ISSN 1725-2431

doi:10.3000/17252431.C_2011.021.fra

Journal officiel

de l'Union européenne

C 21

European flag  

Édition de langue française

Communications et informations

54e année
21 janvier 2011


Numéro d'information

Sommaire

page

 

I   Résolutions, recommandations et avis

 

AVIS

 

Comité économique et social européen

 

463e session plénière des 26 et 27 mai 2010

2011/C 021/01

Avis du Comité économique et social européen sur la Nécessité d'appliquer une approche intégrée à la réhabilitation urbaine (avis exploratoire)

1

2011/C 021/02

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Initiatives collectives de la société civile en faveur du développement durable (avis d'initiative)

9

2011/C 021/03

Avis du Comité économique et social européen sur Le commerce international et le changement climatique

15

2011/C 021/04

Avis du Comité économique et social européen sur Les relations UE-ANASE

21

2011/C 021/05

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Le 28e régime — une option pour moins légiférer au niveau communautaire (avis d'initiative)

26

2011/C 021/06

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Produits financiers socialement responsables (avis d'initiative)

33

2011/C 021/07

Avis du Comité économique et social européen sur La professionnalisation des travaux domestiques (supplément d’avis)

39

 

III   Actes préparatoires

 

Comité économique et social européen

 

463e session plénière des 26 et 27 mai 2010

2011/C 021/08

Avis du Comité économique et social européen sur le Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: solutions possibles pour l'étiquetage en matière de bien-être animal et l'établissement d'un réseau européen de centres de référence pour la protection et le bien-être des animauxCOM(2009) 584 final

44

2011/C 021/09

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – investir dans le développement des technologies à faible intensité carboniqueCOM(2009) 519 final

49

2011/C 021/10

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — plan d'action pour la mobilité urbaineCOM(2009) 490 final

56

2011/C 021/11

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l'aviation civileCOM(2009) 611 final — 2009/0170 (COD)

62

2011/C 021/12

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de décision du Conseil relative aux lignes directrices pour les politiques de l’emploi des États membres — partie II des lignes directrices intégrées Europe 2020COM(2010) 193 final

66

FR

 


I Résolutions, recommandations et avis

AVIS

Comité économique et social européen

463e session plénière des 26 et 27 mai 2010

21.1.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 21/1


Avis du Comité économique et social européen sur la «Nécessité d'appliquer une approche intégrée à la réhabilitation urbaine» (avis exploratoire)

2011/C 21/01

Rapporteur: M. GRASSO

Le 2 décembre 2009, le ministère espagnol du logement, conformément aux dispositions de l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, au nom de la future présidence espagnole, a invité le Comité économique et social européen à élaborer un avis exploratoire sur le thème:

«Nécessité d'appliquer une approche intégrée à la réhabilitation urbaine».

La section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 4 mai 2010.

Lors de sa 463e session plénière des 26 et 27 mai 2010 (séance du 26 mai 2010), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 87 voix pour, 4 voix contre et 2 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   La ville est aujourd'hui devenue un système engendrant un gaspillage d'énergie mais elle est aussi le principal facteur d'altération de l'environnement. En conséquence, la mise en œuvre au niveau européen d'une action coordonnée en vue de développer avec plus de détermination des politiques de réhabilitation urbaine constitue un outil de poids dans la lutte contre les émissions nocives de CO2 et le changement climatique.

1.2   Le CESE appelle de ses vœux une stratégie d'intervention à l'échelle urbaine ou métropolitaine en vue de réhabiliter les quartiers dégradés en termes d'habitat, d'urbanisme et de conditions sociales et environnementales.

1.3   Malheureusement, les instruments de planification territoriale conventionnels sont encore inadaptés à ce type de démarche, notamment parce que les villes diffèrent les unes des autres de par leur situation, leur position et leurs prestations, raison pour laquelle il n'est pas possible de proposer des solutions indifférenciées. Le CESE suggère en conséquence à l'UE de définir des instruments d'intervention qui utilisent des systèmes d'indicateurs de qualité urbaine reposant sur des seuils de malaise socio-urbain et environnemental, et d'élaborer parallèlement des indices de réhabilitation urbaine permettant de mesurer l'efficacité administrative, le degré de réussite de l'intervention et le taux de satisfaction des habitants.

1.4   Se référant à des propositions émises dans d'autres avis, le CESE souhaite à cet égard que dans le cadre de l'approfondissement et de l'élargissement du débat européen sur les villes durables, soit retenue l'idée de créer un groupe de haut niveau sur «Le développement urbain et la durabilité (1)».

1.5   Afin de favoriser l'émergence d'une «nouvelle renaissance urbaine», qui promeuve un modèle intégré de réhabilitation urbaine et qui mette l'accent sur l'évolution démographique, la cohésion sociale, la refonte du tissu économique urbain, la valorisation du patrimoine naturel, le processus de dématérialisation, la «ville énergétique» et la biodiversité, le Comité juge nécessaire une coopération étroite entre les différents niveaux de gouvernement (Commission, gouvernements, régions, collectivités locales), reposant néanmoins sur une application plus souple et moins rigide du principe de subsidiarité et pas seulement sur une stricte hiérarchie des compétences. Dans ce but, le Comité préconise la promotion de réseaux urbains thématiques, afin de favoriser la mise en œuvre de processus de réhabilitation urbaine durable.

1.6   L'amélioration de la performance énergétique des bâtiments et des infrastructures doit être un facteur stratégique de l'engagement politique de l'UE en matière de rénovation urbaine, en raison des bénéfices qu'elle génère en termes de réduction de la demande d'énergie et du nombre élevé de nouveaux emplois qu'elle permettrait de créer en Europe. Le CESE souhaite que l'UE poursuivre ces objectifs grâce à une intégration croissante avec les programmes sectoriels en cours de préparation sur la politique de l'UE en matière d'innovation, la politique européenne des transports 2010-2020, le plan SET (plan stratégique européen pour les technologies énergétiques). Il souhaite également que l'on accroisse les investissements en développant, par le biais de la BEI, les instruments financiers dont celle-ci dispose (JESSICA, JASPERS, etc.) et que l'on encourage des partenariats public-privé efficaces.

1.7   Le CESE émet le vœu que l'intégration entre le système de transport durable et le système énergétique devienne le ciment d'une politique de réhabilitation urbaine. Cette politique d'intégration devrait en outre être soutenue par des financements de l'UE en faveur de réseaux de transports durables et de politiques énergétiques alternatives, indispensables à la réhabilitation des périphéries.

1.8   Il souhaite également que les États membres adoptent des politiques fiscales incitatives, afin d'amener les citoyens à soutenir l'objectif visant à faire de chaque bâtiment de la ville un générateur d'énergie.

1.9   Le CESE préconise de promouvoir le développement culturel et l'entrepreneuriat, surtout auprès des petites et moyennes entreprises qui sont susceptibles de trouver des solutions novatrices pour la réhabilitation et pour la création d'emplois verts.

1.10   Le CESE estime en outre que pour promouvoir une participation accrue et responsable des citoyens à la mise en œuvre des programmes de réhabilitation urbaine intégrée, il est nécessaire de mener un dialogue avec les communautés dans les centres urbains, notamment les femmes, les jeunes et les personnes les plus menacées par l'exclusion, et de les consulter. Il y a lieu de lancer, en coopération avec les réseaux représentatifs des citoyens et des secteurs, une campagne publicitaire au niveau européen sur les possibilités concrètes d'économies liées à la production d'énergies propres. La campagne actuelle n'est pas suffisamment ciblée et dispose d'un budget trop restreint.

1.11   Pour soutenir la compétition avec les mégalopoles asiatiques, les politiques européennes de rénovation urbaine doivent savoir conjuguer la traditionnelle reconversion des espaces physiques avec la dématérialisation liée notamment aux technologies des télécommunications, ce qui permettrait de préserver l'environnement et d'éviter que les villes ne continuent d'engloutir des espaces verts.

1.12   Le CESE estime en outre stratégiquement utile d'effectuer un important travail de formation auprès des dirigeants, afin de développer leur sens des responsabilités, leur créativité et leurs compétences, le but étant d'améliorer leur capacité à opérer des choix dans la conduite de politiques de rénovation et de développement urbain conformes aux objectifs de croissance durable prônés par l'UE. Dans le même temps, le CESE rappelle l'importance de la coopération avec la Direction générale de la Politique régionale et invite à aller plus loin dans cette direction. Mais il juge également opportun et nécessaire de consolider le noyau opérationnel en charge des politiques urbaines auprès de la DG Politique régionale, afin d'accélérer la mise en œuvre des programmes de développement que la Commission entend appliquer.

2.   Introduction

2.1   Ces dix dernières années - et la Charte de Leipzig sur la ville européenne durable (mai 2007) est à cet égard l'un des témoignages les plus significatifs de la volonté des États membres de s'entendre sur des stratégies et des principes communs en matière de politique de développement urbain -, le débat sur les politiques urbaines a pris beaucoup d'ampleur au sein de l'UE. La présidence espagnole du Conseil de l'UE accorde en conséquence une grande attention à cette question et a demandé au CESE et au Comité des régions d'engager une réflexion à ce sujet et d'apporter leur concours au débat à l'occasion de la rencontre informelle des ministres européens.

2.2   La réflexion porte sur certains problèmes importants concernant les villes, qui doivent être traités par des politiques de réhabilitation permettant d'assurer, au moyen d'une approche intégrée, un niveau de durabilité urbaine adapté aux différents besoins. Il s'agit en l'occurrence:

d'améliorer l'efficacité énergétique du parc immobilier européen, dont la vétusté est également à l'origine d'émissions nocives fortement préjudiciables à la qualité de vie dans les villes, en relançant l'emploi et en stimulant l'innovation et le développement technologique;

de renforcer la cohésion sociale grâce à un programme intégré de revitalisation des quartiers dégradés, de manière à favoriser l'intégration sociale, la lutte contre l'exclusion, la formation, etc.;

de contribuer à la durabilité environnementale, notamment par la rénovation urbaine des quartiers dégradés et l'adaptation du parc immobilier existant aux objectifs d'efficacité énergétique, d'habitabilité et d'accessibilité, afin d'éviter la consommation d'espaces verts supplémentaires.

3.   Planification urbaine intégrée

3.1   La protection de l'environnement appliquée aux différentes échelles urbaines et l'amélioration de la qualité de vie des personnes doivent constituer l'un des principaux objectifs opérationnels des politiques régionales des États membres et de l'UE.

3.2   Avec le présent avis, le CESE entend marquer son accord avec la nécessité de mettre en œuvre des politiques intégrées de rénovation urbaine, conformément aux orientations définies dans le document présentant la stratégie UE 2020 et le document de programmation de la présidence espagnole du Conseil de l'Union européenne (2).

3.2.1   Le CESE adhère en effet au contenu du document UE 2020, dont il approuve les lignes d'action en ce qui concerne le fait que les politiques de réhabilitation doivent s'inspirer de certains principes novateurs:

les améliorations apportées au niveau humain, notamment en ce qui concerne les besoins des personnes âgées, le niveau d'intégration des nouveaux immigrés, l'éradication de la pauvreté, en particulier chez les enfants, et le développement de la solidarité entre les générations;

la mise en œuvre d'une croissance fondée sur la connaissance;

le développement d'une société participative et créative;

le développement d'une économie compétitive, interconnectée et soucieuse de l'économie sociale et du «marché vert».

3.2.2   Le CESE estime que le programme de la présidence espagnole est conforme à ces principes dans la mesure où, en accord avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'un de ses objectifs prioritaires est de garantir à tous le droit de citoyenneté et le respect des droits fondamentaux.

3.2.3   Ces objectifs vont dans le sens d'une rénovation urbaine caractérisée par une forte interdépendance entre qualité des espaces et qualité de l'accueil, c'est-à-dire une rénovation ouverte à tous les citoyens, indépendamment de leur langue, de leur origine ou de leur religion.

4.   Quelques questions urbaines

4.1   Conformément aux principes énoncés dans les documents précités, cette idée de réhabilitation s'inscrit dans un ensemble de changements importants concernant la forme et la nature des villes (3):

le développement du phénomène de l'«urbanisation galopante», qui a pour corollaire une forte consommation de sols et des «déséconomies» d'échelle;

le déclin d'un aménagement fonctionnel de la ville, avec la crise du centre historique, des périphéries - dégradées - et des zones de production;

la prévalence de ripostes essentiellement conservatrices à la crise, c'est-à-dire peu imaginatives ou créatives, mais surtout peu adaptées à un monde globalisé;

le remplacement du système des «fonctions» par un système de «conteneurs» qui doivent être considérés comme des lieux complexes et hautement périssables dans des territoires métropolitains indifférenciés;

la disparition du sens de la frontière, qui conserve son caractère administratif mais tend à perdre son sens géographique, symbolique et politique;

le recul des espaces verts entourant les villes, qui entraîne des pertes importantes en termes de biodiversité;

l'augmentation du temps consacré aux déplacements entre le domicile et le lieu de travail, au prix d'une détérioration de la qualité de la vie;

les espaces urbains, notamment traditionnels, tendent aujourd'hui à être des espaces fermés et spécialisés: les quartiers exclusivement résidentiels, les parcs de loisirs, l'instruction limitée aux écoles ou aux universités, la culture dans les musées et les théâtres, etc. L'espace clos exalte la suprématie du privé (aussi bien en tant que style de vie qu'en tant que conception et pratique du droit) au détriment des besoins communautaires.

4.2   Il faut opposer à la logique de l'espace clos celle de l'espace infini, représenté par les relations immatérielles, la notion de temps tendant à remplacer la distance physique.

4.3   La réhabilitation des espaces urbains doit ainsi conjuguer la traditionnelle reconversion des espaces physiques avec la dématérialisation, qui trouve dans les technologies de télécommunication sa plus haute expression. Le problème à résoudre est celui du dilemme entre l'esprit, qui raisonne désormais en termes d'ubiquité, et le corps qui ne peut être continuellement mobile et déraciné, demandant à être organisé dans des lieux et espaces de qualité.

4.4   Le processus de revitalisation résultera donc de la synergie et de l'intégration de trois dimensions urbaines:

—   la ville «agora»: centrée sur l'homme et caractérisée par une parfaite harmonie entre les zones d'habitation et l'espace urbain, entre la cohésion sociale et le développement économique;

—   la ville «glocale» (globale/locale): fruit d'un meilleur équilibre entre le processus de mondialisation et la capacité de valorisation des ressources locales, des spécificités et des usages divers;

—   la ville durable: elle devrait être capable de résoudre par ses propres moyens les problèmes qu'elle a elle-même générés, sans en déléguer la solution à d'autres ou aux générations futures.

5.   Un modèle holistique de réhabilitation urbaine

5.1   Le CESE souhaite l'émergence d'une «nouvelle renaissance urbaine»  (4), caractérisée par:

la croissance de la cohésion sociale;

le renouveau culturel;

une refonte du tissu économique urbain, afin de faire face à l'importante récession actuelle;

la valorisation du patrimoine naturel, au moyen des processus de dématérialisation et de la croissance de la biodiversité.

5.2   Une politique fondée sur l'idée d'une «nouvelle renaissance urbaine» étendrait la portée du «Plan européen pour la relance économique dans les régions et les villes» (PERE) (5), en interprétant le rôle important joué par les collectivités locales dans la gestion de la crise comme une donnée structurelle, ayant une incidence non seulement sur la crise économique, mais aussi sur la valorisation de toutes les ressources de nos communautés.

5.3   Un modèle intégré de réhabilitation urbaine verrait ainsi le jour, en tant qu'articulation spatiale du «New Deal écologique  (6)» dont le système holistique d'intervention, qui englobe les ressources humaines, naturelles et physiques, devrait notamment s'inspirer d'une nouvelle définition de la richesse, fondée non seulement sur l'accumulation, mais surtout sur l'économie des ressources et sur le relèvement du niveau de bien-être des citoyens (7). Ce modèle suppose que les collectivités territoriales jouent un rôle moteur en vue de favoriser la participation active des citoyens et de l'économie locale, afin d'accélérer le développement des marchés et des technologies vertes. Le groupe de haut niveau sur le développement durable qu'il est proposé de constituer pourrait faciliter la promotion et le développement de réseaux thématiques de villes, y compris à moyenne/petite échelle, en vue de la réalisation de ces objectifs.

6.   Les différentes composantes du système holistique des interventions de réhabilitation urbaine

6.1   Ressources humaines

6.1.1   Il y a lieu de conjuguer de manière harmonieuse l'objectif de la stratégie de Lisbonne, qui est d'édifier une société plus compétitive grâce au développement des connaissances et de la créativité, avec l'objectif du document de programmation UE 2020, qui met en avant l'importance de favoriser la cohésion en appliquant des politiques de soutien aux populations les plus vulnérables, en particulier les personnes âgées, en rehaussant le niveau d'intégration, notamment celle des nouveaux immigrants, en combattant la pauvreté et en développant la solidarité entre les générations.

6.1.2   L'UE a conféré un espace culturel et pratique:

au développement des communautés, afin que toutes les parties prenantes - organisations professionnelles (urbanistes, architectes, ingénieurs, etc.), celles représentatives des entrepreneurs et des services de logement - puissent prendre part à la planification urbaine;

au développement de nouveaux savoirs et au principe de la créativité grâce à la promotion de nouvelles formes de recherche et d'enseignement, en associant les universités et en encourageant des modèles de conception créative des villes (8). La meilleure façon d'accroître l'efficacité de ces politiques d'ouverture est de promouvoir des formes de partenariat public-privé.

6.1.3   Ces politiques doivent être revues:

afin de promouvoir une «bonne gouvernance» des villes, y compris des zones périurbaines et rurales, dans le but d'améliorer le bien-être non seulement économique mais aussi psychologique, spirituel et social;

afin de créer des emplois, surtout pour les jeunes et les immigrés, ainsi que la reconversion des anciens «cols bleus» et «cols blancs», fauchés par la crise actuelle. Dans cette perspective, le CESE suggère de promouvoir une «carbon army» liée à la reconversion durable des villes.

6.1.4   Les prévisions démographiques indiquent qu'en 2060, plus de la moitié de la population sera âgée de plus de 48 ans, les nouveaux flux migratoires se consolideront, en particulier ceux des jeunes vers les villes, et le déclin des régions rurales et défavorisées se poursuivra. Dans ce scénario, il faut prendre en considération les actions suivantes au niveau local:

le développement d'une culture génératrice de synergies entre entrepreneuriat public et privé qui permette la croissance des PME et stimule une communauté urbaine fondée sur la participation et la créativité;

la mise sur pied de mécanismes qui renforcent le dialogue et les consultations avec les communautés urbaines, en y associant les femmes, les jeunes et les sujets les plus menacés par l'exclusion;

l'amélioration du niveau de vie grâce à des solutions innovantes sur le plan du logement social durable, des soins de santé et du système éducatif.

6.1.5   Les nouveaux emplois créés grâce au «New Deal» écologique et à la réduction des émissions nécessitent des politiques de formation et de diffusion de l'information. Des efforts doivent être déployés afin de:

faciliter l'accès aux plates-formes d'information de l'UE (sur l'environnement, l'utilisation efficace de l'énergie, les transports, l'économie, …);

se connecter aux «communautés de la connaissance et de l'innovation» (CCI) de l'EIT (Institut européen d'innovation et de technologie), afin d'assurer un transfert rapide des nouvelles technologies au niveau local;

développer une stratégie active de diffusion des meilleures pratiques en ce qui concerne l'intégration des technologies vertes dans les communautés urbaines.

6.2   Ressources naturelles

6.2.1   Du fait de la suprématie des ressources naturelles par rapport aux ressources physiques, il est primordial d'étudier le métabolisme urbain, afin de mettre en œuvre des processus de reconversion fondés sur les économies de matières premières et sur l'élimination des déchets.

6.2.2   La connaissance du métabolisme urbain est un instrument important pour atteindre les objectifs d'amélioration de la qualité de l'environnement urbain définis par les conventions internationales en matière de préservation de l'environnement (Kyoto, biodiversité, eau, etc.) dans le but de combattre le changement climatique (9).

6.3   Ressources physiques

6.3.1   La reconversion urbaine découlant des processus de transformation en cours devra être de moins en moins caractérisée par des interventions distinctes, définies et délimitées, et toujours plus orientée vers des processus de développement de contextes polyvalents, caractérisés par la qualité et par la variété des espaces et par l'interaction de différents éléments: élasticité, «déformabilité» et capacité d'accueil.

6.3.2   Le CESE considère que la réhabilitation des bâtiments et infrastructures ne pourra se soustraire au pouvoir croissant des limites environnementales, aux processus d'intégration ni au rôle croissant de l'interactivité.

6.4   Ressources immatérielles

6.4.1   Le Conseil européen, avec le programme e-Europe de 1999, la Convention de Lisbonne (2000) et les programmes opérationnels i-2010, voit dans l'e-society le principal facteur de développement de l'UE. C'est pourquoi le Conseil de l'UE entend promouvoir des projets visant à accélérer l'évolution d'une société capable de saisir les opportunités offertes par l'électronique et l'interactivité. Dans ce but sont identifiées des mesures susceptibles de permettre à tous les citoyens européens d'entrer dans l'ère numérique et de disposer d'une connexion en ligne afin de créer une société ouverte, inclusive et fondée sur la collaboration.

6.4.2   Il confie donc aux villes la tâche d'attirer des savoirs, de rénover le système de relations entre l'administration publique et les citoyens et de stimuler la reconversion de l'appareil productif (10).

6.4.3   Il ne fait aucun doute que les investissements en innovation technologique urbaine doivent être rapides et massifs, dès lors que la concurrence d'Extrême-Orient est très forte (11).

7.   Vers un «New Deal» écologique pour les villes

7.1   La question de la réhabilitation urbaine est complexe, mais doit être ramenée à une stratégie pour être efficace.

7.2   La question la plus urgente concerne probablement l'étroit lien qui existe entre la réhabilitation de la ville et de son environnement et le problème de la crise économique. D'après le CESE, les processus de réhabilitation urbaine doivent être envisagés à la lumière des principes de l'économie verte et comme l'occasion de mettre en œuvre un New Deal écologique européen (12) qui pourrait avoir pour vocation d'intégrer les différentes typologies urbaines: la ville biotique, la ville de la matière, et la ville des bits, toutes au service d'une ville plus solidaire. Dans cette optique, il convient de réévaluer le rôle de l'environnement naturel en tant que fournisseur de biens et des services essentiels à la vie humaine.

8.   La ville biotique

8.1   Renforcement du réseau écologique

8.1.1   Le CESE attache une importance particulière à l'étude de la ville en tant qu'écosystème et au relevé de la valeur patrimoniale des infrastructures naturelles (dans la mesure où elles fournissent par exemple de l'eau et de l'air propres, assurent une protection contre les vents, ou encore la fertilité des sols et la pollinisation), rôles pour lesquels elles sont difficilement remplaçables par des solutions technologiques, si ce n'est à un coût très élevé, et avec une moindre efficacité que les systèmes biotiques.

8.1.2   Selon les estimations, d'ici 2050, l'Europe comptera 11 % de ressources naturelles en moins qu'en 2000 (13). Il faut par conséquent que les institutions publiques prêtent une attention particulière aux conséquences du phénomène et accroissent les investissements dans la protection des écosystèmes, en tenant également compte des écosystèmes urbains.

8.2   Production d'énergie à partir de sources renouvelables

8.2.1   La ville est un élément stratégique pour le développement d'énergies renouvelables. En effet, l'amélioration et la rénovation technologique des installations de chauffage et de refroidissement, qui représentent entre 40 et 50 % de la demande mondiale d'énergie, sont au centre de la politique européenne dite «20-20-20» visant à l'amélioration des performances énergétiques (réduction de 20 % des gaz à effet de serre, diminution de 20 % de la consommation d'énergie et augmentation de 20 % de l'utilisation des énergies renouvelables).

8.2.2   L'augmentation de la part d'énergie produite à partir de sources renouvelables, telle que prévue par le plan SET (plan stratégique pour les technologies énergétiques), revêt également une grande importance du fait de ses implications pour l'emploi. Les communautés urbaines devront être les premières à se doter de ces nouvelles technologies. La décision du Conseil et du Parlement européen de financer le plan SET apparaît très opportune à cette fin.

9.   La ville de la matière

9.1   Accroissement de l'efficacité énergétique des bâtiments

9.1.1   L'accroissement de l'efficacité énergétique des bâtiments et des infrastructures est un facteur stratégique de la reconversion urbaine de l'UE. Grâce aux nouvelles technologies, l'augmentation potentielle de l'efficacité est énorme, et d'ici 2050, la demande d'énergie primaire pourrait se voir réduite d'environ 300 exajoules pour une diminution annuelle de 20-25 gigatonnes de CO2. À l'heure actuelle, les investissements déployés dans l'UE dans les technologies visant à augmenter l'efficacité énergétique s'élèvent à environ 60 milliards d'euros par an.

9.1.2   Dans une étude de la Commission européenne publiée en 2005, il était estimé que les investissements nécessaires pour économiser 20 % d'énergie mèneraient à la création d'un million d'emplois (directs et indirects). Les secteurs sur lesquels se concentrera cette économie seront l'éclairage des bâtiments, l'équipement technique des bureaux, l'électroménager et la cogénération.

9.1.3   Le CESE souhaite que l'objectif ne se limite pas à l'économie d'énergie mais vise à transformer chaque bâtiment en un générateur d'énergie.

9.1.4   Cela suppose des investissements conséquents dans la recherche ces prochaines années, afin de transformer la manière de construire les villes en optimisant leur métabolisme grâce à l'utilisation de matériaux innovants et à l'utilisation sur les chantiers de systèmes logistiques de plus en plus sophistiqués.

9.1.5   Le renouvellement du patrimoine immobilier exige des synergies au niveau financier et des politiques de coopération au niveau mondial, dans la mesure où:

une perte de compétitivité aurait un impact négatif sur l'emploi;

ce patrimoine doit soutenir la concurrence de systèmes internationaux, notamment en Asie, où ils sont en forte expansion. Par conséquent, les interventions de réhabilitation doivent également être considérées comme une base d'exportation;

il convient d'associer à ce processus les pays européens à moindre revenu;

le problème ne saurait être dissocié de celui du logement social, qui concerne des millions de citoyens européens.

9.2   Système intégré d'infrastructures

9.2.1   Les documents de l'UE sur la cohésion sociale soulignent l'importance de l'intégration entre tous les types d'infrastructures, un concept qui va au-delà de la simple garantie de liaisons de qualité entre les territoires. En Europe, 600 millions d'euros d'investissements sont prévus pour la modernisation des réseaux d'ici 2020, dont 90 milliards consacrés aux infrastructures «intelligentes».

9.2.2   Le concept d'infrastructure intégrée doit lui aussi constituer un objectif important de la rénovation urbaine. Il doit permettre l'accès:

aux services tels que les soins de santé, l'instruction et l'énergie durable, qui grâce aux réseaux de télécommunications deviennent interactifs, comme dans le cas de la télémédecine et de l'apprentissage en ligne;

aux systèmes de transport, dont l'intégration durable suppose le renforcement des liaisons par voie ferrée, des voies navigables, de l'accès aux aéroports et des voies cyclables et piétonnières, ainsi que le développement de chaînes de transport intermodales et de systèmes avancés de gestion du trafic. Le système intégré de transports est également de nature à épauler une politique urbanistique visant à éviter la dispersion de l'habitat, permettant ainsi de diminuer les coûts énergétiques et sociaux du trafic pendulaire et des transactions commerciales;

à un système de transport durable conjugué à un système énergétique efficace, qui est le ciment d'une politique européenne de réhabilitation urbaine qui devrait financer en priorité les réseaux de transport et d'énergie durable au profit des périphéries à réhabiliter;

au réseau énergétique. La croissance du secteur des transports à traction électrique (cf. la directive sur les énergies renouvelables), des télécommunications et de l'informatique engendrera une augmentation exponentielle de la consommation d'énergie. Dans cette optique, il est nécessaire de préparer un réseau intelligent de distribution qui minimise les pertes, accroisse l'efficacité, soit adaptable à l'évolution des besoins et capable d'absorber le surplus de production d'énergie solaire. Il convient en outre d'encourager l'établissement d'un réseau urbain de bornes de recharge des véhicules électriques et à hydrogène, alimentées par des sources renouvelables produites localement;

aux réseaux télématiques, en particulier l'Internet à large bande, désormais essentiel pour les entreprises et les ménages.

10.   La ville des bits

10.1   Les plateformes urbaines à haute interactivité en cours de réalisation grâce aux technologies de communication de nouvelle génération sont destinées à accélérer les processus de reconversion urbaine et à introduire d'importantes innovations, en poursuivant les objectifs suivants:

la fin du caractère central des infrastructures routières, en faveur d'une synergie entre route, GPS, ordinateur, grâce à la création d'un réseau qui permette l'avènement de systèmes logistiques interactifs, la connexion des foyers avec le reste du monde, ce qui permettrait d'étendre leur rôle, en le transformant selon la connexion en lieu de travail, de loisirs, de soins, etc.;

l'intégration de l'offre de services publics et de services privés. Cela donne lieu à des processus de reconversion des plateformes de l’administration publique (permis de construire, cadastre, fisc, etc.) en vue de les rendre accessibles de manière interactive aux entreprises et aux citoyens, depuis leur domicile ou leur assistant numérique personnel;

la réalisation de progrès radicaux dans la fourniture des services de santé, accompagnés d’une réduction prononcée des coûts. Les nouvelles technologies en réseau ainsi que la miniaturisation et la portabilité des appareils permettent la surveillance à domicile des fonctions vitales les plus importantes et les procédures de soins en ligne;

une réduction de l’asymétrie des relations entre citoyens et détenteurs de savoirs (techniciens, médecins, responsables politiques, etc.), permettant ainsi une évolution dans laquelle les structures historiques de relations descendantes (top-down) sont délaissées au profit de nouvelles structures collaboratives;

une surveillance attentive de la totalité du cycle de vie urbaine, afin de réaliser des économies considérables au niveau de la gestion des ressources des villes.

11.   La ville solidaire

11.1   Les facteurs évoqués ici sont certes importants mais ne sont que les instruments d'un processus de rénovation urbaine dont l'objectif premier est de renforcer la cohésion sociale, dans le respect du principe fondamental de notre communauté européenne, maintes fois réaffirmé.

11.2   Le développement de la cohésion sociale passe par le renouvellement des systèmes de gestion à tous les niveaux, depuis l'échelon communautaire jusqu'au niveau local, pour faire face à la complexité et à la diversité des relations qui caractérisent notre société. Il s'agit de transformer la chaîne de relations en termes d'approche coopérative, de réduction des asymétries et d'évolution du concept de leadership.

11.3   Approche coopérative: il s'agit d'une pratique fondamentale de la gestion durable, visant à permettre à toute partie prenante de participer aux prises de décision. Cette méthode, apparue avec le développement des forums citoyens, a vu ses potentialités s'étendre grâce à l'évolution des supports technologiques interactifs. La devise de l'Académie américaine d'administration publique (National Academy of Public Administration) rend bien compte de cette philosophie: «Ne vous demandez pas ce que nous pouvons faire pour vous. Demandons-nous ce que nous pouvons faire ensemble» (14).

11.4   Réduction des asymétries: la possibilité d'accéder en temps réel à des systèmes de connaissance de plus en plus performants et la possibilité de dialoguer en temps réel réduit la distance entre les détenteurs du savoir et ceux qui auparavant en étaient les utilisateurs passifs. Cette évolution modifie les relations entre les individus mais aussi la signification de l'espace urbain, qui devient le catalyseur de nouvelles relations (par exemple les praticiens/services d'urgence qui se déplacent depuis les hôpitaux jusqu'aux stations de métro, aux hypermarchés, etc.).

11.5   L'évolution du concept de leadership: la déstructuration des systèmes relationnels et la multiplication des possibilités de coopération induisent un changement du rôle des responsables publics, qui doivent pouvoir exercer tout à la fois une fonction de meneurs et de facilitateurs.

11.6   L'évolution notable du système de relations ouvre la voie à un remaniement en profondeur des modes d'organisation, notamment dans les administrations locales, en ce sens que les approches fondées sur l'intervention, caractéristiques des plans stratégiques, sont abandonnées au profit de la mise en place de plateformes partagées, typiques d'une gestion placée sous le signe de la durabilité. Le modèle de la plateforme, déjà expérimenté par l'UE pour l'organisation des secteurs de la production et du savoir, serait élargi de manière à établir un réseau étroit de relations intégrant la totalité des parties prenantes des communautés urbaines, en favorisant des politiques de subsidiarité entre communautés faibles et fortes. On peut ainsi parler à ce propos de:

plateforme pour le renforcement des communautés («community building»), destinée à accueillir le plus large éventail possible de parties prenantes et de groupements de communautés locales;

plateforme du savoir, dont le rôle est de développer des politiques innovantes en faveur de la connaissance et de la recherche, ainsi que de favoriser la reconversion créative des villes;

plateforme technologique, afin de fournir les différents savoir-faire indispensables à la mise en œuvre et à la gestion des processus innovants;

plateforme de ressources, ayant pour fonction:

de développer des instruments financiers novateurs, fruit de la collaboration entre public et privé, sur le modèle des programmes JESSICA et JASPER;

de mettre en œuvre des politiques financières influant positivement sur le niveau d'équité en favorisant les citoyens à faible revenu et en les associant aux stratégies globales de rénovation urbaine;

de développer des politiques comptables axées sur la détermination de la valeur économique des biens et des services et tenant compte du coût du prélèvement des ressources naturelles et de celui de l'élimination des déchets, ce afin d'appliquer une politique fiscale dissuadant de gaspiller les matières premières. Les recettes fiscales qui en découleraient devraient être destinées aux investissements en faveur des couches sociales défavorisées.

Bruxelles, le 26 mai 2010.

Le président du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  JO C 77 du 31.3.2009, p. 123.

(2)  Commission des Communautés européennes, Document de travail de la Commission - Consultation sur la future stratégie «UE 2020», Bruxelles, 2009 et Ministère des Affaires extérieures et de la coopération. Secrétariat d'État à l'Union européenne, Programme de la présidence espagnole du Conseil de l'Union européenne, 1er janvier - 30 juin 2010: «Innovating Europe», Imprimerie nationale, Journal officiel, Madrid, 2010.

(3)  On trouvera un brillant exposé sur les principaux problèmes de transformation urbaine chez Massimo Cacciari, La città, Pazzini Stampatore Editore, Villa Verucchio (RN), 2004.

(4)  Richard Rogers, Towards an Urban Renaissance, Urban Task Force, London, 2005. Téléchargeable sur: http://www.urbantaskforce.org

(5)  Union européenne – Comité des régions. Le plan européen pour la relance économique dans les régions et les villes, Bruxelles, 2008. Téléchargeable sur: http://portal.cor.europa.eu/europe2020/Pages/Library.aspx

(6)  Les documents proposés sont: «A green new deal for Europe», du Wuppertal Institut, «Rethinking the Economic Recovery: A Global Green New Deal» du programme environnemental de l’ONU, «A green new-deal» de la New Economics Foundation (UK), «Toward a Transatlantic Green New Deal: Tackling the Climate and Economic Crises» publié par le Worldwatch Institute pour la Fondation Heinrich Böll.

(7)  Cela permettrait d'appliquer pleinement au niveau local les recommandations contenues dans la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen «Le PIB et au-delà - Mesurer le progrès dans un monde en mutation» (COM(2009) 433 final). Téléchargeable sur: http://www.beyond-gdp.eu/. Ces recommandations se fondent sur le rapport élaboré par MM. Stieglitz, Fitoussi, Sen sous l'égide de l’UE et à l'initiative du gouvernement français. Rapport téléchargeable sur: http://www.stiglitz-sen-fitoussi.fr/en/index.htm

(8)  Jan Jacob Trip, Creative city development in the Lisbon strategy, TU Delft, 2009. Xavier Vives, Lluís Torrens, The strategies of european metropolitan areas in the context of the European Union enlargement, Pla Estratègic Metropolità de Barcelona, 2005

(9)  Rudolf de Groot, Function-analysis and valuation as a tool to assess land use conflicts in planning for sustainable, multi-functional landscapes, Landscape and Urban Planning 75 (2006) 175–186.

(10)  Forum économique mondial, The Lisbon review 2002- 2006, téléchargeable sur:

www.weforum.org/pdf/gcr/lisbonreview/report2006.pdf;

Commission européenne, «i2010: la société de l'information et les médias au service de la croissance et de l'emploi», téléchargeable sur: http://europa.eu/legislation_summaries/employment_and_social_policy/job_creation_measures/c11328_fr.htm;

Fondation Ugo Bordoni, Dossier EU i 2010, téléchargeable sur: http://www.fub.it/osservatorio/dossieruei2010/liniziativai2010.

(11)  Pour des informations concernant les villes de l'ubiquité:

 

MIT: http://web.mit.edu/cre/research/ncc/casestudies.html;

 

Milla digital: http://www.milladigital.org/ingles/home.php;

 

Tokyo: http://www.tokyo-ubinavi.jp/en/about.html;

 

Singapour: http://www.itu.int/ubiquitous;

 

Hong Kong: http://www.info.gov.hk/digital21/eng/strategy/2008/Foreword.htm;

 

Arabianranta (Helsinki): https://www.taik.fi/en/about_taik/arabianranta_.html.

(12)  Pour ce chapitre, voir New Economics Foundation, «A Green New Deal», Londres, 2009, téléchargeable sur: http://www.neweconomics.org/projects/green-new-deal.

(13)  Commission européenne, L'économie des écosystèmes et de la biodiversité (EEB). Téléchargeable sur: http://ec.europa.eu/environment/nature/biodiversity/economics/

(14)  Téléchargeable sur: http://www.collaborationproject.org/display/home/Home


21.1.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 21/9


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Initiatives collectives de la société civile en faveur du développement durable» (avis d'initiative)

2011/C 21/02

Rapporteur: M. HENCKS

Le 16 juillet 2009, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2 de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur le thème:

«Initiatives collectives de la société civile en faveur du développement durable».

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 6 mai 2010.

Lors de sa 463e session plénière des 26 et 27 mai 2010 (séance du 26 mai 2010 Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 146 voix pour, 5 voix contre et 2 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Les défis posés en matière de développement durable, accentués par la crise des finances publiques, sont suffisamment préoccupants pour que la société civile se mobilise pour soutenir les décideurs politiques et pour accompagner les nécessaires mutations économiques et sociétales ainsi que le rétablissement de finances publiques équilibrées.

1.2

Au-delà de considérations scientifiques, la réussite des décisions politiques dépend largement de leur acceptabilité par la société civile. Celle-ci, dans un esprit d’une plus grande transparence quant aux choix finaux et aux responsabilités engagées, devra être associée étroitement à toutes les phases de la mise en œuvre des politiques de développement durable.

1.3

La participation de la société civile à l’élaboration d’une politique ambitieuse de développement durable devra être bien structurée si elle veut être efficace et éviter d’être dénaturée en un instrument populiste.

1.4

Le CESE demande, à la lumière des réflexions et suggestions développées ci-après, que la participation citoyenne et le partage des connaissances soient intégrés dans la révision de la stratégie de développement durable en 2011. Cette intégration doit être réalisée au moyen notamment d'un plan d’action, d'incitations financières et de la publication des meilleures pratiques d’initiatives collectives de la société civile.

1.5

En outre le CESE estime que le développement durable devra occuper une large place dans la stratégie 2020 de l’UE.

2.   Objet de l’avis d’initiative

2.1

«Nous n’avons pas hérité le monde de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants.» Cette sagesse issue de la culture indienne canadienne «Haida» illustre parfaitement le défi qui est posé à la génération actuelle: changer notre mode de vie et définir de nouvelles voies d’un développement économique efficace, socialement équitable et écologiquement durable qui assure une juste redistribution des richesses et qui garantit à tout citoyen un accès à une vie décente.

2.2

Certains de ces changements nécessitent des initiatives «du haut vers le bas» telles que des dispositions législatives, des programmes d'investissement publics ou/et privés, etc. D'autres, par contre, demandent des initiatives venant «d'en bas», de la part de citoyens conscients qu'il importe qu'à leur tour, ils apportent leur contribution personnelle. Celle-ci se manifeste notamment par un changement de leurs comportements et de leurs modes de consommation, ainsi que par un soutien ou un engagement dans le cadre des initiatives et actions des collectivités en faveur du développement durable.

2.3

Les gouvernements et l'Union doivent reconnaître que ces initiatives venant «d'en bas» sont indispensables non seulement pour aboutir à une économie plus durable mais également pour atteindre les buts que les instances politiques se sont fixés en matière de développement durable. Une initiative au niveau de l'UE pourrait certainement apporter une grande plus-value notamment par la publication des meilleures pratiques en matière d’engagements et d’initiatives de citoyens et de collectivités en faveur du développement durable.

2.4

Le présent avis entend donc émettre des recommandations sur ce que l’Europe pourrait faire pour accroître l’efficacité et le nombre d’initiatives collectives lancées par des organismes institutionnels, entreprises, syndicats, ONG, autres associations ou membres de la société civile, afin de favoriser les progrès en matière de développement durable.

2.5

Dans le présent avis, le CESE développe quelques réflexions sur les modalités d’une contribution plus active de toute la société civile au développement durable et sur le type de structures-cadres que l’Europe devrait mettre en place, afin d'accompagner et de maximiser l’efficacité des initiatives afférentes.

3.   Le défi pour la société civile: devenir un élément moteur de la promotion du développement durable

3.1

Il est beaucoup question actuellement du changement climatique qui constitue sans aucun doute une menace aux conséquences potentiellement catastrophiques à l'avenir. Mais ce n’est pas le seul phénomène qui fait obstacle à un développement durable de nos sociétés: la perte de biodiversité, la déforestation, la dégradation des sols, les déchets toxiques, les métaux lourds, les polluants organiques, les urbanisations incontrôlées, les inégalités et injustices sociales, etc. constituent également des problèmes majeurs pour l’humanité.

3.2

Pour aboutir à un mode de vie écologiquement et socialement durable, il faudra se distancer d'une attitude qui consiste à vouloir toujours plus de croissance non durable, en passant de l’ère de la surconsommation et du gaspillage à celle d'un bien-être axé sur le développement humain et social. Comme l’a écrit le Conseil économique, social et environnemental français, il importe de prendre en compte l’être humain comme être biologique et social, de nature et de culture, comme personne.

3.3

Le comportement peu durable n’est toutefois pas un phénomène exclusivement contemporain. Depuis toujours, le traitement de l’environnement par l’homme a été «peu durable». Ce qui a changé, c’est l’ampleur et la rapidité de la dégradation des écosystèmes due aux modes de production et de consommation.

3.4

Ce qui a également changé, c’est que, de nos jours, les connaissances scientifiques (toutes proportions gardées) du fonctionnement des écosystèmes permettent de démontrer et de comprendre la gravité de la situation, et de mettre en exergue les nombreux comportements de nos sociétés qui ne sont pas durables. Or, les signaux d'alerte évidents ne suffisent apparemment pas pour que les sociétés prennent suffisamment conscience de leurs actes et s’approprient des comportements plus durables et socialement responsables.

