ISSN 1725-2431

Journal officiel

de l'Union européenne

C 318

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Édition de langue française

Communications et informations

49e année
23 décembre 2006


Numéro d'information

Sommaire

page

 

II   Actes préparatoires

 

Comité économique et social européen

 

429e session plénière des 13 et 14 septembre 2006

2006/C 318/1

Avis du Comité économique et social européen sur Le développement durable, moteur des mutations industrielles

1

2006/C 318/2

Avis du Comité économique et social européen sur La gouvernance territoriale des mutations industrielles: le rôle des partenaires sociaux et la contribution du programme-cadre pour la compétitivité et l'innovation

12

2006/C 318/3

Avis du Comité économique et social européen sur L'apprentissage tout au long de la vie appuyé sur les technologies informatiques: contribution à la compétitivité européenne, aux mutations industrielles et au développement du capital social

20

2006/C 318/4

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Services et industrie manufacturière européenne: les interactions entre ces secteurs et l'impact de celles-ci sur l'emploi, la compétitivité et la productivité

26

2006/C 318/5

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant création du Fonds européen d'ajustement à la mondialisationCOM(2006) 91 final — 2006/0033 (COD)

38

2006/C 318/6

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur l'exercice des droits de vote des actionnaires de sociétés qui ont leur siège statutaire dans un État membre et dont les actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé et modifiant la directive 2004/109/CECOM(2005) 685 final — 2005/0265 (COD)

42

2006/C 318/7

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des règles communes pour la fourniture d'informations de base sur les parités de pouvoir d'achat et pour leur calcul et diffusion (présentée par la Commission)COM(2006) 135 final

45

2006/C 318/8

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à un environnement sans support papier pour la douane et le commerceCOM(2005) 609 final — 2005/0247 (COD)

47

2006/C 318/9

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Mettre en oeuvre le programme communautaire de Lisbonne: Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les services de paiement dans le marché intérieur et modifiant les directives 97/7/CE, 2000/12/CE et 2002/65/CECOM(2005) 603 final — 2005/0245 (COD)

51

2006/C 318/0

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I)COM(2005) 650 final– 2005/0261 (COD)

56

2006/C 318/1

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions et aux informations sur la réparation des véhicules, modifiant la directive 72/306/CEE et la directive …/…/CECOM(2005) 683 final — 2005/0282 (COD)

62

2006/C 318/2

Avis du Comité économique et social européen sur le Tourisme social en Europe

67

2006/C 318/3

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux statistiques structurelles sur les entreprisesCOM(2006) 66 final — 2006/0020 (COD)

78

2006/C 318/4

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 91/477/CEE du Conseil relative au contrôle de l'acquisition et de la détention d'armesCOM(2006) 93 final — 2006/0031 (COD)

83

2006/C 318/5

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur une stratégie thématique pour l'environnement urbainCOM(2005) 718 final — SEC(2006) 16

86

2006/C 318/6

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Perspectives d'avenir de l'agriculture dans les zones à handicaps naturels spécifiques (régions de montagne, insulaires et ultrapériphériques)

93

2006/C 318/7

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Relever les défis du changement climatique — Le rôle de la société civile

102

2006/C 318/8

Avis du Comité économique et social sur le Traitement des carcasses d'animaux et utilisation de sous-produits animaux

109

2006/C 318/9

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de Règlement du Conseil prévoyant des mesures spéciales en vue de favoriser l'élevage des vers à soie (Version codifiée) COM(2006) 4 final — 2006/0003 (CNS)

114

2006/C 318/0

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 76/769/CEE du Conseil concernant la limitation de la mise sur le marché de certains dispositifs de mesure contenant du mercureCOM(2006) 69 final — 2006/0018 (COD)

115

2006/C 318/1

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur l'amélioration de la situation économique du secteur de la pêcheCOM(2006) 103 final

117

2006/C 318/2

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Conseil relatif au glucose et au lactose (version codifiée)COM(2006) 116 final — 2006/0038 CNS

122

2006/C 318/3

Avis du Comité économique et social européen sur la Société civile au Belarus

123

2006/C 318/4

Avis du Comité économique et social européen sur L'immigration au sein de l'UE et les politiques d'intégration: la collaboration entre les gouvernements régionaux et locaux et les organisations de la société civile

128

2006/C 318/5

Avis du Comité économique et social européen sur Les comités d'entreprise européens: un nouveau rôle pour promouvoir l'intégration européenne

137

2006/C 318/6

Avis du Comité économique et social eurpéen sur La participation de la société civile à la lutte contre le crime organisé et le terrorisme

147

2006/C 318/7

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Qualité de la vie professionnelle, productivité et emploi face à la mondialisation et aux défis démographiques

157

2006/C 318/8

Avis du Comité économique et social européen sur la Citoyenneté européenne et les moyens de la rendre à la fois visible et effective

163

2006/C 318/9

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions Une feuille de route pour l'égalité entre les femmes et les hommes 2006-2010COM(2006) 92 final

173

2006/C 318/0

Avis du Comité économique et social européen sur Les corridors paneuropéens de transport 2004-2006

180

2006/C 318/1

Avis du Comité économique et social européen sur L'approvisionnement énergétique de l'UE — Stratégie d'optimalisation

185

2006/C 318/2

Avis du Comité économique et social européen sur les Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant le respect des obligations des États du pavillon — COM(2005) 586 final — 2005/0236 (COD), Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant des règles et normes communes concernant les organismes habilités à effectuer l'inspection et la visite des navires et les activités pertinentes des administrations maritimes — COM(2005) 587final — 2005/237 (COD), Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au contrôle par l'État du port — COM(2005) 588 final — 2005/0238 (COD), Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2002/59/CE relative à la mise en place d'un système communautaire de suivi du trafic des navires et d'information — COM(2005) 589 final — 2005/0239 (COD), Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant les principes fondamentaux régissant les enquêtes sur les accidents dans le secteur des transports maritimes et modifiant les directives 1999/35/CE et 2002/59/CE — COM(2005) 590 final — 2005/240 (COD), Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la responsabilité des entreprises assurant le transport de personnes par mer ou par voie de navigation intérieure en cas d'accident — COM(2005) 592 final — 2005/0241 (COD), Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la responsabilité civile et aux garanties financières des propriétaires de navires — COM(2005) 593 final — 2005/0242 (COD).

195

2006/C 318/3

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 89/552/CE du Conseil visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelleCOM(2005) 646 final — 2005/0260 (COD)

202

2006/C 318/4

Avis du Comité économique et social européen sur le Programme GALILEO: réussir la mise en place de l'Autorité européenne de surveillance

210

2006/C 318/5

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission sur la promotion du transport par voies navigables NAIADES — un programme d'action européen intégré pour le transport par voies navigables COM(2006) 6 final

218

2006/C 318/6

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: Combler le fossé existant en ce qui concerne la large bandeCOM(2006) 129 final

222

2006/C 318/7

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 417/2002 relatif à l'introduction accélérée des prescriptions en matière de double coque ou de normes de conception équivalentes pour les pétroliers à simple coque, et abrogeant le règlement (CE) no 2978/94 du ConseilCOM(2006) 111 final — 2006/0046 (COD)

229

FR

 


II Actes préparatoires

Comité économique et social européen

429e session plénière des 13 et 14 septembre 2006

23.12.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/1


Avis du Comité économique et social européen sur «Le développement durable, moteur des mutations industrielles»

(2006/C 318/01)

Le 14 juillet 2005, le Comité économique et social européen a décidé, conformément aux dispositions de l'article 29(2) de son règlement intérieur, d'élaborer un avis sur: «Le développement durable, moteur des mutations industrielles».

La commission consultative des mutations industrielles, chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 31 août 2006 (rapporteur: M. SIECKER; corapporteur: M. ČINČERA).

Lors de sa 429e session plénière des 13 et 14 septembre 2006 (séance du 14 septembre), le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant par 98 voix pour, 11 voix contre et 11 abstentions.

Première partie: Synthèse des conclusions et recommandations du CESE

A.

En janvier 2003, le CESE a adopté un avis d'initiative intitulé «Les mutations industrielles: bilan et perspectives — Une approche d'ensemble». L'objectif de cet avis était non seulement de donner un aperçu des questions les plus urgentes et des tendances en matière de mutations industrielles, mais également de souligner le rôle de la CCMI et de ses travaux futurs. Parmi les domaines de compétence attribués à la CCMI dans ce contexte figuraient les points suivants:

analyser la réalité et les causes des mutations industrielles du point de vue économique, social, territorial et environnemental, et évaluer l'impact de ces mutations industrielles du point de vue des secteurs, des entreprises, de la main-d'œuvre, des territoires et de l'environnement;

chercher des facteurs communs favorables à un développement durable […].

L'avis précité soulignait également la nécessité de «combiner la compétitivité avec le développement durable et la cohésion économique et sociale» compte tenu de la stratégie de Lisbonne. Il proposait en outre un concept de travail des «mutations industrielles» englobant à la fois les processus d'évolution touchant les entreprises et leur interaction avec leur environnement.

Jusqu'à présent, la CCMI s'est principalement concentrée sur l'impact des mutations industrielles pour les secteurs, les entreprises, les salariés, les territoires et l'environnement. L'objectif du présent avis d'initiative est d'analyser dans quelle mesure le développement durable peut faire office de catalyseur de reconversion industrielle.

B.

L'avis d'initiative de janvier 2003 concluait que les mutations dans le secteur industriel européen ont souvent été abordées sous l'angle de la restructuration, mais qu'il s'agit en fait d'un concept beaucoup plus dynamique. Le monde de l'entreprise est intimement lié à l'environnement politique et social européen dans lequel il évolue et qui, à son tour, influence aussi les processus de mutations industrielles. Les mutations industrielles s'opèrent principalement de deux façons: par des changements radicaux et par l'adaptation évolutive. L'objectif du présent avis d'initiative est précisément d'examiner comment le développement durable tel que le définit Brundtland (un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs) peut agir comme un catalyseur de mutations industrielles évolutives et proactives.

C.

L'avis fournit pour l'essentiel des exemples provenant du secteur de l'énergie et des branches associées, mais des processus identiques à ceux décrits ici peuvent s'appliquer ailleurs. Les raisons de ce choix de secteur sont multiples:

la définition du développement durable de Brundtland implique la nécessité de passer à des ressources naturelles renouvelables;

l'énergie est une question intersectorielle;

les leçons à tirer de l'introduction de nouvelles technologies dans ce domaine sont également valables pour d'autres secteurs;

les 25 États membres importent actuellement environ 50 % du pétrole et du gaz dont ils ont besoin; ce chiffre pourrait passer à 70 % d'ici 2030, et la Commission prévoit qu'à ce moment–là, la plupart des fournisseurs proviendront de «zones instables d'un point de vue géopolitique».

D.

Si la recherche et le développement déterminent le moment où une technologie donnée est disponible, c'est le marché qui décide du moment où cette même technologie est exploitée de manière effective. Le laps de temps séparant ces deux moments peut également être influencé par la politique. Grâce à une combinaison équilibrée de mesures gouvernementales — subventions, promotion, mesures fiscales –, les entreprises suédoises et japonaises se sont très tôt lancées respectivement dans le développement technologique des pompes à chaleur géothermiques et des capteurs solaires. Cette orientation précoce a contribué à ce que ces deux pays acquièrent une position dominante sur ces marchés.

E.

Le CESE réaffirme sa conviction que les trois piliers de la stratégie de Lisbonne revêtent une importance égale. Toutefois, on insiste souvent sur le fait que les intérêts écologiques et sociaux ne peuvent entrer en compte que dans la mesure où il est question d'une économie saine et en croissance. Cette explication de la stratégie est beaucoup trop simpliste car le contraire est tout aussi valable. Une économie saine et en croissance ne pourra assurément pas se développer dans un environnement détérioré ou dans une société caractérisée par l'absence d'harmonie sociale. Le Comité se félicite des actions entreprises en la matière et décrites à l'annexe 2 de la «Communication de la Commission sur l'examen de la stratégie en faveur du développement durable — Une plate-forme d'action» (1).

F.

La durabilité n'est pas une possibilité parmi d'autres mais constitue plutôt le seul scénario possible pour garantir un avenir viable. Le concept de durabilité est un concept global et ne se limite dès lors pas à l'écologie: il englobe également les questions de durabilité économique et sociale. La continuité d'une entreprise constitue une forme de durabilité économique dont la meilleure garantie est l'assurance d'un niveau de rentabilité suffisant. L'Europe peut y contribuer en renforçant la compétitivité et en stimulant la recherche et le développement par le biais d'une politique active et d'une combinaison de mesures ciblées (voir les exemples suédois et japonais).

G.

La durabilité sociale passe par la possibilité pour les citoyens de mener une vie saine et de générer des revenus, tout en garantissant un niveau raisonnable de sécurité sociale à ceux qui ne sont pas en mesure de faire de même. Le Comité réaffirme que l'Europe peut y contribuer en s'efforçant de bâtir une société permettant à ses citoyens de maintenir leurs qualifications professionnelles à niveau en leur offrant un emploi décent dans un environnement de travail sûr et sain, et dans un climat prévoyant une place aussi bien pour les droits des travailleurs que pour un dialogue social fructueux.

H.

L'éco–industrie offre un grand nombre de possibilités de croissance économique et l'Europe est en position de force dans plusieurs secteurs de cette branche. Pour maintenir et développer ses forces d'une part, et conquérir une position analogue dans d'autres secteurs d'autre part, l'UE devrait afficher davantage d'ambition.

I.

Une politique industrielle visant un développement durable peut contribuer à la compétitivité de toute l'économie européenne, en incluant non seulement les nouveaux secteurs émergents, mais aussi les secteurs industriels traditionnels. Le CESE demande à la Commission de soutenir une telle politique. Les exemples repris dans le présent avis montrent que des programmes d'aide bien pensés et bien mis en œuvre — combinant mesures fiscales, prix de rachat, promotion et réglementation — au cours de la phase d'introduction de nouvelles technologies environnementales peuvent concourir à créer pour celles-ci un marché susceptible de se développer ultérieurement sans soutien. Tout mécanisme de soutien doit être clairement dégressif, car le coût des aides d'État ne doit pas restreindre la compétitivité internationale d'autres industries.

J.

Le CESE note que les subventions et les mesures d'incitation ne sont pas toujours efficaces et peuvent générer, si elles sont mal utilisées, un coût financier important sans grand effet sur l'économie. Les subventions et les réglementations devraient contribuer au lancement et au développement initial du marché jusqu'à la maturation de la technologie, et permettre sa survie sans aucune aide. Les facteurs clés d'une aide efficace sont les suivants:

durée adaptée;

spécifications adéquates;

dégressivité dans le temps;

annonce effectuée suffisamment à l'avance;

coopération entre le gouvernement et le secteur privé.

K.

Il convient de ne pas limiter le développement durable à un contexte strictement européen. Il dispose en effet d'une dimension mondiale. La politique européenne en matière de durabilité doit être dotée d'instruments permettant d'éviter la redistribution du travail vers d'autres régions. Afin de garantir une situation équitable pour tous, une double approche est nécessaire: au niveau intérieur de l'UE d'une part, et au niveau extérieur d'autre part. En ce qui concerne le premier point, il y a lieu de prévoir des instruments appropriés pour veiller à internaliser dans le prix des marchandises les coûts sociaux et environnementaux découlant de méthodes de production non durables au sein de l'Union européenne, et ce afin de promouvoir l'idée principale du rapport de la Commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation visant une cohérence de politique entre l'OIT, l'OMC, le FMI et la Banque mondiale (voir CESE 252/2005). Quant au second, l'UE devrait mettre tout en œuvre au sein des cercles internationaux pertinents (en particulier au sein de l'OMC) pour inclure des préoccupations non commerciales, telles que des normes sociales et environnementales fondamentales, dans les accords internationaux sur le commerce afin de faciliter la modernisation des politiques de durabilité des concurrents de l'Europe. Tant qu'ils ne seront pas liés par les objectifs de réduction du CO2 du protocole de Kyoto, des pays comme les États-Unis, l'Inde et la Chine bénéficieront d'un avantage économique injuste sur l'Europe. Ces accords devraient être mis en œuvre et à l'échelle mondiale car, pour être véritablement libres, les échanges doivent également être équitables.

Deuxième partie: Motivation de l'avis

1.   Introduction

1.1

La disponibilité de sources d'énergie bon marché et de matières premières peu coûteuses constitue actuellement la base de notre économie. Ces réserves sont limitées, ce qui contribuera à l'accroissement de leur cherté. Les changements structurels et technologiques qui sont possibles sont nécessaires et l'Europe doit y contribuer pour aider l'industrie européenne à relever ce défi. Les secteurs à forte consommation d'énergie et de matières premières devront se tourner à l'avenir vers une production plus durable afin de réduire la ponction des ressources naturelles. La production de matières premières et semi-manufacturées formant la base de la valeur industrielle, ces secteurs demeureront indispensables à l'avenir.

1.2

Les industries européennes à haute intensité d'énergie ayant mis en place une production durable et présentes sur la scène internationale ne doivent pas être éliminées du marché par des concurrents provenant de pays tiers et utilisant des méthodes de production moins durables. Afin d'éviter cela, il convient de créer, par le biais d'une coopération entre la société civile et le gouvernement, des conditions équitables pour toutes les entreprises de ce secteur.

1.3

Le développement d'une société durable capable à la fois de maintenir le niveau de vie actuel et de neutraliser les effets secondaires négatifs des schémas de consommation existants constitue le plus grand défi auquel nous sommes confrontés. La double nécessité de revoir la façon dont nous répondons à nos besoins énergétiques et de passer à une forme de production industrielle différente constitue l'une des principales conditions préalables à la réalisation de ce défi.

1.4

La nécessité de passer progressivement à un modèle de société plus durable est indéniable, et ce pour plusieurs raisons. Si les avis des experts divergent quant à savoir jusque quand les combustibles fossiles seront accessibles pour un prix raisonnable, tous s'entendent sur le fait qu'ils seront de plus en plus rares et que leur exploitation deviendra de plus en plus chère. En plus, et en raison de nos comportements de consommation, nous sommes confrontés à l'une des plus grandes menaces de notre temps: le changement climatique.

1.5

Idéalement, le meilleur moyen d'arrêter ce processus serait de cesser de consommer les combustibles fossiles comme nous le faisons aujourd'hui. Cependant, cette solution s'avère irréalisable à court terme, aussi bien du point de vue politique qu'économique. Il nous faut donc opter pour d'autres solutions. Un changement est en tout cas impératif et il importe d'agir aussi vite que possible, à défaut de pouvoir agir aussi vite que souhaitable.

1.6

La mise en œuvre de la Trias Energetica (2), un modèle visant à promouvoir une utilisation plus efficace de l'énergie en trois étapes, est susceptible à court terme de poser les bases d'une consommation et d'une production plus durables. Ces étapes sont les suivantes:

réduire la demande d'énergie en consommant de manière plus efficace;

utiliser autant que possible des énergies durables et renouvelables pour produire de l'énergie;

mettre en application des techniques permettant une utilisation plus propre des combustibles fossiles restants.

1.7

Il est nécessaire de se pencher sur un train de mesures en vue à la fois de concrétiser ces trois étapes, et de permettre le passage vers une production industrielle plus durable. Ces mesures devront se baser sur un raisonnement économique et stratégique. Dans le cadre de l'examen de ces considérations se présenteront immanquablement des moments où il faudra choisir entre des intérêts opposés. Il importe de ne pas éviter ce genre de conflits. Les situations avantageuses pour tout le monde existent et les politiques devraient toujours viser à les créer. Cependant, cela peut s'avérer très difficile dans la pratique. Dans de tels cas de figure, il faut trancher entre la possibilité de réaliser une transformation durable et la défense d'intérêts existants, tout en tenant compte de l'essor et du déclin naturels d'un secteur donné par rapport à un autre. Ces intérêts existants et contradictoires doivent être identifiés clairement pour ensuite être traités.

1.8

Le concept de durabilité implique que les aspects économiques, environnementaux et sociaux du développement de la société européenne revêtent une importance égale. Le présent avis:

se concentrera essentiellement sur les sources d'énergie renouvelables et les efforts en vue d'une utilisation efficace de l'énergie et des matières premières (chapitres 2 et 3);

examinera les possibilités de développement durable dans une sélection de secteurs (chapitre 4);

traitera un certain nombre d'aspects sociaux (chapitre 5).

2.   Les sources d'énergie renouvelables

2.1   Introduction

2.1.1

La Terre absorbe chaque année 3 millions d'exajoules en énergie provenant du soleil. La réserve totale de combustibles fossiles s'élève à 300.000 exajoules, c'est-à-dire 10 % de l'énergie absorbée annuellement par notre planète. La consommation énergétique globale est de l'ordre de 400 exajoules par an. Des 3 millions d'exajoules captés par la Terre, 90 sont libérés sous la forme d'énergie hydraulique, 630 sous celle d'énergie éolienne, et 1.250 sous la forme de biomasse. Le reste est disponible sous la forme d'énergie solaire (3). Concrètement, les sources d'énergie durables existent donc en nombre suffisant pour satisfaire nos besoins. C'est l'accessibilité de ces sources qui pose problème.

2.1.2

Les énergies renouvelables ne pouvant, à cause des coûts générés et de l'absence de technologie adéquate, satisfaire à court terme la demande énergétique croissante, d'autres sources d'énergie sont nécessaires. Potentiellement, il est possible d'assurer une utilisation propre des combustibles fossiles, par exemple en en extrayant le CO2 avant de le stocker pour éviter qu'il se dégage dans l'atmosphère. La technologie de capture et stockage de CO2 est en plein développement: une douzaine d'installations pilotes sont déjà soit en phase de démarrage, soit en construction en Europe, en Amérique du Nord et en Chine. Un bilan économique positif pour cette technologie peut être attendu dès 2015/2020.

2.1.3

La durée des dispositifs d'aide en faveur de l'énergie renouvelable est cruciale, un retrait prématuré pouvant en effet porter préjudice au secteur émergent. Cependant, d'un autre côté, un soutien prolongé n'est pas efficace. Généralement, l'aide pourra être dégressive, la recherche et le développement, et les économies d'échelle exerçant une pression à la baisse sur le prix des technologies. Il est également essentiel de bien préciser la teneur du programme d'aide. Enfin, il importe d'annoncer ces dispositifs à l'avance de manière à laisser aux entreprises le temps de se préparer aux nouvelles conditions du marché.

2.1.4

Le débat autour de l'énergie nucléaire gagne en importance, comme l'indiquent le livre vert sur une stratégie européenne pour une énergie sûre, compétitive et durable (4), et les conclusions du Conseil européen de mars 2006 sur la question. Dans certains pays, une majorité de citoyens est favorable à l'énergie nucléaire, dans d'autres, une majorité s'y oppose, surtout à cause du problème des déchets (5). Cependant, ne dégageant aucune émission et ne produisant qu'une quantité de déchets relativement réduite par rapport à l'apport énergétique fourni, l'énergie nucléaire pourrait demeurer encore longtemps une source d'énergie indispensable pour pouvoir continuer à satisfaire une demande énergétique en forte croissance. Peut-être la fusion nucléaire apportera-t-elle à long terme une solution aux inconvénients générés par la fission nucléaire.

2.1.5

Il est important de noter que les sources d'énergie hydraulique ne font pas l'objet d'un paragraphe séparé, cette technologie (à l'exception de l'énergie marémotrice) étant considérée comme mature et pleinement opérationnelle. Ce fait ne doit en aucun cas être interprété comme diminuant de quelque manière que ce soit l'importance de son rôle en matière de durabilité.

2.2   La biomasse

2.2.1

La biomasse est l'ensemble des matériaux organiques provenant des plantes et des arbres cultivés spécialement à des fins énergétiques. Le bois et les espèces à croissance rapide qui fournissent un rendement à l'hectare élevé sont utilisées pour produire de la biomasse. Les sous-produits de l'agriculture, qui produit principalement de la nourriture, sont recyclés dans la production de biomasse. C'est par exemple le cas de la paille et des collets de betteraves. L'on produit également de la biomasse à partir de divers déchets, comme ceux provenant de l'entretien des plantations ou les déchets ménagers ou industriels. Il s'agira, par exemple, des épluchures de légumes ou de fruits, des déchets de jardinage, du bois de récupération, du fumier, du limon, de la sciure ou encore des coques provenant des fèves de cacao.

2.2.2

La biomasse peut être utilisée pour remplacer (partiellement) les combustibles fossiles. La consommation d'énergie provenant des combustibles fossiles équivaut actuellement à 400 exajoules par an, alors que l'énergie disponible provenant de la biomasse atteint annuellement 1.250 exajoules. Cela n'implique toutefois pas qu'une reconversion soit possible directement. Au stade actuel de la technologie, il est possible de générer 120 exajoules à partir de la biomasse. Actuellement, la consommation mondiale d'énergie provenant de la biomasse équivaut à 50 exajoules (6). Une augmentation limitée du recours à la biomasse s'avère donc possible dans l'immédiat mais des progrès technologiques seront nécessaires en vue d'exploiter le potentiel.

2.2.3

Un certain nombre d'initiatives a déjà donné des résultats prometteurs. En Autriche, l'emploi de la biomasse à des fins de chauffage urbain a connu une augmentation d'un facteur 6 et en Suède d'un facteur 8 au cours des dix dernières années. Aux États-Unis, ce sont plus de 8.000 MWe de la capacité de production installée qui proviennent de la valorisation de la biomasse. Il en va de même en France pour 5 % de la chaleur utilisée pour le chauffage des locaux. En Finlande, la bioénergie contribue déjà pour 18 % à la production totale d'énergie et l'objectif est que cette proportion atteigne 28 % en 2025. Au Brésil, l'éthanol est produit à grande échelle comme combustible pour les voitures Il fournit actuellement environ 40 % des carburants non diesel du pays (7).

2.2.4

Le développement de la biomasse s'avère également essentiel de plusieurs points de vue:

a.

la politique environnementale: l'effet du cycle de vie de la biomasse en tant que matériau renouvelable sur les émissions de CO2 et SO2 est neutre. Dans le cas d'exploitation à grande échelle de la biomasse, il est en outre possible de clore le cycle des éléments minéraux et celui de l'azote;

b.

la politique agricole: en Europe, des terres ont été mises en jachère. Il est estimé que 200 millions d'hectares de terres agricoles et 10 à 20 millions d'hectares de sol à potentiel productif limité peuvent être consacrés à la production de biomasse en tant que source de matières premières et d'énergie. La nécessité d'une production agricole plus extensive doit être envisagée avec, en toile de fond, l'obligation de préserver la richesse des paysages européens, d'atteindre l'objectif de l'UE consistant à stopper la perte de biodiversité et à garder un espace suffisant pour la protection de la nature. Il faudra dûment tenir compte de l'équilibre entre tous ces domaines;

c.

la politique sociale: globalement, chaque mégawatt de capacité de production installée donne lieu à la création de 11 nouveaux emplois. En supposant qu'en Europe, l'utilisation de la biomasse en tant que source d'énergie passe de 4 % des besoins énergétiques en 2003 à un bon 10 % en 2010 (8), cela pourrait déboucher sur la création de 160.000 nouveaux emplois;

d.

la politique régionale: la biomasse peut être utilisée comme une source d'énergie décentralisée dans un cadre permettant une conversion à proximité de la production grâce à des centrales énergétiques de petites dimensions. Elle pourra ainsi être une source de stabilité sociale au niveau régional, plus particulièrement dans les régions qui connaissent un retard économique;

e.

l'obligation de production d'électricité verte: une directive européenne impose, en effet, aux producteurs européens d'électricité de produire un certain pourcentage d'électricité au départ d'énergies renouvelables. Pourcentage qui varie suivant les pays, mais dont le taux augmente régulièrement. Des pénalités (ou la suppression de subsides) sont prévues en cas de non-respect des pourcentages fixés. Il est clair que la production d'électricité produite au départ de biomasse seule ou — en mélange avec du charbon — en combustion combinée, contribuera grandement à la réalisation des objectifs d'électricité verte.

2.3   L'énergie éolienne

2.3.1

Le potentiel mondial théorique d'énergie éolienne équivaut à plus du double des besoins en électricité attendus en 2020. Cette capacité et l'amélioration constante de la position concurrentielle de cette source d'énergie grâce aux avancées technologiques feront de l'énergie éolienne un substitut essentiel aux combustibles fossiles. Toutefois, vu le caractère changeant de l'offre de ce type d'énergie, celle-ci ne pourra jamais satisfaire l'ensemble des besoins.

2.3.2

La dernière décennie a vu la capacité éolienne installée croître de manière spectaculaire. La puissance des turbines commerciales est passée de 10 kilowatts (5 mètres de diamètre de rotation) à plus de 4.500 kilowatts (plus de 120 mètres de diamètres de rotation) (9). Au cours des 8 dernières années, la capacité éolienne installée s'est accrue de plus de 30 % par an (10). Les prévisions de l'Association européenne de l'énergie éolienne (EWEA) indiquent que la capacité éolienne globale devrait suffire en 2020 pour assurer 12 % des besoins en électricité. Cela implique de passer de 31 gigawatts à la fin 2002 à 1.260 gigawatts en 2020, c'est-à-dire une augmentation annuelle de 23 %. Le Royaume-Uni, le Danemark et l'Allemagne dominent le marché et sont les plus grands exportateurs, tandis que la Chine, l'Inde et le Brésil constituent les principaux marchés d'exportation. La situation est sur le point de changer en Chine, où l'industrie des systèmes de production d'énergie éolienne connaît une croissance rapide. En 2005, le nombre de producteurs dans ce pays a augmenté de 60 % par rapport à 2004. Cela signifie que l'industrie européenne des systèmes éoliens pourrait être confrontée à un scénario identique à celui qu'a connu l'industrie des panneaux solaires, et perdre d'importantes parts de marché au profit de ses concurrents chinois.

2.3.3

Le secteur de l'énergie éolienne est économiquement encore partiellement dépendant de diverses mesures de soutien. Les plus importantes sont le tarif dont les producteurs peuvent bénéficier quand ils vendent l'énergie qu'ils produisent au réseau, et la certitude d'un niveau de prix garanti pour les 10 à 20 années à venir. Ces mesures font du secteur de l'énergie éolienne une industrie en expansion rapide dans certains États membres. Néanmoins, elles ont pour inconvénient d'entraîner la création de grands parcs éoliens centralisés réalisant des profits importants plutôt que de susciter l'émergence d'un fin maillage de centrales éoliennes décentralisées et de petite taille. L'opinion publique a de plus en plus tendance à voir d'un mauvais oeil ce type de développements à grande échelle. Il va de soi que le secteur de l'énergie éolienne est aussi appelé à se maintenir par ses propres moyens, sans subventions ni prix de rachat garanti.

2.3.4

Afin de continuer à renforcer la position concurrentielle de l'énergie éolienne, il est nécessaire d'intensifier les efforts en matière de recherche et de développement. Il convient par ailleurs d'accorder une attention constante aux directives et aux objectifs politiques. Parmi les défis importants figurent entre autres le défrichement de nouveaux emplacements pour les parcs éoliens en bord de mer et la levée des ambiguïtés entravant la mise en œuvre de l'énergie éolienne.

2.3.5

Le développement de l'énergie éolienne est important de plusieurs points de vue:

a)

Politique environnementale: l'énergie éolienne est une forme d'énergie propre sans émission de CO2 ou d'autres polluants. Sa disponibilité est fluctuante mais colossale.

b)

Politique sociale: en 2002, l'énergie éolienne a permis de contribuer à l'emploi à raison de 20 nouveaux emplois par mégawatt de capacité installée. Étant donné les effets d'apprentissage à l'occasion de la conception, de la fabrication et de l'installation des turbines, on estime que l'emploi n'augmentera pas proportionnellement mais passera probablement en 2020 à 9,8 emplois par mégawatt de capacité installée. Cette évolution permettra au nombre d'emplois dans le secteur éolien de passer d'environ 114.000 en 2001 à 1.470.000 en 2020 (11).

c)

Politique régionale: les programmes d'aide ont pour conséquence que l'énergie éolienne se développe dans de grands parcs éoliens centralisés. Les profits qu'ils réalisent les rendent attrayants aux yeux des investisseurs. L'opinion publique, favorable à l'émergence d'un fin maillage de centrales éoliennes décentralisées et de petite taille, voit ces développements d'un mauvais œil.

2.4   L'énergie solaire

2.4.1

L'énergie solaire peut être utilisée de deux manières: sous la forme d'énergie solaire thermique pour le chauffage de locaux et de l'eau, et sous celle de courant solaire pour produire de l'électricité (12). Les systèmes à énergie solaire thermique s'avèrent relativement simples et bon marché à l'usage, et sont déjà employés dans de nombreux pays à des fins de chauffage.

2.4.2

La principale raison de tendre vers une exploitation massive de l'énergie solaire réside dans le caractère inépuisable de cette source d'énergie renouvelable. Le potentiel au niveau mondial est énorme et les infrastructures nécessaires, pour peu qu'elles soient conçues et construites de façon adéquate, sont très respectueuses de l'environnement.

2.4.3

L'énergie solaire est applicable sur pratiquement toute la surface du globe et exploitable de nombreuses manières différentes, allant de petits systèmes localisés dans des endroits reculés à de grandes centrales solaires, en passant par des dispositifs placés sur les toits des maisons.

2.4.4

Les systèmes à énergie solaire thermique sont largement répandus, la Chine constituant le plus grand marché, surtout à cause du manque d'infrastructures de distribution de gaz et d'électricité dans les zones rurales de ce pays. Dans de tels cas, ce type de système est la solution la plus efficace. La Turquie est un autre grand marché. Les ventes de capteurs solaires dans le monde ont connu entre 2001 et 2004 une croissance annuelle de 10 à 15 %, la Chine absorbant 78 % de la production mondiale et la Turquie 5,5 %.

2.4.5

Les marchés européens les plus importants pour les systèmes à énergie solaire thermique sont l'Allemagne, l'Autriche, l'Espagne et la Grèce. Les gouvernements allemand et autrichien soutiennent financièrement l'installation de ce type d'infrastructures. Dans certaines régions d'Espagne, la présence de ces équipements dans les nouvelles constructions est obligatoire. Grâce à leurs mesures de soutien, l'Allemagne et l'Autriche sont de loin les plus grands producteurs de systèmes à énergie solaire thermique en Europe, et concentrent 75 % de la production européenne. Celle-ci, avec 0,8 million de m2, n'est rien à côté de celle de la Chine, qui atteint 12 millions de m2. Cela s'explique principalement par le fait que la Chine a reconnu très tôt l'importance de l'énergie solaire thermique et a encouragé la production de ce type de système par diverses mesures prises dans le cadre de ses plans économiques quinquennaux.

2.4.6

Malgré son caractère inépuisable, le courant solaire ne couvre encore qu'une partie infime de nos besoins. Cela tient au fait que les coûts de production de courant solaire restent bien plus élevés que ceux du courant provenant des installations au gaz ou au charbon. Or, pour sortir du cercle vicieux du débit limité et des prix élevés, il conviendrait justement de recourir autant que faire se peut à l'énergie solaire afin de faire jouer les effets d'échelle au niveau de la production et de l'installation. Alors, la technologie pourra être modernisée et améliorée.

2.4.7

En outre, la production d'énergie au moyen de nombreuses unités de production de taille relativement réduite, dont le rendement varie en fonction de la quantité de soleil, suppose une approche de la problématique énergétique différente de notre approche actuelle. Par ailleurs, si la reconversion au courant solaire constitue un processus à moyen terme, il demeure fondamental de stimuler fortement le développement de ce secteur.

2.4.8

Bien que le marché photovoltaïque connaisse une croissance rapide, il n'existe en fait que trois grands marchés: le Japon, l'Allemagne et la Californie. Ces trois États concentrent 80 % de la production mondiale de systèmes à énergie solaire. Ils encouragent cette production en octroyant des subsides élevés et en garantissant aux producteurs particuliers un bon prix pour l'électricité produite de cette manière. En 2004, la production mondiale de cellules photovoltaïques s'est élevée à une capacité de 1.150 MW. Compte tenu des 3.000 MW déjà installés à la fin de l'année 2003, la capacité totale est passée en 2005 à environ 4.500 MW.

2.4.9

Le marché japonais a vu le jour en 1994 grâce à un programme d'encouragement dans le cadre duquel les investissements étaient subsidiés à hauteur de 50 %. Cette proportion diminuant chaque année de 5 % par rapport à l'ensemble, 2004 fut la dernière année du programme, avec un subside prévu de 5 % de la valeur de l'investissement. La forte demande générée par le programme permit à l'économie nippone de profiter des économies d'échelle: les prix diminuèrent chaque année de 5 %, assurant la stabilité du prix payé par le consommateur. Malgré le fait que les subventions ont cessé d'être octroyées, le marché continue de connaître une croissance annuelle de 20 %. La stabilité de cette demande autorise les entreprises japonaises à investir en R&D ainsi que dans de nouvelles techniques de production, ce qui permet au Japon de concentrer actuellement environ 53 % du marché mondial.

2.4.10

L'Allemagne a connu à peu près la même évolution, avec environ 5 années de retard, le projet ayant été lancé en 1999. Le pays a connu une forte croissance de son marché photovoltaïque grâce à la combinaison de diverses mesures telles que des prêts à taux préférentiel, des subventions et la stabilité des prix pour l'électricité fournie au réseau. En 2001, l'Allemagne dépassait déjà les États-Unis en capacité photovoltaïque installée. Les producteurs locaux ont eu la possibilité de se développer et, aujourd'hui, la moitié de la production européenne (13 % de la production mondiale) provient d'Allemagne. Le lancement en 2004 d'un nouveau programme prévoyant la stabilité des prix de vente pour les 20 prochaines années n'a pas manqué de susciter un nouvel élan: le marché allemand est actuellement dans le monde celui qui connaît la croissance la plus rapide, avec environ 40 % en 2004 et en 2005. Cette demande interne a permis aux entreprises allemandes d'augmenter leur production et leur permettra sous peu — quand le marché national sera saturé — d'exporter.

2.4.11

Le développement de l'énergie solaire est important de plusieurs points de vue:

a)

Politique environnementale: l'énergie solaire est une forme d'énergie propre sans émission de CO2 ou d'autres polluants. Son potentiel est énorme, la Terre absorbant chaque année 3 millions d'exajoules en énergie provenant du soleil. À titre comparatif, la réserve totale de combustibles fossiles est estimée à 300.000 exajoules.

b)

Politique sociale: le développement de l'énergie solaire permettra de créer des emplois dans les domaines de la conception, de l'amélioration, de la production et de l'installation de systèmes à énergie solaire. D'un autre côté, la nécessité de recourir à un nombre plus restreint de centrales de grande taille entraînera des pertes d'emplois.

c)

Politique régionale: l'énergie solaire thermique peut être utilisée dans les zones éloignées et pauvres où il n'existe aucune infrastructure de distribution d'énergie. Cette forme d'énergie est une solution peu coûteuse pour le chauffage et l'approvisionnement en eau chaude.

2.5   L'énergie géothermique

2.5.1

L'énergie géothermique peut être exploitée à des fins de chauffage ou de climatisation de bâtiments grâce à des pompes à chaleur géothermiques. Celles-ci ne consomment qu'une fraction de la quantité de gaz ou d'électricité utilisée par les systèmes de conditionnement d'air traditionnels. L'énergie employée pour chauffer (ou climatiser) provient de l'environnement (air, eau, sol) (13).

2.5.2

Les marchés les plus importants pour les pompes à chaleur géothermiques sont les États-Unis, le Japon et la Suède, qui concentrent ensemble 76 % de la totalité de la capacité installée. Après viennent la Chine, la France, l'Allemagne, la Suisse et l'Autriche. Le marché européen est passé de 40.000 unités en 1997 à 123.000 en 2004. Le marché global a connu une croissance de 18 % en 2004. Les pompes à chaleur géothermiques sont essentiellement produites et installées dans les pays où ces activités ont été fortement encouragées, aussi bien par le biais d'incitants financiers que par d'autres types de mesures.

2.5.3

La Suède constitue un bon exemple de ce type d'approche. Au cours des années 90, les autorités suédoises ont mis en place des mesures visant à stimuler l'utilisation des pompes à chaleur géothermiques, comme des subventions financières directes, des avantages fiscaux et des actions de promotion. La nouvelle réglementation adoptée pour le secteur de la construction, qui établit avec précision la température permise dans les systèmes de chauffage, a également contribué à l'augmentation du recours à ce type de pompes.

2.5.4

De cette façon, un marché a vu le jour, ce qui a permis à la production des pompes à chaleur géothermiques de se développer en Suède. Aujourd'hui, le pays dispose d'une industrie mature avec trois principaux acteurs sur le marché international. Le secteur à lui seul concentre plus de 50 % de la demande européenne. Le marché suédois de la pompe à chaleur géothermique est maintenant suffisamment développé pour connaître une croissance auto-entretenue. Le nombre de pompes augmente de manière continue, même sans les mesures de soutien déployées par l'État. Plus de 90 % des nouvelles constructions du pays sont aujourd'hui systématiquement dotées d'une pompe à chaleur géothermique.

2.5.5

L'Autriche, où les autorités régionales ont octroyé des subventions couvrant jusqu'à 30 % des coûts d'achat et d'installation de pompes à chaleur géothermiques, a connu une évolution similaire. Le pays compte aujourd'hui sept fabricants de ce type de pompe. En Suède comme en Autriche, c'est la combinaison d'un soutien financier direct, de réglementations spécifiques en matière de construction et de campagnes de promotion qui a permis à ce secteur de connaître un tel développement et de poursuivre aujourd'hui son évolution sans soutien.

2.5.6

Le développement de l'énergie géothermique est important de plusieurs points de vue:

a)

Politique environnementale: l'énergie géothermique est une source d'énergie inépuisable, propre et économique. Son potentiel est énorme, la partie extérieure de la croûte terrestre, sur 6 km de profondeur, renfermant une énergie 50.000 fois plus importante que celle de toutes les réserves connues de pétrole et de gaz (14).

b)

Politique sociale: le développement de l'énergie géothermique permettra de créer des emplois dans les domaines de la conception, de l'amélioration, de la production et de l'installation de systèmes à énergie géothermique. D'un autre côté, la nécessité de recourir à un nombre plus restreint de centrales de grande taille entraînera des pertes d'emplois.

c)

Politique régionale: l'énergie thermique géothermique constitue pour les habitants de zones éloignées sans infrastructures de distribution d'énergie une solution peu coûteuse pour assurer leurs besoins en chauffage et leur approvisionnement en eau chaude. Son exploitation requiert de l'électricité mais dans une quantité significativement moindre que ce qui serait nécessaire pour le chauffage direct et l'approvisionnement en eau chaude.

3.   Utilisation efficace des matières premières

3.1

Si la quantité d'énergie pouvant être produite à partir de combustibles fossiles est limitée, les matières premières métalliques, minérales et biologiques utilisées dans la production industrielle ne sont pas non plus infinies (15). Leur utilisation dans le monde industriel est considérable: 20 % de la population mondiale consomment plus de 80 % de l'ensemble des matières premières.

3.2

Ce modèle de consommation n'est pas conciliable avec une utilisation durable des ressources naturelles dont nous disposons. En supposant que ces réserves de matières premières constituent notre héritage commun et qu'y accéder aujourd'hui comme demain est un droit de l'homme universel et inaliénable, l'Europe devra réduire son exploitation de ces ressources d'un facteur 4 d'ici 2050 et d'un facteur 10 d'ici 2080 (16). Le CESE se déclare satisfait des initiatives prises en la matière telles que la dématérialisation et le Plan d'action en faveur des écotechnologies (ETAP).

3.3

Tout bien considéré, chaque produit porte atteinte à l'environnement, que ce soit au cours de la phase de production, pendant l'utilisation ou encore lorsqu'il est mis au rebut, en fin de cycle. Le cycle de vie d'un produit se compose de plusieurs phases: l'extraction de la matière première, la conception, la production, l'assemblage, le marketing, la distribution, la vente, l'utilisation et la mise au rebut. Au cours de chaque phase, des acteurs différents sont impliqués: les concepteurs, les producteurs, les négociants, les consommateurs, etc. La politique intégrée des produits s'efforce de mieux harmoniser ces différentes phases (par exemple en tenant compte dès sa conception de la meilleure façon de recycler un produit) afin d'améliorer l'impact environnemental du produit pendant tout son cycle de vie.

3.4

Étant donné le nombre de produits différents que nous connaissons et la grande variété des acteurs impliqués, il n'est pas possible d'adopter une mesure uniforme unique qui résoudrait tous les problèmes. À cette fin, un arsenal complet d'instruments politiques, aussi bien contraignants que faisant appel au volontariat, est nécessaire. Ces instruments devront être mis en œuvre en étroite collaboration avec les secteurs public et privé, ainsi qu'avec la société civile.

3.5

Dans cette optique, les organisations de consommateurs devraient également jouer un rôle plus stimulant et plus porteur que celui qui a été traditionnellement le leur jusqu'à maintenant. Jusqu'ici, bon nombre d'entre elles veillaient surtout à obtenir la meilleure qualité possible aux prix les plus bas. Or, dans la pratique, cette combinaison d'exigences implique que la production ne se déroule pas de la manière la plus durable.

3.6   La cogénération

3.6.1

L'exploitation de la chaleur dégagée lors de la production d'électricité constitue un sérieux progrès en matière d'efficacité énergétique, même si les limitations techniques découlant de la grande distance séparant l'endroit où cette chaleur est produite (zone industrielle) de celui où elle est consommée (zone résidentielle) entraînent une importante perte d'énergie. Les unités de microcogénération peuvent être utilisées avec pour objectif premier de répondre aux besoins thermiques d'un bâtiment et fournir de l'électricité comme produit dérivé. D'autres produits peuvent être configurés pour répondre en premier lieu à une demande en électricité et créer de la chaleur comme produit dérivé. La plupart des ventes réalisées à ce jour concernent des unités de microcogénération pour la production de chaleur. Cependant, les piles à combustible sont plus généralement configurées pour satisfaire la demande en électricité.

3.6.2

La technologie de la cogénération permet de remédier à ce problème tout en plaçant l'industrie européenne devant un défi économique. Cette technologie est principalement utilisée pour chauffer des blocs d'habitations et des magasins, et fournit de l'électricité comme produit dérivé. En 2004, environ 24.000 unités avaient été installées. Cette technologie fonctionne à partir de différentes sources d'énergie. La variante se basant sur la technologie de l'hydrogène (pile à combustibles) semble la plus prometteuse mais cette technologie doit encore être améliorée.

3.6.3

Grâce aux subventions qui y sont accordées aux utilisateurs désireux de s'équiper d'installations de cogénération, le Japon est de loin le pays le plus avancé dans le développement de cette technologie. Le fait que l'industrie automobile stimule fortement la technologie de la pile à combustible contribue également à cette prépondérance nippone. Le gouvernement japonais s'efforce d'assurer à l'industrie nationale une position dominante dans le développement de la technologie de la pile à combustible, comme c'est déjà le cas en matière de courant solaire, en encourageant et finançant la recherche et le développement, et en accordant des subventions à l'achat aux utilisateurs à un stade précoce de l'évolution du marché.

3.6.4

Le développement de la cogénération est important de plusieurs points de vue:

a)

Politique environnementale: il s'agit d'une source d'énergie peu coûteuse et peu consommatrice d'énergie. Elle est en outre très propre: la cogénération produit de l'eau chaude et de l'électricité en émettant 20 % de CO2 en moins.

b)

Politique sociale: le développement de la cogénération permettra de créer des emplois dans les domaines de la conception, de l'amélioration, de la production et de l'installation de systèmes de cogénération. D'un autre côté, la nécessité de recourir à un nombre plus restreint de centrales de grande taille entraînera des pertes d'emplois.

4.   Implications de la durabilité pour une série de secteurs

La croissance que connaissent les secteurs actifs dans la recherche et le développement de technologies en matière d'énergies renouvelables est révélatrice des sérieuses possibilités économiques que recèle le développement durable. Ces possibilités ne sont pas uniquement présentes dans les branches développant directement les technologies de la durabilité, mais également dans celles où ces technologies sont appelées à être appliquées.

4.1   Le transport

4.1.1

Le secteur des transports est l'un des principaux consommateurs d'énergies fossiles. Il présente cependant de bonnes possibilités d'utilisation durable de l'énergie, comme le montrent les nombreuses recommandations utiles du rapport final du groupe CARS 21 (17). En outre, une meilleure planification du développement urbain et des infrastructures, ainsi qu'une utilisation plus intensive des technologies de l'information et des communications (TIC) offrent des perspectives en matière d'amélioration de l'efficacité des transports. En combinant ces techniques à une technologie des moteurs à combustion améliorée, il sera possible de dégager des économies d'énergie substantielles. À court terme, le secteur présente également de bonnes possibilités de reconversion partielle à d'autres types de combustibles, tels que le gaz naturel ou le carburant issu de la biomasse (BTL). À long terme, l'économie de l'hydrogène semble offrir de grandes possibilités dans ce secteur. La technologie hybride telle qu'elle est en train d'être développée, constitue une très bonne technologie provisoire.

4.1.2

La part de marché maximale possible pour le carburant provenant de la biomasse est estimée à 15 %. L'Union européenne table sur une part de marché de 6 % d'ici 2010. Un premier projet-pilote de production à grande échelle de carburant à partir de la biomasse est actuellement en cours.

4.1.3

Le gaz naturel produit moins d'émissions de CO2 que l'essence (16 % en moins) ou le gazole (13 % en moins). Il est par ailleurs susceptible, dans un climat fiscal favorable, de conquérir une part de marché plus importante. De cette façon, un marché stable à la fois pour les producteurs et pour les consommateurs pourrait voir le jour. La technologie nécessaire est disponible. Il semble que ce soient principalement dans le cadre des transports publics dans les zones urbaines que les possibilités sont les plus intéressantes. C'est en effet dans le cadre de ces infrastructures que les stations de ravitaillement de gaz pourront être exploitées de manière optimale. Une part de marché de 10 % pourrait être atteinte en 2020 (18).

4.1.4

L'expérience d'autres pays (surtout le Brésil) indique que, pour développer une telle part de marché, il ne suffit pas de veiller à la disponibilité de carburants bio. Une politique d'accompagnement — avantages fiscaux, législation et réglementation ciblées, promotion — est également nécessaire pour faire basculer le consommateur.

4.1.5

Le revers de la médaille est que l'utilisation accrue des biocarburants provenant de zones environnementalement sensibles (par exemple de l'huile de palme produite en Asie du Sud-Est) peut entraîner la destruction à grande échelle de forêts vierges pour les remplacer par des plantations nécessaires à la production d'huile de palme. Le monde compte 23 grands écosystèmes. D'après une récente étude des Nations Unies, 15 d'entre eux sont épuisés ou fortement pollués.

4.2   La construction

4.2.1

Le secteur de la construction — en particulier la construction de logements — recèle d'énormes possibilités en matière de construction durable. Ainsi, il est déjà possible, moyennant des frais supplémentaires dérisoires, de construire des logements dont la consommation énergétique nette est nulle. Le fait que les frais supplémentaires soient rapidement amortis en raison de l'absence de coûts énergétiques renforce l'attrait de cette possibilité. La construction d'un tel bâtiment coûte en moyenne 8 % plus cher que celle d'un bâtiment traditionnel. Les économies d'échelle permettraient de ramener ces coûts supplémentaires à 4 % en dix ans. Norman Foster, l'un des architectes les plus célèbres du monde, a déclaré un jour que, sur une période de 25 ans, les frais de construction ne représentent que 5,5 % des coûts totaux liés à un bâtiment tandis que les dépenses générées par son occupation (énergie, entretien de plus ou moins grande ampleur, taux d'intérêt hypothèque/location) atteignent 86 % de la même somme. Ainsi, si construire de façon durable peut s'avérer légèrement plus cher à court terme, ce type de construction est en fait considérablement moins coûteux à moyen ou long terme.

4.2.2

En Allemagne et en Autriche, le nombre de constructions respectueuses de principes d'efficacité énergétique croît proportionnellement plus rapidement que dans le reste de l'Union. Ainsi, en Allemagne, le Passiv Haus Institut a demandé que soient conçus des logements consommant excessivement peu d'énergie grâce à l'application combinée de l'énergie solaire et d'une isolation efficace et hermétique des habitations. Plus de 4.000 maisons de ce type ont déjà été construites dans ce pays et plus de 1.000 en Autriche. Le même principe de construction s'applique également de plus en plus dans le secteur des bâtiments non résidentiels.

4.2.3

La Ville de Fribourg a fixé de nouvelles normes en matière de constructions peu gourmandes en énergie. Ces normes figurent systématiquement dans tous les contrats de location ou de vente que l'administration municipale conclut avec des entrepreneurs du bâtiment ou des promoteurs immobiliers. Ainsi, la Ville de Fribourg exploite de manière optimale ses pouvoirs juridiques afin d'agir à grande échelle en matière de gestion de l'énergie. Ces contrats prévoient l'obligation de construire selon des principes d'efficacité énergétique sur les terrains achetés ou loués auprès de la municipalité, de concevoir les bâtiments de façon à garantir une utilisation potentielle optimale de l'énergie solaire, et d'adapter les toits afin de pouvoir y placer des panneaux solaires. Une économie de 40 % de la consommation d'eau chaude est réalisée dans les quartiers construits selon ces principes.

4.3   L'industrie

4.3.1

Le Comité se félicite que l'approche de la politique industrielle adoptée par la Commission et présentée dans sa communication intitulée «Mettre en œuvre le programme communautaire de Lisbonne: Un cadre politique pour renforcer l'industrie manufacturière de l'UE — vers une approche plus intégrée de la politique industrielle» (19) prenne en compte les préoccupations relatives au développement durable. La réalisation des objectifs de Lisbonne requiert une industrie européenne compétitive. Par conséquent, le CESE approuve l'instauration d'un groupe de haut niveau sur la compétitivité, l'énergie et l'environnement, qui constitue l'une des sept grandes initiatives politiques transsectorielles visant à renforcer les synergies entre les différents domaines politiques à la lumière des considérations de compétitivité. Le Comité applaudit également aux efforts réalisés par l'industrie européenne en la matière.

4.3.2

Pour le moment, le secteur industriel reste largement tributaire des combustibles fossiles. Cependant, dans de nombreux cas, opter pour un processus électrique permet l'utilisation de toutes sortes de sources d'énergie primaires tout en opérant, dans la majorité des cas, des économies d'énergie (20). Il existe par ailleurs des possibilités d'échange de l'énergie dégagée par certains procédés de production entre des complexes industriels d'une part, et d'autres secteurs ou des complexes résidentiels d'autre part. Ainsi, la chaleur dégagée par le complexe industriel situé dans la zone portuaire de Rotterdam-Europoort est utilisée pour chauffer le plus vaste complexe de serres du Nord-Ouest de l'Europe, qui se trouve dans le Westland, une région située à 20 km de là.

4.3.3

L'industrie chimique est basée sur le pétrole, une matière première qui, à l'avenir, sera de moins en moins disponible. Une alternative se présente sous la forme de la biosynthèse, c'est-à-dire la production de produits chimiques de base au moyen de bactéries, à partir de la biomasse. Il s'agit d'un domaine très complexe, mais également plein d'avenir. Au cours des dernières années, la connaissance de la génétique des micro-organismes comme les bactéries a beaucoup progressé. Grâce à de nouvelles techniques, il est possible de modifier génétiquement ces organismes pour qu'ils transforment des matières premières en substances spécifiques. Ainsi, les bactéries deviennent en quelque sorte des miniréacteurs programmables.

4.3.4

Ce sont à l'heure actuelle surtout les industries alimentaire et pharmaceutique qui ont recours à cette technologie des micro-organismes, notamment pour produire le fromage, la bière et la pénicilline. Ces secteurs recèlent également de grandes possibilités en matière de bioconversion, mais l'industrie chimique commence également à s'intéresser à cette technologie. Un grand nombre d'étapes de réaction sont nécessaires pour extraire les substances du pétrole et les purifier. Si la technologie doit encore être fortement améliorée, il est théoriquement possible d'opérer une reconversion vers la transformation de la biomasse en produits chimiques de base ou en autres produits. Cela permettrait de réaliser des économies dans la consommation de pétrole. Tous les autres éléments dignes d'intérêt, que ce soit dans une perspective économique ou écologique — la réduction des émissions, le cycle fermé, la gestion intégrale — sont par ailleurs présents.

4.3.5

Les secteurs à forte consommation énergétique peuvent rencontrer des problèmes spécifiques en assurant une transition progressive vers des sources d'énergie renouvelables. Le degré de durabilité de la production est directement fonction du niveau de technologie employée. Aucune amélioration notoire n'est à attendre dans ce domaine dans un avenir proche. Les secteurs européens de l'acier et de l'aluminium par exemple obtiennent déjà de bons résultats en la matière. Alors que l'industrie sidérurgique investit beaucoup dans les nouvelles technologies en vue d'une production plus durable, notamment par le biais du projet ULCOS (Ultra Low CO 2 SteelmakingProcessus sidérurgiques à très basses émissions de CO 2, le projet sidérurgique européen le plus important à ce jour) et prévoit de réduire de moitié ses émissions de CO2 d'ici 2040, la production d'aluminium primaire en Europe est caractérisés par une utilisation très importante d'énergies renouvelables (44,7 %). Étant donné que l'énergie utilisée pour la production d'aluminium secondaire à partir de débris d'aluminium représente seulement 10 % de l'énergie nécessaire à la production d'aluminium primaire, le potentiel d'économie d'énergie dans ce secteur est énorme. Toutefois, les débris d'aluminium sur le marché européen sont achetés massivement par la Chine, grâce à des mesures d'incitation du gouvernement visant à économiser l'énergie.

4.3.6

Les résultats de l'industrie européenne de l'acier sont également bons en matière d'utilisation efficace des matières premières et de recyclage. La moitié de la production mondiale d'acier provient de la ferraille. La réutilisation des déchets est également optimalisée. Ainsi, sur le site néerlandais de Corus, à IJmuiden, 99 % des déchets et des produits résiduels sont réutilisés sur le site ou à l'extérieur.

4.3.7

Bien que l'utilisation de sources d'énergie fossiles comme matière première pour la production industrielle sera, dans une large mesure, inévitable au cours des prochaines années, le recours à des matières développées récemment permettra d'économiser l'énergie dans les domaines d'application, par exemple en réduisant le poids dans la fabrication de véhicules. Afin de promouvoir une telle innovation, l'industrie européenne doit préserver sa compétitivité internationale, en commençant par les industries minières, où débute la chaîne de création de valeur.

5.   Aspects sociaux

5.1

Une transition progressive vers une production durable est inéluctable et sa nécessité est indéniable. La désindustrialisation, la délocalisation de la production vers d'autres régions et la concurrence grandissante des économies en développement ont généré angoisse et insécurité. Dans ce contexte, l'opinion a eu tendance à croire que le passage à une production plus durable porterait atteinte à la compétitivité européenne, entraverait la croissance industrielle et serait mauvais pour l'économie et l'emploi.

5.2

Il y a eu des retombées négatives sur l'emploi en Europe. En Allemagne, des études prévoient que le système d'échange de quotas d'émissions (ETS) entraînera la perte de 27.600 emplois d'ici 2010 et de 34.300 emplois d'ici 2020 (21). Par ailleurs, la mise en œuvre de la loi sur l'énergie renouvelable et celle du protocole de Kyoto se solderont d'ici 2010 par la perte de respectivement 6.100 (22) et 318.000 (23) autres emplois dans ce même pays. Ces chiffres, qui doivent être mis en balance avec les nouveaux emplois créés, montrent qu'une politique orientée vers les objectifs de la lutte contre le changement climatique se traduit dans les faits par des «mutations industrielles»: c'est ainsi par exemple que les énergies renouvelables ont rapporté 16,4 milliards d'euros en Allemagne en 2005 et que 170.000 emplois ont depuis lors été créés dans ce secteur (24). La protection de l'environnement et la lutte contre le changement climatique, avec un volume de production de 55 milliards d'euros (2004) représentent actuellement en Allemagne quelque 1,5 million d'emplois et, en contribuant aux exportations allemandes (31 milliards d'euros en 2003), permettent de préserver de nombreux autres emplois (25).

5.3

L'impact n'est toutefois pas exclusivement négatif. Les résultats d'une étude sur les suppressions d'emplois en Europe indiquent que moins de 5 % d'entre elles résultent de la délocalisation de la production vers d'autres régions (26). Malgré les limites méthodologiques dues aux techniques de collecte des données, cette étude reste une source d'information utile, en particulier si elle est prise en considération parallèlement à d'autres indicateurs pertinents. L'on pourrait en outre arguer que seul un faible pourcentage des pertes d'emplois est imputable à la législation environnementale.

5.4

Par ailleurs, le nombre d'emplois a augmenté. Le secteur des éco-industries actives dans la recherche et le développement de technologies durables est dynamique et connaît un taux annuel de création d'emplois de 5 %. Avec plus de 2 millions d'emplois directs à temps plein, il est actuellement un aussi grand pourvoyeur d'emplois en Europe que le secteur pharmaceutique et l'industrie spatiale (27).

5.5

Une étude réalisée par l'OCDE (28) montre que la production durable n'entraîne pas nécessairement une hausse des coûts. Elle serait même susceptible, sur le long terme, d'entraîner une légère réduction des coûts. En outre, les bénéfices de la production durable contrebalancent les coûts qu'elle génère. Des avantages commerciaux évidents, la législation et la réglementation annexe en matière environnementale favorisent les investissements dans l'innovation durable et garantissent une utilisation plus efficace des matières premières, un renforcement de la marque et de l'image de l'entreprise, et, finalement, une plus grande rentabilité et plus d'emplois. Pour être efficace, ce processus requiert une approche commune fondée sur la responsabilité partagée des entreprises, de la main-d'œuvre et du gouvernement.

5.6

Il convient d'éviter à tout prix que l'industrie européenne ne subisse un important désavantage concurrentiel par rapport à des entreprises situées dans des pays tiers, en raison de coûts plus élevés dus aux réglementations et législations environnementales et sociales. Il n'est ni acceptable, ni logique qu'une Europe qui impose des normes de production durable à sa propre industrie accepte dans le même temps que des producteurs extérieurs apportent sur le marché européen des produits dont la production n'est pas conforme à ces mêmes normes. Pour encourager la production durable, une double approche est nécessaire: au niveau intérieur de l'UE d'une part, et au niveau extérieur d'autre part.

5.6.1

Au niveau intérieur, il y a lieu de prévoir des instruments appropriés pour veiller à internaliser dans le prix des marchandises les coûts sociaux et environnementaux découlant de méthodes de production non durables au sein de l'Union européenne, et ce afin de promouvoir l'idée principale du rapport de la Commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation visant une cohérence de politique entre l'OIT, l'OMC, le FMI et la Banque mondiale, comme le souligne l'avis du CESE relatif à «La dimension sociale de la mondialisation».

5.6.2

Au niveau extérieur, l'UE devrait mettre tout en œuvre au sein des cercles internationaux pertinents (en particulier au sein de l'OMC) pour inclure des préoccupations non commerciales, telles que des normes sociales et environnementales fondamentales, dans les accords internationaux sur le commerce afin de faciliter la modernisation des politiques de durabilité des concurrents de l'Europe. Tant qu'ils ne seront pas liés par les objectifs de réduction du CO2 du protocole de Kyoto, des pays comme les États-Unis, l'Inde et la Chine bénéficieront d'un avantage économique injuste sur l'Europe. Ces accords devraient être mis en œuvre à l'échelle mondiale car, pour être véritablement libres, les échanges doivent également être équitables.

5.7

Les éco-industries européennes détiennent un tiers du marché mondial et connaissent un excédent commercial de plus de 600 millions d'euros. Les exportations ont crû en 2004 de 8 % et ce marché est en expansion car tous les pays, y compris la Chine et l'Inde, devront à l'avenir opter de plus en plus pour une production et des modes de production durables.

5.8

La société durable et innovatrice vers laquelle nous devons tendre requiert une campagne d'information sérieuse visant les citoyens et les consommateurs en vue de les sensibiliser et de créer une large base sociale. Elle nécessite également des travailleurs bien formés. Dans un passé récent, l'Europe n'a accordé que trop peu d'importance à cette question. Ainsi, la recherche des termes «training» (formation), «learning» (apprentissage) et «skilling» (qualification) dans les versions anglaises des dix directives communautaires publiées en la matière (durabilité, innovation) n'a donné qu'une seule occurrence portant sur le premier terme, dans l'une des directives.

5.9

Dans plusieurs communications précédant ces directives, la Commission avait largement fait mention de la nécessité de formation. Cette attention est totalement absente des directives. Si les communications portent sur des déclarations, les directives portent sur des actions. Or, la politique n'est pas ce que l'on déclare, mais bien ce que l'on fait. Le CESE se félicite que la nouvelle politique industrielle de l'UE accorde beaucoup d'attention à l'importance de l'éducation et encourage la Commission à poursuivre sur cette voie.

5.10

Dans le cadre de la stratégie de Lisbonne, l'Union s'efforce de devenir d'ici 2010 l'économie de la connaissance la plus compétitive du monde, caractérisée par une grande cohésion sociale et un emploi vraiment durable. Pour concrétiser une telle ambition et assurer la pérennité d'une telle société, il est indispensable d'avoir une population active qui soit bien formée. Si nous n'investissons pas suffisamment dans l'éducation des travailleurs, non seulement nous n'atteindrons pas les objectifs de Lisbonne en 2010, mais nous ne les atteindrons jamais.

Bruxelles, le 14 septembre 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  COM(2005) 658 final, 13.12.2005.

(2)  Un modèle d'utilisation durable de l'énergie développé par l'Université technique de Delft.

(3)  Source: Energie Centrum Nederland (www.ecn.nl).

(4)  COM(2006) 105 final, 8.3.2006.

(5)  Eurobaromètres no227 (sur l'énergie nucléaire et les déchets, juin 2005) et no 247 («Attitudes au sujet de l'énergie», janvier 2006).

(6)  Source: Energie Centrum Nederland, www.ecn.nl.

(7)  www.worldwatch.org.

(8)  Plan d'action sur la biomasse, Communication de la Commission (SEC(2005) 1573).

(9)  Source: Energie Centrum Nederland, www.ecn.nl.

(10)  Sources: www.ewea.org, www.wind-energie.de.

(11)  Source: Energie Centrum Nederland, www.ecn.nl.

(12)  Voir annexe I.

(13)  Voir annexe II.

(14)  Source: Informatiecentrum Duurzame Energie.

(15)  Voir avis CESE intitulé «Risques et problèmes liés à l'approvisionnement de l'industrie européenne en matières premières».

(16)  Révision de la Stratégie de développement durable de l'UE.

(17)  Groupe de haut niveau «CARS 21»: Competitive Automotive Regulatory System for the 21st Century (système réglementaire concurrentiel du secteur automobile pour le 21ème siècle).

(18)  Sources: COM(2001) 547, Directive 2003/30/CE visant à promouvoir l'utilisation de biocarburants ou autres carburants renouvelables dans les transports, Rapport sur les carburants alternatifs du groupe de contact «Carburants alternatifs», décembre 2003.

(19)  COM(2005) 474 final, paragraphe 4.1.

(20)  Voir «Electricity for more efficiency — Electric technologies and their energy savings potential» (juillet 2004):

http://www.uie.org/library/REPORT_FINAL_July_2004.pdf.

(21)  «Zertifikatehandel für CO2-Emissionen auf dem Prüfstand», 2002, Arbeitsgemeinschaft für Energie- und Systemplanung (AGEP)/Rheinisch-Westfälisches Institut für Wirtschaftsforschung (RWI).

(22)  «Gesamtwirtschaftliche, sektorale und ökologische Auswirkungen des Erneuerbare-Energien-Gesetzes (EEG)», 2004, Energiewirtschaftliches Institut an der Universität zu Köln (EWI, Köln), Institut für Energetik und Umwelt (IE, Leipzig), Rheinisch-Westfälisches Institut für Wirtschaftsforschung (RWI, Essen).

(23)  «Das Kyoto-Protokoll und die Folgen für Deutschland 2005», Institut für politische Analysen und Strategie (ipas) en cooperation avec l'International Council for Capital Formation (ICCF).

(24)  Communiqué de presse 179/06 du ministère fédéral de l'environnement du 10.7.2006.

(25)  Communiqué de presse 81/06 du ministère fédéral de l'environnement du 20.4.2006.

(26)  www.emcc.eurofound.eu.int/erm/.

(27)  Hintergrundpapier «Umweltschutz und Beschäftigung» Umweltbundesamt, avril 2004.

(28)  www.oecd.org/dataoecd/34/39/35042829.


23.12.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/12


Avis du Comité économique et social européen sur «La gouvernance territoriale des mutations industrielles: le rôle des partenaires sociaux et la contribution du programme-cadre pour la compétitivité et l'innovation»

(2006/C 318/02)

Le 19 janvier 2006, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2 de son règlement intérieur, d'élaborer un avis sur: «La gouvernance territoriale des mutations industrielles: le rôle des partenaires sociaux et la contribution du programme-cadre pour la compétitivité et l'innovation»

La commission consultative des mutations industrielles, chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 31 août 2006 (rapporteur: M. PEZZINI; corapporteur: M. GIBELLIERI).

Lors de sa 429e session plénière des 13 et 14 septembre 2006 (séance du 13 septembre 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 181 voix pour, 2 voix contre et 8 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Face aux nouveaux défis que pose la mondialisation, le Conseil européen de mars 2006 s'est focalisé, pour ce qui a trait à la relance de la stratégie de Lisbonne, d'une part sur la croissance et l'emploi et de l'autre sur une approche intégrée de la gouvernance.

1.2

L'UE doit consentir des efforts afin d'assurer à ses citoyens un développement qui soit innovant, compétitif et durable, pour parvenir à une plus grande cohésion économique et sociale sur son territoire, en créant et en développant de nouvelles entreprises, de nouveaux profils professionnels et des emplois plus nombreux et de meilleure qualité, tout en conservant le modèle social européen qui doit s'orienter vers une économie de la connaissance.

1.2.1

Le Comité a l'intime conviction que sans «un nouveau cycle de gouvernance fondé sur le partenariat et la maîtrise du processus par les acteurs concernés» (1), tous les efforts de relance de la compétitivité et de l'emploi en Europe seraient vains et que l'adoption et l'application rapide et généralisée de nouveaux modèles de gouvernance seraient nécessaires.

1.2.2

De l'avis du Comité, tant le VIIe programme-cadre de RDTD (recherche, développement technologique et démonstration) que le nouveau PIC présentent encore une orientation descendante trop marquée et ne permettent pas encore d'appréhender les intégrations utiles ni les besoins de participation responsable des acteurs publics et privés du développement au niveau local et régional, optimisant ainsi le rôle essentiel des partenaires sociaux pour des perspectives de croissance durables et soutenables.

1.3

L'Union européenne devrait encourager, y compris par le biais des deux instruments précités, ce nouveau type de partenariat au niveau local avec les autorités et les acteurs économiques, notamment les partenaires sociaux, en favorisant une nouvelle génération de «pactes territoriaux pour le développement dans le cadre de la mondialisation» (2).

1.4

Le CESE est convaincu qu'il ne peut y avoir de solutions de gouvernance qui puissent être valables pour tous. C'est à chaque niveau régional et local qu'il appartient de rechercher les formules qui répondent le mieux aux exigences en matière de gouvernance territoriale, et qui soient compatibles avec le contexte national, européen et international de référence.

1.5

Le Comité estime néanmoins que certains critères communs à ces formules peuvent être signalés:

présence d'un dialogue civil et social structuré,

évaluation de la qualité et de l'impact des actions réalisées, effectuée de manière régulière et publique,

formation d'agents et d'intégrateurs de développement,

passerelles structurées entre le monde académique, l'industrie et le gouvernement,

structures de qualité pour l'éducation et la formation,

insertion dans des réseaux de centres d'excellence scientifique et technologique,

mise en place et renforcement de structures de regroupement avancées (parcs industriels, parcs de haute technologie, conglomérats d'entreprises de production et de sociétés financières, etc.),

territoire disposant de l'équipement nécessaire, répondant aux exigences de durabilité, et qui soit attrayant et informatisé,

structures de consensus et de décision qui soient efficaces et acceptées, qui se basent sur l'implication des citoyens.

1.5.1

Il est enfin absolument nécessaire qu'un dialogue social structuré fasse partie intégrante de cette politique intégrée du territoire, mis en œuvre également par la valorisation des conseils économiques et sociaux territoriaux existants, rassemblant les partenaires sociaux et les représentants de la société civile organisée, et par la mise en place de formes efficaces de partenariat économique et social (3).

1.5.2

À cet égard, la voie indiquée par le CESE doit être poursuivie, en impliquant les conseils économiques et sociaux ou des organismes analogues, de chaque État européen dans un dialogue structuré avec le CESE.

1.6

La réussite de la nouvelle gouvernance dépendra toujours davantage de l'aptitude à identifier le niveau de proximité le plus efficace pour gérer les problèmes et les solutions, conformément au principe de subsidiarité mais tout en préservant un ensemble cohérent et une vision commune par rapport aux autres niveaux d'intervention (4).

1.7

Le Comité est convaincu que la pratique consistant à explorer les possibilités de parcours, d'actions et d'interventions dans une perspective à moyen-long terme et comprenant également des exercices participatifs de prospective peut apporter une contribution utile du «bas vers le haut» au développement culturel de la société et peut concourir à nourrir les choix des décideurs politiques et administratifs. Cette pratique peut également et surtout faire apparaître et renforcer sur le territoire les interactions entre les secteurs technologiques, économiques, sociaux, politiques et culturels qui sont essentielles pour la gouvernance d'un développement durable et compétitif.

1.8

Cela demande, avant tout, une implication des acteurs sociaux et des représentants de la société civile organisée, afin de distinguer clairement les points forts et les faiblesses et d'être en mesure d'identifier de nouvelles possibilités sur le marché intérieur et international.

1.9

Si d'une part, la mondialisation exerce une pression compétitive pour s'engager dans la modernisation, l'innovation et pousser vers le haut la chaîne des valeurs et elle permet de produire et de distribuer des biens et des services de la manière la plus efficace et économique, de l'autre, elle risque de produire — si elles ne sont pas traitées à temps — de nouvelles segmentations et fragmentations du tissu économique et social, notamment au niveau territorial.

1.9.1

De cette constatation dérive la nécessité, d'après le Comité, de s'atteler dans les meilleurs délais à la création de nouvelles compétences, en mesure d'orienter les citoyens vers le changement. Il y a lieu d'organiser des actions de formation conjointes destinées aux gestionnaires de district, aux responsables d'entreprise, aux responsables des systèmes financiers et de crédit, à mettre en oeuvre avec les décideurs politiques et les responsables du secteur public ainsi qu'avec les cadres des collectivités locales et territoriales.

1.10

Seule une approche territoriale intégrée et faisant appel à la participation est en mesure, de l'avis du Comité, de faire en sorte que les connaissances que l'on a accumulées grâce aux investissements dans la recherche et le développement, l'innovation et l'éducation puissent engendrer des aptitudes à l'innovation synonymes d'avantages compétitifs de la base industrielle européenne, aptes à attirer un capital humain et financier sur le territoire.

1.10.1

Dans ce contexte, il est essentiel d'étudier de nouvelles modalités pour attirer sur le territoire un capital humain, y compris par le biais d'un plus grand équilibre entre le temps consacré au travail et à la vie, en introduisant des incitations, notamment pour les professions intellectuelles et hautement qualifiées, telles que celles des cadres, des chercheurs, des professionnels de l'industrie, qui permettent aux personnes concernées d'obtenir, au cours de la vie professionnelle, des avantages suffisamment attrayants.

1.11

Le Comité estime que le nouveau programme-cadre PIC 2007-2013 ne peut être considéré séparément des autres politiques et programmes d'action communautaires sur le territoire, parce qu'il souhaite aborder ces questions au travers de trois lignes d'action: le programme pour l'innovation et l'esprit d'entreprise, le programme d'appui stratégique en matière de technologies de la communication et de l'information; le programme «Énergie intelligente — Europe».

1.12

Dans cette optique, le Comité estime qu'il est nécessaire de coordonner étroitement le PIC et les interventions de politique régionale, de cohésion et de coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale ainsi que le VIIe programme-cadre de RDTD qui consacre une partie importante de son «programme capacités» au développement de la recherche des PME, aux «régions de la connaissance», à l'appui à l'innovation et aux services innovants destinés aux entreprises et également aux relations nécessaires entre le monde de la formation et celui de l'entreprise.

1.13

De l'avis du Comité, il est indispensable que ces initiatives, en plus d'un degré élevé de coordination visant à garantir des synergies et éviter des doublons et des incohérences, soient prioritairement réadaptées et assimilées de manière appropriée par le territoire dans un contexte de priorité de partenariat pour un développement local partagé.

1.14

Le Comité réitère enfin ce qu'il a déjà exprimé dans certains de ses récents avis concernant la politique industrielle moderne: «Il manque un lien clair entre les efforts réalisés à l'échelon communautaire et la participation indispensable des gouvernements, de l'industrie et des acteurs concernés aux échelons national et régional».

2.   Définitions

L'avis fait référence à certains concepts dont le sens est explicité ci-dessous.

2.1

La gouvernance: la littérature anthropologique différencie trois types de gouvernance (5). La gouvernance qui «part de la base», prévoyant une coordination de tous les acteurs, à l'échelon local, et qui est caractérisée par un intérêt marqué pour toutes les activités technologiques. La gouvernance «en réseau», reposant sur une forte coordination en réseau de tous les acteurs et notamment des entreprises, des organismes de recherche et des organismes financiers. La gouvernance «dirigiste», qui se base sur un degré élevé de coordination et sur une gestion centralisée de nombreux dossiers particulièrement importants, tels que les financements et les compétences en matière de recherche.

2.2   Territoire socialement responsable  (6):

un territoire peut se définir comme socialement responsable lorsqu'il axe son développement sur les principes de la durabilité, c'est-à-dire lorsqu'il intègre dans son développement la dimension économique, sociale et environnementale. Un territoire peut être défini comme étant socialement responsable lorsqu'il parvient à:

intégrer dans ses décisions économiques des dimensions sociales et environnementales,

partager un modèle de valeurs et une méthode participative dans les processus décisionnels,

favoriser les bonnes pratiques et une interaction continue entre les acteurs concernés, afin d'encourager l'innovation et la compétitivité.

Pour pouvoir envisager un territoire socialement responsable, il y a lieu de:

identifier la communauté qui habite sur son territoire,

identifier les valeurs qui la gouvernent.

2.3   Capital social d'un territoire

Le capital social peut prendre différentes formes: culture de coopération ou de concurrence; consensus associatif ou polarisation de groupes d'intérêts; modalités d'apprentissage. Les traditions culturelles et le type d'organisation peuvent exercer une influence considérable sur les obstacles que l'on peut rencontrer sur la voie de la réalisation d'un territoire socialement responsable. Un examen plus approfondi des ressources sociales disponibles sur un territoire (capital social) nous impose de distinguer entre: le capital institutionnel, le capital culturel, le capital symbolique, le capital psychosocial et le capital cognitif.

Capital institutionnel: il s'agit de la capacité des institutions formelles d'un territoire à se concentrer sur la solution des problèmes, de leur capacité d'action, de la rapidité du processus décisionnel, du niveau d'information des organisations et de leur flexibilité et enfin du type de rapports existant entre les différentes organisations,

Capital culturel: il est composé du patrimoine issu des traditions du territoire, de ses valeurs et convictions, de la richesse de sa langue, et enfin de ses rapports sociaux et modes de comportement (7),

Capital symbolique: il se compose de la capacité d'un territoire de mobiliser les énergies nécessaires pour assurer son évolution, ainsi que de son potentiel en termes d'image de référence pour les entreprises actives sur ce territoire,

Capital psychosocial: ce type de capital se fonde essentiellement sur le concept de la confiance, sur la conviction qu'il existe une communauté et que cette dernière offre un potentiel de développement, et enfin sur le sentiment qu'il est possible de mettre en place une coopération avec les groupes et les associations,

Capital cognitif: il est représenté par le savoir-faire collectif et ne doit pas être confondu avec le capital humain de chaque individu. Le capital cognitif s'accumule dans les organisations qui constituent les infrastructures de la connaissance, à savoir les universités, les centres de recherche, ainsi que dans les organisations culturelles et professionnelles, au sein des entreprises et dans les organismes destinés à développer le dialogue social (8).

2.4   La prospective (« Foresight »)  (9) : l'avenir comme construction sociale

L'avenir est à bâtir. Il est l'œuvre de personnes qui, par leurs actions volontaires et les conséquences parfois inattendues de ces dernières, construisent cet avenir. Par conséquent, l'avenir n'existe pas uniquement pour qu'on le prévoie, mais pour qu'on le bâtisse d'un point de vue social. Une réflexion systématique sur les événements probables ou possibles peut contribuer à cette construction. Dans ce champ d'investigation, l'étude systématique de l'avenir constitue un instrument pour tenter de construire des lendemains qui répondent mieux à nos souhaits. La prospective n'a donc pas pour objet de prédire l'avenir, mais de l'imaginer différent du présent, tel qu'il est rendu possible par certains facteurs, tels que les changements technologiques, des styles de vie et de travail, de la réglementation, de la géopolitique mondiale, etc.

2.4.1

Afin d'apporter son soutien aux orientations arrêtées par le Conseil européen de Lisbonne, la Commission a mis en place les conditions pour organiser l'Espace européen de la recherche (EER) (10) dont le financement a été inscrit dans le VIe programme-cadre, en accordant une attention particulière aux systèmes de prévision territoriaux (11). Par la suite, en 2001, la Commission a créé l'Unité «Prospective scientifique et technologique, relations avec l'IPTS (12)» dans le but d'assurer la diffusion de la prospective, en tant que modèle d'innovation.

2.5   La démocratie de proximité

2.5.1

Parmi les tendances qui sont apparues au cours des dernières années, outre l'affirmation de la subsidiarité, la culture de la proximité a acquis de l'importance, à savoir l'attitude culturelle, par laquelle le citoyen exprime son souhait de se sentir acteur des décisions qui intéressent la sphère sociale. Grâce aux nouvelles technologies, la connaissance se diffuse à une vitesse et avec une ampleur qui étaient auparavant impensables.

3.   Exposé des motifs

3.1

À l'aube du troisième millénaire, l'UE se trouve confrontée à des mutations structurelles profondes, qui ont bouleversé, en quelques années, l'environnement mondial dans lequel l'économie européenne intervient et est en compétition. Parmi ces mutations nous pouvons notamment citer:

la main-d'œuvre répondant aux mécanismes de marché a doublé de volume avec l'arrivée de plus de deux milliards de personnes dans la zone de l'économie de marché, régie par l'OMC,

la révolution économique, induite par la mondialisation, en transformant des modèles économiques bien ancrés, a modifié l'équilibre entre la demande et l'offre,

de nouveaux concurrents économiques sont apparus, qui se sont regroupés et ont rejoint les acteurs traditionnels sur le marché,

l'entreprise est conçue de plus en plus comme un acteur intégré à un système, qui garantit des réseaux intégrés de connaissance,

le succès d'une entreprise est de plus en plus déterminé par la nouvelle gouvernance publique du territoire, qui doit intervenir dans le cadre d'une vision stratégique partagée,

les nouvelles gouvernances, publiques et privées, à l'œuvre au niveau territorial, coexistent dans un contexte mondial qui présente de grandes disparités démographiques et économiques,

sur le nouveau marché global libéralisé de nouvelles stratégies agressives de pénétration économique et commerciale se sont introduites avec force sur le nouveau marché global libéralisé, consistant pour l'essentiel à identifier les faiblesses des marchés étrangers pour en retirer des avantages compétitifs.

3.2

Le rapport Aho (13) a réitéré la nécessité de nouveaux modèles de gouvernance, afin d'aboutir à une Europe compétitive et consciente des défis que les mutations structurelles introduisent dans le système.

3.2.1

L'adoption de ce nouveau modèle de gouvernance passe par:

un changement net afin de mettre en œuvre concrètement le caractère unique du marché européen, de soutenir l'innovation et de commercialiser de nouveaux produits et services, et de s'opposer à une fragmentation qui constitue le principal obstacle aux investissements, aux entreprises et à l'emploi,

une révision des systèmes de mobilité au sein de l'UE destinés aux ressources humaines: elle devra prévoir des modalités d'échange et de mobilité tant entre les milieux scientifiques, industriels et gouvernementaux qu'entre les différents États, ainsi que de nouveaux instruments de dialogue destinés à valoriser le modèle social européen de la connaissance et à favoriser la naissance de districts du savoir de nouvelle génération, de nouveaux parcs technologiques et industriels et des pôles d'excellence, de plates-formes technologiques et de regroupements,

une nouvelle vision stratégique commune qui prévoit des instruments de prévision participative, afin d'affronter les défis sociaux internes et les obstacles économiques externes et de combler le fossé existant entre les propositions politiques et les nécessités concrètes de participation de toutes les régions qui souhaitent entrer dans l'économie de la connaissance,

le développement au sein du territoire de la fonction d«intégrateur de développement» (14), à haut contenu de compétences professionnelles,

le soutien à la création de l'Institut européen de technologie (15) pour éviter la fuite des cerveaux et les faire venir d'autres régions du monde, afin de développer et de promouvoir la recherche et l'innovation sur le territoire de l'Union,

une action européenne vigoureuse de soutien à la remise à niveau professionnelle et à la formation de profils multidisciplinaires utiles.

