (19), paragraphe 4.1: Le CESE appelle la Commission à revoir la réglementation concernant l'attribution des fonds destinés au développement régional; paragraphe 4.5: Il serait par ailleurs opportun d'élaborer un programme communautaire concret de soutien en faveur de la mobilité et du développement urbain ou de l'aménagement régional;

TEN/445«Aspects sociaux de la politique européenne des transports» (20), paragraphe 1.10.1: Le CESE préconise la mise en œuvre de mesures de prévention en matière d'infrastructure (telles que des aires de stationnement suffisamment nombreuses, pas trop chères et sûres pour le transport routier de marchandises, ou des gares de bonne qualité pour les trains, le métro, les trams et les bus);

TEN/397«La politique du transport maritime de l'UE jusqu'en 2018» (21), paragraphe 7.1: investir davantage dans l'amélioration des infrastructures portuaires et des liaisons avec l'arrière-pays. Le réexamen du RTE-T devrait pleinement tenir compte de ce paramètre;

TEN/320: «Livre vert: Vers une nouvelle culture de la mobilité urbaine» (22), paragraphe 1.5: Le CESE soutient la promotion du recours aux «achats verts» pour les marchés publics relatifs aux infrastructures financées par des programmes européens, ainsi que la suppression des obstacles existants; au paragraphe 4.25, il pose la question suivante: À plus long terme, quelle valeur ajoutée pourrait apporter un soutien européen ciblé pour le financement du transport urbain propre et énergétiquement efficace?

TEN 401: «Promouvoir des emplois verts durables pour le paquet européen sur l'énergie et le changement climatique», (23) paragraphe 6.3: Le CESE propose la création d'un «Fonds souverain européen» garanti par la BEI et par des ressources spécifiques qui devraient être dégagées par le système européen des banques centrales et par la BCE, dans le but d'assurer la réalisation des objectifs d'efficacité et d'économies d'énergie, une sorte de «plan Marshall»; paragraphe 6.4: La BEI devrait assurer la gestion de ce fonds;

TEN/414: «Plan d'action pour la mobilité urbaine» (24), paragraphe 1.10: Le CESE recommande de mieux cibler la destination des fonds structurels et du Fonds de cohésion, par la création d'un instrument financier spécifique pour promouvoir la mobilité durable; paragraphe 4.4.4: appel en faveur de la rationalisation des sources de financement européennes existantes;

TEN/388: «Livre vert – RTE-T: un réexamen des politiques» (25), paragraphe 2.6: Depuis 1996, 400 milliards d'euros ont été investis dans divers projets d'intérêt commun; paragraphe 2.7: On estime le reliquat des postes d'investissement à 500 milliards d'euros; paragraphe 3.4: le Comité recommande que ce soient les moyens financiers qui reflètent les ambitions et non le contraire; paragraphe 3.16: Afin d'utiliser de manière plus efficiente et plus efficace les ressources financières de l'UE, le Comité est d'avis que l'allocation des fonds devrait être suivie par un groupe de coordination.

Bruxelles, le 13 juillet 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO C 317 du 23 décembre 2009, pp. 80-83, et JO C 255 du 22 septembre 2010, pp. 92-97.

(2)  JO C 317 du 23 décembre 2009, pp. 80-83.

(3)  JO C 51 du 17 février 2011, pages 59-66 (Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur la «Mobilisation des investissements privés et publics en vue d'une relance de l'économie et d'une transformation structurelle à long terme: développement des partenariats public- privé»).

(4)  JO C 44 du 11 février 2011, pp. 47-52.

(5)  JO C 277 du 17 novembre 2009, pp. 85-89.

(6)  JO C 306 du 16 décembre 2009, pp. 46-50.

(7)  JO C 317 du 23 décembre 2009, pp. 22-28.

(8)  JO C 255 du 22 septembre 2010, pp. 110-115.

(9)  JO C 354 du 28 décembre 2010, p. 23.

(10)  JO C 162 du 25 juin 2008, pp. 52-61.

(11)  JO C 277 du 17 novembre 2009, pp. 25-29.

(12)  JO C 175 du 28 juillet 2009, pp. 43-49.

(13)  JO C 168 du 20 juillet 2007, pp. 63-67.

(14)  JO C 107 du 6 avril 2011, pp. 64-67.

(15)  JO C 48 du 15 février 2011, pp. 165-166.

(16)  JO C 44 du 11 février 2011, pp. 118-122.

(17)  JO C 317 du 23 décembre 2009, pp. 1-6.

(18)  JO C 317 du 23 décembre 2009, pp. 94-98.

(19)  JO C 168 du 20 juillet 2007, pp. 77-86.

(20)  TEN/445 – CESE1006/2011 – référence JO pas encore disponible.

(21)  JO C 255 du 22 septembre 2010, pp. 103-109.

(22)  JO C 224 du 30 août 2008, pp. 39-45.

(23)  JO C 44 du 11 février 2011, pp. 110-117.

(24)  JO C 21 du 21 janvier 2011, pp. 56-61.

(25)  JO C 318 du 23 décembre 2009, pp. 101-105.


29.10.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/62


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Aides d'État à la construction navale» (supplément d'avis)

2011/C 318/10

Rapporteur: M. KRZAKLEWSKI

Corapporteur: M. CALVET CHAMBON

Le 9 décembre 2010, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, point A, des modalités d'application de son Règlement intérieur, d'élaborer un avis sur le thème

«Aides d'État à la construction navale»

(Supplément d'avis).

La commission consultative des mutations industrielles, chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 7 juin 2011.

Lors de sa 473e session plénière des 13 et 14 juillet 2011 (séance du 13 juillet 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 124 voix pour, 5 voix contre et 6 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le Comité économique et social européen est convaincu que l'«encadrement des aides d'État à la construction navale» (ci-après l'encadrement) constitue un instrument qu'il convient de préserver, tout en entreprenant de moderniser et d'étendre certaines de ses dispositions. Dans son champ d'application, il a contribué à la réalisation des objectifs politiques et sociaux visés. S'il est justifié de le maintenir, c'est au premier chef à cause de la spécificité du secteur, que son texte actuel décrit en introduction.

1.2   Le Comité souhaite souligner que l'encadrement n'a pas pour objet de lutter immédiatement contre la crise mais découle des particularités du secteur et que l'aide octroyée en vertu de ses prescriptions ne peut servir de mesure correctrice qui compenserait la construction de navires non compétitifs ou de bâtiments à faible niveau technologique.

1.3   Le Comité estime qu'il existe un argument supplémentaire attestant de la situation particulière de la construction navale, qui nécessite le maintien et la mise à jour de l'encadrement, en l'occurrence les toute récentes informations sur la rupture, après vingt années de tractations, des négociations menées sous l'égide de l'OCDE pour dégager un accord sur l'industrie de la construction navale, qui avait pour ambition de définir des conditions équitables de concurrence sur le marché mondial.

1.4   Dans la suite du présent avis, le Comité se réfère à des questions et problématiques fondamentales, que la Commission a soumises aux parties intéressées, lors d'un processus de consultation. Par ailleurs, le Comité propose, en les justifiant, des modifications qu'il conviendrait d'introduire dans la version revue de l'encadrement.

1.5   S'agissant de l'aide à la recherche, au développement et à l'innovation (RDI), telle qu'elle est prévue par l'encadrement, le Comité estime qu'elle est nécessaire car elle aide les entreprises à assumer les formes particulières de risque liées à l'innovation.

1.5.1   Le Comité estime que l'accès aux aides à l'innovation exerce une incidence positive sur l'évaluation du risque qui, dans le développement de nouveaux produits ou processus, est lié à chaque composante d'innovation. Elles offrent aux entreprises navales la possibilité de poser des jalons sur la voie de solutions nouvelles, qui accroissent les perspectives de succès sur les marchés pour les produits novateurs et, en conséquence, encouragent encore les activités de recherche, développement et innovation.

1.6   Considérant la question posée par la Commission quant à l'opportunité de ne plus autoriser l'aide aux innovations que pour celles qui sont liées aux bâtiments «verts» et d'en exclure désormais tous les autres types, le Comité adhère à la position des partenaires sociaux et estime qu'un tel choix affaiblirait considérablement l'efficacité de cet instrument. En particulier, on en arriverait alors à annihiler sa forte influence positive sur les innovations, qu'elles concernent les processus ou se présentent sous une autre forme, en rapport avec les produits, dans des domaines tels que la sécurité ou la productivité.

1.7   Le Comité affirme que les instruments de soutien dont l'objectif est d'aider les «technologies vertes» à s'imposer sur le marché représentent un outil important et qu'il convient de les intégrer dans le texte de l'encadrement. L'encadrement révisé devrait contenir des prescriptions appropriées et concrètes à ce sujet, qui s'ajouteraient aux impératifs des règles horizontales se rapportant à la protection de l'environnement. De l'avis du Comité, de telles dispositions ne serviront pas à établir un instrument supplémentaire d'aides d'État, mais simplifieront la mise en œuvre de l'encadrement et permettront de réaliser d'importants objectifs de l'UE.

1.8   Abordant l'importante problématique soulevée par la Commission quand elle demande s'il est opportun, dans la mesure où il existe également un encadrement horizontal qui s'y applique, de conserver l'aide à la recherche, au développement et à l'innovation (RDI) dans l'encadrement des aides d'État à la construction navale, le Comité affirme avec force qu'eu égard à la spécificité du secteur de la construction navale, il s'impose de maintenir cette aide telle qu'elle a été prévue dans l'encadrement, étant donné que ledit encadrement horizontal n'offre pas de solutions appropriées pour appuyer l'innovation dans l'industrie navale.

1.9   Compte tenu de ce que dans le laps de temps compris entre l'instauration de l'encadrement des aides d'État à la construction navale, en 2004, et la crise des années 2009-2010, rien n'incitait à recourir à l'aide liée à la fermeture d'installations mais que récemment, la situation du secteur a connu une dégradation si dramatique que les carnets de commandes des chantiers navals européens ont atteint leur niveau le plus bas depuis plus de dix ans, le Comité estime qu'il y a lieu de recourir à ce type d'aide. Il conviendrait que les dispositions le régissant donnent aux chantiers navals la possibilité de procéder à une restructuration partielle sans devoir en passer par tout le processus d'habilitation prévu pour ces opérations dans les lignes directrices pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration.

1.10   Le Comité est convaincu que les aides régionales sont également utiles pour les chantiers navals. Dans l'encadrement, elles devraient garantir la même intensité d'aide que les principes qui sont utilisés dans les lignes directrices concernant les aides à finalité régionale. Le Comité estime qu'il n'est ni indiqué, ni justifié que l'encadrement limite le périmètre de l'aide aux seuls chantiers navals existants.

1.11   Dans leur fonctionnement, les dispositions restrictives que l'Europe a prises concernant l'extension des capacités de production industrielles dans le secteur ont abouti à l'effet opposé de celui qui était recherché: au lieu de réduire sa contribution à une offre globale excédentaire, elles n'ont fait que placer ses chantiers navals dans une posture défavorable par rapport à leurs concurrents mondiaux. En conséquence, il ne se justifie en aucune manière de maintenir ces mesures restrictives qui ont pour objectif de réduire au minimum l'aide à l'expansion des capacités de production.

1.12   En ce qui concerne les dispositions sur l'aide en matière d'emploi qui sont prévues dans l'encadrement, le Comité invite les États membres à recourir à ces moyens plus souvent qu'ils ne le font à l'heure actuelle, tout particulièrement afin de soutenir l'activité des chantiers dans leur pays en matière d'éducation et de formation.

1.13   Le Comité considère qu'il y a lieu que l'encadrement maintienne la disposition concernant le crédit à l'exportation. Les crédits à l'exportation qui sont accordés dans le respect de l'accord sectoriel de l'OCDE ne constituent pas des aides d'État et apportent un soutien aux entreprises et, par là-même; aux régions où elles sont implantées. Cette assistance est directement liée au maintien ou à la création d'emplois dans ce secteur et dans les entreprises qui s'y rattachent, ainsi qu'aux avantages dont bénéficient les propriétaires de navires (ils peuvent obtenir des prêts de longue durée ou des garanties de prêts pour l'achat de navires).

1.14   Le Comité est favorable à ce que la gamme de produits qui devraient être couverts par l'encadrement soit étendue, en lien avec une mise à jour des données qui touchent à l'industrie de la construction navale et à la technologie depuis 2004. Il estime qu'à cette fin, il y a lieu de tirer parti de la proposition d'actualisation présentée dans la prise de position de la Communauté des associations européennes de chantiers navals européens (CESA) concernant l'article 2 de l'encadrement (1).

1.15   Le Comité invite les États membres et l'administration de l'UE à accorder une attention particulière à la politique d'information concernant les possibilités et les conditions d'utilisation des instruments d'aide publique qui sont prévues dans l'encadrement.

2.   Introduction

Contexte de l'avis

2.1   Le 29 avril 2010, le Comité a adopté un avis d'initiative intitulé «Le secteur naval européen face à la crise actuelle».

2.2   Dans son programme de travail pour 2011, la Commission européenne a prévu de réexaminer «l'encadrement des aides d'État à la construction navale», entreprise qui pourrait permettre de mettre à jour et de proroger ce document pour la période qui s'étend après 2011. Des consultations officielles avec les parties intéressées, entre autres les partenaires sociaux et les États membres, se sont déroulées jusqu'au 6 décembre 2010.

2.2.1   L'élaboration d'un supplément d'avis du Comité sur cette question apparaît utile et d'actualité, compte tenu des conséquences économiques et sociales de ces réglementations ainsi que de leur impact significatif sur des régions spécifiques.

2.3   L'«encadrement des aides d'État à la construction navale» reprend les réglementations qui sont suivies par la Commission dans son évaluation des aides d'État à la construction navale. Il est entré en vigueur le 1er janvier 2004 et était censé initialement avoir une durée d'application de trois ans. À compter de cette date, la Commission a décidé à deux reprises de le proroger: en 2006, de deux ans et, en 2008, de trois ans supplémentaires. En conséquence, sa durée d'application s'étend aujourd'hui jusqu'au 31 décembre 2011.

2.4   Le principe général de l'encadrement des aides d'État à la construction navale est que ce secteur soit éligible aux aides d'État au titre des instruments horizontaux régissant celles-ci, à l'exception des cas où s'appliquent les dispositions spécifiques dudit encadrement. Celles-ci concernent des domaines tels que les aides à la recherche, au développement et à l'innovation, les aides à la fermeture d'entreprises, à la création d'emplois, aux crédits à l'exportation, les aides au développement et à finalité régionale.

2.5   Étant donné que la construction navale remplit les conditions pour bénéficier également d'un soutien au titre des instruments horizontaux d'aides des États (ainsi que de l'UE), il convient que les consultations, ainsi que l'avis du Comité, élaboré au nom de la société civile de l'UE, contribuent avant tout à établir si les dispositions spécifiques de l'encadrement doivent encore être appliquées et à indiquer par ailleurs si, en cas de reconduction, elles doivent être modifiées et, le cas échéant, de quelle manière.

3.   Informations actualisées et succinctes sur le secteur européen de la construction navale dans le contexte mondial à la veille de la décision concernant l'encadrement

3.1   L'avis du Comité d'avril 2010 fournit une présentation globale et détaillée du secteur européen de la construction navale. Les informations ci-dessous portent sur les données et les faits marquants de l'année écoulée.

3.2   Après la première période de crise, l'on peut affirmer que la récession à touché la construction navale dans le monde entier. Des distorsions dans les échanges sont apparues avec une intensité jusqu'ici inconnue; dès lors, tous les États dotés d'une industrie navale se sont trouvés confrontés à de graves difficultés en raison d'une baisse importante de la demande. En plus de la question, qui n'est toujours pas résolue, d'un cadre concurrentiel clair pour la construction navale et la commercialisation de navires, on constate aujourd'hui que les perspectives à long terme dont l'Europe dispose dans ce secteur sont sérieusement compromises.

3.3   La production mondiale de navires est actuellement réalisée à plus de 80 % par des pays asiatiques et leurs carnets représentent jusqu'à 90 % des commandes mondiales. Leur poids croît, aux dépens des États de l'UE, dont la part dans la production mondiale a baissé aujourd'hui jusqu'à un seuil de 7 à 8 %.

3.3.1   La part de l'Europe dans le marché mondial des nouvelles commandes a accusé une baisse très importante en 2009 pour atteindre un pourcentage de 2,7 %, mais au cours des trois premiers trimestres de 2010, ce chiffre est remonté à 4,8 %. Néanmoins, lorsque l'on évoque la quantité de navires dans les carnets de commandes, l'on observe que l'indicateur au niveau mondial s'est légèrement redressé en 2010, alors que dans l'UE, il est resté au même niveau qu'en 2009, soit le plus bas de la décennie.

3.3.2   Au cours des dernières années, le volume total des nouvelles commandes a atteint 85 millions en tonnage brut compensé (TBC) en 2007, 43 millions en 2008 et 16,5 millions en 2009 mais pour les trois premiers trimestres de 2010, ce chiffre a crû pour atteindre 26,3 millions TBC (les prévisions pour la fin de l'année s'élèvent à 35 millions environ). En 2009, la mise en chantier de nombreux bâtiments qui avaient déjà fait l'objet d'un contrat de fourniture a été annulée, en raison notamment des très faibles tarifs pratiqués pour le fret et de l'impossibilité d'obtenir des crédits bancaires pour financer la construction de navires.

3.3.3   Au premier trimestre 2010, l'indice des prix exprimé en euros, (lorsque cette monnaie a atteint son plus bas niveau des dix dernières années), s'est redressé d'environ 17 %, mais les taux de change ont une incidence négative sur les prix exprimés dans les devises nationales. Bien que cet indice ait augmenté de plus de 20 % depuis l'an 2000, les prix en euros sont néanmoins restés au même niveau.

3.4   Indépendamment de la crise, les principales causes d'instabilité dans la construction navale demeurent l'interventionnisme et le protectionnisme pratiqués par les pays où cette industrie constitue ou aspire à devenir un secteur essentiel de l'économie. Les chantiers navals, qui bénéficient d'aides d'État, notamment ceux d'Extrême-Orient, sont en mesure d'offrir leurs produits et services à un prix qui ne tient pas compte de tous les types de risques, c'est-à-dire à des tarifs inférieurs à la concurrence, essentiellement européenne, qui est contrainte d'intégrer ce type de risque dans le calcul de sa tarification. Dans la mesure où il représente un des facteurs qui influent sur la compétitivité), le cours de change des devises, qui peut être géré jusqu'à un certain point à l'échelon central, par exemple, en Chine ou en Corée du Sud, constitue un autre instrument de protectionnisme.

3.5   En décembre 2010, l'OCDE a décidé de ne pas reprendre les négociations concernant l'accord sur la construction navale, qui étaient destinées à assurer des conditions de concurrence équitables sur le marché mondial. L'échec de ces tractations au terme de vingt ans de discussions fait que le marché naval mondial demeurera à l'avenir l'objet d'une lutte impitoyable. C'est une évolution négative qui incite certains États à pratiquer encore plus largement différentes formes d'intervention sur le marché. Cette situation accentue encore l'inégalité des conditions de concurrence pour la construction navale à l'échelle internationale. La responsabilité de cette situation peut être imputée à l'attitude intransigeante de certains États qui, en dehors de l'UE, possèdent des chantiers navals, à savoir la Chine et la Corée du Sud.

3.5.1   Cette évolution de la situation est perçue comme une réaction à la crise mondiale et favorise l'instauration de mesures protectionnistes. Le risque grandit que: soient construits sur le marché mondial des navires qui n'ont pas de raison d'être du point de vue économique. Le lancement de ces nouveaux bâtiments aggravera la crise du marché du fret, qui se traduit par un nombre trop important de navires en concurrence pour une même cargaison. Les partenaires sociaux européens du secteur naval ont déjà eu l'occasion de déplorer les multiples facteurs qui ont des effets négatifs sur tous les acteurs du marché (capacités de production excessives, sous-estimation des prix des chantiers navals, excédents de tonnage, tarifs d'affrètements déprimés).

3.6   Dans l'UE, le secteur de la construction a subi depuis 2008 une baisse sévère de l'emploi: 40 000 postes y ont été perdus et toutes les parties intéressées plaident en faveur du lancement d'un programme d'urgence afin de préserver une masse critique dans les chantiers navals européens (2). Cette tendance est exacerbée par la mise en œuvre récente des normes Bâle III en matière de fonds propres, définies par le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, qui restreignent les conditions de financement.

3.7   Depuis le début de la crise financière, il est devenu beaucoup plus ardu, dans l'UE, d'obtenir les ressources nécessaires à la construction de navires, étant donné que certaines institutions financières de premier plan ont réduit ou annulé leur engagement dans le financement des navires, tant avant leur mise à l'eau (préfinancement) qu'après cette étape. Dans ce contexte, les dispositifs de garantie publique, y compris ceux qui concernent les crédits à l'exportation, ont beaucoup gagné en importance. La crise du crédit perdure dans le secteur de la construction navale, malgré les premiers signes positifs de changement sur le marché.

3.8   Bien qu'il traverse également des difficultés temporaires, le sous-secteur de la réparation des navires, qui est classé dans le secteur de l'industrie navale, se trouve dans une situation nettement plus favorable que les chantiers navals de production. Les chantiers de réparation exercent leur activité sur un marché distinct de celui de l'industrie de la construction navale (plus de la moitié des navires réparés sont des unités hors UE). La crise mondiale des années 2009-2010 n'a pas épargné ce sous-secteur, car les armateurs ont réduit considérablement les dépenses de réparation de leurs navires, en se limitant souvent, en la matière, aux interventions indispensables et aux réparations périodiques exigées par la réglementation de navigation.

3.8.1   Face à une forte concurrence sur le marché mondial, les chantiers navals de réparation de certains États de l'UE ont mis en œuvre des mesures de diversification de leur production en modernisant («retrofit») les navires et en effectuant des opérations plus complexes telles que l'allongement des coques ou d'autres réaménagements concernant notamment les équipements d''extraction de pétrole et de gaz sur les fonds marins et la réalisation de navires de moindre dimension.

3.8.2   À l'heure actuelle, les opérations de réparation des navires se déroulent majoritairement dans des chantiers ou ateliers situés en dehors du territoire de l'UE, dans les pays voisins. Le Comité demande aux États membres et à l'administration de l'Union d'élaborer une stratégie qui pourrait donner une impulsion au développement et à la construction de chantiers navals de ce type sur les côtes de l'UE. Il est dans l'intérêt des États membres de l'UE de maintenir un «minimum stratégique» d'installations de réparation dans l'UE pour servir le secteur de la construction navale. Ces installations pourraient réparer les navires à un prix concurrentiel, assurer une exécution des commandes dans les délais et garantir l'utilisation de méthodes de travail qui tiennent compte de la dimension environnementale, contribuant à la renaissance industrielle de certaines régions côtières de l'UE.

4.   Observations générales

4.1   L'objectif général poursuivi par le réexamen de l'encadrement relatif à la construction navale doit porter sur l'amélioration des conditions de concurrence des chantiers navals européens. Cet esprit devrait imprégner toute la réglementation dudit encadrement.

4.2   La position concurrentielle globale du secteur européen de la construction navale est soumise à une pression très forte, due aux conditions de marché très difficiles, en particulier du fait des nombreuses mesures de soutien qui existent dans les pays concurrents. N'étant pas en mesure d'être compétitive en ce qui concerne le coût du travail, l'industrie européenne doit, pour l'emporter sur ses concurrents, garantir une production de la plus haute qualité s'agissant de la sécurité des navires, du rendement et de la protection du milieu marin ainsi que des procédés innovants visant à renforcer encore l'efficacité. Il est clair que l'encadrement, dans sa version renouvelée et modernisée, permettra précisément d'assurer des incitations adaptées dans ce sens et qu'il est indispensable pour obtenir ces résultats.

4.3   L'encadrement actualisé doit absolument établir de toute urgence un système pratique de mesures incitatives de nature à faciliter les investissements dans des navires, nouvellement construits ou modernisés, qui disposent de meilleures capacités en ce qui concerne la protection de l'environnement. À défaut de mettre en œuvre ce système à brève échéance, il pourrait devenir impossible de tirer profit des avantages immédiats de nature économique provenant de la réduction des émissions d'oxydes d'azote (NOx) et de soufre (SOx), ainsi que des gaz à effet de serre. Il convient que l'encadrement contienne des dispositions prévoyant que les aides de ce type et les moyens financiers qui leurs sont alloués soient réservés aux producteurs européens.

4.4   Les aides accordées au titre de l'encadrement revêtent de l'importance pour chaque entreprise et chaque région considérées individuellement, d'où la nécessité d'instaurer de nouveaux projets d'innovation afin d'apporter la réponse la plus rapide et la meilleure possible aux besoins changeants du marché. Les projets novateurs couverts par l'aide devraient comporter des éléments relevant tant de la recherche, développement et innovation en rapport avec de nouveaux produits que des formations et de l'amélioration des qualifications pour les travailleurs engagés dans les entreprises concernées. Il convient que l'encadrement rénové prenne cet aspect en considération.

4.5   Le Comité considère qu'avant d'aborder de manière détaillée la question des aides aux crédits à l'exportation (voir les observations spécifiques) il y a lieu de clarifier que la possibilité d'accéder à des tarifs de financement de la production qui soient concurrentiels représente souvent un facteur décisif pour lancer de nouveaux projets. La participation des pouvoirs publics, des banques d'État et des autres acteurs publics au financement tant avant leur lancement (préfinancement) qu'après cette étape, a crû sensiblement au cours des dernières années, notamment en Asie. Dans une perspective à moyen et long terme l'on peut présumer qu'en Europe aussi, le financement des activités de construction navale exigera, en règle générale, un soutien sous la forme de crédits ou de garanties d'État, avec une participation des institutions financières nationales et européennes, par exemple de la Banque européenne d'investissement, lorsque des difficultés ont été observées pour le secteur (3).

4.6   Depuis la première mise en place de l'encadrement des aides d'État dans le secteur de la construction navale de l'UE, de nombreux changements structurels sont intervenus, qu'il convient de prendre en considération dans le cadre de la prochaine définition des prescriptions de l'encadrement. Ces évolutions sont les suivantes:

la spécialisation des chantiers navals européens a permis de réaliser des progrès sensibles et il y a lieu de poursuivre et de soutenir ce processus,

la part de modèles «standards» de navires dans le carnet de production de l'industrie navale européenne s'est considérablement réduite,

la concurrence mondiale se fait à présent sentir jusque dans le segment des navires plus petits, notamment des bateaux de navigation intérieure,

alors que la taille (dimension) de la plupart des chantiers navals européens n'a pas varié ou a légèrement diminué au cours des dix dernières années, en raison de la fermeture de chantiers navals en Pologne, en Croatie, au Danemark et en Espagne, l'Europe s'est trouvée confrontée à l'extension massive des chantiers navals dans les pays concurrents, notamment asiatiques,

l'importance des produits et des processus de production respectueux de l'environnement s'est résolument accrue; il convient de soutenir cette tendance principalement en prenant les mesures nécessaires pour les questions des émissions, notamment d'oxydes de soufre (SOx) et d'azote (NOx) et de gaz à effet de serre,

le développement de l'activité côtière exigera que le secteur européen de la construction navale apporte une réponse directe quant aux moyens de satisfaire la demande locale par ses propres chantiers navals.