3.5

À l'origine, le concept du développement durable se préoccupait essentiellement des ressources naturelles (épuisement des réserves d’hydrocarbures fossiles) et de la pollution (destruction de l’ozone stratosphérique) par le biais de normes d’émissions pour les produits nocifs ou des seuils de prélèvement des ressources. Il est devenu plus général en intégrant des contraintes relevant de la croissance économique et de la cohésion sociale. Le développement durable associe ainsi la préoccupation d’un développement équitable des sociétés, notamment la lutte contre la pauvreté, avec celle de la transmission aux générations futures d’un environnement sain, riche et diversifié.

3.6

Le concept du développement durable s’est ainsi généralisé au fil des années. Au début, ce sont surtout les mouvements écologistes fleurissant partout dans le monde occidental qui se préoccupaient des écosystèmes. Aujourd'hui, tous les partis politiques se sont approprié le thème de la protection de l'environnement, qui a été élargi au développement durable.

3.7

Il y a lieu de relever que la société civile n'est pas restée inactive. Il existe d'ores et déjà de nombreux citoyens qui, à titre individuel ou dans le cadre d'actions collectives, s'engagent en faveur d'un mode de vie plus durable. Ainsi, par exemple:

sur le lieu de travail, des employeurs et des salariés s'appliquent à consommer moins d'énergie, à réduire les déchets et à développer des moyens de production plus durables;

dans le commerce en gros et en détail, les commerçants s’associent aux clients pour déterminer les meilleurs moyens de promouvoir des produits plus durables;

dans leurs foyers, les citoyens prennent des mesures pour augmenter la performance énergétique de leur logement, éviter le gaspillage, réduire la consommation d'eau et promouvoir le recyclage;

dans les systèmes d’éducation nationale de certains États membres, les élèves sont sensibilisés au respect de l’environnement et du développement durable dès leur jeune âge.

3.8

De même, au niveau régional, des organisations professionnelles ou associatives ou des panels d’habitants se sont créés pour débattre des questions du développement durable, émettre des avis et lancer des actions.

3.9

Toutefois, malgré une visibilité médiatique très forte lors de la récente Conférence des Nations unies sur le changement climatique à Copenhague, le développement durable est victime d'une forte perte d'intérêt. Cela s'explique notamment parce que la lutte contre le changement climatique, qui n'est qu'une partie, certes importante, du développement durable, éclipse parfois les autres domaines essentiels. À la désillusion des citoyens qui s'attendaient à un engagement formel du pouvoir politique, s'ajoute un certain scepticisme par rapport aux risques réels que fait peser le changement climatique. Ce scepticisme est prôné par certains scientifiques et des instances politiques, qui mettent en doute la gravité de la situation, ce qui ne fait qu’amplifier, d’une part, un certain recul de l’enthousiasme et, d’autre part, un mouvement contestataire.

3.10

La résolution du CESE «Ne reculons pas» du 23 novembre 2009, adressée à la Conférence de Copenhague, prend une importance nouvelle et s'adresse à l’ensemble de la société civile: entreprises, syndicats et organisations de la société civile. Tous devront faire des efforts en vue d’atténuer le changement climatique et de s’y adapter.

3.11

Effectivement, au vu du résultat décevant de la Conférence de Copenhague et du risque d’indifférence qui en résulte, la société civile est plus que jamais appelée à se mobiliser. Comme l’a suggéré le CESE, la société civile devra insister pour que l’Union européenne ne cède à la tentation de tirer prétexte de l’échec de Copenhague pour revoir ses propres ambitions à la baisse ou réduire ses engagements, mais qu’elle redouble d’efforts pour mettre en place un modèle de développement à faible émission de carbone et préservant les ressources naturelles, tirant sa compétitivité de la capacité à mettre en cohérence l’innovation, les investissements productifs et le capital humain.

3.12

Il est en effet indéniable qu’il existe des interactions entre les domaines environnemental, économique, social et culturel. Ceci rend indispensable une approche interdisciplinaire qui rassemble un ensemble d’acteurs aux compétences et intérêts très différents, appelés à dépasser les cloisonnements institutionnels et sectoriels et à allier leurs expertises et leur bon sens. Il importe en effet d'éviter que différentes composantes de la société ne se neutralisent et que la décision ne revienne aux élus ou groupes d’intérêt les mieux organisés.

3.13

Les initiatives de la société civile en la matière peuvent effectivement être un moteur de la décision politique. La société civile a la capacité de rassembler les acteurs et les décideurs politiques, sensibiliser tous les secteurs de la société pour revoir leur mode de vie, de consommation et de production, ainsi que pour mettre sur les rails des initiatives et des actions ambitieuses.

4.   Le débat public sur le développement durable – historique

4.1

C'est à la suite d'initiatives de la société civile organisée que la déclaration de la Conférence mondiale des Nations unies sur l’Environnement et le Développement (CNUED), tenue à Rio en 1992, a, pour la première fois, introduit de manière officielle la société civile dans les discussions sur le développement durable. Parmi les 27 principes d’application du développement durable qui ont été arrêtés à cette occasion, il a notamment été décidé que «le public doit être impliqué dans les décisions» et que les femmes, les jeunes, les communautés locales et les minorités ont un plus grand rôle à jouer à l'égard de la situation actuelle.

4.2

Le chapitre 28 de l'Agenda 21 (programme d’application du développement durable élaboré lors du Sommet de Rio) invite les autorités locales à intégrer le développement durable dans leurs programmes d’action, à partir «d’un mécanisme de consultation de la population».

4.3

L'importance d'associer la société civile à l’analyse des conséquences de l’action publique, aux choix finaux et aux responsabilités en matière de développement durable, a ainsi été reconnue. Par conséquent, toutes les parties concernées, à un titre ou à un autre, (dont une partie, notamment la génération future est forcément absente) devront être étroitement impliquées dans l’élaboration et l’exécution des projets.

4.4

Depuis lors, les organisations non gouvernementales, suivies des entreprises, des syndicats, des collectivités territoriales ou locales et d'autres structures associatives revendiquent leur place dans le débat aux côtés des acteurs institutionnels et politiques. Elles sont à l’origine d’une multitude d’actions, d’initiatives et de recommandations en faveur des comportements durables.

5.   Les actions de la société civile

5.1

Depuis des années le CESE, en tant que représentant institutionnel de la société civile organisée au niveau de l’Union européenne, se préoccupe du développement durable et a créé en 2006 l’Observatoire du développement durable. Celui-ci a pour objectif de favoriser la contribution de la société civile à la définition de la politique de développement durable conciliant les intérêts environnementaux, économiques et sociaux. Dans ce cadre, le CESE a élaboré de nombreux avis et recommandations sur des questions essentielles en matière de durabilité et continuera à proposer des solutions pratiques à l’image de l’avis: «Construire une économie durable par une transformation de notre modèle de consommation» (INT 497).

5.2

Force est toutefois de constater que le poids des acteurs institutionnels et politiques reste très important par rapport à celui de la société civile. Par ailleurs, certaines actions, destinées en apparence à promouvoir le développement durable, sont sous l'influence d’intérêts plus politiques, financiers ou idéologiques qu'environnementaux, et soumis au gré des uns ou des autres. Le risque existe ainsi que le développement durable ne devienne l’instrument et la propriété de groupes de pression au service d’enjeux parfois fort éloignés des thèmes initiaux.

5.3

Or, il est rare de réussir à associer toutes les parties. Souvent, une part de la société civile ne se manifeste que lorsque la résolution des problèmes devient pressante, alors qu'en dehors des situations d'urgence, le champ libre est davantage laissé à des groupes de pression et de contestation.

5.4

Il s’agira donc de dépasser les simples actions d’information et de trouver les moyens pour parvenir à une démocratie participative dans laquelle les structures de concertation touchent toute la société civile et restent représentatives et actives dans la durée tout en conciliant les préoccupations environnementales, sociales et économiques dans des actions locales et globales. Parallèlement aux actions globales, il est essentiel, dans ce contexte, de promouvoir les initiatives locales et d’y associer étroitement la société civile. Cette approche constitue le meilleur moyen pour que tous ceux à qui en fin de compte s’adressent les actions, s’identifient aux démarches adoptées.

6.   Une société civile représentative et active dans la durée

6.1

Dans un système de gouvernance à plusieurs niveaux tel que le pratique l’Union européenne, il n’est pas indiqué de recourir exclusivement aux institutions représentatives élues démocratiquement pour s’assurer de la participation des citoyens aux débats et au processus décisionnel.

6.2

La Convention d’Aarhus, négociée dans le cadre de la Commission économique pour l’Europe des Nations Unies (CEE-NU), énonce les principes de la participation effective des citoyens aux décisions en matière d’environnement. Elle concerne le droit d’accès à l’information, la participation des citoyens au processus de décision et l’accès à la justice, le tout dans le domaine de l’environnement.

6.3

La Convention d’Aarhus stipule que toute collectivité doit donner toute l’information qu’elle détient en matière d’environnement à toute personne qui la demande, sans que cette personne ait à justifier son identité ni le motif de sa demande. Le CESE avait critiqué dans son avis concernant la directive 2003/4/CE que la transposition dans le droit communautaire n'était pas conforme sur certains points aux dispositions de ladite Convention, entre autres en ce qui concerne le concept «d'entité qualifiée» habilitée à accéder aux informations. Le CESE estime qu'une révision de la directive précitée s'impose. En outre, il déplore l’absence d’un bilan au niveau de l'UE de l’application de ladite convention alors que les États qui ont ratifié la Convention ont l’obligation de produire un rapport sur son application.

6.4

En premier lieu, il y a lieu de définir la population cible, qui sera appelée à participer à l’élaboration et à la formulation des politiques de développement durable. A ce stade, il convient également de décider des procédures de recrutement de volontaires et de fixer des objectifs concrets, ainsi que la méthodologie, les procédures d’évaluation et de diffusion des résultats.

6.5

Comme le développement durable concerne directement tous les citoyens, sans exception, la population qui s'exprime ne sera représentative que si elle couvre un large spectre de caractéristiques sociodémographiques et une grande variété d’expertises et d’opinions.

6.6

Il importe donc d’identifier clairement les problèmes et de définir des objectifs prioritaires concrets à atteindre à court et à moyen termes tout en tenant compte des dimensions sociales et culturelles des problèmes qui devront être proches des intérêts réels des citoyens. Ceci implique de hiérarchiser les problèmes et de les traiter selon leur degré de priorité, selon la gravité de leurs effets et des dommages inhérents et selon le coût pour les résoudre.

6.7

Les citoyens doivent pouvoir percevoir la participation comme une démarche de responsabilisation, c'est-à-dire qu’ils devront être associés aux initiatives à un stade précoce, dès l’élaboration de la stratégie et des projets, et jouer un rôle actif dans chaque phase du processus.

6.8

À chaque stade des débats et de recherche de solutions consensuelles, devrait être désigné au niveau local, régional ou national une personne, un «médiateur» du développement durable, pouvant se prévaloir d’une expertise dans la conduite de débats, une personnalité indépendante de tout groupe d’intérêts. Elle serait chargée de l’information, de la motivation et du recrutement de tous les citoyens intéressés et désireux de participer. Elle devrait assurer la coordination centrale des actions tout en veillant à ce que tous les avis soient entendus et que tous les participants aient la possibilité de prendre part au débat tout en évitant les dérives.

6.9

Ce médiateur devra également jouer le rôle d’interface et de porte-parole sur la scène publique et auprès des médias afin de faire entendre la voix des défenseurs du développement durable, veiller à ce que les informations soient correctes et afin éviter que la presse ne monopolise l’attention du public de manière partiale. En outre, ce guide devrait collaborer étroitement avec les responsables de l’éducation scolaire pour généraliser la sensibilisation au développement durable dès le plus jeune âge.

6.10

Afin de pouvoir motiver le plus grand nombre possible de citoyens à participer activement au processus décisionnel concernant le développement durable, il s’agira d’analyser et de combattre les raisons pour lesquelles une grande partie de la société se montre hésitante et se comporte en spectateur.

7.   Combattre les obstacles à une participation active de la société civile

7.1

Les mesures contre la dégradation des écosystèmes et en faveur du changement des modes de vie font aujourd'hui l’objet d’une programmation à long terme, au lieu de constituer une réalité opérationnelle à court terme. Les défis sont encore trop souvent perçus comme s’il s’agissait de problèmes environnementaux dont l'évolution vers une envergure catastrophique est lente, négligeable pour le moment, mais dramatique à terme. Il s’agit d’une vision «utilitariste» dont la sensibilité environnementale est limitée à la vie quotidienne ainsi qu'aux effets et nuisances visibles, négligeant les risques potentiels imperceptibles ou non avérés.

7.2

Pour que tous les citoyens comprennent pourquoi il est important de changer de comportement, il faudra les informer et leur expliquer dans un langage clair, en évitant la terminologie spécialisée et sophistiquée. Cependant, il convient de ne pas verser pour autant dans les slogans et d'éviter de remplacer le scientifique par l’émotionnel.

7.3

Une meilleure communication par le biais de plusieurs types de médias avec des messages clairs et compréhensibles permettrait certainement aux citoyens de mieux se reconnaître dans les problèmes auxquels ils sont confrontés et de s’identifier davantage aux démarches à entreprendre.

7.4

En outre, les messages doivent être objectifs. Accabler les citoyens avec des chiffres bruts, présentés comme des vérités irréfutables, alors qu’elles sont peu crédibles, est contre-productif, comme l’affirmation d’un ancien vice-président des États Unis, selon laquelle l’Arctique sera dépourvu de glace estivale dans cinq ans. De telles déclarations finissent par susciter la méfiance à l’égard des décideurs politiques et provoquent une indifférence face aux problèmes réels.

7.5

Le prophétisme exagéré annonçant des catastrophes dramatiques immédiates et irréfutables crée un climat de peur chronique qui mène à l’égocentrisme et sert de prétexte pour justifier des comportements NIMBY (not in my backyard, «Pas chez moi») néfastes pour la cohésion sociale et le développement durable. Les initiatives locales contre l’installation d’éoliennes, parce quelles dégradent le paysage ou l’incinération sauvage des déchets pour éviter une redevance pour le ramassage collectif constituent des exemples révélateurs illustrant ce repli sur soi.

7.6

Cette indifférence est grave, car même si les conséquences ne sont probablement pas aussi dramatiques que d’aucuns veulent le faire croire, il existe des problèmes qui demandent une solution rapide. Conformément au principe de précaution, il est préférable de réagir à des situations potentiellement dangereuses sans attendre que ce danger soit scientifiquement établi.

7.7

Il faudra veiller à ce que les résultats et les réussites de la participation citoyenne soient documentés et diffusés en dehors de la communauté des spécialistes, sachant que les exemples de meilleures pratiques sont un moyen privilégié pour partager les progrès.

7.8

Pour assurer un engagement de la société civile dans la durée, il faudra mettre en exergue et publier les propositions avancées par les citoyens qui ont été mises en œuvre dans la pratique, même si ce n'est qu'en partie.

7.9

Des efforts accrus doivent être déployés dans la recherche de méthodes permettant de changer le comportement des personnes. Un moyen très utile est certainement l’intégration de l’éducation au développement durable dans les systèmes d’enseignement nationaux afin de sensibiliser les enfants à ces questions dès leur jeune âge. C’est d’ailleurs dans cet esprit que le CESE a lancé un débat sur la faisabilité d’un réseau européen des forums nationaux sur l’éducation et la formation à l’énergie propre.

8.   L’évaluation des actions

8.1

La multiplicité des acteurs entraîne une grande hétérogénéité de forme et de fond entre les actions, qui ne sont donc guère comparables entre elles et permettent rarement de mettre en évidence un référentiel commun. C'est pourquoi il est indispensable de procéder régulièrement à une évaluation des actions dans le cadre du développement durable.

8.2

En outre, l’instrumentalisation du développement durable, d'une part, et une réglementation parfois trop excessive, d'autre part, exigent l’application d’une évaluation permanente basée sur des indicateurs de l'état d'avancement des projets.

9.   Les indicateurs d’évaluation

9.1

Selon le programme d’action adopté à Rio en 1992 les États doivent adopter un système de surveillance et d’évaluation commun des progrès accomplis par le développement durable, en général, et par et les agendas locaux, en particulier. Ils sont également tenus de développer des indicateurs acceptés par tous dans les domaines économique, social et environnemental, constituant une base utile pour la prise de décision à tous les niveaux. Ces indicateurs doivent être consensuels et donner une image représentative des trois dimensions du développement durable.

9.2

L’évaluation repose sur un diagnostic, une analyse et des recommandations. Elle est appelée à émettre un jugement sur la valeur d’une politique, d’un programme ou d’une action. Il faut toutefois reconnaître que les dimensions environnementales, humaines et sociales sont souvent difficiles à évaluer. Pourtant, il faut faire cet effort, parce que la prédominance du PIB, qui jusqu'à présent est la principale référence en matière de bien-être et de qualité de vie, peut amener les politiques à prendre des décisions qui sont néfastes à la cohésion sociale, à l'environnement et à négliger les besoins des générations futures (1).

9.3

L'évaluation du développement durable consiste à saisir les tendances dans deux directions fondamentales: d'une part, l'évaluation de la capacité d'absorption et d'autre part, l'évaluation du développement de l'administration des collectivités humaines.

9.4

Dans un récent avis (CESE 647/2010 «Le PIB et au-delà-Mesurer le progrès dans un monde en mutation»; rapporteur: M Josef Zbořil), le CESE salue l'effort de la Commission en vue d'étendre les comptes nationaux aux thématiques environnementales et sociales. Un cadre légal de comptabilité environnementale doit être présenté en 2010. Actuellement, les indicateurs sociaux disponibles dans les comptes nationaux ne sont pas utilisés au maximum de leur potentiel. On peut s'attendre à ce que la nécessité d'utiliser ces indicateurs se fasse de plus en plus sentir, à mesure que progressera l'élaboration d'une approche complexe et intégrée visant à mesurer et à évaluer le progrès dans un monde en mutation.

10.   La méthode d’évaluation

10.1

La variété des programmes et des actions que les autorités publiques nationales, régionales et locales mettent en œuvre pour promouvoir un comportement et un mode de vie durable, rend nécessaire une évaluation multidimensionnelle, sachant que l’acceptabilité d’une évaluation varie fortement selon les espaces, les méthodes et les critères retenus.

10.2

En outre, l’évaluation au niveau des États membres devra être pluraliste en associant tous les acteurs et personnes concernés: autorités responsables de la conception et de la mise en œuvre des actions, régulateurs, prestataires de services, représentants des consommateurs, des syndicats et de la société civile, etc. Les enquêtes d’opinion publique, nonobstant le fait qu'elles sont parfois difficiles à interpréter, font partie d’une politique d’information, de sensibilisation et de participation des citoyens et des entreprises, et leur permettent de communiquer avec les instances d’évaluation et les saisir de leurs doléances.

10.3

Outre son caractère pluraliste, cette évaluation devra être indépendante et contradictoire étant donné que les différents acteurs n’ont pas tous les mêmes intérêts, voire même, dans certains cas, sont opposés et ne disposent pas d’informations et d’expertises équivalentes.

10.4

L'évaluation de l’efficacité et de la performance environnementale, économique et sociale des différentes actions en faveur du développement durable ne peut pas être fondée sur un critère unique, mais doit l'être sur une batterie de critères.

10.5

L’évaluation n’a de sens que rapportée aux objectifs et missions assignés, qui relèvent des trois piliers de la stratégie de Lisbonne (croissance économique, cohésion sociale et protection de l’environnement). Elle doit donc être multicritères.

10.6

À l’instar de ce que le CESE avait proposé pour le services d’intérêt général (2), le système d’évaluation devra se baser sur des rapports périodiques établis au niveau national ou local par des instances d’évaluation mis en place par les États membres selon les principes énoncés ci-avant.

10.7

Au niveau de l'UE, il s’agira de définir les modalités d’échanges, de confrontation, de comparaison et de coordination. Il reviendra dès lors à l’Union d’impulser la dynamique de l’évaluation indépendante, par l’élaboration, en concertation avec les représentants des acteurs concernés, d’une méthodologie d’évaluation harmonisée à l’échelle européenne sur base d’indicateurs communs. Elle devra prévoir également les moyens de son fonctionnement.

10.8

Pour que l’évaluation soit pertinente et utile, il convient de mettre en place un Comité de pilotage pluraliste, représentant toutes les parties prenantes. En ce qui concerne ce comité de pilotage, il s'agit en l'occurrence d'une mission qui rentrerait parfaitement dans les compétences de l'Agence européenne pour l'environnement en collaboration avec l’Observatoire du développement durable du CESE.

10.9

Ce comité de pilotage devrait avoir en charge:

la définition d'indicateurs pertinents;

la méthodologie de l’évaluation;

la mise au point des cahiers des charges des études à conduire;

la commande de ces études, reposant sur une pluralité d’expertises et une comparaison des résultats obtenus ailleurs;

l’examen critique des rapports;

l’extrapolation des bonnes pratiques et approches novatrices;

les recommandations;

la diffusion des résultats.

10.10

Les débats avec toutes les parties prenantes concernant les rapports d’évaluation pourraient prendre la forme d’une conférence annuelle sur les performances des actions en faveur du développement durable, où seraient présentés des exemples de bonnes pratiques.

Bruxelles, le 26 mai 2010.

Le président du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  JO C 100 du 30.4.2009.

(2)  JO C 162 du 25.6.2008, p. 42.


21.1.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 21/15


Avis du Comité économique et social européen sur «Le commerce international et le changement climatique»

2011/C 21/03

Rapporteure: Mme PICHENOT

Le 26 février 2009, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur:

«Le Commerce international et le changement climatique».

La section spécialisée «Relations extérieures», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 11 mai 2010.

Lors de sa 463e session plénière des 26 et 27 mai 2010 (séance du 26 mai 2010), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 154 voix pour, 4 voix contre et 7 abstentions.

1.   Recommandations

1.1

Intégrée dans la stratégie Europe 2020, une nouvelle politique commerciale devra apporter des réponses aux préoccupations environnementales en évitant la tentation d'un repli protectionniste. Elle doit être au service d'un marché plus innovant et respectueux de l’environnement et favoriser le bien être social. Pour incarner cette ambition, l'UE peut donner l’exemple d’un changement de trajectoire de croissance vers un modèle sobre en carbone et ainsi garder le leadership dans la lutte contre le réchauffement climatique. L’impact de la croissance économique, du transport et de la diffusion des technologies font du commerce international un élément incontournable des débats sur le changement climatique et de la transition vers une économie verte.

1.2

Le Comité souhaite vivement qu’une conclusion globale à l'OMC, dans le cadre de Doha, facilite l’échange des biens et services environnementaux par la réduction significative des barrières tarifaires et non tarifaires. En parallèle, il considère aussi que l’UE doit poursuivre une démarche exemplaire en facilitant les transferts de technologies «vertes» dans le cadre de ses accords commerciaux bilatéraux et régionaux.

1.3

Dans la perspective d’une future stratégie commerciale, le CESE recommande que davantage d’études soient menées sur la dimension environnementale et sociale du changement climatique y compris dans la gestion des aspects de l'eau. Il encourage les sociétés civiles en Europe et dans les pays tiers à s’impliquer en amont des négociations commerciales bilatérales et régionales dans les études d’impact, en particulier sur le chapitre développement durable.

1.4

En matière de transport, le CESE soutient l’adoption d’objectifs mondiaux fixés par la CCNUCC de moins de 10 % d’émissions pour le transport aérien et de moins de 20 % pour le secteur maritime. La décision du partage des efforts de réduction visera aussi le secteur du transport puisque l'aviation sera progressivement intégrée dans le Système communautaire d’échange de quotas d’émissions (SCEQE) à partir de 2012. Une initiative européenne visant à établir des objectifs ambitieux d’efficacité énergétique dans le transport de haute mer contribuerait à cet effort.

1.5

Devant l’incertitude de l’accord de Copenhague sur le changement climatique de décembre 2009 et de ses suites, le paquet Énergie-Climat a prévu que soit adopté en codécision avec le Parlement européen en juin 2010 un rapport contenant des «propositions appropriées» concernant les secteurs soumis au risque de «fuite» de carbone en raison d’une exposition à la compétition internationale et/ou du surcoût imposé par le prix communautaire du CO2. S’il n’est pas observé jusqu’ici, le risque de fuite ne peut être écarté à compter de 2013. Ce risque devrait s’accroître à mesure que l’UE augmente les volumes de quota soumis aux enchères au fil du temps, et que les grands pays émetteurs non UE retardent la mise en place d’un marché d’échange de quotas d’émissions ou d’une taxe intérieure.

1.6

À brève échéance, la limitation du risque de fuite devra prendre la forme prioritaire d’un surcroît d’allocation gratuite de quotas d’émissions, dont l’ampleur sera fonction des progrès et résultats des négociations multilatérales sur le changement climatique. Ciblée sur les secteurs sensibles, établie sur la base des meilleures performances, conditionnée enfin à la satisfaction du double critère d’ouverture commerciale et de surcoût carbone, cette allocation gratuite devra être conçue comme transitoire, empiriquement fondée, satisfaire aux règles du commerce international et à un modèle sobre en carbone.

1.7

L’ajustement aux frontières ne trouvera pas de justification à l’OMC tant que l’Union Européenne privilégie l’allocation gratuite – le SCEQE en effet n’est assimilable à une taxe (et donc ajustable aux frontières) que dans l’éventualité où les quotas sont intégralement mis aux enchères. Le plus opportun serait de requérir de tels ajustements à titre transitoire pour une poignée de lignes tarifaires, sur des risques avérés de fuite carbone, lorsque le recours à l’allocation gratuite aura été épuisé. Seuls des ajustements très ciblés et argumentés dans l’unique perspective, et c’est bien le principal acquis de Copenhague, de contenir la hausse de la température en deçà de 2 °C pourraient être soutenus devant l’Organisme des règlements des différends de l’OMC.

1.8

Au vu de la maturation lente et incertaine des projets de création de marché d’échange de quotas d’émission dans le monde, les pays membres de l’UE seront pendant quelques années encore parmi les rares pays à fixer un prix au CO2. Face au risque à venir de «fuite» de carbone de quelques secteurs européens soumis au SCEQE, le Comité économique et social européen recommande aussi d’accroître significativement les volumes d’investissement de long terme dédiés à la décarbonisation de l’économie, de créer un cadre incitatif prévisible et stable favorisant l’innovation, la recherche et le développement dans le domaine des technologies propres non encore commercialisables.

1.9

Pour développer une économie verte et conserver son leadership en la matière, l’Europe devrait donc, dans son propre intérêt et celui du climat, conserver une haute ambition de réduction progressive pour atteindre une réduction de 80 % en 2050, avec par exemple un objectif intermédiaire de 25 à 40 % entre 2020 et 2030. Le Comité propose de développer des analyses d’impact (environnement, emploi et développement) pour anticiper les transitions entre 2020 et 2050.

1.10

La lutte contre le changement climatique nécessite une action collective publique forte au niveau national et au niveau européen. À côté de la pression du marché (SCEQE), les pouvoirs publics doivent rapidement mettre en place des incitations financières et fiscales ciblées et développer les investissements Recherche et Développement de technologies et de services «propres». Les collectivités territoriales peuvent accompagner le développement de technologies propres à l’occasion d’appel d’offre de marchés publics.

1.11

Le consommateur est, à côté des producteurs «émetteurs» de CO2, appelé lui aussi à jouer un rôle dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, en lien direct avec le commerce. Le Comité invite à unifier et stabiliser la méthodologie de la mesure «carbone» des produits couvrant tous les stades de la conception jusqu’à la distribution. À cette fin, le Comité préconise d’améliorer les analyses du cycle de vie en renforçant les études méthodologiques portant sur la «comptabilité carbone». Si l’initiative de normes et d’étiquetage du contenu en carbone doit rester privée et décentralisée à l’intérieur de l’UE, un cadre commun de mesure et d’évaluation est indispensable et du ressort de la Commission ou d’une agence dédiée.

1.12

Le CESE recommande de clarifier en amont de futures jurisprudences de l'Organisme du règlement des différends de l’OMC, dans quelle mesure les Procédés et méthodes de production (PMP) peuvent justifier une restriction aux échanges au nom de l’exception environnementale (1). Il préconise un élargissement du mandat du Comité Commerce Environnement de l’OMC visant à éclaircir les conséquences juridiques du différend États-Unis-crevettes.

2.   Mondialisation et climat

2.1

Ces dernières décennies ont été marquées par une expansion sans précédent du commerce international (21 % du PIB mondial en 2007, commerce intra-européen exclu), malgré un recul de 12 % en 2009 en raison de la crise. L’impact de la croissance économique, du transport et de la diffusion des technologies font du commerce international un élément incontournable des débats sur le changement climatique.

2.2

À ce jour, aucun cadre théorique complet n’établit ni ne détaille la totalité des interférences et des causalités liant le commerce au climat (2). La mesure des impacts du commerce sur le climat, et l’environnement de manière générale, est formalisée dans des travaux de recherche par le recours à trois variables qui se combinent. Une variable d’échelle: le commerce contribue à la hausse de l’activité économique, et en conséquence, à technologie constante, accroît les émissions. Une variable de composition: la recomposition géographique en vertu des avantages comparatifs peut s’accompagner d’une hausse ou d’une baisse des émissions selon le caractère polluant ou non des productions dans lesquelles se spécialisent les pays au gré de la mondialisation. Une variable technique: sous la pression des sociétés civiles avec le concours des entreprises et l’action des pouvoirs publics, des technologies plus propres voient le jour et réduisent les émissions. Les entreprises européennes soumises au SCEQE ont contribué à ce que l’UE atteigne les objectifs de réduction du protocole de Kyoto.

2.3

La somme de ces trois effets du commerce sur les émissions de CO2 est négative, en raison de la prépondérance du volume des échanges, que ne compense pas la diffusion des technologies propres pour l’instant. La distance entre les différents lieux de production et ceux de la consommation finale n’est pas le seul facteur à prendre en compte ni toujours celui qui a la prépondérance dans le bilan carbone.

2.4

Cependant, un lien spécifique avec le climat réside dans l’impact du commerce sur le transport (3), et in fine, sur les émissions. Le pétrole représente aujourd’hui 95 % de l’énergie utilisée par le transport dans le monde, de sorte que le secteur des transports nationaux et internationaux contribue à l’émission de gaz à effet de serre (un peu moins de 15 % des émissions totales).

2.5

La majeure partie du commerce international se fait par voie maritime (90 % en poids). Ce mode de transport reste parmi les moins polluants, en termes d’émission de CO2 par kilomètre et par tonne transportée. Néanmoins, les prévisions de croissance sont à prendre en considération. Selon l’Organisation maritime internationale (OMI), les émissions du transport maritime pourraient tripler d’ici à 2050 en particulier en raison de l’augmentation des échanges Sud-Sud.

2.6

Enfin, la menace d’une crise de l’eau constitue une autre conséquence grave liée au réchauffement du climat. D’ici 2020, sans action préventive, la moitié de la population mondiale pourrait être exposée à un risque de pénurie. Déjà plus de 1,5 milliards d’habitants de la planète sont privés d’accès à l’eau potable et d’assainissement. En outre, suivant le lieu, l’agriculture souffrira aussi du manque d’eau, faisant du commerce un élément stratégique dans la poursuite d’intérêts nationaux de sécurité énergétique, climatique et alimentaire. En contribuant à l’allocation efficace des ressources rares, le commerce international pourrait limiter la pression globale sur les ressources en eau.

3.   Rôle potentiel du commerce sur la diffusion des technologies d’atténuation et d’adaptation du climat

3.1

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a recensé une série de technologies d’atténuation et d’adaptation capables d’aider à surmonter les problèmes liés aux changements climatiques. Nombre de ces technologies figurent dans les négociations en cours à l’OMC au titre des biens et services environnementaux, tels que par exemple les turbines éoliennes et hydroélectriques, des chauffe-eau solaires, des cellules photovoltaïques ou des équipements nécessaires au fonctionnement des installations et des technologies utilisant des énergies renouvelables.

3.2

Ces négociations sur les biens et services environnementaux dans le cadre de Doha peuvent contribuer à l’amélioration de l’accès aux biens et technologies respectueux du climat. Néanmoins, les gains climatiques immédiats que l’on peut attendre de la libéralisation du commerce sont limités. Pour une large gamme de produits, et tel est le cas en particulier des énergies renouvelables, les barrières tarifaires sont faibles ou modérées (2 % en moyenne dans les pays riches, 6 % en moyenne dans les pays en développement). En revanche, les obstacles à l'investissement et les barrières non tarifaires restent un frein sérieux à leur diffusion notamment les normes techniques et industrielles, les contraintes administratives, la présence commerciale obligatoire dans le pays importateur pour le fournisseur de services, la limitation des activités pour les entreprises étrangères.

3.3

Dans la perspective d’une future stratégie commerciale à l’horizon 2020, prévue par la Commission, le CESE considère que cet avis apporte déjà des éléments d’appréciation à l’objectif annoncé qui vise à rechercher «des mesures en vue de l’ouverture des échanges dans les secteurs d’avenir tels que les technologies, les produits écologiques, les produits et les services de haute technologie et la normalisation internationale notamment dans les secteurs de croissance». En particulier, le CESE recommande que davantage d’études soient menées sur la dimension environnementale et sociale du changement climatique y compris dans la gestion des aspects de l'eau. Il encourage les sociétés civiles en Europe et dans les pays tiers à s’impliquer en amont des négociations commerciales bilatérales et régionales dans les études d’impact, en particulier sur le chapitre développement durable.

3.4

En matière d’eau potable, le commerce international peut intervenir dans le domaine de transfert de technologie (installations de dessalement d’eau de mer, réutilisation des eaux usées et techniques d’assainissement). Il convient donc d’intégrer cet aspect dans toute négociation distincte préconisée par le CESE pour le commerce des biens et services environnementaux.

3.5

En matière de transport, le CESE soutient l’adoption d’objectifs mondiaux fixés par la CCNUCC de moins de 10 % d’émissions pour le transport aérien et de moins de 20 % pour le secteur maritime. La décision du partage des efforts de réduction visera aussi le secteur du transport puisque l'aviation sera progressivement intégrée dans le SCEQE à partir de 2012. Une initiative européenne visant à établir des objectifs ambitieux d’efficacité énergétique dans le transport de haute mer contribuerait à cet effort.

3.6

Parmi les obstacles à la diffusion des technologies propres et services liés apparaît de manière récurrente la protection renforcée de la propriété intellectuelle. Des études ont montré que les droits de la propriété intellectuelle, surtout des brevets, ont connu une augmentation significative depuis la fin des années 90. S’il est vrai que les brevets, en particulier, permettent à leur détenteur de limiter la disponibilité, l’utilisation et le développement des technologies utiles pour lutter contre le changement climatique, ces études récentes démontrent que la propriété intellectuelle est une question-clef pour les investissements de long terme et le développement de technologies non encore disponibles. En revanche, elle ne semble pas être à court terme l’obstacle le plus déterminant à la diffusion de technologies propres. Le coût actuel des brevets dans ces technologies commercialisables reste en moyenne plutôt modeste. Il est plus important de remédier aux problèmes de faible exécution et respect des droits sur la propriété intellectuelle qui constituent encore une désincitation à l’exportation vers certains pays.

3.7

La lutte contre le changement climatique nécessite une action collective publique forte au niveau national et au niveau européen. À côté de la pression du marché (SCEQE), les pouvoirs publics doivent rapidement mettre en place des incitations financières et fiscales ciblées et développer les investissements Recherche et Développement de technologies et de services «propres» non encore commercialisables. Les collectivités territoriales peuvent accompagner le développement de technologies propres à l’occasion d’appel d’offre de marchés publics.

3.8

La causalité réciproque entre ouverture commerciale et croissance laisse ouverte la question de la responsabilité des entreprises et des consommateurs des pays importateurs dans les émissions. L’Europe et les États-Unis absorbent la moitié des exportations en provenance de Chine. La question se pose d’une «comptabilité carbone» qui ne se restreigne pas qu’aux sources primaires d’émission et à l’amont des filières, mais s’étende sur la totalité des composantes, depuis la conception jusqu’à la distribution.

3.9

Le Comité constate que la dispersion et la forte mobilité géographiques des filières mondialisées rend difficile aujourd’hui la mesure exacte et stable du contenu en carbone d’un produit. Cette difficulté, inhérente à la mise en concurrence d’un nombre accru d’activités et de tâches, ne facilite pas la définition de politiques commerciales visant à l’information et la sensibilisation des consommateurs comme les initiatives privées d’étiquetage, de label écologique et de certification. L’évolution des comportements et choix individuels en temps de crise montre que ces mécanismes doivent être encouragés mais pour le Comité ne remplacent pas une action normative des pouvoirs publics, avec taxation des émissions à la source. Il préconise d’améliorer les analyses du cycle de vie (ACV) et de renforcer les études sur les points méthodologiques difficiles portant notamment sur la comptabilité carbone, mais aussi sur les aspects financiers liés à l’établissement désagrégé de celle-ci au niveau de tous les acteurs successivement impliqués dans une filière.

3.10

Toute politique environnementale efficace doit pouvoir distinguer des produits selon leurs procédés et méthodes de production (PMP). La transition vers une économie faiblement émettrice de carbone ne se fera que s’il est possible de discriminer les produits fabriqués avec des méthodes peu émettrices de GES. Il s’agit donc de favoriser certaines techniques par rapport à d’autres. Si les consommateurs opèrent grâce à un étiquetage une distinction entre des biens selon la façon – écologique ou non – dont ils ont été produits, cela modifie ce rapport de concurrence et permet de conclure à la non-similarité entre deux produits fabriqués différemment.

3.11

Dans un monde où le prix du CO2 est différencié, la question de la similarité des produits – concept central à l’OMC – est incontournable dans les débats sur commerce et climat. Le CESE recommande de clarifier en amont de futures jurisprudences de l'Organisme du règlement des différends de l’OMC, dans quelle mesure les PMP peuvent justifier une restriction aux échanges au nom de l’exception environnementale (4).Il préconise un élargissement du mandat du Comité Commerce Environnement de l’OMC visant à éclaircir les conséquences juridiques du différend États-Unis-crevettes.

4.   Les liens entre compétitivité et climat

4.1

Les négociations commerciales et climatiques s’inscrivent dans deux temporalités différentes, les premières engageant des politiques et mesures à effet de très long terme, les secondes aux effets plus immédiats. La complexité des relations entre politiques commerciales et climatiques réside dans ce chevauchement de temporalités. Des mesures climatiques peuvent avoir des effets commerciaux de court terme, tandis que des mesures commerciales n’ont d’impact sur le climat qu’à un horizon très éloigné.

4.2

Dans un monde idéal, le CO2 connaîtrait un prix unique, accompagnant ainsi les économies du monde sur des trajectoires de croissance moins émettrices en gaz à effet de serre, sans créer de discriminations ou de distorsions de concurrence entre pays. L’état actuel des discussions sur le changement climatique montre que ce monde n’est pas pour demain. Pour de longues années encore, le prix du CO2 ne sera pas unique dans le monde - de 20 à 30 euros la tonne selon son niveau moyen anticipé au sein de l’espace européen, contre zéro dans l’écrasante majorité des autres pays ou régions.

4.3

Le CESE reconnaît que, dans ce monde imparfait, les risques de pertes de compétitivité et de «fuites» de carbone (migrations d’industries émettrices de GES hors des pays et régions où le CO2 est le plus taxé) concernent au premier chef le groupe de pays les plus volontaristes en matière de taxation des émissions de CO2, en l’occurrence l’Europe. L’élaboration et la mise en œuvre d’accords sectoriels internationaux constitue un débat ouvert depuis plus d’une décennie. Faute de consensus, ce chantier n’a pas abouti mais demeure une voie à explorer pour les industries énergivores. Le développement d’énergies renouvelables bon marché et les réseaux intelligents contribueraient aussi à limiter les risques de perte de compétitivité.

4.4

Le Comité soutient la proposition de la Commission (5) conforme à la déclaration de mars 2010, selon laquelle les entreprises européennes doivent pouvoir jouer à «armes égales» avec leurs concurrents étrangers. Dans l’immédiat, les secteurs exposés à un risque de fuite devraient recevoir, en fonction des négociations multilatérales sur le changement climatique, un surcroît d’allocation gratuite pouvant atteindre 100 % en début de période post-Kyoto (2013-2014).

4.5

À terme, dans la phase de mise aux enchères complète durant laquelle le prix des quotas pourra être assimilé à une taxe, des mesures d’ajustement aux frontières pourraient corriger les problèmes de pertes de compétitivité provoqués par des efforts de réduction d’émissions très supérieurs en Europe à ce qui se produit chez ses partenaires commerciaux. Qu’ils prennent la forme d’une taxe à l’importation ou mécanisme d’inclusion carbone aux frontières ou d’une obligation faite aux importateurs européens d’acheter des crédits d’émission au sein du système communautaire d’échange de quotas d’émission ou SCEQE, dit encore «marché carbone européen», ces mécanismes constitueraient des réponses à l’internalisation des coûts climatiques de l’activité économique des secteurs soumis au SCEQE.

4.6

Des études ont montré que les pertes de compétitivité et les «fuites» de carbone ne semblent pas significatives durant les deux premières phases de mise en place du SCEQE. Entre 2005 et 2012 les allocations de quotas d’émission sont généreuses et essentiellement gratuites (6). Faute d’un marché mondial du carbone qui resterait la solution idéale, le Comité économique et social européen soutient l’émergence de différents systèmes de plafonnement et d’échange de droits d’émission selon le système européen ou d’autres systèmes de plafonnement et d’échange aussi efficaces. Il préconise d’étudier toutes les difficultés et solutions pour leur harmonisation en s’appuyant sur les intégrations régionales et de tenir compte des fluctuations du système monétaire des changes.

4.7

Des risques de perte de compétitivité et de fuite existent pour la troisième phase du SCEQE (2013-2020) durant laquelle est prévue une allocation progressive par enchères et une réduction annuelle des quotas d’émission disponibles afin d’atteindre l’objectif d’une baisse des émissions de 20 % en 2020 par rapport à 1990. À terme, 100 % des quotas seront soumis aux enchères en 2025 avec un palier de 70 % en 2020. Si la réduction des émissions de 30 % était retenue, il conviendrait de réexaminer les paliers de mise aux enchères pour les moduler au regard des résultats des autres pays engagés dans l’accord de Copenhague.

5.   La réponse européenne: le paquet énergie-climat et ses implications sur le commerce

5.1

Face aux risques de pertes de compétitivité et de «fuite» de carbone découlant de la progressive mise aux enchères des quotas et au plafonnement des émissions en 2020, la Commission a proposé dans son «paquet» Climat-Energie une réponse en deux étapes. La première consiste à identifier les secteurs exposés sur la base de deux critères: l’intensité commerciale (ouverture aux échanges extraeuropéens) et l’impact coût du CO2. Une première liste des secteurs «sensibles» a été établie en décembre 2009 et sera revu tous les 5 ans. Entre 200 et 300 secteurs (7) ont été soumis à examen par la Commission. Le Comité économique et social européen préconise que seuls les secteurs qui satisfont aux critères cumulés de coût CO2 et d’intensité commerciale pourraient bénéficier à partir de 2013 de 100 % d’allocations gratuites de CO2 sur la base des référentiels communs de performance. Un premier examen dénombre une poignée de secteurs. En conformité avec cette exigence, le Comité relève que seuls 11 secteurs (8) ont satisfait aux critères cumulés de coût de CO2 et d’intensité commerciale.

