ISSN 1725-2431

doi:10.3000/17252431.C_2009.100.fra

Journal officiel

de l'Union européenne

C 100

European flag  

Édition de langue française

Communications et informations

52e année
30 avril 2009


Numéro d'information

Sommaire

page

 

I   Résolutions, recommandations et avis

 

AVIS

 

Comité économique et social européen

 

448e session plénière des 21, 22 et 23 octobre 2008

2009/C 100/01

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions Le rôle capital des petites et moyennes entreprises dans la stimulation de la croissance et de l'emploi — Une révision à mi-parcours de la politique moderne des PMECOM(2007) 592 final

1

2009/C 100/02

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Achats publics avant commercialisation: promouvoir l'innovation pour assurer des services publics durables et de qualité en EuropeCOM(2007) 799 final

6

2009/C 100/03

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: Éliminer les obstacles aux investissements transfrontaliers des fonds de capital-risqueCOM(2007) 853 final

15

2009/C 100/04

Avis du Comité économique et social européen sur la Lutte contre la fraude et la falsification des moyens de paiement autres que les espèces

22

2009/C 100/05

Avis du Comité économique et social européen sur la Consultation relative au projet de lignes directrices de la Commission concernant l'Analyse d'Impact

28

2009/C 100/06

Avis du Comité économique et social européen sur les Lignes de conduite pour les services d'intérêt général et la mondialisation

33

2009/C 100/07

Avis du Comité économique et social européen sur La sécurité de l'aviation pour les passagers

39

2009/C 100/08

Avis du Comité économique et social européen sur le thème L'UE face au défi alimentaire mondial

44

2009/C 100/09

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Dépasser le PIB — Indicateurs pour un développement durable

53

2009/C 100/10

Avis du Comité économique et social européen sur le thème La sécurité sanitaire des importations agricoles et alimentaires

60

2009/C 100/11

Avis du Comité économique et social européen sur le thème La mutation structurelle et conceptuelle, préalable obligé pour une structure industrielle européenne compétitive à l'échelle mondiale et fondée sur le savoir et la recherche (Europe: rattrapage ou passage en tête?)

65

2009/C 100/12

Avis du Comité économique et social européen sur La restructuration et l'évolution du secteur de l'électroménager en Europe et leur incidence sur l'emploi, le changement climatique et le consommateur

72

2009/C 100/13

Avis du Comité économique et social européen sur Comment l'expérimentation sociale peut elle servir en Europe à l'élaboration des politiques publiques d'inclusion active

77

2009/C 100/14

Avis du Comité économique et social européen sur La dimension éthique et sociale des institutions financières européennes

84

2009/C 100/15

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Les relations Union européenne — Brésil

93

2009/C 100/16

Avis du Comité économique et social européen sur Le rôle de l'UE dans le processus de paix en Irlande du Nord (avis d'initiative)

100

 

III   Actes préparatoires

 

Comité économique et social européen

 

448e session plénière des 21, 22 et 23 octobre 2008

2009/C 100/17

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil simplifiant les conditions des transferts de produits liés à la défense dans la CommunautéCOM(2007) 765 final — 2007/0279 (COD)

109

2009/C 100/18

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la coordination des procédures de passation de certains marchés publics de travaux, de fournitures et de services dans les domaines de la défense et de la sécurité COM(2007) 766 final — 2007/0280 (COD)

114

2009/C 100/19

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux dispositions communes aux instruments de mesurage et aux méthodes de contrôle métrologique (refonte) COM(2008) 357 final — 2008/0123 (COD)

120

2009/C 100/20

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre pour la fixation d’exigences en matière d’écoconception applicables aux produits liés à l’énergieCOM(2008) 399 final — 2008/0151 (COD)

120

2009/C 100/21

Avis du Comité économique et social européen sur les Proposition de règlement du Conseil établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs; Proposition de règlement du Conseil modifiant les règlements (CE) no 320/2006, (CE) no 1234/2007, (CE) no 3/2008 et (CE) no […]/2008 en vue d’adapter la politique agricole commune; Proposition de règlement du Conseil portant modification du règlement (CE) no 1698/2005 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader);COM(2008) 306 final — 2008/0103+0104+0105 (CNS)

121

2009/C 100/22

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux non destinés à la consommation humaine (règlement relatif aux sous-produits animaux)COM(2008) 345 final — 2008/0110 (COD)

133

2009/C 100/23

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition du règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone (refonte) COM(2008) 505 final — 2008/0165 (COD)

135

2009/C 100/24

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de recommandation du Parlement européen et du Conseil relative à l’établissement d’un cadre européen de référence pour l’assurance de la qualité dans l’enseignement et la formation professionnelsCOM(2008) 179 final — 2008/0069 (COD)

136

2009/C 100/25

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de recommandation du Parlement européen et du Conseil établissant le système européen de crédits d’apprentissages pour l’enseignement et la formation professionnels (ECVET)COM(2008) 180 final — 2008/0070 (COD)

140

2009/C 100/26

Avis du Comité économique et social européen sur une Proposition modifiée de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé pour l'utilisation par les travailleurs au travail d'équipements de travailCOM(2008) 111 final — 2006/0214 (COD)

144

2009/C 100/27

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Conseil relative au régime général d'acciseCOM(2008) 78 final/3 — 2008/0051 (CNS)

146

2009/C 100/28

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE du Conseil relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en vue de lutter contre la fraude fiscale liée aux opérations intracommunautaires et la Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1798/2003 en vue de lutter contre la fraude fiscale liée aux opérations intracommunautairesCOM(2008) 147 final — 2008/0058 (CNS) 2008/0059 (CNS)

150

2009/C 100/29

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Proposition de directive du Conseil concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, scissions partielles, apports d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’États membres différents, ainsi qu’au transfert du siège statutaire d’une SE ou d’une SCE d’un État membre à un autre (Version codifiée)COM(2008) 492 final — 2008/0158 CNS

153

2009/C 100/30

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1083/2006 sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, en ce qui concerne certains projets générateurs de recettesCOM(2008) 558/2 — 2008/0186 AVC

154

2009/C 100/31

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant création d’une Fondation européenne pour la formation (refonte)COM(2007) 443 final — 2007/0163 (COD)

155

FR

 


I Résolutions, recommandations et avis

AVIS

Comité économique et social européen

448e session plénière des 21, 22 et 23 octobre 2008

30.4.2009   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/1


Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions «Le rôle capital des petites et moyennes entreprises dans la stimulation de la croissance et de l'emploi — Une révision à mi-parcours de la politique moderne des PME»

COM(2007) 592 final

2009/C 100/01

Le 4 octobre 2007, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: «Le rôle capital des petites et moyennes entreprises dans la stimulation de la croissance et de l'emploi - Une révision à mi-parcours de la politique moderne des PME».

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 1er octobre 2008 (rapporteur: M. Burns).

Lors de sa 448e session plénière des 21, 22 et 23 octobre 2008 (séance du 22 octobre 2008), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 85 voix pour et 1 abstention.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.   Il convient de favoriser très tôt le développement de l'esprit d'entreprise chez les jeunes. Il faut inciter les étudiants à envisager la création d'entreprise comme un choix de carrière naturel et non comme une démarche propre aux personnes qui disposent de moyens financiers ou d'une formation universitaire.

1.2.   La Commission doit encourager les différents gouvernements nationaux à coopérer avec des organisations telles que le Cedefop, les différentes structures représentatives des PME ainsi que le CESE pour développer un système de qualifications professionnelles transeuropéen qui soit fiable, porté par les employeurs, axé sur l'activité économique et qui réponde aux besoins des entreprises et en particulier des PME.

1.3.   Il conviendrait que la Commission et les gouvernements nationaux coopèrent pour développer et mettre en œuvre, à l'échelle européenne, un dispositif solide de protection de la propriété intellectuelle, des inventions et des innovations.

1.4.   Dans le cadre des consultations réalisées par le gouvernement, il convient de préciser toutes les modifications qui sont acceptées à la suite de chaque processus consultatif et ce avant la mise en œuvre de toute directive, législation ou de tout acte réglementaire.

1.5.   La Commission devrait revoir ses procédures de consultation avec les associations de PME et les organisations commerciales spécifiques. Il convient de reconnaître que la participation à une consultation gouvernementale entraîne des coûts pour les PME et il convient d'envisager un remboursement des frais pour les chefs de PME invités à participer activement à un processus de consultation.

1.6.   Les gouvernements nationaux et régionaux doivent davantage s'investir dans les processus et les procédures liés aux PME, comme le précise la révision à mi-parcours. Les initiatives positives promues par la Commission européenne ne sont pas en mesure de répondre aux attentes placées en elles du fait de l'absence de réaction de certains gouvernements nationaux ou régionaux voire de l'opposition qu'ils manifestent face aux propositions favorables aux PME.

1.7.   Les subventions et la concurrence déloyale bouleversent la situation sur le marché. La Commission doit envisager les répercussions pour les PME tant en amont qu'en aval lorsque des subventions viennent fausser le libre jeu de la concurrence. Le versement de subventions doit être motivé par des raisons d'ordre social, environnemental ou des motifs autres qu'une volonté de subventionner la production. Le principe selon lequel ce qui est une subvention pour l'un relève de la concurrence déloyale pour l'autre devrait devenir une règle pour toutes les aides ou subventions futures.

1.8.   La législation qui a une incidence sur les entreprises doit être rédigée dans un langage clair et compréhensible. Elle ne doit pas comporter de clauses vagues, qui puissent entraîner une confusion ou être laissées à l'appréciation de tiers.

1.9.   Il convient de revoir la définition des PME et de fournir une analyse de l'impact qu'aurait l'utilisation de valeurs différentes en matière de chiffre d'affaires annuel et de total de bilan annuel pour définir les microentreprises et les PME (voir le paragraphe 4.5.2).

1.10.   Des procédures spécifiques doivent être mises en œuvre en matière d'accès des microentreprises et des PME aux aides et aux financements de projets alloués par l'UE. Celles-ci devraient tenir compte des contraintes temporelles spécifiques qui pèsent sur les entreprises de plus petite taille.

1.11.   La transmission d'une entreprise à la génération suivante est un problème qu'il convient de reconnaître et de traiter.

2.   Introduction (situation)

2.1.   La plupart des responsables politiques et des économistes reconnaissent que l'essor des PME et des microentreprises revêt une importance fondamentale dans le cadre du développement de la politique économique et sociale européenne.

2.2.   En 2005, la Commission européenne a adopté sa «politique des PME moderne pour la croissance et l'emploi». Elle vise à assurer que tous les aspects de la politique européenne en faveur des PME soient coordonnés et que l'élaboration des mesures connexes s'appuie sur une évaluation plus complète de leurs besoins. Cette politique comprend des actions dans cinq domaines:

1)

promouvoir l'esprit d'entreprise et les compétences;

2)

améliorer l'accès des PME aux marchés;

3)

simplifier la législation;

4)

renforcer le dialogue avec les parties prenantes représentant les PME et la consultation de ces dernières,

5)

améliorer le potentiel de croissance des PME.

2.3.   Cette politique avait pour objectif principal de créer un environnement économique qui soit favorable aux PME en Europe. Il était reconnu que la réalisation de cet objectif impliquait des efforts concertés de la part de toutes les autorités concernées (aux niveaux européen, national et régional) afin de s'assurer que les différentes politiques mises en place soient complémentaires et n'entravent pas le développement des PME.

2.4.   Le 4 octobre 2007, la Commission a publié sa communication «Le rôle capital des petites et moyennes entreprises dans la stimulation de la croissance et de l'emploi — Une révision à mi-parcours de la politique moderne des PME» (1). Dans ce document, la Commission présente aux responsables politiques et aux différents pouvoirs publics les succès obtenus (à ce jour) par l'Europe s'agissant d'atteindre les objectifs fixés dans la politique initiale de 2005.

3.   Observations sur la révision à mi-parcours

3.1.   Le Comité économique et social européen reconnaît que la Commission européenne a accordé une place accrue à la question des PME dans le cadre de l'agenda économique et social. Il constate également qu'en dépit des différentes limitations imputables aux gouvernements nationaux, la Commission s'est employée à améliorer l'environnement économique pour les PME dans toute l'Europe. Nous partageons également l'avis de la Commission quand elle estime qu'il reste encore beaucoup à faire avant de pouvoir affirmer qu'il existe un environnement véritablement favorable aux PME en Europe.

3.2.   Le CESE se déclare favorable au principe selon lequel les responsables politiques et les législateurs devraient «Penser d'abord aux PME». Si la Commission européenne soutient ce principe, le CESE n'est pas certain que toutes les autres autorités aux échelons national et régional, et les différentes agences et structures qui les composent, partagent le même point de vue ou le même objectif, ce qui est regrettable.

3.3.   Le CESE convient que le terme «PME», en tant que titre ou description d'un type d'entreprises, figure maintenant dans la plupart des documents de la Commission relatifs aux entreprises, mais exprime sa préoccupation quant au fait qu'inscrire le terme «PME» dans un document ne garantit pas nécessairement la prise en compte de ces entreprises dans le cadre des processus ou des politiques qu'il recommande. Il fait également part de son inquiétude concernant le fait que l'avis des professions libérales, des indépendants et des microentreprises ne soit pas pris en compte. Aussi ne partageons-nous pas l'appréciation selon laquelle «les PME sont désormais véritablement prises en compte dans les politiques communautaires».

3.4.   Toutes les mesures législatives ont une incidence sur les petites entreprises. Les effets cumulés de différents actes législatifs causent de graves problèmes aux PME, ce qui est rarement reconnu par les responsables politiques ou les fonctionnaires. Les petites entreprises ont besoin du peu de temps et de ressources dont elles disposent pour leurs relations avec la clientèle. Plus elles passent de temps à remplir des formulaires et effectuer des formalités administratives et moins elles peuvent en consacrer à créer de la richesse et des emplois en produisant des biens et services.

3.5.   Beaucoup de PME continuent à penser que les procédures des administrations européennes et nationales sont trop bureaucratiques, qu'elles dépendent dans une trop large mesure de l'accréditation par des tiers et que leur réalisation est trop onéreuse. De plus, les fonctionnaires n'ont pas toujours suffisamment conscience de l'équation bénéfices — risque/temps/coût, qui revêt une importance de premier ordre pour la plupart des PME, lorsqu'il s'agit d'évaluer leur participation à un projet, un développement, une consultation, des critères à respecter ou des applications pour le soutien aux entreprises.

3.6.   Une des remarques qui revient constamment est que les PME et les microentreprises souhaitent des conditions de marché équitables en Europe. Nous sommes, à notre avis, encore très loin de cet objectif. Lorsqu'une PME se plaint de concurrence déloyale, on a trop souvent tendance à l'interpréter comme une demande de subvention ou de traitement spécifique, alors que tout ce qu'elle demande est de pouvoir bénéficier de conditions de concurrence équitables, sur une base d'égalité.

3.7.   Les PME se plaignent que la législation soit opaque et difficile à comprendre. Les grandes entreprises peuvent compter sur les services de juristes pour interpréter les lois. Nombre de petites entreprises ne peuvent pas se le permettre. Aussi est-il essentiel que les textes législatifs soient rédigés de manière claire et qu'ils ne soient ni vagues, ni confus ou sujets à interprétation.

3.8.   Le CESE estime que la Commission et les gouvernements des pays européens n'ont pas été à même de comprendre ce problème et qu'en conséquence, il existe trop d'interprétations différentes de la même législation dans toute l'Europe. Il considère également que les gouvernements nationaux ont trop souvent tendance à ajouter des exigences non prévues par la législation lors de sa transposition. Il en résulte que la législation nationale est difficile à comprendre et à mettre en œuvre pour les PME. Ce problème constitue également une entrave au développement transfrontalier des entreprises.

4.   Points spécifiques

4.1.   Promouvoir l'esprit d'entreprise et les compétences

Esprit d'entreprise et éducation

4.1.1.   Pour créer un environnement social et économique qui soit plus favorable à l'entreprenariat, il est nécessaire d'appliquer une politique intégrée visant non seulement à changer les comportements mais aussi à améliorer les compétences des citoyens. Toutefois, les architectes de la politique d'éducation eux-mêmes n'ont pas été formés dans un environnement éducationnel favorisant l'esprit d'entreprise et ont en conséquence une faible connaissance pratique de ce qui fait de quelqu'un un entrepreneur et l'encourage à se mettre à son compte et à créer une entreprise.

4.1.2.   Malgré les investissements considérables qui ont été réalisés pour développer une attitude plus entrepreneuriale à travers l'éducation, les structures de soutien se sont avérées en grande partie inefficaces et n'ont pas permis d'assurer une formation à l'esprit d'entreprise, ou de créer une culture qui favorise le travail à son propre compte. Il convient de faire comprendre aux étudiants que la création d'entreprise est une voie aussi intéressante que la recherche d'un emploi salarié ou la poursuite des études à l'université.

4.1.3.   Une grande partie des investissements ont visé les étudiants âgés de 16 ans et plus. Nous estimons qu'une telle action intervient trop tard dans le développement personnel et que des encouragements doivent être apportés bien plus tôt.

4.1.4.   Il aurait fallu prêter une attention particulière à l'esprit d'entreprise et l'éducation dans le cas des étudiants qui suivent une formation à plein temps alors qu'ils pourraient/seraient prêts à reprendre l'entreprise familiale (transmission d'entreprise). Dans certaines parties de l'Europe, c'est devenu un grave problème et il convient d'agir de toute urgence dans ce domaine.

4.1.5.   Les partenaires sociaux jouent un rôle important dans la promotion de l'esprit d'entreprise et l'éducation. Il est dès lors important que la coopération entre les entreprises et ces partenaires soit renforcée pour favoriser une meilleure compréhension de l'esprit d'entreprise et de l'éducation et pour les promouvoir de manière positive.

4.1.6.   Il convient d'encourager les étudiants à considérer le travail comme une occasion de prendre le contrôle de leur propre vie, de développer des opportunités, de se montrer entreprenant, de prendre des risques et, le cas échéant, de créer leur propre entreprise.

Formation et accréditation des compétences

4.1.7.   Toutes les petites entreprises forment leur personnel mais une faible proportion des travailleurs obtiennent les qualifications correspondantes. Ce problème se pose tout particulièrement dans des domaines tels que la santé et la sécurité, l'environnement et des domaines où il existe des implications juridiques. La Commission et les agences publiques nationales responsables de l'éducation et la formation professionnelle (EFP) auraient dû s'employer davantage à ce que les qualifications reflètent les tâches effectivement accomplies au sein des entreprises. Dans les professions libérales, il en résulte des difficultés particulières en matière d'adéquation des formations aux besoins.

4.1.8.   Le CESE estime que l'incapacité à développer un système de formation et de qualifications professionnelles qui soit tourné vers l'emploi constitue une entrave importante au développement des entrepreneurs et des entreprises européennes, et en particulier du personnel travaillant au sein des PME. Nous sommes par conséquent d'avis que la non-reconnaissance de ce problème et le fait qu'aucune réponse n'y ait été apportée va fondamentalement à l'encontre du postulat de la Commission, selon lequel la promotion de l'esprit d'entreprise et des compétences qu'elle a menée a été couronnée de succès.

4.2.   Améliorer l'accès des PME aux marchés

4.2.1.   Il faut reconnaître que la Commission s'est employée à lever les barrières inutiles qui entravent l'accès aux marchés. Nous sommes toutefois préoccupés par le fait que ces intentions louables de la Commission n'aient pas été concrétisées par les gouvernements européens. En particulier, l'incapacité à développer et à mettre en œuvre, à l'échelle européenne, un mécanisme solide de protection de la propriété intellectuelle, des inventions et des innovations constitue un obstacle à l'amélioration de l'accès des PME à de nouveaux marchés. Il convient de ne pas négliger le fait que des entrepreneurs de l'Union européenne peuvent créer dans des pays tiers, au moyen d'investissements de capitaux ou par attribution de concessions, des PME dans lesquelles seront employés des ressortissants de l'UE. Ces PME devraient obtenir les mêmes avantages que les entreprises de l'UE, et la commercialisation de leurs produits sur le marché de l'Union ne devrait pas être entravée, du moins au début de leur activité.

4.2.2.   Les marchés publics sont un autre secteur dont l'ouverture et la transparence auraient pu, à notre avis, être renforcées et auquel l'accès des PME aurait en conséquence pu être facilité. Les marchés publics représentent environ 16 % du PIB européen, et bien que la participation des PME se soit légèrement améliorée, certains problèmes cruciaux n'ont pas été résolus et auraient dû être identifiés dans la révision à mi-parcours:

On a trop facilement tendance à ignorer la question des «PME» dans le cadre des marchés publics.

Du fait du manque de crédibilité que les fonctionnaires des administrations territoriales et nationales prêtent aux PME, des exigences excessives sont souvent opposées à ces dernières. En particulier, l'obligation d'accréditation par un tiers pour pouvoir soumissionner constitue un obstacle très coûteux et souvent inutile pour la plupart des PME qui participent à une procédure de marché public.

Les PME qui soumissionnent à des marchés publics et ont le sentiment de ne pas avoir fait l'objet d'un traitement équitable déplorent que les procédures d'enquête faisant suite à une plainte ne soient pas transparentes.

4.3.   Simplifier la législation

4.3.1.   Il existe tant de formalités administratives et de législation inutile qu'il est difficile d'évaluer ce qui a été fait pour réduire ce fardeau. Le volume des règles, réglementations et politiques gouvernementales superflues (qui sont mises en œuvre via les agences, organes publics et autorités chargées de délivrer les licences) constitue un immense obstacle pour les PME et les petites entreprises. Le CESE est particulièrement préoccupé par le fait que la révision à mi-parcours n'ait pas identifié ce problème et en particulier les formalités inutiles qui sont imposées par les agences gouvernementales, organismes publics et autorités chargées de délivrer les licences. Très souvent, il n'existe pas de procédure reconnue pour déposer une plainte, dans le cas de ces organes, ceux-ci ayant souvent le statut d'organes indépendants non gouvernementaux, qui échappent en conséquence au contrôle des gouvernements.

4.4.   Renforcer le dialogue avec les parties prenantes représentant les PME et la consultation de ces dernières

4.4.1.   La consultation avec les associations de PME est un grave problème qui n'a pas été reconnu dans la révision à mi-parcours. Il existe bel et bien des consultations avec un nombre limité d'associations commerciales et entrepreneuriales au niveau européen (2), mais le nombre d'associations entrepreneuriales consultées est très faible, et la représentation des plus petites entreprises par des organisations commerciales spécifiques est extrêmement limitée.

4.4.2.   Au niveau national, les PME n'ont que peu confiance dans les consultations et sont convaincues que les décideurs politiques ignorent leurs réclamations. Pour la plupart des petites entreprises, la «consultation» est un processus qui ne vise que dans une faible mesure voire pas du tout à modifier les recommandations initiales.

4.4.3.   Les PME et les microentreprises sont souvent décrites comme étant «trop diversifiées» et «trop désorganisées» pour qu'il soit possible de tenir compte de leur avis dans les recommandations finales. C'est également le cas lorsque la consultation porte précisément sur les PME et le développement des petites entreprises. Dans de telles situations, on privilégie trop souvent l'avis des grandes entreprises par rapport à celui des microentreprises et des PME.

4.5.   Définition des PME

4.5.1.   Le CESE déplore que la révision à mi-parcours n'ait pas identifié les problèmes liés à la définition des PME, qui, à nos yeux est dépassée (3). Les augmentations de productivité qui ont résulté de la mécanisation et du changement des méthodes de travail ont radicalement modifié le mode de fonctionnement des entreprises.

Plus de 98 % des entreprises européennes relèvent de la catégorie des PME telle qu'elle est définie à l'heure actuelle.

Une tâche pour laquelle il fallait autrefois 50 travailleurs n'en requiert que 10 aujourd'hui.

Si nous souhaitons soutenir les microentreprises et les PME, il nous faut disposer d'une définition réaliste de ces entreprises. C'est une des principales raisons pour lesquelles l'actuelle législation sur les PME ne parvient pas, dans bien des cas, à atteindre les buts recherchés.

4.5.2.   Les définitions actuelles sont les suivantes:

Catégorie d'entreprise

Effectif

Chiffre d'affaires annuel

 

Total de bilan annuel

Entreprises moyennes

< 250

50 millions EUR

ou

43 millions d'euros

Petites entreprises

< 50

10 millions EUR

ou

10 millions d'euros

Microentreprises

< 10

2 millions EUR

ou

2 millions d'euros

4.6.   Statut des petites entreprises, des indépendants et des professions libérales

4.6.1.   Le CESE regrette que la révision à mi-parcours n'ait pas identifié les problèmes qui se posent en matière d'emploi indépendant. Trop de pays européens ont édifié des barrières artificielles qui empêchent les citoyens qui le souhaitent de développer leurs compétences entrepreneuriales et de créer une petite entreprise. Il n'existe pas de définitions juridiques, au niveau européen, du «travail indépendant», ce qui entraîne des abus et constitue une source de confusion pour les entreprises et le personnel administratif.

4.6.2.   Ces pratiques administratives abusives entravent le développement de travailleurs «officiellement» indépendants qui dirigent de petites entreprises, paient leurs impôts et respectent la réglementation applicable.

4.6.3.   Ce point aurait dû être identifié comme un problème. La définition du «travail indépendant» aurait dû constituer une priorité de la Commission, mais jusqu'à présent, soit ce problème n'a pas été identifié, soit il a été ignoré.

4.7.   Représentation des petites entreprises

4.7.1.   La révision à mi-parcours ne reconnaît pas l'importance de la manière dont les PME sont consultées et leurs points de vue représentés aux niveaux national et européen. Il arrive trop souvent que les représentants des associations commerciales participant aux conférences gouvernementales ne soient pas des personnes du monde de l'entreprise qui comprennent les difficultés rencontrées ou ont une connaissance pratique de leur sujet.

4.7.2.   Les services de la Commission sont nombreux à reconnaître ce problème mais jusqu'à présent rien ne semble avoir été fait pour le résoudre.

4.7.3.   Il faut continuer à effectuer des consultations aussi bien de manière électronique que sur support papier, et ce dans toutes les langues officielles de l'UE, pour s'assurer qu'elles touchent une gamme plus large d'entreprises.

4.8.   Accès aux financements de l'UE

4.8.1.   Les financements de projets et les aides sont en augmentation mais les microentreprises et les PME ont des difficultés à y accéder:

les procédures sont trop bureaucratiques;

les processus prennent trop de temps;

l'aide destinée à identifier les fonds et à déposer une demande n'est pas adaptée aux besoins des utilisateurs;

les procédures de comptabilité changent constamment et requièrent dans beaucoup de cas la réalisation d'un audit coûteux par un tiers, qui accroît les charges bureaucratiques et les coûts.

4.8.2.   Pour que les microentreprises et les PME puissent avoir accès aux fonds européens, des procédures spécifiques doivent être mises en œuvre pour tenir compte des contraintes auxquelles elles font face en matière de temps de travail.

Bruxelles, le 22 octobre 2008.

Le Président

du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  COM(2007) 592 final.

(2)  Par exemple l'UEAPME, représentant officiellement reconnu des PME dans le dialogue social européen.

(3)  http://ec.europa.eu/enterprise/enterprise_policy/sme_definition/sme _user_guide_fr.pdf


30.4.2009   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/6


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Achats publics avant commercialisation: promouvoir l'innovation pour assurer des services publics durables et de qualité en Europe»

COM(2007) 799 final

2009/C 100/02

Le 14 décembre 2007, la Commission a décidé de saisir le Comité économique et social européen, en vertu de l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, d'une demande d'avis sur la

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Achats publics avant commercialisation: promouvoir l'innovation pour assurer des services publics durables et de qualité en Europe»

La section «Marché unique, production et consommation», qui était chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 1er octobre 2008 (M. VAN IERSEL, rapporteur).

Lors de sa 448e session plénière, tenue les 21, 22 et 23 octobre 2008 (séance du 22 octobre 2008), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 70 voix pour et 1 abstention.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.   Le CESE approuve entièrement l'objectif de la Commission pour promouvoir des incitations à l'innovation en matière de marchés publics dans l'ensemble de l'Europe. Si l'Europe entend rester en première position pour ce qui est de fournir des services publics rentables et de qualité supérieure à ses citoyens, et ce dans des conditions favorables à l'économie ainsi qu'aux environnement social et écologique, elle doit s'efforcer d'exploiter au mieux les innovations et les progrès technologiques dans ses services publics.

1.2.   Il souscrit aux recommandations de la Commission concernant la notion de «client intelligent» en tant que condition préalable essentielle à une attitude plus proactive par rapport à une politique moderne d'achats de la part des pouvoirs publics. En règle générale, la qualité des marchés conclus avec des fournisseurs privés bénéficiera d'un degré plus élevé d'engagement «intelligent» de la part de l'acheteur public.

1.3.   Le CESE partage le sentiment de la Commission selon lequel en favorisant les possibilités d'innovation et d'application des technologies dans les marchés publics, l'on obtiendra de bons résultats sur deux plans. D'une part, en améliorant la qualité des services publics et la rentabilité, ce qui sera bénéfique pour les contribuables; et d'autre part, en créant pour les entreprises de nouvelles possibilités d'innovation, ce qui contribuera globalement aux bonnes performances de l'Europe en matière d'innovation et à sa compétitivité.

1.4.   Le CESE souligne que, quels que soient les avantages que l'on peut attendre de démarches nouvelles ou différentes en matière de marchés publics, la transposition et l'application correctes des directives de 2004 (1) (ci-après: «les Directives») restent une priorité. Les mentalités traditionnelles et culturelles sont souvent enracinées en profondeur. La pratique démontre qu'une application correcte des textes dans les États membres nécessite un contrôle étroit et permanent, ainsi que des échanges d'expérience et de bonnes pratiques.

1.4.1.   Les marchés publics recouvrent à l'heure actuelle des domaines très larges et des paradigmes nouveaux. Le CESE souligne qu'il faut établir une distinction bien claire entre les achats effectués par des pouvoirs publics et ceux qu'effectuent des services publics, en particulier par rapport à la promotion de l'innovation. Les services publics, dont la plupart participent à des projets innovants depuis plus de cent ans, possèdent davantage de compétences et d'expérience professionnelles en matière de projets de haute technologie, ce qui les met à même de pouvoir gérer l'innovation dans le temps présent. Il en va de même de la défense, bien que, comparée aux États-Unis, l'Europe souffre de l'absence de budgets importants et de l'absence d'une base d'approvisionnement correspondante à l'échelle du continent. C'est pourquoi le présent avis traite plus particulièrement du cas des pouvoirs publics, étant donné que les services publics possèdent la capacité de gérer la R&D.

1.5.   Il semble que la Commission soit très sûre de la possibilité de transposer l'utile expérience acquise par les États-Unis, pour ce qui est de faire le lien entre technologies, innovation et marchés publics en Europe. Le CESE craint qu'il ne soit pas aussi facile que cela de créer des possibilités comparables. Actuellement, en Europe, les marchés des services publics et de la défense, les modes d'approvisionnement et l'innovation connexe se sont principalement développés sur la base de situations et de compétences à caractère national.

1.6.   De façon générale, les différences par rapport aux États-Unis, en matière de marchés publics, tiennent à des éléments qui font défaut en Europe:

un grand marché et des conditions identiques de fonctionnement pour les PME des secteurs de technologie de pointe sur l'ensemble du continent,

une langue commune,

la relation privilégiée qui existe entre le Pentagone et les entreprises qui exercent principalement leurs activités dans des secteurs technologiques, et

les retombées des produits et des applications militaires vers des produits et des applications civils.

1.7.   Le CESE souhaite affirmer clairement qu'il partage le sentiment de la Commission selon lequel nous devons tirer parti de toutes les possibilités de stimuler l'innovation afin de nous doter de services publics meilleurs en qualité et en rentabilité. Dans cette perspective, la Commission devrait encourager les pouvoirs publics à s'efforcer de profiter mutuellement de leurs meilleures pratiques.

1.8.   Il conviendrait d'inciter les acheteurs publics à s'ouvrir à des solutions innovantes et nouvelles (des «variantes»), et à ne pas nécessairement continuer à s'approvisionner toujours aux mêmes sources. Ils devraient rechercher la rentabilité, et non pas seulement le prix le plus bas. Les échanges entre les centres de connaissance qui existent en ce domaine dans certains États membres peuvent contribuer à donner des exemples à suivre dans l'ensemble de l'Europe. De cette façon, il serait possible d'encourager les acheteurs publics à se doter des compétences nécessaires pour pouvoir être des «clients intelligents» et ensuite acquérir progressivement de l'expérience. Ces compétences et cette expérience constituent un impératif incontournable.

1.9.   Pour ce qui concerne l'innovation, les acheteurs publics doivent ouvrir un dialogue technique transparent bien avant de publier des appels d'offres, et ce afin de comprendre ce qu'est «l'état de l'art» sur le marché et de donner au marché la possibilité de mieux comprendre le problème à traiter, pour pouvoir ainsi proposer des solutions optimales.

1.10.   Le CESE recommande la prudence en ce qui concerne l'idée d'associer la majorité des pouvoirs publics à des processus innovants ou de les amener à adopter les premiers des solutions innovantes. Les pouvoirs publics sont trop souvent privés de la possibilité d'acquérir la compétence et l'expérience nécessaires pour participer à un projet véritablement innovant; les risques ne sont pas négligeables et supposent un très haut niveau de qualité de la gestion, sans jamais perdre de vue que l'éventualité d'un échec est très réelle.

1.11.   Il conviendrait de créer un réseau de personnes et d'organisations qui, dans les États membres, se caractérisent par leur expérience et leur professionnalisme; l'on pourrait ainsi faire appel à ce réseau pour renforcer les ressources d'un acheteur dans les cas de projets innovants avancés.

1.12.   Bien que l'Annexe évoque des procédures d'achats publics avant commercialisation qui, tout en n'entrant pas dans le champ d'application des directives en vertu de l'Exclusion (2), n'en sont pas moins conformes au cadre juridique existant, la possibilité d'une infraction, même involontaire, par rapport à ce cadre, continue d'exister. Le CESE recommande que les acheteurs étudient l'annexe et suivent scrupuleusement ses recommandations. Si le pouvoir public acheteur éprouve le moindre doute, ou si des fournisseurs potentiels éprouvent le moindre doute, le CESE recommande fortement que le pouvoir public concerné demande une autorisation préalable de la Commission, dans l'éventualité d'infractions aux dispositions sur les aides d'État ou sur l'exclusion du champ d'application des directives, et communiquent à tous les fournisseurs potentiels un justificatif de cette autorisation.

1.13.   La Commission souligne à juste titre l'importance des droits de propriété intellectuelle. Le CESE ajoute qu'il faut apporter le plus grand soin à l'établissement de ces droits, à leur attribution et à leur gestion. Il s'agit là d'un domaine d'activité qui n'est pas simple.

2.   Données de base et contexte

2.1.   En 2004, le Conseil a adopté les directives actuelles concernant la passation de marchés publics par des services publics (3) et par les pouvoirs publics (4), marchés publics qui, ensemble, représentent environ 16 % du PIB européen.

2.2.   L'objectif des directives était de définir un corps de règles cohérentes, non discriminatoires et transparentes pouvant garantir l'ouverture de marchés jusqu'alors totalement ou partiellement fermés, ce qui aurait pour effet de favoriser la concurrence entre les fournisseurs, ainsi que de créer des rapports coûts/bénéfices plus rentables pour les administrations et pour les citoyens.

2.3.   La rédaction des propositions définitives s'est accompagnée d'une longue période de larges consultations, de manière à garantir que les directives soient applicables dans la pratique et adaptées à la réalisation de l'objectif poursuivi.

2.4.   Depuis lors, les directives sont en cours de transposition dans les droits nationaux. Toutefois, l'on constate que la mise en œuvre pratique aux niveaux nationaux et régionaux est loin d'être facile. Les procédures requièrent des compétences, un professionnalisme et une expérience qui, à ce jour, sont souvent insuffisamment développés chez les acheteurs publics. Dans de nombreux cas, l'apprentissage prend beaucoup de temps.

2.5.   Comme l'innovation est un thème central de la stratégie de Lisbonne, les États membres et la Commission prennent actuellement différentes initiatives pour étudier et pour déterminer comment il serait possible de stimuler l'innovation dans les pratiques de passation de marchés publics, sur la base des directives.

2.6.   Parmi les initiatives récentes de la Commission, citons notamment:

dix éléments de bonne pratique, nécessaires pour gérer avec succès la passation de marchés publics (5) (le «Guide en 10 points»),

des consultations entre les fonctionnaires de la Commission, et les Directeurs nationaux de la recherche des États membres dans le secteur des «TIC» (6); ces consultations ont abouti à des propositions concrètes sur les achats publics avant commercialisation (7), propositions qui sont examinées plus loin, au chapitre 4 du présent avis,

dans le cadre du plan d'action en faveur des écotechnologies («ETAP») (8), l'initiative de la DG Environnement concernant le contrôle des technologies et les certificats correspondants;

un groupe d'experts de la DG Recherche sur la gestion des risques dans les marchés publics vient de commencer ses travaux.

2.7.   Les initiatives de la Commission prennent leur source et leur inspiration dans des rapports «pilotes» tels que le rapport Aho intitulé «Créer une Europe innovante» (9) et la communication intitulée «Marchés porteurs: une initiative pour l'Europe» (10). Les deux documents indiquent expressément que les marchés publics peuvent et doivent être une source précieuse de travaux, de produits et de services innovants (11). Dans cinq des six (12) secteurs mis en évidence par l'initiative sur les marchés porteurs comme étant particulièrement propices à des projets innovants, l'on constate que la sphère publique se prête largement à l'innovation.

2.8.   Les consultations des parties concernées ont permis de définir un ensemble de critères pour les marchés porteurs, parmi lesquels les critères d'«approche guidée par la demande plutôt que poussée par la technologie» et d'«intérêt sociétal et économique stratégique», qui tous deux présentent un intérêt particulier pour les acheteurs publics. Toutes les consultations font ressortir le sentiment largement partagé selon lequel les marchés publics devraient, plus que par le passé, favoriser les travaux, les produits et les services innovants en Europe.

2.9.   Le Guide en 10 points, publié en mars 2007, découle du rapport Aho et définit notre bonne pratique en matière de solutions innovantes dans la passation des marchés publics; ce guide énumère dix points importants pour réussir à être un «client intelligent» (13). La question du client intelligent est examinée plus en détail au paragraphe 3.14.

2.10.   Dans la communication sur les achats publics avant commercialisation (14), la Commission introduit un nouvel instrument destiné à activer l'innovation dans les marchés publics. Tout en respectant les règles des directives de 2004, la Commission veut promouvoir des contrats de services de R&D entre les acheteurs publics et les fournisseurs potentiels ayant des activités qui se situent aux stades de R&D précédant la phase de commercialisation; l'on entend par là les phases de conception, de prototypage, d'essais et de préproduction, jusqu'au seuil de la production commerciale et de la mise sur le marché.

2.11.   Le CESE approuve au plus haut point tout effort visant à promouvoir l'innovation dans la passation de marchés publics. C'est pourquoi le CESE est favorable à tous les documents et à toutes les consultations et discussions ultérieures auxquelles participent les décideurs politiques et les acheteurs publics, dès lors que ces consultations et ces discussions contribuent à préparer le terrain à un renforcement du potentiel d'innovation de l'industrie communautaire, dans l'intérêt de la société.

2.12.   Le présent avis a toutefois pour objet d'examiner:

la notion d'achats publics avant commercialisation, telle que cette notion est présentée dans la communication et dans son annexe,

comment les achats publics avant commercialisation peuvent, entre autres initiatives, contribuer à créer un climat plus favorable à des travaux, des produits et des services innovants qui sont souhaitables,

dans quelle mesure et de quelle manière la passation de marchés publics dispose des outils qui conviennent pour favoriser l'innovation dans les services publics, et

de façon approfondie, la question de savoir où se situent les limites et les risques.

3.   Observations

3.1.   Le guide en 10 points (15) expose en termes clairs dix bonnes pratiques qui peuvent aider les pouvoirs publics à gérer efficacement des solutions innovantes dans les marchés publics; ce guide constitue une assise solide sur laquelle il est possible de construire. Mais il reste beaucoup à faire pour pouvoir le mettre en pratique. Dans certains secteurs, il faut prendre davantage de mesures positives; dans d'autres, la prudence est de rigueur.

3.2.   En matière de marchés publics, la réussite dépend de bonnes pratiques cohérentes avec les directives. Les directives sont conçues pour faire progresser le marché unique, aidant ainsi l'Europe à concurrencer d'autres zones commerciales dont les marchés domestiques sont de grandes dimensions. Les bonnes pratiques et les directives sont inséparables.

3.3.   Dans certains États membres, la transposition des directives de 2004 est toujours en cours (cf. paragraphe 2.4) et dans d'autres, il existe des contradictions entre les Directives et le droit interne. En raison de ces défauts, il est plus difficile d'exploiter au mieux les avantages que pourraient procurer les directives.

3.4.   À un niveau pratique, compte tenu de la complexité généralement croissante qui caractérise la passation des marchés publics, il existe un besoin évident d'amélioration des compétences et de l'expérience de tous ceux qui sont concernés par cette activité. En particulier, il faut favoriser, dans l'ensemble de l'organisation de l'acheteur public, une culture adaptée à la mise en œuvre réussie de projets complexes.

3.5.   L'innovation ne peut prendre son essor que moyennant une condition essentielle, qui est l'accès à un grand marché. Ce n'est qu'à cette condition qu'il est possible de rentabiliser les ressources financières, le temps et les efforts investis dans l'innovation. L'innovation est essentielle à la croissance et au renforcement de l'économie.

3.6.   Conformément à l'agenda de Lisbonne de l'an 2000, il a été décidé que les marchés publics devraient jouer un rôle dans l'encouragement et le soutien à l'innovation.

3.7.   Alors que les principaux documents de la Commission relatifs à l'innovation dont il est fait état au chapitre 2 se rapportent en général indifféremment aux deux secteurs publics, à savoir les pouvoirs publics et les services publics, le CESE attire fortement l'attention sur les différences de nature qui distinguent actuellement les organisations dont se composent ces deux secteurs.

3.8.   Les services publics sont depuis longtemps des promoteurs, des utilisateurs, des acheteurs et des développeurs de projets innovants, de même que l'armée et certains secteurs des services de santé, ce qui leur a permis d'acquérir les compétences et l'expérience nécessaires. Il convient de ne pas faire fi de leur expérience de gestion en matière de risques et de complexité de l'innovation.

3.9.   Les pouvoirs publics peuvent s'inspirer de l'exemple des services publics, de l'armée et d'autres secteurs possédant l'expérience requise, et ainsi apprendre comment il faut gérer un projet innovant pour le faire aboutir. Ils peuvent ainsi, notamment, mieux comprendre quelles sont les ressources qu'il convient de mobiliser dans l'ensemble de l'organisation pour les consacrer au projet en question. Il se peut qu'à court terme, l'on puisse bénéficier d'une précieuse source d'expérience en recrutant dans les départements concernés de ladite organisation des personnes qui sont récemment parties à la retraite mais qui sont demandeuses de quelques années supplémentaires d'emploi actif.

3.10.   L'innovation consiste à appliquer des méthodes nouvelles. Il est possible d'innover dans le cadre de travaux, d'une fourniture ou d'un service. La recherche et le développement sont des conditions préalables essentielles à la réalisation d'un projet innovant. Il convient de ne jamais perdre de vue la distinction entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée: la recherche fondamentale a principalement sa place dans les universités et les établissements de recherche; elle constitue une assise théorique et pratique sur laquelle peut s'appuyer la R&D. La recherche appliquée consiste en travaux théoriques et pratiques visant à créer la base de développement d'un ou plusieurs projets. Le présent avis ne traite pas de la recherche fondamentale, sauf dans la mesure où il est possible de qualifier en ces termes des achats publics avant commercialisation, au sens où on les envisage au chapitre 4.

3.11.   Il n'existe, dans le principe, aucune différence très prononcée entre le secteur public et le secteur privé, pour ce qui est de la manière dont il convient de traiter un projet innovant. Il existe, évidemment, des différences mineures: le secteur public fait l'objet de contrôles stricts dont le secteur privé est en grande partie exempt. Dans tout développement innovant, des échecs sont inévitables; le progrès s'acquiert à ce prix. S'il est vrai que l'on doit, par une discipline appropriée, s'efforcer de limiter les échecs à un minimum et d'en tirer les leçons, en revanche, le fait de les déplorer à l'excès est de nature à inhiber de nouveaux développements.

3.12.   La version de 2004 des directives envisage déjà les marchés comportant de l'innovation. Aucune autre législation n'est nécessaire; seule est nécessaire une compréhension de la manière dont doit se gérer un projet innovant dans le cadre des dispositions de ces directives.

3.13.   Dans tous les projets qui comportent de l'innovation — comme dans beaucoup d'autres types de projets, d'ailleurs — l'acheteur doit posséder les caractéristiques d'un «client intelligent». Ces caractéristiques sont examinées de manière approfondie dans le guide en 10 points, et le présent avis met l'accent sur leur importance essentielle.

3.14.   En bref, le «client intelligent» doit être ouvert aux idées nouvelles, mais aussi être assez discipliné pour savoir les gérer. Il doit être entouré de personnes ayant acquis l'expérience et les compétences nécessaires à la gestion de projets innovants. Mais surtout, l'organisation doit, jusqu'à son sommet, être en harmonie avec les besoins des projets innovants. Faute de cette culture, ceux qui sont «sur le terrain» ne peuvent pas obtenir de bons résultats.

3.15.   L'on peut utilement classer les projets innovants en trois catégories, chacune ayant ses caractéristiques particulières, mais étant entendu que certains aspects sont communs aux trois catégories. Dans le présent avis, sauf indication contraire, l'on entend par «produit» aussi bien des travaux que des fournitures et des services.

3.16.   Ces trois catégories de projets sont les suivantes:

a)

Acceptation d'un produit innovant pour répondre à un besoin reconnu, mais sans grand effet, ou sans effet du tout, sur les modes opératoires de l'acheteur. Ce produit offre des avantages, sans grand risque et sans perturbation,

b)

Adoption d'un produit innovant qui suppose que l'acheteur adapte ses modes opératoires. Ce produit recèle en puissance un bénéfice non négligeable, mais il comporte un certain élément de risque et impose l'élaboration de nouvelles procédures ainsi qu'une formation du personnel,

c)

Participation à un projet innovant. La participation de l'acheteur peut être de plus ou moins grande ampleur, depuis la participation à un projet véritablement commun, dès le stade de la conception du projet, jusqu'à la décision de l'acheteur d'être parmi les premiers utilisateurs du produit et d'intervenir au stade des essais «bêta» (16), en achetant les premières unités de préproduction.

3.17.   Le projet le plus important dans une perspective immédiate — et qui présente la plus grande efficacité pour la promotion de l'innovation — du point de vue de la participation d'acheteurs publics à l'innovation, et aussi le plus facile à mettre en œuvre, est le projet (a). Il suppose que l'acheteur soit disposé à accepter des variantes (17) — c'est-à-dire des solutions nouvelles — et qu'il dispose de personnel capable d'évaluer des offres qui diffèrent les unes des autres, en fonction du critère de «plus grand avantage économique».

3.18.   La catégorie b) est de nature à intéresser un acheteur qui veut améliorer ses modes de fonctionnement en utilisant un produit innovant, étant entendu que cela peut souvent nécessiter certains travaux de développement pour lui permettre d'intégrer le produit innovant dans ses modes opératoires. Les projets de cette catégorie exigent une capacité à définir le cahier des charges en termes clairs, qui ne soient pas indûment restrictifs, et ces projets supposent aussi la participation de personnel de l'organisation utilisatrice et des services techniques de l'acheteur. Les ressources que l'acheteur doit mobiliser ne sont pas insignifiantes, mais si le projet est bien géré, il est possible de maîtriser les risques d'intégration, et les bénéfices l'emportent sur l'importance des efforts consentis.

3.19.   Les projets de la catégorie c) sont les plus difficiles. Le fait de définir et de développer des solutions totalement nouvelles à partir de rien présentent intrinsèquement un risque technologique plus important que le processus consistant à procéder à des changements cumulatifs pour adapter ou pour intégrer des produits inédits dans des processus existants b). Peu d'organisations — à part celles qui sont évoquées au paragraphe 3.8 (l'armée, etc.) — possèdent les compétences et l'expérience nécessaires pour participer pleinement à un projet véritablement innovant du type de ceux de la catégorie c). Les risques ne sont pas négligeables et exigent une gestion de qualité exceptionnelle. S'il est vrai que de tels projets peuvent apporter des avantages considérables — il serait sans intérêt d'entreprendre le projet si ce n'était pas le cas — les risques d'échec n'en sont pas moins très réels. Le type de projet envisagé dans la communication appartient à la catégorie c).

3.20.   La communication amène à penser qu'un acheteur pourrait réaliser un projet innovant sous forme de marché public de R&D jusqu'au stade du développement initial des premiers produits. Ensuite, pour tout marché public de fourniture de produits finis en quantité, il faut évaluer au cas par cas la nécessité de lancer des appels d'offres concurrentiels, conformément aux directives sur les marchés publics. Les entreprises fabriquent normalement ce qu'elles ont conçu, au moins jusqu'au point où il devient possible, en pratique, de faire fabriquer sous licence. Le CESE est d'avis que la répartition d'éventuels droits de propriété intellectuelle («DPI») auxquels le projet aurait donné naissance, ainsi que les dispositifs de gestion de ces droits, sont des questions qui devraient être examinées avec soin, sur des bases pratiques et commerciales, avant la mise en route du projet.

3.21.   Il est établi qu'une procédure telle que celle qui est envisagée dans la communication a cours aux États-Unis. S'il est vrai que des exemples existent dans le domaine militaire général (tels que le marché du ravitailleur en vol, qui pourrait éventuellement être partagé entre Boeing et Airbus), il n'en reste pas moins que le principal secteur où peuvent se trouver ces exemples est celui de l'électronique. Dans ce secteur, hormis certaines exceptions, comme le renforcement des circuits intégrés contre les rayonnements électromagnétiques, le domaine commercial et le domaine militaire sont plus proches l'un de l'autre qu'ils ne le sont dans la plupart des autres secteurs.

3.22.   Lorsque l'on établit des comparaisons avec les États-Unis, il ne faut pas perdre de vue les différences structurelles qui existent entre les États-Unis et l'Europe. Les États-Unis sont depuis longtemps un pays homogène, dont le développement s'est appuyé sur des ressources naturelles presque illimitées — son agriculture, son or, son pétrole, sa population et — sauf à l'époque de l'après-1929 — ses capitaux. Cela a permis — sauf, jusqu'à une époque récente, dans le secteur bancaire — le développement d'un marché unique de longue tradition et des infrastructures nécessaires pour assurer son fonctionnement. Il reste encore du chemin à parcourir avant que l'Europe ne bénéficie des mêmes avantages. Cela dit, et malgré les points forts évidents dont bénéficient les États-Unis, il existe certains domaines dans lesquels ce pays est moins favorisé que l'Europe, dans l'état actuel de la situation, tout particulièrement en ce qui concerne l'accès quasi universel aux soins de santé.

3.23.   Outre les risques d'échec technique – inhérents à tout projet véritablement innovant – les risques financiers liés au non-respect des règles en vigueur concernant les aides d'État, la transparence, la non-discrimination et l'application des directives doivent être traités et sont examinés de façon plus approfondie au paragraphe 4.3: Aides d'État.

4.   Annexe — SEC(2007) 1668 — à la communication: «Achats publics avant commercialisation» — Document de travail interne (en anglais)

4.1.   Régime proposé (le «Régime»)

4.1.1.   Principe de base: lorsque l'acheteur applique le partage des risques et des bénéfices, au prix du marché, les services de R&D peuvent faire l'objet de marchés publics aux termes d'une disposition d'exclusion (18) prévue par les directives (19), et il est permis de les utiliser pour étudier des solutions innovantes à certains besoins (préalablement à un appel d'offres portant sur la fourniture de produits finis en quantité), ce qui a pour effet de stimuler aussi, de manière générale, la naissance d'idées innovantes.

4.1.2.   Condition préalable essentielle: l'acheteur doit se familiariser avec les activités et les capacités des fournisseurs potentiels, et définir ses besoins en termes de résultats, sous une forme qui soit claire sans être inutilement restrictive.

4.1.3.   Procédure: une fois que le cahier des charges est bien établi et que l'on a connaissance de fournisseurs potentiels, il est proposé que l'acheteur mette en œuvre des projets de R&D en trois étapes, en commençant par un nombre raisonnable (le nombre proposé est de cinq) et en réduisant progressivement ce nombre à deux projets, qui arrivent au terme de la phase de préproduction et d'essais «bêta». Il conviendrait ensuite de lancer un appel d'offres pour le cahier des charges de production, conformément aux dispositions des directives.

4.2.   Observations

4.2.1.   Le Régime se fonde largement sur les pratiques qui existent en matière de marchés publics de défense dans divers pays; ces pratiques sont, en gros, les mêmes dans le monde entier et sont bien comprises.

4.2.2.   Le secteur de la défense est particulier, en ce sens qu'il doit se situer par rapport à un horizon d'avenir lointain, en fonction d'a priori politiques et tactiques qui, par nature, ne peuvent pas se définir de façon exacte. L'on procède à des recherches considérables et l'on effectue un développement limité — dans le sens où l'envisage le Régime — et cela donne lieu à seulement un petit nombre de programmes de production. Les projets de R&D, ainsi que les marchés de production, font trop souvent l'objet d'un flux ininterrompu de modifications, à mesure que l'on dispose de nouvelles informations tactiques ou politiques au fil des longs délais qui caractérisent ces projets; de ce fait, les dépassements de budget sont endémiques. Les développements entrepris par les pouvoirs publics civils ne devraient pas, s'ils sont convenablement gérés, faire l'objet de la même abondance de modifications.

4.2.3.   Il faut se demander si ce Régime convient là où, à l'intérieur du secteur public, l'on ne trouve pas une richesse d'expérience aussi considérable en matière de projets hautement techniques de R&D.

4.2.4.   Il y a, de toute évidence, matière à préoccupation dans le fait que l'exclusion prévue par les directives pour ce qui concerne les marchés de services de R&D non destinés à l'usage exclusif de l'acheteur pourrait être utilisée dans un sens anticoncurrentiel pour faire émerger des «champions» nationaux, ce qui reviendrait à faire échec à l'objectif des directives, objectif qui est de faciliter le développement d'un marché unique paneuropéen.

4.2.5.   Si l'on part du principe que les projets relevant du Régime seront mis en œuvre, certains points de détail méritent d'être examinés de façon plus approfondie.

4.3.   Aides d'État

4.3.1.   À l'origine de tout achat public relevant du Régime, et comme cela est relevé dans l'annexe, la question des aides d'État se pose nécessairement. La question de savoir s'il existe ou non un élément d'aide d'État dans un projet donné et si, dans l'affirmative, cette aide est justifiée, n'entre pas dans les limites du présent avis. Mais les conséquences de toute incertitude relative à un projet dans le cadre du Régime entrent à coup sûr dans son propos.

4.3.2.   La communication définit les achats publics avant commercialisation comme une démarche de passation de marchés de services de R&D selon des modalités qui permettent le partage des risques et des bénéfices entre les acheteurs et les fournisseurs et ne constituent pas une aide d'État. Le CESE recommande que les acheteurs analysent soigneusement l'annexe, qui décrit un exemple de réalisation d'achats publics avant commercialisation de manière conforme au cadre juridique existant. En cas de doute au moment de s'engager dans les premiers projets pilotes d'achats publics avant commercialisation, il serait indiqué d'obtenir une autorisation préalable de la Commission par rapport à une éventuelle infraction à la réglementation sur les aides d'État ou à d'autres dispositions, et de communiquer un justificatif de cette autorisation aux fournisseurs potentiels. Il est, en tout état de cause, compliqué de déterminer si l'on est dans une situation d'octroi d'aide d'État.

4.3.3.   S'il apparaît qu'il y a eu aide d'État et que cette aide est illégale, le fournisseur peut être tenu de la rembourser, mais il n'a aucun recours en dommages-intérêts contre l'acheteur qui a conclu le marché de R&D. Le fournisseur se trouve ainsi exposé à un risque qui est substantiel, mais qu'il ne lui est probablement pas possible d'assurer. Le fait que le bénéficiaire d'une aide d'État illégale (un fournisseur) doive rembourser les sommes qui lui ont été octroyées, mais sans recours contre l'acheteur, n'est pas, bien entendu, une particularité des marchés de R&D; la même règle s'applique à toute passation de marchés. Le fait que l'on applique une procédure de passation de marchés qui est validée (par exemple, une procédure prévue par les directives) ne garantit pas de façon absolue que l'on ne soit pas dans une situation d'octroi d'aide d'État, étant donné qu'il existe de nombreuses manières directes et indirectes de favoriser des fournisseurs. Le recours à l'Exclusion n'augmente ni ne diminue nécessairement le risque de ne pas parvenir à acheter dans des conditions transparentes et non discriminatoires, au prix du marché.

4.3.4.   Il est très souhaitable d'élever le niveau d'expérience dans tous les services d'achats publics, de telle sorte que ces services soient en mesure d'appliquer correctement les critères de vérification de l'absence d'aide d'État. Ces critères supposent notamment que l'on achète dans des conditions transparentes et non discriminatoires, au prix du marché. Cette expérience est d'une importance universelle, étant donné que les critères en question ne s'appliquent pas uniquement aux marchés de R&D; les mêmes critères s'appliquent à tout type de marchés publics, même s'il se peut que les risques que présente un contrat d'achats publics avant commercialisation soient plus importants.

4.3.5.   L'Annexe reprend les critères permettant aux intervenants de s'assurer qu'un projet d'achat public avant commercialisation ne constitue pas une aide d'État. C'est pourquoi le CESE recommande que la Commission et les États membres envisagent de promouvoir la formation et le partage de connaissances concernant le montage de projets d'achats publics avant commercialisation en conformité du cadre juridique, afin d'éviter que des pouvoirs publics, et leurs fournisseurs, ne risquent de se trouver confrontés ultérieurement à des problèmes d'aides d'État.

4.3.6.   Bien qu'il ne s'agisse pas d'un problème d'aides d'État, s'il apparaissait que l'exclusion de l'application des dispositions des directives qui est prévue pour certains types de services de R&D n'est pas justifiée, cela pourrait avoir pour effet de replacer le marché concerné sous l'empire du droit commun des directives. Aux termes de la directive «Procédures de recours» (en matière de marchés publics), le marché en question, dont on peut penser qu'il n'aurait pas fait l'objet d'une publicité appropriée ou n'aurait pas respecté le «délai de suspension», se trouverait frappé d'«absence d'effets» (20). Dans ces circonstances, le fournisseur courrait le risque de ne pas être payé pour les travaux effectués. Ce risque qui est, lui aussi, probablement impossible à assurer, n'est pas particulier aux marchés de R&D, mais il est aggravé par l'utilisation de l'exclusion que prévoient les directives pour les services de R&D. Il conviendrait d'être prudent et de prendre conseil.

4.4.   Risque

4.4.1.   Tout programme de R&D comporte des risques; tous les projets innovants n'aboutissent pas au résultat espéré. Le Régime prévoit, tout à fait à juste titre, que les risques et les avantages doivent être partagés entre l'acheteur et le fournisseur. Toutefois, l'accent est mis sur des considérations d'aides d'État et de principes des traités, considérations qui, même si elles sont probablement inévitables, ajoutent une couche de complexité à un dossier qui est déjà complexe.

4.4.2.   Comme dans tous les cas de gestion de risques, il convient que les parties acceptent de prendre en charge les risques que chacune d'elles est le mieux à même de gérer, et qu'elles acceptent aussi de rester en liaison permanente pour veiller à ce qu'aucun risque n'apparaisse ou ne s'aggrave sans être détecté et enrayé.

4.4.3.   L'Annexe évoque les marchés à prix fixe, qui consistent, pour un pouvoir public, à fixer un maximum et à inviter les soumissionnaires à présenter des offres d'un montant égal ou inférieur à ce maximum; ce système a pour objet de faire en sorte que le(s) fournisseur(s) subventionne(nt) le projet dans une mesure plus ou moins importante, en échange de droits d'exploitation. Ce dispositif est peut-être séduisant pour les fournisseurs qui ont facilement accès à un marché plus large pour écouler les résultats du développement, mais il crée un élément de complexité dans les cas où les possibilités d'exploitation plus larges n'apparaissent pas à l'évidence, alors qu'en revanche, pour l'acheteur, les bénéfices sont substantiels. Dans de telles situations, l'acheteur devrait probablement envisager de procéder différemment.

4.5.   Propriété intellectuelle

4.5.1.   La naissance de droits de propriété intellectuelle constitue une partie importante du Régime. La question qui se pose est de savoir qui possède des droits et dans quelle mesure cela peut avoir des conséquences quant à la base juridique du projet et au résultat concret, du point de vue des bénéfices à attendre de la R&D.

4.5.2.   Il existe, pour l'essentiel, trois manières de protéger la propriété intellectuelle:

les brevets — un monopole légal,

le droit d'auteur — qui subsiste dans toutes les œuvres originales,

le secret — dans les cas où ni le brevet ni le droit d'auteur n'apportent de protection efficace.

4.5.3.   Les brevets sont la protection la plus puissante et la plus exploitable au plan commercial pour les inventions qui sont véritablement fondamentales et qui sont susceptibles d'être concédées à des tiers sous licence. Ils sont également la solution la plus coûteuse. Sauf dans les cas où l'invention répond à ces critères ou bien où le projet se situe dans un secteur industriel où les brevets sont utilisés comme arme concurrentielle, le brevet est probablement un gaspillage d'argent. Les brevets sont également extrêmement coûteux à défendre.

4.5.4.   Le droit d'auteur ne coûte rien; il existe tout simplement. Toutefois, contrairement au détenteur d'un brevet, le titulaire d'un droit d'auteur doit prouver que celui qui a enfreint son droit savait effectivement que l'œuvre était protégée par un droit d'auteur et l'a copiée en connaissance de cause. La reproduction indépendante d'une œuvre protégée par un droit d'auteur ne constitue pas une copie et ne peut pas être contestée avec succès dans les cas où le responsable de cette reproduction n'a jamais été en présence de l'œuvre protégée.

4.5.5.   Le secret est largement utilisé dans le secteur privé pour protéger un avantage concurrentiel. Il est d'une importance essentielle de garder secrète une invention lorsque l'on a l'intention de la breveter; le fait de la révéler prématurément peut la rendre impossible à breveter. Lorsque ni les brevets ni le droit d'auteur ne permettent de protéger efficacement une invention qui présente un intérêt commercial, la seule solution est de la garder secrète. Coca-Cola garde jalousement secrète la formule de sa boisson du même nom.

4.5.6.   S'il est vrai que le secret constitue un moyen efficace de protéger la propriété intellectuelle et peut, dans certaines circonstances, être le seul moyen dont on dispose, il n'en reste pas moins que le secret n'est pas un choix commode dans un contexte de transparence.

4.5.7.   La formulation en termes de spécifications fonctionnelles de produits, et non de spécifications prescriptives, des cahiers des charges d'appel d'offres concernant des marchés publics de fourniture de produits finis en quantité peut aider à satisfaire aux obligations de transparence vis-à-vis des soumissionnaires concurrents, tout en permettant de ne pas révéler les détails techniques de mise en œuvre de solutions précises développées lors de la phase antérieure à la commercialisation.

4.5.8.   Les droits de propriété intellectuelle sont évidemment très importants dans les projets de R&D, tels que le Régime les envisage. Mais il faut faire preuve de beaucoup de prudence et de bon sens dans l'établissement de ces droits, dans leur attribution et dans leur gestion. Il s'agit là d'un domaine d'activité qui n'est pas simple.

4.5.9.   Dans le cas d'achats publics avant commercialisation, les DPI (droits de propriété intellectuelle) sont partagés entre les acheteurs et les fournisseurs: les fournisseurs conservent la propriété des DPI, les acheteurs conservent le droit d'utilisation en franchise de licence, ainsi que le droit de demander aux entreprises concernées de concéder des licences de DPI à des fournisseurs tiers, aux conditions — loyales et raisonnables — du marché. Concéder une licence libre de droits d'utilisation permet à l'acheteur public d'utiliser les résultats de la R&D à des fins d'utilisation interne, sans avoir à financer le coût des licences destinées aux entreprises participantes. Le droit de demander aux entreprises participantes de concéder des licences de DPI à des fournisseurs tiers aux prix du marché permet au fournisseur public de garantir l'accès à une chaîne d'approvisionnement suffisamment large et compétitive, tout en permettant aux entreprises participantes de gagner des revenus sur les DPI qu'ils ont obtenus au cours du projet d'achat avant commercialisation. En Europe, il peut arriver que des acheteurs publics manquent d'expérience en matière d'évaluation de la valeur commerciale des DPI, c'est pourquoi une formation et l'expérience du partage des risques et bénéfices dans le cadre des DPI sont recommandées.

4.5.10.   Il faut que les pouvoirs publics puissent tirer les leçons des meilleures pratiques en matière d'achat et de vente de DPI qui ont cours dans le secteur privé, ainsi que des clauses normales qu'utilisent habituellement, lors de la passation de marchés publics, les pouvoirs publics en matière de partage des DPI avec les fournisseurs, telles que ces clauses sont mises en œuvre dans le monde entier.

4.6.   Qualifications des fournisseurs et de l'acheteur

4.6.1.   Il va de soi que les fournisseurs potentiels doivent posséder les compétences nécessaires à la gestion de projets innovants; il est relativement facile pour un «client intelligent» de juger de leur expérience.

4.6.2.   Les acheteurs potentiels doivent, eux aussi, posséder les compétences nécessaires pour gérer de tels projets. Acquérir la connaissance de «l'état de l'art» sur le marché concerné, élaborer le cahier des charges en termes de résultats, négocier avec les fournisseurs et choisir ces fournisseurs, gérer le projet et les risques qui l'accompagnent: tout cela nécessite la présence, au sein de l'organisation de l'acheteur, de compétences approfondies et d'une large expérience. Si l'organisation ne possède pas, du niveau le plus haut au niveau le plus bas, une culture adaptée à la gestion de tels projets, elle risque un échec qui lui coûtera cher. Ces caractéristiques sont, bien sûr, celles du «client intelligent».

Bruxelles, le 22 octobre 2008.

Le Président

du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  Les directives de 2004: passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux, 2004/17/CE; marchés publics de travaux, de fournitures et de services, 2004/18/CE.

(2)  Les clauses d'exclusion:

Passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux, art. 24, par. e): Marchés portant sur certains services exclus du champ d'application de la présente directive. La présente directive ne s'applique pas aux marchés de services: e) concernant des services de recherche et de développement autres que ceux dont les fruits appartiennent exclusivement à l'entité adjudicatrice pour son usage dans l'exercice de sa propre activité, pour autant que la prestation du service soit entièrement rémunérée par l'entité adjudicatrice.

Marchés publics de travaux, de fournitures et de services, art. 16, par. f): Exclusions spécifiques. La présente directive ne s'applique pas aux marchés publics de services: f) concernant des services de recherche et de développement autres que ceux dont les fruits appartiennent exclusivement au pouvoir adjudicateur pour son usage dans l'exercice de sa propre activité, pour autant que la prestation du service soit entièrement rémunérée par le pouvoir adjudicateur.

(3)  2004/17/CE.

(4)  2004/18/CE.

(5)  Le Guide en 10 points: «Guide des solutions innovantes dans la commande publique — Dix éléments de bonne pratique», SEC(2007) 280.

(6)  TIC: technologies de l'information et de la communication.

(7)  «Achats publics avant commercialisation: promouvoir l'innovation pour assurer des services publics durables et de qualité en Europe», COM(2007) 799 final, et son annexe, SEC(2007) 1668.

(8)  Les actions prioritaires du plan ETAP sont: la promotion de la recherche et du développement; la mobilisation de ressources financières; la contribution à la stimulation de la demande d'écotechnologies; et l'amélioration des conditions du marché.

(9)  «Creating an Innovative Europe» (Créer une Europe innovante), Rapport du groupe d’experts indépendant sur la R&D et l’innovation créé à la suite du sommet de Hampton Court, janvier 2006.

(10)  «Marchés porteurs: une initiative pour l'Europe»: COM(2007) 860 final.

(11)  D'autres documents de la Commission méritent d'être mentionnés, par exemple la communication intitulée «Davantage de recherche et d’innovation — Investir pour la croissance et l’emploi — Une stratégie commune». Publiée en 2005. No ISBN 92-894-9417-4.

(12)  Santé en ligne, textiles de protection, construction durable, recyclage, bioproduits et énergies renouvelables.

(13)  Guide des solutions innovantes dans la commande publique — Dix éléments de bonne pratique, SEC(2007) 280.

(14)  «Achats publics avant commercialisation: promouvoir l'innovation pour assurer des services publics durables et de qualité en Europe», COM(2007) 799 final, et son annexe, SEC(2007) 1668.

(15)  «Guide des solutions innovantes dans la commande publique — Dix éléments de bonne pratique», SEC(2007) 280.

(16)  Les notions d'essais «alpha» et «bêta» viennent de l'industrie du logiciel.

Les essais «alpha» sont des essais en conditions opérationnelles, simulées ou réelles, effectués par un utilisateur potentiel ou une équipe d'essai indépendante, en général sur le site du développeur.

Les essais «bêta» viennent après les essais «alpha». Des versions du logiciel, dénommées «versions bêta», sont mises en service auprès d'un nombre limité d'utilisateurs, en dehors de l'équipe de programmation, de sorte que des essais supplémentaires, pratiqués de façon indépendante, permettent de s'assurer que le produit ne comporte pas beaucoup de défauts résiduels.

(17)  Marchés publics de travaux, de fournitures et de services, directive 2004/18/CE, Article 24, Variantes

1.

Lorsque le critère d'attribution est celui de l'offre économiquement la plus avantageuse, les pouvoirs adjudicateurs peuvent autoriser les soumissionnaires à présenter des variantes.

2.

Les pouvoirs adjudicateurs indiquent dans l'avis de marché s'ils autorisent ou non les variantes; à défaut d'indication, les variantes ne sont pas autorisées.

3.

Les pouvoirs adjudicateurs qui autorisent les variantes mentionnent dans le cahier des charges les exigences minimales que les variantes doivent respecter ainsi que les modalités de leur soumission.

4.

Ils ne prennent en considération que les variantes répondant aux exigences minimales qu'ils ont requises. Dans les procédures de passation de marchés publics de fournitures ou de services, les pouvoirs adjudicateurs qui ont autorisé des variantes ne peuvent rejeter une variante pour la seule raison qu'elle aboutirait, si elle était retenue, respectivement soit à un marché de services au lieu d'un marché public de fournitures, soit à un marché de fournitures au lieu d'un marché public de services.

(18)  Le guide en 10 points: «Guide des solutions innovantes dans la commande publique — Dix éléments de bonne pratique», SEC(2007) 280.

(19)  Cf. la note de bas de page no 2.

(20)  Directive 2007/66/CE («Procédures de recours»), Article 2 quinquies, Absence d’effets («Les États membres veillent à ce qu’un marché soit déclaré dépourvu d’effets par une instance de recours indépendante du pouvoir adjudicateur ou à ce que l’absence d’effets dudit marché résulte d’une décision d’une telle instance dans chacun des cas suivants: a) si le pouvoir adjudicateur a passé un marché sans avoir préalablement publié un avis de marché au Journal officiel de l’Union européenne, sans que cela soit autorisé en vertu des dispositions de la directive[…].»).


30.4.2009   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/15


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: Éliminer les obstacles aux investissements transfrontaliers des fonds de capital-risque»

COM(2007) 853 final

2009/C 100/03

Le 21 décembre 2007, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: Éliminer les obstacles aux investissements transfrontaliers des fonds de capital-risque»

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 1er octobre (rapporteur: M. MORGAN et corapporteur: M. DERRUINE).

Lors de sa 448e session plénière des 21, 22 et 23 octobre 2008 (séance du 22 octobre 2008), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis à l'unanimité.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.   La communication de la Commission réunit deux volets importants du programme de Lisbonne. L'un est l'accent placé sur la formation et la croissance des petites entreprises innovantes. L'autre est l'intégration des marchés de capitaux de l'UE afin de financer la croissance de l'emploi et de la productivité. Le catalyseur de la convergence de ces deux politiques est la nécessité de développer une industrie paneuropéenne du capital-risque (CR).

1.2.   La communication à l'examen fait état des travaux en cours. Une étroite coopération sera nécessaire entre les États membres, la Commission européenne et l'industrie du CR afin de mettre en œuvre les prochaines étapes, détaillées au paragraphe 3.6. À l'issue de ces travaux, la Commission présentera un nouveau rapport en 2009.

1.3.   La disponibilité de capital-risque n'est pas la panacée. Les sociétés de CR sont intéressées par les opérations d'envergure car une petite opération peut demander autant de temps qu'une grande. Par conséquent, elles ont tendance à être davantage intéressées par l'injection de fonds pour permettre l'expansion de sociétés en pleine croissance plutôt que par l'apport de capitaux d'amorçage pour les jeunes pousses. Dans la mesure où les sociétés de CR s'occupent de capital initial, de capital d'amorçage et de capital d'expansion, elles sont un élément important de la stratégie de Lisbonne et le CESE approuve cette initiative de la Commission. Il importe d'améliorer l'accès au capital-risque dans les États membres où celui-ci est moins développé.

1.4.   Il est essentiel pour les fonds de CR qu'ils soient en mesure de liquider leurs investissements. À cette fin, ils doivent trouver soit un repreneur industriel, c'est-à-dire une entreprise plus grande, ou bien vendre leur société à des investisseurs par l'intermédiaire d'une cotation en bourse. Si l'on considère l'UE dans son ensemble, le problème qui se pose est la trop faible attirance pour les investissements dans les jeunes entreprises de petite taille. Le CESE recommande aux États membres d'utiliser la fiscalité pour inciter les particuliers à investir dans des petites entreprises. Cela favorisera alors le développement de marchés boursiers sur lesquels les actions de petites entreprises peuvent être échangées. Pour le moment, les seuls marchés de ce type en UE sont l'Alternative Investment Market («marché des investissements alternatifs» — AIM) de Londres et l'Entry Standard de la Bourse allemande, bien qu'il existe maintenant une initiative d'Euronext.

1.5.   L'AIM représentant la transition idéale entre le statut de société non cotée et celui de société cotée, il rend l'investissement de capital-risque dans les sociétés non cotées très attrayant. Il fournit aux entreprises de CR les possibilités de retrait dont elles ont besoin. Un système similaire à l'AIM dans d'autres États membres offrirait une Bourse qui permettrait la levée de fonds pour les PME et représenterait un marché pour leurs actions. Cela pourrait être un facteur de croissance important du capital-risque sur les marchés jusqu'ici peu développés de l'UE.

1.6.   Si le capital-risque est nécessairement axé sur les retraits des marchés boursiers, il ne faut pas partir du principe qu'une introduction en bourse constitue la meilleure possibilité de retrait pour toute petite entreprise. Les entreprises publiques tirent parti du capital-actions et leurs actions représentent une monnaie d’échange dans une acquisition, mais en contrepartie elles perdent une certaine liberté d'action, en particulier à long terme, en raison des exigences du marché. Par conséquent, le capital-risque n'est pas la manière la plus raisonnable de progresser pour toutes les petites entreprises. Si une PME déjà soutenue par du CR n'est pas adaptée à une émission en souscription publique (IPO), le capital de remplacement peut être une autre solution.

1.7.   Le capital-risque ne répondra pas à toutes les demandes en capital d'amorçage car les entreprises de CR n'investiront que de manière sélective dans les sociétés en phase de démarrage. Pour contribuer à combler cette lacune, les pourvoyeurs de capital-risque financé par les pouvoirs publics ont un rôle à jouer, mais cela ne suffira pas et ces fonds devront être complétés par la famille et les amis de l'entrepreneur, ainsi que par des business angels. La nécessité de favoriser l'apport de capital d'amorçage est la deuxième raison pour laquelle le CESE recommande à la Commission et aux États membres de prévoir des avantages fiscaux liés aux investissements privés dans les entreprises naissantes.

1.8.   Comme expliqué au point 2 (Définitions), le capital-risque est techniquement un sous-ensemble du capital privé. Le CESE insiste pour que la levée des obstacles aux investissements transfrontaliers de capital-risque ne facilite pas, sans garanties appropriées, d'autres opérations impliquant des fonds privés, comme les rachats par endettement (LBO).

1.9.   Dans un précédent avis (1), le CESE a déjà exprimé ses préoccupations quant à la menace potentielle que représentent les transactions de fonds propres pour l'emploi (y compris la qualité des emplois). Il est essentiel que toute transaction de ce type soit menée à l'intérieur du cadre de négociation défini avec les partenaires sociaux dans chaque État membre. Par conséquent, le CESE invite la Commission à veiller, dans le contexte de la présente initiative relative au capital-risque, à ce que le dialogue social continue à prévaloir et que la directive sur l'information et la consultation des travailleurs s'applique à ces cas. En outre, le CESE insiste une nouvelle fois pour que la Commission présente une proposition afin d'actualiser la directive sur les «droits acquis» de manière à couvrir également les transferts d'entreprises résultant d'opérations de transfert d'actions (2).

1.10.   Cette préoccupation est de la plus haute importance, étant donné que «la stratégie de sortie la plus fréquente est la vente à une autre société, qui représente 39 % de toutes les sorties. La deuxième stratégie de sortie est le LBO (ou “rachat par effet de levier”) secondaire (24 %), dont l'importance s'est accrue ces dix dernières années, comme on a pu le constater» (3).

2.   Définitions

2.1.   La communication de la Commission est étayée par un document de travail. Celui-ci contient un glossaire étendu. Voici quelques-uns des principaux termes utilisés dans le domaine du capital-risque.

2.2.   L'on distingue de manière générale six formes d'investissement utilisées dans l'industrie du capital-risque:

Le capital initial finance l'étude, l'évaluation et le développement du concept initial.

Le capital d'amorçage permet aux entreprises de développer leur produit et de lancer sa commercialisation.

Le capital d'expansion finance la croissance d'une entreprise.

Le capital de remplacement implique le rachat de parts dans une entreprise existante par un autre investisseur de fonds propres ou actionnaire.

Lors d'un rachat, toutes les actions d'une société sont rachetées par des actionnaires existants. Cela peut impliquer qu'une société passe du statut d'entreprise cotée à celui d'entreprise non cotée, c'est-à-dire soit privatisée. Dans un rachat par la direction, les acheteurs sont les dirigeants de l'entreprise, habituellement avec l'aide de fonds privés ou de capital-risque.

2.3.   Le capital-risque fait référence aux investissements dans des entreprises non cotées (c'est-à-dire qui n'ont pas été introduites en Bourse) par des sociétés de capital-risque, qui, agissant comme mandantes, gèrent des fonds particuliers, institutionnels ou internes. Les principales phases de financement sont la phase de démarrage (qui englobe le capital initial et d'amorçage), et la phase d'expansion. Le capital-risque, ce sont donc des fonds professionnels co-investis avec l'entrepreneur pour financer une entreprise en phase de démarrage ou d'expansion. L'investisseur espère compenser le risque élevé qu'il prend par des retours sur investissement supérieurs à la moyenne.

2.4.   Au sens strict du terme, le capital-risque est un sous-ensemble du capital privé. Les sociétés de capital-investissement peuvent s'engager dans des opérations de capital-risque mais leur champ d'action dépasse le sous-ensemble du capital-risque pour inclure l'apport de capital de remplacement et le financement de rachats. Le CESE est préoccupé par l'impact social potentiel des activités de ces fonds privés.

2.5.   Les business angels sont des particuliers fortunés qui investissent directement dans des entreprises non cotées, nouvelles ou en expansion. Leur capital peut compléter celui des sociétés de capital-risque en finançant le démarrage de l'entreprise.

2.6.   Les investisseurs institutionnels sont des institutions financières telles que les compagnies d'assurance, les fonds de retraite, les banques et les sociétés de placement, qui rassemblent l'épargne d'investisseurs (habituellement) privés et l'investissent dans les marchés financiers. Ils disposent d'un actif important et sont des investisseurs expérimentés.

2.7.   Le placement privé est une méthode de vente des investissements financiers qui permet à l'acheteur et au vendeur de conclure une transaction en n'étant soumis qu'à quelques-unes, voire aucune des obligations légales qui s'appliqueraient en cas d'offre publique de vente. Les régimes de placement privé précisent généralement les critères d'éligibilité auxquels doivent répondre les personnes morales pour pouvoir conclure des transactions sous ces conditions. En règle générale, ce régime s'applique aux investissements consentis par des investisseurs institutionnels (qui sont, par définition, experts en la matière) dans des fonds gérés par des sociétés de capital-risque.

2.8.   Le principe de prudence permet aux fonds de retraite d'inclure des fonds privés/de capital-risque dans leur portefeuille d'investissement, tout en respectant le profil de risque de leurs clients. En d'autres termes, le gestionnaire du fonds de retraite est tenu d'investir pour ses clients comme il le ferait pour lui-même. Cela implique une diversification raisonnable du portefeuille lorsque le capital-risque y est inclus.

3.   Contenu essentiel de la communication de la Commission

3.1.   Selon des données de l'Association européenne des sociétés de capital-risque (EVCA), le capital-risque contribue de façon significative à la création d’emplois. Les entreprises de l’UE recevant des fonds propres et du capital-risque ont créé un million d’emplois entre 2000 et 2004. Plus de 60 % de ces emplois revenaient à des entreprises bénéficiaires de capital-risque; l’emploi dans ces entreprises a augmenté de 30 % par an. En outre, les entreprises innovantes et orientées vers la croissance qui sont soutenues par le capital-risque ont consacré en moyenne 45 % de leurs dépenses totales à la R&D. (Le CESE constate avec inquiétude que la Commission n'a pas été en mesure de trouver des sources de données indépendantes qui permettraient de vérifier cette analyse. D'autres observations à cet égard figurent aux paragraphes 4.10 et 4.11 ci-après.)

3.2.   Le potentiel des marchés de capital-risque de l’UE n’est pas pleinement exploité et les marchés ne fournissent pas suffisamment de capitaux aux PME innovantes au cours de la première phase de croissance. L’absence d’une culture de la prise de participations, les problèmes d’information, la fragmentation du marché, les coûts élevés et les synergies inexploitées entre l'industrie et les universités sont les principales raisons de cette défaillance du marché. Les divergences dans les politiques nationales entraînent une fragmentation importante du marché néfaste à la fois pour la mobilisation de capitaux et l’investissement au sein de l’UE.

3.3.   Même si les pouvoirs publics peuvent contribuer à soutenir le financement de l'innovation, l'ampleur du défi à l'échelle planétaire implique que seul l’accroissement des investissements par des investisseurs privés peut apporter une solution à long terme. À cet effet, la Commission et les États membres doivent agir pour améliorer les conditions-cadre des fonds de capital-risque, ce qui suppose la suppression des obstacles non justifiés aux opérations transfrontalières.

3.4.   La stratégie visant à améliorer les conditions des opérations transfrontalières porte sur la libre circulation du capital, l'amélioration des conditions de mobilisation des fonds, l'amélioration du cadre réglementaire, la diminution des disparités fiscales et l'avancement du processus de reconnaissance mutuelle.

3.5.   Le glossaire et le rapport du groupe d'experts qui accompagnent la communication proposent une analyse des problèmes et des solutions possibles (voir tableau I).

Tableau I

Problème

Solution possible

Mobilisation du fonds et répartition (entre les investisseurs et les fonds de CR)

Normes nationales différentes pour déterminer quels sont les investisseurs qualifiés en matière de fonds propres — CR (investisseurs institutionnels/privés)

Définition de l'investisseur qualifié (investisseurs institutionnels et privés) commune à toute l'UE.

Différents régimes nationaux en ce qui concerne l'endroit où les investisseurs peuvent faire des placements (restrictions relatives aux pays)

Recours au principe de prudence (mise en œuvre du principe de prudence tel que défini par la directive 2003/41/CE relative aux fonds de pension)

Difficultés de commercialisation des fonds de capital-investissement et de capital-risque dans les différents États membres en raison d'approches nationales différentes en ce qui concerne les placements privés/les dérogations aux règles d'offre au public

Approche commune de l'UE en ce qui concerne les «placements privés».

Neutralité fiscale (entre les fonds de CR et le pays d'investissement)

Structures de fonds complexes en fonction des pays d'origine des investisseurs et des pays dans lesquels se trouvent les entreprises bénéficiaires (afin d'éviter la double taxation)

Imposition des plus-values dans le pays d'origine des investisseurs; égalité de traitement entre les investisseurs directs et les investisseurs de capitaux propres; égalité de traitement entre les fonds cotés et les fonds non cotés.

Règles et exigences différentes pour que les fonds de capital-investissement puissent bénéficier des conventions fiscales

Transparence fiscale : liste de structures de fonds de capital-investissement reconnues mutuellement (ou critères communs pour les États membres afin de garantir la transparence fiscale).