4.7   En ce qui concerne l'utilisation des instruments de soutien prévus par l'encadrement, l'attitude des États membres revêt une grande importance: il leur appartient de fournir des informations détaillées et systématiques concernant les possibilités et les conditions d'obtention de l'aide apportée par les États (il ne s'agit pas de subventions !) telle que prévue par les dispositions de l'encadrement.

5.   Observations spécifiques

Les aides destinées à la recherche, au développement et à l'innovation

5.1   Le secteur de la construction navale doit mener des activités de recherche, développement et innovation (RDI) s'il veut améliorer les produits qu'il offre et, par là, réussir sur le marché. Une action en la matière ne peut toutefois être entreprise que dans les cas où ce même marché est prêt à accepter les formes particulières de risque inhérentes à l'innovation.

5.2   Comme le soulignent les employeurs européens, l'exposition au risque qui est liée à la production de bâtiments prototypes est élevée. À la différence de la majeure partie des autres secteurs, un contrat de vente conclu dans celui de la construction navale comporte une définition de la performance du produit qu'il n'est pas possible de soumettre à une vérification préalable au moment où il est signé. Même mineurs, des incidents en rapport avec un élément d'innovation peuvent entraîner des modifications significatives, qui réclament davantage de ressources et de temps et provoquent ainsi des perturbations dans le processus de production.

5.2.1   Eu égard à cet environnement, l'accès aux aides à l'innovation a une incidence positive sur l'évaluation du risque qui, dans le développement de nouveaux produits ou processus, est lié à chaque composante d'innovation. Elles offrent aux entreprises navales la possibilité de poser de jalons supplémentaires sur la voie de solutions nouvelles, qui accroissent les perspectives de succès sur les marchés pour les produits novateurs et, en conséquence, encouragent encore les activités de recherche, développement et innovation.

5.3   L'utilisation des aides à l'innovation produit un effet d'accélération, lequel constitue un facteur essentiel, débouchant sur un accroissement de l'efficacité et de la compétitivité qui joue un rôle clé pour préserver une position technologiquement dominante dans les catégories de navires complexes et novateurs. Le rythme de l'innovation représente une composante fondamentale de la compétitivité, surtout si l'on considère que les technologies maritimes ne disposent que de moyens limités pour protéger la propriété intellectuelle.

5.4   Les partenaires sociaux qui représentent le secteur de la construction navale affirment conjointement, en étayant cette appréciation par des exemples, que le soutien à l'innovation a clairement contribué à améliorer l'efficacité et la compétitivité de leur industrie dans l'UE: elle a facilité l'introduction et la diffusion de méthodes de production, de technologies et de produits nouveaux et a stimulé la recherche, le développement et l'innovation. Il convient dès lors de reconnaître qu'elle constitue un outil d'action pertinent pour l'UE.

5.5   En ce qui concerne les problèmes liés à l'application des règles sur les aides à l'innovation, les entrepreneurs estiment qu'il est possible de les résoudre sans procéder à des modifications dans le texte de l'encadrement des aides d'État à la construction navale, en effectuant les changements appropriés dans la notification du programme national pour ce qui concerne le montant du seuil limite d'exonération du blocage de l'aide pour les innovations touchant aux produits dans le cas des petits navires, ainsi que pour les innovations dans les processus.

5.6   Pour ce qui touche à la question posée par la Commission quant à l'opportunité d'autoriser l'aide aux innovations qu'à celles qui sont liées aux bâtiments «verts» et d'en exclure désormais tous les autres types, le Comité adhère à la position des partenaires sociaux et estime qu'un tel choix affaiblirait considérablement l'efficacité de cet instrument. En particulier, on en arriverait alors à annihiler sa forte influence positive sur les innovations de processus destinées à accroître la compétitivité de l'industrie européenne. En outre, cette option pourrait placer en dehors du périmètre des aides admises certaines innovations touchant aux produits, en lien, par exemple, avec l'amélioration de la sécurité, ou la protection et le confort des équipages et des passagers.

5.6.1   Les instruments de soutien dont l'objectif est d'aider les «technologies vertes» à s'imposer sur le marché représentent un outil important, qu'il conviendrait d'intégrer dans le texte de l'encadrement des aides d'État à la construction navale en tant qu'«aide à la défense de l'environnement»qui viendrait compléter l'aide à l'innovation mais en constituerait un instrument distinct.

5.7   Sur le modèle de l'encadrement des aides d'État pour la protection de l'environnement, il conviendrait d'instaurer des dispositifs qui incitent à aller au-delà des exigences réglementaires. L'intérêt pour le recours à un cadre de ce type n'a toutefois guère augmenté. En même temps que les impératifs des règles horizontales, l'encadrement des aides d'État à la construction navale devrait dès lors comporter des prescriptions appropriées et concrètes. Un moyen efficace d'y parvenir consisterait à se référer aux dispositions relatives aux aides pour la protection de l'environnement dans le cadre des principes concernant l'exemption par catégorie des exonérations du blocage des aides, en lien avec les exigences particulières relatives aux navires. Cette façon de procéder contribuerait efficacement à simplifier les réglementations européennes gouvernant les aides d'État au secteur.

5.8   Le cadre horizontal en matière de recherche, développement et innovation comprend également des dispositions relatives à l'activité d'innovation, dont «la création de prototypes et de projets pilotes […] lorsque le prototype est nécessairement le produit fini commercial et lorsqu'il est trop onéreux à produire pour être utilisé uniquement à des fins de démonstration et de validation» (4).

5.8.1   Par rapport à l'encadrement des aides d'État à la construction navale, les dispositions afférentes du cadre horizontal en matière de recherche, développement et innovation autorisent effectivement des aides d'une intensité plus élevée et prévoient un éventail plus large de coûts éligibles; tout en apportant cette restriction qu'«en cas d'usage commercial ultérieur de projets de démonstration ou de projets pilotes, toute recette provenant d'un tel usage doit être déduite des coûts admissibles» (5).

5.8.2   Si cette disposition est mise en œuvre dans la majeure partie des secteurs de production en rapport avec la production de série, où celle-ci permet d'amortir les coûts de développement en raison précisément de la quantité importante de pièces produites, ce schéma est impraticable dans le cas des prototypes de navires.

5.9   En résumé, le Comité relève qu'en raison des spécificités des différentes branches de l'industrie navale, le cadre horizontal concernant la recherche, le développement et l'innovation n'offre pas les solutions appropriées en ce qui concerne les aides à l'innovation pour la construction navale et qu'en conséquence, une solution opportune consisterait à inscrire les dispositions qui conviennent dans la version mise à jour de l'encadrement des aides d'État à ce secteur.

Aide liée à des fermetures de sites

5.10   Dans le laps de temps compris entre l'instauration de l'encadrement des aides d'État à la construction navale, en 2004, et le début de la crise, l'industrie navale a vécu une période où la demande était forte et, par conséquent, ne poussait pas à envisager des fermetures d'installations. La chute brutale qu'elle a connue ces deux dernières années a changé la donne et les carnets de commande du secteur naval européen ont atteint leur niveau le plus bas depuis plus de dix ans.

5.10.1   Le Comité estime donc qu'étant donné la situation qui prévaut actuellement sur le marché, il est justifié de maintenir une aide à la fermeture (6).

5.11   Il conviendrait que les dispositions régissant ce type d'aide donnent aux chantiers navals la possibilité de procéder à une restructuration partielle (7) sans devoir en passer par tout le processus prévu pour ces opérations dans les lignes directrices pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration. Ce modèle devrait être envisagé aussitôt que la révision des lignes directrices aura été menée à bien. Dès lors que l'on aurait opté pour cette solution, il deviendrait bien évidemment inutile de maintenir des règles distinctes pour les aides à la restructuration dans le cadre de la construction navale.

Aide régionale

5.12   Si elle est maintenue, l'aide régionale doit avoir une ampleur et une intensité qui soient conformes aux règles appliquées au titre des lignes directrices pour les aides à finalité régionale. Il n'est ni indiqué, ni justifié de limiter le périmètre de l'aide aux seuls chantiers navals existants. Pour renforcer sa position concurrentielle, l'industrie européenne de la construction navale européenne a besoin d'investir dans des méthodes de production et des équipements plus efficaces. Cet impératif peut impliquer de créer de grandes unités de production afin d'exploiter plus efficacement les effets de synergie et d'économies d'échelle. Avec la réglementation actuelle, il est difficile, voire impossible, d'accorder des aides régionales pour de tels projets.

5.13   Les gros investissements consentis par les pays asiatiques ont constitué le moteur de leur développement industriel. Ils ont souvent été facilités par le soutien, direct ou indirect, de l'État. C'est à l'effet inverse qu'ont abouti les dispositions restrictives que l'Europe a prises concernant l'extension des capacités de production industrielles dans le secteur: plutôt que de réduire sa contribution à l'offre globale excédentaire, elles n'ont fait que placer ses chantiers navals dans une posture défavorable par rapport à leurs concurrents mondiaux. En conséquence, il ne se justifie en aucune manière de maintenir ces mesures restrictives qui ont pour objectif de réduire au minimum l'aide à l'expansion des capacités de production.

5.14   Les problèmes d'interprétation ou d'application des règles existantes en matière d'aides régionales à l'investissement sont pour leur part liés à l'approche restrictive que l'encadrement des aides d'État à l'industrie navale adopte vis-à-vis des dispositions horizontales. En particulier, la lecture stricte qu'il fait de la réduction des aides aux investissements dans les installations existantes a, sans justification aucune, restreint la portée de cet instrument et provoqué d'importants problèmes pour sa propre application.

Aides à l'emploi

5.15   Le Comité est convaincu que l'aide en matière d'emploi devrait être maintenue au sein de l'encadrement.

5.15.1   Le Comité considère que les États membres devraient recourir plus souvent qu'ils ne le font actuellement aux moyens prévus dans l'encadrement concernant l'aide à l'emploi, en particulier dans le but de soutenir l'action des chantiers de leur pays en matière d'éducation et de formation, dans les conjonctures de crise résultant de mouvements cycliques, d'une surproduction mondiale ou d'une concurrence déloyale de la part de producteurs hors UE.

Aides aux crédits à l'exportation et au développement

5.16   L'octroi de crédits à l'exportation par des agences étatiques ad hoc constitue une pratique répandue dans de nombreux secteurs industriels de par le monde. Les accords sectoriels conclus au niveau de l'OCDE définissent les normes internationales acceptées en la matière. Tous les États membres de l'UE appliquent pleinement ces principes qui, dans le contexte des dispositions de l'UE en matière d'aides d'État, sont considérés comme totalement compatibles avec les principes du marché commun.

5.17   Les crédits à l'exportation représentent une composante importante du financement des projets dans le secteur des chantiers navals. En Europe, ils reposent sur le principe de remboursement des frais et ne constituent donc en aucune façon une subvention. Leur disponibilité dans des conditions de libre concurrence contribue de manière significative à la compétitivité des chantiers navals européens. Si l'on tient compte plus particulièrement des importants moyens financiers mobilisés par d'autres pays pour le développement de leurs chantiers navals, notamment en Chine et en Corée, il apparaît qu'il convient d'autoriser les États membres à proposer des instruments équivalents à leurs entreprises.

5.18   Le Comité est d'avis qu'il s'impose, en exploitant les possibilités qu'offre le fonctionnement du dialogue sectoriel, de clarifier à quel point il est nécessaire et utile d'inclure dans l'encadrement une référence aux prescriptions de l'OCDE. Les partenaires sociaux du secteur européen de la construction navale considèrent que l'administration devrait se pencher sur cette question si la disponibilité des actuels crédits à l'exportation venait à être menacée.

Bruxelles, le 13 juillet 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Review of the Framework on State Aid to Shipbuilding – CESA response to the consultation paper – supplement («Révision de l'encadrement des aides d'État à la construction navale – Réponse du CESA au document de consultation – complément», 2010).

(2)  Avis du CESE JO C 18, du 19 janvier 2011, p. 35.

(3)  Voir avis du CESE JO C 18, du 19 janvier 2011, p. 35.

(4)  Règlement (CE) de la Commission no 800/2008 du 6 août 2008 (JO L 214 du 9 août 2008).

(5)  Ibid.

(6)  C'est notamment le cas en Espagne, où il est prévu de recourir à brève échéance à une «aide à la fermeture» pour quelques chantiers navals (restructuration partielle).

(7)  L'aide à la restructuration est définie dans les principes horizontaux correspondants, dont la révision est prévue en 2012 et il faut s'attendre à ce que celle-ci se penche sur l'aide à la fermeture partielle.


29.10.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/69


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «La coopération entre les organisations de la société civile et les collectivités locales et régionales en matière d'intégration des immigrants» (supplément d'avis)

2011/C 318/11

Rapporteur: M. Luis Miguel PARIZA CASTAÑOS

Le 20 janvier 2011, le Bureau du Comité a décidé, conformément à l'article 29A des modalités d'application de son règlement intérieur, d'élaborer un supplément d'avis sur le thème:

«La coopération entre les organisations de la société civile et les collectivités locales et régionales en matière d'intégration des immigrants»

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 27 juin 2011 ….

Lors de sa 473e session plénière des 13 et 14 juillet 2011 (séance du 13 juillet 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 119 voix pour, 1 voix contre et 11 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Les prochaines années verront une augmentation de la mobilité interne des citoyens européens et de l'immigration vers l'Europe de ressortissants de pays tiers. Ces processus vont accroître la diversité d'origine nationale, ethnique, religieuse et culturelle de l'UE (1). L'augmentation de la mobilité et de l'immigration pose un défi au niveau local et régional.

Le Comité économique et social européen condamne les initiatives récentes qui limitent la liberté de circulation à l'intérieur de l'espace Schengen. Il a élaboré un avis (2) afin de collaborer aux travaux du Conseil européen du 24 juin dernier.

1.2

L'intégration des immigrants compte parmi les principes directeurs de la stratégie Europe 2020 pour une croissance intelligente, durable et inclusive. Le CESE fait observer que la croissance économique et la création d'emplois, ainsi que l'amélioration de la formation et des services publics, sont autant de facteurs qui facilitent l'intégration.

1.3

Il est très important que l'UE dispose d'une bonne législation commune pour que la gestion de l'immigration soit canalisée aux moyens de procédures légales et transparentes. La législation commune doit se fonder sur le respect de la Charte européenne des droits fondamentaux et de la Convention européenne des droits de l'homme, en vue de garantir aux immigrants les mêmes droits et obligations, l'égalité de traitement et la non-discrimination au travail et dans la société en général.

1.4

Dans un contexte de crise économique et sociale, l'on voit croître en Europe l'intolérance, la xénophobie et le racisme, qui s'invitent même au programme politique de certains gouvernements. Les institutions de l'UE doivent lutter très activement contre la xénophobie et la discrimination envers les immigrants et les minorités visibles, de même qu'elles doivent favoriser l'égalité des chances, la cohésion et la mobilité sociale

1.5

Les collectivités locales et régionales disposent d'instruments politiques, réglementaires et budgétaires pour développer les politiques d'intégration. Dans de nombreux cas, les politiques nationales s'emploient à contrôler les flux migratoires mais sont très éloignées du niveau local et régional auquel doit être relevé le défi de l'intégration. Les politiques développées revêtent de multiples facettes: proactives, préventives, correctives ou réactives. Les pouvoirs locaux ont délaissé une approche qui voulait que l'intégration soit un processus naturel exempt de difficultés et ne nécessitant pas de politiques actives et spécifiques.

1.6

Le CESE considère que l'intégration n'est pas un acte juridique, mais bien un processus social complexe qui se déploie sur le long terme, qui revêt de multiples dimensions et auquel sont associés de multiples acteurs, en particulier au niveau local. Le processus social d'intégration se déploie dans les structures de la société et dans les différents cadres de vie des personnes: famille, quartier, ville, travail, école, centre de formation, université, associations, institutions religieuses, clubs sportifs, etc.

1.7

Le processus social d'intégration doit être étayé par un cadre réglementaire qui garantisse «la mise sur un pied d’égalité des immigrants avec le reste de la population, en termes de droits et de devoirs, ainsi que d’accès aux biens, aux services et aux canaux de participation citoyenne, dans des conditions d’égalité des chances et de traitement» (3). Le premier des principes de base communs de la politique d'intégration de l'Union européenne (4) dispose que «l'intégration est un processus dynamique à double sens d'acceptation mutuelle de la part de tous les immigrants et résidents des États membres» (5).

1.8

Les politiques d'intégration et d'inclusion sociale déployées par les administrations locales et régionales doivent aller dans plusieurs directions  (6): premier accueil; enseignement de la langue, des lois et des coutumes; logement; santé; lutte contre la pauvreté; lutte contre la discrimination; politiques d'emploi et de formation; égalité hommes-femmes; enseignement des mineurs; politique familiale; politique de la jeunesse; soins de santé; extension des services sociaux. Elles doivent enfin faciliter la participation citoyenne. Les administrations publiques doivent compter parmi leur personnel des personnes qui reflètent la diversité ethnique et culturelle, et les employés publics doivent recevoir une formation interculturelle. Au niveau local et régional, il y a lieu de promouvoir le dialogue et la collaboration interculturelle et interreligeuse.

1.9

La gouvernance démocratique se fonde sur le principe que tous les membres de la communauté politique doivent pouvoir participer directement et indirectement à la prise de décisions par les autorités. Pour que les politiques d'intégration réussissent, il est nécessaire que la société civile et les collectivités locales et régionales participent activement à la conception, à la mise en œuvre et à l'évaluation des politiques d'intégration.

1.10

La société démocratique nécessite que toutes les personnes concernées par les décisions collectives puissent exercer une influence et aient la possibilité de participer à ces décisions. Les villes multiculturelles du XXIe siècle doivent améliorer les processus démocratiques en y associant les résidents dont les droits de participation politique sont limités: les résidents non communautaires (7).

1.11

Le CESE a déjà réclamé (8) que les droits de citoyenneté soient étendus aux ressortissants de pays tiers jouissant d'un statut de résident permanent dans l'UE. De même, il appelle à ce que les politiques nationales de naturalisation fassent preuve de plus de souplesse.

1.12

Le CESE pourrait contribuer à la mise en œuvre des conclusions de la conférence de Saragosse au moyen d'un avis sur les indicateurs de citoyenneté active.

1.13

Le neuvième des principes de base communs, à savoir «La participation des immigrants au processus démocratique et à la formulation des politiques et des mesures d'intégration, en particulier au niveau local, favorise leur intégration» n'a pas été appliqué de manière satisfaisante dans les États membres. La troisième édition du MIPEX (9) (indicateurs d'intégration de 31 pays d'Europe et d'Amérique du Nord) conclut que la plupart des immigrants n'ont que peu de possibilités de participer aux politiques qui les concernent.

1.14

Le CESE considère qu'il faut mettre en œuvre des politiques d'intégration proactives, d'approche bidirectionnelle, tournées vers la société d'accueil et vers les immigrants, ayant pour objectif une société au sein de laquelle tous les résidents, indépendamment de leur origine, jouissent des mêmes droits et des mêmes obligations, et partagent les valeurs des sociétés démocratiques, ouvertes et plurielles.

1.15

Dans les villes européennes, la société civile est très active et travaille afin d'améliorer la vie en société et l'intégration citoyenne. Ces organisations constituent un magnifique capital social capable de promouvoir des sociétés intégratrices dans chacun de leurs domaines d'action. Le CESE propose que les collectivités locales et régionales facilitent les activités de la société civile et promeuvent sa consultation et sa participation au moyen de procédures publiques, transparentes et bénéficiant de financements adéquats. Les systèmes et financements ne doivent pas limiter l'indépendance des organisations.

1.16

Pour faciliter l'intégration, il faut améliorer la gouvernance par des systèmes de participation de la société civile, raison pour laquelle le CESE propose de renforcer le rôle des organes de participation et de consultation de niveau local et régional là où ils existent et de créer de nouveaux forums et plateformes dans les villes et régions qui n'en ont pas encore mis sur pied. En effet, les systèmes participatifs accroissent la réussite des interventions publiques.

1.17

Le CESE propose que les villes et les régions d'Europe constituent des conseils, des forums et des plateformes consultatives pour que la société civile (organisations d'immigrants et d'appui aux immigrants, organisations de défense des droits de l'homme, organisations féminines, partenaires sociaux – syndicats et organisations patronales – et autres ONG intéressées) participe et soit consultée sur les politiques d'intégration. Dans le contexte municipal, les structures de participation pourront s'adapter aux caractéristiques locales. Quant à leur structure, elle pourra être stable ou davantage flexible. Les autorités locales et régionales doivent s'efforcer de démanteler les obstacles qui s'opposent à la participation.

1.18

Le CESE est d'avis que la Commission européenne, dans son Nouvel agenda pour l'intégration doit mettre en relief l'importance du niveau local et régional et promouvoir la collaboration entre les pouvoirs politiques et les organisations de la société civile. Le niveau local est celui où l'intégration est la plus tangible et où se développe le sentiment d'appartenance. La participation sociale et politique est indispensable pour générer un tel sentiment.

1.19

La communication de la Commission doit proposer la création au niveau local de structures de consultation des immigrants et de la société civile. Le Fonds européen d'intégration pourrait collaborer avec les pouvoirs locaux pour ce qui est du financement de ces activités de participation, en garantissant l'indépendance des organisations.

1.20

Avant la prochaine évaluation intermédiaire, le CESE estime que le Fonds doit augmenter son budget et se doter de systèmes plus souples de financement en direction des autorités locales et régionales. De même, la Commission devrait se mettre à gérer jusqu'à 20 % de la masse du Fonds en vue de financer des actions communautaires possédant une valeur ajoutée élevée. Le Comité partage la préoccupation de nombreuses organisations d'immigrants. En effet, le Fonds ne finance que les projets présentés par les grandes organisations qui peuvent obtenir des niveaux élevés de cofinancement, et ne finance pas les petites organisations locales.

2.   Précédents et observations générales

2.1

Le CESE, au moyen de plusieurs avis, a contribué à ce que l'UE adopte une approche commune pour les politiques d'intégration: le programme commun pour l'intégration, les principes de base communs, le Fonds européen d'intégration, la tenue de conférences ministérielles, les réseaux de points de contacts nationaux, les manuels d'intégration, les rapports annuels, le site Internet, la création du Forum européen de l'intégration.

2.2

Avec le traité de Lisbonne, l'Union européenne s'est dotée d'une base juridique (article 79, paragraphe quatre du traité sur le fonctionnement de l'UE) lui permettant de déployer des mesures pour favoriser et soutenir l'action des États membres en faveur de l'intégration des ressortissants de pays tiers.

2.3

En 2006, le CESE a adopté un avis d'initiative (10) en vue de contribuer au développement des politiques communautaires d'intégration depuis une perspective locale et régionale. Le CESE y mettait en exergue que les politiques d'intégration ne relèvent pas de la compétence exclusive des États membres, mais aussi de celle des collectivités locales et régionales.

2.4

Un bon système de gouvernance est nécessaire pour que ce processus social puisse s'appuyer sur des politiques adéquates déployées par les pouvoirs publics. Les autorités locales et régionales, dans le cadre des compétences qui sont les leurs dans les différents États membres, disposent d'instruments politiques, réglementaires et financiers qu'elles doivent utiliser de manière appropriée dans les politiques d'intégration. En vue de garantir leur efficacité et leur cohérence globale, les programmes et les actions doivent être appuyés, coordonnés et évalués de façon adéquate aux trois niveaux (national, régional et local).

2.5

Le CESE souhaite souligner que dans les contextes régionaux et locaux, la société civile organisée témoigne de son intérêt et de son engagement en faveur des politiques d'intégration et de la lutte contre la discrimination: organisation d'immigrants et d'appui aux immigrants, syndicats, associations patronales, ONG de défense des droits de l'homme et de lutte contre le racisme; communautés religieuses, organisations de femmes, de jeunes, de voisins; organisations éducatives, culturelles et sportives; etc.

2.6

Le CESE a déjà exprimé antérieurement son point de vue selon lequel «l'emploi est un aspect fondamental du processus social d'intégration, dans la mesure où un emploi exercé dans des conditions décentes constitue la clé de l'autosuffisance économique des immigrants et favorise les relations sociales et la connaissance mutuelle entre la société d'accueil et les immigrants» (11).

2.7

L'éducation et la formation sont des instruments fondamentaux pour l'intégration et l'égalité des chances. Les systèmes de formation continue au sein des entreprises doivent être renforcés pour faciliter la reconnaissance des qualifications professionnelles des travailleurs immigrants. L'UE doit se doter de systèmes plus souples de reconnaissance des titres académiques et professionnels acquis dans les pays d'origine.

2.8

Le CESE a analysé (11) les principales difficultés auxquelles se heurte l'intégration sociale lorsque les immigrants sont en situation irrégulière, et a proposé que l'on puisse régulariser au cas par cas la situation des immigrants en situation irrégulière en tenant compte de leur degré d'enracinement social et professionnel sur la base de l'engagement pris par le Conseil dans le cadre du Pacte européen sur l'immigration et l'asile (12). Ces régularisations personnalisées se dérouleront selon les législations nationales, pour des raisons humanitaires ou économiques, et en tenant compte de la vulnérabilité particulière des femmes.

2.9

La Charte sociale européenne révisée  (13), instrument du conseil de l'Europe, contient en son article 19 une liste de mesures visant l'intégration des travailleurs migrants et de leur famille, liste qui, selon le CESE, devrait constituer la base du développement des personnes dans la ville. 30 des 47 États membres du Conseil de l'Europe l'ont ratifiée. La Charte prévoit un important système de réclamations collectives susceptibles d'être déposées par les syndicats, les organisations patronales et les organisations civiles (seuls 14 pays ont ratifié ce système).