5.2

Non contraignant et peu ambitieux, l’Accord de Copenhague reste très en-deçà du résultat souhaité par le CESE dans sa déclaration de novembre 2009. Déclaratif et dépourvu de la valeur juridique d’un traité, il laisse de surcroît non résolue la question de l’avenir du protocole de Kyoto. Cependant, il a l’avantage de fournir une première base d’inscription et de comparaison des efforts nationaux d’atténuation. Dans l’annexe de Copenhague, l’Europe conserve au sein de l’accord son offre conditionnelle de réduction de 30 % des GES «si les autres pays industrialisés s’engagent à réaliser des efforts comparables».

5.3

En l’état des niveaux d’engagement des autres pays industrialisés, l’Europe pourrait s’en tenir à l’objectif de – 20 %. Ainsi elle choisirait de limiter les problèmes de perte de compétitivité et de «fuite» de carbone auxquels feraient face les secteurs européens soumis au système européen d’échange de quotas d’émission. Pour autant, un tel choix n’élimine par complètement la question des fuites carbones pour deux raisons:

La première est que les objectifs et engagements de réduction des autres pays sont- tout juste consignés dans l’Annexe de l’Accord de Copenhague, sans qu’aucun mécanisme juridique de comparaison des émissions entre pays ne soit clairement défini.

La seconde est qu’en dépit de l’annonce de création de marchés carbone dans quelques endroits du monde (Canada en 2010, Australie en 2011, États-Unis en 2012), les dates ne cessent de «glisser». Les prix du CO2 attendus sur ces marchés encore très limités restent en deçà du prix communautaire moyen.

5.4

En conditionnant son offre de réduction des émissions de 30 % en 2020 aux efforts et engagements des autres pays, l’Europe s’est rendue dépendante d’un hypothétique accord multilatéral pour provoquer une réelle bifurcation de sa trajectoire de développement vers un modèle sobre en carbone et parvenir ainsi à diviser par 4 ses émissions en 2050. Indépendamment de toute condition et objectif de ce type, la «décarbonisation» progressive de l’économie est pensée dans l’espace américain et chinois dans une logique «bottom up» unilatérale d’investissement et d’innovation. En un sens, l’accord de Copenhague est un pari sur la technologie. Un pari que doit aussi relever l’Europe.

5.5

Pour développer une économie verte et conserver son leadership en la matière, l’Europe devrait donc, dans son propre intérêt et celui du climat, conserver une haute ambition de réduction progressive pour atteindre une réduction de 80 % en 2050, avec par exemple un objectif intermédiaire de 25 à 40 % entre 2020 et 2030. Le Comité propose de développer des analyses d’impact (environnement, emploi et développement) pour anticiper les transitions entre 2020 et 2050.

5.6

La fixation de cet objectif intérimaire doit être assortie de mesures règlementaires et fiscales favorisant un surcroît d’investissement dans la recherche et le développement de technologies propres. Comme le souligne la Communication Europe 2020 de la Commission (9) , les dépenses de R&D sont inférieures à 2 % en Europe alors qu’elles sont de 2,6 % aux États-Unis et de 3,4 % au Japon, en raison principalement du faible niveau des investissements privés. Ces niveaux de dépense en R&D sont incohérents avec les objectifs de l’Union (3 %) et les enjeux climatiques. Pour concrétiser cette voie, le Comité propose de développer des analyses d’impact (environnement, emploi et développement) pour anticiper les transitions à l’étape prochaine de 2020 et aux étapes ultérieures (2030, 2040, 2050).

5.7

Dans les deux cas, option frileuse ou option ambitieuse, les pays membres de l’UE risquent pendant quelques années encore d’être parmi les rares pays à fixer un prix au CO2 (à un niveau non dérisoire) à travers un marché d’échange de quotas d’émission. Sans renoncer à ses hautes ambitions multilatérales pour les prochaines conférences des parties (COP) du Mexique (2010) et de l’Inde (2011), l’Europe ne doit pas courir le risque de négliger les politiques «bottom up» de recherche, d’innovation et d’investissement. Mais à tout miser sur l’effet du marché carbone, l’UE court le risque de négliger d’autres politiques utiles pour favoriser la recherche, l’innovation et l’investissement. Déjà les différents plans de relance en Europe, en comparaison avec l’Asie et l’Amérique, ont manqué cet objectif.

5.8

Avec circonspection, le Comité économique et social européen recommande de faire preuve de pragmatisme dans le traitement des fuites de carbone. Déjà largement répandue, l’allocation gratuite doit continuer d’être privilégiée par cohérence avec les choix stratégiques de l’Union. L’ajustement aux frontières ne trouverait pas de justification à l’OMC tant que l’Union Européenne privilégie l’allocation gratuite – le SCEQE en effet n’est assimilable à une taxe (et donc ajustable aux frontières) que dans l’éventualité où les quotas sont intégralement mis aux enchères. Le plus opportun serait de requérir de tels ajustements à titre transitoire pour une poignée de lignes tarifaires, sur des risques avérés de fuite carbone, lorsque le recours à l'allocation gratuite aura été épuisé. Seuls des ajustements très ciblés et argumentés dans l’unique perspective, et c’est bien le principal acquis de Copenhague, de contenir la hausse de la température en deçà de 2 °C pourraient être soutenus devant l’Organisme des règlements des différends de l’OMC.

5.9

À moyen terme, un tel choix suppose un financement conséquent d’une politique européenne de l’atténuation. Elle est amorcée par les projets pilotes sur la capture et le stockage du carbone qui comprend un comité de suivi sur les investissements et le partage de la propriété intellectuelle. La sortie des mesures d’ajustement temporaires ne peut être crédible qu’accompagnée de politiques d’innovation qui visent à rechercher les solutions d’un développement durable.

Bruxelles, le 26 mai 2010.

Le président du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  Article XX OMC. L’article XX de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) prévoit la possibilité d’exemption des règles de libre échange si les mesures sont justifiées par la protection de l’environnement.

(2)  Commerce et changement climatique, OMC et PNUE, juin 2009.

(3)  CESE 461/2010, pas encore publié au J.O.

(4)  Cf. note de bas de page 16.

(5)  Directive 2009/29/CE, J.O. no L 140 du 5.6.2009, p. 63.

(6)  La première phase du SCEQE (2005-2007) était une phase pilote d’apprentissage qui a permis d’établir le prix du carbone, le libre-échange des quotas d’émission dans toute l’UE et l’infrastructure nécessaire pour surveiller, déclarer et vérifier les émissions réelles des entreprises concernées. La phase 2 (2008-2012), coïncide avec la première période d’engagement du protocole de Kyoto – période de cinq ans pendant laquelle l’UE et ses États membres doivent atteindre leurs objectifs d’émission définis par le protocole. Une surallocation des quotas durant la première phase a conduit à un effondrement des cours du CO2 à l’ouverture de la seconde phase. La sur allocation pendant la seconde phase dans certains secteurs persiste.

(7)  Soit l’article 10a(15) de la Directive 2003/87/CE, selon lequel «Un secteur ou sous-secteur est considéré comme exposé à un risque important de fuite de carbone si: la somme des coûts supplémentaires directs et indirects induits par la mise en œuvre de la présente directive entraîne une augmentation significative des coûts de production, calculée en proportion de la valeur ajoutée brute, d’au moins 5 %; et si l’intensité des échanges avec des pays tiers, définie comme le rapport entre la valeur totale des exportations vers les pays tiers plus la valeur des importations en provenance de pays tiers et la taille totale du marché pour la Communauté (chiffre d’affaires annuel plus total des importations en provenance de pays tiers), est supérieure à 10 %». Ces secteurs sont: la fabrication de produits amylacés, la fabrication de sucre, la production d'autres boissons fermentées, la production d'alcool éthylique de fermentation, la fabrication de papier et de carton, la fabrication de produits pétroliers raffinés, la fabrication de verre plat, la fabrication de verre creux, la fabrication de carreaux en céramique, la fabrication de tubes en fonte, la métallurgie du plomb, du zinc ou de l'étain. Si on ajoute à ces deux critères un critère de surcoût de 30 % ou une ouverture commerciale supérieure à 30 %, la liste s’étend à 16 autres secteurs, soit un total de 27.

(8)  Décision de la Commission du 24.12.2009, notifiée sous le numéro C(2009) 10251 (1), J.O. no L 1 du 5.1.2010, p. 10-18.

(9)  COM(2010) 2020 «Europe 2020: une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive».


21.1.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 21/21


Avis du Comité économique et social européen sur «Les relations UE-ANASE»

2011/C 21/04

Rapporteur: Claudio CAPPELLINI

Le 26 février 2009, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur:

«Les relations UE-ANASE».

La section spécialisée «Relations extérieures», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 11 mai 2010.

Lors de sa 463e session plénière des 26 et 27 mai 2010 (séance du 26 mai 2010), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 163 voix pour et 5 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le CESE souligne qu'il est primordial et nécessaire de renouveler et d'approfondir les relations entre les institutions de l'UE et l'ANASE. Élaboré dans cet esprit, l'avis du Comité s'inscrit dans le prolongement d'un certain nombre d'autres documents sur le même thème (1) qui, il a plus de dix ans, mettaient déjà l'accent sur l'importance, pour l'Union européenne, de se rapprocher du Sud-Est asiatique. Dans ces avis, le CESE insistait également sur la contribution fondamentale que l'Union pouvait apporter à l'intégration régionale en Asie.

1.2   Force est malheureusement de constater que le partenariat entre l'UE et l'ANASE n'a pas progressé comme on l'espérait. En dépit des efforts entrepris, principalement ces dernières années et notamment sur le plan financier, pour stimuler le dialogue structuré entre l'UE et l'ANASE dans différents domaines (politique, coopération, commerce, etc.), les résultats tangibles laissent à désirer et le dialogue avec les sociétés civiles et entre celles-ci est encore loin d'avoir atteint tout son potentiel. La décennie écoulée semble avoir été davantage un rendez-vous manqué que l'occasion de renforcer le partenariat avec une région jugée stratégique pour les intérêts de l'UE dans le monde (2). À cet égard, le cas des négociations commerciales est révélateur. Alors que l'UE et l'ANASE ont décidé de suspendre ces négociations, l’ANASE a conclu des accords commerciaux avec les autres principales régions géoéconomiques du monde, c'est-à-dire la Chine, l'Inde et l'Australie, et mène actuellement des négociations avec les États-Unis, la Corée du Sud et le Japon.

1.3   Aujourd'hui, dans un contexte international qui a profondément changé, où les contraintes politiques et économiques sont plus nombreuses qu'il y a dix ans mais où de nouvelles possibilités d'intégration et de dialogue sont aussi apparues, l'avis du CESE a pour objet de présenter un certain nombre de réflexions et de propositions opérationnelles utiles pour relancer les relations entre l'UE et l'ANASE.

1.4   Le Comité rappelle que la garantie de conditions de travail dignes et respectant les huit conventions de l'OIT qui constituent les normes fondamentales en matière de travail reste une condition sine qua non pour faire progresser le partenariat régional. De plus, dans le cas de la Birmanie, le problème de la protection des droits humains constitue un obstacle insurmontable à la possibilité d'engager des négociations éventuelles avec ce pays, comme le Parlement européen notamment l'a parfaitement souligné en 2008. Aussi le CESE se félicite-t-il que les négociations commerciales entre l'UE et l'ANASE se fixent des objectifs plus ambitieux que les autres accords commerciaux conclus par l'ANASE, en particulier concernant les normes en matière de travail et d'environnement ainsi que le dialogue social (3). Dans cette perspective, il convient de considérer l'approche bilatérale (voir paragraphe 4.2.2) comme un premier pas vers la conclusion d'accords économiques et commerciaux au niveau régional ou multilatéral, et non comme une renonciation à de tels accords. Dans son avis sur les négociations en vue de la conclusion de nouveaux accords de commerce (CESE 773/2008), d'avril 2008, le Comité avait clairement expliqué que dans ces tractations comme dans les autres envisagées par sa communication «Une Europe compétitive dans une économie mondialisée», il conviendrait que la Commission fasse des 27 conventions identifiées par le système du SPG Plus le seuil minimal de discussion du chapitre du développement durable pour les négociations ouvertes avec les pays d’Asie. Cette observation s'applique à celles menées avec l'ANASE. Ce même avis reconnaissait toutefois que cette exigence nécessitait «une appréciation différenciée». De même, il précisait (paragraphe 1.2) que les accords bilatéraux doivent être «compatibles avec le multilatéralisme», voire être «susceptibles de le renforcer».

1.5   L'expérience a montré les avantages mutuels que procurent la coopération et le dialogue avec des partenaires internationaux dans différentes régions du monde. Ils permettent de mieux se comprendre et d'appréhender plus efficacement les enjeux et les difficultés à résoudre. Aussi le CESE met-il en évidence la nécessité d'une participation accrue des partenaires sociaux et des organisations de la société civile (de l'Union mais aussi des pays tiers) au processus d'évaluation d'impact sur la durabilité socio-économique des accords de libre-échange avec les pays de l'ANASE et sur la vulnérabilité des groupes de population les plus exposés à la concurrence, ainsi que la nécessité de favoriser le renforcement de la société civile et le développement durable dans le cadre du «dialogue structuré» UE-ANASE. À cet égard, il convient de souligner les relations avec l'UE ont été les plus efficaces dans les pays de l'ANASE dans lesquels les organisations de la société civile sont le plus solidement ancrées (par exemple en Indonésie, en Thaïlande et aux Philippines). Actuellement, le défi consiste à définir des modalités permettant d'établir une coopération efficace avec les organisations de la société civile les plus faibles dans les autres pays de la région.

1.6   Le CESE souhaite, en collaboration avec les autres institutions européennes, promouvoir et faciliter le renforcement du dialogue avec les sociétés civiles des pays membres de l'ANASE, en particulier concernant les groupes de population les plus vulnérables, et est disposé à offrir son expertise à cette fin. Cette mission pourra sans aucun doute être facilitée et renforcée si elle est réalisée en étroite coopération et intégration avec le nouveau Service européen d'action extérieure de l'UE.

1.7   Le Comité propose la création d'une plateforme intégrée et inclusive des organisations sociales UE-ANASE à l'appui des principaux thèmes du processus d'intégration interrégionale, mais aussi le renforcement des organisations qui représentent les intérêts de la société civile locale, en particulier dans les pays dans lesquels ces organisations sont plus faibles. Ce nouvel instrument de coopération entre les acteurs de la société civile de l'UE et de l'ANASE favoriserait une stratégie intégrée de renforcement des capacités grâce à des échanges d'expériences sur des cas d'étude spécifiques et différents aspects du processus d'intégration, tels que le dialogue socioculturel, la coopération scientifique et en matière de production, les services d'intérêt général, la gestion des crises, etc.

1.8   Dans cet esprit, le Comité propose d'examiner s'il est possible de mettre en place, le cas échéant avec la participation de la Fondation ANASE (4) et /ou de la Fondation Asie-Europe (ASEF) (5), une fondation européenne orientée plus précisément vers le dialogue social, civil, professionnel et interculturel UE-ANASE. Un programme d'activités annuel réaliste permettrait aux institutions communautaires publiques concernées de procéder à une supervision utile.

1.9   Le Comité propose en outre que soit élaboré à court terme un «rapport annuel sur l'état des modèles et systèmes de participation au sein de l'ANASE» afin d'évaluer les progrès accomplis dans des secteurs clés, par exemple la sécurité alimentaire, l'eau, la santé. Ce rapport serait l'occasion d'effectuer à intervalles régulier un examen et un contrôle des activités effectivement mises en œuvre pour promouvoir la dimension socioculturelle et pourrait faciliter notamment la comparaison avec des modèles et actions similaires mises en place par les principaux organismes internationaux, en particulier la FAO, mais aussi par d'autres acteurs internationaux (par exemple les États-Unis, le Japon, etc.).

1.10   Dans le but de promouvoir le dialogue et la coopération institutionnelle entre les partenaires sociaux, le Comité propose l'établissement d'un dialogue permanent entre les fonctionnaires de l'ANASE et les délégués du CESE. Il préconise par ailleurs de créer des occasions d'organiser, à intervalle régulier, des discussions et coopérations institutionnelles, notamment en relation avec les principaux événements de l'organisation et les moments-clés du dialogue structuré UE-ANASE et ASEM. Par exemple, la Commission devrait promouvoir un dialogue permanent entre les représentants de l'ANASE, à tous les niveaux, et ceux de la société civile organisée européenne (et nationale intéressée) sur la base d'un programme d'action défini d'un commun accord et réaliste (par exemple discussion des avis du CESE dans les pays membres de l'ANASE). Ces activités devraient déboucher sur une forme d'évaluations qualitatives/quantitatives aisément compréhensibles dans les différentes langues de l'Union européenne et de l'ANASE. Un forum UE-ANASE placé sous l'égide du CESE pourrait se révéler intéressant pour les différentes institutions et organismes publics et privés.

2.   L'ANASE: caractéristiques et évolution

2.1   Depuis sa création, l'ANASE est passée par un processus de maturation lent et progressif qui en a fait, au fil du temps, une organisation différente et plus complexe. Mise en place dans le contexte géopolitique de la guerre froide, en raison d'impératifs liés à la sécurité territoriale, à la légitimation d'États qui avaient acquis leur indépendance depuis peu et à la promotion du multilatéralisme, l'ANASE a petit à petit étendu son processus d'intégration régionale, d'abord dans les secteurs économique et commercial, pour ensuite s'engager, notamment à la suite de la crise économique de 1997, dans un processus plus poussé d'intégration institutionnelle, politique, économique et socioculturelle.

2.2   Depuis la signature des traités instituant la Communauté européenne et, plus récemment, le passage à la monnaie unique et l'élargissement à l'Est, l'UE est une «source d'inspiration naturelle» pour l'ANASE et le «dialogue structuré» UE-ANASE a sans aucun doute eu une influence sur les évolutions récentes du processus d'intégration du Sud-Est asiatique. La charte ANASE du 15 décembre 2008 (6) a doté l'association de la personnalité juridique. À l'occasion du 14e sommet des chefs d'État ou de gouvernement de 2009, l'ANASE a établi une feuille de route visant à mettre en place un marché commun ici à 2015. La communauté ANASE s'est donc dotée d'une structure à trois piliers: la communauté économique (AEC), la communauté politique et de sécurité (APSC) et la communauté socioculturelle (ASCC) (7).

2.3   La mise en œuvre de la communauté économique fait suite à la libéralisation commerciale prévue par l'accord AFTA (ASEAN Free Trade Area) et à la libéralisation des investissements au sein de la zone des pays de l'ANASE, régie par l'accord AIA (ASEAN Investment Area), qui accorde une dérogation de 5 ans aux pays CLMV (8). La communauté politique et de sécurité est toujours essentiellement liée au dialogue intergouvernemental. La coopération socioculturelle concerne principalement la coopération en matière d'éduction, de développement des ressources humaines, des TIC, d'emplois publics, du bien-être, de la réduction de la pauvreté, de la sécurité alimentaire, de la prévention et de la surveillance des maladies infectieuses, de la gestion des catastrophes naturelles, de la protection des droits des enfants, des femmes et des personnes moins valides ainsi que de la protection de l'environnement.

2.4   Le renforcement institutionnel de l'ANASE s'est accompagné d'un rôle accru de l'organisation au niveau international. Le 1er janvier 2010, des accords de libre-échange sont entrés en vigueur avec l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la Chine et l'Inde. L'accord avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande (ASEAN-Australia-New Zealand Free Trade Area, AANZFTA) prévoit la libéralisation du commerce des biens (99 % des produits importés d'Indonésie, de Malaisie, des Philippines et du Viêt Nam), des services et des investissements.

2.5   L'accord de libre-échange avec la Chine (China ASEAN Free Trade Area, CAFTA) abolit les droits de douane pour 7 000 groupes de produits (environ 90 % des positions tarifaires), créant ainsi un marché intégré d'environ 1,9 milliard de consommateurs avec un volume d'échanges d'environ 4,5 milliards de dollars. Une période de transition a été accordée aux pays CLMV jusqu'en 2015.

2.6   L'accord avec l'Inde (ASEAN India Trade In Goods, TIG) prévoit une libéralisation tarifaire progressive pour plus de 90 % des produits échangés, y compris des «produits spéciaux» comme l'huile de palme, le café, le thé et le poivre. Dans ce cas aussi, l'accord permet la mise en place d'un énorme marché intégré de plus de 1,8 milliard de consommateurs.

2.7   L'ANASE entretient par ailleurs des relations privilégiées en matière de coopération politique et économique avec la Corée du Sud, le Japon et la Chine (bloc ASEAN+3) ainsi qu'avec les États-Unis qui, on le sait, ont des intérêts stratégiques dans le sud-est du Pacifique et ont déjà conclu un accord de libre-échange avec Singapour. Dans ce contexte, la proposition du président Obama (les négociations sont en cours depuis mars dernier) d'étendre le partenariat transpacifique (TPP, qui englobe actuellement le Brunei, le Chili, la Nouvelle-Zélande et Singapour) aux États-Unis ainsi qu'à l'Australie, au Pérou et au Viêt Nam présente un intérêt stratégique particulier.

3.   Les relations UE-ANASE: état des lieux

3.1   L'importance des relations entre l'UE et l'ANASE apparaît clairement lorsqu'on se penche sur les relations commerciales et financières entre ces deux réalités géoéconomiques. Dans sa communication «Une Europe compétitive dans une économie mondialisée» de 2006, la Commission classe l'ANASE parmi les marchés prioritaires compte tenu de son important potentiel de croissance: entre 2004 et 2008, les échanges de biens et de services entre l'UE et l'ANASE ont augmenté de plus de 25 % pour atteindre 175 milliards d'euros en 2008 (données de la DG Trade).

3.2   Comptant pour environ 7 % des importations totales de l'Union européenne, l’ANASE est actuellement le troisième partenaire commercial de celle-ci, après les États-Unis et la Chine. La balance commerciale de l'UE avec l'ANASE enregistre un déficit considérable, qui était de près de 25 milliards d'euros en 2008 (données Eurostat). L’UE importe essentiellement des machines (29,2 milliards d'euros en 2008) et des produits agricoles (12,4 milliards d'euros en 2008). En revanche, la balance des services est excédentaire (+2,6 milliards d'euros en 2007, données Eurostat).

3.3   S'agissant des investissements, pour la période 2005-2008, les flux de capitaux UE-ANASE ont enregistré une hausse de 200 % en valeur (atteignant, selon les chiffres d'Eurostat, un montant total de 105,4 milliards d'euros). Les investisseurs européens sont à l'origine d'environ 27 % des investissements directs étrangers (IDE) globaux à destination des pays de l'ANASE. L'écrasante majorité de ces investissements sont destinés à Singapour (65 %), puis à la Malaisie (9 %), à la Thaïlande, à l'Indonésie, à Brunei et au Viêt Nam (5-7 % chacun), alors que moins de 1 % des investissements sont destinés aux autres pays. Au cours de la même période, les flux de capitaux ANASE-UE ont toutefois augmenté de manière significative, puisqu'ils sont passés de 29,7 à 43,6 milliards d'euros en 2007 (données Eurostat). 85 % des capitaux qui sortent de la zone ANASE ne proviennent cependant que de deux pays: Singapour et la Malaisie (9).

3.4   En dépit de l'intensification des relations commerciales et financières, les marchés de l'ANASE continuent à imposer d'importantes barrières tarifaires et non tarifaires. La suppression de ces barrières grâce à la mise en œuvre d'un accord de libre-échange UE-ANASE comporterait des avantages évidents pour l'Union, surtout dans le secteur des services, mais aussi pour les pays de l'ANASE pour lesquels les bénéfices, bien qu'ils soient différents, semblent d'autant plus importants que l'intégration est poussée (voir TSIA, DG Trade) (10).

3.5   Les négociations commerciales engagées en juillet 2007 entre l'UE et 7 pays de l'ANASE ne faisant pas partie des pays les moins avancés («non-PMA») (11) ont été suspendues d'un commun accord en mars 2009: le caractère très hétérogène des partenaires ANASE sur le plan économique (divergences concernant le développement humain, l'espérance de vie, le niveau de pauvreté, les priorités en matière de dépenses publiques), la diversité des politiques commerciales mais aussi les profondes divergences de nature politique (il suffit de mentionner la dictature militaire et la question des droits de l'homme en Birmanie/Myanmar) se sont avérés être des obstacles insurmontables, y compris pour les négociations commerciales. Sur ce point, le Comité confirme la position du Parlement européen qui, en janvier 2008, avait émis un avis négatif quant à l'opportunité de conclure un accord commercial avec la Birmanie/Myanmar sous le régime militaire actuel.

3.6   Alors que l'intégration économique et commerciale a enregistré un certain ralentissement, les relations politiques et institutionnelles UE-ANASE se sont petit à petit renforcées ces derniers temps, même si elles sont exclusivement de type intergouvernemental. Il convient de mentionner à cet égard le programme ANASE-UE de soutien à l'intégration régionale (phase I et phase II) (12); l'initiative commerciale transrégionale UE-ANASE (TREATI) (13) et l'Instrument de dialogue régional UE-ANASE (READI) (14).

3.7   Outre ces accords, les deux entités ont récemment signé une déclaration conjointe sur la lutte contre le terrorisme (14e rencontre ministérielle de 2003) (15) et ont adopté, lors de la 16e rencontre ministérielle à Nuremberg, le 15 mars 2007, un Plan d'action commun (plan d'action de Nuremberg pour la période 2007-2012).

3.8   L'UE et l'ANASE coopèrent en outre sur le plan politique dans le cadre de rencontres conjointes entre leurs ministres des affaires étrangères et hauts fonctionnaires. La 17e réunion des ministres des affaires étrangères UE-ANASE, qui s'est tenue à Phnom Penh, au Cambodge, les 27 et 28 mai 2009, a été l'occasion de dresser un bilan des deux premières années de mise en œuvre du plan d'action de Nuremberg et de débattre de questions imprévues (comme la crise mondiale et le risque de pandémie liée au virus A/H1N1). En conclusion de cette réunion, un nouveau document a été adopté, l'Agenda de Phnom Penh, qui établit des priorités et les objectifs à réaliser en 2009-2010.

3.9   Bien qu'elle ne fasse pas partie du dialogue UE-ANASE, il convient toutefois de mentionner l'expérience positive que constitue l'AEM (réunion Asie-Europe), qui est actuellement la principale voie de communication multilatérale entre l'Europe et l'Asie (16). L'ASEM organise des sommets bilatéraux biennaux de nature intergouvernementale (17), le Forum des peuples Asie-Europe (Asia Europe People's Forum), le Partenariat parlementaire Asie-Europe (Asia-Europe Parliamentary Partnership) et le Forum d'affaires Asie-Europe (Asia-Europe Business Forum) ainsi que le réseau d'information transeurasie (Trans-Eurasia Information Netword, TEIN), (18) une plateforme Internet destinée à favoriser la coopération scientifique dans les domaines de l'éducation et de la recherche.

4.   Les principaux thèmes des relations UE-ANASE

4.1   Sans prétendre épuiser la question, le Comité juge utile d'attirer l'attention sur un certain nombre de thèmes prioritaires et d'aspects critiques jugés stratégiques pour l'évolution future des relations UE-ANASE, dans le but de fournir des lignes directrices et options relatives à des actions concrètes.

4.2   Comme souligné ci-dessus, les négociations commerciales entre l'UE et l'ANASE sont actuellement suspendues. Dans le souci de maintenir son engagement dans la région, l'UE a entamé des négociations en vue de la conclusion d'accords bilatéraux de libre-échange avec certains États membres de l'ANASE (à commencer par Singapour et le Viêt Nam).

4.2.1   Il est indéniable que les pays de l'ANASE restent une réalité hétérogène, tant d'un point de vue politique et institutionnel (l'association inclut des régimes démocratiques et des régimes autoritaires, ainsi que de véritables dictatures militaires, comme dans le cas de la Birmanie/Myanmar), que d'un point de vue économique (les disparités sont par exemple frappantes entre les économies ANASE-6 et les 4 nouveaux CLMV concernant l'ensemble des indicateurs de développement socioéconomique). De plus, les institutions de l'ANASE (secrétariat et présidence) n'ont pas de mandat de négociation. Une certaine prudence est en outre de mise concernant les coûts sociaux d'une intégration économique approfondie pour les CLMV (19).

4.2.2   L'option bilatérale reste néanmoins un «second choix» et les États membre de l'ANASE ont vivement critiqué l'exclusion de certains pays des négociations (Birmanie, Cambodge et Laos). De plus, la nécessité de favoriser de véritables négociations sur une base régionale est essentielle pour renforcer la présence européenne dans la région et favoriser notamment un meilleur dialogue avec la Chine, compte tenu des liens étroits qui existent entre les économies de cette région. Dans cet esprit, l'engagement de négociations bilatérales avec les pays de l'ANASE doit exclusivement être considérée comme un premier pas vers un accord plus large de partenariat politique et économique de nature régionale, tant en raison de l'importance de l'Asie au niveau des équilibres politiques et économiques internationaux et, indirectement, des relations UE-Chine, qu'en raison de la volonté des pays du Sud-Est asiatique de créer un marché commun d'ici à 2015, un objectif que l'UE soutient techniquement et financièrement.

4.3   L'UE négocie actuellement des accords spécifiques de coopération élargie (Partner and Co-operation Agreements – PCA) avec les pays de l'ANASE et soutient l'«initiative pour l'intégration de l'ANASE (IAI)», ainsi que les initiatives relatives aux zones de croissance subrégionale (20). En outre, la coopération dans le secteur de l'éducation et de la formation professionnelle a été renforcée, avec pour principal objectif de relever les normes d'enseignement et de promouvoir l'apprentissage des langues et l'utilisation des technologies d'information et de communication modernes (21).

4.3.1   La sécurité alimentaire étant une question sensible, l'UE entend en outre renforcer la collaboration avec la FAO dans la région. En coopération avec l'ANASE, la FAO a élaboré un cadre intégré pour la sécurité alimentaire (ASEAN Integrated Food Security Framework, AIFS) et un plan d'action stratégique sur la sécurité alimentaire (Strategic Plan of Action for Food Security (SPA-FS)) et réalise actuellement dix études de pays concernant les répercussions de la crise sur la sécurité alimentaire dans la région. La FAO est par ailleurs en train d'élaborer un mémorandum d'accord avec l'ANASE pour formaliser leurs relations mutuelles et faciliter l'assistance technique concernant la sécurité alimentaire dans la région.

4.3.2   Compte tenu de la vulnérabilité socioéconomique de la région à l'égard des chocs extérieurs et des répercussions additionnelles que la conclusion d'accords en matière de libéralisation du commerce aura probablement sur certains États membres et certains groupes de population davantage exposés à la concurrence, il est souhaitable qu'une attention accrue soit accordée à ces aspects de la coopération économique, y compris concernant le partage des connaissances avec les autres institutions internationales et centres de recherche.

4.4   La coopération politique entre l'UE et l'ANASE reste essentiellement de nature intergouvernementale et se déroule sous la forme de rencontres (biennales) régulières entre les différents ministres des affaires étrangères et hauts fonctionnaires. Ces réunions ministérielles ont cependant favorisé une convergence croissante des positions des parties prenantes en matière de politique étrangère. L'UE, par exemple, a demandé à adhérer au traité d'amitié et de coopération en Asie du Sud-Est et l'ANASE a, à cet effet, accepté d'étendre ledit traité à des entités juridiques supranationales.

4.4.1   S'agissant de la coopération socioculturelle, elle est régie, pour la période 2009-2010, par l'agenda de Phnom Penh, qui fixe des objectifs communs à réaliser dans différents secteurs, de la sécurité sanitaire à la protection du patrimoine artistique et culturel en passant par la science, la technologie et la formation professionnelle. Cependant, dans le domaine de la coopération sociale notamment, la participation de la société civile reste paradoxalement modeste. Font en effet encore défaut des forums qui permettraient aux partenaires sociaux et aux autres citoyens d'exprimer pleinement leurs exigences et attentes face à la situation actuelle et aux perspectives de coopération entre l'UE et l'ANESE (22).

4.4.2   Enfin, s'agissant des droits humains, le Comité ne peut que se réjouir de la mise en place récente (avec l'entrée en vigueur de la Charte ANASE) d'une commission intergouvernementale en la matière. Bien que cet organe soit privé (du moins pour le moment) de pouvoirs contraignants et de sanction et que son rôle consiste dès lors moins à protéger les droits humains qu'à les promouvoir, il constitue sans aucun doute un premier pas vers une protection plus complète des droits en question dans les années à venir. Le Comité rappelle toutefois que, compte tenu de la situation actuelle en matière de droits humains en Birmanie/Myanmar, il n'est pas possible de poursuivre les négociations avec la dictature militaire actuellement au pouvoir dans ce pays.

Bruxelles, le 26 mai 2010.

Le président du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  EXT/132 de 1996; EXT 153 de 1997.

(2)  Voir la récente communication de la Commission «Une Europe compétitive dans une économie mondialisée» de 2006.

(3)  Bien que les deux situations soient tout à fait incomparables, le chapitre 13 de l'Accord de libre-échange entre l'UE et la Corée du Sud peut être considéré comme un modèle de référence utile.

(4)  La Fondation ANASE a été mise en place le 15 décembre 1997 à Kuala Lumpur à l'occasion du trentième anniversaire de l'Association. Elle a pour objectif d'améliorer les conditions de vie et le bien-être des populations d'Asie du Sud-Est et de promouvoir une sensibilisation accrue aux avantages que procure le processus d'intégration régionale grâce à la mise en place de contacts entre les peuples et de collaborations entre institutions sociales et universitaires.

(5)  La Fondation Asie-Europe (ASEF), créée en février 2007 par les États membres de l'ASEM, doit promouvoir le dialogue et la collaboration entre les populations de l'Asie et de l'Europe par la promotion d'échanges culturels, intellectuels et entre les peuples en associant les sociétés civiles des pays concernés et les collectivités.

(6)  Voir la Charte de l'ANASE, Singapour, le 20 novembre 2007. Ce traité constitutionnel fournit l'architecture de base de l'association. La charte comporte un préambule, 13 chapitres et 55 articles.

(7)  Voir ASEAN Economic Community (AEC) Blueprint (Singapour, 20 novembre 2007); ASEAN Political-Security Community (APSC) Blueprint (Cha-Am, 1e mars 2009) et ASEAN Socio-Cultural Community (ASCC) Blueprint (Cha-Am, 1er mars 2009).

(8)  L'acronyme CLMV se réfère aux membres les plus récents de l'Association (Cambodge, Laos, Myanmar et Viêt Nam).

(9)  Sur les 18 multinationales ANASE qui font partie des 100 premières au niveau mondial, 11 sont implantées à Singapour et 6 en Malaisie (données UNCTAD).

(10)  DG Trade, Trade Sustainability Impact Assessment (TSIA) of the FTA between the EU and ASEAN, juin 2009, TRADE07/C1/C01 – Lot 2.

(11)  Indonésie, Malaisie, Singapour, Brunei, Thaïlande, Philippines, Viêt Nam.

(12)  Le programme d'aide à l'intégration régionale ANASE-UE (APRIS I, ASEAN-EU Programme for Regional Integration Support), signé à Jakarta en septembre 2003 est doté d'une enveloppe de 4,5 millions d'euros destinés à la réalisation des objectifs prévus par le plan d'action de Vientiane, à la réalisation de la fenêtre unique ANASE pour l'harmonisation des procédures douanières, à la réduction des obstacles techniques au commerce, à l'alignement des normes qualitatives dans la région et à l'assistance technique au secrétariat ANASE. En revanche les principaux objectifs d'APRIS II (voir le programme d'aide à l'intégration régionale ANASE-UE (APRIS) phase II, Jakarta, novembre 2006) sont les suivants: dans le secteur commercial, favoriser l'alignement des normes ANASE sur les normes internationales; en matière d'investissements, favoriser l'adoption d'un plan d'action pour accélérer la suppression des barrières à l'entrée et à la libre-circulation des capitaux dans la région; en matière institutionnelle, promouvoir le renforcement du mécanisme ANASE pour le règlement des conflits et fournir une assistance au secrétariat ANASE afin de lui permettre de remplir efficacement ses fonctions. Le programme APRIS II concerne la période de 2006 à 2009 et sa couverture financière est garantie par une enveloppe initiale de l'UE de 8,4 millions d'euros. En 2007, un montant supplémentaire de 7,2 millions d'euros a été dégagé pour soutenir les initiatives prévues par le plan APRIS II, plus particulièrement concernant la réalisation de normes communes entre les pays la région dans les secteurs agroalimentaire, électronique, cosmétique et des produits en bois.

(13)  Programme d'assistance technique que l'Union s'engage à fournir aux pays du Sud-Est asiatique pour accélérer la réalisation des objectifs d'intégration ANASE dans le domaine des normes relatives aux produits agroalimentaires et industrielles et en matière d'obstacles techniques au commerce. Voir Initiative commerciale transrégionale UE-ANASE (Trans-Regional EU-ASEAN Trade Initiative), Luang Prabang, 4 avril 2003.

(14)  READI concerne tous les thèmes de coopération non commerciale et encourage le dialogue politique dans des secteurs d'intérêt commun, par exemple la société de l'information, le changement climatique, la sécurité dans l'aviation civile, l'emploi et les affaires sociales, l'énergie, la science et la technologie.

(15)  Voir Déclaration conjointe sur la coopération dans la lutte contre le terrorisme, Bruxelles, 27-28 janvier 2003.

(16)  Les 45 membres actuels de l'ASEM représentent environ la moitié du PIB mondial, près de 60 % de la population mondiale et 60 % du commerce mondial (données de la Commission européennes).

(17)  Le huitième sommet aura lieu à Bruxelles au mois d'octobre et sera axé sur le thème «améliorer la qualité de vie».

(18)  Le projet TEIN3 (http://www.tein3.net) offre un portail pour favoriser la collaboration scientifique à environ 8 000 centres de recherche et institutions universitaires de la région de l'Asie-Pacifique et leur participation à des projets avec leurs pairs européens. La collaboration télématique concernant la recherche entre l'Europe et l'Asie est garantie par la connexion du réseau GEANT.

(19)  Conformément aux dispositions relatives au «traitement spécial et différencié» adoptées au sein de l'OMC, l'UE est disposée à prendre en compte le niveau de développement différent de ses partenaires. Grâce à l'initiative «Tout sauf les armes», les exportations du Laos et du Cambodge bénéficient déjà d'un accès préférentiel au marché de l'UE.

(20)  Cinq projets communs sont actuellement en cours de réalisation pour un budget total de 55,5 millions d'euros.

(21)  Priorité aux projets dans le domaine de la formation professionnelle, des transports, de l'énergie et du développement durable. Voir Instrument régional de dialogue UE-ANASE (Regional EU-ASEAN Dialogue Instrument), Kuala Lumpur, 2005.

(22)  La seule exception (partielle) est le Réseau d'affaires ANASE-UE (ASEAN-EU Business Network), dont le siège est à Bruxelles et qui a été mis en place en 2001, dans le but de favoriser les relations commerciales entre les parties.


21.1.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 21/26


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Le 28e régime — une option pour moins légiférer au niveau communautaire» (avis d'initiative)

2011/C 21/05

Rapporteur: M. PEGADO LIZ

Le 16 juillet 2009, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur le thème:

«Le 28e régime – une option pour moins légiférer au niveau communautaire».

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 30 mars 2010.

Lors de sa 463e session plénière des 26 et 27 mai 2010 (séance du 27 mai 2010), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 124 voix pour, 8 voix contre et 20 abstentions.

1.   Observations et recommandations

1.1   Plusieurs voix de la société civile ont, à de nombreuses occasions, dans toute une série de rencontres qui ont eu lieu récemment, soulevé la question de savoir si un régime optionnel pouvait être adopté en tant qu'alternative à la manière traditionnelle d'harmoniser la législation dans des domaines spécifiques, et ainsi réglementer pleinement certains types de relations juridiques, notamment les contrats civils.

1.2   Parallèlement, différents documents de la Commission ou du Parlement européen ont vu apparaître des références à l'éventualité d'utiliser ce qu'on appelle un «28e régime»; ils abordaient pour l'essentiel des sujets importants sur lesquels on ne s'attendait pas à ce qu'une harmonisation complète soit facile à obtenir, voire possible.

1.3   Le CESE s'est dans plusieurs avis montré favorable à une étude approfondie de ce mécanisme et de la possibilité de le mettre en œuvre dans des domaines spécifiques.

1.4   Hormis l'entreprise lancée par l'avis d'initiative du CESE sur «Le contrat d'assurance européen» (1) et menée par le groupe chargé du projet de «Redéfinition du droit régissant le contrat d'assurance européen», qui a récemment débouché sur la publication des «Principes du droit européen du contrat d'assurance (PDECA)» s'inscrivant dans le «cadre commun de référence», le législateur européen n'a adopté une approche similaire qu'en de rares occasions, dans le domaine du droit des entreprises, du droit de la propriété intellectuelle et du droit international.

1.5   Il n'y a eu cependant jusqu'à présent aucune discussion approfondie sur la nature d'un tel instrument, son objet, son cadre juridique, ses domaines d'application, les avantages ou difficultés qu'il présenterait, ou sa contribution possible à la réalisation du marché unique.

1.6   C'est dans ce but précis et dans le prolongement de son avis consacré à «L'approche proactive de la pratique du droit» (2) que le CESE a décidé d'élaborer le présent avis d'initiative, en le complétant par une audition publique où des représentants de parties intéressées, des universitaires, des fonctionnaires de différents États membres et de la Commission ont eu l'occasion d'exprimer leurs points de vue.

1.7   Le CESE, prenant en considération les documents publiés et les avis exprimés ces dernières années, et tout particulièrement ceux qui ont été formulés durant l'audition, reconnaît qu'il convient de tenir compte de certains paramètres fondamentaux dans la définition et la conception d'un instrument optionnel offrant des avantages pour «Mieux légiférer» et instaurer un environnement réglementaire qui soit plus simple, compréhensible et convivial.

1.8   Il convient donc que le régime optionnel:

a)

soit conçu dans chaque État membre comme un «2e régime», c'est-à-dire qu'il offre aux parties contractantes la possibilité de choisir entre deux régimes de droit interne des contrats;

b)

soit défini au niveau de l'UE et édicté dans des règlements de l'UE;

c)

facilite l'interaction entre les parties dans la phase de rédaction;

d)

contienne des dispositions de lois de police assurant un haut niveau de protection à la partie la plus faible, au moins équivalentes à celles des lois de police de l'UE ou des droits nationaux, applicables le cas échéant;

e)

limite le caractère optionnel à un choix par les parties de l'instrument dans son ensemble, pour éviter la possibilité de pratiquer le «picorage».

1.9   Le CESE a proposé de nouvelles pistes de discussion pour déterminer quelle base juridique pourrait à l'avenir permettre de mettre en œuvre ce mécanisme législatif, en tenant compte du fait que la base juridique pourra dépendre du champ d'application.