3.3

La recherche et le développement, le design, les procédés de fabrication, les systèmes de logistique (16), le marketing et les services à la clientèle sont des fonctions de plus en plus intégrées, qui opèrent conjointement, comme une seule entité reliant les clients aux inventeurs de nouveaux produits.

3.4

La nouvelle structure des entreprises dépend de moins en moins de la disponibilité d'équipements matériels et toujours davantage de la propriété de biens intangibles. Elle a besoin d'un territoire équipé, doté de structures de gouvernance territoriale qui soient en mesure de soutenir les capacités de production et de distribution de biens et de services, et qui soient à même de garantir, dans les meilleures conditions, les services d'après-vente.

3.5

Le développement d'une identité territoriale claire, qui se manifeste au niveau du capital social, apparaît essentiel, non seulement parce que l'on souhaite éviter les risques de délocalisation mais aussi parce que l'on exige des nouvelles implantations qu'elles possèdent des caractéristiques spécifiques et qu'elles respectent des normes exigeantes de qualité des services sur le territoire. Le respect de ces normes ne peut être obtenu qu'avec un personnel sensibilisé et préparé à cette problématique.

3.6

La conscience de l'identité régionale et locale parmi les citoyens, les décideurs politiques et les partenaires sociaux constitue un préalable pour une approche intégrée de la durabilité environnementale et sociale, qui représente une valeur ajoutée pour attirer de nouveaux investissements.

3.7

La mise en valeur de l'identité territoriale se fonde sur un mélange qui est le résultat d'une adhésion à un ensemble de valeurs communes, d'une reconnaissance de ces valeurs et d'une empathie vis-à-vis d'elles, dans le contexte d'une vision prospective qui soit partagée. La promotion de l'identité territoriale s'appuie sur:

des modèles de gouvernance participatifs et transparents, mis en œuvre grâce à une répartition des pouvoirs entre les différents acteurs et les différents centres décisionnels publics et privés; à des actions de renforcement des capacités destinées à assurer une optimisation de la structure d'organisation, de gestion et d'exploitation ainsi qu'une utilisation durable des ressources territoriales, en y incluant les transports, les services de santé, les ressources physiques, les infrastructures et les services dans le domaine des technologies de l'information et de la communication (TIC),

la mise au point d'une image attrayante du territoire,

des analyses SWOT (17),

des exercices participatifs de prospective, afin de prendre conscience de visions et de parcours communs,

le travail en réseau et l'échange de meilleures pratiques entre les identités territoriales,

des exercices d'étalonnage («benchmarking») pour garantir des avantages territoriaux comparés.

4.   L'approche territoriale intégrée (ATI) et les systèmes de prospective pour l'innovation et la recherche sur le territoire

4.1   L'ATI et les ressources humaines locales

4.1.1

Les domaines d'intervention prioritaires pour la mise en valeur du patrimoine des ressources humaines présentes sur le territoire sont variés:

une vision stratégique commune et partagée (Foresight) des prospectives, à moyen et long terme, de développement en matière de technologie et d'innovation du territoire,

un dialogue social structuré au niveau du territoire. À cet égard, il est essentiel que les outils juridiques disponibles pour l'information et la consultation soient pleinement respectés (18),

une formation dispensée grâce à des structures de qualité, destinées à améliorer la qualification des ressources humaines de manière permanente pour les profils professionnels nécessaires aux nouvelles perspectives de développement régional, dans le cadre d'une concurrence globale,

l'utilisation des nombreux instruments sociaux, mis en place pour les ressources humaines victimes soit de mutations brusques du marché, qui les excluent des possibilités de développement, soit du déclin territorial de zones en crise,

une politique d'inclusion sociale et de respect des minorités ethniques,

une gestion intelligente et responsable de la flexibilité pour accroître les possibilités de réalisations professionnelles («flexicurité») (19),

la pleine implication des citoyens.

4.2   L'ATI et le développement d'un esprit d'entreprise nouveau et plus fort

4.2.1

Une approche territoriale intégrée peut encourager et promouvoir la création et le développement des entreprises, notamment des PME, par la mise en place d'un environnement favorable en termes de:

simplification des charges administratives et suppression des obstacles bureaucratiques à la création et au développement des entreprises, y compris en termes de taille,

structures d'éducation, de formation professionnelle, d'apprentissage sous la forme de formation en alternance et de formation continue tout au long de la vie active, dont la gestion est assurée par les partenaires sociaux par le biais d'organes bilatéraux, dans le cadre de projets tournés vers l'avenir,

réseaux intégrés entre les universités, les entreprises et les centres de recherche, prévoyant des programmes de travail et des méthodologies d'action ainsi que des structures homogènes destinées au transfert de technologies,

création et relance des nouveaux districts industriels et technologiques du savoir et des plates-formes industrielles intégrées au sein desquelles les acteurs issus des filières technologiques se développent pour absorber des nouveaux centres d'élaboration des connaissances et de recherche appliquée et, en dépassant le concept d'appartenance territoriale, élaborent des systèmes de production et de distribution qui s'appuient sur des valeurs et des stratégies communes de communautés d'apprentissage,

création de parcs industriels et technologiques en réseau, y compris par l'intermédiaire d'agences de développement régional, afin d'œuvrer pour l'essor de zones territoriales dotées d'équipements adéquats, disposant de services d'assistance au développement de nouvelles entreprises,

amélioration de l'accès aux sources de financement et de crédit, y compris par la mise en œuvre, sur l'ensemble du territoire de l'UE, de mécanismes tels que ceux prévus par l'initiative JEREMIE (Joint European resources for micro-to-medium enterprises) destinés aux petites et micro-entreprises,

développement et diffusion des mécanismes de responsabilité sociale de l'entreprise,

promotion et renforcement des systèmes de coopération entre les partenaires sociaux et les acteurs économiques et sociaux locaux, par le biais d'un renforcement de leurs capacités institutionnelles et du dialogue social,

modernisation du système numérique local de communication entre tous les acteurs politiques, économiques et sociaux présents sur le territoire, et les pouvoirs et institutions publiques et privées concernées. Il conviendra de se concentrer tout particulièrement sur les instruments tels que l'administration en ligne, le commerce électronique, le télétravail, ainsi que les réseaux de communication à bande large et à fort potentiel, comme le réseau GÉANT (20) de transmission de données et les systèmes GRID (21),

renforcement des valeurs soutenues par le programme JESSICA, destiné à l'intégration des zones urbaines périphériques,

environnements de sécurité physique, économique et sociale du citoyen, du monde de l'entreprise et du travail,

caractère durable de l'approche territoriale intégrée pour la politique industrielle régionale et locale, s'accompagnant d'une optimisation de la protection de l'environnement lors des mutations économiques et industrielles.

4.3   L'ATI, le PIC et le VIIe programme-cadre: cohérence avec les autres politiques communautaires

En 2005, les chefs d'État et de gouvernement ont donné une impulsion politique supplémentaire à la stratégie renouvelée de Lisbonne, notamment en soulignant la manière par laquelle les valeurs européennes peuvent servir d'inspiration à la modernisation de l'économie et de la société dans un monde globalisé.

4.3.1

Le Conseil européen de mars 2006 a indiqué les priorités devant être poursuivies dans le cadre du partenariat renouvelé pour la croissance et l'emploi:

investir davantage dans la connaissance et l'innovation,

libérer le potentiel des entreprises, notamment celui des PME,

accroître les opportunités d'emploi, nouvelles et durables, destinées aux catégories prioritaires, notamment les jeunes (22), les femmes, les travailleurs âgés, les personnes handicapées, les immigrés légaux et les minorités.

4.4

Le programme PIC consacré à l'innovation et à l'esprit d'entreprise, notamment, réunit dans un cadre cohérent de nombreuses activités parmi celles qui ont vocation à aborder les problématiques essentielles pour la compétitivité et l'innovation du tissu économique et social de l'UE, et oriente le développement vers des actions innovantes et productives, qui sont respectueuses de l'environnement et d'une utilisation efficace des ressources et valides du point de vue social.

4.5

Le programme spécifique «Capacités», cité précédemment, du VIIe programme-cadre entend renforcer les capacités en matière de recherche et d'innovation, notamment:

en répondant aux exigences des PME qui ont besoin d'externaliser leurs activités de recherche,

en soutenant les réseaux transnationaux des «régions de la connaissance», afin de faciliter la naissance de systèmes productifs locaux («clusters»), de métadistricts et de parcs technologiques et industriels réunissant les universités, les centres de recherche, les entreprises et les pouvoirs régionaux,

en libérant le potentiel en matière de recherche et d'innovation que recèlent les régions ultrapériphériques et de la convergence, en synergie avec les interventions des Fonds structurels et de cohésion.

4.5.1

L'optimisation de la participation des PME aux activités de recherche et d'innovation doit être poursuivie également par le biais des autres programmes spécifiques du VIIe programme-cadre, c'est-à-dire les programmes «Coopération», «Idées», «Personnel».

4.5.2

Une autre caractéristique essentielle, commune à l'ensemble des programmes, réside dans l'obligation de promouvoir la mise en valeur des résultats de la recherche, ce qui se concrétise, en grande partie, au niveau du territoire. Dans cette optique, le CESE considère indispensables des niveaux élevés de coordination, de cohérence et de synergie avec les actions communautaires de politique régionale et de cohésion et avec les autres outils communautaires de soutien à la coopération territoriale, à l'éducation et à la formation.

4.5.3

Il est par ailleurs nécessaire de coordonner les actions décrites précédemment avec les politiques régionales que sous-tendent les Fonds structurels européens réformés.

4.6

Ces initiatives exigent non seulement un degré élevé de coordination, afin d'assurer des synergies et d'éviter des doublons ou des incohérences, mais elles exigent également en priorité, pour être assimilées de manière appropriée au niveau territorial:

un environnement pour leur utilisation qui soit réceptif et qui dispose de l'équipement adéquat, permettant de mettre en œuvre des synergies, avec les programmes régionaux et locaux pertinents, environnement qui soit en mesure de développer des réseaux internationaux de partenaires dans le domaine de la recherche, dans le but de satisfaire aux critères de coopération transnationale des projets européens et de traduire les résultats de la recherche en une croissance réelle en termes de compétitivité et d'emploi, qui puisse être exploitée directement par les processus de mutations industrielles en cours, par le biais de réseaux territoriaux permanents d'interaction entre les universités, l'industrie et les centres de recherche,

des structures d'éducation et de formation perfectionnées, qui aient vocation à apporter des réponses de type fonctionnel aux exigences du développement économique et industriel basé sur la connaissance; ces structures devront s'appuyer sur des programmes de formation orientés vers les nouveaux modèles de technologie et de production, de distribution et de consommation, et sur des systèmes de formation permanente en mesure d'anticiper les réponses apportées aux mutations industrielles et du marché,

des actions de renforcement des capacités des institutions, des associations et des acteurs du dialogue social, de manière à gérer efficacement les projets et à optimiser les activités de recherche et de transfert technologique y afférentes: l'ensemble de ces actions devra intervenir dans le cadre d'une optique partagée par l'ensemble des acteurs économiques et sociaux engagés au premier chef sur le territoire, et poursuivre l'objectif de nouvelles opportunités entrepreneuriales et formatives, de qualifications professionnelles les plus poussées et de nouveaux profils professionnels dans le domaine des ressources humaines,

une politique du territoire intégrée, qui soit à même de valoriser le potentiel de développement local, qui renforce les capacités d'adaptation et d'anticipation de l'innovation, afin de tirer profit des avantages procurés par les nouveaux flux de biens et de services, et de bénéficier des ressources humaines et des capitaux générés par la mondialisation,

un dialogue social bien implanté au niveau régional et local, en tant qu'instrument essentiel pour optimiser les avantages que l'on peut retirer des visions prospectives des mutations industrielles sur les marchés, ainsi que des tendances en matière d'éducation et de formation des ressources humaines; un dialogue également en mesure de garantir une sécurité nouvelle aux parcours professionnels et une nouvelle flexibilité à l'organisation de la production, de la distribution et des services.

4.6.1

De l'avis du Comité, tant le VIIe programme-cadre RDTD que le nouveau PIC, sur lesquels le CESE a déjà eu l'occasion de donner son avis, présentent encore une orientation descendante trop marquée et ne permettent pas encore d'appréhender, comme cela serait souhaitable, les intégrations utiles ni les besoins de participation responsable des acteurs publics et privés du développement au niveau local et régional. Cette approche ne confère pas réellement aux acteurs locaux le rôle qui leur revient, dans la mesure où ces derniers sont coresponsables de la gouvernance européenne.

4.6.2

L'Union européenne devrait encourager, y compris par le biais des deux instruments susmentionnés, ce nouveau type de partenariat au niveau local avec les autorités et les acteurs économiques, notamment les partenaires sociaux, en favorisant une nouvelle génération de pactes territoriaux pour le développement dans le cadre de la mondialisation (23). L'ensemble des parties concernées par le développement de l'économie et de l'emploi devraient souscrire à ces pactes, afin d'apporter une réponse adéquate aux défis des marchés et de la compétitivité, en dépassant le «localisme» qui constitue de plus en plus souvent une limite dangereuse face à des réalités mondiales qui sont reliées entre elles.

4.7   L'ATI, la gouvernance participative, les partenaires sociaux et la société civile

4.7.1

Une part significative des actions pour une compétitivité durable relève de la compétence du niveau local et régional; pour ces actions, les systèmes de gouvernance et la coopération entre les différentes collectivités locales et régionales, les différents pouvoirs et institutions, les partenaires sociaux, les entreprises et les acteurs économiques et sociaux de la société civile qui interagissent sur le territoire, deviennent prioritaires.

4.7.2

En ce qui concerne le concept de gouvernance, nous nous référons à ce qui a été énoncé précédemment par le Comité sur ce sujet: «les acteurs concernés du secteur privé doivent eux aussi agir et assumer des responsabilités au travers de contributions et d'actions concrètes. Le dialogue civil et social est un outil important» (24).

4.7.3

En matière de renforcement du dialogue social: «Le Comité partage le point de vue selon lequel les partenaires sociaux peuvent exercer une fonction d'alerte et attirer l'attention des pouvoirs publics grâce à leur connaissance des secteurs».

4.7.4

De l'avis du Comité, il s'agit de pouvoir réaliser des systèmes d'ingénierie sociale et décisionnelle, basés sur la participation, qui soient souples, proactifs et réactifs, en mesure d'assurer un niveau qualitatif élevé de démocratie politique, économique, sociale, sans alourdir ni ralentir le développement des actions et des initiatives.

4.7.5

Le développement d'une vision commune à moyen et long terme devient essentielle, tout comme l'identification et le partage des responsabilités relatives à des objectifs intermédiaires qui soient partagés, ainsi que le recours à des instruments de pointe éprouvés au niveau régional tels que les outils d'anticipation.

4.8

L'ATI et une stratégie de gouvernance pour un développement territorial socialement responsable

4.8.1

Dans un cadre comme le nôtre, ouvert à la concurrence mondiale, une stratégie de gouvernance pour un développement territorial socialement responsable doit garantir des dynamiques durables de développement économique et de grande qualité du point de vue social. Une telle stratégie devra intervenir notamment par le biais:

d'améliorations constantes des qualités et des capacités du système productif territorial en matière de connaissance et d'innovation, par la réalisation d'analyses systématiques et de prévisions du développement social, économique et technologique qui soient partagées,

du développement de réseaux globaux de référence pour le secteur public et privé, qui garantissent des flux biunivoques constants d'interaction avec le marché global,

de niveaux élevés de durabilité environnementale et sociale du développement, tant au niveau de la production que de la consommation,

de circuits efficaces et bien implantés de création, de diffusion et de circulation de la connaissance, d'information et de formation permanente d'opérateurs dans le domaine de la technologie, d'utilisateurs et de consommateurs finaux,

de l'élaboration de «bilans sociaux du territoire» à même de mesurer, suivre et évaluer les dynamiques utiles en vue de la réalisation d'objectifs qualitatifs et quantitatifs, sur la base de normes et méthodologies communes, à l'échelon européen.

Bruxelles, le 13 septembre 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Voir conclusions de la présidence du Conseil européen des 23 et 24 mars 2006, paragraphe 4.

(2)  Voir Pacte industriel de la région métropolitaine de Barcelone («Pacte industrial de la Regió Metropolitana de Barcelona ( http://www.pacteind.org/eng/activities/)) dans lequel on affirme que» la compétitivité du territoire réside dans la qualité des entreprises et de ses collaborateurs … .

(3)  Voir les lignes directrices de la Commission européenne sur la politique de cohésion: Un partenariat horizontal actif (partenaires sociaux, société civile organisée, gestionnaires). Un partenariat vertical efficace (Commission européenne, gouvernements nationaux, collectivités régionales et locales). Voir le règlement CE/1260/1999 et le document COM(2002) 598 du 7.11.2002.

(4)  Voir «La démocratie de proximité».

(5)  P. Cooke et alii, 1998, Le système d'innovation régionale — le rôle de la gouvernance dans un monde globalisé («Regional Innovation SystemThe role of governance in a globalised world»).

(6)  Ce concept est à la base du nouveau programme JESSICA, lancé par la DG Regio, financé par la BEI et destiné notamment à la réhabilitation des zones urbaines particulièrement détériorées.

(7)  Dans son acception anthropologique, la culture se compose de «modes comportementaux acquis et transmis par des symboles, des signes, des actes et des oeuvres de l'esprit» (Alberoni, «Consumi e società» (Consommations et société).

(8)  F. Alburquerque et alii, «Learning to innovate» (Apprendre à innover) — Séminaire de l'OCDE du 30.9.1999/1.10.1999 Malaga, Espagne.

(9)  Définition des systèmes d'anticipation: procédé systématique et fondé sur la participation, qui comprend le relevé d'informations et l'élaboration d'une vision de l'avenir, à moyen et long terme, et qui est destiné à orienter les décisions et à mobiliser les moyens servant aux actions conjointes.

(10)  COM(2002) 565 final, du 16.10. 2002.

(11)  http://www.cordis.lu/rtd2002/foresight.main.htm.

http://www.cordis.lu/rtd2002/foresight/seminar.htm.

http://www.regional-foresight.de/.

http://prospectiva2002.jrc.es/.

(12)  Institut de prospective technologique. C'est l'un des sept instituts qui dépendent du CCR (Centre commun de recherche).

(13)  «Créer une Europe innovante», rapport du groupe d'experts indépendants européens sur la R&D, Président: M. Esko Aho, janvier 2006.

(14)  Il s'agit de personnes préparées du point de vue social et technologique qui, avec le concours des pôles technologiques, soient en mesure d'aider les micro et petites entreprises dans les processus d'innovation.

(15)  Voir Conclusions du Conseil européen des 15 et 16 juin 2006.

(16)  Voir «La politique européenne en matière de logistique».

(17)  L'acronyme anglais SWOT signifie Strengths, weaknesses, opportunities and threats, c'est-à-dire analyse des atouts et des faiblesses, des opportunités et des menaces.

(18)  Voir le document de la CES (Confédération européenne des syndicats), «Restructurations — Anticiper et accompagner les restructurations pour développer l'emploi: le rôle de l'Union européenne». (Comité exécutif de la CES Bruxelles, 14 et 15 juin 2005).

(19)  Flexicurité: le cas du Danemark, ECO/167- rapporteuse: Mme Anita Vium.

(20)  GÉANT: ce projet a vu la collaboration de 26 réseaux nationaux de recherche et d'éducation représentant 30 États de l'Europe entière, la Commission européenne et le projet DANTE («Delivery of Advanced Network Technology to Europe»). Son objectif principal consistait à développer le réseau GÉANT — un réseau paneuropéen de communication des données de plusieurs Gigabits réservé spécifiquement à la recherche et à l'éducation.

(21)  GRID: système qui intègre et coordonne des ressources et des utilisateurs qui sont situés à l'intérieur de domaines de contrôle différents, par exemple: l'ordinateur de bureau des utilisateurs et le traitement informatique central, différents départements administratifs d'une même entreprise ou différentes entreprises; ce système aborde les problèmes de sécurité, de paiement, des conditions d'adhésion et d'autres questions qui interviennent dans ces contextes.

(22)  Voir par exemple «Le pacte pour la jeunesse» défini par le gouvernement français.

(23)  Voir Pacte industriel de la région métropolitaine de Barcelone («Pacte industrial de la Regió Metropolitana de Barcelona ( http://www.pacteind.org/eng/activities/)) dans lequel on affirme que» La compétitivité du territoire réside dans la qualité des entreprises et de ses collaborateurs, … .

(24)  Voir Le cheminement vers la société européenne de la connaissance — La contribution de la société civile organisée à la stratégie de Lisbonne (avis exploratoire) rapporteur: M. J. Olsson, corapporteurs: Mme Belabed, M. van Iersel.


23.12.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/20


Avis du Comité économique et social européen sur «L'apprentissage tout au long de la vie appuyé sur les technologies informatiques: contribution à la compétitivité européenne, aux mutations industrielles et au développement du capital social»

(2006/C 318/03)

Le 19 janvier 2006, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis sur: «L'apprentissage tout au long de la vie appuyé sur les technologies informatiques: contribution à la compétitivité européenne, aux mutations industrielles et au développement du capital social».

La commission consultative des mutations industrielles, chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 31 août 2006 (rapporteur: M. Marian KRZAKLEWSKI; corapporteur: M. András SZŰCS).

Lors de sa 429e session plénière des 13 et 14 septembre 2006 (séance du 13 septembre 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 181 voix pour, 6 voix contre et 11 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le Comité économique et social européen se dit convaincu que l'application des moyens électroniques à l'éducation et la formation (apprentissage électronique) (1) doit aider l'Union européenne à réaliser des activités visant à augmenter l'efficacité et la qualité de l'apprentissage et notamment aussi à permettre la conduite d'actions d'éducation et de formation sur les lieux de travail. Une telle démarche aura notamment pour avantage de réduire les coûts de formation des travailleurs et par voie de conséquence d'améliorer de manière décisive la compétitivité des entreprises, en particulier petites et moyennes.

1.2

Le Comité considère que, s'agissant du recours aux technologies de l'information et de la communication en appui de l'apprentissage et de la formation, il existe encore des disparités au sein de l'UE, qui résultent de sa diversité linguistique et culturelle ainsi que du manque de maturité des marchés concernés.

1.2.1

Pour changer cet état de fait, il convient de favoriser une plus grande ouverture des institutions pour tous les secteurs éducatifs, y compris la formation continue (apprentissage tout au long de la vie (2)), de manière à ce que les nouvelles techniques de formation soient effectivement mises en oeuvre et appliquées de plus en plus universellement, contribuant ainsi à articuler le savoir avec la pratique afin d'obtenir une synergie avec le développement technologique et économique qui est escompté.

1.2.2

De l'avis du Comité, c'est la Commission européenne qui est la plus apte à imprimer une direction nouvelle dans le contexte ainsi précisé. La question de la communication et de la coordination joue dès lors un rôle particulièrement important pour ses services, en particulier dans le domaine de l'éducation et de la société de l'information.

1.2.3

Il est temps à présent de reconnaître que l'apprentissage en ligne est une technique de plus en plus répandue et que dans ce domaine, un savoir professionnel a pris corps, qui garantit la mise en œuvre d'approches cohérentes et contribue à la création de valeur ajoutée.

1.3

Le CESE est persuadé qu'il est nécessaire de sensibiliser davantage l'opinion européenne à la question des technologies de l'information et de la communication, en particulier pour ce qui est d'expliquer comment elles peuvent épauler les formations dispensées dans le domaine de l'industrie et de l'apprentissage tout au long de la vie, en incluant dans cet effort:

des actions d'apprentissage qui soient offertes pour une part appréciable sur les lieux de travail et soient axées sur la résolution de problèmes qui se posent couramment dans un contexte donné,

des méthodes et des approches qui reconnaissent les acquis éducatifs antérieurs — y compris ceux obtenus via la sphère du travail et la pratique — et qui incitent à une participation active aux activités de formation, tant individuelles que collectives.

1.4

Le CESE appelle les institutions de l'Union européenne et les États membres à se souvenir, au moment de mettre en œuvre des programmes de développement liés à la création d'une société de l'information, que ces mécanismes ne peuvent aboutir à quelque forme d'exclusion que ce soit et, dès lors, qu'il n'est aucunement permis d'instaurer de restrictions sociales, économiques ou géographiques pour l'accès aux infrastructures électroniques en tant qu'instruments de formation.

1.4.1

Le Comité souligne que dans les zones rurales et les petites villes de la Communauté en particulier, l'application des technologies de l'information et de la communication à l'apprentissage tout au long de la vie est conditionnée au premier rang par le soutien de l'UE et des gouvernements des États membres à l'établissement de connexions haut débit à Internet (3), qui permettent d'accéder aux systèmes d'apprentissage par la voie électronique. Que la situation pour ce type de territoires soit particulièrement difficile dans le cas des nouveaux États membres ne fait que corroborer davantage encore l'idée qu'il ne peut être question d'accepter quelque entrave que ce soit concernant l'accès à la connexion haut débit.

1.4.2

Dans ce contexte, le Comité s'adresse à la Commission européenne afin que la question de l'accès à la connexion haut débit soit reconnue comme un élément d'une stratégie plus large, qui conduise à conférer un statut de service d'utilité publique aux possibilités d'accéder aux services électroniques.

1.5

Le Comité estime que dans le domaine de l'éducation et de la formation électronique à distance, il faut particulièrement insister sur le danger qu'un fossé ne se creuse entre les générations, d'autant que les activités relevant de l'apprentissage tout au long de la vie à destination des adultes seront toujours plus nombreuses à emprunter le canal des technologies de l'information et de la communication.

1.6

Le CESE souhaiterait par ailleurs souligner qu'il convient également d'envisager l'apprentissage électronique comme une démarche conviviale pour les non-voyants. Étant donné que les applications techniques pouvant être utilisées en la matière sont bien connues, les auteurs des manuels relatifs à l'apprentissage en ligne devraient s'appuyer sur le recueil des règles élaboré par les organisations représentant les associations de personnes aveugles.

1.7

Le Comité affirme avoir la conviction que l'apprentissage par le biais des technologies de l'information et de la communication (apprentissage électronique) devrait constituer un outil efficace pour améliorer la compétitivité des entreprises et augmenter leur potentiel d'activité économique, en particulier dans le cas de celles de taille petite ou moyenne, qui ont un rôle clé à jouer comme moteurs de la croissance économique et pour la création d'emplois.

1.8

Le Comité estime qu'élargir, au sein de l'Union européenne, le champ dans lequel les technologies de l'information et de la communication viennent épauler les actions d'apprentissage tout au long de la vie concourra dans une mesure décisive à accroître non seulement la compétitivité des entreprises mais aussi le capital social de leurs salariés, provoquant par là même une augmentation de la valeur du capital des firmes européennes.

1.9

Le CESE constate qu'il est nécessaire de définir au plus vite le nouveau rôle que la société civile et le dialogue entre les partenaires sociaux doivent jouer pour promouvoir et mettre en œuvre, dans le périmètre des marchés du travail de l'UE, la formation continue réalisée à l'aide de l'apprentissage en ligne. En préparant toutes les sociétés européennes à apprendre tout au long de l'existence par le biais des technologies de l'information et de la communication, on contribuera à bâtir l'espace européen de la connaissance et une société fondée sur le savoir (4).

1.10

Le Comité observe que l'incorporation des technologies de l'information dans le domaine de la formation et la consolidation de l'apprentissage électronique au plan professionnel n'ont pas été réalisées dans les proportions escomptées. Par conséquent, un appel est lancé aux autorités compétentes à l'échelon de l'UE et au niveau national pour qu'elles prennent des mesures qui amènent un progrès significatif dans l'adoption de l'apprentissage en ligne. Un tel développement pourrait apporter une contribution considérable à la compétitivité et à la productivité de l'industrie.

1.11

Le CESE appelle les institutions de l'UE à accorder une attention particulière aux besoins des PME, à leurs réseaux ainsi qu'aux organisations qui les représentent afin d'assurer qu'ils tirent effectivement parti des technologies de l'information et de la communication dans le domaine des formations.

1.12

Le Comité considère qu'il convient, en recourant à des programmes d'ensemble et des mesures incitatives, d'apporter un soutien permanent et systématique aux professeurs qui assument une fonction d'initiation aux technologies et méthodologies modernes (pédagogie informatique).

1.13

Le CESE souhaite mettre l'accent sur l'attention spécifique que la Commission européenne devrait également accorder à la question des droits de propriété intellectuelle dans le secteur de l'informatique éducative.

1.14

Comme touche finale aux suggestions exprimées dans les présentes «conclusions et recommandations», le Comité propose que dans le fil de la terminologie déjà instituée au sein de l'UE avec des dénominations telles que «e-Europe», «e-learning» (pour l'apprentissage en ligne), ou «e-skills» (pour les compétences électroniques), pour ne citer que celles-là, on adopte pour désigner l'apprentissage tout au long de la vie appuyé sur les technologies de l'information et de la communication le terme e-LL («e-lifelong learning») et que l'on souligne par là-même le rôle joué par ce type de formation dans le plan d'action e-Europe et l'initiative ultérieure i2010, ainsi que la nécessité de l'y développer et de l'y généraliser.

2.   Introduction et motivation de l'objet du présent avis

2.1

Le présent avis se penche sur la contribution que l'apprentissage tout au long de la vie appuyé sur les technologies de l'information et de la communication apporte à la compétitivité, aux mutations industrielles et au développement du capital social dans l'Union européenne.

2.2

Dans le contexte de la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne, l'apprentissage tout au long de la vie devient un des concepts les plus importants de la politique de l'Union européenne en matière d'éducation et des nouveaux programmes qu'elle lance dans ce domaine pour la période 2007-2013 (5). Les méthodes d'éducation et de formation souples et ouvertes qui font intervenir les technologies de l'information et de la communication joueront assurément un rôle crucial dans l'essor d'une économie fondée sur la connaissance.

2.3

Dans la poursuite du programme novateur e-Europe et des actions destinées à la mise en œuvre de l'apprentissage en ligne, qui ont déjà apporté des résultats prometteurs, il convient de déterminer de quelle manière il est possible de tirer profit, dans le champ des mutations industrielles, des avancées qui ont été ainsi réalisées, de développer les possibilités qui ont été ouvertes et, enfin, de tracer des perspectives pour l'avenir.

3.   Observations générales

3.1

Reconnaissant l'importance des outils informatiques dans le processus de développement des ressources humaines, le Parlement européen et le Conseil de l'UE ont arrêté un programme pluriannuel (6) (2004-2006) qui vise à l'incorporation effective des technologies de l'information et de la communication dans les systèmes d'éducation en Europe. Le principal objectif de ce programme consiste à tirer parti de ces technologies pour arriver à ce que les actions d'éducation et de formation réalisées dans le contexte de l'apprentissage tout au long de la vie soient de très bonne qualité.

3.2

Aux côtés de l'apprentissage en ligne, ce sont les formations ouvertes, souples, menées à distance, qui ont prévalu au cours de la dernière décennie et elles sont réenvisagées aujourd'hui dans un contexte plus large. L'apprentissage appuyé sur les technologies de l'information et de la communication ou «apprentissage en ligne» introduit davantage de souplesse dans la vie des gens, dans leur formation et dans leur travail et apparaît comme l'un des principaux instruments disponibles pour atteindre les objectifs stratégiques de Lisbonne. L'apprentissage non formel (7) et informel (8) ainsi que la formation sur le lieu de travail deviennent de plus en plus importants.

3.3

Dans l'avis intitulé «Pour une meilleure mise en oeuvre de la stratégie de Lisbonne» (9) qu'il a adopté en 2004, le CESE a souligné la nécessité d'examiner les nouvelles possibilités offertes par une économie fondée sur la connaissance ainsi que l'importance du développement accru des technologies de l'information et des processus innovants.

3.3.1

Dans ce texte, il a également pointé les carences liées aux systèmes d'éducation et souligné qu'il s'imposait de mieux intégrer la dimension sociale dans les actions mises en œuvre.

3.4

Au cours de la dernière décennie, des initiatives communautaires ont été lancées en matière d'utilisation des technologies de l'information et de la communication dans le domaine de l'apprentissage, qui ont produit pour une part d'excellents résultats mais, pour une autre, ont révélé un certain manque de cohésion et n'ont pas porté les fruits escomptés en termes quantitatifs et qualitatifs.

3.4.1

Axés sur les individus, les modèles qui ont été appliqués dans un premier temps dans le domaine de l'apprentissage incluant l'utilisation de vecteurs électroniques (apprentissage en ligne) se bornaient à transmettre un savoir déterminé «d'en haut» et étaient presque totalement dépourvus de support pédagogique et de soutien de la part d'évaluateurs, de sorte qu'ils ont en partie déçu ceux qui avaient entrepris hâtivement d'essayer de se plier à cette forme d'apprentissage.

3.4.2

Les vifs progrès technologiques, l'accroissement de la pression économique et les mesures politiques prises selon des rythmes variables par les gouvernements au cours de ces dernières années dans l'intention de favoriser l'intégration des technologies de l'information et de la communication dans l'éducation et la formation n'ont pas su apporter le soutien requis à la consolidation du développement professionnel.

3.5

Parmi les indicateurs que l'UE s'est assignés pour 2010 figure un taux de participation de 12,5 % des adultes de 25 à 64 ans aux différentes formes d'actions d'apprentissage tout au long de la vie, alors que ce pourcentage atteint actuellement 10 % en moyenne (10). La seule manière d'atteindre les objectifs ainsi fixés est d'intensifier les actions qui visent à généraliser l'éducation et la formation assurées à l'aide des technologies de l'information et de la communication.

3.5.1

Les défis qu'auront à relever les programmes d'éducation et de formation émanant de la Commission et des États membres sont d'autant plus vastes qu'à l'horizon des cinq prochaines années, seuls 15 % des emplois nouvellement créés seront destinés aux personnes faiblement qualifiées, alors que 50 % réclameront des travailleurs à qualifications élevées (11).

3.6

La nouvelle initiative qui a été lancée dans l'UE en lien avec la communication de la Commission «i2010» (12), l'initiative «e-inclusion», se réfère tout à la fois à l'intégration des technologies de l'information et de la communication et à leur utilisation à des fins d'intégration (13). La politique d'inclusion électronique a pour dessein de lever les barrières qui s'opposent à l'usage de ces technologies et de promouvoir leur exploitation à des fins de lutte contre l'exclusion, d'amélioration de la productivité économique et des possibilités d'emploi.

3.6.1

En matière d'e-inclusion, l'apprentissage à distance via l'utilisation des technologies de l'information et de la communication revêt également une importance en tant que moyen d'atténuer, voire d'éviter complètement la marginalisation sociale des catégories professionnelles qui ont des difficultés pour accéder à l'enseignement scolaire du fait de leur implantation géographique, de leur situation sociale ou de besoins éducatifs spécifiques.

3.6.2

Ce type de formation présente notamment les avantages suivants: l'enseignement qu'il dispense n'est pas lié à un lieu donné; il donne la possibilité d'adapter le rythme d'apprentissage aux besoins individuels des personnes formées; pour ses processus pédagogiques, il recourt aux technologies modernes de l'information; il offre aux personnes appartenant à des groupes défavorisés l'occasion de se former.

3.6.3

Dans un avis récent (14), le CESE a plaidé auprès des représentants des gouvernements et des secteurs économiques pour qu'ils conçoivent et soutiennent des mesures visant à promouvoir l'éducation et la formation dans le domaine des technologies de l'information et de la communication au sein de divers groupes sociaux menacés d'«e-exclusion» (15).

3.6.4

La réalisation du programme «e-inclusion» est également liée à la promotion de l'«alphabétisme numérique» (16), qui est devenu synonyme de la société actuelle fondée sur la connaissance. Reconnaître dans les plus brefs délais que la culture numérique constitue une des compétences clés de l'apprentissage tout au long de la vie, comme l'a fait notamment un récent avis du CESE (17), semble non seulement constituer une nécessité mais relever de l'évidence.

3.7

La promotion des compétences électroniques («e-skills») (18) exerce une incidence notable sur divers aspects des mutations industrielles. L'expression «compétences électroniques» couvre les compétences des praticiens et utilisateurs des technologies de l'information et de la communication ainsi que les compétences en commerce électronique. Dans le cadre de la promotion d'un vaste programme d'actions relatif aux compétences électroniques, la Commission a récemment proposé un éventail de mesures, dont bon nombre concernent l'industrie et la généralisation des qualifications électroniques sur le marché du travail ainsi que le développement de nouvelles aptitudes de ce type et leur extension (19).

3.7.1

Dans les activités qui ont trait aux compétences électroniques comme à l'ensemble des questions liées à l'instauration de l'apprentissage tout au long de la vie appuyé sur les technologies de l'information et de la communication, un rôle majeur échoit au partenariat entre les parties concernées:

les syndicats,

les représentants des entreprises, en tant qu'utilisatrices des technologies de l'information et de la communication, qui sont tributaires d'une main d'œuvre qualifiée,

les représentants des diverses industries qui sont responsables de la mise en œuvre des nouvelles technologies et sont plus au fait des types de qualifications requises,

les représentants de l'industrie des technologies de l'information et de la communication,

les chercheurs dans le domaine des technologies de l'information et de la communication et les développeurs qui travaillent dans cette filière,

les chercheurs qui étudient les aspects quantitatifs et qualitatifs des compétences électroniques,

les décideurs politiques dans le champ de l'éducation, de la recherche, de l'entreprise, de l'innovation et de la société de l'information,

les spécialistes de la prospective, qui possèdent une vision d'ensemble des mutations qui affectent la collectivité et des interactions entre la société et la technologie.

3.8

Aux fins de la réalisation des objectifs repris dans la stratégie i2010 et notamment aussi dans les projets relatifs à l'«e-inclusion», une mesure qui revêt une importance majeure consiste à généraliser la connexion haut débit à Internet, qui ne doit pas être réservée aux seules grandes villes mais, au contraire, desservir efficacement les habitants des régions moins développées (20).

3.8.1

Il est intéressant de faire observer que dans les zones urbaines de l'UE-15, environ 90 % des entreprises et des ménages ont accès à la connexion à haut débit, alors que ce pourcentage ne se monte qu'à 60 % dans les régions rurales et périphériques — et ces disparités sont nettement plus accentuées dans les nouveaux États membres.

3.8.2

Les réseaux de services informatiques et de télécommunication à large bande revêtent non seulement une importance fondamentale pour l'essor de la compétitivité des entreprises et le développement économique des régions mais jouent également un rôle substantiel dans le domaine de l'éducation et de la formation, notamment dans le cas des activités de ce domaine qui exploitent l'apprentissage en ligne pour la réalisation de programmes d'enseignement.

3.9

Il serait très opportun que le discours politique se saisisse à présent de cette question, afin de perfectionner la pratique de l'apprentissage tout au long de la vie réalisé par le recours aux technologies de l'information et de la communication et d'induire une plus grande efficacité de ce type de formation. Dans un tel contexte précis, c'est l'UE qui est la plus à même d'imprimer une direction politique nouvelle.

3.9.1

Les orientations actuelles de la politique suivie en la matière attribuent de facto la priorité à l'introduction des technologies de l'information et de la communication dans les institutions d'éducation formelle, notamment les écoles et les universités. Dans le cas de la formation continue et non formelle ou informelle des adultes, l'attention qu'elle accorde aux technologies de l'information et de la communication est bien moindre et les moyens qu'elle prévoit pour inciter à leur utilisation sont nettement plus modestes.

4.   Observations spécifiques

Contribution apportée par l'apprentissage tout au long de la vie appuyé sur les technologies de l'information à la compétitivité et à la productivité de l'Europe

4.1

Dans le fil des thèses de la communication publiée en 2002 (21) par la Commission et de l'avis du CESE sur le thème «Formation et productivité», on peut affirmer que la productivité est à la clé d'une augmentation de la compétitivité des entreprises et des économies européennes ainsi que de la croissance économique. Son amélioration dépend en grande partie des progrès accomplis dans la mise en œuvre des technologies de l'information et de la communication par les entreprises et de l'adaptation de la main-d'œuvre aux exigences d'une industrie modernisée.

4.1.1

Si les technologies électroniques, malgré la publicité tonitruante dont elles ont bénéficié, n'ont pas répondu, dans les premiers temps de leur développement, aux attentes placées en elles, il n'en est pas moins avéré que les secteurs de la société et de l'économie axés autour d'elles n'en affichent un développement sans précédent et présentent toujours un potentiel considérable.

4.1.2

Dans ce contexte, la Commission européenne relève et apprécie à juste titre l'importance que revêtent les technologies modernes de l'information et de la communication comme moteurs de compétitivité et d'innovation et leur contribution à une économie fondée sur la connaissance, notamment dans le cas des PME.

4.2

La formation professionnelle effectuée au moyen de programmes et d'enseignements qui s'appuient sur l'utilisation des technologies de l'information et de la communication doit devenir une voie qui conduira à l'amélioration de la compétitivité économique européenne. La création de systèmes d'éducation et de formation cohérents, mobiles et souples à l'attention des chercheurs d'emploi, des personnes qui se préparent à travailler mais aussi des salariés employés dans l'industrie augmentera le rythme auquel ils accumulent le savoir et permettra de réaliser des mutations et des innovations technologiques substantielles dans les entreprises de production, ce qui améliorera leur compétitivité.

4.2.1

Dans ce contexte, l'introduction de l'apprentissage tout au long de la vie appuyé sur les technologies de l'information au sein des entreprises et dans leur environnement devrait accroître leur compétitivité et contribuer à la croissance du capital social des personnes qui y sont employées, et par là jouer en faveur d'une augmentation de la valeur du capital des entreprises européennes.

4.3

Une percée a été réalisée aux alentours de 1994, au moment où l'industrie, essentiellement dans le cas des grandes entreprises, a commencé à recourir intensivement à la démarche de l'apprentissage tout au long de la vie pour les formations réalisées en interne et le développement des ressources humaines. Il s'agissait d'une preuve de maturité de cette méthode, qui avait démontré sa capacité à offrir des solutions solides et durables, dépassant ainsi les messages promotionnels et commerciaux simplistes qui avaient prévalu auparavant. Au même moment et pour plusieurs raisons, les PME constituent, du point de vue de l'apprentissage en ligne, un groupe d'utilisateurs qui est désavantagé, pratiquement parlant, dans lequel cette méthode de formation, tout comme souvent les technologies de l'information et de la communication elles-mêmes, ne sont que faiblement utilisées et dont la plupart des salariés risquent d'être exclus de l'accès aux offres de formation continue. Un facteur qui pourrait s'avérer important pour améliorer la compétitivité et l'efficacité de ces entreprises consiste à y introduire davantage l'apprentissage électronique. Les autorités compétentes, tant à l'échelon de l'UE qu'au niveau national, devraient sensibiliser l'opinion à ce sujet et mettre en œuvre des mesures pour promouvoir l'utilisation des technologies de l'information et de la communication à des fins de formation dans ce type d'entreprises.

Contribution apportée par l'apprentissage tout au long de la vie appuyé sur les technologies de l'information au développement du capital social

4.4

Le capital social englobe les ressources de compétences, d'information, de culture, de savoir et de créativité que détiennent les individus ainsi que les relations entre les personnes et les organisations. Dans ce contexte, il convient d'analyser le rôle que les moyens susmentionnés jouent pour le développement économique et les mutations industrielles dont il s'accompagne sous l'angle de l'interdépendance qui existe entre, d'une part, leur formation, leur diffusion et leur utilisation et, d'autre part, la création de valeur ajoutée sur les bases ainsi fournies.

4.4.1

Un niveau de capital social élevé conditionne de manière directe le potentiel formatif d'une société fondée sur la connaissance, qui sera créative, innovante, ouverte au changement, capable de tisser des liens sociaux et économiques durables. Les investissements dans la recherche, l'éducation et la formation constituent un des fondements nécessaires pour l'édification d'une telle société.

4.4.2

Dans tous les programmes et les actions relatives à l'éducation et la formation appuyées sur les technologies de l'information et de la communication et en particulier ceux concernant l'apprentissage tout au long de la vie, la capacité à agir conjointement qui s'exprime par le biais du partenariat des parties concernées vient augmenter le capital social (cf. paragraphe 3.7.1).

Contribution apportée par l'apprentissage tout au long de la vie appuyé sur les technologies de l'information et de la communication aux mutations industrielles, et en particulier à l'investissement dans les compétences des travailleurs, le développement des ressources humaines et la lutte contre le chômage

4.5

L'éducation et la formation à distance qui sont menées à l'aide des technologies de l'information et de la communication peuvent permettre un transfert de savoir systématique, plus rapide et moins coûteux, qui revêt notamment une importance cruciale dans l'industrie, dans la mesure où il y représente une composante de poids du capital humain et donne la possibilité de lui transmettre plus aisément les connaissances depuis les lieux où s'effectue la recherche.

4.5.1

La dotation d'une société ou d'une entreprise donnée en cadres qualifiés, qui développent leurs qualifications par la formation est un facteur qui influence considérablement sa valeur. C'est grâce à ces ressources que l'entreprise est en mesure de modifier ses technologies de production, de les reprofiler et de les adapter aux exigences du marché du travail.

4.6

La Commission européenne souligne (22) que, face au développement technologique rapide et à un environnement économique en mutation, il devient indispensable d'investir en permanence dans le développement des ressources humaines, en associant dans cet effort les individus, les entreprises, les partenaires sociaux ainsi que les autorités publiques. Il est à déplorer qu'une tendance à la hausse ne se marque dans les dépenses publiques des États membres de l'UE en matière d'éducation, qui s'élèvent en moyenne à 5 % du PIB, avec en outre des différences significatives, et parfois véritablement frappantes d'un pays à l'autre.

4.7

L'investissement dans le développement des ressources humaines a une incidence directe sur l'accroissement de la productivité et constitue par ailleurs une forme intéressante de placement du point de vue microéconomique et social. Des études (23) montrent que chaque année d'apprentissage augmente directement la croissance économique d'environ 5 % à court terme et 2,5 % sur le long terme. Ces résultats sont également corroborés par les conclusions du Conseil européen (24), qui souligne que les investissements en matière d'éducation et de formation sont la source de gains importants qui excèdent, et de loin, les engagements consentis.

4.8

Le développement rapide de la technologie a pour effet de susciter des structures de production modernes qui sont souvent dotées d'équipements informatiques pour l'usage desquels il est nécessaire de disposer de travailleurs aptes au maniement des technologies de l'information et de la communication. S'il n'est pas toujours possible de recruter immédiatement de telles ressources, il sera de toute évidence plus facile de les trouver sur le marché du travail si les technologies de l'information et de la communication sont appliquées à grande échelle à l'éducation et à la formation, notamment dans le cadre de l'apprentissage tout au long de la vie.

4.9

Eu égard aux raisons susmentionnées et dans le contexte des mutations industrielles actuelles, il vaut la peine d'entreprendre des actions intensives afin d'acclimater rapidement les technologies de l'information et de la communication dans le domaine de l'apprentissage tout au long de la vie. Ces initiatives devraient accélérer le processus par lequel les salariés des entreprises de production européennes et les chômeurs qui suivent des formations acquièrent des connaissances et compétences nouvelles. De manière plus spécifique, il convient de permettre tout particulièrement aux chômeurs d'accéder aux formations qui s'appuient sur les technologies de l'information et de la communication et sont soutenues par des fonds publics (25).

4.9.1

La motivation des chômeurs pour l'auto-apprentissage est faible, car ils n'ont encore guère de chances de pouvoir exploiter les connaissances acquises. Le meilleur incitant, dans leur cas, serait la possibilité concrète de décrocher un nouvel emploi à la suite d'une formation ou d'un cours de perfectionnement qui, dans une situation idéale, seraient assurés par l'entreprise qui propose le poste concerné.

4.9.2

Un tel dispositif pourrait offrir des conditions favorables pour mettre en œuvre l'apprentissage tout au long de la vie appuyé sur les technologies de l'information et de la communication mais les infrastructures ne sont pas suffisantes dans les zones où pareille action serait particulièrement opportune, à savoir les régions rurales qui ont subi des fermetures d'outils de production, un cas de figure qui est caractéristique des nouveaux États membres.

4.9.3

Dans ces zones, un soutien de la part de l'État et de l'Union européenne est nécessaire dans le domaine des infrastructures, les entreprises du secteur des technologies de l'information n'étant pas disposées à supporter les frais de la connexion à Internet de ces territoires pauvres, constitués de petites villes et de villages.

Bruxelles, le 13 septembre 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Apprentissage électronique: utilisation des nouvelles technologies des multimédias et de l'Internet en vue d'améliorer la qualité de l'apprentissage en facilitant l'accès aux matériaux et services d'enseignement, ainsi que la communication et la coopération à distance.

(2)  Apprentissage tout au long de la vie (formation continue): expression indiquant que l'acquisition de nouvelles connaissances est à présent reconnue comme un processus continu, qui ne se termine pas avec l'achèvement des études secondaires ou supérieures, mais se poursuit sans interruption tout au long de la vie professionnelle de chaque individu et même après son accession à la retraite. Elle englobe toutes les étapes de l'existence et concerne tous les groupes sociaux, en grande partie grâce aux possibilités qu'offre l'apprentissage au moyen des outils de communication électronique (source — http://www.elearningeuropa.info/).

(3)  Accès à Internet haut débit (à large bande): canal de communication à haut débit permettant un accès souple et rapide aux sources d'information et aux projets d'apprentissage par la voie électronique (source — http://www.elearningeuropa.info/).

(4)  Société fondée sur la connaissance: société dont l'action organisée est fondée sur la production, la diffusion et l'utilisation des connaissances, dans une perspective d'accroissement permanent des compétences et de plein engagement dans la vie familiale, sociale et professionnelle, COM(2001) 678 final.

(5)  «Programme d'action intégré dans le domaine de l'éducation et de la formation tout au long de la vie», COM(2004) 474 final, 14 juillet 2004.

(6)  Décision du Parlement européen et du Conseil 2318/2003/CE, «Programme e-learning (apprendre en ligne)», 5 décembre 2003.

(7)  L'apprentissage non formel se déroule en parallèle de l'enseignement dispensé au sein des régimes généraux d'éducation et de formation mais habituellement, il ne débouche pas sur l'obtention de certificats officiels. Il peut être organisé sur les lieux de travail ou par des groupes et organisations de citoyens (organisations de jeunesse, syndicats, partis politiques, etc.). Il peut prendre la forme de cours ou de services élaborés avec l'intention de compléter les systèmes formels d'enseignement. Commission européenne, SEC(2000) 1832.

(8)  L'apprentissage informel est celui qui résulte des expériences quotidiennes qui ont leur source dans le milieu du travail, la famille ou les loisirs. Il n'est ni organisé ni institutionnalisé, que ce soit en termes de définition d'objectifs, de durée ou de ressources). Du point de vue de l'apprenant, il revêt un caractère non intentionnel. Il ne débouche habituellement pas sur une certification.

Commission européenne, SEC(2000) 1832.

(9)  «Pour une meilleure mise en oeuvre de la stratégie de Lisbonne».

(10)  «Moderniser l'éducation et la formation: une contribution essentielle à la prospérité et à la cohésion sociale en Europe», COM(2005) 549 final du 30 novembre 2005.

(11)  Conclusions du Conseil «Éducation, jeunesse et culture» du 21 février 2005.

(12)  COM(2005) 229 final.

(13)  Conférence ministérielle, «Les technologies de l'information et de la communication pour une société de l'inclusion» (ICT for an inclusive society), Riga, 11 juin 2006.

(14)  «L'eAccessibilité».

(15)  L'e-exclusion consiste à se trouver exclu de la participation à la communication électronique.

(16)  L'alphabétisme numérique constitue une des compétences fondamentales requises pour une participation active à la société de l'information et à la nouvelle culture médiatique. Elle est centrée sur l'acquisition de qualifications et d'aptitudes dans le domaine des nouvelles technologies, lesquelles deviennent de plus en plus indispensables dans la vie quotidienne. «Programme e-learning (apprendre en ligne)», 5 décembre 2003.

(17)  Avis du «Compétences clés pour l'éducation et la formation tout au long de la vie», mai 2006.

(18)  Rapport — RAND Europe, L'offre et la demande de compétences électroniques en Europe («The supply and demand of e-skills in Europe»), septembre 2005.

(19)  Les compétences électroniques désignent les qualitifications personnelles dans le domaine des technologies de l'information et de la communication ainsi que des aptitudes et des dispositions relatives à leur mise en œuvre qui permettent d'accomplir des tâches professionnelles à un niveau de qualité approprié.

(20)  Communication de la Commission européenne «Combler le fossé existant en ce qui concerne la large bande», 21 mars 2006.

(21)  COM(2002) 262 final.

(22)  Communication de la Commission «Investir efficacement dans l'éducation et la formation: un impératif pour l'Europe», COM(2002) 779 final, 10 janvier 2003 (document 5269/03).

(23)  De la Fuente et Ciccone «Le capital humain dans une économie mondiale fondée sur la connaissance», rapport final pour la DG «Emploi et affaires sociales», Commission européenne, 2002.

(24)  Conclusions de la Présidence, Conseil européen — 23 et 24 mars 2006, (document 7775/06).

(25)  Avis: «i2010 — Une société de l'information pour la croissance et l'emploi».


23.12.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/26


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Services et industrie manufacturière européenne: les interactions entre ces secteurs et l'impact de celles-ci sur l'emploi, la compétitivité et la productivité»

(2006/C 318/04)

Le 19 janvier 2006, le Comité économique et social européen a décidé, en vertu de l'article 29, paragraphe 2, de son Règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur le thème: «Services et industrie manufacturière européenne: les interactions entre ces secteurs et l'impact de celles-ci sur l'emploi, la compétitivité et la productivité».

La commission consultative des mutations industrielles, chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 31 août 2006 (rapporteur: M. CALLEJA; co-rapporteur: M. ROHDE).

Lors de sa 429e session plénière des 13 et 14 septembre 2006 (séance du 13 septembre), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 183 voix pour, 3 voix contre et 4 abstentions.

Conclusions et recommandations

Le présent avis recommande:

Évaluation globale

Il convient de reconnaître l'importance que revêtent les services aux entreprises pour la croissance, la compétitivité et le taux d'emploi des industries manufacturière et des services en Europe. Il importe de prendre une série de mesures politiques cohérentes au niveau européen afin de favoriser l'utilisation de services compétitifs liés aux entreprises. Le projet de plan d'action pour 2005 élaboré dans le cadre du Forum européen sur les services liés aux entreprises constitue une bonne base pour la poursuite des discussions.

Objectifs politiques et suivi

Il conviendrait de prendre des mesures spécifiques permettant de promouvoir le rôle positif que jouent les services aux entreprises pour le développement des entreprises industrielles et de service, aussi bien publiques que privées. À l'échelon de l'UE, le CESE recommande fortement les actions suivantes:

prendre des mesures directes et complémentaires permettant de parachever le marché intérieur des services aux entreprises, en levant notamment les obstacles au bon fonctionnement du secteur (barrières entravant l'intégration des marchés, la mobilité des travailleurs et la croissance économique);

reconnaître sans délai les services aux entreprises en tant que partie intégrante de toute politique industrielle; la Commission européenne devrait en prendre note et élargir la portée de la politique industrielle européenne en y intégrant les services aux entreprises;

instituer un observatoire européen des services aux entreprises chargé de collecter l'information, de stimuler la recherche et le débat, de proposer des recommandations politiques et d'en suivre la mise en œuvre;

renforcer le dialogue social afin de pouvoir suivre et examiner les changements survenus au plan des conditions de travail et des possibilités d'emploi suite aux changements structurels dans le nouveau secteur des services aux entreprises.

Plus généralement, d'autres mesures doivent être prises à l'échelon du marché et être encouragées par les pouvoirs publics. Il convient notamment de:

promouvoir les services aux entreprises en tant qu'ils permettent d'améliorer les performances des entreprises et des industries et d'obtenir des avantages compétitifs face aux pays à faible coûts de production et face aux autres concurrents sur les marchés mondiaux;

favoriser une utilisation plus systématique et plus efficace des services aux entreprises dans le milieu des PME;

stimuler l'emploi et l'amélioration des conditions de travail dans le secteur des services aux entreprises, afin d'améliorer la productivité, la qualité des services et le niveau de vie;

accroître l'adaptabilité et améliorer la capacité d'insertion professionnelle des travailleurs touchés par les mutations structurelles par le biais de programmes de formation et de reconversion ciblés.

R&D, innovation et prestation de services en ligne

Les programmes de R&D de dimensions nationale et européenne, financés par des fonds publics, devraient accorder une attention particulière aux actions et projets visant à stimuler la production et l'utilisation de services innovants aux entreprises.

Il conviendrait d'accorder une attention particulière aux projets spécifiques relatifs aux services à forte intensité de connaissances dans le secteur manufacturier, ce qui encouragerait l'innovation et accroîtrait la productivité ainsi que les perspectives de croissance, y compris dans le domaine des services TIC et de la R&D.

Les services aux entreprises constituent une source d'innovation pour l'économie de la connaissance. Il convient d'inciter la recherche à développer davantage la «science des services», et notamment le savoir-faire méthodologique propre aux processus d'entreprise.

Afin d'encourager les entreprises à investir davantage en R&D et dans l'innovation, il convient de renforcer la protection des droits de propriété intellectuelle (DPI) ainsi que d'autres mécanismes de protection, en adoptant la législation actuellement pendante sur le brevet communautaire.

Il s'agit de reconnaître le rôle des TIC dans l'innovation en matière de services et de le promouvoir dans le but, par exemple, de garantir la prestation de services, notamment dans le milieu des PME, via un accès Internet large bande à haut débit partout en Europe, tout en s'attaquant aux problèmes liés à la sécurité et à la confidentialité des réseaux de cyberactivité. L'initiative de la Commission européenne «i2010» joue un rôle essentiel à cet égard.

Ingénierie des services et normes

L'ingénierie des services est une nouvelle discipline pouvant servir de base à l'amélioration de la qualité des services aux entreprises au moyen d'une planification systématique améliorée. Cette approche innovante mérite d'être développée en tant que discipline de recherche et d'enseignement dans le milieu universitaire, au sein des écoles de commerce et d'autres organismes de formation.

Établir des normes peut s'avérer utile pour assurer une meilleure qualité des services et une intégration accrue des marchés communautaires. À cet effet, il conviendrait de promouvoir l'harmonisation volontaire des services en général, et des services aux entreprises en particulier.

Développer l'emploi et améliorer l'état des connaissances dans le domaine des services aux entreprises en Europe

Il convient de:

trouver des solutions permettant de renforcer le capital humain dans l'UE et d'endiguer la fuite croissante des cerveaux à l'extérieur de l'UE dans le domaine de la recherche;

prendre de nouvelles mesures visant à inciter les entreprises du secteur privé à accroître leur part d'investissement en R&D, conformément aux objectifs de la stratégie de Lisbonne;

améliorer les données et l'information sur les services aux entreprises et sur les services offerts par les entreprises industrielles;

accroître la transparence des marchés des fournisseurs de services aux entreprises;

prévoir des ressources supplémentaires afin d'améliorer la qualité de l'éducation, de la formation, de l'e-learning ainsi que des connaissances linguistiques de manière à permettre le développement de services transfrontaliers aux entreprises.

Motivation

1.   Introduction

1.1

Le présent avis examine les effets des services aux entreprises sur l'emploi, la compétitivité et la productivité dans les industries manufacturières européennes ainsi que les possibilités de développer davantage ce secteur, conformément aux objectifs de la stratégie de Lisbonne. Une attention particulière est accordée aux avancées que connaît cette nouvelle discipline appelée «ingénierie des services» ainsi qu'à l'impact de l'externalisation/la sous-traitance des services aux entreprises.

1.2

L'on s'interroge sur l'avenir de l'économie européenne ainsi que sur la manière dont elle entend répondre à l'émergence d'une concurrence forte des pays à faibles coûts de production. L'industrie manufacturière et le secteur des services ont perdu de nombreux emplois en Europe face aux pays dotés d'avantages comparatifs en termes de coûts de production et de compétences (la Chine, par exemple, possède des avantages en matière de production industrielle, et l'Inde dans le domaine des services aux entreprises). Malgré cela, l'industrie manufacturière continue à jouer un rôle déterminant dans l'économie de l'UE. Selon les dernières statistiques disponibles, l'Union européenne a exporté en 2004 pour plus de 1 200 milliards de dollars de biens commerciaux, ce qui en fait le premier exportateur au monde de biens commerciaux (1).

1.3

L'industrie manufacturière est considérée comme étant toujours le principal vecteur du changement technologique et de l'innovation, même si elle n'a pas été capable de développer des initiatives en matière de hautes technologies ou dans des domaines à plus forte valeur ajoutée au cours de la précédente décennie. La croissance générée par les services aux entreprises, et notamment par l'utilisation des services intensifs en connaissances, constitue un canal complémentaire permettant de développer de nouvelles technologies, de créer de nouvelles possibilités d'emploi et d'acquérir de nouveaux avantages concurrentiels. Les services aux entreprises sont également à l'origine d'innovations non technologiques (en matière d'organisation, par exemple), ce qui accroît les actifs incorporels des entreprises et développe le savoir-faire des travailleurs.

1.4

S'il est vrai qu'il s'opère dans les pays industrialisés un glissement significatif en matière de consommation au profit des services, ces transformations n'annoncent pas une tendance à la désindustrialisation, comme l'on peut le penser parfois. Ces évolutions peuvent être interprétées comme le reflet statistique d'une division du travail plus poussée au sein des économies développées ainsi que d'une désagrégation des chaînes de valeurs verticales, autrefois homogènes. Des services qui étaient autrefois fournis par les structures internes d'une entreprise sont actuellement exécutés par des fournisseurs spécialisés. De nouvelles entreprises de services se sont développées et soutiennent l'effort de l'industrie européenne qui consiste à améliorer son efficacité et à absorber les nouvelles technologies lui permettant de créer de nouveaux produits à plus forte valeur ajoutée.

1.5

Les résultats des recherches menées récemment révèlent que l'économie actuelle se caractérise par un développement intégré et complémentaire des services et de l'industrie. La demande de services apparaît et se développe là où l'économie est fortement industrialisée. Ils ne constituent pas une alternative exclusive (2).

1.6

Le présent avis ne préconise pas de favoriser particulièrement les services au détriment de l'industrie. Son objectif consiste plutôt à souligner l'interdépendance entre les secteurs industriel et des services (3). Il souligne qu'il est possible d'améliorer et de développer à plus grande échelle les services aux entreprises. Le CESE met l'accent sur la contribution positive des services aux entreprises à l'accroissement de la productivité et au renforcement de la compétitivité du secteur manufacturier en Europe. Dans le même temps, le secteur des services aux entreprises accroît sa propre productivité grâce à son innovation, passant, entre autres, par une adoption rapide de nouvelles technologies, à son pouvoir d'attraction de nouveaux travailleurs hautement qualifiés et à l'amélioration des conditions de travail (4).

1.7

L'externalisation/la sous-traitance des services au profit de fournisseurs de services spécialisés capables d'exploiter les économies d'échelle et le processus continu d'innovation a un effet positif en termes de coûts et de productivité. L'adoption des connaissances et des services aux entreprises par les PME s'avère encore insuffisante. Il convient également de faciliter les possibilités de reconversion des travailleurs de l'industrie vers les services aux entreprises grâce à des programmes de formation adaptés.

1.8

À l'heure actuelle, la majorité des services aux entreprises sont fournis par des opérateurs nationaux. Néanmoins, rien ne peut garantir que la situation ne changera pas à l'avenir. Une série de services liés aux entreprises peuvent être prestés de l'étranger à l'échelon européen élargi, incluant les nouveaux États membres et les pays candidats, voire à l'échelle planétaire, en fonction des coûts et des opportunités (sous-traitance de proximité et externalisation). Selon les derniers indicateurs, l'UE-25 a enregistré en 2004 un bilan positif (+42,8 milliards d'euros) de ses échanges de services, en augmentation de 5,8 milliards d'euros par rapport à 2003) (5).

1.9

Il convient de procéder en permanence à des analyses approfondies des structures et des processus d'entreprises, afin d'identifier les fonctions pour lesquelles il est possible de faire appel à des fournisseurs spécialisés de services aux entreprises ou à des entreprises opérant en réseau, capables de gérer ces fonctions avec une plus grande efficacité en mettant en commun leur expertise spécialisée et en intervenant à une plus grande échelle. S'il est vrai que cette approche risque d'avoir des conséquences sur les emplois dans l'industrie manufacturière, elle peut également parfois aider à compenser les effets potentiellement négatifs des externalisations, à maintenir les industries manufacturières en Europe et à accroître la demande d'emplois dans le secteur des services aux entreprises. Le renforcement, au sein des entreprises, des emplois de services qualifiés apporte de nouveaux avantages concurrentiels.

2.   Défis pour l'industrie européenne: un défi pour les services aux entreprises

2.1

Tous les secteurs de l'économie européenne ressentent les effets de la mondialisation et le besoin de procéder à des changements afin de s'adapter à la nouvelle donne. La politique industrielle peut jouer un rôle positif à cet égard. Dans sa communication intitulée «Les mutations structurelles: une politique industrielle pour l'Europe élargie» (6), la Commission européenne a énoncé qu'elle avait l'intention de développer une politique industrielle adaptée pour accompagner les mutations industrielles:

l'industrie européenne doit faire face à un processus de mutations structurelles qui est généralement bénéfique et qui doit être encouragé par des politiques qui facilitent la création et l'utilisation de la connaissance;

l'internationalisation de l'économie offre des possibilités à l'industrie européenne, à condition que la politique industrielle soutienne les évolutions nécessaires et pour autant que les travailleurs soient protégés contre les effets négatifs de l'internationalisation par le biais de politiques actives du marché du travail et de politiques sociales;

l'élargissement de l'Union européenne ne s'est pas traduit uniquement par l'extension du marché intérieur. Il permet également de réorganiser les chaînes de valeur à l'échelle du continent, en tirant parti des avantages concurrentiels des nouveaux États membres;

la transition vers l'économie de la connaissance sera cruciale et une certaine prudence réglementaire sera de mise pour éviter de peser de manière excessive sur la compétitivité industrielle des nouveaux États membres.

Le CESE préconise une accélération des réalisations concrètes de la politique industrielle de l'UE et l'intégration des services aux entreprises dans le cadre de celle-ci.

2.2

Plus récemment, la Commission européenne a publié une communication intitulée «Mettre en oeuvre le programme communautaire de Lisbonne: un cadre politique pour renforcer l'industrie manufacturière de l'UE — vers une approche plus intégrée de la politique industrielle» (7). Dans ce cadre, la Commission a identifié sept initiatives politiques transsectorielles principales:

initiative visant à garantir la protection des droits de propriété intellectuelle (DPI) et à lutter contre la contrefaçon;

groupe de haut niveau chargé de la compétitivité, de l'énergie et de l'environnement;

aspects extérieurs de la compétitivité et accès au marché;

nouveau programme de simplification de la législation;

amélioration des compétences sectorielles en identifiant les éventuels besoins de compétences et les lacunes;

gestion des mutations structurelles dans la filière industrielle;

approche intégrée en matière de recherche et d'innovation industrielles au niveau européen.

La communication présente un défaut majeur dans la mesure où elle néglige les services en général, et les services aux entreprises en particulier. Le CESE souhaite que les services aux entreprises fassent partie intégrante de toute politique industrielle et invite la Commission européenne à revoir son approche de sa future politique industrielle en les y incluant. Une politique industrielle efficace devra également tenir compte des conséquences sociales et en termes d'emplois des mutations industrielles. À cet égard, il convient de mettre davantage l'accent sur l'apprentissage tout au long de la vie et sur les mesures facilitant la mobilité des travailleurs.

2.3

L'Europe doit exploiter davantage et de manière plus approfondie les technologies de l'information et de la communication (TIC). L'intensification de l'utilisation des TIC et leur intégration dans le secteur industriel est importante, comme elle est importante dans les services aux entreprises. Pour ce qui est de l'utilisation des technologies de l'information, l'Europe accuse un retard face à ses principaux concurrents. En 2004, l'investissement en TI a atteint 732 euros par habitant en Europe occidentale, alors qu'il s'élevait à 1 161 euros aux États-Unis et à 1 012 euros au Japon. En pourcentage du PIB, les dépenses en matière de TIC ont représenté 3,08 % en Europe occidentale, 4,55 % aux États-Unis et 3,59 au Japon (8). Dans ce contexte, la task-force de la Commission européenne sur la compétitivité des TIC joue un rôle essentiel.

2.4

L'écart de productivité qui existe entre les industriels du secteur manufacturier européen et leurs homologues étrangers est souvent associé au fait que l'Europe ne tire pas parti des technologies et n'exploite pas suffisamment le potentiel des TIC, en particulier dans les PME. L'origine du problème réside dans le manque de connaissances et d'expertise en matière de TIC dans les PME. Cela se traduit par une difficulté à faire face aux changements rapides et à la complexité croissante des TIC. Une véritable «fracture numérique» existe entre les petites et les moyennes entreprises. De ce fait, le potentiel des TIC et des modèles de commerce électronique n'a pas encore pu être pleinement exploité (9). Les services aux entreprises jouent un rôle important pour l'efficacité du secteur des TIC et engendrent à cet égard des gains de productivité durables.

2.5

Le marché intérieur des services en général, et des services aux entreprises en particulier, n'est pas encore pleinement réalisé et il subsiste de nombreux obstacles qui entravent l'efficacité, la compétitivité et les possibilités de créer de nouveaux emplois. Toute une série d'entraves a été identifiée dans le rapport sur «l'état du marché intérieur des services» (10), mais certains progrès ont été réalisés du fait de la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne. En plus des mesures réglementaires propres aux marchés des services aux entreprises, il convient d'adopter des politiques complémentaires, telles que celles proposées dans le présent document, afin d'assurer la compétitivité nécessaire de l'UE sur les marchés mondiaux et de garantir le progrès social et économique.

3.   Importance des services aux entreprises et leur interaction avec l'industrie

3.1   Définition des services aux entreprises

Les services aux entreprises sont traditionnellement définis (NACE 70-74) comme une sous-catégorie au sein des services liés aux entreprises (services aux entreprises; commerces de distribution; services en réseau (transports, communication etc.) et services financiers) (11), le facteur déterminant étant dans les deux cas de figure la clientèle à laquelle ils s'adressent. Ces services ne sont pas principalement destinés aux consommateurs finaux, mais plutôt aux entreprises. Il s'agit d'activités concrètes, incluant la prestation de services aux consommateurs. Ces activités influencent en premier lieu la compétitivité des entreprises grâce à leur apport intermédiaire à la chaîne de valeurs et grâce aux gains de qualité et d'innovation que génère l'interaction entre fournisseurs, clients et services. La particularité des services aux entreprises réside dans le fait que la plupart d'entre eux peuvent être fournis à l'interne ou confiés (externalisés) à une entreprise extérieure spécialisée.

3.2

Les services aux entreprises sont une catégorie d'activités très hétérogènes, allant des services professionnels (ingénierie, comptabilité, services juridiques, par exemple) jusqu'aux services à forte valeur ajoutée (services TIC, conseil en gestion), en passant par les services de ressources humaines (recrutement, reclassement du personnel, travail temporaire) et les services supports à l'activité de l'entreprise, qu'ils soient à faible valeur ajoutée (nettoyage, sécurité, restauration) ou qu'ils soient à valeur ajoutée croissante (gestion de l'énergie, fourniture et traitement des eaux et autres fluides, traitement de l'air et des déchets). Concernant ces groupes d'activités, il convient d'accorder une attention particulière aux conditions de travail et aux conditions sociales.

Tableau 1:   Principaux services requis pour le fonctionnement des entreprises (approche fonctionnelle) (12)

Fonctions dans l'entreprise

Principaux services liés aux entreprises

 

Fonctions dans l'entreprise

Principaux services liés aux entreprises

Administration

Conseil en gestion

Services juridiques

Audit et comptabilité

 

Gestion de l'information

Services informatiques et de TI

Télécommunications

Ressources humaines

Travail temporaire

Recrutement de personnel

Formation professionnelle

 

Marketing et ventes

Publicité

Commerce de distribution

Relations publiques

Foires et expositions

Services après-vente

Intermédiation financière

Banque

Assurance

Location et location/bail

 

Transport et logistique

Logistique

Services de transport

Messagerie express

Fonction de production et technique

Services d'ingénierie et techniques

Tests et contrôle qualité

services de R & D

Design industriel

Entretien et réparation d'équipement

 

Gestion d'installations

Services de sécurité

Services de nettoyage

Restauration

Services environnementaux/

gestion des déchets

Services de fourniture d'énergie et d'eau

Immobilier (entrepôts)

3.3   Rôle des services aux entreprises dans l'économie

Les services aux entreprises constituent un élément essentiel de l'économie marchande européenne. Cependant, la caractéristique la plus importante des services aux entreprises est que ceux-ci sont présents — et intégrés — dans chaque maillon de la chaîne de valeur. On explique généralement la croissance des services aux entreprises par la migration de l'emploi depuis l'industrie manufacturière vers les services en raison de l'externalisation des fonctions de services. Mais les raisons de cette croissance sont multiples: l'évolution des modes de production, les gains de flexibilité, une concurrence avivée sur des marchés internationaux, le rôle croissant des TIC et de la connaissance, ainsi que l'émergence de nouveaux types de services constituent d'autres facteurs d'importance. «Si l'on en croit les statistiques structurelles sur les entreprises, le secteur des services liés aux entreprises (hors services financiers) représentait 53 % de l'emploi total dans l'économie marchande de l'UE en 2001, tandis que l'industrie manufacturière détenait une part de 29 % (soit quelque 29 millions de personnes employées). La valeur totale ajoutée créée par les services liés aux entreprises représentait 54 % en 2001, contre 34 % pour l'industrie manufacturière» (13).

3.4

Aujourd'hui, un nombre croissant d'entreprises manufacturières investissent le secteur des services. Non seulement elles offrent des services après-vente, mais elles se rendent de plus en plus compte de la valeur ajoutée qu'elles créent en fournissant leur expertise dans le domaine de l'ingénierie, de la conception ou des processus d'innovation à d'autres entreprises. Un nouveau modèle d'entreprise hybride voit le jour où les entreprises exercent à la fois des activités de production et de services. Les clients ont de plus en plus tendance à chercher des «solutions» plutôt que de simples «produits» et c'est dans la capacité à fournir des services complémentaires que réside bien souvent l'avantage concurrentiel d'une entreprise manufacturière.

3.5

Manque de données statistiques spécifiques concernant les services aux entreprises  (14) On manque d'informations statistiques sur la demande de services. Les liens d'interdépendance qui existent entre les divers secteurs ne sont pas bien documentés. La disponibilité et la qualité des informations sur les activités du secteur des services et sur leur apport aux économies des États membres de l'UE devraient s'améliorer avec la révision du système de classification NACE, prévue pour 2007. La nouvelle classification offrira un meilleur aperçu des structures et évolutions qui caractérisent le secteur des services (15). Il manque également des informations sur l'importance du phénomène des entreprises industrielles qui fournissent des services.

3.6

Fragmentation et manque d'informations et d'analyse en matière de services aux entreprises. Le CESE considère qu'il convient d'instituer un Observatoire européen des services aux entreprises, chargé de collecter les informations, d'encourager la recherche, de stimuler les discussions, de proposer des recommandations politiques en la matière et d'en suivre la mise en œuvre. La création d'un tel organisme ou toute mesure similaire permettrait de mieux comprendre les transformations qui s'opèrent à un rythme rapide dans le secteur et servirait en même temps de point de rencontre entre les décideurs politiques et les acteurs concernés.

3.7

Normalisation des services Pour donner une nouvelle impulsion à une normalisation volontaire des services qui s'appuie sur des éléments d'information probants et qui répond aux besoins du marché, il faut notamment prendre comme idées directrices l'amélioration de la sécurité fondamentale, de la qualité et des performances en matière de prestation de services, ainsi que la promotion de la concurrence et de l'innovation dans ce secteur. Il appartient au Comité européen de normalisation (CEN), à l'Organisation internationale de normalisation (ISO) ainsi qu'aux organes nationaux de normalisation de relever ce défi. Le développement des normes volontaires dans le domaine des services stimulerait certainement le commerce transfrontalier des services et contribuerait au renforcement du marché intérieur des services.

4.   Comment les services aux entreprises améliorent la compétitivité du secteur industriel (16)

4.1

Les services aux entreprises revêtent une importance capitale en aidant le secteur des PME à contribuer pleinement à l'innovation et à la croissance. Il est prouvé que les PME les plus dynamiques utilisent fréquemment des services aux entreprises. Face aux pressions inhérentes à la mondialisation, il faut inciter les PME à recourir davantage à ces services.

4.2

Capacité d'innovation nationale

La capacité d'un pays à générer des idées nouvelles et à commercialiser des technologies innovantes de manière continue à long terme est déterminée par une série d'éléments (17):

infrastructure globale dédiée à l'innovation,

conditions-cadres fondamentales/politiques d'accompagnement,

interconnexion du système global d'innovation,

systèmes d'enseignement général.

4.3

En Europe, 85 % des efforts de recherche sont consacrés à l'industrie (contre 66 % aux États-Unis) et il n'existe pas de données fiables sur la ventilation des activités de R&D dans le secteur des services. Sur l'ensemble des activités de R&D dans le secteur industriel, 87,5 % interviennent dans huit domaines spécifiques (produits chimiques, ingénierie mécanique, équipements bureautiques, équipements électriques, communications au moyen de semi-conducteurs, outillage, véhicules à moteur et construction spatiale).

4.4

En termes de dépenses totales de R&D, l'Union européenne n'est pas parvenue à rattraper le retard qu'elle accuse par rapport aux États Unis; en effet, l'écart n'a cessé de se creuser au cours de la dernière décennie.

4.5

Pour la compétitivité de l'industrie européenne, il est primordial d'accroître l'investissement en R&D dans le secteur des services de haute technologie et intensifs en technologie (à marge élevée). Il serait plus aisé d'atteindre «l'objectif des 3 %» (18) si les gouvernements augmentaient leurs engagements financiers dans ce domaine et si le secteur privé était davantage encouragé à investir en R&D et soutenu pour cela,, y compris en matière de services aux entreprises.

4.6

L'établissement d'un Institut européen de technologie, tel que proposé par la Commission européenne dans une de ses récentes communications (19), est utile, mais la technologie doit s'accompagner d'une stratégie commerciale et organisationnelle efficace.

4.7

L'impact des fonctions innovantes des services aux entreprises est listé ci-dessous:

Tableau 2:   Fonctions innovantes des services aux entreprises (20)

Fonctions innovantes

Principaux éléments d'innovation

Services aux entreprises (certains secteurs représentatifs)

Innovation technologique

Meilleure intégration des technologies

Utilisation des technologies existantes

Adaptation des technologies aux besoins des entreprises

Efficacité dans les processus avancés d'information et de communication

Automatisation des processus routiniers

Assouplissement des structures productives

Amélioration de la qualité

Services TIC

Services d'ingénierie

Services de conception

Services de télécommunications

Services de communication électronique disponibles en ligne

Services liés au contrôle de la qualité

Innovation organisationnelle

Efficacité de l'organisation interne

Articulation des processus de contrôle et de coordination

Amélioration du recrutement, de la formation et de l'utilisation du personnel

Amélioration des différentes spécialisations fonctionnelles

Conseil en gestion et gestion

Services juridique et d'audit

Services de ressources humaines (sélection, formation et emploi temporaire)

Innovation stratégique

Flexibilité pour les marchés en évolution constante

Positionnement sur des marchés complexes

Information stratégique concernant les alliances

Information concernant le positionnement et les marchés

Défense dans un environnement juridique conflictuel

Services de gestion

Services disponibles en ligne

Services d'audit

Services juridiques

Services liés à l'organisation de foires et de salons

Services marketing

Innovation commerciale

Présentation compétitive des produits

Commercialisation innovante

Saisir les opportunités

Recherche et relations clients

Marketing innovant

Questions liées à l'image de marque

Services de conception

Foires et salons

Publicité

Marketing direct

Relations publiques

Services après-vente

Innovation opérationnelle

Division fonctionnelle du travail

Concentration sur les tâches essentielles

Questions liées à la capacité opérationnelle

Questions liées à l'image de marque

Services linguistiques

Services courrier

Services de sécurité

Services opérationnels

Source: Rubalcaba, «Services aux entreprises dans l'industrie européenne», Commission européenne, Bruxelles, 1999

4.8

Certains fournisseurs de services aux entreprises en Europe figurent au rang des entreprises les plus innovantes, mais le niveau global de R&D dans le secteur des services est généralement insuffisant et désorganisé. Ce sont souvent des entreprises agissant à titre individuel et réalisant de lourds investissements en temps et en ressources financières qui mettent au point de nouveaux services et modèles d'affaires. Il est nécessaire que l'UE soutienne l'effort de recherche dans certains domaines choisis afin d'actualiser le savoir-faire des entreprises en matière de technologies de pointe au niveau mondial.

4.9

Il importe de trouver des moyens d'améliorer l'accès des PME aux résultats de la recherche et de faciliter leur intégration dans la conception de nouveaux produits à court terme.

4.10

Pour que les entreprises puissent investir davantage en recherche et développement ainsi que dans l'innovation, la Commission européenne doit garantir un niveau approprié de protection de la propriété intellectuelle. Il convient également de prendre les mesures nécessaires afin de mettre en œuvre la proposition en suspens relative à la brevetabilité des inventions informatiques.

4.11

Il convient d'améliorer la qualité de la législation et de la réglementation.

5.   Système communautaire de création de connaissance

5.1

Une réorganisation en profondeur du système communautaire de création de connaissance s'impose. Dans le cadre de celle-ci, il convient de:

réorienter les activités R&D vers les entreprises génératrices de TIC de pointe;

endiguer la fuite des cerveaux européens vers les États-Unis (les chercheurs européens qui partent aux États-Unis pour des raisons professionnelles sont deux fois plus nombreux que leurs homologues américains qui s'installent dans l'UE; 40 % des projets R&D aux États-Unis sont menés par des scientifiques formés en Europe);

accroître le niveau de dépenses totales en recherche afin qu'il atteigne 3 % du PIB communautaire, conformément aux objectifs de la stratégie de Lisbonne;

considérer les capacités à utiliser les TIC, la culture numérique et les compétences relatives au commerce électronique comme des compétences essentielles. Le développement des compétences en matière de TIC doit figurer dans les programmes scolaires dès le plus jeune âge;

développer la large bande fixe et mobile en tant qu'infrastructure par excellence de l'économie de la connaissance au XXIe siècle. L'initiative «i2010», lancée en 2005 par la DG Société de l'information, joue un rôle essentiel à cet égard.

6.   Le rôle de l'ingénierie des services

6.1

L'ingénierie des services fait l'objet de débats et recherches approfondis notamment en Allemagne depuis le milieu des années 90, inspirant de nombreux travaux académiques et pratiques en la matière. Ce dynamisme a donné naissance à une discipline technique qui assure le développement et la conception systématiques de produits de service au moyen de modèles, de méthodes et d'outils adaptés. S'il est vrai que l'ingénierie des services touche également à certains aspects de la gestion opérationnelle des services, son objectif prioritaire consiste à développer de nouveaux services. Dans le même temps, l'ingénierie des services inclut également la conception de systèmes de développement, c'est-à-dire les questions liées à la gestion générale de la recherche et du développement ainsi que de l'innovation en rapport avec les services.

6.2

La recherche fondamentale permettant de mettre au point de nouveaux modèles d'entreprise, méthodes et outils stimule de manière importante l'ingénierie des services. Les approches d'ingénierie intégrées, associant biens physiques, logiciels et services deviendront monnaie courante. Enfin, l'harmonisation croissante des normes en matière de services stimulera la spécialisation et le développement efficace de nouveaux services (21).

6.3

L'ingénierie des services est l'un des rares domaines du secteur des services à avoir été largement façonné au gré des avancées de la recherche européenne. Le développement systématique d'une communauté indépendante de l'ingénierie des services et son intégration plus poussée dans des réseaux internationaux sont essentiels si l'on souhaite conserver la place de chef de file dans ce domaine à l'avenir (22).