2.10

En outre, l'article 11 du TUE offre davantage de possibilités aux citoyens et aux associations représentatives d'exprimer et d'échanger publiquement leurs points de vue dans chacun des domaines d'action de l'Union. L'année dernière, dans un avis d'initiative, le CESE a salué cette disposition qui constitue une étape historique dans la réalisation d'une Europe des citoyens (14), au moyen du dialogue horizontal et vertical et de l'initiative citoyenne européenne. Le CESE estimait dans cet avis qu'il est nécessaire d'introduire des critères de représentativité (quantitatifs et qualitatifs) pour la participation des associations et proposait que les ressortissants de pays tiers résidant de manière permanente dans l'UE puissent participer à l'initiative citoyenne.

3.   Le Forum européen de l'intégration

3.1

À la demande de la Commission européenne, le CESE a approuvé en 2008 un avis exploratoire (15) qui a servi de base à la création du Forum qui se réunit en réunion plénière tous les six mois au siège du CESE. Le Forum a déjà tenu cinq de ces réunions. Au moyen du présent avis, le CESE contribue à la cinquième réunion plénière de mai 2011 qui a vu la tenue d'un débat sur l'importance du contexte local et régional pour l'intégration.

3.2

Participent au Forum des institutions de l'UE, divers experts et 100 représentants des organisations de la société civile (organisation d'immigrants, organisations de défense des droits de l'homme, partenaires sociaux et autres ONG intéressées). Le Forum est consulté par les institutions de l'UE, échangent des informations et élaborent des recommandations pour dynamiser l'intégration à l'agenda européen en tenant compte des bonnes pratiques nationales. Le Forum est assisté d'un bureau composé de quatre membres (Commission, CESE et deux représentants des organisations). À la différence d'autres systèmes de consultation de la Commission, le Forum exprime le point de vue de la société civile de manière structurée, permanente et proactive.

3.3

Le Comité s'est engagé à participer activement au Forum et a décidé de créer un groupe permanent «Immigration et intégration» (IMI) au sein de la section SOC. Le groupe permanent élabore des avis, procède à des auditions et collabore aux activités du Forum.

3.4

Le programme de Stockholm (16) invite également la Commission à appuyer les efforts menés par les États membres pour améliorer la consultation et la participation de la société civile, en tenant compte des besoins d'intégration dans divers domaines d'action politique. Le Forum européen de l'intégration et le site web européen sur l'intégration doive jouer un rôle important.

3.5

Dans plusieurs États membres ainsi que dans plusieurs collectivités régionales ont été créés des forums et des plates-formes consultatives auquel participent les organisations de la société civile. C'est au niveau local que le fonctionnement de ces formes de consultation et de participation de la société civile et des organisations d'immigrants est le plus large. Elles ont des caractéristiques très variées en raison des circonstances culturelles, sociales et politiques différentes prévalant en Europe.

3.6

Préalablement à la quatrième réunion du Forum européen, le CESE a chargé le Migration Policy Group d'élaborer un rapport sur l'état des organismes consultatifs nationaux en matière d'intégration (17). Des organismes consultatifs nationaux existent dans 11 pays (bien qu'un cadre juridique existe en Allemagne et en Italie, aucune institution n'y a encore vu le jour, tandis qu'elle vient d'être constituée en Irlande). 15 pays disposent de systèmes consultatifs locaux. Des conseils consultatifs régionaux existent dans 10 pays (par exemple Allemagne et autres États fédéraux). Dans trois pays (Autriche, France et Grèce) il existe des organismes consultatifs locaux, mais pas nationaux.

4.   La conférence ministérielle de Saragosse

4.1

Le CESE a apporté sous la forme de deux avis (18) sa collaboration à la préparation de la dernière conférence ministérielle sur l'intégration tenue à Saragosse (19). Pour la première fois, deux représentants du forum ont participé à la conférence ministérielle.

4.2

Les conclusions de la conférence soulignent la nécessité d’élaborer un nouvel agenda pour l'intégration. La Commission européenne termine actuellement les travaux d'élaboration du nouvel agenda pour l'intégration dans le cadre de la préparation duquel le CESE a élaboré un document d'information (20).

4.3

La déclaration de Saragosse souligne que la société civile joue un rôle actif dans le processus d'intégration, et note la nécessité de promouvoir un projet pilote en matière d'évaluation des politiques d'intégration.

4.4

Les États, les régions et les collectivités locales doivent renforcer les initiatives locales d'intégration et les méthodes de participation citoyenne. Il convient d'encourager la création de réseaux et d'instance de dialogue entre les autorités locales et régionales et la société civile organisée.

4.5

Les indicateurs figurant dans la déclaration portent sur l'emploi, l'éducation et l'inclusion sociale, de même qu'ils incluent la citoyenneté active, dès lors que la participation des immigrants au processus démocratique - en tant que citoyens actifs - contribue à leur intégration et renforce leur sentiment d'appartenance.

4.6

Le CESE, qui a participé à cette conférence, a signalé qu'il était nécessaire de prévoir des indicateurs qualitatifs en sus d'indicateurs quantitatifs. Enfin, le CESE pourrait contribuer à la mise en œuvre des conclusions de la conférence de Saragosse au moyen d'un avis sur les indicateurs de citoyenneté active.

5.   La gouvernance dans les villes

5.1

La Charte européenne de l'autonomie locale de 1985 établit dans son préambule (21) que «le droit des citoyens de participer à la gestion des affaires publiques fait partie des principes démocratiques communs à tous les États membres du Conseil de l'Europe». C'est au niveau local que ce droit peut s'exercer le plus directement.

5.2

La Convention No 144 du Conseil de l'Europe sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local, qui date de 1992  (22), affirme que la participation active des résidents étrangers favorise le développement et la prospérité de la communauté locale. Cette convention encourage: à garantir aux résidents étrangers la liberté d'expression, de réunion et d'association; à promouvoir des conseils consultatifs pour représenter les résidents étrangers au niveau local; enfin, à promouvoir leur droit de voter aux élections locales. Néanmoins, cet instrument n'a été signé que par très peu d'États membres du Conseil de l'Europe, raison pour laquelle le Comité demande aux États membres de le ratifier.

5.3

La Charte européenne des droits de l'homme dans la ville  (23), adoptée à Saint-Denis, en l'an 2000, par plus de 70 villes européennes, affirme que la ville est par excellence l'espace politique et social se prêtant à une démocratie de proximité. La ville se définit grâce à la participation active des citoyens. Les villes signataires de la charte s'engagent à reconnaître le droit de participation à la vie locale par l'intermédiaire d'élections libres et démocratiques des représentants locaux, sans distinction entre citoyens étrangers et nationaux, et propose d'étendre le droit de vote et d'éligibilité pour les élections locales aux personnes résidant dans la ville depuis au moins deux ans. Compte tenu des limitations que les législations nationales imposent à ce droit, ces villes demandent que soit encouragée la pratique démocratique en faisant participer les citoyens, citoyennes et associations auxquels ils appartiennent aux décisions intéressant la communauté locale (sous la forme de débats publics, de référendums municipaux, de réunions publiques, d'action populaire, etc.).

5.4

En 2003, les membres du réseau Eurocities, composé de 128 grandes villes européennes, ont adopté une «Contribution à la bonne gouvernance en matière d'intégration des immigrants et d'accueil des demandeurs d'asile» (24). Cette charte, élaborée par les villes et destinée à celles-ci, contient des principes généraux sur la manière d'aborder l'intégration. Elle reconnaît que les politiques locales d'intégration sont plus efficaces lorsqu'elles peuvent compter sur le soutien de l'ensemble de la communauté.

5.5

Le Comité des régions (CdR) est particulièrement proactif dans le domaine de l'intégration, comme il l'a montré en rédigeant divers avis (25) dans lesquels il insiste sur le fait que les collectivités locales et régionales sont en première ligne pour l'élaboration, la mise en œuvre, l'évaluation et le suivi de la politique d'intégration. Pour cette raison, il devrait être considéré comme un acteur central de cette politique (26). Le CdR souligne également le rôle important joué par les collectivités locales et régionales en matière d'intégration des immigrants; il collabore à ce sujet avec la Commission européenne.

5.6

Le CESE a adopté un avis d'initiative (27) à l'adresse de la convention qui a rédigé le traité constitutionnel avorté, allant dans le sens de l'octroi de la citoyenneté européenne aux ressortissants des pays tiers ayant le statut de résident de longue durée. Le Comité propose à la Commission et au Parlement européen d'adopter de nouvelles initiatives permettant aux immigrés permanents de pouvoir acquérir les droits de citoyenneté, notamment au niveau local.

5.7

Le deuxième «Manuel de la Commission sur l'intégration à l'attention des décideurs et des personnes de terrain» (28) recommande d'investir dans la mobilisation et l'organisation sociale, dans la communication structurée et le dialogue, et dans le renforcement de réseaux d'intégration locale.

5.8

L'initiative «Smart Cities» (29) («Villes intelligentes») a été créée en 2007 en tant qu'instrument d'évaluation continue auquel participent 70 villes européennes de taille moyenne pour partager des stratégies de développement durable dans les domaines de l'économie, des personnes, de la gouvernance, de la mobilité, de l'environnement et de la qualité de vie. Différents indicateurs sont utilisés. Le CESE propose que les propositions du présent avis soient prises en compte pour la définition d'indicateurs concernant les personnes et la gouvernance.

5.9

Le programme Cités interculturelles est une action conjointe lancée par le Conseil de l'Europe et la Commission européenne en 2008, à l'occasion de l'Année européenne du dialogue interculturel. Son objectif est de contribuer à la création d'un modèle d'intégration interculturelle dans les communautés urbaines caractérisées par la diversité. Dans ce programme, le concept d'«interculturalité» est perçu comme un moyen de promouvoir des politiques et pratiques destinées à renforcer l'interaction, la compréhension et le respect entre les différentes cultures et groupes ethniques.

5.10

Dans le document intitulé «Citoyenneté et participation dans la cité interculturelle» (30), le programme Cités interculturelles analyse les méthodes et procédures que les villes peuvent adopter pour renforcer le dialogue interculturel et l'interaction. Ce document réaffirme les principes de la Convention du Conseil de l'Europe pour la participation des étrangers à la vie publique au niveau local de 1992, et adopte une démarche créative en préconisant des consultations flexibles réalisées dans des cadres informels; il s'agit d'une approche intéressante et complémentaire aux stratégies de gouvernance à long terme fondées sur des organismes consultatifs.

5.11

À l'heure actuelle, un nombre important d'États membres garantissent (en totalité ou en partie) le droit de vote aux citoyens étrangers: Belgique, Danemark, Estonie, Finlande, Grèce, Irlande, Pays-Bas, Malte, Portugal, Slovaquie, Espagne, Suède et Royaume-Uni. Néanmoins, la participation active de la population étrangère reste réduite. Aussi le CESE considère-t-il qu'il est nécessaire de promouvoir des actions publiques en coopération avec la société civile pour favoriser la participation des étrangers.

5.12

Selon la troisième édition du MIPEX, les ressortissants de pays tiers peuvent se présenter comme candidats aux élections municipales dans 3 pays d'Europe, voter pour les élections municipales dans 19 pays, voter pour les élections régionales dans 7 pays, et voter pour les élections nationales dans 2 pays (Portugal et Royaume-Uni). Il existe par ailleurs, comme cela a déjà été souligné, des organismes consultatifs au niveau national dans 11 pays et au niveau local dans 15 pays.

5.13

La troisième édition du MIPEX permet d'extraire des données très importantes, non seulement quant aux pays qui pratiquent des consultations des immigrés, mais aussi sur le développement de véritables politiques d'intégration. Les pays qui présentent des structures consultatives fortes sont ceux qui garantissent des libertés politiques à toutes les personnes, soutiennent la société civile des communautés d'origine immigrée par des ressources économiques suffisantes, étendent le droit de vote et la citoyenneté de plein droit, et font davantage d'efforts pour promouvoir la pleine participation de tous les résidents à des procédures de consultation sur l'emploi, l'éducation, la santé et le logement. Le MIPEX fait remarquer que la présence d'organismes consultatifs ne remplace pas le droit de vote.

5.14

Les conseils consultatifs les plus forts au sein de l'Europe sont ceux qui fonctionnent depuis le plus de temps (pour certains, depuis les années 70 et 80) et correspondent aux pays ayant une tradition d'immigration plus ancrée. À l'opposé, les plus faibles se trouvent dans les pays du sud de l'Europe où le phénomène migratoire est plus récent. Les pays d'Europe centrale, où l'accueil d'immigrants est récent, ont des systèmes peu développés.

5.15

Si l'on analyse ces plates-formes sous l'angle des critères du Conseil de l'Europe (31), il ressort que la création et la durabilité de ces structures ne doit pas dépendre de la volonté des collectivités et des gouvernements, mais répondre à des dispositions juridiques précises. Elles doivent pouvoir adopter des initiatives et recevoir des réponses et des retours d'information sur les sujets sur lesquels elles ont été consultées. Si l'on en croit les témoignages recueillis lors du cinquième Forum européen d'intégration, ce n'est pas souvent le cas. Il doit s'agir de structures représentatives, obligatoirement dirigées par des immigrés, et dotées de ressources économiques suffisantes (32). Le CESE insiste sur le fait qu'il est important de garantir la représentativité des organisations et d'y faire participer les femmes.

5.16

Dans le cadre de la préparation de l'avis s'est tenue à Valence, le 30 mars 2011, une audition organisée conjointement par le CESE et le gouvernement de la Généralité valencienne, sur le thème «Coopération entre les administrations locales et régionales et les organisations de la société civile». Les différentes interventions ont permis de présenter les expériences de consultation et de participation menées par Rome (Italie), la Région flamande (Belgique), Strasbourg (France), Dublin (Irlande), le land de Hesse (Allemagne), Aarhus (Danemark) et Valence (Espagne). Le présent avis tient largement compte des expériences et considérations échangées lors de cette réunion.

5.17

Le CESE estime que les collectivités locales et régionales doivent faciliter l'exercice du droit d'association des personnes d'origine immigrée, dans la mesure où les législations nationales assignent aux ressortissants de pays tiers un statut de citoyenneté restreinte (reconnaissance insuffisante et inégalitaire du droit de participer à la vie politique par le vote). L'espace associatif favorise la participation organisée, renforce les réseaux de solidarité, crée des conditions favorables à l'enracinement et au bien-être des citoyens, au bénéfice de toute la communauté.

5.18

Les collectivités locales et régionales doivent promouvoir le mouvement associatif, notamment des personnes immigrées, et le renforcer par des moyens techniques (conseils à la gestion des associations, sur le plan démocratique, économique, financier et de la communication; actions de renforcement des capacités et de formation au management, notamment à l'attention des femmes immigrées; animateurs de forums et de réseaux, échange de bonnes pratiques, etc.); des moyens économiques (subventions, conventions ou attributions de prestations de services); des moyens matériels (infrastructures pour les collectivités: locaux et équipements de base pour le déroulement des activités), avec une attention particulière aux actions en faveur de l'intégration numérique.

5.19

Les collectivités locales et régionales doivent promouvoir l'intégration d'immigrés dans les organisations de la société civile, en tant que membres mais aussi à des postes de direction. Les associations de voisins, de parents d'élèves, de femmes, les associations culturelles, sportives, de loisirs ou liées à des divertissements, les communautés religieuses ainsi que les organisations syndicales et d'entreprises revêtent une importance particulière. Les organisations syndicales européennes ont une longue tradition d'affiliation et de participation des travailleurs d'origine immigrée, et leurs membres présentent une grande diversité ethnique et culturelle. Elles jouent donc un rôle de médiation sociale important.

5.20

Il convient aussi de faciliter les relations entre les associations d'immigrés et le reste de la société civile organisée, en favorisant la création de réseaux basés sur des objectifs sociaux communs pour tous les citoyens (éducation, emploi, logement, aménagement et développement urbain). À cet égard, l'Année européenne du volontariat constitue une occasion de reconnaître et de soutenir les organisations.

5.21

Dans l'UE, la consultation prend des formes très diverses: forums, plates-formes ou conseils consultatifs, dialogue social. Le troisième Manuel sur l'intégration à l'attention des décideurs et des personnes de terrain estime qu'une plate-forme de dialogue est «un espace civique propice à des échanges d'opinions ouverts et respectueux […] entre immigrés, avec des concitoyens ou avec le gouvernement». L'objectif est que les participants acquièrent une perception commune et une confiance mutuelle.

5.22

Le CESE estime que le Forum européen d'intégration doit travailler en réseau avec les forums et les conseils consultatifs existants dans l'UE. Au niveau des États membres, il faut que les forums locaux et régionaux établissent également des réseaux (le cas danois est très significatif: le Conseil des minorités ethniques, au niveau national, est composé de 14 membres élus par les 42 forums locaux).

5.23

Le CESE souhaite favoriser en Europe des cités plus démocratiques, en promouvant une citoyenneté commune liée au fait de résider dans une ville (la maire-adjointe de Rotterdam envisage une «citoyenneté urbaine»), compte tenu du fait que la ville est l'échelon où se développe le plus naturellement un sentiment d'appartenance partagée entre personnes différentes. La majeure partie des personnes immigrées s'identifient davantage avec leur ville de résidence que leur État de résidence. La ville est le lieu privilégié où tous les individus partagent leurs problèmes, leurs projets et leurs rêves.

6.   Le Fonds européen d'intégration.

6.1

Le cinquième Forum européen de l'intégration a débattu du fonctionnement du Fonds, dans le contexte de l'évaluation à mi-parcours réalisée par la Commission européenne. Conformément aux conclusions du Forum, le CESE formule les propositions suivantes:

6.1.1

Il conviendrait d'accorder une priorité au principe de coopération prévu à l'article 10 de la décision concernant le Fonds. À cette fin, les États membres devraient associer les collectivités territoriales et les organisations représentant la société civile à l'élaboration, l'exécution et l'évaluation (ex post) du programme pluriannuel et à l'utilisation du Fonds au niveau national.

6.1.2

Les règles et procédures actuelles du Fonds sont trop complexes et créent des barrières administratives qui rendent difficile le financement tant de la société civile que des collectivités territoriales (33). Le CESE recommande de réviser ces règles en coopération avec le Fonds européen d'intégration dans le cadre du principe de coopération, notamment pour ce qui touche aux critères d'accès, au cofinancement, à la transparence et au champ d'application personnel. Le CESE considère que, pour garantir que le Fonds apporte une valeur ajoutée, il est nécessaire que tous les projets financés garantissent la mise en pratique du premier principe commun: «l'intégration est un processus bidirectionnel».

Bruxelles, le 13 juillet 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO C 48 du 15.2.2011, p. 6.

(2)  JO C 248 du 25.8.2011, p. 135.

(3)  JO C 125 du 27/5/2002, p. 112.

(4)  Document du Conseil 14615/04. Principes de base communs adoptés par le Conseil et les représentants des États membres le 19 novembre 2004.

(5)  COM(2005) 389 final. Programme commun pour l'intégration. Cadre relatif à l'intégration des ressortissants de pays tiers dans l'Union européenne

(6)  JO C 347 du 18.12.2010, p. 19.

(7)  R. Gropas and R. Zapata-Barrero (2011) «Active immigrants in multicultural contexts: democratic challenges in Europe», in A. Triandafyllidou, T. Modood, and N. Meer European Multiculturalism(s): Cultural, religious and ethnic challenges. Edinburgh: Edinburgh University Press.

(8)  JO C 208 du 3.9.2003, p. 76.

(9)  Migrant Integration Policy Index III, 2011.

(10)  JO C 318 du 23.12.2006, p. 128.

(11)  JO C 354 du 28.12.2010, p. 16.

(12)  Conseil de l'UE, 13440/08, 24 septembre 2008.

(13)  Charte sociale européenne. Turin, 18 octobre 1961. Conseil de l'Europe (Strasbourg). Révisée: Strasbourg, 3.V. 1996 http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/socialcharter/default_FR.asp?

(14)  JO C 354 du 28.12.2010, p. 59.

(15)  JO C 27 du 3.2.2009, p. 114.

(16)  Programme de Stockholm - Une Europe ouverte et sûre qui sert et protège les citoyens (JO C 115, 4.05.2010, p. 1). Paragraphe 6.1.5.

(17)  Consulting immigrants to improve nacional policies, Migration Policy Group.

(18)  15 et 16 avril 2010.

(19)  JO C 347 du 18.12.2010, p. 19 et JO C 354 du 28.12.2010, p. 16.

(20)  JO C 48 du 15.2.2011, p. 6.

(21)  La Charte européenne de l'autonomie locale a été adoptée par le Comité des ministres du Conseil de l'Europe en juin 1985 et ouverte à la signature des États membres le 15 octobre 1985, jour inaugural de la 20e session du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe (CPLRE).

(22)  Convention sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local, Strasbourg, 5.II.1992.

(23)  Charte européenne des droits de l'homme dans la ville, adoptée le 18 mai 2000.

(24)  Contribution à la bonne gouvernance en matière d'intégration des immigrants et d'accueil des demandeurs d'asile, 28 novembre 2003.

(25)  Avis du Comité des régions sur le thème «Une politique commune de l'immigration pour l'Europe» (2009/C 76/07).

(26)  Avis du Comité des régions sur le thème «Renforcer l'approche globale de la question des migrations: accroître la coordination, la cohérence et les synergies» (2009/C 211/05).

(27)  JO C 208, du 3.9.2003, p. 76.

(28)  Manuel sur l'intégration à l'attention des décideurs et des personnes de terrain, deuxième édition, mai 2007.

(29)  http://www.smart-cities.eu/.

(30)  http://www.coe.int/t/dg4/cultureheritage/culture/Cities/paperviarregio_fr.pdf.

(31)  Convention No 144 du Conseil de l'Europe sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local, 1992.

(32)  Consulting immigrants to improve nacional policies. Thomas Huddleston, Migration Policy Group.

(33)  Voir S. Carrera et A. Faure Atger (2011), Integration as a two-way process in the EU: Assessing the Relationship between the European Integration Fund and the Common Basic Principles on Integration, Executive Summary, Centre for European Policy Studies, CEPS: Bruxelles. Accessible sur la page: http://www.ceps.eu/system/files/research_area/2011/02/CEPS_EIF_study_summary.pdf


III Actes préparatoires

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

473e session plénière des 13 et 14 juillet 2011

29.10.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/76


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Relever les défis posés par les marchés des produits de base et les matières premières»

COM(2011) 25 final

2011/C 318/12

Rapporteur: M. ZBORIL

Corapporteur: M. GIBELLIERI

Le 2 février 2011, la Commission européenne a décidé de consulter, en vertu de l’article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le Comité économique et social européen sur la

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions Relever les défis posés par les marchés des produits de base et les matières premières»

COM(2011) 25 final.

La commission consultative des mutations industrielles (CCMI), chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 7 juin 2011.

Lors de sa 473e session plénière des 13 et 14 juillet 2011 (séance du 14 juillet 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 142 voix pour, 4 voix contre et 3 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le CESE accueille avec satisfaction le document COM(2011) 25 final de la Commission, intitulé: «Relever les défis posés par les marchés des produits de base et les matières premières» et l’initiative européenne «Matières premières» (IMP); le Comité y voit une étape importante dans le traitement de ce problème d’importance vitale.

1.2   Bien qu’il n’existe pas de raison de conclure à l’existence, pour le long terme, d’un quelconque danger d’épuisement des réserves de matières premières critique d’importance vitale, il existe en revanche une menace réelle de pénuries à court terme. Une telle pénurie peut être déclenchée par des facteurs politiques ou économiques si certaines matières premières qui sont nécessaires à la fabrication par l’UE d’éléments de haute technologie ne sont produites que dans un petit nombre de pays. Les ressources qu’il serait possible d’utiliser pour modifier l’offre actuelle existent en volumes suffisants et pourraient être extraites dans plusieurs pays, par exemple l’Australie, le Danemark (Groenland), les États-Unis; mais pour le moment, il est beaucoup plus économique de s’appuyer sur la chaîne d’approvisionnement actuelle. Certains pays ont d’ores et déjà montré qu’ils utiliseraient ce moyen d’influence pour imposer des solutions conformes à leurs intérêts économiques ou politiques.

1.3   Aussi le CESE invite-t-il instamment la Commission européenne à surveiller la situation en ce qui concerne le commerce international des matières premières critiques (telles qu’elles sont répertoriées dans la liste figurant dans le document COM(2011) 25 final, régulièrement mise à jour). Le CESE recommande d’élaborer plusieurs scénarios plausibles, y compris le scénario le plus défavorable, afin de décrire les menaces et les solutions éventuelles. En outre, nous marquons notre accord quant à la nécessité de poursuivre les négociations au niveau international (OMC) en vue de promouvoir également le libre-échange sur les marchés des produits de base. Il conviendrait de renforcer la coopération avec d’autres pays qui se trouvent dans une situation semblable (États-Unis, Japon, Corée du Sud).

1.4   Le CESE demande instamment une politique étrangère plus active en matière de sécurité des matières premières pour l’industrie de l’UE. Dans ce but, il conviendrait de définir les principales lignes directrices d’une diplomatie des matières premières et de les faire adopter par les États membres d’un commun accord. Des accords commerciaux bilatéraux et une diplomatie bilatérale sont de la plus haute importance si l’on veut garantir la disponibilité de matières premières critiques pour les industries qui ont leur base dans l’UE. Il y a là un défi immédiat et difficile pour le service diplomatique de l’UE qui vient de se mettre en place. Il y a lieu non seulement de se concentrer directement sur l’objectif de garantie d’approvisionnement en matières premières d’importance vitale, mais aussi de créer un environnement positif pour les intérêts de l’UE dans les pays cibles. Il faut tirer parti du fait que l’UE compte parmi les marchés les plus actifs et les plus importants du monde.

1.5   La politique des matières premières doit faire partie intégrante de la politique industrielle de l’UE:

Promouvoir l’efficacité des ressources à la fois pour les sources d’énergie primaire et les matières premières, dans le but de découpler la croissance de la consommation des ressources.

Mener une politique cohérente d’exploitation des ressources en milieu urbain dans le but de récupérer et de mettre à disposition cette ressource de précieuses matières premières et de promouvoir les nouvelles qualifications et les nouveaux emplois qui y sont liés.

Renforcer la recherche et le développement dans le domaine des solutions de substitution aux matières premières critiques.

Maintenir et renforcer l’emploi dans le secteur minier européen, en assurant une formation continue de la main-d’œuvre et en accompagnant d’un dialogue social à tous les niveaux la transition vers des activités d’extraction plus durables.

1.6   Le CESE est d’avis que la création d’une réserve stratégique de matières premières critiques fait partie des solutions possibles et recommande la réalisation d’une analyse d’impact visant à déterminer la faisabilité d’une telle solution au regard du scénario le plus défavorable. De telles mesures pourraient aussi avoir des effets secondaires négatifs (par exemple, une insuffisance de flexibilité, une incidence sur le prix de la matière de base, etc.). Il faut donc à la fois les étudier avec soin, organiser des consultations et prendre des décisions en concertation avec les représentants des industries de l’UE.