1.10   Le CESE a exposé en détail les nombreux avantages que présenterait l'utilisation de cet instrument:

a)

il permettrait aux parties contractantes de conclure sur tout le territoire de l'Union européenne des transactions fondées sur un régime unique de droit des contrats, éliminant ainsi automatiquement des entraves au marché unique telles que les risques de droit et les coûts découlant des disparités entre les systèmes juridiques nationaux;

b)

il laisserait au marché le soin de décider de son activation ou de sa non-activation; par conséquent, les parties intéressées ne le choisiraient que lorsqu'elles estiment son emploi avantageux;

c)

il laisserait intacte la culture juridique propre à chaque État membre, de sorte qu'il apparaîtrait plus acceptable, politiquement parlant;

d)

dans la mesure où il serait conçu et mis en œuvre par des règlements de l'UE, il permettrait aux contractants de l'utiliser y compris dans des cas de figure purement internes;

e)

les tribunaux ne pourraient pas traiter le recours à l'instrument optionnel comme le choix d'un droit «étranger». De ce fait, des principes tels que le «iura novit curia» («la cour connaît le droit») s'appliqueraient, et l'accès aux juridictions nationales suprêmes ou à la Cour européenne de justice ne serait pas limité, comme cela est souvent le cas lorsqu'il en va de l'application d'un droit étranger ou de principes généraux. De même, les instances qui offrent des mécanismes extrajudiciaires de plainte et de recours ne pourraient pas refuser d'avoir à connaître d'une affaire au motif que c'est un droit étranger qui lui est applicable.

1.11   Le CESE a parfaitement conscience de certaines difficultés qui se posent pour la mise en œuvre de l'instrument:

a)

l'interrelation entre l'instrument optionnel et le droit international privé européen, particulièrement en ce qui concerne les règles garantissant l'ordre public national (ordre public – article 21, règlement de la convention Rome I, no 593/2008);

b)

même un instrument optionnel sectoriel exige un ensemble de principes généraux de droit privé;

c)

un instrument optionnel qui ne couvre que des questions de droit privé ne peut s'appliquer à des problèmes de droit fiscal;

d)

il convient d'informer les consommateurs de manière appropriée quant à la nature de l'instrument optionnel, aux avantages et aux inconvénients qu'il présente;

e)

ce «28e régime» ne devra pas s'appliquer au droit du travail ou du contrat de travail en vigueur dans les États membres.

1.12   Aussi le CESE est-il convaincu que ce débat doit être poursuivi et approfondi avec des acteurs de différents niveaux – universitaires, parties prenantes (professionnels, consommateurs, etc.), instituts de recherche et institutions européennes, notamment dans le cadre de la démarche du «Mieux légiférer» – dans la perspective de contribuer à la réalisation du marché unique.

1.13   Par conséquent, le CESE demande à la Commission de poursuivre l'étude de ce sujet au niveau théorique comme au niveau pratique, afin de déterminer son utilité et les conditions de sa faisabilité.

1.14   Le CESE recommande aussi que, pour toute nouvelle initiative législative, la Commission et le Parlement européen examinent, dans leurs analyses d'impact préalables, la possibilité d'adopter un 28e régime. Il conviendrait qu'une évaluation similaire s'applique aux propositions déjà en préparation, à commencer par la révision de la directive concernant les voyages à forfait, actuellement en cours. De telles analyses permettraient d'étudier soigneusement et en détail l'incidence potentielle que pourrait avoir une législation optionnelle sur les lois de police actuellement en vigueur dans les systèmes de droit national. Elles doivent évaluer le risque que l'instrument optionnel soit utilisé pour contourner les lois de police nationales, au détriment des parties les plus faibles.

2.   Introduction - Objectif de l'avis

2.1   Légiférer mieux et, chaque fois que possible, légiférer moins constitue l'un des objectifs du marché unique. Toutes les initiatives prises au titre de la démarche du «Mieux légiférer», qui a été développée par la Commission et le Parlement européen et à laquelle le Comité a apporté un soutien total dans plusieurs avis, visaient à dégager les meilleures pistes pour donner au dispositif législatif un caractère plus convivial et le rendre plus compréhensible pour les entreprises, les travailleurs et les consommateurs.

2.2   C'est dans son avis sur le «contrat d'assurance européen» que le Comité a développé pour la première fois une idée, relativement inédite, sur une démarche qui permettait une réglementation améliorée et plus cohérente de questions importantes au niveau de l'UE (3). Ce texte proposait que la législation sur le contrat d'assurance européen soit fondée sur un régime optionnel, qui fournissait une solution de rechange à l'harmonisation des différentes lois nationales.

2.3   Dans le contexte du cadre commun de référence (CCR), le «Groupe de reformulation du droit du contrat d'assurance» a développé et présenté à la Commission la seule proposition structurée qui ait été formulée à ce jour pour un modèle d'instrument optionnel dans l'UE.

2.4   Ces dernières années, des juristes, des universitaires et quelques acteurs de la société civile se sont exprimés à l'occasion de nombreuses manifestations pour suggérer que dans des domaines spécifiques comme les régimes de retraite ou les services financiers, cette méthode pourrait constituer une alternative utile à la méthode traditionnelle de l'harmonisation.

2.5   La Commission a peu à peu commencé à évoquer la possibilité de recourir à la procédure du «28e régime» dans divers domaines et le Comité s'y est montré favorable dans plusieurs de ses avis (4).

2.6   Cependant, le concept, la nature et le cadre d'application de cette procédure demandent encore à être définis correctement; il est particulièrement important de montrer qu'elle constitue non seulement une option réaliste mais qu'elle offre aussi des avantages pour «Mieux légiférer» et instaurer un environnement réglementaire qui soit simple, compréhensible et convivial. Telle est la visée que poursuit le présent avis d'initiative.

3.   Le concept du «28e régime»

3.1   Nature et caractéristiques

3.1.1   Les termes «28e régime» et «instrument optionnel», souvent utilisés comme synonymes, cherchent à donner l'image expressive d'un droit européen des contrats ou d'un droit privé européen qui ne primerait pas le droit national mais se présenterait comme une solution de rechange, laissant à la discrétion des contractants le choix de l'appliquer ou non.

3.1.2   L'expression «28e régime», bien qu'elle soit couramment utilisée dans plusieurs documents des institutions européennes et dans la majorité des articles publiés sur la question, peut néanmoins prêter quelque peu à confusion, car on pourrait estimer qu'il s'agit d'un régime juridique «étranger» par opposition aux droits «nationaux» des contrats des 27 États membres, considérés comme relevant du droit «interne».

3.1.3   Aussi semble-t-il plus approprié de parler d'un «2e régime» (5) de droit privé dans tous les États membres. Ce terme indique clairement qu'un instrument optionnel européen entrerait dans le droit interne des États membres comme n'importe quelle autre source de droit communautaire. Pour résumer, un «2e régime» laisserait aux parties contractantes la possibilité de choisir entre deux régimes de droit interne des contrats, l'un établi par le législateur national, l'autre par le législateur européen.

3.1.4   Ce type de «2e régime» pourrait être utilisé par les contractants pour faire des affaires dans toute l'Union européenne. Ainsi, les parties contractantes échapperaient aux 27 régimes juridiques nationaux des États membres, et pourraient fonder leurs transactions sur un régime commun de droit privé européen. Cela serait utile, car aucune des parties n'aurait à accepter l'application d'une loi qu'elle considère comme étrangère.

3.1.5   Le recours à un «2e régime» serait particulièrement profitable dans des secteurs où le droit international privé (convention Rome I) interdit ou restreint pour les parties le libre choix du droit applicable, comme c'est le cas pour les contrats relatifs aux transports (article 5, Rome I), à la consommation (article 6, Rome I), à l'assurance (article 7, Rome I) et à l'emploi (article 8, Rome I). L'instrument optionnel pourrait même s'appliquer aux lois de police (article 9, Rome I) internationales, à condition qu'il tienne suffisamment compte du principe d'intérêt général garanti par ces lois (6). Toutefois, ce 2e régime ne devra pas être applicable au droit du travail ni au contrat de travail en vigueur dans les États membres de l'Union européenne.

3.1.6   Ainsi, un «2e régime» permettrait de fonder les transactions commerciales dans l'ensemble de la Communauté européenne sur un seul et même régime de droit des contrats, y compris dans des secteurs où le droit international privé prévoit l'application obligatoire des dispositions protégeant la partie la plus faible.

3.1.7   Un instrument optionnel de ce type est mentionné comme suit dans le considérant 14 du règlement Rome I: «si la Communauté adopte dans un instrument juridique spécifique des règles matérielles de droit des contrats, cet instrument peut prévoir que les parties peuvent choisir d'appliquer ces règles».

3.1.8   Dès lors qu'un instrument optionnel constituerait un deuxième régime de droit des contrats figurant dans la législation de chaque État membre, la possibilité de choisir l'instrument optionnel devrait également être accordée pour les «cas de figure purement internes». En conséquence, les entrepreneurs pourraient fonder toutes leurs transactions – nationales comme internationales – sur le 2e régime, ce qui permettrait de réduire les coûts juridiques de ces transactions.

3.1.9   Une autre caractéristique du «2e régime» serait que les tribunaux ne pourraient pas traiter le recours à l'instrument optionnel comme le choix d'un droit «étranger». De ce fait, des principes tels que le «iura novit curia» («la cour connaît le droit») s'appliqueraient, et l'accès aux juridictions nationales suprêmes ne serait pas limité, comme cela est souvent le cas lorsqu'il en va de l'application d'un droit étranger ou de principes généraux. De même, les instances qui offrent des mécanismes extrajudiciaires de plainte et de recours ne pourraient pas refuser d'avoir à connaître d'une affaire au motif que c'est un droit étranger qui lui est applicable. Par exemple, selon le code de procédure allemand, le médiateur allemand des assurances peut refuser de traiter une plainte si la décision doit être déterminée par un droit étranger (7). Néanmoins, un instrument optionnel européen constituerait un «2e régime» de droit des contrats au sein de chaque État membre et ne pourrait par conséquent pas être considéré comme un «droit étranger» par le médiateur allemand des assurances.

3.1.10   Enfin, et ce n'est pas le moindre des éléments, un instrument optionnel émanant du législateur européen serait soumis aux procédures de décision préjudicielle de la Cour européenne de justice, ce qui garantirait l'uniformité d'application de l'instrument optionnel par les différentes juridictions nationales à l'intérieur de l'UE (8).

3.2   Droit des contrats optionnel et protection de la partie la plus faible

3.2.1   Un «2e régime», tel que précédemment décrit, autoriserait un choix ne pouvant être restreint par des lois de police du droit national, à condition de tenir un compte suffisant du principe d'intérêt général que celles-ci garantissent. Cela exige de veiller à ce que la protection de la partie la plus faible, en particulier les consommateurs, ne soit pas amoindrie (9), et à ce que le 2e régime ne soit pas utilisé pour contourner des lois de police du droit national.

3.2.2   Cette garantie peut s'obtenir de trois manières:

a)

d'abord, le «2e régime» devrait lui-même prévoir des lois de police et assurer un niveau de protection élevé à la partie la plus faible (10);

b)

deuxièmement, afin d'interdire toute combinaison entre des éléments du droit national et du «2e régime» destinée à permettre de choisir les normes les plus souples de chacune des sources de droit, il faut empêcher toute exclusion par commun accord de telle ou telle disposition du «2e régime»;

c)

il convient de fournir aux consommateurs des informations sur les instruments optionnels, dans le cadre des informations générales données par les organisations de consommateurs, mais aussi sur la base d'un devoir précontractuel de l'entrepreneur d'informer le consommateur que le contrat à souscrire est susceptible d'être soumis à l'instrument optionnel.

3.2.3   De la sorte, la possibilité d'opter pour le «2e régime» n'inciterait pas la partie la plus forte à proposer à son cocontractant l'application d'un droit moins protecteur. Au contraire, les parties seraient incitées à choisir le «2e régime» par la possibilité qu'il offre d'utiliser, dans l'ensemble de la Communauté européenne et sans aucun besoin d'adaptation au droit national, les mêmes clauses contractuelles fondées sur le «2e régime», qui assurerait lui-même à la partie la plus faible un niveau de protection plus élevé que ne le fait en moyenne la législation des États membres.

3.2.4   Un instrument optionnel assurant un haut niveau de protection au consommateur lui sera avantageux dans la mesure où il est plus facile de comparer des produits mis sur le marché européen sur la base de l'instrument optionnel. Ainsi, l'instrument optionnel pourra vraiment améliorer la transparence.

3.3   Base juridique d'un instrument optionnel et forme qu'il pourrait prendre

3.3.1   Dans le débat sur la nature et les caractéristiques d'un instrument optionnel, la question fondamentale qui demeure est celle de la compétence de l'UE pour adopter un tel instrument. Certains auteurs estiment que l'article 81 du TFUE (ancien alinéa c) de l'article 61 et article 65 du TCE) pourrait constituer la base juridique de cette compétence, parce que ce qui importe selon eux c'est le niveau du conflit de lois, et non le droit matériel. Par conséquent, l'UE n'aurait besoin d'une base juridique fiable que pour permettre aux contractants de choisir l'instrument optionnel comme régime de droit applicable, et ne devrait donc se préoccuper que de la question de la compatibilité des règles nationales du droit international privé. Un instrument fondé sur l'article 81 du TFUE ne pourrait toutefois concerner que «les matières civiles ayant une incidence transfrontière» et ne s'imposerait pas au Royaume-Uni, à l'Irlande ni au Danemark.

3.3.2   D'autres pensent que c'est l'article 352 du TFUE (ancien article 308 du TCE) qui constitue la base juridique la plus appropriée pour permettre à la Communauté européenne d'adopter ce type d'instrument optionnel pour atteindre l'un des objectifs visés par les traités, au motif que ceux-ci n'auraient prétendument pas «prévu les pouvoirs d’action requis à cet effet» (11).

3.3.3   Il n'y a toutefois pas lieu d'exclure la possibilité de recourir à l'article 114 du TFUE (ancien article 95 du TCE) qui concerne le «rapprochement de législations» qui «ont une incidence directe sur l'établissement ou le fonctionnement du marché commun» et visent «la réalisation des objectifs de l’article 26 du traité» (ancien article 14 du TCE). De plus, dans tous les cas où le législateur européen a même le pouvoir de rapprocher les législations nationales en matière de contrats sur la base de l'article 114 du TFUE, il devrait avoir la possibilité d'adopter un instrument optionnel qui, tout compte fait, s'immisce moins dans les régimes nationaux, ce qui en fait le choix le plus conforme au principe de subsidiarité.

3.3.4   Le nouvel article 118 du TFUE fournit une base juridique particulière. Sa portée est cependant limitée aux droits de propriété intellectuelle.

3.3.5   Afin d'assurer une uniformité maximale, un tel instrument devrait être contenu dans un règlement (paragraphe 2 de l'article 288 du TFUE). De ce fait, il deviendrait partie intégrante du droit matériel de chaque État membre et ne trouverait ainsi d'application que si la législation de l'État membre en question est applicable au contrat concerné suivant les règles de conflit de lois de Rome I. Il devrait prévoir une règlementation exhaustive, sans se contenter d'instaurer des normes minimales.

3.3.6   Il convient dans tous les cas de procéder à une évaluation sérieuse de la compatibilité de chaque nouvel instrument optionnel avec le principe de subsidiarité.

3.4   Contenu

3.4.1   Le texte du futur instrument optionnel pourrait comprendre une partie générale réglementant son application optionnelle, et une partie spécifique, fournissant des règles matérielles pour les domaines du droit visés par l'instrument optionnel.

3.4.2   Un instrument optionnel pourrait être structuré comme suit:

Chapitre premier:   dispositions générales

Le chapitre premier, limité à 4 ou 5 articles (12), déterminerait le champ d'application de l'instrument optionnel et établirait les options s'offrant aux parties contractantes. Il spécifierait aussi les dispositions à caractère obligatoire (en particulier les règles protégeant la partie la plus faible). Enfin, il interdirait tout recours au droit national; à la place, il prévoirait de combler les lacunes juridiques par un recours aux principes généraux communs aux droits des États membres (13).

Chapitre deux:   dispositions particulières

Le chapitre deux prévoirait les règles matérielles des domaines du droit faisant partie du champ d'application de l'instrument optionnel.

3.5   Avantages et difficultés

3.5.1   En premier lieu, un instrument optionnel donnerait aux parties d'un contrat la possibilité de réaliser des transactions sur tout le territoire de l'Union européenne à partir d'un seul régime de droit des contrats, éliminant ainsi des entraves au marché intérieur telles que les risques de droit et les coûts découlant des disparités entre les systèmes juridiques nationaux (14), pour les consommateurs comme les entreprises.

3.5.2   Un instrument optionnel présenterait par ailleurs certains avantages par rapport à l'unification ou l'harmonisation des droits nationaux.

3.5.2.1   D'abord, un instrument optionnel laisse au marché le soin de décider de son activation ou de sa non-activation, offrant ainsi la certitude qu'il ne sera appliqué que si les parties contractantes y voient un avantage. On peut escompter que ce sont les intervenants internationaux des marchés qui recourront aux instruments optionnels, tandis que ceux de niveau local s'épargneront les frais de transposition, qu'ils auraient notamment dû supporter pour reformuler les termes de leurs contrats afin de les adapter à un nouveau régime européen.

3.5.2.2   En second lieu, l'instrument optionnel laissera intacte la culture juridique propre à chaque État membre, de sorte qu'il apparaîtra plus acceptable, politiquement parlant. Le même argument vaut pour les juristes de chaque pays de l'Union, lesquels, selon toute vraisemblance, répugneront à ce que les règles du droit traditionnel soient remplacées par un droit européen des contrats. Ils n'auront toutefois pas de raison de s'opposer à un instrument optionnel qui laissera intact le droit national.

3.5.3   De plus, des systèmes de deuxième régime existent d'ores et déjà (voir paragraphe 3.6.3), ce qui indique clairement que les lois constitutionnelles nationales ne présentent pas de difficultés quant à l'introduction d'instruments optionnels.

3.5.4   Il se peut cependant que la création d'un instrument optionnel dans le droit des contrats ou dans d'autres domaines du droit privé occasionne des problèmes techniques. Il n'est certes pas facile d'élaborer un mode de choix entre deux corps de droit des contrats coexistant et de réglementer leur relation. Ces difficultés techniques peuvent néanmoins être surmontées, comme l'a montré la présentation succincte d'un projet de futur instrument optionnel.

3.6   Instruments similaires

3.6.1   Des instruments optionnels existent déjà, au niveau tant mondial qu'européen.

3.6.2   À l'échelle planétaire, on peut citer comme exemples la Convention des Nations unies sur les contrats de vente internationale de marchandises, de 1980 (15), les conventions Unidroit sur l'affacturage électronique (16) et sur le crédit-bail international (17), qui suivent un modèle à option de non-application (18).

3.6.3   Plusieurs instruments optionnels existent au niveau européen:

les règlements instituant les entreprises européennes, en particulier ceux qui concernent la «société européenne» (19), le groupement européen d'intérêt économique (GEIE) (20), ou la société coopérative européenne (21);

les règlements établissant les titres européens de propriété intellectuelle, tels que la marque communautaire (22) ou le brevet communautaire (23);

les procédures civiles européennes, telles que les règlements relatifs aux «injonctions de payer européennes» (24) ou aux procédures européennes de règlement des petits litiges (25).

D'autres instruments optionnels sont proposés, par exemple un certificat successoral européen (26). Ces règlements ou propositions ajoutent aux instruments offerts par le droit national des instruments européens.

4.   Le 28e régime et le «Mieux légiférer»

4.1   La réalisation du marché unique

4.1.1   Un instrument optionnel aurait pour effet de contribuer vigoureusement au bon fonctionnement du marché unique et représente le meilleur moyen de réaliser une harmonisation volontaire, conformément au principe de subsidiarité.

4.1.2   De plus, un instrument optionnel facilitera la liberté de circulation des consommateurs et renforcera la mobilité transfrontalière ainsi que la concurrence entre les entreprises d'États distincts.

4.1.3   L'entrée en vigueur du traité de Lisbonne ne change rien à la situation, quant à la création d'un régime optionnel.

4.2   Droit européen des contrats

4.2.1   Le réseau sur les «Principes communs du droit européen des contrats» (réseau CoPECL) vient de terminer la rédaction de son projet de cadre commun de référence (27) et l'a soumis à la Commission européenne. Il est manifeste que ces dispositions fournissent au législateur européen un modèle qu'il pourrait utiliser pour la promulgation d'un instrument optionnel, comme l'a préconisé Mme Reding, commissaire européenne (28). Il reste encore à prévoir une règle sur l'application optionnelle du cadre commun de référence et des principes communs, dans le fil de la proposition déjà formulée dans l'article 1,102, des Principes du droit européen du contrat d'assurance (29).

4.3   Domaines d'application futurs

4.3.1   Le besoin d'un instrument optionnel se fait sentir plus fortement dans les secteurs du droit des contrats où dominent des lois de police du droit national qui constituent un obstacle juridique au fonctionnement du marché unique (30). Ce fait a déjà été relevé par la Commission, concernant les services financiers, y compris les assurances (31). Dès lors, l'un des domaines où il sera le plus important d'instituer un tel instrument optionnel, tout en accordant en toutes circonstances l'attention requise à la législation sur la protection des consommateurs, est probablement celui des services financiers (droit des activités bancaires et des assurances, étant entendu que la proposition ayant trait à cette dernière matière soit parachevée en concordance avec le cadre commun de référence).

4.3.2   L'instauration d'un «28e régime» pourrait aussi être envisagée pour les ventes aux consommateurs (en particulier sur internet). Toutefois, en ce qui concerne les ventes aux consommateurs, il faut examiner avec attention la relation entre un instrument optionnel et la Proposition de directive du parlement européen et du conseil relative aux droits des consommateurs (32).

4.3.3   Certains domaines du droit privé distincts du droit des contrats peuvent aussi se prêter à l'adoption d'instruments optionnels: le droit des sûretés pour les biens meubles ou les actifs immatériels est un candidat tout trouvé pour un «28e régime». La proposition de la Commission visant à instaurer un certificat successoral européen (33) montre que des instruments optionnels pourraient être mis en œuvre dans le cadre du droit de succession; il pourrait en être de même à l'avenir pour le régime de biens matrimoniaux.

4.3.4   Dans le domaine du droit général des contrats, la nécessité d'un instrument optionnel se fait sentir de manière moins pressante. Le projet de cadre commun de référence (PCCR), qui s'applique au droit général des contrats, n'est en fait pas libellé comme un instrument optionnel. Les éditeurs du PCCR n'en soulignent pas moins, en introduction, qu'il pourrait servir de «base pour un ou plusieurs instruments optionnels (34)». Cette proposition pourrait être mise en application de manière restreinte, en se basant sur les dispositions générales du PCCR pour créer un instrument optionnel qui ne s'appliquerait qu'à certains domaines spécifiques du droit des contrats. Cela permettrait d'éviter les vides juridiques qui ne manqueraient pas d'apparaître si les dispositions adoptées ne concernaient que certains types particuliers de contrats.

5.   Résultats de l'audition publique organisée par l'Observatoire du marché unique, le 6 janvier 2010

5.1   Un certain nombre de variations sur le thème du 28e régime existent d'ores et déjà ou sont envisagées dans le droit européen des entreprises, les règles de procédure en matière de propriété intellectuelle, ou le droit des successions. Toutes dépassent les limites du droit national, cherchent à ne pas s'immiscer dans la législation nationale, et ouvrent de nouvelles opportunités aux opérateurs du marché engagés dans le commerce transfrontalier. Le 28e régime doit toutefois respecter les règles strictes en matière de protection des consommateurs, tout en étant plus rigoureux qu'une approche visant à l'harmonisation. Le problème des retraites constitue un défi majeur pour le 28e régime, 18 millions d'Européens vivant dans un autre État membre que le leur. En définitive, le 28e régime devrait être axé sur la qualité de l'information et créer un climat de confiance (par exemple dans le cas des contrats); il devrait simplifier les choses, concernant les produits et services (en particulier les services financiers). Dans le domaine des services financiers de détail, il faut donner la priorité à l'amélioration de la législation de protection des consommateurs: la crise a montré qu'il est nécessaire de réglementer tous les services financiers offerts aux consommateurs et de proposer des services financiers simplifiés aux consommateurs qui le souhaitent. Quant à la volonté de parvenir à un consensus politique qui permettra d'opter pour le 28e régime et de déterminer sa base juridique, elle reste néanmoins à l'ordre du jour. Il convient que les analyses d'impact menées par la Commission examinent systématiquement la possibilité d'une «approche optionnelle», c'est-à-dire la possibilité d'adopter un 28e régime; il ne pourrait s'agir que d'une réponse à des problèmes spécifiques, et non d'une alternative globale au droit des contrats.

Bruxelles, le 27 mai 2010.

Le président du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  JO C 157 du 28.6.2005, p. 1.

(2)  JO C 175 du 28.7.2009, p. 26.

(3)  JO C 157, du 28.6.2005, p. 1.

(4)  JO C 157 du 28.6.2005, p. 1 (rapporteur: M. PEGADO LIZ); JO C 318 du 23.12.2006, p. 200 (rapporteur: M. von FÜRSTENWERTH); JO C 65 du 17.3.2006, p. 134 (rapporteur: M. RAVOET) JO C 309 du 16.12.2006, p. 26 (rapporteur: M. IOZIA); JO C 65 du 17.3.2006, p. 13 (rapporteur: M. BURANI); JO C 27 du 3.2.2009, p. 18 (rapporteur: M. GRASSO); JO C 151 du 17.6.2008, p. 1 (rapporteur: M. IOZIA); JO C 175 du 28.7.2009, p. 26 (rapporteur: M. PEGADO LIZ).

(5)  Sur la perception d'un instrument optionnel en tant que «2e régime», voir l'introduction de M. HEISS, in Basedow, Birds, Clarke, Cousy, Heiss (éd.), Principles of European Insurance Contract Law («Principes du droit européen du contrat d'assurance») (2009) I 45.

(6)  L'Assemblée nationale française a récemment adopté un rapport d'information sur les droits des consommateurs (rapporteure: Mme KARAMANLI) qui suggère de tester un 28e régime de droit européen dans le cadre règlementaire de la convention Rome I.

(7)  Cf. Heiss, Introduction, in: Basedow, Birds, Clarke, Cousy, Heiss (éd.), Principles of European Insurance Contract Law («Principes du droit européen de l'assurance») (2009), I 47.

(8)  Ibid.

(9)  Selon le professeur M. Hesselink, de l'Université d'Amsterdam, sur le plan de la justice sociale, «on peut choisir le 28e régime en cliquant sur une icône bleue […]. Si le projet de CCR devait déboucher sur un instrument optionnel s'appliquant aux contrats B2C, cela ne mènerait pas à un dumping social […]. La possibilité de choisir le régime juridique énoncée dans le PCCR, si elle était autorisée par le législateur européen, pourrait créer une situation avantageuse pour tous dans le cas des contrats B2C.»

(10)  Cf. Heiss/Downes, Non-Optional Elements in an Optional European Contract Law: Reflections from a Private International Law Perspective («Éléments non optionnels dans un droit européen optionnel des contrats: réflexions sous l'angle du droit privé international»), ERPL 13 (2005) 693 (699).

(11)  Hesselink/Rutgers/de Booys, The Legal Basis for an Optional Instrument on European Contract Law («La base juridique d'un instrument optionnel relatif au droit européen des contrats»), Centre for the Study of European Contract Law Working Paper No 2007/04.

(12)  Cette structure prend modèle sur les Principes du droit européen des contrats d'assurance (PDECA) et fera ultérieurement l'objet de discussions.

(13)  Pour éviter toute confusion il est indiqué de déterminer ces principes généraux ou d'avoir recours aux règles générales qui s'appliquent à tout type de contrats, contenues dans Principles, Definitions and Model Rules of European Private Law – Draft Common Frame of Reference (DCFR) («Principes, définitions et règles types de droit privé européen – édition préliminaire d'un projet de cadre commun de référence (PCCR)»), édition abrégée 2009, livres I à III, à supposer que ces principes soient reconnus ou validés par un instrument juridique de l'UE.

(14)  Cf., par exemple, Basedow, Ein optionales Europäisches Vertragsgesetz: Opt-in, opt-out, wozu überhaupt? («Un droit européen optionnel des contrats: l'option pour l'application, l'option pour la non-application, à quelle fin?»), Zeitschrift für Europäisches Privatrecht 2004, 1.

(15)  Texte disponible à l'adresse http://www.uncitral.org.

(16)  Ibidem.

(17)  Ibidem.

(18)  Cf. l'article 6 de la convention sur les contrats de vente internationale de marchandises, l'article 3 de la convention sur l'affacturage international et l'article 5 de celle sur le crédit-bail international.

(19)  Règlement (CE) no 2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001 relatif au statut de la société européenne (SE), JO L 294 du 10.11.2001, p. 1.

(20)  Règlement (CEE) no 2137/85 du Conseil du 25 juillet 1985 relatif à l'institution d'un groupement européen d'intérêt économique (GEIE), JO L 199 du 31.7.1985, p. 1.

(21)  Règlement (CE) no 1435/2003 du Conseil du 22 juillet 2003 relatif au statut de la société coopérative européenne (SEC), JO L 207 du 18.8.2003, p. 1.

(22)  Règlement (CE) no 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire, JO L 78 du 24.3.2009, p. 1.

(23)  Le règlement, adopté le 4 décembre 2009, n'est pas encore publié au JO.

(24)  Voir le considérant 10 du Règlement (CE) no 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 instituant une procédure européenne d'injonction de payer, JO L 399 du 30.12.2006, p. 1, tel qu'amendé.

(25)  Voir le considérant 8 du Règlement (CE) No 861/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges, JO L 199 du 31.7.2007, p. 1.

(26)  Voir le chapitre VI de la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions et des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen, COM(2009) 154 final.

(27)  Cf. von Bar, Clive, Schulte-Nölke et al. (éd.), Principles, Definitions and Model Rules of European Private Law – Draft Common Frame of Reference (DCFR) Outline Edition («Principes, définitions et règles types de droit privé européen – édition préliminaire d'un projet de cadre commun de référence») (2009); le secteur des assurances est traité dans Basedow, Birds, Clarke, Cousy, Heiss (éd.), Principles of European Insurance Contract Law («Principes du droit européen du contrat d'assurance») (2009).

(28)  À l'occasion de son audition devant le Parlement européen: audition de Viviane REDING, Commissaire désignée pour la justice, les droits fondamentaux et la citoyenneté, Parlement européen, le 7 janvier 2010.

(29)  L'article 1,102 des Principes du droit européen du contrat d'assurance (PDECA ), qui traite de l'application optionnelle desdits principes, est libellé comme suit: «Nonobstant les restrictions d'élection de droit prévues par le droit international privé, les PDECA s’appliquent lorsque les parties ont décidé d'un commun accord d'y soumettre leur contrat.» (Basedow, The Optional Application of the Principles of European Insurance Contract Law («L'application optionnelle des principes du droit européen du contrat d'assurance»), in Fuchs (ed.), European Contract Law («Droit européen des contrats»), - ERA Forum Special Issue 2008 vol 9, 111).

(30)  Cf. Heiss/Downes, Non-Optional Elements in an Optional European Contract Law («Éléments non optionnels dans un droit européen optionnel des contrats»), ERPL (2005) pp. 693, 697 et svv.

(31)  Voir par exemple la Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil du 12 février 2003 intitulée: «Un droit européen des contrats plus cohérent – un plan d'action», COM(2003) 68 final, no 47 et 48.

(32)  COM(2008) 614 final.

(33)  Voir COM(2009) 154 final, évoqué supra au paragraphe 3.6.3.

(34)  Von Bar, Clive, Schulte-Nölke et al. (éd.), Principles, Definitions and Model Rules of European Private Law – Draft Common Frame of Reference (DCFR) Outline Edition («Principes, définitions et règles types de droit privé européen – édition préliminaire d'un projet de cadre commun de référence») (2009), introduction, 79.


21.1.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 21/33


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Produits financiers socialement responsables» (avis d'initiative)

2011/C 21/06

Rapporteur: Carlos TRÍAS PINTO

Le 1er octobre 2009, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur le thème:

«Produits financiers socialement responsables».

La section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 4 mai 2010.

Lors de sa 463e session plénière des 26 et 27 mai 2010 (séance du 26 mai 2010), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 129 voix pour, 3 voix contre et 2 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le terme «produits financiers socialement responsables» pourrait s'appliquer à l'ensemble de produits et services proposés par les secteurs des banques, des assurances et de la gestion d'investissements. Néanmoins, le présent avis traite essentiellement des investissements socialement responsables (ISR) proposés par des fonds de placement collectif aussi bien aux investisseurs institutionnels qu'au grand public. Par définition, le rôle des fonds de placement collectif consiste à effectuer des investissements. Pour être considéré comme «socialement responsable», un fonds de placement doit sélectionner soigneusement ses investissements, en se basant sur des critères adéquats. La majorité des fonds investissent dans des actions des entreprises et donc, pour la plupart, l'enjeu principal réside dans leur capacité à identifier les entreprises qui respectent les exigences en matière éthique, sociale et de gouvernance (ESG). Dans un environnement ISR développé, il existe toute une panoplie d'organisations qui déterminent dans quelle mesure une entreprise satisfait aux critères ESG.

1.2   De nombreux organismes consultatifs qui fournissent une assistance technique à l'ISR existent. Les indices boursiers internationaux tels que le Dow Jones sustainability DJSI index ou le FTSE4Good fournissent les informations pertinentes pour tous les fonds d’investissements socialement responsables à créer ou à gérer, de manière générale ou sélective. Par exemple, certains fonds peuvent se centrer sur des sociétés bien établies qui se distinguent par leur grand respect des règles éthiques et de bonne gouvernance. D’autres sont susceptibles d’avoir des objectifs écologiques. Tous ces différents cas de figure sont pris en considération.

1.3   Dans le contexte de l'après-crise, il est nécessaire de canaliser les investissements vers les entreprises qui respectent les valeurs sociales et éthiques pour regagner ainsi la confiance des citoyens envers les marchés financiers. En fait, il est possible d'affirmer qu'à l'issue de cette crise, il n'y aura plus jamais de «Business as usual».

1.4   Avec du recul, nous pouvons désormais constater que ces dernières années, les performances de nombreuses institutions financières ne correspondaient pas du tout aux normes sociales ni aux normes en matière de gouvernance que des sociétés aussi importantes devraient respecter. Par conséquent, le CESE exige que, dans le cadre de la responsabilité sociale, les programmes des institutions financières répondent aux demandes sociales de l'Europe du XXIe siècle du point de vue social et de la bonne gouvernance.

1.5   Les résultats obtenus par l'investissement socialement responsable (ISR) mettent en évidence la relation positive existant entre les évaluations financières et sociales des institutions qui offrent des fonds d'investissement socialement responsables. De plus, l'ISR n'est pas moins rentable ni plus risqué que l'investissement conventionnel.

1.6   Les institutions d'investissement collectif et les entités qui gèrent les institutions de retraite professionnelle sont un vecteur important de canalisation de l'épargne vers l'investissement productif. Il faudra néanmoins approfondir les efforts en matière de conseil aux investissements, d'amélioration des techniques de gestion, ainsi que sur le plan des relations humaines et de la responsabilité sociale présentes dans la communication.

1.7   Dans la contribution qu'apportent les professionnels des institutions financières à l'investissement socialement responsable, il convient de considérer les aspects suivants: vision à long terme, souci de l'intérêt général, fiabilité et rigueur des analyses.

1.8   Le CESE invite la Commission européenne et les États membres à promouvoir le développement de l'ISR de manière à faciliter la «normalisation» et la consolidation des systèmes actuels de gestion de ces produits, en promouvant une information transparente, la comparabilité des analyses des investisseurs, une formation technique et l'échange de bonnes pratiques. Certains faits laissent à penser que les marchés financiers réagissent positivement à l'application de systèmes de normalisation et à l'attribution de certifications par les entités responsables.

1.9   Un effet positif de l'application des filtres dans le cadre de l'ISR, que ce soit par la régulation ou par des conseillers professionnels, est que la possibilité d'exclure certains titres des portefeuilles d'investissement incitera les entreprises à améliorer leur comportement en matière d'environnement, de questions sociales et de gouvernance.

1.10   Le CESE propose de développer des initiatives particulières de promotion et d'éducation dans le domaine des finances: la réalisation de publications, la formation, la création d'espaces internet spécialisés, et un enseignement de l'économie et des finances dans les établissements scolaires.

1.11   L'un des objectifs des programmes d'éducation financière est de promouvoir auprès des ménages une culture de l'investissement responsable et prudent, qui soit ajustée à leur profil de risque, à leur situation patrimoniale et à leurs propres objectifs.

1.12   Les changements sociodémographiques invitent à envisager une transformation de notre culture et de nos pratiques, pour investir à long terme. Le CESE estime que les organismes publics doivent donner une impulsion, afin de stimuler les investissements dans les fonds socialement responsables, au moyen de réglementations financières et fiscales appropriées, et même par le biais des marchés publics.

1.13   En définitive, les administrations publiques ont un important rôle à jouer dans la promotion de l'investissement responsable, tant du côté de la demande (investisseurs individuels ou institutionnels) que de l'offre (entités gestionnaires et de commercialisation). L'administration publique elle-même peut dynamiser le marché par la gestion des fonds souverains ou de réserve. Outre la valeur d'exemple fournie, son activité joue un rôle fondamental de catalyseur, avec une forte capacité d'entraînement.

1.14   De leur côté, les émetteurs et les entreprises elles-mêmes peuvent mobiliser la communauté des investisseurs, en lui montrant comment leurs politiques de développement durable sont des indicateurs de la qualité de leur gestion, en termes de transparence et d'inclusion de ces critères dans leur stratégie d'investissement.

2.   Responsabilité sociale des institutions financières

2.1   Une entreprise qu'on qualifie, dans le domaine du «management», de «socialement responsable» offre des opportunités aux institutions financières qui peuvent répondre aux attentes de la société.

2.2   Avec la publication du Livre vert de la Commission européenne intitulé «Promouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises»  (1) et ultérieurement celle du document de l'OCDE «Corporate Social Responsibility» (2), le modèle socioéconomique de l'entreprise qui assume une responsabilité vis-à-vis des «parties prenantes» (3) a commencé à s'imposer.

2.3   Dans le domaine des institutions financières, les principes fondamentaux des caisses d'épargne (4) font de ces établissements les précurseurs du concept actuel de responsabilité sociale des entreprises (RSE), au même titre que les coopératives de crédit et les mutuelles de prévoyance sociale. Inhérente à leur identité, leur dimension sociale (5) leur donne des objectifs spécifiques apparentés à la philosophie de l'«économie sociale», qui constitue une force économique et sociale grandissante dans le monde entier (6); une des manifestations de cet engagement est l'intégration socioprofessionnelle des personnes handicapées.

2.4   La crise financière actuelle a son origine dans l'industrie bancaire, où les risques excessifs pris par les banquiers ont été exacerbés par les carences de la supervision bancaire. Au centre de cette industrie se trouvent les produits financiers (crédits hypothécaires au logement, crédits à la consommation, produits dérivés et structurés) et les aléas moraux («moral hazard») dans le processus de commercialisation. Ainsi, le rôle joué par les agences de notation – touché par d'évidents conflits d'intérêts – a été déterminant pour accentuer la gravité de la crise, à côté des failles réglementaires que l'on connaît.

2.5   La principale mission des institutions financières, en ces temps de crise, est de mener leurs affaires avec prudence et rigueur, tout en accordant des fonds pour financer les projets de l'économie productive et la consommation des familles.

2.6   Dans les circonstances actuelles de crise financière, les entités bancaires ne doivent pas rompre leur engagement envers la société. De plus, la crise elle-même a montré l'irresponsabilité des entreprises et mis en évidence qu'il est nécessaire d'étendre et d'améliorer la RSE. La RSE est une question d'identité, d'engagement et de stratégie des entreprises.

2.7   Pour tous ces motifs, le CESE est favorable à une définition de lignes stratégiques d'action dans le secteur financier pour poursuivre la croissance des investissement socialement responsables, promouvoir des mesures fiscales appropriées, établir des systèmes de normalisation des produits, améliorer la protection des investisseurs, introduire de bonnes pratiques bancaires et fortifier le marché européen en le dotant de services financiers responsables et remarquables.

3.   Produits financiers socialement responsables

3.1   Définition et portée de l'avis

3.1.1   Il s'agit de produits d'épargne (comptes courants, comptes à fort rendement, livrets d'épargne, dépôts structurés), de produits d'investissement (institutions d'investissement collectif: fonds et sociétés d'investissements; pensions et assurances: plans et fonds de pension, plans de retraite, assurances-vie ou unit linked; fonds thématiques), d'instruments de financement du crédit et de mécanismes de soutien financier (microcrédits, fonds de roulement, fonds de garantie mutuelle et capital-risque), qui comprennent dans leur conception des critères environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance, sans négliger aucunement les objectifs nécessaires en matière de risques et de rentabilité financière.

3.1.2   Le présent avis se concentre sur les produits d'investissement, aussi bien sur le marché de détail que sur le marché institutionnel. Dans les grandes lignes, cela consiste à investir dans les organisations qui font preuve d'un meilleur comportement et favorisent le développement durable. Ces produits ont donc pour objet de constituer un instrument efficace pour contribuer au développement général de la société en incitant les entreprises à se comporter de manière appropriée afin de répondre aux intérêts des investisseurs.

3.1.3   Cependant, il ne faut pas confondre les fonds d'investissement socialement responsables et les fonds d'investissement solidaires. Ces derniers se contentent de céder un pourcentage de leurs bénéfices à des organismes sociaux, et n'ont pas à respecter de critères socialement responsables lorsqu'ils sélectionnent leurs investissements. Néanmoins, un même fonds peut combiner investissement solidaire et ISR.

3.2   Origine et évolution

3.2.1   L'origine de l'investissement socialement responsable (ISR) est liée à des préoccupations de nature morale. Depuis les années 1980, ce phénomène est allé se renforçant, sous l'impulsion du processus de mondialisation, de la conscientisation écologique et sociale grandissante, et du développement de nouvelles technologies d'information et de communication.

3.2.2   L'ISR commence à apparaître dans le monde anglo-saxon (7). Dans l'environnement européen (8), il existe des marchés à forts volumes de croissance: le Royaume-Uni, bien sûr, mais aussi les Pays-Bas, la Norvège, la France, la Suède, la Belgique, et dans une moindre mesure, l'Italie, l'Espagne ou l'Allemagne.

3.3   Précisions conceptuelles

3.3.1   Les fonds d'ISR investissent dans les entreprises. Traditionnellement, l'investissement éthique a été à la base motivé par des raisons morales, idéologiques ou sociales, tandis que désormais, il cherche à incorporer de manière intégrée des aspects économiques, environnementaux, sociaux, ou de gouvernance du rendement de l'entreprise, avec des perspectives à long terme.

3.3.2   Dans les décisions d'investissement sont appliqués des critères de responsabilité sociale (filtre), qui consistent à exclure certains investissements spécifiques et à sélectionner ceux qui présentent un meilleur profil. Ainsi, le défi que s'assigne l'ISR est d'avoir une influence sur la stratégie future des entreprises et d'aligner les valeurs de l'investisseur sur celles de son investissement.