Neutralité fiscale : les fonds de capital-investissement établis comme sociétés anonymes (non transparentes) devraient être couverts par les conventions relatives à la double taxation; exigences communes pour pouvoir bénéficier de ces conventions.

Normes professionnelles (pour les fonds de CR)

Règles locales différentes en matière d'évaluation et de rapport (coûts accrus et manque de comparabilité)

Encourager l'utilisation de normes professionnelles auto-imposées par l'industrie (par exemple, celles de l'EVCA)

Problèmes relatifs à l'application des normes internationales d'information financière (IFRS) aux fonds de capital-investissement, en particulier l'exigence de consolidation

 

Établissement permanent (pour le partenaire général ou le gestionnaire du fonds)

Risque lié à l'établissement permanent du partenaire général (société de gestion du CR) dans le pays où se trouve l'entreprise bénéficiaire (conséquences fiscales défavorables)

reconnaissance mutuelle des sociétés de gestion, ou passeport pour les sociétés de gestion;

à long terme, un «passeport» des sociétés de gestion.

3.6.   En réponse à ces problèmes, la Commission avance plusieurs mesures et recommandations.

3.6.1.   Afin d’améliorer la mobilisation de fonds et l’investissement transfrontaliers, la Commission prendra les mesures suivantes:

a)

analyser les approches nationales et les obstacles au placement privé transfrontalier. Un rapport sur les possibilités de création d’un régime de placement privé européen sera élaboré au cours du premier semestre de 2008 (reporté au troisième trimestre 2008);

b)

repérer, avec les experts des États membres, les cas de double imposition et les autres obstacles liés à la fiscalité directe qui freine les investissements en capital-risque transfrontaliers. Le groupe d’experts rendra compte de ses résultats d’ici la fin 2008;

c)

sur la base de ces rapports, analyser les possibilités de définir des caractéristiques communes qui permettront de se rapprocher d’un cadre européen du capital-risque;

d)

étudier également les possibilités d’assister les États membres dans la procédure de reconnaissance mutuelle.

3.6.2.   Afin de réduire la fragmentation du marché et d’améliorer les conditions de la mobilisation de capital-risque et de l’investissement en capital-risque, la Commission invite les États membres à prendre les mesures suivantes:

a)

si ce n’est pas encore le cas, élargir le «principe de prudence» aux autres types d’investisseurs institutionnels, y compris les fonds de pension;

b)

définir une interprétation commune des caractéristiques des fonds du capital-risque et des investisseurs qualifiés et envisager la reconnaissance mutuelle des cadres nationaux;

c)

surmonter les obstacles réglementaires et fiscaux en révisant la législation existante ou en adoptant de nouvelles réglementations;

d)

permettre la coopération ainsi que des niveaux mutuellement acceptables de contrôle et de transparence;

e)

encourager le développement de clusters compétitifs (à l'instar des parcs scientifiques);

f)

promouvoir la liquidité des marchés de sortie.

4.   Observations générales

4.1.   Les observateurs extérieurs de l'industrie du capital-risque (CR) ont tendance à considérer les sociétés de CR comme des fournisseurs de capital-investissement, tandis que ces sociétés elles-mêmes se soucient tout autant de la mobilisation des fonds que de leur investissement. Par conséquent, l'intégration du financement du capital-risque dans l'ensemble de l'UE doit faciliter les investissements dans les fonds de CR ainsi que les décaissements de ces derniers.

4.2.   Étant donné que l'industrie du capital-risque dépend de la bonne rentabilité des fonds pour leurs investisseurs, le modus operandi consiste à mobiliser un fonds, à l'investir, et ensuite, en temps utile, à liquider les investissements du fonds pour que l'investisseur puisse en retirer le rendement espéré. La durée de vie type de chaque fonds serait de sept ans.

4.3.   Il est essentiel pour les fonds de CR qu'ils soient en mesure de liquider leurs investissements. À cette fin, ils doivent trouver soit un repreneur industriel, c'est-à-dire une entreprise plus grande, ou bien vendre leur société à des investisseurs par l'intermédiaire d'une cotation en bourse. Si l'on considère l'UE dans son ensemble, le problème qui se pose est la trop faible attirance pour les investissements dans les jeunes entreprises de petite taille. Le CESE recommande aux États membres d'utiliser la fiscalité pour inciter les particuliers à investir dans des petites entreprises. Cela favorisera alors le développement de marchés boursiers sur lesquels les actions de petites entreprises pourraient être échangées. Pour le moment, les seuls marchés de ce type en UE sont l'Alternative Investment Market («marché des investissements alternatifs» — AIM) de Londres et l'Entry Standard de la Bourse allemande, bien qu'il existe maintenant une initiative d'Euronext.

4.4.   La disponibilité de capital-risque n'est pas la panacée. Les sociétés de CR sont intéressées par les opérations d'envergure car une petite opération peut demander autant de temps qu'une grande. Par conséquent, elles ont tendance à être davantage intéressées par l'injection de fonds pour permettre l'expansion de sociétés en pleine croissance plutôt que par l'apport de capitaux d'amorçage pour les jeunes pousses. Un exemple typique est celui de 3I, une société britannique de capital-risque établie de longue date. Fin mars 2008, elle a annoncé qu'elle abandonnait les investissements d'amorçage – on secteur ayant enregistré les plus mauvais résultats depuis l'éclatement de la bulle internet en 2000. Elle avait déjà réduit sensiblement son exposition aux fonds de capital-risque, les investissements dans les jeunes pousses ne représentant déjà plus qu'un dixième de son portefeuille – alors qu'ils en constituaient la moitié en 2000. 3I a indiqué que les investissements d'après-démarrage étaient plus intéressants et que le groupe se concentrerait dorénavant sur les rachats, le capital de croissance et l'infrastructure.

4.5.   Le capital-risque ne répondra pas à tous les besoins en capital d'amorçage car les entreprises de CR n'investiront que de manière sélective dans les sociétés en phase de démarrage. Pour contribuer à combler cette lacune, les pourvoyeurs de capital-risque financé par les pouvoirs publics ont un rôle à jouer, mais cela ne suffira pas et ces fonds devront être complétés par la famille et les amis de l'entrepreneur, ainsi que par des business angels. La nécessité de favoriser l'apport de capital d'amorçage est la deuxième raison pour laquelle le CESE recommande à la Commission et aux États membres de prévoir des avantages fiscaux liés aux investissements privés dans les entreprises naissantes, tels que ceux du Enterprise Investment Scheme (programme d'investissement dans l'entreprise) britannique. En vertu de ce programme, tout capital investi peut être déduit au titre de l'impôt sur le revenu et les gains en capital réalisés par l'entreprise sont exonérés d'impôt. Ces avantages fiscaux rendent le rapport risque/récompense assez favorable pour les particuliers qui investissent dans des entreprises en démarrage.

4.6.   Dans le programme britannique, des mesures incitatives similaires s'appliquent aux placements de particuliers dans des fonds d'investissement collectifs qui prennent des participations dans de nouvelles sociétés de petite taille cotées sur l'AIM. Ces fonds s'appellent des «Fonds de capital-risque» («Venture Capital Trusts» — VCT). Les investissements donnent lieu à des abattements fiscaux et le capital investi ne fait l'objet d'aucun impôt sur les bénéfices ni droit de succession.

4.7.   Des mesures d'incitation analogues s'appliquent aux particuliers qui investissent directement dans une société répertoriée sur l'AIM. L'existence de l'AIM et des allégements fiscaux qui y sont associés ont donné une impulsion considérable à la création d'entreprises au Royaume-Uni.

4.8.   L'AIM est spécialisé dans les émissions en souscription publique sur le marché primaire (IPO) d'actions de nouvelles entreprises de petite dimension. Les investissements en capital-risque dans les entreprises non cotées sont de ce fait très attrayants au Royaume-Uni, étant donné que grâce à ces émissions en souscription publique, l'AIM fournit aux entreprises de CR les possibilités de retrait dont elles ont besoin. Le développement d'un système similaire à l'AIM dans d'autres États membres, desservant les marchés d'un seul ou de plusieurs pays, offrirait des Bourses qui permettraient la levée de fonds pour les PME et représenteraient un marché pour leurs actions. Cela pourrait être un facteur de croissance important du capital-risque sur les marchés jusqu'ici peu développés de l'UE.

4.9.   Le CESE est bien conscient de la nécessité de créer une demande en capital-risque pour offrir aux sociétés de CR la possibilité de prospérer. Cela signifie que la création d'entreprises doit augmenter dans l'UE, et doit aller de pair avec davantage d'esprit d'entreprise et d'innovation. Le CESE ne fait que mentionner cette préoccupation. Le présent avis n'a pas pour but d'aborder les questions de l'esprit d'entreprise et de l'innovation, mais force est de rappeler ici que l'existence d'incitants fiscaux entraînera une recrudescence de la création d'entreprises.

4.10.   Tout en étant favorable aux propositions visant à faciliter les investissements transfrontaliers des fonds de capital-risque, le CESE regrette de ne pas pouvoir baser son évaluation sur des données fiables et impartiales. En effet, des études indépendantes suggèrent la prudence dans ce contexte, étant donné «l'impossibilité d'établir une distinction claire entre les changements en matière d'emploi dans les sociétés reposant sur du capital-risque et dans celles financées par d'autres types de capitaux privés» (4).

4.11.   Dans un précédent avis (5), le CESE a déjà exprimé ses préoccupations quant à la menace potentielle que représentent les transactions de fonds propres pour l'emploi (y compris la qualité des emplois). Les entreprises financées par des capitaux privés créent environ 10 % d'emplois en moins que les entreprises similaires à la suite d'un rachat (5 ans) (6). En outre, il est essentiel que toute transaction de ce type soit menée à l'intérieur du cadre de négociation défini avec les partenaires sociaux dans chaque État membre. Par conséquent, le CESE invite la Commission à veiller, dans le contexte de la présente initiative relative au capital-risque, à ce que le dialogue social continue à prévaloir et que la directive sur l'information et la consultation des travailleurs s'applique à ces cas. En outre, le CESE insiste une nouvelle fois pour que la Commission présente une proposition afin d'actualiser la directive sur les «droits acquis» de manière à couvrir également les transferts d'entreprises résultant d'opérations de transfert d'actions (7).

5.   Observations spécifiques concernant les propositions avancées par la Commission

5.1.   Il importe de mettre au point des outils statistiques permettant de mieux cerner l’industrie des fonds spéculatifs et des capitaux privés ainsi que des indicateurs relatifs au gouvernement d'entreprise, le tout faisant l’objet d’une harmonisation au moins au niveau européen (8).

Propositions de la Commission visant à améliorer la levée des fonds et à investir au-delà des frontières.

5.2.   Le CESE soutient pleinement la création d'un régime de placement privé européen. Il s'agit là d'une exigence essentielle des fonds de capital-risque transfrontaliers.

5.3.   Il y a lieu de supprimer l'obstacle de la double taxation, sinon le capital-risque transfrontalier ne sera pas suffisamment rentable pour que les sociétés de CR s'y intéressent. Le CESE attend avec curiosité le rapport du groupe d'étude chargé par la Commission d'examiner la question de la fiscalité.

5.4.   Le concept de cadre paneuropéen pour le capital-risque est attrayant s'il a pour effet que les États membres acceptent des sociétés de CR régies par d'autres États. Cela facilitera la reconnaissance mutuelle et les activités transfrontalières des sociétés de CR, sans bureaucratie excessive. Toutefois, le Comité rappelle l'importance d'une meilleure coordination des politiques fiscales et estime nécessaire de définir des exigences minimales en ce qui concerne l'imposition des gestionnaires des fonds, afin d'éviter le dumping fiscal et l'inefficacité économique.

Propositions de mesures devant être prises par les États membres pour réduire la fragmentation du marché et améliorer les conditions de levée des fonds et d'investissement de capital-risque

5.5.   L'élargissement du principe de prudence est une exigence fondamentale pour la levée de fonds car les investisseurs institutionnels constituent la première source de fonds. Il importe que les États membres créent des cadres réglementaires qui faciliteront la participation prudente des investisseurs institutionnels, en particulier les fonds de pension, dans les fonds de capital-risque.

5.6.   La coopération des États membres en matière de réglementation et de reconnaissance mutuelle est nécessaire pour que les initiatives de la Commission puissent progresser.

5.7.   L'idée de clusters compétitifs est en corrélation avec les politiques de soutien de l'esprit d'entreprise et de l'innovation. Ces grappes d'entreprises innovantes seraient issues d'universités, et implantées sur le même site que ces dernières. Une telle évolution est très intéressante pour les sociétés de CR.

5.8.   Les questions liées à la liquidité des marchés de sortie font l'objet du point 4 ci-dessus.

Bruxelles, le 22 octobre 2008.

Le Président

du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  JO C 10 du 15.1.2008, p. 96.

(2)  Directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements, JO L 82 du 22.3.2001, pp. 16-20.

(3)  «Globalization of Alternative Investment: the global economic impact of private equity» («La mondialisation de l'investissement alternatif: l'impact économique mondial des capitaux privés») (p. viii), étude publiée (en anglais) par le World Economic Forum (WEF), 2008.

(4)  WEF, p. 43.

(5)  JO C 10 du 15.1.2008, p. 96.

(6)  WEF, p. 54.

(7)  Directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements, JO L 82 du 22.3.2001, pp. 16-20.

(8)  JO C 10 du 15.1.2008, p. 96.


30.4.2009   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/22


Avis du Comité économique et social européen sur la «Lutte contre la fraude et la falsification des moyens de paiement autres que les espèces»

2009/C 100/04

Le 17 janvier 2008, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son Règlement intérieur, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Lutte contre la fraude et la falsification des moyens de paiement autres que les espèces».

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 1er octobre 2008 (rapporteur: M. IOZIA).

Lors de sa 448e session plénière des 21, 22 et 23 octobre 2008 (séance du 23 octobre 2008), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis à l'unanimité.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.   Le Comité économique et social européen déplore que les initiatives prises jusqu'ici pour prévenir et combattre la fraude et la falsification des moyens de paiement autres que les espèces n'aient pas été suffisantes pour endiguer la propagation de ce phénomène. Comme l'a déjà souligné la Commission dans le plan d'action 2004/2007, bien que le cadre juridique communautaire ait été amélioré et renforcé, l'échange d'informations entre acteurs privés et publics n'est pas encore pleinement développé, non plus que la coopération effective entre les autorités compétentes des États membres.

1.2.   La Commission a constaté que le principal obstacle à la mise en œuvre effective d'un système préventif de lutte contre la fraude réside dans la difficulté à échanger des données concernant les auteurs de fraude ou les sujets à risque au sein de l'Union. Pour assurer une prévention efficace, il apparaît nécessaire de développer les systèmes d'échange d'informations sur les responsables des fraudes, à travers l'amélioration des canaux de coopération entre les autorités compétentes des États membres.

1.3.   L'absence d'uniformité des législations sur l'exercice des pouvoirs d'instruction des différentes administrations nationales, ainsi que la plus ou moins grande sévérité des mesures répressives, constituent un autre obstacle à une lutte efficace contre la fraude. Un rapprochement effectif des législations nationales apparaît en conséquence comme la première voie à suivre pour lutter efficacement contre la fraude dans ce secteur, qui constitue une forme de criminalité typiquement transnationale.

1.4.   Dès lors, l'Union européenne doit améliorer sa stratégie de lutte contre la fraude et la falsification des moyens de paiement à travers toute une panoplie de mesures. Pour ce faire, il y a lieu:

de développer les échanges d'informations entre acteurs privés et publics,

de renforcer la coopération entre les autorités compétentes des États membres,

d'harmoniser les législations nationales dans une optique de prévention — notamment en ce qui concerne les dispositions régissant la protection des données au sein de l'UE, afin de permettre les échanges transfrontaliers d'informations — et de répression,

de créer auprès de chaque autorité compétente nationale un fichier informatisé contenant des informations sur les éléments symptomatiques de risques de fraude,

de confier à Europol une mission de contrôle des mesures de prévention et de lutte contre la fraude, ainsi que de coordination des bases de données disponibles,

de diffuser des campagnes d'information ciblées avec l'aide des associations de consommateurs, afin d'attirer l'attention des utilisateurs sur les risques éventuels liés à l'utilisation des moyens de paiement autres que les espèces, de manière à ce qu'ils participent en toute connaissance de cause à des mesures de lutte plus efficaces et rapides.

2.   La diffusion des moyens de paiement autre que les espèces et des fraudes correspondantes

2.1.   Le niveau de développement actuel de l'économie mondiale se caractérise par une forte diffusion des moyens de paiement autres que les espèces, constitués par les cartes de crédit et de débit et les paiements en ligne. Les opérations effectuées au moyen d'instruments de paiement électronique représentent une part croissante, en volume et en valeur, des paiements nationaux et transfrontaliers, part qui est destinée à s'accroître encore compte tenu de l'évolution continue des marchés et des avancées technologiques des systèmes de paiement électronique.

2.2.   La nécessité de garantir le développement des moyens de paiement autres que les espèces au sein de l'Union européenne est liée au processus de libéralisation des mouvements de capitaux et à la réalisation de l'union économique et monétaire. L'économie moderne, fondée sur la technologie, se doit de disposer d'un système de paiement efficace, car en exerçant un effet positif direct sur la compétitivité du secteur financier, il améliore l'efficacité globale du système économique. Il est en effet avéré que les systèmes de paiement électronique stimulent les dépenses de consommation et la croissance économique, dans la mesure où ils facilitent l'achat de biens et services. L'on estime que chaque année 231 milliards d'opérations (en espèces ou autres) sont effectuées dans l'Union européenne, pour une valeur globale de 52 000 milliards d'EUR.

2.2.1.   Par ailleurs, on a enregistré ces dernières années au niveau mondial une augmentation de la diffusion des instruments de paiement autres que les espèces. En particulier, en 2004, le nombre d'opérations par habitant réalisées avec des moyens de paiement autres que les espèces s'élevait à 142 (dont 32,3 avec des cartes de paiement) dans l'Union européenne (à 25 États membres), à 150 (dont 28,3 avec des cartes de paiement) dans les États européens n'ayant pas adopté l'euro et à 298 (dont 47,5 avec des cartes de paiement) aux États-Unis. En 2006, les mêmes données étaient de 158 (dont 55,2 avec des cartes de paiement) dans l'Union européenne (à 25 États membres), de 166 (dont 50,5 avec des cartes de paiement) dans les États européens n'ayant pas adopté l'euro et de 300 (dont 145,1 avec des cartes de paiement) aux États-Unis. Au sein de l'Union européenne, les pays qui en 2006 ont enregistré le nombre le plus élevé d'opérations par habitant réalisées avec des moyens de paiement autres que les espèces étaient la Finlande, avec 294 transactions, dont 153,9 avec des cartes de paiement, suivie par les Pays-Bas, avec 257 transactions dont 103,2 avec des cartes de paiement et le Royaume-Uni, avec 239 transactions dont 111,4 avec des cartes de paiement (1).

2.2.2.   En 2006, l'Espagne est apparue comme l'État disposant du plus grand nombre de terminaux Point de vente (POS, «Point of sale»), à savoir 1 291 000, avec 1 276 opérations par terminal pour un montant moyen de 52 EUR, suivie par la France, où sont installés 1 142 000 terminaux, avec 4 938 opérations par terminal pour un montant moyen de 51 EUR et par l'Italie, qui compte 1 117 000 terminaux, avec 690 opérations par terminal pour un montant moyen de 93 EUR. Le pays européen où a été effectué le plus grand nombre d'opérations par terminal point de vente est la Finlande, avec un nombre de 7 799 opérations d'une valeur moyenne de 35 EUR, alors que le nombre de terminaux installés est de 105 000. Par contre, l'Irlande est le pays où la valeur moyenne des transactions par carte de crédit et de débit est la plus élevée (94 EUR), alors que le nombre de terminaux points de vente installés est de 53 000 (2).

2.2.3.   L'existence d'un cadre réglementaire harmonisé au sein de l'Union européenne permettra aux prestataires de services de rationaliser les infrastructures et les services de paiement, et aux utilisateurs de bénéficier d'un choix plus large et d'un haut niveau de protection.

2.3.   La possibilité d'utiliser ces instruments de paiement partout dans le monde exige qu'ils soient efficaces, faciles à utiliser, largement acceptés, fiables et disponibles à des coûts relativement bas. Puisque leur efficacité dépend de leur degré de sécurité, il y a lieu de garantir le degré de sécurité technique économiquement viable le plus élevé possible. L'amélioration de ce degré de sécurité doit être mesurée à l'aune des statistiques sur les fraudes et en fixant des paramètres de référence spécifiques en matière de sécurité.

2.3.1.   La multiplication des fraudes peut avoir une influence négative sur la confiance des consommateurs dans les systèmes de paiement, ce qui est considéré comme l'un des principaux obstacles à l'expansion du commerce électronique. La multiplication des fraudes a pour autre conséquence de porter atteinte à la réputation des opérateurs et de fausser la perception qu'ont les consommateurs du niveau de sécurité de l'utilisation des moyens de paiement.

2.4.   Les fraudes transnationales sont plus répandues que celles perpétrées à l'intérieur de chaque pays, notamment en ce qui concerne les opérations de paiement à distance, en particulier par Internet. Selon les données de la Commission (3), en 2000, le volume de la fraude concernant les cartes de paiement a été de 600 millions d’EUR, soit environ 0,07 % du chiffre d’affaires du secteur à cette époque, avec une augmentation plus élevée pour les paiements à distance (par téléphone, courrier ou sur Internet). Des études plus récentes ont mis en évidence qu'en 2006, 500 000 entreprises commerciales de l'Union européenne ont été impliquées dans des fraudes réalisées avec des moyens de paiement autres que les espèces, pour un total de 10 millions de transactions frauduleuses et des dommages d'environ un milliard d'euros, montant qui équivaut à près du double de celui que l'on avait enregistré en 2005. Les pays les plus touchés par la fraude sont notamment le Royaume-Uni, la France, l'Italie, l'Espagne et l'Allemagne.

2.5.   La multiplication et le caractère transnational des fraudes commandent de développer une stratégie paneuropéenne cohérente en matière de prévention, dès lors que les mesures déjà adoptées par les États membres, bien qu'efficaces, ne suffisent pas pour contrer la menace représentée par la fraude aux moyens de paiement.

2.6.   Pour répondre aux besoins du marché et susciter la confiance dans l'utilisation des nouvelles technologies, il est en outre nécessaire d'intensifier les efforts en vue de créer une signature électronique sûre, dans le cadre des initiatives déjà adoptées avec la directive 99/93/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 1999. La signature électronique est du reste également nécessaire pour le démarrage du projet d'administration en ligne («e-government»). Le projet STORK, parrainé par l'UE, s'efforce de résoudre les problèmes liés à l'interopérabilité des systèmes.

2.7.   La Commission a mis en évidence que la fraude commise en utilisant des instruments de paiements volés ou contrefaits autres que les espèces, est principalement le fait d'organisations criminelles, souvent dotées d'une structure complexe composée d'hommes, d'outils et de supports logistiques, opérant au niveau transfrontalier et utilisant des techniques très perfectionnées pour la fraude en matière de paiements sur Internet ou la contrefaçon des cartes de paiement. Ces organisations sont capables de modifier rapidement leur modus operandi pour ne pas se faire prendre.

2.7.1.   Des études ont permis de montrer que, dans les cas de fraudes les plus sophistiqués, ces organisations ont coutume d'agir selon des procédures standardisées et éprouvées, en suivant le schéma opérationnel suivant:

repérage d'entreprises commerciales dans lesquelles des membres de l'organisation s'introduisent illégalement pendant la nuit ou se tiennent dans des cachettes appropriées, afin d'installer sur les équipements POS liés aux caisses, pendant les heures de fermeture de l'établissement, des dispositifs électroniques sophistiqués en mesure d'intercepter les codes des bandes magnétiques des cartes de paiement et les codes PIN correspondants,

collecte ultérieure des données mémorisées sur les dispositifs électroniques mentionnés via la récupération matérielle de ces dispositifs ou la transmission électronique des données par le biais des technologies GSM ou Bluetooth, afin de procéder à la confection de supports plastiques clonés intégrant les codes PIN des cartes de paiement,

utilisation, y compris dans des États autres que ceux où a été effectué le clonage des codes, des cartes de crédit et de débit illégalement reproduites, à travers l'achat de biens ou le prélèvement d'espèces auprès de terminaux bancaires.

3.   Cadre juridique communautaire

3.1.   L'un des principaux objectifs de l'Union européenne étant d'assurer le plein fonctionnement du marché intérieur, dont les systèmes de paiement représentent un aspect essentiel, des mesures spécifiques ont été adoptées depuis un certain temps en vue d'appliquer une stratégie commune de lutte contre la fraude aux cartes de paiement, selon deux lignes directrices principales:

harmonisation des dispositions contractuelles régissant les relations entre les émetteurs et les titulaires des cartes et de celles réglementant les modalités d'exécution des paiements,

classification par tous les États membres des fraudes commises à l'aide de cartes de paiement comme infractions pénales punies par des sanctions effectives et dissuasives.

3.2.   La première ligne directrice inclut les mesures suivantes:

la recommandation de la Commission 87/598/CEE du 8 décembre 1987 sur les «Relations entre institutions financières, commerçants-prestataires de services et consommateurs», qui a introduit un code européen de bonne conduite en matière de paiement électronique, en vue de garantir l'adoption de systèmes de protection des consommateurs,

la recommandation de la Commission 88/590/CEE du 17 novembre 1988, concernant les relations entre titulaires et émetteurs de cartes, invitant les émetteurs des moyens de paiement à adopter des clauses contractuelles communes en ce qui concerne la sécurité du moyen de paiement et des données afférentes, ainsi que les obligations incombant au titulaire de la carte en cas de perte, de vol ou de contrefaçon du moyen de paiement,

la recommandation de la Commission 97/489/CE du 30 juillet 1997, ayant pour objet d'assurer un degré élevé de protection des consommateurs lors de l'utilisation des instruments de paiement électronique. La recommandation précise notamment les informations devant figurer dans les conditions contractuelles relatives aux conditions d'émission et d'utilisation d'un instrument de paiement électronique,

la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, qui institue de nouvelles mesures dans le cadre du dispositif de lutte antiblanchiment, en prévoyant des dispositions limitant l'utilisation d'espèces,

la directive 2007/64/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 concernant les services de paiement dans le marché intérieur, visant à assurer la coordination des dispositions nationales régissant les exigences prudentielles, à garantir l'accès au marché de nouveaux prestataires de services de paiement, à fixer des exigences d'information et à définir les droits et obligations des utilisateurs et prestataires de services de paiement.

3.3.   S'agissant de la deuxième ligne directrice, et compte tenu de l'augmentation des fraudes et du fait que les mesures préventives ont essentiellement été adoptées au niveau national, les mesures suivantes ont été prises:

communication de la Commission COM(1998) 395 intitulée «Un cadre d’action pour lutter contre la fraude et la contrefaçon des moyens de paiement autres que les espèces», dans laquelle la Commission a présenté un cadre de mesures qui visent à promouvoir un environnement de sécurité approprié pour les instruments de paiement et les systèmes sous-jacents,

décision du Conseil 2000/642/JAI du 17 octobre 2000 relative aux modalités de coopération entre les cellules de renseignement financier des États membres en ce qui concerne l'échange d'informations, qui a établi des règles minimales concernant la coopération entre ces cellules,

communication de la Commission COM(2001)11 du 9 février 2001 intitulée «Prévention de la fraude et de la contrefaçon des moyens de paiement autres que les espèces», au moyen de laquelle la Commission a lancé le Plan d'action 2001-2003 de l'Union européenne pour la prévention de la fraude. Il est affirmé dans ce plan que la prévention se fonde sur la coopération entre les pouvoirs publics et les entreprises actives dans le secteur des systèmes de paiement. Il est souligné dans ce contexte que les améliorations les plus importantes sont celles relatives à l'adoption de dispositifs techniques qui augmentent la sécurité des paiements, comme l'introduction des cartes à puce, des mécanismes de notification rapide de perte ou de vol des instruments de paiement et l'adoption de dispositifs (codes PIN ou autres codes) pour empêcher ou limiter autant que possible la possibilité de commettre des fraudes,

un élément essentiel d'une stratégie efficace pour la prévention des fraudes est l'échange d'informations, qui doit être mis en œuvre entre les banques et les pouvoirs publics au sein des États membres et entre ceux-ci. À cette fin, le plan préconise l'adoption d'un dispositif permettant d'établir un dialogue permanent entre toutes les parties concernées par la lutte contre la fraude (émetteurs de cartes de crédit, associations bancaires, opérateurs de réseau, Europol, polices nationales). La Commission se propose en outre d'organiser des rencontres internationales avec la participation de hauts dirigeants des forces de l'ordre et de magistrats, afin de les sensibiliser à la problématique de la fraude sur les paiements et à ses conséquences sur les systèmes financiers,

décision-cadre du Conseil 2001/413/JAI du 28 mai 2001 concernant la lutte contre la fraude et la contrefaçon des moyens de paiement autres que les espèces. Cette décision-cadre demande que les États membres prévoient des sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives incluant des privations de liberté et pouvant aller jusqu'à l'extradition, pour les fraudes commises avec des cartes de paiement, réalisées également au moyen d'instruments informatiques, électroniques ou d'autres dispositifs spécialement adaptés, et consistant à:

voler ou obtenir illégalement un instrument de paiement;

contrefaire ou falsifier un instrument de paiement en vue d'une utilisation frauduleuse;

recevoir, obtenir, transporter, vendre ou céder à un tiers ou détenir et utiliser de manière frauduleuse un instrument de paiement obtenu illégalement, faux ou falsifié,

introduire, altérer ou supprimer illégalement des données informatiques ou perturber illicitement le fonctionnement d'un logiciel ou d'un système informatique;

produire, recevoir, vendre ou créer illégalement des instruments, logiciels ou tout autre moyen spécialement adapté pour commettre les infractions précitées;

cette décision a en outre établi un cadre de coopération internationale spécifique, sur la base duquel les États membres doivent se prêter mutuellement assistance pour les recherches liées aux procédures concernant les infractions visées par la décision-cadre. À cette fin, les États membres désignent des points de contact opérationnels ou bien peuvent utiliser des structures opérationnelles existantes pour l'échange d'information et pour d'autres contacts entre les États membres

communication de la Commission COM(2004) 679 du 20 octobre 2004, concernant «Un nouveau Plan d’action de l’UE (2004-2007) pour la prévention de la fraude sur les moyens de paiement autres que les espèces». Avec ce plan d'action 2004-2007, la Commission souhaite développer les initiatives existantes visant à prévenir la fraude, afin de contribuer au maintien et au renforcement de la confiance dans les paiements compte tenu de la multiplication des cas de piratage de données contenues dans les systèmes informatiques ou d’usurpation d’identité. L'objectif prioritaire de la Commission consiste à garantir la sécurité des produits et des systèmes de paiement et à accroître la coopération entre les autorités publiques et le secteur privé, grâce aux mesures suivantes:

le renforcement et la réorganisation du fonctionnement du groupe d’experts de l’UE en matière de prévention de la fraude,

la mise en œuvre par les fabricants d'instruments de paiement, les prestataires de services de paiement et les autorités d'une approche coordonnée et structurée, afin de garantir aux utilisateurs le niveau de sécurité économiquement viable le plus élevé possible pour les paiements électroniques,

l'échange d'informations entre les parties concernées en vue de la détection précoce et de la notification des tentatives de fraude,

l'intensification de la coopération entre administrations de l’UE dans la lutte contre la fraude sur les paiements et le renforcement des capacités d’investigation des autorités répressives nationales,

l'introduction de nouvelles modalités de signalement des pertes et des vols de cartes de paiement dans l’UE.

4.   Observations et propositions

4.1.   Même si le cadre juridique communautaire a été amélioré et renforcé, l'échange d'informations entre acteurs publics et privés n'est pas encore pleinement développé, de même que la coopération effective entre les autorités compétentes des États membres. Pour ce faire, et compte tenu de l'adhésion récente de nouveaux États membres à l'Union européenne, il faut que tous les États aient transposé dans leur législation interne les dispositions contenues dans la décision-cadre et dans les recommandations.

4.1.1   La Commission a constaté que le principal obstacle à la mise en œuvre effective d'un système préventif de lutte contre la fraude réside dans la difficulté à échanger des données concernant les auteurs de fraude ou les sujets à risque au sein de l'Union. À cet égard, le plan d'action 2004-2007 soulignait déjà la nécessité d'harmoniser les dispositions relatives à la protection des données au sein de l'UE, afin de permettre les échanges transfrontaliers d'information, en prévoyant notamment le rapprochement des règles actuellement en vigueur dans l'Union européenne en matière de protection des données personnelles.

4.2.   Pour garantir l'efficacité des mesures de prévention, l'on pourrait évaluer l'opportunité de créer auprès de chaque autorité nationale compétente un registre informatisé dans lequel les sociétés gérant les cartes centraliseraient les informations relatives aux aspects suivants: les points de vente et les transactions présentant un risque de fraude; les données d'identification des points de vente et des représentants légaux des entreprises commerciales vis-à-vis desquelles a été exercé le droit de révocation de la convention régissant la négociation des cartes de paiement pour des motifs de sécurité ou en raison d'actes frauduleux dénoncés auprès de l'autorité judiciaire; les données d'identification des transactions non reconnues par les titulaires de cartes de paiement ou dénoncées par ceux-ci à l'autorité judiciaire; et les données relatives aux guichets automatiques ayant fait l'objet de manipulations frauduleuses. Ce fichier pourra également être utilisé, dans le respect des législations nationales, pour analyser les phénomènes criminels et faciliter la coopération policière, y compris au niveau international, en vue de prévenir et de réprimer les délits commis au moyen de cartes de crédit ou d'autres moyens de paiement.

4.3.   Outre l'échange d'informations sur les sujets responsables des fraudes, il convient de développer la coopération entre les autorités compétentes des États membres, en prévoyant de nouvelles initiatives pour la collecte et l'échange d'informations sur une plus large échelle entre les acteurs impliqués dans la prévention de la fraude, avec un accent particulier sur les forces de police et les sociétés émettrices de cartes de paiement.

4.3.1.   À cette fin, les formes de coopération déjà existantes en matière de lutte contre la falsification de l'euro pourraient être rationalisées de telle sorte que les administrations nationales compétentes soient elles aussi directement associées à la prévention de la fraude liée aux moyens de paiement autres que les espèces.

4.3.2.   À cet égard, l'on pourrait envisager la possibilité d'attribuer à Europol — qui, en vertu de la décision du Conseil du 29 avril 1999 dispose déjà de compétences en matière de lutte contre le faux monnayage et la falsification des moyens de paiement — des missions spéciales de contrôle de l'action de prévention et de lutte contre la fraude liée aux moyens de paiement autres que les espèces, en vue de:

coordonner la gestion des registres informatisés de tous les États membres contenant des informations sur les cas de contrefaçon de cartes de paiement, de manière à permettre l'accès pour les besoins effectifs de l'enquête aux autorités compétentes des autres États membres;

signaler en temps réel à l'émetteur ou au gestionnaire des cartes l'existence de cas de fraude détectés dans d'autres États membres;

faciliter l'échange d'informations prévu par la décision-cadre 2001/413/JAI du 28 mai 2001 entre les forces de police et les autorités judiciaires des États membres.

4.4.   L'on pourrait étudier dans ce contexte l'opportunité de mettre en réseau les forces de police et les organismes d'investigation des États membres engagés dans la lutte contre la fraude et la falsification des moyens de paiement autres que les espèces, en vue de l'échange direct de ces informations via un système de messagerie électronique certifiée, ce également aux fins du partage des bases de données spécifiques.

4.4.1.   Cette initiative, qui requiert toutefois un accord préalable sur les données enregistrées dans ces registres et leur compatibilité avec les législations nationales en matière de protection de la vie privée, constituerait — en accord avec les dispositions de l'article 79 de la directive 2007/64/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 — une avancée sensible vers l'amélioration de la lutte contre la fraude liée aux moyens de paiement autres que les espèces. En effet, les organes d'investigation disposeraient ainsi des informations nécessaires directement, en temps réel et sans charges administratives superflues. Il est néanmoins souhaitable à cet égard d'établir des dispositions minimales au niveau européen concernant le type de données susceptibles d'être échangées, de manière à garantir une plateforme commune d'informations utilisables dans la lutte contre la fraude, dans le respect des dispositions prévues par la directive 1995/46/CE en matière de protection des données personnelles.

4.5.   Les principales entraves à la lutte contre la fraude au sein de l'UE sont l'absence d'uniformité des législations sur l'exercice des pouvoirs d'instruction des différentes administrations nationales et le degré de sévérité variable des mesures répressives. Rien d'étonnant en effet à ce que les fraudes soient principalement commises dans les États où les pouvoirs d'investigation des organes chargés des contrôles sont moins étendus ou dans ceux où les sanctions applicables sont insuffisantes pour jouer un rôle dissuasif. Un rapprochement effectif des législations nationales apparaît comme l'unique stratégie à suivre pour lutter efficacement contre la fraude dans ce secteur, compte tenu du fait que, comme cela a déjà été souligné dans le plan d'action 2004-2007, les précédentes initiatives se sont avérées insuffisantes pour juguler la menace représentée par la fraude relative aux moyens de paiement.

4.5.1.   À ce propos (4), il y a lieu de vérifier que les États membres ont bien transposé dans leur législation pénale interne les cas de délit définis aux articles 2, 3 et 4 de la décision-cadre du Conseil 2001/413/JAI du 28 mai 2001, concernant les infractions liées aux instruments de paiement, à l'utilisation de l'informatique et aux équipements spécialement adaptés. Il convient de s'assurer, dans le respect du principe de souveraineté des États membres, que les sanctions appliquées dans de tels cas sont effectivement dissuasives, y compris en relation avec le niveau de la sanction pénale prévue et, dans le même temps, d'harmoniser au niveau de l'UE les sanctions prévues pour des fraudes d'une telle gravité, à l'instar de ce qui est par exemple prévu dans le cadre de la législation sur la lutte contre le blanchiment d'argent.

4.6.   L'adoption des initiatives proposées permettrait de lutter efficacement contre la fraude et faciliterait la création de l'espace unique de paiement en euros SEPA (Single Euro Payment Area), dans lequel il serait possible d'effectuer des paiements par des moyens autres que les espèces dans toute la zone euro, à partir d'un compte unique et aux mêmes conditions de base, indépendamment du lieu de résidence des utilisateurs, en mettant ainsi un terme à la distinction actuelle entre paiements nationaux et transfrontaliers.

4.7.   L'Union européenne doit renforcer sa stratégie de lutte contre la fraude et la falsification des moyens de paiement au moyen d'une pluralité d'interventions. L'information du grand public est fondamentale à cet égard. Elle doit sensibiliser davantage les utilisateurs de cartes de crédit et de débit, afin qu'ils prennent mieux conscience des risques éventuels liés à l'utilisation des moyens de paiement autres que les espèces. Ainsi, les consommateurs non avertis sont des proies faciles pour le phénomène d'«hameçonnage» (phishing). Les institutions européennes doivent favoriser cette diffusion de l'information par le biais de campagnes européennes coordonnées par la Commission.

4.8.   À cet égard, les associations de consommateurs et les commerçants jouent un rôle essentiel: une étroite coopération entre ceux-ci pourrait stimuler la mise en œuvre de mesures d'alerte préventive, de sensibilisation et d'information sur les pratiques les plus répandues et celles découvertes depuis peu. Pour atteindre cet objectif, il apparaît nécessaire de promouvoir des campagnes d'information ciblées à l'intention des consommateurs, notamment sous forme de conseils pratiques et aisément accessibles, afin d'améliorer les connaissances relatives au fonctionnement des cartes de paiement et aux précautions à prendre dès l'instant où l'on pense avoir été victime d'une fraude.

4.9.   L'engagement des États membres devrait se traduire également par une aggravation des peines infligées pour les délits de fraude et la répression effective de ces délits. Pour les délits commis dans d'autres pays de l'Union et — pour certains cas particulièrement graves — également dans des pays tiers, le droit pénal devrait pouvoir s'appliquer partout, en étendant l'espace juridique européen. Ces pratiques commencent à se généraliser et les propositions relatives à la poursuite de tels délits et à l'imposition de sanctions se multiplient. Compte tenu du fait que les fraudes relatives aux moyens de paiement sont généralement commises par des groupes organisés et touchent plusieurs États, la Convention et les Protocoles des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, adoptés par l'Assemblée générale le 15 novembre 2000 et le 31 mai 2001, qui prévoient des sanctions pour les infractions de nature transnationale, représentent un instrument de lutte efficace.

Bruxelles, le 23 octobre 2008.

Le Président

du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  Source: Commission des Communautés européennes, COM(2005) 603 final du 1.12.2005, Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les services de paiement dans le marché intérieur, SEC(2005) 1535.

(2)  Source: Rapport annuel de la Banque d'Italie 2007 — Appendice. Les informations ont élaborées à partir de données BCE, BRI, Poste italiane S.p.A. et Banque d'Italie.

(3)  Source: Commission des Communautés européennes, COM(2004) 679 final du 20.10.2004, Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen, à la Banque centrale européenne et à Europol «Un nouveau plan d’action de l’UE (2004-2007) pour la prévention de la fraude sur les moyens de paiement autres que les espèces», SEC(2004) 1264.

(4)  À cet égard, la Commission européenne [SEC(2008) 511 du 22 avril 2008, Document de travail des services de la Commission, Rapport sur les fraudes liées aux moyens de paiement autres que les espèces dans l'UE: la mise en œuvre du plan d'action 2004-2007] souligne la nécessité de sanctions efficaces, au regard du fait que les sanctions appliquées par certains États membres sont trop légères pour être dissuasives, ainsi qu'il ressort de deux rapports présentés par la Commission en avril 2004 [COM(2206) 356] et en février 2006 [COM(2006) 65] sur les mesures prises par les États membres en application de la décision-cadre du Conseil 2001/412/JAI.


30.4.2009   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/28


Avis du Comité économique et social européen sur la «Consultation relative au projet de lignes directrices de la Commission concernant l'Analyse d'Impact»

2009/C 100/05

Le 29 mai 2008, la Commission a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Consultation relative au projet de lignes directrices de la Commission concernant l'Analyse d'Impact.»

Le 8 juillet 2008, le Bureau du Comité a chargé la section spécialisée «Marché unique, production et consommation» de préparer les travaux du Comité en la matière.

Compte tenu de l'urgence des travaux, le Comité économique et social européen a décidé au cours de sa 448e session plénière des 21, 22 et 23 octobre 2008 (séance du 22 octobre 2008) de nommer M. RETUREAU rapporteur général, et a adopté le présent avis par 83 voix pour et 4 abstentions.

1.   Introduction

1.1.   Dans sa «Stratégie politique annuelle pour 2008» (1) la Commission souligne que «La simplification et l'amélioration de l'environnement réglementaire pour les entreprises et les citoyens de l'UE constitue une priorité majeure. L'année 2007 verra l'amélioration du système d'évaluation d'impact, le lancement d'un programme d'action destiné à éliminer les charges administratives superflues découlant de la législation tant au niveau de l'UE qu'au niveau des États membres, ainsi que la mise en œuvre du programme de simplification actualisé» et le suivi de l'application du droit communautaire (2). «La réalisation de ces diverses actions constituera l'objectif central pour 2008.»

1.2.   Cette stratégie est traduite dans le programme de travail, chaque action ou proposition du programme faisant l'objet d'une feuille de route répondant à une batterie de questions précises auxquelles des réponses généralement succinctes sont apportées, reflétant les premiers résultats de l'analyse d'impact (AI) ou (AI préliminaire) et estimant l'impact budgétaire de l'action ou de la proposition individuelles.

1.3.   En ce qui concerne le système d'évaluation d'impact, la Commission a établi un projet de lignes directrices internes, qui est la proposition examinée dans cet avis (3), à la suite de l'évaluation externe menée en 2007 sur le système, défini en 2002, amélioré en 2005 relatif à l'analyse d'impact, et tenant compte des expériences et enseignements tirés des activités du Comité d'analyse d'impact (CAI). La Commission entend améliorer la méthodologie générale, pour qu'elle soit bien définie, prévisible, transparente et chiffrable pour le budget communautaire (une AI prend, selon la complexité des problèmes, de cinq à treize mois pour être menée à bien, et demande des ressources et moyens, que la Commission entend mettre à disposition des services pour réaliser les objectifs du programme «Mieux légiférer» en ce qui concerne les AI).

1.4.   Les lignes directrices (LD) révisées sont destinées à donner des orientations générales pour la conduite des AI, de l'AI préliminaire à la rédaction des options finales proposées à la Commission par la Direction générale chargée de la conduite de l'AI. Le collège peut ainsi exercer de façon éclairée sa compétence d'initiative législative, voire proposer une alternative à la législation ou décider, au stade de l'AI préliminaire, de ne pas agir ou de produire une communication par définition non normative.

1.5.   Chaque AI est unique, individualisée, caractérisée par les objectifs à atteindre inscrits dans le programme annuel de travail de la Commission; les LD définissent donc un cheminement, des procédures, des méthodes de travail, de manière suffisamment flexible pour s'adapter à la diversité des situations et des problèmes, en fonction des compétences communautaires et des exigences de la Communauté telles que prévues dans les traités et dans le respect des principes de proportionnalité et de subsidiarité.

1.6.   Les AI peuvent être conduites en l'une ou l'autre des langues officielles communautaires suivantes: allemand, anglais, ou français. En pratique, la quasi-totalité des AI est réalisée en anglais, pour des raisons pratiques de communication interne entre les DGs et en leur sein, et de communication externe, en particulier l'étape de consultation des parties intéressées. Des annexes comportant l'AI complète et un résumé exécutif sont systématiquement jointes à chaque projet législatif du plan de travail annuel, sous la cote [SEC(année), numéro], en langue anglaise. La proposition législative est ainsi étayée par l'AI et par les explications justifiant l'option choisie par la Commission.

2.   Observations générales du Comité

2.1.   Toute proposition législative entraîne une procédure préliminaire d'évaluation qui peut comporter des moments ou étapes destinés à en cerner la nécessité et à en considérer l'impact interne autant qu'externe sous différents points de vue.

2.2.   La légistique, «science» (appliquée) de la législation, qui cherche à déterminer les meilleures modalités d'élaboration, de rédaction, d'édiction et d'application des normes (4) ne soumet pas le législateur national aux mêmes contraintes que le législateur communautaire. Celui-ci est en effet situé plus loin des citoyens et semble parfois plus éloigné de leurs préoccupations immédiates. Il doit exposer clairement toutes ses initiatives, favoriser l'information et la participation selon des voies différentes, pour renforcer la dimension participative de la citoyenneté européenne, indissolublement liée à la citoyenneté nationale. Dans ce contexte politique particulier, les AI deviennent une partie intégrante et une composante importante du travail normatif et des actions de la Commission.

2.3.   Parmi diverses questions théoriques et pratiques consacrées à l'activité législative au sein de l'Union européenne, qu'il serait inopérant de détailler et discuter dans le cadre d'un tel avis, orienté vers la pratique législative au sein de l'Union européenne, il faut au moins souligner que les législateurs travaillent sous des «contraintes» incontournables: les traités fondateurs, les principes généraux du droit des les sociétés démocratiques économiquement développées qui en sont membres (ou ont vocation à le devenir), y compris leurs principes constitutionnels et les interprétations jurisprudentielles du droit originaire et du droit dérivé. (5)

2.4.   Tous les peuples de l'Union aspirent désormais à la démocratie, au règlement pacifique des conflits, à davantage de coopération et de solidarité, à la promotion des droits individuels et collectifs, à une législation réaliste de qualité, clairement conforme aux traités et aux principes généraux du droit applicables dans tous les États membres. Les décisions politiques ainsi que les législations s'inscrivent dans ce cadre global, qu'il faut bien qualifier de «constitutionnel» puisqu'il définit la nature démocratique des institutions politiques et les limites des compétences des institutions politiques, législatives et administratives ou judiciaires. Ce «cadre constitutionnel», qui distingue les politiques communautaires issues de compétences exclusives de celles qui sont partagées avec les États membres, ainsi que les procédures à suivre dans un gouvernement par le droit, qui doit donc produire des législations et des réglementations, doit permettre d'apprécier le suivi de la législation, de contrôler son efficacité et la bonne utilisation des moyens financiers ou autres mis à disposition. Il doit en outre permettre de réévaluer la législation périodiquement dans le sens d'éventuels ajustements ou modifications ou pour constater que les buts fixés ont été atteints.

2.5.   Cette simple énumération évoque, sans pour autant en prendre dûment compte réellement, de la complexité des compétences, des responsabilités et des tâches dévolues aux divers acteurs de l'Union.

2.6.   L'AI fut conçue dès l'origine comme un instrument destiné à améliorer la qualité et la cohérence du processus législatif d'élaboration des politiques qui contribuera à un environnement réglementaire efficace et performant et à la mise en œuvre cohérente du processus de développement durable. Elle appuie la compétence politique sans pour autant s'y substituer. Elle doit permettre d'identifier les effets positifs et négatifs probables d'un projet législatif et d'atteindre un consensus dans la réalisation des objectifs concurrents. En pratique, l'AI a été mise en application d'abord pour les projets les plus importants, puis pour tous ceux de la stratégie politique annuelle et du programme de travail de la Commission. La Communication de juin 2002 expose dans son annexe les principaux éléments de la méthode d'AI et, séparément, les modalités techniques de mise en œuvre qui furent publiées à l'automne 2002 (6). Une révision des LD eut lieu en 2005, puis depuis fin 2007 jusqu'au présent projet de mai 2008.

2.7.   Dès les premiers efforts déployés en vue de mieux légiférer, le Comité économique et social européen (ci-après le Comité) a soutenu les propositions de la Commission à cette fin. Il appuie encore en général les propositions d'amélioration de la conduite et de la présentation des AI, qui ont pris une importance toujours croissante dans la préparation des projets législatifs, ainsi que d'autres pratiques comme la codification, la simplification (dans la mesure du possible) de la rédaction et surtout la qualité et la clarté des concepts juridiques utilisés. Le Comité note aussi que la qualité des traductions des textes et le suivi de l'application du droit communautaire sont essentiels pour améliorer l'harmonisation et le respect des normes juridiques.

2.8.   Trois catégories principales d'impacts sont envisagées:

impacts sociaux,

impacts économiques,

impacts environnementaux.

Le Comité remarque que la catégorie « impact sociaux » rassemble un très vaste ensemble de questions, qu'il serait préférable de traiter en deux catégories distinctes: d'une part, les impacts sociaux proprement dits et, d'autre part, les impacts à caractère sociétal (lutte contre le terrorisme, sécurité, justice, etc.). Les questions sociales proprement dites sont en relation avec les questions économiques et concernent les acteurs sociaux, la négociation collective ainsi que les conditions de travail et d'emploi, tandis que les questions de société concernent d'autres domaines (justice, police, etc.) et impliquent davantage les acteurs politiques et se rapportent à la société tout entière.

2.9.   L'AI économique valorise la prise en compte des analyses coût-avantage et de la concurrence. Mais avec la nécessité d'un développement durable, le Comité tient à souligner que les données sur les impacts qualitatifs ainsi que la prise en compte du calcul économique doivent être considérées sur le long terme. Quant à la concurrence, il rappelle qu'elle est un moyen et non une fin. Les impératifs de politique industrielle, la constitution d'acteurs économiques et financiers de dimension internationale pour résister dans un contexte de concurrence globale doivent aussi être retenus. La dimension mondiale de l'économie et les coopérations économiques avec les pays tiers constituent un cadre d'ensemble pour les AI économiques et financières.

2.10.   L'AI environnementale doit aussi recourir à une série d'indicateurs fondés sur des observations régulières et des informations collectées dans des conditions techniques et contextuelles comparables (qualité de l'air en milieu urbain, réchauffement atmosphérique, etc.). Il s'agit de combiner particulièrement les analyses qualitatives et les coûts et bénéfices pour cette catégorie d'impacts. Le Comité considère qu'il n'est pas obligatoire de privilégier les analyses coût-bénéfice par rapport aux autres résultats, qualitatifs. Il doit être possible de présenter les deux types de résultats et de se fixer des critères de priorité, par exemple en ce qui concerne l'impact de certaines pollutions sur la santé. Il est pratiquement impossible de chiffrer en termes monétaires des années de vie humaine gagnées par les mesures proposées, mais cette donnée permet la comparaison dans le temps, même si en réalité les facteurs qui interviennent sur la santé sont multiples et si les comparaisons dans le temps comporteront toujours des marges d'erreur significatives, notamment par l'intervention sur la santé d'autres facteurs que la qualité de l'air (modes de vie, d'alimentation, effets de politiques de prévention, etc.).

2.11.   Le rôle de la consultation des parties intéressées et de leurs organisations représentatives européennes et, en particulier, le Comité des régions et le CESE, qui représentent la société civile organisée et son expression politique locale, est extrêmement important. Compte tenu du temps réduit qui est imparti et de l'unicité de la langue des AI, circonstances qui posent problème à un grand nombre d'organisations, notamment nationales, les organes consultatifs européens ont une responsabilité particulière quant à la qualité des AI et à la consultation conformément aux accords interinstitutionnels de coopération. Il est important que cette première consultation ne fasse pas obstacle à la consultation sur les projets effectivement soumis au législateur par la suite, laquelle sera alors davantage de nature politique.

2.12.   Le Comité salue l'approche complexe des AI, au plan horizontal lorsque plusieurs DG sont concernées, et leur inscription dans la durée (court, moyen et long terme). L'exercice d'évaluation des AI ex post mené en 2007 devrait peut-être conduire à l'intégration de vérifications ex post dans la procédure de conduite des analyses d'impact, par le CAI, afin de permettre une réflexion approfondie sur les indicateurs et leur pertinence ainsi que sur la validité des évaluations, qu'elles soient du type coûts-bénéfices ou fondées sur des appréciations qualitatives. Le Comité estime en particulier que la question des indicateurs devrait être développée davantage dans les LDAI (7) à partir des données statistiques disponibles recueillies par Eurostat ou grâce à des enquêtes spécifiques menées par les services de la Commission. Il en va de même pour les indicateurs élaborés par d'autres organisations, notamment par les agences de l'ONU comme le PNUD et ceux issus de la recherche développée dans les différents pays, que ce soit par les ministères ou les universités.

2.13.   Les questions de nature générale et transversales sont bien traitées dans la seconde partie du projet de LD — inscription dans le temps, considération du fardeau administratif à minimiser, impératif de ne sous-estimer ni les impacts qui ne peuvent s'inscrire immédiatement dans une analyse coûts-avantages, ni les interactions des différents facteurs qui influencent les impacts. Il convient de tenir compte de l'effet des autres projets législatifs adoptés ou en cours d'AI, surtout s'il s'agit d'un paquet législatif et des objectifs communautaires généraux (stratégie de Lisbonne, respect des droits fondamentaux, stratégie énergétique européenne et objectif de développement durable). Les impacts extérieurs ne doivent pas non plus être négligés.

2.14.   Les impacts affectant les PME-PMI, comme les coûts éventuellement plus élevés de la régulation en raison de leur taille et les charges administratives beaucoup plus sensibles pour une petite structure que pour une grande entreprise, doivent être évalués de manière spécifique. Le Comité salue cette prise en considération particulière des impacts sur les PME-PMI et partage la recommandation de la Commission de prévoir des mesures pour réduire ces impacts lorsque l'AI montre qu'ils seraient disproportionnés ou excessifs.

2.15.   Enfin, les options possibles présentées dans les AI ne doivent pas avoir une nature artificielle ou forcée mais représenter de véritables alternatives, crédibles et opérationnelles sur lesquelles exercer le choix politique le plus adéquat.

3.   Réflexions critiques

3.1.   La Commission élabore en détail les procédures et les délais relatifs à toutes les analyses d'impact. Néanmoins, ces procédures et ces délais sont suffisamment flexibles pour encadrer la multiplicité des situations particulières.

3.2.   Chaque analyse d'impact est un exercice ad hoc original bien qu'un certain nombre de règles et de contraintes soient incontournables, tant pour les AI préliminaires que pour les AI développées. L'on peut citer par exemple la consultation interservices, le délai de réalisation d'une étude confiée à un consultant externe, la planification budgétaire ou le programme de travail de la Commission européenne.

3.3.   Le Centre commun de recherche (JRC), dont les chercheurs travaillent souvent en relation avec une université ou des experts en s'appuyant sur les données d'Eurostat, est l'organe le plus souvent impliqué dans l'élaboration des AI. Cependant, ces chercheurs réalisent le cas échéant leur propre agrégation de données disponibles pour définir un problème particulier ou recourent à des méthodes mathématiques et budgétaires ainsi qu'à des indicateurs communs. Ils peuvent aussi réaliser une enquête ou des sondages pour compléter les procédures standards de consultation prévues dans ce contexte.

3.4.   Une tendance notable des AI, qui répond aux exigences méthodologiques de l'annexe (il s'agit en fait d'un nouveau manuel ou guide pour l'élaboration des analyses d'impact), consiste à chiffrer en termes pécuniaires les impacts de diverses options possibles pour en faire un critère de décision.

3.5.   Or, si les impacts environnementaux (8), par exemple, peuvent être mesurés en termes de coûts ou d'économies, certains facteurs devraient être retenus en dépit des coûts pour des raisons supérieures — d'ordre qualitatif notamment, impact relatif sur le changement climatique, respect des droits fondamentaux, questions d'éthique, impact sur la santé à court et long terme.

3.6.   Les critères qualitatifs devraient souvent prévaloir car ils répondent à des objectifs et des politiques de l'Union. Ils se résolvent finalement, certes, en coûts financiers (indemnisation des victimes de l'amiante etc.) mais la prévention répond à une nécessité éthique. En effet, même si l'amiante était une solution efficace et peu coûteuse pour l'isolation de bâtiments, de machines ou de conduites notamment, aujourd'hui, le coût du désamiantage réduit à néant les avantages financiers perçus à court terme. La balance est donc déficitaire et, après des décennies, le pollueur n'est pas forcément le payeur. Le principe de précaution devrait être affirmé avec force dans les AI sans pour autant qu'il serve de prétexte à l'immobilisme.

3.7.   Avec le recul, il apparaît que les principaux problèmes rencontrés portent sur la consultation des parties concernées. Certaines expressions peuvent être considérées comme individuelles alors que l'auteur peut être un petit entrepreneur ou un travailleur indépendant dont l'expérience précieuse ne saurait être écartée pour donner la préférence à des lobbies bien établis et actifs, aptes à fournir des expertises ou des informations parfois orientées (9).

3.8.   Dans le cadre de projets très complexes, les impacts peuvent être particulièrement difficiles à chiffrer (REACH, par exemple). Le choix de la protection des travailleurs et des utilisateurs des produits a prévalu, bien que le secteur industriel ait réussi à trouver des appuis politiques assez puissants pour limiter la portée de la législation.

3.9.   Ces situations ne sont cependant pas anormales. En effet, les groupements concernés défendent leurs intérêts, mais il appartient au législateur de faire prévaloir l'intérêt général sur des intérêts particuliers à court terme. Certaines «contraintes» à court terme peuvent constituer des avantages comparatifs à moyen terme, notamment en fixant des normes européennes qui deviennent universelles en cas d'avance technologique (limites d'émissions des moteurs automobiles, effort de promotion des énergies alternatives moins polluantes et plus durables notamment).

3.10.   Le recours aux Livres verts et aux Livres blancs préparatoires à une législation est tout à fait efficace dans le cadre d'un débat public, pour recueillir l'avis des parties concernées et, plus généralement, de la société civile organisée au sein du CESE ou représentées par des ONG européennes spécialisées. Le législateur lui-même, à l'occasion d'un débat interne, a le temps de rechercher des compromis dynamiques.

3.11.   Le CESE doit en revanche constater que la précipitation ou l'idéologie peuvent affecter des projets qui finissent par être rejetés ou fortement modifiés alors qu'une approche moins brutale aurait pu aboutir à des résultats acceptables pour toutes les parties (comme ce fut le cas du projet de directive «Services portuaires» produite dans l'urgence par une Commission européenne sortante qui, à l'époque, n'avait pas pris le temps de procéder à une consultation et de rechercher des compromis).

3.12.   La crise actuelle devrait inciter à la plus grande prudence face à certaines «idées reçues» et autres principes d'autorité. Le critère de validation par la pratique est essentiel à la construction d'une expérience collective de l'AI dominée à la fois par la prudence et la créativité. Cette approche s'oppose à des concepts prétendument scientifiques comme la conception selon laquelle d'une part un marché non régulé serait plus efficace qu'une régulation adaptée visant à assurer la transparence, à empêcher les dérives ou les fraudes et, d'autre part, toute aide d'Etat serait négative per se. Une vision réaliste et équilibrée devrait prévaloir sur les visions par trop simplistes de l'économie et de la finance.

4.   Conclusions

4.1.   Le Comité estime que les analyses d'impact contribuent à l'amélioration effective de la législation et confirme sa disponibilité pour y participer dans toute la mesure de ses compétences et de ses moyens matériels et humains. Il s'agit en effet d'un enjeu politique essentiel pour assurer la meilleure réception possible du droit communautaire dans le droit interne. Il convient de s'assurer que le processus législatif ou normatif, qu'il s'agisse donc de droit positif (hard law) ou de soft law, puisse être le mieux compris possible par les citoyens. En outre, les organisations non-gouvernementales représentatives doivent être associées aux processus communautaires par la voie classique des questionnaires.

4.2.   Le Comité est convaincu que ces consultations doivent faire l'objet d'une attention soutenue de la part des DGs car les réserves exprimées vis à vis de certaines propositions législatives ont pu n'être pas prises suffisamment en considération. Cela a parfois conduit à des remaniements importants de ces dernières par le biais d'amendements «lourds», voire à leur rejet par l'un ou l'autre des législateurs que sont le Conseil et le Parlement, attentifs aux réactions ou manifestations au sein de la société civile. La démocratie participative peut permettre d'éviter ces situations finalement très coûteuses, tant au plan politique que budgétaire.

4.3.   Le rôle du législateur communautaire ne pourra qu'être valorisé par une méthode moderne et efficace de production des normes.

4.4.   Finalement, le Comité salue les efforts et les moyens déployés depuis des années en vue d'une meilleure législation, question essentielle pour une Union fondée sur le droit, et invite la Commission à les poursuivre.

Bruxelles, le 22 octobre 2008.

Le Président

du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  COM(2007) 65 final, de février 2007.

(2)  Voir l'avis CESE, JO C 204 du 9.8.2008, p. 9.

(3)  COM, mai 2008, document de travail non numéroté (http://ec.europa.eu/governance/impact/consultation/ia_consultation_fr.htm).

(4)  Chevallier, J. (1995), «L'évaluation législative: un enjeu politique», in Delcamp A. et al., Contrôle parlementaire et évaluation, Paris, 1995, p. 15.

(5)  Il conviendrait aussi de tenir compte des expériences historiques tragiques différentes, durant lesquelles les notions de droit en général et de droits de la personne en particulier ont été violées avec des degrés parfois inimaginables de sauvagerie.

(6)  COM(2002) 276 final, 5.6.2002.

(7)  Lignes directrices pour les analyses d'impact.

(8)  Point 9.3.4. de l'annexe «Environmental Impact Assessment Models».

(9)  Aspect illustré par la consultation sur la Brevetabilité des inventions mises en œuvre par ordinateur (document de consultation établi par les services de la Direction générale du marché intérieur du 19.10.2000).


30.4.2009   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/33


Avis du Comité économique et social européen sur les «Lignes de conduite pour les services d'intérêt général et la mondialisation»

2009/C 100/06

Le 17 janvier 2008, conformément à l'article 29, paragraphe 2 de son règlement intérieur, le Comité économique et social européen a décidé d'élaborer un avis d'initiative sur les:

«Lignes de conduite pour les services d'intérêt général et la mondialisation».

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 24 septembre 2008 (rapporteur: M. Hernández BATALLER).

Lors de sa 448e session plénière des 21, 22 et 23 octobre 2008 (séance du 23 octobre 2008), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 50 voix pour, 2 voix contre et 1 abstention.

1.   Conclusions et recommandations:

A)

Le CESE invite les autres institutions de l'UE à préparer une initiative communautaire pour engager un débat en profondeur sur la nécessité d'établir des lignes de conduite concernant les services d'intérêt général et la mondialisation.

B)

Le CESE demande à la Commission qu'elle consacre périodiquement, dans ses rapports d'évaluation sur les services d'intérêt général (SIG), un chapitre à la mondialisation et aux effets qu'elle peut engendrer sur les services d'intérêt général.

C)

En ce qui concerne les marchés publics, sans préjudice de la nécessité d'innover par la prestation de services de la société de l'information (1), l'évolution doit tenter de conserver les caractéristiques essentielles de ces services et établir un cadre pour leur mise en œuvre adéquate (par exemple, en matière de télémédecine, de déontologie professionnelle et de confidentialité des données).

D)

Il faut encourager l'établissement futur d'une gouvernance mondiale qui puisse se fonder sur la participation équilibrée des organisations internationales, des États membres et des parties intéressées.

E)

L'OIT et l'OMS, qui s'occupent de questions liées à l'emploi et à la santé, devraient également, par l'octroi du statut d'observateurs, faire partie de cette gouvernance mondiale naissante au sein de l'OMC.

F)

L'on pourrait contribuer à cette gouvernance par le biais d'un forum consultatif qui aurait pour mission de définir et de réviser les mesures à adopter, à l'avenir, dans le cadre des SIG, ainsi que d'assurer le suivi de la mise en œuvre des principes et valeurs régissant les services d'intérêt général.

G)

En ce qui concerne la gestion des biens publics mondiaux, il y a lieu d'engager une réflexion sur les principaux aspects futurs de la gouvernance mondiale de ces biens. Au niveau communautaire, il faudrait établir un programme d'action d'envergure européenne qui détermine les modalités de financement de ces biens.

La gestion des biens publics mondiaux devrait être une préoccupation de la gouvernance mondiale, renforçant l'approche engagée au sommet du G8 de Heiligendamm sur la biodiversité et les ressources énergétiques.

2.   Introduction

2.1   Il est incontestable que les services d'intérêt général jouent un rôle primordial dans la vie quotidienne des citoyens européens, au point que leur contribution à la cohésion sociale, économique et territoriale, ainsi qu'au développement durable de l'UE, s'intègre pleinement dans le modèle social européen (2). Par ailleurs, ils complètent et vont au-delà du marché intérieur, devenant une condition préalable au bien-être économique et social des citoyens et des entreprises (3).

2.1.1   Par mondialisation, l'on désigne le phénomène d'ouverture des économies et des frontières, provoqué par la multiplication des échanges commerciaux, des mouvements de capitaux, de la circulation des personnes et des idées, de la diffusion de l'information, des connaissances et des techniques et d'un processus de déréglementation. Ce processus, à la fois géographique et sectoriel n'est guère récent, mais il s'est accentué au cours des dernières années.

2.1.2   La mondialisation est porteuse de nombreuses opportunités, même si elle reste l'un des principaux défis pour l'Union européenne. Afin d'exploiter pleinement le potentiel de croissance de ce phénomène et de garantir une juste répartition des bénéfices qui en découlent, l'Union européenne tente d'établir un modèle de développement durable moyennant une gouvernance multilatérale afin de concilier croissance économique, cohésion sociale et protection de l'environnement.

2.2   Toutefois, la mondialisation économique crée un nouveau scénario dans lequel les décisions adoptées par certains organismes internationaux tels que l'OMC, par exemple, pourraient remettre en question la survie des services d'intérêt général en tant que marque d'identité de ce modèle.

2.3   Il est donc nécessaire, dans ce contexte, de créer des mécanismes juridiques internationaux pour faire en sorte que l'UE et ses États membres garantissent la viabilité des services d'intérêt général sans devoir recourir à des stratégies susceptibles d'entraver l'application des principes de libre échange international ou de porter atteinte à la compétitivité de l'économie européenne.

2.3.1   Par ailleurs, les institutions de l'Union européenne devront accorder une attention particulière au fonctionnement des organismes d'autorégulation qui s'occupent, au niveau mondial, de la définition de règles communes d'action des pouvoirs publics dans des domaines ayant une incidence sur les services d'intérêt général (comme l'Union internationale des télécommunications, UIT).

2.3.2   Dans la Charte européenne des droits fondamentaux (4), l'article 36 établit que l'UE reconnaît et respecte l'accès aux services d'intérêt général, comme le stipulent les législations et pratiques nationales conformément aux traités, afin de promouvoir la cohésion sociale et territoriale, en établissant pour la première fois un lien entre ces services et les droits fondamentaux. (5)

2.3.3   Le traité de Lisbonne renforce largement le rôle de l'Union européenne dans les sphères économique et commerciale. Cette action de l'UE sur le plan international s'avère particulièrement nécessaire dans le contexte actuel de mondialisation croissante de l'économie et de renforcement du système multilatéral du commerce, après l'élan considérable que lui a insufflé la création de l'Organisation mondiale du commerce en 1995.

2.3.4   Le traité de Lisbonne introduit des dispositions d'application générale à toute l'action extérieure de l'Union dans le chapitre I du titre V du traité de l'Union européenne (TUE). Pour sa part, la réglementation correspondant à la politique communautaire est actuellement prévue au titre IX de la troisième partie du TCE, articles 131 à 134, portant sur la «politique commerciale commune». Le traité utilise cette expression pour désigner un ensemble de mécanismes institutionnels d'adoption de décisions dans des domaines matériels concrets en vue d'atteindre certains objectifs, par le biais duquel, la Communauté a la possibilité d'intervenir globalement dans ces domaines matériels (6).

2.3.5   Selon l'article 131 du TCE, la contribution au développement harmonieux du commerce mondial, la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux ainsi que la réduction des barrières douanières constituent des objectifs inhérents à la politique communautaire.

2.3.6   En outre, il faut tenir compte des conséquences que peuvent avoir sur la conception de la politique commerciale, les objectifs des différentes politiques horizontales de la Communauté, comme la politique culturelle, de santé publique (7), de protection des consommateurs et de l'industrie, cette dernière étant, avec les services, celles qui pourraient probablement exercer une plus grande influence, et aussi plus problématique, sur la conduite de la politique commerciale commune.

2.3.7   Le CESE a déjà exprimé son point de vue selon lequel la réforme des traités constitue une avancée surtout en ce qui concerne les services d'intérêt général (SIG), grâce à l'introduction, dans les dispositions sur le fonctionnement de l'Union, d'une clause d'application générale pour les services d'intérêt économique général (SIEG), à l'article 14, applicable à toutes les politiques de l'UE, y compris celles régissant le marché intérieur et la concurrence, ainsi que d'un protocole annexé aux deux traités qui affecte l'ensemble des services d'intérêt général, y compris les services non économiques d'intérêt général (8).

2.4   La récente signature du traité de Lisbonne ouvre à cet égard de nouveaux horizons pour le projet d'intégration européenne, avec de nouvelles dispositions permettant d'offrir une nouvelle fois un cadre juridique supranational mieux adapté à la définition et à la réglementation de l'accès et du fonctionnement de ces services dans tous les États membres de l'UE. Ceci inclut notamment:

le rôle essentiel et le large pouvoir discrétionnaire des autorités nationales, régionales et locales pour fournir, faire exécuter et organiser les services d'intérêt économique général d'une manière qui réponde autant que possible aux besoins des utilisateurs,

la diversité des services d'intérêt économique général et les disparités qui peuvent exister au niveau des besoins et des préférences des utilisateurs en raison de situations géographiques, sociales ou culturelles différentes,

un niveau élevé de qualité, de sécurité et d'accessibilité, l'égalité de traitement et la promotion de l'accès universel et des droits des utilisateurs.

2.4.1   Certains actes en matière de gouvernance de la mondialisation promus par les organismes internationaux multilatéraux, tels que l'OMC, pourraient renforcer cette position, en particulier à travers leurs groupes d'arbitrage qui pourraient jouer un rôle particulièrement important.

2.5   Dans ce cadre supranational, il sera plus aisé d'exercer une véritable influence au sein de la communauté internationale et de se doter des moyens nécessaires pour éliminer les menaces qui pèsent sur notre modèle social. Celui-ci devrait apparaître comme un espace de prospérité démocratique, écologique, concurrentiel, solidaire et socialement inclusif pour tous les citoyens d'Europe (9).

2.6   Par conséquent, l'on peut identifier, dans l'actuel contexte international, divers plans ou strates qui requièrent un traitement stratégique différencié de l'UE, tels que:

2.6.1   La gestion des biens publics mondiaux (air, eau, forêts, etc.) par rapport à laquelle, conformément à l'approche intangible de solidarité, telle que celle adoptée dans la Déclaration relative à l’instauration d’un nouvel ordre économique international (AG de l'ONU, résolution 3201 du 2/05/1974), l'UE devrait promouvoir l'élaboration d'un cadre supranational cohérent avec les décisions et les accords internationaux conclus à cet égard.

2.6.1.1   Les biens publics mondiaux sont des biens ou des services indispensables pour le bien-être des individus ainsi que pour l'équilibre des sociétés du Nord et du Sud de la planète. Ces biens publics mondiaux ne peuvent pas dépendre du niveau national ni du marché: leur préservation et leur production nécessitent une coopération internationale.

2.6.2   Le maintien et le développement de certains services communs dans l'intérêt général des citoyens de l'UE, tels que Galileo, qui requièrent de grands investissements publics.

2.6.3   Le partage des compétences entre l'UE et ses États membres dans la réglementation de l'accès à certains services universels de communications électroniques, comme Internet.

2.6.4   La définition des fonctions des entités sous-étatiques (fédérales, régionales et locales) qui soutiennent, gèrent et réglementent actuellement la prestation de services sociaux, dans un contexte futur d'application d'accords internationaux où le commerce des services sera libéralisé dans des secteurs qui ne le sont pas actuellement ou dont on avait exclu cette possibilité dans un premier temps.

2.6.5   La définition aussi d'une stratégie politique et juridique différenciée sur la situation future des services d'intérêt général prestés en réseau et sur le reste des services.

2.6.6   Malheureusement, il n'y a pas actuellement, dans le cadre des forums internationaux, de processus relatif aux services d'intérêt général qui permettrait de préserver et de diffuser leurs principes et valeurs.

2.6.7   Cependant, depuis janvier 2003, six organisations internationales (la Banque mondiale, la CNUCED-Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement, la FAO, le FMI, l'OCDE et l'ONU) jouissent du statut d'observateur au sein de l'OMC, donnant corps au principe de gouvernance mondiale naissante (à compléter à l'avenir) et aux règles du droit international (accords multilatéraux sur l'environnement, conventions internationales du travail, droits humains, domaine économique et social). Cependant, l'OIT et l'OMS étant absentes, les questions liées à l'emploi et à la santé ne font pas partie de cette gouvernance mondiale naissante. L'Union européenne se doit donc de militer pour que cette lacune soit comblée.

3.   Cadre juridique relatif aux services d'intérêt général que doit préserver l'UE dans le cadre de l'accord AGCS-OMC

3.1   Au cours des dix dernières années, les institutions de l'Union européenne ont progressé dans l'élaboration d'un concept et d'un cadre juridique pour les services d'intérêt général sans toutefois parvenir à mettre sur pied un cadre juridique complet commun en la matière (10).

3.2   Toutefois, il y a lieu de souligner la cohérence organique du Comité économique et social européen, lequel a soutenu, dans plusieurs avis successifs (11), une position consensuelle et permanente sur les aspects juridiques essentiels des services intérêt général (SIG), notamment (12):

répondre aux principes d’égalité, d’universalité, d’abordabilité et d’accessibilité, de fiabilité et de continuité, de qualité et d’efficacité, de garantie des droits des utilisateurs, de rentabilité économique et sociale,

tenir compte des besoins spécifiques de certains groupes d'usagers tels que personnes handicapées, dépendantes, défavorisées, etc.

3.3   À cet égard, le CESE soutient qu'il convient non pas de définir les SIG d'une manière exhaustive mais de se concentrer sur la mission qui est la leur, même si les services d’intérêt économique général se caractérisent par la recherche d’une série de compromis entre:

le marché et l'intérêt général,

les objectifs économiques, sociaux et environnementaux,

des utilisateurs (usagers individuels, y compris les groupes défavorisés, entreprises, collectivités, etc.) qui n’ont pas tous les mêmes besoins ou intérêts,

ce qui relève de la compétence de chacun des États membres et l’intégration communautaire (13).

3.3.1   Les services sociaux d’intérêt général ont, quant à eux, pour finalité (14) de répondre à toutes les situations de fragilisation sociale causées par: la maladie, la vieillesse, l'incapacité de travail, le handicap, la précarité, la pauvreté, l'exclusion sociale, la toxicomanie, les difficultés familiales et de logement, les difficultés liées à l’intégration des personnes étrangères.

3.3.2   Sans préjudice du libre choix des autorités nationales, le CESE considère que parmi ces services d’intérêt national, régional ou communal, il faudrait inclure, sans prétendre être exhaustifs, les services relevant du système obligatoire d’éducation, de santé et de protection sociale, les activités culturelles, caritatives, à caractère social ou solidaire ou des dons ainsi que les services audiovisuels et les services de distribution de l’eau et d’assainissement (15).

3.4   Le CESE considère qu'il serait en revanche plus pertinent de se concentrer sur la mission spécifique des SIG et sur les exigences (de service public) auxquelles ils doivent répondre pour jouer ce rôle, celles-ci devant être clairement établies.

3.5   Le protocole sur les SIG, annexé au traité de Lisbonne, contient une définition de ces derniers à caractère interprétatif, compatible avec la position du CESE. C'est d'ailleurs la première fois que le droit originaire de l'UE aborde spécifiquement cette question et, compte tenu de son caractère contraignant, ce protocole constituera une orientation solide pour l'action institutionnelle de l'UE aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du territoire des États membres.

3.6   Concrètement, l'article 2 du protocole affirme que: «les dispositions des traités ne portent en aucune manière atteinte à la compétence des États membres relative à la fourniture, à la mise en service et à l'organisation de services non économiques d'intérêt général».

3.6.1   Même si le protocole établit une différence implicite entre le caractère économique et non-économique des SIG, étant donné l'absence d'un acte institutionnel établissant un classement de ces services et compte tenu des dispositions de la déclaration sur la délimitation des compétences annexée à l'acte final de la CIG 2007 et du protocole sur l'exercice des compétences partagées annexé au TUE et au TFUE, la position des États membres sur la question reste la référence juridique la plus pertinente à prendre en considération.

Dans ce sens, le suivi des évaluations par la Commission européenne sur la mise en œuvre, au sein des États membres, de la directive sur les services sera très utile, étant donné son impact postérieur sur la négociation et la conclusion d'accords de libéralisation du commerce des services réglementés au sein de l'UE.

3.6.2   Par conséquent, l'action de l'UE dans ce domaine est, pour le moment, soumise à deux conditions:

a)

l'élaboration et l'adoption de futurs actes du droit dérivé devra tenir compte des traditions juridiques des États membres concernant la notion, les catégories et les critères de fonctionnement des SIG;

b)

l'élaboration d'accords internationaux, y compris ceux conclus au sein d'organisations où sont représentés l'UE et ses États membres, ainsi que la définition de positions communes dans des rondes de négociation ou des conférences internationales, devra faire l'objet d'une concertation mixte, États membres-UE et, en tout cas, refléter les éléments essentiels contenus dans le traité de Lisbonne et ceux qui intègrent le régime juridique des États membres réglementant les SIG.

4.   Le cas spécifique AGCS/OMC

4.1   L'Organisation mondiale du commerce (OMC) est l'organisation internationale responsable des normes globales régissant le commerce entre les pays, fondée sur un système multilatéral. Les piliers sur lesquels elle repose sont les accords de l'OMC négociés et signés par la grande majorité des pays qui participent au commerce international (16).

4.2   Son rôle consiste principalement à garantir la circulation la plus fluide, prévisible et libre des flux commerciaux. Pratiquement toutes les décisions sont adoptées par consensus entre tous les pays membres et sont ensuite ratifiées par leur parlement respectif. Les frictions commerciales sont, quant à elles, canalisées à travers le mécanisme de règlement des différends de l'OMC.

4.3   L'accord général sur le commerce des services constitue le premier ensemble de principes et de normes convenus de manière multilatérale pour régir le commerce international des services. L'accord précise les secteurs des services que les membres de l'OMC sont disposés à ouvrir à la concurrence extérieure et spécifie le degré d'ouverture des marchés, parmi lesquels figurent certains SIEG tels que les services financiers, les communications électroniques, les services postaux, les services des transports et de l'énergie, entre autres.

4.4   Le CESE a insisté auprès des autres institutions communautaires (17) pour que les principes régissant les services d'intérêt général déterminent également les positions de l’Union dans les négociations commerciales en particulier dans le cadre de l’OMC et de l’AGCS. Il serait à son sens inadmissible que l’Union européenne prenne, dans le cadre de négociations commerciales internationales, des engagements de libéralisation de secteurs ou d’activités qui n’auraient pas été décidées dans le cadre des règles du traité spécifiques aux services d’intérêt général. La nécessité de maintenir la capacité des États membres à réglementer les services d’intérêt général dans le but d’atteindre les objectifs sociaux et de développement que s’est fixés l'Union impose d’exclure des négociations précitées les services d’intérêt général non réglementés.

4.5   Conformément à l'article 1.3, alinéa b) de l'AGCS, sont en principe exclus de son application «les services fournis au public dans l'exercice de l'autorité gouvernementale». Il faut entendre par là, selon l'alinéa c) du même article, «tout service qui est fourni sur une base commerciale ou qui entre en concurrence avec celui d'un ou de plusieurs autres prestataires de services».

4.5.1   Étant donné que l'AGCS ne fait pas stricto sensu référence aux «services d'intérêt général» sauf à l'alinéa c), ii de l'article XXVIII (18), il laisse planer une large marge d'incertitude concernant l'établissement d'une notion consensuelle et d'un cadre international adéquat pour réglementer le fonctionnement des SIG au sein de l'OMC, ce qui pourrait remettre en question certaines dispositions du droit communautaire.

4.5.2   Étant donné, par ailleurs, la grande quantité de mesures gouvernementales (ou de nature publique) auxquelles s'appliquerait l'AGCS conformément à son article 1.1 (19) ainsi que la position de l'organe d'appel clairement favorable à l'idée d'appliquer l'accord à toutes les mesures dépourvues de justification suffisante et susceptibles de provoquer des distorsions du commerce des services (20), il est nécessaire de définir une position uniforme et ferme de l'UE au sein de l'OMC, en conservant les principes communs et les valeurs qui font partie de l'acquis communautaire.

4.5.3   La seule exception en ce sens, sont les alinéas a) et b) de l'article 2 de l'annexe à l'AGCS sur les services de transport aérien qui exclut de l'application de l'accord et de sa procédure de règlement des différends: «les droits de trafic, quelle que soit la façon dont ils ont été accordés, ou les services directement liés à l'exercice des droits de trafic».

4.6   Cette situation ouvre la voie à plusieurs options sur lesquelles l'OMC devra se prononcer.

4.6.1   Il convient, dans tous les cas, de promouvoir un accord avec l'ensemble des parties contractantes afin de définir la notion de «service fourni dans l'exercice du pouvoir gouvernemental» de l'article I:3 de l'AGCS, afin que les dispositions de l'alinéa b) dudit article, qui envisage d'une manière générale la libéralisation de tous les services quel que soit le secteur économique, n'empêche pas les États d'adopter des mesures d'exception excluant la libéralisation de services sociaux et de services d'intérêt général sans pour autant aller à l'encontre des obligations imposées par l'AGCS en ce qui concerne la suppression des obstacles au commerce des services.

4.6.2   La prestation d'un service peut être évaluée dans différentes perspectives et classée, le cas échéant, comme SIG aux effets de l'application de l'AGCS selon que le service vise les consommateurs du service ou l'entité qui le preste. Seule la préservation de l'intérêt général, au niveau communautaire ou des États membres, et la protection du consommateur des services pourront être invoquées pour exclure les SIG de l'application de l'AGCS étant donné qu'à cet égard il n'est pas pertinent de savoir si le service est presté par une entité publique ou privée, nationale ou étrangère.

4.6.3   Il est nécessaire de concilier la notion communautaire d'entités de crédit de nature publique et de services financiers d'intérêt public (par exemple, les plans de retraite et les pensions publiques), dans le sens où l'entend l'alinéa 3 b) de l'article premier de l'AGCS sur les services financiers qui entend, notamment, par «services fournis dans l'exercice du pouvoir gouvernemental» les «autres activités menées par une entité publique pour le compte ou avec la garantie de l'État ou en utilisant les ressources financières de l'État».

4.6.4   Le G-20 financier (21) pourrait jouer un rôle de «catalyseur», en ce qui concerne les décisions que doivent adopter les organisations internationales spécialisées (comme l'OMS, la FAO, la Banque mondiale, le FMI, etc.) en matière de services financiers et de sauvegarde des principes et des valeurs des services d'intérêt général.

Bruxelles, le 23 octobre 2008.