7.   L'importance de la prestation de services en ligne

7.1

Tendance à l'intensification de la prestation de services en ligne. L'on accorde une attention accrue à la croissance et à l'impact de l'approvisionnement à l'étranger en services à haute intensité de TIC dans le domaine des technologies de l'information et en services liés aux processus d'entreprise. Il s'opère actuellement une transformation des services aux entreprises par le biais des TIC, accompagnée par une migration vers la prestation de services davantage disponibles en ligne. L'accent est mis sur la prestation de services en ligne dans des domaines tels que: services informatiques, R&D, services d'essais techniques, de conseil, de développement des ressources humaines et activités de fourniture de personnel. Cette tendance est principalement animée par le marché pour les raisons suivantes:

nouvelles exigences et attentes des clients;

impulsion visant à étendre la portée des marchés et à les développer;

amélioration de la qualité et approfondissement des relations avec la clientèle;

gains d'efficacité opérationnelle et économies d'échelle;

réduction des coûts liée à l'amélioration et au développement d'options favorisant la production et la livraison à bas coûts.

7.2

Explorer les bénéfices potentiels du transfert d'activités à l'étranger (offshoring) pour l'économie européenne. La tendance actuelle qui consiste à fournir des services depuis n'importe quel endroit du globe fait naître de nouveaux défis planétaires. L'Europe devrait être par conséquent en mesure d'offrir et d'exporter des services de grande qualité au reste du monde. La prestation de services en ligne et le soutien au commerce électronique sont appelés à se développer. Le transfert à l'étranger de services liés aux entreprises concerne aujourd'hui surtout les fonctions administratives (services informatiques, finance et comptabilité, centres d'appel, etc.). En matière de services à plus forte valeur ajoutée, tels que l'ingénierie informatique, la recherche et l'analyse, l'Union européenne continue à «bien se défendre». Néanmoins, les progrès technologiques, la disponibilité des compétences et les coûts y afférents sur les marchés internationaux vont nécessairement peser plus lourd sur les décisions des entreprises européennes dans le futur. Il s'agit là d'un défi pour le marché du travail européen, qui devra fournir davantage d'emplois hautement qualifiés et éviter le chômage (23).

7.3

Obstacles à la généralisation de la prestation de services en ligne. Il existe des obstacles au développement de la prestation de services en ligne, qu'il conviendrait d'examiner attentivement pour y remédier, afin de permettre aux entreprises européennes opérant dans le secteur des services aux entreprises d'adopter une stratégie plus agressive et d'étendre leurs activités au-delà des frontières de l'UE. Parmi ces obstacles figurent: le manque de normes, d'interopérabilité, de confiance et de sécurité en matière de commerce électronique; le manque d'investissement dans les infrastructures à large bande fixes et mobiles et l'utilisation encore insuffisante des TIC par les PME.

8.   Potentiel d'emploi dans le secteur des services aux entreprises

8.1

L'emploi dans le secteur des services aux entreprises a connu une croissance fulgurante au cours des dernières décennies. Le taux de croissance annuel entre 1979-2002 se maintenait aux alentours de 4,5 %, chiffre nettement supérieur aux autres secteurs économiques. En 2003, la part des services aux entreprises dans l'emploi total était de 9 % dans l'UE-15 et de 8,6 % à l'échelon de l'UE-25. Le secteur des services en général, et les services aux entreprises en particulier, va jouer un rôle crucial, car il génèrera de nouveaux emplois dans le futur et permettra de compenser la diminution du nombre d'emplois dans l'industrie manufacturière.

8.2

Le tableau 3 ci-dessous décrit la croissance de l'emploi enregistrée par le secteur des services aux entreprises jusqu'en 2002 par rapport à l'ensemble de l'économie.

Tableau 3:   Taux de croissance annuel de l'emploi dans le secteur des services aux entreprises, 1979-2002 (24)

Pays

Économie globale

Services aux entreprises

Immobilier

Services de location

Services professionnels

R&D (contrats)

Services TIC

Services opérationnels

LU

2,6

7,6

5,2

4,4

7,5

6,5

12,4

7,4

PT

0,4

6,9

6,5

5,5

6,7

7,7

8,1

7,0

IE

2,0

6,4

5,3

4,6

6,0

0,8

10,5

6,5

IT

0,5

6,4

4,4

8,0

6,1

4,1

6,5

6,7

DE

0,6

5,3

4,2

3,4

4,5

2,9

6,5

5,8

FI

0,1

5,4

1,0

1,6

4,3

3,3

8,5

6,0

ES

1,1

5,4

3,7

6,0

4,9

3,2

7,4

5,8

NL

1,6

4,7

3,7

5,3

4,1

3,4

8,1

4,7

AT

0,3

4,8

1,4

2,6

4,3

4,0

9,6

4,8

SE

0,2

4,7

1,2

2,7

4,3

4,2

6,1

4,7

EL

0,8

4,6

5,9

3,4

4,2

4,0

8,1

4,8

UK

0,4

3,3

4,8

2,2

2,8

-0,4

6,9

3,5

FR

0,5

3,2

1,3

4,1

2,5

1,7

4,7

3,8

DK

0,3

3,1

1,5

2,8

1,8

-0,8

5,8

4,3

BE

0,3

3,6

3,9

0,9

3,2

-1,7

5,0

4,0

EU-15

0,6

4,4

3,3

3,3

3,9

1,7

6,4

4,7

États-Unis

1,4

4,7

1,6

3,5

3,5

2,9

8,8

5,3

8.3

La croissance dynamique que connaît l'emploi dans le secteur des services, et notamment dans les services aux entreprises intensifs en connaissances, est un trait caractéristique des économies modernes. S'il est vrai que le taux d'emploi et sa croissance en Europe varient d'un pays à l'autre, le constat suivant s'impose: il n'y a pas de pays pauvre qui dispose d'un grand nombre de services aux entreprises et il n'y a pas de pays riche où les emplois dans le secteur des services aux entreprises soient une denrée rare (25).

8.4

On peut s'attendre à ce que le taux d'emploi dans le secteur des services, et notamment dans les services aux entreprises à forte intensité de connaissances, continue à croître, bien qu'à un rythme plus modéré. Malgré cela, les services devraient afficher un taux d'emploi supérieur aux autres secteurs économiques, selon les prévisions présentées dans le tableau 4. On s'attend à ce que le taux de croissance soit plus soutenu dans les nouveaux pays membres de l'UE, car, en termes absolus, le développement de leurs services s'effectue à partir d'une base nettement inférieure.

Tableau 4:   Tendances de l'emploi dans divers secteurs économiques en Europe de l'Ouest

Image

Note: L'Europe de l'Ouest inclut l'UE-15, la Norvège ainsi que la Suisse.

Source: Communiqué de presse intitulé What has happened to the Lisbon agenda? («Qu'est devenue la stratégie de Lisbonne?»), publié par Cambridge econometrics en novembre 2005.

8.5

Le secteur des services aux entreprises se caractérise par un niveau particulièrement élevé de formation dont disposent les travailleurs. L'enquête de 2003 sur les forces de travail dans l'Union européenne réalisée par Eurostat révèle que la part des emplois hautement qualifiés est passée de 38 % en 1998 à 41 % en 2003. La proportion des emplois moins qualifiés a atteint 17 % en 2003, contre 25 % en 1998. La majorité des postes dans le secteur des services aux entreprises requiert des compétences de moyen et haut niveaux. Cela représente un véritable défi pour les systèmes éducatifs en Europe, notamment en termes de politiques relatives à l'apprentissage tout au long de la vie, dans la mesure où en raison des transformations structurelles qui s'opèrent dans l'industrie européenne, un nombre croissant de travailleurs devront s'orienter vers des emplois du secteur des services aux entreprises après avoir occupé d'autres types d'emplois. Une mise en œuvre rigoureuse du volet «éducation 2010» de la stratégie de Lisbonne sera d'une importance capitale à cet égard. Le tableau 5 présente les niveaux d'éducation constatés dans divers secteurs.

Tableau 5:   Niveau de formation constaté, dans les principales branches économiques et dans les services aux entreprises, pour l'UE-15 en 2003 (26)

Image

Bruxelles, le 13 septembre 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  OMC, statistiques du commerce international, 2004.

(2)  Luis RUBALCABA-BERMEJO, «Services aux entreprises dans l'industrie européenne», Commission européenne, 1999.

(3)  Voir le résumé du rapport final intitulé «L'importance d'une industrie compétitive pour le développement du secteur des services», KALMBACH et coll., Université de Brème, décembre 2003.

(4)  Voir l'avis du CESE intitulé «l'enjeu compétitif des entreprises européennes» (CESE 1439/2004) qui souligne qu'il est important de garantir des conditions sociales adéquates tout en poursuivant l'objectif d'accroître la productivité et la compétitivité. Voir notamment les paragraphes 2.5 à 2.5.3; au paragraphe 2.5.2, par exemple, le CESE indique qu'il «devient également urgent de renforcer la compétitivité du site Europe face à la concurrence, dans des conditions assurant son développement économique et social, sa cohésion, ses emplois, son environnement».

(5)  Eurostat, communiqué de presse No 17/2006 du 13 février 2006.

(6)  COM(2004) 274 final. Avis du CESE adopté le 15 décembre 2004 (rapporteur: M. van IERSEL, corapporteur: M. LEGELIUS), JO C 157, 28 juin 2005, p. 75 et suivantes.

(7)  COM(2005) 474 final. Avis du CESE adopté le 20 avril 2006 (rapporteur: M. EHNMARK), JO C 185, 8 août 2006, p. 80 et suivantes. Voir aussi l'avis complémentaire de la CCMI (CESE 1140/2005 fin; rapporteur: M. PEZZINI).

(8)  EITO 2005, p. 263.

(9)  Rapport sur le commerce électronique 2005.

(10)  COM (2002) 441 final du 30 juillet 2002.

(11)  Voir la communication de la Commission européenne «La compétitivité des services liés aux entreprises et leur contribution à la performance des entreprises européennes» (COM (2003) 747 final du 4 décembre 2003), accessible à l'adresse suivante:

http://europa.eu.int/eur-lex/fr/com/cnc/2003/com2003_0747fr01.pdf (voir en particulier le paragraphe 1.2 et l'encadré 1).

(12)  Source: «La compétitivité des services liés aux entreprises et leur contribution à la performance des entreprises européennes» (COM (2003) 747 final), annexe I, (Classifications des services et graphiques supplémentaires), accessible à l'adresse suivante:

http://europa.eu.int/eur-lex/fr/com/cnc/2003/com2003_0747fr01.pdf.

(13)  COM(2003) 747 final, paragraphe II.2, p. 11.

(14)  Voir le document «Une étude sectorielle des délocalisations: arrière plan factuel» (en particulier les pages 107 et 177-179), qui a été élaboré à la demande de la CCMI et a servi de fondement à son rapport d'information intitulé «Une étude sectorielle des délocalisations» (CESE 1035/2005 fin; rapporteur: M. van IERSEL, corapporteur: M. CALVET CHAMBON)).

(15)  Rapport du Forum européen sur les services liés aux entreprises, juin 2005.

(16)  COM(1998) 534 final et COM(2003) 747 final.

(17)  STERN, FURMAN, PORTER, 2002.

(18)  Voir l'avis du CESE sur le 7e programme-cadre de RDT (CESE 1484/2005). Concernant la stratégie de Lisbonne, «le Conseil européen de Barcelone (printemps 2002) a en outre défini quantitativement les objectifs de l'aide à la recherche: l'ensemble des dépenses de l'UE doivent augmenter jusqu'à atteindre 3 % du PIB en 2010, les deux tiers de ces efforts étant fournis par le secteur privé (objectif des 3 %). Le Comité tient néanmoins à souligner que compte tenu de la course mondiale aux investissements, cet objectif est “mouvant”. Ceux qui tarderont à l'atteindre seront de plus en plus distancés» (paragraphe 2.5).

(19)  COM(2006) 77 final.

(20)  Extrait du document intitulé «Contribution des services aux entreprises à l'emploi, à l'innovation et à la productivité en Europe», par Luis RUBALCABA et Henk KOX, à paraître chez Palgrave-Macmillan.

(21)  Hans-Jorg BULLINGER, Klaus-Peter FÄHNRICH, Thomas MEIREN, «Ingénierie des services — développement méthodique de nouveaux services».

(22)  Thomas MEIREN, Institut Fraunhofer, spécialisé en ingénierie des services, Stuttgart, Allemagne.

(23)  Voir le rapport de 2005 du Forum européen sur les services liés aux entreprises.

(24)  «Contribution des services aux entreprises à l'emploi, à l'innovation et la productivité en Europe», Luis RUBALCABA et Henk KOX (à paraître en 2006 chez Palgrave-Macmillan).

(25)  RUBALCABA, KOX, 2006, p. 42.

(26)  Source: RUBALCABA et KOX (2006). Données fondées sur les statistiques de l'enquête sur les forces de travail dans l'UE réalisée par Eurostat en 2004.


23.12.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/38


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant création du Fonds européen d'ajustement à la mondialisation»

COM(2006) 91 final — 2006/0033 (COD)

(2006/C 318/05)

Le 27 mars 2006, le Conseil a décidé, conformément à l'article 159, troisième alinéa, du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La commission consultative des mutations industrielles, chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 31 août 2006 (rapporteur: M. van IERSEL, corapporteur: M. GIBELLIERI).

Lors de sa 429e session plénière des 13 et 14 septembre 2006 (séance du 13 septembre 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 170 voix pour, 10 voix contre et 15 abstentions.

1.   Synthèse

1.1

Le CESE accueille favorablement la proposition de la Commission européenne portant création d'un Fonds européen d'ajustement à la mondialisation (ci-après FEM). Le CESE souscrit à l'objectif consistant à intervenir par l'intermédiaire du FEM lorsque des travailleurs se trouvent confrontés à des problèmes sociaux immédiats et de grande ampleur à la suite de difficultés économiques graves et imprévisibles.

1.2

Le CESE approuve le fait que les États membres endossent eux-mêmes l'essentiel des responsabilités et que le FEM n'intervienne qu'à la demande d'un État membre et après une décision en ce sens de l'autorité budgétaire. Les règles en la matière doivent être claires.

1.3

En période de graves perturbations économiques, une politique anticipative, la vigueur de l'esprit d'entreprise, la responsabilité régionale, des mesures opportunes et la coopération des parties concernées — entreprises, partenaires sociaux, pouvoirs publics, collectivités territoriales etc. — sont autant d'éléments essentiels que complètent les interventions du FEM en tant qu'instrument de solidarité de l'Union européenne. Pour en garantir la crédibilité, il faut veiller à ne pas susciter des attentes trop grandes.

1.4

Les actions précises financées par le FEM doivent s'adapter aux objectifs globaux qu'entendent poursuivre l'ensemble des acteurs concernés. Le FEM n'a pas vocation à intervenir dans les domaines relevant de la compétence exclusive des États membres. Il convient de bien préciser que ce fonds cible des possibilités d'emploi spécifiques destinées aux personnes confrontées à un contexte économique difficile appelant une intervention rapide.

1.5

Le CESE invite la Commission à garantir l'association active des partenaires sociaux à la création d'emplois destinés aux travailleurs licenciés. Atteindre l'objectif d'une «réinsertion professionnelle rapide» des travailleurs qui perdent leur emploi n'est en général pas une mince affaire. Il a été démontré que ces mécanismes s'inscrivent dans une perspective à long terme.

1.6

Il convient, pour accroître l'efficacité et la cohérence, de veiller à coordonner étroitement les différents instruments existants, notamment le FEM et les Fonds structurels.

2.   Proposition de la Commission

2.1

En mars 2006, la Commission a proposé de créer un Fonds européen d'ajustement à la mondialisation (1). Le FEM vise à apporter une aide spécifique et ponctuelle visant à faciliter la réinsertion professionnelle des travailleurs dans les domaines ou secteurs subissant le choc d'une perturbation économique grave.

2.2

Une perturbation économique grave peut résulter d'une délocalisation vers des pays tiers pour des raisons économiques, d'une hausse massive des importations ou d'un recul progressif de la part de marché de l'Union européenne dans un secteur donné. Le principal critère pour le FEM est le licenciement de plus 1.000 salariés d'une entreprise ou d'un groupe d'entreprises dans des régions dont le taux de chômage est supérieur à la moyenne.

2.3

Les actions admissibles au titre du FEM devraient créer les conditions d'une réinsertion professionnelle rapide des travailleurs qui ont perdu leur emploi. Cette assistance complète les dispositions nationales et les programmes régionaux ciblés. Parmi les mesures admissibles figurent le recyclage professionnel, l'aide à la réinsertion professionnelle, l'aide aux jeunes entreprises et des compléments de revenu.

2.4

Le FEM n'interviendra qu'à la demande d'un État membre. Le montant de la contribution financière de l'Union européenne ne peut dépasser 50 % du total des coûts estimés de l'ensemble des mesures envisagées par l'État membre.

2.5

Le fonds ne fait l'objet d'aucune disposition financière particulière dans les perspectives financières. Il sera financé au moyen de «sous-utilisations» et de crédits d'engagement annulés. L'enveloppe allouée à chaque action sera décidée au cas par cas par l'autorité budgétaire, ce qui signifie en l'espèce qu'elle relève exclusivement du Conseil et du Parlement européen.

2.6

Une procédure budgétaire détaillée est prévue. Les États membres sont responsables de la gestion des actions bénéficiant de l'aide du FEM. La Commission exerce un rôle de surveillance. En cas de sous-utilisation de l'enveloppe, les sommes inutilisées doivent être remboursées.

2.7

La Commission procède à une évaluation en continu des résultats, des critères et de l'efficacité du règlement ainsi qu'à une évaluation ex post. À partir de 2008, la Commission présentera un rapport annuel sur la mise en oeuvre du fonds qui reprendra notamment des évaluations.

3.   Contexte du FEM

3.1

Cette proposition a pour objet de démontrer la solidarité de l'Union européenne envers les travailleurs qui perdent leur emploi en raison des modifications soudaines de la structure du commerce mondial et fait suite aux conclusions du Conseil européen de décembre 2005. Elle a fait l'objet d'un compromis intégré à l'accord sur les perspectives financières. Une analyse d'impact présentant des informations quant au contenu et au champ d'application du FEM a été menée (2).

3.2

Le FEM ne relève pas des Fonds structurels. Avec la création du FEM, l'Union européenne se dote de l'un des instruments nécessaires pour favoriser l'adaptation et la compétitivité de l'économie européenne (3).

3.3

Alors que les Fonds structurels soutiennent des actions prospectives s'inscrivant dans une optique pluriannuelle, le FEM n'a pas vocation à favoriser les restructurations. Il vise en particulier à soutenir les individus dans des régions confrontées à de graves chocs de la structure du commerce mondial. Ces situations, rares mais dramatiques, peuvent nécessiter un aide individualisée ponctuelle limitée dans le temps. Certains des objectifs poursuivis par le FEM ne sont pas couverts par les Fonds structurels.

3.4

Le programme américain d'assistance à l'ajustement des échanges (Trade Adjustement Assistance ou TAA) de 1962 a, dans une certaine mesure, servi d'exemple. Le TAA vise à corriger l'asymétrie entre, d'une part, les effets négatifs de l'ouverture des échanges et de la libéralisation internationale subis dans des cas isolés spécifiques ou par des régions en particulier et, de l'autre, les avantages qu'elles présentent d'une manière générale. La comparaison entre le TAA et le FEM n'est toutefois pas aisée compte tenu de la différence de culture entre les États-Unis et l'Union européenne et de la disparité des critères utilisés.

3.5

Il convient que le FEM fonctionne conformément aux meilleures pratiques inventoriées par l'OCDE, qui fait valoir la nécessité d'identifier clairement les groupes de travailleurs victimes des mutations du commerce, et que son assistance soit limitée dans le temps, dans le respect des principes de rentabilité, de transparence et de responsabilité.

3.6

Le FEM a pour objectif de contribuer à la mise en place dans l'Union d'une «flexicurité», en d'autres termes d'un équilibre entre flexibilité et sécurité de l'emploi, et complètera les priorités et politiques stratégiques pluriannuelles des Fonds structurels.

4.   Observations générales

4.1

Le règlement à l'examen part du principe que la mondialisation a globalement des effets positifs sur la croissance et l'emploi dans l'Union européenne. Toutefois, le CESE relève dans le même temps qu'elle peut très bien avoir une incidence négative réelle à l'échelon sectoriel et régional. Le FEM constituera un instrument spécifique ayant pour objectif d' d'augmenter les chances de réemploi pour les travailleurs touchés par une perturbation économique grave. Il est à cet égard regrettable que l'analyse d'impact (4) ne contienne pas une étude de cas concrets.

4.2

Étant donné que le quatrième considérant du règlement dispose que les actions menées au titre du FEM doivent être «cohérentes et compatibles avec les autres politiques de la Communauté, et conformes à son acquis», de nombreux services qui, au sein de la Commission, élaborent les politiques, au premier rang desquels la direction générale de la concurrence, devraient procéder à un examen attentif des propositions afin de prévenir tout octroi abusif d'aides d'État.

4.3

En créant le FEM, l'Union européenne s'engage concrètement pour remédier aux conséquences de chocs graves du commerce extérieur et des marchés mondiaux. A l'avenir, un instrument similaire pourrait être envisagé pour atténuer les conséquences négatives des échanges intérieurs et du marché unique de l'UE (délocalisations à l'intérieur de l'UE et politique fiscale, par exemple).

4.4   Critères d'intervention

4.4.1

Des critères d'intervention rigoureux s'imposent. Néanmoins, le critère visé à l'article premier, à savoir «apporter une aide aux travailleurs qui perdent leur emploi en raison de modifications de la structure du commerce mondial entraînant des incidences négatives importantes sur l'économie régionale ou locale», est relativement vague. Il appartient en premier lieu aux États membres d'introduire une demande de financement par le fonds d'une action donnée. La Commission devrait garantir une application uniforme des critères à toutes les situations et à tous les États membres.

4.4.2

Il appartient aux États membres de motiver leur demande. La Commission procèdera à un examen et à un suivi attentif des demandes au moyen de lignes directrices et les aides financières seront octroyées au cas par cas par l'autorité budgétaire, ce qui revient, tant pour la Commission que pour les États membres et l'autorité budgétaire, à se familiariser avec ce dispositif par la pratique et l'expérience. Il importe d'éviter toute ambiguïté et, dès lors, d'adopter et d'appliquer des règles et une approche identiques à l'échelle de l'Union.

4.4.3

S'agissant du nombre minimal de licenciements dans des régions données, les critères d'intervention fixés l'article 2 sont clairement établis. Le critère correspondant à «1.000 salariés» ne se limite pas à une seule entreprise mais tient compte de l'ensemble de la filière en aval et en amont.

4.4.4

Les raisons qui poussent les entreprises à licencier sont la plupart du temps multiples et tiennent tant à la modernisation qu'à la rationalisation ou encore au changement des modes de production et, naturellement, des structures des échanges internationaux. Rares sont les licenciements motivés par un seul facteur en particulier.

4.4.5

Le TAA américain a servi d'exemple mais, une fois encore, la description que donne la Commission du fonctionnement de ce dispositif n'expose pas précisément le lien entre les mutations structurelles des échanges et l'action des pouvoirs publics destinée à en atténuer les conséquences pour ce qui est des licenciements. Les critères et l'histoire de son application sont de surcroît très différents de ce que l'Union européenne entend mettre en place.

4.4.6

Il sera proposé de recourir au FEM en cas de choc et de circonstances imprévisibles. Or, les tendances à l'évolution apparaissent souvent dès avant que ne se fassent sentir les conséquences réelles des mutations. Dans le cadre d'une bonne gestion d'entreprise, des actions doivent être prises en temps voulu en vue de les anticiper.

4.4.7

Aussi les éventuelles mesures d'aide nationales et communautaires envisagées devront-t-elles tenir compte de la manière dont les entreprises et les partenaires sociaux ont anticipé les évolutions. Que penser en effet de mesures de soutien octroyées à des entreprises dont la direction et les partenaires sociaux auraient négligé de repérer en temps utile des évolutions susceptibles de remettre en cause leurs marchés et/ou l'emploi dans leur société?

4.5   Définition des actions admissibles

4.5.1

La différence entre les Fonds structurels et le FEM est triple. Elle porte d'abord sur leur échelle: 44 milliards d'euros pour les Fonds structurels contre 500 millions d'euros par an pour la future période de programmation 2007-2013 pour le FEM. Elle se situe ensuite dans leur approche: prospective et de long terme axée sur de larges questions relatives à la modernisation d'un côté, une démarche de court terme et ciblée sur la réinsertion professionnelle rapide des travailleurs de l'autre. Ils diffèrent enfin du point de vue de la charge administrative, celle des Fonds structurels, en raison de leur volume et de leur champ d'application, ayant tendance à être assez lourde alors que la démarche suivie dans le cadre du FEM se veut à cet égard légère.

4.5.2

Il importe de distinguer strictement Fonds structurels et FEM. L'action du FEM, par définition à court terme et limitée dans le temps, est axée sur des cas spécifiques. À plus long terme, des crédits supplémentaires au titre des Fonds structurels peuvent être prévus dans une perspective régionale plus large. En cas de complémentarité des actions prévues, la philosophie et la structure propres à chaque Fonds doivent être respectées.

4.5.3

Il ne sera pas facile de créer les conditions d'une réinsertion professionnelle rapide des salariés licenciés en l'absence d'un contexte et de circonstances favorables, notamment dans les régions mono-industrielles, dans les régions en retard, dans celles où les établissements de formation et de recyclage professionnel font défaut, etc. Une attention particulière doit être consacrée aux postes d'encadrement de niveau intermédiaire et supérieur en vue d'éviter un exode des cerveaux. Dans ces cas particuliers, il est probablement nécessaire de combiner des actions menées au titre du FEM et des Fonds structurels et de faire le meilleur usage possible du réseau EURES afin de promouvoir les opportunités pour la mobilité au sein de l'Europe. Une coordination insuffisante n'irait pas sans poser de problèmes. Le paragraphe 3 de l'article 5 exige à cet égard une attention particulière.

4.5.4

Les actions admissibles visées à l'article 3 doivent être appréciées à la lumière des dispositions prévues aux articles 5 et 6, s'agissant notamment des liens et des interactions entre les mesures régionales, nationales et communautaires. Les mesures communautaires étant complémentaires de celles adoptées à l'échelon régional ou national, l'expérience acquise dans le passé dans l'Union, dans le cadre de RESIDER, RECHAR et RETEX, par exemple, ainsi que dans d'autres situations pourrait à cet égard se révéler utile, si l'on considère que le FEM n'a pas pour vocation de jouer un rôle de restructuration.

4.5.5

En certaines circonstances particulières, il peut être judicieux de recourir à l'approche sectorielle suivie dans le cadre de la politique industrielle rénovée pour examiner les analyses et déterminer l'utilisation des instruments.

4.5.6

Un certain nombre d'États membres attachent une importance particulière à ce que les politiques du marché du travail et les mesures liées au revenu continuent à relever des États membres et que la Commission ne puisse interférer dans les compétences nationales. Il voient sur ce point un motif de préoccupation. Aussi, dans le cadre de l'ensemble des mesures prévues par un État membre en vue de remédier à une crise particulière, la contribution de l'Union européenne doit se concentrer explicitement sur les individus et la promotion de la réinsertion professionnelle des salariés licenciés. Le CESE renvoie sur ce point aux critères applicables aux demandes établis au chapitre social du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier, lesquels peuvent contribuer à éviter tout chevauchement et conflits entre niveaux de pouvoir.

4.6

Le rôle de l'autorité budgétaire est primordial. Le règlement à l'examen prévoit dûment les procédures financières détaillées qu'il convient de suivre, ce dont le CESE se félicite.

4.7

Le règlement doit répondre à des situations d'urgence particulières qui, en règle générale, nécessitent une action aussi rapide que vigoureuse. Les règles doivent par conséquent être appliquées, avec un minimum de charges administratives, tout en faisant preuve de la précaution voulue. L'objectif reste en effet d'apporter une aide efficace dans les plus brefs délais.

4.8

Dans un certain nombre de cas, même complexes, des restructurations ont pu être menées à bien par le passé, voire récemment encore. Bien que tout cas concret soit toujours unique, la multiplicité des restructurations fait ressortir l'importance, pour leur réussite, de la concentration au niveau régional des efforts de l'ensemble des parties concernées, souvent avec l'appui de leur gouvernement, la priorité consistant à créer les conditions propices à un redéploiement et à la constitution d'entreprises nouvelles ou consolidées dans le secteur industriel ou des services.

4.9

Les plans économiques et sociaux ont bien souvent été élaborés de concert par les pouvoirs publics nationaux, les collectivités régionales et les partenaires sociaux qui, généralement, ont organisé des tables rondes et associé tous les acteurs de la région.

4.10

S'agissant du FEM que la Commission propose de créer, des procédures similaires doivent être prévues et appliquées afin de garantir la réussite de ce fonds. Aussi des représentants de la Commission devront-ils participer directement à ces réunions et rencontres organisées au niveau régional et local.

5.   Observations spécifiques

5.1

Bien que l'enveloppe de 500 millions d'euros allouée au FEM ait été établie sur la base de simulations statistiques réalisées par la Commission à partir de cas concrets, son montant devrait être réévalué et si possible ajusté tous les ans en fonction de l'évolution de la situation et d'un retour réel d'information quant à l'application du fonds.

5.2

L'article 2 motive l'intervention du FEM par la survenance d'une perturbation économique grave. Le CESE invite le Conseil, avant l'entrée en vigueur du règlement, à définir les phénomènes évoqués dans le paragraphe introductif de cet article. Des définitions trop larges peuvent, par la suite, compliquer la tâche de l'autorité budgétaire lors de la prise de décision. Des définitions trop étroites auraient le même effet. La tenue d'une discussion au Conseil, qui pourrait contribuer à sortir de ce dilemme et à trouver un point d'équilibre, fournirait également des pistes utiles en vue de l'élaboration des lignes directrices de la Commission.

5.3

Il importe de justifier explicitement toute intervention. Il convient de prendre en considération les mesures anticipatives adoptées par l'entreprise ainsi que les partenaires sociaux et les autres parties concernées. Cet aspect pourrait également être repris dans les lignes directrices de la Commission.

5.4

Dans le cadre de l'évaluation annuelle ainsi que dans la perspective d'une éventuelle modification au titre de l'article 20 du règlement, un examen des critères visés à l'article 2 (nombre de salariés concernés, dimension territoriale et indicateurs de l'emploi) devrait être envisagé afin de veiller à ce que les critères d'intervention soient suffisamment souples pour s'adapter à la diversité des régions données, notamment pour ce qui est des petits pays dont l'essentiel des entreprises sont des PME.

5.5

L'article 3 énumère à ses points a) et b) les actions admissibles à un soutien financier du FEM. Le CESE fait observer que les mesures liées au revenu telles que les droits à la retraite et les prestations sociales relèvent de la compétence exclusive des États membres. Il convient que le FEM s'en tienne à financer différents types d'installations éducatives et de formation et l'instauration d'un contexte favorable, ce qui, en certaines circonstances particulières, peut supposer un complément de revenu destiné aux personnes ayant un emploi ou à la recherche d'un emploi.

5.6

L'article 10, paragraphe 1, fixe le montant maximal de la contribution du FEM à 50 % du coût total des mesures envisagées par l'État membre. Le CESE n'a pas l'intention de revenir sur ce taux de cofinancement. Il souligne en revanche l'existence d'une corrélation entre, d'une part, le niveau du concours financier du FEM et, de l'autre, le nombre et l'ampleur des situations qui seront traitées.

5.7

S'agissant de l'article 12, le CESE propose que son paragraphe 1, point b), soit reformulé comme suit: «des éléments prouvant que les critères énoncés à l'article 2 et les exigences visées à l'article 6 sont remplis».

5.8

Le CESE estime que les partenaires sociaux et les autres parties concernées dans les régions doivent être associés à chaque étape de la procédure d'intervention du FEM. Il convient également que la Commission informe le CESE et le CdR.

5.9

À partir de 2008, la Commission présentera des rapports annuels sur le FEM. Cette évaluation ex post du dispositif peut faire l'objet d'un débat au Conseil. L'article 20 prévoit une révision du règlement à l'examen pour décembre 2013. Le CESE recommande à la Commission de procéder également à une évaluation du FEM dans le Livre blanc qu'elle publiera d'ici 2009 dans l'optique du réexamen du budget de l'Union européenne.

Bruxelles, le 13 septembre 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Proposition de règlement portant création du Fonds européen d'ajustement à la mondialisation (mars 2006), COM(2006) 91 final, 2006/0033 (COD).

(2)  Analyse d'impact relative au règlement sus-mentionné, SEC(2006) 274/2.

(3)  «Compétitivité et localisation des industries de l'UE», Bureau des conseillers de politique européenne auprès de la Commission, BEPA (2005), 26 octobre 2005.

(4)  SEC (2006) 274.


23.12.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/42


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur l'exercice des droits de vote des actionnaires de sociétés qui ont leur siège statutaire dans un État membre et dont les actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé et modifiant la directive 2004/109/CE»

COM(2005) 685 final — 2005/0265 (COD)

(2006/C 318/06)

Le 31 janvier 2006, le Conseil a décidé, conformément à l'article 95 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 20 juillet 2006 (rapporteur: M. CASSIDY).

Lors de sa 429e session plénière des 13 et 14 septembre 2006 (séance du 13 septembre 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 83 voix pour, 9 voix contre et 18 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations du CESE

1.1

Le CESE se félicite de la proposition de la Commission, car les obstacles au vote transfrontalier entraînent des distorsions sur le marché unique.

1.2

Plusieurs États membres de l'UE continuent à autoriser le blocage des actions, c'est-à-dire l'obligation imposée à leur détenteur de déposer ou de bloquer des actions quelques jours avant une assemblée générale s'il veut avoir le droit d'y voter. Dans certains d'entre eux, cette procédure est même obligatoire. Il s'agit d'une pratique coûteuse, qui empêche les actionnaires de négocier des actions avant l'assemblée générale. La majorité des investisseurs institutionnels la considèrent aussi comme l'un des principaux obstacles à l'exercice des droits de vote. L'article 7 de la proposition de directive interdit toute proposition qui «bloquerait» des actions en exigeant qu'elles soient déposées antérieurement à l'assemblée générale. Le CESE salue particulièrement cette disposition, bien qu'il soit conscient que cette pratique n'est plus acceptée que dans un nombre limité de pays.

1.3

Le CESE estime que la directive devrait prendre acte des efforts déployés pour une meilleure réglementation et il attire en particulier l'attention sur l'article 34 de l'accord interinstitutionnel «Mieux légiférer» de décembre 2003, qui «encourage les États membres à établir pour eux-mêmes et dans l'intérêt de la Communauté, leurs propres tableaux, qui illustrent, dans la mesure du possible, la concordance entre les directives et les mesures de transposition et à les rendre publics».

1.4

Le CESE aimerait qu'il soit davantage fait recours au vote électronique, afin d'accroîre la transparence et d'encourager la participation des actionnaires mais il estime que cette question devrait être laissée à l'appréciation des entreprises concernées; il souhaiterait toutefois que les États membres évitent d'imposer des mesures qui fassent obstacle à une utilisation accrue de la participation électronique aux assemblées générales.

1.5

Conformément aux observations formulées au paragraphe précédent, le CESE escompte qu'il sera davantage fait recours au vote sécurisé par Internet, y compris peut-être via texto. Il conviendrait d'encourager ces pratiques, sans toutefois les imposer par une directive CE.

1.6

Le CESE salue particulièrement les propositions relatives au vote par procuration inscrites dans l'article 10. Il apprécie tout spécialement que la directive à l'examen supprime les restrictions au vote par procuration, aux termes desquelles la qualité de mandataire est, dans certains États membres, réservée aux seuls membres de la famille des détenteurs d'actions.

1.7

Le CESE soutient l'idée que les États membres puissent fixer une date unique, correspondant à un nombre donné de jours précédant l'assemblée générale, et disposer que l'entreprise n'est pas tenue de répondre aux questions qui lui sont posées après cette date.

1.8

Le CESE souhaiterait qu'il soit procédé à un renforcement de l'article 5, concernant la mise à disposition d'informations à l'attention des détenteurs d'actions avant les assemblées générales.

2.   La proposition de la Commission

La proposition de la Commission concerne les obstacles au vote transfrontalier des actionnaires.

2.1

Vu les scandales de déficiences dans la gouvernance d'entreprise qui, ces derniers temps, ont éclaté en chaîne dans l'UE et aux États-Unis, il apparaît nécessaire d'encourager les actionnaires à jouer un rôle plus actif, en prenant part au vote lors des assemblées générales. La proposition à l'examen a pour objectif de protéger leurs droits non seulement sur le territoire de l'Union mais aussi dans les autres parties du globe.

2.2

La proposition de la Commission vise à promouvoir le gouvernement d'entreprise au sein des sociétés cotées de l'Union européenne en renforçant les droits que leurs actionnaires peuvent exercer en rapport avec les assemblées générales. À cette fin, elle propose notamment de garantir que les actionnaires détenant des actions dans des sociétés qui ont leur siège statutaire et sont cotées dans un autre État membre puissent voter sans difficulté lors de ces assemblées générales.

2.3

La proposition de directive aborde quatre questions importantes:

(a)

la suppression du blocage des actions,

(b)

la notification des assemblées dans un délai suffisamment long avant leur déroulement (avec notamment l'obligation d'envoyer les convocations à l'assemblée générale des actionnaires au moins trente jours avant sa tenue),

(c)

la levée des obstacles juridiques à la participation aux assemblées générales par voie électronique,

(d)

la possiblité pour les actionnaires de voter sans assister à l'assemblée.

2.4

Cette proposition fait partie des mesures à court terme qui ont été présentées dans la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, en date du 21 mai 2003 (1), qui est intitulée «Modernisation du droit des sociétés et renforcement du gouvernement d'entreprise dans l'Union européenne — Un plan pour avancer».

2.5

La Commission remarque que les procédures régissant le vote lors des assemblées générales des entreprises présentent de grandes variations selon les États membres et qu'elles sont souvent complexes. Lorsque les actions sont détenues dans un autre pays de l'Union, cette complexité se trouve encore accrue.

2.6

La Commission estime que la législation existante d'échelon communautaire ne traite pas suffisamment le problème du vote transfrontalier. Aux termes de l'article 17 de la directive dite de «transparence» (2004/109/CE), les entreprises sont tenues de mettre à disposition de leurs actionnaires certaines informations, en nombre limité, concernant les assemblées générales. Toutefois, ce texte n'aborde pas la procédure de vote des actionnaires.

2.7

L'exercice du droit de vote peut être un mécanisme complexe. Il arrive souvent que des intermédiaires détiennent les actions pour le compte d'investisseurs. Si tel est le cas, le vote peut donner lieu à des interventions en chaîne, qui associent des entreprises, des autorités d'enregistrement, des banques dépositaires, des gestionnaires de portefeuilles, des dépositaires centraux et des organismes de vote par procuration.

3.   Options

3.1

Il n'est pas certain que le marché réagira suffisamment vite pour renforcer les droits des actionnaires, ni que tous les États membres modifieront leurs législations de manière à faire face au problème de la complexité des procédures de vote.

3.2

Une recommandation de la Commission n'est pas juridiquement contraignante mais offre une certaine souplesse aux États membres pour être transposée dans les législations nationales sur la base des orientations qu'elle formule.

Une recommandation ne pourrait toutefois pas garantir que des normes minimales seront instaurées dans certains dossiers essentiels, qui sont à l'origine des problèmes relatifs au vote transfrontalier et entraînent une augmentation des coûts, comme le blocage des actions, dans le cas duquel la perspective qu'il puisse être exigé au niveau national a pour effet de décourager les investisseurs.

3.3

Un règlement induirait un traitement uniforme de la question, indépendamment des lois de chaque État membre. Il pourrait assurer par ailleurs la mise en place d'un cadre commun strict qui réglementerait les questions relatives au vote transfrontalier et aurait en outre l'avantage d'éviter que les États membres, lorsqu'ils transposent la directive en droit national, ne l'alourdissent d'exigences supplémentaires.

La Commission considère qu'un règlement pourrait cependant avoir des inconvénients majeurs, car il ne ménagerait pas suffisamment de souplesse pour le respect des différences qui caractérisent les traditions juridiques des États membres de l'UE.

3.4

Une directive autoriserait une certaine diversité entre les procédures appliquées dans les États membres, en évitant qu'un déséquilibre ne se fasse jour entre les différentes catégories d'actions et d'actionnaires et en favorisant l'émergence de normes de base minimales.

4.   Avantages et inconvénients

4.1   Avantages

4.1.1

À court terme, les principaux bénéficiaires de la proposition seront les investisseurs institutionnels qui détiennent actuellement des actions transfrontalières en portefeuille. Les obstacles au vote transfrontalier entraînent des coûts, qui ont pour effet d'empêcher les investisseurs de s'impliquer aussi activement qu'ils pourraient le souhaiter dans le gouvernement d'entreprise.

4.1.2

Sur le plus long terme, une telle proposition pourrait encourager les plus petits investisseurs à augmenter leur capital en actions transfrontalières, alors qu'à l'heure actuelle ils sont réticents à en posséder du fait des coûts importants associés au vote. Ils pourront ainsi diversifier davantage leurs portefeuilles et par là même réduire les risques auxquels ils sont confrontés. D'une manière générale, le texte à l'examen devrait conduire à un horizon plus éloigné à donner davantage de liquidité aux marchés européens de capitaux

4.1.3

Plusieurs obstacles entravent actuellement le vote transfrontalier. Dans certains pays, le blocage des actions demeure un problème et beaucoup d'investisseurs considèrent qu'il gêne sérieusement l'exercice du vote et obère le bon fonctionnement des marchés de capitaux transnationaux. Par ailleurs, les investisseurs sont dans une certaine confusion quant à la nature précise des dispositions qui régissent le blocage des actions dans les différents États membres de l'UE. Pour les investisseurs, il s'agit également d'une source de coûts importants, que la proposition de directive réduirait.

4.1.4

Concernant les informations qui sont transmises en vue de l'assemblée générale, il existe une différence de traitement injuste entre actionnaires nationaux et actionnaires transfrontaliers, au détriment de ces derniers. Le projet de la Commission garantit que les informations pertinentes seront disponibles en temps utile sur tous les marchés et il devrait ainsi aider à atténuer ce problème.

4.1.5

La jurisprudence de la Cour de justice européenne (CJE) souligne que les États membres doivent éviter qu'une catégorie d'actionnaires ne commette d'abus au détriment des autres.

4.1.6

Le vote par procuration et les exigences de réenregistrement sont souvent coûteux et, d'après l'analyse d'impact de la Commission, certains éléments semblent indiquer que ces frais découragent les petits fonds de prendre part au vote. La proposition de la Commission devrait simplifier les procédures utilisées pour la désignation des titulaires de procuration, définir plus clairement à quelles personnes cette fonction peut être confiée et renforcer dans certains pays les droits qui s'y attachent.

4.1.7

Lorsque le président de l'assemblée détient des procurations d'actionnaires, il conviendrait qu'il soit obligé d'exercer ces votes dans le strict respect des souhaits de ces derniers.

4.2   Inconvénients

4.2.1

Un délai uniforme de notification, tel que proposé, introduirait un élément de rigidité pour les États membres qui n'impose un délai que de 14 jours pour la convocation d'une assemblée générale extraordinaire (AGE).

4.2.2

L'obligation de répondre par écrit aux questions écrites des actionnaires est une disposition primordiale.

4.2.3

Les articles 5 et 7 du projet de directive ont prévu un délai de trente jours entre la date d'inscription au registre des actionnaires et celle de la réunion, de manière à aider les actionnaires à être capables d'exercer leurs droits de vote.

5.   Observations particulières

5.1

Le CESE se félicite de la proposition de la Commission, car les obstacles au vote transfrontalier entraînent des distorsions sur le marché unique.

5.2

Dans la mesure où le secteur financier exerce une influence considérable sur la croissance économique et l'emploi, il convient de décourager tout élément qui entrave la participation des actionnaires. Telle est la tâche à laquelle s'emploie la proposition de la Commission.

5.3

À l'heure actuelle, l'exercice du droit de vote est à priori plus coûteux pour les actionnaires non résidents du pays dans lequel la société concernée a son siège que pour les résidents. Cette situation constitue un exemple de distorsion de marché.

5.4

Le Comité estime qu'à l'heure actuelle, le vote par procuration est soumis à un trop grand nombre de contraintes, qui le rendent fastidieux à l'excès dans certains États membres.

5.5

Plusieurs États membres de l'UE continuent à autoriser le blocage des actions, c'est-à-dire l'obligation imposée à leur détenteur de les déposer ou de les bloquer quelques jours avant une assemblée générale s'il veut avoir le droit d'y voter. Dans certains d'entre eux, cette procédure est même obligatoire. Il s'agit d'une pratique coûteuse qui, jusqu'à plusieurs semaines avant l'assemblée générale, empêche les actionnaires de négocier des actions. La majorité des investisseurs institutionnels la considèrent aussi comme l'un des principaux obstacles à l'exercice des droits de vote.

5.6

Le CESE partage l'avis de la Commission lorsqu'elle estime que la disponibilité tardive des informations pertinentes en vue d'une assemblée générale, leur caractère incomplet, la présentation de résolutions sous une forme succincte ou encore la brièveté des délais de convocation figurent parmi les principaux obstacles auxquels sont confrontés les non-résidents lorsqu'ils souhaitent exercer leurs droits en tant qu'actionnaires. Il conviendrait de mettre à disposition, sous forme tant électronique que physique, l'ensemble des documents pertinents, dont les rapports des commissaires aux comptes, les réponses aux questions des actionnaires, les avis de convocation aux assemblées générales et les motions qui doivent y être soumises.

5.7

L'article 8 concerne la participation à l'assemblée générale par voie électronique. Étant donnée l'évolution rapide des technologies, la Commission propose que «les États membres n'interdisent pas la participation des actionnaires à l'assemblée générale par voie électronique».

5.8

Le texte de la Commission n'aborde pas spécifiquement le problème des actions au porteur, pour lesquelles la communication s'effectue pour une bonne part, à l'heure actuelle, par le biais d'annonces dans la presse. Le CESE pense qu'il est plus moderne, plus rapide et assurément moins onéreux de communiquer par la voie électronique.

5.9

L'article 10 propose des éclaircissements sur les règles relatives au vote par procuration et abolit les dispositions en application desquelles certaines entreprises imposent des restrictions quant aux personnes habilitées à être désignées comme mandataires.

5.10

Le choix de l'inaction, à savoir laisser les choses en l'état, n'est pas une solution aux yeux du CESE. Du fait des obstacles existants, le vote transfrontalier acquiert un coût qui s'avère prohibitif pour les petits actionnaires et considérable pour les investisseurs institutionnels.

Bruxelles, le 13 septembre 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  COM(2003) 284 final «Modernisation du droit des sociétés et renforcement du gouvernement d'entreprise dans l'Union européenne — Un plan pour avancer».


23.12.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/45


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des règles communes pour la fourniture d'informations de base sur les parités de pouvoir d'achat et pour leur calcul et diffusion (présentée par la Commission)»

COM(2006) 135 final

(2006/C 318/07)

Le 20 juillet 2006, le Conseil a décidé, conformément à l'article 262 du Traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 20 juillet 2006 (rapporteur: M. SANTILLAN).

Lors de sa 429e session plénière des 13 et 14 septembre 2006 (séance du 13 septembre 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 182 voix pour, 3 voix contre et 12 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE accueille favorablement la proposition de règlement établissant une base légale pour l'établissement des parités de pouvoir d'achat (PPA). Celle-ci permettra d'améliorer la transparence, l'opportunité et la qualité de l'ensemble du processus d'élaboration des PPA, tant au niveau communautaire que national.

1.2

Compte tenu de l'importance de la question sur laquelle porte cette proposition de règlement et de la nécessité de disposer de normes contraignantes qui délimitent les compétences de la Commission et des États membres tout en établissant des bases homogènes de calcul et de transmission de données en matière de PPA, le Comité recommande d'approuver rapidement le projet de règlement.

1.3

Cependant, le CESE signale que pour des raisons de coût, la Commission (Eurostat) calcule les PPA par pays et non par région (1). Toutefois, ces calculs sont utilisés, entre autres, pour évaluer les performances économiques des régions. Les données actuelles montrent à l'évidence qu'il existe, au sein des États membres, des différences régionales, parfois considérables, dans les prix des biens et des services. Même si les instituts statistiques qui recueillent les informations de base appliquent des facteurs de correction spatiaux, il est essentiel que ces facteurs soient adaptés pour éviter des distorsions dans le calcul des PPA. L'on recommande dès lors que les États membres fassent tout ce qui est en leur pouvoir sur les plans économique et technique, pour que les facteurs de correction spatiaux reflètent le plus fidèlement possible les différences géographiques en matière de prix.

1.4

Pour les raisons mentionnées au point précédent, le délai minimum de six ans pour la révision des facteurs de correction spatiaux semble excessif et, partant, il est conseillé de le réduire. Par ailleurs, étant donné que la fréquence de soumission de données de base a un caractère minimum (2) selon le projet de règlement, il convient d'établir les informations sur les prix, si possible, tous les deux ans (3) (le projet fixe un minimum de trois ans).

1.5

D'une manière générale, il y a lieu de souligner la nécessité de fournir un effort pour renforcer l'efficacité de l'appareil statistique de l'UE, aussi bien en termes d'équipement technique et de ressources humaines que de coordination entre Eurostat et les instituts statistiques nationaux, qui ont des responsabilités importantes en matière de calcul des PPA.

2.   Les parités de pouvoir d'achat (PPA)

2.1

Le programme PPA Eurostat-OCDE a été établi dans le début des années 80 afin de comparer, sur une base régulière et opportune, le PIB des États membres de l'Union européenne et de l'OCDE (4). Les PPA sont donc des taux de conversion des monnaies qui transforment des indicateurs économiques exprimés en monnaie nationale en une monnaie commune fictive, appelée «standard de pouvoir d'achat» (SPA), qui égalise les pouvoirs d'achat des différentes monnaies nationales.

2.2

Le volume des agrégats économiques en SPA s'obtient en divisant leur valeur originale en unités monétaires nationales par la PPA correspondante. Ainsi, en utilisant les PPA comme facteurs de conversion, il est possible de comparer véritablement les volumes des PIB en SPA des pays observés, la composante «niveau de prix» ayant été éliminée.

2.3

En d'autres termes, les PPA constituent à la fois des déflateurs des prix et des facteurs de conversion des monnaies. Depuis l'introduction de l'euro dans les États membres faisant partie de la zone euro, les prix peuvent, pour la première fois, être comparés directement entre ces pays, dont le pouvoir d'achat diffère en fonction des niveaux de prix nationaux. En d'autres termes, pour les pays n'appartenant pas à la zone euro, les PPA servent de facteurs de conversion des monnaies et gomment les effets des différences entre les niveaux de prix, alors que pour les pays de la zone euro, ils remplissent uniquement la dernière de ces deux fonctions, à savoir celle de déflateurs des prix.

2.4

Les PPA sont calculées pour un panier de biens et de services comparables, choisis sur la base de systèmes tels que la classification des fonctions de consommation des ménages (COICOP (5)) et la classification des produits par activité (CPA). Le travail de terrain est réalisé dans une ou plusieurs villes du territoire économique (généralement seulement dans les capitales des États membres). La plupart des États membres appliquent des facteurs de correction spatiaux pour tenir compte des différences régionales. Il y en a néanmoins qui utilisent uniquement les données de la capitale considérant qu'en raison de la faible extension géographique, ces différences n'existent pas.

3.   Les PPA et le produit intérieur brut (PIB)

3.1

Le PIB reflète les résultats de l'ensemble des activités des agents économiques au sein d'un territoire économique et pour une période donnée, généralement une année. Le PIB est calculé conformément à un système de comptabilité nationale qui, pour l'Union européenne, est le Système européen de comptes économiques intégrés 1995 (SEC95). Il peut être mesuré selon trois optiques: production, dépenses et revenus. Dans le cadre du calcul des PPA, la mesure des dépenses est particulièrement importante car elle permet de déterminer la destination que l'économie d'un pays réserve aux biens et aux services produits (ou importés): consommation privée, consommation publique, formation de capital ou exportations.

3.2

Pour parvenir à une comparaison réelle, il est dès lors nécessaire de recourir à des facteurs de conversion (déflateurs spatiaux) qui reflètent les écarts de prix entre pays. L'on ne peut pas utiliser les taux de change car ces derniers reflètent généralement d'autres éléments que les seules différences de prix.

3.3

Par conséquent, des PPA entre les monnaies de différents pays ont été calculées spécifiquement de manière à pouvoir servir de facteurs de conversion spatiaux.

4.   À quoi servent les PPA?

4.1

Dans un premier temps, les principaux utilisateurs des PPA étaient les organisations internationales telles qu'Eurostat, le FMI, l'OCDE, la Banque mondiale et les Nations Unies. Mais au fil du temps, l'utilisation de statistiques en matière de PPA a augmenté et l'on compte aujourd'hui de multiples utilisateurs: agences gouvernementales, universités, instituts de recherche, entreprises publiques et privées. Les banques utilisent les PPA pour effectuer les analyses économiques et le suivi des taux de change, tandis que les employeurs et les individus les utilisent pour établir les rémunérations lorsque ces derniers vont travailler dans un autre pays.

Il faut ajouter la possibilité d'utiliser les PPA dans le cadre de négociations collectives transnationales sur les questions salariales.

4.2.

Les PPA sont des indicateurs essentiels pour l'UE en termes économiques et politiques. D'une part, la réglementation établit leur application en ce qui concerne les Fonds structurels (6). D'autre part, les PPA sont la référence obligée pour le Fonds de cohésion (7). Il y a lieu de signaler, cependant, que si dans le cas des Fonds structurels le calcul est établi sur la base du produit intérieur brut (PIB) par habitant, dans le cas des Fonds de cohésion, en revanche, c'est le produit national brut (PNB) par habitant qui est pris en considération. Le projet de règlement auquel il est fait référence dans le cadre du présent avis, considère uniquement le PIB (8).

4.3.

En outre, les PPA servent également au calcul des coefficients correcteurs appliqués à la rémunération et aux pensions des fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes (9).

5.   Proposition de règlement

5.1

La proposition de règlement vise à combler un vide juridique en établissant un cadre légal pour le calcul des PPA. L'on prétend donc renforcer la transparence et la qualité des données fournies par les États membres en instaurant des règles communes en matière de fourniture d'information (art. 1). L'objectif poursuivi aurait, par conséquent, des effets positifs sur Eurostat, en tant que coordinateur des résultats, mais aussi sur les instituts de statistiques de chaque pays.

5.2

Délimitation des responsabilités et des compétences. La Commission sera chargée, via Eurostat, de coordonner la fourniture des informations de base, de calculer et de publier les PPA et de mettre au point la méthodologie en concertation avec les États membres (art. 4.1). Quant à ces derniers, ils seront chargés de fournir les informations de base, de certifier «par écrit» les résultats des enquêtes et de veiller à la fiabilité des données (art. 4.2).

5.3

Les instituts de statistiques des États membres transmettront à Eurostat les informations de base élaborées sur des paramètres communs et selon un format technique identique (art. 5 et annexe I).

5.4

Les unités statistiques sont celles définies dans le règlement (CEE) no696/1993 ou d'autres unités qui seraient définies à l'avenir (art. 6). Un système de contrôle de qualité sera mis en place par la Commission (Eurostat) et les États membres (art. 7).

5.5

Eurostat calculera les PPA une fois par an (art. 8) et sera chargé de les diffuser à un niveau agrégé pour chaque État membre (art. 9).

5.6

Le projet de règlement n'oblige pas les États membres à réaliser des enquêtes dans le seul but de déterminer les coefficients correcteurs applicables aux rémunérations et aux pensions des fonctionnaires et des autres agents des Communautés européennes (art. 10).

5.7

Facteurs de correction temporels et spatiaux. Le calcul des PPA est obtenu à partir des prix nationaux moyens annuels (art. 2.2). Étant donné que «la collecte des données peut être limitée à un ou plusieurs lieux au sein du territoire économique» et «à une période de temps spécifique», les États membres doivent appliquer un facteur de correction temporel (dont la durée ne peut dépasser un an) et un facteur de correction spatial (dont la durée ne peut dépasser six ans) (Annexe I. Méthodologie, numéros 2 à 4).

Bruxelles, le 13 septembre 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Il existe 254 régions NUTS 2. Règlement (CE) no 1059/2003, annexe I.

(2)  Annexe. Méthodologie, 2.1.

(3)  Ceci fait référence aux «prix des biens et des services de consommation et indicateurs de représentativité connexes», «prix des biens d'équipement» et «prix des projets de constructions».

(4)  Néanmoins, les origines des comparaisons de prix et de volume de PIB remontent aux comparaisons expérimentales menées par l'Organisation pour la coopération économique européenne (OCEE) dans les années 50.

(5)  Système utilisé par des organismes internationaux (Nations unies, FMI, etc.).

(6)  Conformément au règlement 1260/99 du Conseil, les Fonds structurels s'appliquent aux régions dont le PIB par habitant mesuré en standards de pouvoir d'achat, est inférieur à 75 % de la moyenne communautaire. Ceci est également valable pour les pays qui ont adhéré à l'UE ultérieurement (annexe II de l'acte d'adhésion de 2003).

(7)  En ce qui concerne le Fonds de cohésion, cette exigence figure à l'article 2, paragraphe 1, du Règlement (CE) no 1164/94 du Conseil, du 25 mai 1994, selon lequel elle s'applique aux «….. États membres dont le produit national brut par habitant est inférieur à 90 % de la moyenne communautaire».

(8)  La définition suivante est reprise à l'article 3: «a) “les parités de pouvoir d'achat ou PPA” sont des déflateurs spatiaux et des facteurs de conversion des monnaies qui éliminent les effets des écarts de prix entre pays, permettant ainsi les comparaisons en volume des composantes du PIB et les comparaisons des niveaux de prix».

(9)  Statut des fonctionnaires et régime applicable aux autres agents des Communautés européennes.


23.12.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/47


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à un environnement sans support papier pour la douane et le commerce»

COM(2005) 609 final — 2005/0247 (COD)

(2006/C 318/08)

Le 17 janvier 2006, le Conseil a décidé, conformément à l'article 95 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 12 juillet 2006 (rapporteur: M. BURANI).

Lors de sa 429e session plénière des 13 et 14 septembre 2006 (séance du 13 septembre 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 190 voix pour et 3 abstentions.

1.   Introduction

1.1

La proposition de la Commission a pour objet un nouveau projet d'informatisation douanière qui, à terme, devrait rendre le système douanier totalement automatisé, interopérable, sûr, accessible et entièrement électronique, sans support papier. Elle constitue le complément nécessaire à la mise en oeuvre du nouveau code des douanes communautaire proposé par la Commission (1), sur lequel le CESE s'est déjà prononcé dans un avis distinct.

1.2

L'adoption du système d'informatisation proposé suppose des efforts conjoints et coordonnés de tous les États membres, non seulement en ce qui concerne les douanes, mais aussi vis-à-vis des organismes responsables des frontières autres que les frontières douanières, lesquels doivent assumer l'engagement pratique de mettre en oeuvre les concepts d'interface unique et de guichet unique: ces deux objectifs permettront aux opérateurs un fonctionnement simplifié, plus rapide et plus économique des opérations douanières, et aux douanes des contrôles plus efficaces de gestion des risques.

1.3

Les États membres ont déjà consenti des investissements notables pour la mise en oeuvre de systèmes douaniers informatisés: il existe cependant entre ces derniers des différences sensibles, tant en termes de niveau de sophistication que pour ce qui est de la réglementation et de l'utilisation des données. L'harmonisation à laquelle on est jusqu'à présent parvenu est donc insuffisante, ce à quoi vient s'ajouter un problème plus important encore et non encore résolu: celui de la non-interopérabilité des systèmes.

1.4

L'interopérabilité permettra l'échange d'informations entre les administrations des différents pays; le projet, ce qui témoigne de l'attention qui est portée aux citoyens, prévoit aussi la possibilité de fournir des interfaces avec les opérateurs commerciaux, non seulement pour permettre la mise en oeuvre du principe du guichet unique, mais aussi pour garantir l'échange d'informations. Lorsqu'il sera pleinement opérationnel, le nouveau système informatisé constituera un progrès marquant, du moins du point de vue purement douanier, vers l'achèvement d'un marché intérieur unifié, dont les seules frontières seront externes. Force est toutefois de rappeler que la dimension globale des marchés exige qu'il soit tenu compte des rapports avec les pays tiers. Or, cet aspect n'est pas évoqué dans le document de la Commission.

2.   Observations générales

2.1

La Commission relève qu'un système douanier centralisé plutôt que des systèmes douaniers interopérables aurait également pu répondre aux objectifs d'informatisation; elle précise toutefois que cette solution n'est pas possible, pour différentes raisons, parmi lesquelles la difficulté de transférer les responsabilités opérationnelles des États membres à la Commission même, par dérogation aux principes de proportionnalité et de subsidiarité. En toute probabilité, le véritable motif de cette impossibilité réside toutefois dans la réticence des États membres à céder leurs prérogatives, quoiqu'ils soient conscients du fait qu'une partie des recettes douanières relève de la compétence directe du budget communautaire. Le CESE estime que la gestion communautaire des douanes devrait figurer parmi les objectifs à long terme de l'Union: une gestion de ce type présenterait des avantages en termes de simplicité, de fiabilité et de coûts, ainsi que du point de vue de l'interopérabilité avec d'autres systèmes de l'UE et des pays tiers. Compte tenu des retards potentiels dans la mise en œuvre des systèmes de base conçus par chacun des 25 États membres, il est nécessaire de se demander s'il ne serait pas préférable de mettre en œuvre des systèmes pleinement automatisés tels le Système automatisé d'importation et le Système automatisé d'exportation, reliés par un point d'accès européen unique.

2.2

L'initiative de la Commission s'imposait, dans la mesure où la mise en oeuvre du nouveau code des douanes exige que les procédures soient cohérentes avec les nouvelles règles. Outre cela, elle s'inscrit dans le cadre d'une série d'initiatives adoptées dans plusieurs autres domaines relevant d'e-Europe et de l'administration en ligne (2). Plus spécifiquement, elle constitue le prolongement des engagements pris en 2003 suite à la communication de la Commission au Conseil sur «Un environnement simple et sans support papier pour la douane et le commerce» (3). Ces engagements avaient d'ailleurs été déjà ébauchés — du moins en ce qui concerne la partie relative à la suppression du support papier — dans le programme «Douane 2007» (4) et répétés à l'occasion de la modification apportée en 2004 au règlement sur le code des douanes (5).

2.3

Le CESE ne peut qu'approuver les principales innovations introduites par le système proposé par la Commission: l'interconnexion des systèmes nationaux, la création d'une interface pour les opérateurs au moyen du guichet unique, la possibilité d'introduire sous forme électronique les demandes de dédouanement et la gestion intégrée des risques sont des bases indéniables de progrès, à condition que les coûts pour la collectivité et pour les opérateurs soient raisonnables. Pour cela, il serait judicieux de considérer les conséquences de ces bouleversements pour les personnels douaniers (moyens, formations, carrières, adaptation).

2.4

Le CESE ne saurait toutefois manquer de formuler quelques observations sur l'intégration des systèmes informatiques et leur complémentarité. La Commission entend parvenir à la pleine interopérabilité des systèmes douaniers: les administrations douanières devront pouvoir échanger des informations entre elles de même qu'avec «les autres autorités concernées par la circulation internationale des marchandises». Les administrations chargées du prélèvement de la TVA ne relèvent certainement pas de cette définition. Or, une liaison organique entre les douanes et les administrations de la TVA pourrait être utile en vue de contrôler, ne serait-ce que dans certains cas et pour certaines marchandises, la falsification des marques d'origine. Ce phénomène n'est certainement pas nouveau, mais il est en en continuelle expansion: souvent, des marchandises importées de pays tiers sont remises en circulation (moyennant l'acquittement de la TVA) à l'intérieur de la Communauté, avec des marques d'origine européenne ou des marques «européennes» falsifiées …

2.5

Le CESE entend en outre attirer l'attention sur le deuxième considérant de la proposition de décision: «L'action en faveur des services paneuropéens d'administration en ligne … implique des mesures visant à améliorer l'efficacité [de la lutte contre] la fraude, la criminalité organisée et le terrorisme …». L'intention est claire; ce qui l'est moins, c'est de savoir comment les dispositions contenues dans la proposition peuvent permettre d'atteindre ce but. La collecte des données à des fins douanières ne peut en effet servir à d'autres objectifs sans que le système ne se prête à l'interopérabilité avec d'autres systèmes.

2.5.1

En décembre 2004, se fondant sur une évaluation de la Commission (6) et une recommandation du PE du 14 octobre 2004, le Conseil a adopté le «programme de La Haye». Ce programme définissait une série de mesures et d'actions pour renforcer la sécurité dans l'UE et, en particulier, établir une «coopération policière, douanière et judiciaire». Un document ultérieur du 10 juin 2005 voyait l'élaboration d'un plan d'action pour la mise en oeuvre du programme de La Haye, lequel faisait référence à une résolution du Conseil JAI (Justice et affaires intérieures) du 30 mars 2004 en matière de coopération douanière ainsi qu'à une communication sur la lutte contre trafic transfrontière de marchandises interdites ou réglementées. Dans un document plus récent encore (7), la coopération douanière était à nouveau citée parmi les priorités. Tous les projets prévus dans les documents précités se fondent sur la disponibilité d'informations en matière de répression, élément qui figure également dans le programme de La Haye. Vu l'ensemble de la matière et la nature des projets en cours, il est évident pour le CESE que si l'on envisage un système douanier informatisé — appelé à durer — il faut prévoir qu'au moment de sa mise en oeuvre ou ultérieurement, la banque de données douanière devra interagir avec d'autres systèmes, et en particulier avec ceux relevant de la sécurité intérieure, tant en Europe qu'ailleurs. Bien entendu, l'impératif étant toujours celui du respect de la vie privée, du secret professionnel et de la protection des données.

2.5.2

Le document de la Commission ne se fait pas l'écho de cette préoccupation, abstraction faite de la citation visée au paragraphe 2.5.1 Par ailleurs, dans l'exposé des motifs, il n'est aucunement fait état du programme de La Haye. En effet, sous le titre «Cohérence avec les autres politiques et les objectifs de l'Union», ne sont citées que la stratégie de Lisbonne et les initiatives dans le domaine de e-Europe et de l'administration en ligne. Même en tenant compte de l'article 3, point (d), dont il sera question plus bas, une omission de cette importance ne saurait être accidentelle, et la Commission devrait en expliquer clairement les raisons; en tout état de cause, l'on ne saurait accepter de voir simplement renvoyer sine die une initiative qui aurait d'ores et déjà dû être adoptée.

2.5.3

Lors de la phase préparatoire du document, la Commission a organisé pas moins de six séminaires en l'espace de deux ans, a interrogé les utilisateurs et a tenu des discussions dans le cadre du comité du code des douanes, du groupe de politique douanière, du groupe Douane 2007 et du groupe de contact avec les opérateurs; en revanche, il n'est aucunement fait mention de contacts avec Europol, avec l'OLAF ni avec d'autres directions de la Commission. Un système ne peut être envisagé en tenant uniquement compte des exigences de ses utilisateurs directs; s'il doit être structuré de telle sorte qu'il puisse être relié à d'autres systèmes, on se doit de connaître les caractéristiques et les besoins de ceux-ci. Le CESE estime voir confirmées ici les réserves déjà manifestées dans son avis sur le code des douanes communautaires quant à l'absence d'une véritable prise de conscience de l'interdépendance des différentes administrations publiques dans la lutte contre les phénomènes criminels.

2.5.4

Une modification complète de l'approche suivie dans un sens conforme au paragraphe précédent est probablement rendue difficile par les courts délais de mise en oeuvre imposés par le programme; il ne semble toutefois pas impossible de prévoir dès à présent des mesures de sécurité pour les «marchandises sensibles» (armes, explosifs, matériaux nucléaires, machines et équipements pour l'industrie chimique, l'industrie nucléaire et l'industrie de la défense, stupéfiants, alcool, tabac). Ces mesures pourraient se traduire en la collecte de données à transmettre, de manière automatique ou sur demande, aux autorités compétentes dans chacun de ces domaines.

2.6

Les coûts financés par le budget communautaire sont, conformément au principe de subsidiarité, ceux qui sont nécessaires pour assurer l'interopérabilité des systèmes, l'interface unique et les portails douaniers. Ces coûts sont estimés à environ 180 Mio EUR, répartis en dotations annuelles de montant croissant, de 4 Mio en 2006 jusqu'à 111 millions à partir de 2011. Le CESE souscrit à ce financement, tout en manifestant sa perplexité quant à la décision d'imputer au budget communautaire les dépenses relatives aux portails nationaux: même s'ils est vrai que ceux-ci sont en principe à disposition de tous les opérateurs, tant nationaux que d'autres pays de l'Union, en toute vraisemblance, ils seront dans leur grande majorité utilisés par les opérateurs nationaux. Il serait donc plus indiqué que le coût des portails soit pris en charge par chaque État plutôt que par la Communauté. Naturellement, il en irait tout différemment si la Commission entend se référer aux portails européens, qu'elle n'évoque toutefois pas explicitement.

2.7

S'agissant des délais de mise en oeuvre, la Commission a élaboré un calendrier, obligatoire pour tous les États membres. Les délais sont calculés à partir de la date de publication de la décision au Journal officiel: trois ans pour l'adoption de systèmes automatisés de dédouanement interopérables, de systèmes d'enregistrement pour les opérateurs économiques et de portails d'information; cinq ans pour la constitution d'un réseau de points d'accès uniques et d'un environnement tarifaire conforme aux normes communautaires; six ans pour mettre en oeuvre des services d'interface unique. Le CESE estime que ces délais, surtout le premier, ont été établis avec un certain optimisme: trois années sont peu de choses si l'on tient compte du fait qu'elles doivent comprendre plusieurs mois d'essais des programmes et d'échanges avec les autres participants. En outre, tous les États membres ne possèdent pas le même niveau d'informatisation ni de disponibilité de ressources financières et humaines. Il serait néfaste pour le fonctionnement du système, et davantage encore pour sa crédibilité, que le non-respect des délais par un ou plusieurs des États membres ne contraigne la Commission à concéder des dérogations. Par conséquent, l'actuel plan stratégique pluriannuel doit être revu afin de tenir compte:

de la nécessité pour tous les États membres d'avoir pleinement mis en œuvre le système avant qu'il ne devienne opérationnel; et

de la nécessité pour les entreprises de disposer de 12 mois au minimum au cours desquels préparer les systèmes, après avoir reçu de leurs douanes nationales toutes les exigences imposables à cet égard. Les entreprises industrielles et commerciales ne devraient pas être contraintes de présenter de déclarations sommaires d'importation et d'exportation avant que des systèmes homogènes ne soient pleinement mis en œuvre.

3.   Observations particulières

3.1

Article 2: objectifs. Parmi les objectifs de la proposition figure la recherche d'une approche commune du contrôle des marchandises dangereuses et illicites; eu égard aux considérations formulées par le CESE au paragraphe 2.4.4, cet objectif devrait être formulé différemment.

3.2

Article 3: échange de données. Le point (d) de cet article prévoit que les systèmes douaniers doivent permettre les échanges de données avec «d'autres administrations ou agences concernées par la circulation internationale de marchandises». Le CESE s'est déjà exprimé largement sur le caractère limité de cette définition (v. paragraphes 2.4 et suivants). Si la suggestion d'inclure le programme de La Haye dans le chapitre «Cohérence avec les autres politiques de l'Union» est acceptée, la formulation de ce paragraphe devrait être modifiée en conséquence. En tout état de cause, il faut clarifier le libellé du texte, qui peut donner lieu à des interprétations divergentes: soit il est fait référence aux «administrations … concernées par la circulation internationale de marchandises» comme alternative aux «agences», soit il est fait référence aux «administrations» en général, auquel cas il conviendrait de bien spécifier que par cette formulation, la Commission entend mettre en œuvre une approche cohérente avec le programme de La Haye. Le libellé actuel, et par conséquent son interprétation, laissent beaucoup de place à l'incertitude.

3.3

Article 4: systèmes, services et délais. Comme indiqué au paragraphe 2.7, les délais de mise en oeuvre du système semblent excessivement optimistes: la Commission devrait approfondir encore ce point, sur le plan technique, avec les États membres ainsi qu'avec leurs services directement intéressés, pour s'assurer que tous garantissent explicitement qu'ils sont en mesure d'honorer les engagements pris, et ce dans les délais établis.

3.4

Article 9: ressources. L'article 9 répartit entre la Commission et les États membres les ressources humaines, budgétaires et techniques requises, la Commission étant responsable des éléments communautaires et les États membres des éléments nationaux. La formulation de cet article est correcte, mais est liée au contenu de l'article 10 en ce qui concerne le sens et le contenu des notions que sont les «éléments communautaires» et les «éléments nationaux».

3.5

Article 10: dispositions financières. Cet article ne prête pas non plus le flanc à des critiques sur le plan de sa formulation, mais il présente des risques quant à son interprétation. Le paragraphe 3 établit que les États membres prennent à leur charge les coûts des éléments nationaux, «notamment des interfaces avec d'autres organismes publics et les opérateurs économiques». Il faudrait partir de l'hypothèse que les portails — qui, en règle générale, recourent d'habitude pour leur fonctionnement à la langue nationale et sont réalisés selon les besoins de l'opérateur du pays — sont à considérer comme éléments nationaux. Or, il est expliqué dans l'exposé des motifs (v. paragraphe 2.6) qu'ils ont été inclus parmi les éléments communautaires, interprétation qui échapperait à celui qui ne lirait que le libellé de l'article. Le CESE estime que ce paragraphe doit être revu: sur le fond, dans le cas où ses observations recevraient un accueil positif, et pour le moins sur la forme, dans le cas contraire, afin que soit respecté le principe de transparence.

3.6

Article 12: rapports. Au plus tard le 31 décembre de chaque année, les États membres remettent à la Commission un rapport annuel sur l'avancement de leurs actions et sur les résultats obtenus; de son côté, la Commission envoie aux États membres, au plus tard le 31 mars de chaque année, un rapport consolidé incluant les résultats d'éventuelles visites de contrôle et d'autres contrôles. Ce principe n'est pas en soi critiquable, mais il est loisible de se demander quelles seraient les implications de ces «visites de contrôle» et si leurs résultats devraient être rendus publics.

3.7

Article 13: consultation des opérateurs économiques. Il est prévu que la Commission et les États membres consultent «régulièrement» les opérateurs économiques à tous les stades de l'élaboration, du développement et du déploiement des systèmes et services. La consultation adviendrait selon un mécanisme réunissant sur une base régulière un échantillon représentatif d'opérateurs économiques. Le CESE estime que ce type de mécanisme est cohérent avec la pratique communautaire normale et qu'il respecte les principes de la consultation et de la transparence. L'expérience enseigne néanmoins qu'il s'impose que la consultation ne donne pas lieu à de trop nombreuses exigences disparates et autres tendances contradictoires, lesquelles seraient susceptibles de créer des obstacles qui nécessiteraient beaucoup de temps et des compromis déraisonnables pour être surmontés. Il faut donc que la phase consultative soit exhaustive, non sans être compatible avec la nécessité d'une prise de décision diligente.

3.8

Article 14: pays adhérents et candidats. L'article prévoit que la Commission informe lesdits pays des initiatives prises et des progrès réalisés lors des différentes étapes, en leur permettant de participer à celles-ci. La formulation est vague: il n'est pas précisé si ces pays peuvent participer en tant que membres actifs ou uniquement comme observateurs, s'ils sont autorisés à mettre en oeuvre des systèmes douaniers parallèles en vue de leur adhésion, ni, dans ce cas, s'ils peuvent bénéficier de contributions du budget communautaire. Le CESE demande qu'une formulation plus transparente soit donnée à cette disposition.

Bruxelles, le 13 septembre 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  COM(2005) 608 final.

(2)  Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité des régions, «Le rôle de l'administration en ligne (eGovernment) pour l'avenir de l'Europe», COM(2003) 567 du 26.9.2003.

(3)  COM(2003) 452 du 24.7.2003, cité dans l'avis sur le Code des douanes.

(4)  COM(2002) 26 du 21.3.2002, avis CESE: JO C 241 du 7.10.2002.

(5)  COM(2003) 452 du 4.8.2003, avis CESE: JO C 110 du 30.04.2004.

(6)  COM(2004) 401 final.

(7)  COM(2005) 184 final.


23.12.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/51


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Mettre en oeuvre le programme communautaire de Lisbonne: Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les services de paiement dans le marché intérieur et modifiant les directives 97/7/CE, 2000/12/CE et 2002/65/CE»

COM(2005) 603 final — 2005/0245 (COD)

(2006/C 318/09)

Le 18 janvier 2006, le Conseil a décidé, conformément à l'article 47, paragraphe 2, et à l'article 95 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 12 juillet 2006 (rapporteur: M. FRANK VON FÜRSTENWERTH).

Lors de sa 429e session plénière des 13 et 14 septembre 2006 (séance du 13 septembre 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 191 voix pour, 1 voix contre et 3 abstentions.

1.   Résumé

1.1

Le Comité économique et social européen (CESE) partage l'avis de la Commission européenne selon lequel la réalisation du marché unique exige la suppression de toutes les frontières intérieures dans la Communauté, afin de garantir la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux. À cette fin, il est essentiel de disposer d'un marché intérieur des services de paiement qui fonctionne sans heurts. Toutefois, à l'heure actuelle, un tel marché n'existe pas encore. Après l'introduction réussie de l'euro, le CESE est à présent favorable à la création de l'espace unique de paiements en euros (Single Euro Payments AreaSEPA).

1.2

Le CESE appuie les efforts de la Commission européenne visant à créer les conditions juridiques requises en vue de la mise en place d'un espace unique de paiements en euros, et considère que la proposition de directive est un moyen de réaliser cet objectif.

1.3

Le Comité se félicite des initiatives engagées par la Commission européenne et le secteur financier européen pour créer un espace unique de paiements en euros afin qu'il soit possible, et c'est un objectif très ambitieux, d'effectuer, dans le marché unique européen, des paiements transfrontaliers en euros de manière simple, confortable, sûre et à un coût avantageux.

1.4

Le Comité constate toutefois que l'approche réglementaire très complète retenue par la Commission européenne avec la proposition de directive à l'examen dépasse clairement le cadre juridique requis pour les services de paiement transfrontaliers. Compte tenu notamment des délais de mise en œuvre requis pour les États membres, les prestataires de services de paiement et les utilisateurs, le CESE craint dès lors que l'objectif de la réalisation de l'espace unique de paiement en euros en 2008 ne soit compromis parce que le cadre juridique est trop lourd et excède ce qui est nécessaire. Le Comité préconise que les instruments d'autoréglementation et de coréglementation soient davantage pris en considération.

1.5

Pour que l'espace unique de paiements en euros puisse être lancé en 2008, conformément à l'objectif poursuivi par la Commission, il semble suffisant de créer les bases juridiques pour les opérations transfrontalières de débit direct et de revoir les dispositions pertinentes du titre II (Prestataires de services de paiement) et du titre IV (Droits et obligations liés à la prestation et à l'utilisation de services de paiement) de la proposition de directive (notamment en ce qui concerne l'autorisation, la révocation et le remboursement des opérations par débit direct prévus au titre IV). Il serait ainsi possible de lancer l'espace unique de paiements en euros en 2008, comme prévu.

1.6

À la lumière notamment des actes juridiques adoptés précédemment, le CESE considère que le fait de se concentrer sur les aspects qui doivent véritablement être réglementés est conforme à l'approche «mieux légiférer». Dans l'intérêt des prestataires et des utilisateurs de services de paiement, la proposition de directive devrait essentiellement s'employer à favoriser et à simplifier les systèmes de paiement, non à les alourdir par des mesures administratives qui rendent en fin de compte les systèmes plus chers et diminuent leur acceptation par les utilisateurs.

1.7

Le CESE attire l'attention sur le fait que la réalisation d'un marché unique des services de paiement suscite également d'autres questions qui n'ont pas encore pu être résolues dans ce contexte. Il s'agit d'une part de la sécurité des paiements électroniques et des aspects y liés et d'autre part, de l'accès à un compte courant, à défaut duquel il n'est plus guère possible de participer à la vie économique. Il convient de souligner que cette dernière question se trouve de plus en plus au cœur des débats dans les États membres.

1.8

Le CESE propose en particulier d'apporter un certain nombre de modifications à la proposition de directive.

2.   Contenu de la proposition de directive

2.1

La proposition de directive que doit présenter la Commission porte sur la création d'un cadre juridique uniforme pour le SEPA, dont l'objectif consiste notamment à faciliter les opérations de paiements transfrontaliers. La proposition de directive doit harmoniser les dispositions juridiques qui varient d'un État membre à l'autre, afin de:

renforcer la concurrence entre marchés nationaux grâce à la création de conditions de concurrence identiques;

renforcer la transparence du marché, pour les prestataires comme pour les utilisateurs;

harmoniser les droits et devoirs des prestataires et des utilisateurs des services de paiement.

La proposition de directive à l'examen contient pour l'essentiel les dispositions suivantes:

2.2   Droit de fournir des services de paiement au public (Titre II)

2.2.1

L'harmonisation des conditions d'accès au marché applicables aux prestataires de services de paiement autres que les établissements de crédit vise à créer des conditions de concurrence égales, à instiller plus de concurrence sur les marchés nationaux, à tenir compte des évolutions que ceux-ci ont connues au cours des dernières années et à favoriser l'entrée sur le marché d'une nouvelle génération de prestataires, les établissements de paiement.

2.3   Exigences de transparence et d'information (Titre III)

2.3.1

Des règles claires et cohérentes en matière de transparence des services de paiement renforcent la concurrence dans la mesure où elles offrent un choix plus fourni et davantage de protection aux utilisateurs. La Commission européenne propose des exigences d'information relatives aux services de paiement, lesquelles se substitueront aux règles nationales existantes.

2.4   Droits et obligations des utilisateurs et des prestataires de services de paiement (Titre IV)

2.4.1

La proposition de directive définit les principaux droits et obligations des utilisateurs et des prestataires de services de paiement. Ces dispositions visent à renforcer la confiance des utilisateurs dans les systèmes de paiement électroniques ainsi qu'à accroître les performances et l'acceptation de ces derniers.

3.   Observations générales

3.1

Le Comité économique et social européen appuie l'objectif de la proposition de directive de réaliser un espace unique de paiements en euros, en particulier en ce qui concerne les services de paiement transfrontaliers. La création d'un marché unique des services de paiement s'imposait depuis longtemps déjà. Selon les prévisions, il devrait être réalisé en 2008.

3.2

L'approche réglementaire retenue par la Commission européenne est très complète. Certaines des dispositions prévues vont clairement au-delà du cadre juridique requis pour la création d'un espace unique de paiements en euros, d'autant qu'une harmonisation existe déjà concernant les virements transfrontaliers (directive 1997/5/CE concernant les virements tranfrontaliers), la commercialisation à distance des services financiers (directive 2002/65/CE) et la monnaie électronique (directive 2000/46/CE).

3.3

Le maintien de procédures éprouvées meilleur marché et plus efficaces ne constitue pas un obstacle à l'espace unique de paiements en euros. Au contraire, ces procédures peuvent servir de base à des actions de normalisation qui garantissent le niveau de sécurité et d'efficacité atteint et permettent de réaliser un espace unique de paiements en euros de qualité grâce à une gestion intelligente des interfaces. En application du principe «mieux légiférer», le CESE préconise de limiter les dispositions prévues à ce qui est nécessaire pour améliorer les systèmes de paiement dans le marché unique européen, et de prendre davantage en considération les instruments d'autoréglementation et de coréglementation.

3.4

Le CESE considère que l'espace unique de paiement en euros est une condition clé pour le développement transparent de produits au niveau européen et la libre concurrence des prestataires de services de paiement au bénéfice du client. En outre, le CESE juge essentiel que le consommateur puisse continuer, comme c'est le cas actuellement, de choisir librement ses instruments de paiement de sorte que ses préférences soient prises en compte.

3.5

L'accès des établissements de paiement ne disposant pas de licence bancaire aux systèmes de paiement constitue un problème. Si l'on veut garantir une concurrence loyale, il faut mettre en place un niveau uniforme de contrôle prudentiel. À défaut, on risque d'être confronté à des distorsions de concurrence et des problèmes en termes de fonctionnement et de sécurité des systèmes de paiement et des prestataires de services de paiement (p.ex. insolvabilité).

3.6

Le Comité recommande que les dispositions du Titre II (Prestataires de services de paiement) et du Titre IV (Droits et obligations liés à la prestation et à l'utilisation de services de paiement) de la proposition de directive soient limitées à ce qui est nécessaire pour un système de débit direct européen (notamment en ce qui concerne l'autorisation, la révocation et le remboursement des opérations par débit direct). Si tel est le cas, la directive devrait encore pouvoir être adoptée et transposée dans les législations nationales dans les délais prévus, de sorte que l'espace unique de paiement en euros qui prévoit des conditions uniformes pour les prestataires de services de paiement et le système de débit direct pourront être lancés en 2008, comme prévu.

3.7

Le Comité économique et social européen se félicite de l'article 79 de la proposition de directive, aux termes duquel au plus tard deux ans après l'adoption de la directive, la Commission soumet au Parlement européen, au Conseil ainsi qu'au Comité économique et social européen un rapport sur la mise en œuvre de la directive.