3.3.3   Les conseillers utilisent pas moins de soixante critères. Certains des critères les plus utilisés figurent dans le tableau (9) suivant:

Critères d'exclusion

Critères valorisés

Armement

Égalité des chances

Expérimentation animale

Recyclage

Exploitation du tiers monde

Préservation de l'énergie et des ressources naturelles

Pollution

Transparence de l'information

Manipulation génétique

Engagement solidaire avec la société

Pornographie, tabac et alcool

Aide à la formation et à l'éducation

Dégradation de l'environnement

Normalisation de produits

3.3.3.1   La liste ci-avant ne présuppose pas que les entreprises qui présentent des caractéristiques négatives soient véritablement gérées de manière irresponsable. Au contraire, elles peuvent appliquer les normes éthiques les plus élevées dans leur manière de gérer les affaires, même si certains investisseurs peuvent considérer un secteur donné, l'armement par exemple, comme moralement condamnable.

3.3.4   Il y a lieu d'interpréter dans un sens dynamique les critères de durabilité utilisés dans le cadre de l'ISR, c'est-à-dire permettant l'inclusion de nouveaux aspects importants dans le domaine de la RSE. Par exemple, dans le cadre de l'égalité des chances, il conviendrait d'inclure des critères de valeur liés aux personnes handicapées, tels que les indicateurs d'intégration professionnelle et d'accessibilité des lieux de travail et commerciaux, de produits et de services.

3.3.5   Dans l'élaboration de données comparatives sur le développement de l'ISR à l'échelle mondiale, la stratégie de segmentation des marchés nous invite à distinguer entre le marché institutionnel (qui se confond globalement avec les institutions de retraite professionnelle) et le marché de détail (limité aux fonds d'investissement).

3.4   Nouvelles institutions

3.4.1   Les institutions du marché financier ont développé des mécanismes pour intégrer la durabilité à leurs pratiques de gestion. Le dialogue avec leurs «parties prenantes» se retrouve aussi bien dans la banque dite traditionnelle que la banque éthique (10); il peut s'effectuer au cours de réunions ou par des échanges sur des plateformes électroniques.

3.4.2   L'expansion de l'ISR a mené à la création de nouvelles institutions ou à l'adaptation des institutions traditionnelles qui ont un rôle dans la configuration et la diffusion des indices boursiers internationaux (par exemple le Dow Jones Sustainability DJSI Index ou le FTSE4Good), l'élaboration et la commercialisation des bases de données, les agences d'analyse de soutenabilité et de consultation des ISR, etc.

3.4.3   Pour promouvoir le développement des «Principes pour un investissement responsable» de l'ONU, il faut tenir compte du rôle actif de la Commission européenne, ainsi que de la création du Forum de l'investissement social (SIF) aux États-Unis ou du Forum européen de l'investissement social (Eurosif) en Europe, qui contribuent au dialogue avec les parties prenantes (11).

3.5   Gestion de portefeuilles

3.5.1   La modélisation socioéconomique associe des mesures de rentabilité sociale aux modèles financiers classiques, dépassant en cela le binôme rentabilité/risque. Ainsi, l'investissement socialement responsable utilise des critères sociaux, environnementaux et de bonne gouvernance en plus des critères purement financiers pour fonder ses objectifs lors de la sélection des investissements.

3.5.2   Ces dernières années, il a été reconnu qu'il fallait introduire dans le secteur financier une approche de responsabilité sociale, ce qui a donné naissance à ce qu'on appelle les «finances durables» ou «socialement responsables» («Sustainable Finance»). Ce courant rejoint les développements de la théorie de la «finance comportementale» («Behavioral Finance») et étend l'analyse du comportement économique et psychologique des acteurs aux comportements sociaux et environnementaux (12).

3.5.3   Les organisations qui ont le plus développé les techniques d'évaluation et de notation des entreprises en fonction de leur comportement socialement responsable sont les «agences d'analyse de soutenabilité» (13), qui utilisent différentes méthodes d'évaluation. Concrètement, les résultats de diverses études menées en la matière font apparaître que «les investissements socialement responsables ne supposent pas que ceux qui y prennent part sacrifient la rentabilité économique», en considérant toujours la perspective de rendement à moyen ou long terme.

3.6   Normalisation des produits

3.6.1   Instaurer et mettre en valeur des produits financiers (qu'il s'agisse de produits d'investissement, d'épargne ou de financement) socialement responsables exige de définir au préalable et avec une clarté absolue les conditions qu'ils doivent remplir, conditions aptes à garantir l'applicabilité des principes de responsabilité sociale et les processus de suivi, d'évaluation continue et de transparence.

3.6.2   Concrètement, l'Association espagnole de normalisation et de certification (AENOR) (14) est en train de mettre au point une norme pour les produits financiers socialement responsables (UNE 165001: 2002 EX, Instruments financiers éthiques) en vue de définir des obligations générales donnant une orientation aux institutions qui envisagent de créer ou de commercialiser de tels produits, et d'assurer à ces critères éthiques la plus grande transparence et la meilleure promotion auprès des utilisateurs.

3.6.3   Parallèlement, des critères d'autorégulation du secteur (15) ont été élaborés dans différents pays de l'Union européenne ces dernières années, dans de nombreux cas à la demande des organismes de régulation des États, afin de pouvoir enregistrer le nombre croissant, voire galopant, de nouveaux fonds d'investissement socialement responsables. Les auditeurs et conseillers professionnels constituent un mécanisme de contrôle supplémentaire.

3.6.4   À souligner également l'initiative visant à favoriser la transparence dans l'utilisation de ces critères que promeuvent EUROSIF et différents SIF des États membres. Le consommateur disposerait ainsi d'une information sur les critères utilisés et leur application, sans entrer dans l'appréciation du caractère bénéfique ou responsable des produits.

3.6.5   L'initiative de promouvoir la comparabilité des rapports relatifs aux ISR, élaborés par les institutions financières, vise à créer un certain modèle de document standardisé qui réponde aux besoins d'information des investisseurs de différents pays de l'UE.

4.   Systèmes de protection des consommateurs

4.1   La confiance du consommateur à l'égard des entreprises de services financiers s'est détériorée en raison de la crise financière. Alors qu'on s'interroge sur la moralité du secteur, les institutions financières ont l'occasion d'encourager des actions visant à renforcer et consolider les produits financiers socialement responsables.

4.2   Amélioration de l'information apportée au client

4.2.1   Un des effets de la crise financière est que les instances régulatrices se soucient de plus en plus des épargnants et des investisseurs. Cette attitude s'est renforcée, comme en témoignent les comités d'arbitrage, les dépliants d'information et les guides, la surveillance de la publicité (16) (elle devrait être claire, impartiale et non fallacieuse) pour tous les produits financiers, ainsi que la mise en place de «services de réclamation» ou du poste de «défenseur du client (médiateur)».

4.2.2   Dans la pratique, il arrive néanmoins que les banques n'informent pas toujours convenablement leurs clients selon leurs besoins. Ainsi, une étude récente de la Commission européenne (17) dénonce les irrégularités commises par les banques européennes dans de nombreux pays, notamment l'opacité et les prix élevés en matière de frais de gestion de comptes, ainsi que les difficultés que les consommateurs ont à comparer les offres des entités bancaires et à pouvoir choisir la plus avantageuse.

4.2.3   La transparence envers les clients exige de leur délivrer des informations claires, précises, compréhensibles et comparables. Concrètement, les produits financiers socialement responsables devraient pour le moins afficher les informations suivantes: définition du type d'ISR pratiqué, critères pratiques utilisés (filtre de l'ISR), composition du comité ISR (18), frais de gestion, dépôt, etc., ainsi que l'émission de rapports périodiques indépendants justifiant de la conformité du produit avec la philosophie de la responsabilité sociale.

4.2.4   Les informations obtenues par le service d'assistance aux clients contribuent à l'amélioration continue (facteur clé de la qualité des prestations) et à la responsabilisation du «service après-vente» assuré durant tout le cycle de vie du produit, ou jusqu'à ce que le client s'en sépare.

4.3   Promouvoir une éducation aux finances

4.3.1   Il conviendrait que le secteur public comme le secteur privé considèrent l'éducation financière comme une de leurs responsabilités et qu'ils coopèrent afin de répondre au défi que constitue la complexité chaque jour plus grande de l'environnement financier. Il convient cependant que cette formation ait lieu à l'écart des intérêts commerciaux liés aux produits financiers déterminés.

4.3.2   Pour renforcer la connaissance des finances auprès de la population, les organismes de supervision et les institutions financières ont lancé diverses initiatives sous l'intitulé «Plans d'éducation financière», destinées en particulier à éviter les cas de surendettement des familles et à les aider à sélectionner des produits adaptés à leur profil de risque et à leur situation patrimoniale.

4.3.3   Les politiques entreprises en matière d'éducation financière contribuent à générer une confiance envers le système financier, et leur importance a été reconnue par l'Union européenne dans la communication de la Commission sur l'éducation financière (19) ainsi que dans les conclusions finales du Conseil Ecofin du 14 mai 2008 (20).

4.3.4   Encourager la réalisation d'études sur l'ISR ainsi que la formation des opérateurs du marché peut permettre aux institutions financières d'adopter de «meilleures pratiques» dans le cadre de leurs politiques de durabilité. Le matériel didactique et les codes de conduite constituent un bon support pour le développement de la formation.

4.4   Rôle de conseil des services financiers

4.4.1   La directive européenne MiFID (marchés d'instruments financiers) (21) exige des entités financières qu'elles renforcent la protection de l'investisseur et offrent à leurs clients des produits adaptés à leurs divers profils. De plus, elle plaide pour l'établissement d'une «frontière nette» entre service de conseil et commercialisation, et pour que les intermédiaires financiers aient l'obligation de connaître en détail les produits qu'ils commercialisent. Dans cette optique, il faudrait demander au client, dans le cadre du test d'idonéité, au moment de lui offrir ou de lui assigner (gestion de portefeuilles) ce type de produits d'ISR plus adéquats, s'il est d'accord avec les politiques d'ISR.

4.4.2   Les produits financiers socialement responsables devront en particulier comprendre des procédures de contrôle interne destinées à définir les risques des investissements et à vérifier l'éventuelle existence de conflits d'intérêt, en effectuant à bon escient des rapports au comité ISR (qui sera obligatoirement composé en majorité d'experts externes, afin que soit garantie l'objectivité de leurs observations).

5.   Perspectives des investissements socialement responsables

5.1   L'investissement responsable peut sortir renforcé des circonstances actuelles, si les investisseurs sont à même de distinguer entre les établissements misant à long terme sur la responsabilité sociale des entreprises et ceux qui l'utilisent comme un simple outil de marketing.

5.2   Les institutions de retraite professionnelle sont celles qui offrent les meilleures perspectives de croissance en matière d'investissement responsable. M. Jáuregui (22)estime qu'en Espagne, l'éventuelle mise sur le marché de 10 % du Fonds de réserve de la Sécurité sociale, basée sur des critères durables (23), favoriserait le développement d'une culture de responsabilité sociale.

5.3   Au nombre des bonnes pratiques capables de mobiliser le monde de l'entreprise et les pouvoirs publics, il vaut la peine de mentionner une initiative telle que la «Médaille de la solidarité sociale», organisée par le Business Centre Club, une des plus importantes organisations d'entrepreneurs de Pologne. Il s'agit d'une distinction particulière récompensant des personnes – y compris des CEO – qui militent notamment en faveur de la responsabilité sociale des entreprises. Ces médailles sont décernées en présence de centaines de chefs d'entreprises, de ministres, de diplomates, du premier ministre voire du Président polonais, du Président de la Commission européenne ou du Président du CESE.

5.4   Pour que l'investissement socialement responsable atteigne son degré de maturité, le CESE encourage les pouvoirs publics à donner une impulsion, afin de faciliter la création de cadres juridiques appropriés, de promouvoir l'investissement basé sur des critères de durabilité, de participer à la mise en exergue des bonnes pratiques, et de stimuler les investissement dans les produits financiers de cette nature, par exemple grâce à des politiques fiscales appropriées (24). Une manière très efficace de dynamiser le marché serait d'introduire ces critères dans leurs propres investissements, tant ceux qui sont à revenus fixes que variables, à travers les fonds souverains ou de réserve de la sécurité sociale, comme en France. En matière de régulation et dans une perspective de transparence, il convient d'insister sur l'impact qu'aurait l'établissement d'une réglementation encourageant les entités de gestion des fonds d'investissement ou des institutions de retraite professionnelle à spécifier s'ils intègrent ou non des critères sociaux et environnementaux dans leur sélection d'investissements, comme au Royaume-Uni.

5.5   Le CESE souligne l'importance que revêtent l'engagement des entreprises et la gestion active de la part des intermédiaires du marché financier. Les gestionnaires des institutions de retraite professionnelle, les comités ISR pour les produits, les commissions de contrôle et les syndicats sont les forces motrices du marché des investissements socialement responsables.

Bruxelles, le 26 mai 2010.

Le président du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  COM(2001) 366 final. Voir aussi la communication de la Commission «Mise en œuvre du partenariat pour la croissance et l’emploi: faire de l’Europe un pôle d’excellence en matière de responsabilité sociale des entreprises», COM(2006) 136 final.

(2)  Corporate Social Responsibility: Partners for Progress, OCDE, Paris, 2001.

(3)  Voir l'avis du CESE sur le thème «La dimension éthique et sociale des institutions financières européennes», JO C 100 du 30.4.2009, p. 84.

(4)  Qui figurent dans le document 143/90 du Groupement européen des caisses d'épargne (1990).

(5)  E. Castelló: «El liderazgo social de las Cajas de Ahorros» («Le leadership social des caisses d'épargne»), FUNCAS (Fondation des caisses d'épargne), 2005.

(6)  J. L. García: «Las cuentas de la economía social: magnitudes y financiación del tercer sector en España, 2005» («Les comptes de l'économie sociale: ordre de grandeur et financement du secteur tertiaire en Espagne, 2005»), éditions Civitas, 2009.

Voir la résolution du Parlement européen du 19.2.2009 sur le thème «Économie sociale» (rapporteure: Mme Patricia TOIA).

(7)  Eurosif (2008). Le volume des actifs atteint 1 917 milliards d'euros en 2007 aux États-Unis.

(8)  Eurosif (2008). En Europe, le patrimoine de l'ISR (investissement socialement responsable) représente 2 665 milliards d'euros en 2007.

(9)  Muñoz, et alii: «The social responsibility performance of ethical and solidarity funds: An approach to the case of Spain». Business Ethics. A European Review. Vol 13, numéro 2/3, avril, juillet, 2004.

(10)  L'usage du terme «éthique» est généralement accepté, ce qui n'exclut pas l'emploi d'autres qualificatifs comme «citoyen», «alternatif» ou «social». Voir INVERCO (Association espagnole des Fonds d'investissement), Commission d'éthique, 1999.

(11)  Voir l'avis du CESE sur le thème «L'impact des fonds de capital d'investissement, des fonds alternatifs et des fonds souverains sur les mutations industrielles» (rapporteur: M. Morgan), JO C 128, du 18.05.2010, p. 56.

(12)  Les travaux pionniers d'Amartya Sen font autorité en la matière: «Collective choice and social welfare», Holden- Day, 1970.

(13)  Auprès des investisseurs, elles remplissent une fonction de consultation et d'organisme de contrôle.

(14)  AENOR: «Ética. Sistema de gestión de la responsabilidad social de las empresas» («Éthique. Système de gestion de la responsabilité sociale des entreprises.»), 2008.

(15)  Les commissions de contrôle des institutions de retraite professionnelle expliquent si elles utilisent ou non des critères de responsabilité sociale dans leurs décisions d'investissements.

(16)  Voir l'avis du CESE sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/71/CE concernant le prospectus à publier en cas d'offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l'admission de valeurs mobilières à la négociation» et la directive 2004/109/CE sur l'harmonisation des obligations de transparence concernant l'information sur les émetteurs dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur un marché réglementé, COM(2009) 491 final, CESE 257/2010.

(17)  «Data collection for prices of current accounts provided to consumers» («Rassemblement de données sur les tarifs de comptes courants proposés aux consommateurs», Commission européenne, 2009, http://ec.europa.eu/consumers/strategy/docs/prices_current_accounts_report_en.pdf.

(18)  Organe collégial d'experts chargé d'assister l'entité financière, gestionnaire, ou l'organisme de supervision du produit, afin de veiller à l'application correcte du filtre éthique et vérifier les informations à fournir au consommateur. Tout produit financier devrait disposer de son propre comité, bien que ce ne soit pas toujours le cas.

(19)  COM(2007) 808 final.

(20)  Communiqué de presse du Conseil no 8850/08 (Presse 113), p. 14.

(21)  Directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 relative aux marchés d’instruments financiers.

(22)  M. Jáuregui est député européen et membre du collectif «Alternative responsable».

(23)  Différents pays de l'Union européenne disposent d'un tel fonds.

(24)  Economistas sin Fronteras (Économistes sans frontières): «Cómo fomentar la inversión socialmente responsable en España» («Comment favoriser l'investissement socialement responsable en Espagne»), UNED, 2007.


21.1.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 21/39


Avis du Comité économique et social européen sur «La professionnalisation des travaux domestiques» (supplément d’avis)

2011/C 21/07

Rapporteure: Mme OUIN

Le 16 février 2010, conformément à l’article 29(a) des modalités d’application de son règlement intérieur, le Comité économique et social européen a décidé d’élaborer un supplément d’avis sur

«La professionnalisation des travaux domestiques».

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 5 mai 2010.

Lors de sa 463e session plénière des 26 et 27 mai 2010 (séance du 26 mai 2010), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 133 voix pour, 7 voix contre et 11 abstentions.

1.   Recommandations

Lors de sa 301e session, tenue en mars 2008, le Conseil d’administration du Bureau international du travail a décidé d’inscrire le «travail décent pour les travailleurs domestiques» à l’ordre du jour de la 99e session de la Conférence internationale du travail (prévue en juin 2010) afin que cette question fasse l’objet d’une double discussion. Cette démarche a pour objectif de dégager la meilleure manière de garantir les droits et les conditions de travail adaptées pour cette catégorie de travailleurs. Le BIT a déjà lancé la discussion parmi les États et les partenaires sociaux sur l’instrument le plus approprié. Le CESE souhaite aussi l’adoption d’un instrument efficace adapté aux spécificités de ce travail. Il demande en outre aux acteurs européens, aux États membres et aux partenaires sociaux de:

1.1

Mener davantage de recherches afin d’obtenir des données sur les réglementations, les conditions de travail et d’emploi et la protection sociale des travailleurs domestiques et l’application de celles-ci dans les États membres. Les études actuelles sont partielles et ne permettent pas de comparaisons européennes, alors que les situations sont très diverses.

1.2

Mettre en place dans les États membres des solutions juridiques comprenant des dispositions relatives à la fiscalité, à la sécurité sociale, ainsi qu’au droit du travail et au droit civil, incitant davantage les ménages à engager des travailleurs domestiques de manière formelle et les travailleurs domestiques potentiels à opter pour un emploi s’appuyant sur un contrat légal.

1.3

Établir et diffuser largement des conseils et recommandations pour les personnes privées employeurs et le travailleur domestique qu’elles emploient; encourager l’information/la formation sur les obligations et les droits tant des employeurs que des employés, notamment lorsque des systèmes de primes ou de déductions fiscales aux employeurs existent.

1.4

Enrichir les référentiels existants décrivant les tâches et responsabilités, les aptitudes et les compétences nécessaires pour accomplir un travail domestique et familial de qualité, établir des comparaisons entre les différentes situations nationales. Encourager le dialogue sectoriel européen sur ces activités.

1.5

Comparer les différents types d’organisation (services publics, entreprises, associations, coopératives, emploi direct) du point de vue des droits des salariés, et de la qualité du service rendu.

1.6

Progresser vers une organisation du travail permettant les remplacements au domicile des employeurs ou clients (sous peine de quoi les droits aux congés, à la maladie, à la maternité et à la formation resteront fictifs) et intégrant le paiement des temps de transport entre deux domiciles. Il est également nécessaire que les employés et employées puissent s’organiser pour défendre leurs droits, sortir de leur isolement et négocier avec leurs employeurs des droits équivalents à ceux des salariés des entreprises et administrations.

1.7

Prévoir la certification des acquis de l’expérience et la formation tout au long de la vie, pour faire reconnaitre la valeur de ce travail et pour que les employeurs ou clients aient des garanties sur les capacités professionnelles des employés et employées.

1.8

Faciliter l’innovation dans l’organisation de ce secteur en soutenant l’expérimentation d’idées innovantes et le développement de nouvelles formes d’organisation et de partenariats pour une réalisation plus efficace et validée.

1.9

Identifier, réduire et prévenir les risques professionnels propres au travail domestique, garantir des conditions qui ne soient pas moins favorables que celles des autres salariés dans les domaines de la sécurité et de la santé au travail, de la sécurité sociale, y compris la maternité et la retraite.

1.10

Lutter contre le travail illégal important dans ce secteur et protéger les travailleuses migrantes en situation irrégulière et victimes d’abus: supprimer la «double peine» que subissent ces femmes quand, allant se plaindre à la police d’avoir subi des violences, voire des abus sexuels, ou de n’être pas payées, elles sont renvoyées dans leur pays d’origine. Les conventions internationales doivent s’appliquer et les protéger (1).

2.   Observations générales

2.1   Constats

2.1.1   Femmes de ménage, nourrices, assistantes de vie, aides ménagères… ces emplois exclusivement occupés par des femmes, ne sont pas encore de vrais métiers, du fait aussi que les femmes au foyer effectuent gratuitement ce travail. Au moment où l’Organisation internationale du travail se penche sur «un travail décent pour les travailleurs domestiques», le Comité économique et social a souhaité approfondir les pistes évoquées dans l’avis adopté en octobre 2009 sur les liens entre l’égalité des sexes, la croissance économique et le taux d’emploi (2): Cet avis mettait en évidence l’importance pour l’égalité entre les hommes et les femmes comme pour la croissance économique de professionnaliser les emplois de service à la personne.

2.1.2   Les États européens considèrent les services à la personne comme un gisement d’emplois qu’on ne peut pas délocaliser. Beaucoup ont mis en place des exonérations fiscales ou des primes destinées à blanchir du travail au noir, à inciter la création d’emplois nouveaux en aidant les bénéficiaires à mieux concilier vie familiale et vie professionnelle.

2.1.3   D’après le rapport de l’OIT rédigé en vue de la conférence de juin 2010 (3), dans les pays industrialisés, le travail domestique représente entre 5 et 9 % de l’emploi total. Dans son introduction, ce rapport indique que «le travail domestique rémunéré reste, dans bien des pays, une forme d’emploi quasiment invisible. Il est effectué non pas à l’usine ou au bureau, mais au domicile d’un particulier. Les salariés ne sont pas des hommes soutiens de famille mais, dans l’immense majorité des cas, des femmes. Ils ne travaillent pas avec d’autres, mais seuls entre quatre murs. Leur travail n’a pas pour but de produire une valeur ajoutée mais de fournir des soins ou des services à des millions de ménages. Le travail domestique correspond le plus souvent aux tâches non rémunérées qui sont exécutées traditionnellement par les femmes chez elles. Cela explique pourquoi ce travail est sous-évalué pécuniairement et qu’il est souvent effectué de manière informelle et en situation irrégulière. Il n’est pas perçu comme un emploi normal s’inscrivant dans le cadre général de la législation du travail, alors que son origine remonte à la relation “maître-serviteur”. De ce fait, beaucoup de dispositions légales ne tiennent pas compte de la spécificité de la relation de travail domestique, ce qui expose ces travailleurs à un traitement inéquitable, injuste et souvent abusif»  (4).

2.1.4   Il ajoute «Des cas de maltraitance et d’abus, y compris de violences sexuelles et de cas d’esclavage, surtout parmi les travailleuses domestiques migrantes résidant chez l’employeur, sont souvent dénoncés dans les médias». Alors que le nombre de personnes employées dans ce secteur est en augmentation constante, le travail domestique reste la plus précaire, la moins payée, la moins protégée et l’une des plus risquées des formes d’emploi. Parce qu’il s’agit d’une forme d’emploi particulière non couverte par les règlementations internationales, dès 1948 l’OIT s’est préoccupée de mettre au point une règlementation adaptée.

2.1.5   Le présent avis porte sur le travail domestique rémunéré accompli au domicile d’un ménage et pour celui-ci, y compris les tâches ménagères, les soins aux enfants et autres services à la personne. Il ne traite pas des services sociaux ni des entreprises privées mais de la situation de travail des travailleurs domestiques employés par des particuliers. Parce que ce travail concerne un nombre grandissant de personnes, celles qui l’effectuent et celles qui en bénéficient, et qu’il a un caractère spécifique, il convient qu’il soit encadré par une législation adaptée à ces spécificités.

2.1.6   En Europe, la plupart des travailleurs et travailleuses domestiques ont plusieurs employeurs. Seul un petit nombre de femmes, souvent des migrantes, vivent chez leur employeur. Le travail informel est très fréquent. Les travailleuses domestiques sont souvent des personnes vulnérables, connaissant mal leurs droits, venant de la campagne, avec un faible niveau de qualification, ou migrantes, parlant mal la langue du pays d’accueil.

2.1.7   Quelles que soient les situations législatives, le droit du travail s’est construit pour des entreprises, et le plus souvent, ne s’applique pas dans la pratique au travail réalisé dans un domicile, où les contrôles sont difficiles, voire inexistants. Par ailleurs, les règles qui encadrent les activités lucratives, génératrices de profits ne s’appliquent pas non plus. Ce travail est en effet considéré par Adam SMITH (5) comme non productif. Sa valeur n’est pas reconnue, alors qu’il est indispensable au fonctionnement de la société.

2.1.8   «Comme, dans beaucoup de cas, la législation du travail ne définit pas clairement leur statut, les travailleurs domestiques tendent à être exclus des règlements officiels, dans le texte comme dans les faits» (6). Bien que les dispositions en vigueur dans les États membres de l’Union européenne n’excluent pas les travailleurs domestiques des normes générales de la législation du travail, en pratique, elles ne s’appliquent que très rarement à leur égard. Les particuliers-employeurs sont mal informés sur leurs obligations et responsabilités. Les travailleuses domestiques sont isolées et ont donc de la peine à s’organiser.

2.2   Définition de la professionnalisation

2.2.1   Les tâches recouvertes par le terme de travail domestique et familial font l’objet d’un apprentissage informel qui se transmet au sein de la famille. Il est différent selon les générations. En Europe, le filage de la laine et l’alimentation de la basse cour ont été remplacés par les programmes de lavage du lave-linge et le choix d’aliments non périmés au rayon frais du supermarché. Cet apprentissage informel doit être reconnu, le contenu des connaissances et des compétences nécessaires défini. Il faut aussi introduire l’apprentissage tout au long de la vie. L’innovation technologique doit irriguer ce secteur comme les autres, et les nouvelles connaissances dans le domaine de la nutrition ou les nouvelles exigences dans celui de la préservation de l’environnement doivent être intégrées.

2.2.2   De meilleures conditions pour ces emplois, cela passe par la description précise des tâches à accomplir, des responsabilités assumées et celle des compétences requises, ainsi que par un apprentissage formel des connaissances nécessaires pour les effectuer correctement au service de n’importe quel client, ou par une validation des acquis de l’expérience. Apprentissage et acquis de l’expérience devraient être sanctionnés par un certificat d’aptitude. C’est l’intérêt des employeurs ou clients de pouvoir recourir à des personnes dont les compétences sont certifiées.

2.2.3   Professionnaliser c’est permettre au salarié d’avoir des droits et protections équivalents à ceux des salariés qui travaillent dans des bureaux ou des ateliers: un salaire décent incluant le temps de transport entre deux domiciles, la définition du temps de travail hebdomadaire, la possibilité de prendre des congés payés, le respect des règles d’hygiène et de sécurité, une retraite décente, la protection de la maternité (7), des congés pour maladie rémunérés, des indemnités en cas d’invalidité, des règles en cas de licenciement ou de rupture du contrat de travail, des voies de recours en cas d’abus, un accès réel à la formation professionnelle et à un déroulement de carrière, comme pour les autres professions. La généralisation d’un contrat permettrait de protéger les employés et les employeurs.

2.2.4   Professionnaliser c’est en faire un métier, et combattre les stéréotypes qui aujourd’hui réservent ces tâches aux femmes. Les progrès de la professionnalisation pourront se mesurer aux progrès de la mixité.

2.3   Définition du travail domestique

2.3.1   La principale caractéristique du travail domestique est son invisibilité. Les tâches et surtout les responsabilités qu’assument les travailleurs et travailleuses domestiques sont très rarement nommées, énumérées. Les employeurs confient leur domicile, leurs enfants à des personnes dont ils n’ont pas les moyens de vérifier les compétences (8). Les travaux (9) concernant la valeur du travail accompli dans les domiciles pour assurer la vie quotidienne des familles (budget-temps) soulignent que la société ne peut fonctionner sans qu’il soit exécuté. Cette valeur doit être reconnue.

2.3.2   Le travail domestique et familial concerne des activités réalisées par des personnes employées par des services sociaux publics, des associations soutenues par les pouvoirs publics, par des entreprises privées et par des travailleurs domestiques dans le cadre du gré à gré, déclaré ou non déclaré, les employeurs étant des particuliers. Bien que dans tous les cas, le travail domestique soit quasi exclusivement réalisé par des femmes, les conditions de travail et d’emploi sont généralement plus favorables dans les services sociaux publics et les entreprises, où les salariés peuvent s’organiser, les partenaires sociaux négocient des conventions collectives, et les contrôles de l’administration sont possibles.

2.3.3   D’après le rapport de l’OIT (10), selon la classification internationale type des professions (CITP) du BIT, le travail domestique est classé en deux grands groupes (5 et 9), auxquels sont associés certaines tâches et un certain niveau de qualification. «Le grand groupe 5 concerne les établissements commerciaux, les institutions et les ménages privés. Il vise deux grandes catégories: intendants et personnel des services de restauration (sous-groupe 512), qui inclut le personnel d’entretien domestique, les travailleurs assimilés et les cuisiniers; personnel soignant et assimilé, dont les personnes chargées de la garde des enfants et des soins personnels à domicile (sous-groupe 513). Les tâches visées sous le titre 5121 mettent l’accent sur l’encadrement du service domestique. Le groupe 5131 définit les gardes d’enfants comme les personnes qui “veillent sur les enfants de l’employeur et suivent leurs activités quotidiennes”, et considère que leurs tâches consistent à:

aider les enfants à faire leur toilette, à se vêtir et à prendre leurs repas;

emmener les enfants à l’école et les en ramener, et les accompagner pour des sorties récréatives;

jouer avec les enfants ou les divertir, en leur faisant la lecture ou en leur racontant des histoires;

tenir en ordre la chambre à coucher des enfants et leur local de jeux;

s’occuper des enfants à l’école pendant le repas de midi ou pendant d’autres interruptions de la classe;

s’occuper des enfants à l’école lorsqu’ils vont en excursion, qu’ils visitent un musée ou qu’ils font d’autres sorties analogues;

s’acquitter de fonctions connexes;

surveiller d’autres travailleurs.

De même, les préposés aux soins personnels à domicile (groupe 5133) “pourvoient à certaines nécessités personnelles et, de manière générale, prodiguent des soins, à domicile, à des personnes qui en ont besoin parce qu’elles sont atteintes de maladie physique ou mentale, ou d’incapacité, ou encore à cause d’infirmités imputables à la vieillesse”. Les tâches des travailleurs de cette catégorie, dont font partie les “aides-soignants à domicile”, se résument comme suit:

aider les personnes à se coucher et à se lever, ainsi qu’à changer de vêtements en conséquence;

changer le linge des lits et aider les personnes à prendre leur bain et à faire leur toilette;

servir les repas – qu’eux-mêmes ou des tiers ont préparés – et nourrir les personnes qui ont besoin d’aide;

administrer les médicaments prescrits ou veiller à ce que les personnes les prennent;

observer tout signe de détérioration de l’état de santé des personnes et en avertir le médecin traitant ou les services sociaux compétents;

s’acquitter de fonctions connexes;

surveiller d’autres travailleurs.

Le sous-groupe 913 concerne précisément les “aides de ménage et autres aides, nettoyeurs et blanchisseurs”. Il vise les travaux exécutés au domicile des particuliers, dans les hôtels, les bureaux, les hôpitaux et autres établissements, ainsi que dans toutes sortes de véhicules pour en maintenir l’intérieur et le mobilier en état de propreté. Ce sous-groupe comprend les aides de ménage et nettoyeurs domestiques, et les laveurs et repasseurs de linge à la main. Les aides de ménage et nettoyeurs domestiques rangés sous le titre 9131 “balaient, passent l’aspirateur, lavent et cirent les sols, prennent soin du linge, font des achats de fournitures et d’autres produits nécessaires au ménage, préparent les mets, servent les repas et s’acquittent de maintes autres fonctions domestiques”.»

2.3.4   Si les soins médicaux ne font pas partie du travail domestique, une aide ménagère ou une assistante maternelle doit être capable de faire prendre leurs médicaments aux personnes dont elle a la charge et de réagir en cas de problème soudain mettant en danger la vie de la personne dont elle s’occupe. Elle doit être formée pour cela.

2.3.5   Les personnes qui assument ces tâches, en cas d’absence de l’employeur ou lorsqu’il est en situation de dépendance doivent être autonomes et capables d’organiser leur temps, elles doivent inspirer la confiance – on leur confie les clés du domicile, les bébés, les parents âgés, bref ce que chacun a de plus précieux –, avoir le sens des responsabilités, être capables d’initiatives, rester discrètes, et quand elles assument la responsabilité totale d’enfants ou de personnes dépendantes, elles doivent pouvoir gérer plusieurs tâches simultanément, être vigilantes, attentives, persuasives, patientes, d’humeur égale, aptes à la concentration, à l’écoute, faire preuve d’autorité, savoir quoi faire en cas d’accident. Elles doivent avoir de l’empathie, et posséder des connaissances en psychologie, diététique, hygiène.

2.4   Caractéristiques du travail domestique

Le travail domestique est précaire et mal payé, parce que sa valeur n’est pas reconnue, du fait qu’il est aussi effectué gratuitement par des femmes au foyer, que les employeurs sont des particuliers qui ne peuvent ou ne veulent pas payer davantage, qu’il est effectué par des femmes qui travaillent seules, le plus souvent chez plusieurs employeurs, qu’elles ne peuvent pas s’organiser collectivement, faire grève, bloquer la production pour soutenir leurs revendications comme des salariées en entreprise, que les stéréotypes qui pèsent sur la représentation de ces métiers et sur l’image de la femme et de la mère masquent la réalité des qualifications, que le lieu de travail est un domicile privé impossible à contrôler, et qu’il est souvent exercé par des immigrées irrégulières, sans droits.

2.4.1   La précarité est inhérente à ces activités, en fonction des besoins des ménages: les enfants grandissent et deviennent autonomes, les personnes âgées dépendantes meurent, et quand les ressources des ménages diminuent du fait par exemple du chômage, l’emploi d’une personne à leur domicile est supprimé.

3.   Observations particulières

3.1   Objectifs de la professionnalisation

3.1.1   Une meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle

3.1.1.1   Le travail salarié des femmes, condition de l’égalité des sexes, a rendu nécessaire la création de services pour remplacer le travail qu’effectuaient à la maison les femmes au foyer. Il a aussi donné des moyens financiers plus importants aux familles, permettant à certaines d’entre elles de recourir à ces services, ce qui est créateur d’emplois.

3.1.1.2   Ces services se sont développés, car ils sont indispensables pour permettre de trouver un équilibre entre la vie familiale et la vie professionnelle. Les hommes et les femmes doivent pouvoir s’engager dans leur vie professionnelle sans nuire à leur vie familiale et personnelle, auquel cas, ils ont besoin de confier une partie des tâches domestiques et familiales à des tiers.

3.1.1.3   Pour parvenir à un équilibre entre la participation des hommes et des femmes au marché du travail, et tenir compte des nouveaux besoins créés par le vieillissement de la population, ces services devront à l’avenir se développer davantage et vont donc concerner un nombre encore plus important de salariés.

3.1.2   Des emplois et des services de qualité

3.1.2.1   Pour développer ces services, il faudra garantir leur qualité, généraliser des formations qui existent déjà, introduire la formation tout au long de la vie pour intégrer les évolutions, élargir les possibilités de contrôle des compétences. Professionnaliser ces emplois, c’est en améliorer la qualité pour les clients et bénéficiaires et pour les salariés. C’est le moyen le plus sûr pour trouver demain des candidats qui auront envie de les exercer.

3.1.3   Lutter contre la pauvreté

3.1.3.1   On sait qu’en Europe, les femmes sont plus nombreuses à souffrir de pauvreté. Les bas salaires et la précarité, le travail non déclaré qui sont caractéristiques du travail domestique sont des facteurs d’exclusion sociale. En Europe, c’est dans le travail domestique que le travail non déclaré est le plus important, devant le bâtiment ou la restauration (11).

3.1.4   Lutter contre le travail informel et l’immigration clandestine

3.1.4.1   Les cas d’esclavage dénoncés en Europe concernent des travailleuses domestiques en situation irrégulière, à qui l’employeur ne verse pas de salaire parce qu’il promet des papiers. Ces travailleuses sont les plus vulnérables: elles n’osent se plaindre des mauvais traitements, violences et abus sexuels de crainte d’être expulsées. Le travail domestique devrait relever de l’immigration choisie, actuellement ciblée sur les personnes très qualifiées. La situation démographique de l’Europe rend nécessaire le recours à l’immigration pour couvrir les besoins en particulier de dépendance des personnes âgées.

3.1.4.2   Le travail informel prive le travailleur de sa protection sociale et la collectivité des taxes et cotisations sociales. Il pèse sur l’image et la perception du travail domestique, en faisant un sous-emploi, ce qui alimente les stéréotypes et tire l’ensemble de la profession vers le bas. Il accroit les risques de pauvreté.

3.1.4.3   La réduction du travail non déclaré réalisé au domicile nécessite une série de mesures s’intégrant dans les systèmes juridiques des différents États membres et comprenant des dispositions relatives à la fiscalité, à la sécurité sociale, ainsi qu’au droit du travail et au droit civil. La propension à proposer ou à accepter un emploi non déclaré s’explique le plus souvent par des motifs économiques, dans la mesure où ce type d’emploi est plus avantageux pour les deux parties qu’un emploi déclaré. L’action des États membres devrait viser à réduire les différences en termes d’avantages et s’appuyer par ailleurs sur des mesures adaptées aux conditions sociales et culturelles locales (campagnes médiatiques, exemples donnés par des personnalités publiques, information sur les risques liés au travail non déclaré).

3.2   Conditions d’emploi

3.2.1   Des employeurs organisés et des salariés syndiqués ont négocié des conventions collectives. C’est sur ces avancées qu’il faut s’appuyer pour améliorer le sort des travailleurs domestiques. Des études doivent être menées sur les conventions collectives qui régissent actuellement le travail domestique en Europe et s’inspirer des meilleures pratiques pour les généraliser. Il faut aussi comparer les différents types d’organisation (entreprises, associations, coopératives, emploi direct) du point de vue des droits des salariés et de la qualité du service rendu.

3.2.2   Dans de nombreux pays d’Europe, l’employeur particulier comme la travailleuse domestique sont mal informés de leurs droits et devoirs. L’employeur ne pense pas à la femme de ménage ou à la nourrice comme à une salariée qui a des droits. À cause des stéréotypes, il la voit comme une aide à qui il rend service en lui proposant quelques heures de travail. Souvent aucun contrat de travail écrit n’est signé entre les deux parties, les conditions d’emploi, salaires, congés, horaires, description des tâches, rupture du contrat, indemnités de licenciement ne sont pas clairement définies. Il faut rendre plus clairs les droits et obligations de chacun, c’est aussi une protection pour l’employeur qui doit être plus conscient des risques qu’il court en embauchant une personne pour travailler chez lui (vols, accidents) et de ses responsabilités.

3.2.3   Hygiène et sécurité: le travail domestique est perçu à tort comme sans risque. Brûlures, coupures, intoxication avec des produits ménagers, chutes, électrocution avec des appareils ménagers sont des accidents fréquents, surtout si l’employeur n’a pas conscience qu’il doit respecter des règles de sécurité et que l’employée n’a pas été avertie des dangers et formée pour les éviter.

3.2.4   Santé, protection de la maternité, retraite: le congé de maternité est souvent l’occasion d’un licenciement, car l’employeur, ayant besoin que quelqu’un réalise le travail domestique, va prendre une autre employée et ne se sentira pas obligé de reprendre celle qui est partie en congé de maternité. L’absence d’une organisation permettant des remplacements temporaires ne permet pas l’application des droits, qui restent théoriques. Les systèmes de sécurité sociale et de retraite sont souvent inadaptés pour quelques heures de travail chez plusieurs employeurs.

3.2.5   Qualification, formation: les compétences requises ont fait longtemps l’objet d’un apprentissage informel. On constate depuis quelques années que la transmission familiale régresse. Des jeunes mères sont désemparées à la naissance de leur premier enfant, de jeunes parents ne savent plus cuisiner des repas équilibrés, privilégient les plats industriels, ce qui est l’une des causes de l’obésité infantile. Nommer les tâches et les compétences et les enseigner permettraient aussi de mieux les diffuser et de les rendre mixtes.

Bruxelles, le 26 mai 2010.

Le président du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  Voir la Convention européenne relative au statut juridique du travailleur migrant et la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains.

(2)  JO C 318 du 23 décembre 2009, p. 15

(3)  Voir OIT «Travail décent pour les travailleurs domestiques», Rapport IV pour la Conférence internationale du travail, 99e séance, 2010. http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/@ed_norm/@relconf/documents/meetingdocument/wcms_104701.pdf

(4)  Idem, p. 1.

(5)  Idem, p. 11.

(6)  Ibidem.

(7)  La révision de la directive sur le congé de maternité (Directive 92/85/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992) introduit le droit à ce congé aux travailleuses domestiques.

(8)  JO C 277 du 17 novembre 2009, p. 102

(9)  Housework: priceless or valueless ? («Les travaux domestiques: sans prix ou sans valeur?»), par Marianne A. Ferber et Bonnie G. Birnbaum (1977) http://www.roiw.org/1980/387.pdf;

Time Use in Child Care and Housework and the Total Cost of Children («Emploi du temps dans les soins à l’enfance et les travaux domestiques et coût total de revient des enfants»), de Björn Gustafsson et Urban Kjulin © 1994 Springer http://www.jstor.org/pss/20007438.

(10)  Voir note de pied-de-page 3, p. 31 et 32.

(11)  Voir: «Le travail non déclaré au sein de l’Union européenne», Eurobaromètre spécial 284, vague 67.3, octobre 2007, p. 21.


III Actes préparatoires

Comité économique et social européen

463e session plénière des 26 et 27 mai 2010

21.1.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 21/44


Avis du Comité économique et social européen sur le «Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: solutions possibles pour l'étiquetage en matière de bien-être animal et l'établissement d'un réseau européen de centres de référence pour la protection et le bien-être des animaux»

COM(2009) 584 final

2011/C 21/08

Rapporteur: M. Leif E. NIELSEN

Le 28 octobre 2009, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur le

«Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: solutions possibles pour l'étiquetage en matière de bien-être animal et l'établissement d'un réseau européen de centres de référence pour la protection et le bien-être des animaux»

COM(2009) 584 final.