Le Président

du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  Avis du CESE sur le thème «Favoriser un large accès à la bibliothèque numérique européenne pour tous», paragraphe 1.3, JO C 162, 25.6.2008, p. 46.

(2)  Avis du CESE sur la «Cohésion sociale: donner du contenu à un modèle social européen», JO C 309, 16.12.2006, p. 119.

(3)  Avis du CESE sur «L'avenir des services d'intérêt général», JO C 309, 16.12.2006, p. 135, paragraphe 2.1.

(4)  JOCE C 303, du 14.12.2007 (proclamation solennelle du Parlement européen, du Conseil et de la Commission de 2007).

(5)  Avis du CESE sur «L'avenir des services d'intérêt général», JO C 309, 16.12.2006, paragraphe 3.9.

(6)  Voir «Los objetivos de la Política Comercial Común ala luz del Tratado de Lisboa» (les objectifs de la politique commerciale commune à la lumière du Traité de Lisbonne). Miguel Angel Cepillo Galvín, dans le cadre de l'ouvrage collectif: «El Tratado de Lisboa: salida de la crisis constitucional» (Le Traité de Lisbonne: issue de la crise constitutionnelle). Coordinateurs, José Martín et Pérez Nanclares, Ed. Iustel, 2008.

(7)  Avis du CESE sur le thème «Améliorer la qualité et la productivité au travail», JO C 224, 30.8.2008, p. 87.

(8)  Avis du CESE sur «Une évaluation indépendante des services d'intérêt général», JO C 162, 25.6.2008, p. 42.

(9)  Avis du CESE sur le thème «Cohésion sociale: donner du contenu à un modèle social européen», JO C 309, 16.12.2006.

(10)  Voir résolution du Parlement européen, A.6-0275/2006 du 26.9.2006; Livre blanc de la Commission européenne, COM(2004) 374 du 12.5.2004; communication de la Commission européenne, COM(2007) 725 du 20.11.2007, etc.

(11)  Voir avis exploratoire du CESE sur les SIG, JO C 241 du 7.10.2002, p. 119; avis du CESE concernant le Livre blanc sur les SIG, JO C 221 du 8.9.2005, p. 17; avis d'initiative du Comité économique et social européen sur «L'avenir des services d'intérêt général», JO C 309 du 16.12.2006, p. 135.

(12)  Voir avis du CESE sur le thème «Une évaluation des services d'intérêt général», JO 162, 25.6.2008, paragraphe 3.2.

(13)  Voir avis du CESE sur le thème «Une évaluation des services d'intérêt général», JO 162, 25.6.2008, paragraphe 3.7.

(14)  Voir avis du CESE sur le thème «Communication de la Commission – Mettre en œuvre le programme communautaire de Lisbonne — Les services sociaux d'intérêt général dans l'Union européenne», JO C 161, 13.7.2007, p. 80.

(15)  Voir avis du CESE sur «L'avenir des services d'intérêt général», JO C 309, 16.12.2006, paragraphe 10.3.

(16)  Par la décision 94/800/CE 22 décembre 1994, (JO L 336 du 23.12.1994), le Conseil a adopté les textes juridiques résultant des négociations commerciales multilatérales du cycle de l'Uruguay, conclues avec la signature de l'acte final de Marrakech et la création de l'Organisation mondiale du commerce.

(17)  Avis du CESE sur «L'avenir des services d'intérêt général», JO C 309, 16.12.2006.

(18)  Cet article, qui porte sur les définitions, inclut, parmi les «mesures des membres qui affectent le commerce des services»«l'accès et le recours, à l'occasion de la fourniture d'un service, à des services dont ces membres exigent qu'ils soient offerts au public en général».

(19)  Cet article stipule: «Le présent accord s'applique aux mesures des membres qui affectent le commerce des services».

(20)  Voir l'affaire «États-Unis — Mesures visant la fourniture transfrontières de services de jeux et paris», WT/DS/AB/R(AB-2005-1); l'analyse de Moreira González, C. J. dans «Las cláusulas de Seguridad Nacional» (les clauses de la sécurité nationale), Madrid 2007, pp. 229 et suivantes. Voir aussi l'affaire «Communautés européennes - Régime applicable à l’importation, à la vente et à la distribution des bananes», WT/DS27/AB/R/197.

(21)  Le G20 financier regroupe, outre les pays du G8, 11 ministres des finances et gouverneurs de banques centrales représentant au total 85 % du PIB mondial - plus l'Union européenne (pays exerçant la présidence du Conseil et président de la Banque centrale européenne).


30.4.2009   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/39


Avis du Comité économique et social européen sur «La sécurité de l'aviation pour les passagers»

2009/C 100/07

Le 17 janvier 2008, conformément à l'article 29, paragraphe 2 de son règlement intérieur, le Comité économique et social européen a décidé d'élaborer un avis d'initiative sur

«La sécurité de l'aviation pour les passagers».

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 24 septembre 2008 (rapporteur: M. McDONOGH).

Lors de sa 448e session plénière des 21, 22 et 23 octobre 2008 (séance du 23 octobre 2008), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 94 voix pour et 2 abstentions.

1.   Recommandations

1.1.   Le CESE recommande de créer des normes spécifiques aussi unifiées que possible pour les services de sécurité en matière d'aviation, en complément des normes juridiques communes existantes qui régissent l'approche communautaire de la sécurité de l'aviation civile.

1.2.   Le Comité pense qu'il convient d'exclure tout prestataire de services des activités de sécurité de l'aviation notamment si: il est en état de faillite; il fait l’objet d’une procédure de déclaration de faillite; il a fait l'objet d'un jugement constatant un délit affectant sa moralité professionnelle; il a commis une faute professionnelle grave; il n’est pas en règle avec ses obligations relatives au paiement des cotisations de sécurité sociale; il n’est pas en règle avec ses obligations relatives au paiement de ses impôts et taxes; il a largement déformé la réalité ou omis de fournir des informations dans le cadre d'un appel d'offres; il n'est pas inscrit au registre professionnel alors que la législation nationale l'y oblige. De plus, les prestataires de services de sécurité dans le domaine de l'aviation devraient disposer d'un mécanisme interne de recrutement, garantir une formation suffisante du personnel et être assurés pour les responsabilités éventuelles suivant l'exécution du contrat.

1.3.   Le CESE recommande d'introduire un programme de formation juridiquement contraignant ainsi qu'une formation obligatoire pour le personnel de sécurité dans les 27 États membres de l'UE.

1.4.   Le Comité estime que les mesures doivent être claires et concises.

1.5.   Le CESE estime nécessaire d'informer explicitement les compagnies aériennes, les aéroports et les prestataires de services de sécurité sur l'application de la législation sur les mesures de sécurité et de fournir, sous de strictes conditions, un accès direct à ces règles aux compagnies aériennes, aéroports et prestataires de services de sécurité.

1.6.   Le Comité pense que la publication au Journal officiel de l'UE des passages non sensibles des modalités d'application de la législation contenant des mesures de sécurité qui fixent des obligations ou limitent les droits des passagers ainsi qu'une révision de ces mesures de sécurité tous les 6 mois sont indispensables dans l’ordre juridique communautaire.

1.7.   Le CESE demande à la Commission européenne de prendre des initiatives en ce qui concerne la compensation des victimes d'actes criminels, tels que les attaques terroristes, dans le domaine de l'aviation.

1.8.   Les mesures devraient promouvoir la reconnaissance et l'évolution des carrières dans le secteur de la sécurité.

1.9.   Les mesures devraient viser à éviter les contrôles de sécurité redondants en appliquant le concept de «sûreté à guichet unique» dans l'ensemble de l'UE et promouvoir la reconnaissance des mesures de sûreté des pays tiers.

1.10.   Les mesures devraient développer une approche innovante sur-mesure permettant la différentiation des mesures de sécurité pour les membres d'équipage et les passagers, sans compromettre la sécurité.

1.11.   Le Comité estime que la sécurité de l'aviation doit être une priorité pour l'allocation de fonds à la recherche en matière de sécurité.

1.12.   L'évaluation indépendante des technologies et des critères technologiques par la Commission européenne est indispensable. Le CESE estime qu'en se basant sur cette évaluation indépendante, des standards pour les technologies utilisées en matière de sureté de l'aviation et un registre central de fournisseurs agréés devraient être créés.

1.13.   Le CESE considère qu'il est nécessaire d'instaurer une approche plus coordonnée entre les États membres dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé. De plus, les mesures plus strictes prises au niveau national, qui créent des obligations et/ou limitent les droits des passagers, devraient reposer sur une évaluation des risques, prendre en compte la dignité humaine, être révisées tous les 6 mois et être explicitement communiquées à la communauté des voyageurs.

2.   Introduction

2.1.   Suite aux événements tragiques du 11 septembre 2001, un règlement-cadre du Parlement européen et du Conseil relatif à l'instauration de règles communes dans le domaine de la sûreté de l'aviation civile (1) a été adopté. Il fixe les principales dispositions et normes communes régissant l'approche communautaire de la sûreté de l'aviation civile. Si la législation communautaire fixe les normes fondamentales communes, elle permet également aux États membres (ou aux aéroports) de fixer des normes plus exigeantes, du fait du niveau variable de risque d'attaque terroriste en fonction de l'Etat membre, de l'aéroport ou de la compagnie aérienne.

2.2.   En 2005, la Commission européenne a lancé une procédure de révision de ce règlement-cadre dans le domaine de la sûreté de l'aviation (2), ce qui a conduit à un consensus entre les membres du Parlement européen et le Conseil de l'UE, le 11 janvier 2008, et à l'adoption d'un nouveau règlement-cadre (no 300/2008 (3), le 11 mars 2008. Cette révision avait pour objectif de clarifier, simplifier et harmoniser davantage les exigences légales afin d'améliorer la sûreté globale de l'aviation civile.

2.3.   Il conviendrait de profiter de la dynamique engagée par la révision du règlement-cadre, car il s'agit d'une modification fondamentale des règles régissant la sûreté de l'aviation. La politique commune des transports fut l'une des premières politiques communes de l'UE. Dans ce contexte, le transport aérien revêt une importance capitale pour la liberté de circulation des personnes et des marchandises, deux des objectifs de l'UE. La liberté d'un citoyen de voyager dans un autre Etat membre implique qu'il soit à l'abri du danger. De plus, la perturbation (du fait d'une attaque terroriste, par exemple) du transport aérien aurait des conséquences négatives sur l'économie européenne dans son ensemble. Il est donc clair que la sécurité devrait demeurer un élément clé de la réussite du transport aérien.

2.4.   Malgré les nombreuses initiatives en matière de sûreté de l'aviation, le cadre réglementaire actuel dans ce domaine ne tient pas compte de certaines préoccupations essentielles des passagers, compagnies aériennes, aéroports et prestataires privés de services de sécurité. Le secteur du transport aérien a besoin de mesures plus claires, globales et harmonisées. L'objectif global de la politique de sûreté aérienne devrait donc être de créer un cadre réglementaire clair, efficace et transparent et de donner un visage humain à la sécurité.

3.   La certification des prestataires privés de services de sécurité est indispensable

3.1.   La sûreté de l'aviation étant cruciale pour le fonctionnement du système de transport aérien, la création de normes spécifiques pour les services de sûreté aérienne est indispensable, en plus des normes juridiques communes actuelles qui régissent l'approche communautaire de la sûreté de l'aviation civile. En pratique, les prestataires privés de services de sécurité sont souvent sélectionnés uniquement parce qu'ils proposent les tarifs les plus bas, en dépit de la nature sensible de leur activité. Une nouvelle législation contraignante intégrant ces normes spécifiques devrait permettre de tenir compte des critères de qualité pour la sélection des prestataires de services de sécurité.

3.2.   Lors de la sélection et de l'attribution des critères pour les prestataires de services de sécurité, il conviendrait notamment de tenir compte de leur capacité financière et économique, de leur transparence financière, de leurs compétences et de leur capacité technique, afin d'améliorer la qualité des services.

3.3.   L'EASA (European Aviation Security Association) a récemment lancé une initiative d'autorégulation au travers d'une Charte de qualité et son annexe sur la formation du personnel de sécurité du secteur privé. Les principes avancés dans ce document pourraient servir de base à la certification de toutes les entreprises privées de sûreté aérienne et traduisent l'engagement du secteur à proposer des solutions de qualité.

3.4.   Le CESE recommande l'instauration de critères de qualité juridiquement contraignants pour les prestataires privés de services de sûreté aérienne. Ces derniers pourraient être exclus des activités de sûreté de l'aviation notamment si: ils sont en état de faillite; ils font l’objet d’une procédure de déclaration de faillite; ils ont fait l'objet d'un jugement constatant un délit affectant leur moralité professionnelle; ils ont commis une faute professionnelle grave; ils ne sont pas en règle avec leurs obligations relatives au paiement des cotisations de sécurité sociale; ils ne sont pas en règle avec leurs obligations relatives au paiement de leurs impôts et taxes; ils ont largement déformé la réalité ou omis de fournir des informations dans le cadre d'un appel d'offres; ils ne sont pas inscrits au registre professionnel alors que la législation nationale les y oblige. De plus, les prestataires de services de sécurité dans le domaine de l'aviation devraient disposer d'un mécanisme interne de recrutement, proposer une formation suffisante du personnel et être assurés pour les responsabilités éventuelles suivant l'exécution du contrat.

3.5.   En outre, le CESE propose d'introduire un programme de formation juridiquement contraignant ainsi qu'une formation obligatoire pour le personnel de sécurité dans les 27 États membres de l'UE.

4.   Reconnaissance des vérifications d'antécédents pour le personnel de la sécurité

4.1.   Avant leur embauche, les personnes travaillant dans la sécurité devraient, conformément au règlement-cadre actuel et futur sur la sûreté de l'aviation, recevoir une formation spécifique et se soumettre à une vérification d'antécédents. Il est en effet crucial qu'un futur agent de sécurité n'ait aucun lien avec des groupes terroristes ou criminels potentiels ni aucun antécédent terroriste ou criminel, son travail étant un élément essentiel du système de sûreté de l'aviation.

4.2.   À l'heure actuelle, les vérifications d'antécédents sont réalisées par les autorités nationales, habituellement par le ministère de la justice ou de l'intérieur, dans les limites de leur juridiction. Il n'existe donc pas de reconnaissance mutuelle de ce pré-requis par la majorité des États membres. Cette question est très importante si l'on tient compte de la mobilité des travailleurs, liberté fondamentale établie par le traité de Rome.

4.3.   Le CESE invite le Conseil de l'UE et la Commission européenne (dans les limites de ses compétences en matière de coopération judiciaire et policière dans l'UE) à réfléchir à cette question.

5.   Sûreté à guichet unique

5.1.   Le fait d'attribuer des compétences à l'UE en matière de sûreté de l'aviation a pour principal objectif de réaliser un cadre législatif européen commun pouvant être appliqué de façon cohérente dans tous les États membres de l'UE. Toutes les règlementations européennes devant être appliquées par l'ensemble des États membres, la conséquence logique serait la reconnaissance mutuelle parmi les États membres des normes de sécurité européennes (c'est le concept de «sûreté à guichet unique»). Tout passager, bagage ou cargaison voyageant entre deux États membres de l'UE devrait être considéré comme sûr et ne devrait donc pas être soumis à des contrôles de sécurité supplémentaires au point de correspondance européen vers la destination finale.

5.2.   Le principe de sûreté à guichet unique a été reconnu à l'échelon de l'UE; il est encore renforcé par le nouveau règlement-cadre révisé sur la sûreté de l'aviation. Cependant, la reconnaissance mutuelle dans l'UE des normes de sécurité des États membres n'est toujours pas achevée. Compte tenu du fait que les niveaux de menace divergent selon les États membres, certains ont imposé des mesures de sécurité plus strictes afin de limiter les menaces spécifiques auxquelles ils sont exposés.

5.3.   Cette absence de reconnaissance des normes de sécurité dans l'UE implique la multiplication de contrôles redondants, qui ne se traduisent pas uniquement par des retards et coûts supplémentaires pour les compagnies aériennes mais également par l'utilisation de ressources qui seraient plus utiles pour la protection d'éléments plus vulnérables.

5.4.   Le principe de sûreté à guichet unique, qui devrait être mis en œuvre dans l'UE, doit également être envisagé par rapport aux pays tiers. Il n'y a aucune raison que les avions en provenance de pays dotés de bons systèmes de sécurité aérienne, tels que les États-Unis ou Israël, soit considérés comme «non sécurisés». La reconnaissance mutuelle des normes devrait également être possible avec les pays tiers partageant le même point de vue, ce qui contribuerait à instaurer un système de sécurité équilibré à l'échelle de la planète dans lequel tous les efforts seraient dirigés vers la véritable menace.

5.5.   Le CESE invite donc la Commission européenne à garantir que le principe de sûreté à guichet unique est correctement appliqué dans l'UE et que tout avion reliant deux pays de l'UE est considéré comme sûr. La Commission européenne est également fortement incitée à avancer rapidement en matière de reconnaissance des normes de sécurité des pays tiers, lorsqu'elles peuvent être considérées comme équivalentes, tout particulièrement en ce qui concerne les États-Unis.

6.   Différenciation

6.1.   Compte tenu des prévisions de croissance significative du nombre de passagers aériens pour les années à venir, les contrôles de sécurité actuels auxquels sont soumis les passagers et les bagages ne constituent pas un modèle durable. A l'heure actuelle, tous les passagers sont contrôlés de la même façon et ils doivent tous se soumettre à la même procédure de contrôle de sécurité. Ce processus pénible fait d'ailleurs l'objet de la majorité des plaintes des passagers lorsqu'on leur demande d'évaluer leur voyage. Leur mécontentement est renforcé par le fait que la grande majorité des passagers ne posent aucun problème à la sécurité de l'aéroport ou de l'avion.

6.2.   Là encore, les ressources disponibles pour garantir la sureté de l'aviation sont extrêmement limitées. Il convient tout d'abord de distinguer ce qui est probable de ce qui est possible. La crédibilité du système dans son ensemble doit s'appuyer sur la capacité à répondre aux menaces probables, sans essayer de couvrir la totalité des risques possibles. L'identification d'une menace probable doit reposer sur l'estimation de cette menace et sur l'évaluation du risque pris lorsque les mesures adéquates sont appliquées.

6.3.   Le CESE invite la Commission européenne à réfléchir à une approche visant à passer de la systématisation des contrôles de sécurité effectués sur les passagers à une différenciation proactive des passagers associant la collecte d'informations à la force de dissuasion des mesures de contrôle aléatoires.

7.   Allocation de fonds à la recherche-développement dans le domaine de la sécurité

7.1.   Le CESE se félicite que la somme de 1,2 milliard EUR ait été allouée à la recherche en matière de sécurité, au titre du 7e programme-cadre de recherche. La sureté aérienne devrait être considérée comme une priorité dans l'allocation des fonds du fait des coûts croissants que cela représente pour le secteur et de son impact sur la société dans son ensemble. Par ailleurs, il est capital que les projets sélectionnés correspondent à la politique développée et que les fonds soient disponibles pour la recherche nécessaire à cet égard, telle que la recherche sur les technologies de détection des explosifs liquides ou sur d'autres technologies de détection telles que la biométrie.

7.2.   Par conséquent, le CESE demande à la Commission européenne de coordonner ses travaux en interne afin d'optimiser l'utilisation des ressources financières provenant des contribuables.

7.3.   En outre, le CESE recommande d'allouer des fonds à une évaluation indépendante des technologies et des critères technologiques de la Commission européenne. Il conviendrait ensuite de créer, en se basant sur cette évaluation indépendante, des standards pour les technologies utilisées en matière de sureté de l'aviation ainsi qu'un registre central de fournisseurs agréés.

8.   Difficultés à recruter et conserver le personnel de sécurité

8.1.   Dans certains États membres, les aéroports ou les prestataires de services de sécurité sont confrontés à d'importantes difficultés pour le recrutement du personnel de sécurité. Il est normal que les critères de sélection aient été renforcés, compte tenu de l'importance du rôle de ces agents. Ainsi, outre la nécessité de passer l'étape de la vérification d'antécédents, la nécessité de parler une ou plusieurs langues étrangères et de posséder un certain niveau d'éducation pour être en mesure de comprendre les procédures et de gérer les passagers récalcitrants ne fait que restreindre le nombre de candidats potentiels.

8.2.   Autre problème: une fois le personnel recruté et dument formé, il devient extrêmement difficile de le retenir. La nécessité de travailler en horaires flexibles, la pression constante et le salaire relativement faible font de la profession d'agent de sécurité une profession peu recherchée. Par ailleurs, il est évident que le manque de reconnaissance sociale et de perspectives de carrière entraîne une fuite des compétences vers d'autres secteurs.

8.3.   Le CESE estime que la Commission européenne a un rôle important à jouer dans ce domaine social en promouvant dans l'ensemble de l'UE les avantages que présente une carrière d'agent de sécurité, plus concrètement en revalorisant ces emplois importants.

9.   Responsabilité

9.1.   Le secteur de l'aviation investit dans la prestation de services de haute qualité mais est confronté à des obstacles empêchant d'avoir une vision claire des obligations juridiques, ce qui gêne la bonne mise en œuvre.

9.2.   Le CESE estime que les mesures doivent être claires et formulées aussi simplement que possible dans la pratique. Les règlementations actuelles consistent souvent en une série de règles découlant de différents textes juridiques, avec beaucoup d'exceptions. Il en résulte un ensemble complexe d'obligations qui ne contribuent nullement à l'efficacité et qui augmentent le stress du personnel, les retards et les désagréments pour les passagers.

9.3.   De plus, les utilisateurs finaux des mesures de sécurité, à savoir les compagnies aériennes, les aéroports et les prestataires de sécurité qui appliquent vraiment les mesures, n'ont pas d'accès direct à ces règles. Les principaux prestataires de services, tels que les compagnies aériennes, les aéroports et les prestataires de services de sécurité, sont censés appliquer les règles correctement, mais ils ne sont pas directement informés de ces règles. L'article 254 du traité CE prévoit pourtant que la règlementation doit être publiée au Journal officiel de l'UE. Il est absurde de demander aux prestataires de services d'appliquer des règles qu'ils ne sont pas censés connaître. Dans l'affaire C-345/06 en cours, mieux connue sous le nom d'«affaire Heinrich», l'avocat général Sharpston propose dans ses conclusions de déclarer inexistant le règlement de mise en œuvre sur la sécurité de l'aviation. D'après l'avocat général, la non-publication suivie et délibérée de l'annexe au règlement no 2320/2002, qui contenait notamment la liste des objets interdits en bagage à main, revêt une gravité si évidente qu'elle ne peut être tolérée par l'ordre juridique communautaire (4).

9.4.   Par conséquent, le CESE recommande que les compagnies aériennes, les aéroports et les prestataires de services de sécurité qui doivent appliquer des mesures de sécurité en soient informés clairement et directement. Il convient donc de permettre aux compagnies aériennes, aéroports et prestataires de services de sureté de l'aviation un accès direct à ces règles, sous de strictes conditions. Le fait que les prestataires privés de services de sécurité doivent appliquer des mesures de sécurité et soient jusqu'à un certain point responsables de leur application, sans pour autant être en mesure de pouvoir s'informer directement, nuit à la qualité des services. Toutefois, compte tenu des impératifs de confidentialité de ces règles, il convient de fixer et d'appliquer des conditions spécifiques à cet égard. En outre, le CESE recommande la publication au Journal officiel de l'UE, conformément à l'article 254 du traité CE, des passages non sensibles des modalités d'application du règlement no 2320/2002, qui fixe des obligations ou limite les droits des passagers, ainsi qu'une révision tous les 6 mois des mesures de sécurité fixant des obligations ou limitant les droits des passagers. Le CESE reconnaît la nécessité pour les États membres de pouvoir prendre des mesures plus strictes, du fait du niveau de risque variable. Le CESE estime cependant qu'une approche plus coordonnée entre États membres est nécessaire dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé. De plus, les mesures plus strictes prises au niveau national, qui créent des obligations et/ou limitent les droits des passagers, devraient reposer sur une évaluation des risques, prendre en compte la dignité humaine, être révisées tous les 6 mois et être communiquées à la communauté des voyageurs.

10.   Conséquences d'une attaque terroriste

10.1.   L'un des objectifs de l'UE est la liberté de circulation des personnes et des biens. De plus, l'UE s'est engagée à créer une politique commune des transports et à protéger les droits de l'homme tels que le droit à la vie et à la propriété.

10.2.   Dans l'affaire Cowan (5), la CJCE a conclu que lorsque le droit communautaire garantit à une personne physique la liberté de se rendre dans un autre État Membre, la protection de l'intégrité de cette personne dans l'État Membre en cause, au même titre que celle des nationaux et des personnes y résidant, constitue le corollaire de cette liberté de circulation. Le Conseil de l'UE y a ajouté, dans sa directive no 2004/80/CE, que les mesures visant à faciliter la compensation des victimes d'actes criminels doivent faire partie intégrante de la réalisation de cet objectif. Ces principes s'appliquent dans le cas de victimes d'attaques terroristes dans le domaine de l'aviation civile.

10.3.   Lors de sa réunion des 15 et 16 octobre 1999 à Tampere, le Conseil de l'UE a appelé à l'instauration de règles minimales protégeant les victimes d'actes criminels, notamment en ce qui concerne leur accès à la justice et leurs droits à compensation des dommages subis, y compris les frais juridiques.

10.4.   Compte tenu du fait que les compagnies aériennes, les aéroports et le secteur de la sécurité investissent dans des services de haute qualité, au travers de la recherche, et contribuent ainsi à la sureté de la société sans pour autant disposer des compétences ultimes pour prévenir les attaques terroristes, il convient que l'UE prenne des initiatives pour prêter assistance aux victimes des attaques terroristes.

10.5.   Il n'existe actuellement aucune réglementation européenne en matière de compensation des victimes d'une attaque terroriste. Les victimes sont laissées en attente de l'issue des procédures judiciaires et de solutions proposées à titre gracieux par les États membres. Du fait de l'absence de réglementation européenne commune, ce sont les systèmes nationaux de responsabilité civile qui s'appliquent, ce qui n'est pas satisfaisant et ne protège pas les citoyens des conséquences graves d'une attaque terroriste. Par exemple, les victimes réclamant une compensation doivent lancer de longues procédures judiciaires à l'encontre de terroristes qui ne sont pas toujours faciles à trouver ou qui ne disposent pas nécessairement des ressources financières suffisantes pour compenser les victimes. En outre, différents acteurs concernés, tels que les compagnies aériennes, les aéroports et les prestataires privés de services de sécurité, pourraient être trainés en justice avec une responsabilité potentiellement illimitée sur la base des systèmes nationaux de responsabilité civile. Les solutions d'assurance existantes ne sont pas suffisantes, les compagnies aériennes, les aéroports et les prestataires privés de services de sécurité devant payer des primes s'assurance élevées pour une couverture limitée. En clair, ces acteurs privés ne sont pas en mesure de fournir les compensations nécessaires aux victimes et il n'est pas non plus souhaitable que des acteurs privés paient pour des actions dirigées contre des politiques d'État.

10.6.   Le CESE souhaite attirer l'attention sur l'article 308 du traité CE, qui permet à la Communauté d'agir si deux conditions sont remplies. Premièrement, l'action doit être nécessaire pour remplir l'un des objectifs de la Communauté; deuxièmement, elle ne doit être prévue par aucun autre article du traité CE.

10.7.   Le CESE recommande donc, en tant que solution potentielle, de prendre une initiative sur la base de l'article 308 du traité CE en ce qui concerne la compensation des victimes des attaques terroristes, de la même manière que l'action de l'UE est nécessaire pour atteindre l'objectif de la liberté de circulation des personnes et des biens, pour protéger le fonctionnement du transport aérien ainsi que le droit à la vie et à la liberté des citoyens.

10.8.   Dans le présent avis, le CESE propose à la Commission européenne et au Conseil de l'UE d'appliquer des principes utilisés dans d'autres secteurs (nucléaire, maritime, par exemple), à savoir: une responsabilité stricte plafonnée et concernant un seul acteur, dont la viabilité est assurée par un régime de responsabilité à trois niveaux, à savoir une assurance, un fonds financé par l'ensemble des acteurs concernés et une intervention de l'État.

Bruxelles, le 23 octobre 2008.

Le Président

du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  Règlement (CE) no 2320/2002 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à l'instauration de règles communes dans le domaine de la sûreté de l'aviation civile, JO L 355 du 30.12.2002, p. 1.

(2)  COM (2003) 566, Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 2320/2002 du Parlement européen et du Conseil relatif à l'instauration de règles communes dans le domaine de la sûreté de l'aviation civile, JO C/2004/96.

(3)  Règlement (CE) no 300/2008 du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2008 relatif à l’instauration de règles communes dans le domaine de la sûreté de l’aviation civile et abrogeant le règlement (CE) no 2320/2002, JO L 97 du 09.4.2008, p. 72.

(4)  Conclusions de l'avocat général Mme Eleanor SHARPSTON dans l'affaire C-345/06, 10 avril 2008, www.curia.europa.eu

(5)  CJCE, Ian William COWAN VS. Trésor public, affaire no186/87, www.curia.europa.eu


30.4.2009   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/44


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «L'UE face au défi alimentaire mondial»

2009/C 100/08

Dans un courrier adressé à M. DIMITRIADIS en date du 25 octobre 2007, la présidence française du Conseil a invité le Comité économique et social européen, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, à élaborer un avis exploratoire sur le thème

«L'UE face au défi alimentaire mondial».

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 8 octobre 2008 (rapporteur: M. KALLIO).

Lors de sa 448e session plénière des 21, 22 et 23 octobre 2008 (séance du 22 octobre 2008), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 73 voix pour, 11 voix contre et 27 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.   Le CESE estime que l'UE devrait évaluer les objectifs à long terme de ses politiques agricole et commerciale et vérifier la sécurité de l'approvisionnement alimentaire, eu égard à l'évolution des conditions en Europe et dans le monde.

1.2.   L'UE doit placer la disponibilité de produits alimentaires au cœur de sa politique agricole afin de garantir une production viable dans l'ensemble de ses régions, ce qui doit se faire dans le contexte du bilan de santé de la PAC.

1.3.   La production alimentaire doit être prioritaire par rapport à la production énergétique. Celle-ci doit se limiter aux plantes et à la biomasse qui ne sont pas habituellement utilisées dans la production alimentaire.

1.4.   Un niveau suffisamment élevé des prix à la production permettrait de garantir la stabilité d'une production alimentaire suffisante (secteur primaire et transformation) tant au sein de l'UE qu'au niveau mondial.

1.5.   Il convient d'encadrer le commerce des produits agricoles par des normes visant à garantir que chaque pays dispose à tout moment d'un approvisionnement alimentaire suffisant. Les pays en développement doivent bénéficier d'avantages commerciaux destinés à stimuler leur production nationale.

1.6.   L'Union européenne devrait accroître sa coopération avec les pays en développement pour les aider à moderniser et optimiser leurs chaînes de production.

1.7.   Le CESE souligne que l'UE doit s'efforcer de renforcer les activités des associations de producteurs et des organisations de marché dans les pays en développement afin d'asseoir les bases de l'approvisionnement en denrées alimentaires. L'UE doit, conformément à la proposition, fournir une aide d'une valeur totale d'un milliard d'euros aux agriculteurs des pays en développement.

1.8.   L'UE devrait investir davantage dans les nouvelles technologies, y compris les biotechnologies, afin de développer des applications susceptibles d'être utilisées dans la production.

1.9.   Il est impératif d'améliorer la qualité et d'accroître la sécurité des produits alimentaires par un système d'étiquetage transparent du pays d'origine et une éducation des consommateurs.

1.10.   Les prix à la consommation ne doivent pas être diminués de façon artificielle. Il conviendrait plutôt de mettre en place un régime de compensation des prix dans le cadre de la politique sociale.

1.11.   L'ONU et les autres organisations internationales doivent placer la production alimentaire au cœur de leur stratégie de lutte contre la pauvreté.

1.12.   Pour garantir la disponibilité des ressources alimentaires, il conviendrait de créer un programme imposant la constitution de réserves à l'échelle mondiale à l'instar de celui pour le pétrole en vigueur au sein de l'UE.

1.13.   Afin de garantir la sécurité d'approvisionnement dans l'UE, il est indispensable de trouver un meilleur système de stockage des principaux produits et intrants (protéines, fertilisants, semences, pesticides, etc.); de même, il y a lieu de prendre des mesures actives afin de renforcer la coopération entre les États membres, l'UE et les acteurs du marché.

1.14.   En vue de garantir l'approvisionnement alimentaire, il est impératif d'améliorer la formation dans ce domaine de manière à pouvoir faire face aux nouveaux défis suscités par la crise alimentaire qui touche l'UE, mais surtout les pays en développement.

1.15.   De l'avis du CESE, l'UE devrait créer des entreprises conjointes dans le secteur de l'agriculture et de la pêche dans les pays en développement afin d'améliorer les conditions économiques dans ces pays.

1.16.   Le CESE suggère que la Commission présente des propositions appelant les États membres à investir davantage dans la recherche, le développement et l'innovation pour le secteur de la pêche, et en particulier dans la construction et la maintenance de navires affectés à la recherche océanographique. Leurs études et travaux contribueront non seulement au maintien et au développement d'une pêche durable mais aussi à l'amélioration de l'alimentation et des conditions socioéconomiques des pays les moins avancés.

2.   Introduction

2.1.   La santé des citoyens européens et leur souci de l'avenir, la récente flambée des prix des produits agricoles et alimentaires et la question brûlante de la faim dans le monde, en général, ont placé le défi alimentaire mondial au centre du débat public. Depuis les années 1970, les prix des matières premières dans le secteur des produits agricoles et alimentaires ne cessent de baisser. Leur ajustement à la hausse au cours des trois dernières années est positif pour les acteurs présents mais il a créé des difficultés pour le maillon le plus faible de la chaîne: les consommateurs. S'agissant des produits alimentaires de base, ils doivent payer des prix qui dans certains cas excèdent de beaucoup celui que reçoit l'exploitant agricole. Si une partie de l'agriculture européenne a pu bénéficier de l'augmentation des cours, il convient de souligner la situation critique de l'élevage en Europe, qui ne peut ni faire absorber la hausse des produits d'alimentation animale, ni la répercuter sur le consommateur.. Le présent projet d'avis évaluera les défis alimentaires du point de vue de l'Union européenne et examinera, de manière plus générale, les retombées sociales des politiques communautaires en la matière (1).

2.2.   Le point central de l'évaluation sera l'approvisionnement alimentaire ainsi que la sécurité d'approvisionnement. L'objectif consiste à identifier les défis mondiaux et à suggérer les moyens d'y répondre. Les changements spectaculaires survenus sur le marché ont suscité quelques réactions radicales: certaines sources ont même suggéré de découpler les questions agricoles et alimentaires dans le cadre des négociations à l'OMC et de revenir à un système d'aide lié à la production au niveau européen. Enfin, nous examinerons ces défis et réponses possibles au regard des questions sociales les plus importantes: que signifient-ils pour le consommateur européen? Que signifient-ils pour l'approvisionnement alimentaire à long terme des pays en développement? Comment contribuent-ils à la vitalité des zones rurales?

2.3.   Nous commencerons par passer brièvement en revue le développement de la production agricole et alimentaire européenne ainsi que la politique menée en la matière dans l'UE et par esquisser le cadre dans lequel s'inscrit actuellement la production agricole et alimentaire de l'Union. Ensuite, nous évaluerons les forces de changement externes importantes qui exercent une pression pour développer le cadre existant. Une synthèse sera élaborée sur la base de cette analyse, qui mettra en exergue les principaux défis futurs de l'UE en matière d'approvisionnement agricole et alimentaire ainsi que les modes d'action alternatifs actuellement disponibles. Nous terminerons par une évaluation de ces modes d'action et du rôle de l'UE dans l'approvisionnement alimentaire mondial, à la fois en tant que producteur et consommateur.

3.   Politique agricole et alimentaire de l'UE et évolution du secteur

3.1.   Objectifs agricoles et alimentaires de la CEE et de l'UE et tendances du secteur et des marchés

3.1.1.   La production agricole et alimentaire de l'UE s'est développée au cours des décennies parallèlement au reste de la société. Au début, le volume de production s'est accru, ce qui a généré dans les années 80 un important besoin d'exporter. C'est à cette époque que l'agriculture a été confrontée à des problèmes environnementaux, tels que les problèmes d'épandage de fumier dans les zones de production intensive, les problèmes hydriques, etc.

3.1.2.   En réponse à la production intensive et aux problèmes environnementaux est apparue l'agriculture biologique, qui constitue un exemple de différenciation des produits: certains groupes de consommateurs sont prêts à payer plus cher des produits dont les modes de production sont considérés comme écologiques. Les années 90 resteront dans les mémoires comme la décennie des maladies animales et des zoonoses: le secteur de l'élevage et l'industrie alimentaire de l'UE ont en effet été secoués par la maladie de la vache folle et la peste porcine. La notion de sécurité alimentaire a acquis une importance grandissante dans l'approvisionnement alimentaire et de nombreux pays ont commencé à consacrer davantage de ressources à la lutte et à la prévention contre la salmonelle.

3.1.3.   Les problèmes précités ainsi que les actions entreprises pour les résoudre ont aidé à l'élaboration de la politique agricole et alimentaire dans l'Union européenne. Les questions d'actualité apparues au cours des dernières années concernent la production de bioénergie à partir de matières premières agricoles, autrement dit l'agriculture en tant que source de matières premières pour la bioénergie.

3.1.4.   Un autre aspect qui a vu le jour est la qualité nutritionnelle des denrées alimentaires et son importance pour la santé publique. À cet égard, il convient notamment de s'interroger dans quelle mesure la composition des aliments et l'industrie alimentaire sont responsables du problème grandissant de l'obésité dans les pays occidentaux. C'est une question dont l'industrie alimentaire doit tenir compte notamment lors de l'élaboration et de la commercialisation de ses produits, et à laquelle le consommateur doit réfléchir avant de prendre une décision. Il y a lieu de promouvoir la consommation responsable par le biais de l'éducation des consommateurs.

3.1.5.   La question brûlante du moment est la hausse brutale des prix des denrées alimentaires et des produits finis et intrants agricoles: cette hausse va-t-elle se poursuivre et quels effets aura-t-elle sur l'approvisionnement alimentaire mondial et les conditions de vie des plus pauvres? Les décideurs devraient également tenir compte du changement de la conjoncture des marchés: les mesures politiques adaptées aux marchés caractérisés par de faibles prix des denrées alimentaires et leur baisse continue sont-elles encore applicables dans le contexte actuel?

3.2.   Changements de la politique agricole et de la pêche de l'UE

3.2.1.   La politique agricole de l'UE repose sur un marché intérieur fort et une réglementation des marchés via des régimes d'aide, l'objectif étant d'assurer un approvisionnement alimentaire stable en toutes circonstances dans tous les pays. L'UE a fondé sa ligne d'action sur un modèle agricole européen qui préserve la diversité agricole et assure que la production puisse également avoir lieu dans les régions défavorisées de l'Union. L'objectif poursuivi a été de produire des denrées alimentaires de qualité et sûres, à des prix raisonnables, pour les consommateurs européens.

3.2.2.   L'internationalisation de la politique agricole dans le cadre de la mondialisation a entraîné de nouveaux défis pour la réforme de la politique agricole commune (PAC) de l'UE. Elle a posé des défis ardus en ce qui concerne l'augmentation de la concurrence et la gestion de la politique des revenus des agriculteurs. Les problèmes des marchés agricoles ont longtemps été causés par la faiblesse des prix des produits à laquelle les réformes agricoles mises en place par l'UE ont tenté de remédier.

3.2.3.   Les réformes agricoles de 1999 et 2003 ont abouti à un système plus orienté vers le marché, au démantèlement des régimes d'intervention, à la baisse des frais administratifs et à la suppression du lien entre les subventions directes et le volume de production. S'en sont suivies des réformes d'organisations de marché de nombreux produits, qui ont engendré des difficultés pour certains agriculteurs européens. Ces changements ont jeté les bases des objectifs de l'UE dans le cadre du cycle de négociations commerciales en cours au sein de l'OMC.

3.2.4.   L'UE s'attèle en ce moment à un bilan de santé de la PAC, qui pourrait être l'occasion d'un ajustement de la politique agricole et a pour objectifs principaux d'évaluer la mise en œuvre de la réforme de la PAC de 2003 et d'appliquer à ce processus les ajustements qui sont jugés nécessaires pour simplifier la politique agricole, de manière à ce qu'il soit possible de tirer parti des ouvertures qui apparaissent sur le marché et de relever ses nouveaux défis ainsi que ceux qui se posent à la société. Il survient à un moment où les marchés mondiaux des produits agricoles connaissent de fortes turbulences et où l'approvisionnement en denrées alimentaires s'est considérablement affaibli.

3.2.5.   À l'instar de l'agriculture, la pêche représente une part essentielle de notre approvisionnement alimentaire. En 2005, la production totale de la pêche au niveau mondial a atteint près de 142 millions de tonnes, soit 16,6 kg de poisson par habitant et plus de 15 % de la production mondiale de farine animale. Les produits de la pêche sont un élément important de l'approvisionnement alimentaire. En outre, les activités liées à la pêche et à l'aquaculture constituent une importante source de nutriments, d'emplois et de revenus pour l'Europe et pour les pays en développement. L'Union européenne devrait veiller à ce que les pays concernés puissent également gérer et utiliser leurs réserves ichtyologiques de manière optimale.

3.2.6.   L'action de l'UE dans ce domaine doit passer par une approche globale qui conjugue à la fois utilisation durable des ressources halieutiques et réduction de la pauvreté, tout en garantissant un équilibre entre les pays industrialisés et en développement sur la base des considérations suivantes:

1)

L'UE doit mettre au point des méthodes de pêche locales et favoriser le développement d'une pêche et d'une aquaculture durables et responsables;

2)

L'UE doit continuer à importer des produits de la pêche tout en renforçant la sécurité alimentaire et la protection des consommateurs;

3)

L'UE doit soutenir la présence des pêcheurs européens dans les eaux de pays tiers à condition d'agir clairement dans l'intérêt de ces pays et de leurs citoyens;

4)

Les océans et les mers font partie des ressources naturelles de notre planète et du patrimoine mondial. L'UE doit dès lors veiller à ne pas surexploiter les ressources présentes dans ses eaux ou dans celles des pays tiers.

3.3.   Nécessité de changement: facteurs externes influençant la politique agricole et alimentaire de l'UE

3.3.1.   Le cadre de la politique agricole et alimentaire de l'UE a évolué au cours du dernier demi-siècle comme décrit plus haut et est le résultat à la fois de ses objectifs et possibilités et de facteurs externes. Plus particulièrement, la politique commerciale de l'UE — l'actuel cycle de Doha de l'OMC —, le développement technologique, les défis environnementaux ainsi que les nouvelles tendances sur les marchés alimentaires ont suscité ces facteurs externes de changement et de développement de la politique.

3.3.2.   Les négociations commerciales multilatérales menées dans le cadre du cycle de Doha de l'OMC durent déjà depuis près de sept ans. Elles ont débouché sur un certain nombre de solutions partielles mais dans l'ensemble, les progrès enregistrés sont lents. L'UE a participé très activement au processus de négociations sur un large éventail de sujets. Certains pays n'ont pas souhaité réaliser des avancées susceptibles d'aboutir à un résultat. L'UE a fait des concessions considérables, notamment dans les domaines de l'agriculture et de l'industrie et sur des questions liées aux pays en développement. Il serait important pour le fonctionnement du système commercial international de trouver une solution négociée.

3.3.3.   Le commerce agricole est traditionnellement l'objet d'âpres négociations, car la plupart des pays défendent leur propre production au motif d'assurer leur sécurité fondamentale. D'autres parties prenantes aux négociations sont de très gros exportateurs, mais ne souhaitent pas libéraliser leurs importations. L'UE est un exportateur important de certains produits, mais elle est aussi dans le même temps le principal importateur de denrées alimentaires dans le monde. En 2007, l'industrie européenne a exporté pour 54,6 milliards EUR de produits alimentaires tandis que les importations de l'UE d'aliments transformés ont atteint 52,6 milliards EUR.

3.3.4.   Si les négociations du cycle de Doha devaient déboucher sur une solution dans un futur proche, une nouvelle donne se dessinerait sur les marchés agricoles de l'UE. Sur la base des offres actuellement proposées, les aides à l'exportation seraient supprimées d'ici 2014 et les droits de sauvegarde seraient diminués de plus de 50 %. Ces mesures pourraient signifier une perte économique de plus de 20 milliards EUR pour le secteur agricole de l'UE. La hausse récente des prix agricoles affectera la structure du commerce et l'impact de la solution.

3.3.5.   L'UE a soulevé une série d'aspects importants concernant le commerce agricole, tels que les normes environnementales et sociales et le bien-être des animaux (facteurs non commerciaux). Malheureusement, ces propositions n'ont pas progressé. Les conditions de production et les normes devraient être harmonisées afin d'instaurer des règles de jeu équitables pour le commerce mondial.

3.3.6.   Au cours des négociations, l'UE a fait d'importantes concessions aux pays en développement les plus pauvres, notamment en autorisant des exemptions de droits à l'importation. Elle espère ainsi accroître leurs possibilités en matière de commerce agricole. Par ailleurs, il importe que la production agricole des pays en développement bénéficie de ressources accrues, d'un traitement préférentiel et d'une assistance technique. L'UE devrait également appuyer des projets visant à soutenir la production dans les pays en développement et à inciter les acteurs ruraux à s'organiser. Les conditions commerciales pratiquées dans les pays en développement diffèrent grandement et cette diversité devrait être prise en compte dans les nouvelles règles commerciales.

3.3.7.   Le récent bouleversement de la situation des marchés mondiaux des produits agricoles va affecter le commerce alimentaire et sa structure. Si les augmentations de prix se poursuivent, cela aura indirectement une incidence sur les nouveaux accords et conditions de politique commerciale. L'UE a commencé à étendre les accords commerciaux bilatéraux conclus avec de nombreux partenaires en raison de la difficulté des négociations multilatérales, mais aussi du fait des changements rapides, notamment sur les marchés alimentaires et énergétiques. Le but doit être de parvenir à un accord et à la création d'un mécanisme d'intervention qui permettrait de réduire les fluctuations dans les prix des produits et d'équilibrer les marchés.

3.4.   Évolution environnementale et développement technologique

3.4.1.   Questions environnementales

3.4.1.1.   Les transformations causées par le changement climatique et, en particulier, les mesures politiques qu'il suscite constituent le plus important facteur environnemental. Le changement climatique est lui-même à l'origine de modifications des conditions climatiques mondiales; la production doit s'adapter à ces nouvelles conditions, ce qui réduit la productivité agricole. Les mesures politiques provoquent un autre effet indirect: les actions déployées pour ralentir le changement climatique exigent des ajustements au cas par cas des structures et techniques de production, ce qui réduit la productivité. Outre les effets qu'il produit sur l'agriculture, le changement climatique exerce également une forte influence sur l'industrie alimentaire et sa profitabilité.

3.4.1.2.   La production de bioénergie fondée sur l'agriculture mérite également une mention spéciale. Les marchés alimentaires sont à présent étroitement liés aux marchés énergétiques dans la mesure où la production de bioénergie et la production alimentaire se livrent concurrence pour les mêmes matières premières et parce que la production agricole dépend aujourd'hui fortement de l'utilisation de combustibles fossiles. En raison de cette situation de concurrence, l'évolution du prix sur les marchés énergétiques et les mesures politiques les concernant se répercutent directement sur les marchés alimentaires.

3.4.1.3.   L'utilisation des matières premières adaptées à l'usage alimentaire en vue de la production bioénergétique se traduit par une demande accrue de produits agricoles et une hausse de leurs prix.

3.4.1.4.   L'effet de serre est un phénomène environnemental global qui éclipse de nombreuses autres questions environnementales; parmi celles-ci toutefois, la biodiversité, entre autres, revêt un caractère essentiel de par sa portée générale. Dans l'UE, la protection d'une base génétique variée gagne en importance en ce qui concerne la préservation des zones protégées et des espèces animales et végétales originelles dans le cadre du processus de production ou parallèlement à celui-ci, ou encore en tant qu'activité de banque génétique. En dehors de l'Europe, la nature des besoins est sensiblement la même, mais l'éventail des espèces peut être plus diversifié et les possibilités économiques plus réduites.

3.4.1.5.   Outre la diversité biologique, les maladies animales et zoonoses contagieuses ainsi que les espèces non indigènes représentent un problème dont l'ampleur s'accentue rapidement avec les activités de commerce, de transport et de coopération menées au plan international. À l'échelle de l'UE, la peste porcine, l'ESB, la fièvre aphteuse et la salmonelle figurent probablement parmi les problèmes de sécurité biologique les plus familiers, alors qu'à l'échelle mondiale, c'est l'épizootie de grippe aviaire qui est une source de préoccupation. Les maladies et les nuisibles se propagent de manière individuelle, mais leur point commun est qu'ils affectent directement ou indirectement la production alimentaire et génèrent l'incertitude pour les décisions d'achat des consommateurs. Qui plus est, ils ont un effet significatif à long terme en tant que facteurs de risque pour la sécurité d'approvisionnement.

3.4.2.   Nouvelles technologies

3.4.2.1.   La demande de produits agricoles en tant que matières premières pour la production de bioénergie a essentiellement augmenté grâce aux mesures politiques prises pour lutter contre les menaces sur l'environnement, mais aussi grâce au développement technologique. La biotechnologie offre de multiples nouvelles possibilités d'améliorer l'efficacité de la production et de la transformation des produits sur les marchés alimentaires et non alimentaires. Dans le secteur énergétique, la bioénergie produite à partir de la cellulose commence à émerger aujourd'hui à côté de l'énergie produite à base de matières amylacées en tant que produit commercialisable.

3.4.2.2.   Les innovations biotechnologiques ont permis l'émergence de nombreux modes de production nouveaux sur les marchés. Les progrès dans le domaine des biotechnologies sont considérés comme une avancée majeure permettant d'accroître l'efficacité de la production. Il y a lieu de soutenir ce processus par des efforts en matière de recherche et développement. S'il est vrai que ces technologies apportent des avantages, il convient également de prendre en considération les risques potentiels qu'elles représentent pour la santé et pour l'environnement..Le problème qui se pose à l'heure actuelle est que, dans de nombreux cas, les effets secondaires potentiels de la biotechnologie sur la santé des animaux, des végétaux et des écosystèmes ne sont pas encore clairs.

3.4.2.3.   Le manque de données suffisantes ainsi que les études démontrant les effets secondaires de la biotechnologie moderne sur la santé et l'environnement ont influencé la perception des consommateurs par rapport à l'introduction de cette technologie. Il convient de prêter sérieusement attention à l'avis et aux préoccupations des consommateurs dans les efforts en matière de développement; de plus, les produits mis sur le marché doivent être convenablement étiqueté.

3.5.   Évolution des prix sur les marchés alimentaires

3.5.1.   Au cours des deux dernières années, les prix des biens agricoles et de nombreuses denrées de base importantes ont brutalement augmenté. Plusieurs raisons expliquent cette augmentation, notamment l'accroissement de la demande lié à la croissance démographique, la hausse des prix énergétiques, la diminution mondiale des stocks et l'intérêt que cela a suscité en termes d'investissement et de spéculation sur les biens agricoles, de même que les conditions climatiques, tant les chocs locaux que la menace d'un changement plus permanent.

3.5.2.   Il est difficile de dire sur la base des prévisions comment les marchés évolueront à l'avenir. La baisse de ces derniers mois n'offre aucune indication du niveau auquel les prix vont se stabiliser. Quoi qu'il en soit, la hausse des prix a une incidence marquée dans les pays en développement et ses effets se font sentir également dans les pays développés, y compris dans l'UE.

3.5.3.   Au sein de l'UE, l'augmentation des prix sur les marchés mondiaux a fait naître l'impression qu'il existe une marge de manœuvre légèrement plus grande qu'avant en matière de politique agricole et alimentaire. La hausse des prix des denrées alimentaires semble rapide aux yeux des acheteurs et cela a déjà eu un impact sur l'inflation globale dans les pays de l'UE. Une situation identique, mais beaucoup plus inquiétante, est clairement visible dans les pays en développement: dans nombre d'entre eux, des émeutes liées à l'approvisionnement alimentaire et aux prix des denrées ont même été récemment rapportées. Dans le même temps, il est devenu manifeste que la hausse des prix a eu un effet salutaire sur certains secteurs de la production: pour la première fois depuis des années, des producteurs locaux sont à présent capables de concurrencer les denrées alimentaires importées aux prix des marchés mondiaux. Dans une perspective à long terme, elle peut stimuler la production alimentaire tout en offrant des opportunités de production à la population locale. Pour ce faire, il faut une croissance économique qui donne aux consommateurs suffisamment d'argent pour acheter des produits alimentaires.

3.5.4.   La hausse des prix des denrées alimentaires sur les marchés mondiaux est susceptible d'engendrer un effet positif sur le volume de production alimentaire. Ce nonobstant, des prix plus élevés aggravent la faim dans le monde étant donné qu'il est plus difficile pour les pauvres d'acheter les produits alimentaires essentiels, surtout si une part plus importante de la récolte est destinée à des produits non alimentaires. En tout état de cause, la nouvelle situation a clairement un impact sur la distribution des revenus à l'intérieur des pays et constitue de ce fait une question politique sensible. L'attitude des organisations mondiales concernant les développements futurs reste incertaine.

3.5.5.   Il est entendu que les marchés de produits finis ne sont pas les seuls touchés. Avec la hausse des prix des produits finis, les intrants de production tendent à être plus chers, et inversement. La même situation se vérifie actuellement: les prix de l'énergie et des engrais augmentent et de ce fait les agriculteurs ne s'en sortent pas nécessairement mieux qu'avant. Si l'industrie alimentaire ne parvient pas à conserver sa part relative du prix des produits finals, elle sera, elle aussi, affectée par la hausse des prix des matières premières.

3.5.6.   La hausse des prix est le reflet du nouvel équilibre des marchés que plusieurs facteurs différents ont mis en place. En pratique, elle reflète la capacité de l'industrie alimentaire mondiale à nourrir la population selon ses besoins (autrement dit la sécurité d'approvisionnement planétaire). On a souvent affirmé dans le passé que la faim dans le monde n'était pas le fait d'un manque de possibilités de production mais le fruit des politiques nationales et internationales. Cette conclusion va être réexaminée très prochainement: la croissance démographique constante, le changement climatique et les produits non alimentaires vont-ils, dans un contexte de réduction des énergies fossiles, modifier la situation au point qu'à l'avenir la question de la pénurie alimentaire ne soit plus seulement due aux politiques menées, mais aussi de plus en plus aux restrictions des possibilités globales de production?

3.5.7.   Pour aborder la problématique de l'évolution des prix des produits alimentaires de base, il est, en définitive, nécessaire d'examiner attentivement sa complexité, car il est indispensable d'assurer une transparence dans la formation des prix tout au long de la chaîne de valeur du secteur agroalimentaire. Dans ce contexte, il appartient aux gouvernements de veiller à améliorer la traçabilité des prix, en instaurant les contrôles appropriés afin de mettre en évidence les pratiques abusives de certains acteurs économiques, et en développant, dans le même temps, un travail pédagogique intense destiné à fournir des informations fiables et complètes aux consommateurs.

3.6.   Qualité, sécurité et propriétés nutritionnelles des denrées alimentaires

3.6.1.   Outre la quantité des denrées alimentaires, leur qualité (y compris la sécurité alimentaire), leurs propriétés nutritives et les préférences des consommateurs constituent des facteurs importants sur les marchés alimentaires. La sécurité des denrées alimentaires est déterminée par des normes et surveillée par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) de l'UE.

3.6.2.   L'alimentation est un concept complexe; les choix des consommateurs sont guidés non seulement par les facteurs de santé mais aussi par les comportements culturels. Les effets des aliments sur la santé et la question de la responsabilité font toujours l'objet de débats et les opérateurs du marché n'ont pas trouvé de compromis en la matière.

3.6.3.   Les préférences des consommateurs reposent sur des valeurs ou avis personnels (pour ce qui est de l'alimentation biologique, par exemple) et des aspects culturels impossibles à quantifier. Il ne faut cependant pas sous-estimer l'influence qu'elles exercent sur les marchés alimentaires.

3.7.   Position et rôle des consommateurs

3.7.1.   Il y a lieu de généraliser un mode de consommation responsable et durable, y compris le recyclage. Cela vaut tant pour la chaîne d'approvisionnement que pour les consommateurs. Cet objectif peut être atteint au moyen, notamment, d'un large débat de société.

3.7.2.   Les consommateurs européens considèrent comme acquis que l'alimentation doit être de bonne qualité et vendue à des prix accessibles. Outre le prix, la liberté de choisir et l'éventail des choix sont des éléments importants pour les consommateurs. De manière générale, aucun individu n'est prêt à transiger sur la sécurité alimentaire.

3.7.3.   En pratique, de nombreux consommateurs font toutefois des compromis en ce qui concerne la sécurité des produits alimentaires qu'ils consomment et leur signification culturelle. De plus, nombre de consommateurs attachent de l'importance aux caractéristiques spécifiques des produits alimentaires — les produits issus de l'agriculture biologique ou ceux fabriqués grâce à des matières premières issues d'OGM, par exemple, ont une incidence sur le prix de vente des produits.

3.7.4.   Les problèmes liés à la qualité font ressortir la nécessité d'une information didactique: les consommateurs doivent connaître les avantages ou les risques inhérents aux différents intrants et méthodes de production de manière à pouvoir évaluer en connaissance de cause le risque associé aux produits qu'ils utilisent. Rien n'est jamais totalement noir ou blanc; il faut dépasser ce mode de pensée pour que les consommateurs puissent eux-mêmes évaluer les avantages et les inconvénients de chaque produit.

3.7.5.   Pour les consommateurs, il est vital de connaître les fondements de la qualité sur lesquels ils basent leur choix. Un accès facile des consommateurs aux données relatives à la qualité est une condition essentielle pour gagner leur confiance. De nombreux consommateurs ont souhaité, entre autres, que l'on revienne au système d'étiquetage du pays d'origine, y compris pour les produits alimentaires d'origine européenne. La production européenne s'en tire bien sur les marchés européens grâce à une bonne éducation des consommateurs et à la transparence. La prise en compte de la politique des consommateurs est essentielle pour le développement futur de la production alimentaire.

3.8.   Politique de développement et production alimentaire

3.8.1.   Plusieurs décisions ont été prises dans les forums internationaux concernant l'élimination de la faim dans le monde, tout récemment encore dans le cadre des Objectifs du Millénaire. Jusqu'ici, dans la pratique, les résultats ont été plutôt modestes. Le nombre des personnes souffrant de faim a continué d'augmenter et il y en a encore un milliard de par le monde. L'accroissement du volume de production agricole n'a pas permis de répondre à la croissance démographique et il n'a pas été possible de gérer à l'échelle mondiale la redistribution de la production alimentaire. L'UE a été associée à ces efforts tant au sein des organisations internationales que sur le bilatéral avec les pays en développement. Elle a cherché à jouer un rôle actif en matière de coopération au développement et de politique commerciale dans le but d'améliorer la situation de la production alimentaire des pays en développement.

3.8.2.   La sécurité alimentaire doit être placée en haut de l'agenda de la politique de développement internationale afin de réduire la pauvreté. Le développement de la production alimentaire doit être au cœur de la politique nationale des pays en développement. Chacun d'eux doit élaborer sa propre politique agricole nationale, qui crée les conditions pour organiser l'approvisionnement d'aliments de base à ses citoyens.

3.8.3.   La réalisation de cet objectif exige la création de ressources suffisantes en matière de formation, de conseil et de recherche dans les pays en développement. La communauté internationale et l'UE doivent faire preuve de plus de détermination afin que ces objectifs soient intégrés dans les programmes de politique de développement.

3.8.4.   Les agriculteurs des pays en développement doivent être aidés. En effet, il convient de soutenir les organisations de producteurs dans leurs efforts visant à développer la production, la commercialisation et la transformation et à renforcer leur position sur le marché. La gestion des risques particuliers devrait être renforcée pour améliorer les conditions de production des pays en développement. Parallèlement à la production, il importe également de prêter attention aux aspects sociaux. De même, le système des Nations unies doit agir de manière plus résolue pour améliorer l'approvisionnement alimentaire.

3.8.5.   S'agissant de la politique commerciale, il doit être possible de garantir aux pays en développement un véritable «régime d'aide verte» propre. Pour réaliser cet objectif, il faut veiller à transmettre un important savoir-faire pour l'administration des pays en développement en ce qui concerne la gestion des règles commerciales et la mise en place de systèmes. L'UE pourrait accentuer encore son rôle dans le développement des compétences dans les pays en développement. Une distinction plus claire au sein des pays en développement entre pays les moins avancés (PMA) et grands pays exportateurs améliorerait la situation des plus pauvres. L'UE a fait la promotion de ces objectifs dans le cadre des négociations de l'OMC.

4.   Solutions envisageables au niveau de l'UE et facteurs limitatifs

4.1.   Au cours des dernières décennies, les préoccupations de l'UE ont évolué: dans le cadre du débat alimentaire, il n'est plus question de surproduction; on s'intéresse davantage à l'environnement, au bien-être des animaux et, par conséquent, aux problèmes liés à la santé humaine et animale ainsi qu'à la santé publique. Dans le futur, pas forcément très lointain, nous pourrions assister à un renversement de la situation: en Europe, le débat sur la disponibilité et le prix des produits alimentaires refait surface. Il s'agit d'une tendance qui se profile depuis plusieurs années déjà.

4.2.   Dans le même temps, il est évident que l'Europe n'est pas une île: la pauvreté et les difficultés que suscite celle-ci vont continuer à être la principale préoccupation des pays en développement. Il sera impossible d'éradiquer la pauvreté dans le monde à court terme. L'UE doit continuer à assumer sa responsabilité et poursuivre ses efforts dans la lutte contre la pauvreté.

4.3.   La préoccupation fondamentale de l'UE, et celle du secteur alimentaire, est la disponibilité de l'énergie. Dans sa configuration actuelle, le secteur alimentaire est un gros consommateur d'énergie. Il est par conséquent nécessaire de garantir la sécurité de l'approvisionnement énergétique. L'eau constitue un autre facteur limitatif, notamment à l'échelle mondiale. Il convient de déployer les efforts nécessaires afin d'en garantir une quantité suffisante.

4.4.   L'UE dispose de plusieurs moyens d'action. Elle pourrait, à titre d'exemple, stimuler l'efficacité de l'agriculture et de la pêche européennes. Ce faisant, elle doit également tenir compte des aspects environnementaux, du bien-être des animaux et de la santé publique. Parmi les mesures à mettre en œuvre afin d'optimiser la production, l'UE pourrait accroître la taille des exploitations agricoles et des unités de production, mais, une fois de plus, il conviendrait d'agir dans le respect des exigences relatives à l'environnement et au bien-être des animaux, sans oublier le bien-être des producteurs et la nécessité de lutter contre l'exode rural.

4.5.   L'UE pourrait renforcer la sécurité de ses approvisionnements en constituant des stocks et, entre autres, en diversifiant ses sources d'énergie. Il est impératif d'accroître la production de bioénergie, sans pour autant remettre en cause l'approvisionnement alimentaire.

4.6.   L'UE doit continuer à être animée par des principes humanistes, assumer sa responsabilité quant aux questions liées à l'émigration et aux autres problèmes que rencontrent les pays en développement. En parallèle, elle doit limiter au maximum les risques de conflit dans les régions voisines tout en essayant de faire en sorte que les citoyens aient la chance de pouvoir gagner leur vie chez eux, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'UE.

L'UE devrait soutenir les producteurs des pays en développement et les aider à s'organiser de manière à ce qu'ils puissent, en travaillant ensemble et en partageant leur savoir-faire, répondre mieux aux besoins alimentaires de leurs régions. Les producteurs européens devraient participer à la coopération entre agriculteurs. En juillet 2008, l'UE a adopté la décision de principe de consacrer, dans le cadre du budget agricole, un milliard EUR à l'amélioration des conditions des agriculteurs des pays en développement.

4.7.   Il importe également de développer une consommation responsable et des habitudes alimentaires saines au niveau planétaire: une alimentation riche en matières végétales permettrait à l'humanité de couvrir ses besoins alimentaires et serait produite en consommant beaucoup moins d'énergie qu'un régime riche en protéines animales. Côté production, il est essentiel de poursuivre le développement de la production et d'améliorer les connaissances scientifiques. L'UE doit adopter une attitude proactive dans tous ces domaines, qu'il s'agisse de ses activités propres ou celles relevant d'une coopération internationale.

5.   Sécurité d'approvisionnement — fondement de l'approvisionnement alimentaire dans l'UE

5.1.   La sécurité d'approvisionnement est un mécanisme central permettant de lutter contre les risques de pénurie et d'assurer l'approvisionnement en vivres et produits médicaux dans des circonstances exceptionnelles. Les dispositions nationales en matière de sécurité d'approvisionnement varient considérablement entre les différents États membres. L'adhésion à l'UE est souvent synonyme d'une baisse de la sécurité d'approvisionnement au niveau national puisque l'UE estime pouvoir assumer la responsabilité globale de la sécurité d'approvisionnement par sa gestion des crises. Le marché intérieur de l'UE lui fournit une bonne base pour y parvenir. Les crises survenues au cours des dernières années ont été de nature qualitative et elles n'ont pas comporté d'élément de pénurie de produits de base.

5.2.   L'un des premiers objectifs en matière de gestion de la sécurité d'approvisionnement est d'assurer la production de matières premières à des fins alimentaires. En cas de crise, la distribution de denrées alimentaires peut être régulée et contrôlée. La coopération entre les exploitants agricoles, les distributeurs, l'industrie, les pouvoirs publics et autres organismes revêt un caractère primordial à cet égard.

5.3.   Si la crise est appelée à s'inscrire dans la durée, il est impératif de garantir l'accès aux intrants nécessaires à la production agricole de base que sont les engrais, les sources d'énergie telles que le pétrole, les produits phytosanitaires, les semences, les médicaments vétérinaires, l'eau, etc. La loi oblige les autorités à prendre les mesures qui s'imposent en vue de garantir la disponibilité des intrants nécessaires à la production dans des circonstances exceptionnelles. Pour ce faire, il convient de procéder à une meilleure répartition des tâches et des plans entre les différents acteurs. Les programmes nationaux et le degré de préparation en ce qui concerne la sécurité d'approvisionnement varient d'un pays à l'autre. L'UE est en train d'élaborer de nouveaux programmes, d'autant plus que les risques internationaux sont de plus en plus nombreux.

5.4.   L'Union européenne doit renforcer la sécurité de son approvisionnement alimentaire en mettant en place des mécanismes et des dispositifs plus solides qu'à l'heure actuelle de manière à pouvoir anticiper tout nouveau risque éventuel. Pour ce faire, il est impératif de créer des programmes visant à constituer des stocks suffisants et susceptibles de couvrir les besoins de toute l'Union. Afin de garantir cette sécurité d'approvisionnement, il est fondamental d'assurer la stabilité et le bon fonctionnement des marchés des produits agricoles au sein de chaque État membre et au niveau du marché intérieur. Par ailleurs, en cas de crise, la fiabilité et la rapidité de réaction des différents acteurs concernés sont capitales.

Bruxelles, le 22 octobre 2008.

Le Président

du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  En liaison avec l'élaboration du présent avis, une audition intitulée Quelles sont les perspectives réelles des prix des produits agricoles et alimentaires? a été organisée au CESE le 22 septembre 2008.


ANNEXE

à l'avis du Comité

Les amendements suivants ont recueilli plus du quart des voix et ont été rejetés:

Paragraphe 3.4.2.2

Modifier comme suit:

«Les innovations biotechnologiques ont permis l'émergence de nombreux modes de production nouveaux sur les marchés. Les progrès dans le domaine des biotechnologies sont considérés par certaines entreprises de production de semences et de produits chimiques comme une avancée majeure permettant d'accroître l'efficacité de la production. Il y a lieu de soutenir ce processus par des efforts en matière de recherche et développement . S'il est vrai que ces technologies apportent des avantages, il convient également de prendre en considération les risques potentiels qu'elles représentent pour la santé et pour l'environnement, lesquels doivent être examinés avec soin et faire l'objet de recherches dotées de fonds spécifiques . Le problème qui se pose à l'heure actuelle est que, dans de nombreux cas , les effets secondaires potentiels de la biotechnologie sur la santé des animaux, des végétaux et des écosystèmes ne sont pas encore clairs tous pleinement connus» .

Voix

Pour: 41, contre: 49, Abstentions: 18

Paragraphe 1.8:

Modifier comme suit

«L'UE devrait investir davantage dans les nouvelles technologies adaptées aux critères du développement durable , y compris les biotechnologies , afin de développer des applications susceptibles d'être utilisées dans la production. S'agissant des biotechnologies, le CESE se rallie à la position exprimée par l'Évaluation internationale des sciences et technologies agricoles pour le développement, une initiative de la Banque mondiale, de l'Organisation des Nations unies pour l'agriculture et d'autres institutions publiques, qui a fait valoir en avril 2008 que les problèmes d'alimentation qui sévissent au niveau mondial à l'extérieur de l'UE ne peuvent être résolus par le génie génétique, ni par les biotechnologies, ni par une approche de l'agriculture fondée sur la poursuite de l'utilisation de produits chimiques, mais en premier lieu par des procédés traditionnels et par l'agriculture biologique».

Voix

Pour: 39, contre: 47, Abstentions: 19

Paragraphes 3.4.2.1 et 3.4.2.2:

Modifier comme suit:

«3.4.2.1

La demande de produits agricoles en tant que matières premières pour la production de bioénergie a essentiellement augmenté grâce aux mesures politiques prises pour lutter contre les menaces sur l'environnement, à l'augmentation de la population mondiale et au changement des habitudes alimentaires (tels que l'accroissement de la consommation de viande) , mais aussi grâce au développement technologique. La biotechnologie offre de multiples nouvelles possibilités d'améliorer l'efficacité de la production et de la transformation des produits sur les marchés alimentaires et non alimentaires. Dans le secteur énergétique, la bioénergie produite à partir de la cellulose commence à émerger aujourd'hui à côté de l'énergie produite à base de matières amylacées en tant que produit commercialisable.

3.4.2.2

Les innovations dans le domaine de l'élaboration de méthodes respectueuses de l'environnement et des normes sociales pour accroître l'efficacité de l'élevage (telles que l'hybridation intelligente) et de l'agriculture doivent continuer à être biotechnologiques ont permis l'émergence de nombreux modes de production nouveaux sur les marchés. Les progrès dans le domaine des biotechnologies sont considérés comme une avancée majeure permettant d'accroître l'efficacité de la production. Il y a lieu de promues et soutenues soutenir ce processus par des efforts en matière de recherche et développement. S'il est vrai que ces technologies apportent des avantages, il convient également de prendre en considération les risques potentiels qu'elles représentent pour la santé et pour l'environnement . Le CESE partage la position exprimée dans l'Évaluation internationale des sciences et technologies agricoles pour le développement, selon laquelle les problèmes d'alimentation, qui se sont aggravés au niveau mondial et notamment à l'extérieur de l'UE ne peuvent être résolus que par des méthodes adaptées à la situation locale, c'est-à-dire par des procédures traditionnelles, l'agriculture biologique etc., mais en aucun cas par le génie génétique».

Voix

Pour: 34, contre: 53, Abstentions: 21


30.4.2009   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/53


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Dépasser le PIB — Indicateurs pour un développement durable»

2009/C 100/09

Les 16 et 17 janvier 2008, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2 de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur

«Dépasser le PIB — Indicateurs pour un développement durable».

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement» (en l'occurrence l'Observatoire du développement durable), chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 8 octobre 2008 (rapporteur: Martin SIECKER).

Lors de sa 448e session plénière des 22 et 23 octobre 2008 (séance du 22 octobre 2008), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 114 voix pour, 2 voix contre et 8 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.   Le PIB est un indicateur important de la croissance économique, mais insuffisant lorsqu'il s'agit de définir la ligne politique à suivre pour relever les défis du 21e siècle. D'autres indicateurs complémentaires sont nécessaires à cet effet. Telle est la conclusion de la conférence de la Commission européenne des 19 et 20 novembre 2007 à Bruxelles sur le thème «Dépasser le PIB», ainsi que de la conférence du 10 janvier 2008 à Tilburg intitulée «Een comfortabele waarheid» (Une vérité confortable).

1.2.   Le PIB est un bon indicateur du rythme de l'économie qui montre les efforts consentis pour gagner de l'argent, sans se soucier de savoir si cela génère des produits et services utiles ou si cela nuit à l'homme et à l'environnement. Nous avons surtout besoin d'appareils de mesure indiquant la distance qui nous sépare encore d'une économie durable et solidaire.

1.3.   Comme il s'agit de deux approches différentes (la durabilité et le bien-être), nous avons besoin de deux instruments de mesure différents. La durabilité se réfère à un environnement sain actuel et futur, à une solidarité intergénérationnelle et constitue une condition, tandis que le bien-être concerne le développement social et constitue une variable objectif. En ce qui concerne la durabilité, il suffit de garantir le maintien du mode de vie à long terme au niveau mondial. Si ce critère est respecté, il est inutile de chercher à renforcer encore la durabilité. Il en va autrement pour le bien-être: plus son niveau est élevé mieux c'est; il est donc logique de chercher constamment à l'améliorer.

1.4.   Il existe un indicateur de la durabilité et de l'évolution de cette dernière: à savoir, l'empreinte écologique qui constitue, malgré ses lacunes, le meilleur indicateur global disponible en matière de développement durable sur le plan environnemental.

1.5.   L'empreinte écologique est un excellent outil de communication et l'un des rares, sinon l'unique, à prendre en compte les conséquences environnementales de nos modes de consommation et de production (importations et exportations) pour les autres pays. Il peut être affiné en cours d'utilisation et remplacé à l'avenir, lorsque d'éventuels instruments plus efficaces seront mis au point.

1.6.   Le défi consiste donc à mettre au point un indicateur du développement social qui mesure les différents aspects de la qualité de vie de manière à en donner une image réaliste. Le présent avis est consacré à cet indicateur de la qualité de vie étant donné qu'il n'existe pas (encore) d'instrument politique de ce type qui soit fonctionnel.

1.7.   Un indicateur de la qualité de vie utilisable sur le plan pratique et fiable sur le plan scientifique doit couvrir des domaines considérés comme cruciaux pour la qualité de vie et répondre aux critères suivants:

Composé de facteurs objectifs qui déterminent les capacités des personnes,

Sensible à l'influence de la politique,

Données disponibles dans les délais,

Comparable d'un pays à l'autre,

Comparable dans le temps,

Compréhensible pour le grand public.

1.8.   Les six domaines suivants sont généralement considérés comme essentiels pour la qualité de vie:

Intégrité physique et santé,

Bien-être matériel,

Accès aux services publics,

Activités sociales et intégration des nouveaux arrivants,

Loisirs,

Qualité de l'environnement.

Les données de base nécessaires pour mesurer l'évolution dans ces domaines sur le plan national sont disponibles dans les États membres de l'UE. Il convient cependant d'affiner ces données (fréquence, collecte, traitement).

1.9.   L'indicateur décrit ici n'est pas parfait. Nous ne le considérons pas comme une proposition mais comme une contribution aux discussions actuelles sur le sujet. La mesure est un processus dynamique: en effet, l'on mesure l'évolution d'une société. Cette évolution peut à son tour faire naître le besoin d'autres données ou de données plus approfondies. La définition d'un indicateur constitue également un processus dynamique et doit être précédée de débats et de discussions, comme il sied à toute société démocratique.

1.10.   La transition vers une politique plus exclusivement basée sur la croissance économique mais également influencée par des facteurs sociaux et environnementaux peut déboucher sur l'avènement d'une économie plus durable et solidaire. Il ne s'agit pas d'un projet à court terme: il est beaucoup trop ambitieux. Pour en assurer la faisabilité, il est évident qu'il faut se limiter aux États membres de l'UE, en incluant éventuellement les candidats croate et turc et les pays présentant un développement économique comparable tels que les États-Unis, le Canada, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Japon. Les énormes divergences sur le plan du développement économique empêchent la création d'un instrument unique et compréhensible qui permette de mesurer l'évolution des pays développés et des pays en voie de développement selon la même échelle.

2.   Limites du PIB

2.1.   Le bonheur est le but ultime de toute personne. La tâche principale des autorités est de créer les conditions offrant à tout un chacun la meilleure possibilité d'atteindre le bonheur. Cela signifie que les autorités doivent en permanence prendre le pouls de la société afin de rassembler les informations pertinentes sur son état. Mesurer, c'est connaître: ce n'est que lorsqu'on connaît le motif d'un sentiment de mécontentement et la raison qui en est à l'origine que l'on peut tenter d'y remédier.

2.2.   Le produit intérieur brut (PIB) est actuellement le plus souvent utilisé par les autorités en tant qu'instrument de mesure pour représenter l'état dans lequel se trouve la société. Le PIB a été introduit en tant qu'instrument de mesure après la grande récession et la seconde guerre mondiale qui s'en est suivie au siècle dernier. Il constitue pour les décideurs l'indicateur principal, pour ne pas dire exclusif, permettant de mesurer notamment les performances et activités économiques. Il est basé sur un système internationalement reconnu de comptes nationaux établis selon une procédure unique. En outre, tout est converti dans une seule et unique unité de mesure: l'argent. C'est ce qui explique pourquoi le PIB est un bon instrument de comparaison entre les différents pays.

2.3.   Il ne fournit toutefois pas d'informations sur le bien-être (bonheur) des personnes ou sur le degré de durabilité du développement de la société. Le PIB par habitant des États-Unis figure parmi les plus élevés au monde, mais les Américains ne sont pas pour autant plus heureux que les citoyens d'autres pays, sans parler du caractère durable de la société américaine. À l'échelle mondiale, le niveau du PIB par habitant est supérieur à ce qu'il était il y a 60 ans. Cette croissance n'a toutefois pas engendré une augmentation notable du bonheur. En effet, en dehors des soupirs entendus un peu partout, ces regrets du temps jadis où tout allait mieux, on a enregistré en 2008 le nombre record de 900 millions de personnes souffrant de la faim, c'est-à-dire 900 millions de personnes malheureuses.

2.4.   Les évolutions actuelles de la société et les rapports économiques existants diffèrent fondamentalement de la situation qui prévalait au milieu du siècle passé. Les pays développés, notamment, éprouvent de plus en plus le besoin de mesurer des éléments qui ne sont pas le résultat de transactions commerciales ou de procédures économiques formelles. Nombre de ces éléments et besoins ne sont pas suffisamment voire pas du tout pris en considération par le PIB.

2.5.   Un PIB en hausse peut cacher une baisse sensible de prospérité et de bien-être. Par exemple, le fait qu'un pays décide d'abattre toutes ses forêts, de vendre le bois et de mettre les enfants au travail au lieu de les envoyer à l'école serait très bénéfique pour le PIB puisque les chiffres de la croissance économique feraient apparaître une plus grande prospérité matérielle. Cette croissance ne serait absolument pas durable et les gens — surtout les enfants — n'en deviendraient pas (plus) heureux.

2.6.   Les catastrophes naturelles et politiques peuvent également avoir un effet positif sur le PIB. L'ouragan Katrina a été une bénédiction pour le PIB de la Louisiane du fait des efforts remarquables et des activités économiques qui ont dû être déployés pour la reconstruction. Cette remarque vaut aussi pour le PIB d'une série de pays asiatiques et africains après le tsunami et pour le PIB de presque toutes les économies européennes après la seconde guerre mondiale. Outre le fait que tout le monde n'a pas, loin s'en faut, participé proportionnellement à l'augmentation de cette prospérité, ces catastrophes n'ont pas particulièrement contribué à améliorer le bien-être de la population ou la durabilité de la société.

2.7.   D'autres exemples, moins extrêmes, font aussi apparaître les limites du PIB en tant qu'instrument de mesure. Une plus grande prospérité matérielle génère une augmentation des ventes de véhicules et la construction de routes supplémentaires. Cela conduit aussi à une hausse des accidents et des coûts (remplacement/réparation du véhicule, frais de soins destinés aux blessés/invalides, accroissement des primes d'assurance), voire même à certains excès, tels que le commerce d'armes et la vente d'antidépresseurs aux enfants. Tout cela contribue à gonfler le PIB mais pas à réaliser le but ultime de toute personne qu'est la béatitude, à l'exception peut-être des quelques individus dont ces activités sont le gagne-pain.

2.8.   La prédominance du PIB se vérifie surtout lorsque ce dernier est en baisse: la panique s'installe alors, ce qui n'est pas toujours justifié. La baisse du PIB peut être la conséquence d'une évolution positive. Si demain, tout le monde remplace ses ampoules traditionnelles par des LED, l'on enregistrera une importante dépense unique pour ces nouvelles ampoules mais également une baisse structurelle substantielle de la consommation d'énergie, et donc du PIB, du fait que ces ampoules n'utilisent qu'une fraction de l'électricité requise par les ampoules classiques.

2.9.   Bref, le PIB est un bon indicateur pour mesurer les performances économiques, mais il n'existe pas de lien direct entre la croissance économique et les progrès accomplis dans d'autres domaines de la société. Pour que le tableau soit complet, il conviendrait de disposer aussi d'indicateurs qui reflètent le développement d'autres aspects, notamment sociaux et environnementaux.

3.   Autres facteurs du bien-être

3.1.   La discussion relative à la nécessité de disposer d'autres instruments de mesure en plus du PIB se tient simultanément sur plusieurs fronts. Ainsi, outre la conférence «Au-delà du PIB» organisée par la Commission européenne à Bruxelles (1) les 19 et 20 novembre 2007, s'est déroulée à l'Université de Tilburg (2) le 10 janvier de cette année une conférence sur le thème «Een comfortabele waarheid» (Une vérité confortable). Ces deux conférences ont clairement présenté des résultats parallèles, soulignant toutes deux la nécessité d'autres facteurs indicatifs en plus de la croissance économique. Le PIB est un bon indicateur du rythme de l'économie qui montre les efforts consentis pour gagner de l'argent, sans se soucier de savoir si cela génère des produits et services utiles ou si cela nuit à l'homme et à l'environnement. Nous avons surtout besoin d'appareils de mesure indiquant la distance qui nous sépare encore d'une économie durable et solidaire. Peu après la création du PIB, des économistes de renom tels que Samuelson (3) avaient déjà préconisé d'introduire dans le produit intérieur brut des aspects non matériels tels que l'environnement et les valeurs naturelles pour élargir la portée du PIB à des aspects autres que purement économiques. Ces tentatives n'ont toutefois pas réussi à faire adopter une version adaptée du PIB, ce qui implique que le PIB classique est encore prédominant à l'heure actuelle. Certains scientifiques se sont penchés intensivement sur cette question. Leurs idées sont brièvement exposées ci-dessous.

3.2.   Richard LAYARD, professeur britannique d'économie du travail, constate dans son livre «Happiness» («Le prix du bonheur») (4) que les Occidentaux ne sont pas parvenus à être heureux au cours des cinquante dernières années, malgré une prospérité matérielle nettement plus grande. Pour Richard LAYARD, la cause réside dans l'énorme concurrence que tout le monde se livre, chacun ayant essentiellement l'ambition de gagner davantage qu'un autre. Cette fixation unilatérale a conduit à un recul dans certains domaines plus importants pour le bien-être des personnes: stabilité de la famille, plaisir de travailler et bonnes relations avec les amis et la communauté. C'est ce qui ressort des statistiques concernant le nombre croissant de divorces, l'augmentation du stress sur le lieu de travail et la hausse de la criminalité. Pour restaurer l'équilibre, il convient de mettre davantage l'accent sur l'égalité dans la possibilité de gagner des revenus que sur l'égalité des revenus.

3.3.   Dans sa théorie de l'économie du bien-être, l'économiste indien Amartya SEN  (5) insiste sur le fait que la prospérité ne concerne pas les biens mais les activités au profit desquelles ces biens sont acquis. Les revenus offrent des possibilités aux individus de déployer des activités. Ces possibilités — que Sen appelle «capacités» — dépendent également de facteurs tels que la santé et la durée de vie. Des informations relatives au taux de mortalité sont surtout importantes dans les pays en développement dans la mesure où elles constituent de bons indicateurs, notamment en matière d'inégalité sociale et de qualité de vie.

3.4.   Dans son nouvel ouvrage intitulé «Frontiers of Justice» (Les frontières de la justice), la philosophe américaine Martha NUSSBAUM  (6) décrit dix droits sociaux minimaux qui sont essentiels pour mener une vie digne. Elle fait valoir qu'une société manque à ses responsabilités et n'est pas tout à fait équitable si elle ne peut garantir un niveau seuil approprié de ces droits et libertés à l'ensemble de ses citoyens. Concrètement, il s'agit de la capacité de mener une vie humaine d'une durée normale, d'être en bonne santé, de se déplacer librement, d'utiliser son esprit, de s'attacher à des choses et des personnes en dehors de soi, de se forger une conception du bien, de vivre avec et pour les autres à l'exclusion de toute discrimination, de vivre dans le souci des animaux et de la nature et en relation avec ces derniers, de rire et de jouer, de participer aux choix politiques et d'accéder à la propriété. Cette liste n'est pas absolue et peut être étoffée.