1.7   Le CESE recommande de lancer des initiatives visant à soutenir la recherche, la collecte de données et des activités de surveillance centrées sur les ressources actuelles ou potentielles en matières premières dans les États membres, mais aussi dans les pays tiers. Les données obtenues à partir de ce type de recherche ou de collecte de données, qui seraient des données établies avec des aides financières publiques, devront être accessibles à tous les opérateurs des marchés de l’UE, ainsi qu’aux autorités de l’UE et aux autorités nationales.

1.8   Le Comité estime que la recherche et l’innovation constitue un facteur d’importance cruciale pour la politique des matières premières. Pour progresser de manière satisfaisante, il faut associer les principaux secteurs de l’industrie manufacturière (PTE: plateformes technologiques européennes - initiative de partenariat pour les matières premières, dans le cadre de la communication de la Commission européenne intitulée «Union de l’innovation»). La politique des matières premières doit se traduire sous forme de priorité du 8e programme-cadre pour la recherche et l’innovation dans l’UE, qui est en préparation.

1.9   Le CESE recommande de soutenir les activités, déjà existantes ou nouvelles, dans le domaine de l’extraction des matières premières dans les États membres, à condition que ces activités soient conformes à la législation de l’UE en matière environnementale, sociale, sanitaire et de sécurité. L’approvisionnement national devrait être l’un des piliers de toutes les politiques des matières premières.

1.10   Le CESE est favorable au recyclage des matières premières et insiste sur la nécessité de garantir le taux de recyclage le plus élevé possible, dans les cas où cela est économiquement viable et techniquement faisable. Le CESE recommande de soutenir les activités d’extraction à partir d’anciens déchets miniers, lesquels contiennent, en volumes significatifs, une riche variété de métaux différents.

1.11   Le Comité soutient les mesures de régulation des marchés financiers des produits de base mises en œuvre par la Commission européenne pour accroître la transparence, augmenter la qualité de l’information et améliorer les mécanismes de surveillance.

2.   Le document de la Commission, introduction

2.1   La Commission a publié le 2 février 2011 le document COM(2011) 25 final, intitulé «Relever les défis posés par les marchés des produits de base et les matières premières». Par rapport à la manière dont il était initialement prévu de traiter les défis suscités par les matières premières, ce document représente une perspective plus large. Il traite des marchés des produits de base à la fois au sens des marchés physiques où se négocient les produits en question et au sens des marchés financiers qui dérivent de ces marchés physiques.

2.2   Il faut entendre par produit de base tout produit ayant une faible valeur ajoutée et ayant, de ce fait, une forte sensibilité à la concurrence des prix. Les matières premières, les produits agricoles et les produits essentiels sont des produits de base. Au cours des dernières années, l’on a pu observer une instabilité accrue des prix et des évolutions des prix sans précédent.

2.3   Alors que le débat reste ouvert en ce qui concerne l’importance relative des multiples facteurs qui influent sur les prix des produits de base, il est clair que des rapports de plus en plus étroits se sont établis entre les évolutions des prix sur différents marchés des produits de base et qu’un rapport de plus en plus étroit s’est établi entre les marchés des produits de base et les marchés financiers.

2.4   Les années 2002 à 2008 ont été marquées par une poussée considérable de la demande de matières premières, demande suscitée par une forte croissance économique mondiale, en particulier dans les pays émergents tels que la Chine, l’Inde et le Brésil, mais aussi dans d’autres pays émergents de plus petites dimensions d’Asie, d’Amérique et tout particulièrement d’Afrique. Cette augmentation de la demande est appelée à se renforcer en raison de l’industrialisation et de l’urbanisation rapides que connaissent ces pays.

2.5   Outre l’instabilité des prix des matières de base, les dernières années ont vu certains pays mettre en place des restrictions à l’exportation de certaines matières premières d’importance vitale, tel que les terres rares (par exemple, le praséodyme et le néodyme, ainsi que certains autres éléments et minéraux qui sont jugés importants en raison de l’utilisation croissante qui en est faite par les nouvelles technologies). Ces restrictions, ainsi que d’autres goulets d’étranglement dont souffre l’approvisionnement durable en matières premières créent un véritable défi pour les industries européennes et les consommateurs européens, et il est nécessaire de s’attaquer à ce problème.

2.6   La communication décrit les évolutions des marchés mondiaux des produits de base, en expliquant les changements survenus sur les marchés physiques (énergie, agriculture et sécurité des approvisionnements alimentaires, et matières premières) ainsi que l’interdépendance croissante des produits de base et des marchés financiers qui s’y rapportent. Les réponses données par l’UE sous forme de décisions politiques sont mises en évidence dans la même structure logique.

2.7   Au niveau de l’UE, une initiative a été lancée en vue de renforcer la surveillance, l’intégrité et la transparence des transactions sur les marchés de l’énergie. Un certain nombre d’initiatives ont également été prises pour améliorer le fonctionnement de la chaîne alimentaire et la transparence sur les marchés des produits de base agricoles. Dans le cadre des réformes en cours concernant le cadre réglementaire des marchés financiers, la Commission a aussi défini des mesures destinées à renforcer l’intégrité et la transparence des marchés des produits dérivés des produits de base.

2.8   L’initiative européenne «Matières premières» (IMP) constitue un élément crucial du document de la Commission. Cette initiative repose sur trois piliers:

garantir l’égalité d’accès aux ressources dans les pays tiers;

favoriser l’approvisionnement durable en matières premières à partir de sources européennes;

encourager l’utilisation rationnelle des ressources et promouvoir le recyclage.

Le document examine les résultats obtenus à ce jour au plan de l’identification des matières premières d’importance critique, ainsi que dans les domaines du commerce, du développement, de la recherche, ainsi que dans ceux de l’efficacité d’utilisation des ressources et du recyclage.

2.9   S’il est vrai que des progrès significatifs ont été réalisés dans la mise en œuvre de l’IMP, des améliorations supplémentaires sont néanmoins requises. Il est essentiel d’adopter une démarche intégrée fondée sur les trois piliers, car chacun de ces piliers contribue à l’objectif poursuivi, qui est d’assurer à l’UE un approvisionnement équitable et durable en matières premières.

3.   Observations générales

3.1   Le CESE prend acte de l’initiative de la Commission visant à traiter le problème des matières premières, et de la communication qui synthétise les résultats des travaux analytiques approfondis effectués sur ce sujet. Le Comité apprécie également les réflexions issues des consultations des parties prenantes et les contributions apportées par d’autres organes de l’UE qui ont été associés à ces travaux.

3.2   Il faut que l’Europe prenne sa place dans un monde nouveau où les économies émergentes consommeront une plus large proportion des matières premières disponibles sur terre, de la même manière que les pays développés. Nous savons que cela est impossible et que l’Europe doit réduire l’intensité de sa consommation de matières premières. La première manifestation de cette réalité est le fait que les prix des matières premières industrielles sont déterminés par le marché chinois, qui est le grand consommateur mondial et souvent, en même temps, le premier producteur. La conséquence de cette domination sera la création de nouveaux marchés des matières premières (marchés au comptant et marchés à terme) en Chine, au cours des années à venir. Ces marchés constituent de plus en plus la référence du secteur.

3.3   Il faut que la politique des matières premières fasse partie intégrante de la politique industrielle de l’UE, c’est-à-dire qu’il s’agit:

de promouvoir l’efficacité d’utilisation des ressources en ce qui concerne à la fois les sources d’énergie primaire et les matières premières, en vue de découpler la croissance de la consommation des ressources;

de mener une politique cohérente d’exploitation des ressources en milieu urbain, de manière à récupérer et à mettre à disposition cette ressource de précieuses matières premières, de manière aussi à promouvoir les nouvelles qualifications et les emplois qui leur sont liés;

de renforcer la recherche et le développement dans le domaine des possibilités de remplacement des matières premières d’importance critique (le Japon a déjà lancé ce type de programme);

de maintenir et de renforcer l’emploi dans le secteur européen des activités extractives, en assurant une formation continue de la main-d’œuvre et en accompagnant d’un dialogue social à tous les niveaux la transition vers des activités extractives plus durables;

de lier la politique d’achats publics de matières premières dans les pays en développement, tout particulièrement dans les pays africains, aux investissements dans le domaine social et dans les infrastructures de ces pays (comme l’a fait la Chine en Afrique au cours des dernières années).

3.4   D’autre part, le fait d’avoir inclus dans la communication la problématique des marchés des produits de base et même celle des marchés financiers a pour conséquence une certaine dispersion du propos dans cette communication. Le Comité comprend bien la nécessité de placer le problème dans une perspective plus large. La question qui se pose est de savoir si le cadre a été établi de façon proportionnée.

3.5   Il est évident que les marchés des produits de base, aussi bien les marchés physiques que les marchés des dérivés des produits de base, présentent de nombreuses similitudes, mais ils se différencient considérablement entre eux, en raison aussi des particularités qui leur sont inhérentes. Une capacité d’achat commune (de l’UE) devrait constituer un très puissant argument, alors que la plupart du temps, les négociations particulières en matière de politique commerciale et d’achats publics sont menées à un niveau bilatéral.

3.6   Il est, à l’évidence, nécessaire qu’une stratégie commune de l’UE se reflète dans les négociations bilatérales, et donc, il faut qu’une conception de la diplomatie des matières premières s’impose dans la pratique. Le CESE tient à relever qu’outre les faits «purs et durs», des éléments «intangibles», tels que la création d’un environnement affectif positif, entreraient en ligne de compte dans une mesure importante. L’Europe doit définir des lignes directrices fondamentales en ce qui concerne une nouvelle diplomatie des matières premières, et parmi ces lignes directrices, devraient figurer:

la poursuite de l’initiative de Tony Blair pour la transparence des industries extractives (2003), en vue de promouvoir l’adhésion volontaire de chaque pays européen,

une exigence selon laquelle chaque entreprise du secteur des activités extractives qui est cotée à la bourse des valeurs européennes devrait publier le montant de ses bénéfices, pays par pays (comme l’a fait Hong Kong en juin 2010),

l’adoption d’une loi qui obligerait l’industrie extractive à publier le montant de ce qu’elle paye à chaque gouvernement ou État (de la même manière que les États-Unis ont adopté en 2010 la loi Dodd-Frank),

le respect des lignes directrices de l’OCDE pour les grandes entreprises multinationales, en tant que code de conduite standard,

l’adoption de la norme ISO 26000 comme manière de progresser vers un niveau plus élevé de responsabilité sociale des entreprises au niveau microéconomique.

3.7   La stratégie ciblée des matières premières devrait tendre vers un objectif commun, à savoir une industrie forte et hautement concurrentielle, active en Europe et capable non seulement d’atteindre un haut niveau d’efficacité en matière d’émissions de carbone, mais aussi de faire un usage intelligent des ressources, et animée par le souci de répondre aux besoins des consommateurs et des citoyens de l’UE.

3.8   Notre région devient de plus en plus petite à l’échelle mondiale, et c’est pour cette raison que nous n’avons plus accès aussi facilement que ce ne fut le cas aux matières premières dont nous avons besoin, puisque de nombreux autres intervenants en ont maintenant besoin, eux aussi. Il nous faut donc utiliser avec deux fois plus d’intelligence que précédemment les matières premières dont nous disposons ou pour lesquelles nous nous approvisionnons ailleurs. De fait, une politique des matières premières est une politique qui concerne l’avenir de notre société, et même la sécurité nationale, comme c’est le cas aux États-Unis.

3.9   La raison même pour laquelle il y a lieu de mettre en place une politique de l’UE pour les matières premières montre que nous ne pouvons pas nous contenter de dépendre de l’approvisionnement en matières premières pour assurer notre croissance. Il nous faut utiliser les matières premières de façon intelligente: cela suppose de créer le maximum de valeur ajoutée pour chaque tonne de matière que nous utilisons.

3.10   Il y a aussi d’autres aspects du cadre cohérent d’une politique des matières premières qui n’ont pas été pris en compte, alors que leurs conséquences sur la disponibilité des matières premières pourraient être encore plus considérables. Parmi ces aspects, on notera, par exemple, la cohérence de cette politique avec les autres politiques de l’UE, lesquelles devraient, elles aussi, être en cohérence les unes avec les autres, ce qui permettrait d’éviter des situations de conflit avec la disponibilité des matières premières.

3.11   En ce qui concerne la politique des matières premières et sa mise en œuvre, tant au niveau de l’UE que dans les États membres, il faut une cohérence parfaite avec la politique industrielle, la politique d’innovation, la politique d’efficacité d’utilisation des ressources, la politique de l’environnement, la politique agricole et les mesures relatives à l’agriculture, la politique énergétique, en particulier, la politique des énergies renouvelables, et enfin la politique commerciale et la politique de la concurrence. Cette perspective intégrée permettra à l’industrie de l’UE d’utiliser de manière intelligente et durable les matières premières dont elle a besoin, en contribuant ainsi à la stratégie Europe 2020.

3.12   Il ne suffit pas de construire la politique des matières premières sur l’importance critique de certaines d’entre elles à court terme. Il faut analyser sérieusement les effets à moyen et à long termes de certaines politiques de l’UE et évaluer leurs conséquences sur ces ressources. Certaines des matières premières de base qui sont aisément disponibles actuellement peuvent devenir rares sur une période de temps relativement courte. Ainsi, certaines matières premières importantes (par exemple, les minerais de fer et les charbons à coke) ne sont pas mentionnées dans la communication, alors que leur disponibilité à un niveau suffisant de quantité et de qualité devrait se trouver en péril prochainement. En outre, l’instabilité et l’augmentation constante de leur prix représente un élément d’incertitude pour les chaînes de valeur des principaux secteurs de l’industrie manufacturière en Europe.

3.13   Par exemple, si les objectifs obligatoires fixés pour les énergies renouvelables devaient demeurer inchangés, cela mettrait en danger les bioindustries classiques et celles dont le développement est récent. Cela ouvre un débat beaucoup plus complexe sur la durabilité, la substitution, l’utilisation intelligente des ressources. Nous devons avoir le courage politique de débattre de ces problèmes et de concilier des politiques qui divergent de la même manière. Si nécessaire, l’UE devrait avoir le courage de réviser les décisions prises jusqu’à présent, et de le faire en s’appuyant sur des analyses globales d’impact qui évaluent soigneusement les conséquences ultimes de la fixation d’objectifs ambitieux dans le domaine environnemental, en particulier dans les cas où les décisions de l’UE ne s’accompagnent pas de mesures correspondantes de la part d’autres ensembles économiques.

4.   Observations spécifiques

4.1   Marchés physiques des produits de base

4.1.1   Il ne fait aucun doute que la concurrence sur les marchés des sources d’énergie primaire (gaz et pétrole, en particulier) s’intensifiera à mesure que la population mondiale croîtra (9 milliards en 2050). Les tensions sont également de plus en plus vives sur le marché du charbon. Par conséquent, si l’UE veut maintenir le niveau social et de bien-être des États membres, toutes les sources d’énergie primaire indigènes doivent être mobilisées, y compris les réserves de gaz de schiste récemment découvertes. Il va de soi que l’exploitation de ces ressources doit être conforme aux normes environnementales de l’UE.

4.1.2   L’électricité est une condition sine qua non d’un développement décent de l’humanité. Une évolution déséquilibrée des capacités de production et des réseaux de transport pourrait avoir des conséquences catastrophiques en entraînant l’effondrement social et économique des structures de la société. Une politique énergétique commune de l’UE devrait éliminer toutes les incohérences et incertitudes dans l’environnement dans lequel s’effectuent les investissements afin de prévenir un éventuel déficit des capacités de production d’électricité après 2020.

4.1.3   Le CESE comprend que la sécurité de l’approvisionnement alimentaire sur les marchés volatils est un problème grave. Toutefois, la politique agricole commune de l’UE, de même que les autres politiques européennes et nationales concernées, devraient être axées en priorité sur cette sécurité. Le CESE plaide pour la préservation des terres productives à des fins agricoles. Il importe que toutes les politiques en la matière en tiennent compte et qu’elles soient conçues et coordonnées de manière à éviter toute perte de terres cultivables, en particulier en raison de politiques ou d’initiatives concurrentes ou à cause de l’urbanisation. Dans ce contexte, des règles du jeu équitables doivent également être fixées pour le commerce international de manière à prendre en considération les conditions naturelles particulières des différentes régions géographiques.

4.1.4   Une vaste coopération internationale est aussi nécessaire pour évaluer et distinguer les grandes tendances à l’échelle de la planète et les fluctuations ponctuelles des marchés/récoltes. Il importe de prévenir les évolutions dangereuses.

4.1.5   La science devrait être utilisée à bon escient pour maintenir et accroître le niveau des récoltes, car les terres arables diminuent et il sera nécessaire de nourrir une population mondiale estimée à 9 milliards d’individus en 2050.

4.2   Marchés des produits de base et marchés financiers correspondants

4.2.1   Malgré la série de mesures de réglementation des marchés financiers qui ont été lancées par la Commission européenne au cours de ces dernières années, les flux d’investissement dans le marché des produits dérivés des produits de base continuent à s’écarter considérablement de la fonction de couverture de risques pour laquelle ils avaient été conçus, pour évoluer vers des opérations de nature spéculative à court terme qui causent de fortes distorsions sur les prix et de graves préjudices aux acteurs les plus faibles du marché, en particulier les consommateurs et les PME.

4.2.2   Le Comité est d’accord avec la Commission pour observer qu’il est nécessaire de mieux comprendre l’interaction entre les marchés physiques et financiers des produits de base. Il soutient également les efforts recommandés pour accroître la transparence et même l’obligation de rendre des comptes pour les acteurs du marché qui enfreindraient les règles convenues. L’accès aux financements des acteurs du marché individuels, en particulier des PME, devrait être facilité et considéré comme la priorité essentielle en vue de nouveaux développements et innovations.

4.3   Initiative «matières premières» de l’UE

4.3.1   Le Comité salue cette initiative comme un élément important de la stratégie Europe 2020. Elle se situe également dans la ligne du concept d’efficacité énergétique. Il importe cependant de rapprocher ces deux politiques pour tendre vers les niveaux les plus élevés possibles d’application et de valeur ajoutée pour les citoyens de l’UE.

4.3.2   Toutefois, la notion de «matière première critique» évoquée dans l’initiative de la Commission fait passer à l’arrière-plan la nécessité d’une vision globale et d’une analyse détaillée plus vastes du cadre dans lequel s’inscrivent les politiques en cause. Une telle approche holistique conduirait à un respect adéquat des politiques et accentuerait les effets de synergie.

4.3.3   La liste des matières premières critiques est néanmoins un bon point de repère en ce qui concerne les priorités qui devraient être privilégiées au niveau de l’UE dans le cadre de sa «diplomatie des matières premières» conduite par les services diplomatiques de l’UE récemment établis.

4.3.4   Il va de soi que la liste devra être contrôlée régulièrement sur la base de critères bien définis afin de déterminer si la présence d’une matière première sur cette liste revêt toujours un caractère d’urgence. Pour mettre en œuvre l’initiative «matières premières», il est évidemment indispensable de disposer de données cohérentes, ainsi que d’une connaissance des techniques et des marchés.

4.3.5   Il ne fait aucun doute que la rareté des matières premières nécessite également un contrôle régulier de l’efficacité énergétique. D’autre part, les prix sans cesse croissants constituent la meilleure motivation pour améliorer l’efficacité, inhérente à toute activité économique durable. Les normes de performance et la conception écologique peuvent également contribuer aux efforts constants pour accroître l’utilisation rationnelle des ressources.

4.3.6   La menace d’une pénurie croissante de matières premières et d’une augmentation des prix devrait être analysée au niveau microéconomique pour mettre en évidence son incidence sur la compétitivité et, concrètement, sur le maintien des emplois dans les secteurs en péril.

4.3.7   La stratégie commerciale de l’UE pour les matières premières doit être suffisamment sensible et souple. Dans la mesure où les opérations commerciales concrètes ont lieu de manière bilatérale, au niveau des différents pays, il est encore plus difficile de mener une politique commerciale européenne unique. Il n’y a apparemment pas grand-chose à attendre de l’OMC, même si les règles définies en commun doivent être respectées pour renforcer la crédibilité.

4.3.8   Par contre, la rareté des matières premières stimule la recherche et le développement, ainsi que les processus d’innovation, à la fois en matière d’amélioration de l’efficacité énergétique et de solution de remplacement de certaines matières premières. Il faut signaler que quelques-unes des matières premières critiques sont d’une importance vitale pour certaines technologies de pointe. Nous sommes donc dans une sorte de cercle vicieux.

4.3.9   La Commission devrait associer les grands secteurs manufacturiers européens, en particulier par l’intermédiaire des plateformes technologiques européennes, à un partenariat spécifique pour les matières premières dans le contexte de la communication relative à l’initiative phare «Union de l’innovation», tenant compte de la dégradation des normes de qualité de certaines matières premières au cours des dernières années. Des emplois encore plus qualifiés sont indispensables pour concrétiser l’énorme potentiel d’innovation des procédés de fabrication.

4.3.10   Le Comité apprécie l’initiative de la Commission consistant à élaborer des lignes directrices sur la manière de concilier des activités compétitives d’extraction de minerai avec la réglementation en matière de protection de l’environnement Natura 2000. Ce point est essentiel pour garantir un cadre de vie juste, sain et durable et pour assurer l’approvisionnement en matières premières domestiques, ce qui doit être l’un des piliers de toutes les politiques relatives aux matières premières.

4.3.11   Le CESE attire également l’attention sur son avis relatif à l’accès aux matières premières secondaires (1), dont il reprend les conclusions et les recommandations. Il convient de mentionner ici la recommandation relative à la souplesse des instruments nécessaires pour conserver ces matières premières secondaires autant que possible au sein de l’UE.

4.3.12   Le Comité estime par ailleurs qu’il manque d’éléments d’informations sur l’incidence de la politique relative aux matières premières sur l’emploi, en particulier, sur le pourcentage d’emplois menacés si les objectifs définis par cette politique ne sont pas atteints.

4.4   Il conviendrait également de mener un débat approfondi sur les scénarios les plus pessimistes, par exemple une pénurie temporaire d’une matière première critique essentielle dans un avenir rapproché. La politique en vue de minimiser l’impact sur l’industrie européenne pourrait consister notamment à prendre la décision de constituer quelques réserves stratégiques des matières sélectionnées. Ce type de politique a fait l’objet de discussions dans certains pays en dehors de l’Europe (États-Unis, Corée et Japon). Bien qu’elle puisse avoir des répercussions négatives sur les marchés des matières premières, elle pourrait aider à passer le cap de la période durant laquelle certaines matières premières ne sont pas disponibles sur le marché en quantités suffisantes.

Bruxelles, le 14 juillet 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Avis du CESE sur le thème «Accès aux matières premières secondaires (ferraille, papier recyclé, etc.)», JO C 107 du 6.4.2011, p. 1.


29.10.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/82


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «La contribution de la politique régionale à une croissance intelligente dans le cadre de la stratégie “Europe 2020”»

COM(2010) 553 final

2011/C 318/13

Rapporteur: M. CEDRONE

Le 20 octobre 2010, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), de consulter le Comité économique et social européen sur

«La contribution de la politique régionale à la croissance intelligente dans le cadre de la stratégie “Europe 2020”»

COM(2010) 553 final.

La section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 24 juin 2011.

Lors de sa 473e session plénière des 13 et 14 juillet 2011 (séance du 14 juillet 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 114 voix pour, 6 voix contre et 9 abstentions.

1.   Conclusions

1.1   Le Comité économique et social européen (CESE) convient que l'UE a besoin d'une croissance intelligente dans le cadre de la stratégie Europe 2020 afin de répondre aux défis présents et futurs. Une partie importante de l'UE est confrontée non seulement à des problèmes de faible croissance, d'insuffisance des activités de recherche-développement et d'innovation mais également à d'autres difficultés telles qu'un taux de chômage élevé, notamment parmi les jeunes, des problèmes sociaux, la pauvreté et l'intégration, des jeunes sortant prématurément du système scolaire sans le bagage nécessaire pour obtenir un emploi, des défis démographiques et des restrictions budgétaires.

1.2   La politique de cohésion a été mise en place avec l’objectif de défendre le modèle européen de société dans lequel la libre concurrence et l'économie sociale de marché vont de pair avec des objectifs de solidarité et de promotion de certaines priorités spécifiques en matière de développement économique, social et territorial, conformément à l'article 174 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

1.3   Comme l'a affirmé Johannes HAHN, commissaire européen (1), le Comité s'accorde à reconnaître que la politique régionale est un instrument essentiel pour la mise en œuvre de la stratégie Europe 2020, dans la mesure où la réussite de la poursuite de ses objectifs dépendra largement des décisions à prendre aux échelons local et régional.

1.4   Le CESE estime que la promotion d'un développement harmonieux de l'ensemble de l'Union, en particulier par une réduction de l'écart entre les niveaux de développement des diverses régions afin qu'elles puissent s'intégrer pleinement dans l'espace communautaire, doit demeurer l'un des objectifs les plus importants de la politique de cohésion économique, sociale et territoriale – c'est-à-dire la référence «correcte» lorsque la Commission européenne parle de croissance intelligente dans le cadre de la stratégie Europe 2020 (2).

1.5   Le CESE se félicite et se réjouit de l'intention de la Commission de promouvoir «l’innovation dans toutes les régions, sans dispersion des ressources et en garantissant simultanément la complémentarité entre les mesures de soutien européennes, nationales et régionales en faveur de l’innovation, de la recherche-développement (R&D)», mais considère qu'il serait opportun de financer la recherche à l'aide de tous les autres fonds, et non seulement ceux issus de la politique de cohésion

1.6   La communication de la Commission sur la contribution de la politique régionale à une croissance intelligente doit être considérée comme un complément de l'initiative pilote «Une Union pour l'innovation» et comme un appel à lancer le processus de renforcement des investissements pour l'innovation sans attendre la prochaine période de programmation financière, dans laquelle il ne fait aucun doute que la stratégie Europe 2020 sera une priorité majeure pour les fonds de cohésion (3).

1.7   Le CESE est préoccupé par le démembrement et le détournement de la politique de cohésion de ses objectifs initiaux, à savoir le financement des déséquilibres régionaux par le biais des politiques sectorielles, objectifs confirmés par le traité de Lisbonne. Il convient de s'assurer que cette approche tienne compte des enjeux, des besoins et des potentialités – c'est-à-dire des situations de départ – des régions et États membres concernés et qu'elle ne soit pas préjudiciable à la cohésion, non seulement du point de vue économique, social et territorial, mais avant tout sur le plan politique et culturel.