4.   Observations particulières

4.1

La proposition de directive appelle plus particulièrement les observations suivantes:

4.2   Article 2, paragraphe 1 — Les transactions relatives à des États tiers devraient être exclues

4.2.1

L'inclusion, prévue par l'article 2, paragraphe 1, de paiements à destination et à partir d'États ne faisant pas partie de l'Union européenne ni de l'Espace économique européen dans le champ d'application de la directive va clairement au-delà de l'objectif qui consiste à créer un cadre juridique uniforme dans le marché unique européen. De plus, cet aspect ne semble pas relever de la compétence du législateur communautaire et pose problème. En effet, le législateur communautaire ne peut pas garantir que les États tiers adopteront des dispositions correspondantes. C'est pourquoi il serait par exemple tout à fait inopportun de tenir le prestataire de services de paiement du payeur pour objectivement responsable (article 67) de la bonne exécution du paiement dans l'État tiers si celui-ci ne prévoit pas de dispositions correspondantes.

4.2.2

Le CESE recommande de limiter le champ d'application de la directive aux services de paiement dans le marché unique européen.

4.3   Article 5 et suivants — Un niveau uniforme de contrôle prudentiel est essentiel pour garantir une concurrence loyale

4.3.1

Les exigences prudentielles qui s'appliquent à l'accès au marché des établissements de paiement ne disposant pas d'une licence bancaire (article 5 et suivants) ne devraient être différentes des exigences en matière de surveillance bancaire que lorsqu'un établissement de paiement ne peut être comparé à un établissement de crédit disposant d'une licence bancaire à part entière. Dans le cas contraire, on peut craindre des distorsions de la concurrence au détriment des établissements de crédit et d'importants problèmes de fonctionnement concernant les opérations de paiement. De surcroît, le fait de garantir l'accès aux systèmes de paiement à des établissements de paiement dépourvus de licence bancaire qui ne satisfont pas aux mêmes exigences que les établissements de crédit en matière de capital-risque propre, de compétence et de professionnalisme des directeurs et administrateurs, de planification et d'organisation des activités ainsi que de supervision courante de celles-ci, y compris les nécessaires sanctions possibles, pourrait mettre en question l'intégrité et le fonctionnement du système de débit européen en cours de préparation. L'absence d'un contrôle adéquat compromettrait surtout durablement la confiance des consommateurs dans le SEPA. La même observation vaut en ce qui concerne la protection contre l'insolvabilité et les mesures nécessaires pour garantir la séparation des fonds du client.

4.3.2

Le CESE considère dès lors qu'il est indispensable que tous les instituts de paiement soient soumis à des exigences identiques en matière de surveillance bancaire pour ce qui concerne les risques des opérations de paiement, et que des autorités de surveillances ad hoc disposant des compétences requises soient mises en place.

4.4   Article 30 et suivants — Il convient de ne pas formaliser excessivement les exigences relatives aux informations à fournir

4.4.1

Le CESE partage l'avis de la Commission selon lequel des règles de transparence claires et cohérentes sont essentielles pour les consommateurs et l'acceptation du SEPA. Les informations doivent être claires, compréhensibles et lisibles. Des informations trop nombreuses et variées peuvent toutefois pervertir l'information et déboucher sur davantage d'opacité que de transparence. Par ailleurs, l'utilisateur privé du SEPA nécessite d'autres informations que le commerçant. Le fait que la Commission prévoit des exigences différentes en matière de transparence dans des situations analogues est plutôt déroutant et de nature à accroître les coûts. À cet égard, il convient de se référer plus particulièrement aux dispositions en matière de transparence de la directive sur la vente par correspondance.

4.4.2

Du point de vue du consommateur, il convient de souligner que l'approche de l'harmonisation complète et de la reconnaissance mutuelle retenue par la Commission peut être très problématique sous l'angle de la protection du consommateur. Ainsi, on ne peut pas exclure que le niveau de protection du consommateur en vigueur va diminuer dans certains États membres.

4.4.3

Les dispositions relatives à la procédure de transmission des informations prévue à l'article 30 devraient être simplifiées. En particulier dans le cas de la communication à l'utilisateur d'une modification des conditions contractuelles (article 33), de l'exécution d'une opération de paiement (article 36) et de la réception d'un paiement (article 37), il devrait être possible, lorsque c'est l'habitude qui a été convenue, de maintenir la pratique actuellement en vigueur qui est bon marché pour le consommateur et qui consiste à mettre les informations à sa disposition via un extrait de compte ou les transactions en ligne (online banking). Il devrait également être possible de recourir à l'affichage des prix ou de mettre les informations concernées sur l'internet. Les articles 31 et 37 devraient énoncer de manière plus explicite que les prix des différentes composantes du service couvertes par une commission globale ne doivent être mentionnés séparément au client que si différentes composantes du service impliquent des constellations de produits séparées ou différentes.

4.4.4

Dans le cas des paiements entrants et sortants, il est important pour les utilisateurs que les informations relatives à l'opération comportent non seulement des données claires sur le payeur et le payé mais aussi les données de référence complètes du paiement. C'est la seule manière d'automatiser complètement l'attribution des sommes dues.

4.5   Article 41, deuxième alinéa — Tous les types d'autorisation devraient être permis

4.5.1

Le CESE approuve l'approche suivie par la Commission selon laquelle une opération de paiement n'est réputée autorisée que si le payeur a donné son consentement à l'ordre de paiement correspondant adressé au prestataire de services de paiement. Le deuxième alinéa de l'article 41 prévoit que le consentement consiste en une autorisation «expressément donnée au prestataire de services de paiement d'effectuer une opération de paiement ou une série d'opérations de paiement». Cette formulation n'est pas claire. Exiger une autorisation expresse pour chaque prélèvement automatique effectué dans le cadre d'une relation contractuelle limiterait fortement l'efficacité de ce type de procédure et augmenterait son coût.

4.5.2

Afin que des procédures éprouvées et avantageuses pour les clients, comme l'autorisation de prélèvement direct, puissent continuer à être utilisées, la directive devrait viser une coordination minimale plutôt qu'une harmonisation complète qui ne souffre aucune exception.

4.6   Article 48, paragraphes 2 et 3 — La répartition de la charge de la preuve en cas de contestation d'une opération de paiement n'est pas équilibrée

4.6.1

L'espace unique de paiements en euros ne sera pas accepté par les consommateurs s'ils sont confrontés à des difficultés insurmontables concernant les preuves à fournir en cas de contestation de l'autorisation. Le CESE partage l'approche de la Commission qui permet à l'utilisateur de bénéficier d'un allégement de la charge de la preuve.

4.6.2

Cependant, cette approche ne doit pas aller jusqu'à priver le prestataire de services de paiement de la possibilité d'apporter la preuve contraire en cas de négligence grave. Or, l'article 48, paragraphe 2, empêche le prestataire de services de prouver la négligence grave, voire l'intention délictueuse. Le fait de ne plus pouvoir prouver que l'utilisateur du service a fait preuve de négligence grave ou a agi frauduleusement incite aussi au non-respect du devoir de diligence et aux abus. Une telle règle a également pour conséquence une réduction sensible de l'offre concernant certaines opérations de paiement électronique.

4.6.3

Le CESE est favorable à une répartition équitable de la charge de la preuve. Le prestataire de services de paiement devrait prouver que le titulaire de l'instrument de vérification des paiements a autorisé le paiement. Si le paiement a été effectué avec des dispositifs de sécurité particuliers et reconnus comme protégés contre toute utilisation abusive, la preuve prima facie devrait s'appliquer, en vertu de laquelle l'utilisateur du service de paiement a autorisé le paiement ou, à tout le moins, a fait preuve d'une négligence grave. Par ailleurs, il convient de ne pas restreindre de manière inappropriée l'appréciation des preuves par le juge national, d'autant que les droits de procédure civile des États membres ne sont pas harmonisés.

4.7   Article 49 — Il y a lieu de garantir la sécurité juridique en cas de paiement non autorisé grâce à un délai de prescription uniforme pour le remboursement

4.7.1

Dans l'exposé des motifs de sa proposition de directive, la Commission européenne souligne que les systèmes de paiement permettent chaque année, dans la Communauté, la réalisation de 231 milliards de transactions. Ceci montre clairement que la sécurité juridique est requise à l'égard de la question de savoir si une transaction était autorisée. Afin d'instaurer un niveau de sécurité juridique adéquat, il convient de fixer un délai au-delà duquel l'utilisateur de services de paiement ne peut plus exiger le remboursement d'un paiement non autorisé. Ce délai doit être équitable. Le CESE propose qu'il soit fixé à un an.

4.7.2

Conformément à l'article 45, l'utilisateur de services de paiement est tenu de contrôler régulièrement les transactions sur son compte et de présenter immédiatement une réclamation en cas de paiements non autorisés. Aussi est-il logique et juste de limiter à un an le délai pendant lequel l'utilisateur de services de paiement a le droit d'exiger un remboursement des paiements non autorisés. Cela permettrait de donner aux prestataires comme aux utilisateurs de services de paiement la sécurité juridique nécessaire dans la mesure où, à l'expiration de ce délai, l'opération de paiement serait considérée comme définitive. De plus, ce délai d'un an coïnciderait avec l'obligation d'archivage prévue par l'article 44.

4.8   Articles 48 et 50 — Revoir le partage des responsabilités

4.8.1

Le CESE estime que les responsabilités doivent être équitablement réparties entre prestataires de services de paiement et utilisateurs de ces services. C'est à cette condition seulement que les consommateurs utiliseront ces services de paiement et que les prestataires pourront les offrir à un coût modéré.

4.8.2

Le CESE juge la responsabilité objective du prestataire de services de paiement en cas de paiements non autorisés (article 49) pertinente pour autant que les utilisateurs fassent un usage diligent et conforme aux exigences contractuelles de leur instrument de vérification de paiement.

4.8.3

Le CESE considère que, comme le prévoit l'article 50, il est opportun de limiter à 150 euros la responsabilité d'un utilisateur si celui-ci n'a pas remarqué la perte de l'instrument de vérification du paiement alors qu'il l'utilisait de manière consciencieuse, et s'il a déclaré la perte sans délai. Toutefois, si l'utilisateur ne déclare pas immédiatement la perte, bien qu'il y soit tenu par l'article 46, et que le prestataire de services ne peut dès lors éviter ou limiter un dommage, l'utilisateur ne devrait pas de surcroît bénéficier d'un traitement privilégié en termes de responsabilité par rapport à l'utilisateur qui a agit avec diligence.

4.9   Article 53 — Il y a lieu de fixer un délai de remboursement clair

4.9.1

Le délai fixé pour faire valoir un droit à remboursement est un élément fondamental de la procédure de débit direct européen. À cet égard, il est essentiel que la fin du délai en cas de paiement autorisé soit clairement identifiable pour toutes les parties concernées par l'opération de paiement. Or, la première phrase de l'article 53, paragraphe 1, qui dispose que cette période débute lorsque le payeur a été informé, ne permet pas de garantir qu'il en soit ainsi. En effet, ni le payé ni son prestataire de services de paiement ne sait à quel moment le prestataire de services de paiement du payeur a informé le payeur que l'opération a été exécutée sur son compte.

4.9.2

Cela s'explique par le fait que, dans la pratique, la fréquence de la mise à disposition des extraits de compte varie considérablement. Parfois, les extraits de compte ne sont mis à disposition qu'une fois par trimestre, parfois une fois par semaine ou tous les jours. Cela dépend des préférences de l'utilisateur et du coût. Indépendamment de la fréquence avec laquelle l'information est fournie, le délai de remboursement pourrait, si on prend ces exemples, être de «3 mois et 4 semaines», «1 semaine plus 4 semaines», voire «1 jour plus 4 semaines». Avec cette méthode, il n'est guère possible de déterminer à quel moment la transaction devient définitive. Cela poserait un problème pratiquement insoluble pour le système de débit direct européen en préparation et compromettrait sérieusement ce projet.

4.9.3

Aussi le CESE propose-t-il que, conformément à l'article 53, paragraphe 1, un délai de 4 semaines commence à courir à partir du moment où le client est informé et s'achève en tous cas 8 semaines après l'imputation au compte du payeur.

4.10   Articles 60, 61 et 67 — Il convient de séparer clairement les différentes obligations des prestataires de service participant à l'exécution du paiement

4.10.1

Les articles 60, 61 et 67 disposent que le paiement a été exécuté correctement lorsque le compte du payé est crédité. Cette disposition s'écarte sans raison valable de la législation communautaire en vigueur concernant les virements. Elle établit une confusion entre les obligations contractuelles du prestataire de services de paiement du payeur d'une part et celles du prestataire de services de paiement du payé d'autre part. Conformément à ces dispositions, le prestataire de services de paiement du payeur serait tenu de satisfaire à une obligation qui n'incombe qu'au prestataire de services de paiement du payé et ne peut être vérifiée par le prestataire de services de paiement du payeur.

4.10.2

Aussi le CESE propose-t-il d'appliquer le principe prévu par la directive communautaire sur les virements et en vigueur dans tous les États membres, en vertu duquel le prestataire de services de paiement du payeur est responsable de la transaction jusqu'à ce que le montant parvienne au prestataire de services de paiement du payé, alors que le prestataire de services de paiement du payé est responsable de la transaction jusqu'à ce que le compte de ce dernier soit crédité.

4.11   Articles 60, 61 et 67 — Les délais d'exécution doivent être réalistes

4.11.1

Le CESE juge essentiel que les délais d'exécution soient fixés de manière à améliorer sensiblement la situation actuelle tout en évitant que leur mise en œuvre technique n'entraîne des coûts exagérés susceptibles d'accroître le prix des opérations de paiement.

4.11.2

Le délai d'exécution prévu aux articles 60 et 61 (jour de l'acceptation plus 1 jour bancaire ouvrable) pourra être trop ambitieux compte tenu de la situation actuelle. Conformément à la directive concernant les virements, la règle générale en matière d'opérations transfrontalières prévoit actuellement un délai de 6 jours bancaires ouvrables (jour de l'acceptation plus 5 jours bancaires ouvrables plus 1 jour pour créditer le montant = 5 jours de délai pour le prestataire de services du payeur pour créditer le montant au prestataire de services de paiement du payé, plus 1 jour pour que le prestataire de services de paiement du payé crédite le montant en question au payé). Il peut toutefois être dérogé à ce délai. Nombre de petits prestataires de services de paiement et de prestataires régionaux ont indiqué qu'ils ne pourraient pas respecter cette exigence. Le délai d'exécution (maximal) prévu (1 jour pour que le prestataire de services de paiement du payeur crédite le compte du payé) serait six fois plus court que le délai autorisé jusqu'ici. Selon les prestataires de services de paiement, le coût de la mise en oeuvre de cette disposition sur le plan technique serait en outre exagéré et provoquerait inévitablement une augmentation du prix des opérations de paiement. Par ailleurs, les banques européennes elles-mêmes se sont engagées volontairement dans le cadre de la Convention Credeuro à appliquer un délai d'exécution de trois jours bancaires ouvrables au maximum pour les paiements en euros et un délai général de trois jours bancaires ouvrables pour les opérations de paiement effectuées dans d'autres monnaies européennes.

4.11.3

Compte tenu de la possibilité de voir ainsi créés des désavantages concurrentiels susceptibles d'affecter les petits prestataires de services de paiement et les prestataires régionaux, le CESE recommande de prendre en compte un délai d'exécution de 3 jours pendant une période de transition adéquate, sans préjudice toutefois de la possibilité de fixer des délais plus courts pour les opérations de paiement purement nationales (article 64).

Bruxelles, le 13 septembre 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


23.12.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/56


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I)»

COM(2005) 650 final– 2005/0261 (COD)

(2006/C 318/10)

Le 24 février 2006, le Conseil a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 26 juillet 2006 (rapporteur: M. FRANK VON FÜRSTENWERTH).

Lors de sa 429e session plénière des 13 et 14 septembre 2006 (séance du 13 septembre 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 191 voix pour, 1 voix contre et 5 abstentions.

1.   Résumé des conclusions et recommandations

1.1

Le Comité économique et social européen salue la proposition de la Commission visant à définir dans un règlement européen les règles de conflits de loi relatives aux obligations contractuelles, ce qui permet de continuer à développer de manière logique les règles européennes en la matière et de combler le vide qui existait dans le système juridique communautaire en vigueur. Le règlement est utile et nécessaire au développement d'un espace judiciaire européen unique, dans la mesure où la Convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles (1), qui règle actuellement cette matière, doit être modernisée. Or, étant donné qu'il s'agit d'un instrument multilatéral, l'issue de cette opération est incertaine, ou ne pourrait être réalisée qu'après de très longues négociations.

1.2

Le Comité assure la Commission de son soutien et l'invite à finaliser la proposition le plus rapidement possible en tenant compte des recommandations mentionnées ci-après, afin que le règlement puisse entrer en vigueur.

1.3

Le Comité félicite la Commission pour les efforts déployés en vue de remédier, par une pleine harmonisation, au vide juridique qui, faute d'un acte juridique européen valable pour tous les États membres, existait jusqu'ici en matière de règles de conflits de loi concernant les obligations contractuelles, et de faire ainsi bénéficier l'utilisateur de simplifications considérables. En effet, ce dernier pourra désormais se baser sur un ensemble de règles uniformes qui seront les mêmes dans tous les États membres puisque le règlement y est directement applicable. Le règlement à l'examen est un complément nécessaire à la proposition de règlement Rome-II (2), dont le processus législatif est bien avancé. Avec ces deux règlements, l'Union disposera pour la première fois d'un régime juridique (dans une large mesure) complet concernant les conflits de loi en matière d'obligations.

1.4

Le Comité propose que les organes législatifs de l'UE procèdent aux modifications suivantes:

La troisième phrase de l'article 3, paragraphe 1, devrait être transformée en une règle d'interprétation,

Le paragraphe 3 de l'article devrait être modifié de manière à ce que le choix postérieur de la loi applicable aux contrats de consommation ne soit possible que si un litige est né,

Art. 4: il convient d'examiner si, dans certains cas particuliers et exceptionnels, il ne serait pas utile de prévoir une règle moins stricte que celle du paragraphe 1,

Dans le cadre de l'article 5, il convient d'examiner si la liberté de choix s'applique également lorsque le professionnel a exercé son activité dans l'État du consommateur ou a dirigé son activité vers cet État et, dans l'affirmative, à quelles conditions,

L'alinéa (c) de l'article 22 devrait être supprimé.

Le règlement devrait être finalisé dans les meilleurs délais, afin qu'il puisse entrer en vigueur.

1.5

Le Comité constate avec satisfaction que l'Irlande souhaite adhérer au règlement sur une base volontaire. Il regrette cependant que le règlement ne s'applique pas au Royaume-Uni et au Danemark, étant donné que, de ce fait, l'effet d'harmonisation sera moins important que ce qu'il aurait pu être. Le Comité invite la Commission à mettre tout en œuvre pour faire en sorte que le règlement puisse encore être soit appliqué ou ses dispositions adoptées dans ces deux pays.

2.   Observations générales

2.1   Motivation

2.1.1

Par le règlement à l'examen, la Commission instaure dans l'Union européenne des règles uniques en matière de conflits de loi dans le domaine des obligations contractuelles. De telles règles existent déjà dans une certaine mesure depuis 1980, date à laquelle la plupart des États d'Europe occidentale ont décidé de signer la Convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Convention de Rome). D'autres États y ont adhéré par la suite. La forme qui a été retenue à l'époque est celle de la convention multilatérale, parce que le traité instituant la Communauté économique européenne ne prévoyait pas de base juridique permettant de créer un instrument approprié au niveau communautaire. Après plus d'un quart de siècle d'application, on s'accorde à reconnaître que la Convention de Rome a représenté une avancée considérable et que les solutions qu'elle propose restent, pour l'essentiel, toujours valables. Toutefois, il convient de la réviser et de la moderniser pour combler les lacunes qui ont été identifiées. La Convention de Rome étant un instrument multilatéral, elle ne peut être révisée qu'à l'issue de nouvelles négociations, opération qui prendrait du temps et dont l'issue est incertaine. Ceci n'est toutefois plus nécessaire, puisque le traité CE comporte aujourd'hui une base juridique pour l'adoption d'un acte juridique de la CE, à savoir les articles 61, point c) et 65, point b). Pour faciliter l'application de la loi, les règles devraient être identiques dans tous les États membres de l'Union. Aussi, le seul instrument juridique à entrer en ligne de compte est-il le règlement.

2.1.2

En 2004, la Commission a organisé une audition publique sur la base d'un Livre vert de 2003 (3), lors de laquelle une large majorité s'est dégagée en faveur de l'adoption d'un règlement. Le CESE (4) et le PE (5) se sont également prononcés pour la transformation de la Convention de Rome en un règlement communautaire et pour sa modernisation.

2.2   Le contexte juridique

2.2.1

Le règlement doit être envisagé dans le cadre des activités de la Commission dans le domaine du droit civil et du droit procédural en matière civile, dont l'objectif est de réaliser un espace judiciaire européen unique et de faciliter l'accès du citoyen au droit. À plusieurs reprises, le Comité a eu l'occasion de prendre position sur une série de propositions de la Commission (6).

2.2.2

La proposition de règlement présente un lien particulier avec les travaux de la Commission dans le domaine du droit matériel concernant les règles de conflits de loi, notamment le règlement ROME-II proposé par la Commission. Il complète le règlement ROME-I et en constitue le prolongement naturel.

2.3   Base juridique/Proportionnalité/Subsidiarité/Forme juridique

2.3.1

Le règlement a pour objet le rapprochement des règles de conflits de loi dans le domaine des obligations contractuelles. L'harmonisation des règles de conflits de loi est régie par l'article 61, paragraphe c) en liaison avec l'article 65, paragraphe b) du traité instituant la Communauté européenne (TCE). La Commission est habilitée à intervenir en la matière si cela s'avère nécessaire au bon fonctionnement du marché unique. De l'avis du Comité, c'est le cas, car l'harmonisation des règles de conflits de lois contribue à garantir l'égalité de traitement des opérateurs économiques de la Communauté dans les cas transfrontaliers, à renforcer la sécurité juridique, à simplifier l'application des lois et partant, à favoriser la disponibilité à réaliser des transactions transfrontalières et à promouvoir la reconnaissance mutuelle des actes juridiques des États membres, en permettant aux ressortissants d'autres États membres de pouvoir s'assurer immédiatement de leur exactitude juridique.

2.3.2

Ces objectifs ne peuvent pas être réalisés par des mesures nationales des États membres et requièrent une action de l'Union. La proposition satisfait donc aux principes de subsidiarité et de proportionnalité (article 5 TCE).

2.4

La Commission a, à juste titre, choisi la formule juridique du règlement parce que, contrairement à la directive, il ne laisse aucune marge de manœuvre aux États membres concernant sa transposition. Laisser une telle marge aux États reviendrait à créer une insécurité juridique, ce qu'il convient d'éviter.

3.   Observations particulières

3.1   Champ d'application matériel, application de la loi d'un pays tiers (article premier et article 2)

3.1.1

Le règlement s'applique aux règles de conflits de lois concernant les obligations contractuelles dans le domaine civil et commercial (article premier, paragraphe 1). Le législateur peut recourir à cet égard à la terminologie utilisée dans la Convention de Bruxelles (article premier), qui se retrouve également dans la proposition de règlement ROME II, dont le contenu est bien établi. L'exclusion des matières fiscales, douanières et administratives va de soi. Sa mention est par conséquent superflue mais ne porte pas à conséquence.

3.1.2

Le règlement ne prétend pas réglementer tout le domaine du conflit de loi en matière civile ni le réglementer de telle manière qu'il puisse être utilisé au cas par cas pour apprécier une affaire ayant trait aux obligations contractuelles. Le législateur est bien avisé de ne pas être trop ambitieux, pour ne pas mettre à mal le caractère réalisable du projet. Aussi y a-t-il lieu de se féliciter de l'exclusion de l'état et de la capacité des personnes physiques (article premier, paragraphe 2 (a)). En effet, dans les règles de conflits de lois, en raison de leurs implications sociales, ces matières sont traditionnellement régies par des instruments autonomes (jusqu'à présent presque exclusivement des accords multilatéraux) (7). L'exclusion des obligations découlant des relations de famille et d'obligations alimentaires ainsi que de régimes de propriété, mariages, testaments et successions (article premier, paragraphe (b), (c)) est conseillée pour des raisons analogues. Ces obligations doivent être traitées dans des textes législatifs distincts.

3.1.3

L'exclusion des lettres de change, chèques et billets à ordre (article premier, paragraphe 2 (d)) est justifiée par le fait que ces matières sont réglementées de manière adéquate dans des accords particuliers (8) qui dépassent le cadre de la Communauté et dont l'existence ne devrait pas être remise en question.

3.1.4

Les conventions d'arbitrage et d'élection de for (article premier, paragraphe 2 (e)) sont exclues parce qu'elles relèvent du droit procédural international en matière civile, dans le cadre duquel elles peuvent être mieux réglées, ainsi que, dans une certaine mesure, d'accords qui vont au-delà du cadre de la Communauté. Cette observation vaut également pour la preuve et la procédure (article premier, paragraphe 2 (h)).

3.1.5

L'exclusion des questions relevant du droit des sociétés, associations et personnes morales à l'article premier, paragraphe 2, (f), est inévitable car le lien entre les questions abordées et le statut de la société est si étroit qu'une réglementation en la matière devrait s'inscrire dans ce contexte. Le trust est une matière spécifique du droit anglo-américain. Il avait déjà été exclu par la Convention de Rome (article premier, paragraphe 2 g). Il est logique que le règlement en fasse de même (article premier, paragraphe 2 (g)).

3.1.6

L'exclusion des obligations découlant d'une relation précontractuelle (article premier, paragraphe 2 (i)) se réfère aux obligations délictueuses. Elles relèvent systématiquement de la proposition de règlement ROME II et sont dès lors exclues à juste titre.

3.1.7

Le Comité constate avec satisfaction que l'Irlande adhérera au règlement sur une base volontaire. Il regrette cependant que le Royaume-Uni n'ait pas pu se résoudre à en faire autant. Le règlement ne s'appliquera pas au Danemark (article 1er, paragraphe 3) tant que ce pays n'aura pas conclu avec la Communauté un accord disposant que le règlement s'applique ou tant que le Danemark n'aura pas transposé volontairement les dispositions du règlement dans sa législation nationale. Le Comité invite la Commission à mettre tout en œuvre pour faire en sorte que le règlement puisse encore être appliqué ou ses dispositions adoptées dans ces deux pays. En effet, le refus de certains États membres d'adhérer au règlement compromettrait l'objectif poursuivi, à savoir l'uniformisation des règles de conflits de lois au niveau communautaire. Il serait regrettable que la Convention de Rome continue de s'appliquer à ces États, étant donné qu'il y a des divergences entre son contenu et celui du règlement Rome I. En fonction du choix du for, qui, en dépit du règlement (CE) no 44/2001 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, de la Convention de Bruxelles et de la Convention de Lugano, reste jusqu'à un certain point arbitraire, cette situation pourrait déboucher sur des jugements différents concernant un même litige, ce qui serait difficilement acceptable dans la Communauté.

3.1.8

Le règlement désigne le droit applicable, qu'il s'agisse du droit d'un État membre ou de celui d'un pays tiers (article 2). Il respecte ainsi une norme reconnue en matière de règles de conflits de lois, à savoir l'interdiction de discriminations à l'encontre d'autres ordres juridiques, ce dont le Comité se félicite. S'il est vrai que les circonstances assignent le règlement d'une affaire à un ordre juridique précis, il importe peu qu'il s'agisse d'un ordre juridique communautaire ou non.

3.2   Règles de rattachement générales (articles 3 et 4)

3.2.1

Aux termes de l'article 3, paragraphe 1, c'est en principe la loi choisie par les parties qui s'applique. Le Comité se réjouit de cette disposition, car elle prend en compte la liberté contractuelle qui est un principe de base du droit des obligations et est conforme à la norme reconnue en droit international privé. Cette disposition correspond dans une large mesure aux dispositions de l'article 3, paragraphe 1, de la Convention de Rome, qui sont généralement jugées adéquates. Le Comité se félicite de cette approche mais estime toutefois qu'elle comporte le risque qu'au moment d'appliquer ces dispositions dans la pratique, le juge se mette à chercher une volonté hypothétique des parties sans disposer d'indices suffisants à cet effet. Il y a lieu d'éviter cette éventualité en apportant les clarifications qui s'imposent au considérant no 7. Par ailleurs, la liberté de choix des parties est à ce point poussée à l'article 3, paragraphe 3, qu'elles peuvent à tout moment choisir une autre loi. Si le Comité se félicite en principe de cette possibilité, il considère toutefois qu'elle constitue un risque potentiel pour la protection du consommateur, qui n'est peut-être pas en mesure de saisir pleinement toute la portée de cette disposition. Le Comité suggère que, conformément à l'article 17, paragraphe 1, du règlement concernant la compétence judiciaire, toute modification postérieure de la loi qui s'applique aux contrats de consommation ne soit possible que lorsqu'un litige est né, dans la mesure où le consommateur sera alors mis en garde et agira avec davantage de prudence.

3.2.2

La troisième phrase de l'article 3, paragraphe 1, tire d'un accord entre les parties concernant un tribunal, la présomption qu'elles ont entendu choisir la loi de cet État membre (pour autant qu'une loi n'ait pas été choisie explicitement). Cette disposition reflète la volonté de faire coïncider le for et la loi, ce qui permet généralement de faciliter les décisions judiciaires. Le Comité se demande toutefois si le fait de formuler cette phrase de manière aussi stricte ne revient pas à forcer la volonté des parties. Il serait plus approprié d'atténuer quelque peu le texte et de le reformuler de telle sorte qu'il constitue simplement une aide à l'interprétation de la deuxième phrase. La disposition pourrait par exemple être libellée en ces termes:

«À cet égard il convient plus particulièrement de prendre en compte la juridiction compétente choisie par les parties».

3.2.3

Le Comité voudrait aborder plus en détail un point précis qui revêt une importance cruciale pour l'avenir de l'espace judiciaire européen, à savoir la création éventuelle d'un instrument optionnel ou 26e régime par la Communauté européenne. Il faut entendre par là que les parties pourront choisir une loi civile communautaire, dont la création est à l'examen et pour laquelle le cadre de référence commun (CCR) actuellement en chantier pourrait constituer la première étape. L'article 3, paragraphe 2, contient une clause d'ouverture qui permet aux parties de choisir une loi supranationale. Jusqu'à présent, cette possibilité n'allait pas de soi dans le droit international privé et le Comité se réjouit sans réserve de cette initiative: pour la première fois, les parties pourraient véritablement utiliser dans une large mesure des modèles de contrats européens uniformisés, ce qui constituerait une avancée considérable vers la réalisation du marché intérieur (9).

3.2.4

L'article 4, paragraphe 1, contient des règles concernant la loi applicable à différents contrats générateurs d'obligations. Elles complètent les dispositions de l'article 4, paragraphe 2, du règlement, qui sont reprises de la Convention de Rome. Dans le cadre de cette dernière, ces règles n'auraient pu être déduites qu'en interprétant l'article 4, paragraphe 2. Si l'on peut considérer que les règles proposées par la Commission confèrent une plus grande sécurité juridique, celle-ci n'est acquise qu'au prix d'une rigidité et d'un manque de souplesse qui ne souffre aucune exception, même si des dérogations seraient indiquées dans certains cas. Le Comité considère qu'il s'agit d'un pas en arrière par rapport à la Convention de Rome et craint que cette règle ait des effets négatifs. En effet, il est possible que dans certains cas, l'application stricte de la règle prévue par le projet de règlement ne permette exceptionnellement pas de dégager une solution appropriée. On peut imaginer envisageable que dans ces cas exceptionnels, la possibilité pour le juge d'appliquer une législation plus adéquate conduirait à une solution plus satisfaisante. Bien entendu, si l'on veut que l'objectif d'une meilleure sécurité juridique et d'une plus grande prévisibilité concernant la loi applicable soit atteint, cette dérogation à la règle ne pourra en aucun cas déboucher sur une désignation arbitraire de la législation applicable et devra dès lors être évaluée très soigneusement et être dûment motivée par le juge. Le Comité propose que l'on examine l'opportunité de modifier le règlement à la lumière de ces réflexions.

3.2.5

Le Comité comprend l'objectif que poursuit la Commission avec l'article 4, paragraphe 1, point (f). Il souligne toutefois qu'en raison de leur motivation, de nombreux droits de propriété industrielle peuvent être transférés à d'autres conditions que ce que prévoit la loi du pays dans lequel le titulaire a sa résidence habituelle. Étant donné que l'article 4, paragraphe 1, ne prévoit pas l'application de la loi du pays de résidence habituelle au moment de l'établissement de la relation juridique, une modification de la loi applicable en raison d'un changement postérieur de la résidence habituelle du titulaire du droit pourrait susciter des problèmes au regard de la base juridique des droits de propriété industrielle. Le Comité recommande que la Commission examine cette question et propose une solution adéquate.

3.3   Règles de rattachement spécifiques (articles 5 à 17)

3.3.1

L'article 5 remanie en profondeur les dispositions de la Convention de Rome sur les contrats de consommation, dont on considère souvent qu'elles sont difficilement compréhensibles et nécessitent une révision. De l'avis du Comité, la Commission va dans la bonne direction, puisque l'application complexe de deux systèmes juridiques différents à un même cas, exigée par l'article 5 de la convention de Rome, sera à l'avenir évitée. Il ne fait aucun doute qu'un consommateur qui conclut un contrat avec un professionnel doit être protégé, notamment en ce qui concerne les conflits de loi. Cette protection est en principe assurée par l'application de la loi de l'État membre dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle (article 5, paragraphe 1), car c'est la loi que le consommateur connaît (le mieux), dont il maîtrise la langue et au sujet de laquelle il lui est le plus facile d'obtenir des conseils juridiques. Le texte proposé exige en outre que l'activité commerciale soit dirigée vers l'État membre de la résidence habituelle du consommateur ou exercée dans cet État. Par analogie avec la Convention de Rome, le règlement prend en compte les intérêts du professionnel (lequel aura tendance à privilégier ses règles nationales dans la mesure où c'est plus pratique pour lui), puisqu'il l'autorise à choisir sa loi nationale dans les autres cas. Toutefois, le Comité se demande s'il est vraiment nécessaire de priver totalement de la liberté de choix les parties à un contrat de consommation au sens du paragraphe 2. De l'avis du Comité, les consommateurs tireraient vraisemblablement aussi profit de la possibilité de choisir la loi qui s'applique au contrat, du moins si certaines mesures de protection sont en place, dont ils ont indubitablement besoin, étant la partie la moins expérimentée et la plus faible. Aussi le Comité recommande-t-il que la Commission réexamine ces dispositions à la lumière de ces éléments.

3.3.2

Les dispositions relatives aux contrats de travail (article 6) reflètent la nécessité de protéger les travailleurs. Elles reprennent les dispositions de l'article 6 de la Convention de Rome, complétées par des règles qui prennent dûment en compte l'évolution de l'activité salariale. Les termes «à partir duquel» ont été ajoutés afin de se conformer à la jurisprudence de la Cour européenne de justice relative à l'article 18 de la Convention de Bruxelles. Toutefois, en l'absence de définition véritablement explicite dans le règlement même ou d'explications dans l'exposé des motifs, le Comité se demande ce qu'il faut entendre par accomplir son travail de façon «temporaire» dans un autre pays (article 6, paragraphe 2, point (a)). Cet aspect doit absolument être précisé, dans la mesure où le fait d'accomplir un travail de façon «temporaire» revêt une importance particulière en tant que critère de rattachement. Cette lacune ne peut être comblée en introduisant une référence à l'article 2 de la directive sur le détachement de travailleurs (10), étant donné que celle-ci ne contient pas non plus de définition précise. En outre, le Comité a du mal à comprendre pourquoi des dispositions sont nécessaires concernant les espaces «non soumis à une souveraineté nationale» (article 6, paragraphe 2, point (b)). Peut-être s'agit-il des plates-formes de forage dans les eaux internationales. Il faudrait au moins le préciser dans l'exposé des motifs.

3.3.3

L'article 7 traite de la représentation contractuelle, un domaine qui n'est que partiellement réglé par la Convention de Rome, et n'inclut pas la relation juridique entre les intermédiaires et les tiers. Il est temps de combler ce vide (article7, paragraphe 2). Il est difficile de répondre à la question de savoir quelle loi devrait s'appliquer en l'occurrence, dans la mesure où les intérêts de l'intermédiaire et du tiers sont concernés. D'une manière générale, si l'intermédiaire agit au-delà de ses pouvoirs ou sans pouvoirs, le tiers est la personne qui a le plus besoin d'une protection. Le texte proposé tente de prendre en compte les intérêts des deux parties et recueille dès lors l'approbation du Comité.

3.3.4

Les lois de police sont une matière difficile. Le résultat du choix d'une loi par les parties ne devrait pas être limité plus que ce n'est nécessaire et, dans la mesure du possible, l'application de la loi qui régit le contrat ne devrait pas être entravée par l'application de règles extérieures. L'article 8 correspond pour l'essentiel à l'article 7, paragraphe 2, de la Convention de Rome. Le règlement prend en compte la jurisprudence pertinente de la CJCE (11), propose une définition juridique des dispositions impératives et leur donne corps. Pour l'utilisateur, ces cas présentent la difficulté suivante: il n'y a plus de base uniforme pour évaluer une affaire et, le cas échéant, des normes non harmonisées, voire contradictoires, doivent être appliquées et mises en conformité les unes avec les autres. Ceci prend du temps, est techniquement compliqué et augmente l'insécurité juridique. Toutefois, compte tenu de l'état d'avancement du rapprochement des législations nationales, le Comité ne voit pas d'autre solution, d'autant que les spécialistes sont largement favorables à l'application de ces règles en cas de conflits de lois.

3.3.5

De l'avis du Comité, les articles 10 à 17 ne posent guère de problèmes et ne requièrent aucune observation détaillée, en particulier dans la mesure où ils ne font que reprendre des dispositions de la Convention de Rome.

3.3.6

Devant la multiplication des contrats conclus à distance, l'article 10 (validité formelle du contrat) répond au besoin de simplification des règles en matière de validité formelle de contrats ou d'actes unilatéraux en introduisant des rattachements complémentaires.

3.3.7

Sur le plan commercial, la cession de créance et la subrogation conventionnelle des droits du créancier de ce dernier à un tiers qui exécute la dette, connue dans la plupart des législations commerciales, poursuivent le même objectif économique (12). Il est judicieux de regrouper ces deux aspects à l'article 13. L'article 13, paragraphe 3, introduit une nouvelle règle de conflits de lois et porte sur la question de savoir quelle loi régit l'opposabilité de la cession aux tiers. Cette disposition s'inspire à juste titre de la solution préconisée par la «Convention des Nations Unies sur la cession de créances dans le commerce international» du 12 décembre 2001.

3.3.8

L'article 14 contient une règle de conflit de loi relative à la subrogation légale. Ce cas de figure existant dans la plupart des législations, il est indispensable de prévoir une règle en la matière. L'article 15 complète l'article 14 en introduisant des dispositions relatives à la responsabilité conjointe d'une pluralité de débiteurs en cas de cession d'une obligation contractuelle. Ces dispositions auraient pu être regroupées avec celles de l'article 14, mais ce n'est pas obligatoire.

3.4   Autres dispositions/Dispositions finales (articles 18 à 24)

3.4.1

Les thèmes traités aux chapitres III et IV du règlement sont essentiellement des dispositions techniques conformes aux règles générales du conflit de loi et, de ce fait, ne nécessitent pas de commentaires détaillés. Ceci vaut notamment pour l'article 19 (Exclusion du renvoi), qui correspond à l'article 15 de la Convention de Rome, pour l'article 21 (Systèmes non unifiés), qui correspond à l'article 19 de la Convention de Rome, pour l'article 20 (Ordre public), qui correspond à l'article 16 de la Convention de Rome, et pour l'article 23 (Relation avec des conventions internationales existantes), qui correspond à l'article 21 de la Convention de Rome.

3.4.2

La résidence habituelle (article 18) d'une personne joue un rôle essentiel dans le droit international privé actuel pour la détermination de la loi applicable. Si la détermination de la résidence habituelle des personnes physiques ne pose généralement pas de problème, des doutes peuvent surgir en ce qui concerne les personnes morales. Le règlement lève ces doutes en retenant à juste titre le critère du siège de l'administration centrale. Il n'aurait pas été approprié de reprendre les dispositions de l'article 60 de la Convention de Bruxelles parce qu'elles retiennent généralement le domicile, non la résidence habituelle, et que la solution à trois options qu'elles proposent aurait impliqué une moins grande sécurité juridique.

3.4.3

L'article 22, point (c), est peu compréhensible. Il semble vouloir dire que les actes qui seront adoptés ultérieurement par la Communauté peuvent comporter leurs propres règles de conflits de loi, qui pourraient avoir la priorité sur l'application du règlement à l'examen. Le niveau d'uniformisation du droit international public atteint devrait toutefois être maintenu à l'avenir. Il y a lieu d'éviter toute fragmentation entre des sources juridiques dont les dispositions divergent. Si des règles spécifiques devaient s'avérer nécessaires à l'avenir, il conviendrait de les intégrer dans le règlement.

Le Comité propose la suppression du point (c).

3.5   Annexe I

3.5.1

Les troisième et quatrième tirets de l'annexe concernent «la deuxième directive assurance non vie» et la «deuxième directive assurance vie». Indépendamment du fait que cette dernière directive a été abrogée et que la Commission veut sans doute parler de la directive relative à l'assurance directe sur la vie (13) qui l'a remplacée, ces deux tirets posent problème. Si le Comité ne va pas jusqu'à demander leur suppression, il attire toutefois l'attention de la Commission sur les difficultés majeures que suscite la proposition. Elle gâche une occasion magnifique de simplifier et d'harmoniser les règles de conflits de lois et de résoudre des problèmes du secteur concerné. En liaison avec l'article 22 (a), les troisième et quatrième tirets de l'annexe I signifieraient que le règlement ne pourrait pas s'appliquer aux conflits de loi concernant les contrats d'assurance directe (14) qui couvrent un risque situé au sein de la Communauté, puisque ces contrats sont régis par les directives en question.

3.5.2

En revanche, les conflits de loi concernant les contrats d'assurance qui couvrent le risque situé en dehors de l'Union ou au sein de l'Union (mais seulement si le contrat a été conclu avec un assuré d'un État tiers) ainsi que les conflits de loi concernant les contrats de réassurance relèvent du règlement. Cela perpétuerait une situation qui est déjà source de confusion pour les utilisateurs (15). Depuis l'adoption des directives sur les assurances, les règles de conflits de loi en matière de contrats d'assurance diffèrent des règles générales de conflits de loi en matière d'obligations contractuelles (article premier, paragraphe 3, de la convention de Rome), bien que les contrats d'assurance soient également générateurs d'obligations. Cette distinction n'est pas le résultat de raisons objectives. Elle a été opérée parce qu'au moment de la signature de la Convention de Rome, les travaux relatifs à la deuxième génération de directives sur les assurances n'avaient pas encore commencé et que l'on voulait, avant de déterminer quelle loi s'appliquerait aux conflits de loi en la matière, voir comment le cadre réglementaire allait se présenter (16). Cette situation n'est plus d'actualité.

3.5.3

Les règles du droit international privé constituent un corps étranger dans les directives qui sont plutôt orientées vers la surveillance. Un utilisateur non initié ne s'attendrait pas à les y trouver. La fragmentation entre plusieurs sources juridiques horizontales et sectorielles complique le droit international privé des assurances. Pour des raisons de cohérence juridique, il est souhaitable de les regrouper et de supprimer les règles spécifiques.

3.5.4

Il ne semble pas pertinent d'incorporer telles quelles dans le règlement Rome-I les dispositions du droit international privé contenues dans les directives car des règles juridiques différentes continueraient de s'appliquer sans raison objective aux contrats d'assurance qui couvrent un risque situé dans l'Union d'une part et à ceux qui couvrent un risque situé en dehors de celle-ci d'autre part. La référence au droit de surveillance ne peut pas justifier cette approche. La surveillance des compagnies d'assurance s'effectue sur la base du principe du pays de résidence ce qui, dans le cas de contrats transfrontaliers, aboutit de toute manière à la dissociation entre surveillance et situation du risque, que le contrat d'assurance concerne des risques situés dans l'UE ou non. Le fait de soumettre les contrats d'assurance qui couvrent des risques situés au sein de la Communauté au régime de rattachement général du règlement est pertinent. Le rattachement du règlement à la loi choisie permettrait en effet aux compagnies d'assurance et à leurs clients du secteur non marchand de bénéficier à l'avenir de possibilités plus étendues concernant le choix d'une loi, ce dont il convient de se féliciter. Le choix judicieux d'une loi au niveau du droit des contrats permettrait d'offrir des produits identiques dans toute l'Union européenne, de sorte qu'il ne serait plus nécessaire de développer une pléthore de produits distincts. Par le passé, la nécessité de disposer d'une vaste gamme de produits différents a dissuadé les compagnies d'assurance de tirer pleinement profit de la libre-circulation des services pour des contrats moins importants que ceux qui couvrent de gros risques. En ce qui concerne la liberté de choix, dans le secteur des assurances également, seuls les consommateurs requièrent une protection complète. Les petits exploitants et les indépendants bénéficient certes d'un niveau de protection moins élevé que les consommateurs, mais ils ne disposent pas d'une liberté de choix totale et n'ont pas besoin d'une protection spécifique. Ils ont une expérience suffisante des affaires pour savoir quels risques ils prennent lorsqu'ils abandonnent leur système national ou à quel moment ils ont besoin de conseils juridiques.

Bruxelles, le 13 septembre 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles, du 19 juin 1980. Version en vigueur: JO C 27 du 26.1.1998, p. 36.

(2)  Document COM(2006) 83 final 2003/0168(COD).

(3)  Document COM(2002) 654 final.

(4)  Avis du Comité économique et social européen sur le «Livre vert sur la transformation de la Convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles en instrument communautaire ainsi que sur sa modernisation.» INT/176 du 29.1.2004.

(5)  Résolution du Parlement européen sur les perspectives de rapprochement des dispositions de droit procédural en matière civile dans l'Union européenne (COM(2002) 654 — COM(2002) 746 — C5-0201/2003 — 2003/2087(INI)), A5-0041/2004.

(6)  L'on peut citer, à titre d'exemple:

 

La transformation de la Convention de Bruxelles de 1968 en règlement. Règlement (CE) no 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, JO L 12 du 16 janvier 2001, p. 1. Voir l'avis du CESE sur ce thème, JO C 117, du 26.4.2000, p. 6 (Rapporteur: MALOSSE).

 

La proposition de règlement pour un titre exécutoire européen pour les créances incontestées. Règlement (CE) No 805/2004 du Parlement européen et du Conseil du 21.4.2004 portant création d'un titre exécutoire européen pour les créances incontestées, JO L 143 du 30.4.2004, p. 15. Voir l'avis du CESE sur ce thème, JO C 85, du 8.4.2003, p. 1 (Rapporteur: RAVOET).

 

Le règlement relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale. Règlement (CE) No 1348/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale, JO L 160 du 30 juin 2000, p. 37. Voir l'avis du CESE sur ce thème, JO C 368, du 20.12.1999, p. 47 (Rapporteur: HERNÁNDEZ BATALLER).

 

Le règlement relatif à la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l'obtention des preuves en matière civile ou commerciale. Règlement (CE) no 1206/2001 du Conseil du 28 mai 2001 relatif à la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l'obtention des preuves en matière civile ou commerciale, JO L 174 du 27.6.2001, p. 1. Voir l'avis du CESE sur ce thème, JO C 139, du 11.5.2001, p. 10 (Rapporteur: HERNÁNDEZ BATALLER).

 

le règlement (CE) no 1346/2000 du Conseil du 29.05.2000 sur la procédure d'insolvabilité. Règlement (CE) no 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, JO L 160 du 30 juin 2000, p. 1. Voir l'avis du CESE sur ce thème, JO C 75, du 15.3.2000, p. 1 (Rapporteur: RAVOET).

 

la directive sur le crédit à la consommation (COM(2002) 443 final, du 11.9.2002). Voir l'avis du CESE sur ce sujet, JO C 234, du 30.9.2003, p. 1 (Rapporteur: PEGADO LIZ).

 

la directive concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs. JO L 95 du 21.4.1993, p. 29. Voir l'avis du CESE sur ce sujet, JO C 159, du 17.6.1991, p. 35 (Rapporteur: HILKENS).

 

Le Livre vert sur une procédure européenne d'injonction de payer et sur des mesures visant à simplifier et à accélérer le règlement des litiges portant sur des montants de faible importance (COM(2002) 746 final). Voir l'avis du CESE sur ce sujet, JO C 220, du 16.9.2003, p. 5 (Rapporteur: von FÜRSTENWERTH).

 

La proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une procédure européenne pour les demandes de faible importance. Voir l'avis du CESE sur ce sujet, JO C 221, du 8.9.2006 (Rapporteur: PEGADO LIZ).

(7)  Cf. les différentes conventions de La Haye, par exemple la Convention pour régler les conflits de lois en matière de mariage, conclue à La Haye le 12 juin 1902, la Convention du 24 octobre1956 sur la loi applicable aux obligations alimentaires envers les enfants, la Convention du 2 octobre 1973 sur la loi applicable aux obligations alimentaires etc.

(8)  Convention de Genève du 7 juin 1930 sur les conflits de lois en matière de lettre de change et de billets à ordre, Convention de Genève du 19 mars 1931 sur les conflits de lois en matière de chèques.

(9)  Si un instrument optionnel/26e régime était un jour élaboré, il se voudrait le meilleur système de droit civil. S'il était convenu d'appliquer cet instrument, il ne serait logiquement plus nécessaire, contrairement à ce qui se passe lorsqu'une loi nationale est choisie, d'opérer un rapprochement avec des lois nationales ou de tolérer des interventions au titre des lois de police (ou pour des considérations d'ordre public — article 20). Au contraire, choisir l'instrument optionnel reviendrait à appliquer tout à fait librement cet ensemble de règles, étant donné qu'il représenterait la norme généralement reconnue dans l'Union européenne. Étant donné que l'article 3, paragraphe 2, dispose déjà que le choix de cet instrument juridique est en principe possible, il serait logique de créer les conditions permettant de tirer profit des avantages de l'instrument optionnel. Le texte devrait préciser explicitement que les dispositions de l'article 8 ne s'appliquent pas lorsque l'application d'un ordre juridique supranational a été convenue (cette disposition s'applique mutatis mutandis aux règles d'ordre public visées à l'article 20).

(10)  Directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services (JO no L 18 du 21.1.1997).

(11)  Arrêts C-369/96 et C-374/96 du 23.11.1999.

(12)  Observation: cet élément ne ressort que de la version française de la proposition de règlement; dans la version allemande, il n'est pas traduit car cette notion juridique n'existe pas en droit allemand. Toutefois, dans un souci de précision, elle devrait toutefois être mentionnée au moins par une périphrase.

(13)  Directive 2002/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 novembre 2002 concernant l'assurance directe sur la vie, JO L 345 du 19.12.2002, 1.

(14)  Par opposition aux contrats de réassurance.

(15)  La situation est actuellement la suivante: conformément à l'article premier, paragraphe 3, de la Convention de Rome, les contrats d'assurance sont exclus, mais seulement s'ils couvrent des risques situés sur le territoire de l'UE. La Convention même ne définit pas quand c'est le cas, il faut se référer aux directives sur les assurances. La convention de Rome s'applique toutefois aux contrats de réassurance et aux contrats qui couvrent des risques situés en dehors de l'UE.

(16)  Giuliano/Lagarde, Rapport sur la Convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, JO. C 282 du 31.10.1980, p. 13.


23.12.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/62


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions et aux informations sur la réparation des véhicules, modifiant la directive 72/306/CEE et la directive …/…/CE»

COM(2005) 683 final — 2005/0282 (COD)

(2006/C 318/11)

Le 31 janvier 2006, le Conseil a décidé, conformément à l'article 95 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 12 juillet 2006 (rapporteur: M. RANOCCHIARI).

Lors de sa 429e session plénière des 13 et 14 septembre 2006 (séance du 13 septembre 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 180 voix pour, 3 voix contre et 11 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE marque son accord sur la nécessité de promouvoir l'amélioration constante des niveaux d'émission des véhicules à moteur, par le biais d'actes législatifs qui instaurent des objectifs de plus en plus ambitieux. Il accueille donc favorablement la proposition de la Commission qui constitue une étape supplémentaire dans cette direction.

1.2

Le CESE approuve également la décision de la Commission d'opter pour un règlement plutôt que pour une directive ainsi que la procédure législative qui prévoit un règlement adopté selon la procédure de codécision devant être complété, pour les aspects les plus techniques, par un règlement élaboré avec le soutien d'un comité régulateur (règlement de «comitologie»).

1.3

Le CESE doit toutefois remarquer que la proposition de règlement, dans sa formulation actuelle, entraîne des problèmes importants tant pour l'industrie que pour les administrations des États membres chargées de la réception et de l'immatriculation des véhicules.

1.3.1

Le CESE recommande tout particulièrement de revoir les dates d'entrée en vigueur des nouvelles prescriptions prévues par la proposition à l'examen et de les fixer respectivement au 1er janvier 2010 (pour la réception des nouveaux types de véhicules) et au 1er janvier 2011 (pour les nouvelles immatriculations) ou, en guise d'alternative, de les établir respectivement à 36 et 48 mois à compter de la publication des nouveaux règlements au Journal officiel de l'UE. Le CESE préconise par ailleurs de conserver la période additionnelle d'un an pour les véhicules de catégorie N1 (1) des classes II et III.

1.3.2

Le CESE est d'accord avec les limites proposées pour les véhicules à moteur diesel. Il émet par contre des réserves quant à la nécessité réelle de réduire davantage les limites pour les véhicules à essence ou utilisant des combustibles gazeux.

1.3.3

Le CESE estime qu'il est juste de maintenir l'exemption qui permet à certains véhicules destinés au transport de personnes, les véhicules M1 (2) qui sont destinés à des utilisations spécifiques ou qui sont des outils de travail (tels que les minibus), d'être réceptionnés d'après les limites fixées pour les véhicules utilitaires légers (N1). Il invite par conséquent la Commission à établir pour ces véhicules une définition plus précise et plus limitée que celle proposée par la directive actuelle.

1.3.4

Le CESE recommande d'éviter que la proposition de règlement contienne des prescriptions qui sont couvertes de manière plus appropriée par d'autres règlements ou directives par ailleurs déjà en vigueur.

1.3.5

Le CESE, enfin, invite la Commission à revoir les points du texte de la proposition susceptibles d'engendrer des incertitudes administratives, en recourant dans ce but à l'aide des experts nationaux, qui sont impliqués quotidiennement dans les questions liées à la réception par type de véhicules et à leur immatriculation.

2.   Motifs et contexte législatif

2.1

Jusqu'à maintenant, les émissions des voitures particulières (véhicules de catégorie M1) et des véhicules utilitaires légers (véhicules de catégorie N1) sont réglementées par la directive 70/220/CEE et par les amendements ultérieurs. Les mises à jour les plus récentes, communément connues sous l'appellation Euro 4 (3), sont entrées en vigueur respectivement à partir du 1er janvier 2005 (nouveaux types de véhicules) et du 1er janvier 2006 (nouvelles immatriculations).

2.2

La proposition à l'examen prévoit de rendre encore plus strictes les prescriptions législatives pour les émissions des véhicules à moteur, par l'adoption d'un règlement qui se substituerait à l'actuelle directive. Ce choix de l'instrument juridique se justifie par le fait que les États membres appliqueront directement le règlement et par conséquent les objectifs qui y sont définis, et par le fait qu'il ne sera pas nécessaire, comme c'est le cas avec une directive, de procéder à sa transposition dans la législation nationale. Parallèlement, le nouveau règlement abroge les directives existantes.

2.3

La Commission propose d'adopter une procédure législative qui suit deux voies parallèles:

a)

un règlement qui fixe les principes généraux, et qui est proposé en tant que règlement du Parlement européen et du Conseil, devant être adopté selon la procédure de codécision (proposition de codécision),

b)

un règlement qui fixe les mesures techniques d'application, qui sera adopté par la Commission avec l'aide du Comité d'adaptation au progrès technique (proposition «de comitologie»).

2.4

En complément de la proposition, l'évaluation de l'impact économique de la proposition de règlement a été par ailleurs publiée également, et avec elle l'estimation du coût des mesures à appliquer aux véhicules afin de les mettre en conformité avec la réduction des émissions prévue.

3.   Contenu de la proposition

3.1

La proposition de règlement, connue dans le jargon communautaire sous l'appellation «Euro 5», s'applique aux voitures particulières et aux véhicules utilitaires légers fonctionnant à l'essence, au gaz naturel, au GPL et au diesel et fixe les valeurs maximales pour les émissions de polluants qui ont été précédemment estimés comme étant prioritaires par la Commission, à savoir les émissions de particules, d'oxydes d'azote (NOx), de monoxyde de carbone (CO) et d'hydrocarbures (HC).

3.2

La proposition impose notamment une limite pour l'émission des gaz d'échappement des véhicules à allumage commandé (à essence et à combustibles gazeux) et à moteur diesel, d'après le schéma suivant:

alimentation à l'essence et au gaz: on propose une réduction de 25 % des NOx et des HC,

alimentation au diesel: une réduction de 80 % des émissions de particules est proposée, demande qui implique la nécessité d'installer sur les véhicules des filtres à particules diesel (DPF). Une réduction de 20 % des émissions de NOx est également prévue,

la Commission complète également les propositions relatives aux limites d'émission des gaz d'échappement par des règles sur la durée des systèmes de contrôle des émissions, les vérifications de conformité des véhicules en circulation, les systèmes de diagnostic embarqués (OBD), les émissions par évaporation, les émissions au ralenti, les émissions du carter, les émissions de fumées et la mesure de la consommation de carburant.

3.3

La Commission, enfin, prévoit des mesures pour la mise à disposition des informations relatives à la réparation des véhicules, en dehors des réseaux de réparateurs officiels de véhicules. D'après cette proposition, ces informations devront être accessibles par l'intermédiaire de sites Web, au format normalisé qui a été développé par un comité technique international (norme OASIS (4)).

3.4

La Commission propose que le règlement s'applique aux véhicules suivants:

voitures particulières et véhicules utilitaires légers de classe I — respectivement 18 mois à compter de la publication du règlement au Journal officiel de l'UE pour les nouveaux modèles et 36 mois à compter de cette date pour toutes les nouvelles immatriculations,

véhicules utilitaires légers de classe II et III — 30 mois pour les nouveaux modèles et 48 mois pour toutes les nouvelles immatriculations,

cette proposition pourrait se traduire pour les voitures particulières par une éventuelle introduction, à partir de la première moitié de 2008, des normes été proposées.

4.   Considérations générales

4.1

Le CESE accueille favorablement le choix de la Commission consistant à opter pour un règlement plutôt que pour une directive: ainsi, la procédure de transposition dans la législation nationale n'étant en effet pas nécessaire, le règlement pourra être appliqué de manière immédiate et simultanée dans tous les États membres.

4.2

Le CESE marque son accord avec la nouvelle procédure législative à deux voies parallèles, mais il attire en même temps l'attention sur la nécessité que les deux règlements, le premier adopté en codécision et le deuxième selon la procédure «de comitologie», fassent l'objet d'une publication simultanée au Journal officiel. L'industrie a besoin de ces actes pour mettre au point l'ingénierie des solutions techniques à adopter afin de respecter les nouvelles prescriptions.

4.3

Le CESE émet un avis positif en ce qui concerne l'intention d'introduire des limites plus strictes pour les émissions des véhicules diesel.

4.4

Le CESE reconnaît que les technologies destinées à la réduction des émissions de particules des véhicules dotés d'un moteur diesel sont actuellement disponibles et que les valeurs maximales qui sont proposées imposent qu'elles soient utilisées de manière généralisée.

4.5

Se référant à l'évaluation de l'impact économique de la proposition de règlement, le CESE fait part en revanche de sa grande perplexité:

premièrement, en désaccord évident avec les modalités de travail du programme CAFE (5) (Air pur pour l'Europe), aucun des résultats obtenus par le biais des modèles utilisés pour évaluer les rapports entre le coût et l'efficacité des mesures pouvant être mises en oeuvre dans les différents secteurs à l'origine de la pollution atmosphérique n'a été mis à disposition, comme suggéré par le groupe CARS 21 (6),

l'évaluation de l'impact économique n'indique que les coûts additionnels induits par l'entrée en vigueur des nouvelles limites d'émission des voitures et la réduction correspondante des polluants émis, mesurés en tonnes/an. Elle ne permet donc pas une évaluation comparative du rapport coût/efficacité de mesures pouvant être mises en oeuvre dans d'autres secteurs, d'après les modèles du programme CAFE,

en ce qui concerne les mesures d'Euro 5 proposées par le règlement, les montants estimés par le panel d'experts indépendants (7), qui a été choisi par la DG Entreprises dans ce but, ont été réduits de 33 % pour tenir compte des économies d'échelle induites par l'augmentation des volumes de production, sans qu'aucune justification ne soit donnée quant au choix de ce pourcentage (8),

en particulier, l'évaluation réalisée par le panel d'experts indépendants des coûts des interventions à réaliser sur les véhicules, afin de les rendre conformes aux différents scénarios de réduction des émissions, inclut déjà une réduction de 30 % du prix des métaux précieux. Les métaux précieux constituent un des éléments essentiels des systèmes de post-traitement des gaz d'échappement et leur cotation sur le marché a une incidence importante sur le coût de ces mêmes systèmes. Le fait que l'on ait assisté, au cours des cinq dernières années, à une augmentation continue des cotations du platine ne justifie pas l'hypothèse mentionnée précédemment.

4.6

Le CESE fait part de sa perplexité également en ce qui concerne les dates d'application du règlement:

la période de 18 mois à compter de l'entrée en vigueur du nouveau règlement est insuffisante, dans la mesure où l'introduction dans le processus de production d'une technologie connue mais non encore appliquée à des modèles spécifiques, requiert au moins trois ans,

la proposition de règlement devrait confirmer le 1er janvier 2010 comme date d'entrée en vigueur des nouvelles prescriptions pour la réception de nouveaux types de véhicules ou imposer une période de 36 mois à compter de la date de publication du règlement, après une clarification préalable des valeurs limites et des protocoles d'essais,

en accord avec ses fournisseurs, l'industrie a planifié l'introduction des normes Euro 5 pour la période 2010/2011, sur la base de ce qui a été clairement indiqué dans la communication de la Commission sur les incitations fiscales de janvier 2005 (9). Les modifications des différents modèles et leurs procédés de production ayant déjà été programmés, il n'est par conséquent pas possible d'écourter les délais, dans la mesure où le laps de temps prévu pour l'introduction du programme Euro 5 est déjà très court.

4.7

Enfin, la Commission prévoit au paragraphe 4 de l'article 5, des exigences spécifiques pour la réception, sans toutefois prévoir d'autres lignes directrices ou instructions. Le CESE fait part de son inquiétude sur ce point, car en l'absence de ces instructions il n'est pas possible d'évaluer l'impact réel de la proposition sur l'ingénierie du véhicule et sur l'environnement.

5.   Observations particulières

5.1

Le tableau 1 de l'annexe 1 de la proposition de règlement présente les limites d'émission Euro 5 de HC et de NOx prévues pour les véhicules à essence équipés d'un système d'allumage commandé: on note une réduction de 25 % qui porte les hydrocarbures (HC) à 75 mg/km et les oxydes d'azote (NOx) à 60 mg/km. Il se trouve que cette réduction des valeurs limites par rapport à celles établies par les normes Euro 4, ne se justifie pas sur la base des résultats obtenus par le programme «Auto oil II» sur la qualité de l'air et, par ailleurs, aucun scénario de réduction des niveaux de NOx et de HC de ces véhicules n'est prévu dans l'analyse du programme CAFE ni dans le document «Stratégie thématique sur la pollution atmosphérique» (10).

5.2

D'après les résultats du programme CAFE, le CESE se doit de conclure qu'il n'existe aucune raison évidente, en termes de bénéfices pour la qualité de l'air, qui puisse justifier les mesures indiquées dans la proposition à l'examen, et cela pour les motifs suivants:

valeurs limites de NOx: la réduction proposée représenterait un nouvel obstacle à la diminution de la consommation de carburant, et par conséquent, des émissions de CO2 des véhicules équipés d'un moteur à essence, ce qui constitue justement le défi le plus important auquel l'industrie doit faire face aujourd'hui. Parallèlement, les avantages pour l'environnement seraient tout à fait négligeables compte tenu du fait que, d'après les données CAFE, les véhicules à essence seront responsables seulement de 4 % des émissions totales de NOx dues au trafic routier (11),

valeurs limites de HC: la nouvelle limite proposée constituerait un obstacle insurmontable pour les véhicules au gaz naturel qui pourtant offrent un avantage considérable du point de vue de l'environnement. En effet, les émissions de HC sont constituées à 90 % de méthane, qui est un gaz notoirement stable et non polluant et dans lequel sont également absents les hydrocarbures aromatiques; les émissions de CO2 de ces véhicules sont par ailleurs inférieures de 25 % à celles des véhicules à essence. Si la réduction de 25 % des hydrocarbures non brûlés introduite par le règlement devait être confirmée, il ne serait plus possible de produire et de commercialiser des véhicules au gaz naturel, ce qui entraînerait des conséquences négatives pour les émissions de CO2. On se placerait, par ailleurs, en opposition avec les objectifs de remplacement établis par la Commission dans sa communication sur les carburants de substitution (12).

5.3

La proposition de la Commission élimine l'exemption permettant aux véhicules de transport de personnes, les véhicules de la catégorie M1, d'un poids supérieur à 2,5 tonnes (mais inférieur à 3,5 tonnes) d'être réceptionnés conformément aux limites prévues pour les véhicules utilitaires légers (N1).

5.3.1

Le CESE estime qu'il est nécessaire de distinguer les véhicules lourds, développés pour répondre à des besoins professionnels spécifiques, de ceux qui sont souvent achetés pour suivre une mode et pour gravir les trottoirs des grandes villes! Font en revanche partie du premier groupe les véhicules suivants:

les véhicules conçus pour accueillir sept passagers ou plus. Il s'agit de véhicules affectés au transport local (par ex. minibus, navettes, autocaravanes et véhicules destinés à un usage spécial, comme les ambulances). La capacité d'accueillir un nombre élevé de passagers et la capacité de chargement plus importante exigent la conception d'un véhicule plus lourd, plus haut et plus large, équipé de vitesses spécifiques et, par conséquent, ayant des émissions légèrement supérieures,

les véhicules tout terrain, d'un poids maximum supérieur à 2,5 tonnes. Ces véhicules constituent un instrument de travail essentiel pour les communautés rurales, ainsi que pour les services de secours, les organismes d'utilité publique et de nombreuses autres applications importantes, y compris les applications militaires. Pour ces raisons, leurs besoins spécifiques sont pris en considération par de nombreux systèmes législatifs et devraient continuer à bénéficier de ce traitement,

les volumes de production de ces deux segments de marché sont très limités et les émissions que l'on peut leur attribuer sont négligeables par rapport au calcul d'ensemble des émissions des véhicules. Leur impact sur la qualité de l'air est donc peu significatif à condition que l'on applique les mêmes règles que celles en vigueur pour les véhicules utilitaires légers.

5.3.2

L'on ne peut approuver la position de la Commission, d'après laquelle les conditions qui justifient la réception des véhicules de catégorie M1 d'un poids maximum supérieur à 2,5 tonnes dans les limites prévues pour les véhicules utilitaires légers, sont désormais absentes. Le CESE reconnaît parallèlement la nécessité de définir avec plus de précision quels véhicules peuvent se prévaloir de cette exception.

5.3.3

Enfin, la suppression sans discrimination de cette exception pour tous les véhicules lourds de catégorie M1 induirait le transfert vers des moteurs à essence, s'accompagnant d'une augmentation correspondante de la consommation de carburant et par voie de conséquence des émissions de CO2.

5.4

Le Comité partage l'avis de la Commission selon lequel l'accès aux informations sur la réparation des véhicules et une concurrence effective sur le marché pour les services de réparation des véhicules et les services d'information sont nécessaires pour faciliter la libre circulation des véhicules sur le marché intérieur. Cela a également été confirmé, entre autres, par le règlement de la Commission (CE) no 1400/2002 relatif à l'application de l'article 81 paragraphe 3 du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile, ainsi que par les directives 98/69/CE et 2002/80/CE.

5.4.1

Néanmoins, le CESE voudrait souligner qu'il convient de mettre à disposition sans restriction et de manière normalisée les informations relatives à la réparation des véhicules, puisque, en réalité, les fabricants automobiles tendent à diffuser ces informations au moyen de toutes sortes de supports et de documentations aux structures diverses. Cette pratique entrave de manière significative l'activité des opérateurs indépendants de services après-vente multimarques, et notamment des petites entreprises, acteurs prédominants sur le marché de la réparation automobile indépendante dans l'UE. Le CESE soutient en conséquence la proposition de la Commission d'inclure dans le règlement l'obligation de mettre à disposition les informations sur la réparation des véhicules notamment par l'intermédiaire de sites Web adoptant un format standardisé.

6.   Evaluations et recommandations spécifiques

6.1

Le texte de la proposition de règlement fait à plusieurs reprises référence à la future directive XXX/XX/CE. Compte tenu du fait que cette directive modifiera la directive cadre sur la réception, il conviendrait d'indiquer dès à présent de manière claire que l'on entend faire référence à la «Directive cadre sur la réception par type 70/756/CEE telle que modifiée par la directive XXXX/XX/CE».

6.2

Le 13e considérant prévoit l'obligation d'introduire une méthode normalisée de mesure de la consommation de carburant et établit la nécessité que les consommateurs et les usagers disposent d'informations précises et objectives: ces conditions sont par ailleurs déjà obligatoires (directive 1999/94/CE) et, il est totalement superflu de souligner à nouveau ces aspects.

6.3

Le CESE note que le texte de l'article 2, paragraphe 1, de l'article 4, paragraphe 1, et de l'article 5 de la proposition de règlement à l'examen n'est pas clair. En particulier:

6.3.1

L'article 2, paragraphe 1, spécifie les véhicules à moteur auxquels s'applique le règlement. L'article 4, paragraphe 1 et l'article 5 semblent quant à eux imposer à l'ensemble des modèles de véhicules couverts par le règlement (c'est-à-dire à ceux énumérés à l'article 2) une obligation de conformité aux prescriptions qui sont énoncées dans la longue liste suivante: émissions au tuyau arrière d'échappement, émissions à faible température ambiante, émissions par évaporation, fonctionnement des systèmes de diagnostic embarqués (systèmes OBD); durabilité et dispositifs anti-pollution, émissions au ralenti, émissions du carter, émissions de CO2 et consommation de carburant; opacité des fumées,

6.3.2

Les prescriptions énumérées ci-dessus induiraient par contre une augmentation non justifiée des essais à réaliser lors de la réception des modèles. À titre d'exemple, la mesure des émissions au ralenti ou des émissions par évaporation d'un véhicule diesel est tout à fait inutile. Il aurait été plus approprié et moins équivoque d'utiliser le tableau proposé par le schéma I.5.2. de l'annexe I de la directive 70/220/CEE (13).

6.4

Le CESE observe enfin un manque de clarté dans la définition du champ d'application en ce qui concerne les véhicules de catégorie M (véhicules de transport de passagers) équipés d'un moteur à allumage commandé, à l'exclusion des moteurs fonctionnant au gaz naturel et au GPL. Le texte du règlement (article 4 et article 5) semble en effet étendre l'ensemble des prescriptions aux véhicules de catégorie M2 et M3 également, alors qu'auparavant les véhicules de catégorie M d'une masse supérieure à 3,5 tonnes (par ailleurs très rares en Europe) devaient être uniquement conformes aux prescriptions des émissions au ralenti et des émissions du carter.

6.5

L'article 4, paragraphe 3, souligne l'obligation faite au constructeur de fournir à l'acheteur du véhicule les données techniques relatives aux émissions et à la consommation de carburant. Étant donné que cette obligation est déjà prévue par la directive 1999/94/CE, modifiée par la directive 2003/77/CE, ce paragraphe est superflu.

6.6

L'article 10 traite de la réception des composants de remplacement non originaux. L'article interdit en particulier la vente et l'installation de convertisseurs catalytiques de rechange, qui sont admises uniquement s'ils sont d'un type pour lequel une réception a été accordée, en conformité avec la proposition de règlement. Il n'est pas clair si la Commission souhaite limiter l'utilisation de ces catalyseurs aux véhicules immatriculés avant 1992 (et donc aux véhicules «pré-OBD»), en l'excluant pour les véhicules plus récents. Par ailleurs, la nécessité de la réception devrait être étendue à d'autres composants éventuels non originaux du système de contrôle des émissions, tels que les filtres à particules.

6.7

L'article 11, paragraphe 2, autorise les États membres à prévoir des incitations financières pour installer des systèmes d'adaptation (14) qui mettent les émissions de gaz d'échappement des véhicules en service en conformité avec les limites fixées par le règlement. La Commission ne précise pas néanmoins quelles procédures permettent de prouver la conformité de ces systèmes et ne spécifie pas si ces procédures sont déjà disponibles.

6.8

L'article 17 énumère une liste de directives (15) qui seront abrogées 18 mois après la date d'entrée en vigueur du règlement. Sur ce point, on peut toutefois noter que:

si l'intention de la Commission était d'inclure l'ensemble des directives qui modifient la directive 70/220/CEE concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux mesures à prendre contre la pollution de l'air par les gaz provenant des moteurs à allumage commandé équipant les véhicules à moteur, et la directive 80/1268/CEE concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la consommation de carburant des véhicules à moteur, cette liste est incomplète (par ex. la directive 70/220/CEE a fait l'objet de 18 modifications, mais seulement 6 d'entre elles sont mentionnées). Par conséquent, une approche plus simple consisterait à recourir à une formulation de ce type: «directive 70220/CEE, modifiée en dernier lieu par la directive 2003/76/CE et la directive 80/1268/CEE, modifiée en dernier lieu par la directive 2004/3/CE, sont abrogées avec effet à compter de …».

6.8.1

L'abrogation des directives mentionnées ci-dessus sur les émissions des véhicules et sur la consommation de carburant, prévue par le règlement et prenant effet 18 mois après l'entrée en vigueur dudit règlement, soulève de sérieux problèmes.

6.8.2

Cette date coïnciderait avec celle de l'entrée en vigueur des prescriptions relatives à la réception, même si elles se limitent aux nouveaux modèles de catégorie M1 introduits sur le marché par un constructeur. Les modèles M1 pour lesquels une réception a déjà été accordée à une date antérieure à celle indiquée ci-dessus, peuvent en effet être immatriculés pendant une période supplémentaire de 18 mois, sans qu'une nouvelle réception soit nécessaire. Des conditions similaires s'appliquent aux véhicules de catégorie N1 de classes II et III: les nouveaux modèles bénéficient d'une période supplémentaire de 12 mois pour être réceptionnés, alors que les véhicules pour lesquels une réception a déjà été octroyée au préalable et qui doivent être immatriculés, bénéficient d'une période supplémentaire de 30 mois.

6.8.3

La question est de comprendre comment il est possible d'émettre un certificat de conformité, exigé lors de l'immatriculation, alors que ce certificat ne peut se référer qu'à une directive qui a été abrogée.

Bruxelles, le 13 septembre 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Les véhicules de catégorie N sont ceux dotés d'au moins quatre roues et destinés au transport de marchandises. Ils se subdivisent en trois classes, N1, N2 et N3, en fonction du poids maximum: N1<3.500 kg; N2<12.000 kg; N3>12.000 kg. La classe N1 est subdivisée en trois sous-classes, dénommées NI,NII,NIII que l'on identifie toujours en fonction du poids.

(2)  On entend par véhicules de catégorie M les véhicules dotés d'au minimum quatre roues, et destinés au transport de personnes. Ils se subdivisent en trois classes (M1, M2, M3) en fonction du nombre de places disponibles et de leur poids maximum: M1<9 places; M2>9 places et <5.000 kg; M3>9 places et >5.000 kg.

(3)  JO L 350 du 28.12.1998, Directive 1998/69/CE.

(4)  OASIS, Organisation pour la promotion de la standardisation des normes de transmission de données — (Organization for the Advancement of Structured Information Standards).

(5)  CAFE, (Air pur pour l'Europe — Clean Air for Europe). Il s'agit d'un programme qui a été lancé par l'intermédiaire de la communication COM(2001) 245, et qui est destiné à développer une stratégie d'analyse pour évaluer les directives sur la qualité de l'air, l'efficacité des programmes en cours dans les États membres, une surveillance permanente de la qualité de l'air et la divulgation des informations au public, la révision et la mise à jour des limites d'émission ainsi que le développement de nouveaux systèmes de surveillance et de modélisation.

(6)  CARS 21, Cadre réglementaire concurrentiel pour le secteur automobile au XXIe siècle («Competitive Automotive Regulatory System for the 21st Century»). Il s'agit d'un groupe d'experts constitué de représentants de la Commission, du Parlement européen, des États membres, de l'industrie, des syndicats, des ONG et des consommateurs. Il a pour mission de formuler des recommandations afin d'améliorer la compétitivité de l'industrie automobile européenne, en tenant compte des aspects sociaux et environnementaux connexes.

(7)  À l'occasion de la réunion du groupe «Émissions des véhicules à moteur» («Motor Vehicle Emissions Group») (décembre 2005), la DG Entreprises a distribué le document qui avait été élaboré par le panel d'experts indépendants, et dans lequel sont exposés les résultats de l'analyse effectuée sur le rapport technologies/coûts appliqué aux véhicules respectant la norme Euro 5.

(8)  SEC(2005) 1745, Évaluation d'impact de la proposition de règlement en examen. §6.2. Scénarios de l'approche réglementaire, Tableau 1-Scénario G, p.17.

(9)  SEC(2005) 43, Document de travail des services de la Commission, «Incitations fiscales destinées aux véhicules à moteur devançant le programme Euro 5».

(10)  COM(2005) 446 final.

(11)  Informations disponibles sur le site WEB de l'Institut international pour l'analyse des systèmes appliqués (IIASA).

(12)  COM(2001) 547 final, communication dans laquelle l'objectif de remplacement des carburants traditionnels par du gaz naturel a été fixé à un taux de 5 % en 2015 et de 10 % en 2020.

(13)  Ce tableau définit les essais à effectuer en fonction du type de véhicule.

(14)  Par le terme «adaptation» («retrofit»), on se réfère à un équipement à installer sur un véhicule déjà en service afin de réduire encore ses émissions.

(15)  Directive 70/220/CEE, directive 80/1268/CEE, directive 89/458/CEE, directive 91/441/CEE, directive 93/59/CEE, directive 94/12/CEE, directive 96/69/CEE et directive 2004/3/CEE.


23.12.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/67


Avis du Comité économique et social européen sur le «Tourisme social en Europe»

(2006/C 318/12)

Le 19 janvier 2006, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis sur le «Tourisme social en Europe».

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 26 juillet 2006 (rapporteur: M. MENDOZA CASTRO).

Lors de sa 429e session plénière des 13 et 14 septembre 2006 (séance du 14 septembre 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 138 voix pour, 2 voix contre et 4 abstentions.

A.   PREMIÈRE PARTIE: ANALYSE DE LA SITUATION ACTUELLE

1.   Introduction

1.1

Le CESE, dans le cadre des différents avis qu'il élabore afin de participer à la définition d'une politique touristique européenne, a voulu rédiger un avis sur le tourisme dit «social». Il y analyse ses origines, sa présence et sa réalité actuellement en Europe, ainsi que les expériences des différents États membres et les valeurs du tourisme social. Il souhaite notamment formuler des recommandations destinées aux différentes institutions publiques ou privées afin d'améliorer le tourisme social en Europe, de le rendre plus effectif et plus universel. Le présent avis est en outre une contribution au débat actuel sur la politique touristique européenne au travers de l'examen du tourisme social en tant que partie intégrante du modèle touristique européen.

1.2

Le tourisme en Europe: situation actuelle et défis pour l'avenir. Divers rapports, études et avis ont présenté, d'une part, la situation actuelle du tourisme sous des perspectives très variées: économiques, sociales et environnementales, son importance considérable dans l'activité économique de l'Europe en général et de certains pays en particulier, son évolution positive en tant que contribution à la richesse et à l'emploi en Europe. Il en est ressorti qu'il s'agissait d'un secteur fort, stable et en pleine croissance. D'autre part, il a été tenu compte des différentes réalités et menaces internes et externes à court, moyen et long terme inhérentes au tourisme en ce qui concerne la saisonnalité, l'utilisation (parfois abusive) des ressources naturelles, le manque de valorisation du patrimoine culturel et de l'environnement local et la crainte du terrorisme qui conditionne la sécurité des populations et des touristes. Compte tenu de cette ambivalence, force est de constater que le tourisme devra relever des défis de grande importance afin de suivre la voie du développement durable. Parmi ces défis figurent notamment: l'accessibilité du tourisme pour tous, dans les faits; sa contribution effective au développement de nombreux pays du tiers monde; la durabilité environnementale; le respect du Code éthique du tourisme; la stabilité et la qualité de l'emploi et la contribution à la paix dans le monde. Pour un secteur aussi stratégique pour l'Europe que le tourisme, ces défis et tous les autres représentent la nécessaire contribution à une qualité de vie accrue pour tous.

1.3

La politique touristique dans l'UE. Le CESE a adopté le 6 avril 2005 un avis sur la «Politique touristique dans l'UE élargie» dans lequel il analyse en détail aussi bien la politique touristique actuelle à la lumière du traité sur la Constitution européenne que les répercussions des élargissements passés ou à venir. Dans cet avis, le Comité souligne le rôle du tourisme dans les activités de soutien, de coordination et de complément des autres politiques communautaires. Ainsi, le tourisme est clairement lié à la politique de l'emploi et à la politique sociale, à l'amélioration de la qualité, à la recherche et au développement technologique, à la protection des consommateurs, à la politique environnementale et à beaucoup d'autres politiques. Il convient de souligner que, en ce qui concerne cette politique de l'emploi et cette politique sociale, le présent avis entend concrétiser et analyser la contribution du tourisme social à celles-ci. Le CESE, au moyen de divers avis relatifs au tourisme, promeut l'élaboration de politiques européennes autour d'un axe définissant un modèle touristique européen, pas nécessairement fondé sur des règles mais sur des valeurs. Il estime que le tourisme social et les valeurs qui lui sont rattachées peuvent être une composante majeure de ce modèle et contribuer à son implantation et à sa diffusion.

1.4

Le défi de l'Agenda de Lisbonne et le tourisme social. Il convient de souligner le défi que constitue l'Agenda de Lisbonne pour le tourisme et plus particulièrement pour le tourisme social. Si l'objectif stratégique de l'Agenda consiste à faire de l'Europe «l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d'une croissance économique durable accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale» , nous devrons analyser si le tourisme social participe de façon efficace et positive à la réalisation de cet objectif et, si oui, comment améliorer cette contribution? Il va sans dire que, d'après nous, cette contribution existe véritablement, comme nous le verrons dans le présent avis, mais peut être renforcée et c'est pourquoi nous proposerons des mesures aux divers acteurs du tourisme social.

1.5

Antécédents du présent avis. Le présent avis a de nombreux antécédents, aussi bien sur le plan théorique (études, rapports, journées) que pratique (diverses activités et réalités du tourisme social en Europe). Ces nombreuses contributions proviennent de diverses institutions publiques et privées. En ce qui concerne le CESE, nous estimons qu'il convient de mentionner aussi bien l'avis adopté le 29 octobre 2003 (« Un tourisme accessible à tous et socialement soutenable» ) qui, au paragraphe 5.5.2, faisait déjà du tourisme social l'une de ses 100 initiatives pour l'action, que l'avis adopté le 6 avril 2005 ( «La politique touristique dans l'UE élargie» ), qui faisait du projet de tourisme social européen un éventuel projet pilote de coopération institutionnelle européenne.

2.   Le concept de tourisme social

2.1

Le droit au tourisme, base du tourisme social. Toute personne a droit au repos, que ce soit à un rythme quotidien, hebdomadaire ou annuel. C'est un temps de loisir qui lui permet de s'épanouir dans les différentes facettes de sa personnalité et de son intégration sociale. En définitive, nous avons tous le droit de mettre en pratique ce droit général au développement personnel. Le droit au tourisme est sans aucun doute la concrétisation de ce droit général et le désir de l'universaliser et de le rendre accessible à tous est ce qui fonde le tourisme social. Le tourisme social n'est donc ni une activité marginale ni une activité étrangère au tourisme en général (qui est une puissante industrie dans le monde, en Europe dans son ensemble et en particulier dans de nombreux pays de l'UE), mais une façon de concrétiser ce droit de tous au tourisme, au voyage, à la connaissance d'autres régions ou pays, fondement de l'activité touristique. Il y a lieu de souligner en particulier que ce droit figure à l'article 7 du Code éthique mondial du tourisme approuvé par l'Organisation mondiale du tourisme (CMET) à Santiago du Chili le 1er octobre 1999 et qu'il a été consacré comme un droit à part entière le 21 décembre 2001 par les Nations unies.