4.   Autres indicateurs

4.1.   Outre le PIB, il existe diverses initiatives permettant de mesurer d'autres éléments importants pour dresser le bilan d'une société. À titre d'information, voici un aperçu et une brève description de quatre des indicateurs utilisés à cet effet. On pourrait en citer d'autres, comme l'initiative du Conseil fédéral du développement durable en Belgique (7), l'indice canadien du mieux-être (ICME) (8), le bonheur national brut au Bhoutan (9), l'initiative Quars en Italie (10), la commission Stiglitz en France (11), le projet mondial de l'OCDE (12) visant à mesurer les progrès, ainsi que les données disponibles d'Eurofound (13). Nous ne pouvons toutefois tous les décrire ici.

4.2.   L'Indice de développement humain (IDH) (14) est un indicateur servant à mesurer les progrès de la société et des groupes qui la composent. Cette méthode est utilisée depuis 1993 par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) afin d'élaborer un rapport annuel sur la situation par pays. Outre les revenus, l'espérance de vie, le taux d'alphabétisation et le niveau d'éducation sont pris en compte. Par ailleurs, depuis 1977, est publié un Indice de pauvreté humaine (15), qui prend en considération l'accès à l'enseignement, l'accès à une alimentation sûre et une eau saine ainsi que l'accès aux services de santé. L'IDH est notamment basé sur les théories d'Amartya SEN. L'IDH fonctionne très bien dans les pays en voie de développement, mais est moins adapté pour évaluer les progrès des pays développés.

4.3.   L'empreinte écologique  (16) part du principe que la consommation peut être convertie en une surface qui est nécessaire à la production des ressources consommées. Elle permet de comparer l'impact environnemental de différents comportements de consommation (modes de vie) ou de différents groupes de population (pays). À l'échelle de la planète, 1,8 hectare de terres productives par habitant sont disponibles pour satisfaire la consommation individuelle. Actuellement, 2,2 hectares par personne sont utilisés au niveau mondial: l'humanité est donc en train d'entamer rapidement les réserves de la terre. Les différences sont toutefois énormes: aux États-Unis, l'empreinte écologique moyenne représente 9,6 hectares par habitant, contre 0,5 hectare au Bangladesh. Ces problèmes augmenteront si notre politique ne change pas. De moins en moins de terres productives sont disponibles du fait de l'érosion et de la désertification, et avec l'accroissement démographique ce nombre réduit d'hectares doit être partagé entre de plus en plus de personnes. En outre, la demande s'accroît, notre plus grande prospérité ayant pour effet d'augmenter notre consommation. L'empreinte écologique constitue un bon indicateur du développement durable, mais elle ne fournit aucune information sur le bien-être des individus.

4.4.   L'indice des conditions de vie  (17) (Leefsituatie Index) fournit une description et une analyse systématiques des conditions de vie de la population néerlandaise Cet indice est également appelé sociale staat van Nederland — SSN (état social des Pays-Bas). Il décrit l'évolution des conditions de vie sur une période d'environ dix ans. Les thèmes examinés sont les revenus, le travail, l'enseignement, la santé, les loisirs, la mobilité, la criminalité, le logement et l'habitat. Un indice récapitulatif est repris en complément des chapitres sectoriels. Des données sur l'opinion publique relative à la politique et aux autorités sont également présentées. L'enquête est publiée tous les deux ans par le Nederlandse Sociaal Cultureel Planbureau (Bureau du plan social et culturel des Pays-Bas). L'indice des conditions de vie n'a jamais fait autorité aux Pays-Bas: il consiste avant tout en un salmigondis d'éléments divers et variés et ne fournit pas une image cohérente et fiable du bien-être général.

4.5.   Ruut VEENHOVEN, professeur à l'Université Erasmus de Rotterdam, effectue depuis trente ans des recherches à l'échelle mondiale sur le sentiment de bonheur. Il conclut dans sa World Database of Happiness  (18) (base de données mondiale sur le bonheur) que la corrélation entre l'argent et le bonheur est extraordinairement faible. On remarque chez les gens qui perçoivent plus d'argent un regain de bonheur éphémère, qui se dissipe toutefois au bout d'une année. Généralement, la sensation de bonheur est plus profonde chez une personne libre de son temps et de ses choix. Ruut VEENHOVEN fait d'ailleurs une distinction claire entre les pays développés et les pays en développement. Une hausse des revenus dans les pays en développement donne lieu à un sentiment de bonheur plus intense et plus durable que dans les pays développés. Cette différence disparaît lorsque le PIB par habitant dépasse un seuil de revenus situé entre 20 000 et 25 000 dollars. L'inconvénient de cette base de données réside dans le fait que des divergences entre les préférences individuelles peuvent jouer un rôle lors de l'évaluation de la sensation de bonheur. Par ailleurs, la politique publique est peu susceptible d'influencer la sensation de bonheur.

5.   Applications possibles

5.1.   Il existe globalement deux manières de mettre un terme à la prédominance du PIB dans la politique socio-économique. La première solution consiste à élaborer une série d'autres indicateurs relatifs à la durabilité et au bien-être (ou à certains de leurs aspects) qui revêtent la même importance politique que le PIB. La deuxième solution consiste à remplacer le PIB par un nouvel indicateur global intégrant tous les éléments pertinents de la durabilité et du bien-être. Ce nouvel indicateur devra alors devenir un indicateur-clé de la politique socio-économique.

5.2.   La première option, c'est-à-dire une série d'autres indicateurs en plus de celui du PIB, a été mise en œuvre mais le résultat n'est pas concluant. Il existe de nombreux indicateurs qui permettent de mesurer divers aspects de la durabilité et du bien-être: les indicateurs de la démocratie, du bonheur et de la satisfaction globale, de la santé, du niveau de formation, du niveau de culture, de la liberté d'expression, de la criminalité, de la qualité de l'environnement, des émissions de CO2, de l'empreinte écologique, etc. Ces indicateurs bénéficient toutefois d'un intérêt moindre par rapport au PIB, qui est toujours considéré comme l'indicateur de notre bien-être le plus complet et le moins contesté.

5.3.   La deuxième option, c'est-à-dire un indicateur global en remplacement du PIB, est compliquée car elle concerne deux questions fondamentalement différentes: la durabilité et le bien-être. La durabilité constitue une condition, tandis que le bien-être constitue une variable objective. En ce qui concerne la durabilité, il suffit de garantir le maintien du mode de vie à long terme sur le plan mondial. Une fois ce critère satisfait, il est inutile de chercher à renforcer encore davantage la durabilité. Il en va autrement pour le bien-être: il est toujours préférable d'avoir le meilleur bien-être possible; il est donc logique de chercher constamment à améliorer le bien-être.

5.4.   Étant donné qu'il est difficile de regrouper ces deux questions sous un dénominateur commun, une troisième possibilité se profile: deux indicateurs pour compléter le PIB, un indicateur de la durabilité et un indicateur mesurant la qualité de vie. Il existe un indicateur de la durabilité et de l'évolution de cette dernière: à savoir, l'empreinte écologique qui constitue, malgré ses lacunes, le meilleur indicateur global disponible en matière de développement durable sur le plan environnemental. L'empreinte écologique est un excellent outil de communication et l'un des rares, sinon unique, à prendre en compte les conséquences environnementales de nos modes de consommation et de production (importations et exportations) pour les autres pays. Il peut être affiné en cours d'utilisation et remplacé à l'avenir, lorsque d'éventuels instruments plus efficaces seront mis au point. Il n'existe pas encore d'indicateur du développement social qui mesure efficacement différents aspects de la qualité de vie de manière à en donner une image réaliste. Cet avis est consacré exclusivement à un tel indicateur de la qualité de vie.

6.   Indicateur de la qualité de vie

6.1.   Un indicateur de la qualité de vie utilisable sur le plan pratique et fiable sur le plan scientifique doit couvrir des domaines généralement considérés comme cruciaux pour la qualité de vie et répondre aux critères suivants:

Composé de facteurs objectifs qui déterminent les capacités des personnes,

Sensible à l'influence de la politique,

Données disponibles dans les délais,

Comparable d'un pays à l'autre,

Comparable dans le temps,

Compréhensible pour le grand public.

6.2.   Les domaines de la vie qui, au sein de l'UE, sont généralement considérés comme cruciaux pour la qualité de vie et qui répondent à ces critères sont les suivants:

Intégrité physique et santé. Cet indicateur mesure le pourcentage de la population qui n'est pas entravé physiquement dans son fonctionnement, que ce soit par un obstacle «interne» (maladie, handicaps) ou «externe» (criminalité et prison).

Bien-être matériel. Il s'agit du revenu disponible standard moyen en parités de pouvoir d'achat, le meilleur critère global du pouvoir d'achat effectif du citoyen moyen. Le pouvoir d'achat de différents pays est rendu comparable par la correction des différences entre les niveaux de prix dans ces pays.

Accès aux services publics. Le pourcentage du PIB qui est consacré aux soins de santé, à l'enseignement, aux transports publics, au logement et à la culture.

Activités sociales. Le pourcentage de la population de 20 à 65 ans qui effectue un travail rémunéré, ainsi que le pourcentage de la population des plus de 20 ans qui effectue un travail bénévole. Avoir un emploi rémunéré est généralement considéré comme l'une des principales formes de participation et d'intégration sociales. En dehors de cela, le bénévolat est important pour le maintien d'une grande variété de structures sociales au sein de la société permettant de combattre la domination de l'économie. Compte tenu de la mobilité accrue des citoyens, il est important d'accueillir les nouveaux arrivants et de favoriser leur intégration culturelle et sociale au sein des communautés existantes.

Loisirs. Le nombre moyen d'heures de loisirs dont dispose la population des 20 à 65 ans et qui ne sont pas consacrées à l'enseignement, ni au travail rémunéré ou non rémunéré (y compris les trajets, les travaux ménagers et les soins apportés aux autres). Le temps libre lié à une période de chômage non souhaité doit être décompté. Il est essentiel de disposer, en dehors d'un emploi rémunéré, de suffisamment de loisirs pour pouvoir prendre le temps de concrétiser ses projets de vie.

Qualité de l'environnement. Le pourcentage que représente la nature par rapport à l'ensemble de la superficie du pays + le pourcentage de la population non exposée à la pollution de l'air. Il ne s'agit pas en l'occurrence de la contribution de la nature et de l'environnement à la durabilité du développement socio-économique (l'empreinte écologique est un indicateur spécifiquement destiné à cet effet), mais bien de la qualité de vie des citoyens. L'indicateur se limite par conséquent aux deux aspects de la nature et de l'environnement que les citoyens peuvent directement juger positivement ou négativement.

6.3.   Plusieurs unités sont utilisées pour l'évaluation de ces six domaines. Pour pouvoir synthétiser ces évaluations au sein d'un indicateur global, il faut d'abord les rendre comparables. La méthode la plus simple (et la plus efficace) consiste à calculer, pour chaque indicateur partiel, et selon une méthode statistique reconnue et appliquée sur le plan international, un score normalisé (score Z). Il s'agit d'une variable pour laquelle la moyenne vaut zéro et l'écart-type 1. Cela signifie en gros que sur l'ensemble des pays, un tiers obtient un score situé entre 0 et + 1, un autre tiers entre 0 et - 1, un sixième supérieur à + 1 et un sixième inférieur à - 1. L'indicateur global peut ensuite être calculé: il est égal à la moyenne des scores Z des six domaines.

6.4.   Pour mesurer l'évolution dans le temps, il ne faut pas recalculer chaque année les scores Z sur la base de la moyenne et de l'écart-type applicables à ce moment-là. Dans ce cas, la qualité de vie moyenne serait par définition identique chaque année. C'est pourquoi la moyenne et l'écart-type de la première année d'utilisation de l'indicateur sont également appliqués lors du calcul des scores Z des années suivantes. Si la moyenne est supérieure à l'année précédente, cela signifie que la qualité de vie moyenne s'est réellement améliorée.

6.5.   Pour le grand public qui ne connaît pas nécessairement les notions mathématiques utilisées en statistiques, le résultat de ce calcul n'est pas très parlant. Pour répondre au sixième critère (compréhensible pour le grand public), il est préférable de dresser un classement annuel de sorte que chacun puisse directement constater les bons (ou les mauvais) résultats de son pays par rapport aux autres pays et par rapport aux résultats de l'année précédente. De tels classements sont généralement très éloquents et peuvent renforcer la popularité de l'instrument et par là-même favoriser une amélioration de la qualité de vie.

7.   Pour une politique plus équilibrée

7.1.   Les données nécessaires pour faire un tour d'horizon de l'évolution dans ces six domaines sont généralement disponibles dans tous les États membres, même si la fréquence et la qualité peuvent (encore) varier. Les comptes rendus financiers et économiques sont monnaie courante depuis très longtemps: des informations à ce sujet sont disponibles quotidiennement sous la forme de cours boursiers. Le bilan sur l'environnement et la qualité de vie est relativement nouveau, ce qui explique la quantité beaucoup plus limitée d'informations disponibles. Les statistiques environnementales et sociales datent souvent de deux à trois ans. Une des principales conditions à remplir pour pouvoir disposer d'un indicateur complet et de qualité est l'obtention d'une certaine cohérence concernant la qualité et la disponibilité des données. Mais la base est bien présente: en principe, il est possible de commencer à élaborer cet indicateur relativement rapidement, à condition qu'un accord politique soit conclu. Sur le plan politique, un tel indicateur peut s'avérer intéressant de par son potentiel de croissance supérieur à celui du PIB, à tout le moins dans un avenir proche au sein de l'UE.

7.2.   Il ne suffit pas de mesurer, il faut également utiliser le résultat lors de l'élaboration de la politique. Le 21 siècle voit naître une série de problèmes pour lesquels il n'existe pas encore d'approche sûre du fait de leur caractère récent. Une rapidité de réaction s'impose car en l'absence de solutions structurelles, nous allons épuiser les ressources de la planète. En évoluant vers une politique qui ne se fonde pas uniquement sur la croissance économique, mais également sur le développement durable aux niveaux économique (continuité de l'activité économique), social (permettre aux individus de vivre en bonne santé et de générer des revenus et garantir à ceux qui n'en ont pas la capacité un niveau raisonnable de sécurité sociale) et environnemental (protection de la biodiversité, évolution vers une production et une consommation durables), il sera possible d'apporter une solution maîtrisée à une série de questions cruciales (emploi, inégalité, formation, pauvreté, migration, bonheur, changement climatique, épuisement des ressources de la planète).

7.3.   L'indicateur que nous venons de décrire n'est pas parfait. Nous ne le considérons pas comme une proposition mais comme une contribution aux discussions actuelles sur le sujet. Peut-être faut-il augmenter le nombre de domaines, peut-être faut-il définir plus précisément les critères que doivent remplir les domaines. Un tel indicateur sera toujours perfectible. Le fait de mesurer constitue un processus dynamique puisqu'il porte sur l'évolution d'une société. Ces modifications peuvent à leur tour susciter le besoin d'indicateurs différents ou plus précis. La définition d'un indicateur constitue également un processus dynamique et doit être précédé de débats et de discussions, comme il sied à toute démocratie.

7.4.   Il ne s'agit pas d'un projet à court terme: il est beaucoup trop ambitieux. Pour en assurer la faisabilité, il est évident qu'il faut se limiter aux États membres de l'UE, en incluant éventuellement les candidats croate et turc et les pays présentant un système politique et économique comparable tels que les États-Unis, le Canada, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Japon. Les énormes divergences sur le plan du développement économique empêchent la création d'un instrument unique et compréhensible qui permette de mesurer l'évolution de la qualité de vie des pays développés et des pays en voie de développement selon la même échelle. Les accords entre les systèmes politiques de ces pays ne reprennent pas l'indicateur des libertés démocratiques comme l'un des domaines cruciaux pour la qualité de l'existence car cet acquis est considéré comme évident au sein de ce groupe de pays.

7.5.   La politique plus uniquement axée sur l'importance unilatérale de la croissance économique mais également sur des facteurs sociaux et environnementaux peut déboucher sur des choix politiques meilleurs et plus équilibrés et donc sur une économie plus durable et plus solidaire. Le Comité espère que la Commission européenne fera une déclaration claire à ce sujet dans son rapport de situation sur la stratégie européenne en faveur du développement durable qu'elle publiera en juin 2009. L'objectif poursuivi pourrait être le modèle social européen tel qu'il a été défini dans un avis antérieur du Comité (19). Ce modèle a pour vocation première d'ouvrir la voie vers un espace de prospérité démocratique, écologique, compétitif et solidaire et source d'intégration sociale pour tous les citoyens d'Europe.

Bruxelles, le 22 octobre 2008.

Le Président

du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  www.beyond-GDP.eu

(2)  www.economischegroei.net

(3)  P. A. Samuelson, «Evaluation of real national income», Oxford Economic papers, 1950: 2: 1-29.

(4)  R. Layard, «Le prix du bonheur. Leçons d'une science nouvelle», Armand Colin, 2007.

(5)  A. Sen, «Commodities and capabilities», Amsterdam North Holland, 1985.

(6)  M. Nussbaum, «Frontiers of justice: Disability, Nationality, Species membership», Harvard University Press, 2006.

(7)  www.duurzameontwikkeling.be

(8)  www.statcan.ca

(9)  www.bhutanstudies.org.bt

(10)  www.sbilanciamoci.org

(11)  http://stiglitz-sen-fitoussi.fr/fr/en/index.htm

(12)  http://www.oecd.org/statsportal

(13)  http://www.eurofound.europa.eu

(14)  www.eurofound.europa.eu/

(15)  http://hdr.undp.org/en/statistics/

(16)  www.footprintnetwork.org

(17)  http://hdr.undp.org/en/statistics/indices/hpi/

(18)  http://worlddatabaseofhappiness.eur.nl/

(19)  JO C 309, 16 décembre 2006, p. 119.


30.4.2009   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/60


Avis du Comité économique et social européen sur le thème La sécurité sanitaire des importations agricoles et alimentaires

2009/C 100/10

Par lettre du 3 juillet 2008, la Présidence française a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur le thème

«La sécurité sanitaire des importations agricoles et alimentaires» (avis exploratoire).

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 8 octobre 2008 (rapporteur: M. BROS).

Lors de sa 448e session plénière des 21, 22 et 23 octobre 2008 (séance du 22 octobre 2008), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 92 voix pour, 1 voix contre et 4 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.   Suite à des crises alimentaires graves, l’Union européenne s’est dotée d’un dispositif sophistiqué de sécurité sanitaire, avec l’objectif d’assurer un niveau élevé de protection de la santé des consommateurs, ainsi que de la santé animale et végétale. Or dans un contexte d’accroissement des échanges commerciaux mondiaux de denrées agricoles et alimentaires, les risques sanitaires augmentent, et les accidents sanitaires liés aux importations sont encore fréquents dans l’UE. Ces accidents sanitaires représentent des risques pour la santé humaine, animale et végétale, et engendrent des coûts considérables pour la collectivité.

1.2.   Le CESE accueille favorablement le mémorandum appuyé par 15 États membres au Conseil Agriculture de juin 2008, et intitulé «Importation d’aliments, d’animaux et de végétaux: sécurité sanitaire et conformité aux règles communautaires» (1). À travers cet avis, le Comité souhaite contribuer à la réflexion sur les marges de perfectionnement du dispositif européen de sécurité sanitaire. L’OMC fournit un cadre juridique indispensable pour éviter les barrières au commerce non justifiées. Le CESE est attaché au respect de ces règles, tout en proposant certains ajustements.

1.3.   Considérant que les différences de pratiques entre États membres sur les contrôles à l’importation sont très nuisibles, le CESE recommande que l’harmonisation de ces pratiques soit poursuivie et mise en œuvre rapidement.

1.4.   Constatant que de nombreuses mesures efficaces de gestion sanitaire des importations concernent uniquement les produits d’origine animale, le CESE estime que certaines mériteraient d’être étendues aux produits d’origine végétale. Ceci permettrait de mieux surveiller les risques de résidus de pesticides, de contaminations par des agents toxiques, ou les maladies des plantes. En particulier, le CESE recommande d’augmenter le nombre de missions d’inspection pour les produits végétaux et de soumettre leurs importations à des listes d’établissements agréés et à des contrôles systématiques au point d’entrée.

1.5.   Le CESE estime que les décisions concernant les mesures d’importation doivent le plus possible reposer sur des données objectives. Pour cela le Comité souhaite que les principes de l’analyse de risque soient systématiquement appliqués, et que les niveaux appropriés de protection, prévus par l’accord sur l'application de mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS), soient mieux définis.

1.6.   Les facteurs socio-économique tels que les impacts économiques d’une décision, ou son acceptabilité sociale, devraient faire l’objet d’une évaluation indépendante et aussi rigoureuse que l’évaluation du risque sanitaire. Différents pays comme le Canada et le Royaume-Uni disposent déjà d’unités d’experts socio-économiques au sein de leurs agences de sécurité sanitaire. Le CESE propose que la Commission évalue l’opportunité de mettre en place une agence indépendante d’analyse socio-économique.

1.7.   Le CESE estime que le système de traçabilité, au cœur du modèle européen de sécurité sanitaire, et qui permet d’avoir l’information sur un aliment «de la ferme à la table», devraient pouvoir s’appliquer aux produits originaires de pays tiers. Ce thème devrait être prioritaire dans les négociations bilatérales ainsi que dans les programmes d’assistance technique dans les pays les moins avancés.

1.8.   Le CESE attire l’attention sur les difficultés éprouvées par les producteurs des pays les moins avancés pour appliquer les normes sanitaires européennes. Il encourage le développement de l’assistance technique au commerce, du transfert de technologies et de l’appui à la mise en place de systèmes de traçabilité et d’alerte rapide dans ces pays.

1.9.   Les exigences qui s’appliquent aux produits agricoles et alimentaires importés sont inférieures à celles qui s’imposent aux produits issus de la communauté, dans des domaines comme la traçabilité, le bien-être animal ou plus largement les normes environnementales. Considérant que les règles internationales du commerce ne permettent pas suffisamment aujourd’hui d’invoquer ces domaines importants pour l’UE, le CESE souhaite vivement que la Commission propose une stratégie pour la défense de ces préférences collectives européennes. Le CESE considère que l’UE devrait être à l’avant garde de la défense de la prise en considération des autres facteurs légitimes dans le commerce international. Pour cela elle devrait assumer ses préférences collectives, défendre les «autres facteurs légitimes» dans les instances internationales, et relancer les débats sur le lien entre l’OMC et les autres accords internationaux.

2.   Observations générales

2.1.   À la suite des crises sanitaires qui ont frappé l’UE, une vaste refonte de la législation alimentaire a été engagée par la Commission européenne. Un nouveau cadre institutionnel et législatif très élaboré a été mis en place, représentant un réel progrès.

2.2.   Le règlement 178/2002 précise que «la Communauté a choisi un niveau élevé de protection de la santé» et ajoute que la législation s’applique «de manière non discriminatoire aux échanges tant nationaux qu'internationaux de denrées alimentaires et d'aliments pour animaux» (2).

2.3.   Le modèle européen est fondé sur quelques principes forts:

la traçabilité «de la ferme à la table»: «la capacité de retracer, à travers toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution, le cheminement d’une denrée alimentaire (3)»,

la séparation entre l’évaluation des risques et la gestion des risques,

la responsabilité juridique de tous les acteurs de la chaîne alimentaire,

un système d’alerte efficace.

2.4.   Les accidents sanitaires liés à des produits importés sont pourtant encore aujourd’hui fréquents. Dans les dernières années l’UE a connu les résidus de pesticides dans les fruits importés, les aflatoxines dans les fruits à coque et le maïs, les résidus de médicaments vétérinaires dans les produits d’origine animale, la fièvre aphteuse, etc. En 2007, 314 alertes déclenchées par le Système d’Alerte Rapide concernaient des produits originaires de pays tiers (4), soit 32 % du total. Ces problèmes récurrents révèlent certains dysfonctionnements auxquels il est nécessaire de remédier.

2.5.   Les accidents sanitaires liés aux importations constituent à la fois une menace pour la sécurité des consommateurs européens, et un coût élevé pour la collectivité. Lorsqu’une alerte est déclenchée, les opérations de rappel ou de retrait du marché d’une denrée sont lourdes pour les entreprises concernées. De même les mesures sanitaires destinées à éradiquer une maladie animale ou végétale d’une zone, comme par exemple l’obligation de vacciner les troupeaux, ou l’obligation d’appliquer des insecticides sur toute une région, ont des impacts importants, qui peuvent être durables.

3.   Mieux anticiper les risques sanitaires

3.1.   Afin de réduire la fréquence de ces accidents sanitaires, des marges de manœuvre existent pour permettre de mieux anticiper les risques sanitaires.

3.2.   L’harmonisation communautaire des pratiques de contrôle des importations est en cours et doit être une priorité. Les différences de pratiques entre États membres sur les contrôles à l’importation sont très nuisibles. Il n’est pas acceptable que des opérateurs commerciaux puissent choisir de faire entrer leurs marchandises dans le marché unique à travers le pays où ils savent que les contrôles seront moins sévères. Par exemple, il a été rapporté que les importateurs d’agrumes tendent à éviter les ports espagnols, car c’est là que se trouvent les laboratoires les plus pointus dans les maladies ou résidus liés à ces plantes.

3.3.   Bon nombre des mesures de gestion de sécurité sanitaire des importations ne s’appliquent aujourd’hui qu’aux animaux vivants et aux produits d’origine animale. Aujourd’hui, certains risques comme les résidus de pesticides, les contaminants physiques ou chimiques par des agents cancérigènes ou toxiques (ex: métaux lourds, biotoxines, colorants, etc.) ou les maladies des plantes, devraient être mieux surveillés. Des mesures efficaces mériteraient donc d’être étendues aux produits d’origine végétale.

3.4.   Tout d’abord, les missions d’inspection pourraient être accrues dans certaines catégories de produits végétaux. En effet, dans la programmation de l’Office Alimentaire et Vétérinaire (OAV) pour 2008, seule une mission sur trois concerne les produits végétaux.

3.5.   D’autre part, les importations de produits d’origine végétale devraient être soumises à une liste de pays et d’établissements agréés, comme cela est fait pour une quinzaine de catégories de produits animaux.

3.6.   Les importations de produits végétaux devraient être également soumises à des contrôles systématiques dès le premier point d’entrée, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Pour les produits animaux les PIF (points d’inspection frontaliers) ont prouvé leur efficacité. Il conviendrait également d'améliorer la coopération entre les instances publiques de contrôle et les services de contrôle privés des importateurs. Il est de plus en plus fréquent que les importateurs fassent réaliser des analyses sur le lieu de production déjà. L'autorité de contrôle des denrées alimentaires devrait pouvoir avoir accès à ces résultats.

3.7.   Enfin, la base de données «TRACES», qui permet d’enregistrer et d’échanger les informations relatives aux échanges et importations d’animaux vivants et denrées d’origine animale, pourrait être étendue au domaine phytosanitaire, en liaison avec le système «EUROPHYT».

4.   Approfondir l’utilisation des principes de l’analyse du risque

4.1.   Les principes de l’analyse de risque sont définis par les organisations internationales reconnues par l’OMC comme un processus en trois étapes: l’évaluation des risques, la gestion des risques et la communication sur les risques. La réforme de la législation alimentaire européenne a constitué un premier pas vers l’application de l’analyse du risque. La création de l’AESA a permis de séparer l’évaluation des risques et la gestion des risques, ce qui est fondamental. Fondée sur des preuves scientifiques disponibles et «menée de manière indépendante, objective et transparente» (5), l’évaluation des risques menée par l’AESA permet au gestionnaire du risque, la Commission ou les États membres, de décider des mesures nécessaires.

4.2.   Cependant, les mesures à l’importation décidées par la Commission, qu’il s’agisse de suspendre un flux d’importation ou de le maintenir, sont parfois incomprises à la fois au sein de l’UE et par les pays tiers. Les vifs débats provoqués au sujet des importations de poulet chloré américain ou de bœuf brésilien en sont des exemples récents. Dans certains cas la Commission est accusée d’accorder la priorité aux intérêts commerciaux, au détriment des consommateurs. Le CESE estime que les décisions de mesures à l’importation devraient reposer plus fortement sur des données objectives.

4.3.   Mais il existe souvent des conflits d'objectifs qui doivent être bien pesés. Lorsqu'il y a arbitrage entre différents objectifs, il convient d'assurer la transparence de ce processus vis-à-vis des consommateurs.

4.4.   Le CESE encourage la Commission à appliquer plus systématiquement des principes de l’analyse du risque, en donnant les moyens à l’AESA d’en mettre en place la méthodologie.

4.5.   L’accord SPS dans son article 5.7 autorise à recourir à des mesures provisoires, lorsque les preuves scientifiques quant à l’innocuité d’un produit ou d’un procédé sont insuffisantes. Les règles internationales reconnaissent donc le principe de précaution tel que le définit le droit communautaire. L’accord SPS permet aussi d’appliquer des normes plus exigeantes que les normes internationales, à condition de définir le «niveau de protection approprié». L’UE devrait s’attacher à mieux définir ses propres niveaux de protection appropriés, afin de pouvoir y faire référence dans l’analyse du risque.

4.6.   D’autre part, comme le précise la réglementation, «l'évaluation scientifique des risques ne peut à elle seule, dans certains cas, fournir toutes les informations sur lesquelles une décision de gestion des risques doit se fonder et d'autres facteurs pertinents doivent légitimement être pris en considération» (6). Ces facteurs, également reconnus par l’accord SPS, peuvent concerner l’impact économique, l’acceptabilité sociale, ou le rapport coût bénéfice d’une décision. Ils sont aujourd’hui évalués par les études d’impact de la Commission ou les consultations.

4.7.   Or les facteurs socio-économiques devraient aussi être évalués de façon objective et indépendante, avec la même rigueur scientifique que l’évaluation du risque sanitaire, et à l’aide d’experts dans des disciplines comme l’économie, la sociologie et le droit. Différents pays comme le Canada et le Royaume-Uni disposent déjà d’unités d’experts socio-économiques au sein de leurs agences de sécurité sanitaire (7). Le CESE souhaite que la Commission évalue l’opportunité de mettre en place une agence indépendante d’expertise socio-économique.

5.   Le problème des exigences différentes pour les produits importés

5.1.   Les exigences qui s’appliquent aux produits agricoles et alimentaires importés sont, dans plusieurs domaines, inférieures à celles qui s’imposent aux produits issus de la communauté. Ce n’est pas le cas dans les normes privées que l’industrie applique à tous ses fournisseurs, mais ça l’est pour certaines exigences réglementaires. Par exemple, l’obligation de tracer les animaux dès leur naissance, de respecter des conditions de garantie du bien-être animal, ou l’interdiction d’utiliser certains pesticides ne s’appliquent pas aux produits originaires de pays tiers.

5.2.   Une réglementation européenne, comme celle sur la sécurité sanitaire, qu’on la considère fondée ou non, est le reflet d’une préférence collective de l’UE. Le processus institutionnel qui a abouti à cette règle, à travers les débats au Parlement, au Conseil, et avec la société civile, est supposé être l’expression légitime d’un choix des européens. Les mesures imposées aux producteurs sont le résultat de ce choix collectif et s’appliquent à tout le monde au sein de l’UE. Or lorsque ces mesures ne s’imposent pas aux producteurs des pays tiers, on retrouve sur le marché intérieur à la fois des produits qui ont respecté ces conditions et des produits qui ne l’ont pas fait.

5.3.   Ce problème, qui existe dans d’autres domaines (normes environnementales, droits sociaux, etc.), n’est pas acceptable pour les consommateurs. Ceux-ci peuvent acheter, sans en être conscients, des produits qui ne correspondent pas aux choix des européens. Par exemple, le consommateur peut aujourd’hui trouver sur le marché, de façon légale, des oranges originaires de pays tiers qui ont été traitées au «Lebaicid», un puissant insecticide dont la matière active est le Fention. Ce produit est pourtant interdit d’utilisation dans l’UE depuis plusieurs années pour des raisons environnementales. Les préférences collectives des européens sont ainsi en quelques sortes abusées, et les consommateurs trompés.

5.4.   Les normes européennes qui ne s’appliquent pas aux produits importés sont également source de distorsion de concurrence pour les producteurs européens. L’institut de l’élevage français a tenté d’évaluer certains de ces surcoûts. Concernant la traçabilité par exemple, d’importants efforts ont été déployés en Europe pour mettre en place l’identification des animaux. Ces investissements représenteraient pour la production bovine 0,4 EUR/100 kg de carcasse, soit près de 32 millions d’EUR pour l’UE-25. Concernant le bien-être animal, l’obligation de case collective pour les veaux de boucherie représente un coût de 4 EUR/100 kg de carcasse, soit 31 millions d’EUR pour l’UE-25.

6.   Impacts des normes européennes sur les pays en développement

6.1.   L’UE est le premier importateur des produits agroalimentaires en provenance des pays en développement (PED), notamment du fait d’importantes concessions commerciales accordées historiquement. La CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement) alerte régulièrement sur les conséquences des normes sanitaires européennes sur les producteurs et les entreprises des pays les moins avancés.

6.2.   L’UE ne peut pas transiger sur la sécurité sanitaire. Cependant, conscient de cet enjeu, le CESE encourage l’assistance technique, le dialogue et la coopération avec les partenaires commerciaux les plus vulnérables. Il encourage aussi la Commission à poursuivre son initiative de soutien à la mise en place des systèmes de traçabilité et d’alerte rapide dans les PED.

7.   Principe d’équivalence et traçabilité

7.1.   Les accords SPS et OTC (obstacles techniques au commerce), constituent pour les membres de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) un cadre juridique indispensable pour éviter les restrictions aux importations injustifiées et permettre une plus grande transparence dans les conditions d’accès au marché.

7.2.   Le droit communautaire précise que les denrées importées doivent respecter la législation alimentaire européenne, «ou les conditions que la Communauté a jugées au moins équivalentes» (8). Le CESE souhaite attirer l’attention sur les risques d’une interprétation trop large par l’UE du principe d’équivalence reconnu dans les règles internationales.

7.3.   En Europe, la traçabilité des aliments est au cœur du modèle de sécurité sanitaire. Elle est mise en place «depuis la production primaire (…) jusqu'à la vente ou la livraison au consommateur» (de la ferme à la table), puisque «chaque élément peut avoir un impact potentiel sur la sécurité des denrées alimentaires» (9). Or pour la plupart des produits importés la traçabilité n’est exigée qu’à partir de l’exportateur. Malgré le rôle que peut jouer le secteur privé, le CESE doute que les pratiques dans certains pays tiers puissent être considérées comme «équivalentes» de point de vue de la sécurité. Le CESE défend une attitude offensive dans le domaine la traçabilité, en accordant la priorité à ce sujet dans les négociations bilatérales, et dans l’assistance technique aux pays les moins avancés.

8.   Autres facteurs légitimes et évolution du droit international

8.1.   Les textes du GATT (General Agreement on Tariffs and Trade), et les différents accords de l’OMC, prévoient la prise en compte, en plus des facteurs sanitaires, des «autres facteurs légitimes» dans la régulation du commerce international. L’évolution du droit international a cependant été bien plus lente dans ce domaine. Or les choix de l’UE ne sont pas toujours justifiables d’un point de vue strictement sanitaire. Dans le cas du poulet chloré, la Commission a des difficultés à prouver que le bain de décontamination à l’eau chlorée auxquelles les volailles sont soumises aux États-Unis peut nuire à la santé des consommateurs européens. Le fait est que la perception de la qualité des aliments est différente entre les deux continents. Dans un autre domaine, la décision d’interdire l’importation de peaux de phoques ne repose pas non plus sur des raisons sanitaires, mais de bien-être animal. La compatibilité de ces mesures avec les règles de l’OMC est un vif débat international.

8.2.   Pourtant la jurisprudence de l’Organe de Règlement de Différends montre des signes positifs. Par exemple dans le cas «tortue-crevettes» qui avait opposé les États-Unis et la Malaisie, les experts du Panel avaient donné raison aux premiers, considérant que l’interdiction d’importations de crevettes était justifiée au regard de l’accord international sur la protection de la biodiversité. Les pêcheurs malais furent contraints de modifier leurs techniques de pêche afin de ne plus capturer les tortues qui étaient protégées par ladite convention. La clarification des liens entre règles OMC et les autres accords internationaux est également un débat en cours.

8.3.   L’UE devrait être à l’avant garde des réflexions sur ces sujets. Pour cela elle devrait assumer ses préférences collectives, défendre les «autres facteurs légitimes» dans les instances internationales, et relancer les débats sur le lien entre l’OMC et les autres accords internationaux. De plus la recherche de méthodes d’objectivation des préférences collectives et des facteurs légitimes doit être promue afin de permettre leur reconnaissance internationale.

9.   Information aux consommateurs

9.1.   Les consommateurs européens souhaitent de plus en plus être informés sur les conditions de production de leurs aliments. Le secteur privé développe de nombreuses initiatives pour répondre à cela. De plus, différentes idées sont aujourd’hui débattues, comme celle d’un label UE, ou d’un étiquetage sur le bien-être animal. On pourrait proposer qu’une organisation internationale fournisse les consommateurs en informations indépendantes concernant les méthodes de production dans les différents pays. Cet organe d'information indépendant aurait également pour mission la mise à disposition d'informations dans le cadre d'un système international d'alerte précoce qui reste encore à créer.

9.2.   Cependant, l’information aux consommateurs ne peut pas être l’unique réponse aux questions soulevées dans ce rapport. Pour les produits transformés, de plus en plus à la base de l’alimentation, l’étiquetage de l’origine devient trop complexe tant pour les entreprises que pour les consommateurs. Il est donc bien de la responsabilité des pouvoirs publics de garantir que l’ensemble des produits qui circulent sur le marché intérieur répondent aux choix des citoyens européens. Les consommateurs souhaitent que ces choix ne soient pas sacrifiés dans le cadre de processus politiques (par exemple: le dialogue transatlantique) qui ne servent qu'à s'assurer une meilleure visibilité ou à se gagner les faveurs de certains partenaires commerciaux.

Bruxelles, le 22 octobre 2008.

Le Président

du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  Doc. Conseil 10698/08.

(2)  Règlement (CE) 178/2002, considérant 8.

(3)  Règlement (CE) 178/2002, art 3.

(4)  Rapport annuel 2007 du Système d'alerte rapide pour les denrées alimentaires et les aliments pour animaux.

(5)  Règlement (CE) 178/2002, art. 6.

(6)  Règlement (CE) 178/2002, considérant 19.

(7)  OCDE, 2003, «Prendre en compte les aspects socio-économiques de la sécurité des aliments : un examen des démarches novatrices de certains pays».

(8)  Règlement (CE) 178/2002, article 11.

(9)  Règlement (CE) 178/2002, article 3.16, and recital 12.


30.4.2009   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/65


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «La mutation structurelle et conceptuelle, préalable obligé pour une structure industrielle européenne compétitive à l'échelle mondiale et fondée sur le savoir et la recherche (Europe: rattrapage ou passage en tête?)»

2009/C 100/11

Le 17 janvier 2008, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur:

«La mutation structurelle et conceptuelle, préalable obligé pour une structure industrielle européenne compétitive à l'échelle mondiale et fondée sur le savoir et la recherche (Europe: rattrapage ou passage en tête?)»

La commission consultative des mutations industrielles, chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 10 septembre 2008 (rapporteur: M. TÓTH, corapporteur: M. LEO).

Lors de sa 448e session plénière des 21, 22 et 23 octobre 2008 (séance du 22 octobre 2008), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 98 voix pour et 1 abstention.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le changement climatique, l'évolution démographique, la mondialisation, la pénurie de matières premières et d'énergie entraîneront des mutations profondes sur le plan économique et social en Europe. L'impact de ces phénomènes sur le niveau de vie et la compétitivité en Europe dépendra largement de la capacité à prendre les mesures appropriées à un stade précoce. La nécessité de trouver des réponses innovantes à de nouveaux défis s'est imposée au terme d'un processus européen de rattrapage mené à bien avec succès dans de nombreux domaines. L'arrivée de l'Europe à la frontière technologique fait des innovations réalisées de manière autonome le facteur essentiel du développement, mais implique toutefois des changements dans des domaines qui ont longtemps été considérés comme des facteurs de succès (par exemple l'éducation et la formation continue). La promotion de la cohésion au sein de la Communauté est un objectif tout aussi important. En raison de ce besoin d'adaptation, le modèle social européen subira une mise à l'épreuve dont l'issue sera déterminante pour la qualité de vie des générations actuelles et futures. Le dialogue social et le dialogue avec la société civile, avec la participation de tous les acteurs concernés, joueront un rôle important et actif dans la réponse apportée à ces défis.

1.2   Dans tous les cas, une capacité et une vitesse d'adaptation plus grandes sont requises pour relever les défis qui se posent et augmenter le potentiel de développement de l'Europe. La stratégie de Lisbonne a fixé des objectifs qui cadrent dans une large mesure avec cette perspective et qui sont importants pour l'Europe. Dans le même temps, l'ampleur des adaptations nécessaires a souvent été définie avec trop peu de clarté et les objectifs ont été transposés de manière trop hésitante dans les stratégies de politique économique. Les effets de ce processus sont connus et il importe désormais de redoubler d'efforts pour poursuivre ces objectifs avec détermination. Par conséquent, il est proposé d'augmenter durablement les fonds destinés à la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne.

1.3   Dans le même temps, il est clair que l'on ne saurait avoir de stratégie applicable à tous les cas de figure et que, pour garantir une politique efficace dans certains domaines politiques, chaque État membre doit réaliser les objectifs européens en adoptant son propre train de mesures adapté aux spécificités nationales. À cet égard, il convient de veiller à la complémentarité entre les mesures prises au niveau européen et celles qui sont adoptées au niveau des États membres. Bien entendu, les mêmes exigences de complémentarité valent également pour les mesures prises au niveau européen. S'agissant des domaines d'action horizontaux — c'est-à-dire des thèmes qui relèvent de la compétence de différentes directions générales — il convient de mettre en œuvre une stratégie coordonnée. Dans les deux cas, la complémentarité est le fruit d'une coopération explicite et d'une coordination de stratégies et mesures politiques élaborées et appliquées conjointement.

1.4   À l'heure actuelle, on promet fréquemment la coopération et la coordination, mais en réalité sans véritablement beaucoup s'engager. Sur ce point, des changements sont nécessaires pour maximiser les effets positifs qui résultent d'une mise en œuvre coordonnée (1). Au niveau des États membres aussi, la coopération renforcée lors de la conception et de la mise en œuvre de mesures peut accroître leur efficacité. Pour soutenir ce processus, il conviendrait de réserver explicitement une partie des fonds supplémentaires au développement de programmes de coopération entre le niveau européen et les États membres. L'accès à ces fonds ne devrait être possible que dans le cas de mesures explicitement coordonnées entre elles et qui soient au service d'objectifs communs.

1.5   Le défi pour l'Europe est d'autant plus grand que rares sont les États membres à avoir posé les jalons requis pour atteindre un niveau d'excellence. De nombreux États membres n'ont pas encore achevé le passage de la phase de rattrapage à une production à la frontière technologique. À la faveur du passage à une économie basée sur la connaissance, la demande de main-d'œuvre plus qualifiée s'accroît. Pour faire face à cette situation, des prévisions à moyen et à long terme sont nécessaires quant au niveau de qualification de la main-d'œuvre. Ces prévisions permettront de déterminer les restructurations à mener dans le domaine de l'éducation et de la formation continue.

1.6   La résolution des problèmes qui se présentent et l'amélioration de la performance économique passent par des structures d'excellence dans le domaine de la science et de la recherche. À cet égard, il importe également de déployer des efforts dans la durée pour développer à la fois les résultats de la recherche et l'enseignement et rattraper, dans de nombreux domaines, les acteurs de pointe. Au niveau européen, après la relance de la stratégie de Lisbonne, les premières bases ont déjà été jetées dans cette perspective. Le Conseil européen de la recherche et l'Institut européen de technologie vont accélérer ce processus de transformation. À l'avenir, les investissements dans ces structures devront être encore renforcés pour motiver les États membres à adopter des stratégies complémentaires. En outre, il importe d'encourager encore la coopération étroite entre les entreprises et les milieux académiques, les universités et les communautés de recherche, et de soutenir les infrastructures de services de soutien telles que les parcs scientifiques, technologiques et industriels, ainsi que les parcs d'innovation.

1.7   Outre les investissements dans la main-d'œuvre et les systèmes scientifiques, il importe de renforcer fortement, dans le cadre de la promotion de la recherche des États membres, le soutien aux projets d'innovation à risque, d'améliorer la protection des droits de propriété (par exemple le brevet européen et les mesures de lutte contre le piratage), d'adopter des réglementations favorables aux innovations sur le marché des produits et du travail, d'étudier les possibilités de financement adéquates en matière de risque, de prendre des mesures destinées à stimuler la demande en matière d'innovation (par exemple le marché unique, les marchés publics et les marchés de pointe), d'encourager davantage la mobilité à tous les niveaux et de développer une politique de la concurrence et une macropolitique adaptées. Une mise en œuvre efficace de ces politiques débouchera sur des efforts considérablement accrus en matière d'innovation et, par conséquent, sur une augmentation des dépenses de R&D.

1.8   Il s'agit en fin de compte de créer un système réagissant avec souplesse et rapidité aux défis existants. Cette approche repose sur la conviction selon laquelle les coûts qui seront engendrés par l'inaction actuelle sont bien plus importants que les coûts des mesures à prendre maintenant. Cela vaut dans une large mesure pour les actions menées dans le domaine de l'environnement, mais pas exclusivement. Dans ce domaine précisément, l'Europe a joué un rôle de pionnier par le passé, un rôle qu'il convient de développer en poursuivant de manière conséquente la stratégie qui a été lancée. Cette approche garantit en matière de politique industrielle (first-mover-advantage, avantage conféré à celui qui occupe une position de précurseur), sociale et économique les dividendes qui peuvent résulter de mesures de protection de l'environnement, à travers une réglementation environnementale harmonisée, la standardisation, la promotion de l'innovation dans le domaine des techniques environnementales et le soutien des innovations sociales.

1.9   Pour être fructueuse, la mise en œuvre d'une telle stratégie tournée vers l'avenir nécessite toutefois le soutien de la population. Si le besoin de changement n'est pas clair et si les bénéfices ne sont pas visibles ou sont répartis de manière inéquitable, la disponibilité de la société et des individus à s'adapter n'en sera que plus faible. Les institutions de la société civile sont indispensables à l'élaboration des stratégies et à la communication. L'acceptation passe bien entendu par la possibilité de peser sur l'élaboration des stratégies et des mesures. Une large implication des citoyens et de vastes débats, dès la phase préparatoire, augmentent la probabilité d'aboutir à un projet commun. Bien qu'il soit déjà presque trop tard pour mener des discussions sur la poursuite de la stratégie de Lisbonne, il conviendrait d'essayer d'y associer une grande partie du public concerné.

2.   Situation de départ

2.1   Au cours des 50 dernières années, la performance économique de l'Europe s'est durablement améliorée, permettant ainsi de réduire les retards enregistrés au cours du 19e siècle et de la première moitié du 20e siècle (2). Dans l'intervalle, s'agissant de la productivité horaire, l'Europe a quasiment rattrapé les États-Unis, même si la productivité par habitant stagne et ne représente pas plus de 70 % de celle des États-Unis (voir Gordon, 2007). Toutefois, le processus de rattrapage a été interrompu de manière inattendue en 1995. Cette interruption a été suivie d'une période au cours de laquelle la croissance a été plus forte aux États-Unis qu'en Europe. Parmi les raisons essentielles à l'origine de l'accélération de la croissance économique des États-Unis figure l'intégration rapide de nouvelles technologies — dans ce cas précis des technologies de l'information et de la communication. Sur ce point, les États-Unis ont réagi plus vite que la plupart des États européens, tant pour ce qui est du développement que de la diffusion de ces technologies.

2.2   La différence de rapidité en matière de développement et d'intégration de nouvelles technologies n'est cependant pas spécifique aux technologies de l'information et de la communication, mais est une conséquence du système économique en place. En tant que pionniers dans l'utilisation de nombreuses nouvelles technologies, les États-Unis se fondent sur un système fortement axé sur le marché, caractérisé par des universités et instituts de recherche à la pointe au niveau mondial, une main-d'œuvre hautement qualifiée issue de toutes les régions du monde, une propension au risque, une croissance rapide de jeunes entreprises et un marché intérieur homogène.

2.3   Les États européens quant à eux ont créé des structures et pris des mesures économiques pour aider à rattraper le retard et permettre une diffusion rapide des nouvelles technologies. Les taux d'investissement élevés ont été et sont encore des indicateurs visibles de cette approche, de même que des systèmes d'éducation davantage tournés vers la formation professionnelle, des structures caractérisées par une aversion au risque dans le domaine du financement de l'innovation, des investissements plus faibles dans l'enseignement supérieur et des produits et technologies dont le développement n'est pas assez poussé.

2.4   La faible croissance européenne des dernières années (voir par exemple Breuss, 2008) laisse supposer que dans de nombreux domaines, le potentiel de croissance de la stratégie de rattrapage est largement épuisé. Le passage d'une stratégie de rattrapage à un passage en tête nécessite cependant des adaptations de grande ampleur que l'Europe vient tout juste d'engager et dans bien des cas, avec réticence. Au fur et à mesure que l'on se rapproche de la frontière technologique, les innovations autonomes et radicales (au sens de nouveautés du marché) deviennent la principale source de croissance. Pour soutenir cette tendance, il convient de modifier certains secteurs qui, par le passé, avaient été considérés comme des facteurs de succès pour le processus de rattrapage (par exemple l'éducation et la formation continue, la réglementation relative aux produits et au marché du travail, la gestion macroéconomique). Le besoin de changement en Europe résulte cependant aussi des défis actuels parmi lesquels figurent le changement climatique, la mondialisation, le développement démographique et la raréfaction des matières premières et de l'énergie. À cet égard, il importe de créer des structures capables d'apporter une réponse rapide aux nouveaux défis qui se posent et de produire des solutions socialement acceptables, respectueuses de l'environnement et compétitives.

2.5   Il s'agit en fin de compte de créer un système réagissant avec souplesse et rapidité aux défis à relever. Cette approche repose sur la conviction selon laquelle les coûts qui seront engendrés par l'inaction actuelle sont bien plus importants que les coûts des mesures à prendre maintenant. Cela vaut dans une large mesure pour les actions menées dans le domaine de l'environnement, mais pas exclusivement. Dans ce domaine précisément, l'Europe a joué un rôle de pionnier par le passé, un rôle qu'il convient de développer en poursuivant de manière conséquente la stratégie qui a été lancée. Cette approche garantit en matière de politique industrielle (first-mover-advantage, avantage conféré à celui qui occupe une position de précurseur), sociale et économique les dividendes pouvant résulter de mesures de protection de l'environnement, à travers une réglementation environnementale harmonisée, la standardisation, la promotion de l'innovation dans le domaine des techniques environnementales et le soutien des innovations sociales.

2.6   Les observations qui suivent sont axées sur les volets de la stratégie de Lisbonne consacrés à l'innovation. Elles ont pour objet d'examiner les possibilités d'élaborer une politique efficace dans un environnement européen hétérogène.

3.   La réponse de l'Europe à la faiblesse de la croissance des années 90: la stratégie de Lisbonne

3.1   S'agissant de la productivité et de la croissance économique, l'Europe a répondu à l'augmentation de son retard par rapport aux États-Unis par la stratégie de Lisbonne. L'objectif de cette dernière était entre autres, après la réorientation de 2005, d'augmenter les dépenses de recherche et développement de manière à ce qu'elles correspondent à 3 % du PIB, et de faire en sorte que le taux d'emploi représente 70 % des personnes en âge de travailler.

3.2   L'augmentation recherchée des dépenses de R&D s'appuie sur plusieurs études économiques témoignant d'un lien clairement positif entre le développement économique et les dépenses de recherche et de développement. Dans la formulation des objectifs, le fait que le montant des dépenses consacrées à la recherche et au développement dépend fondamentalement de la structure sectorielle et qu'il ne peut être jugé qu'à l'aune de celle-ci n'a pas été suffisamment pris en compte. De récents travaux de recherche (Leo — Reinstaller — Unterlass, 2007, Pottelsberghe, 2008) montrent que la plupart des «anciens» États membres ont des dépenses de recherche et développement proches du niveau auquel on pourrait s'attendre compte tenu de la structure du secteur, tandis que la plupart des «nouveaux» États membres dépensent moins (leurs dépenses se situent en dessous de la ligne des 45 degrés, voir graphique 1). En matière de R&D, la Suède et la Finlande (mais aussi les États-Unis) dépensent considérablement plus que le montant auquel on pourrait s'attendre, compte tenu de leurs structures sectorielles. Cette situation résulte d'une part du fait que dans certains secteurs, ces pays travaillent à la frontière technologique, que par rapport à leurs concurrents, ils mettent davantage l'accent sur les activités d'innovation et que — dans le cas des États-Unis — ils produisent pour un marché intérieur plus grand. D'autre part, des dépenses plus élevées en matière de recherche et de développement peuvent également découler d'un secteur de l'enseignement supérieur davantage axé sur la recherche (voir à cet égard Pottelsbergh, 2008).

Graphique 1: Dépenses de R&D corrigées des caractéristiques structurelles des secteurs économiques des États membres

Image

3.3   Si en Europe, les dépenses des entreprises en matière de R&D (tout au moins dans les anciens États membres) correspondent dans une large mesure à la structure du secteur, il n'y a pas de raisons déterminantes qui justifieraient de modifier fondamentalement les dépenses de R&D, parce que celles-ci doivent également être envisagées comme un facteur de coûts et génèrent un produit marginal de plus en plus faible. Il est judicieux d'investir davantage dans la recherche et le développement lorsque l'on se rapproche de la frontière technologique, ou lorsque les dépenses sont justifiées par un changement structurel (3) visant à mettre en place des secteurs fortement orientés vers la recherche (4). Ces deux changements sont inévitables, si l'on veut que l'Europe reste compétitive et si l'on entend préserver le «modèle européen».

3.4   Ce n'est pas tant en augmentant de manière ponctuelle les fonds alloués à la R&D que l'on pourra enclencher ce processus, mais plutôt en soutenant davantage les stratégies risquées en matière d'innovation, en investissant dans les infrastructures de recherche et en procédant à des améliorations dans le système d'éducation et de formation. La création de marchés propices à l'innovation et la promotion de la mobilité à tous les niveaux sont autant d'autres changements nécessaires (voir à cet égard Aho et al. 2006). Des interventions complémentaires sont également requises en matière de régulation des marchés du travail et du système de financement, mais aussi dans le domaine de la politique de concurrence et de la macropolitique. La mise en œuvre fructueuse de ces mesures politiques entraînera un redoublement d'efforts en matière d'innovation et, par conséquent aussi une augmentation des dépenses.

3.5   Le transfert de la priorité économique de la R&D vers l'innovation réduit aussi la préférence implicite accordée aux «industries de haute technologie», une préférence découlant elle-même de la tentative d'augmenter les dépenses de R&D. Cette approche permet de réévaluer certains secteurs, certes de haute technologie au regard de l'utilisation des technologies, mais où les investissements dans les activités de recherche et de développement ne sont que modérés, parce que les efforts déployés en matière d'innovation reposent sur une utilisation intelligente de la technologie et sur la créativité humaine. Ainsi, on constate de nombreuses innovations technologiques ambitieuses dans le domaine des industries créatives, de la sidérurgie ou encore dans le domaine du textile et de l'habillement, qui n'impliquent pas ou peu de dépenses en matière de R&D. On a également constaté que dans pratiquement tous les secteurs, il existe un potentiel pour les petites et moyennes entreprises à croissance rapide (les gazelles) (voir à cet égard Hölzl — Friesenbichler, 2008), ce qui plaide également en faveur d'une large promotion des innovations. Le fait de mettre l'accent sur les secteurs de haute technologie — une approche qui leur garantit une place importante dans le futur aussi — repose sur la forte augmentation de la demande. Si l'on parvient, par le biais des efforts déployés en matière de R&D, à réaliser des innovations fructueuses, les bénéfices en matière de croissance économique et de développement de l'emploi peuvent être particulièrement grands, en raison de la très forte croissance de la demande (Falk — Unterlass, 2006).

3.6   Les défis nouveaux et anciens nécessitent un niveau d'excellence tant dans le domaine de la recherche que dans celui de sa mise en œuvre. Compte tenu des défis mondiaux auxquels elle est confrontée, l'Europe ne saurait rester compétitive sans réaliser des performances de pointe dans la recherche fondamentale ou appliquée. C'est dans le domaine du capital humain que résident et que résideront encore plus à l'avenir les principaux obstacles à la poursuite de cette stratégie. Une main-d'œuvre davantage et mieux qualifiée, titulaire de diplômes de l'enseignement secondaire et supérieur, est la condition nécessaire aux mutations structurelles et à la progression vers la frontière technologique. Les lacunes constatées à ce jour ne pourront être comblées que sur le long terme et les efforts pour y remédier ne sont toujours pas déployés avec suffisamment de détermination. Dans le même temps, s'agissant des structures éducatives, il importe de veiller à ce que l'offre en matière de places de formation réponde à la demande (5) et à ce que la formation continue de la main d'œuvre (principe de la formation tout au long de la vie) bénéficie de tout autant d'attention, afin que les travailleurs conservent, à toutes les étapes de leur vie professionnelle, leur productivité et leur employabilité.

3.7   La stratégie de Lisbonne rénovée a apporté au niveau européen des changements considérables, susceptibles d'accélérer les changements structurels qui permettront d'évoluer vers des structures économiques marquées par une intensité de la recherche et par des performances de pointe: citons entre autres les mesures destinées à améliorer la disponibilité de capital-risque et à accroître la mobilité des chercheurs, l'Institut européen d'innovation et de technologie (IET), le Conseil européen de la recherche et l'initiative sur les marchés porteurs. À noter également l'augmentation des fonds alloués aux programmes-cadres et une extension des projets de pointe au niveau européen.

4.   Europe: une politique efficace malgré la diversité?

4.1   Même si les objectifs européens sont tout à fait clairs et partagés par tous, on peut se poser la question de savoir si, compte tenu de son hétérogénéité, l'Europe est en mesure d'imposer une politique dans ce domaine. Les différents niveaux de performance des États membres, les succès mitigés et les résultats obtenus sur le front technologique (par exemple la norme GSM et l'utilisation des TIC) ainsi que les grandes différences au niveau sectoriel — aussi bien entre les secteurs qu'en leur sein (voir à cet égard Falk, 2007, Leo — Reinstaller — Unterlass, 2007, ainsi que l'annexe 3) sont autant d'éléments qui témoignent de la diversité de l'Europe.

4.2   Cette diversité constitue un défi de taille pour la politique économique, parce que les résultats des mesures prises dans ce domaine varient en fonction du niveau de développement économique. Les pays qui réussissent adaptent explicitement ou implicitement leur stratégie de politique économique au niveau de développement économique et tentent dès lors de soutenir un processus de rattrapage ou d'orienter la production de manière à ce qu'elle se situe à la frontière technologique. Le caractère rationnel de cette adaptation de la politique économique au niveau de développement a été attesté par une série de travaux scientifiques. On constate à cet égard que des mesures identiques ont des résultats différents en fonction du niveau de développement d'un pays. Ainsi, une mesure qui, prise dans un pays où la production se situe à la frontière technologique, produit des résultats significatifs, peut avoir un impact moins important, voire négatif sur le développement économique dans un pays en phase de rattrapage.

4.3   L'exemple du système éducatif illustre bien cette théorie (6). Si l'on veut maximiser les résultats des investissements dans le système éducatif, il faut aussi veiller aux différents effets en chaîne qu'ils produiront, en fonction du niveau de développement: l'enseignement supérieur devient d'autant plus important qu'un pays se rapproche de la frontière technologique. Des systèmes éducatifs orientés vers l'apprentissage professionnel soutiennent quant à eux plutôt un processus de rattrapage. Aghion et al. (2005) estiment qu'une augmentation des dépenses consacrées à l'enseignement supérieur de 1 000 $ par personne pour un pays qui se situe à la frontière technologique augmente le taux de croissance annuelle d'environ 0,27 point de pourcentage, tandis que ces mêmes investissements entraîneraient une augmentation du taux de croissance d'environ 0,10 point de pourcentage seulement dans un pays situé en-deçà de la frontière technologique. Dans les pays proches de la frontière technologique, on peut tirer davantage profit des personnes ayant suivi une formation universitaire, dans la mesure où l'on aspire également à des innovations plus radicales, qui ne peuvent être réalisées qu'en recourant à la recherche scientifique.

4.4   Un niveau d'éducation plus élevé entraîne davantage de flexibilité dans le choix de la technologie. Environ 60 % de la différence de croissance entre les pays européens et les États-Unis sont dus au fait que les systèmes européens de formation mettent fortement l'accent sur la formation professionnelle ou, le cas échéant, la formation secondaire (Krueger — Kumar, 2004). Les sociétés fondées sur la connaissance ont besoin de qualifications-clés générales et d'un niveau de formation plus élevé qui favorise l'adoption de nouvelles technologies ainsi que la création de nouveaux secteurs avec de nouvelles entreprises. Le fait qu'historiquement, l'Europe se focalise sur l'enseignement secondaire — ce qui du reste, est bon pour le processus de rattrapage —, devient un obstacle à la croissance à mesure que l'on se rapproche de la frontière technologique.

4.5   S'agissant de l'élaboration et de la mise en œuvre de la politique européenne, il ne fait aucun doute que l'Union européenne est confrontée à une conjonction d'États hétérogènes. En règle générale, en cas de grande hétérogénéité, la compétence en matière de mise en œuvre est déléguée au niveau des États membres, afin que ceux-ci trouvent des solutions adaptées aux données locales (7). Toutefois, il est essentiel de définir des lignes politiques communes entre les différents niveaux et de les mettre en œuvre de manière coordonnée, afin que la stratégie retenue soit pleinement efficace. Cette théorie est également renforcée par les interdépendances au sein de l'Union européenne. Les autres États membres profitent également des progrès réalisés par certains États membres et les stratégies de parasitisme ne devraient pas être acceptables.

4.6   Il est clair qu'on ne peut pas avoir de stratégie applicable à tous les cas de figure, mais que pour être efficace, un train de mesures doit être adapté au pays concerné. Il importe également de reconnaître que plus on se rapproche de la frontière technologique, plus il est nécessaire de modifier les structures et les stratégies en matière de politique économique, parce que les instruments existants, qui ont souvent été élaborés sur des décennies, n'ont pas ou peu d'effet stimulant sur la croissance et que, par conséquent, ils sont devenus en partie inefficaces. Il en va de-même — même s'il s'agit du cas inverse — pour les pays qui ont enclenché un processus de rattrapage. Recourir, dans ces pays, aux mêmes stratégies que dans les pays qui se situent à la frontière technologique, n'est pas une solution efficace. Dès lors, toute stratégie européenne doit répondre aux questions suivantes:

comment renforcer la cohésion ainsi que l'excellence tout en tenant compte du niveau de développement économique,

comment formuler des objectifs et des mesures qui tiennent compte du caractère transversal de nombreux domaines politiques (par exemple en matière d'environnement et d'innovation) et qui puissent être mis en œuvre de manière efficace, malgré le besoin de coordination,

comment fixer la répartition des tâches entre le niveau européen et les États membres, dans le respect de la logique du système et,

comment donner un caractère contraignant aux mesures prises et comment sanctionner les dérives.

4.7   Les structures et mécanismes nécessaires à une telle politique sont largement présents en Europe et doivent «seulement» être utilisés sous une forme adaptée et avec les contenus appropriés. S'agissant des contenus, les paramètres fondamentaux sont connus et font depuis longtemps l'objet de discussions. Ce qui fait défaut, c'est la force politique nécessaire pour laisser des traces dans l'économie réelle et dans les sociétés européennes.

5.   Littérature utilisée

Acemoglu, D. Aghion, P., Zilibotti, F, Appropriate Institutions for Economic Growth, 2006.

Aghion, P., A Primer on Innovation and Growth, Bruegel Policy Brief 02, 2006.

Aghion, P., Bloom, N., Blundell, R., Griffith, R., Howitt, P., Competition and Innovation: An Inverted-U Relationship, Quarterly Journal of Economics, Vol. 120, No. 2, pp. 701-728, 2005.

Aghion, P., Blundell, R., Griffith, R., Howitt, P., Prantl, S., The Effects of Entry on Incumbent Innovation and Productivity, NBER Working Paper 12027, 2006.

Aghion, P., Boustan, L., Hoxby, C., Vandenbussche, J., Exploiting States’ Mistakes to Identify the Causal Impact of Higher Education on Growth, Working Paper, Université de Harvard, 2005.

Aghion, P., Fally, T., Scarpetta, S., Credit Constraints as a Barrier to the Entry and Post-Entry Growth of Firms: Lessons from Firm-Level Cross Country Panel Data, 2006.

Aghion, P., Marinescu, I., Cyclical Budgetary policy and Economic Growth: What Do We Learn from OECD Panel Data? , 2006.

Aho, E., (Chairman), Cornu, J., Georghiou, L., Subirá, A., Ein innovatives Europa schaffen, Bericht der unabhängigen Sachverständigengruppe für FuE und Innovation, eingesetzt im Anschluss an das Gipfeltreffen in Hampton Court, 2006

Breuss, F., Die Zukunft Europas, in: BMWA, Das österreichische Außenhandelsleitbild – Globalisierung gestalten – Erfolg durch Offenheit und Innovation, Vienne, 2008

Cedefop, Future skill needs in Europe, Medium-term forecast, 2008.

De la Fuente, A., Das Humankapital in der Wissensbasierten globalen Wirtschaft, Teil II: Bewertung auf der Länderebene, Abschlussbericht für die EU-Kommission Beschäftigung und Soziales, 2003.

Falk, M. Sectoral Innovation Performance, Evidenc from CIS 3 micro-aggregated data, Europe Innova, 2007, http://www.europe-innova.org

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Falk, R. Hölzl, W., Leo, H., On the Roles and Rationales of European STI Policies, WIFO Working Paper, 299/2007.

Falk, R., Leo, H., «What Can Be Achieved By Special R&D Funds When There is No Special Leaning Towards R&D Intensive Industries?», WIFO Working Papers, 2006, (273).

Gerschenkron, A., «Economic Backwardness in Historical Perspective», Presses universitaires de Harvard, 1962.

Giddens, A., Liddle, R., Diamond, P. (eds.), Global Europe, Social Europe, Polity Press, Cambridge, United Kingdom, 2006.

Gordon, R. J., Issues in the Comparison of Welfare Between Europe and the United States, Paper presented to Bureau of European Policy Advisers, «Change, Innovation and Distribution» Bruxelles, 4 décembre 2007.

Griffith, R., Redding, S., Van Reenen, J., Mapping the Two Faces of R&D: Productivity Growth in a Panel of OECD Industries, The Review of Economics and Statistics, 86 (4): 883 – 895, 2004.

Hollanders, H., Innovation Modes: Evidence at the Sector Level, Europe-Innova, Innovation Watch, 2007, http://www.europe-innova.org

Hölzl, W., Friesenbichler, K. Final Sector Report Gazelles, Sectoral Innovation Watch, Europe Innova, 2008, www.europe-innova.org

Commission des Communautés européennes (CCE), Mettre en œuvre le programme communautaire de Lisbonne: Un cadre politique pour renforcer l’industrie manufacturière de l’UE- vers une approche plus intégrée de la politique industrielle COM(2005) 474 final, Bruxelles, 5.10.2005.

Krueger, D., Kumar, K., US-Europe Differences in Technology-Driven Growth: Quantifying the Role of Education, Journal of Monetary Economics, 2004.

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Peneder, M., Entrepreneurship and technological innovation, An integrated taxonomy of firms and sectors, Europe Innova, Wifo, 2007, http://www.europe-innova.org

Sapir, A. et al. «An Agenda for a Growing Europe». Presses universitaires d'Oxford, 2004.

Vandenbussche, J., Aghion, P., Meghir, C., Growth, Distance to Frontier and Composition of Human Capital, Journal of Economic Growth, Vol. 11, No. 2, pp 97-127, 2006.

Bruxelles, le 22 octobre 2008.

Le Président

du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  La coordination politique stimule la production de biens publics (par exemple l'information et le savoir, la protection de l'environnement et du climat) ainsi que la création d'effets externes positifs. L'interdépendance économique croissante en Europe engendre des externalités et seule la coordination politique permet d'augmenter les effets externes positifs et de réduire les effets négatifs.

(2)  Dans l'ensemble, l'UE a gardé sa position de leader dans le domaine du commerce mondial, tant dans le secteur des biens que dans celui des services. L'économie européenne occupe une position de pointe dans une grande partie des secteurs où le niveau de technologie est moyen et dans le domaine des produits à haute intensité de capital. Le déficit commercial croissant avec l'Asie et une performance de l'UE dans le domaine des TIC plutôt faible par rapport à celle des USA (voir CCMI 043) sont autant d'éléments préoccupants.

(3)  Le changement structurel résulte de la création ou de l'implantation de nouvelles entreprises ou de la diversification d'entreprises existantes.

(4)  On parle ici délibérément de «secteurs fortement orientés vers la recherche», parce que le classement en secteurs à haute, moyenne et faible technologie, qui s'appuie sur les dépenses de R&D, sous-estime l'utilisation qui est faite de la technologie dans de nombreux secteurs économiques. Si l'on considère également l'intégration, dans les produits ou les processus de production, de technologies développées ailleurs, alors il convient plutôt de classer des secteurs qui, selon la grille classique, sont considérés comme des secteurs à basse technologie, dans les secteurs à moyenne, voire à haute technologie (voir à cet égard Peneder, 2007).

(5)  Le Cedefop estime que l'emploi total en Europe devrait augmenter, avec la création de plus de 13 millions d'emplois entre 2006 et 2015. 12,5 millions ou presque de ces emplois seront des emplois hautement qualifiés (correspondant en gros aux niveaux 5 et 6 de la CITE) tandis que près de 9,5 millions seront des emplois moyennement qualifiés (niveaux 3 et 4 de la CITE). D'un autre côté, on constate une suppression de plus de 8,5 millions d'emplois peu ou pas qualifiés (niveaux 0 à 2 de la CITE). (Source: Cedefop: De quelles compétences les Européens auront-ils besoin dans les prochaines années? 2008).

(6)  En pricipe, on considère que les investissements dans le capital humain sont très efficaces. Si l'on augmente d'un an l'âge moyen auquel les jeunes quittent l'école, alors, à long terme, la productivité potentielle de l'économie augmentera de 6 %. (De la Fuengte, 2003).

(7)  Même si au fil du temps, il conviendrait de revoir régulièrement cette «répartition des compétences», une telle analyse dépasserait le cadre de l'avis (voir à cet égard Falk-Hölzl — Leo, 2007).


30.4.2009   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/72


Avis du Comité économique et social européen sur «La restructuration et l'évolution du secteur de l'électroménager en Europe et leur incidence sur l'emploi, le changement climatique et le consommateur»

2009/C 100/12

Le 17 janvier 2008, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2 de son Règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur le thème:

La restructuration et l'évolution du secteur de l'électroménager en Europe et leur incidence sur l'emploi, le changement climatique et le consommateur.

La commission consultative des mutations industrielles, chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 10 septembre 2008 (rapporteur: M. DARMANIN; corapporteur: M. GIBELLIERI).

Lors de sa 448e session plénière des 22 et 23 octobre 2008 (séance du 22 octobre 2008), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 86 voix pour, aucune voix contre et 2 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.   Le CESE a la conviction que la force du secteur de l'électroménager européen (1) réside dans sa capacité à fabriquer des produits durables et de très bonne qualité. Cette force doit être soutenue et étendue par une politique européenne adaptée, qui repose sur un effort continu d'amélioration des technologies d'innovation et d'activités de formation continue en vue d'accroître les compétences des employés. Une politique de ce type devrait favoriser le développement d'appareils électroménagers efficaces sur le plan énergétique, dotés d'une capacité de recyclage accrue. L'impact global sur l'environnement, mesuré à partir d'une analyse du cycle de vie (ACV), devrait être réduit au minimum.

1.2.   Le CESE est fermement convaincu que la législation de l'Union européenne pourrait avoir une influence directe sur la compétitivité du secteur, principalement à travers la proposition d'extension de la directive sur l'écoconception et la proposition de révision du règlement relatif au label écologique, qui permettrait d'augmenter l'efficacité énergétique et de réduire les émissions de CO2. Ainsi, on réduirait la menace actuelle de délocalisation de l'industrie en dehors de l'Europe, des pertes d'emplois et du risque de conséquences sur les intérêts des consommateurs.

1.3.   La surveillance des marchés est d'une importance considérable pour sauvegarder cette industrie européenne, les travailleurs de ce secteur, les intérêts des consommateurs et l'environnement. La surveillance des marchés devrait être mise en place grâce aux mesures suivantes:

Augmenter les ressources accordées par les États membres et l'UE (2) permettrait de vérifier plus strictement la conformité des produits avec les normes et en particulier la législation du marché unique européen,

Éliminer la concurrence déloyale et le dumping; les mesures anti-dumping devraient être étudiées avec attention, de manière à ne pas être contre-productives pour l'industrie européenne en encourageant la délocalisation de celle-ci hors de l'Europe ou l'augmentation des importations; Elles devraient s'appliquer non seulement aux appareils dans leur globalité, mais également à leurs composants,

Revoir le système d'étiquetage de manière à refléter les avancées en matière d'innovation technologique, sans donner de perceptions fausses des changements de valeur,

Exercer un contrôle plus étroit de manière à diminuer la contrefaçon et sa diffusion, ainsi que le phénomène des copies très proches de l'original,

Vérifier que les étiquettes, en particulier celles des biens importés, correspondent à la réalité et n'induisent pas en erreur.

1.4.   Le CESE estime que les ajustements destinés au système d'étiquetage sont d'une extrême importance. Les étiquettes devraient toujours faire l'objet d'une mise à jour lorsque des appareils plus efficaces sur le plan technique élèvent le niveau. Il devrait s'agir d'un système dynamique, dans lequel les nouveaux produits mis sur le marché et dont les spécifications sont améliorées relèveraient d'un nouvel étiquetage, au lieu que soit revu à la baisse le niveau des appareils précédemment évalués. Cette révision devrait être liée à l'innovation technologique, mais elle devrait être fixée pour un délai de 5 ans, conformément à ce que prévoit le Plan d'action en faveur de l'efficacité énergétique. La participation de l'ensemble des acteurs concernés à ce processus de révision revêt une importance cruciale. En outre, la Commission devrait promouvoir l'application de la législation, en faisant de cet étiquetage un outil plus contraignant pour les fabricants, les importateurs et les détaillants.

1.4.1.   Il serait positif, en termes de développement durable pour l'Union, d'influencer également d'autres pays en adoptant les normes élevées que l'UE elle-même est en train d'adopter pour le marché unique, étant donné que cela aurait pour effet des économies d'énergie potentielles sur le plan mondial.

1.5.   Le secteur européen de l'électroménager pourrait bénéficier d'un élan considérable grâce à la mise en place de projets incitatifs dans les États membres, qui viseraient à encourager le remplacement des appareils anciens par des appareils plus modernes et plus efficaces sur le plan énergétique, que l'industrie produit déjà, mais qui n'ont pas encore rencontré suffisamment de succès sur le marché. Ces aides devraient être conçues de manière à permettre aux personnes les plus modestes d'avoir accès aux instruments financiers appropriés et ne devraient pas être discriminatoires. Il convient de tirer les leçons des réussites qui existent en Europe comme en dehors de l'Europe.

1.6.   Il est également pertinent de renforcer l'assistance aux consommateurs, en matière d'entretien et de pièces détachées des appareils électroménagers; garantir l'amélioration et la mise à jour constante des compétences des travailleurs, de manière à fournir un service efficace et fiable. Cela pourrait aboutir à créer des emplois et/ou à en conserver certains.

1.7.   Le CESE estime que la politique de l'UE devrait faciliter la transition de l'industrie vers des produits plus innovants et les services y afférents, dont l'importance est stratégique, compte tenu de leur impact sur les émissions de CO2 et de leur consommation d'énergie, tels que les panneaux solaires, les unités photovoltaïques, les pompes à chaleur, les cellules à hydrogène et l'air conditionné, les unités de microgénération et les climatiseurs très performants. Cela favoriserait à la fois les créations d'emplois, et un plus grand choix pour le consommateur.

1.8.   Le CESE réaffirme qu'il sera possible de mettre en pratique les recommandations faites pour restructurer efficacement le secteur électroménager en Europe, afin que celui-ci devienne davantage durable, et d'en tirer le maximum d'effets, à la seule condition qu'il existe au sein de ce secteur un dialogue social approfondi et efficace à l'échelon européen.

2.   Historique

2.1.   La migration de la production des appareils l'électroménager non seulement vers les pays d'Europe centrale et orientale, mais également vers la Russie, la Turquie et la Chine est le problème le plus aigu de ce secteur à l'heure actuelle. La délocalisation a donc lieu non seulement au sein des États membres de l'UE, mais des segments entiers de l'électroménager disparaissent presque totalement d'Europe pour s'installer en Chine.

2.2.   Les entreprises découvrent actuellement la Russie, où de nouvelles usines de lave-linge et de réfrigérateurs ont été créées, et où certaines entreprises existantes du secteur électroménager ont été absorbées. Quinze à vingt usines d'électroménager sont actuellement en construction sur le territoire russe. Elles sont essentielles pour garantir la pénétration des fabricants européens sur ce nouveau marché à haut potentiel. Toutefois, il convient de prêter attention au fait que ces usines ne se contenteront peut-être pas à l'avenir de fournir leurs marchés nationaux, mais qu'elles exporteront également leur production vers l'Europe, si nous ne parvenons pas à gérer les problèmes clé du marché européen.

2.2.1.   Il existe également un potentiel d'exportation pour les fabricants européens dans des régions du monde telles que l'Asie, l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient, dans lesquels il existe déjà une tendance croissante à recourir aux exportations européennes pour les appareils ménagers. Les fabricants européens peuvent exploiter les conditions actuelles, telles que l'augmentation de la classe moyenne dans ces régions, la bonne réputation des produits européens, etc. pour pénétrer davantage ces marchés potentiels.

2.3.   L'arrivée croissante de produits bon marchés et de qualité douteuse aggrave la crise de l'industrie européenne de l'électroménager. La piètre qualité vient s'ajouter aux différents systèmes fiscaux, aux avantages en termes de coût du travail et aux coûts relativement faibles du transport, pour s'attaquer aux fabricants installés en Europe.

2.4.   Il est évident que l'Europe ne peut pas concurrencer le salaire mensuel payé par exemple en Chine. Le prix d'un réfrigérateur ou d'un congélateur produit en Chine est absolument imbattable, et cela est vrai également pour de simples composants tels que des moteurs ou des compresseurs. Aucun avantage compétitif n'est possible si les produits européens ne sont vendus que pour leur prix, et non pour un avantage qualitatif. La force du secteur de l'électroménager européen réside dans sa capacité à fabriquer des produits d'excellente qualité. D'autres avantages compétitifs touchent à la conception, à la garantie des produits, au service, à la compatibilité des pièces détachées et aux réparations. Cette force peut être soutenue et étendue au moyen d'une politique européenne articulée.

2.5.   Les usines européennes produisent des réfrigérateurs et des congélateurs classés dans les catégories énergétiques A++, A+, A et B. La majorité des biens produits actuellement relèvent des catégories A+ et A. Les appareils A++ représentent moins de 4 %.

2.6.   L'intérêt suscité par les réfrigérateurs efficaces en termes d'énergie reste faible parmi les consommateurs. Selon le CECED (Conseil Européen de la Construction d'appareils Domestiques), on trouve toujours environ 188 millions de réfrigérateurs et de congélateurs de plus de dix ans dans les foyers européens. Les anciens appareils (antérieurs à 1990) consomment approximativement 600 kWh/an, les appareils de catégorie A+, environ 255 kWh/an et les appareils de catégorie A++, environ 182 kWh/an. Considérant les prix et les conditions d'aujourd'hui (3), un appareil de catégorie A++ doit fonctionner approximativement 12 ans pour que le consommateur ait rentabilisé son achat.

2.7.   Outre les anciens appareils, ce sont les importations potentiellement dangereuses, inefficaces sur le plan énergétique et peu fiables, qui préoccupent davantage les producteurs européens. Ceci concerne tout particulièrement les importations ponctuelles, rapidement écoulées sur le marché européen.

2.7.1.   Par conséquent, les besoins énergétiques de l'électroménager représentent 25 % de la demande totale en énergie dans l'UE, et ce sont les appareils consommateurs d'énergie au sein des foyers qui représentent la plus forte augmentation ces dernières années, en raison de l'apparition de nouveaux produits et applications.

2.8.   L'utilisation de matériaux de meilleure qualité pour le noyau magnétique, couplée à une optimisation de la conception d'après les nouvelles caractéristiques des matériaux, pourrait augmenter l'efficacité (jusqu'à 15 %) des moteurs électriques présents dans les appareils électroménagers, apportant une contribution significative à la diminution de la consommation domestique d'énergie électrique.

2.9.   La Commission européenne pourrait également favoriser une autre évolution: le développement d'appareils électroménagers susceptibles d'être réparés et recyclés. Il convient de noter que les producteurs européens ont consenti un important effort sur ce front et ont drastiquement réduit la consommation d'énergie et d'eau des gros appareils. Toutefois, une série croissante de matières premières sont devenues depuis problématiques en termes non seulement d'environnement, mais également de coût. Sont concernés l'acier, le plastique, le nickel, le chrome, le cuivre, etc. Les prix de ces matières premières, comme ceux des produits dérivés du pétrole, sont en augmentation. Ceux qui réussissent à réduire la quantité de ces matériaux dans un produit ont un avantage compétitif majeur. Les possibilités offertes au secteur de l'électroménager par les nanotechnologies et par les méthodologies de l'analyse du cycle de vie (ACV) pour améliorer et évaluer la justesse du choix des matériaux sont encore loin d'être suffisamment explorées pour permettre d'obtenir un avantage dans ce domaine.

2.9.1.   Il est préoccupant actuellement de constater que tous les matériaux destinés au recyclage, conformément aux dispositions des réglementations actuelles sur les déchets des équipements électriques et électroniques (DEEE), ne sont pas réellement retournés aux fabricants, ce qui a pour conséquence que certains fabricants paient pour le coût du recyclage sans jamais recevoir les marchandises.

2.10.   Promouvoir ce type de recherche, favoriser la miniaturisation des composants tels que les moteurs, radiateurs, compresseurs, etc. devrait être le but d'une politique de recherche financée par la Commission. De ce point de vue, développer des appareils électroménager impliquant une utilisation minimale de matériaux signifie développer des appareils davantage conçus pour le recyclage. La directive cadre de l'UE de mai 2005 sur l'écoconception et ses exigences en matière de conception écologique des appareils consommant de l'énergie est un important point de départ en la matière. La Commission européenne n'a pas besoin de réinventer les instruments de sa politique, mais elle doit plutôt affiner ceux qui existent déjà. Cela vaut aussi pour les étiquetages actuels en matière d'énergie et de consommation. Dans le contexte d'une aggravation de la crise de l'énergie et de la raréfaction des matières premières, la Commission devrait compléter cet étiquetage par un règlement obligatoire pour mettre des produits sur le marché. Seuls ceux qui fabriquent des produits d'excellente devraient être autorisés, à l'avenir, à vendre des appareils électroménagers sur le marché unique européen: cela serait l'évolution logique d'une législation qui demande aux entreprises de fabriquer des appareils électroménagers durables et d'excellente qualité.

2.11.   Il est également pertinent d'inviter, au moyen d'une directive, les fabricants et les détaillants à produire et à vendre des appareils domestiques réparables, en conservant des pièces détachées disponibles en vue des réparations, et à proposer un service après-vente. Les consommateurs européens sont demandeurs de ce type de service, et en l'apportant, les fabricants et détaillants européens peuvent se distinguer des fabricants à bas coûts dont les produits ne se réparent pas, mais se jettent et se remplacent par des neufs. Ce qui ne saurait être compatible avec une stratégie de développement durable.

2.11.1.   À cet égard, le CESE espère la poursuite de la discussion sur la mise en œuvre du Plan d'action (4) pour une consommation et une production durables et pour une politique industrielle durable.

2.12.   Le secteur européen des appareils électroménagers emploie encore approximativement 200 000 travailleurs. Il est en déclin depuis de nombreuses années. Environ 57 000 emplois ont été supprimés en Europe occidentale ces vingt dernières années. Le secteur des appareils électroménagers s'est effondré en Europe centrale et orientale, suite à la chute de l'ancien système politique, et seuls 20 000 nouveaux emplois environ ont été créés depuis.