1.8   Le CESE souligne l'importance capitale que revêt la politique de promotion de la recherche et de l'innovation proposée par la Commission; il insiste toutefois sur la nécessité de tenir davantage compte des spécificités territoriales pour traiter ces questions. L'innovation d'un processus productif peut être le résultat d'une activité de recherche menée dans un lieu et par des personnes qui ne sont pas nécessairement les mêmes que ceux où elle trouve son application; il convient dès lors de tenir compte également de la transférabilité et du potentiel de reproductibilité des processus innovants ainsi que de leur diffusion au niveau territorial. Le Comité se félicite cependant de la tentative visant à créer une synergie entre la politique de cohésion et les autres politiques de l'UE et à améliorer l'utilisation du Fonds européen de développement régional (FEDER).

1.9   Le CESE estime, conformément à la communication de la Commission, que la poursuite de l'objectif de croissance intelligente devrait avoir une articulation territoriale propre, reposant sur les exigences spécifiques de secteurs, de districts, de grappes d'entreprises ou de macrorégions, en liaison avec les instituts de recherche et les universités existants et/ou à renforcer, ainsi qu'avec les entreprises locales et les réseaux de communication susceptibles d'en faciliter l'ancrage et le développement sur le terrain tout en favorisant la spécialisation et la gouvernance au niveau régional.

1.10   Le CESE estime également que la politique de cohésion et la stratégie Europe 2020 devraient faire l'objet d'un Conseil européen spécial; en effet, il est impensable de faire passer la politique de cohésion du statut de politique stratégique à celui de «parent pauvre», et tout aussi impensable de la considérer comme apte à jouer à elle seule le rôle de moteur de la stratégie Europe 2020.

1.11   Le lancement de cette proposition par la Commission ne doit pas être perçu comme un encouragement à saupoudrer au petit bonheur la chance les ressources dans les régions, y compris les plus riches, avec la promesse d'un objectif ambitieux, mais plutôt comme l'occasion de rechercher une convergence commune entre les régions afin d'affirmer, grâce à des indicateurs communs, un concept européen de cohésion par excellence!

1.12   De même, il est absolument nécessaire de veiller à ce que tous les États membres soient en mesure de participer aux différents programmes de l'UE et de promouvoir la création de synergies entre les différents programmes européens en simplifiant les procédures et en démantelant les murs érigés entre les différentes DG ainsi qu'entre la Commission dans son ensemble, les États membres et les régions, en ayant conscience que les administrations sont au service des citoyens, des entreprises et des communautés dont il y a lieu de simplifier la vie, et non l'inverse.

1.13   De l'avis du Comité, la Commission propose à juste titre une large approche de l'innovation, qui ne se limite pas aux aspects techniques ou technologiques. Le Comité souhaiterait cependant que la Commission accorde une plus grande attention aux possibilités concrètes, pour les différents acteurs concernés, de bénéficier des programmes en faveur de l'innovation. Les PME, par exemple, pourraient en bénéficier, mais seules peu d'entre elles disposent de chercheurs. De nombreuses PME font véritablement preuve d'innovation, sans toutefois recourir aux possibilités qui leur sont ouvertes d'obtenir des aides dans le cadre des programmes de l'UE, alors qu'elles en tireraient un avantage considérable. Il convient de développer l'accès au capital-risque – à cet égard, il serait souhaitable de renforcer l'initiative JEREMIE, sans pour autant rendre son utilisation obligatoire; la décision concernant le recours à des subventions, à des prêts ou à une combinaison des deux, ainsi que le champ d'application thématique, devrait être laissée à l'appréciation des États membres. En outre, une simplification s'impose en la matière.

1.14   De nouvelles formes de «partenariat efficace» - PLATEFORME DU CONSENSUS, pourraient être utiles à cet égard pour accompagner la stratégie d'innovation, avec la participation et le concours de tous les intéressés tant publics que privés, banques comprises, à l'aide de règles simples, claires et efficaces qui permettraient de suivre les projets tout au long de leur durée et de fixer des échéances, des responsabilités et d'éventuelles sanctions.

1.15   Le CESE préconise en outre un renversement de l'approche actuelle de la Commission, laquelle semble davantage préoccupée par les aspects formels des programmes que par leur contenu et, de manière plus spécifique, par les résultats obtenus qui sont l'objectif prioritaire.

1.15.1   Un soutien parallèle et concerté, sur la base des analyses territoriales, aux deux pôles opposés que sont le rattrapage du retard et l'innovation serait préférable.

1.16   Le CESE déplore les inégalités considérables qui existent non seulement entre régions de l'UE, mais aussi à l'intérieur des différents États membres. Elles se manifestent aussi dans les secteurs de la R&D et de l'innovation et mettent en évidence la nécessité d'un renforcement de la politique de cohésion économique, sociale et territoriale à l'horizon 2020.

1.17   Dans le même temps, le CESE fait observer que les États membres de l'UE sont aussi confrontés à une concurrence mondiale croissante de la part de nouveaux pays industrialisés qui connaissent également un puissant développement dans le domaine de la R&D et de l'innovation et qu'ils ont déjà pris de l'avance, notamment dans des secteurs relevant de la haute technologie.

1.18   C'est pourquoi le CESE se félicite qu'avec son programme «L'Union de l'innovation», qui s'inscrit dans le cadre d'Europe 2020, et avec sa communication sur la croissance intelligente, la Commission européenne mette l'accent sur certains problèmes et fasse intervenir la politique régionale, car en large mesure, ce sont les mesures décentralisées qui favorisent la rénovation, mais cette démarche ne se fait pas sans aide et nécessite que les soutiens, comme les politiques, soient les mêmes partout.

1.19   Le CESE partage le sentiment selon lequel il faut tirer parti des différences existant entre les régions et que cela exige de mettre en place des formes complètement nouvelles de coopération avec toutes les forces disponibles au plan national, régional et local.

1.20   Le CESE considère que privilégier des lieux de travail innovants est conforme à la politique en faveur d'une croissance intelligente et au développement de stratégies de spécialisation intelligente (4). Dans son avis SC/034 sur «Des lieux de travail innovants: sources de productivité et d'emplois de qualité», le Comité souligne que la notion de lieu de travail innovant est au cœur de la stratégie Europe 2020. Le CESE recommande que la Commission lance un projet pilote dans ce domaine dans le cadre de l'initiative phare «Une Union pour l'innovation».

1.21   Le Comité se félicite que la Commission prévoie pour l'année prochaine un programme de recherche plus important pour le secteur public et l'innovation sociale. Le CESE souscrit à la mise en place d'un tableau de bord pour l'innovation dans le secteur public, accompagné de projets pilotes dans le domaine de l'innovation sociale européenne destinés à soutenir les acteurs de l'innovation sociale, ainsi que de propositions relatives à l'innovation sociale s'inscrivant dans des programmes au titre du Fonds social européen. Le CESE convient également qu'il y a lieu de faire participer les organisations de la société civile. Ces initiatives peuvent être considérées comme une contribution à la croissance intelligente.

1.22   Le CESE est favorable à l'idée de développer des stratégies de spécialisation intelligente devant être mises en place par les échelons locaux et régionaux eux-mêmes, en fonction de leurs exigences spécifiques et prenant en compte leur niveau de développement. La croissance intelligente dans certaines régions consiste encore aujourd'hui à développer les infrastructures indispensables dans des domaines tels que les télécommunications, l'énergie ou le traitement des eaux.

1.23   La politique régionale et notamment les fonds régionaux de l'UE sont indispensables pour mener à bien une croissance intelligente et bien évidemment pour encourager et aider les gouvernements nationaux et régionaux à mettre en place des stratégies de spécialisation intelligente qui épaulent les régions dans l'identification de leurs meilleurs atouts.

1.24   Comme le soutient la Commission dans sa communication, le fait de concentrer les ressources sur un nombre limité d'activités garantira une utilisation plus efficace et fructueuse des fonds et contribuera à encourager l'investissement privé, à condition que les domaines prioritaires pour ces activités et les investissements soient déterminés par les pouvoirs locaux appropriés et par leurs partenaires issus des milieux économiques et de la société civile.

1.25   En conclusion, les objectifs de la stratégie Europe 2020 concordent avec ceux de la politique de cohésion. La politique de cohésion, grâce à sa structure unique de gouvernance à niveaux multiples, permet de mettre en place des mesures d'encouragement et une assistance concrètes afin de garantir une appropriation locale et régionale, interrégionale et macrorégionale des objectifs d'Europe 2020. Le cadre institutionnel de leur mise en œuvre souffre cependant de l'absence d'éléments financiers et juridiques communs qui pourraient se transformer, par le jeu de leur interaction, en autant de facteurs d'augmentation de l'efficacité.

1.25.1   Il serait dès lors souhaitable d'introduire une coopération renforcée afin d'atteindre les objectifs précités.

2.   Propositions

2.1   Définitions: il y a plusieurs définitions de l'innovation. Dans le programme pour l'innovation de l'UE, ce terme signifie un changement qui accélère et améliore notre façon de concevoir, développer, produire et utiliser des produits, procédés industriels et services nouveaux. Il s'agit de changements qui créent davantage d'emplois, améliorent la vie des citoyens et bâtissent des sociétés plus agréables et plus respectueuses de l'environnement. Le Comité soutient cette définition avant tout parce qu'elle couvre de nombreux domaines politiques.

2.1.1   Cette définition montre en même temps que de nombreuses directions générales de la Commission européenne doivent être impliquées dans les programmes pour l'innovation et la cohésion sociale, économique et territoriale et que, par ailleurs, l'ensemble des fonds de l'UE doivent contribuer à ce développement.

2.2   Mettre en commun les ressources: le CESE estime que pour atteindre l'objectif de faire de l'innovation régionale un instrument destiné à «libérer le potentiel de croissance de l'UE» il y a lieu de recourir également à d'autres ressources de l'UE, telles que par exemple la PAC – du moins s'agissant des investissements destinés à favoriser l'innovation et la croissance intelligente dans le secteur agricole -et le Fonds social européen. Par ailleurs, les instruments financiers européens doivent être coordonnés et mis en synergie avec les instruments nationaux et régionaux. En outre, tous les États membres doivent pouvoir bénéficier pleinement des possibilités offertes par les instruments financiers de l'UE et une simplification s'impose en la matière.

2.3   Choisir les priorités: le CESE est d'avis qu'il serait souhaitable de préciser quels sont les types d'innovation, en sauvegardant ses formes régionales; d'opérer des choix quant aux programmes, aux secteurs intéressés (par exemple: développement durable, énergie, environnement, transports…) et aux régions à associer, sans oublier leurs enjeux, besoins et potentialités – c'est-à-dire leurs situations de départ –, leur culture d'entreprise, les conditions de la recherche et leur capacité à rénover les installations ou à modifier la production. Il y a lieu de promouvoir les liens entre les macrorégions et d'abandonner la politique des «mille fleurs». Les priorités doivent être sélectionnées en concertation avec les pouvoirs publics, le secteur privé et la société civile organisée, aux différents niveaux.

2.4   Connaître, communiquer, informer: la diffusion et le partage des expériences positives entre les secteurs et les territoires intéressés est fondamentale; à cet effet, une stratégie adéquate de communication et d'information doit être prévue directement dans les programmes de la Commission.

2.5   Former: l'aspect formation est un autre instrument fondamental à utiliser afin d'atteindre les objectifs que la Commission s'est fixés dans la communication à l'examen. Il serait très utile en particulier pour les jeunes, de favoriser la diffusion de la culture de l'innovation. Le CESE estime de plus qu'il favoriserait l'utilisation des fonds, réduirait les crédits budgétaires résiduels et éviterait les gaspillages; cela permettrait de parvenir à une utilisation optimale des fonds en aidant la gouvernance au niveau territorial.

2.6   Consolider le partenariat: selon le CESE, il y a lieu de privilégier les programmes et les projets élaborés directement par les associations de PME ou les centres de recherche existants, en collaboration avec les représentants des travailleurs et de la société civile et avec la participation des collectivités territoriales. La pratique systématique du partenariat à tous les niveaux constitue une valeur ajoutée extrêmement pertinente; il y aurait lieu, dès lors, de donner la priorité aux projets élaborés selon cette procédure. Cette manière de faire serait en outre d'une grande aide à la gouvernance territoriale.

2.7   Évaluer les résultats: il s'agit là d'un impératif soutenu sans hésitation par la Commission. Pour ce faire, il y a lieu d'élaborer des paramètres et des systèmes communs d'évaluation des résultats tant pour l'innovation que pour la recherche – c'est là un objectif prioritaire de la Commission et de l'UE. Il y a lieu également de prévoir, pour les régions où les zones qui ne les respectent pas ou qui n'utilisent pas les fonds, d'autres formes d'intervention de l'État membre et/ou de la Commission, laquelle devrait guider ce processus.

2.8   Il y a lieu de promouvoir la collaboration public-privé, y compris par le biais d'un système de financement mixte pour les programmes revêtant une importance ou présentant un intérêt particulier, tant dans le domaine de la recherche que dans celui de l'innovation.

2.9   Stimuler les États membres afin que, de concert avec la Commission et l'UE, ils agissent avec davantage de détermination; elles ne doivent pas jeter l'éponge, pour les raisons maintes fois exposées; il y a lieu de privilégier les projets interrégionaux, qui ont une logique et une portée européennes, et la Commission doit retrouver un rôle de premier plan, y compris au stade de la conception, de la mise en œuvre et, en particulier, de l'évaluation des résultats.

2.10   Favoriser l’accompagnement et le conseil: le CESE estime que les PME et particulièrement les microentreprises, qui ne disposent pas de chercheurs et d’experts en interne, ont besoin, pour pallier ce manque, d’accéder facilement à des services d’accompagnement et de conseil performants et adaptés. Il demande une politique d’appui aux actions des organisations intermédiaires pour soutenir leurs actions d’accompagnement et de conseil, notamment par le biais de contrats d’objectifs régionaux et le financement de postes de conseillers pour l’innovation dans ces organisations intermédiaires.

2.11   Rendre la communication plus claire; le CESE est d'avis que la communication doit être rendue plus simple et plus claire quant à la formulation des objectifs qu'elle s'assigne Il conviendrait de renverser la vapeur et de solliciter les propositions émanant de la base, étant bien entendu que c'est l'argent qui doit suivre les idées et non le contraire.

2.12   Simplifier: la simplification à tous les niveaux est un objectif préalable. Poursuivre en permanence une stratégie de la simplification afin de réduire les délais et les coûts, en créant des formulaires uniques et en suivant le principe «une fois seulement»; l'on pourrait en outre accélérer les paiements et faciliter les financements anticipés pour les entreprises, en particulier pour les PME; l'on pourrait enfin harmoniser les règles financières et réaliser un audit unique, valable pour toutes les instances.

3.   Révision du budget de l'UE, cohésion et croissance intelligente

3.1   Dans sa communication sur la révision du budget, la Commission consacre un long chapitre à la politique de cohésion et accorde beaucoup moins de place à la PAC, qui représente pourtant encore 43 % des dépenses communautaires. La partie consacrée à la cohésion s'appelle «croissance inclusive». Le titre est évocateur, mais doit être appliqué dans la pratique.

3.2   Les titres des chapitres sont déjà exhaustifs: a) politique de cohésion et stratégie Europe 2020; b) une concentration et une cohérence accrues; c) un cadre stratégique commun; d) contrat de partenariat en matière de développement et d'investissement; e) améliorer la qualité des dépenses. Mis à part ce dernier objectif, qui est important, tous devraient déjà avoir été atteints.

3.3   Le CESE apprécie les efforts et les propositions de la Commission destinées à créer des synergies entre la politique de cohésion et les autres politiques de l'UE et des États membres, en ce compris certaines priorités figurant dans la stratégie Europe 2020. Il estime néanmoins nécessaire d'utiliser toutes les ressources disponibles pour réaliser les objectifs de la «croissance intelligente».

3.4   La révision du budget devrait constituer une occasion pour assurer la cohérence entre la politique de cohésion, la PAC et la stratégie Europe 2020, tout en prenant en compte le pacte de stabilité en voie de révision, afin de revoir et de requalifier le budget européen et celui des États de l'eurozone (par exemple, l'enseignement et la recherche ne devraient pas être considérés comme des dépenses courantes).

3.5   Aider les PME est une question prioritaire pour la réussite de la proposition. Le moyen d'y parvenir est de simplifier et de rendre plus accessible le financement, notamment par le biais d'une assurance sur les risques liés à l'octroi de crédits, conformément aux principes affirmés lors du réexamen du Small Business Act (SBA), ou d'un financement direct de l'innovation, assortis d'une politique de soutien et d'accompagnement. L'on peut également y arriver en consolidant et en ayant recours aux associations de PME et de microentreprises. La décision concernant le recours à des subventions, à des prêts ou à une combinaison des deux devrait être laissée à l'appréciation des États membres au niveau approprié.

4.   Observations

4.1   Le CESE juge positives les actions que la Commission envisage pour contribuer à la réalisation des objectifs, en particulier en ce qui concerne les analyses et les informations sur les résultats obtenus, ainsi que l'octroi du capital à risque et de garanties pour les PME engagées dans l’innovation, avec la mise à disposition de financements adaptés à la réalité des PME et des microentreprises.

4.2   Les cinq domaines de spécialisation intelligente mis en évidence dans la communication de la Commission apparaissent assez généraux, relèvent de secteurs et de domaines de référence très différents entre eux; ils ne sont pas calibrés en fonction des spécificités des territoires régionaux, ne prévoient pas les possibles synergies découlant des politique de soutien à l'innovation dans d'autres domaines d'intervention (concurrence, agriculture, marché intérieur, environnement et énergie, éducation, etc.) ou d'autres programmes de l'UE; pour prendre un exemple, l'on n'y trouve aucune mention de l'économie sociale. De même, il n'y est pas prévu de faire participer les partenaires sociaux ou d'autres parties prenantes de la société civile organisée à la définition et à la mise en œuvre des politiques ayant trait à la spécialisation intelligente.

4.3   Cependant, aucune référence n'est faite à la nécessité de coordonner l'initiative en faveur de l'innovation avec les politiques en matière d'innovation des États membres, qui disposent bien entendu de davantage de ressources et qui ont déjà élaboré et engagé des programmes de recherche et d'action dans des secteurs où les activités de recherche et développement pourraient être développées. De même, peu d'analyses sont faites quant aux motifs pour lesquels l'on a empêché, ou du moins pour lesquels l'on n'a pas autorisé l'utilisation des fonds, bien que ce soit là la question la plus grave de toutes. L'on sait pourtant que la Commission européenne n'est pas avare d'analyses!

4.4   Cependant, la Commission ne s'intéresse guère aux régions bénéficiant des meilleures conditions, comme lorsqu'elle écrit que certaines régions participent à la concurrence au niveau mondial, tandis que d'autres luttent pour parvenir à ce niveau. Cela ne signifie pas pour autant que certaines régions sont totalement en retard. Pour aplanir cette inégalité, il faut organiser la politique régionale de telle sorte qu'elle ait de plus en plus pour objet principal le développement des régions faibles, de la même manière, précisément, que l'ensemble de la politique de cohésion poursuit cet objectif.

4.5   Le CESE, en tout état de cause, marque sa préoccupation quant au fait que l'écart qui sépare les régions riches des régions pauvres dans l'UE s'aggrave constamment et que les pays de l'UE qui sont les plus faibles économiquement soient aussi ceux qui sont les moins avancés en matière de recherche, de développement et d'innovation, mais observe que, comme le montre le nouveau tableau de bord, c'est la recherche-développement qui recèle les plus grandes possibilités de croissance dans les pays et les régions les moins avancés.

4.6   À cet égard, il convient que la Commission européenne coopère avec les différents États membres pour diffuser la politique de R&D et d'innovation, de telle sorte que les régions riches des États membres ne monopolisent pas toutes les ressources, avec la distorsion supplémentaire de répartition que cela entraînerait au niveau national.

4.7   La communication prépare le terrain pour que les différents instruments techniques de la recherche puissent être plus largement mis à contribution pour soutenir l'innovation. Il s'agit de prêts à taux réduits, de garanties de prêts et de capital à risque. Le groupe BEI constitue également l'une des instances qui devraient recevoir des ressources supplémentaires destinées à bénéficier plus particulièrement aux PME.

Bruxelles, le 14 juillet 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Propos tenus à l'occasion du lancement en janvier de la communication intitulée «La contribution de la politique régionale à une croissance durable dans le contexte de la stratégie Europe 2020», croissance qui doit être également perçue comme «intelligente et durable».

(2)  COM(2010) 553 final.

(3)  Ibid.

(4)  De nouveaux rapports provenant du Danemark montrent que les hôpitaux ont amélioré leur efficacité; cela se traduit par un plus grand nombre d'opérations et parallèlement par une satisfaction accrue des employés en ce qui concerne leurs conditions de travail, malgré les coupes budgétaires et les réductions d'effectifs. Les méthodes de travail ont changé, il a été interdit dans certains cas aux praticiens d'exercer des professions annexes, et les soins aux patients développés. Ces rapports indiquent que le degré de satisfaction des patients est également plus élevé (la conclusion que l'on peut en tirer consiste à ne pas se contenter de réduire les budgets, mais à changer également les méthodes et l'organisation du travail).


29.10.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/87


Avis du Comité économique et social européen sur le «Livre vert sur l'avenir de la TVA — Vers un système de TVA plus simple, plus robuste, plus efficace»

COM(2010) 695 final

2011/C 318/14

Rapporteure: Mme MADER

La Commission européenne, a décidé le 1er décembre 2010, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur

«Le livre vert sur l'avenir de la TVA – Vers un système de TVA plus simple, plus robuste et plus efficace»

COM(2010) 695 final.

La section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 24 juin 2011.

Lors de sa 473e session plénière des 13 et 14 juillet 2011 (séance du 14 juillet 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 161 voix pour, 0 voix contre et 10 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le Comité approuve sans réserve l’initiative de la Commission, de réfléchir sur la possibilité d’une révision globale du système de TVA, une taxe dont le régime, défini comme «provisoire» dès sa naissance en 1967, prête a de nombreuses critiques. Le Livre vert n’est que le début d’une procédure qu’on prévoit longue, difficile et complexe; son succès sera la preuve d’une vraie volonté des EM de parvenir à la définition d’un système «plus simple, plus robuste, plus efficace».

1.2   Le régime actuel a subi de nombreuses modifications dans le temps: la Commission a été à l’origine de propositions d’amélioration visant à une meilleure efficacité et à une adéquation du régime aux principes du marché unique. Les EM ont accepté plusieurs mesures concernant l’organisation, la coopération entre administrations, l’automatisation. D’autres mesures avaient un caractère principalement administratif et d’organisation. Le Conseil a toutefois résisté jusqu’à ce jour aux propositions de réformer le système dans son ensemble.

1.3   Le Comité est d’accord sur la déclaration de la Commission selon laquelle un système de TVA global devrait réduire les coûts opérationnels pour les utilisateurs, les charges administratives pour les administrations et les tentatives de fraude pesant sur les finances publiques. À cela il convient d’ajouter la prise en compte des besoins des entreprises, qui sont amenées en fin de compte à gérer la perception de la taxe, et qui sont pénalisées, comme le sont également les consommateurs, par l'inefficacité du système fiscal. Comme le Comité l'a déjà déclaré, il conviendrait d'être également attentif au régime de TVA concernant les services financiers (1), et surtout, dans l'hypothèse d'une nouvelle taxe sur le secteur financier frappant les flux de trésorerie ou une base similaire, que la Commission évalue les avantages de l'inscrire dans le cadre de la de la TVA (2).

1.4   Un problème particulièrement délicat est le traitement des opérations transfrontalières. D’un point de vue rationnel, la taxe devrait être perçue dans l’EM d’origine avec les mêmes modalités du commerce intérieur; les difficultés de règlement entre EM ont amené le Conseil à choisir la solution la plus simple, de perception dans l’EM de destination, avec des exceptions pourtant, concernant principalement les services. La Commission propose maintenant des solutions alternatives, mais on n’ignore pas qu’une solution parfaite est difficile à trouver.

1.4.1   Le Comité estime que, dans tous les cas, il faut éviter des changements radicaux en adoptant une politique de petits pas; une solution basée sur l’imposition générale dans l’EM de destination, tout en gardant les principes du système actuel, serait probablement la meilleure. Il sera nécessaire, en même temps, de généraliser l’adoption du mécanisme d’auto-liquidation, d’abord de façon facultative et ensuite généralisée et obligatoire. À des fins de simplification administrative, il convient en tous cas de créer un guichet unique pour les entreprises.

1.5   Le livre vert se propose de recueillir les commentaires et propositions venant de toutes les parties intéressées et utiles pour formuler finalement les propositions de la Commission. Pour ce faire, le document pose 33 questions auxquelles le Comité répond, mais qu’il est impossible de résumer. Pour les détails, voir la Section 5 de ce document.

2.   Introduction

2.1   Depuis de nombreuses années, l'amélioration du système de la TVA fait partie des priorités de la politique fiscale de la Commission. Cette taxe, adoptée en 1967 par l'UE comme régime commun de taxation pour tous les États membres (EM), constitue une partie importante (plus de 20 %) de leurs recettes. En plus, une partie de la TVA perçue contribue au budget de l'UE; par conséquent, il est évident, entre autres, l'intérêt direct de la Commission de protéger ses intérêts en assurant une application de la taxe d'une façon aussi efficace que possible.

2.2   Le régime de la TVA, tout en étant important pour les recettes des EM, est loin d'être satisfaisant et prête à de nombreuses critiques de la part des EM et des autres parties en cause, notamment les entreprises et les consommateurs. La Commission essaie, depuis longtemps, d'en prendre note et d'introduire des propositions d'amélioration visant à une meilleure efficacité et à une adéquation du régime aux règles et aux principes du marché unique; il faut dire que souvent ses efforts se sont heurtés à une opposition, plus ou moins ouverte, de la part des EM.

2.3   Il faut dire ouvertement et sans réticence que, dans le domaine fiscal, la volonté de cohésion européenne trouve ses limites dans la préoccupation, voire la nécessité de chaque EM de protéger ses propres moyens de financement; quand il estime que certaines règles pourraient léser ses intérêts, ou bien qu'elles seraient susceptibles de provoquer des alourdissements de coûts ou de procédures administratives, il marque son désaccord d'une façon plus ou moins ouverte et souvent peu transparente.

2.4   Tous cela est, certes, au détriment d'une politique commune européenne, mais constitue l'explication des échecs des louables efforts de la Commission au cours des années. Malgré cela, des succès considérables ont été obtenus dans le domaine de la rationalisation et de l'informatisation des procédures, de la réduction des coûts pour les administrations et les contribuables, dans la coopération administrative et judiciaire.