2.2

Définition du tourisme social. Compte tenu de la diversité de conceptions du «tourisme social» (ou de ce que l'on considère comme étant du tourisme social), il est difficile de définir précisément le concept de tourisme social et les différentes institutions qui ont abordé le sujet l'ont fait de façons très différentes: identification du contenu, des résultats attendus, de l'ensemble d'intentions, des idées et convictions, en se basant toujours sur la même réalité: tous, même les moins favorisés, ont besoin et ont le droit de s'accorder du repos, du temps de loisir et des périodes réparatrices du travail, que ce soit à un rythme quotidien, hebdomadaire ou annuel. Ainsi, selon le BITS, le tourisme social est l'ensemble des références et phénomènes résultant de la participation au tourisme de couches sociales à revenus modestes, participation qui a été rendue possible par des mesures sociales bien précises. Le BITS est actuellement en train de revoir cette définition afin de l'étendre à des activités de tourisme à condition qu'elles participent au développement et à la solidarité.

2.2.1

Pour la Commission européenne (1), le tourisme social est organisé dans certains pays par des associations, coopératives et syndicats et est destiné à rendre le voyage véritablement accessible auplus grand nombre et notamment aux classes sociales les plus défavorisées. Cette définition qui date déjà est en cours de révision à la suite des réunions techniques tenues ces dernières années sur ce thème. Nous considérons qu'aucune de ces tentatives de définition n'est suffisamment précise mais, comme souvent en matière de sciences sociales, la définition exacte est moins importante que l'identification des manifestations concrètes de ce que l'on tente de définir.

2.2.2

Par conséquent, sans chercher à définir précisément le tourisme social et en partant du principe que le tourisme est un droit général qui doit être accordé à toute personne, nous pouvons dire qu'il existe une activité de tourisme social à partir du moment où les trois conditions suivantes sont réunies:

existence d'une situation réelle d'incapacité totale ou partielle à exercer pleinement le droit au tourisme. Cela peut être lié à la situation économique, à une incapacité physique ou mentale, à une situation d'isolement personnel ou familial, de mobilité réduite, de difficultés géographiques ou à une grande variété de causes qui constituent au final un obstacle réel;

il faut que quelqu'un, que ce soit une institution publique ou privée, une entreprise, un syndicat ou simplement un groupe organisé de personnes, se propose d'agir (et agisse) pour vaincre ou réduire cet obstacle qui empêche une personne d'exercer son droit au tourisme;

cette action doit être effective et contribuer à ce qu'un groupe de personnes fasse du tourisme dans les conditions et en respectant les valeurs de durabilité, d'accessibilité et de solidarité.

2.2.3

En définitive, de la même façon que le tourisme en général est une activité qui regroupe plusieurs secteurs, branches d'activité et domaines, le tourisme social englobe l'ensemble des initiatives qui rendent le tourisme accessible aux personnes ayant des difficultés particulières et qui entraînent des effets positifs d'ordre social et économique, également dans divers secteurs, activités, collectivités et domaines.

2.3

Historique du tourisme social

L'origine des activités de tourisme social telles que nous les entendons aujourd'hui n'est pas claire. Peut-être pourrait-on la faire remonter aux organisations spécialisées dans les vacances à la montagne basées sur l'exercice physique qui sont apparues au début du XXe siècle, ou aux colonies de vacances destinées aux enfants des familles défavorisées en France et en Suisse.

Le début de l'intervention des pouvoirs publics dans les premières formes de tourisme social remonte aux années postérieures à la seconde guerre mondiale. Cette intervention était liée aux mouvements ouvriers pour lesquels certains pays européens (France, Italie, Portugal et Espagne) organisaient des activités de tourisme social alors que d'autres (Royaume-Uni, Pays-Bas) se distinguaient par une attitude non interventionniste en la matière.

C'est à partir des années 50 et 60 que de vastes efforts ont été mis en oeuvre pour promouvoir le tourisme social et que différentes organisations ont vu le jour, dans une volonté d'association, de coordination et d'organisation. Parmi elles, figure le Bureau international du tourisme social (BITS), implanté à Bruxelles, qui a beaucoup fait jusqu'à nos jours pour la promotion et la représentation du tourisme social.

2.4

Bases du tourisme social. Selon le BITS, le tourisme social est basé sur cinq critères de valeur:

2.4.1

Le droit au tourisme pour le plus grand nombre. C'est probablement la volonté de faire de ce droit une réalité qui justifie et fonde le plus les diverses actions du tourisme social. Bien entendu, la base sociale qui bénéficie de nos jours d'une période de vacances s'est très fortement élargie au travers de la socialisation du tourisme, mais il reste de nombreux groupes sociaux qui ne peuvent accéder aux vacances, pour des raisons très différentes. L'insuffisance des ressources économiques est probablement la principale cause qui empêche l'universalisation effective de ce droit. Se pose alors la question de la possibilité et de la nécessité que les pouvoirs publics garantissent avec des fonds publics ce droit au tourisme, aux vacances. Dans la réalité, les réponses varient nettement d'un pays à l'autre: certains sont engagés sur des critères sociaux, d'autres acceptent davantage une réalité qui empêche à certains de prendre des vacances. L'important est de souligner qu'en aucun cas le tourisme social ne peut ou ne doit être assimilé à un tourisme de qualité ou catégorie inférieure. Au contraire, les activités de tourisme social doivent être caractérisées par le soin apporté à la qualité totale, aussi bien au niveau des installations que du service.

2.4.2

La contribution du tourisme social à la socialisation. Le tourisme est un puissant outil de socialisation, de mise au contact d'autres réalités culturelles, géographiques et quotidiennes mais surtout, il met les gens en contact, alors que sans voyages, sans vacances, sans tourisme, ils n'auraient pas pu se rencontrer, dialoguer et se reconnaître comme égaux pour l'essentiel mais différents sur le plan culturel. Cet échange culturel, cette mise à profit du temps de loisir, est un important moyen de développement personnel aussi bien pour les touristes que pour ceux qui les reçoivent dans leur environnement local. Cet échange culturel né du tourisme est particulièrement important pour les jeunes, aussi bien pour leur formation intellectuelle que pour l'enrichissement de leur vision du monde. Dans le cas de l'Union européenne, le tourisme social peut contribuer très efficacement à la création de l'Europe des citoyens. Il convient de souligner qu'il est globalement admis que les circuits de tourisme social ne doivent pas être différents de ceux du tourisme en général, mais doivent servir à l'intégration sociale. Ce sont les différents acteurs du tourisme social qui doivent trouver dans les circuits touristiques généraux les conditions idéales pour en profiter, et pas le contraire. Bien entendu, cela suppose non seulement un effort sur les conditions matérielles mais également sur le type de service et, par conséquent, sur la formation spécialisée que les professionnels du secteur doivent recevoir.

2.4.3

La création de structures de tourisme durable sur le territoire. Dans la réalité, les infrastructures des territoires et destinations touristiques ne peuvent pas toujours être qualifiées de durables. Il semble plutôt que le tourisme se soit développé très souvent selon des critères de bénéfice à court terme, d'utilisation abusive des ressources naturelles, d'occupation des meilleurs territoires et notamment des côtes et de la haute montagne. Le tourisme social, fort de sa vision davantage centrée sur les conditions sociales que sur les conditions économiques, peut contribuer à la construction ou à la sauvegarde des destinations touristiques selon des critères de durabilité économique, sociale et environnementale. La manière dont est géré le tourisme social dans ses différentes manifestations est ce qui fonde sa capacité accrue à améliorer la durabilité des territoires et destinations touristiques. Si la durabilité est fondamentalement un équilibre entre différentes facettes de l'activité humaine, le tourisme social est un véritable outil pour les activités de développement durable dans de très nombreux pays encore sous-développés qui voient dans le tourisme une source d'activité économique qui peut les faire sortir de la pauvreté.

2.4.4

La contribution à l'emploi et au développement économique. Le tourisme dans son ensemble est probablement aujourd'hui (et continuera d'être à l'avenir) la première industrie du monde, l'une de celles qui contribuent le plus à l'emploi, au développement, à la richesse et à la qualité de vie des habitants des zones touristiques. Le tourisme social y participe pleinement mais n'a pas encore pris suffisamment conscience de sa propre force, de son importance économique, en définitive de son pouvoir pour imposer des critères de durabilité dans le choix des destinations. Les entreprises et organismes qui gèrent le tourisme social doivent prendre en compte des critères qui ne sont pas uniquement économiques pour le développement de leurs activités. L'un des critères à utiliser est celui de la création d'emplois stables et de qualité, pièce maîtresse du développement durable des destinations touristiques. En particulier, le degré de contribution du tourisme social à la lutte contre la saisonnalité est un critère fondamental lié à l'objectif de qualité et de stabilité de l'emploi, critère qui doit faire partie intégrante du modèle de tourisme européen. Le partenariat public-privé dans la gestion du tourisme social peut être un bon instrument et un bon indicateur du respect de ce critère.

2.4.5

La contribution du tourisme social au développement mondial. Nous avons déjà dit que le tourisme et notamment le tourisme social peuvent être, pour de nombreux peuples, une façon de sortir du sous-développement ou d'unesituation de crise industrielle et d'abandon de l'activité minière, industrielle ou agricole. Les critères sont identiques entre les conditions dans lesquelles doit se développer le tourisme social et les conditions pour qu'un territoire et sa population trouvent dans l'activité touristique le moteur de leur développement. Dans la mesure où les populations peuvent se contenter de l'activité touristique, l'économie locale et l'enracinement social sont garantis. Comme le recommandent de nombreux organismes internationaux, l'activité touristique est un bon antidote aux guerres et à toutes sortes de catastrophes. Le tourisme est synonyme d'accueil, d'échange, de valorisation de l'aspect local, d'amitié et de communication entre les individus alors que la guerre est synonyme d'agression, d'invasion et de destruction de la nature. Si l'on n'aime que ce que l'on connaît, le tourisme est un instrument de rapprochement, de connaissance des peuples et par conséquent de paix, de concorde et de développement. Le tourisme social, de son côté, peut et doit se réaffirmer et agir en faveur de la mise en place dans le monde entier de conditions d'égalité, de justice, de démocratie et de bien-être rendant possible le développement solidaire de tous les peuples du monde.

2.5

Principes et conditions du tourisme social et de sa gestion. Il convient d'analyser les éléments et critères qui définissent les activités de tourisme social et leur mode de gestion, afin de pouvoir différencier ce qui peut être conceptualisé en tant que «tourisme social» de ce qui ne mérite pas l'appellation de «social». En reprenant les références du BITS, nous pouvons citer quelques uns de ces critères qui définissent le concept général de «tourisme»:

avoir comme principale finalité de rendre l'activité touristique accessible à tous les groupes ou à un groupe donné de population pour lesquels il est difficile de faire du tourisme;

être ouvert à des groupes de population et catégories de public très divers. De même, être ouvert à différentes formules de gestion et à divers opérateurs du tourisme social;

définition correcte des groupes de la population auxquels les activités sont destinées (classes sociales, différentes catégories d'âge, personnes handicapées) en excluant systématiquement toute discrimination en raison de la race, de la culture ou de la situation sociale;

intégration des actions et objectifs à caractère humaniste, pédagogique, culturel et, plus généralement, liés au développement personnel;

transparence dans la gestion économique de l'activité, le bénéfice étant réduit au strict minimum permettant de satisfaire aux objectifs sociaux;

intégration dans le produit touristique d'une valeur ajoutée non monétaire;

manifestation d'une nette volonté d'intégration de l'activité touristique à l'environnement de la destination, de manière durable;

gestion du personnel valorisée, favorisant l'intégration, fondée sur la qualité de l'emploi des salariés des organisations qui se consacrent au tourisme social.

Ces critères ainsi que d'autres critères similaires peuvent servir de lignes directrices pour les acteurs du tourisme social et pour l'identification de cette activité.

2.6

La rentabilité des entreprises et le tourisme social. Le tourisme social est et doit être une activité économique, même si ce n'est pas son seul objectif. En tant que telle, il doit être régi par les principes de base de rentabilité des investissements et de réalisation d'un bénéfice suffisant pour poursuivre et atteindre ses principaux objectifs. Seules les entreprises compétitives et rentables au sens large peuvent proposer des produits de qualité, sûrs et présentant des garanties pour les consommateurs. L'hétérogénéité du tourisme social montre que les entreprises et organisations qui se consacrent à cette activité l'exercent de façon rentable étant donné qu'elles ont une structure consolidée, un marché adéquat et des prix cohérents avec ce marché. Il convient notamment de mentionner la création d'emplois induite par les organisations de tourisme social, aussi bien durant toute l'année que durant la basse saison, ce qui pallie le chômage des travailleurs concernés.

2.7

La rentabilité sociale du tourisme. Si le tourisme social est une activité économique, c'est également une véritable activité sociale, qui procure des avantages dans ce domaine. L'usager en bénéficie pour ses vacances, les salariés du secteur du tourisme en bénéficient dans leur emploi et la société dans son ensemble en bénéficie sur le plan social. Dans le cas de l'Europe, le tourisme social fait partie intégrante de la construction de l'Europe des citoyens et son influence à ce niveau ne pourra que croître. Les voyages en Europe du plus grand nombre de citoyens possible se traduiront sans aucun doute par une connaissance, une compréhension et une tolérance accrues.

2.8

Différentes conceptions et visions du tourisme social en Europe. Les conceptions de ce que l'on appelle aujourd'hui «tourisme social» divergent selon les pays de l'UE qui mettent en oeuvre des programmes de tourisme social, mais nous pouvons considérer qu'il existe trois éléments communs:

la capacité réelle de disposer de temps libre pour partir en vacances,

la capacité financière de se déplacer et voyager,

l'existence d'un canal, d'une structure ou d'un instrument permettant de rendre accessibles ces droits dans la pratique.

2.8.1

Les formes suivantes de tourisme sont donc considérées comme du tourisme social: un ensemble de voyages et d'activités organisés par les syndicats, le tourisme familial, celui d'inspiration religieuse, le tourisme organisé par les entreprises pour leurs salariés, le tourisme organisé par les institutions publiques, le tourisme pour les personnes handicapées, le tourisme des jeunes ou des seniors, etc.

2.9

Les organismes de tourisme social. Les organismes qui interviennent dans la réalité et la gestion du tourisme social dans l'ensemble de l'UE sont également nombreux. Citons:

les fédérations ou associations nationales,

les établissements publics, que le tourisme social soit leur seule activité ou simplement l'une de leurs activités,

les associations: de tourisme social, sportives, culturelles,

les organismes de coopération,

les syndicats,

les organismes de gestion mixte ou paritaire.

3.   Les acteurs du tourisme social et leurs rôles

3.1

Les institutions européennes. Les différentes institutions européennes montrent un intérêt croissant pour l'activité de tourisme social, comme le soulignent les divers études, avis, rapports et conférences actuellement réalisés, promus ou organisés par le Parlement, la Commission et le CESE. Leur activité est principalement centrée sur l'obtention, l'inventaire et la diffusion du large éventail d'expériences des différents États membres. La Commission joue en particulier un rôle de promoteur des nouvelles expériences au niveau de chaque pays et de mise en relation des responsables nationaux souhaitant participer à des expériences transnationales. La Commission ne semble pas jouer à l'heure actuelle le rôle de coordinateur global d'expériences de tourisme social à l'échelle de l'UE. Il convient de s'intéresser tout particulièrement à l'enquête réalisée récemment par l'unité «Tourisme» de la DG Entreprises sur la participation des citoyens européens à l'activité touristique et les motifs qui expliquent la non-participation d'environ 40 % des citoyens européens à celles-ci. La Commission pourrait assumer à l'avenir le rôle de coordinateur et intégrateur d'une plateforme de tourisme social au niveau européen. Ce rôle ne se traduirait pas nécessairement par des apports financiers des institutions européennes pour le développement de cette plateforme commune transnationale.

3.2

Les gouvernements des États membres. Comme nous l'avons déjà dit, la présence des gouvernements des États membres dans les activités de tourisme social est très variable d'un État membre à l'autre, en fonction de leur degré d'implication, de raisons historiques, idéologiques et liées à la configuration sociale. Dans certains pays, le gouvernement, que ce soit l'État, les régions ou les administrations locales, prend à sa charge des aides financières importantes. Ces aides sont souvent segmentées entre différents groupes: jeunes, seniors, personnes handicapées, personnes défavorisées, etc. À l'heure actuelle, les gouvernements s'efforcent de faire dépasser les frontières nationales à leurs programmes de tourisme social, sous forme d'échanges transnationaux.

3.3

Les employeurs. Il convient de souligner qu'il existe des expériences, telles que le «Chèque-Vacances», aux travers desquelles les employeurs participent économiquement aux vacances de leurs salariés. Il faut également tenir compte du fait que, comme nous l'avons déjà dit, le tourisme social est une activité économique très importante et très puissante et attire par conséquent des chefs d'entreprises du secteur du tourisme qui y voient une possibilité d'accroître leur activité de prestation de services ou d'intermédiation. Il convient de citer le cas de l'entreprise espagnole Mundo Senior, composée de plusieurs grandes entreprises du tourisme réunies à l'origine pour gérer le programme de tourisme social du Ministère du travail et de la sécurité sociale, qui a élargi son objet social et son activité pour proposer des produits touristiques spécialisés dans la clientèle senior. Il est évident que la compétitivité et le caractère social de l'activité ne sont pas incompatibles. Il paraît clair qu'à l'avenir des expériences de partenariat public-privé peuvent et doivent être développées afin d'élaborer des programmes rentables de tourisme social aussi bien sur le plan national qu'international au sein de l'UE.

3.4

Les salariés. Les syndicats, organisations de défense des salariés, ont été très présents dans l'activité touristique dès le début du tourisme social, afin d'obtenir des avantages pour leurs membres. Cette présence se manifeste aussi bien au travers d'infrastructures matérielles, villages de vacances, résidences, etc. que de simples services spécialisés. Les expériences diffèrent en fonction des pays mais l'activité de tourisme social d'origine syndicale est présente dans la quasi-totalité des pays. Les organisations syndicales des nouveaux États membres, qui recherchent un modèle valable de tourisme social et des relations avec des expériences mieux consolidées, méritent une mention spéciale. Il convient également de mentionner à ce sujet l'intéressante étude réalisée par le BITS en mai 2005 sur les activités des différents syndicats en matière de tourisme pour les salariés. Cette étude analyse une par une les activités existant actuellement dans les 25 États membres. Il s'agit sans aucun doute d'un bon outil de connaissance et d'analyse de la réalité sur cette question.

3.5

Les associations spécialisées. Parmi elles, il faut citer le cas des coopératives de consommation qui disposent dans certains pays (Italie et Royaume-Uni) de vastes réseaux d'agences pour canaliser le tourisme social. Les organisations de jeunes et de défense de l'environnement actives dans ce domaine méritent d'être citées. Il faut également mentionner les organismes associatifs des organisations de tourisme social tels que le BITS, qui réalise des travaux d'importance capitale en matière de soutien, de coordination et d'impulsion.

3.6

Les groupes directement ou indirectement ciblés par le tourisme social. Les usagers sont bien entendu les véritables protagonistes des divers programmes et activités de tourisme social. Ce sont eux qui bénéficient en premier lieu d'avantages économiques leur permettant de profiter de leur temps de loisir, de leurs vacances, en pratiquant les activités sportives ou culturelles de leur choix. En second lieu, ce sont eux qui profitent d'un tourisme respectueux des ressources locales, patrimoniales et environnementales et de la relation avec les habitants des destinations, activités qui servent toutes à parvenir à la connaissance mutuelle, au repos et à l'équilibre personnel. De même, les communautés locales qui accueillent du tourisme social en profitent sous forme d'emplois, d'activités économiques et de développement.

4.   La réalité du tourisme social dans l'Europe d'aujourd'hui

4.1

Théories, réglementation et programmes. Les théories, réglementations et programmes en matière de tourisme social ne sont pas très nombreux dans l'Europe d'aujourd'hui. En revanche, il existe d'assez nombreuses études et enquêtes qui tentent d'inventorier et d'analyser de manière comparative les différentes réalités du tourisme social qui existent en Europe. Certaines d'entre elles sont énumérées au point D du présent avis à titre de références documentaires et techniques.

4.2

Diverses expériences pratiques en Europe. Comme nous l'avons déjà dit, au cours de la période d'étude du groupe de travail, lors de l'audition des 4 et 5 mai 2006 à Barcelone et au moyen des expériences exposées lors de la conférence «Tourisme pour tous» organisée par le BITS et la Commission européenne, de nombreuses expériences pratiques en Europe ont été détectées et mises en lumière. Toutes sont un véritable succès. Cet avis ne prétend pas réaliser une étude détaillée de ces expériences mais nous pensons qu'il est intéressant de mentionner quelques-unes des plus significatives, qui contribuent sans aucun doute à valoriser de façon très positive le tourisme social et peuvent orienter les travaux d'autres agents du tourisme social ou des États ou régions qui, pour différentes raisons n'ont pas de programme dans ce domaine.

4.2.1

L'Agence Nationale pour les Chèques-Vacances (ANCV), qui, en France, représente un volume d'activité économique considérable (estimé pour l'année 2005 à environ un milliard d'euros). Il s'agit d'un établissement public de type industriel et commercial créé en 1982 et qui, après plus de 23 ans d'existence, continue d'être un instrument utile de politiques sociales pour le tourisme.

4.2.1.1

Ses objectifs sont triples:

favoriser le véritable départ en vacances pour le plus grand nombre et notamment pour les personnes ayant les plus faibles revenus;

offrir une liberté d'utilisation au moyen d'un vaste réseau de professionnels du tourisme aptes à répondre de manière qualitative à toutes les demandes;

participer au développement touristique en contribuant à une meilleure répartition territoriale de l'activité touristique.

4.2.1.2

Il convient de préciser que le Chèque-Vacances est perçu chaque année par environ 2,5 millions de personnes et qu'il bénéficie à environ 7 millions de voyageurs. Les organismes prescripteurs et qui participent à son financement sont plus de 21 000 et environ 135 000 professionnels du tourisme et des loisirs participent à cette prestation.

4.2.1.3

Ce programme permet en outre de favoriser le départ en vacances de personnes particulièrement défavorisés, personnes handicapées, jeunes, etc. grâce à des bourses de voyage totalisant environ 4,5 millions d'euros. L'Agence investit également beaucoup dans la modernisation des installations de tourisme social.

4.2.1.4

Dans l'ensemble, ce programme semble avoir réussi à assurer sa continuité et sa rentabilité; les études économiques confirment que la rentabilité financière via l'impact sur l'activité économique est bien réelle.

4.2.1.5

L'objectif de l'Agence pour les années à venir est la poursuite de son extension et de la diffusion de son activité chez les usagers et les professionnels du tourisme. Peut-être pourrait-on ajouter le caractère transnational de ce programme au moyen de concertations avec d'autres pays de l'UE; il ne fait aucun doute que les bénéfices seraient mutuels et que cela aurait valeur d'exemple et une grande portée économique et sociale.

4.2.2

Le programme de tourisme social de l'Institut espagnol des migrations et services sociaux (IMSERSO), qui répond à des objectifs similaires mais avec une formulation et des instruments différents. Plus d'un million de personnes par an bénéficient de voyages organisés, en groupes, en basse saison, et ce programme est particulièrement destiné aux seniors. L'État espagnol investit environ 75 millions d'euros par an dans le programme mais, au travers de divers mécanismes d'imposition (TVA, IAE, bénéfices des entreprises et revenu des personnes physiques), de l'augmentation des recettes provenant des cotisations de sécurité sociale et des économies réalisées en matière de prestations chômage, il perçoit environ 125 millions d'euros, d'où une forte rentabilité économique.

4.2.2.1

Il est évident que ce programme est rentable sur le plan social et sur le plan économique: d'une part, il a permis à d'importants groupes de la population senior de voyager pour la première fois, de découvrir d'autres villes et réalités, d'élargir leurs relations sociales sur un pied d'égalité, d'améliorer leur condition physique, tout cela avec des paramètres raisonnables de qualité et d'acceptation des usagers; d'autre part, il y a un effet de récupération à hauteur de 1,7 euros par euro investi dans le programme.

4.2.2.2

Il convient de mentionner les retombées que ce programme produit sur l'emploi: environ 10 000 salariés directs qui n'ont plus à s'inscrire au chômage en basse saison puisque les hôtels et autres établissements ainsi que les commerces restent ouverts.

4.2.2.3

Le programme ne cesse de se développer et d'évoluer, à la recherche de nouvelles formules de tourisme social à plus forte valeur culturelle, sanitaire et sociale, comme c'est le cas des séjours en station thermale, qui remportent un grand succès, ou des circuits et événements culturels.

4.2.2.4

Comme dans le cas de la France, les possibilités de croissance du programme sont très importantes, non seulement sur le plan national mais également sur le plan transnational. À l'heure actuelle, l'IMSERSO a déjà des accords avec son homologue portugais pour des échanges de touristes et envisage de faire de même avec la France, ce qui pourrait être un modèle exportable très intéressant pour les reste de l'Europe.

4.2.3

Autres expériences. Outre ces deux importants programmes de tourisme social en Europe, il existe d'autres bons exemples, certes plus limités, plus circonscrits à certains groupes d'usagers mieux définis, mais ils n'en sont pas moins valables. C'est le cas de l'exemple, étudié lors de l'Audition de Barcelone, de la Plataforma representativa estatal de discapacitados fisicos (Plate-forme gouvernementale représentative des handicapés physiques) ou PREDIF, centrée sur un groupe bien précis mais qui gère de façon remarquable un programme de vacances pour ce groupe de population.

4.2.3.1

Dans une autre perspective également très intéressante, il convient de citer l'expérience commune de trois organisations, l'une britannique, Family Holiday Association, la deuxième belge, Toerisme Vlaanderen, et la troisième française, Vacances Ouvertes, qui se coordonnent pour permettre le «Tourisme pour tous» dans ces trois pays.

4.2.3.2

Il existe également, dans divers pays européens, des activités de tourisme social. C'est notamment le cas au Portugal, en Pologne et en Hongrie où les syndicats jouent un rôle important, ainsi qu'en Italie avec le programme promu par les coopératives de consommation. En définitive, l'on peut affirmer que la variété des expériences ainsi que le nombre et la diversité des bénéficiaires sont en augmentation dans tous les pays d'Europe.

4.2.3.3

De même, l'on constate que certaines régions et municipalités développent sous une forme ou une autre des expériences de tourisme social. C'est le cas de la Communauté autonome des Iles Baléares avec son Plan OCI 60.

4.2.3.4

Sur le plan régional, l'Andalousie (Espagne) développe son programme «Residencias de tiempo libre» et, de sa propre initiative, le programme «Conoce tu costa» (Découvrez votre côte), expérience de coopération entre le gouvernement régional et les municipalités pour favoriser le tourisme des seniors au sein de la Communauté autonome.

4.2.3.5

Il convient également de mentionner la présence du tourisme social sur le portail touristique de l'UE, www.visiteurope.com, qui doit devenir le lieu de consultation de l'ensemble de l'activité touristique européenne et notamment du tourisme social.

4.3

Valeurs globales du tourisme social. Les valeurs du tourisme social, valeurs qu'il apporte à la société européenne, sont très nombreuses. Citons notamment:

la satisfaction des bénéficiaires, non seulement du fait de l'activité directe de vacances en elle-même, mais aussi du fait de la forme particulière sous laquelle se déroule cette activité de loisirs;

la dimension et les valeurs humaines de l'activité;

l'amélioration de l'équilibre et du développement personnels des bénéficiaires et de la communauté d'accueil;

la rentabilité et les bénéfices économiques pour l'industrie du tourisme, en particulier du fait de l'allongement de la haute saison;

les bénéfices en matière de création d'emplois stables et de qualité à l'année;

le maintien de conditions de durabilité dans les destinations touristiques;

la valorisation de l'environnement local, de ses ressources naturelles, sociales, culturelles et patrimoniales;

le renforcement des connaissances et des échanges entre les divers pays de l'UE.

4.3.1

Cet ensemble de valeurs, les succès que connaît actuellement le tourisme social, les perspectives de croissance de l'activité ainsi que la recherche et l'apparition de nouveaux produits font que le tourisme social a une excellente image en Europe, à tous les points de vue.

4.3.2

Cette image positive sous tous les aspects et sous tous les angles est ce qui nous permet de qualifier l'activité de tourisme social de «miracle». En effet, tous les acteurs et usagers en tirent tout type de bénéfices: économiques, sociaux, pour la santé, pour l'emploi, pour la citoyenneté européenne, etc., et cette activité ne nuit à personne. En définitive, il est difficile de trouver une autre activité humaine et économique qui bénéficie d'une reconnaissance et d'un soutien aussi unanimes.

4.3.3

Il n'est donc pas difficile de recommander vivement dans le présent avis des propositions et formules permettant d'une part de consolider et d'améliorer les programmes existants et d'autre part d'élargir leurs effets bénéfiques à de plus vastes couches de la population.

B.   DEUXIÈME PARTIE: PROPOSITIONS

5.   Vers une plateforme européenne de tourisme social

5.1

Conditions préalables. Nous avons pu constater précédemment que, indépendamment de la définition du tourisme social, de son financement et de sa gestion, c'est une puissante réalité économique et sociale, rentable et stable, qui remplit ses objectifs avec un niveau élevé de satisfaction de la part des bénéficiaires, qui contribue à l'emploi, à la «désaisonnalisation» de l'activité touristique, et qui est très valorisée dans le monde entier et particulièrement en Europe. Il s'agit donc d'étudier comment élargir et généraliser l'effet bénéfique que le tourisme social à l'heure actuelle sur les personnes, sur les entreprises et sur l'ensemble de la société.

5.1.1

Il n'est pas facile de conceptualiser en un seul terme l'activité de tourisme social à l'échelle de l'Europe: l'on peut parler de «plateforme», de «projet», de «programme», d'«initiative». Bien que ces concepts n'aient pas nécessairement la même signification, ils font tous allusion à une activité organisée, avec des objectifs clairs, sur le plan supranational européen. Dans le présent avis, étant donné qu'il s'agit d'une proposition générale, ces termes sont utilisés indifféremment, en attendant de voir ce que cette future plateforme deviendra dans la réalité.

5.1.2

Par ailleurs, l'on constate que la réalité du tourisme au niveau européen présente actuellement un certain nombre de déficiences et des menaces à moyen terme:

saisonnalité de plus en plus marquée et préoccupante de l'industrie du tourisme, aussi bien dans le Nord de l'Europe que dans le centre et sur le littoral méditerranéen: zones désertes en basse saison, carence en infrastructures adéquates pour toute l'année;

sous-utilisation des ressources humaines en basse et moyenne saisons;

forte augmentation de la population active du fait de l'émigration, ce qui oblige à accroître l'activité économique pour, au minimum, préserver le niveau de vie;

difficultés pour l'industrie du tourisme de conserver des niveaux adéquats de prix et d'occupation moyenne sur toute l'année afin de garantir sa rentabilité à moyen terme;

existence de limites objectives à la capacité touristique des exploitations;

le développement durable du secteur du tourisme requiert nécessairement l'amélioration de la valeur ajoutée de chaque destination à l'année en augmentant la qualité et par conséquent le prix ou l'occupation moyenne annuelle grâce à l'allongement de la durée d'ouverture des établissements touristiques;

l'émergence de nombreuses destinations touristiques de par le monde qui offrent des produits et des services innovants et compétitifs. Cette nouvelle concurrence doit être avant tout une nouvelle incitation à améliorer la qualité et la compétitivité.

5.1.3

Il existe également des éléments qui représentent d'évidentes opportunités pour la viabilité d'une éventuelle plateforme ou projet de tourisme social européen:

augmentation graduelle, en termes absolus et relatifs, en Europe, du nombre de citoyens inactifs mais disposant de retraites et d'un niveau de vie adéquat;

augmentation progressive de l'espérance de vie des Européens;

augmentation du temps de loisirs moyen dont dispose une personne au cours de sa vie et notamment lorsqu'elle est senior;

diminution du coût des transports grâce à l'apparition des compagnies à bas prix, ce qui joue en faveur de la mobilité et du tourisme;

amélioration du niveau culturel, ce qui joue en faveur de l'activité touristique responsable et durable;

réussite, dans toute l'Europe, des programmes de tourisme social;

incorporation de nouveaux pays dans l'UE, ce qui élargit le marché et les possibilités de voyages.

5.2

Une éventuelle plateforme de tourisme social européen pourrait avoir plusieurs objectifs:

généraliser et élargir les programmes actuels et le nombre de bénéficiaires du tourisme social des divers pays européens jusqu'à ce que chaque pays dispose de son propre programme;

ajouter un aspect transnational aux programmes existants grâce à des accords de coopération bilatéraux ou multilatéraux;

créer les conditions pour la création et la mise en place d'une plateforme de tourisme social de portée européenne grâce à laquelle les bénéficiaires potentiels seraient tous les citoyens européens qui auraient ainsi la possibilité de visiter d'autres pays de façon abordable et durable. En ce sens, il serait intéressant de connaître le nombre de citoyens européens qui n'ont jamais visité un autre pays européen. Ce nombre serait sans aucun doute assez important et constituerait la base du programme en question;

promouvoir l'implantation progressive d'une activité de tourisme social à l'échelle européenne, à laquelle participeraient le plus grand nombre possible d'États.

5.3

Agents et groupes impliqués dans la plateforme de tourisme social européen. Il pourrait s'agir:

des organisations qui gèrent actuellement les programmes de tourisme social dans les différents pays;

des organisations syndicales et des coopératives intéressées par le développement du programme;

des chefs d'entreprises du secteur du tourisme au sens large qui souhaitent améliorer la rentabilité durable de leurs établissements;

des gouvernements nationaux, régionaux et locaux qui souhaitent agir dans le domaine touristique, dans son amélioration et dans le développement personnel et social de leurs citoyens;

de l'Union européenne et de ses institutions, qui souhaitent élargir et promouvoir l'emploi, l'activité économique et la citoyenneté européenne. Compte tenu de la dimension supranationale de la plateforme, les institutions de l'UE devraient jouer en outre un rôle de coordination et de suivi des conditions de développement du programme ainsi que de leadership pour son implantation;

des organisations de tourisme social, notamment le BITS.

5.4

Éléments fondamentaux du tourisme social européen. Pour être viable du point de vue social et économique, une plateforme de tourisme social européen devrait comporter les éléments suivants:

être destinée aux populations les plus défavorisées sur le plan économique, territorial ou social. Elle devrait s'adresser plus particulièrement aux personnes handicapées physiques ou mentales ou ayant des difficultés pour voyager en raison de la réalité géographique dans laquelle elles vivent comme les îles européennes, par exemple. Cela suppose une prise en charge des frais du voyage, partielle, juste et équitable, indépendamment de sa durée et de la durée des séjours afin de compenser cette réalité vécue par les populations défavorisées, comprise dans un sens très large;

être globalement rentable du point de vue économique et social à court, moyen et long terme, aussi bien pour le privé que pour le public;

créer des emplois stables et de qualité à l'année. Une gestion centralisée ainsi que la recherche de l'optimisation des séjours dans les établissements de tourisme seraient indispensables afin d'atteindre cet objectif lié à l'emploi;

fonctionner durant la basse saison touristique;

fonctionner sous des conditions de durabilité et d'enrichissement personnel et social, aussi bien pour les bénéficiaires que pour les communautés qui les accueillent;

préserver un niveau élevé de qualité des prestations qui soit cohérent avec les objectifs;

se développer sous forme de coopération public-privé.

Si ces conditions sont remplies, le tourisme social sera sans doute un élément fondamental et partie intégrante du Modèle touristique européen.

5.5

Coopération public-privé dans le projet. La viabilité du programme serait sans doute largement conditionnée mais également favorisée par une coopération public-privé effective au niveau de sa conception, de son élaboration et de sa gestion. Il semble possible, voire facile, de trouver en Europe des organisations et entreprises prêtes à entreprendre le développement d'une plateforme de tourisme social européen.

6.   Effets et résultats d'une plateforme de tourisme social européen

6.1

Sur la croissance et l'emploi. Si cette plateforme, dans ses différentes phases, voyait le jour, les effets sur la croissance et l'emploi seraient très importants et contribueraient sans aucun doute à la réalisation de l'objectif fixé lors du sommet de Lisbonne. L'expérience, notamment celle du programme espagnol IMSERSO, montre clairement que le tourisme social a des répercutions positives sur le maintien et la création d'emploi pendant la basse saison.

6.2

Sur le droit effectif au tourisme. A l'heure actuelle, selon les statistiques disponibles, environ 40 % des citoyens ne bénéficient pas de vacances. La plateforme de tourisme social européen aurait donc comme objectifs de réduire substantiellement ce pourcentage (et y contribuerait sans aucun doute), de rendre effectif le droit au tourisme pour tous et d'améliorer la connaissance mutuelle des peuples d'Europe.

6.3

Sur le modèle touristique européen. Dans divers avis sur le tourisme, le CESE s'est dit convaincu de la possibilité de construire un modèle de tourisme européen reposant non pas sur une réglementation mais sur des valeurs acceptées et appliquées par le plus grand nombre. L'une de ces valeurs serait sans aucun doute l'universalisation du tourisme, c'est-à-dire le tourisme pour tous. La plateforme de tourisme social européen pourrait contribuer largement à l'affirmation du modèle touristique européen.

7.   Contribution du tourisme, en particulier du tourisme social, à la construction d'une identité et d'une dimension européennes

7.1

Ces derniers temps, nous avons pu constater que la construction européenne n'est ni facile ni rapide; aujourd'hui encore, il reste de nombreuses incertitudes et difficultés à vaincre. Le tourisme social peut être un puissant outil d'information, de connaissance mutuelle des citoyens, de solidarité entre les peuples et, en définitive, de construction de l'Europe des citoyens, non pas au travers de sacrifices et de moments pénibles mais bien grâce à la possibilité de profiter du temps libre, des voyages et des vacances. Il ne peut y avoir meilleure formule. Plus particulièrement, les jeunes constituent une catégorie qui a tendance à voyager davantage en haute saison, période durant laquelle les différentes installations à caractère résidentiel en rapport avec l'éducation ne sont pas occupées et pourraient partant accueillir temporairement des actions de tourisme similaires au programme Erasmus.

7.2

Il semble que l'activité touristique soit une bonne manière de construire cette Europe des citoyens; les différentes catégories concernées ainsi que le secteur de l'économie touristique et les communautés locales peuvent faire converger leurs intérêts pour une expérience agréable et accessible à tous.

C.   TROISIÈME PARTIE: CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

8.   Conclusions

8.1

La première conclusion générale de l'analyse réalisée par le présent avis sur la réalité du tourisme social aujourd'hui en Europe est qu'il s'agit d'une activité durable du point de vue environnemental, économique et social. C'est en outre une activité de première importance dans chacun de ces trois domaines.

8.2

Les bénéfices économiques, sociaux, sur la santé et sur l'intégration perçus par tous les usagers et agents participant aux programmes de tourisme social sont très largement reconnus et lui procurent une forte valeur ajoutée.

8.3

Les différents groupes bénéficiaires du tourisme social, notamment les personnes handicapées et/ou à mobilité réduite, retirent de ces programmes un véritable plus pour leur pleine intégration en tant qu'individus.

8.4

Le tourisme social en Europe compte de très nombreux acteurs, formes de développement, groupes cibles, instruments financiers, etc. qui l'enrichissent, le diversifient et participent à son développement et à son évolution.

8.5

En particulier, il faut conclure qu'il est démontré que la rentabilité sociale du tourisme social n'est pas incompatible avec sa rentabilité économique et entretient même une relation positive avec cette dernière.

8.6

Il est économiquement viable et socialement souhaitable que chaque pays de l'UE développe un programme national de tourisme social sous des formules et des formes de gestion très diverses.

8.7

Il est économiquement viable et socialement souhaitable de parvenir à la création d'une plateforme ou d'un programme transnational de tourisme social européen.

8.8

Toute activité de tourisme social doit tenir compte dans son développement d'un ensemble de valeurs de durabilité et de création d'emploi, conformément à la stratégie de Lisbonne.

8.9

Le tourisme social peut être un instrument de grande valeur pour la création de l'Europe des citoyens, de tous les citoyens mais plus particulièrement, le rôle des jeunes dans ce processus revêt une grande importance.

8.10

Le tourisme social est une activité porteuse de certaines des valeurs pouvant entrer dans la composition du modèle touristique européen.

8.11

Toutes les communautés locales de toute l'Europe peuvent bénéficier des activités du tourisme social compte tenu de son apport en termes de sauvegarde du patrimoine culturel et local.

8.12

En guise de conclusion générale, il y a lieu de préciser que l'activité de tourisme social a déjà acquis aujourd'hui ses lettres de noblesse, s'est étendue à de nombreux États de l'Europe, est conduite par de bons gestionnaires et peut s'appuyer sur des structures organisationnelles appropriées et qu'elle est donc prête pour sauter le pas de la généralisation à tous les pays et celui de la «transnationalité» de son offre de services, ce qui signifierait un saut quantitatif et qualitatif de ses objectifs.

9.   Recommandations

9.1

La première recommandation aux bénéficiaires potentiels des programmes de tourisme social est bien entendu de les motiver à prendre part à une activité telle que le tourisme, à laquelle ils ont droit en tant qu'individus, et à laquelle ils n'ont peut-être pas eu accès du fait de telle ou telle situation. Le tourisme social est clairement et profondément un facteur d'intégration, d'amélioration de la connaissance, de développement personnel et, en tant que tel, il est souhaitable d'y participer.

9.2

En ce qui concerne les très nombreux acteurs qui participent à la gestion des différents programmes de tourisme social, il convient en premier lieu de reconnaître les bénéfices de leur activité, leur dévouement à la mission de leur organisation et le soin qu'ils apportent à la prestation d'un service abordable mais néanmoins de qualité. Il faut également promouvoir l'amélioration continue de leurs produits et services, l'investissement dans l'amélioration des infrastructures ainsi que l'innovation dans les produits, notamment ceux à caractère transnational. La coordination des programmes et la coopération entre les organismes responsables constituent un bon instrument pour l'amélioration et l'échange d'expériences.

9.3

En ce qui concerne les entreprises du secteur du tourisme, nous recommandons qu'elles prennent activement part aux activités de tourisme social. Le tourisme social est compatible avec une bonne gestion d'entreprise, avec la compétitivité et la rentabilité, à court terme mais plus particulièrement à moyen et long terme, et il permet de garantir l'emploi de nombreux salariés à l'année.

9.4

En ce qui concerne les institutions et gouvernements nationaux, régionaux et locaux, nous leurs recommanderions l'implantation de programmes de tourisme social pour leurs bénéfices sociaux mais également économiques. L'augmentation des recettes provenant des impôts et des cotisations et les économies réalisées au niveau des prestations chômage sont autant d'incitations à accorder des subventions aux groupes économiquement, socialement ou physiquement défavorisés, en ayant la certitude de rentabiliser cet investissement du fait de la rentabilité de l'activité de tourisme social.

9.5

Nous recommandons aux institutions européennes de considérer le tourisme social comme une activité importante qui présente des objectifs qui relèvent à la fois du tourisme et de l'action sociale, comme une activité méritant une reconnaissance, un développement, un soutien technique spécialisé, un appui et une incitation pas nécessairement d'ordre économique. Les fonctions de promotion, de coordination technique, de diffusion des expériences et d'organisation de rencontres pour la signature de conventions transnationales font partie des activités que pourrait notamment réaliser la Commission européenne (au travers de son unité «Tourisme»), avec ses propres moyens, pour la création d'une puissante plateforme européenne de tourisme social. Le leadership de la Commission en matière de promotion du tourisme social en Europe serait indubitablement un précieux instrument pour la réalisation des objectifs fixés et le suivi des actions.

9.6

Toutes les institutions devraient envisager le renforcement de leur politique d'élimination de tout type d'obstacles, tant au niveau des infrastructures de communication que du logement et des services touristiques. Le cas des îles européennes illustre parfaitement comment la réalité géographique conditionne fortement la mobilité et l'accès au tourisme des citoyens.

9.7

Compte tenu de sa dimension politique, sociale et économique, le Parlement européen devrait prendre des initiatives pour lancer un débat et émettre des résolutions en faveur du tourisme social en Europe.

9.8

Le CESE accepte que le présent avis soit connu, publié et diffusé en tant que «Déclaration de Barcelone sur le tourisme social en Europe» et qu'il s'agisse de sa contribution au Forum européen du tourisme 2006 et à la Journée mondiale du tourisme 2006.

D.   QUATRIÈME PARTIE: RÉFÉRENCES DOCUMENTAIRES ET TECHNIQUES

Les différentes notions du tourisme social: évolution de l'offre et de la demande, Commission européenne, DG XXIII, Unité Tourisme, 1993.

Déclaration de Montréal: «Pour une vision humaniste et sociale du tourisme», BITS, septembre 1996.

Code éthique mondial du tourisme (CMET) Santiago du Chili, 1er octobre 1999

Compte rendu du séminaire sur les aides aux vacances dans l'Union européenne, Parlement européen, Strasbourg, mars 2000.

Les concepts de tourisme pour tous et de tourisme social dans l'Union européenne, BITS, Séminaire de Bruges, juin 2001.

Résultats de l'enquête «Tourisme pour tous», juin 2001.

Avis du CESE «Un tourisme accessible à tous et socialement soutenable», octobre 2003.

Étude sur le programme «Vacances pour les seniors», IMSERSO (institut espagnol des migrations et services sociaux), Espagne, mai 2004.

Forum européen du tourisme social, BITS, Budapest, avril 2005.

Rapport «Tourisme et développement», Parlement européen, A6-0173/2005, mai 2005.

Rapport «Nouvelles perspectives et nouveaux défis pour un tourisme européen durable», Parlement européen, A6-0235/2005, juillet 2005.

«Tourisme accessible à tous», plan d'action du Comité espagnol de représentation des personnes handicapées, CERMI, décembre 2005.

Consultation sur les activités en matière de tourisme et de vacances pour les travailleurs, BITS, Bruxelles, mai 2005.

«Conférence européenne sur le tourisme social, croissance économique et emploi». Gouvernement des Baléares, Palma de Majorque, novembre 2005.

Conférence «Tourisme pour tous»: situation actuelle et pratiques au sein de l'UE, BITS et Commission européenne, DG Entreprises, Unité Tourisme, janvier 2006.

Congrès mondial du tourisme social., «Vers un tourisme de développement et de solidarité» Aubagne (France) mai 2006.

Bruxelles, le 14 septembre 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Les différentes notions du tourisme social: l'évolution de l'offre et de la demande. Direction générale XXIII, unité tourisme, 1993.


23.12.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/78


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux statistiques structurelles sur les entreprises»

COM(2006) 66 final — 2006/0020 (COD)

(2006/C 318/13)

Le 27 mars 2006, le Conseil a décidé, conformément à l'article 285, paragraphe 1, du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 26 juillet 2006 (rapporteuse: Mme FLORIO).

Lors de sa 429e session plénière des 13 et 14 septembre 2006 (séance du 14 septembre 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 130 voix pour, sans voix contre et 7 abstentions.

1.   Avant-propos

1.1

Le 20 décembre 2000, le Conseil européen décidait de lancer un «Programme pluriannuel pour les entreprises et l'esprit d'entreprise, en particulier pour les petites et moyennes entreprises (PME)»  (1). Grâce à ce nouveau cadre de référence, l'Union européenne entendait renforcer la compétitivité des entreprises dans une économie fondée sur la connaissance, simplifier et favoriser leur environnement réglementaire, administratif et financier, surtout afin de soutenir la recherche et l'innovation, faciliter leur accès aux services et aux programmes communautaires, et promouvoir l'esprit d'entreprise.

1.2

Au début de l'année 2003, la Commission européenne a présenté le «Livre vertL'esprit d'entreprise en Europe»  (2) dans lequel elle soulignait la nécessité d'un soutien ciblé et appelait à l'élaboration de politiques stratégiques en faveur du secteur industriel et manufacturier, qui, en Europe, accusait depuis des années un essoufflement dangereux, surtout par rapport à d'autres régions du monde.

1.2.1

Les mesures principales qui ont été proposées afin de soutenir et développer l'esprit d'entreprise en Europe consistaient à:

supprimer les barrières administratives entravant le développement de l'entreprise,

équilibrer les risques et les avantages de l'esprit d'entreprise,

appeler à une approche plus positive de toute la société vis-à-vis de la création de nouvelles entreprises.

1.3

À la suite d'une consultation des acteurs concernés qui se basait sur le Livre vert, la Commission a présenté en 2004 un plan d'action pour la politique de l'esprit d'entreprise (3), qui prend en considération les nouvelles réponses reçues et intègre le programme pluriannuel pour les entreprises et l'esprit d'entreprise.

1.4

Les matières fondamentales telles que la politique industrielle, le soutien aux services et l'emploi en tant que moteur de la croissance économique sont étroitement liées, tant à l'échelon national qu'européen, aux priorités de l'emploi et de la sphère sociale, qui constituent un objectif important pour ce qui est des choix politiques de l'Union européenne. Dans ce domaine également, les institutions européennes ont pris diverses initiatives au cours des dernières années, parmi lesquelles la présentation par les États membres d'un programme annuel.

1.5

Le sommet de Luxembourg de 1997 a vu le lancement de la stratégie européenne pour l'emploi (SEE) qui a été considérée par la suite comme un élément clef de la stratégie de Lisbonne. En effet, c'est bien cette dernière qui pose comme objectif la modernisation de l'économie européenne, par la réduction du taux de chômage et la création d'emplois hautement qualifiés. Un passage obligé pour atteindre ces buts consiste à tenir compte des politiques sociales et d'égalité des chances aux différents niveaux de la population. Ce dernier objectif constitue une sorte de condition prérequise, préalable à une restructuration essentielle du système économique, dans la perspective d'aboutir à un taux de croissance en augmentation et à un contexte économique «sain».

1.6

D'autres éléments de ce projet ambitieux devaient être l'«Espace européen de la recherche», une intégration complète des marchés et la mise en place d'un environnement favorable aux petites et moyennes entreprises. Dans la proposition relative au «Programme-cadre pour l'innovation et la compétitivité (2007-2013)» (4), la Commission affirme que la promotion des technologies et de la recherche est directement liée à l'exploitation des possibilités offertes par le marché aux nouveaux produits, services et procédés d'entreprise. Par ailleurs, il y a lieu de renforcer la volonté de prendre des risques et d'expérimenter de nouvelles idées sur le marché. Une innovation insuffisante est une des causes majeures de la croissance décevante de l'Europe.

1.7

En ce qui concerne la cohésion sociale, des actions immédiates dans le domaine de la formation et de la protection sociale étaient préconisées. Afin de garantir une coordination entre les États membres pour la formulation de leur politique, l'application de la méthode ouverte de coordination (MOC) était prévue pour mettre à disposition les meilleures pratiques et performances dans chaque domaine, par le biais d'un échange des meilleures pratiques.

1.8

En s'appuyant justement sur l'évaluation à mi-parcours de la stratégie de Lisbonne, la Commission européenne a présenté en 2005 une communication sur «La croissance et l'emploi» (5), en concentrant son attention sur deux points importants: atteindre une croissance économique solide et durable et créer des emplois plus nombreux et d'une qualité toujours plus grande. La réalisation de ces objectifs était jugée possible à travers une synergie des niveaux communautaire et national.

2.   Observations générales

2.1

Les mutations du monde économique et productif constituent un processus constant et rapide: les divers secteurs industriels et leurs opérateurs respectifs font l'objet de transformations et d'innovations en vue de s'adapter à l'évolution du marché, en tâchant de conserver leur compétitivité et de créer des opportunités toujours plus importantes de croissance et de profit.

2.1.1

Dans un marché tel que le marché européen, où les entreprises évoluent à un rythme soutenu et les secteurs traditionnels s'imbriquent mutuellement (production, commerce, distribution, etc.), il arrive que la ligne de partage entre les différents types d'activité soit difficile à définir. Par ailleurs, dans l'évaluation et la classification des types d'entreprises, il est de plus en plus difficile d'établir quel est le secteur d'activité prépondérant (commercial, agricole, manufacturier, artisanal, services, etc.).

2.1.2

Compte tenu de l'évolution dans le domaine de l'économie sociale, qui concerne un pourcentage significatif et croissant du marché européen, les statistiques suivent difficilement une réalité qui se transforme et se renouvelle constamment. Les représentants d'Eurostat affirment qu'ils ont eu des difficultés pour définir ce domaine, car les activités d'économie sociale ne sont pas toujours enregistrées en tant qu'activités entrepreuneuriales. Cependant, le Comité estime qu'il faut consentir tous les efforts nécessaires pour mesurer l'importance croissante du secteur lié à l'économie sociale, qui est crucial pour la réalisation des objectifs de Lisbonne. L'absence de telles données constitue un obstacle à une meilleure compréhension de l'évolution du monde des entreprises et du marché.

2.1.3

Ainsi, le fait de disposer de statistiques structurelles sur les entreprises européennes, qui soient actualisées et centrées surtout sur l'activité, la compétitivité, le rendement et la structure des entreprises de l'Union européenne, s'est révélé être un objectif important. Tout en soulignant l'importance du support statistique, il ne faut pas oublier que la collecte de données et leur élaboration successive entraînent des investissements en ressources humaines et financières qui pourraient s'avérer importantes, notamment pour les petites entreprises.

2.1.4

La croissance économique constitue pour tous les pays de l'Union européenne une priorité absolue, comme cela a été réitéré à de très nombreuses occasions par le Conseil européen et par les autres institutions européennes. Cette croissance économique doit nécessairement s'accompagner de la création de nouveaux emplois de meilleure qualité. Ce processus doit se réaliser dans tous les secteurs mais en particulier dans l'industrie manufacturière et dans le secteur des services, de manière à concourir à la croissance et à offrir aux citoyens européens la possibilité de tirer un profit personnel des bénéfices.

2.2

Le modèle européen de développement se différencie des autres par le rôle significatif qui est conféré à la composante sociale et à la notion même de durabilité de la croissance économique. Il y a lieu de prendre en considération cet aspect dès lors que les institutions européennes décident de légiférer dans leur domaine de compétence.

2.3

Par conséquent, pour concevoir des réglementations réellement efficaces, utiles et cohérentes, il convient d'avoir une idée très précise de ce que recouvre la réalité industrielle européenne. Les choix politiques se fondent sur une analyse de la réalité et des problèmes qu'elle pose, et proposent des solutions qui prennent en considération le nombre le plus large possible de paramètres, en s'efforçant de prévoir par anticipation l'effet et l'impact qu'auront les décisions arrêtées sur cette réalité politique, économique, juridique, sociale, nationale et territoriale.

2.4

L'outil statistique constitue certainement un facteur essentiel d'une analyse complète et efficace de la réalité. Le travail accompli par Eurostat depuis ses débuts jusqu'à ce jour représente un support précieux et indispensable du processus décisionnel et politique de l'Union européenne.

2.4.1

L'outil statistique revêt une importance essentielle parce qu'il est en mesure de sonder, étudier et décrire la réalité des phénomènes dans ses nombreux et divers aspects. La disponibilité d'informations statistiques est fondamentale pour l'élaboration et l'évaluation des politiques, pour la gestion des services et de la fonction publique, pour une meilleure réglementation juridique, et pour un suivi constant et périodique des succès et des avancées qu'apportent les politiques adoptées.

2.5

Cela s'applique à tous les domaines de compétence de l'Union européenne et, par conséquent, Eurostat, soutenu et secondé par les instituts statistiques des États membres, a pour mission d'élaborer et de fournir des données qui soient mises à jour et fiables. Au cours des dernières années, les données recueillies dans le domaine de l'économie et des finances, de l'agriculture, des politiques démographiques, de la sécurité sociale, du commerce, de la recherche scientifique, de l'environnement, des transports et, tout aussi important, du monde industriel et des indicateurs de marché correspondants, ont été fondamentales.

2.5.1

Pour avoir une idée de l'importance que l'on attribue aux entreprises européennes et à leur développement, il suffit de penser aux initiatives qui ont été prises récemment par la Commission et le Conseil, au cours des dernières années.

3.   La proposition de règlement relatif aux statistiques structurelles sur les entreprises

3.1

Le règlement (CE/Euratom) no58/97 approuvé par le Conseil le 20 décembre 1996 a été modifié à quatre reprises au cours de ces dix dernières années, et la version à l'examen représente la dernière proposition de refonte, qui apporterait une plus grande cohérence à l'analyse et à la mise en œuvre des politiques et des stratégies visant à soutenir le secteur industriel et productif européen.

3.1.1

Afin de répondre au besoin accru de statistiques, la Commission propose certaines améliorations, en se focalisant tout particulièrement sur les services qui, au cours des derniers mois, ont été au centre d'un vaste débat en raison de leur importance économique et de leur potentiel non encore pleinement exploité au niveau européen. Elle a par ailleurs ajouté une annexe sur la démographie des entreprises et des services aux entreprises.

3.2

La Commission a vérifié que, pour une série d'activités relatives surtout aux services aux entreprises, il n'existe pas de statistiques détaillées et récentes; la nouvelle proposition constitue par conséquent une possibilité d'adapter les règlements en vigueur, de manière à ce que l'activité économique et productive des entreprises puisse être comparable à celle des services.

3.2.1

Par ailleurs, la Commission a estimé qu'il était nécessaire de disposer de données harmonisées sur la démographie des entreprises (création, activité, cessation d'activité) et leur impact sur l'emploi, pour étayer des recommandations stratégiques sur l'esprit d'entreprise. Les données «démographiques» des entreprises font déjà partie des indicateurs structurels utilisés pour le suivi des objectifs fixés par la stratégie de Lisbonne. C'est précisément dans ce contexte que doit être analysée la proposition de révision de la Commission.

3.3

La proposition identifie dans le code NACE (6) l'outil de référence pour la collecte des données statistiques. La NACE est normalement utilisée par les services de la Commission pour toutes les statistiques, ventilées par activités économiques. Ce même code NACE a fait l'objet de révisions et d'actualisations rendues nécessaires par l'exigence de mieux comprendre les évolutions économiques et productives de l'UE.

3.4

La NACE Rév.1.1, indice de référence, constitue une simple mise à jour de la nomenclature NACE Rév.1 et ne comporte pas de réorganisation significative. Cette mise à jour visait à refléter:

les activités nouvelles non encore existantes lors de l'élaboration de la NACE Rév.1,

les activités dont l'importance a crû après l'élaboration de la NACE Rév.1, suite à des mutations technologiques ou à des modifications de la réalité économique,

les corrections apportées aux erreurs présentes dans la nomenclature NACE Rév.1 d'origine, erreurs qui étaient déjà évidentes à l'époque et qui ne sont pas dues à des changements de philosophie.

3.4.1

Dans les prochains mois débutera une nouvelle révision de la NACE, qui comportera de nouvelles modifications et mises à jour; elle est actuellement à l'examen au Parlement européen, en deuxième lecture.

3.5

La collecte des données statistiques, telle que définie par le champ d'application (art. 2), est organisée en modules, dont la liste est dressée à l'art. 3 de la proposition de règlement:

un module commun relatif aux statistiques structurelles annuelles,

un module détaillé relatif aux statistiques structurelles de l'industrie,

un module détaillé relatif aux statistiques structurelles du commerce,

un module détaillé relatif aux statistiques structurelles de la construction,

un module détaillé relatif aux statistiques structurelles des services d'assurances,

un module détaillé relatif aux statistiques structurelles des établissements de crédit,

un module détaillé relatif aux statistiques structurelles des fonds de pension,

un module détaillé relatif aux statistiques structurelles des services aux entreprises,

un module détaillé relatif aux statistiques structurelles de la démographie des entreprises,

un module flexible pour la réalisation d'une petite collecte de données ad hoc sur les caractéristiques des entreprises.

3.5.1

Les trois derniers modules ont été insérés par la proposition de règlement à l'examen et une annexe est prévue pour l'ensemble des modules, qui clarifie leur contenu et leur utilisation.

3.6

Des études pilotes sont par ailleurs prévues, mais seulement pour certains modules. Ces études pilotes ont toujours accompagné la collecte de données statistiques par modules; dans le cas d'espèce, il y a lieu de noter l'introduction d'études pilotes ad hoc pour les secteurs de la santé et de l'éducation. Il s'agit d'études réalisées sur une base volontaire qui, d'après Eurostat, devraient servir à fournir une évaluation plus précise de l'incidence des activités marchandes sur les secteurs susmentionnés.

4.   Observations particulières

4.1

Le CESE reconnaît la contribution fondamentale apportée par l'outil statistique à la définition des priorités de politique industrielle dans le cadre de la stratégie de Lisbonne. Dans le «Programme-cadre pour l'innovation et la compétitivité (2007-2013)»  (7), la Commission affirme l'utilité d'analyses comparatives en tant qu'instrument servant à l'élaboration des politiques, sans oublier les études et les échanges de bonnes pratiques entre les pouvoirs nationaux et régionaux.

4.2

Pour cette raison, le CESE estime qu'une actualisation du règlement (CE/Euratom) no58/97 est importante, tout en suggérant certaines modifications.

4.3

Dans le module commun (annexe I), le poste «charges sociales», qui était déjà présent dans les versions précédentes, apparaît imprécis et difficile à interpréter, compte tenu des nouveautés du marché intérieur. L'organisation de la sécurité sociale dans les États membres se différencie et se singularise par les systèmes et les pratiques utilisés: la définition même de «système de sécurité sociale» n'est pas aisée pour les 25 États membres de l'Union européenne et devrait selon toute vraisemblance être développée et articulée.

4.4

Toujours dans l'annexe I, mais la remarque vaut aussi pour les annexes suivantes, les données relatives à l'emploi sont trop limitées et ne reflètent pas une réalité du marché du travail beaucoup plus complexe dans tous les États de l'UE. Le tableau se limite en effet à relever le nombre de salariés à temps partiel et à temps complet, or la réalité des relations de travail est nettement plus diversifiée. Par ailleurs, on note l'absence de données désagrégées selon le genre, que l'on retrouve uniquement dans le module concernant le secteur bancaire (annexe VI).

4.4.1

À plus forte raison, étant donné que les versions précédentes du règlement (CE/Euratom) no58/97 indiquaient déjà (art. 1) parmi les objectifs de la collecte de statistiques, celui d'analyser la «politique des entreprises», cette refonte pouvait également être l'occasion de sonder et d'examiner avec plus de précision et d'exhaustivité la politique des entreprises en matière d'emploi, vu l'importance que cette dernière revêt dans les politiques de l'Union européenne.

4.5

En ce qui concerne les études pilotes, le CESE juge inappropriées les modalités arrêtées par la Commission qui estime devoir analyser des secteurs tels que la santé et l'éducation afin de «déterminer la faisabilité d'une couverture des activités marchandes et non marchandes dans ces sections». Se référant notamment au texte provisoire proposé par la Commission sur la directive «Services» qui exclut ces derniers du champ d'application, le CESE considère qu'il n'est pas opportun que ces secteurs sensibles soient insérés dans le cadre des statistiques structurelles sur les entreprises. Sur la base des nouvelles propositions de réglementation relatives aux services dans le marché intérieur, le CESE estime qu'il serait utile que la Commission prévoie de lancer une collecte de données statistiques ad hoc concernant ces secteurs.

4.6

Dans l'annexe II (module relatif au secteur industriel), la Commission a estimé utile de supprimer les données relatives aux dépenses totales et celles relatives au personnel, destinées à la recherche et au développement. Compte tenu de la stratégie de Lisbonne, cette absence de données entrave une meilleure compréhension de l'évolution du monde des entreprises et de la nature et des objectifs des investissements.

4.7

La Commission a choisi de supprimer les données concernant les achats de produits énergétiques. Ces données sont au contraire d'une grande importance, en ce qu'elles fournissent un cadre d'ensemble de la consommation et de l'utilisation de l'énergie par les entreprises; de plus, l'article 1 de la proposition de règlement stipule que l'élaboration des statistiques a également pour objet les «facteurs de production mis en œuvre» et, sans aucun doute, l'énergie fait partie de ces facteurs. Par ailleurs, ces indicateurs sont qualifiés de prioritaires dans les dernières déclarations du Conseil et du Parlement européen, notamment dans le récent «Livre vertUne stratégie européenne pour une énergie sûre, compétitive et durable»  (8).

4.8

L'annexe VIII a été réintroduite et concerne la structure, l'activité et le rendement des services aux entreprises, alors que l'annexe IX porte sur la démographie des entreprises. La collecte de données statistiques dans ces deux domaines nécessiterait un suivi beaucoup plus fréquent. Le module sur la démographie des entreprises est également dépourvu de données désagrégées tant par type de relation de travail, que par genre, alors qu'il serait extrêmement utile de comprendre les tendances en matière d'emploi et l'encadrement professionnel des salariés lors de la création et de la cessation des entreprises.

5.   Conclusions et recommandations

5.1

L'Union européenne a besoin de meilleures données statistiques pour soutenir les politiques industrielles sectorielles actuelles.

5.2

Pour cette raison, le CESE souligne le rôle essentiel qu'Eurostat joue, en tant qu'instrument de suivi des politiques de l'Union européenne. Le CESE est par conséquent d'avis que l'activité d'Eurostat doit être renforcée en valorisant et en développant le système de collecte de données en réseau dans chaque État membre.

5.3

Le CESE soutient dans son ensemble la proposition de refonte du règlement CE/Euratom no58/97 relatif aux statistiques industrielles.

5.4

Les collectes de données statistiques constituent un instrument important tant à l'échelon communautaire que national; par conséquent, il faut envisager des outils de soutien qui améliorent toujours davantage son efficacité, sa ponctualité et sa fiabilité.

5.4.1

Les collectes d'informations statistiques devraient se fonder, autant que possible, sur des données actualisées et déjà disponibles auprès des autorités administratives ou des organismes autorisés. La charge administrative de cette collecte doit être adaptée en fonction de la dimension de l'entreprise. Dans certains pays, la collecte des données statistiques pour les PME est confiée aux associations industrielles représentées à l'échelon local ou régional. Un échange de ces bonnes pratiques entre les États membres pourrait se révéler utile.

5.5

Il serait important de disposer de statistiques toujours plus ciblées et actualisées sur la structure des entreprises et sur leur activité productive, qui tiennent compte des dimensions et des différentes activités propres à une entreprise (production, commerce, distribution).

5.6

De l'avis du Comité, il est important qu'il y ait un bon système de consultation et de discussion entre Eurostat, les partenaires sociaux, le monde universitaire et les associations. Ce mécanisme devrait être perfectionné et étendu au CEIES-Eurostat (un représentant des utilisateurs par État membre).

5.7

En matière de charges sociales, par exemple, une meilleure concertation entre Eurostat et les partenaires sociaux permettrait de mieux définir (et pas sous un poste unique) l'engagement des entreprises dans ce secteur, qui ne semble pas être homogène au sein des 25 États membres de l'UE.

5.8

Bien qu'elles fassent l'objet d'autres statistiques ciblées, des données sur l'emploi plus détaillées donneraient une image plus claire de la situation des activités d'une entreprise. En ce qui concerne les données sur l'emploi, le Comité observe que les statistiques structurelles sur les entreprises, y compris celles relatives à la démographie, ne peuvent faire abstraction d'une analyse approfondie sur la qualité de l'emploi. L'emploi constitue un facteur essentiel du succès des activités des entreprises et, par conséquent, les données concernant la relation de travail, ventilées uniquement entre temps plein et temps partiel, apparaissent tout à fait insuffisantes, surtout compte tenu des évolutions constantes du marché du travail. Par ailleurs, le Comité n'estime pas utile de scinder totalement les statistiques structurelles sur les entreprises des données sur l'emploi, dans la mesure où il s'agit de domaines intimement corrélés.

5.9

L'économie sociale occupe, année après année, une part de plus en plus importante dans l'économie européenne. Par conséquent, le CESE estime que la Commission, par l'intermédiaire d'Eurostat, pourrait évaluer ce secteur et son impact sur le monde des entreprises par l'instrument de l'étude pilote.

5.10

Le Comité réitère ses doutes quant à l'opportunité de passer au crible les secteurs de la santé et de l'éducation par la méthode de l'étude pilote. Vu le caractère sensible de ces secteurs et l'importance fondamentale qu'ils revêtent pour l'ensemble des citoyens européens, le CESE considère que la possibilité de faire entrer ces secteurs dans les statistiques structurelles sur les entreprises n'a pas lieu d'être. Sur la base des nouvelles propositions de réglementation relatives aux services dans le marché intérieur, le CESE estime qu'il serait utile que la Commission prévoie de lancer une collecte de données statistiques ad hoc concernant ces secteurs.

5.11

En ce qui concerne les achats de produits énergétiques et les investissements en ressources humaines dans le secteur de la recherche et du développement, le CESE est d'avis qu'il serait utile d'estimer qualitativement et quantitativement leur poids dans la vie des entreprises et ce, même si des instruments statistiques ad hoc ont été prévus. Cette démarche devrait intervenir en tenant compte tant des objectifs de la stratégie de Lisbonne que des dernières préoccupations qu'a exprimées l'Union européenne et des dernières actions qu'elle a entreprises en matière de politique énergétique.

5.12

En ce qui concerne les statistiques relatives aux variables environnementales, le CESE souligne l'importance que revêt la collecte des données sur l'élimination des déchets industriels, l'épuration des eaux usées et la décontamination des zones polluées. Par ailleurs, il serait utile d'évaluer si les activités d'élimination des déchets industriels, compte tenu du coût de ces opérations, sont effectuées par des procédés internes à l'entreprise ou si elles font l'objet d'appels d'offres à des opérateurs externes.

5.13

Dans l'annexe IV qui concerne le secteur de la construction, il serait utile de distinguer entre les différentes activités: logement à usage d'habitation, à usage public, réseaux de transport, infrastructures.

5.14

Il conviendrait de mettre davantage l'accent sur les statistiques régionales, qui indiqueraient les zones dans lesquelles se sont développées les activités industrielles et entrepreuneuriales, quelles sont les activités prédominantes et les régions dans lesquelles se concentrent les investissements de recherche et, enfin, les zones qui connaissent le plus fort taux de natalité ou de mortalité des entreprises.

Bruxelles, le 14 septembre 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Décision 2000/819/CE.

(2)  COM(2003) 27 final, du 21.1.2003.

(3)  COM(2004) 70 final, du 11.2. 2004.

(4)  COM(2005) 121 final, du 6.4.2005.

(5)  COM(2005) 330 final, du 20.7.2005.

(6)  NACE : Nomenclature générale des activités économiques dans les communautés européennes.

(7)  Voir note de bas de page no4.

(8)  COM(2006) 105 final, du 8.3.2006.


23.12.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/83


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 91/477/CEE du Conseil relative au contrôle de l'acquisition et de la détention d'armes»

COM(2006) 93 final — 2006/0031 (COD)

(2006/C 318/14)

Le 7 juillet 2006, le Conseil a décidé, conformément à l'article 95 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 26 juillet 2006 (rapporteur: M. PEGADO LIZ).

Lors de sa 429e session plénière des 13 et 14 septembre 2006 (séance du 13 septembre 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 186 voix pour, 7 voix contre et 12 abstentions.

1.   Synthèse de la proposition de la Commission

1.1

La présente proposition vise à encourager l'actualisation de la directive 91/477/CEE du 18 juin 1991 (1). Cette directive, qui fait suite au Conseil européen de Fontainebleau de 1984, considère, pour la première fois, la nécessité «d'une réglementation efficace qui permette le contrôle à l'intérieur des États membres de l'acquisition et de la détention d'armes à feu et de leur transfert dans un autre État membre», à la lumière des critères établis par le protocole additionnel à la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, que la Commission fut autorisée à signer au nom de la Communauté européenne (2).

1.2

La proposition vise donc à donner force juridique au protocole additionnel à ladite convention internationale, que la Commission a signé au nom de l'Union européenne. Grâce à ce modus operandi, l'Union s'empare de la question, devenant directement responsable de sa mise en œuvre. En d'autres termes, les États membres ne sont plus tenus d'adhérer au protocole précité ni d'accepter les recommandations communautaires, puisque cette obligation relève du titre V du Traité (3).

1.3

Les principaux objectifs répondent aux nécessités suivantes:

harmoniser la législation européenne existant en la matière;

lutter contre le marché clandestin d'armes à usage civil;

lutter contre l'alimentation du marché clandestin due au vol d'armes légales.

1.4

Ainsi, la proposition sub judice avance et introduit des mécanismes contraignants entre États visant à renforcer la cohérence, l'efficacité et la rapidité de la directive de 1991, concernant les mécanismes et les finalités y afférents.

1.5

La directive proposée:

a)

précise les notions de fabrication illicite et, partant, qualifie les crimes de fabrication illicite, de falsification et de trafic, assortis de peines proportionnelles au dommage social occasionné;

b)

préconise des mesures instrumentales de contrôle et de traçage des armes, dont le marquage et les règles de neutralisation/désactivation constituent les meilleurs exemples;

c)

instaure des règles et des mesures visant à accroître le contrôle de certaines activités liées au commerce des armes.

2.   Cadre politique et social de la mesure dans l'actuel contexte international

2.1

La criminalité transnationale organisée est une réalité inhérente aux sociétés modernes du risque, fondées sur la mondialisation des connaissances, de la communication et de l'information.

2.1.1

C'est aussi l'une des principales menaces pour l'intégrité des États et, d'une manière générale, pour la base même de la démocratie dont ils se réclament. Dans certains cas extrêmes, elle peut même déboucher sur des formes alternatives et illégitimes de contrôle de la Communauté.

2.2

Diverses manifestations criminogènes s'entrecroisent et s'alimentent dans ce type de criminalité, en raison de la nature multidimensionnelle et variable du risque. En effet, il existe unerelation étroite entre le terrorisme et la criminalité organisée et entre ces derniers et le trafic d'armes et de munitions (4).

2.3

Selon certaines estimations il y aurait plusieurs centaines de millions d'armes légères en circulation dans le monde. Celles-ci seraient responsables de plusieurs centaines de milliers de décès par an, dont plus de la moitié se produiraient dans le cadre de conflits internes dans divers pays d'Asie et d'Afrique. Il s'agit donc d'un commerce certes lucratif mais aux conséquences humaines dévastatrices.

2.4

Les États membres de l'Union européenne doivent répondre à cette réalité transnationale d'une manière appropriée et cohérente. A cette fin, l'harmonisation de solutions normatives, aussi bien préventives que répressives, induisant des politiques intégrées et communes, s'avère essentielle.

2.5

Le thème de la présente proposition concerne aussi bien les règles de marché que des questions pertinentes de sécurité intracommunautaire, valeur essentielle pour n'importe quelle société démocratique, à laquelle l'Union européenne ne peut faire exception. La sécurité est, en effet, la condition première de l'exercice de toutes les libertés.

2.6

Il s'agit, ni plus ni moins, de créer le cadre de l'affirmation d'un espace européen souhaité de liberté, de sécurité et de justice pour tous les citoyens, matière qui relève du troisième pilier de la construction européenne. Outre le fait qu'il fait peser une menace sur l'intégrité des différents États membres, le trafic d'armes est aussi un facteur de risque important dans le domaine des affaires intérieures de l'Union.

2.7

La Communauté avait déjà perçu la nécessité de faire face à cette menace «intra-muros», en adoptant la directive 91/477/CEE du Conseil, du 18 juin 1991. Plus tard, l'action commune de l'Union européenne du 17 décembre 1998 (5), a encouragé l'adoption, par les différents États, de mesures visant à exercer un contrôle renforcé sur les armes et les munitions, ce dont témoignent les nombreux rapports annuels publiés depuis lors (6).

2.8

L'Organisation des Nations unies a elle aussi accordé une attention particulière à cette question, allant jusqu'à encourager certaines actions en la matière. Ainsi, un comité spécial (7) fut créé dans le cadre des Nations unies avec pour mission l'élaboration d'une Convention internationale contre la criminalité transnationale organisée, adoptée deux ans plus tard, àPalerme (8). A partir de là, l'on perçut rapidement l'importance, dans ce contexte, du trafic des armes à feu.

2.9

Le processus de Vienne donnera ensuite naissance au Protocole contre la fabrication et le trafic illicites d'armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la Convention des Nations unies susmentionnée, ouvert à l'adhésion de tous les pays intéressés depuis le 1er septembre 2001, mais dont la signature et la ratification accusent un certain retard au niveau des États membres de l'Union européenne.

3.   Observations générales

3.1   Base juridique

3.1.1

Aux fins de l'inclusion de la proposition en question dans l'ordre juridique communautaire, l'article 95 du Traité CE suffit actuellement, car cette mesure s'inscrit dans le cadre du fonctionnement du marché intérieur et tombe donc dans le champ d'application de la procédure visée à l'article 251.

3.1.2

En vertu du principe de la hiérarchie des normes, la directive est l'instrument juridique approprié pour la législation à modifier.

3.1.3

Le Comité soutient cette initiative de la Commission et considère que la base juridique est conforme au but poursuivi (9).

3.2   Contenu de la proposition

3.2.1

En adhérant au protocole additionnel à la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, la Commission s'est inspirée, à juste titre, des principes fondamentaux qui y sont consacrés quant à la nécessité de prévenir, de combattre et d'éradiquer la fabrication et le trafic illicites d'armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, compte tenu de la menace qu'ils constituent pour le bien-être des peuples et pour leur droit de vivre en paix.

3.2.2

Le Comité salue cette préoccupation et soutient entièrement l'initiative de la Commission.

3.2.3

Il rappelle que cette question a retenu, d'une manière récurrente, l'attention du Parlement européen. Ainsi, plusieurs questions écrites en la matière ont été présentées à la Commission (10).

3.2.4

D'autre part, dans le cadre de ses relations extérieures, le Conseil a été particulièrement attentif à la nécessité d'aider des pays tiers à élaborer la législation et la réglementation appropriées concernant la possession, la détention et l'utilisation, la vente et le transfert d'armes et de munitions, afin de garantir la paix et la sécurité et de contribuer au développement durable (11).

3.2.5

Toutefois, il existe une relation étroite entre cette question et les préoccupations relatives à la lutte contre le terrorisme (12), au blanchiment de capitaux, à l'identification, au dépistage, au gel ou à la saisie et à la confiscation des instruments et des produits du crime (13), au contrôle des explosifs à usage civil (14) et, en règle générale, à toutes les mesures de lutte contre le banditisme et la criminalité organisée.

3.2.6

Par conséquent, le Comité accueille avec satisfaction et salue cette initiative de la Commission, espérant que le Parlement européen et le Conseil lui réserveront un accueil très favorable.

4.   Observations spécifiques

4.1

L'article premier de la présente proposition modifie les articles de la directive 91/477/CEE ci-après:

Article premier: ajout de deux paragraphes;

Article 4: remplacé par un autre texte;

Article 16: remplacé par un autre texte;

Annexe I: alinéa a) reformulé et nouveau paragraphe ajouté.

4.1.1

Toutes les modifications proposées recueillent l'accord du Comité, dans la mesure où elles intègrent correctement les dispositions du protocole dont elles s'inspirent.

4.2

L'article 2 précise le régime d'engagement des États membres découlant de l'approbation de la directive proposée, la période de transposition étant ouverte tandis que l'entrée en vigueur serait immédiate (cf. l'article 3).

4.2.1

Il ne nous semble pas nécessaire de prévoir un long délai entre l'approbation de la directive et sa transposition. Enréalité, l'impact de cette directive sur ses destinataires se situe, essentiellement, soit au niveau du processus législatif, notamment pénal, soit au niveau de l'adaptation des agents économiques aux nouvelles règles d'accès à la profession d'armurier et d'organisation des registres des flux commerciaux. Un délai de 12 à 18 mois est jugé suffisant à cet égard.

4.3

Pour ce qui est de la détermination des comportements illicites en question, le droit comparé des États membres (15), peut apporter une aide précieuse sur le plan du totus comunitatae. Les modalités respectives de la sanction pourront être concrètement discutées, au plus tôt, par le Conseil européen.

4.4

En outre, il pourrait être nécessaire de préciser que le concept de «trafic illicite» figurant dans la proposition doit être considéré dans le contexte de la lutte contre la criminalité transnationale organisée afin de limiter l'application de sanctions pénales aux situations relevant exclusivement de l'objet spécifique du protocole des Nations unies précité.

4.5

Quant à la disposition figurant à l'annexe I, paragraphe 3, alinéa c) de la directive, qui définit ce que l'on considère comme armes antiques ou reproductions de celles-ci, le CESE exhorte la Commission à procéder à la coordination en la matière au niveau communautaire.

4.6

Enfin, il conviendrait peut-être de prévoir une disposition concernant l'utilisation d'armes dans le cadre d'activités sportives ou à des fins de collection, car la primauté des intérêts de sécurité doit aussi prévaloir dans ces domaines, en raison de la nature ou plutôt du caractère létal des objets en présence. En réalité, la détermination de la finalité de la possession d'armes se réduit en fin de compte à une question purement discrétionnaire, susceptible de déviations et d'usages abusifs qu'il importe d'éviter au maximum. Dans ce contexte et conformément à ce que prétendait à l'origine la présente proposition, nous conseillons de soumettre les différents États à l'obligation de déclaration, d'acquisition de licences d'armes ou à toute autre procédure administrative relative à l'autorisation d'utilisation et de port d'armes, avec la participation des autorités de sécurité intérieure ayant des compétences de surveillance et de contrôle.

Bruxelles, le 13 septembre 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Directive 91/477/CEE du Conseil du 18 juin 1991 relative au contrôle de l'acquisition et de la détention d'armes (JO no L 256 du 13.09.1991, p. 51). Le CESE, par le biais de sa section des affaires familiales de l'éducation et de la culture (rapporteur: M. VAN DAM), a émis un avis le 17.12.1987 (JO C 35 du 08.02.1988, p.5) dans lequel il s'est montré très critique par rapport aux mesures de contrôle concernant le transfert d'armes entre États membres, jugées trop restreintes. Avis du CESE : JO no C 35 du 08.02.1988, p. 5.

(2)  Décision du Conseil du 16 octobre 2001 (JO L 280 du 24.10.2001).

(3)  C'est-à-dire de la politique extérieure et de sécurité commune.

(4)  La question de la traçabilité des munitions n'entre pas dans le champ spécifique de la proposition de la Commission, mais elle a déjà été partiellement traitée, avec les questions de mise sur le marché et de contrôle des explosifs à usage civil, dans le cadre de la directive 93/15/CEE du 5 avril 1993 (JO L 121 du 15/05/1993, p. 20, Avis du CESE — JO C 313 du 30/11/1992, p.13), modifiée par le règlement (CE) no 1882/2003 du 29 septembre 2003 (JO L 284 du 31/10/2003, p. 1, Avis du CESE — JO C 241 du 07/10/2002, p. 128) et dans la directive 2004/57/CE du 23 avril 2004 (JO L 127 du 29/04/2004, p. 73), ainsi que dans la décision de la Commission 2004/388/CE du 15 avril 2004 (JO L 120 du 24/04/2004, p. 43) et dans le cadre du programme figurant dans la communication de la Commission du 15 juillet 2005, relative à des mesures visant à assurer une plus grande sécurité en matière d'explosifs, de détonateurs et d'armes à feu.

(5)  Comprise, à son tour, dans le cadre du programme européen sur le trafic illégal d'armes conventionnelles de juin 1997.

(6)  Pour les années 2001 à 2003, voir respectivement les JO C 216, du 1er août 2001, p.1, C 330, du 31 décembre 2002, p.1 et C 312, du 22 décembre 2003, p.1.

(7)  Par la résolution no 53/111, du 9 décembre 1998, de l'Assemblée générale de l'ONU.

(8)  Par la résolution no 55/25, du 15 novembre 2000.

(9)  Les termes dans lesquels la Commission considère qu'elle est habilitée à réglementer des matières relevant du pénal, dans l'amendement proposé à l'article 16 de la directive 91/477/CEE, méritent une réflexion approfondie.

(10)  Notamment, les questions écrites P-4193/97, de la députée Marie Berger (JO C/223/70 du 17.7.98), E- 1135/01, du député Christopher Huhne (JO C 350 E/78 du 11.12.2001) et E-1359/02 du député Gerhard Schmid (JO C 229 E/209 du 26.09.2002).

(11)  Cf. la décision du Conseil du 15 novembre 1999 relative au Cambodge, parue au JO L 294 du 16.11.1999, p. 5.

(12)  Décision-cadre relative à la lutte contre le terrorisme [Doc. COM(2001) 521 final du 19.09.2001] et avis du CESE 1171/2006 .

(13)  Décision-cadre du 6 juillet 2001 dans JO L 182 du 05.07.2001.