2.13.   Les branches du secteur électroménager les plus fortement touchées par les délocalisations vers des pays extérieurs à l'Europe (la Russie, la Chine, la Turquie) sont celles qui produisent les climatiseurs et le petit électroménager. Les usines européennes de réfrigérateurs et congélateurs emploient encore environ 23 000 personnes.

2.14.   La restructuration du secteur électroménager européen continuera dans les prochaines années. Son ampleur ne dépendra pas uniquement du marché et des évolutions technologiques, mais également des décisions politiques et des mesures législatives qui seront prises.

3.   Remarques spécifiques

3.1.   La politique européenne doit trouver une réponse à quatre problèmes:

3.1.1.   Comment garantir que ce secteur ne disparaîtra pas au profit de pays extérieurs à l'Union européenne? La tendance au changement de localisation géographique est nette, cependant nous devrions pouvoir lutter contre la menace, supposée et réelle, de perdre ce secteur au profit de pays n'appartenant pas à l'UE.

3.1.2.   Quelle forme donner à la mutation structurelle en Europe, afin de garantir que les pays d'Europe occidentale ne perdent ni leur production scientifique et technique, ni leur savoir-faire ni les emplois qui vont de pair, tout en permettant aux pays d'Europe centrale et orientale de stabiliser à l'avenir leur secteur de l'électroménager?

3.1.3.   Comment trouver une réponse économiquement pertinente au matraquage d'importations asiatiques, dont la valeur et la qualité sont plus faible que leurs équivalents européens, et qui ne respectent pas les normes du marché unique?

3.1.4.   Comment garantir que les tentatives de proposer des appareils durables seront récompensées au sein du marché unique, que la demande augmentera pour ce type de biens et que seront maintenus les investissements dans la recherche et le développement d'appareils ayant moins d'effet sur le changement climatique et le développement durable?

3.2.   Arguments en faveur de l'industrie

3.2.1.   Ce secteur est un secteur industriel avancé en termes de réalisations en recherche et développement sur l'efficacité énergétique. Les accords volontaires ont été efficaces, et salués par ce secteur.

3.2.2.   Malheureusement, le fait que ce secteur dépende de la politique européenne pour être renforcé, afin de garantir que ses efforts portent réellement leurs fruits, constitue un facteur décourageant. L'an dernier, le secteur a décidé de ne pas renouveler les accords volontaires qui ont été si fructueux par le passé.

3.2.3.   La surveillance des marchés est d'une importance considérable à l'heure actuelle. Des contrôles plus stricts doivent être envisagés afin de garantir que tout produit se trouvant sur le marché soit réellement du niveau et de la qualité spécifiée, notamment concernant ses effets sur le changement climatique.

3.2.4.   Un soutien accru des États membres est nécessaire pour garantir que les produits super efficaces mis sur le marché soient réellement adoptés par les consommateurs. Les produits A++ sont toujours considérés comme trop onéreux, dont le retour sur investissement n'est pas rentable, ce qui a pour conséquence un marché qui opte toujours principalement pour les appareils A+. Les incitations peuvent varier, et il existe déjà des cas dans les États membres et en dehors de l'Europe, qui peuvent être qualifiés de bonnes pratiques (5).

3.2.5.   Le soutien des États membres et une concurrence loyale devraient aller de pair avec la rapidité de l'innovation technologique au sein de ce secteur, à l'échelon des États membres comme à l'échelon de l'Union européenne.

3.2.6.   Le détaillant représente un important maillon de la chaîne d'approvisionnement. Il est nécessaire que les détaillants européens soient plus conscients de toutes les implications de l'importation de produits et de leur vente au sein du marché unique. En outre, les efforts importants consentis par l'industrie seront vains, si le secteur des détaillants continue à importer et vendre des produits inférieurs aux normes, dangereux et non durables. A cet égard, le CESE a la conviction qu'il reste beaucoup à faire en matière d'éducation, afin de sensibiliser le secteur du détail aux questions liées à l'industrie des appareils électroménagers sur le marché unique, et à la question de l'aspect durable de ces appareils.

3.3.   L'aspect social

3.3.1.   La réalité est que les emplois sont supprimés lorsque l'industrie est délocalisée. Partant, cela écarte un grand nombre de personnes dont les compétences restent inutilisées, à moins que le travailleur ne se délocalise également. La restructuration de l'industrie est capitale si l'on veut conserver les emplois, et garantir que ce secteur reste attractif pour les meilleurs travailleurs.

3.3.2.   Le secteur des services devrait se voir accorder la considération qu'il mérite, avec une attention toute particulière aux services de réparation des appareils. Ceux-ci ont besoin de rester prospère, et il faut pour cela garantir que les appareils de bonne qualité soient réellement réparables, et que les pièces détachées soient effectivement disponibles, rendant possible la réparation.

3.3.3.   Dans le même temps, une politique conjointe entre l'Europe et les États membres devrait favoriser la transition de ce secteur vers la production de produits novateurs, créant de nouvelles opportunités d'emploi. Ce processus devrait être encouragé par un dialogue social bien structuré entre les partenaires sociaux à l'échelon européen, national et de l'entreprise. Des conditions professionnelles de qualité européenne doivent être garanties, également sur les nouveaux sites de productions situés dans les nouveaux États membres.

3.3.4.   Un dialogue social réel et constant au sein de ce secteur, à l'échelon européen, associé à la surveillance des marchés et à l'application des normes dans toute l'Europe sont cruciales pour garantir le maintien des emplois

3.4.   Arguments en faveur du consommateur

3.4.1.   Les consommateurs ont besoin de se voir garantir des produits affichant une performance de bonne qualité, qui soient également efficaces du point de vue énergétique, l'information qualitative mise à disposition du consommateur doit donc être simple, exacte et efficace.

3.4.2.   Le système d'étiquetage doit être plus dynamique, pouvoir évoluer et être mis à jour au rythme des innovations dans ce secteur. En outre, les étiquettes devraient rendre exactement compte des normes applicables aux appareils, les tests devraient donc être plus stricts et plus précis.

3.4.3.   La surveillance des marchés revêt une grande importance dans les différents États membres, de manière à garantir que les appareils fournissent réellement la prestation annoncée, et que les consommateurs obtiennent le service auquel ils sont en droit de s'attendre.

3.4.4.   Il convient de noter l'éventuel effet négatif que l'achat de nouveaux appareils électroménagers peut avoir sur l'environnement, si les consommateurs conservent leurs anciens appareils parallèlement aux nouveaux; ce qui aboutirait à l'effet inverse de l'effet recherché.

3.4.5.   Les tests pratiqués par des consommateurs indépendants sont la meilleure promotion des appareils véritablement efficaces. Ce type de tests garantirait la qualité et la norme globales d'un appareil exécutant convenablement les fonctions essentielles du produit.

3.5.   Arguments en faveur de l'environnement

3.5.1.   Le CESE reconnaît que ce secteur peut également apporter une contribution particulière à la préservation de l'environnement et à la réduction des émissions de CO2 et du changement climatique. A cet égard, le CESE réitère sa position, adoptée dans son avis d'initiative sur la production écologique (6), dans lequel il souligne l'existence d'une opportunité de croissance au sein du marché unique pour un marché écologique, ainsi que les spécificités liées à l'étiquetage et le cycle de vie des produits.

3.5.2.   Un délai d'environ 5 ans devrait s'appliquer à tous les biens dont le niveau de performance est inférieur à la «norme souhaitée», pour qu'ils atteignent le niveau désiré. Par exemple, les réfrigérateurs qui n'auront pas atteint un seuil spécifique après ce délai ne devraient plus, selon nous, être présents sur le marché européen. Cela serait conforme au plan d'action présenté par la Commission européenne pour l'efficacité énergétique, le 24 octobre 2006 («Les produits non conformes à ces prescriptions minimales convenues ne pourront pas être mis sur le marché»). Ces propositions sont également conformes à la directive sur l'écoconception, et au règlement sur l'étiquetage.

3.5.3.   Par ailleurs, il est important que la législation sur l'écoconception s'applique le plus rapidement possible à tous les gros appareils concernés, et que la législation sur l'étiquetage énergétique soit révisée, afin de permettre le développement rapide de produits extrêmement efficaces: ce scénario législatif exigerait des entreprises la fabrication d'appareils électroménagers durables et d'excellente qualité.

3.5.4.   Concernant l'étiquetage existant en matière de politique énergétique européenne et compte tenu du fait que ce mécanisme d'étiquetage n'est pas en lui-même suffisant pour remplir les objectifs fixés par l'Union européenne en matière d'énergie, le CESE encourage la Commission à envisager de nouveaux instruments juridiques visant à atteindre ces objectifs.

Bruxelles, le 22 octobre 2008.

Le Président

du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  Le secteur de l'électroménager fait référence aux réfrigérateurs, lave-linge ou lave-vaisselle, chauffe-eau, radiateurs, télévisions, et tous les appareils électroniques d'utilisation domestique.

(2)  Le nouveau cadre législatif (NLF) connu également sous le nom de «train de mesures Ayral» est la dernière série de mesures prises dans le cadre du programme «mieux légiférer» concernant la surveillance des marchés, l'étiquetage des produits et l'homologation. Il a été adopté par le Parlement européen et le Conseil le 23 juin 2008. http://ec.europa.eu/enterprise/regulation/internal_market_package/index_fr.htm

(3)  Compte tenu des prix de l'énergie et du coût des carburants.

(4)  COM(2008) 397 final (16.07.2008).

(5)  Italie: 20 % du coût des réfrigérateurs/congélateurs de classe A+ et A++, avec un plafond de 200 €, sont déductibles de l'impôt sur le revenu.

Espagne: un système de remboursement — en 2008, les consommateurs qui choisissent des produits efficaces du point de vue énergétiques peuvent obtenir des subventions allant de 50 à 125 euros, en fonction du type d'appareil acheté.

Brésil: le gouvernement fédéral brésilien a prévu de lancer un programme en septembre prochain, destiné à subventionner l'achat de 10 millions de réfrigérateurs destinés aux personnes à bas revenus. Les consommateurs doivent rendre leur ancien réfrigérateur, qui consomme habituellement davantage d'énergie, pour obtenir le crédit nécessaire à l'achat d'un appareil neuf et plus économique.

(6)  Avis CESE (JO C 224 du 30.8.2008, p. 1) (rapporteuse: Mme DARMANIN).


30.4.2009   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/77


Avis du Comité économique et social européen sur «Comment l'expérimentation sociale peut elle servir en Europe à l'élaboration des politiques publiques d'inclusion active»

2009/C 100/13

Dans une lettre du 5 mars 2008, le ministère français des Affaires étrangères et européennes a demandé au Comité économique et social européen, dans la perspective de la prochaine présidence de l'Union européenne, d'élaborer un avis exploratoire sur le thème suivant:

«Comment l'expérimentation sociale peut-elle servir en Europe à l'élaboration des politiques publiques d'inclusion active».

Des premiers éléments de cadrage avaient été exposés, à cette occasion, par le «Haut Commissaire aux Solidarités actives contre la pauvreté» qui est à l'origine de cette sollicitation.

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 11 septembre 2008 (rapporteur: M. BLOCH-LAINÉ, corapporteur: M. EHNMARK).

Lors de sa 448e session plénière des 21, 22 et 23 octobre 2008 (séance du 23 octobre 2008), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 66 voix pour, 0 voix contre et 1 abstention.

1.   Introduction

1.1   La sollicitation de cet avis est liée à une décision du Gouvernement français d'organiser en novembre prochain à Grenoble des «Rencontres de l'Expérimentation sociale en Europe». L'objectif annoncé est de promouvoir au niveau communautaire et auprès des États membres l'intérêt et l'usage partagés de l'expérimentation comme outil d'élaboration des politiques publiques dans le champ social et, en l'occurrence, dans le domaine, entre autres, de la lutte contre la pauvreté par «l'inclusion active». Il s'agira, à l'occasion de cette conférence, de contribuer à développer une «culture» de l'expérimentation et de préparer, en la matière, le cas échéant et le moment venu, de nouvelles initiatives programmatiques qui pourraient être soutenues par la Commission. Les présidences ultérieures — tchèque et suédoise — envisageraient, éventuellement, si bon leur semblait, de prendre le relais sur pareille piste.

1.2   À ces fins, il importerait (aux yeux de la présidence française), d'une part de mieux connaître et faire connaître les pratiques actuelles des 27 États membres dans le domaine considéré et, d'autre part, d'en jauger la pertinence et les voies de perfectionnements, les possibilités de codéveloppement, de rayonnement et de transmission. L'attente exprimée concernant les expériences projetées, engagées ou réalisées ne fixe aucune condition de dimension; il est souhaité que soient mises en lumière les diversités d'acteurs, de modes de coopération; de modes juridiques et pratiques d'action. L'ambition est de créer, dans les meilleurs délais, à la fois volontaristes et réalistes, les bases d'une connaissance tenue à jour d'un réseau européen d'excellence d'innovations expérimentales évaluées.

1.3   Le présent avis a pour objet, après avoir regroupé des remarques et indications, d'affirmer des convictions et d'exposer des préconisations.

2.   Remarques et indications

2.1   La préoccupation qui a fondé la présente saisine ne relève pas d'une mode inopinée ou sporadique, ou de l'imprévisible. Le développement des expérimentations sociales en Europe (comme d'ailleurs aux États-Unis et au Canada) est foisonnant

2.1.1   D'excellentes études, enquêtes, recherches en la matière, ont été effectuées ces dix dernières années dans certains pays de l'Union. De multiples et utiles réunions, ateliers, séminaires, colloques internationaux, se sont tenus, se tiennent ou se préparent.

2.1.2   Mais à ce jour, «l'expérimentation sociale» est encore, à maints égards, une nébuleuse conceptuelle: les contours de son immense et riche champ sont imprécis; son contenu, en évolution permanente, est infiniment diversifié; les dénominations de ses composantes sont parfois bien ésotériques; enfin, les évaluations de ses résultats sont souvent trop vagues (voire inexistantes) ou controversées, parce qu''ambiguës et discutables.

2.1.3   On trouve certes, sur le sujet, des catalogues, des comptes-rendus, des témoignages, des notes souvent fort intéressants. Mais à la connaissance du Comité, il n'existe nulle part à ce jour (sauf erreur) — ministères, collectivités publiques décentralisées, conseils économiques et sociaux nationaux, instances consultatives communautaires, organisations «faitières» de partenaires sociaux (1), etc. — de véritables répertoires au sens méthodologique du terme.

2.1.4   Il n'était évidemment pas question, à l'occasion de ce travail et dans les délais impartis, de prétendre effectuer un large recensement d'expérimentations, susceptibles et jugées dignes de servir tout de go à l'élaboration de politiques publiques. La raison élémentaire dictait, pour l'établissement d'un avis bref dont la dénomination «d'exploratoire» trouve ici tout son sens littéral (préparatoire, préalable), de sélectionner quelques gisements européens fiables et instructifs, certains de caractère institutionnel, d'autres détenus par des ONG.

2.2   La notion d'«expérimentation sociale» n'a pas été inscrite d'emblée dans les lignes de force des politiques communautaires. Sans doute l'expérimentation de mini-projets figurait-elle déjà dans le premier programme de lutte conte la pauvreté (1975-1980). Le second programme (1985-1989) comme le troisième (1989-1994) étaient sous-tendus par la volonté, entre autres, de faire des bilans des expériences acquises. Mais le terme d'expérimentation n'était pas souligné en tant que tel. Enfin, si les novations essentielles du traité d'Amsterdam et les avancées considérables du Conseil de Lisbonne comportent en filigrane constant la volonté d'examiner en commun les exemples de «bonnes pratiques», les programmes nationaux ou plans d'action et les rapports conjoints sur la protection sociale n'ont accordé que peu de place aux réalisations expérimentales. Quant à la «Méthode ouverte de coordination», elle ne leur a guère consacré d'efforts et d'espace.

2.2.1   Et pourtant, sur ce volet de la politique sociale de l'Union, des avancées majeures ont été réalisées au cours des années récentes. Le grand mérite en revient à la Commission européenne. Grâce à deux réunions de travail avec sa Direction générale de l'emploi, des affaires sociales et de l'égalité des chances, le CESE — qui lui en est très reconnaissant — a pu notamment réfléchir au bilan remarquable du programme EQUAL, du programme PROGRESS et de «l'évaluation par les pairs». La nature et l'espace du présent avis ne se prêtaient pas à une description détaillée de ces dispositifs.

2.2.2   Un dossier sera établi dans des délais permettant son utilisation aux travaux de la rencontre précitée de Grenoble en novembre prochain. Il comportera des informations sur des exemples d'expérimentations innovantes réussis. Il indiquera les coordonnées de sites susceptibles d'être utilement consultés.

2.2.3   Rappelons seulement ici les quelques données suivantes: le programme EQUAL qui a fonctionné pendant six ans (2002-2008) et qui est arrivé à expiration, a investi 3 milliards d'EUR du Fonds social européen dans des innovations sociales relatives au marché de l'emploi et à l'inclusion sociale active dans plusieurs états de l'Union. Il a mis en œuvre 3 480 partenariats avec plus de 2 000 acteurs. Il a concerné plus de 200 000 personnes défavorisées. C'est vraisemblablement le plus judicieux et le plus grand programme d'innovations sociales accompli en Europe.

2.2.4   Au-delà de ces chiffres eux-mêmes, il faut savoir que, au nom de l'Union, EQUAL et la «révision des pairs» ont établi un corpus de connaissances méthodologiques inédit. C'est peut être cela le plus important pour l'avenir. Nombre de ces enseignements sont clairement exposés dans des guides. Le CESE estime par conséquent qu'il y a lieu de continuer à évaluer les résultats et les apports de ces programmes en matière d'inclusion sociale.

2.2.5   D'autre part, s'agissant des actions recensées à cette étape exploratoire, le CESE a porté une attention particulière au champ des expérimentations innovantes relatives à l'inclusion par l'activité économique, dans une approche holistique. Il a consulté à cet effet des réseaux d'ONG et des organismes (2) susceptibles d'exposer, lors d'une audition (3), des cas bien analysés et évalués d'actions performantes réalisées par des entreprises sociales européennes en matière d'intégration par le travail. Le Comité est bien conscient du fait que le champ dit de «l'inclusion active» est beaucoup plus vaste que ce secteur. Mais celui-ci regroupe des acteurs précieux dont les réseaux sont bien organisés, et qu'il était important de rencontrer en première étape et sans attendre.

2.2.6   Les informations collectées à l'occasion de l'audition précitée (16 juin 2008) et le compte rendu de celle-ci feront eux aussi l'objet d'un dossier disponible dans les délais évoqués ci-dessus. On peut, dans le présent avis, souligner les quelques indications suivantes:

2.2.6.1   Des expérimentations nombreuses ont produit des résultats très positifs, à partir d'idées innovantes d'une grande variété et sous des statuts juridiques très différents;

2.2.6.2   Dans tous les cas évoqués, il y a eu coopération effective de parties prenantes elles aussi différentes et activement engagées;

2.2.6.3   Dans plusieurs pays, des lois sont venues reconnaitre et encadrer les actions menées. Mais ce fût souvent à l'issue de longs délais;

2.2.6.4   Le «facteur temps» est, en la matière, une donnée essentielle. En plusieurs lieux, une forte inquiétude existe quant à la pérennité des expérimentations (à cet égard, la fin du programme EQUAL soucie beaucoup). La question de savoir comment engager plus durablement les parties prenantes — notamment les autorités locales — est posée;

2.2.6.5   De toutes parts, on insiste, s'agissant de l'évaluation, sur la nécessité des appréciations et des mesures globales du rapport coût/bénéfice des expériences;

2.2.6.6   De toutes parts, on estime que le rôle de l'action européenne est essentiel tant pour ce qui concerne la transmission des savoir-faire que la durabilité des projets engagés.

3.   Convictions

3.1   Le Comité s'affirme convaincu de l'utilité primordiale potentielle de l'expérimentation innovante comme outil d'élaboration des politiques nationales et transnationales dans l'Union européenne. Les raisons de cette adhésion peuvent être résumées comme suit:

3.1.1   On reconnait volontiers que les formes contemporaines de pauvreté et d'exclusion ont revêtu une complexité qui a longtemps défié les analyses et déjoué les anticipations. Les diagnostics, notamment ceux établis grâce aux études impulsées par l'Union européenne, ont heureusement beaucoup progressé ces toutes dernières années. Mais s'agissant des remèdes, beaucoup d'inconnues et d'incertitudes demeurent, c'est le moins qu'on puisse dire. Dans nombre de pays, les politiques globales mises en œuvre n'ont pas atteint leurs objectifs. Des dispositifs généraux déduits de présupposés théoriques se sont révélés inadaptés, inefficaces, voire périmés ou contre-indiqués, assez vite après leur instauration; et ce, soit parce qu'ils méconnaissaient concrètement les causes majeures, les spécificités et les corrélations des maux à combattre, soit parce des effets pervers n'avaient pas été prévus ou décelés à temps. L'expérimentation serait, par nature même, une voie permettant souvent, à partir de l'observation rapprochée, de faciliter les ajustements, les corrections et de favoriser l'évitement, au plan général, de «fausses bonnes idées».

3.1.2   Le recours à la méthode que la philosophie nommée «inductive» («Le réel doit apparaitre de ce que j'observe») est primordial chez les scientifiques. La méthode inverse dite «déductive» («Le réel ne peut être que conforme à ce que je pense») a occasionné, dans le champ des politiques sociales, des mécomptes, des erreurs (4). Soyons clairs: il ne s'agit pas de prôner ici la renonciation aux politiques globales et leur remplacement pur et simple par des actions ponctuelles expérimentales. Ce serait absurde — Il s'agit de recommander, lorsqu'il est possible, un recours accru à l'expérimentation innovante pour éclairer et conforter l'élaboration des politiques publiques globales. Il s'agit de développer et d'optimiser le rôle d'outil que peut remplir, dans l'espace de notre Union, l'innovation expérimentale en matière de gouvernance des états et des institutions communautaires.

3.1.3   L'expérimentation permettrait souvent mieux que la généralisation immédiate de savoir comment mobiliser dans la proximité des acteurs divers impliqués et coopératifs, au plus près des besoins réels des personnes.

3.1.4   Elle permettrait, sans créer de dégâts, d'exercer un «droit à l'erreur», sans entraîner pour autant des scepticismes systématiques.

3.1.5   «L'expérimentation sociale» doit être solidement ancrée dans les systèmes de solidarité sociale existants et cautionnée par des concepts aboutis ainsi que par la responsabilité des acteurs intéressés. De même, le recours à l'expérimentation favoriserait le renforcement et l'extension du champ de la «Méthode ouverte de coordination».

3.2   Si pareils arguments recueillent le plus souvent l'accord, il ne faut pas pour autant ignorer le fait qu'existent aussi ici et là des doutes et des défiances qui doivent être pris en compte et discutés pour éviter que des actions utiles soient discréditées ou contrariées.

3.2.1   Les objections le plus souvent formulées en la matière consistent à dire:

3.2.1.1   Le terme même d'«expérimentation» est choquant, car les êtres humains ne sont pas des cobayes; il vaudrait mieux parler d'«expériences» ou mieux encore et tout simplement d'«innovation»;

3.2.1.2   Les expériences en matière sociale ne sont le plus souvent que des exercices de laboratoire — comment éviter cela? Comment déceler les parodies, les simulacres, les travestissements, les trompe-l'œil, les caricatures, les ghettos?

3.2.1.3   Leurs spécificités de lieux et d'échelle rendent les expérimentations généralement et inévitablement non reproductibles;

3.2.1.4   Les expérimentations risquent de servir d'alibis pour des décideurs publics peu enclins à réaliser des réformes générales. Elles peuvent mener à réduire, voire abolir, des dispositifs sociaux existants et protecteurs;

3.2.1.5   Les expérimentations risquent soit de créer des avantages inégalitaires au profit de quelques-uns, soit, en cas d'abandon d'expériences, d'avoir créé des aménités momentanées, fugaces et de causer de cruelles déceptions;

3.2.1.6   Quelle confiance accorder aux protocoles d'évaluation?

3.3   En vue de désarmer pareilles oppositions et défiances, le CESE estime essentiel de définir de façon exigeante les expérimentations susceptibles d'être engagées et menées avec l'appui et la caution de décideurs publics quels qu'ils soient.

3.3.1   Il est écrit ci-dessus (§ 2.1.2) que «l'expérimentation sociale» est encore une «nébuleuse conceptuelle». Pareil propos de la part du Comité n'est pas une raillerie. Si c'était le cas, ce ne serait ni drôle, ni utile, ni digne; mais ce n'est pas le cas. Ce qui anime le Comité, en l'occurrence, c'est la volonté de contribuer à une conjugaison de réflexions visant à dissiper autant que possible les zones de «flou» dudit concept.

3.3.2   La première démarche en ce sens est sans doute de s'accorder sur une définition. L'exercice est compliqué par l'existence d'ambiguïtés de fond qui ressurgissent de façon récurrentes. La principale est de savoir si «l'expérimentation sociale» pourrait n'avoir pour objectif que de valider des méthodes existantes ou si l'expérimentation doit avoir pour raison d'être de faire émerger de véritables innovations.

3.3.3   Le Comité a voulu éviter de s'enliser dans l'examen d'un catalogue doctrinal et sémantique de définitions. Il a fixé son attention sur deux acceptions:

3.3.3.1   L'une émane d'un Institut américain de références (5). Elle propose quatre traités constitutifs:

l'affectation aléatoire des bénéficiaires et d'un groupe de contrôle («Random assignment»),

un dispositif de politique publique («Policy intervention»),

un dispositif de suivi («Follow up data collection»),

une évaluation («Evaluation»).

3.3.3.2   L'autre définition a été établie par l'instance française initiatrice de la sollicitation du présent avis et propose les composantes suivantes:

une innovation de politique sociale, initiée dans un premier temps à petite échelle, compte tenu des incertitudes relatives à ses effets,

mise en œuvre dans des conditions qui permettent d'évaluer ceux-ci,

et dans l'optique d'une généralisation ultérieure.

C'est cette seconde définition qui a clairement, sans réserve, la préférence et le soutien du Comité économique et social européen.

3.3.4   Rappelons encore une fois que les idées d'innovations expérimentales foisonnent. Les bonnes intentions floues ne manquent pas; «l'enfer en est pavé». Et le pire tort que l'on pourrait porter au concept «d'expérimentation sociale», à son avenir, serait de favoriser l'éclosion publique d'initiatives condamnées d'avance à l'échec ou au confinement dans la non reproductibilité.

3.3.5   Le programme EQUAL a notamment servi à élaborer des règles et des méthodes permettant de tester ce qui est facteur de succès ou facteur d'échec. Le Comité souligne et salue ce travail accompli principalement à l'intention des gestionnaires du Fonds social européen, mais qui pourrait servir pour tous décideurs locaux ou nationaux désireux d'engager des projets expérimentaux innovants.

3.3.6   Ne devraient retenir réellement l'attention que des expérimentations comportant:

3.3.6.1

Des dispositifs clairement datés et chiffrés;

3.3.6.2

Une programmation précise des moyens mis en œuvre;

3.3.6.3

L'engagement explicite, effectif, la coopération constante d'intervenants divers: collectivités publiques, chercheurs, partenaires sociaux, autres acteurs de la société civile (fondations, coopératives, mutuelles, associations…);

3.3.6.4

Des dispositifs visant à assurer la participation active et véritable des «groupes-cibles» de l'expérimentation à la conception, la conduite et l'appréciation de ces résultats, et donc à une «coconstruction» des expérimentations et des politiques. Les êtres humains, dans la culture européenne, ne sont pas essentiellement des «assistés», des «usagers», des «assujettis», des «administrés», des «clients», des «électeurs», etc. Ce sont des personnes.

3.3.6.5

Un système de suivi et surtout d'évaluation établi méthodologiquement — au sens plein du terme — et annoncé clairement avant le lancement de l'opération; ce système devant comporter de véritables études d'impact, prévoir l'intervention d'évaluateurs fiables et être conçu de façon à permettre notamment une mesure sérieuse de la durabilité des résultats.

3.3.6.6

Une appréciation pertinente des possibilités de reproductibilité des expériences (étant entendu qu'un projet non transférable peut comporter des éléments et composants très instructifs en eux-mêmes).

3.3.7   La liste déjà longue de ces conditions ne saurait garantir à tous coups le succès d'une expérimentation. Mais il faut bien accepter par avance le risque d'échec, à moins de s'interdire, par principe même, le recours à l'expérimentation.

4.   Préconisations

4.1   Orientations générales

4.1.1   Ni l'expérimentation ni l'innovation ne font encore vraiment partie de la stratégie sociale européenne et donc de la «Méthode ouverte de coordination». Des clés de convergence conceptuelle se sont tout de même dégagées ces toutes dernières années: idée de la modernisation de la politique sociale; l'évaluation comme une des clés de la bonne gouvernance, l'apprentissage mutuel et le transfert de bonnes pratiques. Le 2 juillet 2008, la Commission a adopté l'Agenda social renouvelé, qui comprend une importante communication sur le renforcement de la Méthode ouverte de coordination sociale. Le texte souligne que Progress soutiendra «les expérimentations sociales». Mais, l'objectif est de persévérer et de progresser dans cette voie et il importe de s'assurer que les principes qui ont gouverné le programme EQUAL seront effectivement intégrés dans la gestion et le fonctionnement à venir du Fond social européen. Au-delà des actions déjà menées, rien n'interdit d'imaginer et de préconiser que le Fond social européen, et d'ailleurs les Fonds structurels se mobilisent dans le champ des programmes d'innovation de l'inclusion active.

4.1.2   Le CESE recommande que l'on réfléchisse à une approche, une conception davantage intégrées des nombreux et divers programmes européens de façon à promouvoir plus avant «l'expérimentation sociale» innovante en matière de cohésion et d'inclusion sociale. Sont visés ici, par exemple, des programmes tels que: le «7e programme de recherche et développement», certains programmes de développement régional («Jeremie», «Jaspers», «Micro-credits»); certains programmes de développement rural (tels que le programme «Leader») et pourquoi pas des programmes relatifs au développement durable.

4.2   Si les projets «d'expérimentation sociale» en matière de lutte contre l'exclusion relèvent principalement de l'initiative d'acteurs locaux et nationaux, l'action des instances européennes et singulièrement de la Commission peut s'intensifier et exercer un effet de levier déterminant. La période actuelle en la matière est opportune.

4.3   À cet effet, il importe impérativement de promouvoir une meilleure connaissance des réalités en la matière dans les 27 pays de l'Union. Tel est d'ailleurs l'un des soucis majeurs motivant la sollicitation du présent avis, lequel, compte tenu du calendrier et de l'ampleur du champ, ne pouvait être qu'une entreprise de première étape, susceptible — c'est le souhait engagé du Comité économique et social européen — de préparer des développements ultérieurs.

4.3.1   En la matière, le Comité ne recommande pas la création d'un énième observatoire conçu sur le modèle institutionnel classique. Il estime que cette solution complexe et coûteuse serait faussement productive. Mais il préconise avec insistance la constitution d'un dispositif en forme de réseau européen attentif, ayant mission de développer et partager la connaissance de l'existence, la nature, la teneur, les modalités, les enseignements, les résultats des expérimentations accomplies dans les états de l'Union. Ce dispositif devrait associer des intervenants divers: organismes de recherche, partenaires coresponsables de projets (partenaires politiques, économiques, sociaux…). Il importerait que l'Union européenne exerçât un rôle moteur dans la mise en place, l'animation et le développement durable d'un tel réseau. Ce rôle devrait être placé sous l'égide de la Commission. Le CESE, pour sa part, a sa place et dans la mesure de ses moyens, en tant que «pont» avec la «société civile organisée», participerait volontiers à l'entreprise s'il y était convié.

4.3.2   Le Comité recommande un recours effectif aux sources déjà existantes: bilan d'EQUAL, révision par les pairs, champs connus des ONG (6).

4.3.3   Le Comité suggère que des dispositions soient prises activement en vue de consacrer dans les plans des programmes nationaux ainsi que dans les rapports conjoints des développements informatifs concernant les expérimentations sociales innovantes.

4.3.4   Le Parlement et le Conseil pourraient instaurer en commun de façon systématique au moins une rencontre annuelle de «l'expérimentation sociale» privilégiant successivement tels ou tels volets d'action. En l'occurrence, on pourrait prévoir d'insérer dans le programme de l'année européenne de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale une ou des occasions de travaux en commun sur ces sujets.

4.3.5   Il serait judicieux de multiplier les rencontres européennes locales du type de celles des «réunions d'évaluations par les pairs».

4.3.6   L'objectif de ces quelques préconisations serait de concourir à l'établissement progressif d'un «mapping» évolutif de projets territoriaux d'inclusion active, éventuellement éligibles à des soutiens communautaires et qui pourraient être des précurseurs pour des expérimentations sociales à dimension transnationale. Le recensement régulier de «success stories», des bons cas, pourrait alimenter un processus utile d'échanges communautaires et de transfert d'expérience au niveau de l'Union européenne.

4.4   Le Comité souhaite vivement qu'un montant de crédits de l'ordre de celui des moyens consacrés à EQUAL soit disponible à l'avenir.

4.5   Il est remarquable — c'est vraiment à leur honneur — que les responsables et les autres meilleurs connaisseurs du dispositif EQUAL insistent eux-mêmes sur les efforts de réflexion et de clairvoyance restant à accomplir s'agissant de «l'expérimentation sociale» et de la meilleure façon pour l'Union européenne d'y intensifier ses interventions et de faire progresser ses connaissances, notamment en matière de faisabilité, de reproductibilité et de déontologie. Le Comité suggère qu'afin d'aider au «mûrissement» de ce dossier, la Commission propose au Conseil l'établissement d'un rapport examinant sous tous les angles importants, la question de la plus-value espérée de «l'expérimentation sociale» en Europe. En éclaircissant, notamment, les réponses à des questions entre autres, telles que celles-ci:

4.5.1   On est loin d'être au clair sur l'écart qui sépare si souvent les expérimentations sociales de leur reconnaissance et, surtout, de leur généralisation. Cette frontière ne relève pas de hasards, d'accidents, de banales contingences. Elle traduit un «fossé». Il est nécessaire d'y réfléchir activement.

4.5.2   Faut-il chercher à fixer précisément des seuils d'échelle de taille pour déterminer les expérimentations sociales et les innovations dignes d'être prises en considération?

4.5.3   Doit-on préciser les lignes conceptuelles qui séparent ce qui mérite le nom d'innovation de ce qui n'en relève pas? Si oui, comment?

4.5.4   Les expérimentations en matière d'inclusion se sont essentiellement consacrées à remédier à des maux déjà avérés; c'est-à-dire à guérir. Comment, tout en progressant sur cette voie, accorder une place croissante à la prévention; en essayant d'anticiper davantage les défis de l'avenir (démographiques, économiques, sociologiques…) non encore prégnants?

4.5.5   Comment élargir encore le champ des partenariats entres acteurs concernés par l'inclusion active? Comment notamment développer les synergies entre associations, entreprises d'insertion et entreprises de droit commun, en vue de développer et perfectionner de véritables parcours d'inclusion? Comment renforcer, multiplier les passerelles entre l'exclusion et l'inclusion dans le cadre du redéveloppement de la responsabilité sociale des entreprises (RSE)? Doit-on prôner des idées telles que, par exemple, la coopération avec les comités d'entreprises? Ou la demande faite aux entreprises employant plus d'un nombre déterminé de salariés, de publier un rapport annuel sur des questions de ce genre?

5.   Conclusion

5.1   «L'expérimentation sociale» est, à notre époque, un des défis importants lancés à la gouvernance des collectivités publiques, centrales et décentralisées, des États, comme à celle de l'Union européenne. C'est une voie méthodologique complexe, exigeante, perfectible mais susceptible d'être durablement utile.

5.1.1   Le CESE souligne que les politiques publiques globales ne peuvent en aucun cas être remplacées par de quelconques actions expérimentales ponctuelles. Le Comité estime qu'un recours accru à l'expérimentation innovante peut permettre d'éclairer et de conforter l'élaboration de ces politiques.

5.2   L'Union européenne est habilitée à définir des cadres pour les politiques nationales et locales. C'est une de ses vocations essentielles. En l'espèce — la lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion active. Elle a déjà initié, accompli une action pionnière, courageuse et judicieuse. Mais elle peut aller beaucoup plus loin; dans l'intérêt de servir, sur le champ considéré, l'avenir de l'Europe et l'attachement que ses citoyens éprouvent à son égard.

5.3   Le CESE recommande qu'en en prenant, pour ne pas créer d'illusions, le temps et les moyens nécessaires, l'Union s'engage explicitement à promouvoir, accompagner et soutenir plus activement encore, des expérimentations sociales innovantes dans les champs nombreux, subtils et essentiels des politiques d'inclusion.

Bruxelles, le 23 octobre 2008.

Le Président

du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  Centrales, fédérales, confédérales, ou toutes autres.

(2)  Conseil National de l'Insertion par l'Activité Economique (CNIAE), Réseau européen des associations de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (EAPN), EMES, Réseau européen des entreprises sociales d'insertion (ENSIE), Fédération européenne d'associations nationales travaillant avec les sans-abris (FEANTSA).

(3)  Une audition s'est tenue le 16 juin 2008 après une réunion préparatoire du 22 avril 2008.

(4)  Rappelons que beaucoup plus dramatiquement et à une toute autre échelle, des idéologies et des dogmatismes de tout acabit ont été et restent susceptibles de déterminer des catastrophes affreuses.

(5)  URBA Institute.

(6)  À cet égard, le Comité de liaison créé entre des ONG et le CESE pourrait être mis à contribution.


30.4.2009   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/84


Avis du Comité économique et social européen sur «La dimension éthique et sociale des institutions financières européennes»

2009/C 100/14

Le 25 septembre 2007, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son Règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur le thème:

«La dimension éthique et sociale des institutions financières européennes» (avis d'initiative).

La section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 2 octobre 2008 (rapporteur: M. IOZIA).

Lors de sa 448e session plénière des 22 et 23 octobre 2008 (séance du 23 octobre 2008), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 122 voix pour, 23 voix contre et 45 abstentions.

1.   Contenu essentiel et recommandations

1.1   Les récents développements de la crise financière, imprévisibles et inattendus par l'ampleur des pertes et l'impuissance manifeste des instruments de régulation destinés à protéger le marché, c'est-à-dire à défendre les épargnants, les entreprises et les investisseurs, imposent la nécessité d'engager une nouvelle réflexion spécifique sur le contenu du présent avis. Les faillites observées dans le monde entier et les sauvetages de banques et de compagnies d'assurance apparemment très solides ont fait naître un état d'anxiété et de préoccupation chez des millions de citoyens européens.

1.1.1   Le Conseil européen des 15 et 16 octobre a été principalement consacré au thème de la crise financière et a fait part de sa détermination à agir de manière concertée pour protéger le système financier européen et les déposants. Après l’Eurogroupe, le Conseil dans son ensemble a approuvé les principes définis lors de la réunion de Paris du 12 octobre, qui visent à préserver la stabilité du système, à renforcer la surveillance du secteur financier européen, notamment des groupes multinationaux, à améliorer la coordination de la surveillance au niveau européen, à soutenir les institutions financières importantes, à éviter les faillites et à assurer la protection des dépôts des épargnants.

1.1.2   Le Conseil a également préconisé l'accélération des travaux relatifs à la directive visant à réglementer les activités des agences de notation ainsi qu'à celle sur la garantie des dépôts, et a recommandé aux États membres d'adopter des mesures visant à empêcher que les rétributions des dirigeants et les droits préférentiels de souscription, en particulier dans le secteur financier, n'entraînent une prise de risques excessive et une extrême focalisation sur les objectifs à court terme.

1.1.3   Le Conseil a souligné la nécessité de soutenir la croissance et l'emploi, tout en préconisant une réforme profonde du système financier international, fondée sur les principes de transparence, de solidité bancaire, de responsabilité, d'intégrité et de gouvernance mondiale, ainsi que de prévenir les conflits d'intérêt.

1.1.4   Le CESE avait déjà demandé il y a longtemps, en vain, des interventions visant à renforcer les instruments de régulation, la coopération entre les autorités de contrôle, la coordination et l'harmonisation des mesures de surveillance. Il avait dénoncé les risques excessifs pris par le système bancaire européen et international, encouragés par des systèmes aberrants de rétribution liée à des résultats à très court terme, qui obligent les opérateurs du secteur à mener des campagnes de vente inconsidérées de produits à très haut risque.

1.1.5   Malgré les scandales financiers qui ont éclaté en Europe aussi, rien de concret n'a été fait et c'est seulement aujourd'hui, alors que l'ampleur de la crise risque d'avoir des effets dramatiques sur l'ensemble de l'économie, que l'on se rend compte que les promesses d'un capitalisme effréné et irresponsable, d'une croissance démesurée et sans limites étaient irréalistes et génératrices de crises profondes.

1.1.6   Ce modèle est entré de manière irréversible dans sa phase ultime. Le CESE souhaite que les institutions politiques prennent enfin leurs responsabilités:

en développant les compétences et le champ d'intervention des autorités de régulation,

en interdisant la possibilité de détenir des fonds, des crédits et des titres extrabudgétaires,

en renforçant et en uniformisant les activités des régulateurs nationaux,

en imposant des règles plus adaptées et transparentes pour les activités des fonds spéculatifs, des banques d'investissement, des structures off-shore servant de support à des activités financières, des fonds souverains et des fonds de capital-investissement, en les soumettant à la surveillance des autorités et en établissant leur qualité d'«entreprises» auxquelles s'applique la législation en vigueur, comme l'a demandé le Parlement européen,

en modifiant le système fiscal, en évitant toute incitation ou réduction en cas de risques élevés ou d'endettement excessif,

en créant une Agence européenne de notation,

en régulant le système de rétribution des hauts dirigeants d'entreprise et celui des incitations à la vente de produits financiers non adaptés aux opérateurs, comme le souhaite actuellement le Conseil,

en contrôlant les marchés non réglementés,

en adaptant les exigences en matière de capital pour les produits financiers complexes et les produits dérivés.

1.1.7   Le CESE est persuadé que la très profonde crise financière et l'échec définitif souhaité du capitalisme-casino peuvent offrir l'occasion d'adopter les mesures les plus appropriées en vue de sauvegarder à l'avenir le système financier et de relancer en même temps l'économie. Un effort collectif est nécessaire, à la hauteur du risque d'une infection de toute l'économie réelle que fait courir le virus décelé dans la sphère financière. Les investissements en infrastructures, en «investissements verts», tels que l'efficacité énergétique et les sources d'énergie renouvelables, l'innovation et la recherche peuvent contribuer à soutenir la demande. Un nouveau Fonds européen, dont la gestion pourrait être confiée à la BEI et qui serait garanti par les États membres, pourrait résoudre le problème du blocage du financement de l'économie, notamment de cette partie de l'économie qui, plus que d'autres, a besoin d'investissements à moyen et à long terme.

1.1.8   Le CESE approuve ce qui a été réalisé jusqu'à présent par les États membres, par la Banque centrale européenne et par le Conseil et invite toutes les institutions européennes à faire preuve de cohésion et de rapidité dans une situation aussi dramatique pour les citoyens, les travailleurs et les entreprises, afin de rétablir dans les meilleurs délais le bon fonctionnement du système financier européen et mondial.

1.1.9   Le CESE souhaite également qu'en plus des mesures financières nécessaires mises à la disposition de cet objectif prioritaire, l'on consente tous les efforts possibles en vue d'endiguer la crise économique qui devrait en résulter.

1.1.10   Des centaines de milliards d'euros ont été mobilisés afin de sauver les banques. Le CESE souhaite que l'on fasse preuve de la même énergie et rapidité pour secourir les entreprises, notamment les petites et moyennes entreprises, par un soutien de la demande, notamment en augmentant les salaires et les retraites, afin d'éviter que la récession ne se transforme rapidement en dépression.

1.2   La considérable ampleur de l'offre dans le domaine des services financiers peut être comparée à la richesse de la nature. La protection de la biodiversité de la nature a désormais été assimilée par la conscience du citoyen. La protection de la biodiversité des prestataires de services financiers fait également partie d'un patrimoine culturel et social européen, il ne doit pas être gaspillé, mais bien au contraire, soutenu, compte tenu de la grande valeur sociale qu'il représente. La dimension éthique et sociale du système financier européen doit être développée et protégée.

1.3   Le traité de Lisbonne prévoit à l'article 2, troisième alinéa que «(L'union) œuvre pour le développement durable de l'Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement. (…) Elle respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique, et veille à la sauvegarde et au développement du patrimoine culturel européen.»

1.4   Les institutions européennes et les États membres devront s'employer à favoriser et à soutenir non seulement les capacités compétitives du marché financier, mais également sa dimension éthique et sociale. «L'économie sociale de marché signifie également une économie de marché socialement juste» (1) et encore «l'économie sociale de marché permet à l'économie d'atteindre son objectif ultime qui est celui de la prospérité et du bien-être de la population entière, en la mettant à l’abri du besoin» (2).

1.5   En lançant sa proposition d'instaurer un comité européen de haut niveau afin de répondre à la crise des marchés financiers, d'identifier de nouvelles règles et de combattre «la folle finance qui ne doit pas nous gouverner», Jacques DELORS a déclaré que la crise actuelle «… incarne de fait l'échec de marchés peu ou mal régulés et elle nous montre une fois de plus que ceux-ci ne sont pas capables d'autorégulation».

1.6   La crise récente démontre que la pluralité et la biodiversité du système financier constituent non seulement un patrimoine culturel et historique de l'Europe, mais sont également nécessaires pour mettre en place des initiatives à connotation éthique et sociale et d'importants facteurs de renforcement de la compétitivité et de diminution des risques de crise systémique des systèmes financiers.

1.7   La croissance économique au-delà d'une certaine limite, lorsqu'elle n'offre pas la possibilité de satisfaire d'autres besoins, n'augmente pas le bien-être des personnes. Le rôle dominant du monde de la finance spéculative sur l'économie réelle doit être redimensionné et ramené à des comportements plus raisonnables, socialement soutenables et éthiquement acceptables.

1.8   Le rôle de la finance éthique socialement responsable doit être par conséquent valorisé. Le Comité économique et social européen indique à cet égard qu'il y a lieu de considérer qu'une approche dirigiste est inadaptée car l'expérience prouve qu'il est préférable que les initiatives à caractère social et éthique naissent spontanément de la base.

1.9   La dimension éthique n'est pas le propre d'un type d'activité particulier. Le rôle important et attesté des caisses d'épargne et des divers mouvements coopératifs pour promouvoir des initiatives éthiques et sociales et pour favoriser le développement des systèmes locaux mérite une attention spécifique. Malgré la reconnaissance dont ce rôle bénéficie dans le traité européen, nombreux sont encore les États membres qui ne le reconnaissent pas et ne le défendent pas ouvertement. Il y a lieu de faire en sorte d'obtenir une reconnaissance plus systématique et large de ce mode de gouvernance sociétale. Les récentes actions contre le mouvement coopératif engagées en Italie, en Espagne, en France et en Norvège auprès de la Commission européenne, en l'absence d'une législation européenne adaptée, témoignent de ce besoin.

1.10   Le CESE est d'avis que le cadre réglementaire n'est jamais neutre par rapport aux comportements des organisations ou des individus. Sur la base de cette constatation, il estime que dans un système qui encourage déjà certains comportements, l'idée de systématiser et de généraliser le principe selon lequel, en présence d'initiatives éthiques et sociales, il serait opportun d'offrir un système de compensation, répond à des critères d'équité et de rationalité de l'action publique dans l'économie et dans la société.

1.11   Toute organisation dont on peut démontrer qu'elle a renoncé, du moins en partie, mais d'une manière structurelle et permanente, au critère de maximisation des profits pour promouvoir des initiatives à caractère éthique et social, devrait bénéficier d'un régime fiscal et réglementaire différant - à l'exception des règles prudentielles essentielles - du moins en partie, du régime général. Dans certains États membres, les investisseurs éthiques bénéficient déjà d'une dérogation à la directive bancaire: il s'agit d’œuvrer afin d'étendre ce principe à l'ensemble des États.

1.12   Le Comité s'est demandé si les initiatives à caractère éthique et social menées par des organisations vouées par essence au profit doivent bénéficier d'avantages fiscaux ou réglementaires. Si une organisation vouée au profit lance une initiative qui est structurellement distincte de son activité principale, il ne devrait pas y avoir beaucoup d'incertitudes sur l'opportunité d'accorder une compensation par rapport à la procédure habituelle. D'autre part, si les initiatives ne peuvent être structurellement séparées de son activité principale, le débat doit être approfondi pour évaluer l'opportunité de prévoir un système de compensation.

1.13   La dimension sociale n'est pas spécialement prise en compte dans de nombreux segments du marché. En effet, la responsabilité sociale des entreprises (RSE) privilégie une croissance constante, compatible, respectueuse de la dignité des personnes et de l'environnement. En revanche, les systèmes de récompense liés exclusivement à la quantité de produits vendus, plutôt qu'à la qualité de la prestation offerte, suscitent à l'heure actuelle un mécontentement très répandu parmi les clients et parmi les travailleurs stressés à cause des «maux budgétaires», c'est-à-dire les tensions provoquées par les pressions commerciales constantes.

1.14   Le CESE estime qu'il y a lieu d'appliquer de manière systématique et ciblée ce qu'on appelle le «principe de proportionnalité», en vertu duquel un petit intermédiaire ayant une activité limitée ne peut être soumis aux mêmes contraintes réglementaires qu'une organisation multinationale complexe, étant bien entendu que le marché doit continuer de bénéficier des mêmes garanties. Les règles sont adoptées pour protéger le marché.

1.15   En garantissant que les États membres n'adoptent pas de mesures provoquant une distorsion de la concurrence, la Commission européenne peut favoriser la protection de la diversité de l'offre de services financiers, bancaires et d'assurances. Les règles relatives aux aides d'État devraient tenir compte de ces aspects.

1.16   Capitalisme-casino, turbo-capitalisme ont pris pour cible d'importantes entreprises industrielles et financières, réduites après des ventes par lots affriolants à n’être plus que l'ombre d'elles-mêmes, et ont entraîné dans ces opérations de «destruction» de la valeur intrinsèque de ces sociétés, des milliers de travailleurs, de familles, d'actionnaires et l'économie en général, ne laissant derrière elles que des ruines.

1.17   Le CESE réaffirme dans cet avis la nécessité de ramener l'économie au service de l'homme, comme l'affirme un grand économiste (3): «Le danger le plus sérieux c'est la subordination de l'esprit aux nécessités du système industriel moderne. Celles-ci consistent dans le fait que la technologie est toujours utile, que la croissance économique est toujours bonne, que les entreprises doivent se développer constamment, que la consommation de biens constitue la principale source de bien-être, que l'oisiveté est un phénomène pervers, et que rien ne doit interférer avec les priorités que nous accordons à la technique, à la croissance, à l'augmentation de la consommation».

2.   Introduction

2.1   L'éthique et la socialité

2.1.1   La pensée grecque est le socle fondamental sur lequel repose la culture occidentale et c'est à elle que nous nous référons pour définir tout d'abord les notions d'«éthique» et de «social».

2.1.2   Selon Aristote, l'objet de l'éthique est le bien de l'homme, entendu non pas de manière abstraite, mais comme le plus grand des biens qu'il soit possible d'acquérir et de réaliser au travers de l'action. Le plus grand bien auquel chaque individu aspire est le bonheur. La plus grande forme du bonheur est l'action vertueuse.

2.1.3   Le bonheur est tout à la fois ce qu'il y a de meilleur, de plus beau et de plus doux, qualités qui ne doivent pas être séparées comme le fait l'inscription de Délos:

«a)

Le juste est le plus beau;

b)

La santé, le meilleur;

c)

Obtenir ce qu'on aime, est le plus doux au cœur.

d)

Mais tous ces avantages se trouvent réunis dans les actions les plus parfaites; or l'ensemble de ces actes, ou du moins l'acte unique qui est le meilleur et le plus parfait entre tous les autres, c'est ce que nous appelons le bonheur» (Aristote, Éthique à Nicomaque, livre I).

2.1.4   La philosophie nous aide à comprendre qu'à côté d'une réalité absolue de l'éthique, il existe également des réalités relatives, lesquelles satisfont ces noyaux sociaux, petits ou grands, qui partagent la même idée du bonheur et s'associent pour la poursuivre.

2.1.5   Éthique et pluralité de valeurs coexistent et forment le riche parcours de l'humanité dans ses diverses expressions, y compris celle qui a récemment pris le nom d'«économie du bonheur» et qui, sur une base empirique, étudie de manière systématique la nature du bonheur et les voies permettant de l'atteindre.

2.1.6   Il est prouvé que si elle ne s'accompagne pas d'une croissance correspondante d'autres facteurs de satisfaction, la croissance économique ne rend pas les individus plus heureux, au contraire. «Au-delà d'une certaine limite, la croissance économique n'est plus source de bonheur. L’augmentation indéfinie de la consommation accroît à son tour de manière indéfinie le travail nécessaire à la financer et le temps à consacrer à l'activité professionnelle, et ce au détriment des relations humaines, alors que ce sont précisément ces dernières qui constituent la source principale du bonheur» (4).

2.1.7   Il ressort des différents sondages réalisés par Eurostat, qu'au cours des vingt-cinq dernières années, alors que le revenu par habitant n'a cessé d'augmenter en Europe, le bonheur n'a pas subi d'évolution fondamentale. On obtient des résultats très proches concernant les États-Unis également.

2.2   La crise financière de 2007/2008 et ses conséquences

2.2.1   Les turbulences qui agitent les marchés financiers depuis février 2007 et plus particulièrement des institutions financières et bancaires de premier plan, se trouvent au cœur du débat politique international.

2.2.2   L'impact de la crise des prêts américains a été diffusé et amplifié par le fait que de nombreuses dettes classées «subprimes», c'est-à-dire dont le remboursement est peu probable, ont été insérées par le processus de titrisation dans des «paquets» de dettes plus vastes et ce, avec un manque total de transparence quant à l'ampleur du problème. Il s'ensuit que les opérateurs détiennent des titres peu sûrs et dévalués.

2.2.3   Cette incertitude a provoqué une perte de confiance ultérieure dans le système financier, ce qui a eu des effets très négatifs sur les activités basées sur un flux constant de crédit à bon marché.

2.2.4   Les hedge funds ou fonds spéculatifs ont été les premiers touchés par la crise financière, y compris les fonds des grandes banques d'affaires. De nombreuses banques européennes se sont retrouvées avec une grande partie de la dette des subprimes américains dans leur portefeuille. Si certaines banques allemandes pourtant connues pour leur prudence ont été durement touchées, la crise s'est toutefois également propagée à des instituts financiers qui avaient été épargnés, dans la mesure où le coût de l'argent a augmenté de manière disproportionnée. Cette situation explique que la Northern Rock se soit quasiment retrouvée en faillite.

2.2.5   Le cas de la Société générale (SogGen) est lié en partie à la crise financière déclenchée l'été dernier et en partie à une certaine propension à encourager les opérateurs sur les marchés financiers à prendre des risques excessifs qui peuvent aussi bien se traduire par des gains importants que par des pertes astronomiques en cas de prises de position imprudentes. Cela a mis en lumière l'insuffisance dramatique des procédures de contrôle interne appliquées dans cet établissement et laisse planer un doute sur les pratiques de l'ensemble du système bancaire en la matière.

2.2.6   Il s'agit là d'une «finance casino», où la banque qui saute est malheureusement incarnée par les épargnants, notamment les moins nantis, qui doivent d'une manière ou d'une autre payer une facture dont ils ne sont pas responsables, les travailleurs (plus de 100 000 licenciements à ce jour dans le secteur financier et d'autres vont suivre (5) ainsi que les citoyens, qui voient leur sécurité diminuer et se demandent si le système financier est encore crédible.

2.2.7   Les pertes qui ont été déclarées jusqu'à présent s'élèvent à 400 milliards de dollars et d'après des estimations dignes de foi, elles devraient atteindre les 1 200 milliards de dollars (6). Les grands investisseurs institutionnels et les fonds de pension en sont bien sûr affectés, mais c'est tout le système économique qui en subit les lourdes conséquences, avec l'augmentation du coût et la moindre disponibilité de l'argent, la hausse des prix et de l'inflation qui en résulte et ses retombées en termes de ralentissement économique. Il s'agit là d'une spirale perverse qui touche l'ensemble des activités économiques. Dans certains États membres, on parle déjà de récession.

2.2.8   Certes, le système financier européen doit, à quelques exceptions près, être considéré plutôt comme une victime que comme le coupable. Toutefois, il convient de souligner que la financiarisation de l'économie, la recherche de moyens toujours plus sophistiqués pour multiplier les occasions de profit, le rôle toujours plus agressif des fonds spéculatifs et l'arrivée de fonds souverains, avec des moyens colossaux, ont marginalisé de plus en plus le rôle de l'économie réelle et mis en évidence les carences des systèmes de contrôle nationaux, l'inefficacité des modèles de coopération entre les différentes autorités et le rôle inquiétant des agences de notation, y compris celles qui attribuent des notations dites «éthiques» (et qui ont par exemple évalué positivement une entreprise comme Parmalat, dotée d'un superbe code de conduite).

2.2.9   La crise s'est répercutée sur tous les acteurs du marché, que leur profil spéculatif soit haut, bas ou inexistant. L'intégration des marchés est arrivée à un point tel que personne ne peut se déclarer à l'abri des conséquences négatives. Le problème, c'est que seuls les désastres sont partagés mais que les profits restent, eux, clairement aux mains des spéculateurs.

3.   Le Système financier européen

3.1   Les banques

3.1.1   Les banques constituent l'élément central de liaison entre les intermédiaires financiers. Dans certains pays, elles opèrent un contrôle important sur l'économie réelle et exercent un pouvoir qui s'étend au-delà de la sphère économique, conditionnant le développement territorial et des entreprises et multipliant les opportunités de profit.

3.1.2   Bien que les établissements bancaires opèrent tous dans le cadre du marché et qu'ils offrent tous essentiellement les mêmes services, du plus général au plus spécialisé, ils ont néanmoins des origines diverses qui se sont maintenues au fil du temps.

3.1.3   En effet, aux côtés des banques commerciales et d'investissement, qui occupent une position dominante sur le marché, se trouvent les caisses d'épargne publiques, créées pour offrir aux populations urbaines et, en particulier, aux plus démunis, une bouée de sauvetage dans les moments de crise. Les premières caisses d'épargne de ce type furent créées sous l'empire germanique, au début du XIXe siècle. Toutefois, nombre d'entre elles ne sont que des versions renommées des Monts-de-piété créés au XVe siècle. Aujourd'hui, elles représentent près d'un tiers du marché de détail, avec 160 millions de clients et 980 000 salariés. Parmi les actions menées par les caisses d'épargne à des fins d'inclusion, on peut citer «Die Zweite Sparkasse» en Autriche et «Parcours Confiance» en France.

3.1.4   Dans certaines régions périphériques et dans les zones rurales s'est développé le mouvement des caisses rurales et artisanales d'épargne, destiné à lutter contre le phénomène de l'usure et inspiré des idées de Friedrich Wilhelm Raiffeisen, fondateur de la première institution de crédit coopératif (Darlehenkassenverein) en 1864. Les banques populaires, fondées sur des principes coopératifs, s'inspirent des théories de Franz Hermann Schulze-Delitzsch, qui fonda le premier Vorschussverein (banque populaire) en 1850. C'est sur la base de ces expériences que s'est développé le vaste mouvement du crédit coopératif et des banques populaires, qui représente aujourd'hui dans l'UE une part de marché de plus de 20 %, avec plus de 140 millions de clients, 47 millions de membres et 730 000 salariés.

3.1.5   Cet aperçu historique montre que la société civile a toujours attribué aux banques un rôle dans le système économique qui diffère, au moins partiellement, de celui des autres entreprises. On a toujours attendu d'elles, qu'en plus du profit, elles poursuivent également des objectifs éthiques et sociaux.

3.1.6   L'accès le plus large possible aux services financiers constitue un thème important que l'industrie financière devrait prendre à son compte. Alors que dans les pays en voie de développement, seulement 20 % de la population a accès au crédit, en Europe, ce taux atteint un niveau encourageant de 90 %. Il demeure néanmoins insuffisant, car la part de 10 % de la population qui est exclue peut être victime d'une discrimination réellement très sérieuse.

3.2   Les assurances

3.2.1   Les premières formes modernes de banque remontent au début du XVe siècle en Italie, avec la création du Banco di San Giorgio en 1406, et certaines d'entre elles existent encore aujourd'hui, comme la Monte dei Paschi de Sienne, fondée en 1472. En revanche, l'origine des assurances est beaucoup plus ancienne. En effet, les premières formes d'assurances sont apparues entre le troisième et le deuxième millénaire avant Jésus-Christ en Chine et à Babylone. Les Grecs et les Romains furent les premiers à introduire le concept d'assurance sur la vie et la santé, avec les «sociétés philanthropiques», qui finançaient les traitements médicaux, les allocations de soutien familial voire même les funérailles. Au Moyen-âge, les guildes joueront le même rôle. Au XIVe siècle, apparaît à Gênes le contrat d'assurance indépendant de l'investissement, qui fera la fortune d'Edward Lloyd. En 1688, ce dernier ouvre à Londres, dans Tower street, un café fréquenté par des armateurs, des marchands et des capitaines, lieu de rencontre idéal entre ceux qui cherchent à assurer les navires et leur chargement et ceux qui désirent participer financièrement à cette aventure. C'est également autour de ces années que Nicholas Barbon fonde «the Fire Office», première compagnie d'assurance contre les incendies, après le terrible incendie de Londres de 1666, qui réduisit 13 200 maisons en cendres.

3.2.2   Après l'expérience de la Lloyd (qui n'est pas une compagnie d'assurance, techniquement parlant), le modèle d'assurance se répand dans toute l'Europe et les compagnies d'assurance commencent à fonctionner. Le développement des assurances modernes est lié à la théorie moderne des probabilités, dont les précurseurs ont été Pascal et de Fermat, mais aussi Galilée. Les organismes d'assurances à forme mutuelle, qui appartiennent aux détenteurs des polices, c'est-à-dire directement à leurs clients, et non à leurs actionnaires, font leur apparition dans le monde des assurances. Les assurances coopératives sont apparues au siècle dernier. Elles se sont imposées dans certains pays en raison de leur grande capacité à offrir des produits de qualité à l'ensemble du marché. À l'instar des banques coopératives, les organismes d'assurances à forme mutuelle sont également étroitement liés aux systèmes économiques locaux et contribuent de manière significative à leur développement, y compris en réinvestissant une partie importante de leur valeur ajoutée.

3.3   Banques et compagnies d'assurances éthiques

3.3.1   Les banques et les compagnies d'assurances éthiques sont apparues il y a quelques années. Elles visent à entretenir des relations commerciales et à apporter un soutien financier seulement aux entreprises qui respectent des valeurs strictes, partagées par la communauté qui les a créées. Durabilité environnementale, refus de tout compromis avec le commerce des armes et engagement constant dans la lutte contre tout type de discrimination sont quelques-unes de ces «valeurs» qui constituent leurs références.

3.3.2   La finance «éthique» et la microfinance

3.3.2.1   Par «finance éthique» on entend toute activité financière soutenant des initiatives de promotion humaine, sociale et environnementale à la lumière d'une évaluation éthique et économique de leur impact sur l'environnement et la société, et dont l'objectif premier est de fournir un soutien financier aux initiatives en question mais aussi aux particuliers, à travers l'instrument du microcrédit.

3.3.2.2   La microfinance repose sur des banques spécialisées qui traitent des sommes très faibles et s'adressent aux couches défavorisées de la population qui n'auraient pas accès au système bancaire traditionnel. Si elle est surtout répandue dans le tiers monde, il ne faut toutefois pas oublier que les pays occidentaux ont une importante tradition en matière de micro-épargne (le microcrédit y est, en revanche, plus marginal, et s'est manifesté à une certaine époque sous la forme des Monts-de-piété, par exemple). Les dépôts à terme sur plusieurs années à frais réduits sont un exemple de micro-épargne.

3.3.2.3   L’activité de finance éthique repose sur les principes suivants (7):

a)

l'absence de discrimination des bénéficiaires de l'investissement fondée sur le sexe, l'origine ethnique ou la religion, ainsi que sur le patrimoine, partant de la considération que le crédit sous toutes ses formes est un droit humain;

b)

l'accès aux plus démunis, fondé sur la validité des formes de garanties personnelles, de catégorie ou de communauté sur un pied d'égalité avec les garanties fondées sur le patrimoine;

c)

l'efficacité qui, dans le domaine de la finance éthique, ne se définit pas en termes de profit mais d'activité vitale sur le plan économique et d'utilité sociale;

d)

la participation de l'épargnant aux choix de l'entreprise qui recueille l'épargne, que ce soit à travers l'indication des préférences quant à la destination des fonds, ou de mécanismes démocratiques de participation aux décisions;

e)

la transparence et l'accès de tous aux informations, raison pour laquelle l'épargne doit être nominative, le client ayant le droit de connaître le mode de fonctionnement de l'institution financière et d'être informé sur les décisions de cette dernière concernant l'utilisation des fonds et l'investissement;

f)

le refus de l'enrichissement fondé uniquement sur la possession et l'échange d'argent, de sorte que les taux d'intérêt sont maintenus au taux le plus équitable possible sur la base de critères économiques mais aussi sociaux et éthiques;

g)

l'absence de relations financières avec les acteurs et les activités économiques qui entravent le développement humain et contribuent à la violation des droits fondamentaux de la personne, tels que la fabrication et le commerce d'armes, la fabrication de produits nuisant gravement à la santé et à l'environnement, les activités fondées sur l'exploitation des mineurs ou la répression des libertés civiles.

3.3.2.4   Par «assurance éthique», on entend toute activité d'assurance exercée sur la base des principes suivants (8):

a)

la mutualité, comprise au sens original de l'assurance en tant qu'instrument de solidarité entre ceux qui n'encourent pas de dommages et ceux qui en subissent et ont besoin d'une compensation;

b)

l'assurabilité, comprise comme la garantie d'une protection octroyée à tout un chacun par une assurance, dans le but de prévenir un éventuel problème, sans distinctions injustes fondées sur l'âge, le handicap ou tout autre difficulté sociale;

c)

la transparence, comprise dans le sens de clarté contractuelle et de contrôlabilité des critères de détermination de la prime;

d)

la création d'un avantage pour le territoire;

e)

l'égalité de dignité entre les parties au contrat.

3.3.3   L'investissement éthique

3.3.3.1   L'investissement éthique vise le financement d'initiatives relatives à l'environnement, au développement durable, aux services sociaux, à la culture et à la coopération internationale. La sélection des titres ne s'opère pas uniquement en fonction des critères financiers traditionnels, mais se fonde également sur des critères de responsabilité sociale tels que la qualité des relations de travail, le respect de l'environnement, la transparence.

4.   La responsabilité sociale des entreprises

4.1   La Direction Entreprises et la Direction Affaires sociales de la Commission coopèrent avec les associations patronales sur certaines thématiques. L'une d'entre elles est l'information adéquate des épargnants, pour les aider à mieux comprendre les mécanismes des marchés financiers et des produits disponibles. Les initiatives d'éducation financière constituent un moyen efficace et socialement responsable de permettre aux épargnants d'éviter d'investir dans des produits non adaptés à leurs attentes et à leur profil de risque.

4.2   La participation des acteurs concernés aux initiatives de RSE se limite encore à un nombre très réduit d'entreprises et, en partie, à des activités s'adressant à l'ensemble des acteurs concernés. La route est encore longue, certes, mais certains secteurs tels que les banques populaires et coopératives, les caisses d'épargne, les assurances coopératives et les mutuelles, ont l'intention de faire plus et mieux.

4.3   L'un des problèmes qui sont apparus concerne les modes de rémunération des plus hauts dirigeants et des responsables des banques d'investissement: ils devraient être revus, ramenés à un niveau raisonnable et corrélés de manière appropriée aux profits et aux résultats des entreprises; actuellement, les travailleurs et les consommateurs qui sont frappés par la crise financière réprouvent les rémunérations excessives des hauts dirigeants, qui contribuent à accroître leurs difficultés. Ces rémunérations demeurent souvent très élevées indépendamment des bons ou des mauvais résultats.

4.4   Les nouveaux modèles de gestion des entreprises financières, orientées vers la maximisation des profits sur le très court terme incitent, notamment en raison des évaluations trimestrielles des performances, à adopter des comportements parfois irresponsables, comme cela est arrivé dans les récents scandales financiers qui ont touché certains pays de l'Union. La responsabilité sociale veille au contraire à tenter de rendre stables et durables dans le temps les profits créés, en valorisant le capital matériel et immatériel de l'entreprise qui est constitué, dans le cas des entreprises financières, par les travailleurs et par les relations de confiance avec la clientèle.

4.5   Le CESE appelle de ses vœux l'adoption généralisée de codes de conduite inspirés de la responsabilité sociale des entreprises (RSE). Il est essentiel que ces codes soient vérifiables et vérifiés, pour éviter les cas répétés d'excellents codes de conduite souscrits et diffusés par des dirigeants qui ont abusé des centaines de milliers d'épargnants, comme on l'a vu avec les plus graves scandales financiers de ces dernières années (9).

5.   Les banques locales et le développement de l'économie locale et des pme

5.1   Les divers types de banques se concurrencent sur le même marché en proposant pour l'essentiel le même type de services. Elles sont toutes tenues d'être efficaces sur le plan économique. Les sociétés par actions, les banques privées, s'orientent davantage vers le profit des actionnaires, tandis que les autres sociétés visent plus le développement économique et social des territoires concernés, et sont particulièrement attentives au problème de l'accès au crédit, à la clientèle moins aisée, au développement des PME, à la promotion des classes sociales plus démunies et des territoires périphériques et ultrapériphériques.

5.2   Il apparaît que les territoires qui ont un système bancaire local plus développé voient le taux de croissance de l'économie locale augmenter d'une manière significative. Il faut par ailleurs souligner que dans de nombreux pays les banques locales se constituent pour l'essentiel en caisses d'épargne et en sociétés coopératives qui réinjectent dans le territoire une partie importante de leurs profits.

5.3   «Le système bancaire a une double responsabilité: au niveau des entreprises, il se doit d'améliorer l'efficacité de gestion des organismes de crédit, mesurée en termes non seulement de rentabilité, mais aussi de capacité d'innovation, de qualité du capital humain utilisé; au niveau territorial, il a la responsabilité de contribuer au développement local, qu'il faut mesurer non seulement en termes de quantité de crédit alloué mais aussi de capacité à investir dans la sélection des projets et dans l'évaluation du potentiel des entrepreneurs et des entreprises, que l'on pourrait qualifier “d'efficacité territoriale”. L’efficacité de gestion doit être mise au service de l'efficacité territoriale: il ne sert à rien d'avoir des banques efficaces si elles ne contribuent pas au développement local» (10).

5.4   Les PME ont trouvé dans les sociétés de cautionnement et de garantie, également organisées au niveau européen, un instrument facilitant efficacement l'accès au crédit de leurs membres. Ces sociétés favorisent le crédit d'investissement pour les petites et moyennes entreprises qui ne bénéficient pas des garanties personnelles réclamées par les organismes de financement pour l'établissement d'une relation bancaire stable.

6.   Le rôle des décideurs politiques

6.1   Le CESE indique à cet égard qu'il y a lieu de considérer qu'une approche dirigiste est inadaptée car l'expérience prouve qu'il est préférable que les initiatives à caractère social et éthique naissent spontanément de la base. Toute intervention «active» comporte le risque de frustrer et de détourner le caractère spontané qui constitue la principale garantie de «biodiversité» du système économique et financier. Parallèlement, le CESE estime néanmoins que les décideurs politiques doivent s'abstenir de toute action pouvant entraver les initiatives existantes et la formation spontanée de nouvelles initiatives.

6.2   Le CESE s'est demandé si les initiatives à caractère éthique et social menées par des organisations vouées par essence au profit doivent bénéficier d'avantages fiscaux ou réglementaires. Sur cette question, il est utile de distinguer deux types de situations différentes.

6.2.1   Une organisation vouée au profit lance une initiative qui est structurellement distincte de son activité principale (voir par exemple le cas de l'opération «Point passerelle» du Crédit agricole). Dans ce cas, il ne devrait pas y avoir beaucoup d'incertitudes sur l'opportunité d'accorder une compensation par rapport à la procédure habituelle.

6.2.2   Une organisation vouée au profit lance des initiatives qui ne peuvent être structurellement séparées de son principale. Dans ce cas, l'utilité de prévoir un système de compensation a fait l'objet d'un débat plus long. Les partisans de l'opportunité d'une compensation fiscale, financière ou réglementaire considèrent que les externalités positives qui découlent de l'initiative justifient un traitement de faveur. Cependant, des opinions contraires apparaissent également, qui s'appuient sur deux considérations principales: seules les initiatives réalisées dans le cadre d'un équilibre économique autonome (c'est-à-dire en mesure d'assurer un profit approprié) peuvent durer dans le temps. Par ailleurs, un mode de fonctionnement véritablement éthique et social doit être désintéressé et ne pas être motivé par des avantages réglementaires, financiers ou fiscaux. Ce type de fonctionnement porte en soi sa propre récompense: le simple fait de faire le bien doit déjà apporter une satisfaction à l'auteur de cet acte.

6.2.3   Le CESE considère qu'à l'heure actuelle tous les systèmes reconnaissent dans les faits une compensation pour des initiatives éthiques ou sociales. La réglementation fiscale admet la déduction des charges à la condition qu'elles soient inhérentes à la création des revenus. Le principe de l'inhérence est exclu (bien évidemment dans une certaine limite et sous certaines conditions) lorsque les charges représentent des dépenses dictées par la générosité et destinées à des organisations de bienfaisance ou d'utilité sociale. Dans ce cas, en effet, la déduction des revenus fiscalement imposables est prévue, même lorsque les charges ne sont pas inhérentes à la création de ces revenus.

6.2.4   Le CESE est d'avis que le cadre réglementaire n'est jamais neutre par rapport aux comportements des organisations ou des individus. Sur la base de cette constatation, le CESE estime que dans un système qui encourage déjà certains comportements, l'idée de systématiser et de généraliser le principe selon lequel, en présence d'initiatives éthiques et sociales, il serait opportun d'offrir un système de compensation, répond à des critères d'équité et de rationalité de l'action publique dans l'économie et dans la société.

6.2.5   Le principe que propose le CESE consisterait à faire bénéficier de la compensation les initiatives éthiques et sociales des institutions et non directement ces dernières. Le CESE considère qu'en soi ce principe n'est pas déplacé: l’on ne peut de manière forcée séparer l'éthique de l'économie, en imposant le principe selon lequel seules les initiatives ne produisant aucun gain économique pour celui qui les réalise peuvent être considérées véritablement éthiques. Ce faisant, on finirait par qualifier d’initiatives éthiques exclusivement les œuvres de bienfaisance ou les manifestations de générosité.

7.   Compensation financière et fiscalité

7.1   Le CESE considère de manière positive les initiatives qui vont dans ce sens. Cette approche se justifie aussi sur le plan économique. Pour diverses raisons liées à des choix politiques, aux contraintes des finances publiques ou à des orientations d'efficacité économique, on a assisté au cours des dix-vingt dernières années à une érosion de l'État-providence. Afin d'éviter une réduction excessive du bien-être des populations, la croissance économique ne pourrait être le seul levier dont doit dépendre toute demande inhérente au bien-être et à la protection sociale, mais il faut favoriser des espaces pour le développement d'initiatives du bas vers le haut.

7.2   La manière dont les Pays-Bas ont organisé le secteur de l'assurance maladie fournit un exemple de réglementation favorisant l'intégration entre le secteur public et privé, afin de continuer à garantir des normes élevées en matière d'État-providence. D'une part, en effet, les compagnies d'assurance ont une obligation d'assurer tous les citoyens, de l'autre, elles peuvent avoir accès à un système public de compensation, eu égard aux risques plus importants qu'elles doivent ainsi assumer. Le marché néerlandais a également pris des initiatives exemplaires pour faciliter l’accès des personnes séropositives à l’assurance vie.

7.3   La Belgique offre un exemple intéressant de compensation financière destinée à favoriser l'accès aux services financiers de base. Il existe en effet un fonds interbancaire qui accorde des compensations aux intermédiaires fournissant un accès plus aisé aux services: ainsi, les intermédiaires les plus restrictifs sont des contributeurs nets de ce fonds, alors que ceux ayant une approche plus ouverte en sont des bénéficiaires nets.

7.4   En ce qui concerne les allégements fiscaux, il existe déjà un régime répandu favorisant les sociétés coopératives qui poursuivent des objectifs de mutualité.

7.5   Un exemple de législation attribuant un avantage fiscal aux organisations à vocation sociale explicite est celui qui régit les ONLUS (organisations sans but lucratif d'utilité sociale) en Italie.

8.   Réglementation

8.1   Les règles imposent des coûts et des contraintes qui entravent le fonctionnement des entreprises et des intermédiaires. Ces vingt dernières années, les interventions ont été guidées par un critère d'équité. En mettant tous les acteurs comparables sur un pied d'égalité (par exemple, les banques, les compagnies d'assurances, etc.…), les règles ont permis de favoriser un renforcement de la concurrence et de l'efficacité économique. Or, appliqué avec trop de rigidité et sans les correctifs appropriés, ce principe devient un obstacle insurmontable à la création et à la survie d'initiatives éthiques et sociales. Ce danger peut être limité en appliquant de manière systématique et ciblée ce qu'on appelle le «principe de proportionnalité», en vertu duquel un petit intermédiaire ayant une activité limitée ne peut être soumis aux mêmes contraintes réglementaires qu'une organisation multinationale complexe.

8.2   Toute organisation dont on peut démontrer qu'elle a renoncé, du moins en partie, mais d'une manière structurelle et permanente, au critère de maximisation des profits pour promouvoir des initiatives à caractère éthique et social, devrait bénéficier d'un régime fiscal et réglementaire différant, du moins en partie, du régime général. Dans certains États membres, les investisseurs éthiques bénéficient déjà d'une dérogation à la directive bancaire: il s'agit d’œuvrer afin d'étendre ce principe à l'ensemble des États.

8.3   Malgré la reconnaissance dont ce principe bénéficie dans le traité européen, nombreux sont encore les États membres qui ne le reconnaissent pas et ne le défendent pas ouvertement. Il y a lieu de faire en sorte d'obtenir une reconnaissance plus systématique et large de ce mode de gouvernance sociétale.

8.4   En garantissant que les États membres n'adoptent pas de mesures provoquant une distorsion de la concurrence, la Commission européenne peut favoriser la protection de la diversité de l'offre de services financiers, bancaires et d'assurances. Les règles relatives aux aides d'État devraient tenir compte de ces aspects.

Bruxelles, le 23 octobre 2008.

Le Président

du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  A.F. Utz. «Éthique économique», San Paolo, Cinisello balsamo, 1999.

(2)  Konrad Adenauer, «Mémoires 1945-1953», Mondadori, Milan 1966.

(3)  John Kenneth Galbraith: «The Atlantic Monthly», juin 1967 Titre original «Liberty, happiness…and the economy».

(4)  Luca de Biase « L’économie du bonheur» - Feltrinelli 2007.

(5)  Source UNI (United Network International) – Genève 2008.

(6)  Bulletin de la Banque d'Italie no52, avril 2008.

(7)  Démocratie participative: définitions tirées d'une étude financée par l'assessorat au budget de la région Latium (I).

(8)  Idem.

(9)  Ces individus se sont même vu attribuer une licence honoris causa pour les motifs suivants: «engagé au niveau local, national et international pour exercer son activité de chef d'entreprise avec courage, ténacité, inventivité, professionalisme élevé, clairvoyance, associés à une éthique comportementale venant démentir les personnes, il est vrai rares, qui jugent qu'éthique et économie sont des notions pratiquement inconciliables».

(10)  P. Alessandrini (2003), Le banche tra efficienza gestionale ed efficienza territoriale: alcune riflessioni («Les banques entre efficacité de gestion et efficacité territoriale: quelques réflexions»).


30.4.2009   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/93


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Les relations Union européenne — Brésil»

2009/C 100/15

Le 16 janvier 2008, lors de sa session plénière, le Comité économique et social, en application de l'article 29, paragraphe 2 de son Règlement intérieur, a décidé d'élaborer un avis sur

«Les relations Union européenne — Brésil».

La section spécialisée des relations extérieures, chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 30 septembre 2008 (rapporteur: P. BARROS VALE et corapporteur: G. IULIANO).

Lors de sa 448e session plénière des 22 et 23 octobre 2008 (séance du 22 octobre 2008), le Comité économique et social a adopté le présent avis par 116 voix pour et 1 abstention.

1.   Résumé

1.1   Le présent avis examine l'évolution des relations UE-Brésil et le rôle politique et économique, qui ne cesse de croître, que ce pays joue au niveau mondial.

1.2   L'année 2007 a vu l'approbation du Partenariat stratégique UE-Brésil  (1), qui a été concrétisé lors du premier sommet des chefs d'État et de gouvernement UE-Brésil, le 4 juillet 2007. Le CESE apporte dans le présent avis ses recommandations concernant le plan d'action conjoint qui développe les contenus du partenariat stratégique, entre autres: dimension participative et cohésion économique et sociale, coopération économique et commerciale, éducation, recherche et développement, dialogue social, environnement, changement climatique et biocombustibles, immigration.

1.3   S'agissant du rôle du CESE, l'avis propose la création d'une table ronde de la société civile UE-Brésil, à l'instar de celle qui existe déjà avec l'Inde et la Chine. L'interlocuteur du CESE dans ce nouvel organe sera le Conseil de développement économique et social du Brésil, institution brésilienne homologue créée par Lula da Silva en 2003. L'avis contient également des propositions sur la composition et le fonctionnement futur de la table ronde, énumérant les thèmes qui, du point de vue du Comité, devraient figurer à son ordre du jour, lesquels sont relatifs à des questions économiques, sociales et environnementales, aux relations dans un contexte multilatéral, à la coopération tripartite UE-Brésil avec des pays tiers, au rôle du Brésil dans l'intégration du Mercosur et aux relations UE-Mercosur.

2.   Motivation

2.1   Le présent avis vise à préparer la création d'une table ronde de la société civile UE-Brésil, comme cela s'est fait par le passé pour la Chine et l'Inde, et à refléter la position du CESE à l'égard de cette table ronde.

2.2   Force est de signaler que la table ronde envisagée s'inscrit dans la stratégie plus vaste de l'UE, qui est à l'origine du partenariat stratégique entre l'UE et le Brésil et qui est clairement exposée dans les conclusions du Sommet UE-Brésil tenu à Lisbonne. Ce texte encourage la coopération entre le Comité économique et social européen et le Conseil de développement économique et social du Brésil (CDES), en tant qu'élément de l'architecture institutionnelle des relations entre les deux parties (2).

2.3   L'avis aborde la situation actuelle des relations UE-Brésil, leur historique et leurs perspectives d'avenir et analyse la position du Brésil face au Mercosur et à la communauté internationale, se focalisant sur les questions qui influencent ou déterminent directement ou indirectement les relations de ce pays avec l'UE et ce, à différents niveaux.

2.4   Cette initiative du Comité vise à esquisser le fonctionnement futur et les principaux thèmes qui devraient selon lui être les fondements de l'existence et des activités de la table ronde. Il vise aussi à servir de document exprimant la position de la société civile organisée européenne, position dont il conviendra de tenir compte dans le cadre du sommet UE–Brésil qui aura lieu en décembre 2008, où l'on espère que la création de cette table ronde recevra un accueil politique favorable.

3.   Cadre d'action

3.1   Antécédents

3.1.1   Depuis la fin de la période de la colonisation, le Brésil a entretenu de bonnes relations avec tous les pays européens. Dans l'idée de structurer les relations entre l'UE et le Brésil, l'unique élément nouveau réside par conséquent dans le fait que l'Union européenne intègre, valorise et souhaite approfondir l'organisation systématique et continue d'une coopération à long terme entre les deux régions.

3.1.2   Ce rapprochement a déjà fait l'objet de diverses initiatives en vue d'une formalisation à différents niveaux. Ainsi, au niveau de la société civile organisée, un accord interinstitutionnel a été signé en juillet 2003 entre le CESE et le CDES (précédé de l'accord cadre de coopération entre la Communauté économique européenne et la République fédérale du Brésil, en 1992). Le CDES, avec lequel le CESE maintient d'étroites relations, existe depuis mai 2003. Actuellement présidé par le Président de la République, ce conseil se compose de 102 (3) conseillers.