2.5   Tout en connaissant les problèmes et les obstacles, la Commission revient maintenant sur l'objectif, qu'elle a toujours poursuivi, de réformer le système dans son ensemble pour le rendre cohérent aux principes du marché unique, en tenant compte des instances de toutes les parties en cause. Dans le respect des règles, le livre vert pose une série de questions sur les différents aspects du régime de la TVA; les réponses qui lui seront fournies seront à la base des propositions pour un nouveau système «plus simple, plus robuste et plus efficace»; le CESE offre, par cet avis, la contribution des milieux socio-économiques qu'il représente.

3.   Observations générales

3.1   À juste titre, la Commission remarque que la crise a eu un impact sur les finances publiques, notamment par un basculement de l'importance relative des impôts directs vis-à-vis de la fiscalité indirecte: la part de TVA sur le total des recettes, jusqu'ici autour de 22 %, marque une tendance à augmenter. Cela est le résultat d'une politique généralement orientée pour améliorer la compétitivité par une réduction de l'imposition sur le travail et sur les entreprises. Le CESE remarque que, bien que cela soit un signal positif, il ne doit pas amener à une augmentation des taux de la TVA dans la directive-cadre, ce qui impliquerait, entre autres, une charge supplémentaire insupportable pour les travailleurs et les consommateurs.

3.2   L'amélioration du mécanisme «passera par la mise en place d'un système de TVA global» qui, selon la Commission, devrait réduire les coûts opérationnels pour les utilisateurs, les charges administratives pour les administrations et les tentatives de fraude. Sur ce dernier point le Comité partage les préoccupations de la Commission; à plusieurs reprises ses avis ont attiré l'attention sur le fait que la TVA est l'impôt le plus largement évadé dans l'UE et que l'évasion est une source importante de financement de la criminalité organisée et du terrorisme. Les phénomènes interdépendants d'évasion, de criminalité, ainsi que du blanchiment d'argent qui y est connecté, constituent une menace majeure pour la société au niveau mondial. Le Comité insiste pour que les nouvelles règles soient examinées en tenant toujours compte de leur «étanchéité» vis-à-vis des attaques des fraudeurs.

3.3   Le livre vert n'ignore pas les aspects concernant les entreprises: la gestion et l'administration (le Comité y ajoute le contentieux) de la TVA représente une partie majeure des coûts administratifs des entreprises, dans une mesure telle qu'une grande partie des PME s'abstient de se lancer dans le commerce international. Le Comité attire encore une fois l'attention sur la nécessité que la gestion de la TVA devienne plus souple, plus simple, moins onéreuse: ce sont les utilisateurs finaux, les consommateurs, qui paient les conséquences.

3.4   Autre sujet important est celui de la possibilité d'introduire un taux unique, considéré comme «l'idéal d'une taxe à la consommation»; le Comité partage le sentiment de la Commission sur la quasi impossibilité d'atteindre ce but, et la soutient avec vigueur dans ses tentatives de réduire, ou éliminer, les trop nombreuses exemptions, exceptions, applications de taux réduits ou préférentiels: des facilités qui réduisent de 45 % les recettes par rapport à celles qu'on pourrait théoriquement percevoir si on appliquait le taux normal. Il sera nécessaire de trouver un équilibre raisonnable entre les nécessités budgétaires et les raisons sociales et économiques sur lesquelles les facilités reposent, surtout en matière de services locaux et de ceux qui nécessitent d’une quantité importante de main d’œuvre.

3.5   Comme le CESE l'a souligné dans son avis sur «La taxation du secteur financier» (ECO/284 – CESE 991/2011), le traitement du secteur financier dans le cadre de la TVA doit être revu.

4.   Traitement TVA des opérations transfrontalières au sein du marché unique

4.1   Lors de son adoption en 1967, le régime de la TVA entre EM, basé sur l'imposition dans le pays de destination, était qualifié de «provisoire»; le régime définitif prévoit l'imposition dans le pays d'origine. Après 44 ans, le régime «provisoire» est encore en vigueur. Du point de vue rationnel la taxe devrait être perçue dans l'EM d'origine avec les mêmes modalités du commerce intérieur, sauf règlement par différence de la partie due à l'EM de destination. Les problèmes existant à l'origine, et existant toujours en partie, avaient amené le Conseil à choisir la solution la plus simple, de la perception dans l'EM de destination: cette approche est toujours en vigueur, bien qu'avec d'importantes exceptions concernant surtout les services télématiques transfrontaliers.

4.2   La Commission a essayé deux fois, dans le passé, d'obtenir l'accord du Conseil pour une uniformisation du régime TVA fondé sur le principe de la perception dans le pays d'origine: ses tentatives ont échoué face à de sérieux problèmes d'application. La Commission a étudié en 2007 un système de taxation à l'origine sur base de 15 %, laissant à l'EM de destination de percevoir ou de rembourser, selon les cas, le moins ou le trop perçu par rapport à son propre taux d'imposition. Le Conseil n'a pas donné suite à cette proposition.

4.3   Le Comité reconnaît que le problème est complexe et que, au vu des différents niveaux de taxation et des différences de procédures administratives encore existantes malgré les efforts d'harmonisation déployés par la Commission, une solution parfaite est difficile à trouver. Toutefois on ne peut pas ignorer les progrès acquis ou en voie d'acquisition en matière de taxation de la prestation de services (3), d'amélioration des systèmes d'imposition (4), de coopération administrative et de guichet unique (5), de bonne gouvernance et de lutte contre la fraude (6).

4.4   Le livre vert va dans la bonne direction, en essayant d'acquérir des informations utiles pour proposer des améliorations; au vu des expériences du passé et de la situation courante, le Comité souhaite qu'on suive une politique de petit pas plutôt que de solutions radicales. Pour cette raison, il estime que la solution indiquée au point 4.2 du document de la Commission, de généraliser l'imposition dans l'EM de destination et de maintenir les principes du système actuel (point 4.2.1), avec une adoption graduelle, d'abord facultative et à terme obligatoire, du mécanisme d'auto-liquidation (point 4.2.2) est la meilleure. En même temps, il convient de veiller, grâce à la création de guichets uniques, à ce que les entreprises puisent s'acquitter de leurs dettes fiscales transfrontalières avec le moins possible de frais administratifs.

5.   Réponses aux questions posées

5.1   Régime de TVA applicable aux échanges intra-UE (Q.1): le régime actuel n'est pas parfait: il donne lieu à plusieurs inconvénients, principalement dus aux nombreuses facilités, exceptions, exemptions, etc. accordées aux EM. Ceci dit, il fonctionne depuis trop longtemps pour qu'on puisse raisonnablement le changer radicalement; un basculement radical serait désastreux. Mieux se concentrer sur l'application des principes de bonne gouvernance à maintes fois évoqués par la Commission, et que le Comité a soutenu par ses avis; ils sont résumés dans le document accompagnant le livre vert (7). Les obstacles majeurs à la maximalisation des avantages ne sont pas à rechercher dans les principes, mais plutôt dans leur défaillante application et à la résistance au changement des administrations des EM.

5.2   TVA et autorités publiques (Q.3): en principe, les exemptions accordées aux organismes publics exerçant des activités en concurrence avec des fournisseurs privés (ex. transports, soins de santé) se justifient par les finalités sociales typiques du service public. Il faut toutefois reconnaître que le fournisseur privé a souvent une fonction de complémentarité aux insuffisances ou défaillances du public. Il y a sans doute une distorsion de concurrence, qu'on tend à atténuer par de nouvelles formes de coopération. En tout cas, le consommateur a le choix de payer moins cher en recourant au service public, ou plus cher dans le privé. Hormis les cas ou l'un ou l'autre des services n'est pas utilisables (ex. moyens de transport) le choix entre les deux se fait surtout sur l'évaluation de la qualité.

5.2.1   Une solution équitable et favorable pour les consommateurs consisterait, selon le Comité, dans le maintien des exemptions pour les services publics et dans leurs extensions au service privé quand il fournit un service indispensable en l'absence du public. On ne se cache pas les difficultés d'application de ce principe; mais, d'autre part, il est inadmissible que les consommateurs résidant dans les localités plus défavorisées soient obligés de payer plus cher pour des services qu'on leur offre sans possibilité de choix. Afin d’éviter des distorsions de concurrence avec le marché privé, l’exception devrait, en tout cas, être limitée aux tâches publiques (8).

5.3   Exonérations de la TVA (Q.6): les exonérations accordées aux EM avant le 1er janvier 1978 n'ont plus aucune raison d'être maintenues, et devraient être abandonnées: considérant qu'elles sont des privilèges que les EM ont négocié à l'époque de la fondation de l'UE ou peu après, elles constituent désormais une inadmissible déviation des principes du marché unique. Même raisonnement pour les nouveaux EM, pour lesquels l'abandon des exonérations peut être progressif, au fur et à mesure de l'amélioration du niveau de vie mais en fixant des paramètres transparents pour en juger.

5.3.1   Plus difficile et nuancé est le problème concernant les exonérations en faveur de certaines activités d'intérêt général ou d'autres activités. Les unes et les autres dépendent des orientations politiques et des politiques économiques de chaque EM; tout en restant une déviation des principes du marché unique, elles peuvent être utilisées comme instrument d'aide à une politique nationale de croissance et d'emploi. En tout cas, une future politique de bonne gouvernance ne devrait permettre ce type d'exonérations que comme mesures exceptionnelles et temporaires. Comme le Comité l'a déjà fait remarquer dans son avis relatif à la TVA sur les services financiers (9), il apprécierait une approche législative plus approfondie qui supprimerait les difficultés d'interprétation restantes et les problèmes en suspens. En outre, s'agissant de l'introduction éventuelle d'une taxe sur les transactions financières (10), la Commission devrait évaluer les avantages de l'inscrire dans le cadre de la TVA, afin d'assurer une approche administrative plus aisée pour le secteur et d'alléger le fardeau du non-recouvrement de la TVA.

5.3.2   Un cas particulier est constitué par les exonérations accordées aux PME dans certains pays, qui devraient être supprimées. On sait bien que dans tous les pays l'évasion de la TVA est considérable; l'existence d'une «évasion légale» dans les pays voisins ne fait qu'accentuer le recours transfrontalier aux services et à l'achat de produits dans ces pays. Double conséquence pour les pays sans exonération: l'affaiblissement de la lutte contre l'évasion illégale et la distorsion de concurrence au détriment des PME respectant les règles.

5.4   Imposition des transports de passagers (Q.7): la réponse est déjà dans l'esprit des commentaires en réponse à la Q.3 (point 5.2 ci-dessus); elle devrait s'appliquer à tous les moyens de transport, y compris le transport aérien (ce qui, d'ailleurs, semble être déjà le cas).

5.5   Problèmes liés au droit à la déduction (Q.9): la déductibilité de la TVA est un des problèmes majeurs pour les entreprises: compliqué, de difficile application en plusieurs cas, source de contentieux, de litiges et d'amendes. En plus, il est fondé sur un principe injuste, que la Commission elle-même rappelle: le droit à déduction (mais aussi le devoir de verser la TVA) naît au moment de la livraison du bien ou de la prestation du service, peu importe que l'acquéreur ou le preneur ait payé ou pas. Les mauvais payeurs ont aussi ce que la Commission appelle un «avantage de trésorerie», mais qu'on pourrait bel et bien appeler une perception sûre pour le fisc, anticipée par le vendeur ou fournisseur et garantie même en cas d'insolvabilité de la part de l'acquéreur ou preneur  (11).

5.5.1   Autre problème important posé la déduction de la TVA par compensation lorsqu'il en ressort un solde positif pour l'assujetti: dans certains EM le remboursement est effectué avec des retards considérables, dommageables pour la trésorerie des entreprises et parfois menant même à leur faillite. Les EM objectent que le système de compensation comporte un certain risque de fraude, ce qui est vrai, mais c'est à eux-mêmes de mettre en place des contrôles rapides; les conséquences de leur inefficacité sont payées par les entreprises.

5.5.2   Le Comité est d'accord avec la Commission sur les considérations qui l'amènent à considérer le système de comptabilité de caisse dans le commerce intracommunautaire comme la solution possible, équitable et neutre, surtout du point de vue de la trésorerie des entreprises. Cette solution n'est pourtant possible dans le commerce intracommunautaire que par la création d'un système de compensation opéré par le guichet unique dont la Commission a proposé l'adoption, mais qui connaît plusieurs obstacles d'application.

5.6   TVA applicable aux services internationaux (Q.11): l'importance des services internationaux, en particulier ceux qui sont fournis par voie électronique, justifie l'adoption de règles spéciales pour ces services; toutefois, la caractéristique de l'immatérialité rend souvent difficile les contrôles de l'application de la TVA de la part des fournisseurs, surtout quand il s'agit de fournitures aux particuliers (logiciels, musique, etc.). Ces contrôles sont impossibles quand les fournisseurs résident dans des états hors UE; l'OCDE ainsi que la Commission étudient le problème, mais sa solution ne semble ni facile ni pour un avenir immédiat.

5.6.1   Les principaux problèmes résident dans une importante distorsion de concurrence des services fournis à l'intérieur de l'UE par rapport à ceux provenant de l'extérieur; il n'y a pas beaucoup de moyens efficaces pour établir de l'ordre, hormis la possibilité d'accords internationaux de coopération entre autorités fiscales. Le Comité est en tout cas contre l'adoption de mesures du type adopté au Canada, consistant à percevoir la taxe auprès des consommateurs, avec des contrôles exercés en vérifiant leurs paiements en ligne. À part le désagrément pour les consommateurs de devoir effectuer des paiements de TVA à chaque achat, des contrôles tels que prévus constituent une inadmissible intrusion dans la vie privée des citoyens.

5.7   Législation de l'Union en matière de TVA (Q.13): l'article 113 du Traité donne au Conseil tout pouvoir en matière d'harmonisation des législations concernant la TVA; il n'y a donc aucune limite quant à l'instrument à choisir, que ce soit une directive ou un règlement. Au vu de l'expérience et d'une tendance parmi les EM à interpréter les dispositions selon leurs propres points de vue, le choix d'un règlement du Conseil est sans doute le meilleur. Toutefois, dans une vision réaliste les dispositions législatives faisant l'objet de ce règlement devraient être limitées à quelques aspects fondamentaux: champ d'application, définition des assujettis, exemptions, coopération entre administrations, lutte contre la fraude. Mais, plus les dispositions seront détaillées, majeures seront les difficultés d'obtenir un consensus au sein du Conseil, retombant ainsi dans la nécessité de directives d'application.

5.7.1   Modalités d'application (Q.14): la solution d'autoriser la Commission à adopter des décisions d'exécution serait bienvenue, mais déjà en 1997 le Conseil n'a pas donné son accord. Il reste à voir si cet accord peut être donné par décision majoritaire: la règle de l'unanimité (prérogative du Conseil) pourrait être contournée difficilement par une délégation de pouvoirs à la Commission. Une décision favorable serait la bienvenue, mais le Comité craint qu'elle ne soit irréaliste.

5.7.2   Lignes directrices sur les nouvelles règles législatives (Q.15): la publication de lignes directrices de la Commission seraient utiles pour les EM qui voudraient s'y conformer. Des inconvénients pourraient dériver du fait qu'elles ne sont pas contraignantes: des assujettis, ou même des administrations, pourraient provoquer des litiges en s'appuyant sur la non-application, ou la mauvaise application, de lignes directrices sans valeur légale. Serait ainsi laissé à l'appréciation de la justice de décider, au cas par cas, du bien fondé de plaintes évoquant des lignes directrices dont la validité serait mise en cause.

5.7.3   Amélioration du processus législatif (Q.16): en matière d'amélioration du processus législatif, plutôt que de mesures faudrait-il parler d'un changement d'approche et de méthode. Dans ses phases initiales, la Commission adopte une attitude de transparence et d'ouverture: consultations préalables avec les EM, convocations de ses comités consultatifs, livres verts, contacts avec les parties prenantes. Ceci en amont; en aval, les procédures auprès du Conseil deviennent moins transparentes et moins ouvertes aux offres de dialogue venant de l'extérieur.

5.7.4   Dans les phases finales, au niveau national les améliorations pourraient consister en une accélération du processus législatif d'adoption des directives et des règlements d'exécution; ces derniers, en particulier, manquent souvent de clarté et de précision, ce qui rend difficile le respect des règles de la part des opérateurs et parfois des administrations mêmes. Au niveau européen, il faudra convenir d'un laps de temps raisonnable entre la date limite pour la conversion de la directive par les EM et la mise en vigueur de nouvelles mesures.

5.8   Dérogations aux États membres (Q.17): la seule consultation de la liste, qui consiste en plus d'une centaine de dérogations, montre que les EM, et certains d'entre eux en particulier, font un usage disproportionné de l'octroi de ces facilités, ainsi que de leurs prolongations de validité. À juste titre, la Commission souligne que ce patchwork provoque de la confusion, des frais, des distorsions de concurrence et souvent il constitue une aide à la fraude; elle demande davantage de pouvoirs pour octroyer des dérogations de manière rapide et appropriée. Le Comité est d'accord, mais en même temps il demande qu'une révision globale soit faite dans le but d'être certain que les dérogations existantes sont toujours justifiées.

5.8.1   Procédure d'octroi des dérogations (Q.18): la procédure actuelle est lente et la demande qu'on lui donne les pouvoirs nécessaires pour l'accélérer est justifiée; en même temps, le Comité demande que les critères d'octroi soient plus rigoureux et que la liste des dérogations soit constamment mise à jour et consultable d'une façon facile et rapide.

5.9   Structure actuelle des taux de TVA (Q.19): certainement la structure actuelle des taux constitue une déviance aux principes du marché unique; il reste à établir si, et dans quelle mesure, les différences des taux ne constituent pas une méthode d'ajustement de situations particulières de l'une ou de l'autre activité. En ce qui concerne les taux différents appliqués à des produits similaires, notamment les services en ligne par rapport aux produits et services portant sur un contenu similaire, le Comité remarque qu'en général c'est le consommateur qui profite des prix réduits. Or, en ce qui concerne les produits, les frais de port s'équilibrent dans une certaine mesure avec les coûts d'exercice du commerce traditionnel, donc une TVA égale serait dommageable pour les acquéreurs en ligne; pour les services, la question est ouverte et mérite un approfondissement. Enfin, en ligne générale, les produits similaires devraient être assujettis aux mêmes tarifs.

5.9.1   Taux réduits de TVA (Q.20): la disparition des taux réduits peut paraître souhaitable, cette hypothèse est irréaliste; mais la liste devrait certainement être réduite, ou en tout cas soumise à une sévère révision: certaines facilités de vieille date, par exemple, sont tout simplement inadmissibles, compte tenu des changements intervenus dans le temps.

5.9.2   La création d'une liste de taux réduits obligatoires et uniformément appliqués est une hypothèse séduisante, mais également irréaliste. Les taux réduits sont utilisés dans chaque EM comme un puissant levier de politique économique, et parfois pour des motivations sociales ou carrément politiques. Quoi qu'il en soit, les EM ne pourront jamais accepter de renoncer à l'octroi individuel de taux réduits. On pourra faire un raisonnement différent dès que l'Europe se sera dotée d'un gouvernement économique, réglant d'une façon univoque les politiques économiques de tous les EM.

5.10   Problèmes concernant les règles actuelles (Q.21): les problèmes que les opérateurs, vendeurs et acheteurs, rencontrent en matière de paperasserie sont liés aux nombreuses règles imposées des deux côtés des frontières, souvent différentes et faisant parfois double emploi. À cet égard, il convient de citer notamment les règles suivantes: états récapitulatifs, obligations d’enregistrement, obligations de certification, obligations de déclaration, obligations de facturation (facturation électronique), obligations en matière d’enregistrement dans d’autres États membres, distinction entre livraison/installation. Les problèmes de langue posent aussi des coûts et des risques de dangereux malentendus.

5.10.1   Remédier aux problèmes (Q.22): les remèdes ont été suggérés par la Commission elle-même par plusieurs directives et recommandations toutes visant à la simplification administrative, entre autres la création d'un guichet unique, la création d'un numéro d'identification européen des opérateurs, l'informatisation des administrations. Le problème est que les administrations n'ont mis en œuvre ces mesures que dans une mesure limitée, parfois de façon différente et avec des retards considérables. L'harmonisation et la coordination des procédures deviennent ainsi un objectif prioritaire, plus importantes même de la simplification (12).

5.11   Exonération des petites entreprises (Q.24): une révision globale du régime d'exonération pourrait se justifier sous différents points de vue: distorsions des conditions de concurrence, vérification de la permanence des raisons qui, à l'origine, en ont dicté l'institution, impact sur le budget de chaque EM, situation économique générale, conséquences pour la compétitivité, l'emploi et les consommateurs, cohérence avec les objectifs d'Europe 2020. Mais fondamentalement la question a des aspects politiques importants, et il reste à voir si le Conseil a la volonté de se pencher sur ce problème.

5.12   Besoins des petits agriculteurs (Q.26): si vraiment la question concerne les «petits» agriculteurs, alors le problème ne devrait que concerner, dans la majorité des cas, le trafic transfrontalier de voisinage. Compte tenu de son importance relativement faible, on pourrait imaginer d'accorder un régime d'exonération générale.

5.13   Guichet unique (Q.27): le Comité confirme toutes les considérations (13) faites sur les propositions concernant l'institution du guichet unique  (14): le guichet unique serait une bonne solution pour la réduction des coûts et la simplification administrative, une fois qu'on aura donné une solution générale et coordonnée aux nombreux problèmes encore sur le tapis: création d'un registre électronique reconnu dans toute l'UE, abolition de l'obligation d'effectuer les transferts financiers directement entre le sujet passif et l'EM créditeur, harmonisation de plusieurs règles nationales, notamment celles qui concernent les périodes de déclaration.

5.14   Opérations transfrontalières (Q.28): la réponse est déjà dans les termes dans lesquels la question est posée: les règles actuelles créent certainement des difficultés aux entreprises, ou groupes, intra-européens, ainsi qu'aux administrations. Les règles minutieuses qui s'appliquent à la matière sont nécessairement compliquées pour les entreprises qui doivent les observer et pour les administrations appelées à les contrôler. Un remède, pourtant non sans inconvénients, pourrait prévoir de considérer les multinationales comme assujetties à la seule réglementation du pays où se trouve leur siège principal, quel que ce soit le pays d'origine ou de destination, sauf compensation des valeurs payées en plus ou en moins par le biais d'un guichet unique. L'inconvénient principal consisterait dans une possibilité accrue de fraude. En conclusion, le problème est tellement compliqué que seul un groupe d'étude formé par des spécialistes de la matière, administrations et groupes, pourrait finalement avancer des propositions raisonnables.

5.15   Synergies avec d'autres dispositions législatives (Q.29): Le Comité a déjà répondu en détail à cette question par son avis «Encourager la bonne gouvernance dans le domaine fiscal» (15). Dans ce document il soulignait la nécessité de coordonner les directives sur la TVA (directives «douanières») avec les directives de fiscalité indirecte et celles concernant le recyclage d'argent criminel. Il considérait également impératif d'établir une coopération structurée et une collaboration organisée structurellement entre les différents organismes chargés de la lutte à l'évasion et contre la criminalité organisée. Dans ces domaines, rien n'a été fait au niveau de l'UE et il ne semble pas que les propositions du Comité aient reçu la moindre attention.

5.16   Mode de perception de la TVA (Q.30): parmi les quatre alternatives proposées, la deuxième, qui prévoit une base de données centrale recevant toutes les données de la facturation, semblerait de loin la meilleure: simple et efficace pour combattre la fraude. La facturation électronique suppose toutefois des coûts substantiels pour les entreprises. Ceci dit, le dernier mot ne peut qu'appartenir aux professionnels des administrations et des entreprises. De son côté, le Comité observe que l'aspect positif principal est que cette méthode semble être la meilleure pour combattre la fraude.

5.17   Système facultatif de paiement scindé (Q.31): le Comité exprime ses perplexités sur le choix d'un système de paiement «scindé», tel que proposé dans le premier modèle au point 5.4.1 du livre vert: que d'imposer un double paiement pour chaque transaction complique la comptabilité et multiplie la possibilité d'erreurs. En outre, selon certains experts il n'est pas sûr que ce modèle soit une garantie absolue et incontournable contre la fraude tournante (fraude carrousel). En tout cas, l'hypothèse d'un système facultatif semblerait également à écarter: ce serait le contraire d'un principe d'harmonisation qui déjà souffre de trop d'exceptions.

5.18   Relations entre les opérateurs et les autorités fiscales (Q.32): dans sa Communication de décembre 2008 (16), la Commission avait déjà tracé les lignes directrices (plan d'action) d'une politique visant à améliorer, au niveau des EM, les relations entre opérateurs et autorités fiscales. Le Comité avait fait parvenir ses commentaires et propositions par un avis  (17) dans lequel, tout en marquant son accord sur les propositions de la Commission (substantiellement les mêmes que celles du Livre vert), il soulignait la nécessité d'une meilleure considération pour la protection des données concernant les opérateurs, d'une prise de responsabilité des administration vis-à-vis des contribuables dans les cas de faute ou abus de pouvoir des administrations, d'une conception équitable de la responsabilité solidaire. Tout cela, sans oublier les recommandations faites à maintes reprises concernant la clarté et la rapidité des informations et leur accessibilité par Internet, l'aide des autorités nationales aux opérateurs dans leurs contacts avec les administrations d'autres EM, etc.

Bruxelles, le 14 juillet 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Voir l'Avis du CESE JO C 224, du 30.8.2008, p. 124, sur la «Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne le traitement des services d’assurance et des services financiers» (COM(2007) 747 final - 2007/0267 CNS).

(2)  Voir l'Avis du CESE JO C 248, du 25.8.2011, p. 64, sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions “La taxation du secteur financier”» (COM(2010) 549 final).

(3)  Avis CESE «Règles/Lieu de prestations des services», JO C 117, 30.04.2004, p. 15.

(4)  Avis CESE «Améliorer le fonctionnement des systèmes d'impositions sur le marché intérieur (FISCALIS 2013», JO C 93, 27.04.2007, p. 1; Avis CESE «Encourager la bonne gouvernance dans le domaine fiscal», JO C 255, 22.09.2010, p. 61; Avis CESE «TVA: Lutte contre la fraude», JO C 347, 18.12.2010, p. 73.

(5)  Avis CESE «Simplification TVA», JO C 267, 27.10.2005, p. 30.

(6)  Avis CESE «Abus dans le domaine de la fiscalité directe», JO C 77, 31.03.2009, p. 139.

(7)  Commission Staff Working Paper, SEC(2010)1455 du 1.12.2010.

(8)  Services d’intérêt général (SIG) – Protocole de la Conférence intergouvernementale N. 26, 23.7.2007.