(14)  Directive 93/15/CEE du 5 avril 1993, dans JO L 121 du 15.05.93, modifiée par le règlement CE 1882/2003 du 29.09.2003, dans JO L 284 du 31.10.2003.

(15)  Au Portugal, par exemple, la loi récente no 5/2006, du 23 février, incorpore déjà toutes les mesures qui sont actuellement proposées.


23.12.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/86


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur une stratégie thématique pour l'environnement urbain»

COM(2005) 718 final — SEC(2006) 16

(2006/C 318/15)

Le 11 janvier 2006, la Commission a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la communication susmentionnée.

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 11 juillet 2006 (rapporteur:M. PEZZINI).

Lors de sa 429e session plénière des 13 et 14 septembre 2006 (séance du 13 septembre 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 194 voix pour, 2 voix contre et 6 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE est conscient du fait que, dans l'intérêt d'une croissance durable et de la relance de la compétitivité et de l'innovation, il est indispensable de traiter les problèmes complexes que rencontrent actuellement les villes, tels que la dégradation de l'environnement, la congestion du trafic, les questions de logement, l'insécurité et la criminalité, les crises de l'emploi et les reconversions de la production, les changements démographiques, l'exclusion sociale, en particulier des jeunes et des personnes âgées, ainsi que la ségrégation spatiale et ethnique.

1.2

La pollution atmosphérique urbaine constitue depuis longtemps une urgence sanitaire qui a un coût très élevé pour la société et la santé. L'Organisation mondiale de la santé a indiqué que la mauvaise qualité de l'air dans les villes est la cause première de l'augmentation d'un grand nombre de maladies chroniques, qui coûtent cher aux systèmes de santé en termes de soins et de remboursements, ainsi qu'à l'activité économique, en termes de jours de travail perdus.

1.3

La prévention est devenue indispensable et doit se pratiquer non seulement au niveau individuel, en limitant l'utilisation des véhicules, mais aussi au niveau collectif, au travers de nouvelles politiques de mobilité.

1.4

Le CESE considère que les autorités des États membres doivent à présent arrêter de s'interroger, et leur recommande d'adopter, notamment en se conformant aux nombreuses indications fournies par la Commission, des plans d'intervention concrets et immédiats dans le cadre d'une approche intégrée, participative et responsable, dans le but d'améliorer sensiblement, de manière continue et vérifiable, la qualité de la vie et de l'environnement.

1.5

Le Comité est également convaincu que la Commission a choisi la bonne approche en élaborant une stratégie de développement intégrée pour l'environnement urbain, profondément ancrée dans les principes de subsidiarité et de proximité, surtout si elle est mise en œuvre en suivant une méthodologie commune et participative qui s'inscrit dans le cadre de l'Agenda renouvelé de Lisbonne et de Göteborg.

1.5.1

Le Comité est d'avis que l'Union européenne doit adopter des mécanismes de récompense pour valoriser les meilleures pratiques mises en œuvre par les autorités nationales, régionales et locales afin de développer concrètement la stratégie susmentionnée en tenant compte des différents contextes de référence.

1.5.2

Le Comité souligne que si elles veulent être compétitives, les villes doivent développer des services modernes, efficaces et accessibles en ligne, essentiellement dans les secteurs de la santé, des services sociaux et de l'administration publique, afin de garantir une plus grande cohésion sociale et l'insertion des jeunes et des personnes âgées dans un cadre de revalorisation des relations entre le centre historique et la périphérie, entre zones riches et zones défavorisées du territoire urbain et entre ce dernier et l'arrière-pays.

1.6

D'une manière générale, le CESE considère qu'il convient d'appliquer, surtout dans le contexte de l'environnement urbain, le modèle du «territoire socialement responsable», c'est-à-dire un territoire qui axe son développement sur les principes de durabilité en intégrant dans ses dynamiques les dimensions économique, sociale et environnementale, ainsi que l'impact socio-économique du vieillissement de la population.

1.7

Un territoire peut être défini comme «socialement responsable» lorsqu'il réussit à combiner un niveau suffisant de bien-être et les obligations qui découlent de la responsabilité sociale.

1.7.1

L'apprentissage des droits mais aussi des devoirs naît d'une prise de conscience informée au sein de la famille et se développe tout au long du cycle d'éducation, à partir de l'école maternelle.

1.8

Grâce aux actions de prévision, l'actuel sixième programme-cadre de recherche et de développement permet d'associer les acteurs de la société civile à la définition commune des orientations à suivre afin de choisir le meilleur modèle pour construire un avenir davantage en phase avec la responsabilité sociale territoriale.

1.8.1

Outre les actions de prévision, les propositions du Septième programme-cadre de recherche et développement prévoient, dans le contexte de la priorité thématique consacrée à la santé (1), des activités spécifiques dans le secteur du développement humain et du vieillissement, y compris les interactions entre différents facteurs, tels que l'environnement, les comportements individuels et les questions de genre.

1.8.2

Le Comité met l'accent sur le rôle fondamental que les écoles, centres éducatifs et universités sont généralement appelés à jouer pour sensibiliser les jeunes et les citoyens au développement durable.

1.8.3

Différentes initiatives internationales ont été engagées pour tenter d'identifier un ensemble de valeurs et de principes fondamentaux de référence en matière de «responsabilité sociale des entreprises». Les plus significatives sont celles:

de l'article 37 relatif à la protection de l'environnement de la Charte européenne des droits fondamentaux (2),

du Pacte mondial (3),

des lignes directrices de l'OCDE (4),

de l'Istituto Europeo per il Bilancio Sociale (Institut européen du bilan sociétal) (5).

1.9

Le Comité fait valoir que les actions destinées à encourager l'application concrète de ces valeurs et principes fondamentaux doivent être considérées comme des investissements judicieux, dans la mesure où ils ont pour but de valoriser les aspects économiques, sociaux et liés à l'emploi du tissu urbain, ainsi que son potentiel d'attraction et d'expression.

1.10

Le Comité soutient fermement la création de «prix européens de la ville verte» destinés à encourager l'optimisation des efforts et des comportements des collectivités locales et des sujets publics et privés qui les composent.

1.10.1

Le Comité juge important de donner lui-même l'exemple, de concert avec le Comité des régions, en examinant la possibilité de créer un prix annuel de la société civile intitulé «Eurogreen City», et d'assurer le suivi des meilleures pratiques en matière de développement durable urbain dans le cadre de l'OMU.

2.   Motivation

2.1

La grande majorité de la population européenne vit en zone urbaine, (6) où la qualité de vie est souvent mise à mal par une dégradation dramatique des systèmes de mobilité, des conditions environnementales, sociales et de l'accès aux services de base. Dans ce contexte, d'importantes mesures d'innovation, une utilisation plus pertinente des ressources et des comportements plus respectueux de l'environnement de la part des individus et des collectivités sont impératifs.

2.1.1

À plusieurs reprises, le CESE a eu l'occasion d'aborder ce problème et a en particulier souligné que «toute une série de facteurs … expliquent pourquoi les problèmes environnementaux — auxquels les citoyens sont extrêmement sensibles, notamment en ce qui concerne la qualité de l'air, la pollution acoustique et, plus particulièrement dans les pays du sud de l'Union, les ressources hydriques — se concentrent dans les villes».

2.1.2

L'intégration des aspects environnementaux dans le processus de développement urbain s'inscrit dans le cadre des priorités fixées par le Sixième plan d'action communautaire dans le domaine de l'environnement (2002-2012) en faveur du développement durable dans différents secteurs prioritaires, document sur lequel le Comité a eu l'occasion d'élaborer un avis.

2.1.3

En effet, ce programme d'action prévoit l'élaboration et l'adoption de sept stratégies thématiques (7) dans les secteurs suivants:

* la pollution atmosphérique,

* le milieu marin,

* l'utilisation durable des ressources naturelles,

* la prévention et le recyclage des déchets,

la protection des sols,

l'utilisation des pesticides,

* l'environnement urbain.

2.1.4

Cinq de ces sept stratégies thématiques ont été formalisées par la Commission dans les documents suivants: la proposition de stratégie thématique sur la pollution atmosphérique, adoptée par la Commission le 21 septembre 2005 (8), la proposition de directive sur la stratégie thématique pour le milieu marin, adoptée le 24 octobre 2005 (9), la proposition de directive relative aux déchets (nouvelle stratégie thématique pour la prévention et le recyclage des déchets), adoptée le 21 décembre 2005 (10), ainsi que la proposition de stratégie thématique sur l'utilisation durable des ressources naturelles, présentée le 21 décembre 2005 (11). La dernière proposition en matière d'environnement urbain, qui fait l'objet du présent avis, a quant à elle été présentée le 11 janvier 2006.

2.1.5

Il y a une interaction claire entre les propositions formulées dans les quatre stratégies thématiques présentées précédemment et celle à l'examen. Dans la stratégie pour l'environnement urbain, l'accent est mis sur les éléments suivants:

les mesures de lutte contre la pollution atmosphérique;

les mesures en faveur de la prévention et du recyclage des déchets;

les initiatives destinées à limiter les émissions de gaz à effet de serre produites par les combustibles fossiles utilisés dans les transports urbains et les systèmes de chauffage et de réfrigération urbains;

la protection des nappes phréatiques ainsi que des ressources naturelles, de la faune et de la flore des parcs urbains;

la protection de l'environnement marin, avec les ports et les villes côtières comme domaines d'application importants.

2.1.6

En outre, les mesures de lutte contre la pollution acoustique, qui ont fait l'objet d'un plan d'action pour les grandes agglomérations en 2002 (12), ainsi que la récente proposition de directive relative à la promotion de véhicules de transport routier propres (et en particulier les propositions en matière de marchés publics) (13) constituent deux autres éléments essentiels pour la proposition de stratégie thématique pour l'environnement urbain.

2.1.6.1

Sont également étroitement liés à la proposition de stratégie en question:

les actions communautaires de politique environnementale pour la gestion urbaine prévues par le programme LIFE-PLUS;

les actions communautaires de politique régionale et de cohésion, au titre du FSE, du FEDER et du Fonds de cohésion, ainsi que les initiatives communautaires URBAN II, EQUAL, INTERREG;

les actions communautaires relatives à l'utilisation rationnelle de l'énergie, aux économies d'énergie et à l'efficacité énergétique, dans le cadre du programme «Énergie intelligente» et, à l'avenir, du programme-cadre sur la compétitivité et l'innovation — PCI;

les actions en matière de recherche et de développement communautaires prévues par les programmes spécifiques du programme-cadre pluriannuel de RTD, qui concernent plus particulièrement l'environnement et la santé publique, les transports et l'énergie, la société de l'information au service d'une meilleure qualité de vie, le développement de la science et les progrès de la culture dans la société, les nouveaux matériaux et les nanotechnologies, la radionavigation et le développement de satellites au travers de GALILEO, GEO et GMES (14);

les interventions destinées à la conservation du patrimoine architectural, monumental et culturel urbain prévues par des programmes communautaires tels que MINERVA, LIFE/RICAMA, CULTURE 2000, MEDIA PLUS et CONTENTPLUS;

les actions communautaires prévues pour les pays du bassin méditerranéen et des Balkans (MEDA) ainsi que pour les pays de la Communauté des nouveaux États indépendants (CEI) (TACIS), qui font l'objet du nouvel instrument de proximité;

les actions communautaires prévues par la politique de coopération au développement de l'UE à l'égard des ACP, de l'Amérique latine (Mercociudades) et de l'Asie, ainsi que par la politique commerciale de l'UE (EU Trade Sustainability Impact Assessment — SIA).

2.1.7

Les conclusions de la consultation organisée par la Commission sur sa communication intermédiaire de 2004 (15), une première analyse de stratégies éventuelles en la matière, les initiatives volontaires de l'Agenda 21, la charte d'Aalborg (16), les conclusions du Conseil du 14 octobre 2004 sur l'importance de ce thème et d'une action à tous les niveaux, ainsi que les conclusions du sommet de Bristol élaborées sous la Présidence britannique (17), sont autant de contributions importantes qui ont été prises en compte dans le cadre de l'élaboration de la stratégie thématique pour l'environnement urbain.

2.1.8

La Commission a en outre élaboré un document de travail qui est joint en annexe à la communication à l'examen. Il s'agit d'une évaluation d'impact des divers scénarios possibles concernant l'application de la stratégie et leur coût.

2.1.9

Dans un Rapport de 2005 sur la dimension urbaine dans le contexte de l'élargissement (18), le Parlement européen a reconnu que les villes et les agglomérations ou zones urbaines, qui accueillent 78 % de la population de l'Union européenne, représentent un lieu où se concentrent les difficultés à la fois les plus complexes et les plus courantes, mais aussi un lieu où se bâtit l'avenir et où s'approfondit et se consolide la connaissance dans toutes ses déclinaisons. Aussi les villes ont-elles «un rôle central à jouer dans la réalisation des objectifs de Lisbonne et de Göteborg tels qu'ils ont été révisés». Le Parlement a demandé à la Commission de «développer et de proposer des modèles et des outils de développement urbain durable accessibles à toutes les villes et agglomérations ou zones urbaines».

2.1.10

Le CESE considère que les décideurs politiques, en accord avec les partenaires sociaux et, d'une manière générale, l'ensemble de la société civile, doivent œuvrer en faveur d'un environnement urbain qui permette d'obtenir un bénéfice social élevé au travers de politiques de formation.

2.2   La proposition de la Commission

2.2.1

La proposition de la Commission souligne que «la diversité des conditions historiques, géographiques, climatiques, administratives et juridiques appelle des solutions locales ad hoc en matière d'environnement urbain» et que «l'application du principe de subsidiarité, lorsqu'il convient d'agir au niveau le plus efficace, implique également une action au niveau local». Compte tenu de la diversité des zones urbaines et des obligations en vigueur aux niveaux national, régional et local, ainsi que des difficultés liées à l'établissement de normes communes, «il est apparu que l'action législative n'était pas le meilleur moyen d'atteindre les objectifs de la présente stratégie», ce qui a été confirmé par la plupart des États membres et autorités locales.

2.2.2

La stratégie thématique proposée s'articule autour des axes suivants:

Orientations relatives à la gestion environnementale intégrée;

Orientations concernant l'élaboration de plans de transports urbains durables par les autorités locales, notamment avec l'appui d'orientations techniques sur les principaux aspects des plans de transport, y compris des exemples de meilleures pratiques, qui seront publiées par la Commission en 2006;

Actions communautaires de soutien à l'échange des meilleures pratiques dans toute l'UE;

Portail Internet de la Commission à l'intention des autorités locales afin de faciliter l'accès à tous les documents publiés sur les différents sites destinés aux autorités locales dans le cadre du plan d'action pour une meilleure communication sur l'Europe;

Formation afin d'acquérir des compétences particulières pour adopter une approche intégrée de la gestion notamment au travers de programmes d'échange à l'intention des fonctionnaires des autorités locales et d'initiatives du FSE pour renforcer l'efficacité des administrations publiques aux niveaux régional et local; (19)

Recours aux autres politiques communautaires: politique de cohésion (20) et politiques en faveur de la recherche (21).

2.2.3

La proposition de la Commission ayant un caractère horizontal, il convient de l'examiner en relation avec les autres stratégies thématiques, en particulier celles relatives à la pollution atmosphérique, aux déchets ménagers ainsi que la stratégie visant à protéger les villes côtières de la pollution du milieu marin et la stratégie de protection des sols.

2.2.4

Il serait extrêmement utile que la Commission présente un texte consolidé de toutes les dispositions législatives sur le développement durable des villes et des agglomérations, des différents programmes communautaires consacrés à l'environnement urbain ainsi que des lignes d'orientation stratégique qui se réfèrent, à divers titres, au développement urbain.

2.3   Observations

2.3.1

Le Comité accueille favorablement la communication de la Commission qui aborde un sujet extrêmement important pour les citoyens européens, dans la mesure où elle concerne la qualité de vie dans les villes et zones urbaines, et qui met en exergue le rôle fondamental de ces dernières dans la création de richesse et de développement économique, social et culturel.

2.3.2

Il convient de mettre l'accent sur les conditions préalables de l'action stratégique, telles qu'elles ont été définies par l'Accord de Bristol de décembre 2005 (22) sur la création de communautés durables en Europe:

la croissance économique, faute de laquelle il est impossible d'investir dans la création et le maintien de communautés durables,

la capacité d'adopter une approche intégrée qui garantisse l'équilibre entre le développement durable d'une part et les défis économiques, sociaux et environnementaux, l'inclusion et la justice sociale d'autre part,

une identité culturelle forte pour faire des villes des centres d'excellence internationale afin de réaliser les objectifs de l'agenda de Lisbonne,

la capacité de relever les défis posés par la ségrégation sociale,

l'acceptation du fait que les communautés durables peuvent exister à différents niveaux: local, urbain, régional.

2.3.3

Conformément au principe communautaire «légiférer moins pour légiférer mieux», le Comité considère qu'il serait opportun:

d'adopter des méthodes de coordination sur une base volontaire, qui combinent la nouvelle approche de gestion urbaine intégrée et le contenu des directives sur l'environnement (eau, air, bruit, déchets, émissions gazeuses, changements climatiques, nature et biodiversité) ainsi que les autres stratégies thématiques prévues par le Sixième programme d'action 2002– 2012;

d'élaborer des systèmes de prévision concernant le développement de l'environnement urbain, partagés par tous les opérateurs économiques et sociaux, les acteurs concernés et les groupes d'utilisateurs finaux, y compris les plus faibles et marginaux, sur lesquels les décideurs locaux pourront baser leurs choix autonomes et dont les résultats serviront à identifier des indicateurs communs au niveau européen en matière de surveillance et d'étalonnage des performances;

d'intensifier la coopération entre les différents niveaux de gouvernement (local, régional et national) et entre les différents services des administrations locales, notamment concernant la protection du citoyen et des activités économiques contre la criminalité et la microcriminalité urbaine;

de prendre des mesures concrètes qui apportent une réponse aux problèmes posés par le vieillissement de la population urbaine, notamment en comparant les expériences de différentes villes européennes;

d'apporter l'appui de l'UE aux actions de renforcement des capacités des administrations locales et des organisations des acteurs économiques et sociaux et de la société civile implantées sur le territoire en question;

d'apporter l'appui de l'UE à la formation technique, à l'échange de bonnes pratiques et à l'échange de fonctionnaires et d'experts entre administrations locales de différents États membres;

de recourir à la création de partenariats entre le secteur public et le secteur privé, en particulier pour la gestion des programmes intégrés de développement économique et la promotion d'activités économiques et environnementales, dans le cadre de la planification urbaine durable et la réhabilitation des zones dégradées ou abandonnées, ainsi que de la revitalisation socioéconomique durable de petits et moyens centres urbains ou de quartiers dégradés des grandes villes (23);

d'assurer la coordination et la cohérence de l'action des services de la Commission chargés des politiques et programmes axés sur les différents aspects économiques, sociaux et environnementaux liés au développement urbain, moyennant la création d'un guichet unique pour l'ensemble des services, qui doit être bien défini et identifiable par les différents interlocuteurs externes;

d'apporter l'appui de l'UE aux études de faisabilité afin de garantir une vision claire et objective des coûts en termes de préparation, adoption, mise en œuvre, certification, contrôle et surveillance, évaluation de la qualité et révision des plans intégrés de gestion environnementale (EMP), des plans de transports urbains durables (SUTP), ainsi que des systèmes de gestion environnementale (EMS) (24) pour les villes et agglomérations urbaines en fonction de leur typologie et de leurs caractéristiques;

de renforcer le soutien communautaire à des projets concrets de développement ainsi qu'à des réseaux de villes européennes et non européennes, par exemple le Réseau européen des centres de ressources sur les politiques urbaines (EUKN), Eurocities, Mercociudades, Civitas-Mobilis, Urbact;

d'accroître le potentiel technologique de la société de l'information, de l'e-gouvernement, de l'e-enseignement et du télétravail dans le but de développer l'environnement urbain;

de développer des cursus de formation dans les écoles et les centres de formation, à différents niveaux, afin de sensibiliser davantage les citoyens aux thèmes de l'environnement et de former des «travailleurs de la connaissance»;

d'élaborer des systèmes d'évaluation d'impact permettant de fournir des analyses harmonisées des progrès accomplis au niveau des dynamiques environnementales, économiques, sociales, culturelles et technologiques des villes européennes. À cet égard, il est utile de prévoir la création de guides communs d'évaluation d'impact, sur le modèle du guide sur les études d'impact sur le développement durable (EU Draft Handbook for Sustainability Impact Assessment).

2.3.4

Le Comité accorde une importance considérable au processus que doit parcourir une région et une ville déterminée pour se définir comme un «territoire socialement responsable  (25)», ce qui est le cas lorsqu'un territoire ou une ville réussit à intégrer:

des aspects sociaux et environnementaux dans les décisions économiques;

des modèles de valeurs assortis d'une méthode participative dans les processus décisionnels en vue de relancer la compétitivité, notamment grâce à l'initiative communautaire JESSICA (26);

les bonnes pratiques et l'interaction continue entre tous les acteurs concernés afin d'encourager l'innovation et la compétitivité;

le «juste» bien-être et une attitude responsable vis-à-vis de l'environnement et de la santé;

une vision sensible et participative du développement urbain durable de la part du monde politique.

2.3.4.1

Le Comité est convaincu que le développement social et culturel du milieu urbain revêt une importance primordiale, compte tenu notamment de l'évolution démographique de la population et des flux migratoires.

2.3.4.2

Le Comité est également convaincu que toute stratégie efficace de développement durable des villes repose sur la lutte contre la pauvreté économique, sociale et culturelle, la dégradation de la santé physique et mentale, l'exclusion sociale ainsi que la marginalisation des groupes les plus vulnérables de la population urbaine dans le but d'améliorer l'insertion sociale des différents groupes ethniques et culturels.

2.3.5

Ce processus doit se dérouler selon des étapes bien définies, qui prévoient:

l'identification des valeurs communes de la communauté territoriale;

l'identification des ressources et des besoins;

la définition des objectifs de l'amélioration et des indicateurs d'évaluation harmonisés;

l'élaboration d'un plan opérationnel et d'identification des outils;

la gestion et le contrôle des projets de «territoire socialement responsable» selon une approche du bas vers le haut;

une forte action de sensibilisation et de formation continue pour le développement d'une culture du territoire.

2.3.5.1

Les pouvoirs locaux ont déjà pris en compte un certain nombre d'outils, parmi lesquels on peut par exemple citer:

l'utilisation de minibus électriques comme alternative aux véhicules privés dans le centre des villes (Salzbourg);

l'utilisation d'autobus roulant au biocarburant (Bologne);

l'utilisation de vélos «à pédalage assisté» (27), très utiles pour les personnes âgées et dans les villes à relief non montagneux en général (Ferrare, Milan);

le développement de métros légers reliant les aéroports et les centres intermodaux au centre des villes;

le développement de plans locaux d'aménagement urbain afin de favoriser le renouveau de la ville et préserver sa qualité architecturale et environnementale, sur le modèle exemplaire de Versailles (28).

2.3.5.2

Le CESE appuie la proposition de la Commission consistant à promouvoir la diffusion de «véhicules propres» pour le transport routier et à taxer les voitures non pas sur la base de la cylindrée mais sur les émissions de CO2.

2.3.6

Le CESE considère qu'il faut intensifier les actions de sensibilisation à ces questions à tous les niveaux, principalement au niveau local, afin de développer, y compris par le biais d'actions de prévision, le sens de l'engagement et des responsabilités des citoyens et des entreprises à l'égard du travail effectué ces dernières années en matière de développement durable et de responsabilité sociale des entreprises par les organismes internationaux tels que la Commission, l'ONU, l'OCDE et l'Institut européen pour le bilan sociétal.

2.3.6.1

Les procédures à adopter sont axées sur la recherche et l'innovation, les politiques d'appui à la rénovation des installations, la formation ainsi que la diffusion des systèmes de gestion environnementale et de contrôle.

2.3.6.2

Outre l'information et la diffusion d'une culture de la responsabilité, les outils les plus adéquats sont les normes ISO 14001, EMAS (29), GHG (30), les aides fiscales et financières destinées à atteindre ces objectifs, la simplification des procédures et la dispense d'obligations en matière environnementale pour tous ceux qui ont obtenu la certification pertinente.

2.3.6.3

Le Comité est d'avis qu'il serait utile de créer des «prix européens de la ville verte». Ceux-ci peuvent être un bon incitant pour optimaliser les efforts des collectivités locales ainsi que des organes publics et privés qui les composent en vue de développer une approche intégrée et des comportements qui s'inscrivent dans cette logique.

2.3.6.4

Le Comité juge important de donner lui-même l'exemple, de concert avec le Comité des régions, en examinant la possibilité de lancer un prix annuel de la société civile intitulé «Eurogreen City», et de contribuer à la vérification des progrès enregistrés par l'Observatoire ORATE/ESPON (31), d'identifier les obstacles et d'assurer le suivi des meilleures pratiques en matière de développement durable urbain dans le cadre de l'OMU.

2.3.7

De l'avis du CESE, la pierre angulaire d'une stratégie de développement urbain efficace consiste avant tout à identifier des systèmes de gouvernance adéquats afin de pouvoir ensuite passer à une gestion intégrée de situations complexes, qui prennent en compte l'ensemble des éléments suivants:

les différents niveaux territoriaux concernés par les interventions et la prise de décisions,

les divers centres décisionnels ayant des spécificités et des objectifs prioritaires propres,

un calendrier précis identifiant des objectifs à court, moyen et long terme,

2.3.8

De l'avis du CESE, les principaux éléments permettant d'améliorer le système de gouvernance intégrée du territoire socialement responsable doivent nécessairement comprendre les aspects suivants:

l'amélioration du processus de consultation au sein de la Commission,

la participation à la définition des actions proposées de tous les acteurs concernés par la durabilité socio-économique et environnementale des villes,

un dialogue constant et structuré avec la société civile en vue d'une diffusion transparente des informations sur les risques environnementaux, les choix technologiques propres et la nécessité de rendre les villes plus attrayantes,

une vision commune des perspectives à moyen terme, grâce à des actions de prévision participatives qui associent les centres décisionnels publics et privés,

le recours à des mécanismes d'évaluation d'impact reposant sur des critères et indicateurs définis au préalable au niveau communautaire, qui satisfont à une approche territoriale intégrée,

l'analyse des meilleures pratiques, en particulier en matière d'insertion sociale, de sécurité et de coexistence civile,

le renforcement de l'éducation scolaire sur la protection de l'environnement et de la formation extrascolaire destinée aux adultes et aux personnes âgées,

un effort commun destiné à développer, notamment avec le soutien des initiatives communautaires JEREMIE et JESSICA, le système d'ingénierie financière en mesure de renforcer la croissance, l'emploi et l'intégration sociale des villes au moyen des fonds structurels et de cohésion, de la BEI et du FEI ainsi qu'avec l'aide du PPP (partenariat public-privé),

des mesures d'encouragement et des systèmes de certification qui récompensent les efforts consentis par des organes publics et privés pour développer un environnement urbain durable et compétitif.

Bruxelles, le 13 septembre 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  JO C 65/02/2006, paragraphe 5.2.2 (Rapporteuse: Mme HEINISCH) et JO C 65 du 17.3.2006 (Rapporteurs : MM. WOLF et PEZZINI).

(2)  Article 37 — Protection de l'environnement: «Un niveau élevé de protection de l'environnement et l'amélioration de sa qualité doivent être intégrés dans les politiques de l'Union et assurés conformément au principe du développement durable»

(3)  «Choisissons d'unir le pouvoir des marchés et l'autorité des idéaux universels. Choisissons de mettre les forces créatrices de l'entreprise privée au service des déshérités et des générations à venir» (Kofi ANNAN, Secrétaire général des Nations unies). Annoncé par le Secrétaire général des Nations unies, Kofi ANNAN, lors du Forum économique mondial de Davos (Suisse) en janvier 1999, et formellement présenté au Quartier général des Nations unies en juillet 2000, le Pacte mondial invite les entreprises à adhérer à neuf principes universels dans les domaines des droits de l'homme, des conditions de travail et de l'environnement.

(4)  Les lignes directrices de l'OCDE ont été publiées en juin 2000 et s'adressent aux entreprises internationales.

(5)  L'IEBS a élaboré la «Charte des valeurs de l'entreprise» — Annexe II.

(6)  Comptant plus de 50.000 habitants.

(7)  Les priorités marquées d'un astérisque ont fait l'objet d'une directive.

(8)  COM(2005) 446 final.

(9)  COM(2005) 505 final.

(10)  COM(2005) 667 final.

(11)  COM(2005) 670 final.

(12)  Directive 2002/49/CE.

(13)  COM(2005) 634 final.

(14)  Surveillance mondiale pour l'environnement et la sécurité.

(15)  COM(2004) 60 «Vers une stratégie thématique pour l'environnement urbain».

(16)  www.aalborgplus10.dk

(17)  Accord de Bristol, décembre 2005, www.odpm.gov.uk cod. prod. 05 EUPMI 03584. L'accord de Bristol définit 8 caractéristiques fondamentales de la communauté durable: 1) active, inclusive et sûre ; 2) bonne gouvernance; 3) bonnes liaisons; 4) bonnes infrastructures de services; 5) sensible à l'environnement; 6) attractive; 7) bien structurée et édifiée; 8) accueillante pour tous.

(18)  PE(2005)0272 du 21 septembre 2005.

(19)  Le Fonds social européen (COM(2004) 493) peut fournir une aide dans le cadre de la formation des administrations publiques, aux différents échelons. Le programme Life + joue également un rôle important.

(20)  COM(2004) 494 et 495.

(21)  COM(2005) 1.

(22)  Cf. note 18.

(23)  La contribution de la Banque européenne d'investissement (BEI) dans ce domaine est considérable.

(24)  Cf. Annexe F du document de travail des services de la Commission SEC(2006) 16.

(25)  Cf. à ce sujet: examen de la stratégie de l'UE en faveur du développement durable. Nouvelle stratégie. Document du Conseil 10117/06 du 9.6.2006, points 29 et 30.

(26)  Jessica (Joint European Support for Sustainable Investment in City Areas — Soutien communautaire conjoint pour un investissement durable dans les zones urbaines) a pour objectif d'apporter des solutions aux problèmes de financement de projets d'aménagement et de développement urbain ainsi qu'à des projets de logement social, grâce à une combinaison de subventions et de prêts.

(27)  Équipés d'un moteur électrique.

(28)  Invité par M. Buffetaut, maire adjoint de la ville, le groupe d'étude, présidé par M. Mendoza Castro, a eu l'occasion de prendre connaissance sur place de l'élaboration, de l'articulation et du développement du plan local de développement urbain (PLU) de Versailles, dans le cadre de la mise en oeuvre de l'Agenda 21, décidée par le Conseil municipal de la ville en 2003 (cf. annexe 3).

(29)  EMAS, Règlement 1836/93, modifié par le règlement 761/2001.

(30)  Les nouvelles normes ISO 14064: une nouvelle norme relative au gaz à effet de serre, et directive 2003/87.

(31)  ORATE (Observatoire en réseau de l'aménagement du territoire européen / ESPON (European Spatial Planning Observation Network).


23.12.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/93


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Perspectives d'avenir de l'agriculture dans les zones à handicaps naturels spécifiques (régions de montagne, insulaires et ultrapériphériques)»

(2006/C 318/16)

Le 19 janvier 2005, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2 de son règlement intérieur, d'élaborer un avis sur«Perspectives d'avenir de l'agriculture dans les zones à handicaps naturels spécifiques (régions de montagne, insulaires et ultrapériphériques)».

La section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 11 juillet 2006 (corapporteurs: MM. Bros et Caball i Subirana).

Lors de sa 429e session plénière des 13 et 14 septembre 2006 (séance du 13 septembre 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 173 voix pour, 6 voix contre et 16 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE est d'avis que l'existence de zones à handicaps naturels spécifiques (régions de montagne, ultrapériphériques et en particulier insulaires) doit faire l'objet d'une reconnaissance publique et politique afin de permettre l'élaboration de politiques spécifiques, qui soient cohérentes avec les nécessités de ces régions.

1.2

Alors que les programmes de développement rural et les programmes régionaux sur la compétitivité sont en négociation entre les régions ou les États membres et la Commission européenne, le Comité économique et social européen a souhaité souligner l'importance et les besoins de l'agriculture dans les zones à handicaps naturels spécifiques (régions de montagne, insulaires et ultrapériphériques).

1.3

Constatant ces handicaps, le Comité demande à la Commission européenne de proposer de véritables politiques spécifiques en faveur de ces zones, de façon à coordonner les différentes politiques qui s'y appliquent et à développer une synergie entre les actions existantes.

1.4

Alors que le second pilier de la PAC, le développement rural, est indispensable et constitue donc une priorité politique essentielle, force est de constater qu'il a été l'une des principales variables d'ajustement permettant d'aboutir à un accord sur les perspectives financières. Constatant ces réductions de moyen budgétaire, le Comité demande à la Commission et au Conseil de concentrer en priorité les crédits du développement rural dans les zones les plus fragiles qui en ont le plus besoin, c'est à dire les zones à handicaps naturels permanents.

1.5

Dans l'élaboration des programmes de développement rural et des programmes régionaux des Fonds structurels, le Comité demande à la Commission et aux États membres de s'assurer de la complémentarité et de la cohérence de ces programmes dans les zones à handicaps naturels.

1.6

Le CESE propose qu'à l'instar des plates-formes actuelles visant la promotion de régions de montagne, telles que la plate-forme EUROMONTANA, il faudrait encourager la mise en œuvre d'initiatives de coopération dans les régions insulaires et ultrapériphériques, principalement axées sur des questions de politique agricole et bénéficiant d'une participation active de la société civile.

1.7

En raison de la fragilité de l'agriculture et de l'importance qu'elle revêt dans ces régions, le CESE considère qu'il est essentiel de créer un observatoire européen pour ces zones (montagnes, îles et régions ultrapériphériques). Il s'agit de développer une vision européenne de l'agriculture dans ces régions qui serve à la fois de point de référence pour le suivi, l'analyse et la diffusion de la situation de l'agriculture dans ces zones, mais aussi de point de rencontre, de réflexion et de dialogue entre les administrations, la société civile et les différents organismes européens et qui présente des initiatives européennes pour la préservation et le développement de l'agriculture dans ces régions.

1.8

Le CESE tient néanmoins à souligner qu'hormis les régions de montagne, insulaires et ultrapériphériques évoquées dans le présent avis, de nombreuses autres zones souffrent elles aussi de handicaps comparables pour l'exercice d'une activité agricole, à savoir les caractéristiques de la localisation des exploitations, les coûts de production et les conditions climatiques. C'est notamment le cas des «autres zones à handicaps» et des «zones à handicaps spécifiques». Le CESE traitera de ces régions dans un prochain avis.

1.9

La délimitation des autres zones à handicaps doit elle aussi s'opérer essentiellement en fonction des inconvénients objectifs qu'y présente l'exercice d'une activité agricole. Mais il faut également tenir suffisamment compte des spécificités régionales.

2.   Motivation

2.1

Antécédents de l'avis

Avis du CESE sur «L'avenir des territoires de montagne dans l'Union européenne» (1).

Avis du CESE sur le développement rural (2).

Résolution du Parlement européen du 6 septembre 2001 sur «Les 25 ans d'application de la réglementation communautaire en faveur de l'agriculture de montagne» (3).

Avis du CESE sur les régions ultrapériphériques (4).

Avis du CESE sur la stratégie pour les régions ultrapériphériques (5).

Avis du CESE sur les problèmes de l'agriculture dans les régions et îles ultrapériphériques de l'Union européenne (6).

3.   Partie commune: les zones à handicaps naturels permanents

3.1

Les règlements relatifs au développement rural et aux politiques régionales sont aujourd'hui adoptés. Les répartitions financières ont été difficiles à cause des montants réduits alloués à ces politiques. L'accord sur les perspectives financières 2007-2013 conduit à une réduction des montants alloués au développement rural dans les anciens États membres et à une plus grande dispersion des fonds de la politique régionale.

3.2

Après de nombreuses années, certaines zones de montagne et ultrapériphériques, à handicaps naturels permanents ont été reconnues au niveau de la politique agricole commune et de la politique régionale, tandis que les régions insulaires ne bénéficient pas de cette reconnaissance.

3.2.1

Les zones de montagne se révèlent importantes dans le contexte européen: elles couvrent un tiers du territoire et quelque 18 % de la population de l'Union européenne à 25 États membres y vivent. L'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie apportera dans l'Union européenne des zones de montagne étendues. Les zones de montagne européennes sont extrêmement variées aussi bien par leurs caractéristiques physiques comme la topographie et le climat, que par leurs caractéristiques socio-économiques comme la démographie, l'accessibilité et les liens avec les zones voisines. Elles diffèrent en termes d'utilisation des terres, de rôle de l'agriculture, de cohésion sociale et, plus important encore, de degré de développement économique.

3.2.2

Les cinq critères utilisés par EUROSTAT pour définir une région insulaire sont: superficie minimale de 1 km2, distance minimale de 1 km par rapport au continent, population permanente minimale de 50 habitants, absence de structures permanentes reliant le continent au territoire concerné et absence de capitale de l'UE sur le territoire concerné.

3.2.3

Toute île abritant une capitale de l'UE n'entre pas dans le champ de la définition d'EUROSTAT. Ainsi, avant l'élargissement, le Royaume-Uni et l'Irlande en étaient exclues. En revanche, depuis mai 2004, deux îles relativement petites, Chypre et Malte, ont adhéré à l'UE. Aussi, le CESE suggère-t-il que l'on reconsidère les termes de la définition précitée de telle sorte que ces deux États membres puissent y être inclus. Ceci a été reconnu par l'UE dans sa proposition sur les nouveaux Fonds structurels et de cohésion, ainsi que dans le traité établissant une Constitution pour l'Europe qui inclut une référence à cet égard.

3.2.4

Les régions ultrapériphériques, à savoir les départements français d'outre-mer, les Açores, Madère et les îles Canaries, font partie de plein droit de l'UE tout en étant caractérisées par une réalité singulière. Il s'agit de régions qui partagent une réalité similaire, caractérisée par un ensemble de facteurs géographiques, physiques et historiques qui déterminent en grande partie leur développement économique et social.

3.2.5

D'autres zones spécifiques moins étendues, comme les zones périurbaines (7), les zones humides, les polders, etc., peuvent faire face à des handicaps particuliers, qui devraient faire l'objet d'une attention particulière dans un cadre plus déconcentré de mise en œuvre des politiques européennes. Le Comité pourrait traiter ces questions dans un avis ultérieur.

3.3

Ces zones font face à des handicaps naturels permanents, comme l'isolement engendrant des surcoûts de commercialisation, d'approvisionnement et de services et des difficultés d'accès aux marchés. De plus, les coûts des infrastructures, des transports, et de l'énergie sont plus élevés.

3.4

C'est pourquoi, il est particulièrement important d'assurer la présence de l'activité agricole dans ces zones à handicap pour le développement économique, la vie sociale, le patrimoine culturel (pourcentage élevé de population agricole dans ces zones), l'équilibre territorial et l'environnement.

3.5

Les évolutions récentes de la PAC sont nombreuses et profondes et affecteront nécessairement le développement durable des territoires européens et en particulier les zones à handicaps naturels spécifiques, notamment en raison de l'affaiblissement du second pilier pour les anciens États membres. On peut voir dans ces évolutions une double tendance: d'une part une réponse européenne aux négociations de l'OMC (Organisation mondiale du commerce) et une recherche de compétitivité sur les marchés internationaux et, d'autre part, une tendance au renforcement souhaitable mais non réel des soutiens pour la protection de l'environnement, pour le bien-être animal et pour le milieu rural.

3.6

La réforme de la PAC de 2003 a pour objectif théorique d'améliorer la compétitivité et d'orienter la production agricole en fonction des marchés. Or les seules forces du marché conduiraient à la disparition de l'agriculture des zones à handicap. Il est donc nécessaire d'avoir une politique volontariste pour maintenir l'activité agricole dans ces zones difficiles.

3.7

L'impact de la réforme du «premier pilier» adoptée le 29 septembre 2003, avec le découplage, la conditionnalité et la modulation, est difficile à estimer puisque les États et les régions sont intervenus dans des choix stratégiques de façon différente. Mais il apparaît que la réforme comprend des risques d'abandon et/ou de délocalisation des productions (puisque la production n'est pas obligatoire pour recevoir les aides directes) par exemple en matière de production animale et de finition des animaux.

3.8

Alors que la Commission négocie avec les régions européennes et les États membres les programmes de développement rural et de politique régionale, il est indispensable que les territoires à handicaps naturels permanents fassent l'objet d'une attention toute particulière en vue d'assurer la cohésion territoriale, nécessaire au succès de la stratégie de Lisbonne. Axer uniquement les politiques publiques sur des stratégies de compétitivité, irait, en ce sens, à l'inverse des objectifs recherchés. Or c'est dans cette direction que certains pays de l'Union semblent vouloir s'engager.

3.9

L'agriculture doit demeurer une activité économique basée sur la volonté d'entreprendre des agriculteurs. Il ne s'agit pas de faire des zones à handicap des conservatoires de pratiques agricoles révolues; ni des zones à enjeux environnementaux dominants ou exclusifs. Le secteur agricole a su se développer et se moderniser de façon à répondre aux attentes des consommateurs et des citoyens. Cette dynamique doit être poursuivie de façon à valoriser les capacités d'innovation et d'entreprise des agriculteurs. L'agriculture des zones à handicap doit continuer dans cette voie et permettre à un secteur agro-alimentaire de se développer sur la base de leur production afin d'assurer la vitalité économique de ces zones. Les aides d'État à finalité régionale doivent en particulier y contribuer.

4.   Régions de montagne

4.1

Introduction: les spécificités de l'agriculture de montagne et les enjeux du développement rural.

4.1.1

L'agriculture de montagne en Europe répond à un certain nombre de caractéristiques spécifiques. Même si les zones de montagne ne sont pas uniformes en Europe, ni d'un point de vue environnemental, pédologique et climatique, ni d'un point de vue économique et social, elles ont en commun des restrictions (ou handicaps) dans l'exercice agricole en raison des pentes, des reliefs accidentés, et des climats le plus souvent défavorables. Ces restrictions limitent les choix de production à l'herbe et aux productions animales. Elles rendent l'agriculture moins facilement adaptable aux conditions de concurrence et engendrent des surcoûts qui ne lui permettent pas de produire des produits très compétitifs à bas prix. En revanche, cette agriculture a de nombreux atouts pour le développement durable des territoires de montagne.

4.1.2

Les enjeux de développement rural en montagne sont essentiellement liés à la rareté du foncier exploitable, à la concurrence avec d'autres activités comme la forêt ou l'urbanisation, à la déprise agricole, à la fermeture des paysages, au développement du tourisme, à l'accessibilité (ou l'isolement), aux services d'intérêt général, à la gestion de l'eau, des ressources naturelles et en particulier à la préservation de la biodiversité. Ils tiennent enfin à la sécurité des biens et des personnes grâce aux rôles positifs joués par l'agriculture et la forêt en matière de lute contre les risques naturels comme les éboulements, les crues torrentielles, les avalanches ou les incendies.

4.2   La nécessité d'une définition harmonisée dans l'Union européenne

Rappel position avis du CESE sur «L'avenir des territoires de montagne dans l'Union européenne»  (8):

On constate ainsi d'importantes disparités [dans le zonage des montagnes] d'un État membre à l'autre. Tout en maintenant une certaine subsidiarité dans la désignation finale des territoires concernés, il conviendrait donc d'harmoniser la réalité de la montagne européenne en adaptant en conséquence la définition communautaire actuelle par l'indication d'une fourchette pour chacun des trois critères (pente, altitude, climat).

4.2.1

Suite au rapport de la Cour des comptes européenne et à l'étude commanditée par la Commission européenne intitulée: «Zones de montagne en Europe: analyse des régions de montagne dans les États membres actuels, les nouveaux États membres et d'autres pays européens», qui a été publiée en janvier 2004 sur Internet à l'adresse http://europa.eu.int/comm/regional_policy/sources/docgener/studies/study_fr.htm, donne les moyens à la Commission de parvenir à une définition harmonisée du territoire de montagne.

4.3   L'Union européenne doit avoir une politique spécifique en faveur des zones de montagnes

4.3.1

L'agriculture de montagne a des effets irremplaçables sur l'environnement et les territoires. Pour l'économie locale, l'environnement et l'ensemble de la société, les agriculteurs jouent un rôle positif.

Il s'agit de ses «externalités positives» ou de son caractère «multifonctionnel». En effet, l'agriculture constitue un relais efficace d'aménagement de l'espace, de gestion des ressources naturelles, et elle est l'élément clé de la construction des paysages. Or ces éléments sont particulièrement précieux en montagne, en raison des importantes ressources en eau, de la biodiversité spécifique à la montagne, et de l'enjeu touristique de presque tous les territoires de montagne. Par ailleurs, cette agriculture contribue au maintien de certaines espèces animales et végétales, que ce soit par leur exploitation directe (races bovines ou ovines exportées dans le monde entier en raison notamment de leur rusticité ou espèces végétales spécifiques comme les plantes à parfum ou certaines céréales redécouvertes aujourd'hui par les consommateurs) ou par l'effet de l'activité agricole (entretien des alpages, etc.). Elle contribue aussi à une diversité des productions agricoles et alimentaires sur les marchés, notamment parce qu'elle fournit souvent des produits originaux et dotés d'une grande notoriété pour lesquels il y a moins de concurrence, ce qui permet aussi de préserver des savoir-faire traditionnels. Enfin, cette agriculture contribue à l'emploi rural, et est étroitement liée aux activités rurales non agricoles avec une proportion importante de pluri-actifs dans beaucoup de régions.

4.3.2

À moins d'imaginer que ces externalités positives puissent faire l'objet d'une facturation de services rendus, ce qui, en règle générale, n'est pas le cas pour l'instant, une diminution globale du soutien aux agriculteurs de montagne aurait des impacts immédiats sur celles-ci, en accélérant la disparition des exploitations et, par voie de conséquence, de leur fonction d'entretien de l'espace. Il s'agit là d'une question d'intérêt général qui concerne l'ensemble des décideurs publics et de la société. Elle ne peut être ignorée si l'on veut réellement privilégier les voies et moyens d'un développement durable.

4.3.3

La nécessité de conserver une activité agricole productive en zone de montagne est particulièrement forte pour l'économie rurale, afin de permettre la transformation et donc la création de valeur ajoutée dans ces zones, synonymes d'emploi, de croissance, etc. De plus, les produits de montagne sont souvent à la base d'un patrimoine culturel particulièrement riche en montagne dont la survie dépend des produits locaux, comme par exemple l'artisou de Margeride (9) à l'origine de la fête des artisous, le fromage de Mahon ou de l'anis à Rute, etc.

4.3.4

L'agriculture de montagne souffre de contraintes spécifiques et permanentes. Du fait de la mise en place du premier pilier de la PAC, basée historiquement sur les niveaux de production des systèmes agricoles, les zones de montagne ont en conséquence un niveau de soutien du premier pilier inférieur à celui des plaines. Les aides du second pilier ont de fait, une importance équivalente à celle du premier pilier dans ces zones. Une politique spécifique en faveur des zones de montagne doit permettre une prise en compte globale et cohérente des problèmes spécifiques que rencontrent les exploitations montagnardes, qu'elles soient agricoles ou pastorales. Cette politique témoigne du fait que la société se donne les moyens de promouvoir une agriculture dynamique en montagne, capable d'assurer les fonctions de production agricole et d'entretien des paysages jugés indispensables pour l'aménagement et le développement futur de ces territoires.

4.3.5

Dans le cadre du réseau européen de développement rural, le Comité demande à la Commission la mise en place d'un groupe de travail thématique sur les questions relatives aux montagnes.

4.3.6

Les montagnes méditerranéennes cumulent à la fois les handicaps de la montagne et ceux du climat méditerranéen (sécheresse, incendie, orage…). Cette spécificité devrait être prise en compte au niveau européen pour permettre une adaptation des politiques au niveau régional.

4.4   Privilégier les zones de montagnes dans l'affectation des crédits du second pilier

4.4.1

Alors que les budgets du développement rural diminuent ou stagnent dans les anciens États membres et que les nouveaux États membres sont tentés d'affecter les crédits dans les zones les plus productives à court terme, la Commission européenne doit veiller à ce que les crédits européens soient affectés en priorité dans les zones à handicapes naturels permanents, qui en ont besoin de façon récurrente.

4.5   La consolidation des mesures d'indemnités aux agriculteurs de montagne est essentielle

4.5.1

La compensation des handicaps naturels et, par voie de conséquence, des surcoûts de production, représente la mesure la plus importante pour le soutien à l'agriculture de montagne. Cette mesure n'est aujourd'hui remise en cause par personne, même si elle ne dispose pas de moyens suffisants pour satisfaire ses objectifs.

4.5.2

Les conditions de production agricole en montagne se caractérisent essentiellement par des contraintes fortes liées à l'altitude, à la pente, à l'enneigement et aux difficultés de communication. Ces contraintes ont des conséquences de deux ordres. Elles entraînent des surcoûts d'équipement (bâtiments et matériels) et de transport et réduisent la productivité des facteurs (foncier, capital, travail) dans des proportions plus ou moins élevées selon les systèmes de production pratiqués et le degré des handicaps.

4.5.3

La productivité plus faible des facteurs de production agricole en montagne est liée à la réduction de la durée de la végétation active qui passe de huit mois en plaine à moins de six mois à 1 000 m d'altitude. Cela signifie qu'il faut récolter au moins un tiers de fourrage supplémentaire pour nourrir un animal, et ce, sur des surfaces moins productives en unités fourragères.

4.5.4

L'indemnité compensatrice de handicaps naturels (ICHN) est le premier outil de soutien qui intègre ces objectifs. Son plafonnement est souhaitable pour limiter l'agrandissement des exploitations qui sont déjà moyennes à grandes, en vue de maintenir un nombre suffisant d'exploitations, évitant ainsi la désertification.

4.6   Les autres mesures de soutien de l'activité agricole dans les zones de montagne doivent être poursuivies et renforcées

4.6.1   La politique de l'élevage extensif à l'herbe

4.6.1.1

Au travers des mesures agro-environnementales, il a été possible durant les périodes de programmation précédentes de mettre en place une politique visant à soutenir la production herbagère dans les zones de production extensives. Il faut poursuivre dans cette voie à l'aide de mesures simples et accessibles au plus grand nombre d'éleveurs, complétées par d'autres mesures plus ciblées sur des territoires à enjeux environnementaux spécifiques.

4.6.1.2

Limiter le soutien agro-environnemental à ce dernier type de zone irait en effet à l'encontre de l'objectif recherché dans la mesure où il conduirait presque inéluctablement à la disparition des activités d'élevage et au retour à des états de nature délaissée, préjudiciables à la prévention des risques naturels, à la multifonctionnalité des espaces concernés et à la préservation de la biodiversité. Il faut noter par ailleurs qu'en tout état de cause, les mesures agro-environnementales entrant en vigueur à partir de 2007 sont devenues de fait plus sélectives qu'auparavant, puisqu'elles incluent désormais un socle obligatoire non rémunéré lié à la mise en œuvre de la conditionnalité.

4.6.2   Le soutien aux investissements

4.6.2.1

Les surcoûts de construction des bâtiments en montagne sont liés à de nombreux éléments: résistance aux charges de neige et aux vents violents, isolation, travaux de terrassement plus importants, augmentation de la durée de stabulation et donc du volume de stockage des fourrages et des effluents. Les surcoûts de mécanisation sont dus à la spécificité du matériel nécessaire pour travailler dans des terrains pentus et à son usure précoce due aux conditions climatiques. Ils sont liés aussi à la petite taille des séries produites. De même que la compensation des handicaps naturels, le soutien aux investissements est en effet une condition de la pérennité des exploitations agricoles, et devrait donc être renforcé en zone de montagne.

4.6.3   Installation des jeunes et prêt bonifié

4.6.3.1

L'évolution en montagne comme ailleurs est une diminution du nombre d'installations en raison de l'absence de perspectives d'avenir, de la pénibilité du travail et du poids financier du capital d'exploitation à transmettre: lorsque trois agriculteurs cessent leur activité, un seul est remplacé, en montagne comme ailleurs.

4.6.3.2

Pourtant, en raison de la fragilité des systèmes agricoles en montagne et des niveaux d'investissements plus élevés qu'en plaine, il est plus important qu'ailleurs de favoriser le renouvellement des générations et l'installation en agriculture. Il s'agit là d'un objectif qui intéresse directement l'agriculture, mais qui s'inscrit aussi pleinement dans un intérêt général bien compris, comme cela a été souligné précédemment.

4.6.4   Compensation des surcoûts des services

4.6.4.1

Les surcoûts des services d'insémination artificielle, de collecte des récoltes sont essentiellement dus à la moindre densité des exploitations de montagne, ce qui allonge les transports, ainsi qu'aux conditions mêmes du transport qui sont plus difficiles et entraînent une usure précoce des véhicules. Pour répondre à l'objectif de maintenir des exploitations en zones de montagne, il est nécessaire de prévoir un soutien à ces services, et particulièrement à la collecte du lait, dont la charge est actuellement supportée par les agriculteurs. Dans le contexte de la montagne, l'argument selon lequel de tels soutiens auraient des effets anticoncurrentiels ne saurait être considéré comme recevable, car les règles du marché ne s'appliquent pas de façon égale et indifférenciée sur tous les territoires.

4.6.5   Soutien aux industries agro-alimentaires

4.6.5.1

Afin de valoriser les produits issus de l'agriculture de montagne, il est indispensable de disposer sur place des outils industriels de transformation et de commercialisation. Mais ces industries agro-alimentaires subissent elles aussi les contraintes liées à la montagne: éloignement des marchés, coût accru des transports, coût de construction et frais de maintenance plus élevés. Ceci amènerait aussi la création d'emploi, ce qui est particulièrement important en zone rurale.

4.6.5.2

C'est pourquoi des soutiens permanents à ces activités sont légitimes et nécessaires. Les industries agro-alimentaires doivent pouvoir bénéficier d'un accès large aux aides à finalité régionale.

4.6.6   Soutien aux investissements agrotouristiques

4.6.6.1

L'agritourisme est très développé dans certaines régions de montagne européennes, comme en Autriche, et assure un complément de revenu indispensable à la survie de ces exploitations. Inversement, le développement du tourisme dans ces zones, y compris en dehors des exploitations, existe en raison de l'attrait des paysages et des cultures qui sont essentiellement dus à l'activité agricole.

4.6.7   Soutien de la Charte européenne des produits agro-alimentaires de qualité

4.6.7.1

La plupart des exploitations de montagne ne peuvent être compétitives en produisant des produits de masse, standardisés, payés au même prix (ou souvent à des prix inférieurs en raison de l'isolement) que ceux de la plaine. La recherche de la qualité, de l'authenticité et de l'originalité des produits, la mise en place de circuits valorisant la production et la structuration de filières agro-alimentaires permettant d'optimiser la valeur ajoutée sont, en montagne encore plus qu'ailleurs, une nécessité impérieuse pour accroître les revenus agricoles. De très nombreuses appellations d'origine sont originaires des zones de montagne.

4.6.7.2

Une protection adéquate des produits agro-alimentaires de qualité issus de la montagne, synonyme de confiance pour le consommateur et de valorisation pour le producteur, représente un enjeu majeur pour l'avenir de l'agriculture de montagne. C'est pourquoi, le Comité est signataire de la Charte des produits agro-alimentaires de montagne de qualité (10) et souhaite que les institutions communautaires soutiennent cette démarche.

4.7   Intégration des politiques agricole et régionale pour un meilleur effet sur les territoires de montagne

4.7.1

La politique régionale européenne, par exemple, intègre un objectif de cohésion territoriale qui n'apparaît que très peu dans la PAC. Elle a une dimension rurale qui pourrait être renforcée. Ces deux politiques ensemble, de façon coordonnée, ont le potentiel d'agir fortement et positivement sur le développement durable en montagne.

4.8   Autres points à considérer

4.8.1   La gestion des grands prédateurs doit être concertée

4.8.1.1

L'émergence et le développement d'un élevage ovin extensif dans les montagnes européennes avaient été rendus possible par l'éradication des grands prédateurs. Leur recrudescence (loup dans les Alpes ou l'ours dans les Pyrénées) conduit à une remise en question de ce mode d'élevage extensif peu gardienné.

4.8.1.2

Des initiatives existent pour proposer des solutions équitables susceptibles de réconcilier l'exercice du pastoralisme dans les zones de montagne avec la protection des grands prédateurs, notamment en Italie et en Espagne (moyens de protection efficaces, indemnisation des pertes, compensation des efforts supplémentaires imposés par la cohabitation avec le prédateur, …), qui doivent être poursuivies. Ces expériences doivent être valorisées dans les autres régions de montagne européennes.

4.8.2   L'activité forestière est un complément indispensable

4.8.2.1

La superficie totale des forêts de montagne est estimée à environ 28 millions d'hectares pour l'UE à 15 et 31 millions d'hectares pour l'UE à 25. Elle progresse à un taux supérieur à celui de l'ensemble de la forêt européenne. L'activité forestière est souvent à l'origine d'un complément de revenu pour les exploitants de montagne. Dans le contexte actuel d'une meilleure valorisation de la biomasse, notamment à des fins énergétiques, elle pourrait constituer une opportunité supplémentaire pour le développement durable des régions de montagne, à condition de gérer rationnellement l'implantation des nouveaux espaces forestiers. La sélection d'espèces et de variétés adaptées, notamment pour leurs qualités mécaniques, constituerait également une opportunité pour les régions de montagne et pour les marchés de la construction en bois, tout en permettant de limiter les importations en provenance des pays tiers, qui peuvent être à l'origine de désastres écologiques.

4.8.2.2

Du point de vue fonctionnel, les écosystèmes forestiers de montagne ont aussi des caractéristiques particulières. Ils jouent par ailleurs un rôle central et fondamental de régulation des eaux superficielles et souterraines et sont particulièrement sensibles aux impacts extérieurs (pollutions, surcharge de gibier, tempêtes, insectes), et aux incendies, plus difficiles à prévenir et à maîtriser dans ces zones où l'accès est limité et où la propagation du feu peut être très rapide.

4.8.2.3

La stabilité écologique des écosystèmes de montagne n'est pas seulement importante pour ceux-ci, mais aussi pour la protection des régions en aval.

4.8.3

Le Comité se félicite de l'approbation du protocole agricole de la Convention alpine par la Communauté européenne. Dans le cadre de ces travaux, la Commission européenne doit favoriser les coopérations internationales de ce type pour tous les massifs montagneux européens.

5.   Régions insulaires

5.1   Définition

5.1.1

Plus de 10 millions d'européens, soit 3 % de la population de l'UE, vivent dans les 286 régions insulaires, qui occupent une superficie de 100 000 km2, c'est-à-dire 3,2 % de la superficie totale de l'Union européenne. Ces 286 îles sont regroupées en archipels, et l'on parle donc de 30 régions insulaires. Par exemple, les îles Baléares, composées de 4 îles selon la définition de l'UE, sont regroupées en une seule région insulaire. En général, l'agriculture de ces 286 îles présente un degré de développement économique inférieur à celui du continent européen. Les régions insulaires génèrent 2,2 % de l'ensemble du PIB de l'UE, représentant à peine 72 % de la moyenne de l'UE.

5.1.1.1

L'on parle, en somme, des îles de la Méditerranée: 95 % des habitants des îles européennes vivent dans les îles de la Méditerranée et à peine 5 % dans les îles de l'Atlantique ou septentrionales. Quelque 85 % de la population européenne insulaire se concentrent dans cinq régions insulaires méditerranéennes (Sicile, Corse, Sardaigne, îles Baléares et Crète).

5.1.1.2

L'on parle fréquemment du coût de l'insularité, c'est-à-dire du surcoût lié au fait de vivre sur une île. Or, il y a lieu de se demander si ce coût correspond à une réalité. Est-il en effet plus cher de consommer et de produire sur une île que sur le continent? Pour pouvoir répondre à cette question, il faut accepter la prémisse suivante: si l'on considère que l'environnement naturel a une incidence sur l'activité humaine et, partant, sur l'activité agricole, l'on peut alors parler de coût de l'insularité.

5.2   Observations générales

5.2.1

Bien que des différences subsistent d'une région à l'autre, l'agriculture des îles présente cependant deux caractéristiques communes: la dualité et la dépendance, c'est-à-dire la coexistence d'une agriculture moderne, «d'exportation», et d'une agriculture traditionnelle, plus ou moins proche d'une agriculture de subsistance, largement dépendante vis-à-vis de l'extérieur, aussi bien pour les facteurs de production que pour la destination finale des produits, tant pour le commerce local qu'extérieur. La balance commerciale montre clairement comment ces régions exportent un ou deux produits «spécialisés» tout en important un large éventail de produits agricoles et d'élevage destinés à la consommation intérieure.

5.2.2

En tout état de cause, le développement rural est confronté à une série de problèmes communs permanents, dus à l'isolement géographique et économique de ces régions, problèmes aggravés par les autres handicaps naturels cités plus haut.

5.3   Observations spécifiques

Ces régions sont caractérisées par l'existence de handicaps permanents qui les distinguent clairement des régions continentales, à savoir:

5.3.1

Handicaps généraux et agricoles:

isolement par rapport au continent;

dimension limitée des terrains;

faible disponibilité d'eau;

sources d'énergie limitées;

diminution de la population autochtone, notamment des jeunes;

manque de main-d'œuvre qualifiée;

absence d'environnement économique pour les entreprises;

difficulté d'accès aux services d'éducation et de santé;

coût élevé des communications et des infrastructures (maritimes et aériennes);

difficulté de gestion des déchets

5.3.2

Handicaps agricoles:

monoculture et saisonnalité de l'activité agricole;

fragmentation territoriale compliquant la gestion, l'administration et le développement économique de ces régions;

marchés de taille limitée;

isolement par rapport aux grands marchés;

oligopoles pour l'approvisionnement en matières premières;

déficit d'infrastructures de transformation et de commercialisation;

forte concurrence pour le sol et l'eau due à un tourisme croissant;

insuffisance d'abattoirs et d'industries de première transformation de produits locaux.

6.   Régions ultrapériphériques

6.1   Définition

6.1.1

La Commission européenne a décidé d'adopter une politique conjointe pour ces régions, au travers des programmes d'orientation spécifique à l'éloignement et à l'insularité des régions ultrapériphériques (POSEI): POSEIDOM pour les départements français d'outre-mer, (Martinique, Guadeloupe, Guyane et Réunion), POSEICAN pour les îles Canaries et POSEIMA pour Madère et les Açores.

6.2   Observations générales

6.2.1

L'agriculture des régions ultrapériphériques représente, indépendamment de son importance relative dans le PIB régional, en tout cas supérieure à la moyenne communautaire, un secteur fondamental pour l'économie de ces régions (ayant des effets indirects importants sur les transports et les autres activités connexes), leur équilibre social et la stabilité de l'emploi, l'aménagement du territoire, la conservation de leur patrimoine naturel et culturel, ainsi que pour des raisons stratégiques de sécurité en matière d'approvisionnement.

6.3   Observations spécifiques

6.3.1

Les limitations naturelles et les difficultés d'approvisionnement en moyens de production et en technologie adéquate occasionnent des coûts de production élevés.

6.3.2

Il est particulièrement difficile pour les productions de ces régions, plus chères que celles provenant du continent, de concurrencer les produits importés sur les marchés locaux, difficultés dues à la dispersion de la production, au morcellement et au manque de structures adéquates de transformation et de commercialisation. Par ailleurs, l'implantation croissante d'«hypermarchés» et de grands réseaux de distribution ne contribue pas non plus à améliorer cette situation.

6.3.3

L'absence d'économies d'échelle, avec des marchés locaux de dimension réduite et fréquemment morcelés, le manque de structures associatives (coopératives, …), la rareté, voire l'inexistence d'abattoirs et de petites industries de transformation, s'ajoutent aux difficultés.

6.3.4

L'industrie de transformation locale, dont le développement est également entravé par ce genre d'obstacles, ne constitue pas non plus un client adéquat étant donné que la possibilité d'obtenir une valeur ajoutée pour les produits est très limitée.

6.3.5

Les difficultés en matière d'exportation sont semblables: dispersion et morcellement de l'offre, systèmes et infrastructures de commercialisation différents, difficultés d'accès aux centres de distribution de destination et difficultés de réaction «en temps opportun» aux changements du marché, etc.

6.3.6

La diminution de la population autochtone, notamment des jeunes, attirée par d'autres secteurs économiques, surtout le secteur touristique, ou émigrant hors des régions insulaires.

6.3.7

Les exploitations, au sein desquelles les femmes jouent un rôle déterminant, sont généralement de taille réduite et à caractère familial; elles ont largement recours à l'emploi à temps partiel, et éprouvent de grandes difficultés à pratiquer une agriculture plus extensive, en raison du morcellement excessif et des difficultés de mécanisation.

6.3.8

En l'absence d'un secteur industriel important, le développement économique s'oriente vers le secteur touristique, ce qui aggrave la fragilité de l'environnement et place l'agriculture dans une position défavorable, les deux secteurs se disputant les meilleures terres, l'eau et la main-d'œuvre. En outre, le déplacement des populations vers les zones côtières cause des problèmes d'érosion et de désertification.

6.4   Handicaps agricoles

6.4.1

Les productions agricoles telles que les tomates, les fruits tropicaux, les plantes et les fleurs doivent pouvoir concurrencer sur leurs marchés les produits semblables en provenance d'autres pays qui ont des accords d'association avec l'UE, tels que les pays ACP et le Maroc, ou qui bénéficient de régimes préférentiels.

6.4.2

Les programmes POSEI agricoles ne sont pas encore arrivés à leur niveau optimal d'utilisation du fait essentiellement du caractère récent de certaines mesures. Il conviendra donc de respecter les plafonds fixés en dotant ces programmes de moyens économiques suffisants pour atteindre les objectifs définis.

6.4.3

Le changement de régime qui se profile dans le cadre de la future réforme de l'OCM de la banane, en préservant les revenus des producteurs communautaires et l'emploi, pour garantir l'avenir de la banane communautaire.

6.4.4

Le résultat final des négociations de l'OMC (proposition de modification des droits de douane). Si nécessaire, il faudra prendre les mesures adéquates pour garantir l'emploi et les revenus des agriculteurs des secteurs concernés.

6.4.5

Compte tenu de l'environnement propre à ces régions, il conviendrait de prévoir et de renforcer les contrôles dans le domaine de la santé végétale et animale, en mettant à disposition pour ce faire tous les moyens humains et techniques nécessaires.

7.   Propositions pour les régions insulaires et ultrapériphériques

7.1

Le Comité constate le rôle stratégique de l'activité agricole dans ces régions, facteur d'équilibre social, culturel, territorial, naturel et d'harmonie du paysage.

7.2

Après étude des différents documents précités, le Comité constate l'existence de désavantages structurels pour le développement des activités agricoles dans les régions insulaires et ultrapériphériques.

7.3

Aussi, le Comité considère-t-il nécessaire d'adresser une série de recommandations à la Commission européenne, l'exhortant à prendre des mesures spécifiques pour compenser les handicaps liés à l'insularité et à la situation ultrapériphérique qui affectent 16 millions de citoyens européens et, en particulier, le développement des activités agricoles dans ces territoires.

7.4

Concernant les régions insulaires et ultrapériphériques, le Comité demande instamment à la Commission européenne de:

7.4.1

octroyer le statut de zone agricole défavorisée à l'ensemble de ces territoires. Les handicaps spécifiques pour le développement de l'agriculture dans les îles de Malte et de Gozo (11), constituent un précédent important pour l'établissement de cette mesure dans les territoires insulaires et ultrapériphériques;

7.4.2

établir un régime d'aide au transport de produits agricoles entre ces territoires et le continent et au transport interinsulaire. La subvention des coûts de transport devrait permettre aux produits agricoles des îles et régions ultrapériphériques de concurrencer le reste des produits agricoles de l'Union sur le marché européen;

7.4.3

établir un plan qui garantisse l'égalité de prix des intrants agricoles de base dans ces territoires (tels que les carburants, les engrais, les équipements agricoles etc.) afin de corriger le surcoût de production des activités agricoles dans les îles et les régions ultrapériphériques. Il faut adopter des mesures visant à soutenir les importations de produits de base pour l'alimentation animale;

7.4.4

inclure et accroître les pourcentages de cofinancement européen, dans les plans de développement rural, incluant la construction et l'investissement dans les infrastructures spécifiques visant à compenser les handicaps liés à l'insularité et à la situation ultrapériphérique. Parmi ceux-ci figurent les plans d'irrigation avec des eaux traitées, les systèmes de drainage, les infrastructures portuaires et de stockage, les aides à la commercialisation, etc.;

7.4.5

établir des mesures spéciales pour garantir la vigilance et le contrôle d'activités oligopolistiques (spécialement présentes dans les îles) où la taille réduite du marché local favorise l'apparition d'un petit nombre d'entreprises de distribution qui ont parfois des marges bénéficiaires substantielles. La lutte contre ces pratiques favorisera le développement du libre commerce dans ces territoires.

7.5

D'autre part, en ce qui concerne les mesures spécifiquement destinées aux régions insulaires de l'Union (non ultrapériphériques), le Comité exhorte la Commission européenne à:

7.5.1

adopter des programmes d'action spécifiques pour les régions insulaires de l'Union non ultrapériphériques. S'inscrivant dans la lignée des programmes approuvés pour les régions ultrapériphériques (12), ces programmes spéciaux doivent permettre aux régions insulaires d'obtenir un résultat similaire à ceux obtenus par les sept régions ultrapériphériques: durant les périodes 1994-1999 et 2000-2006, ces territoires ont reçu, par habitant, 33 % de financement des Fonds structurels de plus que le reste des habitants des régions de l'objectif 1. Cette aide a facilité une croissance économique et une diminution des taux de chômage bien supérieures à celles de nombreuses autres régions de l'UE;

7.5.2

accroître, pour la nouvelle période de programmation politique régionale (2007-2013), la participation des Fonds européens dans les coûts totaux subventionnables, de telle sorte que ce pourcentage soit fixé à un maximum de 85 %, comme cela se produit déjà dans les régions ultrapériphériques et dans les îles grecques les plus éloignées (13). La nouvelle proposition de la Commission (14) (période 2007-2013) pour le cas des îles, semble insuffisante (60 % au maximum).

7.5.2.1

permettre aux collectivités territoriales de mettre en place le programme JEREMIE (15), sous forme de fonds d'investissement, qui pourra octroyer des moyens financiers à des jeunes agriculteurs qui voudraient s'installer en cultures vivrières.

7.5.3

Le Comité propose que les régions insulaires reçoivent un traitement spécifique dans le cadre des nouveaux Fonds structurels.

7.6

Compte tenu de l'inexistence d'une politique spécifique destinée à compenser les coûts de l'insularité, le CESE invite instamment les acteurs concernés, gouvernements, société civile, etc. à joindre leurs efforts pour créer une plate-forme qui canalise et coordonne toutes les demandes de résolution de problèmes, afin de permettre aux agriculteurs, femmes et hommes, de continuer à vivre et à travailler dans les régions insulaires.

Bruxelles, le 13 septembre 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  JO C 302 du 14.03.2003, rapporteur Jean-Paul Bastian.

(2)  JO 302 du 07.12.2004 et CES 251/2005, JO C 234 du 22.09.2005, rapporteur M. Gilbert Bros.

(3)  INI2000/2222, JO C 072 du 21.03.2001.

(4)  JO C 221 du 17.09.2002, rapporteur M. Philippe Levaux.

(5)  JO C 24 du 31.01.2006, rapporteuse Mme Margarita López Almendáriz.

(6)  JO C 30 du 30.01.1997, rapporteur M. Leopoldo Quevedo Rojo.

(7)  JO C 74 de 23.03.2005.

(8)  idem 1.

(9)  Plus d'infos sur le fromage: http://www.artisoudemargeride.com.

(10)  Voir le site internet http://www.mountainproducts-europe.org/sites/euromontana.

(11)  Traité d'adhésion à l'Union européenne de: la République tchèque, l'Estonie, Chypre, la Lettonie, la Lituanie, la Hongrie, Malte, la Pologne, la Slovénie ou la Slovaquie.

(12)  Programme POSEIDOM pour les régions ultrapériphériques françaises, POSEICAN pour les îles Canaries et POSEIMA pour les Açores et Madère.

(13)  Règlement no 1260/1999.

(14)  COM(2004) 492 final.

(15)  OJ C 110 de 9.05.2006 (Rapporteur: M. Antonello Pezzini).


23.12.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/102


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Relever les défis du changement climatique — Le rôle de la société civile»

(2006/C 318/17)

Le 19 janvier 2006, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29 paragraphe 2 de son Règlement intérieur, d'élaborer un avis sur «Relever les défis du changement climatiqueLe rôle de la société civile».

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 11 juillet 2006 (rapporteur: M. EHNMARK).

Lors de sa 429e session plénière des 13 et 14 septembre 2006 (séance du 14 septembre 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 59 voix pour, 1 voix contre et 2 abstentions.

A.   Conclusions

A.1

Le changement climatique est un processus qui ne peut être enrayé, du moins au cours des 15 à 20 prochaines années. C'est pourquoi nous devons apprendre à vivre avec ce phénomène, chercher des manières et des moyens d'atténuer ses effets et nous y adapter.

A.2

Le débat qui porte sur le changement climatique est trop focalisé sur la portée à grande échelle et sur les événements qui se produiront dans un futur éloigné. De toute évidence, il faut examiner les incidences actuelles et futures du changement climatique sur la vie quotidienne des citoyens. Ces problématiques doivent être abordées d'une autre manière, afin qu'elles deviennent plus compréhensibles et plus concrètes.

A.3

Les partenaires sociaux et la société civile organisée ont un rôle primordial à jouer pour ce qui est de présenter aux citoyens les problématiques liées aux changements climatiques. Au niveau local, ces acteurs peuvent promouvoir la discussion sur la manière dont les collectivités peuvent élaborer des mesures concrètes qui permettront de s'adapter au changement climatique.

A.4

De nombreuses catégories de la société seront affectées par le changement climatique. Le CESE a mis en évidence un certain nombre d'exemples. La conclusion générale qui en découle est que dans l'UE, les collectivités, les partenaires sociaux et la société civile organisée doivent s'engager davantage pour se préparer et s'organiser en vue des retombées du changement climatique.

A.5

Le CESE propose que la société civile organisée et les partenaires sociaux lancent ensemble un dialogue public d'envergure européenne qui porterait sur la question du changement climatique et plus particulièrement sur la manière dont celui-ci peut affecter la vie quotidienne. L'objectif premier de ce dialogue serait de sensibiliser l'opinion publique et de se préparer en vue des quinze à vingt prochaines années au cours desquelles l'actuel processus de changement climatique s'aggravera, quelle que soit l'attitude actuelle de l'humanité.

A.6

Le CESE propose que chaque État membre de l'UE définisse et/ou mette en place un bureau chargé de l'information et de la coordination en matière de changement climatique afin de promouvoir les liens entre les niveaux local, régional et national.

A.7

Le CESE déplore le fait que le changement climatique soit le plus souvent évoqué sous la forme de scénarios à long terme. Le changement climatique n'est plus essentiellement ni uniquement un problème qui se posera dans un futur éloigné.

Le changement climatique nous concerne tous, dès à présent.

1.   Introduction

1.1

L'existence du changement climatique est largement reconnue, mais la nature et l'ampleur de son impact le sont moins. Cela est dû pour une part au fait que les connaissances fournies par la recherche et par les analyses de scénarios sont encore insuffisantes. La nature même du changement climatique explique également cette ignorance; il s'agit d'un phénomène dont la progression se fait à bas bruit, tout en étant ponctuée d'événements dramatiques de plus en plus fréquents. Par ailleurs, le débat public assimile souvent le changement climatique à un problème qui ne concerne que les autres, ce qui en explique également la méconnaissance. Enfin, l'accent mis sur les évolutions à grande échelle et sur les scénarios à long terme semble obscurcir les problèmes plus concrets affectant la vie quotidienne.

1.2

À ce titre, l'on peut citer l'exemple de la fonte de la calotte polaire. Ces derniers mois, les grands organes d'information ont été fascinés par les estimations (de l'Agence européenne de l'environnement — AEE) selon lesquelles cette fonte pourrait entraîner une montée de près de 13 mètres du niveau des océans. Le Gulf Stream constitue un autre exemple: si les mécanismes qui sont à l'origine de ce courant sont perturbés, cela pourrait avoir pour conséquence une baisse brutale des températures dans le Nord de l'Europe. Ces exemples ont beau être intéressants et essentiels, ils n'encouragent pas pour autant les gens à réagir au changement climatique de manière plus immédiate et plus concrète.

1.3

Il est important de souligner que le changement climatique auquel nous assistons actuellement et essayons de faire face n'est que la première manifestation d'un long processus. Dans les 15 à 20 prochaines années, les changements qui affectent le climat vont s'aggraver, car l'humanité a produit — et continue à produire — suffisamment de substances nocives sous forme de gaz à effet de serre. C'est pourquoi il nous incombe de nous préparer et de nous adapter au changement climatique. Toutefois, les générations actuelles sont également responsables de la manière dont la situation évoluera au-delà des quinze à vingt prochaines années, car si elles agissent avec fermeté aujourd'hui, le changement climatique peut être atténué pour un avenir lointain. Les pourparlers menés dans le contexte de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (UNFCCC) et du protocole de Kyoto offrent une chance d'action à mener après 2012 qu'il convient de saisir. Si l'on ne profite pas de cette occasion, la situation climatique continuera à se dégrader et pour inverser cette tendance, il faudra mettre en œuvre des mesures bien plus draconiennes. Il n'est guère surprenant que de plus en plus de gouvernements estiment que le changement climatique constitue une priorité de premier ordre. Néanmoins, cela ne signifie pas que ces gouvernements réagissent à cette priorité par des actions concrètes.

1.4

Le débat sur le changement climatique est largement dominé par les gouvernements et par la communauté scientifique. Les ONG de défense de l'environnement fournissent un excellent travail mais les moyens dont elles disposent sont très restreints. Dans l'ensemble, les grandes organisations, syndicales et patronales par exemple, ne participent pas très activement au débat concernant les moyens d'affronter et d'atténuer le changement climatique. La société civile organisée devrait jouer un rôle clef, mais elle n'y semble pas disposée.

1.5

Le CESE est fermement convaincu que la préparation au changement climatique ainsi que le débat qui porte sur cette question doivent être étendus afin d'impliquer de manière active les partenaires sociaux et la société civile organisée dans son ensemble. Le changement climatique entre dans une phase où les objectifs visant à l'atténuer et à s'y adapter deviennent des enjeux quotidiens. Le changement climatique n'est plus (uniquement) un problème qui se posera dans un futur éloigné. Ce problème se pose également ici et maintenant. Il est par conséquent crucial que les partenaires sociaux et la société civile organisée s'investissent pleinement dans le débat qui porte sur le changement climatique et dans la préparation visant à s'adapter à ce phénomène.

1.6

Il est primordial que le débat actuel sur le changement climatique intègre davantage les approches contextualisées, qui prennent en compte la situation des citoyens et des collectivités locales. Or, il est nécessaire d'étudier la manière dont les citoyens peuvent contribuer à réduire les effets de l'actuel changement climatique, que ce soit en termes de coûts (coûts énergétiques notamment), d'assurances ou de préférences des consommateurs, pour ne mentionner que quelques exemples.

1.7

Le présent avis se propose tout d'abord d'examiner le rôle des partenaires sociaux et de la société civile organisée dans l'analyse, l'élaboration et la mise en œuvre de mesures destinées à relever les défis du changement climatique. Il met l'accent sur les moyens d'ordre économique, social et sur la cohésion, dans une approche ascendante concrète.

1.8

Il est important de mettre l'accent sur les quinze à vingt prochaines années car durant cette période, le changement climatique se poursuivra en raison de la situation que nous avons déjà engendrée. Il semble également évident qu'aujourd'hui, nous devons nous adapter aux effets premiers du processus tout en nous préparant à ceux qui se manifesteront plus tard.

1.9

De nombreux observateurs indiquent que la pléthore de rapports et d'informations concernant le changement climatique, de même que leur complexité, ne permettent pas aux citoyens d'obtenir les réponses souhaitées quant à la manière dont le changement climatique affecte et affectera leur vie quotidienne. Il existe une profusion d'informations concernant le changement climatique, ce qui représente un défi en matière de communication. Il s'agit là d'une situation qui requiert une volonté politique, car certaines des mesures inévitables à prendre entraîneront très certainement des inconvénients qui affecteront la vie quotidienne.

1.10

Il convient de souligner qu'un certain nombre d'études très enrichissantes sont menées. Le Programme européen sur le changement climatique, qui est actuellement dans sa seconde phase, en fait partie. Dans le cadre de ce programme, plusieurs groupes de travail ont vu le jour pour traiter des questions relatives à l'échange des quotas d'émission, à l'offre et à la demande dans le secteur de l'énergie, aux transports, à l'industrie, à l'agriculture et la sylviculture, pour ne citer que quelques exemples. Le second Programme sur le changement climatique, lancé par la Commission européenne en octobre 2005, comprend de nouveaux groupes de travail sur l'adaptation, le piégeage et le stockage géologique du dioxyde de carbone, l'aviation et l'approche intégrée des émissions de CO2 des véhicules utilitaires légers, ainsi que des groupes examinant la mise en oeuvre des actions précédentes. L'un dans l'autre, les deux programmes sur le changement climatique fournissent de nombreuses analyses et informations ainsi que les bases d'un certain nombre de décisions du Conseil.

1.11

Il faut continuer à développer le Programme sur le changement climatique, car il existe un besoin très répandu d'informations plus concrètes et notamment d'exemples plus nombreux relatant des initiatives qui ont été couronnées de succès. De plus, la gestion des problèmes liés au changement climatique implique la participation active des acteurs concernés et des citoyens eux-mêmes. La Commission européenne ayant ressenti cette nécessité, elle a lancé une importante campagne d'information et de communication. On ne peut que se féliciter d'une telle initiative. Toutefois, il convient de déployer des efforts supplémentaires en matière d'information, efforts impliquant tous les États membres et permettant de coordonner les actions menées aux niveaux européen, national et local et, surtout, de sensibiliser l'opinion publique.

2.   L'ampleur des défis du changement climatique

2.1

Le changement climatique aura de profondes répercussions dans divers secteurs des sociétés modernes. Ses effets ne se limiteront pas aux conditions climatiques extrêmes. Parmi les nombreuses conséquences de ce phénomène figurent entre autres les inondations, les feux de forêt, les dégâts causés aux infrastructures, les restructurations agricoles, les problèmes liés à la qualité de l'air notamment dans les zones urbaines, les difficultés concernant l'approvisionnement énergétique, les restrictions portant sur l'utilisation de l'eau ainsi que l'impact subi par l'industrie, principalement manufacturière. L'aménagement urbain et l'introduction de nouvelles solutions architecturales peuvent être ajoutés à cette liste.

2.2

L'on commence à peine à prendre conscience de la quantité de secteurs transversaux qui seront touchés par le changement climatique. Le soutien du public, indispensable à l'effort qui devra être fourni, n'émerge que lentement.

2.3

Dans de nombreux cas, les actions spécifiques dont sera constituée la lutte contre le changement climatique auront un impact certain, et entraîneront parfois des désagréments pour la vie quotidienne des citoyens.

2.4

Il existe ici un parallèle évident avec l'actuel débat portant sur la stratégie européenne en matière de développement durable. Dès les prémices de ce débat, il s'est avéré que l'opinion publique ignore les réels efforts qui devront être consentis afin de rendre le développement durable possible tant dans l'Union européenne qu'au niveau mondial. Les futurs défis en matière de développement durable ont été décrits comme devant mener à de profondes transformations des modes de travail et de fonctionnement propres à nos sociétés (1).

2.5

La lutte contre le changement climatique fait évidemment partie intégrante des efforts à fournir en vue du développement durable. Cette lutte, à l'instar de tous les efforts visant au développement durable, doit être concrète et pragmatique.

2.6

La stratégie de Lisbonne est parfois évoquée comme la concrétisation d'un projet de développement durable, prenant la forme d'une phase initiale de dix ans. Elle repose sur des piliers économiques, sociaux et environnementaux. On oublie souvent que dès son origine, la stratégie définissait des objectifs très ambitieux en matière d'environnement, de changement climatique et, d'une manière générale, de développement durable. De ce fait, les mesures de lutte contre le changement climatique ne peuvent faire l'objet d'un débat totalement séparé. La question du changement climatique constitue un élément essentiel d'une vision plus vaste et elle est étroitement liée à la nécessité générale d'agir.

2.7

Dans le débat sur la stratégie de Lisbonne, une observation revient de manière récurrente, à savoir que les États membres et leurs gouvernements n'ont pas privilégié de manière suffisante la réalisation des actions et des investissements qu'ils avaient convenus. On peut soutenir à cet égard que l'impact de la stratégie de Lisbonne sur les citoyens n'est ni véritablement direct ni totalement tangible. En revanche, les effets du changement climatique, parmi lesquels les catastrophes naturelles, sont souvent largement ressentis par les citoyens. Ces derniers auront par conséquent à se préparer convenablement à l'avance en vue d'atténuer de tels effets.