3.1.3   Malgré les efforts des deux parties, les relations n'ont pas connu le renforcement attendu, surtout aux niveaux économique et social, même si tout porte à croire que l'année 2007 a été l'année de la relance des relations, surtout commerciales. Les initiatives ont été diverses (4), et le travail effectué devra s'intensifier en 2008 avec la concrétisation du partenariat stratégique entre l'UE et le Brésil, comme le préconise la communication de la Commission de mai 2007. Il existe cependant une disproportion entre l'intensité avec laquelle est menée l'intégration bilatérale, par les pays membres avec le Brésil, dans le domaine économique et dans celui des entreprises, et le rythme lent de la coopération d'ordre plus général, ainsi que dans d'autres domaines spécifiques, entre l'UE et le Brésil. Les investissements des pays européens au Brésil et leur coopération en matière commerciale et industrielle ainsi qu'en termes d'aide au développement, de même que le dialogue entre acteurs sociaux, sont des précédents positifs qui justifient un rôle plus clair et renforcé de la société civile en vue de garantir la dimension sociale des relations économiques et sociales que l'on entend dynamiser.

3.1.4   Le sommet de Lisbonne tenu le 4 juillet 2007 a enfin donné des bases solides à une relation bilatérale institutionnelle au plus haut niveau politique, établissant des mécanismes de dialogue durables qui laissent espérer une nouvelle phase positive de relations. Cette nouvelle phase se concrétise par un renforcement des dialogues politiques sectoriels, par l'apport de réponses aux différents défis qui se posent ou se poseront au niveau mondial, par l'expansion et l'approfondissement des liens commerciaux et économiques ainsi que par un rapprochement entre les peuples d'Europe et du Brésil.

3.1.5   Comme le signale la Commission dans sa communication, le partenariat stratégique UE-Brésil peut être un puissant facteur de renforcement du leadership positif du Brésil au niveau mondial et régional. Dans ce sens, le partenariat stratégique s'entend comme un facteur complémentaire et dynamisant des processus d'intégration régionale, en particulier s'agissant du Mercosur et des négociations entre celui-ci et l'Union européenne en vue de parvenir à un accord d'association birégional, ainsi que du mouvement de promotion de l'Union des nations sud-américaines (UNASUR).

3.2   Contexte

3.2.1   Le Brésil, en termes de population, de dimension de son territoire (il possède une frontière avec presque tous les pays d'Amérique du Sud) et de taille de son économie, est aujourd'hui l'un des principaux acteurs sur la scène internationale. Son rôle est incontournable dans le cadre de la construction du Mercosur, de manière plus générale dans l'ensemble de l'Amérique latine, et de plus en plus, dans le cadre des négociations sur les règles du commerce mondial. On peut s'attendre à ce qu'il soit l'un des principaux acteurs mondiaux [BRIC (5)] au cours du siècle qui vient de débuter. Le Brésil, qui a développé son modèle en se fondant sur l'expérience de développement économique et social européenne, a également joué un rôle de chef de file s'agissant de la promotion de la dimension politique et sociale dans les stratégies du Mercosur, d'ailleurs fort similaires à celles suivies pour l'intégration communautaire.

3.2.2   Eu égard à l'ambition des objectifs poursuivis dans le cadre des relations UE-Brésil, surtout en ce qui concerne le thème de l'intégration économique et sociale, il apparaît nécessaire de procéder au renforcement institutionnel de la structure brésilienne qui assure l'interface entre les deux parties, de manière à renforcer l'efficacité et les résultats du partenariat stratégique qu'elles recherchent toutes deux.

3.2.3   À l'heure actuelle, les efforts brésiliens en termes de relations avec l'UE ont été centrés sur des domaines de caractère commercial et économique, notamment les biocombustibles, la coopération triangulaire (UE, Brésil et pays en développement), le positionnement et l'action aux côtés de l'UE en matière de changement climatique ainsi que dans le domaine de la science et de la technologie.

3.2.4   Les relations bilatérales entre le Brésil et les états qui constituent actuellement l'UE, fruits de la position déjà si importante que le Brésil occupe à l'échelle mondiale, vont bien au-delà des relations économiques et commerciales, ce qui est dû pour beaucoup à l'existence à l'intérieur du pays d'énormes communautés de différentes nationalités européennes, ainsi qu'à celle de communautés expressives de citoyens brésiliens présentes dans de nombreux pays européens. Il y a dès lors eu un flux humain bidirectionnel au long des siècles, lequel a créé des liens de grande proximité entre le Brésil et nombre d'états membres de l'UE.

3.2.5   Le prochain sommet entre l'UE et le Brésil aura lieu en décembre 2008 à Rio de Janeiro. L'occasion sera importante, indépendamment de ce que sera alors l'état de la situation en ce qui concerne l'accord entre l'UE et le Mercosur. Les objectifs proposés par l'UE – l'établissement d'un agenda commun, l'accroissement du multilatéralisme, le renforcement des normes en matière de droits de l'homme, de démocratie et de bonne gouvernance, la promotion du développement social et humain, la protection de l'environnement, de la sécurité énergétique, de la stabilité et de la prospérité de l'Amérique latine, l'intensification des liens économiques et commerciaux (avec un accent particulier sur la question des marchés financiers), de la société l'information, du transport aérien et maritime, de la coopération scientifique et technologique, de la promotion de la paix et des échanges éducatifs, culturels, ainsi qu'entre la société civile des deux parties – sont des objectifs qui mériteraient la mise en œuvre d'un plan d'action conjoint susceptible d'être approuvé au plus tard lors du sommet de cette année.

3.2.6   S'il importe d'établir un cadre clair pour les relations entre l'UE et le Brésil, il est évident que les relations au quotidien passent surtout, non par les représentants politiques, mais par la multiplicité des formes que la société civile est susceptible de revêtir. Ce sont les entreprises, les associations sans but lucratif, sous leurs formes les plus variées, et les citoyens tant individuellement que collectivement, qui sont le véritable moteur du développement de ces relations. Les syndicats et les associations patronales, par exemple, ont toujours revêtu et continuent de revêtir une importance fondamentale pour les réformes menées dans le pays: l'OIT et le Rapport général sur les Amériques (2006) ont mis en exergue le cas du Brésil, qui a amélioré la protection de la santé et la sécurité de l'emploi, tandis que les syndicats et les entreprises ont compris l'importance de donner la priorité à l'intégrité des travailleurs, concept qui ne se limite pas à de simples revendications salariales. Les ONG ont également accompagné l'effort national déployé au niveau de la redistribution des ressources, lequel vise en premier lieu les secteurs sociaux et les territoires les plus défavorisés. L'objectif était non seulement de lutter contre la pauvreté, mais également de promouvoir la cohésion économique et sociale, grâce à la participation des partenaires sociaux, des coopératives et des réseaux d'ONG disséminés sur tout le territoire. Il est loisible d'estimer que ce modèle a été couronné de succès, dans la mesure où il a donné lieu à une vaste participation de la société civile et où il a été reconnu par le programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Grâce à la collaboration active de la société, il a été possible d'assurer un suivi de l'indice de développement humain dans 5 000 municipalités brésiliennes. En outre, la Commission européenne (6) indique que l'Union a mené à bien 37 projets en 2005 pour un total de 24 millions d'euros, avec l'appui des ONG locales. La Commission souligne que nos interlocuteurs sont responsables, compétents et capables de relever les défis qui se posent, tout comme de s'adapter au changement.

3.2.7   À de nombreux égards, les relations entre l'UE et le Brésil n'ont pas été renforcées, en raison de l'absence d'une politique claire de promotion de la langue portugaise et d'instruments de dissémination linguistique.

3.2.8   On est encore loin d'avoir assuré toute la promotion du potentiel touristique de l'UE au Brésil et du Brésil dans l'UE, au regard de la dimension des marchés respectifs et de leurs particularités.

3.3   Perspectives futures

3.3.1   Dimension participative et cohésion économique et sociale. Dans le cadre politique brésilien, le développement et la consolidation démocratique constituent une priorité. Dans ce processus, le renforcement de la démocratie participative est un axe politique fondamental. La démocratie participative est ancrée dans la constitution brésilienne, et plusieurs mécanismes de participation existent. La société civile organisée et le CDES, en particulier, attribuent une grande importance à ces formes d'expression des citoyens.

Le Brésil développe actuellement une expérience de participation articulée sur différents niveaux en vue de mettre en œuvre les principaux programmes de redistribution des ressources et de promotion sociale. De son côté, l'UE a développé ces dernières décennies un système analogue pour mettre en œuvre sa politique de cohésion économique et sociale. Il est des plus utiles de comparer ces deux expériences, surtout si l'on tient compte du fait que d'importantes asymétries régionales persistent au Brésil, malgré une amélioration enregistrée sur le plan du coefficient de Gini (7). Il est important d'insister sur le fait que ces formes de participation doivent également associer les organisations des partenaires sociaux (syndicats et employeurs), les ONG, ainsi que les pouvoirs nationaux, régionaux et locaux. Ce n'est que de cette manière qu'il sera possible de constituer des réseaux d'acteurs coresponsables des politiques de développement et d'égalité.

3.3.2   Coopération économique et commerciale; question agricole. Il est nécessaire de concevoir des stratégies et des instruments susceptibles d'appuyer le développement d'une intégration économique et commerciale toujours plus profonde, à commencer par les secteurs stratégiques dans lesquels le Brésil et l'UE occupent des positions compétitives dans un contexte de mondialisation. Il est également essentiel de créer des espaces de participation et de contrôle qui permettent à la société civile organisée de suivre de près les tendances des investissements et des résultats de la coopération. Actuellement, le Brésil, qui est déjà l'un des principaux exportateurs mondiaux de produits alimentaires, estime pouvoir parvenir à répondre à la hausse de la demande internationale dans ce domaine, à condition de recevoir à cette fin les investissements externes nécessaires. La croissance de la production agricole brésilienne est davantage due à une augmentation de la productivité qu'à une extension des zones utilisées, que ce qui peut être un facteur important en vue de réduire le débroussaillement en Amazonie. Dans le cadre de l'OMC (négociations de Doha et progrès dans le cadre du G-20), les difficultés apparues durant le débat sur les subventions aux producteurs agricoles et sur les droits de douane applicables aux produits reflètent les intérêts différents de l'UE et du Brésil. La réforme de la PAC doit être menée de telle sorte qu'il y ait plus de justice et d'équilibre dans les échanges commerciaux de produits agricoles. Il est tout aussi important d'introduire plus de transparence sur le marché et d'accroître la sécurité alimentaire et animale, de manière à renforcer la confiance des consommateurs.

3.3.3   Coopération dans le secteur de l'éducation. Il conviendra de privilégier ce thème au niveau de la table ronde, car il constitue l'une des priorités choisies par la Commission européenne. Le CESE recommande que cette priorité soit observée, en plaçant un accent particulier sur l'expérience européenne en matière d'apprentissage tout au long de la vie, qui bénéficie de l'appui des partenaires sociaux européens dans le cadre du dialogue social, ainsi qu'à la stratégie de promotion de l'emploi dans le cadre du processus de Luxembourg. Cela pourrait revêtir la forme d'une bonne pratique européenne, qui serait également utile pour le Brésil. Il convient de soutenir l'approche du DSP en matière d'enseignement supérieur, sans toutefois oublier que les défis auxquels le Brésil est confronté au niveau de l'enseignement primaire et secondaire sont fondamentaux. Le rapprochement entre le Brésil et l'UE peut intervenir en grande partie au moyen d'échanges entre les différents niveaux d'établissements d'enseignement, et en particulier avec la participation d'élèves et professeurs. L'expérience fort réussie d'échanges d'étudiants au sein de l'UE doit servir de base à des programmes similaires entre l'UE et le Brésil, allant au-delà du programme Erasmus Mundus (dont les dimensions sont par la force des choses limitées) prévu dans le Document de stratégie par pays 2007-2013, afin de jeter pour l'avenir les bases d'un rapprochement et d'une connaissance mutuelle encore accrus.

3.3.4   Coopération dans le secteur de la recherche et du développement. C'est dans le secteur de la recherche et du développement que peuvent exister d'importantes complémentarités et synergies, en raison des différences qui existent entre les terrains de prédilection des communautés scientifiques et technologiques des deux parties, ainsi que de leurs priorités différentes, liées aux options propres à chaque économie et à chaque culture. L'UE devrait en particulier étudier l'opportunité d'instituer un traitement préférentiel pour les chercheurs brésiliens, dans le cadre du septième programme de recherche et développement de l'UE.

3.3.5   Dialogue social au sein des multinationales européennes opérant au Brésil. L'expérience des comités syndicaux européens, instrument d'information et de consultation des travailleurs des entreprises multinationales européennes, est un autre exemple de bonne pratique européenne susceptible d'être adopté, de manière volontaire ou dans le cadre de la responsabilité sociale des entreprises, par les multinationales européennes qui opèrent au Brésil.

3.3.6   Environnement, changement climatique et biocombustibles. À une époque où figurent parmi les priorités placées au sommet de l'agenda international, d'une part, la lutte contre le changement climatique et, d'autre part, la recherche de sources d'énergie durables et moins polluantes, le Brésil peut aussi représenter pour l'Europe et pour le monde un important partenaire pour la fourniture de biocombustibles, en particulier de bioéthanol, secteur dans lequel d'importants progrès ont été enregistrés récemment. L'Europe et le Brésil pourraient établir en partenariat une coopération avec l'Afrique en vue d'y exporter la technologie et le savoir-faire brésiliens permettant la production de bioéthanol sur ce continent et la promotion de son développement au moyen d'une nouvelle génération de politiques de coopération tripartite.

La préservation de la forêt amazonienne (8) est un domaine d'intérêt européen et mondial. Pour sa protection, il faut établir des partenariats internationaux associant des entités tant publiques que privées à ce grand objectif, sans jamais oublier les limites imposées par la souveraineté du droit et de l'État brésiliens sur ce patrimoine mondial. L'opinion publique et les autorités brésiliennes sont très sensibles à ce thème, mais compte tenu de l'état actuel de la planète et de son évolution prévisible, il s'agit d'un élément qui doit être une priorité de la coopération entre le Brésil et l'Europe.

Il faut mentionner qu'a été formellement constitué il y a environ trois ans le dialogue UE-Brésil pour le développement durable et le changement climatique, mais que ses activités se sont limitées jusqu'à présent à des réunions en vue de l'établissement d'un agenda devant permettre aux deux parties de se positionner par rapport aux thèmes choisis.

3.3.7   Pauvreté et problèmes sociaux. Le Brésil occupait en 2007 la 70e position dans la classification mondiale de l'indice de développement humain des Nations unies, position somme toute plus modeste que celle des pays caractérisés par un niveau de développement économique et technologique similaire. Selon l'ONU, entre 2003 et 2005, le pourcentage de brésiliens vivant en deçà du seuil de pauvreté a diminué de 19,3 %. Cette catégorie représente aujourd'hui 22,8 % de la population (c'est-à-dire 43 millions de personnes). Grâce aux programmes sociaux du gouvernement Lula, certains progrès, modestes mais réels, ont été enregistrés dans la lutte contre la pauvreté et les inégalités (9). Le Brésil reste toutefois l'un des pays comptant les plus grandes inégalités internes: seuls quelque 4,2 % des ressources nationales sont détenues par les deux déciles les plus pauvres de la population, principalement dans le Nordeste. L'accès à l'éducation s'est amélioré ces dernières années, mais des inégalités persistent au niveau territorial, en particulier dans l'enseignement supérieur. Le taux d'alphabétisation est relativement élevé (93,6 %) parmi les jeunes (15-24 ans) mais l'illettrisme reste important chez les adultes (12 %). Les indicateurs de santé se sont eux aussi améliorés. 7,9 % du PIB brésilien sont affectés à la santé (la moyenne de l'OCDE s'élève à 8,72 %). Les politiques sociales ont permis de diminuer le taux de mortalité infantile (36 pour 1 000), mais beaucoup reste encore à faire dans les régions du Norte et du Nordeste du pays. L'ONUSIDA estime que 650 000 brésiliens sont porteurs du VIH. Le Brésil garantit par une loi nationale l'accès universel aux traitements médicaux, et notamment aux médicaments antirétroviraux. En 2004-2006, le taux de chômage est passé de 12,3 % à 8,4 %. Le chômage des jeunes (18-24 ans) a lui aussi diminué, mais reste élevé. Par conséquent, la création de nouveaux emplois est une des priorités de l'agenda du gouvernement, au même titre que la lutte contre le travail infantile et le travail forcé (10). L'accès à la terre est une question particulièrement délicate. Il est estimé que 1 % des propriétaires brésiliens détient la moitié des terres fertiles. La réforme agraire est inscrite à l'actuel agenda du gouvernement, qui s'est fixé pour objectif de redistribuer la terre à 430 000 familles de paysans, ce qui aurait dû être fait dès 2007. Cependant, cet objectif est encore bien loin d'être atteint (11). Enfin, d'importants efforts restent nécessaires pour résoudre le grave problème du logement, qui oblige plusieurs milliers de brésiliens à vivre dans les favelas.

3.3.8   Flux migratoires. Les flux migratoires entre les pays européens et le Brésil sont depuis de nombreuses années un phénomène constant et bidirectionnel. (Commentaire: tout au long du XXe siècle, les flux migratoires d'origine européenne en direction du Brésil provenaient essentiellement d'Italie et d'Espagne, suivis, en ordre d'importance numérique, par le Portugal, l'Espagne et la Pologne. Cela explique la présence aujourd'hui au Brésil de plus de 30 millions de descendants d'Italiens et de 8 millions de personne d'origine allemande)Aujourd'hui, les questions migratoires s'inscrivent nécessairement dans les initiatives et des propositions de l'UE en matière d'immigration à partir de pays tiers, en tenant compte de la nécessité de lutter contre l'immigration irrégulière, mais surtout de favoriser les flux qui sont utiles aux deux parties (12). Les gouvernements de l'UE doivent reconnaître que l'Europe est une zone en déclin évident du point de vue démographique, alors que le Brésil présente une perspective de croissance dans certaines zones du pays (13). Vu l'importance particulière de la perspective d'un partenariat stratégique UE-Brésil, il conviendrait que les questions des flux migratoires de et vers le Brésil soient abordées en fonction de critères spécifiques. Les deux parties devraient s'employer à simplifier les procédures d'obtention de visas d'entrée et de titres de séjour, fournir une information plus complète et de meilleure qualité sur les possibilités de l'immigration régulière, avec une priorité accordée aux échanges d'étudiants et de chercheurs, sans toutefois encourager la fuite de cerveaux. En outre, il est indispensable de définir conjointement un système de reconnaissance réciproque des diplômes, des titres et de l'expérience, ainsi que de transférabilité des droits à une pension de retraite.

3.3.9   «Bringing our people together». L'importance que cette question revêt pour les gouvernements des deux parties a été soulignée lors du sommet de Lisbonne et mise en exergue au point 16 des conclusions adoptées à l'issue de celui-ci (14). Séparés par l'Atlantique mais unis par une histoire commune, le Brésil et l'Europe peuvent et doivent promouvoir les échanges et la connaissance mutuelle des réalités sociales, naturelles, artistiques, culturelles et scientifiques qui leur sont propres. La société civile est un outil fondamental pour atteindre cet objectif par la promotion d'événements culturels et sportifs et d'autres manifestations qui permettent au peuple du Brésil et de l'Europe de se connaître et de se rapprocher, en créant une dynamique permanente d'organisation d'initiatives conjointes.

3.3.10   Situation des relations économiques. L'accroissement des flux commerciaux entre le Brésil et l'UE est évident, comme le montrent les chiffres du gouvernement brésilien pour la période de janvier à mai 2008. Les exportations brésiliennes vers l'UE ont augmenté de 19 % par rapport à la même période de l'année précédente. L'UE est la principale destination des exportations brésiliennes, après l'ALADI (Association latino-américaine d'intégration), l'Asie et les États-Unis. L'UE et le deuxième partenaire commercial le plus important du pays, après l'Asie. Si cette tendance perdure, le commerce bilatéral pourrait atteindre le montant record de 84 milliards de dollars (plus 25 % par rapport à 2007) (15). Le potentiel que revêtent les échanges entre l'UE et le Brésil pourrait se traduire par des objectifs encore plus ambitieux, mais il serait pour cela absolument nécessaire de simplifier les procédures, de les débureaucratiser et de garantir le respect des normes et la protection de la propriété intellectuelle. Il est également fondamental que le gouvernement brésilien revoie les taxes qui grèvent l'importation de certains produits, facteur qui rend considérablement plus difficile l'entrée de produits européens au Brésil.

4.   Table ronde UE-Brésil

4.1   Organisation et fonctionnement

4.1.1   La création d'une table ronde UE-Brésil représentera en soi un signe fort de l'importance que les deux parties attribuent à leurs relations futures.

4.1.2   Le CESE estime que la table ronde devra se réunir deux fois par an, une réunion ayant lieu au Brésil et l'autre en Europe, de manière à étendre et développer le rôle de la société civile dans le partenariat entre l'UE et le Brésil.

4.1.3   La table ronde aura une composition paritaire, le CESE et le CDES désignant un nombre identique de membres. Il apparaît raisonnable d'envisager que les délégations soient constituées de 12 conseillers de part et d'autre.

4.1.4   La table ronde devra elle-même débattre de son propre mode de fonctionnement et arrêter celui-ci, de manière à garantir un équilibre et des règles stables de travail.

4.1.5   Le CESE considère tout à fait pertinent et utile de créer sur son site Internet un espace consacré à la table ronde UE-Brésil, afin de renforcer et de dynamiser des interventions et la contribution de la société civile.

4.2   Propositions thématiques pour le futur agenda du dialogue

La valeur ajoutée que la table ronde peut apporter aux partenariats stratégiques que l'on envisage de développer est de toute évidence intimement liée à la pertinence des sujets qu'il sera choisi de traiter de façon préférentielle en son sein. Le CESE juge comme prioritaires les domaines thématiques de discussion suivants (16):

4.2.1   Sphère économique et sociale

Coopération économique, commerce bilatéral et investissements;

Conséquences de la mondialisation, réduction de ses impacts négatifs et renforcement de ses aspects positifs;

Évaluation des modèles sociaux, échanges d'expériences et élaboration de propositions politiques dans ce domaine, dans la perspective du rôle joué par la société civile et de la promotion de son intervention effective et efficiente;

Suivi de l'évolution des propositions, modèles et mesures de l'OMC;

Analyse des mouvements migratoires et coopération s'agissant des droits des immigrants européens au Brésil et des immigrants brésiliens en Europe, en vue de la pleine intégration des citoyens dans leur pays de destination;

Échanges d'expériences dans le domaine des relations sociales et du travail, notamment au niveau du rôle des partenaires sociaux dans le développement équilibré des pays, des relations entre employeurs et employés, de l'organisation et de la composition des structures patronales et syndicales, de la législation du travail et de la négociation des conventions collectives du travail;

Débat sur les questions alimentaires et phytosanitaires ainsi qu'au niveau du fonctionnement et des échanges entre marchés agricoles, en vue de favoriser l'échange d'expériences et le partage de bonnes pratiques favorables au développement durable de ce secteur;

Débat sur la problématique de la société de l'information et du rôle des technologies d'information et de communication dans le contexte actuel de développement durable des pays;

Promotion du débat sur le thème de la responsabilité sociale des entreprises, et développement d'initiatives de sensibilisation des différents acteurs concernés, l'objectif étant que le monde des entreprises se dote rapidement et efficacement des systèmes adéquats;

Débat et promotion d'initiatives visant une sensibilisation et une intégration effective des notions d'égalité de genre, d'égalité des chances et de droits des minorités ethniques et sociales;

Infrastructures et services. Débat sur ce thème et sur ses incidences dans des domaines comme la construction des réseaux routiers et la constitution de consortiums énergétiques, entre autres;

Échanges d'expériences dans le domaine des normes fondamentales du travail;

Débat sur les aspects positifs et éventuellement négatifs des partenariats public-privé dans la réalisation des objectifs publics.

4.2.2   Sphère politico-diplomatique et aide au développement

Coopération tripartite entre l'UE, le Brésil et les pays tiers, au moyen d'une analyse de la réalité actuelle et des initiatives existantes, mais également grâce à la concertation s'agissant d'initiatives et interventions futures;

Suivi du développement des processus d'intégration régionale de l'UE et du Mercosur;

Étude du partenariat stratégique entre l'UE et le Brésil en tant qu'agent facilitateur de l'intégration régionale et du développement du Mercosur, ainsi que de ses relations avec l'Europe.

4.2.3   Environnement et énergie

Études et interventions au niveau de la protection de l'environnement et du développement durable, en tant que fondation de la croissance des pays et du développement à l'échelle mondiale;

Évaluation des défis énergétiques, des sources alternatives d'énergie et de la coopération dans ce domaine, en tant que question urgente et déterminante pour l'avenir des citoyens, des pays et du monde. Il convient d'attribuer dans ce cadre une importance particulière aux biocombustibles et à la nécessité d'établir des règles et des normes pour leur commercialisation.

4.2.4   Recherche, technologie et propriété intellectuelle

Protection réciproque de la propriété intellectuelle;

Mise au point de systèmes de coopération scientifique et technologique en vue de la promotion de la recherche et du renforcement du progrès mutuel.

4.2.5   Éducation

Promotion des échanges au niveau scolaire et universitaire, notamment au moyen de la création de programmes académiques d'échanges d'étudiants et d'enseignants, de stages et d'autres formes de promotion de la connaissance et de développement des milieux académiques;

Débat et analyse des questions d'éducation et de formation en tant que processus continu, tout au long de la vie, qui est fondamental pour le développement individuel et collectif.

4.2.6   Échanges culturels et touristiques

Promotion des échanges culturels et dissémination de notions d'histoire et d'actualité, en vue d'une meilleure connaissance et compréhension mutuelles;

Analyse et évaluation du rôle du tourisme dans le rapprochement entre l'UE et le Brésil; mise au point d'une stratégie susceptible de favoriser son développement durable et équilibré.

Bruxelles, le 22 octobre 2008.

Le Président

du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil «Vers l'établissement d’un partenariat stratégique entre l'Union européenne et le Brésil», COM(2007) 281 final, 30.5.2007.

(2)  Sommet UE-Brésil, Lisbonne, 4 juillet 2007 — Point 16 de la Déclaration commune — PR 11531/07 (Presse 162).

(3)  Les partenaires sociaux constituent presque la moitié de l'ensemble du CDES. Participent également des conseillers issus de fondations privées, d'ONG laïques et religieuses, d'associations pour les personnes handicapées, de mouvements populaires et de coopératives, d'organisations d'étudiants, des recteurs d'universités, ainsi que des représentants d'instituts d'études et de recherches dans les domaines social économique des politiques publiques, etc.

(4)  Au niveau de la société civile, les initiatives suivantes méritent d'être citées: tenue d'un séminaire conjoint (CDES et CESE), en juillet, à Brasilia, sur le thème «L'UE et le Mercosur: contribution des institutions de la société civile au développement national et régional»; signature, par le CESE et le CDES d'une déclaration conjointe déclarant le souhait des parties de renforcer les relations UE-Brésil.

(5)  Brésil, Russie, Inde, Chine.

(6)  Brésil — Document de stratégie par pays, 2007-2013.

(7)  Il s'agit d'une mesure communément utilisée pour calculer l'inégalité de distribution des revenus. Sous forme graphique, elle présente en ordonnée le nombre de personnes concernées et en abscisse leur revenu.

(8)  Le gouvernement brésilien met en œuvre le plan «Amazonie durable» formulant des stratégies, des attentes et des mesures pour l'Amazonie en vue d'établir les modalités de l'intervention publique dans cette région, notamment la lutte contre le débroussaillement, non comme une question relevant uniquement de l'environnement, mais comme un problème concernant toutes les facettes de l'action publique. Il existe également un Fonds, auquel tous peuvent participer, qui vise à favoriser la diminution des émissions en Amazonie. Il a été créé dans une logique d'appui à des actions ayant fait leurs preuves, et non d'appui à des projets expérimentaux ou pilote.

(9)  Voir en particulier le programme novateur «Bourse aux familles» (2,38 milliards de reais), dont bénéficient 8,7 millions de familles (fin 2007).

(10)  Les enfants sont les plus touchés. Selon l'OIT, en 2004, 450 000 mineurs étaient obligés d'effectuer des travaux domestiques, ou à travailler dans l'agriculture ou l'industrie du sexe.

(11)  Le «Mouvement des sans-terre» regroupant des paysans pauvres (1,5 millions d'affiliés) revendique avec vigueur une réforme agraire fondée sur des positions radicales. Il ne fait pas à l'heure actuelle partie du CDES.

(12)  S'agissant du «Paquet immigration» de l'UE, on se référera utilement aux critiques et suggestions du CESE exprimées en détail dans plusieurs avis relatifs aux mesures proposées, ainsi que dans des avis d'initiative et des avis exploratoires.

(13)  Le taux de fécondité brésilien est de 2 enfants par femme, selon les enquêtes du PNAD 2006 (Enquête nationale par échantillon de domiciles).

(14)  http://www.consilium.europa.eu/ueDocs/cms_Data/docs/pressData/en/er/95167.pdf

(15)  Pour l'approfondissement de ce thème, on se référera aux annexes économiques.

(16)  Il a été tenu compte de la stratégie de Lisbonne pour formuler les propositions de thèmes à aborder par la table ronde. S'agissant d'un instrument stratégique de la plus grande importance pour l'UE, le CESE se doit de prendre en considération, dans ses propositions, les lignes directrices, principes et finalités de ladite stratégie.


30.4.2009   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/100


Avis du Comité économique et social européen sur «Le rôle de l'UE dans le processus de paix en Irlande du Nord» (avis d'initiative)

2009/C 100/16

Lors de sa session plénière des 12 et 13 décembre 2007, le CESE a décidé, conformément à l'article 19 paragraphe 1 de son règlement intérieur, de mettre en place un sous-comité chargé d'élaborer un avis d'initiative sur:

«Le rôle de l'UE dans le processus de paix en Irlande du Nord».

Le sous-comité «Le rôle de l'UE dans le processus de paix en Irlande du Nord», chargé de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 23 septembre 2008 (rapporteuse: Mme Jane MORRICE).

Lors de sa 448e session plénière des 22 et 23 octobre 2008, le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 151 voix pour, une voix contre et deux abstentions.

1.   Conclusions

1.1   De nombreuses leçons peuvent être tirées de la participation de l'UE au processus de paix en Irlande du Nord. Depuis l'époque la plus sombre du passé troublé de cette province, des avancées exceptionnelles ont été réalisées en termes sociaux, économiques, mais surtout politiques. La situation en matière de sécurité s'est améliorée, la réorganisation de l'administration publique est en bonne voie, l'arrivée d'étrangers, d'immigrés comme de touristes, a non seulement pour effet de stimuler l'économie mais aussi de modifier des visions traditionnelles empreintes de sectarisme; la coopération transfrontalière dépasse les espérances et le partage du pouvoir entre les anciens adversaires est aujourd'hui admis comme étant «politiquement correct».

1.2   À ce stade, il serait toutefois totalement déplacé de tenir un discours complaisant. La vision choquante des «murs de la paix» qui divisent les communautés catholique et protestante à Belfast est un rappel triste mais réaliste des sérieuses difficultés auxquelles fait encore face le processus de paix, en particulier en matière de réconciliation transcommunautaire, et de l'étendue de ce qui reste à accomplir. Des décennies de violence, de haine, de suspicion, d'ignorance et d'intolérance ont conduit à une division sans précédent entre communautés en Irlande du Nord. Si les habitants parviennent à «un degré acceptable» de paix derrière leurs murs, dans leurs maisons, villages, églises, écoles ou stades de sport, ces vies «parallèles», ne peuvent être qu'une étape de transition dans le cadre d'un processus menant au respect, à la compréhension mutuels et à l'harmonie, même s'il faudra peut être des générations pour que cela se concrétise.

1.3   Le rôle joué par l'UE dans le cadre du processus de paix en Irlande du Nord a été et reste sans précédent dans l'Histoire. Le fait que le soutien apporté par l'UE à ce processus soit relativement méconnu montre la justesse de l'approche mise en œuvre. L'UE n'a pas cherché vainement à interférer dans une situation qui était hors de sa portée ni à masquer les difficultés existantes. La méthode de consolidation de la paix employée par l'UE en Irlande du Nord reposait sur un engagement unique et de long terme de ressources importantes, planifié et exécuté de manière stratégique, fondé sur les principes du partenariat social et de la subsidiarité et inspiré, à chaque étape, par des consultations locales intégratives.

1.4   À travers une alliance de mesures d'intervention directe et indirecte, l'UE a contribué à ce que le processus de paix donne naissance à un environnement favorable à la résolution du conflit, une fois les conditions politiques réunies, et a joué un rôle moteur pour un renforcement réel de la paix, qu’il reste encore à parachever.

1.5   L'UE ne s'est jamais élevée pour réclamer sa part du succès dans le processus de paix. Il est néanmoins important que la valeur et l'importance du rôle de l'UE restent dans l'Histoire. En effet, non seulement l'UE continuera, dans les années à venir, à apporter son soutien dans ce contexte, notamment pour la réconciliation, mais, en outre, les leçons qui ont été tirées des programmes PEACE de l'UE pourraient contribuer aux efforts pour promouvoir la paix et la réconciliation dans d'autres parties du monde. L'UE n'aura jamais toutes les réponses, mais comme le montre l'expérience nord-irlandaise, elle dispose des moyens et de l'expérience pour aider les autres à les trouver.

1.6   En qualité de principal «modèle» mondial en matière de consolidation de la paix, l'UE, ainsi que les États membres qui la composent, disposent de l'expertise, de l'expérience, de la diversité, des ressources et de la réputation pour soutenir la résolution des conflits et la consolidation de la paix partout où cela est nécessaire dans le monde. Mais elle a encore davantage. Elle a l'obligation de le faire et est tenue de placer la consolidation de la paix au cœur même de sa future orientation stratégique.

2.   Recommandations

2.1   Les recommandations sont divisées en deux chapitres distincts. Le premier couvre les domaines d’action au sein de l’Irlande du Nord, et des régions limitrophes dans lesquelles l’aide de l’UE devrait être concentrée, en vue de faire progresser le processus de réconciliation. Le second chapitre porte sur le contexte plus large de l’aide européenne destinée à construire la paix et la réconciliation dans d’autres zones de conflit, à partir des leçons tirées de l’expérience de l’Irlande du Nord, dont les grandes lignes sont exposées dans le «kit d’outils pour la résolution des conflits» présenté ci-dessous.

2.2   L’Irlande du Nord

2.2.1   Les leçons tirées de l’expérience de l’Irlande du Nord démontrent que la construction de la paix est un processus stratégique à long terme. Il commence par mettre un terme à un violent conflit, et évolue par étapes vers la stabilité politique, la coexistence pacifique, la réconciliation et, pour finir, l’harmonie sociale, la prospérité économique et une «société partagée». L’aide de l’UE à ce processus doit donc être à long terme, eu égard à la nature fragile des premières étapes, et du temps nécessaire pour parvenir à une réelle réconciliation. Alors que le volume de l’aide financière européenne va probablement se réduire, et devenir plus ciblée au fur et à mesure que la province sort du conflit, la signification du rôle de l’UE en tant que partenaire du processus, et sa capacité à développer ses relations avec cette région sous d’autres formes créatives devraient continuer d'augmenter.

2.3   Recommandation no 1: L'UE devrait continuer à apporter un soutien de long terme à la consolidation de la paix en Irlande du Nord et ce faisant, il conviendrait qu'elle mette davantage l'accent sur:

la réconciliation transcommunautaire dans des domaines tels que la culture, les arts, le sport, les loisirs, le logement et l'éducation, la création d'emplois et la prestation de services publics;

les groupes marginalisés travaillant dans le cadre d'une structure transcommunautaire, qui deviendraient les principaux bénéficiaires des aides, le soutien aux groupes travaillant sur une identité unique (soit protestante, soit catholique), ne restant possible que dans des circonstances exceptionnelles, lorsque ceux-ci constituent un préalable essentiel à la construction de capacité transcommunautaire;

les victimes du conflit, pour les aider à reconstruire leurs vies, surmonter le traumatisme et partager leur expérience avec des groupes similaires d’autres communautés, et dans d'autres zones de conflit;

soutenir des initiatives aboutissant à une «société partagée», contribuant à réduire la nécessité de dupliquer les services en matière de logement, de santé, d’éducation, et les infrastructures de loisirs et de sport;

la participation des organisations bénévoles et communautaires, des syndicats et des entreprises à tous les niveaux du processus décisionnel relatif aux fonds PEACE de l'UE;

la restauration des structures de partenariat local qui servaient à rapprocher les partenaires sociaux et les responsables politiques dans les premiers stades du programme PEACE;

la réduction de la bureaucratie, en particulier pour les projets de faible ampleur dans les communautés rurales et urbaines, avec des évaluations de projets conçues d'après des critères sociaux comme économiques.

2.4   Recommandation no 2: la cellule spéciale de la Commission européenne sur l'Irlande du Nord devrait continuer à guider, faciliter et soutenir, pour la province, des formes créatives et innovantes de développement en-dehors de celles qui dépendent du financement du programme PEACE, telles que la recherche, les transferts de connaissances, l’éducation et l’aide à la mise en réseau international au sujet de la résolution de conflits.

2.5   Le contexte plus large

2.6   L’Union a le devoir, non seulement de tirer les leçons de son expérience en Irlande du Nord, mais également de transmettre ces leçons à d’autres, qui font à leur tour l’expérience de différents niveaux de conflit, que ceux-ci se situent à l’intérieur de, sur leurs frontières, ou bien dans le reste du monde. Ceci servira à tirer le maximum du rôle positif que peut jouer l’Union européenne dans la résolution des conflits mondiaux.

2.7   Recommandation no 3: il conviendrait que les principales leçons de cette expérience soient partagées entre les institutions de l'UE, les autorités des États membres, et la scène internationale, avec l'aide des éléments suivants:

une base de données complète des bonnes pratiques en matière de résolution de conflits (proposition du PE);

un recueil des évaluations du programme PEACE et des projets couronnés de succès dans ce cadre;

des recherches ultérieures en matière de rôle de l'UE dans toute une gamme de domaines (situations de conflit au niveau interne, transfrontalier et externe).

2.8   Recommandation no 4: ces initiatives pourraient être facilitées par la mise en place, en Irlande du Nord, d'un mécanisme institutionnel européen de résolution des conflits, qui devrait s'appuyer sur les travaux existants en matière de résolution des conflits, sur le plan local et international et dont les détails devraient faire l'objet d'un débat à l'échelon européen avec les partenaires sociaux, débat initié par le CESE afin d'explorer la meilleure façon de développer un système de résolution des conflits ayant une dimension européenne.

2.9   Recommandation no 5: il conviendrait d'adopter et de développer plus avant le kit d'outils ci-joint afin de s'en servir pour analyser les situations de conflit et de fournir des informations en vue de l'intervention de l'UE, en fonction de la situation et lorsque c'est nécessaire. Ce kit d'outils rassemble toute une gamme d'instruments employés par l'UE, qui pourraient servir de référence et constituer une ressource dans le cadre de travaux axés notamment sur la protection des minorités, l'égalité, le renforcement des capacités, la coopération transcommunautaire et transfrontalière et le développement socioéconomique dans d'autres zones au sein de l'UE, au niveau de ses frontières ou dans des zones de conflit situées au-delà de ses limites territoriales.

Kit de l'UE la résolution des conflits

Outils de diagnostic

Analyse socioéconomique et politique

Manuels de référence

Expérience d'autres régions du monde (notamment des mécanismes de résolution des conflits)

Recueil/Base de données de programmes/projets

Prise en compte des théories de résolution des conflits

Vision stratégique

Perspective objective (supranationale) de long terme associée à une approche de prise de risque

Application des leçons qui ont été tirées

Connaissance acquise et développée

Évaluation du stade auquel se trouve le conflit

Fixation de la procédure d'intervention, en fonction du stade du conflit et de sa localisation (au sein de l'UE, au niveau de ses frontières ou au-delà)

 

INSTRUMENTS FINANCIERS

INSTRUMENTS NON FINANCIERS

Instruments de grande envergure

(niveau macro)

Réseaux financés par l'UE axés sur la transformation des conflits

Institutions, politiques de l'UE, opportunités existant dans ce cadre

Approche, méthodologie, exemple de l'UE

Européanisation (au niveau national) normes, valeurs, institutions, procédures de l'UE (y compris la participation des partenaires sociaux)

Espace neutre pour favoriser le dialogue/dégager un consensus

Approche équitable pour instaurer la confiance.

Modèle européen de rétablissement de la paix: montrer l'exemple à suivre

Partenariat étroit avec les principaux donateurs.

Leviers et molettes

(niveau intermédiaire)

Programmes communautaires PEACE taillés sur mesure

Fonds structurels ajustés pour répondre à l'objectif de résolution des conflits (définis en fonction de critères de «différenciation» appropriés)

Coopération bilatérale/transfrontalière

Accords et initiatives

Modèle de partenariat social

Evaluation du niveau du programme

Cellule spéciale (collecte des informations locales, identification des opportunités et des domaines de coopération, promotion de la participation dans les programmes à l'échelle de l'UE)

Approche fondée sur le partenariat – travail en coopération avec les partenaires politiques et sociaux locaux

Consultation locale conduisant à une appropriation de la conception et du développement du programme au niveau local

Engagement des institutions locales

Suppression des barrières à travers les politiques de l'UE

Instruments de précision

(niveau micro)

Agents de réalisation au niveau local pour agir sur le terrain

Subventions globales pour s'assurer une réceptivité au niveau local et veiller à atteindre la cible adéquate

Financement conditionnel pour promouvoir les bonnes pratiques

Suivi pour favoriser un apprentissage continu.

Soutien au renforcement des capacités et collaboration/coopération.

Coopération transfrontalière, «ascendante», sur le plan économique, social et culturel

Autoévaluation

Européanisation (au niveau local) Participation des partenaires sociaux, engagement des citoyens, participation communautaire, déploiement de fonctionnaires de la Commission européenne

Célébration des réussites

Sensibilisation à travers la presse et la publicité

3.   Introduction

3.1   Le présent avis entend relater l'histoire relativement méconnue du succès remporté par l'Union européenne en matière de soutien au processus de paix en Irlande du Nord, mieux faire connaître l'expérience nord-irlandaise au sein de la société civile européenne, et établir un «kit d'outils» des méthodes employées par l'UE pour promouvoir la paix et la réconciliation, qui pourra être utilisé dans d'autres zones de conflit, de manière adaptée.

3.2   L'avis porte principalement sur le soutien apporté par l'UE à travers les programmes européens PEACE, le Fonds international pour l’Irlande (FII) et INTERREG. Il examine de quelle manière ces fonds ont été conçus, ainsi que leur impact sur la vie sociale, économique, et politique de la région, en se concentrant sur le soutien que l'UE a apporté à la société civile (entreprises, syndicats, secteur associatif).

3.3   Il étudie également les possibilités plus larges qui ont été offertes par l'UE en matière de coopération politique, diplomatique et administrative britannico-irlandaise et examine dans quelle mesure le «modèle européen de rétablissement de la paix» a été mis à profit pour promouvoir une évolution positive en Irlande du Nord.

4.   Méthode

4.1   Quatre réunions de travail ont été organisées, dont une conférence consultative qui s'est tenue en avril 2008 en Irlande du Nord. Cette conférence a permis de rassembler des informations à travers la consultation des acteurs concernés et des experts, des questionnaires et une consultation électronique, ce qui a permis d'établir des conclusions sur la base d'une expérience directe des programmes et des politiques de l'UE. En outre, les membres du sous-comité ont effectué une visite d’étude au cours de laquelle ils ont pu découvrir des projets financés par des fonds communautaires à Belfast.

4.2   La conférence a coïncidé avec des événements marquant des avancées politiques significatives en Irlande du Nord et elle a compté parmi ses participants le premier ministre et le premier ministre adjoint, le ministre d’État irlandais et de hauts représentants de l’UE qui avaient participé à la mise en place du programme PEACE.

4.3   Une des caractéristiques importantes de cet avis tient à la coopération fructueuse qui s'est instaurée entre les trois groupes du CESE, leurs experts et les membres français, espagnols, italiens, irlandais et britanniques du sous-comité, le Parlement européen (rapport de Brún) et la Commission européenne.

5.   Historique

5.1   Géographie/économie

5.1.1   L'Irlande du Nord est située dans le Nord-est de l'île d'Irlande. Sur une surface de 14 245 km2, elle rassemble une population de 1 685 000 habitants, d'après les données du dernier recensement (2001), composée à 53,1 % de protestants, 43,8 % de catholiques, 0,4 % de personnes d'une autre confession et 2,7 % de personnes sans obédience religieuse. Cette population, qui compte plus de 40 % de moins de 29 ans, est parmi les plus jeunes d'Europe. Stable jusqu’à une période récente, en raison d’une migration nette en provenance de l’étranger, la population devrait, d'après les estimations, dépasser les 1,8 million d'ici 2011.

5.1.2   Délaissant les activités manufacturières traditionnelles, comme la construction navale et le textile, l'économie s'oriente désormais davantage vers les services et vers l'extérieur. Depuis 2004-2005, la valeur ajoutée brute (VAB) a augmenté de 3,5 % en termes réels, ce qui se situe juste en dessous de la moyenne du Royaume-Uni mais est nettement inférieur à la croissance du PIB qu'a connue l'Irlande au cours de la période du «Tigre celtique», laquelle a atteint jusqu'à 10 % par an. La VAB/habitant se situe autour de 80 % de la moyenne du Royaume-Uni et le chômage est tombé à 3,6 %, après avoir atteint un chiffre record de 17,2 % en 1986. Ces statistiques masquent cependant plusieurs problèmes importants, parmi lesquels figurent notamment le niveau élevé d'inactivité économique, qui est de 26,9 %, soit le plus élevé de toutes les provinces du Royaume-Uni, et la forte dépendance de la province vis-à-vis des fonds publics pour le soutien aux secteurs tant public que privé, ce qui a constitué un frein à l’esprit d’entreprise (les financements publics représentent 62 % de la VAB).

5.2   Contexte historique/politique récent

5.2.1   En tant que province du Royaume-Uni, l'Irlande du Nord a vu le jour à la suite de l'adoption de la loi sur le gouvernement de l'Irlande, qui a amené à la partition du Nord et du Sud de l'Irlande en 1921. Cette situation a conduit à la création d’une zone frontalière sur l’île et a marqué le début d’un processus de coexistence «dos à dos» en termes sociaux, économiques et politiques. Depuis lors, cette division constitue une source de discorde entre nationalistes nord-irlandais (principalement catholiques) et unionistes (principalement protestants). D'une manière générale, les premiers aspirent à une Irlande unie, tandis que les seconds souhaitent que l'Irlande du Nord continue à faire partie intégrante du Royaume-Uni.

5.2.2   En 1921, la population était composée à 60 % de protestants et à 40 % de catholiques. La communauté unioniste majoritaire est restée au pouvoir pendant presque un demi-siècle. À la fin des années 60, les défenseurs des droits civiques ont organisé des marches pour exiger qu'il soit mis un terme à la discrimination. Il s'en suivit de violents combats et confrontations, que beaucoup considèrent comme marquant le début du récent «conflit nord-irlandais». En 1972, alors que le conflit atteignait son paroxysme, le Parlement d'Irlande du Nord fut dissout et Londres plaça la province sous son administration directe.

5.2.3   Les décennies qui ont suivi ont été marquées par de nombreuses tentatives pour stabiliser la situation, et notamment des initiatives de réconciliation émanant principalement des organisations de la société civile, y compris des syndicats. La même période a néanmoins été le théâtre de terribles violences, qui, après 35 ans de conflit, ont coûté la vie à plus de 3 500 personnes et en ont laissé des milliers d’autres physiquement et mentalement marquées pour le restant de leur vie.

5.2.4   Les cessez-le-feu paramilitaires de 1994 ont ouvert la voie aux pourparlers entre les partis politiques. En 1998, l'accord du Vendredi saint/de Belfast a été conclu et approuvé par une écrasante majorité de citoyens au cours de référendums séparés organisés au Nord et au Sud de la frontière. L'année suivante, un exécutif et une Assemblée d'Irlande du Nord ont été constitués, à côté de plusieurs organes Nord/Sud, la province se voyant réattribuer ses compétences dans les semaines précédant la fin du millénaire.

5.2.5   En 2002, les travaux de l'Assemblée ont été suspendus, et ce n'est qu'en mai 2007 qu'un exécutif décentralisé et fondé sur le partage du pouvoir a été rétabli, sous la direction du DUP (Parti unioniste démocrate - unioniste) et du Sinn Fein (républicain). La province connaît actuellement sa plus longue période de stabilité politique depuis près de quatre décennies.

5.3   La participation de l'UE au processus de paix

5.3.1   Le Royaume-Uni et l'Irlande ont rejoint l'Union européenne en 1973, au moment où le conflit atteignait son paroxysme, et l’Irlande du Nord a obtenu un «statut spécial», se voyant désignée région d'«objectif 1», bien que ne remplissant pas toujours les conditions économiques connexes. Un tel statut était synonyme de financements additionnels pour le développement économique et social. Les fonds ainsi alloués étaient censés compléter le financement octroyé par le gouvernement britannique, mais beaucoup considéraient qu'ils étaient utilisés en compensation des exigences de financements publics.

5.3.2   Au cours des premières élections directes au Parlement européen (1979), trois députés d'Irlande du Nord ont été élus (Ian PAISLEY, John HUME et John TAYLOR). En 1984, le Parlement européen a publié le «rapport Haagerup» sur l'Irlande du Nord et Lorenzo NATALI, vice-président de la Commission européenne, a promis d’«examiner d'un œil favorable la proposition de mettre en place un programme intégré pour l'Irlande du Nord et les comtés limitrophes». Il a néanmoins souligné qu’il lui fallait pour ce faire le feu vert des gouvernements britannique et irlandais.

5.3.3   En 1986, les gouvernements britannique et irlandais ont mis en place le Fonds international pour l'Irlande (FII) pour «promouvoir le progrès social et économique et favoriser la réconciliation entre les nationalistes et les unionistes sur l'île d'Irlande». L'UE est un des principaux contributeurs de ce fonds (à côté des États-Unis, du Canada, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande), doté d'une enveloppe de 849 millions d'euros qui a permis, depuis plus de 20 ans, de soutenir plus de 5 700 projets en Irlande du Nord et dans les comtés limitrophes de la République d'Irlande. Aux alentours de 2013, les financements versés par l’UE au FII auront totalisé 349 millions d’euros.

5.3.4   La visite effectuée par le Président de la Commission européenne, Jacques DELORS, en 1992 en Irlande du Nord pour consulter les représentants locaux a renforcé son engagement en faveur de la paix dans la région. La même année, les barrières économiques au commerce entre le Nord et le Sud de l’île ont été levées avec l’achèvement du marché unique, lequel a fait naître, au fil du temps, des occasions intéressantes en matière de commerce et d'activité économique au niveau transfrontalier.

5.3.5   En 1994, juste après les cessez-le-feu paramilitaires, Jacques DELORS a rencontré les trois députés d’Irlande du Nord (qui étaient alors Ian PAISLEY, John HUME et Jim NICHOLSON), et a convenu de la mise en place d’un nouveau grand ensemble de mesures européennes. Il a constitué une cellule spéciale et, à la suite de larges consultations au niveau local, le projet visant à mettre en place un programme PEACE d'une durée de trois ans et doté d'une enveloppe de 300 millions d'euros a été approuvé lors du sommet européen de 1994, quelques semaines avant la fin du mandat présidentiel de Jacques DELORS. Ce programme a été prolongé pour deux ans, avec un financement additionnel de 200 millions d'euros.

5.3.6   Il s’agissait du premier programme spécial de l'UE de soutien à la paix et à la réconciliation en Irlande du Nord et dans les comtés limitrophes de la République d'Irlande, connu sous le nom de PEACE I. Dans le cadre des vastes consultations qui ont été conduites au sujet du programme, le Comité économique et social européen a notamment élaboré un avis en 1995 (rapporteur: M. FRERICHS) (1), qui saluait cette initiative et soulignait la nécessité de mettre en place une approche de long terme et de faire preuve de souplesse dans l'allocation des financements.

5.3.7   En 2000, PEACE I a été suivi par le programme PEACE II, négocié par les membres du nouvel exécutif nord-irlandais et bénéficiant d'une dotation financière de 531 millions d’euros. Il a été reconduit en 2005/2006 avec un financement communautaire de 78 millions d'euros. Le CESE a élaboré un deuxième avis (rapporteur: M. SIMPSON) qui demandaient aux financements du programme PEACE II de se concentrer davantage sur des projets favorisant la réconciliation, ainsi que sur les problèmes auxquels sont confrontés les travailleurs migrants. En 2007, PEACE III est entré en vigueur pour la période 2007-2013, avec une enveloppe financière de 225 millions d’euros. Au total, l'UE a contribué pour plus de 1,3 milliards d'euros à ces programmes.

5.3.8   À la suite du transfert des compétences à la province en 2007, le président de la Commission européenne, José Manuel BARROSO, a mis en place une nouvelle cellule spéciale, sous la direction de Danuta HÜBNER, membre de la Commission européenne chargée de la politique régionale, pour réfléchir à la future coopération entre l’UE et l’Irlande du Nord. Publié en avril 2008, le rapport propose plusieurs solutions pour permettre à la région de participer davantage aux politiques de l'UE et note l'intérêt exprimé par les autorités de l'Irlande du Nord pour promouvoir la création d’un mécanisme institutionnel européen de résolution des conflits en faveur de la recherche, du conseil et du partage d'expérience.

6.   L'impact de la participation de l'UE

6.1   La participation de l'UE au processus de paix a revêtu toute une gamme de formes différentes allant d'un soutien politique à haut niveau à une intervention financière sur le terrain. C'est dans les années 1990 que cette activité a été la plus intense, en soutien aux progrès politiques qui ont été accomplis à la suite des cessez-le-feu et de la conclusion de l'accord du Vendredi Saint/de Belfast et elle se poursuit aujourd'hui avec la cellule spéciale de la Commission européenne qui se concentre sur de nouveaux domaines de coopération, PEACE III, le FII et INTERREG.

6.2   L'assistance financière de l'UE pour la consolidation de la paix a constitué un élément central du soutien de l'UE au processus de paix. Cependant, les facteurs non financiers qui découlaient automatiquement de l'appartenance à l'UE ont eu un impact profond sur la promotion d'une évolution positive. La «sphère d'influence» de l'UE peut ainsi être divisée en deux segments distincts, mais qui se recoupent dans certains cas, à savoir les facteurs financiers et non financiers.

6.3   Facteurs non financiers

6.3.1   L'UE a offert un «espace neutre»qui a permis de favoriser le dialogue entre les responsables politiques britanniques et irlandais, après l'adhésion, en leur ouvrant de nouvelles occasions de rencontres régulières sur un terrain neutre. Cette configuration était également positive pour les députés nord-irlandais, ce qu'illustre parfaitement la rencontre de 1994 entre PAISLEY, HUME, NICHOLSON et DELORS, qui a conduit à la création du premier programme PEACE, et que PAISLEY a décrite comme étant l'une des réunions les plus productives de toute sa carrière. En outre, la coopération transfrontalière entre les fonctionnaires britanniques et irlandais sur les affaires quotidiennes a conduit à un «rapprochement» des administrations, qui a très certainement eu un impact positif sur le processus de paix.

6.3.2   L'existence d'un tel «espace neutre» a peut-être joué un rôle plus important encore s'agissant du soutien apporté par l'UE au processus de paix sur le terrain. L'engagement, l'implication et la délégation de pouvoir vers la société civile ont été facilités par les institutions, et le déploiement du personnel qui a contribué à garantir le caractère équitable et intégratif de l'approche mise en œuvre.

6.3.3   Un autre élément non financier important a résidé dans le fait que les décideurs britanniques et irlandais ont pu se familiariser avec la recherche du consensus dans le cadre des processus législatifs européens. Dans les négociations au Conseil, les États membres employaient un nouveau type de dialogue multilatéral, axé sur les transactions et les compromis, qui a constitué un instrument utile dans le cadre des discussions politiques au niveau local.

6.3.4   L'émergence du marché unique européen en 1992 a eu un impact non financier important sur le processus de paix. La levée des barrières administratives au commerce transfrontalier a contribué au renforcement de la coopération entre les organisations entrepreneuriales de part et d'autre de la frontière et a favorisé un engagement durable du mouvement syndical en matière de coopération transfrontalière. Les contrôles de sécurité transfrontaliers ont néanmoins continué à freiner les principales avancées en matière de coopération économique et sociale.

6.3.5   Au nombre des facteurs non financiers qui ont eu un impact limité dans les premiers temps, l'on peut citer la référence au modèle européen de rétablissement de la paix comme modèle à suivre pour la région. Lorsque l'Irlande du Nord a rejoint l'UE en 1973, beaucoup espéraient que l'effet stabilisateur de l'entrée dans l'UE serait quasi immédiat. Les divisions entre les communautés étaient néanmoins à ce point enracinées qu'il fallut du temps pour que le modèle européen ait un impact sur ce processus.

6.3.6   Aujourd'hui encore, après 35 années d'appartenance à l'UE, des «murs de la paix» séparant les communautés catholique et protestante existent toujours à Belfast. La majorité des enfants fréquentent des écoles séparées et 90 % des personnes vivent dans des communautés «distinctes».

6.4   Impact financier

6.4.1   L'impact financier de PEACE I sur le processus de paix a été considérable car il présentait un caractère unique et innovant - ne ressemblant à rien de ce qui avait été expérimenté jusque là par l'UE. Avec une enveloppe de 500 millions d'euros (1995-1999) pour soutenir la paix et la réconciliation, il constituait également le soutien financier le plus important alloué dans ce but précis. Il représentait 73 % du total des investissements, le reste étant fourni par les pouvoirs publics des deux pays et le secteur non gouvernemental.

6.4.2   Un des facteurs importants qui a contribué à l'impact positif de PEACE I est le vaste processus de consultation qui a étayé sa conception. La société civile organisée, et notamment les ONG, les syndicats et les entreprises se sont sentis parties prenantes car leur contribution a été reconnue. Les députés nord-irlandais ont également été directement associés aux détails du processus. PEACE I a fait l'objet d'une publicité importante et était ainsi bien connu dans toute la zone concernée. Cette «reconnaissance» est toujours d'actualité aujourd'hui. Les statistiques montrent que près de la moitié de la population a bénéficié des programmes PEACE.

6.4.3   L'originalité des mécanismes de financement du programme PEACE a également joué un rôle crucial dans son succès. Les organes de financement intermédiaires constituaient un moyen ingénieux de transférer la responsabilité au niveau local tout en renforçant les capacités. Les partenariats de district, auxquels participaient des représentants des entreprises, des agriculteurs, des secteurs associatif et communautaire, des syndicats ainsi que des élus du gouvernement local constituaient une «première» pour l'Irlande du Nord. Cette approche partenariale des décisions a joué un rôle tout aussi important pour le processus de consolidation de la paix que le financement en tant que tel.

6.4.4   Il est largement reconnu que cette approche«ascendante» a permis de rendre les financements plus accessibles aux personnes situées «aux marges de la vie économique et sociale locale». En particulier, elle visait des groupes qui n'avaient jusqu'alors reçu que peu de soutien voire aucun, notamment les victimes et les anciens prisonniers, et elle a permis d'accélérer le financement à l'intention des autres groupes, tels que les organisations transcommunautaires et transfrontalières, les groupes de femmes et de jeunes.

6.4.5   L'impact financier de ces programmes a été plus important que celui des financements que l'UE avait alloués par le passé, en raison de la garantie de «l'additionnalité» des fonds. Le financement avait ainsi davantage d'impact, et était plus visible dans la mesure où il intervenait «en addition et en complément» du financement du gouvernement à destination de la région. On dit souvent que ce n'était pas le cas pour les autres programmes de fonds structurels de l'UE.

6.4.6   Le changement de priorité opéré entre les programmes a également eu un impact. «L'insertion sociale» constituait le principal poste de financement au titre de PEACE I, alors qu'il s'agissait du «renouveau économique» pour PEACE II. Dans le cadre du programme PEACE III, l'accent a été placé sur la «réconciliation», celle-ci étant considérée comme le meilleur moyen de résoudre les problèmes de division sectaire qui perdurent.

6.4.7   La responsabilité de PEACE II/III a également été transférée à l'organe des programmes particuliers de l'Union européenne (Special EU Programmes Body–SEUPB) nouvellement créé à l'échelon transfrontalier. Certains aspects de ses travaux bénéficient du soutien de comités de suivi, qui réunissent des acteurs intéressés des secteurs public, syndical et privé d'Irlande du Nord et des comtés limitrophes. Si certains estiment que ce changement a eu pour effet de réduire le niveau d'implication sur le terrain, d'autres considèrent qu'il a permis d'offrir un «guichet unique» important pour tous les aspects du financement octroyé par l'UE au titre du programme PEACE et au niveau transfrontalier.

6.4.8   Le FII a également eu un impact très important sur le processus de paix tant en termes de projets que par sa composition. Le FII rassemble des représentants de ses pays donateurs et cette forme de coopération originale, en particulier entre l'UE et les États-Unis, pourrait constituer un excellent exemple de bonne pratique pour les autres zones de conflit.

6.4.9   Si le fonds INTERREG fonctionne dans l'ensemble de l'UE, l'impact spécifique qu'il a eu sur l'île d'Irlande a été particulièrement important pour le processus de paix. Complétant les éléments transfrontaliers des programmes PEACE, INTERREG a permis la réalisation d'investissements dans le domaine des infrastructures transfrontalières ainsi que des programmes socioéconomiques contribuant à encourager la coopération entre des communautés qui vivaient «dos à dos».

6.4.10   D'autres initiatives de l'UE, telles que URBAN, EQUAL et LEADER, ont eu et continuent à avoir un impact moins direct, mais néanmoins important sur le processus de paix en Irlande du Nord.

6.5   Impact sur la coopération transfrontalière

6.5.1   À la suite de la partition de l'île en 1921, les deux juridictions ont évolué de manière séparée et antagoniste. L'impact de cette coexistence «dos à dos» était évident avant le conflit et a été exacerbé par 35 ans de violence. Les interactions transfrontalières étaient limitées en raison des dangers et des difficultés et les échanges transfrontaliers étaient les plus faibles de ceux enregistrés aux frontières internes de l'UE.

6.5.2   Les politiques de l'UE ont favorisé et facilité un changement de paradigme en matière de coopération transfrontalière. Ce phénomène s'est trouvé accéléré du fait que l'Irlande comme le Royaume Uni étaient membres de la communauté européenne. Dans la sphère économique, les retombées «descendantes» du marché intérieur ont été particulièrement importantes, alors que dans la sphère sociale et culturelle, l'impact «ascendant» des programmes PEACE, qui intégraient les six comtés situés au Sud de la frontière, a été le moteur d'interactions transfrontalières inimaginables auparavant.

6.5.3   Parmi les objectifs mutuels figuraient l'accroissement du développement économique, des interactions sociales et une coopération plus étroite entre les différents gouvernements. Un des piliers de l'accord du Vendredi Saint/de Belfast a été la création d'un Conseil ministériel Nord/Sud et d'organes transfrontaliers. Ces institutions à financement conjoint sont sans précédent dans l'UE. Par ailleurs, l'idée d'une «économie spécifique à l'île» a fait son chemin et d'un concept radical, elle est devenue une idée généralement acceptée comme courante, utile et bénéfique.

6.5.4   Ce renforcement de la coopération transfrontalière s'est souvent fait souvent sous l'impulsion des partenaires sociaux. Leur travail pionnier a permis la coopération des décideurs du Nord et du Sud pour améliorer la compréhension, l'appréciation et la confiance de part et d'autre de la frontière. L'étroite coopération qui en a résulté a concerné différents domaines mais c'est en matière économique qu'elle est actuellement la plus visible, ainsi qu'en termes de santé et d'éducation.

6.5.5   Parmi les nombreux résultats positifs que cette démarche a apportés, on peut citer un programme de développement commercial et économique mis en place pour sept ans entre deux groupements d'entreprises du Nord et du Sud, à savoir la Confédération de l'industrie britannique (Confederation of British Industry's - CBI) et la Confédération irlandaise des entreprises et des employeurs (Irish Business and Employers Confederation - IBEC), financé par le FII, PEACE ET INTERREG, et qui a donné lieu à plus de 300 rencontres entre acheteurs et vendeurs. Les échanges ont doublé au cours de cette période (1991-1997), pour dépasser les deux milliards de livres.

6.5.6   Les travaux réalisés par le mouvement syndical pour encourager les liens transfrontaliers et transcommunautaires sont également extrêmement important. Le Congrès irlandais des syndicats (Irish Congress of Trade Unions - ICTU), est un organe qui fonctionne sur tout le territoire de l'Irlande, et qui a travaillé sans relâche au cours du conflit pour promouvoir de meilleures relations entre les communautés. Le Congrès n'a pas cherché à bénéficier de financements pour ses travaux mais certains organes liés aux syndicats ont reçu un soutien de la part de l'UE.

6.5.7   S'agissant de l'impact transfrontalier du programme PEACE, le fait que seuls les six comtés limitrophes du Sud pouvaient directement bénéficier des financements ainsi alloués a eu pour effet de limiter la portée du programme, notamment en matière de développement économique, à un moment où les régions au plus fort potentiel étaient précisément situées hors de la zone sud éligible.

6.5.8   Cette coopération transfrontalière a atteint une ampleur totalement nouvelle, et considérablement plus large et plus profonde. Maintenant que la plupart des obstacles physiques, fiscaux, techniques et sécuritaires sont levés, permettant et encourageant des volumes sans précédent d'échanges commerciaux, d'interactions et de coopération transfrontaliers, le défi consiste à surmonter les barrières culturelles et sociales séculaires qui perdurent.

6.5.9   L'essentiel est que les méthodes employées par l'UE pour soutenir la paix et à réconciliation au niveau économique et social et au sein de toutes les communautés offrent un modèle régional unique, dûment développé et de plus en plus éprouvé, pour appliquer la philosophie, l'expertise et la méthodologie propres à l'UE.

6.6   Impact sur le développement économique

6.6.1   En soutenant le processus de consolidation de la paix, l'UE a contribué à accélérer le développement économique en Irlande du Nord et dans les comtés limitrophes. Nombre d'évaluations a posteriori ont reconnu l'importance de l'impact direct de PEACE I et II sur le développement économique. Le principal effet indirect a tenu au fait que le rôle joué par l'UE pour favoriser le progrès politique et la consolidation de la paix a permis d'accélérer considérablement le développement social et économique.

6.6.2   Les programmes PEACE, FII et INTERREG ont permis, par leur action conjointe, l'émergence d'un emploi durable ainsi que des améliorations en matière d'environnement et d'infrastructures, en particulier dans les zones touchées par le conflit. Ils ont apporté des possibilités en matière de développement et d'activité entrepreneuriale au sein des communautés et des groupes marginalisés, et ont contribué de manière significative au cours de la dernière décennie à la croissance rapide du commerce transfrontalier.

6.6.3   S'agissant de la qualité des retombées, on s'accorde à dire que les programmes ont apporté une contribution substantielle à la construction d'une société pacifique et stable. De tels résultats ont pu être atteints, dans une large mesure, à travers le renforcement des capacités au sein des secteurs communautaire et associatif, lequel a permis de favoriser le processus de réconciliation.

6.6.4   «Le partenariat social» constitue un grand pilier de la démarche de l'UE et les caractéristiques précitées de l'approche européenne à l'égard de la paix et de la réconciliation contribuent à stimuler et à encourager de nouveaux modes d'interaction entre les intérêts économiques et politiques, dans l'intérêt de l'ensemble de la société.

6.6.5   La contribution de l'UE a favorisé l'émergence d'une vision stratégique de l'économie dans un environnement post-conflit. À mesure que l'on avance, nombre de nouvelles occasions intéressantes s'ouvrent à la région, notamment à travers une coopération plus étroite au sein de l'UE dans les domaines préconisés par la nouvelle cellule spéciale de la Commission européenne que sont notamment la recherche, l'innovation et le transfert de connaissance, mais aussi à travers le développement des relations économiques avec la zone euro.

6.7   Impact sur l'insertion sociale

6.7.1   L'insertion sociale reste un principe fondamental et général de l'approche de l'UE à l'égard de la consolidation de la paix et les recherches sur ce thème confirment que le programme PEACE a soutenu des groupes qui n'avaient pas été pris en compte auparavant ou qui ne recevaient qu'un soutien minimal. Il a également favorisé l'intégration de groupe ethniques minoritaires, la confiance et la consolidation des capacités ainsi que le renforcement de la société civile au niveau local, et a permis l'implication de personnes autrefois exclues.

6.7.2   En touchant plus de la moitié des habitants de la région, en tant que participants au projet, le programme PEACE a amené l'UE au contact des citoyens à travers ce qui a été décrit comme «un engagement de terrain sans précédent». Il a visé, renforcé et soutenu les membres de la société civile qui s'étaient engagés en faveur du changement dans des structures associatives au sein de leurs communautés. Cette reconnaissance a constitué un mécanisme important de renforcement de la confiance.

6.7.3   Des méthodes de financement innovantes ont en outre été employées, faisant intervenir par exemple les organes de financement intermédiaires et les partenariats de district, qui devinrent ensuite les partenariats stratégiques locaux, pour mener une action de terrain et atteindre des zones que nombre d'autres initiatives d'insertion n'avaient pas pu toucher. La délégation des décisions financières à ces organisations locales a contribué à renforcer les capacités et a garanti l'implication des acteurs du terrain dans la conception et la réalisation des programmes.

6.7.4   L'approche de l'UE s'est également distinguée par le recours au modèle de partenariat social européen dans le cadre des programmes PEACE. Des représentants des entreprises, des syndicats et du secteur associatif, ainsi que des «activités diverses» ont été consultés et associés au processus. Bien que ce principe continue à jouer un rôle central, nombre des structures de partenariat initialement constituées n'ont pas été maintenues. C'est un problème, car le rassemblement de partenaires sociaux et de responsables politiques dans le cadre de la prise de décisions faisait et devrait continuer à faire partie intégrante du processus de paix.

6.7.5   Il est reconnu qu'un grand nombre d'habitants des zones les plus divisées et les plus défavorisées ont bénéficié des financements des programmes PEACE et INTERREG de l'UE ainsi que du FII, et les consultations montrent que le rôle joué par l'UE en la matière est très apprécié.

6.8   Impact sur la paix et la réconciliation

6.8.1   Pour ce qui est de la consolidation de la paix, l'intervention de l'UE a contribué à maintenir la dynamique du processus de paix et l'élan en faveur de la stabilité politique. Elle a également permis aux communautés de se sentir investies d'un rôle au niveau local dans des périodes d'incertitude politique. Mais les éléments rassemblés lors des consultations du CESE avec les acteurs concernés appuient largement la conclusion selon laquelle l'UE et ses programmes de financements ont contribué à la création d'une paix qui l'emporte aujourd'hui.

6.8.2   En termes de processus long de réconciliation entre communautés, l'on peut citer différents exemples de l'impact positif que la coopération et un contact fondés sur une approche «ascendante» ont eu au niveau local selon un principe transcommunautaire et transfrontalier. Les programmes PEACE et le FII ont permis des avancées significatives s'agissant d'inciter différents segments de la communauté à instaurer des contacts entre eux. Bien que ces contacts aient conduit à l'émergence croissante d'une compréhension et d'une confiance mutuelles dans certains domaines, leur impact n'est pas encore suffisant pour permettre de venir à bout de la suspicion et la méfiance dans d'autres.

6.8.3   La décision d'ajuster les programmes de financement de l'Union pour les cibler davantage sur la réconciliation entre communautés a donc rencontré un soutien général. Ceci devrait aider à amener les communautés à un niveau où les personnes qui vivent derrière des murs ont atteint un degré suffisant de confiance en eux-mêmes, à l'aise dans leurs relations avec les autres, et par dessus tout, en sécurité dans cette situation pour pouvoir vivre sans les murs qui les séparent. Mais cette décision doit venir d'eux. L'aide à la construction de capacité dans des domaines «d'identité unique» a été considérée comme un moyen d'y parvenir. Toutefois, ce processus peut avoir des inconvénients, en ce qu'il pourrait contribuer à la séparation en aidant des catégories à s'occuper de leurs membres. Etant donné que certains sont mieux préparés que d'autres à faire usage de ces financements, celui-ci pourrait également mener dans un sens à une inégalité de traitement entre différents groupes au sein de la société.

6.8.4   Les progrès en direction d'une «société partagée» ont toutefois été également limités. Un rapport récent souligne le coût élevé de la ségrégation, qui résulte principalement de la nécessité de dupliquer les services pour répondre aux demandes des communautés catholique et protestante qui vivent de manière séparée. La ségrégation des services publics, qui sert uniquement à répondre aux craintes et à l'insécurité de la communauté, ne fait que renforcer les dépenses publiques dans des domaines comme le logement, la santé, les infrastructures de loisirs et de sport. Dans le domaine de l'éducation, seulement 6 % des enfants fréquentent des écoles qui pratiquent une approche véritablement intégrée catholique/protestante.

6.8.5   La stabilité et la prospérité se renforcent mutuellement et à travers ses programmes de financement, l'UE a contribué à agir sur les conditions sociales et économiques qui découlaient du conflit, mais qui l'alimentaient également. Elle n'a cependant jamais été en mesure de s'attaquer aux causes profondes, politiques ou constitutionnelles, de ce dernier. Elle pouvait simplement jouer un rôle de facilitateur à cette fin et montrer l'exemple à suivre.

Bruxelles, le 23 octobre 2008.

Le Président

du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  Avis du CES sur le projet de note à l'attention des États membres - Orientations pour une initiative dans le cadre du programme d'aide spéciale en faveur de la paix et de la réconciliation en Irlande du Nord et dans les comtés limitrophes de l'Irlande, COM (1995) 279 final, JO C 155 du 21 juin 1995 et JO C 236 du 11 septembre 1995.


III Actes préparatoires

Comité économique et social européen

448e session plénière des 21, 22 et 23 octobre 2008

30.4.2009   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/109


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil simplifiant les conditions des transferts de produits liés à la défense dans la Communauté»

COM(2007) 765 final — 2007/0279 (COD)

2009/C 100/17

Le 29 janvier 2008 le Conseil a décidé, en vertu de l'article 95 du traité instituant la Communauté européenne, de saisir le Comité économique et social européen d'une demande d'avis sur la

«Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil simplifiant les conditions des transferts de produits liés à la défense dans la Communauté»

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», qui était chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 1er octobre 2008 (rapporteur: M. OPRAN).

Lors de sa 448e session plénière des 21, 22 et 23 octobre 2008 (séance du 23 octobre 2008), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 39 voix pour, 1 voix contre et 16 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Assurer la sécurité est l'une des principales obligations de tout gouvernement. En ce qui concerne l'espace européen, il est permis de conclure qu'aucun État membre ne peut, à lui seul, être en sécurité, et qu'un effort concerté et commun est nécessaire pour permettre d'assurer un contrôle approprié des mouvements de matériel de guerre, ou plus généralement, de matériel de défense.

1.2   C'est pourquoi la solution envisagée par le Comité est celle d'un Cadre de sécurité européen commun, et non le maintien en l'état des entraves intracommunautaires avec toutes les conséquences dommageables que comportent ces entraves. Bien entendu, nous devrions prendre en considération le fait que la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et la politique européenne de sécurité et de défense (PESD — titre V du TUE) qui existent actuellement sont de nature intergouvernementale, alors que l'initiative de la Commission visant à simplifier les transferts intracommunautaires relève du premier pilier communautaire (dans le cadre de la législation concernant le marché intérieur).

1.3   Perception de la charge du transfert

1.3.1   L'industrie est d'avis que le cadre législatif actuel est mal adapté et inadéquat, et que de surcroît, il est à l'origine d'une lourde charge administrative.

1.3.2   En plaidant contre les entraves aux transferts, l'industrie se place dans une perspective qui est même plus globale que la simple perspective des transferts intracommunautaires. La mondialisation est une réalité dans l'industrie manufacturière liée à la défense, parce qu'il n'existe encore que peu de systèmes complexes qui soient 100 % européens, et tous comportent au moins certains composants provenant de pays tiers.

1.3.3   Toutefois, même dans la perspective plus mondialisée, l'industrie est d'avis que l'initiative de la Commission constitue un pas en avant qui est important; l'industrie est, d'une manière générale, favorable à cette initiative.

1.4   Les conséquences financières

1.4.1   Le calcul précis des coûts des entraves aux transferts intracommunautaires est un processus très difficile, parce que rares sont les coûts de cette nature qui sont publiés et parce que la plupart de ces coûts résultent d'une mauvaise gestion ou tout simplement d'une absence de gestion (1). Pour 2003, l'on estime à plus de 3,16 milliards d'euros le coût annuel total des entraves intracommunautaires aux transferts, ce montant se répartissant comme suit (source: étude UNISYS):

   coûts indirects: 2,73 milliards d'euros

   coûts directs: 0,43 milliard d'euros

1.4.2   Généralement, l'on classe les coûts de la manière suivante:

a)

coûts directs — coûts structurels et coûts de procédures générés par l'exécution proprement dite des processus d'octroi de licences;

b)

coûts indirects (2) — ces coûts indirects s'expliquent notamment par l'organisation moins qu'optimale de l'industrie (par exemple, les obstacles à la sous-traitance) et par les pratiques moins qu'optimales des États membres en matière d'achat (par exemple, la constitution de stocks excessifs due à la prise en compte de longues procédures d'autorisation dans l'État membre fournisseur).

1.5   Le Comité considère comme nécessité prioritaire l'adoption par les États membres d'un outillage commun pour la gestion de leurs transferts intracommunautaires. Pour ce qui concerne le champ d'application de la directive proposée, la «Liste commune des équipements militaires de l’Union européenne», qu'il conviendrait d'actualiser régulièrement, constitue déjà un langage commun.

1.6   Le Comité approuve la proposition de la Commission demandant que les États membres créent la faculté d'octroyer des licences globales et générales et publient au moins deux licences générales:

1.6.1   Une licence générale — pour les matériels militaires (et les pièces de rechange, ainsi que les services connexes concernant la maintenance) pour toutes les forces armées des États membres;

1.6.2   Une licence globale pour les transferts de composants à des entreprises certifiées (3);

1.7   Tout en maintenant la totale discrétion des États membres de l'UE pour les exportations effectuées vers des pays tiers par des entreprises situées sur leur territoire, discrétion complétée par une coordination dans le cadre du forum que constitue le COARM du Conseil, le Comité est d'avis que la directive devrait apporter des garanties suffisantes, afin d'améliorer la confiance mutuelle entre les États membres pour ce qui concerne l'efficacité du contrôle des exportations.

1.8   La proposition de directive insiste sur le fait qu'une entreprise destinataire ne doit pas exporter ultérieurement vers un pays tiers le produit lié à la défense, en violation d'éventuelles restrictions à l'exportation dont l'État membre d'origine aurait assorti la licence de transfert.

1.9   Toutefois, après que l'intégration de composants dans un produit a eu lieu d'une manière garantissant que ce composant ne pourra pas, en tant que tel, être transféré ultérieurement, les États membres devraient s'abstenir de maintenir, sous forme séparée, des restrictions à l'exportation.

1.10   Le Comité considère que l'analyse d'impact accompagnant la proposition proprement dite couvre l'ensemble des 27 États membres, et donc complète utilement l'étude UNISYS de 2005.

1.11   Le Comité considère que la proposition de directive aura des effets bénéfiques substantiels sur la coopération industrielle en Europe et le développement de la compétitivité des industries européennes de la défense et recommande son adoption, sous réserve des observations formulées dans le présent avis.

2.   Recommandations et propositions

2.1   Le Comité est fermement convaincu que les principes proposés par la Commission pour simplifier le transfert des produits liés à la défense au sein de la Communauté grâce à des outils communs d'octroi de licences et pour garantir la confiance mutuelle entre États membres pour ce qui concerne l'efficacité de leur contrôle à l'exportation apporteront des avantages significatifs et une simplification importante de ce secteur complexe.

2.2   Le Comité est très favorable à l'exclusion de la politique des exportations du champ d'application de la directive, politique qui devrait rester de la compétence des États membres, et continuer à faire l'objet d'une coopération internationale, par exemple dans le cadre du Code de conduite du Conseil sur les exportations.

2.3   Le Comité souligne que la proposition de directive maintiendra la responsabilité de l'entreprise en matière de respect des éventuelles restrictions à l'exportation prévues par une licence de transfert. En cas de restrictions à l'exportation prévues par la législation d'un autre État membre qui fournit des composants, c'est à l'entreprise faisant la demande de licence d'exportation qu'incombe la responsabilité de respecter ces restrictions. Il appartient à cette entreprise de garantir son respect des restrictions applicables en matière d'exportation, ce qui permettrait de faire en sorte que les fichiers d'exportation soient présentés à l'administration nationale qui délivre la licence définitive d'exportation, dans des conditions conformes à toutes restrictions éventuelles.

2.4   Prenant officiellement position sur les transferts sensibles depuis l'Union européenne vers des pays tiers (4), le Comité est d'avis que:

2.4.1   Lorsqu'une licence de transfert concerne des sous-systèmes ou des composants non sensibles destinés à être intégrés dans des systèmes de plus grandes dimensions de telle manière qu'ils ne puissent, en tant que tels, être transférés, ou même exportés, ultérieurement vers un pays tiers, il devrait suffire que les États membres, au lieu de mettre en vigueur, sous forme séparée, des restrictions à l'exportation, demandent au destinataire de fournir des déclarations d'incorporation.

2.4.2   La réexportation vers un pays tiers ne doit pas se faire dans les cas où l'État membre d'origine n'y donne pas son consentement.

2.4.3   Une entreprise destinataire ne doit pas exporter ultérieurement vers un pays tiers le produit lié à la défense, en violation d'éventuelles restrictions à l'exportation dont l'État membre d'origine aurait assorti la licence de transfert.

2.4.4   Les États membres devraient non seulement prévoir que les fournisseurs, dans les États membres, sont tenus de tenir des registres détaillés de leurs transferts, mais aussi vérifier régulièrement qu'il en est bien ainsi dans la réalité.

2.4.5   Les fournisseurs devraient accepter la responsabilité d'informer l'État membre concerné de la destination d'utilisation finale, dans les cas où cette utilisation finale est connue dès avant le transfert.

2.4.6   Il conviendrait de réduire le délai nécessaire à la certification, pour permettre de demander plus facilement des comptes sur les processus de certification.

2.4.7   En même temps, l'accès aux registres des fournisseurs par les autorités des États membres devrait être possible pendant une période plus longue, de manière à assurer une meilleure transparence du processus, et il conviendrait aussi de prévoir un délai plus long pour les enquêtes concernant d'éventuelles infractions à la législation ou à la réglementation nationales transposées.

2.5   Le Comité propose à cet égard d'utiliser les ressources qui existent déjà au niveau national. Les administrations nationales ayant compétence pour délivrer et gérer les certificats surveillent déjà les entreprises du secteur de la défense situées sur leurs territoires, et sont ainsi en mesure d'effectuer des enquêtes et des audits.

2.6   Afin de permettre de tirer le maximum d'avantages de la coopération industrielle et de la création du marché intérieur, le Comité considère qu'il conviendrait de parvenir à un niveau élevé d'harmonisation.

2.7   Le Comité souligne à cet égard que la proposition de directive devrait affirmer une préférence en faveur des licences générales et globales, et limiter l'octroi de licences individuelles aux cas qu'elle définirait, qui seraient des cas où cela est encore nécessaire.

2.8   Pour le moment le Comité considère l'actuelle «liste militaire commune de l'UE» (LMC- UE) comme le «langage commun» qui devrait rester la base de la gestion des transferts intracommunautaires de produits liés à la défense au cours de la prochaine période.

2.9   Afin d'éviter les problèmes d'interprétation et de mise en œuvre, le Comité est d'avis que la LMC de l'UE devrait être utilisée et continuer de faire l'objet d'une mise à jour régulière, sur base annuelle, et ce par référence aux définitions générales concernant le type de matériel auquel s'appliqueront les nouvelles règles; cela devrait permettre de faire reconnaître la LMC de l'UE comme une liste représentant «l'état de l'art» en matière d'armements, de munitions et de matériel de guerre, ainsi qu'en matière de services et de travaux connexes, et notamment de matériel informatique et de logiciels dédiés.

2.10   Dans le même temps, le Comité souligne le fait que la Commission a proposé ses initiatives tout en tenant compte des conséquences de la mondialisation pour l'Europe, notamment dans le secteur de la défense, et en ayant pour objectif principal de renforcer les capacités de défense de l'Europe.

2.11   Le Comité recommande vivement à la Commission d'assurer un suivi des violations, conformément au traité, dans le champ d'application propre de la proposition de directive, en utilisant les capacités professionnelles d'un comité multinational d'experts, qui serait notamment constitué dans ce but.

2.12   En ce qui concerne la proposition figurant dans l'étude Unisys et visant à la constitution d'une base de données centrale des transferts intracommunautaires, le Comité considère que cette idée n'est pas en conformité avec la pratique actuelle et devrait être abandonnée.

2.13   Le Comité considère que la transparence entre États membres de l'UE devrait porter aussi sur l'échange, entre autorités compétentes, d'informations relatives aux ventes de produits ou aux technologies transférées vers des destinations situées à l'intérieur de l'UE, afin d'éliminer toutes irrégularités, discriminations et/ou cas de corruption éventuels.