(9)  Voir l'Avis du CESE JO C 224, du 30.8.2008, p. 124, sur la «Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne le traitement des services d’assurance et des services financiers» (COM(2007) 747 final - 2007/0267 CNS).

(10)  Voir l'Avis du CESE JO C 248, du 25.8.2011, p. 64, sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions “La taxation du secteur financier”» (COM(2010) 549 final).

(11)  La restitution de la TVA sur des fournitures ou prestations finalement non payées fait l’objet dans nombreux États de procédures longues, compliquées et coûteuses.

(12)  Le Comité s’est exprimé en la matière en de nombreuses occasions: Avis CESE «Système commun de TVA (Refonte)», JO C 74, 23.03.2005, p. 21; Avis CESE «TVA/Règles de facturation», JO C 306, 16.12.2009, p. 76 et tous les avis CESE cités en référence dans ce texte.

(13)  Avis CESE «Simplification TVA», JO C 267, 27.10.2005, p. 45.

(14)  COM(2004) 728 final

(15)  Avis CESE «Encourager la bonne gouvernance dans le domaine fiscal», JO C 255, 22.09.2010, p. 61.

(16)  COM(2008) 807 final accompagnant COM(2008) 805 final - 2008/0228(CNS).

(17)  Avis CESE «Fraude fiscale liée aux importations», JO C 277, 17.11.2009, p. 112.


ANNEXE

à l'avis du Comité économique et social européen

Texte de l'avis de section spécialisée rejeté au profit d'amendement adopté en Assemblée

Point 1.3:

Le Comité est d’accord sur la déclaration de la Commission selon laquelle un système de TVA global devrait réduire les coûts opérationnels pour les utilisateurs, les charges administratives pour les administrations et les tentatives de fraude pesant sur les finances publiques. À cela il convient d’ajouter la prise en compte des besoins des consommateurs, qui sont finalement ceux qui sont appelés à payer la taxe et à prendre en charge le poids de cette inefficacité.

Résultat du vote: 81 voix pour, 45 voix contre et 29 abstentions.


29.10.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/95


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social européen — Lever les obstacles fiscaux transfrontaliers pour les citoyens de l’Union européenne»

COM(2010) 769 final

2011/C 318/15

Rapporteur: M. FARRUGIA

Le 20 décembre 2010, la Commission européenne a décidé, conformément à l’article 113 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social européen: Lever les obstacles fiscaux transfrontaliers pour les citoyens de l’Union européenne»

COM(2010) 769 final.

La section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 24 juin 2011.

Lors de sa 473e session plénière des 13 et 14 juillet 2011 (séance du 14 juillet 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 74 voix pour et 5 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

L’existence de différents espaces de droit fiscal dans l’UE impose des contraintes accrues aux citoyens de l’UE qui travaillent, investissent et exercent leur activité au-delà des frontières du fait d’une double imposition, ainsi que d’un chevauchement des exigences administratives. Cette situation constitue un obstacle effectif au bon fonctionnement du marché unique et une atteinte aux droits fondamentaux des citoyens de l’UE. Les petites entreprises ont tendance à être négativement touchées de manière disproportionnées par ces entraves.

1.2

Le CESE est d’avis que les règles fiscales existantes dans l’Union ne sont pas de nature à prévenir la discrimination entre les citoyens de différents pays et à éliminer les obstacles à la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux.

1.3

Pour remédier à ces problèmes, le CESE recommande les actions suivantes visant la suppression de la double imposition et une simplification administrative accrue des situations transfrontalières:

l’établissement de services «guichets uniques» à travers lesquels les citoyens peuvent obtenir des informations, payer les impôts et les taxes et se faire délivrer les attestations et les documents nécessaires utilisables dans toute l’Europe;

la simplification des procédures administratives s’appliquant aux situations transfrontalières, qui doit être entreprise sur une base bilatérale ou multilatérale dans les États membres, y compris la suppression, entre autres choses, de la double imposition et l’utilisation d’instruments administratifs visant à assurer l’application sans faille des nombreux accords existants en matière de double imposition;

des décisions anticipées sur l’imposition. Il s’agit de fournir des informations sur le montant final de l’impôt, qui sont des informations destinées expressément au contribuable concerné;

la création d’un Observatoire de l’imposition transfrontalière qui, à l’issue d’une période initiale pendant laquelle il exercerait ses activités sous les auspices de la Commission européenne avec des ressources spécifiques et des fonctions claires, devrait devenir progressivement, sur une période de trois ans, une institution dotée d’une personnalité juridique de droit public ayant le statut d’agence stratégique. L’Observatoire a pour but d’acquérir, sur une base permanente, une connaissance détaillée et pratique des entraves fiscales existantes et de leur évolution, et devrait avoir pour fonctions:

d’investiguer sur les obstacles fiscaux signalés par les citoyens de l’UE;

de réaliser des recherches pour découvrir d’autres obstacles;

de se pencher sur l’efficacité des efforts en cours pour supprimer les entraves;

d’estimer les effets sur les citoyens de l’UE des aspects entrant dans le champ d’action de l’observatoire;

de passer régulièrement en revue les changements apportés aux politiques fiscales et aux exigences administratives dans les États membres de l’UE de manière à évaluer dans quelle mesure et comment les barrières fiscales peuvent évoluer et à mettre plus particulièrement en lumière les cas où elles se renforcent, et faire rapport à ce sujet;

d’étudier l’introduction de mécanismes de péréquation fiscale permettant que les travailleurs qui changent fréquemment de lieu de travail en passant d’un pays à l’autre de l’UE aient la possibilité de toujours payer leurs impôts auprès de la même autorité fiscale, de préférence celle du pays où le travailleur est affilié au régime de sécurité sociale;

d’évaluer dans quelle mesure l’harmonisation est effective dans le contexte de régimes fiscaux spécifiques tels que la TVA et quelles sont les répercussions de sa mise en œuvre ou de son inexistence sur les distorsions fiscales dans le marché unique;

d’établir des groupes ad hoc pour collecter l’information et proposer des solutions dans le contexte des questions évoquées précédemment;

de publier des rapports périodiques et ad hoc pour présenter en détail les résultats des travaux de l’observatoire et formuler des recommandations en vue de supprimer les barrières fiscales dans les situations transfrontalières.

1.4

De manière plus générale, le CESE est d’avis que la responsabilité de l’efficacité des démarches fiscales dans les situations transfrontalières ne doit pas incomber au citoyen mais qu’il faut prévoir des mécanismes appropriés garantissant des procédures suffisamment simples et claires pour qu’il puisse s’y retrouver. Tout en reconnaissant la contribution valable qu’apportent les possibilités offertes au citoyen de signaler les barrières fiscales, l’effort politique en vue de les éliminer doit aller au-delà.

1.5

En proposant ces recommandations, le CESE met à ce stade l’accent sur la suppression des barrières fiscales au lieu de traiter la question plus générale de l’harmonisation fiscale. Cette dernière peut être interprétée comme l’un des critères à satisfaire par un marché unique, mais il se peut qu’elle soit en conflit avec d’autres objectifs fondamentaux de l’Union européenne.

1.6

La suppression des obstacles fiscaux pour les situations transfrontalières est nécessaire si l’on veut préserver les droits individuels des citoyens, promouvoir la compétitivité et en particulier celle des PME, et renforcer les connaissances et la base de recherche de l’économie européenne, en accord avec les objectifs de la stratégie Europe 2010.

2.   Contexte

2.1

Le programme d’action mis en place à l’origine au titre de l’Acte pour le marché unique visait à lever tous les obstacles de nature fiscale entravant les activités transfrontalières. Le livre blanc de 1985 proposait des mesures visant à éliminer les barrières fiscales en levant les obstacles liés aux divers impôts indirects, mais ces questions sont restées en suspens. Un vote à l’unanimité est nécessaire pour que soient adoptés des modifications aux mesures concernant l’impôt.

2.2

La suppression des entraves fiscales entre États membres est mentionnée dans la «stratégie Europe 2020» (1), qui insiste sur le caractère essentiel de l’élimination des obstacles fiscaux pour parvenir à un marché unique véritablement opérationnel.

2.3

Le 12 décembre 2010, la Commission européenne a publié une communication concernant les questions relatives à la suppression des obstacles fiscaux transfrontaliers pour les citoyens de l’UE faisant spécifiquement référence aux impôts sur le revenu, sur les capitaux et aux droits de succession, à l’impôt sur les dividendes, à la taxe d’immatriculation des véhicules et la taxe de circulation, et à la fiscalité du commerce électronique.

3.   Observations générales

3.1

Au cours de la décennie passée, l’augmentation de la circulation des biens, des services et des capitaux a soulevé des préoccupations croissantes sur les problèmes relatifs à la fiscalité transfrontalière, comme il ressort d’initiatives telles que le service d’orientation pour les citoyens (SOC), le service Solvit, le centre de contact Europe Direct, les centres européens des consommateurs, le Réseau Entreprise Europe et les services de l’emploi européens (EURES). Les chefs d’État et de gouvernements de la zone euro ont également reconnu qu’il est nécessaire de mieux coordonner la mise en œuvre des politiques fiscales.

3.2

Les problèmes de discrimination fiscale liés à la nationalité et d’autres restrictions injustifiées relèvent, de manière générale, des règles des traités de l’UE. Toutefois, le système actuel ne protège pas les citoyens de l’UE contre divers autres problèmes tels que l’accès limité aux informations fiscales, qui est largement considéré comme un obstacle majeur aux situations transfrontalières (2), la double imposition et les inadéquations dues aux diversités des structures fiscales. S’il est largement reconnu qu’une harmonisation fiscale complète n’est ni souhaitable ni réalisable, des mesures visant à lever les obstacles fiscaux au développement des activités transfrontalières n’en restent pas moins nécessaires.

3.3

La double imposition sur le revenu est l’un des principaux obstacles à l’activité transfrontalière et elle entrave le fonctionnement du marché intérieur. D’autres barrières de nature fiscale ont un rapport avec les problèmes d’obtention des abattements, allègements d’impôt et déductions fiscales de la part d’autorités fiscales étrangères. Dans certains cas, les citoyens de l’UE paient des impôts plus élevés sur le revenu gagné dans un pays étranger. La discrimination en matière de taxation des revenus des capitaux est un autre défi qui se pose aux États membres. Dans le système actuel, les investisseurs étrangers doivent, dans la plupart des pays de l’UE, payer des taxes plus élevées que les résidents. La Commission prévoit de présenter des solutions possibles, en préparant tout d’abord une analyse d’impact afin de se pencher sur les problèmes découlant du recours inadéquat ou insuffisant aux instruments en vigueur qui existent pour éviter la double imposition, tels que les traités bilatéraux relatifs à la double imposition, tant concernant la fiscalité des revenus que celle des capitaux.

3.4

Les règles relatives aux droits de succession sont différentes suivant les États membres et les accords fiscaux bilatéraux entre États membres sont très limités. Plus de 80 % de ces États membres appliquent des droits de succession, tandis que les autres ont adopté un impôt sur le patrimoine. La Commission conduit un processus de consultation et formulera bientôt des propositions sur la manière dont les États membres pourraient concevoir des systèmes non discriminatoires de droits de succession et étendre leurs mécanismes d’allègement de la double imposition afin d’éliminer autant que faire se peut les obstacles transfrontaliers en matière de droits de succession.

3.5

Dans les situations transfrontalières, les impôts sur les dividendes sont généralement payés dans deux États membres. Cela suscite des problèmes afférents à la double imposition économique et juridique, ainsi qu’aux remboursements d’impôts, en particulier lorsque plusieurs niveaux d’imposition sont concernés. Une analyse d’impact est en cours d’élaboration par la Commission, dont découlera une initiative visant à résoudre les problèmes d’imposition transfrontalière liés aux versements transfrontaliers de dividendes à des investisseurs en portefeuille.

3.6

La nécessité de rationaliser l’immatriculation des véhicules et les taxes sur la circulation dans l’UE est évoquée dans une directive (3) proposée par la Commission en 2005, visant la suppression progressive des taxes d’immatriculation tout en appliquant un système de remboursement. Aucun accord à l’unanimité n’a encore toutefois pu être trouvé sur cette question qui est en cours de réexamen.

3.7

Les recherches ont démontré que 60 % environ des consommateurs européens rencontrent des problèmes dans l’achat de biens et de services en ligne dans le cadre d’une transaction transfrontalière (4). Les problèmes relatifs à la TVA constituent un obstacle fiscal parmi d’autres qui décourage les entreprises à vendre leurs produits dans d’autres États membres. La disponibilité d’un guichet unique a facilité le commerce à cet égard et l’on considère qu’il y a lieu d’encourager prioritairement une utilisation plus large de ce système (5). Une consultation sur ce sujet sous la forme d’un livre vert (6) est actuellement en cours de réalisation.

4.   Observations particulières

4.1

Les obstacles fiscaux freinent la réalisation du principal objectif du marché unique, à savoir la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux.

4.2

L’amélioration de l’accès et de l’information sont essentiels pour la bonne gouvernance en matière de politique fiscale. En 2009, la Commission européenne a publié un document intitulé «Encourager la bonne gouvernance dans le domaine fiscal» (7), qui affirme que la bonne gouvernance dans le domaine de la politique fiscale améliorerait la coopération administrative et, partant, les relations économiques. Cela faciliterait l’échange d’informations entre États membres tout en promouvant les accords bilatéraux.

4.3

Dans les cas où la double imposition continue d’exister, il conviendrait d’encourager les pays concernés à supprimer ce système en suivant une approche globale qui prenne en considération toutes les formes d’imposition. Lorsqu’il existe déjà des accords pour la suppression de la double imposition, il conviendrait de mettre en place des dispositifs précis (par exemple, l’arbitrage contraignant) pour garantir que ces accords fonctionnent convenablement. Il importe en outre d’examiner tout système fiscal supplémentaire se trouvant au stade de la mise en œuvre pour protéger les citoyens de l’UE de tout nouvel élément de double imposition.

4.4

Dans cet esprit, le CESE propose quatre mesures afin de remédier aux problèmes de double imposition tout en renforçant la simplification des procédures administratives dans les situations transfrontalières. Ces mesures sont: i) la création de services «guichet unique»; ii) la simplification des procédures administratives; iii) l’établissement des décisions anticipées sur l’imposition et iv) la création d’un observatoire de l’imposition transfrontalière.

4.5

Les guichets uniques envisagés dans ce document auraient deux objectifs principaux. Le premier est de servir de centres d’information à travers lesquels les citoyens de l’UE peuvent obtenir toutes les informations nécessaires en matière d’imposition de manière directe, accessible et pertinente. Le CESE propose également que ces guichets uniques aient une deuxième fonction, à savoir celle de centres de services pour les citoyens imposables, qui offrent des services étendus dont la délivrance d’attestations et des documents fiscaux.

4.6

Aider les citoyens de l’UE à s’adapter aux dispositions actuelles et futures en matière d’imposition suppose de simplifier les procédures administratives. Cette mesure concerne plus particulièrement les accords en matière de double imposition. En outre, la mise en œuvre de régimes fiscaux qui sont centrés sur les décisions anticipées sur mesure en matière d’imposition et la prise en compte des caractéristiques et des conditions particulières d’une situation donnée, est une manière efficace d’accroître la transparence des procédures fiscales pour ses citoyens et de réduire l’incertitude qui peut exister dans les situations transfrontalières tant pour les entreprises que pour les citoyens.

4.7

Enfin, le CESE défend activement à travers le présent avis la création d’un observatoire pour les obstacles rencontrés dans les situations transfrontalières. Cette initiative est jugée essentielle pour pouvoir inventorier, régulièrement, les entraves actuelles et futures éventuelles découlant des politiques fiscales et évaluer l’efficacité de ces politiques pour ce qui est de la suppression de ces mêmes barrières. Les conclusions tirées des investigations réalisées périodiquement devraient être publiées dans des rapports périodiques et assorties de propositions concernant la suppression des barrières fiscales en question. Afin d’identifier ces obstacles, l’observatoire utiliserait différentes sources, y compris les cas signalés par les citoyens et la réalisation de recherches spécifiques. Un des volets importants de la fonction d’information de cet observatoire serait d’évaluer les répercussions de tels obstacles sur le bien-être les citoyens de l’UE en général et des entreprises ainsi que de certaines composantes de ces catégories, plus particulièrement.

4.8

La mise en place d’un observatoire permettra de s’assurer que les politiques fiscales mises en œuvre sont efficaces en pratique, en particulier en ce qui concerne la mobilité de l’emploi. Plus particulièrement, l’observatoire serait mandaté pour étudier un mécanisme permettant que les travailleurs qui changent fréquemment de lieu de travail en passant d’un pays à l’autre de l’UE soient imposables toujours auprès de la même autorité fiscale, de préférence celle du pays où le travailleur est affilié au régime de sécurité sociale. Ce système de «péréquation fiscale» pourrait fonctionner à travers des chambres de compensation constituées à cet effet, soit au sein d’entreprises privées soit en tant que services d’institutions publiques. L’observatoire serait appelé réaliser des évaluations coûts/bénéfices en la matière et à formuler des recommandations sur les meilleures approches à adopter en matière de mise en œuvre de tels mécanismes dans différents contextes.

4.9

En outre, l’observatoire devrait entreprendre des études concernant le niveau optimal d’harmonisation pour ce qui est des régimes fiscaux spécifiques tels que la TVA, ce qui permettrait une analyse plus détaillée des répercussions des distorsions fiscales sur les principaux éléments du marché unique. Des groupes de travail ad hoc seraient constitués sous les auspices de l’observatoire afin d’étudier les problèmes et les questions spécifiques qui pourraient se poser de temps à autre et de proposer des solutions les concernant.

4.10

Le CESE est d’avis que des procédures simplifiées accroîtraient l’efficacité dès lors que les processus d’acquisition d’informations et de compréhension des règles seraient plus clairs et plus compréhensibles pour les citoyens de l’UE. Une information appropriée doit être mise à disposition afin de mieux aider les citoyens à remplir leur obligation légale, à savoir payer comme il se doit les taxes et impôts auxquels ils sont soumis.

4.11

Dans le même temps, le CESE est fermement convaincu qu’il faut tirer parti de toute possibilité de lutte contre l’évasion fiscale qui pourrait être présentée à la faveur de ces mesures.

4.12

Il est urgent de mettre en place un Observatoire de l’imposition transfrontalière, dans la mesure où tout porte à croire que si l’on ne prend pas des mesures immédiatement, le problème, loin de diminuer, ira grandissant et aura de graves conséquences sur les plans économique et social. Aussi le CESE recommande-t-il que, dans un premier temps, l’Observatoire soit mis en place et fonctionne sous les auspices de la Commission. Il préconise que celle-ci attribue à l’Observatoire l’autorité, la responsabilité et les ressources spécifiques qui lui permettront d’exercer efficacement les fonctions qui lui auront été confiées et sont exposées dans le présent avis. Le CESE recommande toutefois vivement que l’Observatoire de l’imposition transfrontalière devienne le plus rapidement possible une agence stratégique dotée d’une personnalité juridique de droit public, de sorte qu’il puisse exercer ses fonctions en toute autonomie et indépendance. En outre, sa qualité d’agence stratégique lui donnerait le droit d’obtenir les ressources spécifiques nécessaires à l’exercice de ses fonctions.

4.13

Il y a lieu de mettre l’accent sur la suppression des barrières fiscales indépendamment des décisions relatives à l’harmonisation fiscale. Si cette dernière peut être considérée en théorie comme l’un des critères requis pour l’achèvement du marché unique, en tout cas s’agissant de la fiscalité indirecte, il s’agit dans la pratique d’un objectif extrêmement ambitieux qui de plus pourrait entrer en conflit avec d’autres objectifs fondamentaux de l’Union européenne. Pour cette raison, il est encore plus important de se centrer sur la suppression des entraves fiscales dans les situations transfrontalières afin de contribuer à la réalisation des objectifs du marché unique. Des efforts visant à supprimer les obstacles fiscaux dans les transactions transfrontalières devraient compléter et être complétés par un certain nombre d’initiatives importantes en cours, et plus particulièrement celles qui se rapportent à la stratégie Europe 2020 et au «Small Business Act».

Bruxelles, le 14 juillet 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  COM(2010) 2020 final

(2)  COM(2010) 769 final

(3)  COM(2005) 261 final.

(4)  COM(2009) 557 final et SEC(2009) 283 final.

(5)  En 2004, la Commission a proposé un système de guichet unique [COM(2004) 728] qui permettrait aux opérateurs de s’acquitter de certaines obligations déclaratives dans l’État membre où ils sont établis. Toutefois, la proposition n’a pas encore été adoptée.

(6)  COM(2010) 695 final.

(7)  COM(2009) 201 final.


29.10.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/99


Avis du Comité économique et social européen sur le «Livre vert sur le développement des marchés publics électroniques dans l’UE»

COM(2010) 571 final

2011/C 318/16

Rapporteur: M. FARRUGIA

Le 18 octobre 2010, la Commission européenne a décidé, conformément à l’article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur le:

«Livre vert sur le développement des marchés publics électroniques dans l’UE»

COM(2010) 571 final.

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 23 juin 2011.

Lors de sa 473e session plénière des 13 et 14 juillet 2011 (séance du 13 juillet 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 110 voix pour, 1 voix contre et 4 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement le livre vert de la Commission européenne (CE) sur la passation électronique des marchés publics, ainsi que celui consacré à la modernisation de la politique de l’UE en matière de marchés publics.

1.2

Le CESE est d’avis que:

a)

la mise en place d’un cadre intereuropéen de passation électronique des marchés publics est essentielle pour le bon fonctionnement du commerce au sein du marché intérieur au regard de l’importance qu’ont ces marchés publics électroniques par rapport au PIB de chaque État membre; et

b)

l’extension de cette pratique aux administrations publiques locales doit être considérée comme un instrument politique important, dans la mesure où la passation des marchés électroniques:

réduit les coûts pour les entreprises et les pouvoirs publics;

simplifie les procédures de passation des marchés, en particulier lorsque des instruments, tels que les enchères électroniques et l’acquisition dynamique sont utilisés, permettant ainsi une prise de décision plus rapide;

accroît la transparence et réduit le risque de pratiques illicites dans le cadre de la passation des marchés, qu’elles soient réelles ou perçues comme telles;

constitue un instrument pour progresser sur la voie d’une société de l’information.

1.3

Le CESE estime qu’il n’est pas possible de procéder à un réexamen du cadre de passation électronique des marchés publics indépendamment d’une révision du cadre légal applicable aux marchés publics. La passation électronique est un dispositif qui permet de mettre en œuvre la politique des marchés publics de manière plus efficace, plus efficiente et plus économique. Le CESE conclut qu’il est important qu’il y ait une cohésion et qu’une approche conjointe soit adoptée à cet égard.

1.4

Le CESE est conscient que la mise en œuvre de la passation électronique des marchés dans tous les États membres n’a pas répondu aux attentes du plan d’action de 2004. Quoiqu’il en soit, le CESE reconnaît qu’il existe des exemples de bonnes pratiques, l’une d’entre elles étant l’approche holistique adoptée par le Portugal concernant la mise en œuvre de la passation électronique des marchés publics, qui mérite des éloges.

1.5

Le CESE conclut que l’approche pluridimensionnelle, dans laquelle chaque État membre a adopté son propre calendrier pour la mise en œuvre de la passation électronique des marchés publics n’a pas produit les résultats escomptés, et a abouti au contraire à s’éloigner de l’objectif visé qui était un système unifié généralement admis. Le CESE estime qu’il est désormais de la plus haute importance que la Commission européenne, par l’intermédiaire des directions générales «Marché intérieur et services» et «Société de l’information et médias», prenne les choses en main de manière rigoureuse et efficace (de la même façon que pour la stratégie numérique pour l’Europe) pour atteindre un cadre de passation électronique des marchés publics intégré, interopérable et standardisé en ce qui concerne les entreprises et la technologie dans tous les Etats membres. Cela garantirait d’une part qu’aucune action engagée par un État membre ne soit touchée, ce qui risquerait de mettre en péril la réalisation de l’objectif visé, et d’autre part que les mesures effectivement mises en œuvre favorisent le processus de mise en place, dans un délai convenu, d’une approche en matière de cohésion ayant fait l’objet d’un consensus. Le CESE entend toutefois mettre l’accent sur la nécessité d’établir des cadres pratiques et bien adaptés en matière de passation électronique de marchés publics pour des secteurs particuliers, spécialement dans le secteur de l’économie sociale et dans celui des services sociaux. En effet, les services faisant l’objet de marchés publics dans ces secteurs sont souvent complexes et comportent des caractéristiques particulières de valeur sans équivalent, pour lesquelles une marge de manœuvre doit exister, même dans une procédure de passation électronique de marchés publics.

1.6

Le CESE recommande de mettre en œuvre un mécanisme de suivi de la mise en œuvre afin d’examiner, notamment, les progrès accomplis, les obstacles rencontrés, les mesures correctives adoptées, concernant l’introduction de la procédure de passation électronique de marchés publics au sein des États membres.

1.7

Le CESE ajoute qu’en adoptant la mise en œuvre de la passation électronique des marchés publics, la Commission européenne devrait encourager les États membres à rechercher des solutions innovantes pour venir à bout des problèmes liés aux procédures commerciales et à la question linguistique.

1.8

Tout en assumant un rôle de chef de file, la Commission européenne devrait montrer l’exemple en adoptant la passation électronique des marchés publics dans l’ensemble de ses institutions.

1.9

Le CESE met l’accent sur l’importance des marchés publics électroniques en tant qu’instrument permettant de favoriser le commerce paneuropéen au sein du marché intérieur pour les grandes entreprises ainsi que pour les PME et les microentreprises. Le CESE insiste sur le fait que les processus commerciaux et la technologie devraient promouvoir le commerce dans le marché intérieur au lieu d’entraver intentionnellement les échanges.

1.10

Le CESE souligne que les PME et les microentreprises constituent l’épine dorsale de l’entrepreneuriat dans l’UE. Il est dès lors impératif que le résultat de la révision des cadres des marchés publics et des marchés publics électroniques permette de libérer le potentiel concurrentiel des PME et des microentreprises dans le contexte de la passation électronique des marchés publics. Le CESE effectue les recommandations suivantes:

publier tous les appels d’offres des marchés publics dans les États membres – tant d’un montant inférieur que supérieur au seuil – sur le portail du pouvoir adjudicateur national;

prêter assistance aux PME soit au moyen d’initiatives directes de renforcement des capacités, ou de centres de soutien concernant la passation électronique de marchés publics mis en place par les pouvoirs adjudicateurs nationaux ou régionaux ou d’organes constitués représentant les PME par le biais de financements nationaux et européens afin de veiller à ce que les PME et les microentreprises adoptent et renforcent le système des marchés publics électroniques.