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 6 mai 2010.

Lors de sa 463e session plénière des 26 et 27 mai 2010 (séance du 26 mai 2010), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 106 voix pour, 2 voix contre et 1 abstention.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Un système d'étiquetage est nécessaire pour informer objectivement les consommateurs afin de leur permettre de choisir des produits animaux qui obéissent à des obligations plus sévères que le minimum prévu par l'UE. Cet étiquetage devrait constituer une garantie reconnaissable fondée sur des informations fiables, qui se prêtent à leur être communiquées.

1.2   L'objectif de ce système est d'évaluer et de comparer des normes en s'appuyant sur des travaux scientifiques. Ce système devrait être facultatif, harmonisé et axé sur le marché; il devrait se fonder sur une certification et présenter des caractéristiques qui permettent de l'utiliser en combinaison avec des labels privés ou d'autres labels de qualité, pour autant que certains critères soient respectés. Il doit également respecter les engagements internationaux et pouvoir s'appliquer, à conditions équivalentes, aux produits importés dans l'UE.

1.3   Le Comité se félicite des études détaillées qu'a commandées la Commission afin d'évaluer l'impact des différentes solutions possibles pour un système d'étiquetage et un réseau européen de centres de référence. Il en ressort clairement qu'un système tel que celui esquissé plus haut constitue la voie la plus réaliste et se situe par ailleurs dans le fil des recommandations précédentes du CESE sur ce sujet (1).

1.4   Ces observations étant posées, on fera remarquer que la Commission n'évalue pas les obligations auxquelles doit obéir un «système de garantie» de ce genre, pas plus qu'elle ne trie par ordre de priorité les différentes solutions possibles; au contraire, elle laisse cette question en suspens, bien que la plupart des propositions soient irréalistes. Il eût été plus logique – et plus fructueux – qu'elle avance une proposition concrète qui constituerait le point de départ des discussions ultérieures. Cette observation se vérifie d'autant plus qu'il y a deux ans, le Conseil avait expressément invité la Commission à poursuivre ses travaux à partir des recommandations du CESE.

1.5   Il importe de ne pas prolonger inutilement le débat. La remarque vaut tout particulièrement dans le cas du projet Welfare-Quality (2), dont il convient de transposer au plus vite les conclusions dans la pratique et de maintenir et exploiter pleinement le réseau existant d'institutions y engagées, ainsi que l'enthousiasme des équipes de chercheurs, sans trop gaspiller de temps à poursuivre les discussions autour de solutions théoriques qui ne sont pas assorties de propositions concrètes.

1.6   Le projet «Welfare Quality» a donc jeté de solides fondations pour l’élaboration d’indicateurs scientifiques qui se fondent avant tout sur le bien-être et le comportement des animaux, mais par là aussi, de manière indirecte sur les systèmes et méthodes de production mis en œuvre et qui sont susceptibles d'être développés plus avant en une classification qui offre aux consommateurs des informations transparentes et fiables.

1.7   En conséquence, le CESE soutient l'établissement d'un réseau européen afin de poursuivre les travaux du projet Welfare Quality. En conformité avec ses recommandations précédentes, le Comité estime que la solution existante la plus appropriée consiste à allier un système d'étiquetage et un réseau coordonné au niveau central. Dans le même temps, il y a lieu que les parties prenantes concernées contribuent très largement à la gestion de ce système ainsi qu'à l'élaboration de normes afférentes.

1.8   Il est prévu que le système proposé vienne s'ajouter aux dispositifs de qualité existants de l'UE qui se servent de «mentions réservées» pour caractériser les filières biologiques de produits et de production d'œufs, ainsi qu'aux règles applicables aux indications géographiques et aux spécialités traditionnelles, qui se réfèrent au premier chef aux méthodes de production et à l'origine, et non au bien-être animal, même s'ils sont largement perçus comme tels.

2.   Contexte

2.1   L'utilisation d'indicateurs quantifiables, le renforcement des normes en matière de bien-être animal, un étiquetage et l'établissement d'un réseau européen sont les éléments clés du plan d'action de la Commission pour le bien-être des animaux (3). Son objectif est d'offrir aux consommateurs des bases plus larges pour choisir des produits animaux fabriqués dans le respect d'exigences de bien-être animal plus sévères que le minimum requis par l'UE. Une des manières d'atteindre cet objectif consiste à améliorer l'information et à renforcer la sensibilisation au bien-être animal, à élaborer des prescriptions, ainsi qu'à rechercher et appliquer les meilleurs pratiques grâce à un réseau européen pour la protection et le bien-être des animaux. Participer à la mise en place d'un dispositif souple et efficace relève manifestement du mandat du CESE, en tant qu'il est le représentant de la société civile et vu la diversité de sa composition.

2.2   Le rapport à l'examen répond à la demande du Conseil de mai 2007 d'évaluer les solutions possibles pour un étiquetage en matière de bien-être animal. Cette requête se fondait sur l'avis exploratoire du CESE et sa conférence de suivi (4). Le Conseil avait invité la Commission a présenter un rapport sur les solutions possibles existantes pour l'étiquetage en matière de bien-être animal, en tenant notamment compte des recommandations du CESE, qui étaient axées sur l'examen des aspects pratiques de l'instauration d'un système d'étiquetage fondé sur des indicateurs de bien-être, dans la ligne des conclusions du projet Welfare Quality. À l'instar du CESE, le Conseil recommandait également de mener dans la foulée une campagne d'information d'envergure européenne pour expliquer le bien-être animal et les systèmes d'étiquetage.

2.3   Les annexes au rapport à l'examen contiennent des analyses externes de grande ampleur sur des solutions possibles tant pour l'étiquetage animal et la fourniture d'informations afférentes que sur les tenants et aboutissants de l'établissement d'un réseau européen. Conformément à la demande du Conseil, l'enjeu consiste à lancer un débat interinstitutionnel sur ce rapport et ces différentes études pour nourrir la réflexion ultérieure de la Commission.

2.4   Le rapport qui fait l'objet du présent avis et la synthèse des études afférentes que les services de la Commission y ont annexée résument les options existantes, y compris un éventail de systèmes d'étiquetage facultatifs ou obligatoires, sans toutefois les hiérarchiser par ordre de priorité. Il en ressort en tout cas que le dispositif qui sera retenu, quel qu'il soit, devra avoir pour fondement de fournir des informations compréhensibles pour le consommateur, de s'appuyer sur des critères scientifiques, de recourir à des organismes indépendants de certification, d'éviter les distorsions de concurrence et de respecter les engagements internationaux.

2.5   De l'avis de la Commission un réseau européen de centres de référence sera à même d'harmoniser les normes et indicateurs de bien-être animal, de coordonner les ressources existantes, de contribuer à la diffusion des meilleures pratiques, de fournir une information indépendante et d'éviter les doubles emplois. Les pistes disponibles sont les suivantes: prolonger la situation actuelle, sans prendre de mesures supplémentaires, adopter une approche centralisée; opter pour une approche décentralisée ou se prononcer pour une stratégie qui soit davantage centrée sur des tâches précises et prévoie des éléments centralisés et d'autres décentralisés.

2.6   Dans son rapport, la Commission entend notamment examiner des aspects tels que la charge administrative, les coûts et le lien entre systèmes d'étiquetage et qualité du produit, par exemple dans le domaine de l'agriculture biologique. Pour ce faire, elle recourra aux conclusions du projet Welfare Quality et en étudiera toutes les conséquences possibles, qu'elles soient d'ordre social, économique et environnemental. La Commission entend également entreprendre des recherches supplémentaires afin de relever chez les consommateurs les éventuels changements par rapport à leurs avis recueillis lors des enquêtes antérieures, ainsi que, le cas échéant, les raisons qui les motivent.

3.   Observations

3.1   Le Comité continue à soutenir le plan d'action de la Commission pour le bien-être des animaux (5) et il apprécie que le protocole sur la protection et le bien-être des animaux figure en bonne place dans le traité de Lisbonne, reflétant l'intérêt accru pour ces questions (6).

3.2   Les études réalisées démontrent qu'il convient d'adopter une approche plus cohérente et coordonnée en ce qui concerne la protection et le bien-être des animaux au sein de l'UE. Les très nombreux systèmes facultatifs d'étiquetage et de qualité qui existent dans les États membres sont susceptibles d'induire le consommateur en erreur, d'établir entre des produits des distinctions injustifiées et sans fondement objectif et de compromettre l'égalité des conditions de concurrence pour les producteurs et les distributeurs concernés.

3.3   Si les consommateurs sont susceptibles d'accorder une priorité au bien-être animal dans leurs choix en se fondant sur des considérations éthiques, qualitatives ou autres, le manque d'informations fait qu'ils n'accordent guère de crédit à l'exactitude ou à la fiabilité des déclarations commerciales. Il est donc essentiel de disposer d'une documentation objective et scientifiquement exacte pour favoriser la commercialisation de produits animaux qui obéissent à des règles plus sévères que les obligations minimales de l'UE. Il est toutefois évident que l'étiquetage ne peut produire l'effet désiré que si les données fournies sont immédiatement compréhensibles et que les consommateurs sont suffisamment avertis de leur signification et y sont intéressés.

3.4   En conséquence, il s'impose de donner une garantie reconnaissable, fondée sur une information objective et fiable et le CESE, dans la logique de son avis de 2007, soutient pleinement toute mesure allant en ce sens. Il apprécie à sa juste valeur le travail solide qui a été accompli et est conscient de tout le temps qu'il a exigé.

3.5   Ces observations étant formulées, on fera remarquer que la Commission aurait favorisé la progression du dossier si elle avait établi un classement entre les différentes options et avait entrepris d'esquisser une ou plusieurs propositions qui auraient fourni un point de départ pour la suite du processus politique en cours et dont l'une aurait été fondée sur les recommandations du CESE. De toute évidence, celles-ci ont été corroborées par les études de grande ampleur qui ont été réalisées et ont montré que, pour être réaliste, tout système d'étiquetage doit être facultatif, harmonisé et axé sur le marché, de manière à établir un cadre pratique et viable pour la commercialisation des produits animaux qui obéissent à des règles plus sévères que les obligations minimales en matière de bien-être animal.

3.6   La Commission se devrait également de tirer parti des travaux étendus qui ont été réalisés sous l'égide de l'Europe dans ce domaine, concernant des systèmes fondés sur la connaissance qui informent tant le fournisseur que le producteur de biens et services et stimulent les actions centrées sur le marché ainsi que les réactions des consommateurs. On peut citer ici, entre autres exemples, le label du commerce équitable (Fairtrade mark), le «conseil de bonne gestion de la forêt» (Forest Stewardship Council), le Conseil de la bonne gestion de la mer (Marine Stewardship Council) et l'Alliance pour la forêt vierge (Rainforest Alliance). Parmi les composantes essentielles de la démarche doivent figurer la gouvernance du système, son extension, ses objectifs et l'établissement de normes; elle doit se prêter à une évaluation indépendante, une étude d'impact et une analyse coût-bénéfice, tout en assurant un suivi des réclamations et une action de sensibilisation (7).

3.7   Coordonner les efforts de recherche permettrait d'assurer une utilisation plus efficace des ressources et le CESE estime qu'il y a lieu d'accélérer le débat interinstitutionnel sur ce point. Cette observation s'applique tout particulièrement dans le cas du projet Welfare Quality, dont il convient de mettre en pratique les conclusions aussi rapidement que possible et de préserver l'enthousiasme des équipes de chercheurs et d'aller de l'avant sur la base des résultats obtenus jusqu'à présent, sans gaspiller trop de temps à poursuivre les discussions autour de solutions théoriques dépourvues de propositions concrètes. La mise en réseau avec les chercheurs des grands pays tiers est également déterminante afin de diffuser plus largement les résultats de la recherche et de mieux faire comprendre la politique de l'UE; cet aspect revêt une grande importance pour l'avenir des relations commerciales.

Le système d'étiquetage

3.8   Même elle ne contient pas d'indication claire concernant le système d'étiquetage, l'analyse semble indiquer indirectement que l'option la plus réaliste consiste en un dispositif unique et souple, qui, sur tous les points importants, répond aux recommandations et propositions du CESE, pouvant s'appuyer sur une base scientifique, sur les conditions du marché, l'adhésion volontaire et la possibilité d'être utilisé en combinaison avec les labels et marques de qualité privés qui existent déjà.

3.9   En résumé, le CESE continue dès lors à penser que le système devrait être fondé sur les éléments suivants:

Le centre ou les centres de référence proposés devraient fixer les critères objectifs qui sont requis, établis sur l'ensemble du cycle de vie de l'animal et traduits en conditions de production pratiques et réalistes, de manière à assurer la meilleure articulation possible entre la recherche, le développement et l'utilisation des nouvelles technologies (8).

Les critères doivent être traduits en prescriptions (9), applicables au système d'étiquetage, concernant notamment la possibilité de mesure et le contrôle par un organe indépendant, avec apport des parties concernées.

Sur une base volontaire, le pôle de la production comme celui du négoce pourront dès lors utiliser un logo reconnu par l'UE, qui attestera qu'ils respectent des conditions plus sévères que le minimum requis par la législation européenne.

La base sur laquelle reposeront les prescriptions pourra, par exemple, consister en trois échelons différents au-dessus des prescriptions minimales, dans la mesure où une telle distinction est pertinente pour l'espèce animale ou le produit concernés (10).

Pour certifier le respect des exigences spécifiques et contrôler l'utilisation qui est fait de la marque, on se fonde sur l'autocontrôle et un suivi indépendant (11).

3.10   Dans ce modèle, la mise en œuvre, le contrôle et l'utilisation dudit logo s'effectueront dans un environnement de marché, indépendamment des pouvoirs publics. Grâce à son adjonction facultative en complément de labels existants - et en combinaison avec un système d'étoiles, de couleurs ou de points -, le dispositif proposé tiendra également compte du problème de la profusion des systèmes d'étiquetage qui sont apposés sur un produit donné. Cette information sera utile pour le consommateur curieux et motivé, tandis que la confiance dans le système sera renforcée par sa base scientifique et sa certification impartiale.

3.11   Le rythme auquel le système sera instauré devra absolument concorder avec les impératifs du marché mais les organisations de producteurs, les entreprises et les détaillants auront la possibilité de faire usage du système pour leur gamme de produits, pour autant qu'ils satisfassent aux exigences de l'un des niveaux supérieurs, et de les commercialiser comme tels. Il importe, par exemple, que le dispositif se prête à être employé en conjonction avec la stratégie de «marques», à laquelle le commerce de détail a de plus en plus tendance à recourir pour indiquer, par une démarche distincte de l'étiquetage, qu'un produit est respectueux du bien-être animal.

3.12   Le système pourra s'utiliser dans un environnement similaire pour les produits importés, de sorte qu'il ne posera pas de problèmes au regard des règles de l'OMC, dans la mesure où elle autorise dans sa pratique les systèmes d'étiquetage facultatifs dès lors qu'ils sont pertinents et accessibles sur un pied d'égalité aux producteurs des pays tiers.

3.13   Que cette démarche soit axée sur le marché implique notamment que le dispositif soit suffisamment attrayant pour les consommateurs et les détaillants et que les frais qu'il impose aux producteurs soient compensés par un meilleur accès au marché et des prix plus élevés.

Un réseau européen et des centres de référence

3.14   Pour un développement réaliste et objectif en matière de bien-être animal, il sera absolument nécessaire de s'assurer de la participation des centres de recherche qui existent dans l'UE et sont pertinents pour cette thématique. Le CESE est donc favorable à la création d'un réseau européen dans ce domaine, qui sera coordonné par un ou plusieurs centres de référence (ENRC) et sera structuré sur le modèle des centres de référence actuels du domaine de la santé animal (12).

3.15   Dans une certaine mesure, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), le Centre commun de recherche (CCR) et les laboratoires de référence nationaux traitent dans une certaine mesure de la problématique de la santé animale, sans être toutefois à même de la coordonner à l'échelon de l'Union. Le réseau devra compléter les activités de ces organes européens, sans faire double emploi avec eux. Fondamentalement, il devrait traiter de toutes les formes d'exploitation de l'animal à des fins économiques et ne pas être inféodé à des intérêts extérieurs.

3.16   Le réseau devrait assumer les tâches suivantes, qui sont corrélées:

établir et mettre à jour des indicateurs pour évaluer le bien-être animal sur une base scientifique et avec l'apport des parties intéressées,

élaborer des évaluations d'impact concernant les effets des dispositions prises et des améliorations apportées en la matière,

poursuivre le développement de la recherche et de la validation scientifique pour l'actualisation des prescriptions,

informer et dialoguer sur la mise en œuvre des normes et contribuer à une politique plus active de protection animale au plan mondial.

3.17   La manière la plus efficace d'organiser ces activités peut consister à capitaliser sur le réseau existant «Welfare Quality», en articulation avec celui, plus étendu, qui couvre d'importants pays tiers. Le projet «Welfare Quality» a ainsi jeté les bases nécessaires pour développer, grâce à l'élaboration d'indicateurs scientifiques axés sur l'animal, un système d'étiquetage qui est susceptible d'être conservé aux fins de la classification susmentionnée, en tant que point de départ pour fournir aux consommateurs des informations transparentes et fiables.

3.18   C'est un organisme indépendant qui devra approuver les prescriptions proposées par le réseau. Dans la mesure où il est indubitable que la participation active des parties concernées conditionne le bon fonctionnement du système, il convient de les associer autant que faire se peut au mécanisme décisionnel, notamment pour ce qui est de déterminer la stratégie et d'établir le programme de travail.

Questions diverses

3.19   La proposition du CESE concernant l'étiquetage relatif au bien-être animal se fonde sur les meilleures connaissances et évaluations scientifiques disponibles à ce jour. Grâce à l'harmonisation des exigences, elle permettra aux consommateurs de prendre des décisions d'achat éclairées, avec les encouragements qui en découleront pour les producteurs. Ce processus est toutefois tributaire d'une condition: que des campagnes d'information et des programmes de formation répandent les connaissances touchant au bien-être animal, ainsi qu'aux prescriptions et à l'étiquetage afférents. Si une coordination européenne est évidemment nécessaire, cette action doit être conçue et mise en œuvre au plan régional ou national, car l'expérience prouve que les initiatives informatives centralisées au niveau de l'UE n'ont guère d'effet percutant dans les États membres.

3.20   La proposition susmentionnée n'entrera pas en conflit avec la réglementation régissant actuellement la production écologique dans l'UE, où sont prévues de nombreuses prescriptions concernant le bien-être animal. On peut escompter que grâce à une application progressive des normes, à mesure qu'elles seront disponibles, cette problématique sera suffisamment prise en compte pour les produits biologiques et qu'elle s'intégrera ainsi dans le dispositif de contrôle qui leur est applicable sans entraîner de dépenses administratives supplémentaires. Dans l'esprit du consommateur, l'agriculture biologique est déjà associée à l'idée de normes plus strictes de bien-être animal et l'on peut supposer qu'ils connaissent les produits biologiques pourvus du logo de l'UE.

3.21   Par la nature même des choses, la réglementation qui est proposée sur l'étiquetage relatif au bien-être animal viendra compléter les dispositifs de qualité en vigueur dans l'UE sous la forme de «mentions réservées» pour les œufs, ainsi que les régimes pour les appellations géographiques ou les spécialités traditionnelles. Ces règlements se rapportent eux aussi à des filières de production et de provenance et non au bien-être animal, bien que dans une certaine mesure, ils soient perçus comme tels. Il convient certes de les conserver, car ils sont familiers au consommateur, mais on déconseillera toutefois d'introduire de nouvelles prescriptions, obligatoires ou facultatives, concernant les «mentions réservées» liées aux filières d'élaboration des produits, car les conditions spécifiques de production ne se prêtent pas à être réglementées par la lourde procédure législative de l'UE, comme on peut le constater clairement, entre autres, dans le cas de l'établissement de normes minimales européennes.

3.22   La communication de la Commission sur la politique de qualité des produits agricoles contient une proposition touchant à l'élaboration de lignes directrices applicables aux systèmes privés et nationaux de certification de la qualité alimentaire (13). Lesdites «lignes directrices» contribueront pareillement à protéger les consommateurs des tromperies, tout en confiant au marché le soin de répondre à leurs préoccupations pour le bien-être animal et en instaurant une certification qui constitue une pièce maîtresse de la politique de l'UE en matière d'aliments.

3.23   Le système préconisé est neutre au regard des problématiques spécifiques en rapport avec les considérations religieuses, l'étiquetage se bornant à certifier que les prescriptions relatives au bien-être animal ont été respectées à un niveau, tel que spécifié, qui est supérieur aux exigences minimales de l'UE en la matière.

3.24   Le réseau européen de centres de référence (ENRC) devrait jouer un rôle-pivot pour garantir le bien-être de toutes les espèces animales qui sont élevées pour des raisons économiques, y compris, par exemple, les poissons et les animaux à fourrure, dont le cas devra être évalué selon les mêmes critères que les autres animaux d'élevage. Cette observation vaut également pour les animaux de laboratoire, étant entendu que le Centre européen de validation pour les méthodes alternatives (ECVAM) s'emploie à évaluer des méthodes qui se substitueraient à leur utilisation à des fins de recherche scientifique.

Bruxelles, le 26 mai 2010.

Le président du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  Le CESE a élaboré son avis exploratoire «Le bien-être des animaux – étiquetage» du 15 mars 2007 à la demande de la présidence allemande du Conseil (JO C 161, 13.7.2007, p. 54).

(2)  Welfare Quality® est un programme de recherche qui a été mené de 2004 à 2009 grâce au financement de l'UE. Il a réuni quelque 250 chercheurs et 39 instituts et universités de 13 États européens et de grands pays tiers. Il a permis d'élaborer sur des bases scientifiques des normes concernant le bien-être animal et des stratégies pratiques pour l'intégrer tout au long de la filière, depuis l'élevage jusqu'à la commercialisation et l'information pertinente du consommateur, en passant par les étapes de la transformation et de la distribution.

(3)  COM(2006) 13 du 23.1.2006.

(4)  La conférence «Un label pour améliorer le bien-être animal?», organisée par le Comité économique et social européen, la Commission européenne et la Présidence allemande du Conseil, s'est tenue le 28 mars 2007. Les conclusions du Conseil prévoient expressément «qu'il y aurait lieu de tenir compte des recommandations formulées par le Comité économique et social européen dans son avis exploratoire.» (conclusions de la 2797e session du Conseil Agriculture et pêche, tenu à Bruxelles, le 7 mai 2007).

(5)  L'article 13 dispose que: «(…) l'Union et les États membres tiennent pleinement compte des exigences du bien-être des animaux en tant qu'êtres sensibles, tout en respectant les dispositions législatives ou administratives et les usages des États membres en matière notamment de rites religieux, de traditions culturelles et de patrimoines régionaux.» Ces dispositions contraignantes convertissent le «gentlemen's agreement» de mise jusqu'à présent en un protocole qui, par exemple, donne autorité à la Cour de justice de l'UE pour régler les litiges.

(6)  Voir l'avis du CESE sur un plan d’action communautaire pour la protection et le bien-être des animaux au cours de la période 2006-2010, JO C 324, 30.12.2006, p. 18

(7)  Un tel système pourrait également être amené à solliciter l'accréditation ISO65 - Exigences générales relatives aux organismes procédant à la certification de produits.

(8)  Suivant le projet WQ, l'évaluation est censée s'effectuer au premier chef sur la base du comportement de l'animal («résultats en matière de bien-être») et non directement au départ des systèmes de production («intrants et ressources»). Dans la pratique, le système de production est donc évalué en fonction de son impact sur la manière dont l'animal se comporte. Les indicateurs doivent donc reprendre toutes les données importantes pour l'espèce animale concernée, à savoir les facteurs relatifs à la reproduction, les conditions d'espace et de stabulation, les contrôles quotidiens, les aspects pathologiques et sanitaires, le sevrage, les interventions chirurgicales, ainsi que le transport vers l'abattoir, et les conditions d'anesthésie et d'abattage.

(9)  On proposera le terme de «prescriptions» pour éviter la confusion avec les «normes» que les organismes européens de normalisation établissent sur la base de procédures spécifiques.

(10)  Conformément à la classification à trois niveaux prévue dans le projet WQ: excellent (niveau le plus élevé), amélioré (bien-être animal de qualité) et supérieur aux exigences minimales.

(11)  Institut, organisation ou organe spécialisé de certification qui travaillent en conformité des normes ISO européennes et internationales concernées EN-ISO-17000 ou sont accrédités comme instance de certification conformément à EN-ISO-45011.

(12)  La Commission utilise la dénomination de «Réseau européen de centres de référence» (ENCR) mais c'est plutôt d'un réseau de centres de recherche qu'il est ici question, dont la coordination, suivant le schéma des organisations actives dans le domaine de la santé des animaux domestiques, serait assurée par un ou plusieurs centres de référence (éventuellement un par espèce concernée) et qui proposerait, sur la base d'indicateurs, des normes de bien-être animal, qui seraient adoptées par un organe indépendant. Hormis la participation des acteurs concernés, le présent avis ne prend pas position quant aux modalités plus détaillée du fonctionnement de cet organe.

(13)  COM(2009) 234, du 28 mai 2009.


21.1.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 21/49


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – investir dans le développement des technologies à faible intensité carbonique»

COM(2009) 519 final

2011/C 21/09

Rapporteur général: M. Gerd WOLF

Le 7 octobre 2009, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - Investir dans le développement des technologies à faible intensité carbonique»

COM(2009) 519 final.

Le 3 novembre 2009, le Bureau du Comité a chargé la section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information» de préparer les travaux du Comité en la matière.

Compte tenu de l'urgence des travaux (article 59 du règlement intérieur), le Comité économique et social européen a décidé au cours de sa 463e session plénière des 26 et 27 mai 2010 (séance du 27 mai 2010) de nommer M. Gerd WOLF rapporteur général, et a adopté le présent avis par 168 voix pour et 3 abstentions.

1.   Résumé et recommandations

1.1   Le plan SET présenté par la Commission traite des mesures qui s'avèrent les plus importantes à l'heure actuelle pour atteindre les objectifs couplés et essentiels de protection du climat et de sécurité de l'approvisionnement énergétique et pour préserver la compétitivité de l'Europe sur la scène internationale. Le Comité soutient totalement les mesures et investissements qui y sont proposés.

1.2   En effet, ce n'est qu'au prix d'efforts extraordinaires et conjugués que l'on réussira à convertir l'ensemble de notre système énergétique – fourniture, conversion, consommation – et à l'orienter vers ces objectifs.

1.3   Pour ce faire, il convient de développer des technologies et des méthodes de production et d'utilisation de l'énergie émettant peu de dioxyde de carbone et capables de soutenir la concurrence au niveau international avec les technologies appliquées jusqu'à présent.

1.4   Toutefois, le Comité s'inquiète vivement des contributions financières que devront fournir à cette fin la Commission, les États membres et le secteur privé, jugeant qu'elles continuent d'être gravement sous-estimées. Il recommande donc instamment de développer en la matière un concept de financement suffisant, supporté conjointement par la Commission, les États membres et le secteur économique, qui soit également ancré dans le futur budget de l'UE. Dans l'intervalle, il conviendrait de mobiliser d'autres sources de financement et notamment de consacrer exclusivement à cet objectif l'intégralité des recettes des États membres provenant des quotas d'émission de CO2. Ce principe serait également applicable aux recettes générées par une taxe future éventuelle sur le carbone.

1.5   En effet, compte tenu de l'importance vitale de la question de l'énergie et du climat, ainsi que des conditions de concurrence qui en dépendent, le Comité juge absurde de retirer du secteur de l'énergie les recettes supplémentaires générées par des prélèvements fiscaux destinés à la protection du climat pour les affecter ensuite à d'autres fins.

1.6   Les investissements en faveur du développement de technologies énergétiques à faible intensité carbonique ouvrent la porte à l'innovation, au dynamisme économique, à la croissance durable et à l'emploi, d'autant plus que l'accès à une énergie exploitable et d'un prix raisonnable représente l'assurance de la pérennité de notre économie et de notre mode de vie. La rentabilité énergétique est un facteur d'une importance capitale pour la compétitivité de l'Europe sur la scène mondiale. C'est pourquoi des formes de production et d'utilisation énergétique viables sont nécessaires.

1.7   Dans ce contexte, le Comité insiste sur l'importance particulière de l'énergie électrique. Cependant, il préconise également de redoubler d'attention à l'égard de la consommation énergétique en dehors du secteur de l'électricité et de se mettre en quête d'approches innovantes en matière de recherche, car c'est là que réside jusqu'à présent la majeure partie de la consommation énergétique à partir de sources fossiles.

1.8   Pour que la Commission puisse mener à bien sa mission de coordination, il conviendrait aussi de mettre en place les structures adéquates pour les programmes de R&D, en concertation avec les acteurs concernés. Pour sa part, la Commission a besoin d'experts expérimentés, internationalement reconnus et engagés, qui s'impliquent également sur le plan technique et à qui la réussite du programme qu'ils coordonnent tient personnellement à cœur.

2.   La communication de la Commission (résumée très schématiquement)

2.1   Le plan SET est destiné à former le pilier technologique de la politique de l'UE en matière d'énergie et de climat.

2.2   Le plan SET repose essentiellement sur des «feuilles de route de l'UE» pour la période 2010-2020, qui encadrent le développement de technologies émettant peu de dioxyde de carbone dans l'atmosphère («technologies à faible intensité carbonique»). Ces feuilles de route, accompagnées d'un plan de financement et d'une répartition entre industrie et pouvoirs publics, sont présentées dans un document de travail des services de la Commission (1).

2.3   La communication de la Commission comprend notamment:

2.3.1

Les initiatives industrielles européennes, qui concernent en l'occurrence:

l'énergie éolienne,

l'énergie solaire,

le réseau électrique,

les bioénergies durables,

le piégeage, le transport et le stockage du CO2,

la fission nucléaire durable,

les piles à combustible et l'hydrogène.

2.3.2

L'efficacité énergétique: l'initiative «villes intelligentes».

2.3.3

L'alliance européenne de la recherche dans le domaine de l'énergie (AERE). Celle-ci concerne des programmes communs d'organismes de recherche et d'universités.

2.3.4

Parmi les objectifs complémentaires figurent:

d'autres voies en matière de technologies, telles que des sources d'énergie renouvelable en mer autres que l'énergie éolienne, le stockage de l'énergie, le prolongement de la durée de vie des centrales nucléaires et les solutions concernant les déchets nucléaires;

l'énergie de fusion, notamment le projet ITER;

la recherche fondamentale, par exemple la production de carburant grâce à la lumière du soleil, de nouvelles sources lumineuses à semi-conducteurs ou des piles à capacité de stockage élevée;

l'activation de pôles scientifiques et de recherche. Pour ce faire, des fonds sont notamment disponibles au titre de la politique de cohésion;

la coopération internationale.

2.3.5

Les investissements dans l'UE requis par le plan SET doivent passer de 3 milliards d'euros par an actuellement à environ 8 milliards d'euros par an.

2.3.6

Le nouveau système européen d'échange de quotas d'émission doit permettre de réinvestir, à l'échelle nationale, au moins 50 % des recettes provenant de la mise aux enchères dans des mesures liées au changement climatique, sachant qu'une partie de celles-ci doit servir au développement de technologies non polluantes.

2.3.7

Il convient d'optimiser les mesures d'incitation et l'effet de levier des financements publics en s'appuyant sur une «palette» d'instruments de financement.

2.4   La Commission appelle donc le Conseil et le Parlement européen à:

apporter leur soutien aux feuilles de routes sur les technologies pour 2010-2020;

accepter de se concentrer sur les programmes communautaires existants pour encourager les initiatives du plan SET;

inviter les États membres à accroître leurs efforts de soutien au financement des technologies à faible intensité carbonique;

accueillir favorablement la proposition de renforcer les instruments financiers pour contribuer au financement du plan SET;

accueillir favorablement l'intention afférente de la Commission et de la BEI;

accepter de renforcer les initiatives en cours et les nouvelles initiatives internationales en matière de technologies.

3.   Observations générales du Comité

3.1   Conférence de Copenhague sur le climat. Le Comité reconnaît les efforts déployés par l'UE et ses États membres pour que la conférence de Copenhague sur le climat s'achève sur un succès. Dans la formulation de l'objectif de limitation du réchauffement à 2 °C, il voit le premier signe d'une volonté réelle de se consacrer véritablement à la protection du climat. Il déplore d'autant plus qu'aucun accord allant au-delà d'une déclaration d'intention et engageant véritablement les participants n'ait été atteint.

3.1.1   Sous-estimation de la gravité du problème. Il est évident qu'en dépit de la croissance ininterrompue de la population mondiale, de l'appétit énergétique (2) et des immenses besoins de rattrapage de cette dernière, des réserves épuisables d'énergies fossiles primaires (3) et de la dépendance croissante de l'Europe vis-à-vis des importations, de nombreux hommes politiques et autres acteurs sous-estiment encore fortement la gravité du problème climatique et énergétique, tout comme l'ampleur des investissements requis pour le contrer – soit parce que ses incidences ne se ressentiront qu'à long terme, que les modèles climatiques sont porteurs d'incertitudes, que les intérêts économiques prédominent, que l'on redoute une perte de la qualité de vie, que l'on répugne à entreprendre les investissements nécessaires, soit parce que les changements climatiques prévus pour les régions concernées sont perçus comme moins critiques.

3.1.2   Préservation des ressources. Le développement de technologies énergétiques à faible intensité carbonique compétitives (4) contribue en outre à ralentir la consommation d'énergies fossiles épuisables et à influencer le processus de formation de leur prix, en servant dans le même temps l'objectif de durabilité. Ce serait la seule manière de prolonger la disponibilité des énergies fossiles dans le temps et de se préparer plus efficacement à l'ère qui suivra leur disparition. Celui qui n'agit pas immédiatement risque de le payer d'autant plus cher par la suite.

3.1.3   Conséquence: les technologies à faible intensité carbonique. Il est donc d'autant plus urgent de redoubler de détermination et d'efforts pour développer les technologies et méthodes existantes en matière de production et de consommation énergétique à faible intensité carbonique ou en créer de nouvelles, en s'assurant qu'elles puissent soutenir la concurrence au niveau international avec les technologies appliquées jusqu'à présent. En effet, au niveau mondial, force est de constater que les technologies d'exploitation énergétique à faible intensité carbonique ne sont introduites à large échelle qu'à condition d'être financièrement attrayantes pour les acteurs concernés.

3.1.4   Option prévoyant de porter la réduction des émissions à 30 %. L'urgence de la démarche précitée serait encore avivée si l'option de réduire les émissions de 30 % (5), appuyée notamment par le Comité, était adoptée (en d'autres termes, si les conditions adéquates étaient remplies au niveau international).

3.1.5   Hausse supplémentaire éventuelle de la consommation. Le scénario de référence de l'AIE (6) prévoit notamment que la consommation d'énergies fossiles primaires, en particulier celle du charbon, ne cessera de croître au cours des prochaines décennies. Par conséquent, l'AIE estime que seuls des efforts plus soutenus (7) permettront de briser cette tendance et d'assurer que l'utilisation des ressources fossiles au niveau mondial atteindra son paroxysme en 2020 déjà, pour diminuer à nouveau et se voir remplacer graduellement par des technologies énergétiques à faible intensité carbonique.

3.2   Recherche et développement – le plan SET. La recherche et le développement sont par conséquent d'une importance cruciale, et le plan SET présenté par la Commission se veut une contribution significative à cet égard. Il inclut la part de financement provenant du budget communautaire qu'il est prévu de consacrer à la R&D dans ce domaine.

3.2.1   Recherche et développement - concurrence et efforts internationaux. À la conférence de Copenhague sur le climat, il s'est à nouveau avéré que certains pays comme les États-Unis et la Chine, qui n'étaient pas partisans de la conclusion d'accords contraignants, octroient néanmoins pour leur part de très grands moyens à la recherche et au développement en vue de réaliser les objectifs mentionnés au paragraphe 3.1.2. Cette observation démontre dans le même temps que l'Europe ne conservera une position d'excellence qu'au prix d'une intensification considérable de ses efforts en matière de R&D.

3.2.2   Programme d'investissements en faveur de l'innovation, du dynamisme et de l'emploi. En outre, les investissements dans les activités correspondantes de R&D offrent un excellent tremplin à l'innovation, au dynamisme économique, à la croissance durable et à la création de nouveaux emplois, d'autant plus que l'accès à une énergie exploitable et d'un prix raisonnable représente l'assurance de la pérennité de notre économie et de notre mode de vie actuels. Sans un approvisionnement énergétique suffisant dans des conditions économiquement acceptables, notre économie, notre système social et de manière générale, notre société risquent de s'effondrer. C'est pourquoi des formes de production énergétique viables sont nécessaires.

3.3   Accord. Dès lors, le Comité approuve l'initiative de la Commission et les mesures proposées dans la communication, qu'il considère comme un pas important et significatif. Il appelle le Conseil, le Parlement, la Commission, les États membres, mais aussi l'industrie et les partenaires sociaux, à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour prendre résolument en main le développement et l'application des technologies à faible intensité carbonique et à mobiliser les fonds nécessaires pour réaliser les investissements qui s'imposent en matière de recherche et de développement (R&D).

3.3.1   Ampleur et pondération discutables. Le Comité juge que ce n'est pas à lui d'examiner en détail, dans le cadre du présent avis, si le cadre financier présenté dans le document de travail de la Commission (8) et sa répartition sont adaptés aux objectifs fixés. Il recommande dès lors de vérifier une fois encore si la pondération effectuée au niveau des projets est correcte et si l'effort financier consenti est à la hauteur des tâches à assumer. Il conviendrait en outre de s'assurer de l'efficacité des mesures au terme d'une période de démarrage appropriée, et de revoir et d'élargir le plan de financement en conséquence si cela s'avère nécessaire.

3.3.2   Problème de financement. Le Comité souligne que des efforts extraordinaires seront nécessaires pour réaliser, au cours des prochaines décennies, la transition de l'ensemble de notre système énergétique – fourniture, conversion, consommation – vers une conformité avec les objectifs couplés de protection du climat, de sécurité de l'approvisionnement énergétique et de durabilité et que les efforts en matière de R&D indispensables à une telle démarche sont considérablement sous-estimés. Rien qu'en considérant l'ampleur des contributions financières allouées par les États-Unis à la R&D dans ces domaines, le Comité doute fort que les investissements prévus soient suffisants pour mener à bien des évolutions d'une telle envergure, à large échelle et avec toute la diligence nécessaire, ni d'ailleurs pour conquérir une position de leader sur le marché.

3.3.3   Concept de financement détaillé. Le Comité recommande donc instamment de développer en la matière un concept de financement suffisant, supporté conjointement par la Commission, les États membres et le secteur économique, qui soit également ancré dans le futur budget de l'UE.

3.3.4   Exploiter des sources de financement supplémentaires – les coûts de la consommation énergétique comme valeur de référence. Dans l'intervalle, il conviendrait en outre d'exploiter d'autres sources de financement, tant au niveau de l'Union que des États membres. Le Comité se félicite que la BEI se montre également prête à participer. Dans cette optique, il y a lieu de prendre les coûts engendrés par la consommation énergétique actuelle comme valeur de référence pour les investissements requis: un pourcentage considérable de ce montant doit servir d'assurance pour l'avenir! Dans ce contexte, le Comité renvoie aussi à son avis sur le plan d'action pour l'efficacité énergétique (9).

3.3.4.1   Recettes issues des échanges de quotas d'émissions de CO2 et d'une éventuelle taxe sur le carbone. En outre, il conviendrait que les recettes (10) générées par les échanges de quotas d'émissions entre les États membres soient affectées exclusivement (11) et dans leur intégralité au développement de technologies énergétiques à faible intensité carbonique. Compte tenu de l'étendue de la problématique du climat et de l'énergie, le Comité juge absurde d'opérer sur ces bénéfices des prélèvements destinés à la réalisation d'autres objectifs. Cette recommandation vaut également pour les recettes générées par une taxe future éventuelle sur le carbone. En conséquence, le Comité appelle aussi les États membres à faire preuve d'ouverture à l'égard de sa recommandation.

3.3.4.2   Non aux prélèvements financiers. En effet, compte tenu de l'importance vitale de la question de l'énergie et du climat, ainsi que des conditions de concurrence qui en dépendent, le Comité juge absurde de retirer du secteur de l'énergie les recettes supplémentaires générées par des prélèvements fiscaux destinés à la protection du climat pour les affecter ensuite à d'autres fins.

3.3.4.3   Quotas au titre de la réserve. Le Comité salue le projet de la Commission, qui entend se servir des 300 millions de quotas communautaires réservés au titre de la réserve pour les nouveaux entrants du système d'échange de quotas d'émission pour encourager le piégeage et le stockage du carbone et les sources d'énergie renouvelable innovantes. Il est prévu que ces quotas soient mis à disposition via les États membres afin de financer des projets de démonstration sélectionnés selon des critères établis à l'échelle communautaire (12).

3.3.5   Créer des incitants à l'innovation. Le Comité renvoie par ailleurs à son avis sur la politique communautaire de l'innovation (13), dont les recommandations sont aussi particulièrement pertinentes pour le développement de technologies énergétiques viables.

3.3.6   Distinction entre développement et application. Dans ce contexte, le Comité préconise en outre d'opérer une distinction plus claire entre d'une part le développement nécessaire de technologies énergétiques à faible intensité carbonique, nouvelles et existantes, qui soient abordables, et d'autre part leur application et leur pénétration commerciale à large échelle.

3.4   Capacité de prévision limitée. Jusqu'à présent, il s'est avéré difficile de prévoir les évolutions futures et leurs conséquences à plus long terme, y compris en matière de politique énergétique et climatique. Pour cette raison, il n'y a pas lieu aujourd'hui de restreindre le choix des technologies qui seront nécessaires en 2050, mais plutôt d'explorer toutes les options prometteuses pour atteindre le plus efficacement possible les objectifs climatiques fixés pour 2050 et au delà, en jonglant avec la sécurité d'approvisionnement, la compétitivité et la protection du climat. L'année 2020 constituera déjà une balise, qui permettra de vérifier si l'objectif fixé jusqu'à cette date se sera à tout le moins réalisé.

3.4.1   Large spectre thématique sur le plan du développement. Le Comité salue donc l'étendue du spectre thématique proposé par la Commission en ce qui concerne les technologies et les mesures qu'il conviendra de développer jusqu'au stade d'application, en vue de créer les conditions propices à une approche flexible de leur application, fondée sur l'expérience et d'éviter de prendre des dispositions prématurées.

3.4.2   Recherche fondamentale. Le Comité se félicite que la Commission souligne aussi et avant tout l'importance et la nécessité d'une recherche fondamentale suffisante. C'est l'unique façon de poser les bases pour faire des découvertes foncièrement nouvelles et concevoir les technologies qui en résulteront.

3.4.3   Alliance européenne de la recherche dans le domaine de l'énergie. Le Comité accueille tout aussi favorablement la proposition de mettre en place une Alliance européenne de la recherche dans le domaine de l'énergie. Dans ce contexte, il invite la Commission à appliquer l'instrument de coordination ouverte et à assurer en particulier un cofinancement de la part des organismes de financement dans les États membres ou de l'industrie, conformément aux règles de participation.