3.   Observations particulières

3.1   Réglementations et processus nationaux

3.1.1   Dans les États membres, la législation définit deux types de produits: «militaires» et «à double usage», et le plus souvent, ces deux types de produits font l'objet de licences délivrées par deux autorités différentes; il convient de ne pas envisager ensemble les produits à double usage et les produits militaires.

3.1.2   Les produits à double usage sont destinés à un usage final civil mais sont contrôlés dans la mesure où ils pourraient également être utilisés pour certaines applications militaires, ou pour des applications sensibles particulières, à caractère non militaire (c'est-à-dire en matière de sécurité). Leur contrôle est régi par un règlement communautaire de politique commerciale (1334/2000) qui prévoit que les exportations vers les pays tiers sont soumises à l'octroi de licences individuelles globales ou générales. Inversement, conformément au principe de libre circulation des marchandises qui s'applique dans le marché intérieur, les transferts intracommunautaires de produits à double usage sont exempts de la demande de licence, à l'exception des plus sensibles d'entre eux, tels que les produits nucléaires.

3.1.3   Les produits de défense sont destinés à un usage final militaire. Il n'existe actuellement aucun cadre communautaire régissant leur circulation dans le marché intérieur et les transferts de tels produits au sein de l'UE sont entravés par des législations nationales hétérogènes et des obligations disproportionnées en matière de licences. Seuls quelques États membres ont mis en œuvre l'octroi de licences globales et un État membre seulement utilise couramment des licences générales. La plupart des transferts intracommunautaires se heurtent encore aux obstacles liés à l'obtention de licences individuelles, et les entreprises dont les chaînes d'approvisionnement couvrent plusieurs États membres ne peuvent pas optimiser ces chaînes d'approvisionnement en raison de l'hétérogénéité des systèmes d'octroi de licences dans les États membres fournisseurs.

3.1.4   Tous les États membres partagent une conception commune en ce qui concerne le fonctionnement du règlement sur le «double usage», lequel est juridiquement contraignant et fait partie du premier pilier de l'UE (5).

3.1.5   Les États membres ont adopté différentes «listes de munitions» pour les «matériels de guerre», ainsi que la Liste militaire commune du Conseil utilisée dans le cadre du Code de conduite de l'UE en matière d'exportation d'armements, et se réfèrent à ces listes. (De nombreux États membres font référence à ces listes dans leur législation nationale, tandis que d'autres utilisent leurs propres listes (6).

3.1.6   Par la mise en place de l'Accord-cadre (connu aussi sous l'appellation de Lettre d'intention, ou LdI), les six plus grands pays européens producteurs d'armements (7) ont établi des règles de coopération concernant les transferts et les exportations pour les besoins de programmes coopératifs, et ces règles n'entrent pas dans le cadre communautaire.

3.1.7   L'initiative de la Commission se limite, en conséquence, aux transferts intracommunautaires, tandis que les exportations vers les pays tiers continueront de relever des systèmes existants de licences d'exportation.

4.   Menaces et obstacles

4.1   Du point de vue du droit applicable, il y aura lieu de s'attacher à traiter les aspects suivants:

4.1.1   La diversité des législations.

4.1.2   Les différences entre législations au niveau national.

4.2   Du point de vue de l'autorité compétente, l'attention doit se porter sur les éléments suivants:

4.2.1   La grande diversité d'autorités compétentes pour traiter les demandes de licences en cas de transferts intracommunautaires (11 types d'administration différents, selon le pays).

4.2.2   Dans certains pays (Hongrie, Pologne, Irlande, France, Suisse, République tchèque, Portugal), l'exportateur est tenu d'être détenteur de licences/de permis supplémentaires pour pouvoir introduire une demande de licence d'exportation/d'importation/de transit.

4.2.3   Pour ce qui est du principe fréquemment appliqué du juste retour (ou des «contreparties»), les États membres souhaitent souvent son application pour des raisons industrielles et pour des raisons d'emploi, mais aussi parce que — en partie à cause des pratiques actuelles en matière de transferts intracommunautaires – ils ne bénéficient d'aucune véritable sécurité d'approvisionnement auprès de leurs partenaires de l'UE (d'où la préférence pour les produits nationaux, qui ne dépendent pas de licences de transfert délivrées par un autre État membre).

5.   Mesures de suppression des entraves aux transferts intracommunautaires

5.1   En ce qui concerne les transferts, toute amélioration du marché communautaire de la défense doit s'organiser en fonction d'un certain nombre de priorités fondamentales:

5.1.1   Sécurité: La simplification des transferts et la confiance mutuelle vont de pair. Le fait est que dans la situation actuelle de l'Europe, cette confiance est inégale. Il faut que la simplification des transferts s'accompagne de mesures destinées à renforcer la confiance. La lutte contre le terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive (ADM) est prioritaire pour tous les États de l'UE. Cela inclut le renforcement du contrôle de la dissémination des armements dans les pays tiers, au moyen de mesures permettant de faire respecter les restrictions à l'exportation mises en vigueur par les États membres conformément à ces politiques.

5.1.2   Licence simplifiée: les licences traduisent de manière tangible la compétence des États membres en matière de commerce d'armements. De plus, les licences contribuent également à établir des restrictions éventuelles à l'utilisation finale et à la destination finale des produits. Puisque la compétence devrait continuer à appartenir aux États membres, les licences nationales devraient continuer d'exister. C'est pourquoi la simplification pourrait venir de leur harmonisation, car cela apporterait une prévisibilité à l'industrie. Cela devrait faciliter la consolidation de la BITD (base industrielle et technologique de défense) européenne, tous les États membres appliquant les mêmes règles et facilitant l'accès (en particulier pour les PME) au marché paneuropéen des opportunités et du partenariat.

5.1.3   Harmonisation des obligations juridiques: l'harmonisation devrait porter aussi sur les obligations des entreprises de ce secteur, en plus des procédures de transferts de produits liés à la défense. Pour ce faire, il est indispensable de poursuivre l'harmonisation dans le domaine du marché européen des matériels de défense (c'est-à-dire de mettre en place un cadre commun de contrôle des ressources).

5.1.4   Avancement de la paix: toutes les activités économiques de ce secteur doivent dûment tenir compte du principe selon lequel les produits de défense et le double usage ne sauraient compromettre ni contrecarrer la promotion des valeurs démocratiques et l'avancement de la paix, tâches auxquelles s'emploie l'UE.

5.2   Le nouveau système intracommunautaire pourrait avoir deux conséquences sur les exportations:

Il donnera aux États membres la possibilité d'être consultés en cas d'exportation de leurs produits liés à la défense, à moins que ceux-ci n'aient été intégrés, sous forme de composants, dans un système plus élaboré.

La certification favorisera une participation active des entreprises au respect des décisions de politique d'exportation des États membres, décisions qui sont déjà coordonnées dans le cadre du Code de conduite, et améliorera, de ce fait, la sécurité pour ce qui est de la prévention des risques d'exportations illicites.

6.   Conclusion

6.1   Le Comité est d'avis qu'avec la communication intitulée «Stratégie pour une industrie européenne de la défense plus forte et plus compétitive» et les propositions de directives sur la «Coordination des procédures de passation de certains marchés publics de travaux, de fournitures et de services dans les domaines de la défense et de la sécurité» et sur la «Simplification des conditions des transferts de produits liés à la défense dans la Communauté», la Commission a pris une initiative importante pour permettre le renforcement du marché européen de la défense et de la sécurité; le Comité demande au Parlement et au Conseil de faire progresser cette initiative et de l'intégrer dans une démarche globale, apte à promouvoir la politique européenne de sécurité et de défense.

Bruxelles, le 23 octobre 2008.

Le Président

du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  Dans son étude intitulée «A single European market for defence equipment: organisation and collaboration» (un marché unique européen du matériel de défense: organisation et collaboration), le professeur Keith Hartley présente quatre «scénarios de libéralisation» qui sont de nature à apporter des économies annuelles beaucoup plus importantes, allant de 3,8 milliards d'euros à 7,8 milliards d'euros par an.

(2)  Un élément d'importance cruciale qui explique les coûts indirects est l'absence de toute véritable sécurité d'approvisionnement pour des approvisionnements ayant lieu à partir d'un État membre auprès d'un fournisseur établi dans un autre État membre.

(3)  Selon la proposition de la Commission, la certification est liée à la réception de produits visés par des licences générales et non à l'octroi de licences globales. Bien entendu, les entreprises certifiées peuvent également acquérir certains composants particuliers propres à la défense sous couvert de licences globales (les composants non éligibles à l'octroi de licences générales nationales).

(4)  Par «pays tiers», il faut entendre tout pays qui n'est pas un État membre de l'Union européenne.

(5)  Règlement du Conseil (CE) no 1334/2000 du Conseil du 22 juin 2000 instituant un régime communautaire de contrôles des exportations de biens et technologies à double usage.

(6)  Union européenne 1998, «Code de conduite de l'UE en matière d'exportation d'armements», 25 mai — http://www.consilium.europa.eu/ueDocs/cms_Data/docs/pressdata/en/gena/08687EN8.doc.htm (en anglais).

(7)  France, Royaume-Uni, Allemagne, Espagne, Italie, Suède.


30.4.2009   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/114


Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la coordination des procédures de passation de certains marchés publics de travaux, de fournitures et de services dans les domaines de la défense et de la sécurité

COM(2007) 766 final — 2007/0280 (COD)

2009/C 100/18

Le 24 janvier 2008, le Conseil a décidé, conformément aux articles 47, paragraphe 2, 55 et 95 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la coordination des procédures de passation de certains marchés publics de travaux, de fournitures et de services dans les domaines de la défense et de la sécurité»

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 1er octobre 2008 (rapporteur: M. OPRAN).

Lors de sa 448e session plénière des 21, 22 et 23 octobre 2008 (séance du 23 octobre 2008), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 46 voix pour, 5 voix contre et 2 abstentions.

1.   Conclusions

1.1.   Un large dialogue entre partenaires sociaux

1.1.1.   Le Comité note avec une grande satisfaction que des experts des États membres et des représentants de l'industrie de défense, et notamment des acteurs concernés, ainsi que, pour la première fois, des responsables des partenaires sociaux ont joué un rôle actif dans la préparation de la proposition de directive susmentionnée et ont été étroitement associés à la rédaction du document adopté par la Commission le 5 décembre 2007. Les consultations avec les représentants de la société civile organisée de l'UE — de nature multilatérale comme bilatérale — ont porté sur tous les aspects des marchés publics de défense (demande, offre, cadre réglementaire et produits).

1.2.   La restriction de l'application de «l'article 296»

1.2.1.   Le Comité est convaincu (1) que la solution proposée par la Commission, tout en respectant pleinement les prérogatives des États membres dans le domaine de la défense, permet, à travers une approche innovante, de mettre en conformité, d'une part, l'application de l'article 296 du traité (relatif à la défense) et de l'article 14 de l'actuelle directive sur les marchés publics (relatif à la sécurité), qui autorisent les États membres à pratiquer des exemptions pour les marchés de ce secteur, lorsque c'est nécessaire à la protection de leurs intérêts essentiels de sécurité, et, d'autre part, la jurisprudence de la Cour de justice et sa demande expresse de limiter les marchés publics de défense exemptés de l'application des règles communautaires à des cas exceptionnels (2).

1.2.2.   La proposition de directive sur les marchés publics de défense vise à réduire le nombre de cas dans lesquels les États membres invoquent l'article 296, les règles communautaires existantes en matière de marchés publics étant jugées inadaptées aux spécificités des armes, des munitions et du matériel de guerre.

1.2.3.   L'article 296 restera d'application si bien que les États membres continueront à disposer de la possibilité de l'invoquer s'ils jugent qu'un marché revêt un caractère à ce point sensible/secret que même les dispositions de la nouvelle directive ne suffisent pas à assurer la protection des intérêts de leur sécurité. Il existe ainsi un lien étroit entre la nouvelle directive et l'article 296.

1.2.4.   Dans l'intérêt de la cohérence entre le droit primaire de l'UE (le traité) et son droit secondaire (la directive), les deux instruments doivent avoir le même champ d'application. Dans le cas contraire, il en résulterait un flou juridique.

1.3.   Il faut mettre fin, dans les plus brefs délais, à la confusion qui résulte de la coexistence et de l'utilisation arbitraire de deux «listes militaires» par les pouvoirs adjudicateurs des États membres, en optant pour une liste commune valable pour toute procédure de passation des marchés et de négociation. La solution optimale consisterait en l'adoption et l'utilisation d'une liste militaire commune couvrant tous les champs d'application visés par les deux nouvelles directives proposées par la Commission. À l'heure actuelle, les deux principales options disponibles sont les suivantes:

1.3.1.   Option 1: continuer à utiliser la «liste du 15 avril 1958» pour ces activités, essentiellement pour des raisons de continuité. Celle liste semble familière et accessible pour les utilisateurs qui ont déjà une expérience en la matière; dans le même temps, il est largement admis que la version actuelle de la liste est trop générale et sa portée trop large; elle n'a pas été mise à jour depuis son adoption, il y a 50 ans, et ne couvre pas toutes les nouvelles technologies nécessaires pour faire face à de nouvelles menaces très tangibles et complexes;

1.3.2.   Option 2: mettre en application la «liste commune des équipements militaires de l'Union européenne» adoptée par le Conseil le 19 mars 2007 et mise à jour le 10 mars 2008, qui inclut les équipements couverts par le «code de conduite de l'UE en matière d'exportation d'armements», adopté par le Conseil le 7 juillet 2000; ce dernier pourra également s'appliquer à la nouvelle directive sur les transferts intracommunautaires de produits liés à la défense.

1.4.   L'article 296 resterait d'application dans des cas spécifiques (3)

1.4.1.   Le Comité n'est pas convaincu par les mesures prises par la Commission pour ne pas reproduire, dans la nouvelle directive, l'article 14 de la directive 18/2004 en vigueur en matière de marchés publics (marchés secrets) et d'y inscrire, à la place, une référence directe aux articles pertinents du traité relatifs à la sécurité publique (en particulier les articles 30 et 296). Cela risque de semer la confusion auprès des pouvoirs adjudicateurs car il sera difficile de déterminer ce qui est considéré comme pertinent et ce qui ne l'est pas.

1.4.2.   Étant donné que la plupart des marchés d'équipement sensible de défense et de sécurité comportent au moins une part d'informations secrètes ou confidentielles, la Commission a décidé d'intégrer des dispositions spécifiques relatives à la sécurité des informations dans la nouvelle directive. Exclure explicitement l'ensemble des «marchés secrets» ou «exigeant des mesures particulières de sécurité» sans les définir pourrait réduire de manière drastique le champ d'application de la nouvelle directive, avec le risque majeur qu'une telle réduction altère profondément la nature de la proposition.

1.4.3.   D'un côté, le Comité approuve l'approche à deux étapes proposée par la Commission pour résoudre cette question sensible:

les marchés secrets ne devraient pas être exclus en tant que tels du champ d'application de la nouvelle directive, mais…

si nécessaire, les États membres peuvent les en exempter;

et considère que la procédure proposée par la Commission constitue une solution plutôt acceptable pour tous les acteurs concernés; d'un autre côté, il préconise également d'inclure les éléments pertinents de l'article 14 de la directive générale sur les marchés publics dans la directive sur les marchés publics de défense, afin de la compléter utilement.

1.5.   Un cadre juridique pour la passation des marchés publics

1.5.1.   D'après l'évaluation du Comité, la nouvelle directive est parfaitement adaptée aux spécificités des procédures de passation des marchés publics (de travaux, fournitures et services) (4) dans les domaines de la défense et de la sécurité, pour les raisons citées ci-après:

1.5.1.1.   les marchés relatifs aux armes, munitions et au matériel de guerre qui sont passés par les pouvoirs adjudicateurs sont exclus du champ d’application de l'accord sur les marchés publics (AMP) conclu dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC);

1.5.1.2.   il existe un contractant unique dans chaque État membre, à savoir le gouvernement (5);

1.5.1.3.   il est impératif que la sécurité des approvisionnements à long terme soit garantie (6);

1.5.1.4.   il est nécessaire d'offrir une latitude importante aux États membres pour leurs procédures de passation des marchés.

1.5.2.   Pour ce qui est de la recherche et du développement, le Comité reconnaît que les mécanismes du marché et les procédures d'adjudication ne constituent pas toujours une solution réaliste étant donné que les États membres réalisent eux-mêmes une partie de ce travail et établissent souvent des relations durables avec des instituts technologiques et de recherche et des acteurs industriels afin de développer les systèmes dont ont besoin leurs forces armées.

Ces relations peuvent prendre la forme d'un développement en spirale ou d'autres mécanismes afin de garantir la continuité et la croissance du processus de développement.

Le Comité estime que le texte actuel du projet de directive ne reflète pas suffisamment cette réalité et redoute les conséquences négatives que devraient subir les États membres et l'industrie s'il fallait procéder à un découpage artificiel entre la R&D et la production.

1.6.   «Acheter européen» — une décision individuelle de chaque État membre

1.6.1.   Concernant la proposition d'éviter le principe consistant à privilégier les achats européens/de «préférence européenne», ou toute clause de «réciprocité», le Comité juge l'approche de la Commission acceptable pour les États membres, eu égard aux éléments cités ci-après.

1.6.1.1.   La directive fixera des règles sur les procédures d'achat de matériel de défense mais ne déterminera pas quels équipements doivent être achetés. La décision appartient à l'acheteur, à savoir les États membres.

1.6.1.2.   C'est toujours aux États membres qu'il appartient de décider s'ils souhaitent ouvrir la concurrence aux fournisseurs des pays non membres de l'UE, conformément à l'accord sur les marchés publics (AMP).

1.6.1.3.   Les pouvoirs adjudicateurs resteront libres de n'inviter à soumissionner que les entreprises de l'UE, ou d'ouvrir également la procédure aux entreprises des pays tiers.

1.6.2.   En conclusion, le Comité estime qu'énoncer une préférence européenne n'est pas synonyme de protectionnisme, mais constitue plutôt une étape nécessaire dans l'optique d'un «rééquilibrage» de la coopération internationale en matière d'industrie et de technologie de défense, en particulier en ce qui concerne les relations avec les États-Unis.

1.7.   Commerce avec les pays tiers

1.7.1.   S'agissant du commerce de produits de défense avec les pays tiers, le Comité estime que la nouvelle directive ne modifiera pas la situation actuelle et constitue une solution convenable.

1.7.2.   Ce domaine continuera à être régi essentiellement par les règles de l'OMC et, en particulier, celles de l'AMP.

1.8.   Mettre en place le MEED — le marché européen des équipements de défense

1.8.1.   Le Comité estime que la nouvelle directive constitue une grande avancée en direction de la mise en place du MEED, objet de nombreuses attentes, et ce pour les raisons suivantes:

1.8.1.1.   L'ouverture du marché intérieur aux produits de défense améliorera la compétitivité du MEED.

1.8.1.2.   Le Comité considère que l'introduction de règles de passation des marchés transparentes et concurrentielles qui soient applicables dans toute l'Union est cruciale pour une mise en place réussie du MEED. Elle conduira à une plus grande ouverture des marchés de défense entre les États membres, qui sera dans l'intérêt de tous: des forces armées, des contribuables et de l'industrie.

1.9.   Politique de contreparties  (7)

1.9.1.   La Commission s'est abstenue de toute proposition concrète et directe en matière de contreparties, car elle considère que ce serait inefficace et que cela nuirait au bon fonctionnement du marché; elle reconnaît toutefois que les avis sur la question divergent.

1.9.2.   En effet, les expériences sont différentes selon les États membres qui n'ont donc pas la même perception de cette pratique. L' Agence européenne de défense (AED) se penche actuellement sur les possibilités de conjuguer ces différentes approches et de profiter des contreparties, tant qu'elles existent, afin de développer la base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE). L'agence reconnaît néanmoins qu'un MEED efficace n'a pas besoin d'une telle pratique.

2.   Propositions

2.1.   Le Comité recommande vivement que toutes les initiatives de l'UE dans les domaines de la défense et de la sécurité soient prises au plus haut niveau politique, à savoir au niveau du Conseil européen, du haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et du comité directeur de l'Agence européenne de défense réuni au niveau ministériel (CDNM - AED).

2.2.   Le Comité estime que les institutions européennes devraient concentrer leur soutien sur les principaux objectifs de l'industrie de la défense, qui sont les suivants:

2.2.1.   renforcer les performances et la compétitivité de la BITDE dans un contexte mondial, pour permettre d'identifier en amont les véritables objectifs industriels et militaires d'intérêt majeur pour les grandes entreprises comme pour les PME;

2.2.2.   conférer une visibilité internationale aux principaux programmes de ce secteur important de l'industrie;

2.2.3.   soutenir les investissements actuels et futurs pour le développement de technologies innovantes;

2.2.4.   garantir l'emploi dans l'industrie de la défense au niveau européen car le maintien du capital humain, à savoir du corps professionnel d'employés qualifiés de ce secteur, est une des conditions de la croissance durable du secteur et du développement et de la mise en œuvre de technologies de pointe;

2.2.5.   donner une impulsion au secteur, en créant des conditions de concurrence identiques pour tous les acteurs, en particulier, en supprimant l'interférence de l'État dans les activités des entreprises;

2.2.6.   encourager les projets de l'Agence européenne de défense qui doit être en mesure de jouer un rôle de catalyseur des initiatives prises par un ou plusieurs États membres. L'AED peut contribuer à élargir le cercle des États membres participant aux programmes, par exemple, dans le cas du futur hélicoptère de transport lourd européen, des véhicules aériens sans pilote (UAV), de la radio tactique, etc.

2.3.   Le Comité recommande que le Conseil européen, le haut représentant pour la PESC et le CDNM-AED évaluent, arrêtent et publient la liste finale des équipements et des produits de défense que devront utiliser tous les acteurs européens du MEED et de la BITDE. Il conviendra de choisir l'une des options suivantes:

2.3.1.   la poursuite de l'utilisation de la «liste de 1958», essentiellement pour des raisons de continuité, et ce bien qu'elle soit trop générale, qu'elle ait une portée trop large et n'ait jamais été mise à jour depuis son adoption, il y a 50 ans;

2.3.2.   le remplacement de l'ancienne liste, toujours en vigueur, par la «liste commune des équipements militaires de l'Union européenne» adoptée par le Conseil le 19 mars 2007 et mise à jour le 10 mars 2008, qui inclut les équipements couverts par le «code de conduite de l'UE en matière d'exportation d'armements» adopté par le Conseil le 7 juillet 2000, et qui s'appellerait désormais «la liste militaire commune de l'UE». Le même code européen a déjà été adopté pour les besoins de la nouvelle directive relative aux transferts de produits liés à l'armement dans la Communauté.

2.3.2.1.   Le Comité estime que la fusion de la «liste de 1958» mise à jour, qui identifie les équipements et technologies objet de la dérogation, et de la «liste commune des équipements militaires de l'Union européenne», conformément à la définition du «code de l'UE en matière d'exportation d'armements» serait une solution possible.

2.3.3.   Le Comité considère que l'Agence européenne de défense devrait jouer un rôle moteur important dans le secteur, en faisant office de forum de discussion intergouvernemental sur l'avenir de l'industrie de défense, la recherche et le développement dans ce secteur, et l'expansion de la base industrielle et technologique de défense européenne.

2.3.4.   Parallèlement, le Comité reconnaît la compétence de la Commission européenne et le rôle remarquable qu'elle joue dans le domaine des marchés publics ainsi que dans la mise en place et le renforcement de la base industrielle et technologique de défense européenne, et il estime que l'expérience de la Commission européenne sera utile dans le cadre de son effort visant à restructurer et à développer l'industrie de défense des États membres.

2.3.5.   Le Comité reconnaît qu'il importe de tenir compte des intérêts et des propositions de l'industrie de la défense dans le processus de développement d'une politique européenne en matière d'équipement de défense. Il juge néanmoins que l'on pourrait améliorer considérablement les activités de l'AED en acceptant une implication officielle plus étroite des représentants de l'industrie de la défense et des experts non gouvernementaux du secteur dans les travaux des directions de l'AED. Ces représentants et les experts (membres de la société civile organisée) devraient être représentés au sein du comité directeur de l'AED, sous réserve de dispositions à définir en termes de statut, de droit de parole, de vote et autres.

2.3.6.   En ce qui concerne, de nouveau, l'application du code de conduite sur les marchés publics de la défense, le Comité constate que tous les États membres de l'UE et les pays européens membres de l'OTAN devraient être en mesure de prendre part aux programmes de coopération, pour autant que leurs capacités financières, industrielles et technologiques le leur permettent, et qu'il convient également de prendre dûment en compte les intérêts des «petits/moyens» États.

2.4.   Afin de faciliter l'évaluation statistique et de disposer d'une base de comparaison correcte, le Comité estime que la Commission devrait présenter périodiquement des rapports d'étape sur les progrès réalisés en matière de mise en œuvre de la directive, tant au niveau national que communautaire.

2.5.   Le Comité estime que le champ d'application de la directive proposée devrait être étendu à tout l'Espace économique européen (EEE).

3.   Informations générales

3.1.   Situation actuelle

3.1.1.   Beaucoup d'États membres ont largement invoqué l'article 296 (8) du traité instituant la Communauté européenne et l'article 14 de la directive sur les marchés publics (2004/18), qui permettent une exemption quasi automatique de l'application des règles communautaires pour les achats d'équipement militaire et de sécurité. En d'autres termes: «ce qui devrait être l'exception est, de facto, souvent la règle!».

3.1.2.   En ce qui concerne les marchés publics, il n'existe pas de législation européenne qui soit adaptée à la passation de marchés publics sensibles dans les domaines de la défense et de la sécurité.

3.1.3.   Le recours à des normes non harmonisées entrave la coopération en matière de programmes de recherche et de développement, d'acquisition et de production.

3.1.4.   Du point de vue de la demande, les 27 acheteurs nationaux ont de grandes difficultés pour harmoniser leurs exigences militaires et allier leurs capacités en matière d'achat afin de lancer des projets d'acquisition communs.

3.1.5.   Au niveau européen, un cadre réglementaire composé de 27 ensembles différents de règles et de procédures nationales pour tous les domaines concernés (exportations, transferts, marchés publics, etc.) devient un obstacle majeur en matière de concurrence et de coopération et entraîne des coûts supplémentaires considérables (9).

3.1.6.   La création d'un MEED revêt une importance clé pour la réalisation des objectifs de la politique européenne de sécurité et de défense.

3.2.   La convergence «défense-sécurité»

3.2.1.   Le Comité accueille favorablement l'initiative de la Commission consistant à intégrer les marchés de sécurité non militaires à caractère sensible dans le champ d'application de la nouvelle directive, considérant ce qui suit:

3.2.1.1.   dans le contexte stratégique actuel, les menaces sont devenues transnationales et asymétriques (10); la frontière entre la sécurité militaire et non militaire, interne et externe, est de plus en plus floue, ce qui implique une réponse globale;

3.2.1.2.   les forces armées et de sécurité travaillent souvent en étroite coopération et utilisent des équipements similaires qui sont développés à l'aide des mêmes technologies et produits par les mêmes entreprises;

3.2.1.3.   dans certains domaines — comme la lutte contre le terrorisme — les marchés non militaires peuvent être tout aussi sensibles que les marchés militaires et ils requièrent alors des mesures de protection identiques voire plus élevées encore au cours de la procédure de passation;

3.2.1.4.   dans les cas où les marchés de sécurité et de défense ont les mêmes spécificités, il semble tout à fait logique que les même règles de passation des marchés s'appliquent.

3.2.2.   Le Comité estime en outre que la meilleure solution consiste à proposer des conditions de traitement égales pour toutes les institutions européennes ayant des responsabilités dans le domaine de la défense, de la sécurité nationale et du renseignement.

3.3.   Mettre en place des solutions innovantes

3.3.1.   Afin de satisfaire aux exigences spécifiques du secteur, la nouvelle directive propose trois procédures de mise en concurrence ainsi qu'une approche pragmatique pour avancer:

la procédure négociée avec publication d'un avis de marché (11) est autorisée sans justification particulière;

la procédure restreinte  (12) et le dialogue compétitif peuvent également être utilisés (13);

en revanche, la procédure ouverte, qui implique la distribution du cahier des charges à tout opérateur économique qui le souhaiterait, a été jugée inadaptée aux exigences de confidentialité et de sécurité de l’information liées à ces marchés;

3.3.1.1.   Des dispositions spécifiques relatives à la sécurité des informations (14) ont été intégrées aux procédures pour garantir que les informations sensibles restent protégées contre tout accès non autorisé.

3.3.1.2.   L'inclusion, dans le cadre de la procédure, de clauses spéciales sur la sécurité d'approvisionnement garantira que les forces armées soient mises à disposition à temps, en particulier dans les périodes de crise ou de conflit armé:

a)

la procédure définit un régime commun de garanties propres qui s'appuie sur une méthode d'évaluation comparative clairement définie;

b)

le Comité juge appropriée la décision de la Commission de n'inclure dans le champ de la nouvelle directive que certains marchés spécifiques du secteur de la défense et de la sécurité, auxquels la directive actuellement en vigueur en matière de marchés publics est mal adaptée;

c)

ces marchés concernent les achats d'équipement militaire (à savoir d'armes, de munitions et de matériel de guerre) et d'équipement de sécurité particulièrement sensible et semblable, par sa nature, à l'équipement de défense;

d)

les marchés dans le domaine des équipements non sensibles et non militaires continuent à relever de la directive actuelle sur les marchés publics (2004/18), même s'ils sont passés par les pouvoirs adjudicateurs compétents dans le domaine de la défense et de la sécurité.

3.4.   La base juridique de la proposition de directive repose sur les éléments suivants:

3.4.1.   Principe contributif: la nécessité de mettre fin à des situations infractionnelles qui trouvent leur origine dans l’inadéquation des dispositions communautaires de coordination des procédures de passation des marchés publics actuellement applicables.

3.4.2.   Principe de proportionnalité: sous réserve que les dispositions de la directive soient pleinement respectées, leur mise en œuvre en droit national permettra à chaque État membre de prendre en compte la spécificité et les caractéristiques de leurs achats sensibles passés dans les domaines de la défense et de la sécurité.

3.5.   Choix des instruments

3.5.1.   Lors de la transposition, les États membres sont libres, s’ils le désirent, de prévoir une législation applicable à tous leurs marchés publics, y compris les achats sensibles relevant de la défense et de la sécurité.

3.5.2.   Le nouvel instrument devrait offrir un degré important de flexibilité, garantir la transparence nécessaire et améliorer l'accès au marché des fournisseurs non nationaux et notamment des PME.

3.5.3.   Pour être pleinement opérationnelle, la directive doit s'appuyer sur une normalisation et un régime de circulation intracommunautaire approprié.

3.6.   Les PME et l'industrie européenne de défense

3.6.1.   Concernant la mise en œuvre pratique du code de conduite sur les marchés publics de la défense, le Comité souligne le rôle essentiel que jouent les petits et moyens fournisseurs d'équipements et de technologies de défense, tant par la contribution qu'ils apportent en matière de recherche que par l'emploi qu'ils génèrent, en développant les capacités militaires nationales et européennes.

3.7.   Question conclusive

3.7.1.   Comme pour toutes les réformes, le risque est que tous les acteurs s'accordent, en principe, sur la nécessité de faire «quelque chose» mais ne parviennent pas à adopter de mesures concrètes ou à signer de document ou d'accord qui permette des avancées dans ce domaine.

3.7.2.   La question principale qui se pose est dès lors la suivante: combien de temps la base industrielle et technologique de défense européenne pourra-t-elle survivre si l'Europe continue à repousser des réformes pourtant reconnues comme étant incontournables?

Bruxelles, le 23 octobre 2008.

Le Président

du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  Dans l'avis, le Comité présente sa position et fait remarquer que: 1) les pays qui forment le noyau dur des capacités européennes de défense en termes économiques, industriels et technologiques sont favorables au maintien de la dérogation de sécurité nationale dans le cadre de l'article 296 du traité instituant la Communauté européenne (TCE); 2) la jurisprudence de la Cour européenne de justice restreint l'application de l'article 296.

(2)  Les marchés publics passés dans les domaines de la défense et de la sécurité entrent actuellement dans le champ de la directive 2004/18/CE, à l'exception des cas mentionnés aux articles 30, 45, 46, 55 et 296 du traité. La Cour a systématiquement affirmé, à travers sa jurisprudence, que l'invocation des dérogations à l'application du droit communautaire, y compris celles visées à l'article 296 du traité, doit être limitée des hypothèses exceptionnelles et clairement définies.

(3)  Selon la Cour, cette exemption est limitée à «des hypothèses exceptionnelles et clairement définies» et «ne se prête pas à une interprétation extensive».

(4)  Un contrat ne peut être considéré comme un marché public de travaux que si son objet vise spécifiquement à réaliser des activités relevant de la division 45 du «Vocabulaire commun pour les marchés publics» (CPV).

(5)  Sauf pour les achats de quantités négligeables réalisés par les entreprises privées de sécurité et les pouvoirs locaux.

(6)  La sécurité d’approvisionnement: les besoins particuliers des États membres en matière de sécurité d’approvisionnement pour les marchés publics sensibles dans les domaines de la défense et de la sécurité justifient des dispositions spécifiques, aussi bien au niveau des exigences contractuelles que des critères de sélection des candidats.

(7)  Une procédure qui exige que, dans le cas de fournitures dont la valeur estimée dépasse un montant fixé par le gouvernement du pays du pouvoir adjudicateur, le vendeur étranger d'équipements de défense prenne l'engagement global d'avantages commerciaux correspondant à un pourcentage minimum de valeur ajoutée pour le pays adjudicateur par rapport à la valeur totale du marché. Les contreparties proposées par le vendeur (entreprise qui fournit la contrepartie) à l'industrie nationale du pays adjudicateur doivent être d'un niveau technologique élevé et doivent créer des flux économiques nouveaux ou supplémentaires pour les entreprises nationales bénéficiant de la contrepartie (bénéficiaires de la contrepartie). Le vendeur doit respecter son engagement économique au cours d'une période bien déterminée et d'une durée raisonnable, et sera contraint de payer une pénalité pour les engagements économiques non respectés au cours de cette période. Les bénéfices industriels seront considérés comme réalisés après facturation des prestations par les entreprises bénéficiaires, au cours de cette période.

(8)  Texte de l'article 296: «1. Les dispositions du présent traité ne font pas obstacle aux règles ci-après: a) aucun État membre n'est tenu de fournir des renseignements dont il estimerait la divulgation contraire aux intérêts essentiels de sa sécurité; b) tout État membre peut prendre les mesures qu'il estime nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité et qui se rapportent à la production ou au commerce d'armes, de munitions et de matériel de guerre; ces mesures ne doivent pas altérer les conditions de la concurrence dans le marché commun en ce qui concerne les produits non destinés à des fins spécifiquement militaires. 2. Le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, peut apporter des modifications à la liste, qu'il a fixée le 15 avril 1958, des produits auxquels les dispositions du paragraphe 1, point b), s'appliquent».

(9)  Par exemple, les coûts additionnels engendrés par les seuls obstacles aux transferts intracommunautaires étaient estimés à 3,16 milliards d'euros en 2003. Unisys, «Transferts intra-communautaires de produits de défense», Commission européenne, Bruxelles, 2005, p. 7.

(10)  Communication de la Commission européenne «Vers une politique de l'Union européenne en matière d'équipements de défense», COM(2003) 113 final du 11.03.2003; avis du CESE paru dans le JO C 10, p. 1 du 10.1.2004, rapporteur M. WILKINSON.

(11)  Les procédures dans lesquelles les pouvoirs adjudicateurs invitent les opérateurs économiques de leur choix et négocient avec eux les conditions du marché.

(12)  Les procédures auxquelles tout opérateur économique peut demander à participer et dans lesquelles seuls les opérateurs économiques invités par les pouvoirs adjudicateurs peuvent présenter une offre.

(13)  Dans les procédures restreintes, négociées avec publication d’un avis de marché et dans le dialogue compétitif, les pouvoirs adjudicateurs peuvent restreindre le nombre de candidats. Toute restriction du nombre de candidats doit être réalisée sur la base de critères objectifs, indiqués dans l’avis de marché.

(14)  La sécurité de l’information: de même, le caractère souvent confidentiel des informations liées aux marchés publics sensibles de défense et de sécurité impose des sauvegardes, à la fois au niveau de la procédure d’attribution elle-même, des critères de sélection des candidats et des exigences contractuelles des pouvoirs adjudicateurs.


30.4.2009   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/120


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux dispositions communes aux instruments de mesurage et aux méthodes de contrôle métrologique» (refonte)

COM(2008) 357 final — 2008/0123 (COD)

2009/C 100/19

En date du 8 septembre 2008, le Conseil de l'Union européenne a décidé, conformément à l'article 95 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux dispositions communes aux instruments de mesurage et aux méthodes de contrôle métrologique.» (refonte)

Ayant estimé que le contenu de la proposition est entièrement satisfaisant et n'appelle aucun commentaire de sa part, le Comité, lors de sa 448e session plénière des 21, 22 et 23 octobre 2008 (séance du 22 octobre 2008), a décidé par 117 voix pour et 2 abstentions de rendre un avis favorable au texte proposé.

 

Bruxelles, le 22 octobre 2008.

Le Président

du Comité économique et social européen

Mario SEPI


30.4.2009   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/120


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre pour la fixation d’exigences en matière d’écoconception applicables aux produits liés à l’énergie»

COM(2008) 399 final — 2008/0151 (COD)

2009/C 100/20

Le 10 septembre 2008, le Conseil a décidé, conformément à l'article 95 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre pour la fixation d’exigences en matière d’écoconception applicables aux produits liés à l’énergie».

Ayant estimé que le contenu de la proposition est entièrement satisfaisant et n'appelle aucun commentaire de sa part, le Comité, lors de sa 448e session plénière des 21, 22 et 23 octobre 2008 (séance du 22 octobre 2008), a décidé, par 113 voix pour et 1 abstention, de rendre un avis favorable au texte proposé.

 

Bruxelles, le 22 octobre 2008.

Le Président

du Comité économique et social européen

Mario SEPI


30.4.2009   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/121


Avis du Comité économique et social européen sur les «Proposition de règlement du Conseil établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs»; «Proposition de règlement du Conseil modifiant les règlements (CE) no 320/2006, (CE) no 1234/2007, (CE) no 3/2008 et (CE) no […]/2008 en vue d’adapter la politique agricole commune»; «Proposition de règlement du Conseil portant modification du règlement (CE) no 1698/2005 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader);»

COM(2008) 306 final — 2008/0103+0104+0105 (CNS)

2009/C 100/21

Le 18 juin 2008, le Conseil a décidé, conformément aux articles 36 et 37 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur les:

«Proposition de règlement du Conseil établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs»;

«Proposition de règlement du Conseil modifiant les règlements (CE) no 320/2006, (CE) n o 1234/2007, (CE) n o 3/2008 et (CE) n o […]/2008 en vue d’adapter la politique agricole commune;»

«Proposition de règlement du Conseil portant modification du règlement (CE) no 1698/2005 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader)»;

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée d'élaborer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 8 octobre 2008 (rapporteur: M. VAN OORSCHOT; corapporteurs: MM. Seppo KALLIO et Hans Joachim WILMS).

Lors de sa 448e session plénière des 21, 22 et 23 octobre 2008 (séance du 23 octobre 2008), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 117 voix pour, 28 voix contre et 18 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.   Le 20 mai 2008, la Commission européenne a publié des propositions visant à rationaliser la politique agricole commune (PAC) afin d'en garantir le fonctionnement aussi efficace que possible dans une Union européenne élargie et dans un contexte international en pleine évolution. C'est ce que l'on appelle le «bilan de santé» de la PAC.

1.2.   De l'avis du CESE, le débat sur le bilan de santé doit mieux refléter la diversité des missions confiées à la PAC (entre autres le «modèle agricole européen», la sécurité alimentaire). Le CESE souligne dès lors la nécessité, à court et à long terme, d'une politique agricole adéquate de l'UE, dotée de ressources suffisantes. À cet égard, l'on présume que les montants concernés seront – au moins – égaux aux sommes allouées jusqu'à présent. Il est nécessaire de mieux informer les citoyens sur la nécessité de la PAC et le bien-fondé des diverses mesures, afin d'éviter un débat continu sur les crédits alloués à cette politique.

1.3.   Le CESE renvoie à son avis précédent sur l'avenir de la PAC, dans lequel il notait que les agriculteurs se trouvent dans une difficile période de transition. Il considère dès lors que le bilan de santé doit avoir pour préoccupation principale de faciliter la mise en œuvre de cette politique et de répondre aux nouveaux défis tant sur le marché que dans la société, en tenant compte du rôle multifonctionnel de l'agriculture.

1.4.   Le CESE considère que les paiements compensatoires, destinés à financer les multiples services rendus par les agriculteurs et pour lesquels ils ne sont pas dédommagés par le marché, restent nécessaires. Entre-temps, le CESE est d'avis que les paiements établis sur la base de la production historique deviendront plus difficiles à justifier et que les États membres devraient être autorisés à ajuster la répartition de leur plafond national pour arriver à un mode de paiement plus forfaitaire; ce point devra au préalable, faire l'objet d'un vaste débat dans le cadre de la PAC post 2013. Dans cette optique toutefois, les États membres devraient pouvoir définir une période transitoire suffisante afin de ne pas mettre en difficultés les exploitations ayant investi dans un contexte différent. De même, il estime nécessaire de simplifier les règles de la conditionnalité et d'éviter de dupliquer les contrôles.

1.5.   Le CESE accepte l'idée d'une poursuite du découplage des paiements, qui donne aux fermiers la «liberté d'exploitation agricole». Toutefois, les États membres ne devraient pas être obligés de découpler dans le but de maintenir des filières ou des territoires fragiles, pour autant que cela ne crée pas de distorsions. Il soutient les objectifs de «l'article 68», bien qu'il ne faille pas voir dans cet article la solution à tous les problèmes. Dans certains cas, une plus grande flexibilité est nécessaire. Les États membres devraient examiner avec soin les conséquences de la redistribution des paiements aux agriculteurs avant la mise en œuvre de cette mesure.

1.6.   Le CESE estime qu'il y a lieu d'examiner en premier lieu les adaptations du programme d'intervention actuel autres que les appels d'offre. Le CESE demande aussi l’élaboration de nouveaux outils pour la création d'un filet de sécurité durable. En outre, il suggère le maintien du mécanisme de la mise en jachère tout en jouant sur le pourcentage à geler selon les perspectives de marché.

1.7.   Le CESE plaide en faveur d'une analyse plus détaillée de l'éventuelle évolution future du marché des produits laitiers et de ses conséquences, avant que la décision relative à l'expiration du quota laitier en 2015 ne soit arrêtée définitivement. Il invite la Commission à décrire de manière beaucoup plus précise les mesures envisagées pour maintenir la production de produits laitiers dans les zones vulnérables et à présenter leur impact financier et leur financement. Tant qu'une telle stratégie n'aura pas été élaborée, le CESE ne peut approuver l'augmentation prévue des quotas. Le CESE souhaite la création d’une filière européenne du lait afin d’adapter l’offre à la demande et de maintenir une rémunération au producteur et une densité d’éleveur sur tout le territoire européen. La création d’une filière permettrait de rééquilibrer les rapports de force entre les industriels, les producteurs, les distributeurs, voire les consommateurs.

1.8.   Le CESE prend acte des nouveaux défis mentionnés par la Commission européenne en matière d'évolution du climat, d'eau, d'énergies renouvelables et de biodiversité, lesquels exigent clairement des moyens financiers supplémentaires pour le second pilier. Ces nouveaux défis ne peuvent être financés que par le biais d'une modulation supplémentaire étant donné que les fonds budgétaires existants ont été alloués à d'autres actions d'ici 2013 et qu'il est peu probable que des sources de financements supplémentaires soient dégagées.

2.   Introduction

2.1.   Le 20 mai 2008, la Commission européenne a publié les propositions de règlements du Conseil relatifs à plusieurs modifications de la politique agricole commune [COM(2008) 306/4]. L'objectif principal de ce «bilan de santé» est d'évaluer la mise en œuvre de la réforme de la PAC de 2003 et d'examiner les adaptations au processus de réforme qui sont jugées nécessaires pour simplifier davantage la politique et faire en sorte qu'elle soit mûre pour saisir les nouvelles opportunités commerciales et faire face aux nouveaux défis sur le marché et dans la société.

2.2.   Indépendamment du «bilan de santé», il est également indispensable de mener une discussion sur le développement de la PAC après 2013, pour qu'elle soit en mesure de relever les nouveaux défis auxquels l'agriculture, la société et la chaîne de valeur agricole sont confrontées.

3.   L'évolution de la situation alimentaire mondiale

3.1.   Pendant trente ans, les prix agricoles n'ont cessé de baisser en termes réels. L'on a assisté en 2007 à une remontée aussi soudaine que massive des prix de certaines matières premières agricoles. Parmi les principales raisons de cette situation figurent l'augmentation de la demande mondiale, des niveaux de stocks très faibles et de mauvaises récoltes dues aux conditions climatiques. Cela s'est traduit par des répercussions sur les éleveurs, lesquels ont dû faire face à des prix élevés pour l'alimentation du bétail. Toutefois, les prix agricoles commencent à retomber. Entre l'automne 2007 et le mois d'avril 2008, les prix du lait ont chuté d'environ 30 % et ceux du blé de quelque 20 % (1). À titre d'exemple, cette situation, ainsi que l'augmentation des coûts a pour conséquence que le revenu des exploitants de terres arables va probablement chuter de 16 à 24 % en 2008. En termes réels, les prix des matières premières agricoles sont encore inférieurs aux niveaux enregistrés lors des crises pétrolières de 1973 et 1979 (2).

3.2.   L'histoire de ces derniers mois indique clairement que l'on est entré dans une ère de volatilité des prix agricoles, ce qui n'est bon ni pour le consommateur confronté à la hausse des produits agricoles, ni pour l'agriculteur ni pour les autres acteurs de la chaîne alimentaire, qui doivent raisonner en permanence leurs investissements. Il faut intégrer cette situation dans toute réflexion de politique agricole future si on souhaite maintenir un objectif de sécurité alimentaire.

3.3.   Compte tenu de l'accroissement de la demande mondiale en denrées alimentaires, il est peu probable que les prix à la consommation retombent à leur ancien niveau à court ou moyen terme; l'on s'attend en revanche à une plus grande volatilité des prix à la production.

3.4.   L'impact de l'augmentation des prix des matières premières agricoles sur les prix à la consommation est limité du fait de la part moindre de ces derniers dans les coûts de production alimentaire par rapport aux coûts de l'énergie et de la main-d'œuvre. À titre d'exemple, le coût du blé ne représente que 4 % du prix d'une baguette de pain (3). De plus, la part de l'alimentation dans les dépenses des ménages est faible (environ 14 % dans l'Europe des 27). De l'avis du CESE, il est nécessaire de rationaliser la chaîne alimentaire, dans l'intérêt des agriculteurs comme des consommateurs (4).

3.5.   L’Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) doit être améliorée afin de gérer l’alimentation et, depuis que l’on a intégré l’agriculture à l’Organisation mondiale du commerce, on a créé de plus grandes inégalités entre les agricultures. La réflexion doit changer; il faut permettre à l’agriculture de pouvoir s’organiser au niveau mondial par une instance de réflexion des organisations les plus représentatives de l’agriculture nationale et non pas forcément les plus fortunées.

3.6.   De l'avis du CESE, le bilan de santé de la PAC devrait tenir compte de ces évolutions dans la situation alimentaire mondiale. À cet égard, les agriculteurs devraient pouvoir continuer à remplir le rôle multifonctionnel qui est le leur dans le cadre du modèle agricole européen.

4.   Observations générales

4.1.   Le Comité économique et social européen rappelle qu'il a déjà rédigé un premier avis (5) sur le thème «Bilan de santé et futur de la PAC après 2013». Dans cet avis, le CESE constate que les agriculteurs et les entreprises actives dans l'industrie de transformation doivent surmonter une difficile phase d'adaptation. Nombreux sont les opérateurs du secteur disposés à réagir à la nouvelle situation du marché en faisant preuve d'esprit d'entreprise, pour autant que les promesses faites dans le cadre des réformes soient tenues et qu'il existe une sécurité suffisante sur le plan juridique et en matière de planification. Le CESE estime que le «bilan de santé» doit surtout servir à étudier dans quel domaine il est nécessaire d'adapter les dispositions existantes, afin de:

réaliser des simplifications et des allégements possibles concernant la mise en œuvre des actions, et

lever les obstacles à une application ciblée des mesures de réforme décidées.

En outre, le CESE reconnaît que l'UE est confrontée à de nouveaux enjeux, face auxquels les agriculteurs peuvent jouer un rôle important, et que la situation sur le marché alimentaire nécessite de nouvelles réponses.

Cependant, les mots clés en matière de bilan de santé devraient être la stabilité par l’organisation des marchés, la simplification et l'adaptation.

4.2.   De même, il est important que les mesures adoptées dans le cadre du «bilan de santé» soulignent l'évolution future du modèle agricole européen et permettent aux agriculteurs de remplir leur rôle multifonctionnel consistant à:

respecter les normes les plus élevées au monde en matière de sécurité et de qualité des aliments, de protection de l'environnement et de bien-être des animaux,

entretenir le paysage et préserver l'espace naturel,

apporter une contribution essentielle à l'emploi, à la préservation de la production agricole et à la vitalité du monde rural, dans toutes les régions de l'UE, et

éviter le dépeuplement des zones rurales et l'abandon des terres agricoles.

Le CESE estime que les propositions de la Commission comportent des changements substantiels par rapport à la situation actuelle. Il préconise d'entamer une réflexion en profondeur sur ces changements.

5.   Mesures préconisées dans le «bilan de santé»

5.1.   Régime de paiement unique (RPU)

5.1.1.   La Commission européenne propose de permettre aux États membres d'ajuster leur modèle de RPU en évoluant progressivement vers un système de paiements forfaitaires afin d'accroître l'efficacité de ce régime. Parallèlement, les propositions comportent une série de mesures visant à simplifier la mise en œuvre du RPU.

5.1.2.   La société européenne se soucie de plus en plus du développement durable. Dans le même temps, les progrès en matière d'inclusion des aspects non commerciaux dans les accords internationaux se font attendre. Cette inclusion est pourtant essentielle si on veut être cohérent avec le souhait des citoyens européens. De plus, les frontières de l'UE sont de moins en moins protégées. Le CESE estime dès lors qu'il sera fondamental, pour garantir le modèle agricole européen ainsi que les revenus des agriculteurs, de permettre à ces derniers, au-delà de 2013, de couvrir les coûts de la production durable qui ne sont pas couverts par l'intermédiaire du marché, en recourant à un système de paiement unique à l'exploitation, et que cette tâche doit rester clairement inscrite dans la PAC.

5.1.3.   Le CESE considère que les paiements compensatoires, destinés à financer les multiples services rendus par les agriculteurs et pour lesquels ils ne sont pas dédommagés par le marché, resteront nécessaires. Dans l'intervalle, les niveaux des paiements établis sur la base de la production historique deviendront plus difficiles à justifier. Les États membres qui ne l'ont pas encore fait devraient être autorisés à ajuster la répartition de leur plafond national pour arriver à un mode de paiement plus forfaitaire, soit durant la période 2009-2013, soit à partir de 2013. Avant de procéder à cet ajustement, les États membres devraient en examiner soigneusement les conséquences sur les revenus agricoles, et s'assurer de la capacité des agriculteurs à s'adapter et de la nécessité d'une sécurité de programmation à long terme. Si une telle orientation devait être prise, les États membres devraient pouvoir définir une période transitoire adéquate afin d'éviter toute mise en difficultés des exploitations qui auraient investi dans un contexte réglementaire différent.

5.1.4.   Dans la plupart des nouveaux États membres, le régime de paiement unique à la surface est simple à administrer mais peut également s'avérer trop simple afin de soutenir les exploitations agricoles intensives (fruits et légumes, élevage, tabac, etc.) de manière judicieuse par rapport au secteur des cultures arables. À moyen terme, il conviendra de trouver une solution plus équilibrée, par exemple dans le cadre du système de paiement unique en recourant soit aux autres instruments existants, soit à de nouveaux instruments à élaborer dans toute l'UE.

5.1.5.   Toutes les terres des nouveaux États membres qui respectent les bonnes conditions environnementales et agricoles au moment de la demande de paiements devraient être éligibles.

5.2.   Conditionnalité

5.2.1.   La Commission européenne souhaite simplifier et améliorer le ciblage de la conditionnalité. Elle propose le retrait de certaines exigences non liées à la responsabilité des agriculteurs ainsi que l'introduction de bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) nouvelles.

5.2.2.   Le CESE approuve le principe de maintien du lien entre le paiement unique à l'exploitation et le respect des normes européennes relatives à l'activité agricole, grâce au système de la conditionnalité. Le CESE se félicite de la proposition de la Commission de rationnaliser ce système. Par ailleurs, il est clair qu'il conviendrait de le rendre moins complexe, notamment en précisant les règles (introduction d'une règle de minimis) et en réduisant le nombre de visites d'inspection différentes effectuées dans les exploitations individuelles. Il faudrait également éviter de dupliquer les contrôles, par exemple les audits exécutés par des systèmes d'assurance de la qualité (SAQ).

5.2.3.   L'agriculture est un secteur important qui offre un grand nombre d'emplois dans l'ensemble de l'UE. Il conviendrait de faire des efforts pour réduire le nombre d'accidents agricoles et favoriser la formation continue de la main-d'œuvre. Le CESE considère que certains aspects de la sécurité des travaux agricoles sont extrêmement importants – les modes d'emploi des machines, l'hygiène et l'entreposage adéquat des matériaux dangereux –, qu'ils doivent être régis par la législation sociale nationale et devraient figurer dans le champ d'application de la conditionnalité. Pour donner une incitation aux agriculteurs, le CESE recommande d'élargir les possibilités du Fonds social européen en matière de sécurité de l'emploi et de formation.

5.2.4.   Dans la logique de l'objectif visant à rendre la conditionnalité plus efficace et plus directement liée aux activités agricoles, le CESE estime que les règles contraignantes de gestion en matière de mise sur le marché des produits phytosanitaires ne concernent pas les agriculteurs et devraient être supprimées.

5.2.5.   Le CESE propose d'effectuer une étude d'impact de l'application des bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) avant d'ajouter de nouveaux éléments à ce dispositif. L'étude devrait prendre en considération les conséquences pour les agriculteurs ainsi que la charge administrative. Le CESE est d'avis que les avantages environnementaux associés à la mise en jachère, aux zones tampons et aux particularités topographiques doivent être conservés, et ce même si l'on entend supprimer la mise en jachère obligatoire. Pour y parvenir à travers des mesures volontaires dans le cadre du développement rural, il faut prévoir des incitations adéquates, qui à l'heure actuelle n'existent pas. Ces mesures doivent être récompensées en conséquence.

5.2.6.   Une approche spécifique devrait être adoptée en ce qui concerne les nouveaux États membres. Le système de conditionnalité doit être introduit progressivement, en tenant compte du fait que le système des paiements directs est appliqué progressivement. La conditionnalité devrait être appliquée pleinement dès que le niveau de 100 % est atteint pour le régime de paiement unique à la surface (RPUS).

5.3.   Soutien partiellement couplé

5.3.1.   La Commission européenne estime que le découplage a permis aux agriculteurs de mieux répondre aux signaux du marché, et ce de manière plus durable. Lors de la réforme de la PAC, en 2003, il a été décidé de permettre aux États membres de conserver un certain niveau de soutien couplé dans certains secteurs. La Commission souligne que l'existence de deux systèmes n'a pas contribué à la simplification. Elle propose de permettre aux États membres de maintenir uniquement les primes couplées à la vache allaitante et les primes à la production de viande bovine, ovine et caprine.

5.3.2.   Le Comité est sceptique quant à la poursuite du découplage dans les États membres qui conservent un certain niveau de soutien couplé afin de permettre une orientation davantage axée sur le marché. Il est conscient du fait que dans certains cas, le découplage pourrait entraîner la disparition de certains types de production et l'abandon de la production dans certaines régions, ce qui aurait de graves conséquences pour l'environnement, l'économie rurale et l'emploi. Le recours à l'article 68 devrait être possible pour traiter ces problèmes. Les États membres ne devraient pas être forcés à découpler. Le soutien couplé restant ne devrait pas conduire à des distorsions de marché entre États membres.

5.4.   Soutien spécifique

5.4.1.   La Commission européenne propose d'élargir le champ d'application de l'actuel article 69 à d'autres objectifs, et notamment de prendre en considération les préjudices subis dans certaines régions par les agriculteurs afin de compléter les droits dans les zones soumises à des programmes de restructuration. Les États membres qui appliquent le RPU peuvent conserver, par secteur, jusqu’à 10 % des plafonds nationaux afin de financer des mesures liées à la protection ou à l’amélioration de l’environnement ou à l’amélioration de la qualité et de la commercialisation des produits agricoles.

5.4.2.   La Commission considère que la modification des instruments de marché traditionnels et le passage à un soutien direct des producteurs ont donné lieu à un débat sur les différentes manières de gérer les risques, ceux liés aux prix et à la production étant considérés comme les deux principaux facteurs susceptibles d’entraîner des variations de revenus. La Commission propose d'offrir aux États membres la possibilité de recourir à l'article 68 pour l'assurance récolte et les fonds de mutualisation en cas de maladies animales et végétales.

5.4.3.   Le CESE soutient les objectifs mentionnés à l'article 68, même si cet article n'est pas la solution à tous les problèmes. Le CESE peut admettre une plus grande flexibilité en ce qui concerne le recours à l'article 68, à condition que tous les fonds supplémentaires soient utilisés pour renforcer la position des agriculteurs. Il estime également que dans certains cas particuliers, dans certains États membres, la limite de financement pourrait être supérieure à l'actuel maximum général de 10 % du plafond national. De même, estimant que le but devrait être de protéger les consommateurs et les agriculteurs, il appuie les propositions relatives à l'assurance récolte et aux fonds de mutualisation en cas de maladies animales et végétales. Ces mesures ne doivent porter atteinte ni aux programmes d'assurance existants, ni aux mesures communautaires (article 44 et Fonds vétérinaire). Compte tenu de l'importance de la prévention des maladies pour l'ensemble de la société, le CESE propose que ces fonds soient cofinancés par les États membres, comme le propose la Commission.

5.4.4.   De l'avis du CESE, le recours à l'article 68 pourrait conduire à une redistribution considérable des paiements aux agriculteurs. En outre, le CESE craint que l'article 68 ne soit pas un instrument suffisant pour traiter tous les problèmes. Pour cette raison, les États membres devraient examiner soigneusement les conséquences d'un éventuel recours à l'article 68. De l'avis du CESE, les montants précédemment alloués au budget agricole doivent demeurer dans le secteur agricole et pourraient être utilisés pour l'article 68.

5.4.5.   Il conviendrait d'examiner l'impact cumulatif, sur le revenu agricole, de la modulation et de l'article 68. Si les propositions de la Commission étaient mises en œuvre, elles pourraient se traduire par une diminution des paiements directs d'au moins 10 + 13 %= 23 %. Le CESE estime dès lors qu'il y a lieu d'examiner de manière approfondie les effets éventuels de ces propositions.

5.5.   Limitation des paiements

5.5.1.   La Commission européenne relève que l'introduction du paiement unique a rendu la répartition des paiements plus visible. Verser des paiements peu élevés à un grand nombre d'agriculteurs représente une charge administrative importante. La Commission propose que les États membres appliquent soit un montant minimum de 250 euros, soit une superficie minimum d'un hectare, soit les deux. En outre, elle propose une modulation progressive. De plus, elle propose également que les nouveaux États membres deviennent éligibles pour la modulation dès 2012.

5.5.2.   Le CESE accepte sur le principe les propositions de la Commission de mettre en place des conditions minimales pour l'octroi des paiements afin de réduire les coûts administratifs, tout en laissant le choix aux États membres pour la fixation des conditions minimales.

5.5.3.   Le CESE estime que dans le débat sur la progressivité du taux de modulation, la question est de savoir si les exploitations de l'Union européenne qui perçoivent chaque année des paiements directs d'un montant supérieur à 100 000 EUR peuvent assumer le relèvement du taux de modulation. Étant donné que les principaux bénéficiaires réalisent généralement des économies d'échelle, la progressivité raisonnable se justifie, d'autant que les exploitations ont la possibilité de recourir aux nouvelles mesures du second pilier et, ainsi, de percevoir à nouveau des fonds au titre de la PAC.

5.6.   Les marchés

5.6.1.   La Commission pose la question de savoir comment mettre en place un mécanisme d’intervention efficace qui, tout en constituant un filet de sécurité, fonctionne sans recours aux ventes subventionnées. Elle propose de simplifier les dispositions relatives à l'intervention publique par le biais de l'extension d'un système d'adjudication. En ce qui concerne le blé dur, le riz et la viande de porc, la Commission propose la suppression de l'intervention.

5.6.2.   De l'avis du CESE, en raison de l'affaiblissement des mécanismes de gestion du marché intérieur et de la baisse des protections aux frontières qu'ont entraînés les réformes de la PAC et les négociations commerciales depuis 1992, l'Europe est beaucoup plus exposée aux fluctuations des marchés mondiaux qu'auparavant. Simultanément, ces fluctuations sur le marché mondial, et partant, les risques, sont en augmentation: le changement climatique est responsable, dans le monde entier, de fluctuations extrêmes en matière de récoltes, et le développement du tourisme dans le monde accroît le risque de propagation des maladies. Les agriculteurs doivent faire face à tous ces défis. Dans ce contexte, abandonner tout mécanisme de régulation pourrait s'avérer dangereux lors d'une période d'une offre déficitaire face à une demande soutenue.

5.6.3.   Le CESE estime que l'un des principaux objectifs de la PAC, et du premier pilier en particulier, sera de fournir aux 500 millions de consommateurs européens une nourriture suffisante, sûre et variée. Des instruments adéquats sont nécessaires pour atteindre cet objectif. Même en admettant qu'un système d'adjudication puisse contribuer à améliorer la prise en compte des besoins du marché, il réduirait le filet de sécurité pour les agriculteurs et pourrait accroître l'incertitude sur le marché. Par conséquent, le CESE propose d'étudier tout d'abord les premières adaptations au schéma d'intervention actuel, par exemple une période d'intervention plus courte. Le CESE appelle à la création de nouveaux outils afin de mettre en place un filet de sécurité durable, eu égard à la nécessité de garantir la sécurité alimentaire pour les citoyens européens et un revenu équitable pour les agriculteurs.

5.6.4.   Le CESE suggère à la Commission de créer des filières européennes de gestion des marchés qui permettraient dans un cadre durable d’ajuster offres et demandes et de permettre un maillage des producteurs sur tout le territoire européen en répondant ainsi au mieux aux attentes sociétales. De ce fait, il y a un rééquilibrage des forces sur le marché qui permettrait de mieux répondre aux attentes des consommateurs. La Commission devra veiller à cette organisation.

5.7.   Mise en jachère

5.7.1.   La Commission propose de suspendre la mise en jachère comme instrument de contrôle de l'offre, se fondant sur les perspectives du marché. Les États membres bénéficient d'outils destinés à garantir le maintien des bénéfices environnementaux.

5.7.2.   La mise en jachère est un outil de gestion de l'offre pouvant s'avérer utile et souple. Le CESE considère que même si les prix du marché restent à un bon niveau en ce moment, la conjoncture peut être de nouveau fragilisée à un moment ou à un autre. Aussi le CESE estimerait logique de maintenir le mécanisme de la jachère (6) en jouant sur le pourcentage du gel à opérer selon perspectives du marché.

5.7.3.   Le CESE est d'avis que tout avantage environnemental associé à la mise en jachère doit être conservé, afin d'améliorer l'acceptation de l'agriculture. La mise en jachère volontaire dans le cadre du développement rural ne permettra d'y parvenir que si des incitations suffisantes sont prévues, ce qui n'a pas été le cas par le passé.

5.8.   Quota laitier

5.8.1.   En 1984, les quotas laitiers ont été instaurés en réponse à la surproduction. La Commission considère que les conditions qui ont conduit à cette situation ne sont plus d'actualité. Compte tenu de l'augmentation de la demande de lait et de produits laitiers, la Commission propose une augmentation du quota laitier de 1 % par an pendant les cinq prochaines années; Cette augmentation du quota a pour but de préparer un «atterrissage en douceur» du système qui expire en 2015. La Commission européenne a analysé l'impact social des changements dans le système des quotas laitiers. L'expiration du quota conduira à une restructuration du secteur de la production du lait dans le cadre de laquelle ce sont surtout les petits producteurs laitiers qui risquent d'être exposés à une concurrence sans merci, ce qui aura un impact potentiel sur certaines régions.

5.8.2.   Étant donné que compte tenu de la situation juridique actuelle, le quota laitier expire en 2015, CESE invite la Commission à procéder à une analyse plus détaillée que ce n'a été le cas jusqu'ici de la manière dont il est possible de garantir la prédictabilité et l'équilibre régional dans un marché durable après 2015. Le lait est un produit alimentaire essentiel et sain; en outre, les producteurs jouent un rôle important dans l'économie des zones rurales. Il importera en particulier de prévoir des mesures qui aideront les agriculteurs à améliorer leur position concurrentielle.

5.8.3.   Les produits laitiers revêtent une grande importance dans les zones les plus vulnérables de l'UE. Le CESE invite dès lors la Commission à envisager des mesures – y compris sur le plan financier – pour conserver une production laitière et une économie rurale dynamique dans ces zones vulnérables. De l'avis du CESE, les propositions présentées par la Commission ne constituent pas un plan tangible. L'article 68 pourrait n'être un instrument suffisant qu'à certains égards seulement et est loin de permettre de couvrir les coûts élevés qui risquent d'être ainsi occasionnés.

5.8.4.   En l'absence de véritable plan d'adaptation, le CESE se prononce pour le moment contre des ajustements de quotas. Il faut que les quotas soient adaptés par rapport à la demande du marché et non de manière aléatoire. En vue de l'après 2015, il est nécessaire de créer une filière européenne du lait où on pourrait adapter la production par rapport à la consommation et rétablir le rapport de force au sein des filières. De cette manière, on pourrait maintenir la production de lait dans les zones les plus fragiles.

5.9.   Autres régimes de soutien

5.9.1.   Pour certains secteurs (protéagineuses, récoltes, lin, blé dur et fruits à coque), la Commission propose un découplage immédiat. S'agissant du riz, de l'amidon, des fourrages séchés et du chanvre, elle propose un découplage assorti d'une période transitoire de deux ans.

5.9.2.   En l'absence de soutien couplé, la production pourrait disparaître, ce qui aurait des effets négatifs sur les économies régionales, l'environnement ou l'approvisionnement de l'UE. Le CESE estime donc qu'il conviendrait d'examiner en détail et au cas par cas la possibilité de transférer ces aides dans le système du RPU et, si nécessaire, il y a lieu de continuer les paiements couplés afin d'éviter une réduction massive de la production dans les zones vulnérables. Ces secteurs ont besoin d'une période de transition raisonnable et de mesures d'accompagnement afin de mettre en œuvre de nouveaux débouchés.

5.9.3.   La prime aux cultures énergétiques représente une importante charge administrative, et étant donné les objectifs fixés par le Conseil en ce qui concerne l'incorporation des biocarburants, les mesures incitatives au niveau de la production ne sont plus nécessaires. Les fonds qui ne sont plus utilisés pour les primes aux cultures énergétiques devraient servir à renforcer la situation des agriculteurs.

5.10.   Changement climatique

5.10.1.   De l'avis de la Commission, l'évolution du climat et les questions énergétiques figurent désormais en tête des priorités. En mars 2007, les dirigeants de l'UE ont décidé de réduire d'au moins 20 % les émissions de CO2 d'ici 2020, voire de 30 % si toutes les parties en présence parviennent à s'entendre sur des objectifs globaux. La Commission estime que l'agriculture peut apporter une contribution importante à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

5.10.2.   Le CESE estime que l'agriculture de l'UE a contribué bien davantage que de nombreux autres secteurs à freiner les émissions de gaz à effet de serre, et doit poursuivre sur cette voie (7). L'agriculture est aussi l'un des secteurs les plus exposés aux effets du changement climatique.

5.10.3.   Il devient de plus en plus urgent de mieux comprendre les implications du changement climatique pour l'agriculture et il convient dès lors d'accorder la priorité à la recherche. Celle-ci est financée au titre du 7e programme-cadre de l'UE en matière de recherche, mais le processus demande à être accéléré et renforcé.

5.10.4.   Il importe d'inciter davantage les fermiers à affronter le changement climatique et à recourir à des systèmes de production neutres d'un point de vue climatique. À cet égard, le CESE approuve la liste indicative des types d'opérations liées à la lutte contre le changement climatique dans le plan de développement rural.

5.11.   Gestion de l'eau

5.11.1.   Les objectifs de l'UE en matière de politique de l'eau figurent dans la directive-cadre sur l'eau. De l'avis de la Commission, l'agriculture a un rôle de premier plan à jouer dans la gestion de l'eau.

5.11.2.   L'un des problèmes les plus urgents est celui de l'eau – tant sa rareté que sa qualité –, et aussi l'humidité et les inondations. Le CESE affirme qu'une partie des fonds gagnés grâce à la modulation doit être utilisée pour augmenter les mesures incitatives en faveur de la gestion de l'eau dans le cadre des mesures de développement rural relevant de l'axe 2. Le CESE estime que ces opérations doivent avoir un lien direct avec l'agriculture.

5.12.   Les énergies renouvelables

5.12.1.   En 2007, les dirigeants de l'UE se sont fixé une cible contraignante de 20 % pour l'utilisation de sources d'énergie renouvelables, et notamment de porter à 10 % la part des biocarburants dans la consommation d'essence et de diesel.

5.12.2.   Le CESE approuve la liste indicative des types d'actions axées sur les énergies renouvelables.

5.12.3.   De l'avis du CESE, il importe au plus haut point de continuer à promouvoir la recherche afin d'optimiser les systèmes de production, de manière à maximiser la contribution des bioénergies à la réduction des émissions de CO2 et à l'efficacité énergétique. Il y a lieu d'étudier de manière plus approfondie la possibilité de développer des biocarburants de seconde génération en recourant aux coproduits agricoles.

5.12.4.   Les agriculteurs pourraient jouer un rôle essentiel dans la fourniture de bioénergies durables au niveau local ou régional (notamment grâce à des unités de micro-génération utilisant de la biomasse locale), et contribueraient ainsi à la réalisation des objectifs de Kyoto. Les projets de ce type devraient être exemptés des règles en matière d'aides d'État.

5.13.   Biodiversité

5.13.1.   La Commission estime qu'une bonne partie de cette biodiversité en Europe dépend de l'agriculture et de l'industrie forestière et qu'il y a lieu d'accroître les efforts en vue de protéger la biodiversité. L'agriculture a un rôle essentiel à jouer dans la protection de la biodiversité. Les États membres se sont engagés à mettre un terme au déclin de la biodiversité d'ici 2010.

5.13.2.   Il existe dans plusieurs États membres de bons exemples de projets qui améliorent la biodiversité. Le CESE approuve les types d'action indicatifs définis par la Commission pour améliorer la biodiversité, à condition que les incitations bénéficient directement aux agriculteurs, qui sont indispensables au maintien de régions rurales dynamiques offrant des opportunités économiques et d'emploi.

5.14.   Renforcer le second pilier

5.14.1.   La Commission prévoit de relever ces quatre nouveaux défis (paragraphes 5.10 à 5.13) à l'aide d'un nouveau paquet de mesures rattaché au second pilier, et dont le financement supplémentaire nécessaire doit provenir des fonds de modulation. Elle relève qu'une augmentation de la modulation obligatoire est la seule manière permettant d'obtenir des financements complémentaires pour le développement rural, dans la mesure où tous les autres financements de l'UE sont fixés jusqu'en 2013. Elle propose dès lors d'accroître de 8 % la modulation obligatoire en quatre étapes jusqu'en 2012.

5.14.2.   Le CESE estime que les résultats des négociations sur les perspectives financières pour la période 2007-2013 ont conduit à financer de manière inadéquate le deuxième pilier. À son avis, les différentes fonctions de la PAC doivent être préservées. Toute poursuite de la modulation des paiements du premier pilier doivent respecter cette exigence (8). Dès lors, le CESE ne soutient-il la modulation proposée qu'à la condition que ce budget soit clairement et spécifiquement destiné à aider les agriculteurs à relever ces nouveaux défis. Le rôle de l'emploi et des personnes employées dans l'agriculture dans ce processus de changement doit être reconnu. Sa mise en œuvre par le biais des plans nationaux de développement rural doit être plus efficace et plus accessible aux agriculteurs, et le cofinancement des États membres doit être assuré à l'avance.

6.   Impact budgétaire des propositions du bilan de santé de la PAC

6.1.   La Commission rappelle que la PAC dispose d'un mécanisme de discipline financière incorporé. Étant donné que la plupart des aides sont désormais fixées et que les perspectives du marché se sont améliorées de manière significative, le potentiel pour l'application de la discipline financière a diminué. En outre, la Commission fait valoir que les propositions de modulation sont neutres du point de vue budgétaire, mais qu'elles peuvent entraîner des frais supplémentaires au niveau national. La Commission ne prévoit pratiquement aucune dépense supplémentaire sur les mesures relatives au marché.

6.2.   Le budget total de la PAC a décru de 0,6 % du PIB de l'UE en 1996 à moins de 0,4 % en 2007. Les dépenses budgétaires réelles sont passées d'environ 40 milliards d'euros en 1995 à quelque 50 milliards d'euros en 2007 (développement rural compris), bien que le nombre d'États membres ait pratiquement été multiplié par deux (de 15 à 27).

6.3.   Il y a quinze ans, l'UE dépensait 10 milliards d'euros par an en subventions à l'exportation. En 2009, ce budget n'est plus que de 350 millions d'euros (9). La Commission européenne a donné son accord à la suppression totale des subventions à l'exportation d'ici 2013, à condition que ses partenaires commerciaux prennent des engagements parallèles.

6.4.   De l'avis du CESE, la PAC est l'un des principaux piliers de l'Union européenne. Comme le montre la situation de l'alimentation dans le monde, la politique agricole commune demeurera très importante. Le CESE estime que les agriculteurs jouent non seulement un rôle essentiel dans l'offre de denrées alimentaires, mais qu'ils doivent jouer un rôle multifonctionnel.

7.   Objectifs à long terme de la PAC après 2013/cadre financier

7.1.   Le CESE juge utile de définir des objectifs et des priorités précis pour la PAC d'après 2013, afin de contribuer aux discussions sur les prochaines perspectives financières.

7.2.   Sachant que selon les prévisions, la population mondiale continuera à se développer pour atteindre 9 milliards de personnes en 2050 et que la consommation par habitant augmentera, les besoins en matière de production alimentaire croîtront eux aussi. En même temps, la quantité de terres agricoles fertiles diminue partout dans le monde à cause de facteurs tels que l'érosion, la salinisation et l'urbanisation. Par conséquent, il se peut qu'au cours des années à venir, les consommateurs ne puissent pas considérer la sécurité alimentaire comme allant de soi. La future PAC doit tenir compte de ces nouveaux développements.

7.3.   Au niveau européen, les consommateurs réclament des aliments sains et variés en quantité suffisante, produits dans le respect du développement durable. Les importations doivent respecter les normes de l'UE, ce qui n'est pas toujours le cas. En même temps, les citoyens européens sont préoccupés par le changement climatique et le développement durable. Les agriculteurs de l'UE ont un rôle important à jouer pour satisfaire les attentes de la société.

7.4.   Les agriculteurs préféreraient gagner leur revenu sur le marché. Néanmoins, la société européenne s'attend également à ce que les agriculteurs fournissent un certain nombre de services qui ne sont pas rémunérés par l'intermédiaire du marché. Il restera donc fondamental de maintenir les paiements directs pour rémunérer les agriculteurs afin de garantir des normes élevées en matière de systèmes de production durables et des prestations de services supplémentaires, ainsi que de promouvoir le développement durable. En outre, la PAC restera un instrument essentiel de soutien des économies régionales.

7.5.   Dans le cadre du processus de réalisation des objectifs décrits au paragraphe 4.2, la PAC devrait mettre davantage l'accent sur les éléments suivants:

garantir l'approvisionnement de produits alimentaires sûrs et variés, et la fourniture d'énergies renouvelables;

assurer un revenu équitable aux agriculteurs;

veiller à ce que la production soit à la fois durable et compétitive dans toutes les régions de l'UE;

contribuer à un milieu rural dynamique, offrant des opportunités économiques et d'emploi.

7.6.   À plus long terme, le CESE considère qu'il conviendrait de mieux harmoniser les objectifs et les instruments de la PAC d'un État membre à l'autre.

7.7.   Le CESE souligne la nécessité d'une politique agricole de l'UE adaptée et axée sur le moyen et le long terme, qui soit dotée de moyens financiers suffisants. Ces moyens devraient selon toute vraisemblance correspondre au moins aux sommes qui lui sont actuellement consacrées. Il appartient aux responsables politiques de mieux expliquer aux citoyens la nécessité de la PAC et le bien fondé des différentes mesures, afin que le financement de cette politique ne fasse pas en permanence l'objet d'une discussion.

Bruxelles, le 23 octobre 2008.

Le Président

du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  Présentation de la proposition de bilan de santé à COMAGRI, 20 mai 2008.

(2)  Commission européenne: What caused the present boom in agricultural prices?

(3)  Discours de Mme Marianne FISCHER BOEL: Food, feed or fuel, Berlin, 18 janvier 2008.

(4)  Le CESE continue à suivre ce dossier et prépare actuellement un avis exploratoire intitulé «L'UE face au défi alimentaire mondial».

(5)  JO C 44 du 16.2.2008, p. 60.

(6)  JO no C 44 du 16 février 2008, p. 63 paragraphe 5.7.1.

(7)  Étude de la Commission européenne: L'évolution du climat: les défis pour l'agriculture (décembre 2007).

(8)  Voir note en bas de page no 5.

(9)  The Common Agricultural Policy: sorting the facts from the fiction, 20 juin 2008.


ANNEXE

Les passages ci-dessous de l'avis de section ont au cours des débats été repoussés par l'assemblée au profit d'amendements qui ont été rejetés par au moins un quart des voix exprimées:

Paragraphe 1.7

Le CESE plaide en faveur d'une analyse plus détaillée que ce n'a été le cas jusqu'à présent de l'évolution du marché des produits laitiers compte tenu de l'expiration du quota laitier en 2015 dans l'état actuel de la législation. Compte tenu de la nécessité de sécurité de programmation, le CESE se prononce en faveur d'ajuster les quotas qui assurent un atterrissage en douceur pour les producteurs, pour autant que le marché ne soit pas perturbé. Il invite la Commission à envisager des mesures permettant de maintenir la production de produits laitiers dans les zones vulnérables et à présenter leur impact financier et leur financement.

Résultats du vote

Voix pour: 66 Voix contre: 42 Abstentions: 41

Paragraphe 1.8

Le CESE prend acte des nouveaux défis mentionnés par la Commission européenne en matière d'évolution du climat, d'eau, d'énergies renouvelables et de biodiversité. Ces nouveaux défis ne peuvent être financés que par le biais d'une modulation supplémentaire et par le recours aux fonds structurels. De l'avis du CESE, le renforcement de la sécurité alimentaire doit être considéré comme un nouveau défi.

Résultats du vote

Voix pour: 64 Voix contre: 58 Abstentions: 37

Paragraphe 1.9

Le CESE estime que les points de vue sur le taux de modulation sont extrêmement divergents. Soucieux de parvenir à un compromis, le CESE propose que le taux de modulation destiné à financer les nouveaux défis soit limité à 3 % au total et propose de relever le seuil à 7 500 euros. Il n'est pas favorable à une poursuite de la modulation progressive. Les fonds supplémentaires devraient viser de manière spécifique à aider les agriculteurs.

Résultats du vote

Voix pour: 64 Voix contre: 58 Abstentions: 37

Paragraphe 5.5.3

Le CESE estime qu'il y a plusieurs aspects dans le débat sur la progressivité du taux de modulation. La progressivité augmente encore la complexité administrative des paiements agricoles. Dans de nombreux cas, les agriculteurs possédant tant une grande qu'une petite exploitation fournissent des emplois qui sont importants pour la région. Le CESE considère que les gains des principaux bénéficiaires des paiements ont déjà été les plus touchés par la modulation. Par ailleurs, les principaux bénéficiaires réalisent généralement des économies d'échelle. Il en découle que la modulation progressive revêt une importance capitale pour mettre les exploitations agricoles de toutes tailles sur un pied d'égalité en matière de concurrence. Les agriculteurs doivent pouvoir planifier longtemps à l'avance et doivent dès lors pouvoir compter sur les engagements pris par les autorités. Par conséquent, le CESE n'est pas favorable à la modulation progressive.

Résultats du vote

Voix pour: 64 Contre: 58 Abstentions: 37

Paragraphe 5.7.3

Le CESE est d'avis que tout avantage environnemental associé à la mise en jachère doit être conservé, afin d'améliorer l'acceptation de l'agriculture. La mise en jachère volontaire dans le cadre du développement rural ne permettra d'y parvenir que si des incitations suffisantes sont prévues et si ces incitations sont récompensées en conséquence. Le CESE pense que cette aide au développement rural doit être liée aux activités des agriculteurs.

Résultats du vote

Voix pour: 64 Voix contre: 58 Abstentions: 37

Paragraphe 5.8.3

Les produits laitiers revêtent une grande importance dans les zones les plus vulnérables de l'UE. Le CESE invite dès lors la Commission à envisager des mesures – y compris sur le plan financier – pour conserver une production laitière et une économie rurale dynamique dans ces zones vulnérables. De l'avis du CESE, l'article 68 pourrait n'être un instrument suffisant qu'à certains égards seulement et est loin de permettre de couvrir les coûts élevés qui risquent d'être ainsi occasionnés.

Résultats du vote

Voix pour: 66 Voix contre: 42 Abstentions: 41

Paragraphe 5.8.4

De l'avis du CESE, les quotas devraient faire l'objet d'un ajustement sur la base de l'évolution du marché au cours de la période 2009-2015. Les producteurs laitiers ont besoin d'une sécurité de programmation et d'une transition en douceur. Le CESE appelle dès lors à des ajustements de quotas assurant un atterrissage en douceur aux producteurs du secteur. Ces ajustements ne doivent toutefois pas nuire à la stabilité des marchés et tenir compte de la vulnérabilité des petits producteurs laitiers et des régions.

Résultats du vote

Voix pour: 66 Voix contre: 42 Abstentions: 41

Paragraphe 5.14.1

La Commission prévoit de relever ces quatre nouveaux défis (paragraphes 5.10 à 5.13) à l'aide d'un nouveau paquet de mesures rattaché au second pilier, et dont le financement supplémentaire nécessaire doit provenir des fonds de modulation. Elle relève qu'une augmentation de la modulation obligatoire est la seule manière permettant d'obtenir des financements complémentaires pour le développement rural, dans la mesure où tous les autres financements de l'UE sont fixés jusqu'en 2013. Elle propose dès lors d'accroître de 8 % la modulation obligatoire en quatre étapes jusqu'en 2012.

Résultats du vote

Voix pour: 64 Voix contre: 58 Abstentions: 37

Paragraphe 5.14.2

Le CESE estime que les résultats des négociations sur les perspectives financières pour la période 2007-2013 ont conduit à financer de manière inadéquate le deuxième pilier. À son avis, les différentes fonctions de la PAC doivent être préservées. Toute poursuite de la modulation des paiements du premier pilier doivent respecter cette exigence (1). Dès lors, le CESE ne peut soutenir la poursuite de la modulation proposée qu'à la condition que si ce budget est clairement et spécifiquement destiné à aider les agriculteurs à relever ces nouveaux défis. Outre les quatre défis mentionnés par la Commission, le CESE propose d'en ajouter un cinquième: la sécurité alimentaire et la sûreté alimentaire, compte tenu des débats récents qui ont eu lieu sur les prix des denrées alimentaires. Le rôle de l'emploi et des personnes employées dans l'agriculture dans ce processus de changement doit être reconnu. Sa mise en œuvre par le biais des plans nationaux de développement rural doit être plus efficace et plus accessible aux agriculteurs, et le cofinancement des États membres doit être assuré à l'avance.

Résultats du vote

Voix pour: 64 Voix contre: 58 Abstentions: 37

Paragraphe 5.14.3

Les paiements directs sont très importants pour les valeurs que représente l'agriculture dans la société. En outre, les agriculteurs ont besoin d'une certaine sécurité pour pouvoir programmer leur activité. D'autre part, le CESE reconnaît les nouveaux défis mentionnés par la Commission. Le CESE relève que les avis sur la modulation sont extrêmement partagés. À titre de compromis, il propose de fixer le taux de modulation à 8 % au total (5 % actuels plus 3 × 1 %). Le CESE recommande d'examiner, au même titre que les financements destinés au développement rural, d'autres fonds tels que les Fonds structurels. Le CESE propose également de relever le seuil à 7 500 euros, en lieu et place de la modulation volontaire. Il y a lieu d'étudier soigneusement les éventuels effets négatifs de la modulation, combinée à l'article 68, sur le revenu agricole.