1.11

Le CESE recommande que l’architecture des marchés publics électroniques soit interopérable et se fonde sur des normes ouvertes et des logiciels «open source».

2.   Introduction

2.1

Le 18 octobre 2010, la Commission européenne a publié un «Livre vert sur le développement des marchés publics électroniques dans l’UE» (1). Le livre vert était assorti d’un document de travail de la Commission intitulé «Évaluation par la Commission du plan d’action de 2004 pour la passation électronique de marchés publics» (2).

2.2

Le livre vert constitue une première étape sur la voie de l’établissement d’une infrastructure interconnectée de passation électronique des marchés publics faisant partie de la stratégie numérique de la Commission. Il passe donc en revue les succès et les problèmes rencontrés dans le cadre de la mise en œuvre de la passation électronique des marchés publics dans les États membres. Il pose également des questions politiques relatives au calibrage de l’action de l’UE visant à encourager la diffusion de cette méthode de passation des marchés dans les administrations nationales, régionales et locales.

2.3

En 2005, les ministres de l’UE se sont fixé l’objectif de faire en sorte qu’au moins 50 % des marchés publics soient réalisés de manière électronique, d’ici 2010. Toutefois, selon la Commission, les marchés passés électroniquement représentent moins de 5 % du montant total des marchés publics lancés par les États membres.

2.4

Le livre vert à l’examen a été suivi le 27 janvier 2011 par le «Livre vert sur la modernisation de la politique de l’UE en matière de marchés publics – Vers un marché européen des contrats publics plus performant» (3). Le Comité met actuellement l’accent sur cette question spécifique, ainsi que sur la facturation électronique, et adoptera en fin de compte un paquet de trois avis étroitement liés.

3.   Réponse du Comité économique et social européen aux questions politiques soulevées dans le livre vert

Voici les réponses du CESE aux questions politiques soulevées dans le livre vert.

3.1

Question 1. Le CESE classe les défis énumérés dans le livre vert de la manière suivante:

3.1.1

Les marchés publics sont parfois controversés, car ils donnent lieu à des allégations de corruption ou de pratiques illicites. La passation électronique des marchés publics étant un processus nouveau, certaines instances administratives ont pu hésiter à l’introduire. Le manque de volonté politique peut en être l’une des causes, mais d’autres facteurs, tels que par exemple, le niveau d’utilisation des technologies numériques dans les différents États membres et la complexité que représente dans certains secteurs l’application de la passation électronique des marchés publics, comptent vraisemblablement parmi les éléments sous-jacents à cet état d’esprit.

3.1.2

Là où ce système a été adopté, le CESE conclut que les pouvoirs adjudicateurs ont parfois imposé des exigences techniques plus onéreuses que celles fixées dans le cadre des mécanismes traditionnels.

Ainsi, les portails de passation électronique des marchés exigent parfois une signature électronique avancée – authentifiée par un certificat numérique – pour autoriser l’accès aux appels d’offres publiés, le téléchargement des documents correspondants, etc.

3.1.3

L’approche adoptée permet à chaque État membre de créer son propre type de plateforme informatique pour mettre en œuvre la passation électronique des marchés publics.

L’interopérabilité entre administrations et a fortiori au niveau des États membres n’est possible que si des normes communes sont fixées et respectées. Cela n’a pas été le cas, chaque État membre ayant mis en place son propre mécanisme d’authentification.

Le paysage est dominé par une fragmentation des approches entre les différents États membres, qui entrave les efforts visant à reconnaître les solutions électroniques nationales dans tous les États membres. Les États membres devraient être guidés par des lignes directrices et des normes émises sur ce sujet par le groupe de travail de la Commission sur l’interopérabilité.

3.1.4

Un réseau de passation électronique des marchés publics à l’échelle de l’UE exige une approche normalisée des aspects liés à l’architecture informatique (TIC) (4) et des aspects touchant aux procédures des entreprises  (5).

Les États membres appliquent différents procédures commerciales dans le cadre des marchés publics traditionnels. Ces dernières doivent être normalisées.

3.1.5

Avec le recul, le CESE considère que le fait que la direction du marché intérieur et des services et la direction de la société de l’information et des médias aient toléré un dispositif de transition à plusieurs vitesses dans la stratégie de mise en œuvre de la passation électronique des marchés publics a conduit à une multitude d’approches aux niveaux régional et local au sein des États membres.

Si la mise en œuvre de la passation électronique des marchés publics aux niveaux national et transfrontalier devait être un objectif stratégique, le CESE recommande que la Commission européenne accorde davantage la priorité à celle-ci, et qu’elle bénéficie du soutien d’un mécanisme de contrôle plus rigoureux et plus efficace, reposant sur des mesures préventives et correctives, à l’instar de ce qui est fait dans d’autres domaines de l’administration en ligne.

3.2

Question 2. Le CESE relève les défis suivants:

3.2.1

Volonté des autorités politiques et administratives à l’égard de la mise en œuvre de la passation électronique des marchés publics. Bien qu’abordé précédemment, le CESE considère que ce point est une question distincte.

Les évaluations comparatives réalisées par l’UE à propos de l’intérêt manifesté pour la mise en œuvre du gouvernement en ligne montrent que la plupart des États membres affichent un volontarisme certain pour se situer en première ligne en matière de services administratifs en ligne. Les efforts en la matière sont centrés principalement sur les relations entre l’administration et les citoyens (G2C) et sur les relations traditionnelles entre l’administration et les entreprises (G2B).

Une part de 5 % des contrats d’achats attribués au moyen de systèmes électroniques (relevant donc des relations entre l’administration et les entreprises) montre que ces dispositifs innovants sont restés largement inutilisés (si ce n’est dans des pays tels que le Portugal) même dans les cas où la littérature en la matière démontre que leur mise en œuvre permet notamment de réduire les coûts, d’apporter une transparence accrue, etc. Par exemple, une étude portugaise a comparé les meilleures offres de travaux publics reçues par 50 hôpitaux publics ayant utilisé en 2009 les méthodes traditionnelles d’adjudication, et en 2010 la passation électronique des marchés. L’étude montre une réduction des coûts de 18 % en 2010 en raison de la compétitivité accrue générée par le marché public électronique. Le livre vert présente des exemples d’économies allant de 10 % à 45 % pour des projets représentant des milliards d’euros. Ce sont des économies de centaines de millions d’euros qui pourraient être utilisés pour proposer des services supplémentaires au public (6).

Le CESE ajoute que, dans le cadre d’une telle initiative stratégique, la Commission européenne aurait dû promouvoir la passation électronique en introduisant à la fin du plan d’action en la matière une plateforme de passation pour toutes les directions et les agences de la Commission.

3.2.2

Vers un environnement technique interopérable. Cette question est évoquée au paragraphe 3.1.

La décision de normaliser les mécanismes d’authentification à un niveau approprié de sécurité ne peut pas être prise aujourd’hui sans tenir compte des investissements réalisés par les États membres dans des mécanismes de ce type tant à l’échelon national qu’au niveau des différents services concernés.

Les États membres ont déjà investi dans des systèmes partiels ou complets (par exemple, le Portugal) de passation électronique des marchés publics pouvant être liés aux mécanismes d’authentification des Etats ou des pouvoirs adjudicateurs.

Dans ces circonstances, le CESE recommande que l’alignement des États membres sur un mécanisme d’authentification normalisé au niveau de l’UE suive le principe selon lequel le mécanisme choisi est conçu de manière à refléter le niveau de risque à prendre en compte tout au long de la chaîne de valeur des marchés publics électroniques.

3.3

Question 3.

Le CESE approuve l’idée selon laquelle les administrations publiques nationales et les pouvoirs adjudicateurs devraient être incités à introduire un système de passation électronique des marchés publics. Le CESE souligne une fois de plus que la stratégie à plusieurs vitesses adoptée par la Commission ne doit plus être poursuivie. Le CESE est d’avis que l’expérience depuis 2005 et les piètres résultats obtenus faute d’un mécanisme de suivi efficace devraient amener la Commission à s’entendre avec les États membres sur la conformité aux stratégies de passation électronique convenues. Le CESE entend toutefois mettre l’accent sur le fait que les États membres devraient élaborer des cadres équilibrés appropriés pour des secteurs spécifiques, en particulier dans les domaines de l’économie sociale et des services sociaux. En effet, les services faisant l’objet de marchés publics dans ces secteurs sont souvent complexes et comportent des caractéristiques particulières de valeur sans équivalent, pour lesquelles une marge de manœuvre doit exister, même dans une procédure de passation électronique de marchés publics

En ce qui concerne les mesures incitatives visant à encourager les entreprises à avoir recours au système des marchés publics électroniques, le CESE soulève les questions suivantes:

a)

le succès de l’administration en ligne, notamment des marchés publics électroniques, dépend de la facilité d’utilisation. Un recours inutile à des technologies complexes telles que l’infrastructure à clé publique (ICP) de navigation dissuade les organisations de les adopter ou les utiliser. La conception d’un système européen de passation électronique des marchés publics doit éviter toute complexification technologique superflue;

b)

les PME constituent l’épine dorsale du monde des entreprises dans l’UE. La Commission, de même que les États membres ne devraient pas partir de l’hypothèse que ces entreprises ont les mêmes capacités, ressources et accès à la technologie que les grandes entreprises.

Compte tenu du paragraphe b) ci-dessus, le CESE recommande que la Commission finance des initiatives dans les États membres dans le but de:

sécuriser l’accès à la technologie appropriée qu’elles pourraient trouver au sein de technopôles mis en place par des autorités chargées de la politique des entreprises ou des organes constitués représentant les PME;

entreprendre des initiatives de renforcement des capacités et des connaissances axées sur les PME avec le soutien de services de conseil fournis par des organes constitués en charge des PME et au moyen de mesures incitatives nationales et européennes.

utiliser les marchés publics électroniques et promouvoir la formation professionnelle, notamment en disposant d’outils de formation tels que des formations sur ordinateur, grâce à la création de centres de soutien concernant la passation électronique de marchés.

3.4

Question 4.

Les pouvoirs adjudicateurs sont des instances publiques soumises à la politique des autorités gouvernementales. Les États membres devraient prendre les dispositions nécessaires envers leurs pouvoirs adjudicateurs respectifs pour concevoir et mettre en place les marchés publics électroniques. À cette fin, les États membres pourraient avoir besoin d’intégrer les stratégies de mise en œuvre de la passation électronique de marchés publics au sein de leurs stratégies nationales en matière d’entreprises et de TIC, en établissant des objectifs progressifs à réaliser dans des délais spécifiques (7).

La question est de savoir si la passation électronique doit être le seul canal de participation à des marchés publics. Le CESE est d’avis que, dans la mesure du possible, les États membres devraient faire du marché public électronique le canal prioritaire pour la passation des marchés publics, tout en prévoyant, cependant, des conditions intelligentes qui reflètent les besoins spécifiques de certains secteurs. Cela est spécialement pertinent en ce qui concerne les services sociaux, lesquels se caractérisent par une complexité particulière au regard des marchés publics. Il faut concevoir l’assise de la passation électronique des marchés publics, pour ce qui concerne les services, en prenant pour points de départ le besoin auquel doit répondre le marché et les caractéristiques particulières du service considéré.

À cet égard, les stratégies visant à mettre en place la passation électronique des marchés publics devraient être complétées par le développement des capacités et l’amélioration des compétences des fonctionnaires des services publics ainsi que par la création de centres de soutien facilement accessibles concernant la passation électronique de marchés publics, disponibles aux PME.

3.5

Question 5.

Dans l’éventualité où ces instruments sont retenus, l’organisation d’enchères électroniques indique que des procédures électroniques sont déjà prévues pour certains marchés publics au titre des directives 2004/17 et 2004/18.

Le CESE est favorable à un instrument de passation des marchés publics, comme les enchères électroniques. De par sa nature, celui-ci exige un cadre de soutien des marchés électroniques, à la condition, toutefois, de créer un cadre destiné à soutenir les PME, ainsi qu’il en est question au paragraphe 3.3 ci-dessus, et que l’on utilise ce cadre uniquement dans les cas où cela est approprié.

Le fait d’entreprendre ce renforcement des capacités en vue de bâtir le cadre de soutien nécessaire mérite d’être vivement souligné, étant donné que cela garantira des conditions de concurrence équitables en matière de passation électronique des marchés publics entre les PME et les organisations non gouvernementales d’une part, et les grandes entreprises d’autre part.

Le CESE souligne le danger d’une «fracture numérique», ce qui pourrait créer une concurrence déloyale dans la mesure où les PME et les ONG pourraient souffrir d’un handicap pour participer aux marchés publics, du fait d’une barrière «technologique».

3.6

Question 6.

Le CESE est d’avis que tous les marchés publics doivent faire en priorité l’objet d’une passation par voie électronique, à la condition que la conception du marché public reflète les caractéristiques particulières et les besoins complexes qui distinguent certains secteurs, par exemple en matière d’adjudications de services de la catégorie B.

Quoi qu’il en soit, l’on ne pourra néanmoins garantir des conditions de concurrence équitables qu’à la condition que les PME et les ONG aient la capacité d’opérer dans un environnement de transactions entre entreprises et administrations (B2G). Cela peut ne pas être le cas aujourd’hui et il y a lieu que la Commission européenne et les États membres accompagnent à cet égard le renforcement des capacités.

3.7

Question 7.

Des obstacles inutiles et disproportionnés aux opérations transfrontalières, en ce qui concerne la passation électronique des marchés, résulteront en priorité des défis suivants:

les mécanismes d’authentification,

les processus des entreprises,

les langues,

la volonté d’ouvrir le marché local à la concurrence.

Le CESE suggère que la Commission européenne conçoive et adopte un plan d’action convenu doublé d’un système de suivi de la mise en œuvre visant à garantir que ces obstacles soient surmontés.

3.8

Question 8.

Priver les appels d’offres en dessous des seuils d’une notification visible dans le système de passation électronique des marchés aurait pour conséquence de limiter principalement aux grandes entreprises les opérations transfrontalières dans le cadre d’un marché intérieur de passation électronique des marchés.

Il y a lieu de souligner que la visibilité des marchés en dessous des seuils dans l’ensemble du marché unique est importante pour les PME et les microentreprises, car très fréquemment le cahier des chargés fixé pour ces appels d’offres relève du savoir-faire, des capacités organisationnelles et financières de ce type d’entreprises. Dès lors, la participation des PME et des microentreprises au commerce transfrontalier par le biais de marchés publics électroniques en dessous des seuils renforcera le marché unique.

Étant donné que le cadre des marchés publics électroniques comporte différentes étapes, allant de la notification électronique à la facturation électronique, le CESE préconise que la politique de l’UE en matière de marchés publics établisse que l’ensemble des appels d’offres, d’un montant inférieur ou supérieur au seuil, soient placés de manière visible dans un portail centralisé englobant les sphères du marché unique et nationale, assisté d’un service de notification électronique.

3.9

Question 9.

Le CESE estime que le cadre législatif relatif à la passation électronique des marchés est complet. Les échecs sont dus à l’absence de volonté de mettre en œuvre cette réglementation.

3.10

Question 10.

Trop souvent, les solutions sont déterminées par l’architecture technique au détriment des procédures des entreprises. Le niveau de sécurité appliqué doit refléter le degré de risque auquel on est exposé; par ailleurs, il convient que l’investissement adopté dans le cadre de la sécurité soit mesuré par rapport à ce risque.

L’orientation adoptée en matière de sécurité dans la conception du mécanisme d’authentification de passation électronique des marchés publics s’appuie sur les signatures électroniques avancées.

Ces signatures sont néanmoins coûteuses à obtenir en termes de mise en place, de coût des certificats numériques, etc.

La question suivante se pose: la passation électronique des marchés publics devrait-elle de fait être liée à un mécanisme d’authentification de la signature électronique avancée?

Le CESE est d’avis qu’avant de prendre une décision relative à la nécessité de lier le mécanisme d’authentification de la passation électronique des marchés aux signatures électroniques avancées, il y aurait lieu que la Commission et les États membres approfondissent l’examen des risques encourus par la passation électronique des marchés publics.

Il y a lieu d’observer qu’une carte de débit ou de crédit, qui lorsqu’elle est perdue ou volée expose son détenteur à un risque financier, est protégée par un numéro personnel d’identification à quatre chiffres. Le CESE pose les questions suivantes:

Toutes les étapes de la chaîne de valeur des marchés électroniques ont-elles besoin d’une authentification par signature électronique avancée? Ce niveau de sécurité est-il nécessaire pour accéder au portail, voir les informations sur les appels d’offres et garantir les services électroniques ou mobiles tels que la notification et autres services requis?

S’il n’est pas requis, le mécanisme d’authentification devrait-il être à deux niveaux: un enregistrement simple pour les processus qui sur la chaîne de valeur relèvent du domaine public d’après les procédures traditionnelles des entreprises et un niveau d’authentification plus élevé pour la soumission d’une offre ou la participation à des enchères électroniques?

Si un mécanisme d’authentification à deux niveaux est adopté, cela a-t-il pour conséquence que le niveau d’authentification plus élevé s’appuie sur une signature électronique avancée ou devrait-on adopter un mécanisme d’authentification moins complexe mais plus sécurisé?

Le mécanisme d’authentification doit-il avoir pour base un mot de passe alphanumérique fiable associé à un code personnel d’identification numérique également fiable ou devrait-il comprendre les éléments précités ainsi qu’un mot de passe unique crée par un token, semblable à celui qui est nécessaire pour accéder aux services bancaires en ligne?

Le CESE considère que s’il est vrai qu’un mécanisme sécurisé doit être mis en place en ce qui concerne la passation électronique des marchés publics, la solution doit néanmoins être proportionnée au risque et la plus simple possible à mettre en œuvre.

Si l’on décidait qu’il convient que les certificats de qualité avancée soient le meilleur modèle sécurisé pour la passation électronique des marchés publics, le CESE suggère que les travaux dans ce domaine s’inspirent des dossiers virtuels d’entreprise (Virtual Company Dossier - VCD) que le projet paneuropéen de marchés publics en ligne (Pan European Public Procurement Online - PEPPOL) est en train de mettre en place (8).

Le CESE note que la directive actuelle prévoit que les solutions équivalentes aux certificats soient reconnues par les pouvoirs adjudicateurs. Dans la pratique, il est vrai qu’il est souvent difficile de trouver l’équivalent et que certains États membres imposent des procédures fastidieuses, telles que la fourniture de traductions autorisées, certifiées, avec une apostille ou n’acceptent que les documents originaux.

Ces procédures sont lourdes et coûteuses, non seulement pour les entreprises mais également pour les pouvoirs adjudicateurs.

3.11

Question 11.

Concernant les questions linguistiques, les obstacles sont réels. Il ne peut y avoir aucun cadre de marchés publics électroniques entre les pays de l’UE, sans capacité à «communiquer» un appel d’offres publié dans les 27 États membres. D’autre part, la traduction par un pouvoir adjudicateur national des documents relatifs à un appel d’offres dans les langues officielles de l’UE, voire dans toutes les langues des 27 États membres afin de rendre le marché public accessible aux entreprises de tous les États membres est compliqué, onéreux et signifierait un enlisement du marché public.

Il est important que les entreprises ou les individus candidats aux appels d’offres aient connaissance de ceux qui sont mis à disposition, et cette information devrait être accessible sans aucun obstacle linguistique. Il appartiendrait donc à l’entreprise demandeuse, qu’elle soit grande, petite, moyenne ou très petite, de rechercher de plus amples informations grâce aux centres de soutien proposés dans cet avis, et de décider si elle s’engage dans la dépense que nécessitent des traductions plus détaillées, au-delà de ce qu’elle peut obtenir en utilisant les outils linguistiques proposés.

Une solution possible pourrait être la création par la Commission d’un outil de traduction en ligne pour les marchés publics, qui soit spécifiquement conçu et adapté à la terminologie technique des documents des appels d’offres, c’est-à-dire en veillant tout particulièrement à ce que des termes techniques tels que «peut», «obligatoire», etc. soient traduits correctement et soient dépourvus de nuances pouvant conduire à une interprétation erronée.

Il faut cependant n’utiliser un tel instrument que pour les marchés publics extrêmement simples et dans la mesure où la clarté est garantie, de telle sorte qu’il n’en résulte pas une charge administrative accrue dénuée d’intérêt réel, tant pour le pouvoir adjudicateur que pour le soumissionnaire.

3.12

Question 12.

Le CESE préconise que la Commission exerce une influence sur les États membres en vue de créer des cadres de passation électronique des marchés publics en se fondant sur des normes ouvertes.

Le CESE recommande que la Commission encourage les États membres à utiliser la solution open e-PRIOR, que la Commission a mis à disposition en tant que composante «open source» gratuite pouvant être intégrée dans tout système de passation électronique des marchés en phase de développement.

3.13

Question 13.

Le CESE recommande que la Commission encourage et renforce la fourniture de solutions «open source» pouvant être intégrées dans des systèmes de passation électronique des marchés publics existants ou en cours de mise au point.

3.14

Question 14.

Le CESE souscrit à ce que la Commission européenne poursuive la mise au point de sa série d’applications telles que la solution e-PRIOR et qu’elle les mette à la disposition des États membres pour leur utilisation.

3.15

Question 15.

Comme cela a déjà été évoqué précédemment, la Commission européenne et les États membres doivent entreprendre des initiatives à long terme de renforcement des capacités qui aideront les PME à se préparer au commerce électronique entre entreprises et administrations. La question des langues constitue un obstacle bien plus compliqué à surmonter pour les PME, si elles souhaitent participer au système européen de passation électronique des marchés publics.

Bruxelles, le 13 juillet 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  COM(2010) 571 final.

(2)  SEC(2010) 1214 final.

(3)  Livre vert COM(2011) 15 final Livre vert sur la modernisation de la politique de l’UE en matière de marchés publics «Vers un marché européen des contrats publics plus performant» (Voir page 113 du présent Journal officiel).

(4)  Une architecture TIC est un schéma directeur permettant de définir de manière systématique et complète le cadre informatique actuel (de base) et/ou souhaité (cible) afin d’atteindre des performances optimales fondées sur l’efficacité, les normes, l’échelonnabilité, l’interopérabilité, la cohérence, un environnement ouvert etc.

(5)  Par exemple, certains pouvoirs adjudicateurs imposent des procédures fastidieuses, comme la fourniture de traductions certifiées munies d’une apostille.

(6)  D’autres exemples figurent à la page 5 du livre vert sur le développement des marchés publics électroniques dans l’UE, SEC(2010) 1214, http://ec.europa.eu/internal_market/consultations/docs/2010/e-procurement/green-paper_fr.pdf.

(7)  Il existe des exemples de bonnes pratiques en Italie, au Portugal, au Danemark, en Autriche et au Royaume-Uni.

(8)  http://www.peppol.eu/.


29.10.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/105


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Faire profiter pleinement l’Europe des avantages de la facturation électronique»

COM(2010) 712 final

2011/C 318/17

Rapporteur: M. IOZIA

Le 2 décembre 2010, la Commission a décidé, conformément à l’article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - Faire profiter pleinement l’Europe des avantages de la facturation électronique»

COM(2010) 712 final.

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 23 juin 2011.

Lors de sa 473e session plénière des 13 et 14 juillet 2011 (séance du 13 juillet 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 119 voix pour, 1 voix contre et 3 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement et appuie la communication de la Commission, dont il fait sien le contenu et qui s’inscrit dans le cadre de la Stratégie numérique pour l’Europe. La modernisation des instruments régissant les relations économiques et l’innovation technologique sont une source d’économies très importante mais contribuent aussi à la diffusion des innovations et à la réalisation des objectifs fixés par la stratégie «Europe 2020».

1.2

La réalisation de la Stratégie numérique pour l’Europe sera un moteur fondamental pour la relance du marché intérieur en ce qu’elle est un facteur de développement social et économique durable.

1.3

Le CESE souligne qu’il est impératif de prendre plus particulièrement en compte les avantages susceptibles de découler de la diffusion généralisée de la facturation électronique. Ceux-ci devront être répartis équitablement entre toutes les catégories d’entreprises, en particulier les PME. Il conviendra en effet d’accorder une attention particulière aux besoins spécifiques de celles-ci en matière d’alphabétisation numérique et de limitation des coûts d’accès aux plateformes numériques et aux logiciels de gestion.

1.4

Le CESE invite la Commission à mettre tout en œuvre pour accélérer le processus législatif relatif à la nouvelle législation sur la signature électronique, et se demande s’il ne faudrait pas adopter un règlement plutôt qu’une directive afin d’éviter des problèmes et divergences en matière de transposition, qui laisseraient subsister des dispositions différentes en la matière. La réforme du système de fiscalité indirecte (TVA) met déjà sur le même pied les reçus papier et les reçus électroniques aux fins de la conservation des écritures comptables et des factures. Les administrations fiscales des États membres devraient conformer sans délai leurs législations à ces dispositions.

1.5

S’agissant plus particulièrement des PME, le CESE recommande que l’on protège leurs intérêts en matière de paiement de la TVA; celle-ci devrait être perçue lors du paiement de la facture électronique plutôt qu’à une date donnée à compter de l’émission de la facture. Le nouveau système devra prendre dûment en compte les problèmes que les PME pourraient rencontrer concernant la gestion de leurs liquidités.

1.6

Le CESE est favorable à une adoption large et rapide de la facturation électronique, mais considère qu’elle doit rester optionnelle; en effet, bien qu’il apprécie les objectifs du système, il estime que les conditions ne sont pas réunies pour que son adoption devienne obligatoire.

1.7

Le CESE recommande à la Commission de faire preuve de prudence et de vigilance concernant l’adoption des mesures nécessaires à la réalisation de l’objectif proposé afin de ne pas créer de problèmes inutiles et qui entraîneraient des coûts pour les entreprises et les consommateurs.

1.8

La coexistence de deux régimes ayant la même valeur légale (facturation électronique et facturation papier) devrait permettre à tous les acteurs concernés de choisir le modèle le plus approprié à leurs besoins spécifiques.

1.9

Le CESE invite la Commission à adopter des normes globales en matière de facturation électronique. La normalisation et l’interopérabilité des systèmes sont des facteurs essentiels pour la diffusion et le succès de la facturation électronique et permettent de développer le marché intérieur et d’augmenter le nombre d’opérateurs sur le marché.

La situation actuelle est en revanche caractéristique d’un marché fragmenté dépourvu de communication interne, qui empêche de fait le développement de cet instrument utile au niveau transfrontalier.

1.10

Le projet-pilote PEPPOL devrait être généralisé et mettre en relation de manière constante les régions où la facturation électronique est déjà une réalité. Il y a lieu d’être plus attentif aux besoins des PME.