3.4.4   Effet de levier du plan SET. En conséquence, lors de l'examen de l'enveloppe financière prévue, il conviendrait de veiller à ce que les ressources communautaires disponibles au titre du plan SET soient suffisamment élevées pour exercer l'effet de levier voulu sur la participation nécessaire des États membres et de l'industrie.

3.5   Définition des priorités au niveau de l'application. Lors de l'application des technologies et systèmes développés, il conviendrait de mettre bien davantage l'accent sur des principes tout aussi importants que l'objectif de protection du climat, tels que la sécurité d'approvisionnement et la rentabilité (par ex. les coûts de la réduction des émissions de CO2), en tenant compte des aspects régionaux et globaux (opportunités offertes par l'énergie solaire, hydraulique ou éolienne, distances, intérêts des fournisseurs de matières premières, etc.). En conséquence, les instruments de soutien initial du marché ne devraient imposer aucune technologie en particulier, ni avantager des technologies au travers d'un financement spécifique.

3.6   Importance du secteur de l'électricité. La majeure partie des technologies et mesures proposées concerne des systèmes de fourniture ou d'utilisation de l'énergie électrique. Bien qu'à l'heure actuelle, le secteur de l'électricité ne représente que 19 % environ du marché européen de l'énergie (14), le Comité estime justifié de concentrer les actions de R&D proposées dans une certaine mesure sur l'énergie électrique, car celle-ci joue un rôle capital et incontournable dans tous les domaines de la vie quotidienne, ainsi que dans la technologie et l'économie. L'ambition d'«électrifier» le plus largement possible l'ensemble des modes de transport terrestre (voiture électrique, transport de marchandises par le rail) et – parallèlement à la production combinée de chaleur et d'électricité – de recourir davantage à des technologies électriques de support (pompes, compresseurs) pour le chauffage des bâtiments à l'aide de pompes à chaleur et de la géothermie, viendra encore renforcer le rôle de l'électricité.

3.6.1   Rôle décisif des sources d'énergie renouvelable. Le Comité affirme une nouvelle fois que parmi les technologies énergétiques à faible intensité carbonique encore à développer, les sources d'énergie renouvelable ont un rôle décisif à jouer. Le Comité constate avec satisfaction qu'au cours des dernières années, la part des énergies renouvelables dans la production d'électricité a augmenté au-delà de toute attente, notamment grâce à l'essor massif de l'énergie éolienne.

3.6.2   Réseaux électriques européens. Par conséquent, le Comité soutient le développement de réseaux électriques appropriés en Europe et des technologies requises à cet effet (par exemple les réseaux intelligents ou «smart grids»), afin de mieux équilibrer les fluctuations croissantes de l'offre au sein de l'Europe et éventuellement, de pouvoir acheminer vers l'Europe l'énergie électrique produite dans des centrales électrosolaires en Afrique.

3.6.3   Technologies de stockage, réponses aux pics de la demande et centrales électriques «tampons». Toutefois, il est probable qu'en cas de concrétisation du développement souhaité de ces convertisseurs d'énergie renouvelable, sujets à des fluctuations de nature météorologique, journalière et saisonnière, cette approche ne suffise guère à garantir un approvisionnement en électricité qui soit sûr et ajusté aux besoins de consommation. C'est pourquoi il conviendrait également de progresser dans la recherche de technologies de stockage stationnaires innovantes (air comprimé, hydrogène). Il est tout aussi important de développer des capacités de réponse aux pics de la demande qui soient très efficaces et en même temps rentables. Si auparavant, ces capacités intervenaient exclusivement en complément de la fourniture de la charge de base, pour parer aux fluctuations des besoins, notamment pour répondre aux pics de demande et de consommation, elles servent à présent à compenser, via des centrales électriques «tampons», les fluctuations de l'offre de la plupart des sources d'énergie renouvelable, et ce rôle gagnera encore en importance dans le futur. C'est pourquoi il importe particulièrement de disposer de ces centrales électriques «tampons» et de les développer.

3.6.4   Solutions systémiques. Dès lors, en raison de l'interconnexion systémique entre différentes technologies énergétiques mentionnée précédemment, il convient de mettre par ailleurs l'accent sur l'examen des problèmes systémiques, sur la question connexe de la sécurité de l'approvisionnement et sur le développement de possibles solutions.

3.6.5   Coûts supplémentaires. En parallèle, il convient que les coûts du réseau, des systèmes de régulation et de stockage requis pour les sources d'énergie fluctuantes, ainsi que des centrales électriques «tampons» soient également pris en compte dans les comptes économiques, ainsi que le Comité l'a déjà réclamé pour l'internalisation des coûts externes, s'agissant par exemple de l'énergie nucléaire et des différentes formes d'utilisation des énergies fossiles (15).

3.6.6   Stockage de l'énergie en vue de l'utilisation mobile. À cet égard, il importe de renforcer la recherche fondamentale afin de développer - espérons-le - des approches tout à fait innovantes pour parvenir à des densités, un nombre de cycles, une durée de vie et des capacités de stockage sensiblement plus élevés. Dans certaines conditions, il peut même être envisageable d'utiliser les batteries des véhicules automobiles électriques pour le stockage des énergies fluctuantes.

3.6.7   Fournisseurs de la charge de base. Dans la production d’électricité, un rôle décisif revient cependant aux fournisseurs de la charge de base, chevilles ouvrières du secteur de l'électricité. Il est par conséquent essentiel:

d’utiliser le charbon en respectant l’environnement, via une augmentation du rendement énergétique et/ou le piégeage et le stockage du dioxyde de carbone, notamment;

d’améliorer encore l’exploitabilité de l’énergie nucléaire (fission nucléaire) grâce à des évolutions dans tous les secteurs (sécurité, stockage définitif, prolifération, utilisation des ressources, capacité tampon);

de développer des centrales de production électrique au gaz dont le niveau de performance est très élevé;

de développer plus avant la technologie de la fusion nucléaire qui, à long terme, semble promise à un bel avenir.

de s'efforcer d'augmenter le plus possible la capacité de régulation du côté des fournisseurs de la charge de base, afin de les intégrer eux aussi aux systèmes de régulation interconnectés.

3.7   La composante essentielle de la consommation énergétique est à chercher en dehors de ce secteur. Actuellement, le plus gros de la consommation énergétique par le consommateur final s’effectue néanmoins en dehors du secteur de l’électricité. Ce constat s’applique à la majeure partie de l’usage industriel (notamment la chimie ou l’acier), à la quasi-totalité du secteur du transport et du chauffage des bâtiments. Le Comité recommande donc de prêter bien plus d’attention à cet aspect, qui représente le nœud du problème. À cet égard, il importerait donc particulièrement de développer des approches nouvelles en matière de recherche, allant au-delà des concepts d’«efficacité énergétique», d'«économies d’énergie» et d'«électrification». C’est seulement lorsque des solutions adaptées auront été trouvées pour ces secteurs que les objectifs climatiques pourront être effectivement réalisés.

3.7.1   Transport maritime et aérien. S’agissant de ces deux modes de transport, le Comité estime que les chances de renoncer à l’utilisation de sources d'énergie fossile et chimique sont fort minces, même à plus long terme (16). Ici, il s’agit avant toute chose d’améliorer le rendement énergétique, de filtrer les gaz d’échappement pour les débarrasser des gaz toxiques, d'obtenir des sources d'énergie chimique (par ex. l'hydrogène et ses composés) à partir de l'électricité ou de l'énergie solaire, et éventuellement de développer le piégeage et le stockage du CO2 (pour le transport par bateau (17)).

3.7.2   Processus industriels, chimie et acier. Il s’avérerait probablement tout aussi ardu de remplacer totalement les combustibles fossiles dans les processus industriels, en particulier dans l’industrie chimique et l’industrie de l’acier (18). En conséquence, le Comité préconise d’intensifier la recherche et le développement de solutions innovantes.

3.7.3   Biotechnologie et biomasse. Le Comité attire l'attention sur le potentiel considérable des développements innovants dans le domaine de la biotechnologie, ainsi que leur pertinence pour le secteur de l'énergie et les objectifs dont il est question dans le cadre du présent avis. Toutefois, il conviendrait de réserver principalement l'utilisation de la biomasse, ressource vouée à se raréfier à long terme et rivalisant avec l'approvisionnement en denrées alimentaires et en matières premières, aux cas où il n'existe aucune solution de rechange (en tenant compte cependant des gaz à effet de serre (19) liés au processus de fertilisation, comme le NO2).

3.7.4   Isolation des bâtiments. Les économies d’énergie dans le secteur des bâtiments constituent un aspect tout à fait fondamental. Ce domaine recèle un potentiel considérable quant à son développement (et à son application) pour ce qui est de réduire substantiellement la déperdition de chaleur. Il conviendrait de redoubler d’attention à cet égard lorsque sont fixées les priorités pour les mesures de réduction des émissions de СО2.

4.   Observations particulières du Comité

4.1   Tâches communautaires et subsidiarité. Le plan SET concerne en priorité les tâches communautaires qui s’avèrent nécessaires ou pertinentes pour le développement des technologies mentionnées. Il devrait donc s’agir de tâches supranationales, ou de tâches pour l’accomplissement desquelles la coopération supranationale joue un rôle important et génère une valeur ajoutée européenne.

4.2   Plan de financement et priorités. Ainsi, il y aurait lieu de contrôler le plan de financement et les priorités qui y sont définies afin de déterminer si ceux-ci satisfont aux critères exposés précédemment.

4.3   Développement et application (bis). De la même manière, il conviendrait d’examiner le plan de financement afin d’établir s'il sert bien en priorité le développement de nouvelles technologies ou de nouveaux systèmes. Il faudrait absolument éviter que le plan SET ne subventionne l'application à large échelle des technologies de l’énergie.

4.4   Interconnexion avec des programmes existants. En outre, le Comité préconise également d'assurer l’interconnexion de la recherche et du développement en matière de climat proposés dans le plan SET et des programmes et projets existants au titre du 7e programme-cadre de RDT, par exemple les projets-phares mis sur pied dans le cadre du programme sur les technologies futures et émergentes (FET). Cette recommandation s’applique en particulier aux domaines du plan SET dans lesquels on ne peut escompter de résultats fructueux à moyen terme au cours des dix années à venir.

4.5   Coopération internationale. Pour obtenir un impact optimal avec les moyens investis, le Comité (20) conseille de déployer des efforts en vue de mettre en place une coopération internationale avec des partenaires stratégiques, en particulier dans le cas des projets de grande envergure requis (par exemple: ITER), non seulement pour répartir la charge en termes de coûts et de ressources humaines, mais également pour disposer d’une base de connaissances plus large et d'un potentiel d'innovation plus élevé.

4.6   Rôle de la Commission. Pour pouvoir mener à bien sa mission de coordination, il conviendrait également que la Commission mette en place les structures adéquates pour les programmes de R&D, en concertation avec les acteurs concernés. Pour sa part, la Commission a besoin, comme chefs de projets, d'experts expérimentés, internationalement reconnus et engagés, qui s'impliquent également sur le plan technique et à qui la réussite du programme qu'ils coordonnent tient personnellement à cœur.

4.7   Compréhension, participation et acceptation – information et transparence. La condition essentielle au succès de toutes les mesures exposées précédemment est d'informer les citoyens de manière complète et ouverte, en particulier les citoyens potentiellement concernés par les mesures envisagées, et de les associer comme il convient au processus décisionnel, au même titre que les représentants politiques, l'industrie et les autres acteurs. Le meilleur moyen de bien faire comprendre et accepter ces mesures est de veiller à une information complète, à une participation et à la transparence.

4.8   Avis antérieurs du Comité. Le Comité fait observer qu'il a déjà élaboré des avis sur de nombreux thèmes abordés dans le présent document, dans lesquels il détaillait certaines considérations brièvement exposées ici. Il renvoie en particulier aux avis suivants:

INT/146 «Les besoins en recherche pour la sécurité et la durabilité de l'approvisionnement énergétique» (21)

TEN/299 «L'efficacité énergétique des bâtiments – la contribution des utilisateurs finaux» (22)

TEN/311 «L'éventuel effet positif ou négatif d'exigences politiques accrues en matière d'environnement et d'énergie sur la compétitivité de l'industrie européenne» (23)

TEN/332 «Plan stratégique européen pour les technologies énergétiques» (24)

TEN/398 «Économie éco-efficace/ouvrir la voie à une nouvelle ère énergétique» (25)

TEN/340 «Production durable d'énergie à partir de combustibles fossiles» (26)

TEN/404 «Renforcer l'efficacité de la politique énergétique communautaire en faveur des PME et en particulier des microentreprises» (27)

NAT/391 «Négociations internationales sur le changement climatique» (28)

«Ne reculons pas» – Résolution du Comité économique et social européen sur le changement climatique, Copenhague, 7-18 décembre 2009.

Bruxelles, le 27 mai 2010.

Le président du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  SEC(2009) 1296 du 7.10.2009.

(2)  L'Agence internationale de l'énergie (AIE) estime que la consommation énergétique mondiale augmentera de 50 % d'ici 2050.

(3)  Des estimations prudentes indiquent qu'en 2050, la moitié des ressources «fossiles» sera épuisée.

(4)  Exception faite du piégeage, du transport et du stockage du CO2.

(5)  COM(2010) 2020 «EUROPE 2020».

(6)  Agence internationale de l'énergie – AIE – Perspectives énergétiques mondiales 2009 – scénario de référence.

(7)  AIE – Perspectives énergétiques mondiales 2009 – le scénario 450.

(8)  SEC(2009) 1296 du 7.10.2009.

(9)  JO C 10 du 15.1.2008, p. 22.

(10)  Par ex. les recettes issues des enchères au cours de la période 2013-2020.

(11)  En revanche, la Commission propose d'affecter à cette fin la moitié de ces recettes seulement, sans qu'elle soit exclusivement consacrée à la R&D (voir paragraphe 2.3.6).

(12)  Y compris la géothermie.

(13)  INT/509. Cet avis n'a pas encore été publié au Journal officiel.

(14)  Rapport 2009 d'EUROSTAT.

(15)  JO C 175 du 28.7.2009, p. 1; JO C 120 du 16.5.2008, p. 15.

(16)  Sauf pour certaines applications spécifiques au domaine militaire.

(17)  Si l’on ne souhaite pas autoriser la propulsion nucléaire.

(18)  Dans la mesure où l'énergie fossile continue d'y être utilisée, la technique du piégeage et du stockage du СО2 représente ici aussi une solution pour réduire les émissions dans l'atmosphère.

(19)  Atmos. Chem. Phys. Discuss., 7, 11191-11205, 2007.

(20)  Avis du Comité économique et social européen sur «Un cadre stratégique européen pour la coopération scientifique et technologique internationale», JO C 306 du 16.12.2009, p. 13.

(21)  JO C 241 du 7.10.2002, p. 13.

(22)  JO C 162 du 25.6.2008, p. 62.

(23)  JO C 162 du 25.6.2008, p. 72.

(24)  JO C 27 du 3.2.2009, p. 53.

(25)  N'a pas encore été publié au Journal officiel.

(26)  JO C 77 du 31.3.2009, p. 49.

(27)  N'a pas encore été publié au Journal officiel.

(28)  JO C 77 du 31.3.2009, p. 73.


21.1.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 21/56


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — plan d'action pour la mobilité urbaine»

COM(2009) 490 final

2011/C 21/10

Rapporteur: M. HENCKS

Le 30 septembre 2009, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – Plan d'action pour la mobilité urbaine»

COM(2009) 490 final.

Le 3 novembre 2009, le Bureau du Comité a chargé la section spécialisée «Transport, énergie, infrastructure, société de l'information» de préparer les travaux du Comité en la matière.

Compte tenu de l'urgence des travaux (art. 59(1) du R. I.), le Comité économique et social européen a décidé au cours de sa 463e session plénière des 26 et 27 mai 2010 (séance du 27 mai 2010) de nommer M. HENCKS rapporteur général, et a adopté le présent avis par 175 voix pour, 1 voix contre et 1 abstention.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Les zones urbaines constituent l'espace de vie de plus de 60 % de la population européenne. Pratiquement toutes ces zones rencontrent les mêmes problèmes dus au trafic routier: encombrements, nuisances environnementales, pollution atmosphérique et sonore, accidents de la route, problèmes de santé, goulots d'étranglement de la chaîne logistique, etc.

1.2   Le CESE approuve donc pleinement que la Commission européenne, par le biais d'un plan de mobilité urbaine, propose aux autorités locales, régionales et nationales des pistes pour offrir dans les zones urbaines une qualité de vie aussi élevée et durable que possible.

1.3   Le CESE est persuadé que dans certains domaines de la mobilité urbaine une action concertée au sein de la Communauté peut apporter une nette plus-value, et de ce fait, plaide pour une définition plus claire des domaines de compétence et de responsabilité de l'Union, conformément au principe de subsidiarité et de proportionnalité.

1.4   Toutefois, force est de constater que les propositions de la Commission retenues dans son plan d'action sont largement en retrait par rapport aux recommandations faites par le CESE dans ses avis antérieurs traitant de la mobilité urbaine.

1.5   Ainsi la plupart des mesures préconisées par la Commission ne dépassent pas le stade des conseils bien intentionnés – par ailleurs fort louables – mais n'ont rien de contraignant, ni de révolutionnaire.

1.6   En outre, le fait de retrouver dans la communication sous avis une grande partie des sujets et propositions qui avaient déjà figuré dans la communication «Développer le réseau des citoyens» de 1998, fait croire que, depuis lors, la situation ne s'est guère améliorée. Dans ce contexte, le CESE regrette l'absence d'un bilan des initiatives prévues dans ladite communication.

1.7   Pour le moins, le plan d'action sous avis devrait, cette fois-ci, être accompagné d'objectifs quantitatifs mesurables sur base d'un ensemble d'indicateurs que les villes et régions périurbaines devraient s'appliquer à atteindre par le biais de plans de mobilité durable de leur choix.

1.8   Le CESE estime nécessaire de compléter le plan d'action sous avis par un autre plan traitant plus en détail, entre autres, de la délinquance dans les transports publics, de la mobilité non motorisée et des motocycles.

1.9   Le CESE approuve l'intention de la présidence espagnole du Conseil de créer un dispositif ou un programme paneuropéen visant à promouvoir l'accessibilité dans les villes et communes d'Europe, notamment pour les personnes à mobilité réduite, et manifeste son souhait d'être étroitement associé à une telle initiative en raison de l'intérêt qu'elle présente pour la société civile.

1.10   Le CESE recommande finalement de mieux cibler la destination des fonds structurels et de cohésion de l'Union, notamment par la création d'un instrument financier spécifique pour promouvoir la mobilité urbaine. Il propose de soumettre l'allocation de fonds à la condition d'une mise en application de plans de mobilité urbaine et au respect de critères d'accessibilité pour personnes à mobilité réduite.

2.   L'origine du plan d'action

2.1   La Commission européenne a adopté le 30 septembre 2009un plan d'action pour favoriser la mobilité urbaine, qui, sans que cela soit expressément précisé dans l'intitulé, se veut durable.

2.2   En publiant ledit plan d'action, la Commission européenne répond à une demande de plusieurs acteurs, avant tout du Parlement européen, mais également du CESE qui, dans son avis exploratoire «Les transports dans les aires urbaines et métropolitaines»  (1), et dans d'autres avis (2) a plaidé pour une telle initiative. Selon le CESE, un tel plan devrait être accompagné d'objectifs quantitatifs d'amélioration de la qualité de la vie, de la protection de l'environnement et de l'efficacité énergétique dans les villes.

2.3   Le 25 septembre 2007 la Commission avait lancé une consultation publique avec le Livre vert «Vers une nouvelle culture de la mobilité urbaine». Ladite consultation a largement confirmé que l'Union européenne a un rôle important à jouer dans la promotion d'une mobilité urbaine durable.

2.4   Or, la publication d'un plan d'action (prévue dans le travail législatif 2008 de la Commission européenne) a été annoncée, puis reportée plusieurs fois, face à des oppositions d'aucuns qui estimaient que toute initiative en la matière de la part de la Commission serait contraire au principe de subsidiarité et de libre administration des collectivités locales et territoriales.

2.5   Dans la mesure où la Commission n'a pas pu, pour les raisons précitées, sortir son plan d'action comme prévu avant fin 2008, le Parlement européen, craignant un abandon total de l'initiative, s'est emparé du sujet et a voté une résolution sur un plan d'action sur la mobilité urbaine  (3) afin de soutenir la Commission, appelée à traduire un certain nombre d'indications reprises du Livre vert en un guide pour les collectivités territoriales.

3.   Le rôle de l'Union dans le cadre de la mobilité urbaine

3.1   Si les déclarations d'intention politiques pour un transport urbain durable ne manquent pas, encore faut-il qu'elles s'accordent avec des solutions concrètes et les instances les mieux outillées pour les mettre en œuvre.

3.2   Les systèmes de transport urbain font partie du système de transport européen et partant de la politique commune des transports. Le Conseil informel des ministres des transports de l'Union du 16-02-2010 a retenu la nécessité d'introduire les plans de mobilité urbaine dans une législation coordonnée entre les autorités locales, régionales, nationales et européennes, afin de promouvoir une plus grande intégration des infrastructures et des services de transport dans les stratégies territoriales, urbaines et rurales.

3.3   De nombreuses directives, règlements, communications et programmes d'action européens ont d'ores et déjà un très grand impact sur les transports urbains, que ce soit dans le cadre du changement climatique, de la protection de la santé, de l'environnement, de l'énergie durable, de la sécurité routière ou encore de l'investissement dans les transports publics et dans leur exploitation.

3.4   Afin de respecter scrupuleusement le principe de subsidiarité, la Commission ne fait qu'inciter les villes à mettre en place des mesures de lutte contre le changement climatique, la création de systèmes de transport efficaces et durables, le tout sur base d'engagements exclusivement volontaires.

3.5   Le CESE voudrait rappeler dans ce contexte que même si les villes et régions périurbaines sont fortement différentes, elles sont néanmoins confrontées à des problèmes communs de développement durable qui ne s'arrêtent pas aux frontières des villes et qui ne peuvent être résolus que dans la cohérence d'un ensemble d'actions au niveau européen à l'image des dispositions communautaires concernant la qualité de l'air ambiant ou la gestion du bruit dans l'environnement (4).

3.6   S'y ajoute que dans sa Communication «Un avenir durable pour les transports: vers un système intégré, convivial et fondé sur la technologie» (5) la Commission constate qu'en matière de politiques des transports, «les résultats concernant les objectifs de la stratégie communautaire de développement durable ont cependant été plus limités: selon le rapport sur l'état d'avancement de 2007, le système de transport européen n'est pas encore engagé sur une voie durable en ce qui concerne plusieurs aspects».

3.7   Dans un récent avis exploratoire traitant de points de départ pour une politique européenne de transport après 2010 (6), le CESE a constaté que si les transports sont la clé d'un grand nombre de libertés (liberté de vivre et de travailler dans différentes régions du monde, de profiter de biens et de services divers, d'échanger et d'établir des contacts personnels) il n'en reste pas moins qu'une des missions fondamentales du politique est de définir un encadrement pour ces libertés et même d'imposer des limites, dès lors qu'elles affectent, voire même menacent, d'autres libertés ou besoins, par exemple lorsqu'il en va de la santé des gens, de notre environnement ou de notre climat, mais aussi, et encore des besoins des générations à venir.

3.8   Même si les politiques des transports urbains menées par quelques villes pionnières en matière de transports durables apportent la preuve que des décideurs engagés peuvent, s'ils ont la volonté, inverser des tendances néfastes, la nécessité impérative de limiter globalement les émissions de CO2 mettent en évidence l'absolue nécessité d'un engagement collectif européen.

3.9   La circulation urbaine et en particulier les déplacements motorisés sont responsables de 40 % des émissions de CO2 et de 70 % des émissions d'autres polluants issus du transport routier. L'Union ne pourra réaliser ses propres objectifs en matière de changement climatique qu'en modifiant ses politiques de transport urbain. Les défis ne sauraient être relevés durablement par des actions isolées - aussi louables et indispensables soient-elles -, exclusivement ponctuelles au niveau local ou régional.

3.10   Il importe dès lors de mobiliser toutes les ressources européennes pour soutenir les actions au niveau local et territorial afin que les objectifs de la stratégie globale de l'Union européenne visant à lutter contre le changement climatique, à accroître l'efficacité énergétique, à développer des énergies renouvelables et à renforcer la cohésion sociale soient atteints.

4.   Le contenu du plan d'action

4.1   Le plan d'action proposé par la Commission concerne aussi bien le transport de personnes que de marchandises dans les zones urbaines et périurbaines et s'inspire largement des résultats de la consultation publique lancée le 25 septembre 2007.

4.2   Son but est d'aider les autorités locales, régionales et nationales dans la promotion d'une culture d'une mobilité urbaine durable, notamment par une réduction de la circulation et de l'encombrement des villes, et, par là, des accidents de route, de la pollution atmosphérique et de la consommation énergétique, sans pour autant leur imposer des solutions toutes faites.

4.3   Le plan d'action de la Commission ne se substitue donc nullement aux autorités locales, régionales et nationales dans le choix des solutions qu'elles préconisent pour s'attaquer aux problèmes qu'engendre la mobilité urbaine. Le plan se veut incitatif et propose de rassembler, de documenter et de partager les expériences pour promouvoir les bonnes pratiques, d'aider à profiter des possibilités de financement ou de cofinancement de l'Union, de soutenir les projets de recherche et de préparer des documents d'orientation, notamment sur le fret ou les systèmes de transports intelligents.

4.4   Le plan d'action global identifie 20 mesures concrètes classées selon six grands thèmes, résumés ci-après, à mettre en œuvre selon un calendrier défini jusqu'en 2012.

4.4.1   Promouvoir des politiques intégrées

Il s'agit de développer une approche intégrée tenant compte de l'interdépendance entre les modes de transport, des contraintes spatiales de l'environnement et du rôle des systèmes urbains afin de promouvoir l'interconnexion de l'ensemble des modes de transport, notamment dans le cadre de plans de mobilité urbaine.

4.4.2   Centrer l'action sur les citoyens

L'attention devra être portée sur:

les leviers (tarification, qualité, accessibilité pour les personnes à mobilité réduite, information, droits des voyageurs, zones vertes etc.) pour inciter les citoyens à utiliser régulièrement les transports en commun ou des moyens de déplacement non motorisés,

des campagnes éducatives, informatives et de sensibilisation pour un comportement durable,

une conduite économe en énergie des conducteurs privés et professionnels.

4.4.3   L'écologisation des transports urbains

Le plan d'action entend soutenir la recherche et le développement de véhicules à émissions faibles ou nulles et les modes de transport doux. La Commission mettra au point un guide Internet contenant des informations concernant des véhicules propres, et facilitera l'échange d'informations sur les systèmes de tarification urbaine. Elle entend également étudier l'efficacité des péages et l'internalisation des coûts externes.

4.4.4   Accroître les financements

La Commission souhaite travailler à la rationalisation des sources de financement européennes existantes et examiner les besoins futurs. Elle publiera un document d'orientation sur la mobilité urbaine durable et la politique en matière de cohésion sociale et étudiera diverses formules tarifaires pour les transports urbains. L'objectif est de mieux faire connaître les actuelles possibilités de financement de l'Union et d'optimiser ce qui existe en faisant mieux fonctionner ensemble des instruments tels que les fonds structurels et ceux de la recherche, d'explorer les dispositifs innovants de partenariat public-privé et d'examiner les besoins d'un financement propre pour la mobilité urbaine durable.

4.4.5   Partager l'expérience et les connaissances

Les parties concernées devront pouvoir tirer profit de l'expérience acquise par d'autres. À cet effet, la Commission établira une base de données contenant des informations relatives au large éventail de solutions expérimentées et déjà en place. Cette base de données donnera également une vue d'ensemble de la législation européenne et des instruments de financement utiles, notamment par l'intermédiaire d'un observatoire de la mobilité urbaine sous la forme d'une plate-forme virtuelle.

4.4.6   Optimiser la mobilité urbaine

Pour faciliter le transfert vers des modes de transport plus respectueux de l'environnement et une logistique plus efficace, la Commission se propose d'accélérer des plans de mobilité urbaine durable dans les villes et régions. À cet effet, elle rédigera des documents d'orientation concernant les aspects importants de ces plans, tels que la distribution de marchandises en milieu urbain et les systèmes de transport intelligents.

4.5   En 2012, la Commission examinera la mise en œuvre du plan global et déterminera s'il est nécessaire d'engager de nouvelles actions.

5.   Remarques générales

5.1   Les transports publics relèvent de l'intérêt général et, à ce titre, doivent répondre à des critères d'universalité, d'accessibilité, de continuité, de qualité et de prix abordable. Dans cet ordre d'idées, le CESE approuve toutes les actions programmées par la communication sous avis qui vont toutes dans la bonne direction.

5.2   Toutefois, si d'un côté le CESE se réjouit que, dans le document de la Commission, son avis sur le livre vert sur la mobilité urbaine soit cité parmi les avis de référence qui sont à la base de la communication sous avis, force lui est toutefois de constater que les propositions de la Commission sont largement en retrait par rapport aux recommandations du CESE faites dans l'avis précité et dans d'autres avis en la matière (7).

5.3   Sans mettre en doute le principe de subsidiarité et la compétence limitée en la matière dont dispose l'Union, le CESE regrette que ses recommandations faites dans son avis exploratoire (8) «L'intégration des politiques en matière de transport et d'aménagement du territoire pour des transports urbains plus durables» en faveur d'un renforcement du rôle de l'Union, n'aient pas encore trouvé une suite favorable.

5.4   Guidée par le souci de ne pas heurter le principe de subsidiarité, la Commission se place dans le rôle de facilitateur ou d'assistant, plutôt que dans celui de régulateur ou de prestataire de service. La plupart des mesures préconisées par la Commission ne dépassent pas le stade des conseils bien intentionnés - par ailleurs fort louables - mais n'ont rien de contraignant, ni de révolutionnaire.

5.5   En outre, à lecture de la communication sous avis, force est de constater qu'il s'agit en l'occurrence d'une copie, si ce n'est textuellement, du moins dans son contenu, de la communication «Développer le réseau des citoyens» COM(1998) 431 final.

5.6   Onze ans après la communication de 1998, connue sous le slogan «push and pull» (pousser en dehors de la voiture privée et entraîner dans les transports publics), on retrouve aujourd'hui les mêmes sujets, notamment: encourager l'échange d'informations et la comparaison des performances, instaurer un cadre politique adéquat, utiliser les instruments financiers de l'Union européenne.

5.7   Le CESE regrette l'absence d'un bilan des initiatives prévues dans la communication de 1998 telles que, par exemple, le service européen d'information sur le transport local (ELTIS), l'accord conclu avec le réseau des villes et régions (POLIS), l'interconnexion des réseaux nationaux des pistes cyclables, le développement d'un système d'auto-évaluation des performances de qualité, le projet pilote d'étalonnage des performances des systèmes de transports locaux de passagers, le guide concernant la gestion de la mobilité et l'analyse des obstacles, la billetterie électronique, la formation des conducteurs professionnels, la communication sur la gestion de la mobilité prévue pour 2000 ainsi que les nombreux projets de recherche annoncés.

5.8   Le CESE aurait préféré que, pour le moins, le plan d'action sous avis soit, cette fois-ci accompagné d'objectifs quantitatifs mesurables sur base d'un ensemble d'indicateurs (voir avis CESE 1196/2009) que les villes et régions périurbaines devraient s'appliquer à atteindre par le biais de plans de mobilité durable de leur choix.

5.9   Ceci est d'autant plus regrettable que dans sa communication «Un avenir durable pour les transports: vers un système intégré, convivial et fondé sur la technologie» COM(2009) 279 final, la Commission déplore que les objectifs qu'on s'est fixés en matière de durabilité des transports sont loin d'être atteints et que des changements d'orientation fondamentaux s'imposent.

5.10   Les questions sociales, les pressions sur l'environnement exercées par la société de consommation, la mobilité non motorisée, les motocycles et des actions pour éviter à priori des déplacements motorisés sont plutôt laissées de côté. Il en est de même de la coopération transfrontalière, des problèmes d'aménagement du territoire, d'urbanisme et de l'étalement urbain qui accroît les besoins en infrastructures de transport.

5.11   Le CESE estime donc nécessaire de compléter le plan d'action sous avis par un autre plan traitant plus en détail, entre autres, de la mobilité non motorisée et des motocycles.

5.12   Le plan d'action se soucie au premier chef «d'optimiser» et de gérer la mobilité motorisée individuelle, plutôt que de l'éviter. La gestion restrictive de la demande liée à l'utilisation de la voiture, que ce soit par des approches positives comme la promotion de systèmes de covoiturage ou par des mesures dissuasives (politique de parkings dissuasive, péage, amendes) se limite à l'annonce d'une étude sur les réglementations concernant l'accès aux différents types de zones vertes.

5.13   Les études prévues dans le plan d'action notamment sur l'acceptation par le public de péages urbains, sur l'intégration de la conduite économe en énergie, sur l'internalisation des coûts externes et sur la disponibilité des technologies et la manière de recouvrer ces coûts, apporteront certes une valeur ajoutée, encore faudra–t-il que les actions concrètes qui s'imposent en conséquence ne soient pas sacrifiées sur l'autel d'une discussion du principe de subsidiarité.

5.14   Finalement, le plan d'action ne se préoccupe pas de la manière par laquelle la société civile pourrait être plus étroitement associée aux actions en faveur d'une mobilité durable, alors que la société civile a la capacité de rassembler les acteurs et décideurs politiques et de sensibiliser toutes les parties de la société pour revoir et modifier leurs habitudes de déplacement.

6.   Remarques spécifiques

En complément à ses remarques générales formulées ci-avant, le CESE voudrait commenter quelques unes des 20 actions spécifiques.

Action 1 –   Accélérer l'adoption de plans de mobilité urbaine durable

Action 6 –   Améliorer l'information aux voyageurs

6.1   Le CESE approuve que la Commission apporte à l'avenir son soutien logistique aux autorités locales dans la mise en place de plans de mobilité urbaine durable concernant le transport de marchandises et de personnes.

6.2   Le plan d'action précise qu'à plus longue échéance, la Commission pourrait prendre des mesures supplémentaires, telles que des mesures incitatives ou des recommandations.

6.3   Le CESE voudrait renouveler sa proposition de soumettre toute aide financière aux municipalités provenant des fonds européens, à l'obligation d'élaborer des plans de mobilité, étant entendu que les villes devront demeurer libres d'adapter ces plans aux spécificités locales.

6.4   Néanmoins ces plans devraient inclure un objectif contraignant de transfert vers des moyens de transport respectueux de l'environnement conformes à des exigences minimales européennes afin

de faire bénéficier toutes les catégories d'habitants, visiteurs et professionnels de moyens de déplacement durables et d'éliminer les inégalités sociales face à la mobilité,

de réduire les émissions de CO2, la pollution, les nuisances sonores et la consommation d'énergie,

d'améliorer l'efficacité et l'efficience du transport de passagers et de marchandises en tenant compte des coûts externes.

6.5   Le respect de ces critères devrait être à la base de l'attribution du label spécial «mobilité urbaine» préconisé par la Commission et dont le CESE ne peut qu'encourager une rapide mise en application.

Action 4 –   Plateforme sur les droits des voyageurs

6.6   Le CESE regrette que sa proposition de réunir l'ensemble des droits des usagers de transports collectif au sein d'une «charte des droits» n'ait pas été retenue.

6.7   Par contre il approuve l'annonce de la Commission de compléter l'approche réglementaire par des indicateurs de qualité communs afin de protéger les droits des voyageurs et des personnes à mobilité réduite, ainsi que des procédures de plainte communes et des mécanismes de notification.

6.8   Le CESE regrette que l'une des principales barrières à l'utilisation des transports publics, à savoir le manque de sécurité, surtout sur les lignes les moins fréquentées, et les déplacements en soirée ou pendant la nuit, ne soit pas traitée dans la communication sous avis alors que du personnel d'accompagnement bien formé et en nombre suffisant, de même que la vidéosurveillance constituent des moyens de prévention efficaces pour combattre la délinquance dans les transports publics.

6.9   La multiplicité des acteurs entraînant une grande hétérogénéité de forme et de fond entre les actions rend indispensable de procéder régulièrement à une évaluation des actions afin de pouvoir juger si une action ou politique répond aux besoins des usagers pour, le cas échéant, pouvoir l'adapter, la modifier ou la supprimer. Le plan d'action de la Commission reste toutefois muet sur le sujet.

Action 5 –   Améliorer l'accessibilité pour les personnes à mobilité réduite

6.10   Le CESE estime que le nombre de citoyens européens à mobilité réduite (personnes âgées, invalides, handicapées, mais aussi femmes enceintes ou personnes avec poussette) dépasse largement le nombre de 100 millions.

6.11   S'il est vrai que certaines villes ont pris des mesures exemplaires en faveur des personnes à capacité de mobilité réduite, il reste que ces initiatives constituent des mesures isolées. Trop souvent ces personnes sont confrontées à des barrières insurmontables concernant leurs déplacements par transport public (accessibilité, équipement) ou à pied (carrefours complexes, trottoirs rétrécis, terrasses de cafés/brasseries installées sur les trottoirs). S'y ajoute le peu de civisme des autres citoyens (parkings sauvages, non respect des parkings réservés aux personnes handicapées). Le CESE approuve l'intention de la présidence espagnole du Conseil de créer un dispositif ou un programme paneuropéen visant à promouvoir l'accessibilité dans les villes et communes d'Europe, et manifeste son souhait d'être étroitement associé à une telle initiative en raison de l'intérêt qu'elle présente pour la société civile.

6.12   Les aides techniques ne sont pas assez développées pour répondre aux besoins réels à cause de la faible dimension du marché, ce qui freine les investissements et l'innovation.

6.13   Le CESE approuve donc pleinement que la question de l'accessibilité des personnes à mobilité réduite soit intégrée dans la stratégie européenne pour les personnes handicapées 2010-2020 et que des indicateurs de qualité et des mécanismes de notification appropriés soient définis.

6.14   Ces mesures devraient être accompagnées par la mise à disposition des moyens financiers appropriés au niveau national, régional et local, mais avant tout au niveau de l'UE par le biais des fonds européens

Action 8 -   Campagnes sur les comportements assurant une mobilité durable

6.15   La Commission entend réfléchir à un label spécial visant à encourager l'adoption de plans de mobilité urbaine durable.

6.16   Le CESE ne peut qu'approuver l'introduction d'un tel label tout en se référant à son avis (CES 324/99) sur le livre vert «un réseau pour les citoyens» où il avait déjà, à l'époque, retenu que l'attribution de labels de qualité et/ou prix constitue un véritable stimulant pour la concurrence en matière de qualité.

Action 12 –   Étude sur les aspects urbains de l'internalisation des coûts externes

Action 13 –   Échange d'information sur les systèmes de tarification urbaine

6.17   S'il est indiscutable qu'un transport public «abordable» est rentable du point de vue sociétal, il est aussi évident que du point de vue économique il est forcément déficitaire; les recettes provenant des usagers ne sauraient couvrir la totalité des frais d'exploitation et encore, à moindre degré, les investissements, de sorte que des subventions publiques restent indispensables.

6.18   Le CESE approuve dans ce contexte qu'une étude méthodologique sur les aspects urbains de l'internalisation des coûts externes, annoncée par la Commission, apporte à l'avenir de la transparence dans le calcul des coûts du secteur. Il rappelle que la question des coûts externes figurait déjà dans la communication de 1998, de même que la possibilité de réinvestissement des revenus de la tarification routière au niveau local, surtout dans les transports publics et les aménagements en faveur de la marche à pied et du vélo. Ces deux problèmes restent, depuis lors, en suspens.

Action 15 –   Analyse des besoins de financement futurs

6.19   Seulement 9 % des crédits des Fonds structurels consacrés aux transports visent les déplacements urbains, alors que pratiquement toutes les villes et régions manquent (á des degrés très différents) de fonds nécessaires pour investir suffisamment dans la mobilité urbaine.

6.20   Même si la Commission prévoit dans sa feuille de route d'analyser les besoins de financement futurs dès 2010, tout en continuant à soutenir financièrement le programme CIVITAS (9), le CESE aurait préféré un engagement plus formel pour attribuer des fonds supplémentaires, sans pour autant négliger les possibilités de financer, du moins en partie, la mobilité urbaine par le biais des fonds issus de systèmes de péage urbain ou de redevances de stationnement. Le CESE propose la création d'un instrument financier spécifique pour promouvoir la mobilité urbaine.

6.21   Dans sa communication «Développer le réseau des citoyens» de 1998, la Commission entendait soutenir en priorité les systèmes durables de transports locaux et régionaux, et elle voulait examiner comment veiller à ce que les promoteurs de ces systèmes de transport tiennent compte des conditions d'accessibilité. Le CESE serait très intéressé à prendre connaissance du résultat de cet examen.

6.22   Le CESE estime que plutôt que de prévoir un degré de priorité, la future réglementation concernant les fonds communautaires devrait, lors de sa révision prévue pour 2013, lier l'allocation de moyens financiers communautaires aux transports publics urbains à la condition de mise en application de plans de mobilité urbaine et á la condition de respecter scrupuleusement les critères d'accessibilité pour personnes à mobilité réduite.

Action 17 –   Création d'un observatoire de la mobilité urbaine

6.23   Le CESE accueille favorablement la création d'un observatoire de la mobilité sous forme d'une plate-forme virtuelle étant entendu que l'échange des bonnes pratiques devra concerner tous les volets de la mobilité urbaine, y compris l'accessibilité pour les personnes à mobilité réduite.

Bruxelles, le 27 mai 2010.

Le président du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  JO C 168 du 20.7.2007, p. 77.

(2)  JO C 224 du 30.08.2008, p. 39; JO C 317 du 23.12.2009, p. 1.

(3)  [2008/2217(INI)] rapporteur M. SAVARY.

(4)  Directive 2008/50/CE concernant la qualité de l'air ambiant et un air pur pour l'Europe; directive 2002/49/CE relative à la gestion du bruit dans l'environnement.

(5)  COM(2009) 279 final.

(6)  JO C 255 du 27.9.2010, p. 110.

(7)  JO C 255 du 27.9.2010, p. 110; JO C 224 du 30.8.2008, p. 39; JO C 168 du 20.7.2007, p. 77.

(8)  JO C 317 du 23.12.2009, p. 1.

(9)  CIVITAS: (City Vitality Sustainability) programme communautaire de recherche et d’innovation dans le domaine des transports urbains.


21.1.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 21/62


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l'aviation civile»

COM(2009) 611 final — 2009/0170 (COD)

2011/C 21/11

Rapporteur général: M. KRAWCZYK

Le 20 novembre 2009, le Conseil a décidé, conformément à l'article 80, paragraphe 2, du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l'aviation civile»

COM(2009) 611 final – 2009/0170 (COD).

Le 15 décembre 2009, le Bureau du Comité a chargé la section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information» de préparer les travaux du Comité en la matière.