2.8

Le changement climatique est souvent décrit uniquement en termes de pertes financières, ce qui ne donne pas une vision d'ensemble du phénomène. Les aspects sociaux du changement climatique doivent être pleinement reconnus. Le risque encouru par les citoyens de perdre leurs foyers ou leurs emplois ne constitue pas l'unique enjeu. Un autre défi consistera à assumer des coûts plus élevés en matière d'énergie, de loisirs et de vacances. Il conviendra en outre d'inciter les citoyens à changer leurs habitudes de consommation. Enfin, parmi les nombreux aspects de ce phénomène, il faut noter que l'adaptation au changement climatique risque d'engendrer de nouveaux déséquilibres socio-économiques qui auront un impact négatif sur les citoyens habitant dans les régions éloignées ou ayant un faible revenu disponible.

2.9

Le CESE souligne l'importance qui doit être accordée à la cohésion sociale dans le cadre de la lutte contre le changement climatique. En évoquant de nombreux facteurs économiques afin de convaincre les citoyens, il ne faut cependant pas omettre les éventuels effets négatifs dans le domaine social. De même, les autres instruments permettant d'affronter le changement climatique ne doivent pas être mobilisés au détriment de la cohésion sociale. Cela prouve à quel point il est essentiel d'associer la société civile organisée à l'ensemble du processus de lutte contre le changement climatique.

2.10

Il convient d'étayer l'analyse de l'impact du changement climatique sur le monde du travail. En réponse à ce phénomène, les entreprises devront non seulement passer à des méthodes de production qui permettent des économies d'énergie et préservent les ressources naturelles, mais aussi déplacer leurs unités de production en fonction de la disponibilité de ressources énergétiques renouvelables et bon marché. Dans le cadre de ce passage vers de nouvelles méthodes de production et sphères d'activité, de nouvelles exigences en matière de formation professionnelle et d'éducation tout au long de la vie seront mises en évidence chez les salariés. Le dialogue social devrait, et ce en particulier à l'échelon européen, mettre en lumière l'impact social du changement climatique et notamment son incidence sur le monde du travail. Les partenaires sociaux présents au niveau européen, doivent faire figurer le changement climatique au rang de leurs priorités. À cet égard, il importe de souligner qu'en soi, le fait d'atténuer le changement climatique ne comporte pas de risques de chômage. Au contraire, les effets du changement climatique peuvent être une source de création d'emplois (cf. 2.13).

2.11

Les consommateurs ressentiront bientôt les effets du changement climatique, dans la mesure où celui-ci conduira inévitablement à la modification de leurs habitudes de consommation, aussi bien en matière d'alimentation, de transports, de logement que de vacances. Parallèlement, ils sont également les acteurs potentiels de la réduction des effets de ce phénomène et contribueront ainsi à fournir une base à partir de laquelle seront mises en œuvre des actions destinées à mettre fin au changement climatique. Le meilleur moyen d'aboutir à des schémas de production durables passe certainement par un mouvement de consommateurs qui soit établi, solide et à même d'atteindre les citoyens. Dans le cadre de la réduction de l'impact du changement climatique sur les citoyens, les consommateurs doivent être considérés comme les acteurs de premier plan qu'ils sont ou qu'ils sont susceptibles de devenir.

2.12

Les catastrophes météorologiques subies par les autres pays, qui engendrent des coûts humains et matériels énormes, traduisent la dimension mondiale du changement climatique. Les maladies tropicales peuvent affecter de nouvelles régions en raison du changement climatique, ce qui s'ajoute aux défis à venir. Ce dernier mettra à épreuve la solidarité entre les peuples et les nations. Les pays industrialisés devront renforcer leurs capacités à fournir du soutien et de l'aide. Il ne faut pas oublier que dans les pays en développement en particulier, les populations pauvres sont généralement celles qui souffrent le plus des changements climatiques. Au niveau mondial, la dimension sociale du changement climatique a une importance primordiale; dans ce domaine, il est possible de faire beaucoup pour résoudre des problèmes qui risqueraient autrement de se multiplier aisément.

2.13

Le débat qui porte sur le changement climatique évoque souvent les menaces ainsi que les faiblesses. Les mesures destinées à atténuer ce changement sont néanmoins porteuses d'une chance. La nécessité de trouver des modes de production et de transport à faible demande énergétique ne cesse de s'accentuer et ouvre un nouveau et vaste domaine à la recherche, au développement de nouvelles technologies ainsi qu'à la commercialisation de nouveaux produits. Cela devrait constituer un élément essentiel de la réponse que l'UE apportera aux défis du changement climatique. L'initiative de la Commission européenne pour une politique industrielle intégrée devrait accorder une très large priorité à la promotion et à l'organisation du développement de technologies respectueuses de l'environnement. À cet égard, les petites et moyennes entreprises peuvent également jouer un rôle essentiel.

2.14

Les efforts visant à affronter et à atténuer le changement climatique peuvent soulever des questions inattendues. À titre d'exemple: la nouvelle importance accordée à la production d'éthanol à partir de produits agricoles s'est traduite par des succès dans certains pays. De ce fait, l'utilisation de certaines cultures, telles que le maïs, est de plus en plus étroitement liée à la production d'éthanol. Néanmoins, ces mêmes cultures ont une importance cruciale pour l'aide alimentaire destinée aux zones de famine de pays en développement. Cet exemple montre à quel point il est important d'éviter des solutions unilatérales.

2.15

L'ampleur du défi à relever est illustrée par cette citation: «La science nous indique que nous devrions chercher à limiter la future augmentation de la température moyenne de la planète à 2oC au-dessus des niveaux préindustriels afin de limiter les dommages. L'objectif “2oC” réclame des politiques destinées tant à s'adapter au changement climatique qu'à l'atténuer. Malgré la mise en oeuvre des politiques déjà adoptées, les émissions planétaires s'accroîtront vraisemblablement dans les vingt prochaines années et des réductions mondiales d'au moins 15 % des émissions d'ici 2050 par rapport aux niveaux de 1990 sembleraient nécessaires, requérant des efforts conséquents» (communication de la Commission: «Vaincre le changement climatique planétaire» (2)). Il faut savoir que la fin de la citation est bien en dessous de la vérité! Cela montre toutefois à quel point il est important d'ancrer le processus aux niveaux local et régional, auprès des citoyens.

3.   Dix secteurs nécessitant une intervention de la société civile

3.1

Dans les domaines de l'aménagement des villes et des collectivités locales, des progrès considérables peuvent être réalisés en matière d'atténuation du changement climatique et d'économies d'énergie. L'aménagement urbain, s'il est bien conçu, devrait inclure des projets de logement et de transport qui soient favorables à l'environnement. Des études ont confirmé que l'orientation des bâtiments dans le paysage ou à l'intérieur de la collectivité (3) a une influence très positive sur la consommation énergétique de cette dernière. Les solutions architecturales sont importantes car elles peuvent assurer une utilisation maximale de l'énergie solaire et l'isolation des bâtiments. De plus, le fait de privilégier ces solutions contribue de manière significative à donner un caractère convivial et socialement fonctionnel aux villages, aux banlieues et aux zones urbaines. Il est primordial que les partenaires sociaux et la société civile organisée soient associés à un stade précoce à l'aménagement des villes et des collectivités locales.

3.1.1

Compte tenu de la rapidité du changement climatique, la Commission européenne devrait lancer des consultations avec les collectivités territoriales et les autres acteurs concernés au sujet des lignes directrices pour l'aménagement urbain. Le CESE propose que la Commission élabore des documents d'information de base, ainsi que des lignes directrices portant sur les solutions existantes qui se sont avérées efficaces en matière d'aménagement du territoire.

3.2

La lutte contre le changement climatique mettra fortement en évidence la nécessité de moderniser et d'isoler les immeubles déjà construits ou nouveaux, ainsi que la nécessité de privilégier l'emploi de l'ensemble des techniques et des matériaux permettant de réaliser des économies d'énergie. Les matériaux de construction, notamment en ce qui concerne l'isolation thermique, constituent un domaine nécessitant des efforts supplémentaires. Il ne s'agit pas uniquement d'améliorer l'efficacité des systèmes de chauffage, mais également de mieux isoler les logements contre les températures extérieures, tant élevées que basses. L'expérience de la canicule en Europe il y a quelques années doit rester dans les mémoires. Il conviendrait de recourir à des incitations fiscales pour encourager les propriétaires privés à revoir l'isolation de leur maison ou appartement. Le CESE recommande l'instauration d'un système de certificats de performance énergétique, de sorte à faire bénéficier les consommateurs de toutes les informations pertinentes sur le coût de la vie dans une maison ou un appartement donnés.

3.3

Le transport routier est en forte croissance dans l'UE. Les systèmes ferroviaires peuvent difficilement rivaliser avec la route en termes de livraison rapide de porte à porte. Cette tendance ne peut continuer, tant du fait des émissions de CO2 que du prix croissant du carburant. Pour que la lutte contre le changement climatique puisse être gagnée, il est indispensable de dissocier croissance du PIB et augmentation du trafic routier. Les mesures concrètes qui permettront d'y parvenir n'ont pas encore été identifiées. La mise en place d'un système de fret ferroviaire rapide constituerait une solution logique, particulièrement dans l'Union élargie. L'augmentation de la quantité de marchandises transportées par voie ferroviaire exigera d'énormes investissements. Dans une certaine mesure, les prix peuvent encourager le fret ferroviaire. Pour les consommateurs, il est essentiel que la distribution des produits alimentaires soit rapide et efficace. L'industrie, quant à elle, souhaite bénéficier de livraisons régulières, efficaces et sans retard. Parallèlement, les axes autoroutiers surchargés sont d'importants pollueurs. Des véhicules et des poids-lourds vieillissants aggravent la pollution. Il est difficile d'apporter une solution aux problèmes de transport dans la perspective globale du changement climatique. Il faut, au contraire, développer une stratégie polyvalente combinant des mesures de soutien pour les solutions ferroviaires et la poursuite des travaux de recherche et de développement ayant pour objectif de concevoir des poids lourds fonctionnels et respectueux de l'environnement pouvant fonctionner avec des carburants de substitution. Il est important que les consommateurs connaissent le véritable coût de transport de chaque bien.

3.4

Le secteur des voyages et des loisirs sera confronté à l'augmentation permanente des prix de l'énergie, ce qui aura des conséquences aussi bien sur le transport routier que sur le transport aérien. Le prix de l'essence a rapidement augmenté au cours des dernières années et il représente actuellement un argument de poids encourageant les consommateurs à opter pour de nouvelles solutions. L'intérêt des consommateurs pour les véhicules plus petits et plus efficaces énergétiquement croît rapidement, ce qui constitue un signe très prometteur. Il s'agit en fait de l'une des situations où, dans le cadre de la lutte contre le changement climatique, deux parties à la fois sont gagnantes: les voitures deviennent plus petites et moins polluantes et un énorme marché mondial émerge, qui proposera ce type de voitures et de solutions. Les incitations fiscales en faveur de l'utilisation de carburants de substitution donnent également des résultats prometteurs, comme en témoignent les expériences réalisées dans certains pays.

3.5

Le volume de trafic pendulaire en entrée et en sortie des grandes villes devra donc faire l'objet d'une attention particulière. L'expansion rapide des zones urbaines, tant dans l'UE que dans d'autres parties du monde, rend urgente la nécessité de mettre en place de nouvelles approches concernant le trafic pendulaire et le transport de marchandises. Le fait de faire payer les automobilistes qui entrent dans les centres-villes s'est avéré globalement positif, lorsqu'il va de pair avec des investissements conséquents en faveur de transports publics rapides et pratiques. Si l'on prend des mesures à l'encontre de l'utilisation des voitures sans offrir de solutions comparables en échange, on risque simplement de provoquer un tollé dans la population. Les citoyens lutteront pour leur droit d'utiliser leur voiture comme moyen de transport si les alternatives proposées ne sont pas convenables. Les avis exprimés par la société civile organisée peuvent apporter une contribution importante dans ce contexte.

3.6

Les défis mentionnés ci-dessus relèvent également de la question plus vaste portant sur la réduction des importations et de l'utilisation des combustibles fossiles dans l'Union européenne. Les incertitudes liées à la garantie de l'approvisionnement en combustibles fossiles à l'hiver 2005/2006 ont confirmé l'urgence de trouver de nouvelles solutions. Certains États membres lancent des programmes ambitieux de réduction drastique de l'utilisation des combustibles fossiles et cherchent davantage d'alternatives renouvelables et de nouvelles politiques de promotion de l'utilisation de solutions efficaces énergétiquement. Dans certains pays, tels que la Suède, les gouvernements ont lancé des études sur la façon de réduire radicalement les importations de combustibles fossiles. La Commission devrait lancer des consultations avec les acteurs concernés et les gouvernements des États membres sur les nouveaux efforts de réduction drastique des importations communautaires de combustibles fossiles. Avant la fin de la décennie, il conviendrait que tous les États membres de l'UE aient entrepris des initiatives destinées à identifier des manières et des moyens permettant de réduire de manière considérable leurs importations et leur utilisation de combustibles fossiles. Il pourrait s'agir d'une contribution majeure au prochain programme de Kyoto, qui participerait à arrêter le changement climatique sur le long terme. Ces actions offriraient également des opportunités technologiques et industrielles de premier plan à l'Union européenne. La société civile organisée profiterait considérablement de tels efforts.

3.7

L'agriculture et, par conséquent, les prix des produits alimentaires, seront directement affectés par le changement climatique et ses conséquences sur les prix de l'énergie. Dans l'UE, la désertification des zones méridionales nécessitera des mesures de soutien adaptées, au titre de la solidarité dans le cadre de la PAC. La Commission devrait lancer des études sur les conséquences du changement climatique sur l'agriculture de l'UE, à partir de rapports et d'analyses réalisés au niveau national. Il est nécessaire de souligner l'importance de la recherche pour continuer à réduire l'utilisation des intrants («inputs») dans les pratiques agricoles et à développer des substituts aux dérivés du pétrole fabriqués à partir de matières premières agricoles. Quant au rôle de l'agriculture dans la diversification de l'approvisionnement énergétique, il pourrait gagner en importance. Enfin, il serait opportun d'encourager les agriculteurs à produire leurs propres sources d'énergie.

3.8

Les défis que devra relever l'industrie constituent un autre domaine dans lequel la planification et l'adaptation sont indispensables. La question ne concerne pas uniquement les industries des zones de plaine où les inondations peuvent être (ou seront) un véritable problème. Pour l'industrie, il est essentiel de trouver des solutions harmonieuses et efficaces aux besoins en matière de fret. Le changement climatique pourrait compliquer l'approvisionnement en matières premières. L'approvisionnement en énergie (à un coût raisonnable) est indispensable. Mais le changement climatique crée aussi de nouvelles opportunités pour l'industrie: le marché mondial des technologies d'économie d'énergie sera immense. L'avenir se présente bien pour les entreprises qui ont la capacité d'investir dans le développement de ces technologies.

3.9

La planification en vue de l'adaptation est également importante pour les questions concernant le lieu de travail. L'avènement de nouvelles technologies économes en énergie et de méthodes de production mettant en œuvre ces technologies va engendrer une demande de renforcement des qualifications et compétences. Certaines nouvelles technologies feront peser de lourdes charges sur la main-d'œuvre, par exemple les nanotechnologies. Les prix croissants de l'énergie ont également une influence sur les questions concernant le lieu de travail: les salariés seront de plus en plus intéressés par les possibilités de télétravail, ce qui nécessite des améliorations techniques au niveau des TIC, notamment des réseaux à large bande.

3.10

La gestion des catastrophes constitue une autre question importante dans le contexte du changement climatique. Les catastrophes météorologiques sont de plus en plus fréquentes et ont des conséquences de plus en plus importantes. Il conviendrait de créer au sein de l'UE un organe de réponse aux catastrophes qui serait en mesure de fournir une assistance immédiate. De telles unités existent déjà dans un certain nombre d'États membres, mais il conviendrait d'étendre cela à l'ensemble des États membres et d'assurer un certain niveau de coordination et de coopération. L'UE serait ainsi en mesure de venir en aide aux victimes des catastrophes météorologiques, non seulement sur son territoire mais également ailleurs dans le monde.

3.11

Les catastrophes causées par des conditions météorologiques extrêmes impliquent également de fortes contraintes en matière d'aide financière, qui provient principalement des compagnies d'assurance. La fréquence des catastrophes météorologiques renforcera les contraintes qui pèsent sur le secteur de l'assurance, avec les conséquences que cela comporte en ce qui concerne le coût des assurances pour les citoyens. La Commission devrait réaliser une étude à ce sujet, afin de préserver le bon fonctionnement du système d'assurance à long terme.

4.   Adaptation et atténuation, mais comment et à quel niveau?

4.1

Informer l'opinion publique du changement climatique et de ses retombées constitue une tâche énorme. Pour ce faire, il est essentiel d'adopter une démarche équilibrée et quelque peu pragmatique en matière de sensibilisation des citoyens: il ne s'agit pas tant de les effrayer que de mettre l'accent sur le travail concret qui doit être accompli afin d'offrir à tous une qualité de vie durable.

4.2

Le CESE propose que tous les États membres de l'UE créent des bureaux de contact, d'information et de coordination ayant la capacité nécessaire pour fournir des services de conseil et pour réaliser des études sur l'adaptation au changement climatique et sur l'atténuation de ce changement. Une grande partie du travail de ces bureaux devrait être consacrée à l'échange d'expériences avec les autres États membres et à la diffusion de ces informations dans la société civile et auprès des collectivités locales. Le contact avec les collectivités locales, les partenaires sociaux et la société civile organisée aurait une importance toute particulière, de même que le contact avec l'industrie et les entreprises.

4.3

Le CESE propose de lancer, à l'échelle communautaire, un dialogue sur le changement climatique afin de trouver les moyens d'éviter que le climat ne continue à changer et de prendre des mesures en vue de s'adapter aux changements qui sont déjà survenus. Ce dialogue devrait être soutenu par les institutions européennes, mais l'organisation des travaux concrets devrait incomber aux communes, aux établissements d'enseignement, aux syndicats, aux organisations patronales, aux organisations représentant les agriculteurs, les consommateurs, et d'autres catégories encore. Le CESE souhaite participer activement à ce dialogue et offrir un lieu de rassemblement des échanges et évaluations sur ce sujet.

4.4

Le CESE souhaite exprimer sa satisfaction concernant le vaste programme communautaire d'information et de communication sur le changement climatique lancé par la Commission européenne. Ce programme contribuera de manière significative à sensibiliser l'opinion à la problématique du changement climatique. Le dialogue sur le changement climatique proposé par le CESE vise les collectivités locales, les régions ainsi que les États, et il accorde une importance spécifique tant aux partenaires sociaux qu'à la société civile organisée. Ces deux programmes se compléteraient de manière constructive.

4.5

La diffusion d'informations concernant les exemples de bonnes pratiques, provenant entre autres de pays qui s'efforcent d'élaborer des plans d'action afin de réduire leur dépendance vis-à-vis des combustibles fossiles, constituerait une part essentielle du dialogue sur le changement climatique. D'autres types d'exemples pourraient être évoqués, notamment les solutions mises en œuvre par certaines métropoles (Londres et Stockholm ne sont que deux exemples parmi d'autres) afin de réduire l'utilisation des voitures dans le cadre du trafic pendulaire à destination des centres villes.

4.6

Le dialogue devrait débuter à l'hiver 2006/2007. Il n'est pas utile de fixer une date-butoir. Ce dialogue devrait être étroitement lié aux efforts déployés pour communiquer la perspective d'un développement durable. Les questions relatives au changement climatique offriront de toute évidence l'opportunité de donner davantage de poids à la thématique du développement durable.

4.7

Il sera impossible de mener un dialogue sur le changement climatique avec les citoyens sans la participation claire et continue des acteurs concernés aux niveaux local et régional. Il conviendrait de prévoir un soutien financier pour la programmation des actions et les échanges de points de vues. De toute évidence, les collectivités, la société civile organisée ainsi que les partenaires sociaux auront besoin de temps pour renforcer leurs capacités.

4.8

En 2012, les Nations unies organiseront une conférence de suivi sur le développement durable, dans le sillage des conférences de Rio (1992) et de Johannesburg (2002). Le CESE recommande vivement que cette prochaine conférence qui se tiendra en 2012 se concentre plus particulièrement sur le changement climatique et sur son impact global. La coopération qui s'est mise en place entre le CESE et l'OIT, ainsi qu'entre le CESE et le Conseil économique et social des Nations unies, créera des possibilités de réalisation d'études conjointes sur les effets du changement climatique à l'échelle mondiale. Cette coopération facilitera aussi la mise en évidence de la manière dont les partenaires sociaux et la société civile organisée pourraient être des parties prenantes actives dans la lutte contre le changement climatique.

5.   Les instruments destinés à promouvoir la prise de conscience et le soutien

5.1

La sensibilisation des citoyens au changement climatique et à ses conséquences relève au premier chef de la responsabilité des autorités locales, régionales et nationales et doit s'accompagner du soutien des institutions européennes et d'initiatives au niveau communautaire. Elle ne doit pas proposer des réponses préformatées mais adopter une approche du bas vers le haut en invitant les citoyens à présenter leurs propres solutions.

5.2

Parmi les organisations de la société civile, le rôle des associations de consommateurs sera essentiel en ce qui concerne la mobilisation des consommateurs, leur engagement et leur motivation. En effet, ceux-ci exercent ou peuvent exercer une pression considérable sur le marché par l'intermédiaire des biens et services qu'ils consomment. C'est un défi de taille pour les mouvements de consommateurs européens.

5.3

Les partenaires sociaux auront un rôle particulier à jouer pour ce qui est d'analyser l'impact du changement climatique sur la vie professionnelle et de proposer des stratégies destinées à en atténuer les effets ou permettant de s'y adapter. La dimension sociale de la lutte contre le changement climatique est un élément crucial de toute cette entreprise.

5.4

Il sera impossible de vaincre le changement climatique sans le soutien et la coopération active de l'industrie et des entreprises. L'industrie peut jouer un rôle déterminant en intégrant le problème du changement climatique dans les processus de planification, de production, de commercialisation et d'évaluation. Le fait d'inscrire de plus amples informations concernant leurs travaux sur le changement climatique dans leurs rapports annuels pourrait bénéficier aux industries. S'investir dans la problématique du changement climatique peut s'avérer être un concept commercial efficace.

5.5

Lors des débats consacrés au changement climatique, de nombreux observateurs se déclarent favorables à différentes formes de taxes ou d'incitations financières. Ils est certain que ce type de motivations est à même de produire des résultats très concrets, mais il convient de les appliquer avec une certaine prudence. Par exemple, les taxes sur les carburants automobiles auront un impact social négatif sur les habitants des zones à faible densité de population. Quant aux systèmes qui consistent à faire payer une taxe aux automobilistes qui pénètrent en centre-ville, ils ont une influence positive sur l'état général de la circulation, mais doivent cependant s'accompagner de nouveaux investissements en matières de transports publics. Dans le cas contraire, de nouveaux déséquilibres socio-économiques risquent de s'instaurer entre les personnes qui pourront payer cette taxe et continueront d'utiliser leur véhicule, et celles qui en seront incapables et devront avoir recours à un système de transports en commun qui peut être plus ou moins efficace.

5.6

La mise en place de processus de gestion environnementale tels que le système de gestion et d'audit environnemental (EMAS), institué sur une base volontaire par le règlement (CE) no 761/2001 du Parlement européen et du Conseil, permettrait également de sensibiliser l'opinion. L'objectif des EMAS est de reconnaître et de récompenser les organisations qui dépassent les normes légales minimales en ce domaine et améliorent constamment leurs performances environnementales.

5.7

L'utilisation des EMAS permet aux différentes organisations et institutions d'expérimenter des solutions concrètes en matière de mesure et de réduction des conséquences environnementales de diverses activités telles que, par exemple, l'utilisation d'énergie et de matériaux ou les déplacements en voiture, en train ou en avion. Le Comité économique et social européen pourrait envisager une utilisation des EMAS, et notamment étudier la possibilité, en premier lieu, d'un calcul des émissions que provoquent les déplacements effectués pour se rendre aux réunions, et ensuite, la mise en place de mesures compensatoires (cf. les quelques calculs préliminaires figurant en annexe).

5.8

Une autre proposition est actuellement débattue; il s'agirait de calculer la part du coût de transport dans le coût total d'un bien. Cela pourrait apporter aux consommateurs davantage d'information de base pour choisir entre deux biens équivalents.

6.   Un défi pour la société civile

6.1

Depuis les conférences mondiales de Rio et de Johannesburg, la société civile organisée au niveau européen a inclus les questions liées au développement durable dans ses travaux.

6.2

La société civile organisée dispose d'une occasion unique de jouer un rôle précieux dans le dialogue européen sur le changement climatique qui est proposé. Cette contribution pourrait porter sur cinq points essentiels:

participer de façon active à la sensibilisation sur le changement climatique et ses effets;

mobiliser les consommateurs et d'autres groupes d'importance majeure pour qu'ils adoptent des préférences claires de consommation qui tiennent compte de l'impact sur le changement climatique;

lancer, améliorer et soutenir des nouveaux programmes de planification urbaine, y compris en matière de logement, de transports, et de déplacements pendulaires;

oeuvrer en tant que canal de communication entre les citoyens et les pouvoirs publics, en vue d'atténuer les changements climatiques et, à plus long terme, de mettre un terme aux processus actuels;

coopérer avec la société civile d'autres pays et groupements régionaux afin de mettre en place des mesures constructives propres à atténuer les effets du changement climatique.

6.3

Conformément aux recommandations du Conseil européen, le CESE a mis en place un réseau interactif rassemblant tous les conseils économiques et sociaux des États membres. Ce réseau s'attache particulièrement à la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne.

6.4

Le CESE se déclare favorable à une extension du réseau qui permettrait de prendre en compte des questions liées au changement climatique ainsi que les solutions proposées par l'UE pour en contrer les effets.

Bruxelles, le 25 septembre 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Voir la déclaration de M. ROCARD lors du forum des acteurs du développement durable organisé par le CESE en avril 2001.

(2)  COM(2005) 35 final, p. 8.

(3)  Par exemple le projet de construction d'habitations à Fribourg.


23.12.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/109


Avis du Comité économique et social sur le «Traitement des carcasses d'animaux et utilisation de sous-produits animaux»

(2006/C 318/18)

Le 19 janvier 2006, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son Règlement intérieur, d'élaborer un avis sur le «Élimination des cadavres d'animaux et utilisation de sous-produits animaux».

La section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 11 juillet 2006 (rapporteuse: Mme SANTIAGO).

Lors de sa 429ème session plénière des 13 et 14 septembre 2006 (séance du 14 septembre 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 115 voix pour, 32 voix contre et 16 abstentions.

1.   Conclusions

1.1

L'information joue un rôle fondamental dans la société et le consommateur a le droit d'être informé et éclairé correctement et en temps opportun sur la qualité des aliments qu'il consomme. Aussi, le CESE estime-t-il que des campagnes adaptées d'information et d'explication auprès du consommateur sont nécessaires. Le CESE réaffirme que la défense de la santé publique et la garantie de la sécurité alimentaire dans la production européenne font partie des principes fondamentaux qu'il défend.

1.2

Le CESE suggère que la Commission européenne poursuive et étoffe le plus rapidement possible les études en cours qui démontrent sans le moindre doute que l'utilisation de farines provenant d'animaux non ruminants peuvent être utilisées dans l'alimentation des porcs et de la volaille, sans aucun risque pour la santé humaine.

1.2.1

L'identification des protéines et les méthodes utilisées dans la traçabilité des farines devront permettre d'apporter au consommateur la garantie absolue que les porcs sont alimentés avec des farines provenant exclusivement de sous-produits de volaille et que la volaille est alimentée avec des farines provenant exclusivement de sous-produits de porcs.

1.2.1.1

Une fois ces études en cours terminées, les sous-produits provenant de ces animaux, en bonne santé et morts dans des abattoirs différents, pourront être utilisés dans la production de farines, dont la protéine serait clairement identifiable et tracée dès son origine.

1.3

Le développement de programmes de recherche permettant de trouver des méthodes pour la destruction des cadavres d'animaux dans les exploitations est essentiel dans la prévention d'une éventuelle propagation de maladies via le transport.

1.4

Le CESE recommande de promouvoir la recherche de systèmes, si possible combinés à une production d'énergie, qui intègrent le traitement de tous les sous-produits et résidus générés dans l'exploitation afin d'harmoniser la production, en garantissant la protection de l'environnement à court et moyen terme, en veillant à l'équilibre économique des exploitations et en garantissant la sécurité sanitaire du cheptel de l'exploitation et la santé de l'exploitant lui-même.

2.   Introduction

2.1

Six ans après la crise de l'ESB, le Comité a jugé opportun de réexaminer le problème de l'élimination des cadavres d'animaux et de l'utilisation des sous-produits animaux, compte tenu de la sécurité alimentaire, de la protection de la santé du consommateur et des problèmes économiques de la production.

2.1.1

Les normes de sécurité alimentaire de la production européenne sont bien plus élevées que celles des pays tiers mais elles sont la garantie de la sécurité alimentaire des consommateurs, de la préservation de l'environnement et du bien-être animal. Leur maintien, avec les coûts accrus de production que cela suppose, ne sera possible qu'avec le maintien de la production en Europe.

2.2

Avant la crise de l'ESB, la destruction des cadavres d'animaux dans les élevages de porcs n'était pas un problème pour les producteurs car les animaux morts pouvaient être destinés à la production de farines de viande, elles-mêmes utilisées ensuite dans l'alimentation animale. C'est ainsi que dans plusieurs pays, les entreprises qui produisaient ces farines enlevaient les cadavres gratuitement.

2.3

Avec la crise de l'ESB et après l'adoption du règlement 1174/2002 du 3 octobre du Parlement européen et du Conseil, l'utilisation des farines de viande dans l'alimentation animale a été interdite mais l'on a également considéré les cadavres d'animaux comme un matériel à risque de catégorie 2, ce qui implique le transport et la destruction par incinération, exclusivement réalisés par des entreprises titulaires d'une licence pour ces deux opérations.

2.4

Cette situation a logiquement entraîné des coûts pour les producteurs et n'a par conséquent fait que contribuer à aggraver les distorsions de concurrence face à des pays tiers. Cela a conduit les producteurs à tenter de trouver des alternatives moins onéreuses pour le secteur mais efficaces du point de vue de la biosécurité et de l'environnement.

2.5

La tendance actuelle du commerce est à la mondialisation d'un marché ouvert avec pour seule loi celle de l'offre et de la demande. Toutefois, nous devons, nous les Européens, subir des distorsions graves de la concurrence car les décisions techniques et scientifiques diverses qui ont été prises ont conduit à des positions politiques qui ont eu pour effet une augmentation considérable de nos coûts de production par rapport à ceux des pays tiers.

2.6

C'est le cas de la décision 2000/766/CE du Conseil du 4 décembre 2000, et notamment de son article 2, alinéa 1, qui interdit l'utilisation de protéines animales dans l'alimentation animale dans tous les États membres. Cette décision a touché toutes les espèces animales. Le règlement 1774/2002 du Parlement européen et du Conseil du 3 octobre 2002 consolide cette interdiction et en allonge la durée d'application.

2.7

Comme l'on peut aisément le comprendre, la crise déclenchée avec l'apparition de l'ESB chez les bovins et son rapport avec les encéphalopathies spongiformes transmissibles, a touché des secteurs de production intensive (élevages porcin et avicole) qui n'ont reçu aucune forme d'aide ou de prime à la production et qui travaillent avec des marges très réduites et se heurtent à des obstacles de taille pour se développer, en raison des législations relatives à l'environnement et au bien-être des animaux et de difficultés d'ordre sanitaire.

2.8

L'interdiction de l'utilisation des farines animales a été extrêmement préjudiciable au secteur qui s'est vu privé d'une source de protéines pour les rations et confronté à une hausse du prix de la protéine végétale, en raison de l'accroissement de la demande pour cette denrée et par conséquent à une hausse marquée du prix de l'aliment. Par ailleurs, les sous-produits d'abattoir ont cessé d'être une plus-value pour devenir un coût. Conjugué à la hausse du prix des farines, ce phénomène s'est traduit par une augmentation inévitable des prix à la consommation.

3.   Observations générales

3.1   Aspects légaux et contradictions techniques et scientifiques concernant l'élimination des cadavres de porcins

3.1.1

Le règlement 1774/2002 stipulant que l'enlèvement et la destruction des cadavres d'animaux doivent obligatoirement être réalisés par des entreprises titulaires d'une licence les y habilitant et l'interdiction de l'utilisation de protéines animales ont non seulement causé des problèmes économiques aux producteurs des pays dans lesquels ce système était déjà en place mais surtout à ceux qui n'en disposaient pas dès lors qu'ils ont dû l'instaurer à des coûts accrus. Cette situation a conduit les producteurs de ces pays à se demander si cette réglementation visait réellement à dédommager financièrement les fabricants de sous-produits pour l'interdiction de la vente de farine de viande.

3.1.2

Cette question revêt d'autant plus d'importance que ce règlement prévoit une exception pour les zones éloignées à faible densité d'animaux dans lesquelles il est permis de continuer à recourir à des méthodes traditionnelles pour la destruction des cadavres d'animaux. L'on ne saurait ignorer que dans ces zones, les coûts d'enlèvement seraient très élevés. Deux autres exceptions s'ajoutent à celle-ci:

les animaux de compagnie morts peuvent être éliminés directement comme des déchets, par enfouissement dans la terre;

les sous-produits animaux peuvent être éliminés comme des déchets par incinération et enfouissement sur le lieu d'exploitation, en cas d'apparition d'une maladie qui figure sur la liste A de l'OIE (Organisation internationale des épizooties), si l'autorité sanitaire compétente estime que le transport de cadavres d'animaux risque de propager la maladie ou parce que la capacité de l'unité de traitement la plus proche est saturée.

3.1.3

De nos jours, la nécessité se fait de plus en plus sentir d'implanter, toutes les fois que cela est possible, les exploitations le plus loin possible des localités comme de les éloigner les unes des autres. C'est ainsi que l'on recherche des zones éloignées pour ne pas incommoder le voisinage et assurer une protection sanitaire du cheptel.

3.1.4

Comme cela a été dit précédemment, l'enlèvement des cadavres d'animaux est très onéreux, et l'on doit donc trouver des solutions qui vont au-delà de ce qui est proposé dans le règlement et qui soient compatibles avec la réalité actuelle. Lors de l'étude des différentes options possibles, il faut toujours prendre en considération la santé et la sécurité humaine, la santé et le bien-être des animaux ainsi que la protection de l'environnement.

3.2   Aspects légaux et contradictions techniques et scientifiques concernant l'utilisation de farines de viande

3.2.1

Il n'existe aucune preuve scientifique de risque de contamination des porcs et de la volaille par l'ESB. Au Royaume-Uni, il n'y a pas le moindre doute que des porcs et des volailles ont été exposés à l'agent infectieux (prion) de l'encéphalopathie spongiforme bovine. Même lorsqu'ils ont été alimentés avec les mêmes protéines animales que celles qui ont provoqué l'ESB chez les bovins, il n'existe aucun cas de contamination chez les animaux de ces deux espèces. Les études réalisées sur des poulets montrent également qu'ils résistent à la contagion par voie parentérale comme orale (1).

3.2.2

Pour les questions liées à la protection de la santé et de la sécurité du consommateur, la Commission prend des mesures pour le contrôle des risques sur la base des tests les plus récents dont elle dispose et de conseils scientifiques solides tels que ceux qui émanent des directives du Comité directeur scientifique (CSD). Le CSD est lui-même conseillé par un groupe Ad Hoc spécialisé dans l'encéphalopathie spongiforme transmissible/encéphalopathie spongiforme bovine composé de scientifiques européens.

3.2.3

Les limites des connaissances en matière de EST sont exposées dans les travaux suivants:

avis scientifiques sur l'exposition orale des êtres humains à l'agent pathogène de l'ESB (doses infectieuses et barrières des espèces) adoptée par le CSD lors de sa réunion des 13 et 14 avril 2000;

information scientifique sur l'innocuité de la farine de viande et d'os provenant de mammifères et utilisée comme aliment pour les animaux non ruminants, du CSD des 24 et 25 septembre 1998.

3.2.4

La question de la contamination du bétail porcin par l'EST a été abordée et a fait l'objet d'un avis du CSD:

avis scientifique adopté par le CSD lors de la réunion des 24 et 25 juin 1999, sur le thème: «animaux trouvés morts»;

avis scientifique sur le risque de propagation de la maladie à des animaux non ruminants via le recyclage de sous-produits d'origine animale dans des aliments. CSD 17 septembre 1999;

avis scientifique sur l'utilisation de protéines animales chez tous les animaux, adopté par le CSD lors de sa réunion des 27 et 28 novembre 2000.

3.2.5

La conclusion que l'on peut tirer de tous les avis scientifiques est qu'il n'existe aucune preuve épidémiologique que les porcs, la volaille et les poissons sont susceptibles de contracter l'ESB et que cette maladie a touché ces espèces. Jusqu'à présent, il n'y a pas de tests scientifiques montrant le développement de l'EST chez les porcs, la volaille ou les poissons.

3.3   Analyse de la réalité des problèmes et possibilité de traiter les sous-produits dans l'exploitation

3.3.1

Le traitement des déchets dans un élevage doit être envisagé selon une approche globale qui intègre sécurité alimentaire, état sanitaire, bien-être de l'animal et respect de l'environnement.

3.3.2

Plus de 170 millions de tonnes de déchets d'élevage sont produits chaque année dans l'UE (2). Un élevage moderne a aujourd'hui une gestion très complexe qui englobe la destination à réserver aux déchets. Concernant la gestion des cadavres d'animaux, nous devons chercher des méthodes plus efficaces et rentables pour leur manipulation.

3.3.3

Le problème des cadavres d'animaux est très complexe car si nous devons, d'une part, tenir compte du milieu environnant, nous devons également étudier l'éventualité d'une transmission de maladies à l'occasion du transport et prendre en considération l'hygiène, la sécurité et la santé publique (3).

3.3.4

Nous voulons avec ce travail élargir l'éventail d'options possibles pour le producteur, en ayant toujours présent à l'esprit le principe de la protection de la santé publique et de l'environnement. Ainsi, suggérons-nous l'hydrolyse ainsi que toutes les méthodes remplissant les conditions précédemment exposées et qui doivent également être prises en considération (4).

3.3.5

L'hydrolyse, en tant que premier traitement des cadavres d'animaux, ne diffère pas biologiquement parlant de l'hydrolyse des restes de matières organiques susceptibles de s'autodétruire en conditions contrôlées. Le cycle biochimique de l'hydrolyse est déterminé par la capacité d'autolyse. Le processus consiste essentiellement en une décomposition des protéines, produisant des acides aminés, tandis que les glucides produisent des sucres et les lipides des acides gras et de l'alcool. Dans le cas du porc, une estérification de la matière grasse fait que l'aspect final du résultat de l'hydrolyse est un liquide dense et visqueux qui se comporte, au plan hydraulique, comme un liquide visqueux, ce qui est un avantage de plus pour son traitement en conditions contrôlées et qui en outre permet sa véhiculation hydrodynamique. Pour que l'hydrolyse soit plus efficace, il faut contrôler certains facteurs tels que la taille des particules (trituration préalable des cadavres), le contrôle de la température et du temps et celui de l'O2 atmosphérique pour éviter l'émanation de mauvaises odeurs. Le liquide produit par l'hydrolyse peut ensuite être traité conjointement avec le lisier, ce qui présente des avantages tels que:

la biosécurité (les cadavres sont traités dans l'exploitation même en conditions contrôlées, ce qui diminue le risque de transmission de maladies à d'autres exploitations;

une efficacité accrue du processus traditionnel de gestion du lisier;

l'élimination d'éléments pathogènes;

une amélioration de la gestion de l'exploitation, le traitement des cadavres et du lisier étant fait sur place en temps réel (5).

3.3.6

La production d'énergie au moyen de biogaz est importante et, à cette fin, il est possible d'utiliser des conteneurs communicants, empêchant le reflux ou le contact avec l'atmosphère. Toutefois, nous sommes également très intéressés par l'étude de processus plus simples, adaptés aux exploitations de plus petite taille et qui garantissent également la protection de la santé publique, de l'état sanitaire des exploitations et de l'environnement.

4.   Observations particulières

4.1

L'information joue un rôle essentiel dans la société d'aujourd'hui. Le consommateur a le droit d'être correctement et dûment informé, ce qui est rarement le cas étant donné que la presse insiste toujours sur les catastrophes et les accidents et parle peu de ce qui est positif. Nous devons par conséquent faire un effort énorme pour faire connaître tout le travail qui est réalisé en matière de santé publique pour que le consommateur puisse choisir en connaissance de cause ce qu'il juge le mieux.

4.2   Conséquences économiques relatives à l'élimination des cadavres et des déchets animaux

4.2.1

La gestion des cadavres d'animaux entraîne une série de problèmes logistiques (dans des pays qui ne disposent pas de système de collecte) et, dans certains cas, la collecte est incompatible avec les bonnes pratiques en matière de protection sanitaire des exploitations.

4.2.2

L'impact économique de la directive communautaire doit être examiné dans deux cas concrets:

4.2.2.1

Dans les pays ne disposant pas de système de collecte de cadavres d'animaux et dans lesquels il faudra par conséquent investir au niveau de l'exploitation (installations frigorifiques, établissement de plans de collecte sûrs des cadavres), au niveau des entreprises de transport (acquisition de camions équipés à cette fin) et au niveau des usines fabriquant des sous-produits (modifications permettant de traiter des animaux entiers) (6).

4.2.2.2

Dans les pays disposant de systèmes de collecte de cadavres d'animaux, il ne sera pas nécessaire de faire de nouveaux investissements. Cependant, il faudra payer l'enlèvement et la destruction de ces derniers dès lors qu'il ne sera pas possible d'utiliser les farines de viande (7).

4.3   Conséquences économiques relatives à l'utilisation des sous-produits d'origine animale

L'interdiction de l'utilisation de protéines animales dans les rations destinées aux porcs, à la volaille et aux poissons a entraîné une augmentation des coûts de production significative en Europe et partant, a eu pour effet d'accroître les problèmes de distorsion de concurrence face à d'autres pays comme le Brésil, l'Argentine, les États-Unis, par exemple, dans lesquels on peut les utiliser. Les conséquences de l'augmentation des coûts se sont répercutées à plusieurs niveaux, car les sous-produits d'abattoirs ont cessé de représenter un plus pour devenir une charge en raison du coût de la destruction des cadavres d'animaux et de l'augmentation de la demande en protéines végétales, qui a entraîné une hausse des prix de ces dernières et par conséquent une hausse du prix des rations (8).

4.3.1

Concrètement, nous enregistrons une augmentation des coûts de production par rapport aux pays tiers de:

Destruction des sous-produits:

:

6 euros/100kg de carcasse de porcs (9),

Non-utilisation des farines animales:

:

0,75 euros/100kg (10),

Hausse du prix du soja:

:

1,5 euros/100kg (11).

Ces chiffres multipliés par la production annuelle de porcs représentent un préjudice total dans la Communauté de 173 millions d'euros. À cette hausse des coûts, s'ajoute un ensemble de facteurs de production tels que l'alimentation, l'énergie, la main-d'œuvre, ainsi que les normes de bien-être animal et environnementales, qui font varier le coût du kilo de carcasse de porcs: 0,648 (12) euros le kilo au Brésil contre 1,25 euros dans l'UE (13)

4.3.2

Sur le plan des négociations menées dans le cadre de l'OMC, cette distorsion de concurrence ne pourra jamais être mise sur la table et si elle l'était elle serait immédiatement réfutée car non étayée scientifiquement. Si cette situation devait perdurer, soit nous prévoyons des compensations pour la production européenne, soit sa pérennité est menacée.

4.4   Éléments à considérer pour une éventuelle levée de l'interdiction de l'utilisation de farines de viande

4.4.1

Les principaux éléments seraient la garantie de l'absence de contaminations croisées de farines de viande, raison pour laquelle il a été demandé à un groupe de chercheurs issus des différents organismes belges d'étudier et de développer des techniques permettant de déterminer la présence de protéines animales provenant d'animaux ruminants dans les rations. Ce groupe a conclu ses travaux avec succès à la fin du premier semestre 2004 et a transmis à la DG SANCO son rapport final daté du 24/09/2004 intitulé: «Determination of Processed Animal Proteins Including Meat and bone Meal in Feed», dans lequel sont présentées des méthodes qui garantissent la possibilité de détecter ces protéines dans les rations. Cela nous permettrait d'établir des filières de production de farines de viande provenant d'animaux non ruminants dont une traçabilité et un suivi parfaits pourraient être assurés (c'est-à-dire dont l'origine serait facile à déterminer), ce qui pourrait nous conduire à mettre en place une première série de filières de production et de réincorporation de ces ingrédients, avec toutes les garanties concernant l'absence de farines provenant de ruminants (14).

4.5   Dernier obstacle pour réincorporer des farines de viande provenant d'animaux non ruminants dans les rations destinées aux porcs et à la volaille

4.5.1

Actuellement, il ne reste plus qu'à développer des techniques permettant de faire la distinction entre les protéines d'origine porcine et celles d'origine avicole afin de satisfaire une autre demande du Parlement européen, à savoir garantir l'absence de cannibalisme. Pour ce qui est des farines de viande, il est inexact de parler de cannibalisme car cette pratique renvoie à une consommation directe et ne peut se produire que dans certaines exploitations et de manière accidentelle. Il est par conséquent inacceptable d'utiliser le terme de cannibalisme s'agissant des acides aminés et des acides gras.

4.5.2

Quoi qu'il en soit, indépendamment des considérations précédentes, il est aujourd'hui réellement possible de mettre en place un mécanisme de suivi de filières exclusives de fourniture de protéines d'origine porcine pour les rations destinées à la volaille et vice versa pour les raisons suivantes:

Il n'est jamais possible de produire des farines de viande porcine et avicole dans un même abattoir car ces espèces exigent des installations d'abattage différentes.

Il existe des usines qui ne produisent que des rations destinées à la volaille et d'autres que des rations destinées aux porcs et il n'est donc pas possible de les confondre.

Cela vaut pour les usines qui disposent de lignes de production séparées pour chaque espèce.

Bruxelles, le 14 septembre 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  (D. Mattews et B. C. Cooke, Rev. Sci. Tecl. Int. Eprit. 2003, 22(1), 283-296). Autre étude importante: Poultry, pig and the risk of BSE following the feed ban in France — a spatial analysis. Abrial D, Calavas D, Jarrige N, Ducrot C, vet res. 36 (2005) 615-628.

(2)  Tableau no 1 — inventaire des déchets zootechniques (EU15) (source EUROSTAT/MAPYA 2003).

(3)  Tableau no 2 — quantification des déchets et sous-produits provenant d' élevages (source EUROSTAT/MAPYA).

(4)  

Risk assessment: use of composting and biogas treatment to dispose of catering waste containing meat (Final report to the department for Environment, Food and Rural Affairs). Gale P. (2002). In http://www.defra.gov.uk/animalh/by-prods/publicat/

Informe final relativo a los resultados obtenidos en los proyectos de estudio de alternativas a sistemas de cadáveres. Antonio Muñoz LunA, Guillermo Ramis Vidal, Francisco José Pallarés Martínez, Antonio Rouco Yáñez, Francisco Tristán Lozano, Jesús Martínez Almela, Jorge Barrera, Miriam Lorenzo Navarro, Juan José Quereda Torres. (2006).

(5)  Études dans ce domaine:

Informe final de resultados sobre la hidrolización de cadáveres animales no ruminantes: experiencia en ganado porcino. Lobera JB, González M, Sáez J, Montes A, Clemente P, Quiles A, Crespo F, Alonso F, Carrizosa JA, Andujar M, Martínez D, Gutiérrez C.

Parámetros Físico-químicos y bacteriológicos de la hidrolización de cadáveres de animales no ruminantes con bioactivadores. Gutiérres C, Fernández F, Andujar M, Martín J, Clemente P, Lobera JB CARM-IMIDA. http://wsiam.carm.es/imida/publicaciones%20pdf/Ganader%EDa/Gesti%F3n%20de%20Residuos%20Ganaderos/Hidrolizaci%F3n%20de%20Cad%E1veres/Resultados%20del%20Estudio%20Preliminar.pdf

(6)  Selon les calculs réalisés, cela entraînerait une augmentation du coût de production, qui passerait de 0,36 à 0,96 € par animal traité, indépendamment de la localisation et de la taille de l'exploitation, sachant que ce sont toujours les plus petites qui sont pénalisées.

(7)  Le surcoût qui en résulte pour le produit varie entre 0,3 et 0,5 € par animal traité.

(8)  Études réalisées par le groupe de travail de l'Université de Murcie sous la conduite du Professeur Antonio Muñoz Luna, PhD, MBA.

(9)  Source INRA (Institut national de recherche agricole).

(10)  Calculé sur la base du prix moyen des matières premières avant et après l'interdiction appliquant un régime type pour le porc engraissé.

(11)  Idem 10.

(12)  Coûts de production d'une exploitation de 1200 truies en cycle fermé avec une productivité de 20 porcelets sevrés par truie et par an, située dans l'état de Panama (Brésil).

(13)  Exploitation de 500 truies en cycle fermé avec une productivité de 23 porcelets par truie et par an située au Portugal.

(14)  Autres études traitant de ce thème:

Effective PCR detection of animal species in highly processed animal byproducts and compound feeds. Fumière O, Dubois M, Baeten V, von Holst C, Berben G. Anal Bioanal Chem (2006) 385: 1045-1054.

Identification of Species-specific DNA in feedstuffs. Krcmar P, Rencova E.; J. Agric. Food Chem. 2003, 51, 7655-7658.

Species-specific PCR for the identification of ovine, porcine and chicken species in meat and boné meal (MBM). Lahiff S, Glennon M, O'Brien L, Lyng J, Smith T, Maher M, Shilton N. Molecular and Cellular Probes (2001) 15, 27-35.


23.12.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/114


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de Règlement du Conseil prévoyant des mesures spéciales en vue de favoriser l'élevage des vers à soie»

(Version codifiée)

COM(2006) 4 final — 2006/0003 (CNS)

(2006/C 318/19)

Le 8 février 2006, le Conseil a décidé, conformément à l'article 37 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 11 juillet 2006 (rapporteur: Mme LE NOUAIL).

Lors de sa 429e session plénière des 13 et 14 septembre 2006 (séance du 13 septembre 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 168 voix pour, 7 voix contre et 17 abstentions.

1.   Introduction

1.1

La proposition de la Commission consiste en la codification du Règlement (CEE) no 845/72 prévoyant des mesures spéciales en vue de favoriser l'élevage des vers à soie ou bombyx du mûrier (Bombyx mori (Linnaeus, 1758)), selon la procédure accélérée prévue par l'accord interinstitutionnel du 20.12.1994.

1.2

La codification intervient pour des actes législatifs souvent modifiés au fil du temps, qui deviennent de ce fait difficilement lisibles.

2.   Observations générales

2.1

Le Règlement précité est entré en vigueur voici plus de trente ans; il a été remanié en profondeur à diverses reprises et il est devenu difficile pour les destinataires de cette législation de comprendre son contenu et sa portée sans effectuer un travail de recherche juridique et de recomposition du texte effectivement applicable.

2.2

Le Comité approuve en conséquence la proposition de codification, qui facilite l'accès au droit par les citoyens européens et contribue, comme il le souhaite et l'a exprimé dans des avis antérieurs (1), à une meilleure législation.

3.   Observations particulières

3.1

Il convient aussi de se poser la question de l'utilisation d'autres procédures de simplification, par exemple de l'abrogation ou de la mise à jour de la législation concernée.

3.2

La sériculture, qui s'était beaucoup développée dans le sud de l'Europe depuis le 13e siècle, a connu son apogée au 19e, puis s'est effondrée suite à une épidémie qui a frappé le Bombyx mori, insecte dont le cocon qui sert à sa métamorphose est constitué d'un seul fil de soie, utilisé dans l'industrie textile. La réintroduction de «graines» (2) saines n'a cependant pas permis la relance de l'élevage du ver à soie, qui demande beaucoup de soins et la production de mûriers dont les feuilles constituent l'aliment exclusif de la larve, qui en consomme de très importantes quantités qu'il faut cueillir quotidiennement. Aujourd'hui, l'industrie dépend presque exclusivement des importations, surtout en provenance de Chine et du Vietnam.

3.3

Le Comité considère, compte tenu des utilisations diverses de la soie qui nécessitent des qualités différentes, ainsi que des applications nouvelles que la recherche permet d'envisager à l'avenir, qu'il convient de maintenir les bases d'une sériculture en Europe; cette activité permet en outre de conserver des emplois dans des régions défavorisées ou périphériques (3). Une aide par casier, telle que prévue par le Règlement, est indispensable pour la pérennité d'une activité fortement concurrencée par les importations massives venant de pays tiers à très bas coût de main d'œuvre. La soie européenne convient en outre à des applications actuelles et pourra permettre d'éventuelles applications futures, qui justifient le maintien d'une production communautaire.

Bruxelles, le 13 septembre 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Entre autres, voir l'avis exploratoire du CESE «Mieux légiférer», 2005 (rapporteur: Daniel RETUREAU) INT/265 — JO C 24 du 31.1.2006, p. 39.

(2)  Oeufs du papillon Bombyx mori.

(3)  La moitié de la production européenne provient des îles Canaries.


23.12.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/115


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 76/769/CEE du Conseil concernant la limitation de la mise sur le marché de certains dispositifs de mesure contenant du mercure»

COM(2006) 69 final — 2006/0018 (COD)

(2006/C 318/20)

Le 8 mars 2006, le Conseil a décidé, conformément à l'article 95 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 11 juillet 2006 (rapporteuse: Mme CASSINA).

Lors de sa 429ème session plénière des 13 et 14 septembre 2006 (séance du 13 septembre 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 181 voix pour, 5 voix contre et 8 abstentions.

1.   Conclusions

1.1

Sur la base des éléments figurant aux paragraphes 2 et 3, le CESE:

a)

soutient la proposition de la Commission et le choix de la base juridique (article 95 du traité), ainsi que l'objectif de suppression complète du mercure dans les dispositifs de mesure cités au point 2.2;

b)

juge la proposition à l'examen cohérente avec d'autres normes et politiques communautaires en matière d'environnement et de santé publique;

c)

espère que le remplacement de ces dispositifs par des produits exempts de mercure sera accéléré (par d'éventuels incitants et campagnes d'information et de sensibilisation pour empêcher que des dispositifs contenant du mercure, potentiellement dangereux, ne continuent à circuler sur le marché), et qu'il sera tenu compte des frais induits par ce remplacement, notamment en ce qui concerne les coûts pour les consommateurs;

d)

demande que des collectes distinctes soient prévues et que les vendeurs soient chargés de collecter les dispositifs hors d'usage (comme c'est le cas, dans un autre domaine, pour les appareils électriques et électroniques);

e)

demande à la Commission de préciser quelles sont les garanties mises en place afin que les secteurs exclus du champ d'application (les utilisations à usage professionnel et industriel) soient obligés de respecter l'objectif de non-dispersion du mercure dans l'environnement;

f)

invite les autorités communautaires et celles des États membres à veiller attentivement à ce que les produits importés soient conformes à la législation de l'UE.

2.   Introduction et contenu de la proposition

2.1

La proposition de directive à l'examen s'inscrit dans la droite ligne de la communication du 28 janvier 2005 relative à la «Stratégie communautaire sur le mercure» (1). Cette stratégie, basée sur le fait, désormais attesté au niveau mondial, que le mercure est nocif et représente un grave danger pour les êtres humains, les écosystèmes et la faune sauvage, propose une série de mesures de protection de la santé humaine et de l'environnement. Elle entend éliminer le mercure de toutes les activités où il est déjà possible, actuellement, de le remplacer par d'autres substances ou produits, permettant d'éviter les effets nocifs pouvant être constatés aujourd'hui sur le développement neurologique, le système immunitaire et l'appareil reproducteur.

2.2

Dans ce contexte, la Commission propose cette modification (2) de la directive 73/769/CE, comme une étape de l'application de la stratégie générale. Elle prévoit l'interdiction de la commercialisation des dispositifs suivants contenant du mercure:

a)

thermomètres médicaux;

b)

autres dispositifs de mesure destinés à la vente au grand public (tels que les manomètres, baromètres, sphygmomanomètres, etc.).

2.3

Sur la base des interdictions et/ou restrictions déjà applicables dans certains États membres, et donc, compte tenu des expériences acquises, la proposition exclut toutefois l'application de cette interdiction aux dispositifs destinés à une utilisation scientifique et industrielle, le nombre de dispositifs étant relativement limité et ces équipements étant généralement utilisés dans des environnements fortement spécialisés, qui font l'objet de procédures de contrôle dans les domaines de la sécurité sur le lieu de travail et de la gestion des déchets dangereux, ou qui sont couverts par le champ d'application de REACH.

3.   Observations générales

3.1

Même si l'élimination progressive du mercure et son remplacement par des produits de substitution ont déjà commencé dans certains États membres, l'on estime (3) qu'actuellement, environ 33 tonnes de mercure sont encore utilisées chaque année dans l'UE dans des dispositifs de mesure et de contrôle, et 25 à 30 tonnes de mercure arrivent sur le marché par l'intermédiaire des thermomètres.

3.2

Par conséquent, le mercure et ses dérivés les plus toxiques sont présents dans les flux de déchets domestiques car les thermomètres et les autres dispositifs de mesure usagés ou cassés sont jetés à la poubelle. La mise en décharge ou des formes de stockage inappropriées permettent aux résidus de mercure de s'infiltrer dans les eaux usées et de se disperser dans l'environnement. L'on constate par conséquent la présence de mercure dans les denrées alimentaires, avec un risque particulier pour la chaîne alimentaire aquatique, ce qui rend particulièrement vulnérables les consommateurs de poisson et de mollusques (surtout dans les régions méditerranéennes).

3.3

Le CESE note que l'on trouve déjà dans le commerce des instruments remplissant la même fonction que les dispositifs visés par la proposition de directive et qui contiennent des substances de remplacement du mercure. La substitution du mercure est donc possible dès maintenant, et apparemment sans coûts supplémentaires (voir toutefois le point 4.1, lettres b, c et e). L'étude d'impact ne fait pourtant pas du tout allusion aux charges que ce remplacement fera peser sur le consommateur; le CESE demande quant à lui que des mesures de soutien soient quantifiées et intégrées dans le mécanisme de mise en œuvre de la directive.

3.4

Le CESE soutient avec force l'objectif de la Commission consistant à interdire la commercialisation des dispositifs de mesure contenant du mercure visés par la proposition: la dangerosité et la persistance du mercure ne sont plus à démontrer, et l'interdiction des instruments contenant du mercure contribue à la réalisation d'un niveau élevé de protection de l'environnement et de la santé humaine, conformément à la base juridique de la proposition (article 95 du traité), que le CESE juge tout à fait correcte et adéquate.

4.   Observations particulières

4.1

Le CESE fait toutefois observer que:

a)

si les dispositifs contenant du mercure employés dans un environnement professionnel ou industriel doivent être exclus du champ d'application de la directive, il y a lieu de garantir qu'au moment de leur mise au rebut, leur stockage ou leur recyclage implique un traitement du mercure évitant sa dispersion et les risques que cela comporte pour l'environnement et la santé humaine; il importe de procéder à des contrôles adéquats, de prévoir des formations et des services de consultance en particulier pour les entreprises artisanales ou de petite taille du secteur de l'orfèvrerie, où le mercure est encore largement utilisé pour des travaux spécifiques;

b)

tant l'étude d'impact que la proposition semblent sous-estimer le problème de l'introduction dans les déchets urbains des dispositifs contenant du mercure, encore utilisés actuellement: il conviendrait d'indiquer aux États membres la nécessité/l'utilité de mettre en place un système de mesures incitatives (une sorte de programme de «mise au rebut») afin que le remplacement des dispositifs faisant l'objet de cette directive se fasse le plus rapidement possible.

c)

le retrait des dispositifs contenant du mercure qui se trouvent encore sur le marché peut être encouragé par des mesures de soutien financier, mais surtout grâce à des campagnes d'information s'adressant aux utilisateurs, afin de les sensibiliser et les responsabiliser par rapport aux risques existants, de les inviter à ne pas introduire le mercure dans les déchets urbains et surtout à ne pas laisser les enfants manipuler du mercure; dans le même temps, des incitants adéquats devraient être prévus pour utilisateurs décidant de procéder au remplacement avant l'échéance fixée;

d)

le retrait des dispositifs concernés devrait se faire par le biais d'une collecte différenciée gérée par les vendeurs des dispositifs faisant l'objet de la proposition de directive à l'examen, à l'instar des dispositions prévues par la directive sur les appareils électriques et électroniques;

e)

la conformité des produits importés doit faire l'objet d'une attention particulière afin que les avantages apportés par la législation restrictive au niveau européen ne soient pas réduits à néant par l'importation de produits de pays tiers ne tenant pas compte des risques découlant de l'utilisation impropre du mercure.

Bruxelles, le 13 septembre 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  COM(2005) 20 final.

(2)  Consistant à insérer un point 19 bis à l'annexe I de la directive 76/769/CEE.

(3)  Sur la base d'informations disponibles auprès de la Commission.


23.12.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/117


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur l'amélioration de la situation économique du secteur de la pêche»

COM(2006) 103 final

(2006/C 318/21)

Le 9 mars 2006, la Commission a décidé, conformément à l'article 262 du Traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 11 juillet 2006 (rapporteur: M. SARRÓ IPARRAGUIRRE).

Lors de sa 429e session plénière des 13 et 14 septembre 2006 (séance du 14 septembre 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 120 voix pour, 16 voix contre et 9 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE, compte tenu de l'importance économique et sociale du secteur de la pêche dans l'Union européenne, qui va au-delà de sa contribution directe au PIB (1), étant d'accord avec le diagnostic posé sur la situation économique critique du secteur de la pêche communautaire qui est exposée par la Commission dans sa communication (2) et considérant qu'il est nécessaire d'agir pour l'améliorer, estime que les mesures proposées pour sauver le secteur de la crise ne sont ni réalistes ni suffisantes. En effet, il est d'avis qu'elles ne sont pas réalistes car la grande majorité des entreprises sont familiales, ne possèdent qu'un bateau et travaillent dans des pêcheries dont les ressources sont limitées, avec des équipages réduits au minimum, en étant soumises à des règles de gestion des pêcheries rigoureuses et disposant d'une très faible marge de manœuvre pour pouvoir réaliser des actions permettant de restructurer et d'assurer leur viabilité à court terme.

1.2

Par ailleurs, en l'absence d'un nouveau budget communautaire, différent de celui consacré à l'IFOP/FEP (3), les possibilités de ces nouvelles mesures dans la pratique sont très limitées. Aussi, le CESE estime-t-il que la communication à l'examen aura peu d'effets pratiques pour la majorité des entreprises.

1.3

Toutefois, pour les entreprises qui en raison de leur dimension tenteront d'accéder à des aides de sauvetage et de restructurations, le CESE estime que la communication devrait offrir:

un budget communautaire différent de celui qui est prévu pour l'IFOP/FEP;

des aides de sauvetage à fonds perdus et d'un délai d'application supérieur à six mois;

plus de souplesse dans les programmes nationaux que doivent présenter les États membres de manière à ce que les entreprises qui le demandent puissent accéder rapidement aux aides prévues.

1.4

En plus des aides pour le sauvetage et la restructuration des entreprises en crise, le Comité estime que pour pouvoir pallier les graves conséquences que le prix élevé des carburants a pour les entreprises du secteur de la pêche et les équipages, il conviendrait de mettre en place une autre série de mesures. En particulier, le CESE propose à la Commission et/ou au Conseil l'approbation des suivantes:

a)

relèvement du seuil des aides de minimis à 100.000 euros par entreprise;

b)

arrêt temporaire de la flotte en cas d'«événement non prévisible», auquel peut être assimilée la crise provoquée par le prix élevé du gasoil;

c)

autorisation d'aides pour financer les primes des contrats d'assurance à l'instar de ce qui est pratiqué en matière assurance agricole;

d)

création d'un fonds spécial pour le déclassement au niveau communautaire, doté d'un budget extraordinaire, qui accorderait la priorité aux segments de la flotte qui rencontrent le plus de problèmes et permettrait aux armateurs qui sont volontaires pour abandonner leur activité de le faire en toute dignité;

e)

soutien maximal des administrations publiques, tant nationales que communautaires, à travers des aides de RDTI (4), aux projets présentés par le secteur de la pêche en vue d'améliorer l'efficacité énergétique de cette activité et de rechercher des énergies alternatives ou complémentaires au gasoil et pour le développement de plates-formes technologiques de la pêche;

f)

faire porter les efforts sur un changement de mentalité des pêcheurs afin de parvenir à ce qu'ils s'impliquent dans la commercialisation des produits de la pêche, pour essayer ainsi d'accroître la valeur ajoutée des produits de la pêche;

g)

revoir la fiscalité applicable à la flotte côtière, en particulier en prévoyant dans la réglementation une exemption de l'impôt sur les sociétés pour les recettes gagnées par les entités concessionnaires des criées au titre de leur intervention en première vente et la réduction de l'impôt sur la valeur ajoutée pour les opérations d'intermédiation réalisées par celles-ci;

h)

incorporation de la flotte hauturière qui pêche en dehors des eaux communautaires aux seconds registres qui existent pour la flotte marchande dans différents États membres de l'UE, moyennant modification des lignes directrices communautaires sur les aides d'Etat au secteur de la pêche.

2.   Exposé des motifs

2.1

Le secteur de la pêche, en plus de fournir une part importante des protéines nécessaires à la consommation humaine, contribue dans une grande mesure au tissu économique et social de nombreuses communautés côtières de l'Union européenne. Selon les données de la Commission (5), l'Union européenne élargie (UE 25) représente, avec 7.293.101 tonnes de poisson (captures et aquaculture), 5 % de la production mondiale totale des produits de la pêche, et elle est le deuxième producteur mondial après la Chine. Elle possède une flotte légèrement inférieure à 90.000 bateaux de pêche qui fournissent 229.702 emplois.

2.2

Ce secteur connaît des difficultés d'adaptation du fait de l'épuisement des stocks halieutiques dans la majorité des pêcheries, certaines de celles-ci étant parvenues à épuisement, et des mauvaises conditions de marché. Selon la communication à l'examen, depuis le milieu des années 90, les quotas assignés aux bateaux de pêche qui pêchaient dans l'Ouest de l'Europe les principales espèces démersales (morue, aiglefin, merlan, lieu noir et merlu) ainsi que les espèces benthiques (plie, sole, baudroie et langoustine) ont diminué.

2.3

La réforme de la PCP de 2002, a permis d'engager une modernisation de la gestion des pêcheries de l'Union européenne en vue d'en garantir la durabilité mais elle a également impliqué des mesures, notamment des plans de reconstitution des stocks halieutiques qui limitent les captures et partant, entraînent une diminution très nette des bénéfices pour les pêcheurs, situation qui perdurera à l'avenir.

2.4

Cette situation, conjuguée à l'augmentation normale et continue des coûts d'exploitation et celle spectaculaire des coûts du carburant, ont eu pour conséquence que de nombreux navires travaillent à perte.

2.5

La communication de la Commission énumère les causes qui, combinées les unes aux autres, ont conduit une grande partie de la flotte communautaire à cette situation économique et suggère des solutions pour la surmonter.

3.   Historique

3.1

Parmi ces causes, la communication de la Commission fait référence à deux circonstances facilement compréhensibles:

revenus en baisse;

hausse des coûts.

3.1.1

La baisse des revenus est due à:

La stagnation des prix du marché:

proportion croissante des importations de poisson;

développement de l'aquaculture;

concentration des ventes à travers de grandes chaînes de distribution.

Diminution des rendements de la pêche:

effort de pêche intense sur certaines populations de poissons;

réduction de la capacité de pêche insuffisante.

3.1.2

Les coûts d'exploitation des navires, qui habituellement augmentent d'année en année, ont enregistré une hausse considérable depuis 2003 avec l'augmentation des coûts du carburant, qui a touché toutes les flottes de pêche, à des degrés divers, et en particulier les chalutiers de fond, qui représentent le segment le plus important de la flotte de pêche communautaire, dont les résultats nets d'exploitation sont actuellement négatifs.

4.   Observations générales

4.1

Parmi les solutions pour surmonter la situation actuelle caractérisée par des difficultés économiques du secteur de la pêche, la Commission suggère d'adopter des mesures:

à court terme, pour le sauvetage et la restructuration des entreprises de pêche à même de retrouver leur rentabilité moyennant des changements structurels;

à long terme, pour que le secteur de la pêche puisse s'adapter à la nouvelle situation.

4.1.1   Sauvetage et restructuration à court terme

4.1.1.1

Pour sauver et restructurer les entreprises de pêche au bord de la faillite ou en net déclin, la communication prévoit l'utilisation éventuelle des instruments existants et du cadre actuel des aides d'État, sur la base des lignes directrices communautaires relatives aux aides d'État pour le sauvetage et la restructuration d'entreprises en difficultés (6) ainsi que sur les lignes directrices relatives à l'examen des aides d'État aux secteurs de la pêche et de l'aquaculture (7). De plus, certaines exceptions allant au-delà de ces lignes directrices (voir paragraphes 4.1.1.5 et 4.1.1.6) sont prévues.

4.1.1.2

L'aide au sauvetage peut revêtir la forme d'un prêt remboursable ou d'une garantie, qui ne peut excéder six mois. Son objectif est d'aider les entreprises à s'adapter à la nouvelle situation due à la hausse des prix du carburant, en particulier dans le cas de navires utilisant des engins traînants et capturant des espèces démersales. Lorsque l'aide au sauvetage est suivie de l'adoption d'un plan de restructuration, elle peut être remboursée grâce à l'aide obtenue par l'entreprise sous forme d'aide à la restructuration.

4.1.1.3

Le CESE estime que pour être réellement efficace, l'aide au sauvetage doit être à fonds perdus et non un prêt remboursable dès lors que, de la sorte, elle aurait une valeur ajoutée qui pourrait la rendre plus attrayante pour les entreprises. Sinon, un simple prêt remboursable pourrait être obtenu auprès de n'importe quel établissement financier sans qu'aucune autorisation de la Commission européenne soit nécessaire.

4.1.1.4

L'aide à une nouvelle restructuration des entreprises de pêche pour qu'elles redeviennent rentables impliquera souvent d'investir dans l'adaptation des navires. Les lignes directrices sur les aides d'État au secteur de la pêche établissent entre autres les règles permettant d'octroyer des aides à la modernisation et à l'équipement des navires de pêche, régies par les dispositions de l'Instrument financier d'orientation de la pêche (IFOP (8)). Les conditions d'octroi d'une aide d'État à cette fin sont par conséquent les mêmes que celles qui s'appliquent à l'aide communautaire en vertu du règlement IFOP (9).

4.1.1.5

La Commission prévoit, à titre exceptionnel, d'autoriser l'octroi d'aides d'État pour certains types de modernisation non couverts par le règlement IFOP, si celles-ci sont destinées à la restructuration des entreprises de pêche dans le cadre de programmes nationaux de sauvetage et de restructuration. Pour les autoriser, la Commission évaluera ses programmes nationaux à la lumière des lignes directrices communautaires, pour autant que la restructuration des entreprises se base sur des hypothèses économiques réalistes dans le contexte actuel, en tenant compte de l'état actuel et prévisible des stocks halieutiques faisant l'objet des captures et qu'elle garantisse la rentabilité de l'entreprise moyennant une réduction des coûts d'exploitation sans augmentation de l'effort ni de la capacité de pêche actuels.

4.1.1.6

L'autorisation, à titre exceptionnel, par la Commission de l'octroi d'aides d'État dans le cadre de programmes nationaux d'aide au sauvetage et à la restructuration couvrira les investissements suivants:

a)

un premier remplacement des engins de pêche pour utiliser une méthode de pêche moins consommatrice de carburant;

b)

l'achat de matériel permettant d'améliorer le rendement énergétique, tel que des économètres;

c)

un remplacement du moteur, à condition que:

1.

pour les navires d'une longueur hors tout inférieure à 12 m n'utilisant pas d'engin traînant, le nouveau moteur soit aussi ou moins puissant que l'ancien;

2.

pour l'ensemble des autres navires d'une longueur hors tout inférieure à 24 m, le nouveau moteur soit au minimum de 20 % moins puissant que l'ancien, ou

3.

pour les chalutiers d'une longueur hors tout supérieure à 24 m, le nouveau moteur soit au minimum 20 % moins puissant que l'ancien et que le navire opte pour une méthode de pêche moins consommatrice de carburant.

4.1.1.7

La Commission pourrait accepter, dans le cadre de programmes nationaux autorisant des plans de restructuration d'entreprises exploitant plusieurs navires d'une longueur hors tout de plus de 12 mètres, que la diminution de la puissance du moteur prévu aux alinéas 2 et 3 du paragraphe 4.1.1.6.c) puisse s'appliquer «globalement» à l'entreprise en question ainsi que la prise en compte du déclassement d'un navire sans aide publique pour le niveau de réduction à atteindre.

4.1.1.8

Ce principe vaudra également pour les programmes nationaux qui autorisent un plan de restructuration présentée par un groupe de petites et moyennes entreprises (PME). Dans ce cas, la rentabilité de certains membres du groupe pourraient être améliorée grâce également à des mesures adoptées par d'autres membres telles que le déclassement.

4.1.1.9

Pendant la cessation temporaire des activités de pêche nécessaire pour mener à bien les investissements autorisés, les entreprises pourront solliciter l'aide d'État correspondante pour autant qu'elle soit demandée dans le cadre des programmes de sauvetage de restructuration.

4.1.1.10

Tout autre aide publique, y compris l'aide communautaire, octroyée à une entreprise en difficultés, devra tenir compte de l'évaluation globale des plans de restructuration et de viabilité à long terme.

4.1.1.11

Les Etats membres ont deux ans à compter de la publication de la communication examinée dans le présent avis, pour notifier à la Commission leurs programmes nationaux d'aide au sauvetage et à la restructuration et, le cas échéant, les plans individuels établis pour les entreprises plus grandes. Dans un délai de deux ans après l'approbation par la Commission du plan notifié, les États membres devront publier les décisions administratives relatives aux plans de restructuration.

4.1.1.12

Compte tenu du fait que les difficultés économiques actuelles touchent surtout les bateaux qui utilisent des engins traînants, la Commission estime que l'aide à la restructuration doit se centrer essentiellement sur les chalutiers de fonds.

4.1.1.13

Concernant les aides directes à l'exploitation, dans le contexte actuel de prix des carburants élevés, la Commission rejette dans la communication à l'examen toute intervention publique pour compenser cette hausse des coûts car elle constituerait une aide à l'exploitation incompatible avec le traité.

4.1.1.14

En revanche, la Commission pourrait accepter un système de garantie, qui est demandé par l'industrie de la pêche, conformément auquel les montants versés par le secteur en période favorable pourraient être remboursés à titre de compensation pour la hausse subite du prix du carburant. La Commission pourrait approuver ce système à la seule condition qu'il offre des garanties de remboursement de toute aide publique dans des conditions commerciales.

4.1.1.15

Le CESE, tout en approuvant le diagnostic sur la situation économique critique du secteur de la pêche communautaire exposée par la Commission dans sa communication, estime que les mesures proposées pour sauver le secteur de la crise ne sont ni réalistes ni suffisantes. Le CESE est d'avis que les mesures ne sont pas réalistes car la grande majorité des entreprises du secteur de la pêche sont familiales et propriétaires d'un seul navire, travaillent dans des pêcheries dont les ressources sont limitées, avec un minimum de personnel, en étant soumises à des règles de gestion rigoureuses et disposant d'une très faible marge de manœuvre pour pouvoir engager des actions leurs permettant de se restructurer et de garantir leur viabilité à long terme. Par ailleurs, en l'absence de nouveau budget, distinct de celui de l'IFOP/FEP, les possibilités de mise en pratique de ces nouvelles mesures sont très limitées. Aussi, le CESE estime-t-il que cette communication aura peu d'effets concrets pour la majorité des entreprises.

4.1.1.16

Toutefois, pour les entreprises qui, en vertu de leur taille, tenteront d'accéder aux aides au sauvetage et à la restructuration, le CESE estime que la communication devrait prévoir:

un budget distinct de celui qui est prévu pour l'IFOP/FEP;

que les aides au sauvetage soient à fonds perdus et assorties d'un délai d'application de six mois;

une flexibilité et une souplesse dans les programmes nationaux que les États membres doivent présenter de manière à permettre aux entreprises qui le demandent d'accéder rapidement aux aides prévues.

4.1.1.17

Le CESE rappelle à la Commission qu'à court terme, une mesure efficace peut être l'application des aides de minimis. Cependant, le Comité estime que ce qui est prévu dans la législation actuelle (3.000 euros par entreprise sur une période de trois ans) est très insuffisant et ne correspond pas à la réalité surtout si l'on tient compte du fait que les autres secteurs de l'UE, à l'exception de l'agriculture, bénéficient d'un seuil de 100.000 euros. Aussi, le Comité considère-il nécessaire de revoir d'urgence la réglementation relative aux aides des minimis pour la pêche, en relevant le seuil jusqu'à 100.000 euros, comme pour les autres secteurs. Cette observation avait déjà été formulée par le CESE dans son avis sur le «Plan d'action dans le domaine des aides d'État — Des aides d'État moins nombreuses et mieux ciblées: une feuille de route pour la réforme des aides d'État 2005-2009» (10).

4.1.1.18

De même, une autre mesure possible et qui pourrait s'avérer très bénéfique pour les entreprises et les équipages est la prise en considération de la gravité de la situation économique du secteur de la pêche en tant qu'«événement non prévisible» tel que visé à l'article 16 du règlement IFOP, qui permet l'octroi d'indemnisations aux pêcheurs et aux propriétaires de bateaux à la suite d'un arrêt temporaire de la flotte dans ce type de circonstances.

4.1.1.19

Par ailleurs, si on veut adapter plus rapidement la capacité des navires de pêche à l'état des ressources halieutiques, le Comité suggère à la Commission de créer à court terme un fonds communautaire pour le déclassement des navires, doté d'un budget extraordinaire et que les États membres utiliseraient obligatoirement et exclusivement pour les entreprises qui demandent le déclassement de leurs navires. Ce fonds pourrait accorder la priorité aux segments de la flotte qui rencontrent le plus de difficultés.

4.1.1.20

Le Comité estime également qu'à court terme, la Commission devrait revoir les lignes directrices en matière d'aides d'État pour la pêche, en vue de permettre la création dans les États membres de registres spéciaux pour les bateaux de pêche, qui permettraient une amélioration de la compétitivité de la flotte hauturière opérant en dehors des eaux communautaires, à l'instar de ce qui a été fait dans les années 90 avec la flotte marchande.

4.1.1.21

Concernant le système de garantie pour les augmentations subites du prix du carburant, le Comité considère qu'il s'agit d'un autre type d'aide qui peut favoriser le maintien des emplois à bord des navires de pêche dans la situation difficile actuelle, raison pour laquelle il marque son soutien à ce système tout en considérant que son application dans les conditions prévues par la Commission est très peu probable dans la conjoncture économique actuelle. Aussi, le Comité estime-t-il que la Commission devrait permettre aux États membres de pouvoir couvrir, partiellement ou totalement, les primes de contrats d'assurance que pourraient souscrire les organisations du secteur pour garantir un prix maximal du gasoil pendant une période de temps donnée, à l'instar des assurances agricoles.

4.1.1.22

Par ailleurs, le Comité estime qu'il conviendrait de revoir la fiscalité de la flotte côtière. Concrètement, il considère que l'on pourrait autoriser une exonération d'impôt sur les sociétés pour les recettes obtenues par les entités concessionnaires des criées au titre de leur intervention en première vente du poisson et la réduction de l'impôt sur la valeur ajoutée pour les opérations d'intermédiation réalisés par ces mêmes entités.

4.1.2   Mesures et initiatives à plus long terme

4.1.2.1

À long terme, l'on ne peut envisager des perspectives positives pour le secteur de la pêche que si les stocks de poissons se reconstituent et si l'on a recours à des pratiques de pêche durables. Dans ce contexte, la communication propose les mesures suivantes:

a)

amélioration de la gestion des pêcheries;

b)

amélioration du respect des normes de gestion des pêcheries;

c)

organisation et fonctionnement des marchés;

d)

promotion de la recherche en matière de méthodes de pêche moins consommatrices d'énergie et plus respectueuses de l'environnement.

4.1.2.2

Le Comité estime que toutes ces mesures à long terme sont déjà prévues dans la nouvelle PCP. Il tient à faire remarquer toutefois à la Commission que pour parvenir à un système de gestion des pêcheries qui permette un rendement maximal durable, une fois menés à bien les plans de reconstitution et de gestion des populations les plus menacées, il faut de nouvelles idées concrètes.

4.1.2.3

Le CESE marque son soutien sans réserve à la Commission dans les efforts qu'elle déploie pour que, dans toute l'Union, la réglementation de la politique commune de la pêche soit correctement appliquée. Il rappelle une fois de plus à la Commission que sa collaboration avec l'Agence communautaire de contrôle de la pêche doit être totale, comme elle le préconise elle-même dans sa communication, et qu'il faut doter cette agence du personnel et des moyens financiers suffisants pour qu'elle puisse remplir la mission très importante qui lui a été confiée.

4.1.2.4

Le CESE demande instamment à la Commission d'intensifier sa lutte contre la pêche illégale, non déclarée et non réglementée et lui suggèrent qu'une action décisive en la matière serait la fermeture du marché communautaire à ce type de captures car c'est sur ce marché que la plus grande partie du produit de cette pêche illégale aboutit. De même, le Comité considère que l'interdiction des transbordements en haute mer pourrait être une mesure efficace contre ce type de pêche.

4.1.2.5

Le Comité estime que l'évaluation relative à l'organisation du marché de la pêche proposée par la Commission est nécessaire. En effet, il peut s'avérer utile pour améliorer le rendement financier des entreprises d'utiliser de nouveaux instruments, de même que pour améliorer la commercialisation du poisson et des produits de la pêche, ce qui permettrait aux producteurs d'apporter une valeur ajoutée à ces produits à la première vente et de s'impliquer dans le processus de commercialisation. En ce sens, le Comité est d'avis que les organisations de producteurs peuvent jouer un rôle important et partant, que celles-ci doivent être favorisées. Pour parvenir à cet objectif, le CESE estime que les efforts de la Commission et des États membres devraient porter sur un changement de mentalité des pêcheurs relativement à ces questions.

4.1.2.6

Le CESE souscrit à l'idée de la Commission d'élaborer un code de conduite sur la commercialisation du poisson dans l'Union européenne et la promotion d'un étiquetage écologique après clôture du débat sur ce thème, sur lequel le Comité s'est récemment prononcé.

4.1.2.7

Dans le cadre de cette communication, le Comité estime que la dernière mesure à long terme proposé par la Commission, à savoir la promotion de la recherche en matière de méthodes de pêche moins consommatrices de carburants et plus respectueuses de l'environnement, est fondamentale. Il espère par conséquent que les garanties de financement dont parle la Commission dans sa communication seront effectives et que les projets présentés par les organisations représentantes du secteur de la pêche feront l'objet d'un soutien total, de même que le développement de plates-formes technologiques de la pêche.

4.1.2.8

Le CESE estime que, dans la mesure où la situation actuelle en matière de prix des carburants dans l'Union paraît irréversible, il est extrêmement important d'engager des recherches dans tous les domaines proposés dans la communication. Plus particulièrement, le Comité juge nécessaire de le faire en ce qui concerne la production d'énergies renouvelables et notamment le développement des applications pratiques de nouveaux types de bio-carburants et l'amélioration du rendement énergétique, ce pourquoi il demande le soutien financier de la Commission européenne et des États membres pour les projets présentés par les organisations du secteur de la pêche.

Bruxelles, le 14 septembre 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Produit intérieur brut.

(2)  COM(2006) 103 final, du 9.3.2006.

(3)  Instrument financier d'orientation de la pêche/Fonds européen de la pêche.

(4)  Recherche, développement technologique et innovation.

(5)  Ou éliminer toute information sur la PPC la 102 bases sur la politique commune de la pêche. Édition 2006. Commission européenne.

(6)  JO C 244, du 1.10.2004.

(7)  JO C 229, du 14.9.2004.

(8)  Règlement (CE) no 1263/1999, du 12.06.1999.

(9)  Règlement (CE) no 2792/1999, du 17.12.1999.

(10)  JO C 65 du 17.3.2006.