Résultats du vote

Voix pour: 64 Voix contre: 58 Abstentions: 37

Paragraphe 6.4:

De l'avis du CESE, la PAC est l'un des principaux piliers de l'Union européenne. Comme le montre la situation de l'alimentation dans le monde, la politique agricole commune demeurera très importante. Le CESE estime que les agriculteurs jouent non seulement un rôle essentiel dans l'offre de denrées alimentaires, mais qu'ils doivent jouer un rôle multifonctionnel. Dès lors, les économies budgétaires doivent être utilisées pour renforcer la situation des agriculteurs dans leurs efforts en faveur du développement durable.

Résultats du vote

Voix pour: 64 Voix contre: 58 Abstentions: 37


(1)  Voir note de bas de page 5.


30.4.2009   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/133


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux non destinés à la consommation humaine (“règlement relatif aux sous-produits animaux”)»

COM(2008) 345 final — 2008/0110 (COD)

2009/C 100/22

Le 7 juillet 2008, le Conseil de l'Union européenne a décidé, conformément à l'article 152, paragraphe 4, point b) du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux non destinés à la consommation humaine (“règlement relatif aux sous-produits animaux”)»

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 8 octobre 2008 (rapporteur: M. NIELSEN).

Lors de sa 448e session plénière des 21, 22 et 23 octobre 2008 (séance du 22 octobre 2008), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 82 voix pour, 1 voix contre et 2 abstentions.

1.   Conclusion

1.1   Il est capital, dans le cadre de l'utilisation de sous-produits d'origine animale, de maintenir un niveau élevé de protection en matière de santé publique et de santé animale. Le Comité économique et social européen se félicite de la proposition de la Commission, qui repose sur des travaux sérieux et sur les expériences acquises. Comme le propose la Commission, un changement de catégorie ne peut être envisagé qu'après que les autorités scientifiques compétentes ont procédé à une évaluation concrète des risques. Il serait souhaitable de parvenir à un peu plus de clarté en ce qui concerne les autres volets de la législation, notamment en ce qui concerne les déchets et l'environnement.

1.2   En tout état de cause, il est nécessaire d'apporter un certain nombre de précisions dans les définitions du règlement ainsi qu'en ce qui concerne l'autorisation et l'utilisation de sous-produits animaux (SPA) dans les usines de production de biogaz. En outre, d'autres précisions sont également nécessaires dans d'autres domaines, et il y a lieu d'examiner s'il est justifié, dans certaines conditions, d'utiliser des protéines issues de sous-produits provenant de porcs et de volailles pour l'alimentation des poissons, pour autant que cela ne comporte pas de risques pour la santé publique ou animale.

2.   Historique

2.1   La Commission désire parvenir, dans le règlement sur les sous-produits animaux (1), à une classification fondée davantage sur les risques et sur les contrôles, et à une clarification des interactions entre le règlement SPA et la réglementation relative aux produits alimentaires destinés à la consommation humaine, aux aliments pour animaux, aux déchets, aux cosmétiques, aux produits pharmaceutiques et aux dispositifs médicaux. La Commission, dans cette proposition, vise en outre à réduire les tâches administratives pour certaines entreprises et à accroître la responsabilité des dirigeants, s'agissant surtout de l'utilisation de sous-produits en dehors de la chaîne des produits alimentaires et des aliments pour animaux.

2.2   La classification des produits continue à se faire en trois catégories. Les matières présentant un risque de transmission de l'encéphalopathie spongiforme transmissible (EST) ne peuvent toujours pas être utilisées pour l'alimentation des animaux, tandis que celles ne présentant aucun risque, ou un risque très faible, peuvent être utilisées, en fonction de leur type, après avoir été soumises à une évaluation de risque effectuée soit par l'Autorité européenne de sécurité des aliments, soit par l'Agence européenne des médicaments, soit par le Comité scientifique pour les biens de consommation. Certains produits de la catégorie 2 ont été reclassés dans la catégorie 3, conformément à la proposition, et peuvent dès lors être utilisés pour certaines formes d'aliments pour animaux. Pour autant que les matières premières, le processus de production et le but de l'utilisation soient sans danger, les sous-produits animaux de toutes les catégories pourront être utilisés dans la pratique. En outre, l'enfouissement et l'incinération sont autorisés en cas d'épidémie et lors de situations où la collecte des cadavres d'animaux se révèle difficile dans la pratique.

2.3   L'incinération de sous-produits animaux est soumise aux dispositions de la directive 2000/76/CE (2). Il est proposé toutefois d'en autoriser l'utilisation comme combustible, sous réserve du respect de la protection de la santé publique et animale et des normes environnementales. En outre, il y a lieu de respecter de manière cohérente l'interdiction d'exportation des déchets (3), s'agissant notamment de l'utilisation dans les usines de production de biogaz et de compostage dans les pays tiers non membres de l'OCDE.

3.   Observations générales

3.1   Les règles pour l'utilisation des sous-produits animaux sont globales et complexes, mais le but visé est que la législation et l'administration fonctionnent de manière optimale et que l'UE, dans ce domaine, maintienne un niveau élevé de protection en matière de santé publique et de santé animale. La propagation de l'EST et d'épizooties contagieuses peut avoir de graves conséquences sur le plan économique et social. En principe, le CESE peut se rallier à l'approche fondée sur l'analyse des risques, consistant à soumettre tout changement de catégorie à des évaluations concrètes effectuées par les instances scientifiques compétentes en la matière; de même, il préconise le recours au système HACCP (4), pour autant que sa mise en œuvre et son application soient uniformes dans les États membres.

3.2   Le besoin croissant de protéines dans l'alimentation destinée aux poissons rend nécessaire d'examiner, dans le contexte de la révision du règlement sur l'encéphalopathie spongiforme transmissible (5), s'il est envisageable, dans certaines conditions, d'utiliser des protéines issues de sous-produits animaux provenant de porcs et de volailles, dans la mesure où cela ne présente aucun risque pour la santé publique ni pour la santé animale.

4.   Observations particulières

4.1   La proposition prévoit que les sous-produits animaux et leurs produits dérivés sont éliminés par incinération ou sont utilisés en tant que combustibles. La Commission, dans sa proposition, ne considère pas l'utilisation de sous-produits animaux en tant que combustibles comme une opération d'élimination des déchets, mais estime qu'elle doit respecter certaines conditions de protection de la santé publique et de la santé animale, ainsi que les exigences environnementales concernées. Il y a lieu, à cet égard, d'établir une séparation plus nette entre le règlement relatif aux sous-produits animaux et la législation concernant les déchets et l'environnement; de même, il convient de préciser et de mieux définir les notions de l'article 3 du règlement et de la directive concernant les déchets, cela afin d'éviter tout problème d'interprétation.

4.2   Les usines de production de biogaz dans lesquelles sont transformés des sous-produits animaux et leurs produits dérivés sont soumises aux dispositions relatives à l'enregistrement et à la traçabilité, conformément aux paramètres standards, mais sont exemptées, en vertu de l'article 7 paragraphe premier alinéa c), de l'exigence d'autorisation stipulée par l'article 6 paragraphe premier alinéa b). Lors de l'élaboration des dispositions d'exécution, elles devraient pourtant être soumises en cas de besoin aux dispositions relatives à l'autoréglementation, à la répartition entre zones «saines» et «dangereuses», et à l'exigence de documentation pour la réception, le traitement et la transformation des matières premières.

4.3   Il doit en outre être possible, en plus de la possibilité existante de désinfection à 70 degrés pendant une heure des matières de catégorie 3, d'autoriser d'autres températures et d'autres durées et de documenter le séjour de manière plus souple que ce n'est le cas à l'heure actuelle.

4.4   Le CESE soutient pleinement la possibilité d'utiliser la fraction de glycérine résultant de la production de biodiesel pour la production de biogaz, quelle que soit la catégorie. Il a été démontré scientifiquement que ni la production de biodiésel, ni les sous-produits de cette production, quelle que soit la catégorie, ne présentent de risque, pour autant que la fabrication ait été réalisée dans le respect des règles en vigueur (6).

4.5   L'article 7 paragraphe premier alinéa a) exempte de l'obligation d'autorisation pour certaines activités les établissements et les entreprises ayant reçu pour cela une autorisation en vertu d'autres dispositions. À titre d'exemple, des entreprises qui exportent seraient bien inspirées, dans la perspective des contrôles vétérinaires, de s'efforcer d'obtenir une autorisation dans le cadre du règlement sur les sous-produits.

4.6   Du point de vue du maintien de la préservation des ressources, il convient de placer dans la catégorie 3 les sous-produits issus d'animaux destinés à l'abattage ayant fait l'objet d'une inspection ante mortem (par exemple produits tombés à terre, matières ayant fait l'objet de modifications chroniques ou similaires), pour autant que ces produits n'aient pas été en contact avec des matières de catégorie 2.

4.7   Il est nécessaire de trouver une solution qui permette d'exclure les produits sanguins du champ d'application de l'article 25 paragraphe premier alinéa c), afin de faciliter l'utilisation de ces produits en tant qu'engrais.

4.8   Selon l'article 28, alinéa d), de petites quantités de sous-produits animaux peuvent être exemptées des règles concernant l'élimination. De l'avis du CESE, cette possibilité doit être gérée avec la plus grande prudence du fait de l'absence de traçabilité.

4.9   L'article 12 définit les excréments provenant d'animaux familiers comme des matières de catégorie 2; en conséquence, ils doivent être éliminés et utilisés conformément aux dispositions de l'article 20. Il y a lieu ici de préciser que les excréments provenant d'animaux familiers valorisés à des fins de production d'énergie autre que dans les usines de production de biogaz ne doivent pas être traités comme déchets et doivent dès lors être incinérés dans des installations d'incinération reconnues ou enregistrées.

Bruxelles, le 22 octobre 2008.

Le Président

du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  Règlement 1774/2002 du 3 octobre 2002 établissant des règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux non destinés à la consommation humaine.

(2)  Directive 2000/76/CE sur l'incinération des déchets.

(3)  Règlement no 1013/2006 du 14 juin 2006 concernant les transferts de déchets.

(4)  Analyse du risque et des points de contrôle critiques.

(5)  Règlement (CE) no 999/2001 du 22 mai 2001 du Parlement européen et du Conseil fixant les règles pour la prévention, le contrôle et l'éradication de certaines encéphalopathies spongiformes transmissibles.

(6)  Avis de l'Autorité européenne de sécurité des aliments du 22 avril 2004 et règlement (CE) no 92/2005 de la Commission du 19 janvier 2005 modifié par le règlement (CE) no 2067/2005 de la Commission du 16 décembre 2005.


30.4.2009   

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C 100/135


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition du règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone» (refonte)

COM(2008) 505 final — 2008/0165 (COD)

2009/C 100/23

Le 30 septembre 2008, le Conseil a décidé, conformément à l'article 95 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone» (refonte)

Étant donné qu'il souscrit sans réserve au contenu de la proposition et qu'il a déjà exposé ses vues sur le sujet dans son avis antérieur, adopté le 2 décembre 1998 (1), le Comité, lors de sa 448e session plénière des 21, 22 et 23 octobre 2008 (séance du 22 octobre 2008), a décidé par 119 voix pour, et 1 abstention, de rendre un avis favorable au texte proposé et de se référer à la position qu'il a soutenue dans le document susmentionné.

 

Bruxelles, le 22 octobre 2008.

Le Président

du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement (CE) du Conseil relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone» (JO C 40 du 15.02.1999, p. 34).


30.4.2009   

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C 100/136


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de recommandation du Parlement européen et du Conseil relative à l’établissement d’un cadre européen de référence pour l’assurance de la qualité dans l’enseignement et la formation professionnels»

COM(2008) 179 final — 2008/0069 (COD)

2009/C 100/24

Le 23 avril 2008, le Conseil a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Proposition de recommandation du Parlement européen et du Conseil relative à l’établissement d’un cadre européen de référence pour l’assurance de la qualité dans l’enseignement et la formation professionnels»

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 11 septembre 2008 (rapporteuse: Mme HERCZOG).

Lors de sa 448e session plénière des 21, 22 et 23 octobre 2008 (séance du 23 octobre 2008), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 59 voix pour, 2 voix contre et 4 abstentions.

1.   Résumé

1.1.   Le CESE apporte un soutien clair à la recommandation de la Commission européenne relative à l’établissement d’un cadre européen de référence pour l’assurance de la qualité dans l’enseignement et la formation professionnels (ci-après CERAQ). En effet, un enseignement et une formation professionnels (EFP) d'un haut niveau de qualité constituent un élément essentiel et une partie intégrante de la stratégie de Lisbonne révisée, conçue pour promouvoir une société fondée sur la connaissance (1), l'inclusion et la cohésion sociales, la mobilité, l'aptitude à l'emploi et la compétitivité.

1.2.   Si le CESE estime que le CERAQ pourrait, s'il était mis en œuvre, contribuer à consolider la dimension européenne de l'enseignement et de la formation professionnels, à renforcer la mobilité des apprenants et des travailleurs, et à améliorer la transparence et la confiance mutuelle au sein des systèmes éducatifs des pays membres comme entre ces différents systèmes. Le CERAQ aiderait également à résoudre les problèmes de chômage qui se posent actuellement, en s'attaquant à l'inadéquation qui existe entre les qualifications de la main-d'œuvre et les besoins du marché de l'emploi.

1.3.   Le CESE est d'avis que le CERAQ est utile en ce qu'il place un accent particulier sur l'amélioration et l'évaluation des «résultats» et des «acquis» de l'EFP à l'aune des trois priorités politiques essentielles de l'UE, à savoir: l'amélioration de l'employabilité, celle de l'adéquation entre la demande et l'offre de formation, et la promotion d'un meilleur accès à la formation tout au long de la vie (surtout pour les groupes vulnérables).

1.3.1.   Le Comité invite la Commission à continuer de se focaliser sur les utilisateurs finaux, les apprenants, les travailleurs et les institutions, qu'il s'agisse de fournisseurs d'EFP ou d'entreprises. Les groupes susceptibles d'être exclus du système éducatif et du marché de l'emploi (par exemple les jeunes en décrochage scolaire, les jeunes et les travailleurs âgés confrontés à des taux de chômage élevés, les personnes présentant des besoins spéciaux, les personnes issues de l'immigration, etc.) et la question de leur (ré)intégration dans la formation devraient bénéficier d'une attention particulière.

1.4.   Le CESE est d'avis que les résultats obtenus par le passé (2) dans le domaine de la coopération européenne en matière d'assurance de la qualité dans l’enseignement et la formation professionnels forment une base adéquate pour poursuivre les travaux en cours et aller de l'avant. Un engagement sérieux de la part du Parlement européen et du Conseil en faveur du CERAQ aidera considérablement à diffuser le plus largement possible la culture de l'amélioration constante de la qualité (3). Cela pourra également inspirer et promouvoir la mise en œuvre du CERAQ au niveau des États membres.

1.5.   Le CESE accueille favorablement l'engagement fort des États membres en faveur du développement constant de la qualité de l'EFP. Actuellement, cet engagement se matérialise dans la coopération active et le travail commun fructueux entrepris depuis plusieurs années par 23 pays dans le cadre du Réseau européen pour l’assurance de la qualité dans l’EFP, créé en 2005 dans le but de garantir la durabilité à long terme du processus.

1.5.1.   Le Comité recommande à la Commission européenne d'étudier la manière (dans quels domaines, de quelle façon et avec quels instruments pratiques) dont ce réseau pourrait, en s'appuyant sur les Points de référence nationaux pour l’assurance qualité, favoriser et soutenir encore plus effectivement et efficacement la mise en œuvre du CERAQ dans les États membres, un processus que se poursuivra jusqu'en 2010 (voire au-delà?).

1.6.   Le CESE est d'avis qu'il est d'une importance vitale de veiller à la cohérence entre le CERAQ et les autres initiatives européennes basées sur la confiance mutuelle, telles que le Cadre européen des certifications (CEC) (4) et le Système européen de crédits pour l’enseignement et la formation professionnels (ECVET) (5). Il serait nécessaire, pour que la démarche soit encore plus profitable à toutes les parties et que les synergies se voient renforcées et afin de créer les conditions de l'accréditation et du transfert des qualifications à travers l'Europe, d'harmoniser davantage les actions et de déterminer les corrélations entre ces outils de référence européens communs, tant au niveau européen que national.

1.7.   L'enseignement et la formation professionnels constituent un bien public et il est essentiel, pour le bien des citoyens et de la société dans son ensemble, d'en contrôler la qualité. Ce contrôle devrait être suivi et mis en œuvre par des organismes publics dont la qualité devrait elle-même être assurée. Le CESE estime que le rôle de ces organismes – désignés, dans la plupart des États membres, par le gouvernement – est d'une importance fondamentale et recommande à la Commission de le renforcer.

1.8.   Le CESE encourage tous les acteurs du secteur de l'EFP — établissements, employeurs, syndicats, organisations sectorielles, chambres de commerces, organismes industriels ou professionnels, services à la main-d'œuvre, organismes régionaux, organisations de l'économie sociale, etc. — à assumer chacun ses propres responsabilités et à contribuer à la réalisation réussie des objectifs communs. La coopération du bas vers le haut dans le domaine de l'assurance de la qualité dans l'EFP devrait être intensifiée à chaque étape des travaux.

1.8.1.   Le CESE lance un appel pour une participation plus active de la société civile organisée et rappelle à la Commission européenne la nécessité de coopérer étroitement avec la société civile dans le domaine de l'assurance de la qualité de l'EFP, afin que le système devienne plus inclusif et puisse se baser sur les réseaux existants et les expériences positives. C'est le manque de dialogue et de coopération qui entrave aujourd'hui l'introduction réussie d'une telle culture de la qualité dans de nombreux pays.

1.8.2.   Le CESE estime que les partenaires sociaux devraient, en tant que principaux acteurs du marché du travail, avoir un rôle important à jouer dans la réalisation des quatre principaux objectifs dans le domaine de l'EFP (mobilité, accessibilité, attractivité et inclusion sociale), ainsi qu'un rôle central dans la définition et le contrôle de la qualité des systèmes d'enseignement et de formation professionnels, tant au niveau européen que national. Seule une participation active des partenaires sociaux permettra au système d'être adaptable aux marchés de l'emploi en mutation, une condition préalable à toute approche de qualité en matière d'EFP.

2.   Introduction

2.1.   Compte tenu de la diversité et de la complexité des systèmes d'EFP et des approches en matière de qualité tant au sein des États membres qu'entre eux, il importe de définir des points de référence communs en vue de garantir la transparence, la cohérence et la portabilité entre les nombreux courants de politiques et développements pratiques à travers l'Europe. Cela permettra d'accroître la confiance mutuelle.

2.2.   Au terme d'un long processus d'élaboration et de consultation, la Commission européenne a déposé une proposition de recommandation du Parlement européen et du Conseil sur l'établissement d'un cadre européen de référence pour l’assurance de la qualité dans l’EFP.

2.3.   La recommandation vise à soutenir les efforts déployés dans les États membres en vue d'améliorer constamment la qualité des systèmes et des programmes d'EFP en mettant en œuvre un outil de référence européen commun, un cadre d'assurance et d'évaluation de la qualité, le CERAQ.

2.4.   La principale fonction du CERAQ est de fournir des références transnationales communes qui aideront les États membres et les parties prenantes à documenter, développer, contrôler, évaluer et améliorer l’efficacité de leur offre d’EFP et de leurs pratiques en matière de gestion de la qualité.

2.5.   Le point de vue du CESE sur la proposition de la Commission a été façonné essentiellement sur la base du savoir qu'il possède et des expériences qu'il a engrangées (6).

3.   Observations du CESE

3.1   Le Comité partage l'avis de la Commission selon lequel des critères de référence communs en matière d'assurance de la qualité sont indispensables si nous voulons fixer et atteindre des objectifs communs dans le cadre de la politique européenne en matière d'EFP.

3.2.   Le CESE accueille favorablement et souligne les éléments positifs de la proposition de la Commission relative au CERAQ: l'engagement volontaire des États membres à recourir au CERAQ, son adaptabilité aux différents systèmes nationaux, conformément à la législation et à la pratique nationales, et la nécessité de prendre aux niveaux national, régional et/ou local les décisions concernant sa mise en œuvre.

3.3.   Le CERAQ se base sur le cadre commun d'assurance de la qualité (CCAQ), lui-même basé sur les meilleures pratiques des États membres, et le perfectionne. Le CESE se félicite que les améliorations apportées aient permis une simplification du CERAQ par rapport au CCAQ. Il juge également positif que les critères qualitatifs et les descripteurs indicatifs communs soient plus concrets et plus clairs, ce qui, dans une large mesure, pourra faciliter l'interprétation, la compréhension et l'application par les États membres.

3.4.   Le CESE estime que les critères d'assurance de la qualité et les descripteurs indicatifs nouveaux et modernes, repris dans l'annexe 1 de la recommandation et développés par voie de consensus, font du CERAQ un outil précieux de l'amélioration constante de la qualité de l'EFP au niveau européen et à celui des États membres. En effet, ces critères qualitatifs et ces descripteurs indicatifs, qui reflètent des aspects fondamentaux du travail réalisé en matière de qualité de l'EFP, permettent la planification consciente, la mise en œuvre, l'évaluation et la poursuite du développement des activités entreprises en matière d'assurance de la qualité au niveau national et institutionnel (les fournisseurs d'EFP). Ils permettent également que des mesures soient prises en vue d'améliorer la transparence et la cohérence entre les initiatives et les actions politiques des différents États membres dans ce domaine.

3.5.   En matière de qualité de l'EFP, le CESE juge particulièrement important que la Commission européenne dispose de données fiables, reposant sur des faits objectifs, s'agissant du degré de réalisation des objectifs convenus en fonction des trois principales priorités politiques liées à la qualité de l'EFP (cf. le paragraphe 1.3). Pour cette raison, le Comité se félicite que la Commission fasse, dans l'annexe 2 de la recommandation, une proposition relative à un premier groupe d'indicateurs communs au niveau systémique, portant sur la mesure et l'évaluation de la qualité de l'EFP au niveau national.

3.6.   Les indicateurs sont indispensables à la bonne administration et à la qualité des systèmes d'EFP, étant donné qu'ils soutiennent l'élaboration d'une politique basée sur des faits et des données fiables («evidence based policy making») et favorisent l'analyse comparative entre les pays. Il convient toutefois de veiller — et le CESE souhaite vraiment attirer l'attention de la Commission sur ce point — à harmoniser ou à normaliser dans les États membres les méthodes de collecte et de compilation de données pour les indicateurs du CERAQ (définition, interprétation, mode de calcul uniques) dans le but d'accroître la fiabilité et la comparabilité des données.

3.7.   Le CESE estime particulièrement important d'encourager les acteurs de l'EFP à différents niveaux à procéder systématiquement à une autoévaluation (dans la mesure des possibilités, en combinaison avec une évaluation externe par une tierce partie indépendante, par exemple dans le cadre de la procédure régulière d'évaluation par des pairs au niveau européen). Le traitement des points identifiés au cours de l'autoévaluation permettra d'offrir une prestation de formation d'un haut niveau de qualité, répondant donc le mieux possible aux attentes et aux intérêts des partenaires impliqués (tant les personnes en formation que les employeurs). L'autoévaluation génère un retour d'informations régulier sur la satisfaction des partenaires par rapport à la prestation de formation et des services d'enseignement, sur les besoins du marché de l'emploi et sur les aptitudes et les compétences acquises par les travailleurs au cours de la formation.

3.8.   Une spécificité du CERAQ qui lui confère une valeur ajoutée essentielle est qu'il encourage l'application de critères qualitatifs, de descripteurs indicatifs et d'indicateurs communs, et qu'il promeut une amélioration qualitative sur la base d'une autoévaluation régulière, tant dans les systèmes d'EFP, qu'au niveau des prestataires et des établissements d'EFP. Le CESE souhaiterait attirer l'attention des parties prenantes sur le fait qu'une amélioration qualitative ne sera possible au niveau systémique dans chaque pays que si l'introduction du CERAQ ne se limite pas aux établissements d'éducation et de formation, mais s'étend au niveau des systèmes d'EFP (gestion de l'enseignement et de la formation professionnels). En outre, le recours à des critères qualitatifs, des descripteurs indicatifs et des indicateurs communs permet aussi de rendre comparables les pratiques en matière de gestion et de prestation d'EFP en vigueur dans l'Union européenne.

3.9.   Le CESE aimerait rappeler à la Commission que l'élément le plus important en vue d'une réalisation réussie des objectifs communs est un engagement effectif de la part des États membres en faveur de l'application et de la mise en œuvre du CERAQ. Cela devrait prendre la forme d'une traduction en objectifs spécifiques et initiatives pratiques des différents principes fondamentaux, critères de qualité et autres descripteurs indicatifs européens communs repris dans le cadre de référence, et de la concrétisation cohérente de ces objectifs et de ces mesures.

3.10.   Le Comité invite la Commission à encourager et à soutenir l'application du CERAQ, ainsi que son amélioration constante au niveau européen et national. À cette fin, la Commission devrait à l'avenir trouver les moyens de financer les programmes concernés et également de sensibiliser ses partenaires qualité actuels ou à venir aux possibilités de financement existant à tous les niveaux. Elle devrait aussi collaborer plus étroitement avec le Réseau européen pour l’assurance de la qualité dans l’EFP dans sa tâche de réajustement et d'amélioration continus des principes et des critères qualitatifs, des descripteurs indicatifs et des indicateurs communs.

3.11.   Le CESE se félicite de ce que la proposition contienne une garantie de qualité importante en prévoyant un contrôle régulier — tous les trois ans — et une évaluation de la manière dont le CERAQ est introduit au niveau national. Les résultats de ces évaluations pourront contribuer ultérieurement à celle du cadre de référence au niveau européen. Le Comité estime que les évaluations devraient se focaliser sur l'incidence concrète du CERAQ sur la qualité de l'enseignement et de la formation professionnels dans chaque pays membre et au niveau européen, sur la mise en évidence des domaines dans lesquels des développements et des améliorations ont eu lieu, et sur les changements dans la mise en œuvre et leur portée.

3.12.   Le CESE recommande de diffuser l'information à grande échelle et d'améliorer la communication relative au CERAQ afin d'atteindre un maximum de participants et d'acteurs potentiels. Il serait également opportun d'élaborer une stratégie et un plan de communication afin de faire connaître et de souligner les avantages et les résultats escomptés de l'application du CERAQ à tous les niveaux, mais plus particulièrement à celui des prestataires (établissements) d'EFP. Pour assurer une information efficace, les efforts doivent être fournis à plusieurs échelons: les niveaux européen et national d'une part, et le niveau du système et celui des prestataires d'EFP d'autre part. S'agissant des activités de communication au niveau européen, l'ENQA VET peut jouer un rôle considérable aux côtés de la Commission. Au niveau national, cette tâche pourrait être assurée par les Points de référence nationaux pour l’assurance qualité.

3.13.   Conformément à son avis antérieur consacré à la formation et à la productivité (7), le CESE souhaite à nouveau insister sur la nécessité de mettre en place une coordination plus étroite entre les différents niveaux des systèmes d'enseignement et de formation à l'échelon européen et national s'agissant de l'apprentissage tout au long de la vie. Celui-ci requiert également des approches cohérentes en matière d'assurance et d'évaluation de la qualité dans les secteurs de l'enseignement et de la formation.

3.14.   Le CESE est convaincu que l'EFP devraient être développés en tant que partie intégrante et essentielle de l'apprentissage tout au long de la vie. Il est essentiel de garantir un lien étroit entre l'EFP et les niveaux d'enseignement d'où vient l'intéressé ou vers lesquels il s'oriente, surtout l'enseignement général et l'enseignement supérieur. Les différentes catégories d'âge — y compris celle des jeunes enfants — devraient pouvoir bénéficier des possibilités et des infrastructures de développement nécessaires et être évaluées en tenant compte des cycles de vie.

3.14.1.   L'évaluation de la qualité devrait s'appliquer à toutes les formes d'enseignement et à tous les types d'établissement d'enseignement en commençant par le niveau accueillant la petite enfance, étant donné l'importance de l'enseignement dispensé à ce stade particulier pour ce qui est d'améliorer les futures performances universitaires et professionnelles. Elle devrait également s'appliquer à l'enseignement primaire, afin de veiller à ce que les élèves acquièrent les compétences de base avant de passer au degré supérieur. L'évaluation de l'EFP sera moins crédible et moins efficace si elle ne s'intéresse qu'à la période de la formation professionnelle sans prendre en considération les résultats acquis dans l'enseignement général, qui sont déterminants pour les résultats ultérieurs et la carrière professionnelle. Le CESE estime qu'il est important pour la Commission d'examiner les relations qui existent entre les différents niveaux de formation, en tenant compte des retombées et des circonstances extérieures à l'enseignement, et également la manière dont ces niveaux influencent, conjointement, la qualité de l'EFP.

3.14.2.   Le CESE souhaiterait mettre en avant la nécessité de renforcer les liens entre l'assurance de la qualité et l'évaluation de la qualité dans l'enseignement et la formation professionnels ainsi que dans l'ensemble des secteurs liés à l'éducation, en vue d'améliorer la communication et donc d'accroître la confiance mutuelle et de trouver une perspective commune pour l'assurance de la qualité et des développements conjoints. Le Comité se réjouit de ce que la coopération en matière d'assurance de la qualité ait commencé avec l'enseignement supérieur et suggère de la poursuivre et de la renforcer. En outre, la mise en œuvre du CEC nécessite la cohérence entre les approches d'assurance de la qualité, surtout entre l'EFP et l'enseignement supérieur, la promotion de l'apprentissage tout au long de la vie étant un thème commun à ces deux secteurs.

Bruxelles, le 22 octobre 2008.

Le Président

du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  Stratégie de Lisbonne (2000).

(2)  Conclusions du Conseil sur l'assurance de la qualité dans l'enseignement et la formation professionnels (28 mai 2004).

Déclaration de Copenhague (30 novembre 2002), «Promouvoir la coopération en matière d'assurance de la qualité, en mettant l'accent sur l'échange de modèles et de méthodes ainsi que sur des critères et principes communs en ce qui concerne la qualité dans l'éducation et la formation professionnels».

Communiqué de Maastricht (14 décembre 2004), communiqué d'Helsinki (5 décembre 2006).

(3)  Communiqué d'Helsinki (5 décembre 2006).

(4)  Recommandation du Parlement européen et du Conseil établissant le cadre européen des certifications.

(5)  Établissement d'un système européen de crédits d’apprentissages pour l’enseignement et la formation professionnels.

(6)  Voir les avis suivants du CESE:

Avis sur la «Proposition de recommandation du Parlement européen et du Conseil établissant le cadre européen des certifications pour l’apprentissage tout au long de la vie», rapporteur: M. RODRÍGUEZ GARCÍA-CARO (JO C 175 du 27.7.2007)

Avis sur la «Proposition de recommandation du Parlement européen et du Conseil sur les compétences clés pour l'éducation et la formation tout au long de la vie», rapporteuse: Mme HERCZOG (JO C 195 du 18.8.2006)

Avis sur la «Proposition de recommandation du Parlement européen et du Conseil relative à la mobilité transnationale dans la Communauté à des fins d'éducation et de formation: Charte européenne de qualité pour la mobilité», rapporteur: M. CZAJKOWSKI (JO C 88 du 11.4.2006)

Avis sur la «Proposition de recommandation du Conseil et du Parlement européen concernant la poursuite de la coopération européenne visant la garantie de la qualité dans l'enseignement supérieur», rapporteur: M. SOARES (JO C 255 du 14.10.2005)

Avis sur le thème «Formation et productivité», rapporteur: M. KORYFIDIS (JO C 120 du 20.5.2005).

(7)  Voir l'avis du CESE sur le thème «Formation et productivité», rapporteur: M. KORYFIDIS (JO C 120 du 20.5.2005).


30.4.2009   

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C 100/140


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de recommandation du Parlement européen et du Conseil établissant le système européen de crédits d’apprentissages pour l’enseignement et la formation professionnels (ECVET)»

COM(2008) 180 final — 2008/0070 (COD)

2009/C 100/25

Le 23 avril 2008, le Conseil a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur le thème

«Établissement d'un système européen de crédits d’apprentissages pour l’enseignement et la formation professionnels (ECVET)»

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 11 septembre 2008 (rapporteuse: Mme LE NOUAIL-MARLIÈRE).

Lors de sa 448e session plénière des 22 et 23 octobre 2008 (séance du 22 octobre 2008), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 109 voix pour, 0 voix contre et 1 abstention.

1.   Introduction

1.1.   La présente proposition de Recommandation est une proposition de Système européen commun de Certifications en vue de faciliter les Transferts et la Reconnaissance des qualifications pour la Mobilité des Travailleurs.

1.2.   L’éducation et la formation sont parties intégrantes de la stratégie de Lisbonne, le programme européen de réforme qui doit permettre de répondre aux défis de la société du savoir et de l’économie. Plus spécifiquement, le développement de savoirs, de compétences et de savoir faire de la part des citoyens, par le biais de la formation et de l’éducation, est une condition nécessaire et indispensable pour atteindre les objectifs de Lisbonne en matière de compétitivité, de développement, d’emploi et de cohésion sociale.

1.3.   Si des progrès ont été réalisés, les enjeux fixés n’ont pas été atteints, notamment en ce qui concerne la formation tout au long de la vie et la mobilité des travailleurs, domaines dans lesquels de nombreuses barrières subsistent. Ces insuffisances font clairement apparaître la nécessité de développer des outils et des mécanismes de coopération qui facilitent la participation à la formation tout au long de la vie et le transfert des qualifications entre les différents États, les institutions et les systèmes. Accroître la transparence au niveau des qualifications est une étape indispensable pour mettre en œuvre une telle stratégie et pour développer les savoirs, savoir-faire et les compétences nécessaires pour les travailleurs et les citoyens d’Europe, ainsi que toute partie prenante concernée (organismes de formation notamment).

1.4.   Le système ECVET (1) qui s’adresse aux citoyens devrait favoriser la reconnaissance des apprentissages de leur formation tout au long de la vie et de manière transnationale. Ce système est construit sur les pratiques et les systèmes existants en Europe et repose sur les éléments suivants:

une description des qualifications en unités d’apprentissage (savoirs, savoir faire et compétences) transférables et cumulables,

une construction dans la transparence des mécanismes de transfert et de capitalisation des apprentissages et leur validation,

une instauration de partenariats entre les institutions afin de créer un environnement permettant le transfert et instaurant un espace d’apprentissage transnational.

2.   Observations générales

2.1.   L’évaluation de l’impact fait apparaître que le système ECVET est un instrument qui facilite la transparence, la comparaison, le transfert et l’accumulation des acquis de l’apprentissage entre différents systèmes. Il ne requiert pas une plus grande atomisation des qualifications et ne propose pas l’harmonisation de celles-ci ni des systèmes de formation. Il appuie et renforce les instruments existants permettant la mobilité [ECTS (2) et EQF) (3)]. Il peut à terme contribuer aux nécessaires réformes des systèmes de formation nationaux en vue de la mise en place de la formation tout au long de la vie. À ce titre, ECVET donne de la valeur ajoutée dans le domaine de la mobilité et de la formation tout au long de la vie.

2.2.   Néanmoins il ne faut pas minimiser les difficultés qui existent au niveau de ces instruments. Même si EQF a pour objectif la comparaison transnationale, les systèmes nationaux doivent être conçus et organisés d’une manière qui permette la compréhension et la confiance des partenaires dans les autres États. Il appartiendra à la Commission de bien fixer les critères permettant d’assurer la pertinence, la transparence, la comparaison et d’inspirer une confiance réciproque des partenaires. De même si EQF a été instauré en vue de créer une comparaison et une transposition volontaire des qualifications au niveau européen, national et sectoriel, il ne faut pas sous estimer la complexité des systèmes existants. Dès lors, Il faut renforcer les outils qui permettent d’aller vers une plus grande transparence et de bien maîtriser les étapes nécessaires pour arriver à la mise en place de diplômes ou de certificats en 2012.

2.3.   Il est également à souligner que le système ECVET ne se substitue pas aux autres politiques en vigueur au sein de l’Union européenne et notamment la directive 2005/36/CE relative aux travailleurs migrants. Mais d’un autre côté, il ne renforce pas les nécessaires liens avec les programmes européens existants qui prévoient notamment, en ce qui concerne les régions les moins développées de l'UE, que le FSE finance des activités de mise en œuvre de réformes des systèmes d'éducation et de formation, de manière à sensibiliser davantage les personnes à l'importance des besoins de la société de la connaissance, et notamment le besoin d'éducation et de formation tout au long de la vie, et à améliorer l'accès à une éducation de qualité.

2.4.   Le système ECVET qui met en place un processus permanent requiert un engagement durable de tous les acteurs et une synergie entre les initiatives qui soient adaptés aux niveaux européens, nationaux ou sectoriels. Malheureusement, il ne prévoit pas expressément une valorisation des avancées ou des innovations (bonnes pratiques) qui soit aussi génératrice d’une dynamique auprès des acteurs et partenaires potentiels en vue de l’évaluation prévue en 2012.

2.5.   Même si le Comité a bien noté que les consultations à tous les niveaux et d’un grand nombre d’acteurs publics et privés a permis d’établir un langage commun, l’utilisation systématique d’un certain nombre d’acronymes — dans les propositions, communications, recommandations, études d’impact, rapports commandées par la Commission conduit à un mélange des acronymes et une confusion qui n’est pas de bon augure pour l’objectif poursuivi. Une abréviation, un sigle, un acronyme ou un slogan qui font sens dans une langue peuvent ne rien représenter dans une autre, voire véhiculer une image tout à fait négative. D’autre part cet usage peut limiter l’entrée de nouveaux organismes de formation et dissuader les publics cibles de s’intéresser à ce qui était conçu pour faciliter les transferts entre systèmes de formation professionnelle nationaux, et non pour les rendre plus opaques. De même, le Comité préconise que cet effort poursuivi en vue d’harmoniser et de rendre compatible ces systèmes de formation professionnelle avec la formation tout au long de la vie, tienne compte des aspects linguistiques, et des efforts poursuivis par ailleurs par la Commission.

2.6.   La Commission devra veiller à ce que l’objectif de rendre «possible pour chacun d’effectuer sa formation dans différents établissements de formation et dans différents pays, ce qui favorisera la mobilité des apprenants à travers toute l’Europe, réalisation d’autant plus remarquable qu’il existe plus de 30 000 établissements de formation professionnelle dans l’Union européenne …» (4) ne se fasse au détriment de la diversité linguistique d’une part, et de la qualité de l’enseignement linguistique mise en avant par la Commission d’autre part.

3.   Observations particulières

3.1.   Le choix de la Commission de proposer la mise en place du système ECVET, par la voie législative d’une recommandation du Parlement Européen et du Conseil, par le biais de l’article 150 du Traité, construit un cadre qui permet la mise en œuvre des principes contenus dans ECVET tout en s’appuyant sur une approche volontaire. Cette façon de procéder renforce le processus de consultation qui a été mis en place et qui a permis une large confrontation des avis des différents acteurs, dont les partenaires sociaux.

3.2.   L’approche volontaire, même si elle présente des lacunes, permet de renforcer la coordination entre la Commission, les partenaires sociaux et les États membres dans le but de bien identifier les problèmes qui vont se poser et surtout de développer les innovations et les solutions les plus adaptées. Ce processus permet d’envisager une mise en œuvre opérationnelle et plus efficace d’un ECVET qui soit une réelle plus value européenne pour les citoyens et les travailleurs d’Europe, au niveau de la reconnaissance des compétences, favorisant ainsi la formation tout au long de la vie et la mobilité.

3.3.   L’ambition affirmée de la Commission de réaliser une évaluation et une publicité des avancées en vue de mettre en place une évolution et une révision permanente du système ECVET en vue de son adaptation, semble un gage de coopération. Il est souhaitable que les différents acteurs et notamment les usagers ou leurs représentants soient largement associés à l’évaluation et à la réalisation du rapport prévu dans le texte.

3.4.   La volonté de la Commission à soutenir et promouvoir la mobilité transnationale et l’accès à l’apprentissage tout au long de la vie dans le domaine de l’enseignement et de la formation professionnelle doit aussi se traduire par une affirmation consolidée des principes sous entendus dans la Recommandation, concernant la place et le rôle des acteurs:

Les utilisateurs finaux sont les apprenants volontaires pour faire valider leurs acquis en vue d’une certification reconnue,

Le système de certifications basé sur une reconnaissance des acquis au moyen d’unités de crédits constituées de points doit leur garantir l’impartialité et viser l’égalité d’accès et non constituer des obstacles supplémentaires ou des critères de sélections,

La coopération européenne en matière d’éducation et de formation initiale et tout au long de la vie est nécessaire pour créer les conditions de la transparence et de la reconnaissance au niveau des qualifications,

Des réseaux et des partenariats devraient être mis en place, spécifiquement axés sur le système ECVET, en vue de développer de nouveaux outils et de nouvelles pratiques en ce qui concerne les contrats pédagogiques et le transferts des crédits,

La Commission devrait veiller à ce que les normes en voie d’être adoptées permettent le traitement équitable non seulement des apprenants, mais des organismes de formation. Des études récentes (5) montrent encore que les publics qui bénéficient le plus des formations tout au long de la vie sont les publics déjà les plus diplômés. Et que les publics sortis avec le plus bas niveau de diplômes ou non diplômés bénéficient le moins de la formation tout au long de la vie. Les raisons en sont diverses, mais cet écueil devrait être évité pour les certifications et la Commission doit veiller à ce que le système de certifications inclut aussi les publics les moins favorisés en terme de certifications,

À cet égard, de nombreux organismes de formation (associations et organisations) spécialisés dans leur action auprès de ces derniers, et qui avaient accumulé une expérience concrète de longue date, ont été écartés du marché de «l’offre», dans certains États membres, à une époque récente, parce que bien souvent les économies à réaliser à court terme l’ont été au détriment des publics les moins «rentables» Cette expérience devrait être revalorisée humainement et financièrement, tout particulièrement dans les domaines de la culture, de l’économie sociale et de l’éducation populaire, qui constituent souvent les sas d’entrée à la formation professionnelle pour ces publics.

3.5.   Pour tendre vers un système de certification européen au moyen de coopérations renforcées, on élabore des normes communes. Ceci est particulièrement délicat pour ce qui concerne les acquis d’apprentissage dits informels. Les normes à atteindre devraient être mises au point et étudiées en suivant les critères proposées notamment par le Cedefop dans son rapport (voir note infra) et en consultant les organismes qui ont acquis une expérience solide et inclusive (dont les succès ne sont pas basés sur l’élimination et la sélection à l’entrée des formations certifiantes).

3.6.   La Commission devrait prendre en compte sa propre Communication sur «un plan d’action sur l’éducation et la formation des adultes» (6), qui permettrait d’inclure plus rapidement le plus grand nombre possible de personnes en tirant le curseur vers ceux qui en ont le plus besoin, publics non seulement vulnérables ou désavantagés, mais qui devraient être prioritaires pour des raisons sociales et humaines d’inclusion, de cohésion économique et territoriale (7).

3.7.   Les annexes 1 et 2 de la présente Recommandation, inspirées des recommandations du Cedefop (8) sont des éléments importants pour la réussite du système ECVET, elles concourent à la transparence et à la cohérence tout en fixant des principes pour un développement à tous les niveaux. Elles devraient faire l’objet d’une explicitation, d’un accompagnement et d’une publicité renforcée en vue de garantir la pérennité et la durabilité du système.

3.8.   L’établissement d’un répertoire commun et d’un champ commun de désignation des objets pédagogiques dans le contexte de pré-consultation et consultation de la Commission, qui constituent un progrès ne doit pas faire perdre de vue que l’éducation ne ressort pas du champs des services marchands et doit bien au contraire rester un service de base accessible au plus grand nombre possible, garanti à la fois par les investissements publics et la cohésion politique, tant au plan national qu’au plan des négociations dans l’OMC, si l’on veut garder le sens de la compétitivité européenne, au sens large (intérêt général).

3.9.   Si l’on veut être cohérent, l'objectif emploi décent et éducation de qualité doivent aller de pair comme gages de compétitivité, et un système européen de certifications doit continuer de se faire en concertation entre les États membres, les partenaires sociaux à tous les niveaux, les personnes concernées par les validations, qui doivent en tant que destinataires, rester au centre de ces objectifs. Les objectifs devraient rester lisibles et clairs pour l’ensemble des bénéficiaires: reconnaissance des acquis en termes de compétences, transférabilité, mobilité géographique et professionnelle, et pour ce qui concerne les opérateurs: reconnaissance et accès aux financements d’intérêt général. Un système européen de certification peut accroître l’employabilité et la mobilité s’il est construit autour de ces préoccupations: garder les opérateurs les plus performants (expérience; nombre de validations réussies; qualité des validations; reconnaître l’expérience acquise des opérateurs (organisations et associations) qui ont éprouvé concrètement des méthodes à l’épreuve du réel; donner la priorité et retrouver la confiance des opérateurs qui ont été écartés (aide aux migrants, soutien aux Roms, alphabétisation des adultes, soutien linguistique …).

3.10.   Le Comité rappelle que les salariés actuellement les plus concernés par la mobilité sont les salariés masculins détachés dans les secteurs des services de la Construction et du bâtiment, viennent ensuite les services informatiques et des nouvelles technologies, puis le tourisme, les transports, etc.

3.11.   Le système ECVET étant spécifiquement dédié à la formation professionnelle initiale et continue, à la reconnaissance et à la validation des acquisitions formelles (enseignement) et non formelles (expérience professionnelle), le Comité recommande que le système de certifications accorde une attention particulière à la formation tout au long de la vie et à la reconnaissance des acquis des travailleurs détachés (9).

3.12.   Le bilan prévu dans quatre ans devrait inclure dans son processus, une dissémination large au niveau des États membres, pilotée par la commission européenne en vue d’ancrer le système dans les évolutions des systèmes actuellement existants et dans la société civile.

Bruxelles, le 22 octobre 2008.

Le Président

du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  Acronyme retenu pour «European Credits System for Vocational Education and Training».

(2)  Système de transfert de crédits pour l'enseignement supérieur.

(3)  Cadre européen des certifications pour l'éducation et la formation tout au long de la vie.

(4)  IP 08/558 Communiqué de la Commission.

(5)  Progresser dans la réalisation des objectifs de Lisbonne en matière d'éducation et de formation, indicateurs et critères de référence, 2007 SEC(2007) 1284. Étude du NIACE sur la participation des adultes à l'apprentissage, «Évaluer le coût» janvier 2008. Le NIACE est l'institut national de la formation continue des adultes au Royaume Uni.

(6)  Avis du CESE sur la «Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: Plan d'action sur l'éducation et la formation des adultes. C'est toujours le moment d'apprendre», rapporteuse: Mme HEINISCH, (JO C 204, du 9.8.2008, p. 89).

(7)  Avis du CdR du 19.6.2008 sur le «Plan d'action sur l'éducation et la formation des adultes — C'est toujours le moment d'apprendre», rapporteure: Mme SHIELDS. Avis adopté lors de la session plénière des 18 et 19 juin 2008.

(8)  Créé en 1975 par le règlement (CEE) no 337/75 du Conseil, le Centre européen pour le développement de la formation professionnelle est le centre de référence de L’Union européenne pour la formation et l'enseignement professionnel. Rapport de Erwin SEYFRIED — FHVR-FBAE de Berlin (Ecole supérieure d’administration publique et d’administration de la justice — Centre de recherche sur la formation professionnelle, le marché du travail et l’évaluation/Fachhochschule für Verwaltung und Rechtspflege — Forschungsstelle für Berufsbildung, Arbeitmarkt und Evaluation, Berlin) pour CEDEFOP: Panorama: Indicateurs de qualité dans l’enseignement et la formation professionnels.

(9)  Avis du CESE sur la «Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions intitulée Détachement de travailleurs dans le cadre de la prestation de services: en tirer les avantages et les potentialités maximum tout en garantissant la protection des travailleurs», rapporteuse: Mme LE NOUAIL-MARLIÈRE (JO C 224 du 30.8.2008, p. 95).


30.4.2009   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/144


Avis du Comité économique et social européen sur une «Proposition modifiée de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé pour l'utilisation par les travailleurs au travail d'équipements de travail»

COM(2008) 111 final — 2006/0214 (COD)

2009/C 100/26

Le 4 juin 2008, le Conseil de l'Union européenne a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur le thème

«Proposition modifiée de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé pour l'utilisation par les travailleurs au travail d'équipements de travail».

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 11 septembre 2008 (rapporteur unique: M. Verboven).

Lors de sa 448e session plénière des 22 et 23 octobre 2008 (séance du 22 octobre 2008), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 102 voix pour, 0 voix contre et 4 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.   Le Comité approuve l’essentiel de la proposition à l'examen, appelle la Commission à tenir compte des réserves soulevées et à modifier le texte des considérants en conséquence et souhaite que la proposition soit rapidement approuvée par le Parlement et le Conseil (1).

2.   Exposé des motifs

2.1.   Résumé de la proposition de la Commission

2.1.1.   L'objet de la présente proposition est de procéder à la codification de la directive 89/655/CEE du Conseil du 30 novembre 1989 concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé pour l'utilisation par les travailleurs au travail d'équipements de travail. La nouvelle directive se substituera aux divers actes qui y sont incorporés (2); selon la Commission, elle en préserve totalement la substance et se borne à les regrouper en y apportant les seules modifications formelles requises par l'opération même de codification.

2.2.   Observations

2.2.1.   Le respect de règles de santé et de sécurité lors de l’utilisation des équipements de travail constitue un aspect important des mesures de prévention. Depuis 1989, ces règles font l’objet d’une harmonisation minimale. La directive du 30 novembre 1989 a été modifiée à plusieurs reprises de manière à couvrir un nombre majeur de situations de travail (principalement le travail en hauteur) et à intégrer une approche élargie de la santé au travail en se référant aux principes ergonomiques. L'adoption de la directive 2007/30/CE a également modifié la manière dont les États membres rédigent les rapports nationaux concernant l'application de la législation communautaire en santé et sécurité. Ces différentes révisions peuvent entraîner des difficultés pour les destinataires de cette législation.

2.2.2.   Une codification ne devrait entraîner aucune modification de caractère substantiel tant en ce qui concerne les articles des directives que leurs annexes et leurs considérants. Ces différents types de dispositions d'une directive constituent un ensemble cohérent et interdépendant. Même si les considérants ne constituent pas par eux-mêmes des dispositions contraignantes, ils n'en contribuent pas moins à faciliter l'interprétation des dispositions contraignantes et ils permettent par là aux États membres de disposer de critères pour une application cohérente. Le Comité, après examen de la proposition, estime que le texte à l'examen respecte ce principe fondamental dans la codification des articles et des annexes mais qu'il s'en écarte en ce qui concerne les considérants:

Le Comité constate que les considérants (7), (8), (9), (10) et (11) de la directive 2001/45/CEE ainsi que le considérant (9) de la directive 89/655/CEE n'ont pas été inclus dans la codification;

En particulier, les considérants (10) et (11) de la directive 2001/45/CEE attiraient l’attention sur la nécessaire formation spécifique des travailleurs appelés à utiliser des équipements pour des travaux en hauteur. Le Comité souhaite que la proposition de codification n’omette pas une telle recommandation dans ses considérants;

le Comité considère que la présente proposition devrait être soumise à la consultation du Comité consultatif pour la sécurité et la santé sur le lieu de travail en vertu de la décision 2003/C 218/01 du Conseil du 22 juillet 2003. Une telle consultation devrait être mentionnée dans les attendus de la directive conformément à la pratique suivie jusqu’à présent. Les délais qui se sont écoulés depuis le début de l'exercice de codification indiquent à suffisance que la consultation du Comité consultatif aurait pu se dérouler sans difficulté particulière.

2.2.3.   Sous réserve des observations mentionnées précédemment le Comité estime que la proposition de la Commission consiste en un assemblage rationnel des dispositions en vigueur, qui les rend plus claires et ne pose pas de problème de fond.

2.2.4.   Le Comité approuve l’essentiel de la proposition à l'examen, appelle la Commission à tenir compte des réserves soulevées et à modifier le texte des considérants en conséquence et souhaite que la proposition soit rapidement approuvée par le Parlement et le Conseil.

Bruxelles, le 22 octobre 2008.

Le Président

du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  Voir aussi avis du CESE du 15/2/2007 sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé pour l'utilisation par les travailleurs au travail d'équipements de travail (deuxième directive particulière au sens de l'article 16, paragraphe 1, de la directive 89/391/CEE) (version codifiée), rapporteur: M. Verboven (JO C 97 du 28 avril 2007).

(2)  Directive 89/655/CEE du Conseil, directive 95/63/CE du Conseil, directive 2001/45/CE du Parlement européen et du Conseil et directive 2007/30/CE du Parlement européen et du Conseil.


30.4.2009   

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C 100/146


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Conseil relative au régime général d'accise»

COM(2008) 78 final/3 — 2008/0051 (CNS)

2009/C 100/27

Le 4 mars 2008, le Conseil de l'Union européenne a décidé, conformément à l'article 93 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social sur la:

«Proposition de directive du Conseil relative au régime général d'accise»

La section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 2 octobre 2008 (rapporteur: M. BURANI).

Lors de sa 448e session plénière des 22 et 23 octobre 2008 (séance du 22 octobre 2008), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 107 voix pour, 1 voix contre et 1 abstention.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le CESE approuve la décision de la Commission de remplacer intégralement la directive de base 92/12/CEE sur l'application des accises de 1992 par un nouveau texte tenant compte de l'adoption de la procédure électronique EMCS (Excise Movement and Control System), à laquelle une base juridique est ainsi donnée. La Commission a saisi cette occasion pour introduire quelques modifications et innovations, rendues nécessaires à la lumière des expériences acquises par les administrations des États membres et par les opérateurs. Diverses procédures ont en outre été assouplies. D'une manière générale, les parties que l'on souhaite modifier ou innover ne soulèvent pas d'objections particulières. En revanche, le CESE voudrait alimenter la réflexion sur certains aspects dans la perspective de discussions à venir.

1.2   La Commission indique que la date d'entrée en vigueur de la directive est en principe fixée au 1er janvier 2009, tout en étant consciente que l'examen de la proposition nécessitera un laps de temps beaucoup plus long; en outre, elle propose que la procédure EMCS ne puisse être appliquée dans un premier temps que par les États membres l'ayant déjà adoptée, alors que les autres continueraient pendant une certaine période d'appliquer la procédure papier.

1.3   Le CESE estime, rejoint en cela par d'autres parties prenantes, que cette mesure est critiquable: l'existence de deux procédures ajoute à la confusion et au coût tant pour les administrations que pour les opérateurs. L'alternative, consistant à ne démarrer l'EMCS que lorsque tout le monde sera prêt, pénalise quant à elle ceux qui le sont déjà ainsi que les opérateurs. Une solution intermédiaire, certes peu satisfaisante et susceptible de différer l'EMCS en Europe à une date indéfinie, pourrait être celle de n'utiliser l'EMCS que pour les opérations internes des États membres qui sont déjà en mesure d'adopter la procédure électronique. La procédure papier serait appliquée par tous les États membres dans leurs échanges internationaux et ce, jusqu'à ce que tout le monde soit à même de passer à la procédure électronique.

1.4   La partie la plus importante du document de la Commission concerne la circulation des produits en suspension de droits d'accise. Les diverses innovations recueillent l'assentiment du CESE, à l'exception de certains points et propositions (voir paragraphes 4.6 à 4.9) ayant essentiellement trait au concept, à présent mieux précisé, de «perte irrémédiable» des marchandises. S'agissant des ventes à distance, la formulation de l'article 34 (voir paragraphe 4.9) pourrait donner lieu à des interprétations de nature juridique quant au pays de perception des accises.

1.5   Le CESE propose par ailleurs que soient précisées dans la nouvelle directive les limites en termes de quantité et de valeur selon lesquelles les achats d'un citoyen dans un autre État membre sont considérés comme ayant été effectués à titre «privé». Il existe cependant un risque qu'apparaissent des différences d'interprétation ou d'application par les administrations.

2.   La proposition de la Commission

2.1   La directive 92/12/CEE du 25 février 1992 contient les dispositions relatives au régime général des produits soumis à accise, qui s'appuient en grande partie sur un support papier. Le 16 juin 2003, par la décision 1152/2003/CE du Parlement européen et du Conseil, une procédure informatisée de circulation et de contrôle des produits soumis à accise a été introduite, dénommée EMCS (Excise Movement and Control System), qui simplifie les obligations qui incombent aux opérateurs et permet aux autorités compétentes d'exercer des contrôles intégrés et plus efficaces. L'adoption de la procédure EMCS implique de modifier les dispositions relatives aux mouvements en suspension de droits d'accise.

2.2   La Commission saisit cette opportunité pour remplacer intégralement la directive 92/12/CEE. Elle ne tient pas seulement compte de l'adoption de la procédure EMCS, à laquelle elle apporte une base juridique, mais elle modifie de manière structurée l'ensemble de la précédente directive: elle met à jour le libellé du document, en tenant compte des nouvelles normes législatives, refond le texte en améliorant sa structure logique, supprime les dispositions obsolètes, tient compte des nouveaux concepts juridiques, simplifie les procédures en réduisant les obligations qui incombent aux opérateurs sans compromettre les contrôles dans ce domaine.

2.3   Le nouveau texte intègre également dans le chapitre V les éléments essentiels de la proposition COM(2004) 227, laissée de côté par le Conseil en 2005, qui tendait à modifier les articles 7 à 10 de la directive de base, ayant trait aux mouvements intracommunautaires de produits déjà mis sur le marché.

2.4   La proposition a été précédée d’une large consultation des opérateurs et a été élaborée avec la collaboration d'un groupe d'experts, sous la direction du comité des accises: cette procédure adaptée devrait permettre un examen technique de ce document, sans susciter trop d'oppositions.

3.   Observations générales

3.1   Le CESE ne peut que féliciter la Commission pour l'initiative qu'elle a prise, qui conduit à un document mieux structuré par rapport à la directive de base, plus cohérent et conforme à la simplification des procédures administratives. L'on observe également une prise en compte plus marquée des besoins des opérateurs, sans affaiblir les contrôles, qui, bien au contraire, devraient devenir plus efficaces grâce à l'adoption des procédures EMCS.

3.2   La partie la plus importante des nouvelles dispositions concerne la circulation des produits en suspension de droits d'accise, à laquelle s'appliquent des procédures basées sur l'EMCS. En vertu de la décision 1152/2003, la procédure EMCS devrait être introduite en avril 2009: s'il est permis de douter que cette date soit respectée par certains États, il est pratiquement acquis qu'elle ne pourra l'être par la totalité des pays. Le système aura en tout état de cause besoin d'une période de mise au point collective et il implique une collaboration étroite entre les administrations nationales, qui induira par conséquent une harmonisation des procédures internes: il s'agit d'une question assez complexe du point de vue administratif, technique et opérationnel. La Commission en est consciente: en effet, tout en proposant que la directive entre en application le 1er avril 2010, elle prévoit que les États membres puissent bénéficier d'une période transitoire supplémentaire, durant laquelle la directive de base serait toujours d'application pour les dispositions concernées.

3.3   Les États membres se sont désormais engagés à adopter l'EMCS, mais il n'est pas sûr qu'ils le feront tous de bon gré et il est tout à fait possible qu'un obstacle s'oppose encore à sa complète réalisation. On peut s'attendre à des résistances, qui s'appuieront peut-être sur des arguments techniques, mais qui s'inspireront pour l'essentiel de motifs d'une autre nature. Le précédent que constitue la proposition de directive COM(2004) 227 mentionnée au paragraphe 2.3 et relative aux mouvements de produits soumis à accise après leur mise sur le marché, n'est pas de bon augure: après de difficiles négociations, la décision a été prise de laisser cette question «en suspens» dans l'attente d'une révision complète de ce dossier; or la proposition actuellement à l'examen reproduit pour l'essentiel la version précédente.

3.4   Les difficultés les plus délicates portent sur les aspects politiques et économiques. Chaque État membre applique des taux d'accise différents sur les produits, ce qui entraîne le phénomène bien connu des achats transfrontaliers qui se basent sur une logique de coût. Les principes du marché unique voudraient que tout citoyen puisse bénéficier des différences de prix, non seulement au niveau national, mais également et avant tout lors de ses achats transfrontaliers; ces principes sont toutefois remis en cause lorsqu'entrent en jeu les paramètres fiscaux. Au quotidien, il est clair que chaque État membre considère d'un mauvais œil ces trafics lorsqu'il en est victime, et il les ignore lorsqu'il en tire un avantage. Aucun type de produit soumis à accise n'est exclu de cette problématique: les récentes discussions sur le tabac, l'alcool et le gazole en sont une preuve: à cette occasion, l'on a évoqué des motifs concernant la santé, l'ordre public, le respect de l'environnement et les dommages pour l'économie  (1). Mais à l'arrière-plan, il y a également des motifs qui ne se manifestent pas toujours clairement, liés à des calculs de convenance fiscale. Les différents points de vue découlent donc des politiques sociales, économiques et fiscales adoptées par chaque État membre: à l'échelon communautaire, tout cela se transforme en une question de nature éminemment politique.

3.5   Le CESE est conscient du caractère délicat de cette matière et des difficultés que chaque État membre peut rencontrer au cours des négociations qui l'attendent; leur issue positive dépendra du degré de flexibilité qui s'imposera pour arriver à des décisions collectives. Chaque gouvernement devra trouver un équilibre entre le maintien de ses exigences et les concessions octroyées aux autres parties en matière d'accise. En d'autres termes, chaque acteur devra s'efforcer de trouver un moyen de poursuivre ses propres objectifs en matière sociale et budgétaire et de les concilier avec un système commun d'accise, et non l'inverse.

4.   Observations spécifiques

4.1   Dans ce chapitre, le CESE prend en considération les principales innovations et modifications introduites par la proposition de la Commission par rapport à la réglementation actuelle. En revanche, il ne commentera pas les aspects qui ne semblent pas prêter à controverse, qui s'inspirent d'un objectif de rationalisation du document ou qui découlent du bon sens ou de l'évolution naturelle de la matière.

4.2   Comme nous l'avons déjà indiqué au paragraphe 3.2, même si l'adoption de la directive entraîne l'abrogation de la directive précédente 92/12/CEE, la suppression des mouvements de documents papier ne coïncidera pas avec l'entrée en vigueur du nouveau texte: la proposition de directive prévoit que pendant une période transitoire, il sera permis de réaliser des opérations avec des documents d'accompagnement sur papier. Personne n'est en mesure de faire des prévisions sur la durée de cette période: il est certain que tant que l'EMCS n'aura pas été adopté par l'ensemble des États membres, le système pourrait connaître de sérieuses difficultés. Le CESE estime qu'il relève de son devoir d'attirer l'attention sur les charges qui pèseront sur les opérateurs, mais aussi sur les administrations des États membres, contraints de travailler simultanément avec des systèmes électroniques et des systèmes sur papier, en fonction du pays de destination.

4.2.1   L'alternative consistant à ne rendre le système opérationnel que lorsqu'il sera effectif dans tous les États membres fait courir le risque de renvoyer le projet à un avenir qui pourrait être lointain et, par ailleurs, obligerait les États membres déjà en mesure de démarrer la procédure électronique à attendre que les autres les rejoignent: cette situation est inacceptable et pénalise ceux qui se sont mis en règle à temps, mais aussi et surtout les opérateurs commerciaux.

4.2.2   Le Comité signale qu'une proposition a été avancée par des experts qui, si elle n'apporte pas de solution définitive, semble offrir un compromis acceptable, sans être optimal: les États membres en règle pourraient utiliser la procédure électronique pour leurs opérations internes tout en conservant la procédure papier pour leurs échanges internationaux. Le système serait ainsi expérimenté au niveau national avant d'être appliqué au niveau communautaire lorsque tous les États membres seront prêts.

4.3   Le chapitre I, Dispositions générales, n'introduit aucune modification substantielle par rapport à la directive 92/12: il se borne à mieux encadrer la matière traitée par quelques adaptations, de nouvelles définitions et des modifications d'importance mineure.

4.4   Dans le chapitre II, Fait générateur de l'accise, la modification introduite par l'article 7, paragraphe 4, prévoit qu'un produit en suspension d'accise «irrémédiablement perdu», est exempté de droits. Le nouveau libellé «irrémédiablement perdu» fait référence à un produit qui devient inutilisable par tous, quel que soit le motif de la perte. L'innovation véritable réside dans le fait que la directive n'impose plus que le cas de «force majeure» soit un événement à prouver; le CESE fait cependant remarquer que chaque État membre reste libre de fixer ses normes en la matière.

4.5   Le chapitre III, Production, transformation et détention, apporte une seule innovation importante: les «entrepôts fiscaux» peuvent faire l'objet d'une autorisation pour des personnes qui résident dans un autre État membre: il est vrai que dans la logique du marché intérieur, ce principe avait par le passé souffert de restrictions.

4.6   Le chapitre IV, Circulation des produits soumis à accise en suspension de droits d’accise, contient des mesures innovantes: l'article 16 prévoit que les produits peuvent être destinés non seulement à des entrepôts fiscaux, mais également à une personne physique ou morale autorisée («destinataires enregistrés») et, après autorisation, vers un «lieu de livraison direct» désigné par un destinataire agréé. Le CESE exprime son accord, et souhaite que les procédures de contrôle soient suffisamment efficaces pour empêcher tout abus. Il serait néanmoins souhaitable que soient définis avec précision les professionnels visés par les termes utilisés dans la directive.

4.7   Les dispositions suivantes (art. 17-19) concernent les garanties de couverture des risques inhérents à la circulation des marchandises en suspension de droits d'accise et n'exigent aucun commentaire particulier; les mesures de la section 2 (art. 20-27) relatives aux procédures à suivre lors de la circulation de produits en suspension de droits d'accise, sont au contraire particulièrement importantes. De l'avis des experts, l'adoption de ces procédures devrait être examinée en détail afin de vérifier qu'elles permettent des contrôles efficaces et sont cohérentes avec les moyens des administrations. Le CESE fait toutefois remarquer que l'article 20, paragraphes 1, 2 et 3, prévoit que la circulation des produits soumis à accise ne peut avoir lieu que sous le couvert d'un document électronique: cette règle est à adapter au choix du système qui sera adopté pour le passage du papier à l'électronique.

4.8   Le chapitre V porte sur la circulation et l'imposition des produits soumis à accise après la mise à la consommation et ne comporte pas de dispositions fondamentalement nouvelles: il réitère le principe de l'imposition des produits dans l'État d'acquisition lorsque le détenteur de ceux-ci est un particulier (art. 30), et dans l'État de consommation s'ils sont détenus à des fins commerciales (art. 31), et il confirme les normes déjà en vigueur en ce qui concerne l'identification de la personne redevable et les produits en transit.

4.9   La mesure prévue par l'art. 34 sur les ventes à distance est particulièrement importante: par dérogation à l'art. 30, elle établit que les produits qui sont achetés par des personnes agissant en tant que particuliers et expédiés ou transportés par le vendeur, directement ou indirectement, ou pour le compte de celui-ci, sont soumis à accise dans l'État membre de destination. Il convient par conséquent d'en déduire que si les produits acquis par l'acheteur sont expédiés par ce dernier à son adresse, ils seront soumis à accise dans l'État membre où a été effectué l'achat.

4.9.1   Le CESE se demande si cette disposition ne pourrait engendrer un problème d'interprétation: dans les ventes à distance, l'achat prend effet dans le lieu de résidence du vendeur lors du paiement; l'acheteur, propriétaire des produits, est ainsi juridiquement autorisé à donner des instructions à quiconque (y compris au vendeur) afin qu'il lui expédie ces produits sur son ordre et pour son compte. D'un point de vue juridique, et contrairement à la logique de l'imposition au lieu de consommation effective, les produits pourraient donc être toujours considérés comme achetés par un particulier et expédiés ou transportés pour le compte de celui-ci, et être ainsi soumis à accise dans l'État membre d'achat, y compris lorsque l'expédition a été réalisée par le vendeur.

4.10   Le CESE souhaite par ailleurs signaler ce qui, à ses yeux, représente une lacune à l'article 34, qui ne précise pas les limites en termes de quantité et de valeur selon lesquelles les achats d'une personne sont considérés comme ayant été effectués à titre «privé»: l'indication de critères univoques est nécessaire afin d'éviter que chaque État membre n'applique des mesures contradictoires dans le marché intérieur. Eu égard à ces considérations, le CESE demande à la Commission et aux États membres de rédiger des règles plus claires et transparentes; elle simplifierait ainsi la vie des citoyens et des entreprises.

4.11   Les autres dispositions du chapitre VI (Divers) concernent l'application de marques et maintiennent les mesures en vigueur pour le ravitaillement des bateaux et aéronefs; l'art. 38 porte sur les petits producteurs de vin (jusqu'à 1 000 hectolitres), qui bénéficient de procédures simplifiées en ce qui concerne la production et la détention des produits soumis à accise.

4.12   Le chapitre VII (Dispositions finales) confirme l'existence du «Comité des accises» et les mesures d'application: la directive 92/12/CEE devrait être abrogée à une date (1er avril 2009) dont la Commission précise avec prudence, qu'elle peut faire l'objet de débat; les mêmes observations valent pour la période transitoire (dont la fin hypothétique est fixée au 31 décembre 200…) au cours de laquelle les États membres peuvent continuer à appliquer la précédente directive. Le CESE, ainsi que d'autres institutions et experts, estiment que ces dates sont purement indicatives et qu'elles devraient être prorogées en fonction d'une vision réaliste et en tenant surtout compte des difficultés pratiques relatives à la mise en œuvre intégrale de la procédure EMCS.

Bruxelles, le 22 octobre 2008.

Le Président

du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  Voir à titre d'exemple les propositions de directive les plus récentes:

 

La proposition de directive du Conseil modifiant la directive 92/12/CEE relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise [COM(2004) 227 final – 2004/0072 (CNS)];

 

La proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2003/96/CE en ce qui concerne l'ajustement du régime fiscal particulier pour le gazole utilisé comme carburant à des fins professionnelles ainsi que la coordination de la taxation de l'essence sans plomb et du gazole utilisé comme carburant [COM(2007) 52 final – 2007/0023 (CNS)];

 

La proposition de directive du Conseil concernant la structure et les taux des accises applicables aux tabacs manufacturés (version codifiée) [COM(2007) 587 final].


30.4.2009   

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C 100/150


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE du Conseil relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en vue de lutter contre la fraude fiscale liée aux opérations intracommunautaires» et la «Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1798/2003 en vue de lutter contre la fraude fiscale liée aux opérations intracommunautaires»

COM(2008) 147 final — 2008/0058 (CNS) 2008/0059 (CNS)

2009/C 100/28

Le 3 avril 2008, le Conseil de l'Union européenne a décidé, conformément à l'article 93 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE du Conseil relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en vue de lutter contre la fraude fiscale liée aux opérations intracommunautaires» et la

«Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1798/2003 en vue de lutter contre la fraude fiscale liée aux opérations intracommunautaires»

La section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 2 octobre 2008 (rapporteur: M. SALVATORE).

Lors de sa 448e session plénière des 22 et 23 octobre 2008 (séance du 22 octobre 2008), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 114 voix pour, 1 voix contre et 1 abstention.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.   Le Comité économique et social européen se prononce favorablement sur la proposition de directive du Conseil relative à la modification du système commun de taxe sur la valeur ajoutée en vue de lutter contre la fraude fiscale liée aux opérations intracommunautaires et sur la proposition connexe de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1798/2003.

1.2.   Les modifications préconisées répondent à une demande plus importante de simplification, d'efficacité et d'efficience et garantissent un lien plus visible entre les mesures de simplification administrative et la capacité des États membres à contrer et à réprimer le phénomène de la fraude intracommunautaire.

2.   Introduction

2.1.   La proposition de directive à l'examen et son règlement en annexe appelé à être modifié, en reprenant le long débat qui a eu lieu au sein des institutions communautaires, fixe clairement l'objectif de doter les autorités concernées d'outils efficaces et obligatoires afin d'éradiquer ou tout au moins d'endiguer les actes frauduleux auxquels l'on a souvent recours pour entraver ce qui devrait être le fonctionnement normal et correct du marché intérieur.

2.2.   Sur ce point, il est bon de rappeler que le caractère spécifique de l'infraction propre à la fraude communautaire se présente sous des formes différentes et que ses domaines de prédilection peuvent être nombreux, allant des délits en matière de contrefaçon d’alcool et de tabac à la contrebande et aux délits qui concernent la fiscalité directe jusqu'aux infractions les plus communes qui se traduisent par des fraudes à la TVA.

2.3.   Ces fraudes, justement, ont fait l'objet d'une attention particulière; en arrière-plan se dessine l'idée d'un réexamen en profondeur du système actuel d'imposition des échanges communautaires, qui, en vertu du principe d'égalité de traitement des biens nationaux et de ceux provenant des États communautaires, est fondé sur le régime de taxation à destination, c'est-à-dire dans l'État membre où l'acquéreur est identifié pour la TVA.

2.4.   Ce dernier principe, qui régit de fait à titre transitoire le régime des échanges communautaires, s’il a permis d'une part la non-imposition des ventes communautaires et par conséquent la libre circulation des biens, a favorisé de l'autre d’importants dommages aux intérêts financiers de la Communauté européenne; il suffit de penser avant tout au mécanisme qui sous-tend les fraudes communautaires dites «carrousel», et qui est résumé de manière claire et explicative dans la «Communication de la Commission de 2006 au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social européen sur la nécessité de développer une stratégie coordonnée en vue d'améliorer la lutte contre la fraude fiscale» (1), qui reprend textuellement ce mécanisme et en donne une définition: «Il existe une fraude particulière dite “fraude carrousel” qui exploite le plus souvent la combinaison d'opérations à l'intérieur d'un État membre (avec réclamation de la TVA) et d'opérations intracommunautaires (sans réclamation de TVA entre les contractants)».

2.5.   Le CESE a déjà traité cette question à maintes reprises en apportant des informations utiles qui ont été attentivement évaluées dans le cadre de l'élaboration du présent avis (2).

3.   Observations générales

3.1.   L'exigence de s'opposer à un phénomène désormais très répandu que l'on estime à un montant variant entre 2 et 2,5 % du PIB communautaire étant donc fortement ressentie, la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en vue de lutter contre la fraude fiscale liée aux opérations intracommunautaires, conjointement au règlement du Conseil appelé à être modifié et portant modification au règlement (CE) no 1798/2003 en vue de lutter contre la fraude fiscale liée aux opérations intracommunautaires, fait sienne la volonté exprimée dans une précédente communication exhaustive de la Commission au Conseil, concernant certains éléments clefs contribuant à l'établissement d'une stratégie contre la fraude à la TVA dans l'UE (3), et explicite clairement les mesures concrètes à adopter.

3.2.   Cette approche en effet apparaissait déjà dans la communication susmentionnée qui soulignait que «sans préjudice de l'engagement qu'elle a souscrit de compléter l'analyse sur les changements éventuels à apporter au système de la TVA, la Commission ne voit aucune contradiction à continuer en parallèle un débat sur les mesures dites conventionnelles. Doter les autorités fiscales d'instruments de lutte antifraude plus modernes et efficaces est un objectif qui mérite d'être poursuivi en tout état de cause, indépendamment des décisions qui seront prises sur les mesures de portée plus ambitieuse».

3.3.   En effet, après avoir limité à moyen terme son intention d'apporter d'importantes modifications au système de la TVA, fondée sur l'idée de modifier radicalement le mécanisme de taxation de cet impôt, le CESE considère que l'initiative du Conseil visant à introduire des mesures certes moins ambitieuses mais néanmoins efficaces, dans le cadre de la législation en vigueur du système d'imposition de la TVA, est louable.

3.4.   Le CESE accueille favorablement les modifications préconisées; s'agissant de modifications ponctuelles de la directive sur la TVA, il observe que ces corrections intègrent les exigences de simplification et d'efficacité invoquées également au cours des travaux préparatoires de la proposition précitée et assurent également un lien plus visible entre les mesures de simplification administrative et les capacités des États membres à s'opposer et à réprimer ce phénomène transnational.

3.5.   En d’autres termes, telle qu'elle est mentionnée dans l'exposé des motifs accompagnant la proposition de directive, la volonté de réduire «le délai entre le moment où une opération a lieu et le moment où l'information est mise à disposition de l'État membre», c’est-à-dire la réduction à un mois de la période de déclaration des opérations intracommunautaires dans les états récapitulatifs, conjointement à la proposition visant à permettre la transmission de ces informations entre les États membres dans un délai d'un mois, et non plus de trois, traduit en une règle l'idée de ne pas engendrer d’obligations administratives démesurées. À cela doit néanmoins correspondre une plus grande capacité de contrôle et une meilleure gestion des risques des autorités fiscales des États membres, dans leur lutte contre la fraude communautaire.

3.6.   Clarté de la réglementation, simplification des obligations administratives, recours plus fréquent au principe de coopération administrative semblent marquer les autres dispositions de modification de la directive 2006/112/CEE du Conseil.

3.7.   Parmi celles-ci, en plus d'une plus grande fréquence de présentation des informations, la proposition suivante va dans le même sens: elle vise à intégrer dans les informations à collecter pour lutter contre la fraude également les données sur les acquisitions intracommunautaires de biens et sur les achats de services auprès d'un prestataire établi dans un autre État membre, pour lesquels le preneur est redevable de la taxe; il en va de même de la mesure prévoyant que les acquéreurs ou preneurs qui réalisent des opérations pour un montant supérieur à 200 000 EUR auront l'obligation de déposer leurs déclarations de TVA mensuellement, ainsi que de la mesure modifiant les dispositions visant à harmoniser les règles d'exigibilité de la taxe sur les services afin de s'assurer que les opérations seront déclarées au cours de la même période par le vendeur et l'acheteur.

3.8.   De l'avis du Comité, ces dernières prescriptions réglementaires résument, plus que toutes, la raison d'être de la modification de la directive, et trouvent un équilibre entre les exigences d'obligations supplémentaires, les motivations de réduction des coûts administratifs (une faible part des entreprises serait concernée) et la mise à disposition de davantage d'informations par les autorités fiscales.

3.9.   En d'autres termes, à un rythme plus soutenu de la communication des informations sur les échanges commerciaux, correspondrait la capacité des administrations fiscales à gérer des volumes beaucoup plus importants d’informations, ce qui engendrerait des mécanismes de coopération plus efficaces.

4.   Observations particulières

4.1.   Le Comité exprime son accord sur la modification de l'article 250, paragraphe 2, qui permet aux entreprises de présenter les déclarations de TVA via des systèmes informatiques, dans la mesure où cette prescription réduit non seulement les marges d'erreur dans la présentation de la déclaration, mais également les coûts tant des entreprises que des administrations.

4.2.   Le Comité approuve la disposition qui prévoit une dérogation pour les entreprises concernées seulement de manière occasionnelle, c'est-à-dire exceptionnellement, par les dispositions modifiées.

4.3.   Il y a lieu d'accueillir favorablement l'innovation prévue à l'article 251, lettre f, qui en plus de la collecte des déclarations de TVA sur les biens échangés, introduit également le recueil des déclarations pour l'achat de services afin de permettre un croisement plus efficace des informations échangées et d’éviter ainsi des phénomènes d'évasion également dans les prestations de services.

4.4.   Bien que le fait de ramener à un mois la durée de la période imposable ne puisse être considéré comme un outil de dissuasion déterminant, cela constitue néanmoins une amélioration sensible destinée à aligner et harmoniser les règles d'exigibilité de la taxe sur les services permettant de croiser correctement les informations présentées par le vendeur et par l'acheteur.

4.5.   La réglementation prescrite pour la présentation de la déclaration de TVA est assortie d'un corollaire d'adaptation correspondante des délais pour le dépôt des états récapitulatifs.

4.6.   La disposition suivante, qui permet aussi de transmettre les données par voie électronique, est tout aussi importante.

4.7.   La demande d'un tableau de correspondance entre les mesures nationales d'application de la directive et la directive même est jugée utile, car c'est une initiative qui tend de toute évidence à vérifier de manière plus approfondie le large éventail d'informations actuellement fournies par les entreprises aux administrations fiscales, compte tenu également des modifications qui interviendront à l'avenir.

4.8.   Il convient en dernier lieu de relever que la modification de la directive précitée engendre une nécessaire adaptation du règlement concerné.

Bruxelles, le 22 octobre 2008.

Le Président

du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  COM(2006) 254 final.

(2)  Avis du CESE sur la «Proposition de directive du Conseil relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (refonte)», JO C 74 du 23.3.2005, p. 21 et sur la «Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social européen sur la nécessité de développer une stratégie coordonnée en vue d'améliorer la lutte contre la fraude fiscale», JO C 161 du 13.7.2007, p. 8.

(3)  COM(2007) 758 final.


30.4.2009   

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C 100/153


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Proposition de directive du Conseil concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, scissions partielles, apports d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’États membres différents, ainsi qu’au transfert du siège statutaire d’une SE ou d’une SCE d’un État membre à un autre (Version codifiée)»

COM(2008) 492 final — 2008/0158 CNS

2009/C 100/29

Le 25 septembre 2008, le Conseil de l'Union européenne, a décidé, conformément à l'article 94 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur

«Proposition de directive du Conseil concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, scissions partielles, apports d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’États membres différents, ainsi qu’au transfert du siège statutaire d’une SE ou d’une SCE d’un État membre à un autre (Version codifiée)»

Ayant estimé que le contenu de la proposition est entièrement satisfaisant et n'appelle aucun commentaire de sa part, le Comité, lors de sa 448e session plénière des 21, 22 et 23 octobre 2008 (séance du 22 octobre 2008), a décidé, par 115 voix pour et 3 abstentions, de rendre un avis favorable au texte proposé.

 

Bruxelles, le 22 octobre 2008.

Le Président

du Comité économique et social européen

Mario SEPI


30.4.2009   

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C 100/154


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1083/2006 sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, en ce qui concerne certains projets générateurs de recettes»

COM(2008) 558/2 — 2008/0186 AVC

2009/C 100/30

Le 8 octobre 2008, le Conseil a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Proposition de Règlement (CE) du Conseil modifiant le règlement (CE) no1083/2006 sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, en ce qui concerne certains projets générateurs de recettes»

Compte tenu de l'urgence des travaux, le Comité économique et social européen a décidé au cours de sa 448e session plénière des 22 et 23 octobre 2008 (séance du 23 octobre) de nommer M. DASSIS rapporteur général et a adopté le présent avis par 45 voix pour, 0 voix contre et 1 abstention.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.   Le CESE prend acte de la proposition de la Commission pour modifier l'article 55 du Règlement (CE) no 1083/2006 et se félicite de l'allègement de la charge administrative que celle-ci représente.

1.2.   Le CESE approuve la proposition.

2.   Motivation

2.1.   L'article 55 du Règlement (CE) no 1083/2006 portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion fixe les modalités de la gestion et les dispositions relatives à la contribution de ces fonds aux projets générateurs de recettes. L'article 55 fixe également un seuil de 200 000 EUR au-delà duquel ces dispositions doivent être appliquées.

2.2.   Ces dispositions ne semblent pas adaptées aux projets cofinancés par le Fonds social européen, qui finance essentiellement des opérations immatérielles; elles imposent également des charges administratives disproportionnées sur les petites opérations cofinancées par le FEDER ou le Fonds de cohésion.

2.3.   Devant l'impossibilité de résoudre la question de la charge administrative résultant de l'article 55 par la voie interprétative, et après des consultations informelles des États membres, la Commission a été amenée à proposer de modifier l'article 55 pour que ses dispositions ne s'appliquent dorénavant qu'aux opérations cofinancées par le FEDER ou le Fonds de cohésion et dont le coût total est supérieur à 1 million EUR. De l'avis de la Commission, cette révision technique simplifiera de façon significative la gestion desdits projets.

Bruxelles, le 23 octobre 2008.

Le Président

du Comité économique et social européen

Mario SEPI


30.4.2009   

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C 100/155


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant création d’une Fondation européenne pour la formation (refonte)»

COM(2007) 443 final — 2007/0163 (COD)

2009/C 100/31

Le 17 septembre 2007, le Conseil a décidé, conformément à l'article 150 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant création d’une Fondation européenne pour la formation (refonte)».

Ayant estimé que le contenu de la proposition est satisfaisant et n'appelle aucun commentaire de sa part, le Comité, lors de sa 448e session plénière des 22 et 23 octobre 2008 (séance du 22 octobre 2008), a décidé, par 118 voix pour, 2 voix contre et 1 abstention, de rendre un avis favorable au texte proposé.

 

Bruxelles, le 22 octobre 2008.

Le Président

du Comité économique et social européen

Mario SEPI