Compte tenu de l'urgence des travaux (article 59, paragraphe 1, du règlement intérieur), le Comité économique et social européen a décidé au cours de sa 463e session plénière (séance du 27 mai 2010), de nommer M. KRAWCZYK rapporteur général, et a adopté le présent avis par 157 voix pour et 2 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le système européen actuel d'enquêtes sur les accidents d'aéronefs civils et de comptes rendus d'événements ne fonctionne pas de manière optimale. Il ne prend pas en compte le progrès significatif accompli sur la voie de la création d'un marché unique du transport aérien, notamment par la création de l'Agence européenne de la sécurité aérienne.

1.2   Le CESE accueille favorablement la proposition de la Commission européenne, qui constitue une avancée dans le bon sens en vue de remédier aux inconvénients que comporte l'actuelle fragmentation des enquêtes sur les accidents dans l'UE.

1.3   La proposition de la Commission prévoit la promotion de la coopération volontaire, par le biais d'un réseau européen des autorités responsables des enquêtes de sécurité dans l'aviation civile. Le CESE partage l'analyse de la Commission selon laquelle la création d'une agence européenne chargée des enquêtes sur les accidents dans l'aviation civile serait prématurée.

1.4   Le CESE voudrait insister sur le fait que l'objectif unique des enquêtes sur les accidents et les incidents doit être de prévenir ceux-ci, et non de chercher la faute et de désigner des coupables. Aussi le CESE estime-t-il essentiel d'améliorer encore la formulation de l'article 15 afin de garantir sa parfaite conformité avec les dispositions de l'annexe 13 de la convention de Chicago.

1.5   Le CESE souligne qu'il importe au plus haut point, dans l'intérêt de la sécurité aérienne, que le processus d'enquête sur les accidents soit véritablement indépendant, à l'abri de toute ingérence tant des parties concernées que du grand public, de la politique, des médias et des autorités judiciaires.

1.6   Le CESE aimerait souligner l'importance d'une «culture de la sécurité» et aussi l'importance qu'il y a à ce que tous les États membres de l'UE assurent la mise en œuvre d'une «culture juste» dans leur système pénal national. Il est nécessaire d'agir davantage au niveau de l'UE pour garantir que tous les États membres modifient leur système pénal national en vue de développer une «culture juste».

1.7   Le CESE insiste en particulier sur l'importance de créer, avec la collaboration d'autres parties prenantes, une «charte européenne de la culture juste».

1.8   Le CESE souligne qu'il est important que la procédure d'enquête sur les accidents soit pleinement indépendante de toute ingérence des parties concernées, y compris l'Agence européenne de la sécurité aérienne. Il importe donc d'introduire davantage de mesures de sauvegarde dans la législation pour garantir que les organes chargés des enquêtes sur les accidents conservent le rôle dominant.

1.9   Le CESE souligne qu'il est très important que les familles des victimes disposent d'une liste des passagers en temps utile. Mais il importe tout autant qu'elles disposent de la liste exacte.

2.   Introduction

2.1   L'avion constitue l'un des moyens de transport les plus sûrs. Les statistiques montrent qu'en dépit de l'augmentation massive du trafic aérien depuis la création du marché unique du transport aérien en 1992, l'Union européenne a réussi à accroître le niveau de sécurité de ce mode de transport, si bien que les compagnies aériennes de l'UE figurent parmi les plus sûres du monde.

2.2   Toutefois, rien n'est jamais acquis en matière de sécurité: des efforts constants sont nécessaires pour améliorer le niveau de la sécurité aérienne. Quel que soit le degré de fiabilité du secteur aérien de l'UE, il n'est jamais possible d'exclure que se produisent des accidents ou des incidents graves. Il est donc essentiel de réaliser des enquêtes indépendantes sur de tels accidents ou incidents. L'analyse des circonstances d'un accident donne lieu à des recommandations qui visent à éviter que ce type d'accident ne se reproduise à l'avenir.

2.3   L'obligation d'enquêter sur les accidents d'aéronefs civils est prévue par la convention relative à l'aviation civile internationale («Convention de Chicago»), à laquelle adhèrent tous les États membres. L'annexe 13 de cette convention définit en détail des normes et des pratiques recommandées.

2.4   Consciente de l'importance des enquêtes sur les accidents et les incidents, la Communauté européenne a adopté, dès 1980, la directive 80/1266/CEE sur la coopération et l'assistance mutuelle des États membres dans les enquêtes sur les accidents d'aéronefs (1). La directive de 1980 a été remplacée ultérieurement par la directive 94/56/CE (2). En outre, la directive 2003/42/CE (3) concernant les comptes rendus d'événements dans l'aviation civile a été adoptée en 2003.

2.5   Le système européen actuel d'enquêtes sur les accidents d'aéronefs civils et de comptes rendus d'événements ne fonctionne pas de manière optimale, en raison de sa fragmentation. Il ne prend pas en compte de manière appropriée le progrès significatif accompli sur la voie de la création d'un marché unique du transport aérien, qui a accru le pouvoir de l'UE dans le domaine de la sécurité aérienne, notamment par la création de l'Agence européenne de la sécurité aérienne. C'est pourquoi la Commission a adopté le 29 octobre 2009 un «Projet de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l'aviation civile», qui aurait pour effet d'abroger la législation existante en la matière.

3.   Proposition de la Commission

3.1   La proposition de la Commission prévoit la promotion de la coopération volontaire, c'est-à-dire qu'aux termes du règlement proposé, la coopération informelle existante se transformera en un réseau européen des autorités responsables des enquêtes de sécurité dans l'aviation civile (ci-après «le réseau»). Le réseau n'aura pas de personnalité juridique et son mandat sera limité à une mission de conseil et de coordination.

3.2   En outre, le projet de règlement complète la coopération volontaire par un certain nombre d'obligations légales, comme celles de:

transposer dans le droit de l'Union les normes et pratiques recommandées au niveau international en matière de protection des éléments de preuve et des informations sensibles sur la sécurité, conformément à l'annexe 13 de la convention de Chicago;

mettre en place des exigences communes en matière d'organisation des autorités nationales responsables des enquêtes de sécurité et renforcer le caractère indépendant de ces enquêtes;

mieux coordonner les diverses enquêtes portant sur les causes d'accidents et d'incidents;

préciser les droits et obligations mutuels de l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) et des autorités nationales responsables des enquêtes de sécurité, sans compromettre l'indépendance de ces enquêtes;

définir les critères sur la base desquels les autorités responsables des enquêtes de sécurité désigneraient les représentants accrédités de l'État de conception;

répondre au besoin d'une «culture juste» en déterminant les grandes lignes du système non répressif de comptes rendus d'accidents ou d'incidents;

mettre en place des exigences communes aux transporteurs aériens de l'Union en ce qui concerne les listes de passagers et la protection des données qu'elles contiennent (c'est-à-dire l'article 23 de la proposition de règlement);

renforcer les droits des victimes d'accidents aériens et de leurs familles;

renforcer la protection de l'anonymat des personnes impliquées dans un accident;

créer un répertoire commun des recommandations de sécurité et des informations concernant leur suivi.

4.   Observations particulières

4.1   Le CESE accueille favorablement la proposition de la Commission européenne, qui constitue une avancée dans le bon sens en vue de remédier aux inconvénients que comporte l'actuelle fragmentation des enquêtes sur les accidents dans l'UE. Néanmoins, le CESE souligne qu'il importe de contrôler l'efficacité de la proposition, en tenant compte du fait que certains petits États membres ne disposent pas des compétences et/ou des moyens requis dans le domaine des enquêtes sur les accidents. Aussi le CESE encourage-t-il la Commission à définir des critères relatifs au niveau minimum requis de compétences techniques des organes chargés d'enquêtes sur les accidents ainsi que des enquêteurs, et à inciter les États membres à respecter leurs engagements en la matière.

4.2   Le CESE se félicite tout particulièrement de l'approche pragmatique de la Commission, basée sur les principes de subsidiarité et de proportionnalité. Le CESE partage l'analyse de la Commission selon laquelle la création d'une agence européenne chargée des enquêtes sur les accidents dans l'aviation civile serait prématurée, même s'il convient de ne pas l'exclure à long terme. Le CESE souligne aussi qu'il importe de veiller à ce que le réseau soit ouvert aux pays tiers frontaliers de l'UE qui entretiennent une coopération étroite avec elle, notamment les États appartenant à la Conférence européenne de l'aviation civile (CEAC).

4.3   Le CESE souligne qu'il importe au plus haut point, dans l'intérêt de la sécurité aérienne, que le processus d'enquête sur les accidents soit véritablement indépendant, à l'abri de toute ingérence tant des parties concernées que du grand public, de la politique, des médias et des autorités judiciaires.

4.4   Le CESE voudrait insister sur le fait que l'objectif unique des enquêtes sur les accidents et les incidents doit être de prévenir ceux-ci, et non de chercher la faute et de désigner des coupables. Aussi le CESE estime-t-il essentiel d'améliorer encore la formulation de l'article 15 afin de garantir sa parfaite conformité avec les dispositions de l'annexe 13 de la convention de Chicago. En particulier, l'idée de faire intervenir davantage les autorités judiciaires et l'intérêt public à d'autres fins que celles des enquêtes sur les accidents serait contreproductive et dissuaderait de rapporter volontairement les événements ou les incidents. Le CESE estime qu'il est essentiel de maintenir une séparation stricte entre le processus d'enquête sur les accidents et toute procédure judiciaire. Ne pas aller dans ce sens pourrait avoir des effets préjudiciables sur la collecte d'informations intéressant la sécurité et par conséquent entraîner un risque de détérioration de la sécurité aérienne dans l'UE. Le CESE insiste sur le fait que cette disposition n'aura pas d'incidence sur le droit des victimes à obtenir une compensation par des procédures indépendantes, distinctes des processus d'enquête sur les accidents. Le CESE insiste sur l'importance de protéger les données sensibles en matière de sécurité ainsi que les employés qui rapportent des événements liés à la sécurité.

4.4.1   Le CESE reconnaît l'importance de la déclaration publiée le 26 avril 2010 par les organisations du secteur du transport aérien au sujet du règlement de l'UE sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l'aviation civile, dans laquelle elles expriment de sérieuses réserves vis-à-vis de la proposition de la Commission (soutenue par le Conseil «transports» du 11 mars 2010), à l'égard de ce qu'elles définissent comme la primauté de l'enquête judiciaire sur l'enquête de sécurité. Ce principe, selon les organisations signataires, compromettrait sensiblement la capacité des enquêteurs, dans le cas d'un accident, à obtenir de manière confidentielle les informations nécessaires à la détermination des facteurs qui contribuent aux accidents; les enquêteurs ne pourraient dès lors formuler en toute connaissance de cause les recommandations de sécurité qui sont nécessaires pour améliorer la sécurité dans l'aviation et éviter de futurs accidents, ce qui serait contraire aux intérêts des passagers aériens européens.

4.5   Le CESE aimerait souligner l'importance d'une «culture de la sécurité» et aussi l'importance qu'il y a à ce que tous les États membres de l'UE assurent la mise en œuvre d'une «culture juste» dans leur système pénal national. Dans l'intérêt de la sécurité aérienne, il est essentiel d'utiliser les conclusions des enquêtes sur les accidents pour prévenir de futurs accidents, et non pour sanctionner des erreurs involontaires, ce qui aurait pour effet d'entraver l'enquête en bonne et due forme sur un accident. Le CESE est d'avis que la réglementation devrait fournir un cadre où toutes les parties concernées par un accident puissent partager des informations et s'exprimer librement et en confiance. Pour garantir une communication ouverte et dans la confiance, il est nécessaire d'assurer la sécurité juridique, c'est-à-dire un ensemble solide de règles juridiques qui définissent sans ambiguïté les cas où des informations relatives à la sécurité peuvent être utilisées ou non, en dehors de l'enquête sur un accident. Sans une telle sécurité, les personnes concernées auraient peur de contribuer à l'enquête. Le CESE souligne qu'il est nécessaire d'agir davantage au niveau de l'UE pour garantir que tous les États membres modifient leur système pénal national en vue de développer une «culture juste». Le CESE insiste en particulier sur l'importance de créer une «charte européenne de la culture juste». Il se félicite donc de l'adoption par les partenaires sociaux du secteur de l'aviation civile européenne de la «Charte pour une culture juste», le 31 mars 2009.

4.6   Il importe, aux yeux du CESE, que les familles des victimes disposent d'une liste des passagers en temps utile. Mais il importe tout autant qu'elles disposent de la liste exacte. Ainsi, le CESE a le sentiment qu'il serait possible de maintenir la disposition fixant un délai d'une heure pour soumettre la liste des passagers à condition de prévoir quelques exceptions pour les cas où le délai serait techniquement intenable, en particulier pour des vols long-courriers partis de pays tiers. Il serait en effet facile pour une compagnie aérienne de produire une liste non vérifiée dans un délai d'une heure, alors qu'il est essentiel de disposer d'une liste vérifiée, notamment pour les vols long-courriers au départ de pays hors UE. Le CESE insiste également sur l'importance de protéger la vie privée et les données, et estime par conséquent qu'il est possible de se contenter des listes de passagers que les compagnies aériennes peuvent produire à partir des systèmes d'enregistrement et de réservation.

4.7   Le CESE souligne qu'il est important que la procédure d'enquête sur les accidents soit pleinement indépendante de toute ingérence des parties concernées, y compris l'Agence européenne de la sécurité aérienne. Il importe donc d'introduire davantage de mesures de sauvegarde dans la législation pour garantir que les organes chargés des enquêtes sur les accidents conservent le rôle dominant. En revanche, l'Agence européenne de la sécurité aérienne pourrait être associée (avec un rôle de conseil) à l'enquête au même titre que les autres parties concernées (compagnie aérienne, constructeur, etc.), mais sans être autorisée à influer sur le cours ou l'issue de l'enquête. Le CESE voudrait notamment faire remarquer que l'AESA ne devrait pas être autorisée à agir en tant qu'enquêteur accrédité sur les accidents, dans la mesure où cela conduirait à un conflit d'intérêts avec son rôle de régulateur de la sécurité et ne serait pas conforme à l'esprit de l'annexe 13 de la convention de Chicago. Néanmoins, le CESE entend aussi souligner combien il importe de transmettre les recommandations résultant des enquêtes à l'AESA, lorsque celle-ci en a besoin pour réagir à des problèmes immédiats de sécurité.

4.8   Le CESE est favorable à la proposition de créer une base de données centralisée des recommandations en matière d'enquête sur les accidents, qui comprendrait les informations concernant leur suivi. Toutefois, le CESE juge essentiel que l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) procède soigneusement, avant toute mesure réglementaire, à une évaluation du gain de sécurité et de l'impact réglementaire de toute recommandation relative à la sécurité – à l'image du système américain, où la FAA examine les recommandations émanant du Bureau national pour la sécurité des transports (US National Transport Safety Board, NTSB).

4.8.1   Le CESE encourage l'UE à prendre des mesures complémentaires pour garantir que les rapports relatifs à des incidents fassent l'objet de l'analyse approfondie qui s'impose et pour favoriser une mise en commun à l'échelle européenne des ressources en la matière.

4.9   Le CESE souligne qu'il importe, au nom de la sécurité, que tous les États membres de l'UE (et hors UE) soient à même de comprendre clairement le contenu du rapport d'enquête sur un accident (article 19). Il arrive fréquemment que les autorités civiles nationales responsables des enquêtes de sécurité ne publient des rapports que dans leur langue nationale, même si des personnes étrangères sont concernées. Le CESE recommande que chaque rapport d'enquête sur un accident soit au moins traduit en anglais.

4.10   Le CESE fait remarquer que la sécurité primera toujours sur d'autres exigences, telles que la protection de la propriété intellectuelle. Mais d'un autre côté, il importe de rehausser les mesures de protection de la propriété intellectuelle (article 15). Il convient que les informations commerciales sensibles ne soient partagées qu'avec les autorités, et soient protégées de toute divulgation aux concurrents. Les fabricants d'équipements d'origine ne devraient pas recevoir toutes les informations relatives aux Certificats de type supplémentaires ou à d'autres changements ou réparations, et inversement (dans la mesure où ces documents peuvent contenir des informations intéressantes du point de vue commercial et relevant de la propriété intellectuelle de l'organisme de conception (DOA), informations sans aucun rapport avec un accident ou incident donné).

Bruxelles, le 27 mai 2010.

Le président du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  JO L 375 du 31.12.1980, p. 32.

(2)  JO L 319 du 12.12.1994, p. 14.

(3)  JO L 167 du 4.7.2003, p. 23.


21.1.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 21/66


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de décision du Conseil relative aux lignes directrices pour les politiques de l’emploi des États membres — partie II des lignes directrices intégrées Europe 2020»

COM(2010) 193 final

2011/C 21/12

Rapporteur général: M. Wolfgang GREIF

Le 5 mai 2010, le Conseil a décidé, conformément à l’article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Proposition de décision du Conseil relative aux lignes directrices pour les politiques de l’emploi des États membres - Partie II des lignes directrices intégrées Europe 2020»

COM(2010) 193 final.

Le 27 avril 2010, le Bureau du Comité a chargé la section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté» de préparer les travaux du Comité en la matière.

Compte tenu de l’urgence des travaux, le Comité économique et social européen a décidé au cours de sa 463e session plénière des 26 et 27 mai 2010 (séance du 27 mai 2010) de nommer M. GREIF rapporteur général, et a adopté le présent avis par 134 voix pour, 9 voix contre et 12 abstentions.

1.   Conclusions

Le Comité économique et social européen:

déplore que le Conseil et la Commission aient fixé un calendrier aussi serré pour l’adoption des lignes directrices, ne permettant pratiquement aucun véritable débat avec la société civile organisée et les parlements;

estime que les lignes directrices ne reflètent pas suffisamment le fait que dans un contexte de crise, les politiques devraient notamment avoir pour objectif majeur, au niveau européen comme national, de lutter contre le chômage;

se félicite que l’on se soit concentré sur un nombre restreint de lignes directrices; estime toutefois qu’elles sont trop générales et trop modérées pour orienter les mesures avec efficacité, ce qui affaiblit dès lors l’approche européenne;

estime que les recommandations politiques relatives au marché du travail mettent bien trop l’accent sur l’offre (amélioration de l’employabilité) et exige que l’on accorde davantage d’attention à une politique de la demande intelligente, favorisant la croissance future et l’innovation et contribuant à la création de nouveaux emplois;

est préoccupé par la disparition, dans les nouvelles lignes directrices, de la référence à l’objectif de plein-emploi, qui occupait une place centrale dans les anciennes lignes directrices;

s’étonne que les lignes directrices ne contiennent aucune indication concrète au sujet de la qualité des emplois; propose de fusionner les lignes directrices no 8 et no 9, et d’insérer une ligne directrice distincte au sujet de la promotion de la qualité de l’emploi;

se félicite de l’accent mis sur le triangle de la connaissance et la valorisation des compétences; aurait toutefois souhaité des propositions plus ambitieuses en ce qui concerne la lutte contre le chômage des jeunes et la promotion de la formation initiale et continue des personnes handicapées;

regrette que les lignes directrices se réfèrent dans l’ensemble trop peu à la politique d’égalité des chances, par exemple en ce qui concerne la promotion de la condition féminine;

salue expressément le fait que la lutte contre l’exclusion sociale et la pauvreté constitue une ligne directrice propre, bien qu’il conviendrait de mettre davantage en évidence la réduction des risques de pauvreté pesant sur les enfants et les jeunes;

est d’avis qu’afin de réduire les risques de pauvreté, il faut disposer d’indicateurs stables et fiables qui permettent de mesurer et de suivre les progrès réalisés, et qui évaluent aussi, par exemple, le rapport entre revenu et pouvoir d’achat ainsi que la concentration des revenus (coefficient de Gini); estime en outre que le taux de risque de pauvreté doit faire l’unanimité comme indicateur de pauvreté relative d’utilisation courante;

estime qu’il serait souhaitable de clarifier les passages relatifs à l’intégration des groupes disproportionnellement menacés par la pauvreté (par exemples les mères isolées, les personnes issues de l’immigration, les personnes âgées percevant une faible retraite, les personnes handicapées).

2.   Contexte: critiques au sujet du calendrier serré de la Commission et du Conseil

2.1   Le 27 avril 2010, la Commission européenne a proposé une nouvelle série de lignes directrices pour la politique de l’emploi dans les États membres. Celles-ci forment, avec les grandes orientations de politique économique, les lignes directrices intégrées pour la mise en œuvre de la stratégie Europe 2020 pour une croissance intelligente, durable et inclusive. Les 25 et 26 mars 2010, le Conseil européen est parvenu à un accord au sujet de la nouvelle stratégie, qui devrait être adoptée formellement en juin.

2.2   À plusieurs reprises, le CESE a approuvé l’approche intégrée et pluriannuelle appliquée à une stratégie pour l’avenir de l’UE. Il a toujours fait remarquer que la participation étendue des parlements, des partenaires sociaux et de la société civile au niveau européen et national est l’une des pierres angulaires du succès de la coordination politique, et qu’elle doit être garantie à chaque étape (1).

2.3   Dans son avis sur la stratégie de l’UE après 2010, le CESE a dès lors également plaidé pour la suppression, au cours de la révision de la stratégie, des obstacles structurels empêchant une participation efficace des parlements et un véritable dialogue social et civil (2), notamment en raison de la façon peu satisfaisante dont se déroulaient depuis des années les consultations menées dans le cadre de l’élaboration et du renouvellement des lignes directrices.

2.3.1   Le CESE a déploré cet état de fait dans plusieurs de ses avis relatifs aux lignes directrices, et a exhorté la Commission et le Conseil à modifier le calendrier, en particulier les années où sont fixées des orientations stratégiques dans le cadre de la coordination. Il faut en effet garantir la participation effective de tous les acteurs sociaux et politiques concernés au processus décisionnel politique, au niveau national et européen.

2.4   Le CESE regrette dès lors d’autant plus que cette année également, alors que sont définies, dans le cadre de la stratégie Europe 2020, les nouvelles priorités de la stratégie pour la croissance et l’emploi pour les dix années à venir, le Conseil et la Commission aient fixé un calendrier aussi serré pour l’adoption des lignes directrices. Celui-ci ne permet pratiquement aucun véritable débat avec la société civile organisée et les parlements.

2.5   Dans ce contexte, le Comité constate qu’eu égard au délai extraordinairement court entre la publication de la proposition de décision et l’adoption de cette décision par le Conseil, il ne lui est pas possible de mener des consultations habituelles avec les groupes d’intérêts représentés en son sein. Le CESE se voit donc forcé de prendre position dans le cadre d’une procédure accélérée.

2.6   Le CESE comprend dès lors toutes les voix s’élevant en faveur d’un report approprié de l’adoption de la décision sur les lignes directrices intégrées, et ce d’autant plus que l’Union européenne est actuellement occupée à élaborer sa stratégie globale de développement pour les dix années à venir.

2.6.1   Si un tel report de quelques mois devait intervenir, ce dont le Comité se féliciterait vivement, le CESE se réserve la possibilité, sans préjudice des observations et recommandations exprimées dans le présent avis, de prendre position au sujet des lignes directrices proposées, dans un avis d’initiative détaillé et sur la base de vastes consultations qui s’imposent.

3.   Observations générales au sujet des lignes directrices proposées

3.1   En raison de la crise économique et financière, l’Europe sera confrontée au cours des années à venir à une situation extrêmement tendue sur le marché du travail. Les études actuelles partent en effet du principe qu’il faudra une décennie entière pour récupérer les quelque 10 millions d’emplois qui ont été perdus aux cours des années de crises que nous connaissons (3). Dans ce contexte, la lutte contre le chômage doit être un objectif politique central, tant au niveau de l’UE que des États membres. Le CESE est d’avis que cet état de fait doit se refléter davantage dans les lignes directrices.

3.1.1   Les lignes directrices proposées, jusqu’ici au nombre de huit, ont été réduites à quatre. La Commission prévoit qu’elles restent inchangées d’ici à 2014. Le CESE salue le principe de cette concentration et du cycle pluriannuel, mais constate qu’en bien des endroits, le document reste très général et offre peu de précisions. Il craint que de ce fait, les lignes directrices n’aient qu’une valeur limitée pour orienter les actions des États membres. En tout état de cause, il est clair pour le CESE qu’un nombre réduit de lignes directrices rendront des indicateurs clairs et fiables d’autant plus nécessaires, afin que les progrès réalisés puissent être mesurés et suivis. Cela vaut pour les mesures propres à un groupe cible spécifique, mais aussi et surtout pour la lutte contre la pauvreté.

3.2   En outre, les lignes directrices pour l’emploi à l’examen ne contiennent pratiquement pas d’objectifs quantitatifs, abstraction faite des indications relatives aux trois objectifs centraux de l’UE devant servir de base à la définition d’objectifs nationaux par les États membres, à savoir:

accroître à 75 % le taux d’emploi global des femmes et des hommes âgés de 20 à 64 ans;

réduire le taux d’abandon scolaire à 10 % et augmenter à au moins 40 % la part des 30-34 ans détenteurs d’un diplôme d’enseignement supérieur ou d’un certificat de formation équivalent;

réduire de 25 % le nombre d’Européens vivant en dessous des seuils de pauvreté nationaux, ce qui impliquerait de faire sortir quelque 20 millions de personnes de la pauvreté.

3.2.1   Le CESE y voit un affaiblissement notable de l’approche européenne et doute que le transfert presque exclusif de la définition d’objectifs concrets en matière de politique d’emploi aux États membres permette de donner un caractère plus contraignant à la réalisation des objectifs communs.

3.3   La retenue affichée dans la définition des objectifs européens est quelque peu incompréhensible aux yeux du CESE. Il avait en effet plaidé, au cours des débats sur une stratégie post 2010, pour que les l’objectifs communs de la stratégie en cours ne soient pas abandonnés, et pour que l’on fixe par ailleurs à ce sujet des objectifs ambitieux qui iraient plus loin et tiendraient compte des spécificités initiales dans les différents pays de l’UE (4).

3.3.1   Dans bon nombre de ses avis, le CESE a également avancé des propositions dans ce sens, afin de compléter les objectifs mesurables dans le cadre des lignes directrices pour l’emploi, notamment en ce qui concerne l’égalité entre les sexes, l’emploi des jeunes, la lutte contre les contrats de travail présentant des lacunes en matière de protection sociale, la lutte contre la pauvreté (également des personnes disposant d’un emploi), ou l’emploi des personnes handicapées (5).

3.4   Jusqu’ici, l’épine dorsale de la stratégie européenne pour l’emploi comptait des objectifs compréhensibles tels que par exemple la réinsertion des chômeurs de longue durée sur le marché du travail, l’offre d’un emploi ou d’une formation aux jeunes dans un délai court, la création de structures d’accueil adéquates afin de concilier travail et famille, ou la réduction des inégalités de revenus entre hommes et femmes. Le CESE estime qu’il convient de conserver ces objectifs et, le cas échéant, de les renforcer.

3.5   Le CESE regrette que les propositions de lignes directrices pour l’emploi se réfèrent dans l’ensemble trop peu à la politique d’égalité des chances et à la promotion de la condition féminine. Si l’on entend sérieusement réduire le risque de pauvreté en Europe, il faut définir des objectifs et des initiatives engagés, afin de supprimer les stéréotypes liés au sexe, les discriminations existant sur le marché du travail et les causes structurelles des inégalités de revenus entre hommes et femmes; il faut également éliminer les obstacles tenant les femmes à l’écart de certaines professions et limitant leurs initiatives entrepreneuriales (6). En tout état de cause, les lignes directrices à l’étude y contribuent peu.

4.   Observations spécifiques et propositions de modification relatives aux quatre lignes directrices pour l’emploi

4.1   Ligne directrice no 7: accroître la participation au marché du travail et diminuer le chômage structurel.

4.1.1   Le CESE soutient dans son principe l’objectif de l’UE visant à accroître à 75 % le taux d’emploi des femmes et des hommes âgés de 20 à 64 ans d’ici à 2020. Il s’agit d’un objectif des plus ambitieux, étant donné que le pourcentage visé a non seulement été augmenté, et que, contrairement à l’objectif actuel, la tranche d’âge des 15-19 ans en a également été exclue. Le CESE demande pourquoi les jeunes travailleurs ne sont plus pris en compte dans le calcul du taux d’emploi global.

4.1.2   À cet égard, le CESE note également qu’aujourd’hui, alors que le nombre de chômeurs a atteint un niveau record de près de 24 millions de personnes, les marchés du travail ne sont pas tant confrontés au problème du manque de main-d’œuvre en général, mais dans certains États membres au manque de main-d’œuvre qualifiée, ainsi qu’à un manque considérable d’emplois disponibles. Il convient dès lors, afin d’accroître le taux d’emploi et de créer des emplois, d’envisager des mesures intelligentes et des modèles d’emploi pour une meilleure répartition du travail.

4.1.3   Eu égard au taux de chômage dramatiquement élevé que connaît l’UE, la politique ne peut se borner à améliorer l’«employabilité» des travailleurs. Au contraire, l’accent devra être à l’avenir davantage mis sur les investissements tournés vers l’avenir, dans les domaines de la R&D, de la formation, des infrastructures, de la santé et des services sociaux, afin de créer de l’emploi et de pouvoir mobiliser efficacement les potentialités d’emploi.

4.1.4   À la lumière de ce qui précède, le CESE est préoccupé par la disparition, dans les nouvelles lignes directrices, de la référence à l’objectif de plein-emploi, qui occupait une place centrale dans les anciennes lignes directrices. Il est seulement question de l’élimination du chômage structurel et de la réduction de l’«inactivité». Le CESE estime que cette ligne directrice devrait en tout cas être revue et intégrer la notion de plein-emploi.

4.1.5   Si l’on veut, en particulier dans une situation de crise, éviter autant que faire se peut une augmentation supplémentaire du nombre de demandeurs d’emploi et empêcher une pérennisation structurelle du chômage, l’ensemble des neuf nouvelles lignes directrices intégrées doivent contenir un mélange équilibré d’éléments macroéconomiques associant une politique économique orientée vers l’offre et une politique économique orientée vers la demande.

4.1.5.1   Le CESE estime que l’ensemble des lignes directrices à l’examen, et en particulier la ligne directrice dont il est question ici, n’apportent pas de garanties à ce sujet. En ce qui concerne les recommandations politiques relatives au marché de l’emploi, elles mettent bien trop l’accent sur l’offre (amélioration de l’employabilité). Il y a lieu de compenser cette tendance en accordant davantage d’attention à une politique de la demande intelligente, favorisant la croissance future et l’innovation et contribuant à la création de nouveaux emplois.

4.1.6   Par ailleurs, le document omet d’indiquer que le retour de la croissance dans la perspective d’une stabilisation du marché de l’emploi doit être avant tout réalisé par un renforcement de la demande intérieure (investissements privés et publics). Il ne précise pas non plus que les mesures de soutien conjoncturel et les investissements dans la sécurité de l’emploi ne devraient pas prendre fin de manière précoce, afin d’éviter une hausse supplémentaire du chômage. Dans ce contexte, le CESE est d’avis qu’une stratégie de sortie, ou des plans de consolidation, comme ceux prévus dans les lignes directrices relatives à la politique économique, doivent impérativement être assortis de réserves en matière de conjoncture et d’emploi.

4.1.7   En ce qui concerne la recommandation, adressée aux États membres, d’intégrer les principes de flexicurité du Conseil dans leur politique d’emploi, force est de constater que la ligne directrice ne mentionne aucunement que le principe de qualité des emplois revêt autant de valeur que celui de flexicurité, comme l’a demandé le CESE à plusieurs reprises (7).

4.1.8   Le CESE exige en outre une clarification: l’activation en faveur de la recherche d’un emploi devrait avant tout être assurée grâce à l’offre de services performants par les organes publics chargés de l’emploi plutôt que par des mesures dites incitatives liées aux allocations de chômage. Il propose dès lors de supprimer le passage suivant dans la dernière phrase du premier paragraphe «… en les assortissant de droits et de responsabilités clairs pour les chômeurs en ce qui concerne la recherche active d’emploi». En particulier en période de crise, le CESE estime superflues les recommandations encourageant un durcissement des dispositions de l’assurance-chômage.

4.2   Ligne directrice no 8: développer une main-d’œuvre qualifiée en mesure de répondre aux besoins du marché du travail, promouvoir des emplois de qualité et l’éducation et la formation tout au long de la vie.

4.2.1   Le Comité se félicite certes que la qualité des emplois soit au moins mentionnée dans l’intitulé de la ligne directrice, mais s’étonne par ailleurs de ne trouver aucune indication concrète, par exemple pour ce qui est de promouvoir la santé dans les entreprises, d’assurer un revenu permettant la subsistance, d’organiser le temps de travail, d’empêcher les horaires trop longs ou de concilier vie professionnelle et famille. Il aurait également escompté que l’on lie davantage l’exigence de qualité des emplois à la stratégie de flexicurité, et que l’on souligne l’importance de la flexicurité interne comme externe, puisque ce sont précisément les marchés de l’emploi présentant une flexibilité interne qui ont bien fait leurs preuves au cours de la crise.

4.2.2   Étant donné que la ligne directrice à l’étude ici présente un contenu très proche de celui de la ligne directrice no 9 qui suit, il convient d’envisager sérieusement de fusionner ces deux lignes directrices, afin d’éviter les doubles emplois. En revanche, il conviendrait d’insérer une ligne directrice distincte afin de promouvoir la qualité de l’emploi.

4.2.2.1   Le CESE constate à nouveau que la dimension qualitative de l’accroissement du taux d’emploi revêt une importance toute particulière dans le cas où un objectif quantitatif a été fixé afin d’accroître ce taux. En effet, l’emploi à tout prix, avec ses emplois précaires, ses travailleurs pauvres, etc., ne peut être la solution.

4.2.3   Dans ce contexte, le Comité plaide à nouveau pour que l’on reprenne les objectifs qualitatifs en matière d’emploi, qui ont été largement laissés de côté au cours de la révision de la stratégie de Lisbonne ces dernières années (notamment les indicateurs de Laeken mesurant la création d’emplois de qualité) (8).

4.2.4   À cet égard, le CESE propose que les emplois nouvellement créés fassent l’objet d’une surveillance systématique dans une perspective qualitative, et recommande que l’on fasse référence aux défis du marché européen de l’emploi définis conjointement par les partenaires sociaux européens (9). Parmi ceux-ci, on peut par exemple noter le fait que le droit du travail doit favoriser des contrats stables, et le fait que tout travailleur, quel que soit son type de contrat, ne peut être privé de droits de protection adéquats ni de la sécurité de l’emploi.

4.3   Ligne directrice no 9: rendre les systèmes d’éducation et de formation plus performants à tous les niveaux et augmenter la participation à l’enseignement supérieur

4.3.1   Le CESE estime qu’une politique visant à créer des emplois «de qualité», laquelle comprend notamment des objectifs ambitieux dans le domaine de la formation initiale et continue, tant générale que professionnelle, et de l’apprentissage tout au long de la vie, apporte une contribution considérable à la croissance et à l’augmentation de la productivité. Aussi le CESE se félicite-t-il que cette dimension soit prioritaire.

4.3.2   Comme dans la ligne directrice précédente, il est fait référence ici aussi à un indicateur relatif aux jeunes menacés par une exclusion du marché de l’emploi. Les États membres devraient prendre des mesures ciblées pour prévenir l’abandon scolaire, dans le but de réduire le nombre de jeunes chômeurs ne disposant d’aucune formation scolaire ni professionnelle. Le CESE est d’avis que ce point essentiel devrait être davantage mis en avant, par exemple en conservant des objectifs ambitieux tels que:

une réduction du chômage des jeunes d’au moins 50 %;

un délai maximal de quatre mois pour l’activation des jeunes cherchant un emploi ou une place de formation.

4.3.3   Le CESE rappelle que la réalisation de l’objectif Europe 2020, qui prévoit un taux d’emploi de 75 %, nécessite en premier lieu des mesures adéquates de politique de l’emploi en faveur des personnes handicapées, qui représentent 16 % des personnes en âge de travailler. Le Comité se félicite dès lors que ce groupe de population soit explicitement inclus dans les lignes directrices no 7 et no 10. Il apprécierait en outre également que la ligne directrice no 9 prévoie une formation initiale et continue ouverte aux personnes handicapées.

4.4   Ligne directrice no 10: promouvoir l’inclusion sociale et lutter contre la pauvreté

4.4.1   Le CESE salue vivement le fait que «la lutte contre l’exclusion sociale et la pauvreté» fasse l’objet d’une ligne directrice propre. Il y voit la confirmation de sa recommandation répétée à plusieurs reprises, selon laquelle l’inégalité sociale croissante en Europe exige des mesures communes visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Cela nécessite tout un ensemble de mesures spécifiques aux différents groupes cibles. Le CESE est d’avis qu’il convient en particulier de mettre davantage en exergue, dans la ligne directrice, la réduction des risques de pauvreté pesant sur les enfants et les jeunes, et de fixer des objectifs concrets en la matière.

4.4.2   Afin de réduire les risques de pauvreté, il est également nécessaire que l’on dispose d’une série d’indicateurs stables et fiables permettant de mesurer et de suivre les progrès réalisés. Le CESE s’emploie à ce que le taux de risque de pauvreté fasse l’unanimité comme indicateur de pauvreté relative d’utilisation courante. Le CESE estime qu’il serait opportun d’élaborer en outre de nouveaux indicateurs, qui évaluent aussi, par exemple, le rapport entre revenu et pouvoir d’achat ainsi que la concentration des revenus (coefficient de Gini). Cependant, cela ne peut en aucun cas induire une édulcoration de l’objectif principal.

4.4.3   Le CESE salue la recommandation invitant les États membres à favoriser une pleine participation à la société et à l’économie et à accroître les possibilités d’emploi dans le but de réduire la pauvreté.

4.4.3.1   Le CESE rejoint à cet égard les conclusions d’une récente étude de la Commission, selon laquelle des mesures contre la «pauvreté au travail» doivent également figurer au rang des priorités de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (10). Il propose de garantir des revenus permettant la subsistance, et de lutter par ailleurs contre la croissance d’un secteur à faibles revenus, notamment par le biais des mesures suivantes:

limiter les contrats de travail précaires au profit de contrats de travail durables et accompagnés d’une protection sociale;

fournir une protection sociale dans les périodes de transition entre phases de formation et d’activité;

promouvoir des concepts efficaces pour une politique de l’emploi active en faveur du perfectionnement professionnel et de la création d’emplois, en particulier en ce qui concerne les personnes exclues du marché du travail en raison d’un manque de formation;

mettre en avant la lutte contre le chômage des jeunes et l’intégration des personnes exclues du marché du travail.

4.4.3.2   Il convient d’inclure et de souligner davantage tous ces éléments dans la ligne directrice. Dans ce contexte, le CESE répète également la proposition qu’il a avancée récemment au sujet des objectifs en matière de systèmes de revenus minimum et de revenus de substitution.

4.4.4   En outre, la lutte contre la pauvreté exige en particulier des mesures liées à l’emploi et à la formation pour les groupes disproportionnellement menacés par la pauvreté (par exemple, les mères isolées, les personnes issues de l’immigration, les personnes âgées percevant une faible retraite, les personnes handicapées). Il eût été souhaitable de clarifier les passages et les objectifs relatifs à l’intégration des ces personnes dans la société et le marché du travail.

4.4.5   Le CESE note avec satisfaction que le document mentionne le rôle précieux joué par l’économie sociale dans la création et le maintien d’emplois ainsi que dans la lutte contre la pauvreté, et invite explicitement les États membres à la soutenir activement. Cela va dans le sens de l’exigence du CESE, qui plaide pour que l’on tire pleinement profit des potentialités de l’économie sociale, notamment en ce qui concerne la création d’emplois dans le secteur des services sociaux.

Bruxelles, le 27 mai 2010.

Le président du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  Avis du CESE du 31.5.2005 sur la «Proposition de décision du Conseil relative aux lignes directrices pour les politiques de l’emploi des États membres (conformément à l’article 128 du traité CE)», COM(2005) 14 final - 2005/0057 (CNS), rapporteur: M. MALOSSE (JO C 286 du 17.11.2005) et du 13.2.2008 sur la «Proposition de décision du Conseil relative aux lignes directrices pour les politiques de l’emploi des États membres (conformément à l’article 128 du traité CE)» COM(2007) 803 final/2 (partie V) – 2007/0300 (CNS), rapporteur: M. GREIF (JO C 162/92 du 25.6.2008).

(2)  JO C 128 du 18.5.2010, p. 3.

(3)  Skills supply and demand in Europe: medium-term forecast up to 2020 (Offre et demande de compétences en Europe: prévisions à moyen terme jusque 2020), CEDEFOP, 2010, pp. 35 et suivantes.

(4)  JO C 128 du 18.5.2010, p. 3.

(5)  Avis du CESE

 

du 30.9.2009 sur le thème «Travail et pauvreté: vers une approche globale indispensable», rapporteure: Mme PRUD’HOMME (JO C 318/52 du 23.12.2009);

 

du 1.10.2009 sur «Le lien entre l’égalité des sexes, la croissance économique et le taux d’emploi», rapporteure: Mme OUIN (JO C 318/15 du 23.12.2009);

 

du 1.10.2009 sur la «Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: Une stratégie de l’Union européenne pour investir en faveur de la jeunesse et la mobiliser – Une méthode ouverte de coordination renouvelée pour aborder les enjeux et les perspectives de la jeunesse», COM(2009) 200 final, rapporteur: M. SIBIAN (JO C 318/113 du 23.12.2009).

(6)  Avis du CESE du 29.9.2005 sur «La pauvreté des femmes en Europe», rapporteure: Mme KING (JO C 24 du 31.1.2006); et du 12.7.2007 sur «L’emploi pour les catégories prioritaires (stratégie de Lisbonne)», rapporteur: M. GREIF (JO C 256 du 27.10.2007); voir également le rapport sur l’égalité COM(2009) 694.

(7)  Avis du CESE du 22.4.2008 sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, Comité économique et social européen et au Comité des régions - Vers des principes communs de flexicurité: des emplois plus nombreux et de meilleure qualité en combinant flexibilité et sécurité», COM(2007) 359 final, rapporteur: M. JANSON, corapporteur: M. ARDHE (JO C 211 du 19.8.2008); avis du CESE du 4.11.2009 sur «La stratégie de Lisbonne après 2010», rapporteur: M. GREIF, CESE 1722/2009, paragraphe 3.4.3.

(8)  JO C 128 du 18.5.2010, p. 3.

(9)  Défis essentiels auxquels les marchés européens du travail sont confrontés: analyse conjointe des partenaires sociaux européens, 2007, pp. 61 et suivantes.

(10)  Working poor in Europe (Les travailleurs pauvres en Europe), Eurofound, 2010.


ANNEXE

à l'avis du Comité économique et social européen

L'amendement suivant, qui a recueilli plus du quart des suffrages exprimés, a été rejeté lors du débat:

Paragraphe 4.2.2

Modifier comme suit:

«Étant donné que la ligne directrice à l'étude ici présente un contenu très proche de celui de la ligne directrice no 9 qui suit, il convient d'envisager sérieusement de fusionner ces deux lignes directrices, afin d'éviter les doubles emplois. En revanche, il conviendrait une ligne directrice distincte la qualité de l'emploi».

Exposé des motifs

Découle du texte.

Résultat du vote

Voix pour

:

58

Voix contre

:

73

Abstentions

:

2