23.12.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/122


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Conseil relatif au glucose et au lactose (version codifiée)»

COM(2006) 116 final — 2006/0038 CNS

(2006/C 318/22)

Le 2 mai 2006, le Conseil a décidé, conformément à l'article 308 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 11 juillet 2006 (rapporteur: M. DONNELLY).

Lors de sa 429e session plénière des 13 et 14 septembre 2006 (séance du 13 septembre 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 187 voix pour, 1 voix contre et 7 abstentions.

1.   Introduction

1.1

L'objet de la proposition est de procéder à la codification du règlement (CEE) no 2730/75 du Conseil du 29 octobre 1975 relatif au glucose et au lactose. Le nouveau règlement se substituera aux divers actes qui y sont incorporés; il en préserve totalement la substance et se borne donc à les regrouper en y apportant les seules modifications formelles requises par l'opération même de codification.

2.   Observations générales

2.1

Dans le contexte de l'Europe des citoyens, le Comité économique et social européen soutient la démarche de la Commission qui vise à simplifier et à clarifier la législation communautaire afin de la rendre plus transparente et plus accessible aux simples citoyens et ainsi de donner à ces derniers de nouvelles possibilités de faire valoir les droits spécifiques qui en découlent pour eux.

2.2

Le Comité estime que la codification doit être effectuée dans le strict respect du processus législatif communautaire normal.

Bruxelles, le 13 septembre 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


23.12.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/123


Avis du Comité économique et social européen sur la «Société civile au Belarus»

(2006/C 318/23)

Le 14 juillet 2005, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2 de son règlement intérieur, d'élaborer un avis sur le thème de la «Société civile au Belarus».

La section spécialisée «Relations extérieures», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 19 juillet 2006 (rapporteur: M. STULÍK).

Lors de sa 429e session plénière des 13 et 14 septembre 2006 (séance du 14 septembre 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 146 voix pour, 2 contre et 5 abstentions.

1.   Points essentiels de l'avis

1.1

Par le présent avis d'initiative, le Comité économique et social européen (CESE) entend exprimer son soutien, sa solidarité et sa sympathie à toutes les organisations de la société civile du Belarus qui y œuvrent afin d'instaurer la démocratie, les droits de l'homme, l'État de droit, la liberté d'association et la liberté d'expression, c'est-à-dire les valeurs fondamentales de l'Union européenne.

1.2

Le Comité économique et social européen exprime en particulier son soutien moral aux organisations de la société civile telles que les organisations non gouvernementales de défense des droits de l'homme qui suivent la situation de la démocratie et de l'État de droit, les organisations de jeunesse indépendantes, les fondations indépendantes, les associations indépendantes d'employeurs et d'entrepreneurs et de syndicats libres, qui œuvrent afin d'instaurer la démocratie, les droits de l'homme, l'État de droit et les valeurs européennes au Belarus.

1.3

Les contacts interpersonnels directs, qui peuvent revêtir la forme d'échanges mutuels en particulier de jeunes, jouent un rôle et une fonction de premier ordre dans les contacts avec la société civile du Belarus. Afin qu'ils soient soutenus et intensifiés, il est indispensable que l'Union européenne et ses États membres mènent une politique de visas ouverte à l'égard des ressortissants bélarussiens.

1.4

Il convient que l'Union européenne dans son ensemble œuvre à mettre en place une politique d'information adéquate, compréhensible et ciblée ainsi qu'une stratégie expliquant aux Bélarussiens les valeurs fondamentales et le mode de fonctionnement de l'Union européenne.

1.5

Si l'UE entend apporter un soutien financier à la société civile au Belarus, il est absolument indispensable que celui-ci revête des formes appropriées et flexibles afin que cette aide et ce soutien parviennent véritablement aux récipiendaires qui en ont besoin.

1.6

Le Comité économique et social européen invite les institutions de l'UE à recourir, au cours de l'élaboration de la stratégie de soutien aux organisations de la société civile au Belarus, à l'expérience et au savoir-faire des organisations de la société civile des nouveaux États membres en matière de transition.

2.   Introduction générale

2.1

Par le présent avis d'initiative, le Comité économique et social européen entend exprimer son soutien, sa solidarité et sa sympathie à toutes les organisations de la société civile du Belarus qui y oeuvrent afin d'instaurer la démocratie, les droits de l'homme, l'État de droit, la liberté d'association et la liberté d'expression, c'est-à-dire les valeurs fondamentales de l'Union européenne.

2.2

Le CESE accorde une grande importance à l'existence d'une société civile authentique et aucunement contrôlée au Belarus, qui constitue une condition nécessaire à la stabilisation à long terme et au développement de la démocratie dans ce pays.

2.3

Le CESE se montre absolument opposé aux méthodes de l'administration, des organes d'État et des pouvoirs publics du Belarus qui ont abouti aux élections présidentielles du 19 mars 2006 totalement dépourvues de transparence et entachées d'irrégularités. De même, le CESE s'oppose aux procès mis en scène par les responsables politiques et intentés aux militants démocratiques et aux membres d'organisations non gouvernementales qui voulaient uniquement exercer leurs droits civiques et suivre le déroulement des élections présidentielles, et qui ont ces derniers temps fait l'objet de condamnations exemplaires et injustes (cas des membres de l'ONG «Partenariat»).

2.4

Le CESE note qu'au Belarus, voisin immédiat de l'UE, une violence motivée par des raisons politiques est exercée contre les citoyens de ce pays, que les droits fondamentaux y sont foulés aux pieds, et que les traités et les conventions internationaux en vigueur en matière de droits de l'homme ne sont pas respectés. Cet état de fait est inacceptable pour la société civile organisée des 25 États membres de l'UE.

2.5

Le CESE marque son désaccord et refuse que les organisations de la société civile s'opposant au Belarus à l'arbitraire de l'État fassent l'objet de poursuites et ainsi d'une criminalisation.

2.6

Le présent avis d'initiative du CESE vise à proposer aux institutions de l'UE une nouvelle approche vis-à-vis du Belarus et en matière de soutien à la société civile de ce pays. La stratégie de l'UE destinée à soutenir la société civile bélarussienne doit être inscrite dans le moyen terme, concrète, réalisable et viable, et ce surtout à l'heure actuelle, après les élections présidentielles, alors que l'attention de la communauté internationale commence à se détourner du Belarus.

2.7

Le présent avis a en même temps pour but de familiariser davantage les organisations européennes de la société civile avec la situation au Belarus, de stimuler leur intérêt pour le sort de leurs partenaires bélarussiens et les problèmes auxquels ils sont confrontés, et d'ainsi poser les jalons et ouvrir la voie vers leur collaboration mutuelle.

3.   Situation de la société civile au Belarus

3.1

À première vue, le cadre juridique nécessaire à l'existence formelle des organisations de la société civile peut sembler suffisant et conforme aux normes d'une société moderne. Cependant, le problème du cadre juridique bélarussien réside dans son interprétation détaillée et dans les obstacles artificiellement créés au fonctionnement et à l'enregistrement des organisations de la société civile. Dans la pratique, la situation est telle que ce cadre juridique permet de trouver des prétextes afin de refuser l'enregistrement d'organisations de la société civile qui sont gênantes pour le régime en place.

3.2

La société civile du Belarus est caractérisée, comme dans tous les pays à régime autoritaire ou totalitaire, par une division entre les organisations officielles et celles qui travaillent dans le meilleur des cas légalement mais en rencontrant des difficultés, ou semi-légalement, voire dans la clandestinité. L'administration bélarussienne politise ces organisations et les associe à l'opposition politique. Il faut toutefois noter ici que le droit des citoyens de s'associer librement afin de défendre leurs intérêts spécifiques et publics constitue un droit fondamental et une valeur européenne. Aussi les situations de «conflit» entre la société civile et le pouvoir politique officiel sont-elles également courantes et normales dans les pays de l'Union européenne. Dans les démocraties classiques, de tels «conflits» ne se traduisent pas par un affaiblissement de la légitimité de ces organisations, mais constituent un moyen pour l'opinion publique d'exercer un contrôle et de s'associer à la gestion des affaires publiques.

3.3

Au Belarus sont actives de nombreuses organisations officielles qui sont loyales envers le régime ou qui sont directement contrôlées ou dirigées par l'État. Les pouvoirs publics font passer ces organisations pour «la société civile bélarussienne» (1). D'un autre côté, il y a les organisations de la société civile critiques vis-à-vis du régime qui sont criminalisées et rendues en outre souvent illégales en raison de ces critiques.

3.4

Au Belarus sont également actives des organisations informelles ou des associations de citoyens qu'il convient aussi d'inclure dans la société civile. Il est impossible, pour ces groupes de citoyens actifs et conscients, de devenir des organisations officielles en raison de leurs activités. Leur existence doit donc rester informelle. Ces personnes auto-organisées de la sorte sont confrontées à des persécutions, à des procès en justice, à la perte de leur emploi ou de leur statut d'étudiant. Il est essentiel de trouver des moyens d'aider ces groupes informels qui constituent toutefois souvent le noyau de la société civile bélarussienne indépendante.

3.5

Toute une série d'organisations de la société civile poursuivent leurs activités de manière semblable, après s'être vues refuser un réenregistrement officiel pour divers prétextes futiles, tatillons et absurdes auxquels l'administration bélarussienne recourt afin de procéder à une liquidation formelle des organisations gênantes. Il s'agit avant tout d'organisations non gouvernementales de défense des droits de l'homme qui suivent l'état de la démocratie et de l'État de droit, d'organisations de jeunesse indépendantes, de fondations indépendantes, d'associations indépendantes d'employeurs et d'entrepreneurs et de syndicats libres. Ces organisations ne peuvent poursuivre leurs activités en tant que sujets de droit jouissant d'une existence formelle.

3.6

Bien que l'on dénombre en tout plus de 2500 organisations non gouvernementales au Belarus (2), le nombre d'organisations indépendantes, qui ne s'occupent parfois que marginalement de questions de société, est en baisse, et ce en raison des persécutions, de l'intervention des pouvoirs administratifs et de l'obligation de remplir de nouvelles conditions en vue d'un réenregistrement. Dans le domaine des droits de l'homme par exemple, l'une des dernières organisations fonctionnant de manière légale est le Comité Helsinki qui doit lui aussi faire face ces derniers temps à une pression croissante de la part des institutions étatiques.

3.7

Dans le secteur des associations et des regroupements indépendants d'entrepreneurs, d'industriels et d'employeurs, il n'existe que quelques petites organisations (par exemple «Perspektyva»), dont les membres sont toutefois souvent la cible d'arrestations et de procès construits de toutes pièces.

3.8

Parmi les organisations syndicales, on trouve à la fois des organisations syndicales officielles (affiliées à la Fédération des syndicats du Belarus, FSB) et un mouvement syndical indépendant appelé Congrès des syndicats démocratiques du Belarus. La liberté d'association et les droits des membres de syndicats indépendants sont toutefois systématiquement bafoués. L'appel récent (3) adressé à la Commission européenne par la Confédération européenne des syndicats (CES), la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et la Confédération mondiale du travail (CMT) a justement mis le doigt sur les violations de droits syndicaux au Belarus.

3.8.1

Depuis de nombreuses années, l'Organisation internationale du travail (OIT) déplore et condamne les violations graves et systématiques des droits fondamentaux des travailleurs et des syndicats en matière de liberté d'association et de négociations collectives (conventions 87 et 98). Une commission d'enquête du conseil d'administration de l'OIT, mise en place en 2003, a rendu en 2004 un rapport condamnant l'ingérence de l'État dans les affaires internes des syndicats ainsi que ses réglementations et lois antisyndicales. Depuis l'adoption du rapport, l'OIT a vivement critiqué le gouvernement, celui-ci n'ayant pas mis en œuvre, ou uniquement de façon très partielle, les recommandations de la commission d'enquête. La récente 95e session de la conférence internationale du travail de l'OIT, qui s'est tenue en juin 2006, a exhorté le gouvernement à prendre des mesures concrètes visant à mettre en œuvre ces recommandations de manière à ce que des progrès réels et tangibles puissent être constatés d'ici à la session du conseil d'administration de novembre 2006. Au cas où de tels progrès ne pourraient être constatés, la conférence présume que le conseil d'administration de l'OIT commencera à examiner s'il convient de prendre des mesures supplémentaires conformément à la constitution de l'OIT. De telles mesures pourraient inclure une recommandation de la conférence internationale du travail aux États membres, aux fédérations d'employeurs et aux syndicats de revoir leurs relations avec le Belarus.

3.9

Le CESE exprime son appui complet aux organisations bélarussiennes de la société civile qui adhèrent aux valeurs européennes, et qui, par leurs travaux et leurs activités, ne légitiment ni ne soutiennent le régime autoritaire ou ne sont aucunement liées à celui-ci. Le CESE invite les institutions de l'UE et les organisations de la société civile des États membres de l'UE à leur apporter un appui semblable (y compris financier).

3.10

Le CESE est par ailleurs conscient qu'il faut également mener un dialogue et des échanges avec les organisations dont les activités ou le mode de fonctionnement confèrent une légitimité au régime politique autoritaire en place et discréditent ainsi les valeurs fondamentales européennes.

3.11

Globalement, les organisations bélarussiennes de la société civile doivent s'efforcer (également en collaboration avec des partenaires étrangers) de sortir de leur propre isolement au sein de la société et de gagner sa confiance en parvenant à présenter leurs résultats et leur importance pour la société.

3.12

La situation et le rôle de la société civile au Belarus sont en outre compliqués par le fait qu'une partie considérable des Bélarussiens reconnaît la légitimité du pouvoir politique en place et lui exprime son soutien. En revanche, les organisations de la société civile ne jouissent pas d'un large soutien public, et le régime politique parvient, notamment grâce à sa politique d'information, à les dépeindre de manière négative aux yeux des citoyens bélarussiens ordinaires.

4.   Observations générales sur la stratégie de l'UE envers le Belarus

4.1

Le CESE marque son accord général et exprime son soutien à la Commission européenne, qui a adopté le 28 mai 2004 le Document de stratégie nationale, programme indicatif national pour le Belarus, 2005-2006. L'intérêt et l'appui du CESE concernent avant tout les points du programme indicatif consacrés au soutien de l'UE à la société civile bélarussienne. Le CESE propose de s'associer activement à la consultation sur la forme la plus adéquate que devrait revêtir cet appui.

4.2

En outre, le CESE espère que la Commission européenne présentera un programme de ce type pour la période ultérieure également, étant donné que nombre d'organisations bélarussiennes attendent de l'UE un engagement accru dans le domaine des droits de l'homme et de la démocratie dans leur pays. Les projets et les programmes de ce genre ont un effet motivant et stimulant pour la société civile du Belarus.

4.3

Aussi le CESE note-t-il qu'afin de parvenir à changer ce régime autoritaire qui s'efforce de donner l'impression qu'il contrôle la situation dans le pays, il sera nécessaire d'appuyer les activités quotidiennes et ce bien souvent par le biais de «petits pas» politiques. Cela concerne avant tout les organisations bélarussiennes de la société civile. Dans une situation où les organisations civiles apolitiques font elles aussi l'objet de restrictions, les activités de celles-ci deviennent également politiques.

4.4

Les institutions de l'UE et ses États membres doivent s'affirmer face au Belarus, et coordonner et harmoniser leur propre stratégie de soutien de la société civile entre eux et avec d'autres bailleurs de fonds internationaux (fondations, gouvernements de pays tiers).

4.5

La mise en place de possibles sanctions économiques et autres doit faire l'objet d'un examen très attentif des avantages et inconvénients éventuels. Étant donné que le régime du Président Loukachenko contrôle pratiquement tous les médias, il ne sera pas bien difficile de dépeindre l'UE aux citoyens bélarussiens (en particulier hors de la capitale Minsk) comme une institution ennemie, et ainsi de réduire le pouvoir d'attraction d'une orientation «européenne» pour le développement politico-économique futur du Belarus.

4.6

Il convient de distinguer les sanctions qui ont un impact direct sur la population et celles qui touchent seulement les représentants du pouvoir en place. Au cas où l'on recourt à des sanctions, cette distinction doit être prise en compte lors de leur formulation. Il ne faut pas que des sanctions touchent directement la population même du Belarus. Les sanctions ne devraient en aucun cas revêtir la forme d'une exclusion du Belarus du système des préférences généralisées, car il s'agit d'un accès préférentiel conditionnel au marché de l'UE fondé sur le respect de règles de base. Le gouvernement bélarussien a en outre assez de temps et d'occasions pour remédier aux principales critiques relatives à la violation des droits syndicaux au Belarus.

4.7

Bien que le Belarus soit officiellement inclus dans la politique européenne de voisinage (PEV), il n'est aujourd'hui pas possible, dans les conditions actuelles, de permettre au Belarus de profiter pleinement des avantages offerts par la PEV. Le CESE partage l'avis de la Commission et du Conseil selon lequel l'intégration du Belarus à ce programme devrait être possible une fois que ses autorités auront clairement démontré leur volonté de respecter les valeurs démocratiques et les principes de fonctionnement de l'État de droit. Il y aurait toutefois lieu que la Commission européenne élabore également un scénario unilatéral (ou un scénario établi en collaboration avec les représentants de la société civile) pour une intégration rapide du Belarus dans la politique européenne de voisinage au cas où la situation politico-économique du pays connaîtrait des changements majeurs. On peut faire ici un parallèle avec la Slovaquie des années 1990 sous le gouvernement de Vladimír Mečiar et son statut de pays candidat (4). Si l'UE adopte une approche semblable et se montre flexible à l'égard du Belarus, cela permettrait de mobiliser constamment la société civile bélarussienne et de lui proposer un scénario alternatif «européen» attractif.

4.8

L'un des principaux acteurs du développement du Belarus était, est et sera la Russie. Puisque la Russie est un partenaire stratégique déclaré de l'Union européenne, il est indispensable d'engager avec la Russie, les politiques russes ainsi que les représentants de la société civile russe un dialogue sur la situation au Belarus.

5.   Domaines sensibles concrets relatifs à la société civile du Belarus et mesures pratiques proposées

5.1

Liberté des médias et accès à des informations objectives et impartiales. Actuellement, le régime détient pratiquement le monopole de l'information. La société civile n'a pas accès aux médias et aux canaux officiels médiatiques et d'information. La plupart des journaux indépendants ont été fermés pour diverses raisons, et l'accès au réseau de distribution étatique est rendu pratiquement impossible aux périodiques restants. L'accès à Internet est lui aussi limité, à l'exception de la capitale Minsk et des centres régionaux, bien que les coûts de connexion restent élevés. La priorité de l'UE devrait dès lors être de garantir, de soutenir et de renforcer les sources permanentes d'information indépendantes à disposition des Bélarussiens, ainsi que de garantir l'existence de serveurs Internet non censurés. Les initiatives Internet indépendantes proches du terrain méritent d'être soutenues.

5.2

Appui de l'UE à la société civile du Belarus. Au-delà de la priorité affichée par l'UE de soutenir les organisations de la société civile au Belarus, il existe de nombreux obstacles pratiques et formels à «l'acheminement» de l'aide aux récipiendaires. Les procédures de financement communautaires existantes sont extrêmement compliquées, longues et coûteuses. Il convient d'ajuster le Règlement financier actuel afin de permettre un financement plus flexible et davantage axé sur les utilisateurs, non seulement pour les ONG officiellement enregistrées mais aussi pour les initiatives citoyennes non enregistrées, en particulier dans les pays où l'environnement est hostile. Le CESE appelle la Commission, le Parlement européen et le Conseil à envisager un assouplissement de la procédure de financement existante pour la société civile tout en adoptant de nouveaux amendements au Règlement financier et à ses modalités d'application. Afin d'acheminer l'aide nécessaire de manière adéquate, on pourrait utiliser les réseaux européens existants d'organisations de la société civile et représenter les organisations bélarussiennes (y compris celles qui ne sont pas enregistrées) par le biais de ces réseaux européens.

5.3

Le CESE salue la récente proposition de la Commission de créer un instrument financier distinct visant à promouvoir la démocratie et les droits de l'homme dans le monde et le fait que celui-ci se concentrera sur les pays où les libertés fondamentales sont le plus en danger. Le CESE espère qu'il aura l'occasion de s'exprimer au sujet de cette proposition législative et que celle-ci sera fondée avant tout sur le principe de l'accessibilité à tous ceux qui en ont besoin et de la flexibilité d'utilisation par les organisations de la société civile.

5.4

Le CESE soutient également les initiatives récentes débattues au Parlement européen et au sein des organisations européennes à but non lucratif visant à déployer des efforts afin d'instaurer un nouvel instrument financier de soutien (Fondation/agence européenne pour la démocratie) aux forces démocratiques dans des pays tels que le Belarus. Cette agence permettrait d'accorder une indispensable aide financière également aux organisations dépourvues de statut formel et auxquelles les pouvoirs publics ont refusé l'enregistrement.

5.5

Il est essentiel, pour l'avenir d'un Belarus démocratique, de consolider les forces démocratiques et la société civile indépendante, et de définir les orientations stratégiques pour leur développement futur au cours de la période post-électorale qui s'annonce. L'UE devrait avant tout s'atteler à les soutenir en collaboration avec d'autres donateurs et avec les pays qui partagent ses objectifs et ses intérêts au Belarus.

5.6

Il convient que l'égalité d'accès au soutien (pas uniquement financier) de l'UE et aux contacts avec les institutions européennes soit assurée tant pour les «anciennes» organisations de la société civile bélarussienne démocratiques et bien rodées que pour les nouvelles organisations et initiatives en cours de création.

5.7

Échange mutuel d'informations. Au Belarus, la délégation de la Commission européenne ne fonctionne pas comme dans d'autres pays, et ce malgré les demandes officielles adressées à l'UE afin qu'elle ouvre cette délégation à Minsk, qui n'ont pas été prises en compte. Il n'y a pas non plus ici de réseau de centres européens de documentation. L'accès à des informations de base et objectives sur l'UE, son mode de fonctionnement, ses valeurs et ses politiques est pratiquement impossible. Il conviendrait dès lors d'engager une réflexion sur la manière de relever le degré d'information des citoyens bélarussiens sur l'UE, ce qui aurait notamment pour conséquence de rendre plus attractive la voie «européenne» d'une possible évolution du pays (5).

5.8

L'UE devrait s'atteler à élaborer une stratégie d'information globale à même d'expliquer les valeurs fondamentales européennes aux citoyens bélarussiens. Étant donné que, par la faute de l'UE, une délégation de la Commission européenne n'est toujours pas ouverte au Belarus, il conviendrait que les organes représentatifs des différents États membres de l'UE œuvrent ensemble à la diffusion des valeurs européennes, par exemple par la création en commun d'une maison de l'Europe à Minsk.

5.9

Le CESE estime qu'il serait judicieux de créer un poste de représentant spécial de l'UE pour le Belarus, comme il en existe pour d'autres régions (6). Ce représentant, nommé par les États membres de l'UE, informerait les institutions de l'UE sur la situation en cours au Belarus et sur l'évolution des relations UE-Belarus. Le représentant spécial serait chargé de coordonner les politiques étrangères des États membres de l'UE à l'égard du Belarus et de proposer des mesures et une position communes de l'UE envers le Belarus. Le représentant spécial devrait également veiller à maintenir les contacts avec les représentants de la société civile bélarussienne et de l'opposition démocratique, ainsi qu'avec les organes et institutions officiels du Belarus.

5.10

Dans le même temps, force est de constater que la connaissance et la prise de conscience de la situation difficile dans laquelle se trouvent les organisations de la société civile au Belarus présentent des lacunes dans les pays de l'UE et varient grandement d'un État membre à l'autre.

5.11

Maintien des contacts entre organisations de la société civile de l'UE et du Belarus. Dans les faits, les possibilités des membres d'organisations de la société civile de rencontrer leurs homologues de l'UE et de voyager à l'étranger sont rendues impossibles et compliquées par les autorités du Belarus. Les obstacles aux rencontres de jeunes sont tout particulièrement problématiques. Le régime interdit bien souvent aux étudiants bélarussiens d'étudier à l'étranger et d'être actifs au sein d'organisations non gouvernementales. Aussi faudrait-il que les contacts personnels entre membres de la société civile du Belarus et de l'UE constituent l'une des priorités de la politique communautaire relative au Belarus. L'existence de liens personnels est irremplaçable, notamment pour ce qui est de la diffusion d'informations et d'expérience ainsi que de l'apport d'un soutien moral. Aussi convient-il que l'UE finance des échanges de jeunes et d'étudiants, fournisse des bourses et des aides de stage afin de stimuler des actions conjointes de groupes de la société civile, et offre une assistance ciblée aux faiseurs d'opinion.

5.12

Le CESE exprime son vif mécontentement au sujet de la politique des visas actuelle des différents États membres de l'UE envers les citoyens bélarussiens. Bien que l'UE affirme d'un côté s'efforcer de simplifier les procédures de visa pour des groupes de population choisis (y compris les représentants d'organisations de la société civile), on observe dans la pratique des atteintes flagrantes à la dignité humaine et des humiliations de demandeurs bélarussiens de visa vers les pays de l'UE. Étant donné que les procédures de visa sont longues et bien souvent humiliantes et indignes pour les demandeurs (7), les valeurs que l'UE fait valoir et sur lesquelles elle repose sont discréditées aux yeux des citoyens bélarussiens. Cet état de fait ainsi que la récente augmentation des frais administratifs pour l'émission de visas limitent considérablement les contacts interpersonnels, y compris les contacts entre représentants d'organisations de la société civile.

5.13

Le CESE invite dès lors les institutions européennes et chaque État membre de l'UE à réduire autant que faire se peut les obstacles bureaucratiques, formels et informels à l'obtention de visas d'entrée dans les pays de l'UE par les citoyens bélarussiens qui respectent et ne violent pas les lois en vigueur, et à réduire également les montants perçus pour leur émission. Les États membres devraient envisager la possibilité de simplifier les procédures de délivrance de visas pour raisons humanitaires, scientifiques et d'étude. Les montants perçus devraient être proportionnels au pouvoir d'achat local dans les différents pays où sont introduites les demandes de visa. Il convient par ailleurs de veiller à ce que les demandeurs de visa soient traités avec dignité. Ainsi seulement l'UE enverra-t-elle un signal crédible à la société bélarussienne à propos du sérieux de son intention d'intensifier les contacts interpersonnels entre les citoyens de l'UE et du Belarus.

5.14

Le savoir-faire et l'expérience des partenaires issus des nouveaux États membres représentent pour les organisations bélarussiennes de la société civile un apport précieux. Particulièrement précieuses sont les connaissances et les expériences (même négatives) liées au passage d'un régime totalitaire à la démocratie en ce qui concerne l'adoption de lois de transition, la mise en place d'institutions démocratiques fondamentales et des principes de fonctionnement de l'État de droit, le fonctionnement d'une société civile libre et ouverte, des médias indépendants, l'instauration de rapports équilibrés entre le secteur public, le secteur privé et la société civile, la mise en œuvre de réformes socio-économiques, les réformes de l'appareil d'État (y compris l'armée, la police et la justice). Il y a lieu que l'UE promeuve dans son entièreté la diffusion aux organisations bélarussiennes de ce savoir-faire en matière de transition.

5.15

Il ne suffit pas, afin de diffuser l'expérience et le savoir-faire, de faire venir des personnes à des activités qui se tiennent hors du Belarus. Il convient au contraire de veiller à organiser des visites et diverses activités, séminaires, conférences et tables rondes avec les partenaires de l'UE sur place au Belarus. Il convient d'accorder un espace et un soutien suffisants aux travaux et aux activités des fondations privées qui réalisent et financent des projets de ce type. Les exemples de bonnes pratiques et les modèles couronnés de succès relatifs aux activités similaires menées avec les organisations ukrainiennes de la société civile peuvent servir de modèle méritant d'être suivi.

Bruxelles, le 14 septembre 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie Sigmund


(1)  Le Président Loukachenko appelait le 26 mai 2006 dans un discours à la «construction d'une société civile qui nous soit propre».

(2)  Commission européenne: Document de stratégie nationale, programme indicatif national, p. 22. Parmi celles-ci, quelque 10 % se consacrent exclusivement à des activités politiques.

(3)  Agence Belapan, le 30 mai 2006.

(4)  La stratégie de préadhésion de l'UE a permis à la Slovaquie de «rattraper» très rapidement les pays voisins, par rapport auxquels elle avait quelques années de retard.

(5)  Selon un récent sondage d'opinion sociologique, seulement 1,1 % des Bélarussiens associent une amélioration de la situation à l'avenir avec l'Union européenne, et jusqu'à 77,7 % avec la personne du Président Loukachenko!

(6)  Par exemple le représentant spécial de l'UE pour la Moldova, pour le Soudan ou pour le Caucase du Sud. Pour plus d'informations sur le rôle et l'importance des représentants spéciaux de l'UE, consulter le site suivant:

http://www.consilium.europa.eu/cms3_fo/showPage.asp?lang=fr&id=263&mode=g&name=

(7)  Le rapport de la fondation polonaise Batory «Visa Policies of European Union Member States, Monitoring Report» («Politiques des États membres de l'Union européenne en matière de visas, rapport de suivi»), Varsovie, juin 2006, disponible en anglais sur http://www.batory.org.pl/english/intl/pub.htm, contient une description détaillée de ces pratiques et des méthodes dénuées de dignité humaine employées par les organes de représentation des États membres de l'UE à l'égard des demandeurs de visa bélarussiens (citations littérales de demandeurs de visa et description de leur expérience personnelle).

A titre indicatif, voici une des citations extraite du rapport: «Pratiquement aucun des consulats ne garantit de conditions adéquates pour les personnes faisant la queue dehors devant le consulat. Il n'y a aucun abri ni aucune protection contre le vent et la neige, aucun siège où s'asseoir. Ce problème apparemment mineur prend toute son importance lorsque l'on réalise que l'attente devant le consulat peut durer une nuit entière.» (p. 22).


23.12.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/128


Avis du Comité économique et social européen sur «L'immigration au sein de l'UE et les politiques d'intégration: la collaboration entre les gouvernements régionaux et locaux et les organisations de la société civile»

(2006/C 318/24)

Le 14 juillet 2005, le Comité économique et social européen a décidé, en vertu de l'article 29, paragraphe 2 de son règlement intérieur, d'élaborer un avis sur: «L'immigration au sein de l'UE et les politiques d'intégration: la collaboration entre les gouvernements régionaux et locaux et les organisations de la société civile».

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 13 juillet 2006 (rapporteur: M. PARÍZA CASTAÑOS).

Lors de sa 429e session plénière des 13 et 14 septembre 2006 (séance du 13 septembre 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 181 voix pour, 7 voix contre et 8 abstentions.

1.   Introduction

1.1

Le CESE a élaboré en 2002 un avis d'initiative intitulé «L'immigration, l'intégration et le rôle de la société civile organisée» (1), dont l'objet était de lancer un débat politique et social au niveau communautaire, afin de faire des politiques d'intégration un élément central des politiques communes menées en matière d'immigration et d'asile.

1.2

Il était notamment proposé dans cet avis que l'Union européenne élabore un programme communautaire en vue de la promotion de l'intégration sociale des immigrés. Le CESE considère qu'il est nécessaire de concevoir des programmes destinés à favoriser l'intégration des nouveaux immigrants et des personnes concernées par le regroupement familial, ainsi que des réfugiés et des demandeurs d'asile qui, outre leur statut européen, sont également couverts par la législation internationale.

1.3

Les 9 et 10 septembre 2002, le CESE a organisé, avec le soutien de la Commission européenne, une conférence poursuivant le même objectif. Plus de 200 représentants des partenaires sociaux et des ONG les plus représentatives des 25 États membres et des réseaux européens ont participé à cette manifestation. L'objet de cette conférence était d'associer la société civile à la promotion des politiques européennes d'intégration.

1.4

On pouvait lire dans les conclusions de la conférence que «les partenaires sociaux et les organisations de la société civile ont un rôle essentiel à jouer dans l'intégration». «L'Union européenne et ses États membres doivent, en particulier au niveau régional et local, promouvoir l'intégration des immigrés, des minorités et des réfugiés. Un programme européen s'impose pour favoriser l'intégration» (2).

1.5

Le Conseil européen a créé en 2003 des points de contact nationaux sur l'intégration et a chargé la Commission de présenter un rapport annuel sur la migration et l'intégration (3). La Commission a elle aussi élaboré une communication sur l'immigration, l'intégration et l'emploi (4) qui proposait une approche globale en matière d'intégration, communication sur laquelle le CESE a émis un avis favorable (5). En novembre 2004, la Commission a publié un Manuel sur l'intégration à l'usage des personnes de terrain et des responsables de l'élaboration des politiques («Handbook on Integration for policy-makers and practitioners»)  (6).

1.6

Le programme de La Haye adopté par le Conseil des 4 et 5 novembre 2004 souligne la nécessité d'une meilleure coordination des politiques nationales et des initiatives de l'UE en matière de politiques d'intégration et affirme que les politiques de l'UE devraient s'appuyer sur des principes communs et des outils d'évaluation clairs.

1.7

Le cadre politique et législatif présidant actuellement aux politiques d'immigration est plus développé. Le CESE apporte avec le présent avis une nouvelle contribution, orientée vers les acteurs sociaux et politiques opérant au niveau régional et local, puisque c'est à ce niveau que les défis peuvent être le plus efficacement relevés et que les politiques peuvent engranger les meilleurs résultats.

1.8

En complément à l'élaboration de cet avis, le CESE a organisé à Barcelone une audition dont l'objectif était d'effectuer un échange de bonnes pratiques concernant les politiques menées par les autorités locales et régionales (un rapport sur cette audition est joint à l'annexe II.) Il a également tenu une audition à Dublin afin d'analyser les bonnes pratiques en matière d'intégration et de lutte contre la discrimination sur le lieu de travail, en collaboration avec l'OIT et la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail (un rapport sur cette audition est joint à l'annexe III).

2.   Le programme commun pour l'intégration

2.1

La Commission a publié le 1er septembre 2005 une communication intitulée «Programme commun pour l'intégration. Cadre relatif à l'intégration des ressortissants de pays tiers dans l'Union européenne» (7). Le CESE accueille favorablement et soutient ce document, qui entend mettre en oeuvre la proposition qu'il avait présentée dans son avis et lors de la conférence de 2002.

2.2

La communication invite les États membres à déployer des efforts accrus au niveau national quant à leurs stratégies d'intégration des immigrés et à rechercher une plus grande cohérence entre leurs approches respectives et les actions entreprises au niveau de l'UE.

2.3

Le présent avis étant élaboré à l'initiative du CESE, il ne constitue pas un avis spécifique sur la communication de la Commission. Il n'en présente pas moins la position du CESE sur le document COM(2005) 389 final.

2.4

Le Conseil JAI du 19 novembre 2004 a adopté les principes de base communs qui sous-tendent un cadre européen cohérent en matière de politique d'intégration. La Commission décline ces principes sous forme d'actions qui doivent être considérées «comme des composantes importantes des politiques d'intégration nationales et de l'UE»  (8). Ces actions sont regroupées sous onze principes de base (9). Aux yeux du CESE, ces principes, qui sont exposés dans le programme commun, constituent une base appropriée pour la mise en oeuvre de politiques d'intégration équilibrées et cohérentes au niveau européen et national.

2.5

Dans le cadre des perspectives financières 2007—2013, la Commission propose la création d'un Fonds européen d'intégration  (10) des ressortissants de pays tiers, fonds qui repose sur ces principes communs. Le CESE appuie cette proposition (11), dont il espère qu'elle sera reprise dans le budget futur de l'UE.

2.6

Le programme propose des actions à mettre en oeuvre au niveau national et d'autres au niveau communautaire. La Commission entend instaurer une procédure d'évaluation continue des programmes.

2.7

La Commission soutient qu'«il est essentiel, en tenant dûment compte des compétences propres aux États membres et à leurs pouvoirs locaux et régionaux , d'encourager une approche de l'intégration plus cohérente au niveau de l'UE»  (12).

2.8

La Commission a proposé la mise en oeuvre d'une méthode ouverte de coordination (13) pour les politiques en matière d'immigration. Cette proposition a été rejetée par le Conseil. Le CESE (14), qui a soutenu cette initiative, considère que le réseau des points de contacts nationaux, les principes communs et la procédure d'évaluation des politiques d'intégration sont un pas vers la coordination des politiques nationales dans le cadre d'une approche commune. Le CESE propose à la Commission et au Conseil d'appliquer la méthode ouverte de coordination sur la base de ces expériences positives.

2.9

Il y a lieu de poursuivre la mise en place au niveau communautaire d'un cadre juridique (politique commune) sur les conditions d'admission et de séjour des ressortissants de pays tiers. Les États membres doivent transposer de manière appropriée les directives sur les résidents de longue durée et sur le regroupement familial (15) adoptées en 2003.

2.10

La Commission met l'accent sur le lien existant entre une politique commune d'«immigration» et une stratégie commune d'intégration. Elle n'a toutefois toujours pas adopté la directive sur l'entrée des migrants pour motifs économiques. Le CESE (16) est d'accord avec la Commission européenne lorsqu'elle affirme qu'«à l'avenir, tout instrument migratoire devrait prendre en compte l'égalité du traitement et les droits pour les migrants» (17). La Commission annonce la publication de la deuxième édition du Manuel sur l'intégration, la création d'un site Internet sur l'intégration et d'un Forum européen sur l'intégration et l'approfondissement des rapports annuels sur les migrations et l'intégration. Le CESE soutient ces objectifs et exprime sa volonté de coopération avec la Commission.

2.11

Le CESE se montre résolument favorable à la mise en oeuvre de ce programme, comme il l'a exprimé dans un autre avis: «Le CESE propose que la Commission puisse gérer un programme européen pour l'intégration, doté de ressources financières suffisantes, dans le cadre de la coordination des politiques nationales. Il souligne par ailleurs qu'il importe que le Conseil dote la Commission des moyens politiques, législatifs et budgétaires nécessaires pour promouvoir l'intégration des immigrés. Le CESE a fait valoir l'importance de l'établissement de programmes d'accueil des immigrés, qui soient positifs et efficaces, en collaboration avec les organisations de la société civile» (18).

2.12

Par ailleurs, le CESE propose également que l'UE alloue des sommes suffisantes à l'accueil humanitaire des nombreux immigrants sans papiers qui arrivent dans les pays du sud de l'Europe. Les États membres de l'Union européenne doivent faire preuve de solidarité et de responsabilité afin que l'Europe dispose d'une politique commune.

3.   Les politiques d'intégration

3.1

L'intégration est un processus à double sens fondé sur les droits et les obligations des ressortissants de pays tiers et de la société d'accueil et devant permettre la pleine participation des immigrés. Dans un autre avis, le CESE a défini l'intégration comme «la mise sur un pied d'égalité des immigrants avec le reste de la population, en termes de droits et de devoirs, ainsi que d'accès aux biens, aux services et aux canaux de participation citoyenne, dans des conditions d'égalité des chances et de traitement» (19).

3.2

Cette approche bidirectionnelle signifie que l'intégration touche non seulement les immigrés mais aussi la société d'accueil. La question n'est pas d'intégrer les immigrés dans la société d'accueil, mais d'assurer une intégration entre les immigrés et la société d'accueil; en d'autres termes, ce sont les deux parties concernées qui doivent s'intégrer. Les politiques d'intégration doivent s'adresser à ces deux parties, afin de donner naissance à une société dont tous les citoyens ont les mêmes droits et les mêmes devoirs et partagent les valeurs d'une démocratie ouverte et plurielle.

3.3

Les immigrés doivent comprendre et respecter les valeurs culturelles de la société d'accueil, tandis que celle-ci doit comprendre et respecter les valeurs culturelles des immigrés. Il n'est pas rare que les questions culturelles soient utilisées à des fins discriminatoires. L'intégration ne consiste pas à faire en sorte que les immigrés s'adaptent culturellement à la société d'accueil. Cette vision erronée est à l'origine de maints échecs. Les sociétés européennes sont des sociétés culturellement plurielles, tendance qui ne fera que s'accentuer à l'avenir avec l'extension et la hausse de l'immigration.

3.4

Il y a lieu de prendre en considération le fait que dans plusieurs États membres résident un grand nombre de personnes appartenant à des minorités d'origines nationales ou culturelles diverses et dont il convient également de protéger et de garantir les droits.

3.5

Le CESE considère que la diversité culturelle est l'un des fondements d'une Europe plurielle et démocratique, de même que l'est le principe de laïcité de l'État. L'immigration en provenance de pays tiers constitue un nouveau facteur de diversité et un enrichissement social et culturel pour nos sociétés. La culture des communautés humaines ne saurait être comprise comme quelque chose de figé mais doit être vue comme un processus en constante évolution se nourrissant des apports les plus variés. Les principes d'indépendance et de neutralité des institutions vis-à-vis des religions contribuent à l'instauration de bonnes relations entre les immigrés et la société d'accueil. Les sociétés européennes doivent avoir à cœur de promouvoir des programmes de formation interculturelle. La convention de l'UNESCO (20) sur la diversité culturelle représente un instrument fondamental pour les politiques européennes.

3.6

L'intégration sociale des immigrés est également un processus d'équilibre entre droits et devoirs et est étroitement liée à la lutte contre la discrimination, laquelle est une forme illégale de violation des droits des personnes. Le droit à une vie de famille n'est pas dûment garanti par les législations très restrictives appliquées par certains États membres en matière de regroupement familial. La directive adoptée par le Conseil (21) à ce sujet n'est pas non plus appropriée.

3.7

Dans un cadre européen cohérent, les politiques d'intégration ne relèvent pas de la seule responsabilité des gouvernements des États membres, conformément au principe de subsidiarité. Ces politiques auront davantage de chances de réussir grâce à l'implication des collectivités locales et régionales et à la coopération active des organisations de la société civile. Le CESE propose que les collectivités locales et régionales accentuent leurs efforts et promeuvent de nouvelles politiques d'intégration.

3.8

Les collectivités locales et régionales disposent, dans le cadre de leurs compétences nationales respectives, d'outils politiques, réglementaires et budgétaires qu'elles doivent utiliser de manière appropriée aux fins des politiques d'intégration.

3.9

Les immigrés et la société d'accueil doivent adopter un comportement favorisant l'intégration. Les partenaires sociaux et les organisations de la société civile doivent prendre une part active aux politiques d'intégration et à la lutte contre la discrimination.

3.10

Les organisations de la société civile ont un rôle essentiel à jouer en prônant dans les sociétés européennes d'accueil une attitude favorable à l'intégration. Les partenaires sociaux, les organisations de défense des droits de l'homme, les associations culturelles et sportives, les communautés religieuses, les associations de quartier, les communautés éducatives, les médias, etc. doivent être à la pointe de l'intégration et pour ce faire ouvrir leurs portes et promouvoir la participation des immigrés.

3.11

Certaines franges minoritaires des sociétés européennes connaissent une augmentation des discriminations, du racisme et de la xénophobie. En donnant un écho exagéré aux retombées sociales de ces conduites, certains dirigeants politiques irresponsables et certains médias encouragent également ce type de comportements. Néanmoins, de nombreuses organisations de la société civile européenne mènent un combat social et politique contre de tels agissements.

3.12

Les collectivités locales et régionales, en collaboration avec les organisations de la société civile, sont tenues d'informer les immigrés et la société d'accueil sur leurs droits et leurs obligations.

3.13

Les organisations et communautés d'immigrés jouent un rôle capital dans l'accueil et l'intégration. Ces structures doivent également développer une dynamique d'intégration parmi leurs membres et resserrer les liens avec les organisations de la société d'accueil.

3.14

Avant de prendre des décisions politiques, les collectivités locales et régionales se doivent de soutenir le travail de ces organisations et de les consulter.

3.15

Les directives contre la discrimination (22) ont été adoptées et transposées dans les législations nationales. Le Comité espère qu'il pourra prendre connaissance des rapports d'évaluation de leurs effets et résultats.

3.16

Néanmoins, nombreux sont les immigrés ou descendants d'immigrés, ou les personnes appartenant à des minorités ethniques ou culturelles, qui souffrent de discriminations sur le lieu de travail (pour une même qualification professionnelle): accès plus difficile à l'emploi, emplois peu qualifiés et licenciements plus fréquents.

3.17

Les partenaires sociaux doivent lutter au niveau local et régional contre ces pratiques de discrimination qui sont contraires aux législations européennes et constituent des entraves supplémentaires à l'intégration. La discrimination au travail constitue également un obstacle à la bonne marche des entreprises. L'intégration sur le lieu de travail dans des conditions d'égalité de traitement, sans discrimination professionnelle par rapport aux travailleurs nationaux, est une condition sine qua non du succès des entreprises et de l'intégration sociale (23). À l'annexe III du présent avis figure un rapport de l'audition organisée à Dublin en vue d'analyser les bonnes pratiques en matière d'intégration professionnelle.

4.   Les programmes régionaux et locaux d'intégration

4.1

Certains États membres ont jugé inutile dans le passé de mettre en oeuvre des politiques d'intégration car ils considéraient que les immigrés étaient seulement des invités appelés à retourner dans leur pays d'origine une fois leur tâche terminée. Cette approche inadaptée a occasionné de multiples problèmes de ségrégation et de marginalisation sociale auxquels les politiques actuelles s'efforcent de remédier.

4.2

D'autres États membres ont considéré pendant des années que l'intégration des immigrés se ferait aisément et de façon automatique, sans devoir recourir à des politiques actives. Mais cette conduite a abouti au fil du temps à des situations persistantes de ségrégation et de marginalisation qui ont débouché sur de graves conflits sociaux. Les nouvelles politiques s'efforcent aujourd'hui de pallier les problèmes hérités du passé.

4.3

Il faut garder à l'esprit que lorsque l'immigration s'effectue selon des voies illégales, il est difficile de pratiquer des politiques d'intégration, car un immigré «sans papiers» se trouve dans une situation de précarité et de grande vulnérabilité. Certains États membres ont mis en oeuvre des procédures de régularisation du statut de résident de ces personnes afin de faciliter leur intégration.

4.4

Même si la subsidiarité continue de susciter certaines réserves au sein du Conseil de l'Union européenne, la plupart des dirigeants estiment qu'il est nécessaire de prôner des politiques cohérentes d'intégration à tous les niveaux: communautaire, national, régional et local.

4.5

Le CESE est d'avis que pour être efficaces, ces politiques doivent être proactives et mises en oeuvre dans un cadre cohérent et selon une approche globale. Très souvent, les autorités agissent a posteriori, une fois que les problèmes sont là et de ce fait difficiles à résoudre.

4.6

L'intégration est un processus pluridimensionnel qui doit impliquer les différentes administrations publiques et les acteurs sociaux. Les autorités européennes, nationales, régionales et locales doivent élaborer des programmes dans le cadre de leurs compétences respectives. Pour garantir l'efficacité et assurer la cohérence globale des programmes et des actions, ceux-ci doivent être complémentaires et convenablement coordonnés.

4.7

Les citoyens et les collectivités locales subissent les conséquences des politiques inadaptées menées par les gouvernements. Les municipalités sont les premières à souffrir des effets de l'échec de ces politiques, ce qui a amené depuis un certain temps déjà certaines collectivités locales et régionales à mettre en place des politiques d'accueil et d'intégration. Ces expériences diffèrent beaucoup, puisque dans certains cas, elles constituent un modèle de bonnes pratiques, tandis que dans d'autres elles se sont traduites par un échec.

4.8

L'ampleur actuelle et future des processus migratoires nous montre à quel point les défis à relever sont colossaux. Les ressources économiques des collectivités locales et régionales et les mesures politiques adoptées par ces dernières ne sont pas à la mesure de cet enjeu.

4.9

Le CESE considère que les collectivités locales et régionales doivent élaborer, avec l'appui des organisations de la société civile, des plans et des programmes d'intégration assortis d'objectifs et dotés des ressources nécessaires. Les politiques «de pure forme» et les programmes dépourvus de ressources budgétaires ne sont d'aucune efficacité.

4.10

Le CESE juge raisonnable de vouloir consacrer aux politiques d'accueil et d'intégration une partie des bénéfices économiques tirés de l'immigration.

4.11

Il est très important que les associations d'immigrés les plus représentatives soient également consultées pour l'élaboration des programmes et des plans d'intégration.

4.12

Il existe dans certaines communes et régions européennes des systèmes et des organes de participation et de consultation donnant la possibilité aux organisations de la société civile de collaborer avec les autorités à l'élaboration et à la gestion des politiques d'intégration.

5.   Instruments, budgets et évaluations

5.1

Les plans et les programmes d'intégration mis en oeuvre au niveau local et régional doivent disposer de budgets suffisants ainsi que de leurs propres instruments de gestion et d'évaluation.

5.2

Il existe de multiples exemples de villes et de régions européennes disposant d'organismes et de départements spécifiques qui déploient d'importantes activités politiques et techniques.

5.3

De nombreuses villes et régions ont également mis en place des organes de consultation et de participation pour les organisations de la société civile. Elles ont créé divers forums et conseils consultatifs auxquels prennent part les organisations de la société civile et les associations d'immigrés.

5.4

Le CESE voit dans ces structures des exemples de bonnes pratiques qu'il convient d'étendre à l'ensemble de l'UE.

5.5

Il existe également dans certaines villes des offices spécialisés dans l'assistance aux immigrés et ayant également pour fonction de mettre en oeuvre certaines composantes concrètes des plans d'intégration.

5.6

Les risques de ségrégation liés à la création de services spécialisés destinés aux immigrés font l'objet de discussions. De l'avis du CESE, il y a lieu d'éviter toute ségrégation dans l'utilisation des services publics, bien qu'il soit parfois nécessaire de disposer de services spécialisés, notamment afin d'assurer l'accueil des immigrés à leur arrivée.

5.7

Le CESE estime nécessaire de garantir la participation des partenaires sociaux et des organisations de la société civile à l'élaboration et à la gestion des plans et des programmes régionaux et locaux d'intégration.

5.8

Il serait également souhaitable d'encourager la coopération entre les autorités locales et régionales des sociétés européennes d'accueil et celles des pays d'origine. Il existe des exemples de bonnes pratiques qui doivent être diffusés.

5.9

Certaines collectivités dégagent des fonds pour résoudre les conflits une fois seulement que ceux-ci se sont déclarés. Pour être efficaces, les politiques d'intégration doivent être proactives.

5.10

L'intégration constitue un défi pour les sociétés européennes. Les événements survenus récemment dans certains pays ont montré que les objectifs visés n'ont pas été atteints. Même si la situation diffère selon les États membres et si certains d'entre eux rencontrent des problèmes spécifiques, il y a lieu d'améliorer dans toute l'Europe les politiques d'égalité de traitement, d'intégration et de lutte contre la discrimination.

5.11

Le CESE propose que les différentes administrations publiques (européennes, nationales, régionales et locales) élaborent, conformément aux pratiques en vigueur dans chaque pays, des programmes d'intégration assortis de dotations budgétaires appropriées et s'inscrivant dans une approche proactive.

5.12

Ces programmes doivent disposer de systèmes d'évaluation dotés d'indicateurs précis et appliquant des procédures transparentes. La société civile doit être associée aux procédures d'évaluation.

6.   Objectifs

6.1

Les aspects et les approches qui doivent être à la base des programmes régionaux et locaux d'intégration sont très divers. Voici les plus importants:

6.2

L'observation de la réalité. — La réalité de l'immigration et de la situation des minorités sur un territoire donné doit être précisément analysée par les institutions afin de mettre en oeuvre les actions appropriées.

6.3

Le premier accueil. — Création de centres d'accueil; assistance sanitaire et aide juridique; logement temporaire dans des cas spécifiques; inscription à des cours de langue; information sur les lois et coutumes de la société d'accueil; aide pour l'accès au premier emploi; etc. Une attention spéciale devra être accordée dans le cadre de ces actions aux mineurs et aux autres personnes vulnérables.

6.4

L'enseignement de la langue. — Les collectivités locales et régionales doivent lancer des politiques actives en matière d'enseignement de la langue, car une connaissance suffisante de la langue de la société d'accueil est nécessaire à l'intégration. Les programmes d'enseignement doivent être organisés dans des locaux proches du lieu de résidence et selon des horaires très souples. Les autorités sont tenues de faire en sorte que tous les immigrés puissent assister aux cours.

6.5

L'accès à l'emploi. — Le travail est sans aucun doute un aspect prioritaire de l'intégration. Les services publics de l'emploi doivent disposer de programmes adaptés: cours de formation professionnelle, services de conseil, etc.

6.6

La discrimination sur le lieu de travail est un obstacle majeur à l'intégration. Les interlocuteurs au niveau local et régional doivent s'engager activement dans la lutte contre la discrimination.

6.7

Accès au logement. — L'accès non discriminatoire à un logement de qualité est l'un des grands enjeux des politiques locales et régionales. Les autorités doivent éviter la formation de ghettos urbains dégradés avec une forte concentration de population immigrée, ce qui suppose de modifier en temps voulu les politiques d'urbanisme. L'amélioration de la qualité de la vie dans ces quartiers doit être une priorité.

6.8

L'enseignement. — Les systèmes d'enseignement doivent assurer aux enfants des immigrés l'accès à des écoles de qualité. Il faut empêcher la concentration excessive de ces élèves dans des centres-ghettos de très faible niveau, comme c'est très souvent le cas. L'éducation des enfants, considérée dans ses différentes phases, constitue le fondement de l'intégration des nouvelles générations.

6.9

L'enseignement doit tenir compte de la diversité interne des sociétés européennes. Il faut assurer la présence de médiateurs interculturels et renforcer les ressources pédagogiques afin de surmonter les difficultés linguistiques et culturelles.

6.10

Les programmes d'enseignement pour adultes doivent également s'adresser à la population immigrée, et notamment aux femmes. La formation préparatoire à l'emploi est fondamentale pour favoriser l'accès à l'emploi des personnes immigrées.

6.11

Accès à la santé. — Il convient de promouvoir l'accès à la santé et aux soins des immigrés. Dans certains cas, il conviendra de faire appel à la coopération des services de médiation interculturelle.

6.12

Adaptation des services sociaux. — Il arrive souvent que l'immigration suscite des demandes auxquelles les services sociaux ne sont pas préparés. Ils doivent s'adapter à la nouvelle situation: la diversité.

6.13

La formation des professionnels. — Les employés des services sociaux, les personnes travaillant dans l'enseignement, dans les corps de police, dans les services de santé et dans tout autre service public doivent suivre des formations complémentaires pour pouvoir s'occuper de manière appropriée de la population immigrée et des minorités.

6.14

La diversité est positive. — Les programmes culturels doivent reconnaître la diversité culturelle. La diversité est aujourd'hui l'une des caractéristiques des villes européennes. Cette diversité concerne également les croyances religieuses.

6.15

Il convient également que les collectivités locales encouragent une «pédagogie de la vie en société» et fassent en sorte que chacun, quelle que soit son origine, s'adapte aux usages de l'agglomération où il réside. Cette pédagogie de la vie en société doit être mise en oeuvre avec la participation à la fois des populations d'origine immigrée et des sociétés d'accueil, de manière à améliorer la compréhension entre les cultures et à promouvoir l'intégration sociale.

6.16

Toute personne doit pouvoir jouir du droit de vivre en famille, qui est l'un des droits fondamentaux reconnus internationalement dans les conventions des droits de l'homme. Or, plusieurs législations nationales, ainsi que la directive européenne relative au regroupement familial (24), ne garantissent pas adéquatement à de nombreux immigrés la possibilité d'exercer leur droit de vivre en famille, alors qu'il s'agit d'un facteur très positif pour les politiques d'intégration.

6.17

La dimension de genre. — La dimension de genre doit être inclue dans l'ensemble des politiques d'intégration. Les politiques de formation professionnelle, destinées à faciliter l'intégration sur le marché de l'emploi, sont particulièrement importantes.

6.18

La participation citoyenne. — L'accès aux canaux de participation citoyenne est l'un des premiers facteurs d'intégration. Les droits civiques et le droit de vote aux élections locales doivent être garantis pour les ressortissants de pays tiers qui sont des résidents stables ou de longue durée dans l'UE, comme l'a proposé le CESE dans plusieurs avis (25).

7.   Nouvelles stratégies pour les autorités locales et régionales (quelques conclusions de l'audition de Barcelone)

7.1   Nécessité du travail en réseau et coordination entre les différentes institutions

7.1.1

Le travail en réseau et la coordination interinstitutionnelle sont des éléments clés qui se présentent sous deux formes: l'une horizontale, entre les collectivités locales, et l'autre verticale, entre les administrations locales et les administrations régionales et nationales. Les défis que posent l'immigration et l'intégration ne peuvent être relevés par chaque administration séparément. Le CESE propose que les administrations publiques améliorent leurs systèmes de coordination et que des procédures d'évaluation soient prévues pour le travail en réseau. Le CESE souhaite également établir une meilleure coopération avec le Comité des régions en ce qui concerne la promotion des politiques d'intégration.

7.1.2

Certaines régions, comme la Catalogne et le Schleswig-Holstein, ont indiqué que l'un des aspects essentiels de leur travail a consisté à associer les municipalités à la planification de leurs actions. La région de Campanie a elle aussi déclaré avoir fait le pari de travailler en réseau avec les syndicats, les organes de l'Église, etc. Les collectivités locales ont quant à elles souligné l'importance de travailler en réseau avec des entités spécialisées pour accomplir certaines tâches telles que l'accueil.

7.1.3

Les expériences de travail en réseau entre collectivités locales à l'échelle de l'UE se multiplient. Eurocities est une organisation créée en 1986 à laquelle adhèrent 123 villes européennes. Elle est constituée de plusieurs groupes de travail dont l'un traite des questions d'immigration et d'intégration. Quelques-unes des villes présentes à l'audition, comme Rotterdam et Leeds, y participent activement. Outre l'échange d'expériences et de bonnes pratiques, les groupes de travail visent à promouvoir des projets européens impliquant plusieurs villes.

7.1.4

Un autre réseau, de création plus récente, est le réseau ERLAI, qui regroupe déjà 26 collectivités locales et régionales et concentre ses activités sur la politique d'immigration et d'intégration. Parmi ses objectifs, citons l'échange d'informations et d'expériences ainsi que le développement d'actions et de projets communs.

7.1.5

D'autres initiatives existent, promues par diverses entités. La Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail s'appuie elle aussi sur un réseau de villes pour coordonner les politiques d'intégration.

7.1.6

Au niveau européen, le réseau de points de contact nationaux sur l'intégration, coordonné par la Commission européenne, a également pour objectif l'échange d'expériences dans ce domaine. Il a contribué à l'élaboration du «Manuel sur l'intégration» (26) ainsi que du rapport annuel sur la migration et l'intégration (27).

7.2   Les plans d'intégration et la participation de la société civile

7.2.1

Les collectivités locales et régionales qui ont élaboré des plans intégrés et disposent de services de gestion de l'intégration obtiennent de meilleurs résultats que celles qui privilégient des actions dispersées. La planification, l'apport de ressources et la création d'instruments de gestion sont indispensables pour traiter les questions d'immigration et d'intégration.

7.2.2

Le CESE estime très important que les organisations de la société civile participent à l'élaboration des politiques et à la mise en œuvre des actions. Pour assurer la réussite d'un plan d'intégration, il est primordial que la société civile y prenne part. Le land Schleswig-Holstein l'a bien compris: avant de procéder à l'adoption de son projet, il a invité des acteurs sociaux et divers organes à participer à un vaste débat sur l'intégration et, ce faisant, a fait prendre conscience à la société de la nécessité des politiques d'intégration. D'autres villes et régions (notamment Copenhague, Barcelone et Helsinki) offrent des exemples de processus participatifs.

7.3   Le Fonds européen pour l'intégration

7.3.1

Les collectivités locales et régionales sont plus efficaces lorsqu'elles peuvent compter sur le soutien économique des gouvernements des États membres: les politiques d'intégration nécessitent des moyens économiques et les États doivent s'engager davantage. Le land Schleswig-Holstein a fait mention de cet aspect, indiquant que l'une de ses principales actions a été de confronter le gouvernement allemand à la nécessité de répondre à cette demande, à la suite de résultats positifs obtenus dans ce domaine.

7.3.2

D'autres collectivités locales, comme celles de Ljubljana et de Brescia, ont souligné que le faible soutien reçu de leurs gouvernements respectifs ne leur permet pas de développer des politiques d'intégration de plus grande envergure. Ce problème s'accentue lorsque les collectivités régionales disposent de ressources propres limitées, comme l'a fait remarquer la région française Midi-Pyrénées.

7.3.3

Le Fonds européen pour l'intégration, approuvé par le Conseil et le Parlement européen pour la période 2007-2013, est crucial, dans la mesure où il mobilisera d'importantes ressources économiques au profit des politiques d'intégration et contribuera à assurer que ces politiques seront mises en œuvre dans un cadre cohérent et global au sein de l'UE, dans le respect du principe de subsidiarité. Les nouveaux États membres ont manifesté un intérêt particulier pour ce fonds. Le CESE réitère son soutien à son instauration et invite la Commission à le consulter pour l'élaboration du règlement y relatif.

7.4   Les services spécialisés ne doivent pas conduire à la ségrégation

7.4.1

Il faut éviter que la mise sur pied de services spécialisés pour les immigrés ne favorise la ségrégation. La représentante de Budapest, par exemple, a indiqué qu'en Hongrie, les municipalités disposent de services d'aide à la famille, à l'enfance, à l'emploi, etc., auxquels tant les immigrés que les autres citoyens doivent s'adresser. En général, toutefois, toutes les villes et régions ayant élaboré des politiques d'intégration l'ont fait en développant des plans spécifiques et en créant des ressources et des services spécialisés. Le représentant d'Helsinki a déclaré que les services spécialisés pour les immigrés ne devraient pas être nécessaires, mais qu'en réalité ils le sont, laissant ainsi entendre qu'une aide fournie par les seuls services communs ne permet pas de pallier les carences, les désavantages, les difficultés ou les besoins spécifiques des immigrés.

7.4.2

Des plans, des projets et des ressources spécifiques sont nécessaires pour l'immigration et l'intégration. Un problème continue cependant de susciter des inquiétudes, celui de savoir comment tendre vers une situation normalisée ou comment éviter que la spécificité ne génère la ségrégation? Le représentant de Brescia a précisé que les services créés pour les immigrés ne sont pas des services parallèles mais des services complémentaires. Ils ne se substituent en aucun cas aux services ordinaires auxquels les immigrés doivent s'adresser pour toutes les questions gérées par ces derniers.

7.4.3

Copenhague souligne également que l'une des préoccupations du Conseil d'intégration est que ses actions ne légitiment aucune forme de ségrégation des populations immigrées et minoritaires. Il convient de mettre en place des actions inclusives, qui favorisent le rapprochement et l'intégration entre tous les secteurs de la population.

7.4.4

Dans ce contexte, il importe que la population autochtone ne perçoive pas les actions menées en faveur des immigrés comme des privilèges qui leur sont accordés, ce qui pourrait exacerber les préjugés et encourager la ségrégation. Telle est la vision de la Catalogne, qui a fait remarquer que lorsque des actions différenciées sont entreprises en faveur de la population immigrée, il faut tenir dûment compte des sentiments de rejet que celles-ci peuvent susciter parmi la population autochtone. Il est dès lors indispensable d'expliquer clairement les actions que les collectivités locales et régionales mettent en place en matière d'immigration.

7.5   Objectifs de l'intégration

7.5.1

Plusieurs villes et régions ont formulé des idées sur le concept même de l'intégration, ce qui montre qu'en Europe le débat sur ce thème est loin d'être conclu, dans la mesure où différentes cultures politiques et juridiques et divers modèles d'intégration y coexistent.

7.5.2

Le land Schleswig-Holstein, après un important débat participatif, a relevé que l'intégration devrait tourner autour de trois axes principaux: l'égalité de participation, l'égalité des droits et des devoirs et le développement de mesures inclusives et non discriminatoires impliquant à la fois la population immigrée et la société d'accueil.

7.5.3

Cette approche inclusive est suivie par l'Organisation de la miséricorde au Portugal, qui oriente les politiques d'intégration dans ce pays. Elle met surtout l'accent sur les politiques d'égalité et sur la facilitation de l'accès à la nationalité portugaise.

7.5.4

Barcelone a identifié trois domaines d'action: la promotion de l'égalité (reconnaissance des droits, promotion de l'égalité des chances et de traitement), la reconnaissance de la diversité culturelle et la promotion de la vie en société (en favorisant les actions de cohésion sociale et en évitant le développement de mondes parallèles entre la population autochtone et les groupes d'immigrés).

7.5.5

En 2004, Rotterdam a initié un important débat autour du modèle d'intégration développé jusqu'alors. La nécessité de ce débat s'est fait sentir après que la ville eut constaté, malgré la mise en œuvre de politiques actives d'intégration des années durant, que la société se fragmentait et que s'accentuaient les processus de ségrégation (en particulier à l'encontre de la population musulmane). Au cours du débat, les discussions les plus vives ont porté sur la question «Nous face à Eux», qui s'est répandue au sein de la société.

7.5.6

Le Comité européen de coordination de l'habitat social situe le débat sur l'intégration en termes d'éradication des disparités et d'égalité des chances. Son travail est axé sur le logement: il indique que la discrimination dans ce domaine est l'une des principales causes de ségrégation des populations immigrées.

7.5.7

Le CESE juge adéquate et équilibrée l'approche qui sous-tend les onze principes de base communs, énoncés à l'Annexe 1, autour desquels s'articule le programme européen pour l'intégration. Ce point de vue a été partagé par la majorité des participants à l'audition de Barcelone.

8.   Nouveaux défis pour l'intégration professionnelle (quelques-unes des conclusions de l'audition de Dublin)

8.1

Grâce au travail, les immigrés contribuent positivement au développement économique et au bien-être social de l'Europe. Le CESE considère que l'immigration en Europe peut signifier de nouvelles opportunités pour la compétitivité des entreprises ainsi que pour les conditions de travail et de bien-être social.

8.2

L'emploi est un aspect fondamental du processus d'intégration, dans la mesure où un emploi exercé dans des conditions décentes constitue la clé de l'autosuffisance économique des immigrés et favorise les relations sociales et la connaissance mutuelle avec la société d'accueil. Le CESE propose que l'insertion professionnelle s'effectue dans le respect de l'égalité de traitement, sans discrimination entre les travailleurs autochtones et les immigrés, en tenant compte des exigences professionnelles nécessaires.

8.3

Les travailleurs immigrés, qui sont couverts par les conventions internationales régissant les droits de l'homme ainsi que par les principes et les droits consacrés par les conventions de l'OIT, ont droit à bénéficier d'un traitement équitable en Europe. Le CESE réitère sa proposition visant à ce que les États membres de l'UE ratifient la convention de l'ONU de 1990 sur «la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille».

8.4

Les directives de l'UE relatives à l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail et à l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique sont des instruments juridiques essentiels pour déterminer la législation et les pratiques dans les États membres pour ce qui concerne la lutte contre la discrimination et la promotion de l'insertion professionnelle.

8.5

Au niveau socioprofessionnel, il y a lieu de compléter la législation et les politiques publiques avec l'appui des partenaires sociaux, car l'insertion professionnelle est également liée au comportement social et aux engagements syndicaux et patronaux.

8.6

Les services publics de l'emploi doivent initier des programmes visant à améliorer l'accès à l'emploi des immigrés en facilitant la reconnaissance des qualifications professionnelles, en améliorant la formation linguistique et professionnelle et en fournissant une information appropriée sur les systèmes d'emploi du pays d'accueil.

8.7

Au niveau local, les syndicats, les organisations patronales, les associations d'immigrés et les autres organisations de la société civile jouent un rôle très important en assurant la transmission de l'information et en facilitant l'accès à l'emploi des immigrés. Sont très actives en Europe les organisations sociales qui encouragent l'insertion professionnelle des immigrés et de leurs enfants par le biais de programmes de formation, de consultations professionnelles, d'aides à la création de petites entreprises, etc.

8.8

Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à saisir les opportunités de réussite qui découlent de l'insertion professionnelle des immigrés et de la diversité croissante. Le CESE estime que les entreprises peuvent contribuer à sensibiliser davantage la société d'accueil à la lutte contre la discrimination en rejetant toute manifestation de xénophobie et d'exclusion lors des recrutements

8.9

Il est essentiel d'établir des procédures, qui soit fondées sur la gestion des flux migratoires, mise en œuvre dans les pays d'origine et en tenant compte des possibilités réelles d'insertion professionnelle et, dès lors, d'intégration sociale.

8.10

La mauvaise qualité de l'emploi est également un facteur de discrimination lorsque les entreprises ont recours aux immigrés en tant que main-d'œuvre «plus vulnérable».

8.11

Les syndicats adoptent parfois des pratiques corporatistes en ne défendant que certains intérêts particuliers et en excluant les immigrés. Le CESE est d'avis que les syndicats doivent accueillir des travailleurs immigrés parmi leurs adhérents et faciliter leur accès aux fonctions de représentation et de direction. Un grand nombre de syndicats ont établi de bonnes pratiques garantissant à tous les travailleurs les mêmes droits, quelle que soit leur origine ou leur nationalité.

8.12

Les organisations patronales doivent relever le défi majeur de la transparence des marchés de l'emploi. D'après le CESE, elles doivent, conjointement avec les syndicats de travailleurs, coopérer avec les autorités publiques régionales et locales pour empêcher les situations de discrimination et promouvoir des comportements favorables à l'intégration.

8.13

Les partenaires sociaux, qui sont des rouages essentiels du fonctionnement des marchés de l'emploi et les piliers de la vie économique et sociale européenne, ont un rôle important à jouer dans l'intégration. Lors des négociations collectives, ils se doivent d'assumer leurs responsabilités en termes d'intégration des immigrés en éliminant des conventions collectives et des réglementations et pratiques professionnelles tout facteur direct ou indirect de discrimination.

8.14

Le CESE souhaite multiplier les nombreux exemples de bonnes pratiques mises en oeuvre en Europe de la part des partenaires sociaux et des organisations de la société civile. L'audition tenue à Dublin a permis d'examiner des expériences positives réalisées au sein d'entreprises, de syndicats, d'organisations patronales et d'organisations sociales. Parmi celles-ci, le Comité relève les engagements pris par les partenaires sociaux irlandais concernant la diversité dans les entreprises et la lutte contre la discrimination, ainsi que l'accord conclu par les partenaires sociaux espagnols afin de régulariser le travail illégal et l'immigration irrégulière et de traiter la question de la migration de main-d'œuvre dans un esprit de coopération et dans le cadre du dialogue social.

8.15

Le CESE estime que des politiques actives et de nouveaux engagements des partenaires sociaux sont nécessaires pour encourager les comportements favorables à l'intégration sociale, l'égalité de traitement et la lutte contre la discrimination sur le lieu de travail. Le dialogue social européen peut constituer un cadre approprié pour inciter les partenaires sociaux à prendre de nouveaux engagements au niveau qu'ils jugent opportun.

8.16

Le dialogue social européen, qui fait l'objet d'un agenda élaboré par la CES et l'UNICE, relève de la responsabilité des partenaires sociaux. Le CESE espère voir se réaliser les objectifs définis dans ce contexte.

8.17

Le CESE peut devenir un forum permanent de dialogue sur les bonnes pratiques en matière d'intégration et d'immigration. Dans ce contexte, il va poursuivre sa collaboration avec la Fondation de Dublin et l'OIT en vue de contribuer au développement en Europe de politiques et de pratiques en faveur de l'intégration: il organisera de nouvelles rencontres et forums avec les partenaires sociaux ainsi que d'autres organisations de la société civile afin d'examiner et d'échanger les bonnes pratiques en matière d'intégration mises en œuvre en Europe.

Bruxelles, le 13 septembre 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie Sigmund


(1)  JO C 125 du 27.5.2002 (rapporteur: M. PARIZA CASTAÑOS — corapporteur: M. MELÍCIAS).

(2)  Voir les conclusions générales de la conférence.

(3)  COM(2004) 508 final.

(4)  COM(2003) 336 final.

(5)  JO C 80 du 30.3.2004 (rapporteur: M. PARIZA CASTAÑOS).

(6)  http://europa.eu.int/comm/justice_home/doc_centre/immigration/integration/doc/handbook_en.pdf

(7)  COM(2005) 389 final.

(8)  Cf. COM(2005) 389 final, chapitre 2.

(9)  ANNEXE 1.

(10)  Cf. COM(2005) 123 final.

(11)  Avis sur la «Gestion des flux migratoires», JO C 88 du 11.4.2006 (rapporteuse: Mme LE NOUAIL MARLIÈRE).

(12)  Cf. COM(2005) 389 final, chapitre 3.

(13)  COM(2001) 387 final.

(14)  JO C 221 du 17.9.2002 (rapporteuse: Mme zu EULENBURG).

(15)  Directives 2003/109/CE et 2003/86/CE.

(16)  Avis sur le Livre vert (SOC/199) (rapporteur: M. PARIZA CASTAÑOS).

(17)  Cf. COM(2005) 389 final, chapitre 3.2.

(18)  JO C 80 du 30.3.2004, paragraphe 1.10 (rapporteur: M. PARIZA CASTAÑOS).

(19)  JO C 125 du 27.5.2002, paragraphe 1.4 (rapporteur: M. PARIZA CASTAÑOS).

(20)  Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Voir

http://portal.unesco.org/culture/fr/ev.php-URL_ID=11281&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html

(21)  Cf. la directive 2003/86/CE et les avis du CESE, publiés aux JO C 204 du 18.7.2000 (rapporteuse: Mme CASSINA) et C 241 du 7.10.2002 (rapporteur: M. MENGOZZI).

(22)  Directives 2000/43/CE et 2000/78/CE.

(23)  Voir le rôle positif des partenaires sociaux en Irlande, mentionné à l'annexe III.

(24)  Voir la directive 2003/86/CE et les avis du CESE dans le JO C 204 du 18.7.2000 (rapporteuse: Mme CASSINA) et dans le JO C 241 du 7.10.2002 (rapporteur: M. MENGOZZI).

(25)  Voir l'avis sur «L'accès à la citoyenneté de l'Union européenne», JO C 208 du 3.9.2003 (rapporteur: M. PARIZA CASTAÑOS).

(26)  http://europa.eu.int/comm/justice_home/doc_centre/immigration/integration/doc/handbook_en.pdf

(27)  COM(2004) 508 final.


23.12.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/137


Avis du Comité économique et social européen sur «Les comités d'entreprise européens: un nouveau rôle pour promouvoir l'intégration européenne»

(2006/C 318/25)

Le 12 juillet 2005, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2 de son règlement intérieur, d'élaborer un avis sur «Les comités d'entreprise européens: un nouveau rôle pour promouvoir l'intégration européenne».

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 6 septembre 2006 (rapporteur: M. IOZIA).

Lors de sa 429ème session plénière des 13 et 14 septembre 2006 (séance du 13 septembre 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 144 voix pour, 76 voix contre et 15 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le Comité économique et social européen reconnaît le rôle fondamental des comités d'entreprise européens (CEE), qui stimulent et encouragent la cohésion sociale et constituent un outil d'intégration des travailleurs européens, dans la mesure où la connaissance et la compréhension mutuelles améliorent la perception de la citoyenneté européenne. Les plus de 10 000 délégués des CEE actifs au sein de l'Union sont des acteurs directs et motivés de la construction d'une société nouvelle.

1.2

Le modèle social européen, qui est fondé sur la recherche du consensus et du dialogue social, le respect de l'identité et de la dignité humaine, la coexistence d'intérêts divers ainsi que la capacité de combiner développement et respect de la personne et de l'environnement, requiert la mise en place d'un forum de rencontre et de discussion dans le cadre d'entreprises transnationales. Le CESE considère que la directive 94/45 a joué un rôle important dans la réalisation de ces objectifs.

1.3

La Commission était tenue de réexaminer au plus tard le 22 septembre 1999, «en consultation avec les États membres et les partenaires sociaux au niveau européen», les modalités d'application de la directive et de proposer au Conseil, «en tant que de besoin, les modifications nécessaires».

1.4

La Commission a engagé la consultation des partenaires sociaux. Si l'UNICE et le CEEP ont fait part de leur opposition à la révision de la directive, la Confédération européenne des syndicats (CES) a en revanche demandé à plusieurs reprises que ce document soit révisé de toute urgence.

1.5

Le CESE a procédé à un examen approfondi de la situation actuelle, notamment dans le cadre d'une vaste audition regroupant des représentants du monde du travail, des entreprises et de la société civile.

1.6

Les expériences enregistrées à ce jour sont à maints égards positives. Comme le montrent de nombreuses études réalisées en la matière, comme l'ont indiqué les partenaires sociaux à l'occasion de séminaires conjoints et comme le rappelle le CESE, des accords ont été conclus, sur une base volontaire, concernant l'organisation du travail, l'emploi, les conditions de travail et le perfectionnement professionnel, dans l'esprit d'un partenariat en faveur du changement. Leur bonne réalisation relève également de la seule volonté des parties.

1.7

Cependant les expériences enregistrées concernant les CEE mettent également en lumière un certain nombre de points faibles, dont le plus manifeste est le pourcentage encore relativement peu élevé de CEE mis en place par rapport au nombre d'entreprises tenues de le faire conformément à la directive, qui prévoit qu'un CEE peut être mis en place à l'initiative des entreprises ou des travailleurs d'au moins deux États membres. L'une des raisons qui explique que la directive n'est pas pleinement appliquée est le manque d'initiative de la part des travailleurs, qui, dans certains pays, peut toutefois être due à l'absence de législation protégeant les droits syndicaux dans les entreprises.

1.8

Au cours des années qui ont suivi l'adoption de la directive 94/45/CE, le cadre législatif communautaire relatif aux droits d'information et de consultation a été renforcé, en particulier par les directives 2001/86, 2002/14 et 2003/72, dans lesquelles les notions d'information et de consultation sont plus développées que celles prévues par la directive 94/45 et qui proposent des procédures de participation des travailleurs plus efficaces et axées sur l'organisation de la consultation avant la prise de décision. Ces procédures contribuent à améliorer la compétitivité des entreprises européennes sur le marché mondial.

1.9

Selon le CESE, trois éléments essentiels doivent être pris en compte dans le cadre d'une mise à jour rapide de la directive 94/45, à savoir:

la coordination des dispositions en matière d'information et de consultation de la directive 94/45 et des dispositions pertinentes des directives susmentionnées;

la modification du nombre des représentants des travailleurs au sein du groupe spécial de négociation (GSN) et des CEE, compte tenu de l'élargissement de l'Union et du droit des représentants de chaque État concerné d'en faire partie. La directive avait fixé ce nombre à 17 au maximum, ce qui correspondait à l'époque au nombre d'États destinataires de la directive;

la reconnaissance du droit des syndicats nationaux et européens de faire partie du GSN et des comités d'entreprise européens, en ayant la possibilité de recourir à leurs propres experts également en dehors des réunions prévues.

1.10

Le CESE propose qu'à l'issue d'un délai raisonnable pour permettre l'intégration des nouveaux États membres et sur la base des éléments que les partenaires sociaux tireront des enseignements relatifs aux CEE lors des discussions organisées dans le cadre de séminaires ad hoc, l'on procède à un réexamen de la directive en tenant compte de ces expériences et des informations déjà disponibles.

1.11

Le CESE soutient la dimension sociale de l'entreprise dans l'Union européenne et le rôle des CEE. S'agissant du développement durable et du modèle social européen, le débat européen s'est focalisé sur les spécificités de l'Union. La responsabilité sociale de l'entreprise dans l'économie mondiale est une des réponses apportées par cette dernière aux problèmes posés par la mondialisation, dont les effets négatifs pourraient être atténués par le respect des normes fondamentales de l'OIT par tous les États membres de l'organisation du commerce international. L'entreprise doit être considérée comme un acteur social important, capable d'apporter une contribution essentielle à l'amélioration de la qualité de vie de toutes les parties directement concernées et des régions. Il convient de noter que, comme cela a été le cas pour le comité d'entreprise européen lui-même, et particulièrement au niveau transnational, les avancées du dialogue social sont d'autant plus importantes qu'elles passent par le normatif.

1.12

Le CESE prend note du point de vue de la Commission européenne qui souligne, dans sa communication sur la RSE, l'importance du rôle des travailleurs et de leurs syndicats dans la mise en œuvre de pratiques socialement responsables (1). Dans cette communication, elle indique que «Le dialogue social, en particulier au niveau sectoriel, a constitué un outil efficace d'encouragement des initiatives de RSE et que les comités d'entreprise européens ont également joué un rôle constructif dans la définition de bonnes pratiques en la matière. Pourtant, l'adoption, la mise en œuvre et l'intégration stratégique de la RSE par les entreprises européennes pourraient encore être améliorées. Les salariés, leurs représentants et les syndicats devraient jouer un rôle plus actif dans l'élaboration et l'application de ces pratiques. Les acteurs externes, et notamment les ONG, les consommateurs et les investisseurs, devraient intervenir davantage pour encourager et récompenser le comportement responsable des entreprises».

1.13

Outre la protection des plus vulnérables et la prospérité, le modèle social européen se caractérise par le respect des droits qui fondent la dignité de la personne, en tous lieux et en toutes circonstances. Dans une Europe moderne, les droits de citoyenneté doivent en effet pouvoir être exercés partout, y compris sur le lieu de travail et en particulier dans les entreprises transnationales. Le CESE invite la Commission à reconnaître les innovations positives réalisées depuis l'adoption de la directive 94/45 et d'identifier les mesures les plus appropriées pour renforcer le sentiment d'appartenance au sein de l'Union.

2.   Le contexte socioéconomique et juridique dans lequel opèrent les comités d'entreprise européens

2.1

Le CESE souhaite en premier lieu mettre en relief les différents aspects positifs qui émanent de l'expérience de la directive 94/45, à présent d'application depuis dix ans, sans toutefois ignorer les difficultés et les points critiques qui ont caractérisé l'expérience des comités d'entreprise européens. Dans cet objectif, le Comité a l'intention de solliciter toutes les parties intéressées, institutions, organes communautaires, partenaires sociaux à différents niveaux d'organisation, à collaborer afin d'améliorer cet instrument démocratique de représentation qui semble désormais indispensable à la consolidation du modèle social européen et auquel le CESE confirme son soutien en vue de lui garantir un développement solide et un renforcement.

2.2

Le Comité souhaite, à l'aide du présent avis d'initiative, contribuer à rendre plus présent le rôle des comités d'entreprise européens (CEE) en révisant la directive 94/45 pour favoriser l'intégration et la cohésion sociale, objectif qui revêt une importance politique toujours plus grande, surtout dans la phase actuelle caractérisée par une tension moins forte envers la construction d'une Union européenne socialement plus forte et unie.

2.3

Douze ans après l'approbation de la directive, beaucoup de choses ont changé dans l'Union. Le processus d'élargissement, soutenu par le CESE, a déterminé l'adhésion de dix nouveaux pays à partir de mai 2004; deux autres pays sont en voie d'adhésion: la Bulgarie et la Roumanie. Nous ne doutons pas, qu'en dépit des efforts notables visant à harmoniser les lois nationales avec l'acquis communautaire et les progrès importants réalisés en matière de conditions de travail, dans certains de ces pays les organisations des travailleurs et des entreprises ont encore du mal à consolider leur niveau de représentation.

2.4

Le CESE est favorable au renforcement du dialogue social et estime que les comités d'entreprise européens sont un outil indispensable à cette fin, étant donné qu'ils instaurent des systèmes de relations et d'écoute réciproque susceptibles de promouvoir la culture du dialogue social dans les États membres.

2.5

L'adoption par le Conseil des ministres, le 22 septembre 1994, de la directive 94/45 «concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure en vue d'informer et de consulter les travailleurs», étendue au Royaume-Uni par la directive 97/74/CE du Conseil du 17 décembre 1997, a constitué une avancée décisive dans le développement d'un dialogue social européen au niveau de l'entreprise, en phase avec la structure transnationale des entreprises et des groupes d'entreprises. Ce nouvel instrument, de nature transnationale a contribué très fortement au développement de la dimension européenne des relations sociales (2).

2.6

Aux termes de l'article 15 de la directive 94/45/CE, la Commission était tenue de réexaminer, au plus tard le 22 septembre 1999, ses modalités d'application «en consultation avec les États membres et les partenaires sociaux au niveau européen», en vue de proposer au Conseil, en tant que de besoin, les modifications nécessaires. Ce réexamen aurait dû porter sur les modalités d'application de la directive, donc sur tous les aspects liés à la mise sur pied et au fonctionnement des comités d'entreprise européens, en particulier sur l'adéquation des seuils d'effectifs.

2.7

Tout en tenant compte du fait qu'il s'agissait d'un processus tout à fait novateur, la Commission considérait qu'à la date du 22 septembre 1999, les négociations et le travail réalisé dans les comités d'entreprise européens auraient dû avoir livré suffisamment d'expériences concrètes pour rendre le réexamen possible.

2.8

La Commission a rendu son rapport sur l'application de la directive au Parlement et au Conseil le 4 avril 2000. Le rapport de la Commission portait pour l'essentiel sur l'évaluation des mesures de transposition prises par les États, mais il contenait également une évaluation de la mise en œuvre de la directive. Indépendamment de la qualité des transpositions, la Commission soulignait qu'il restait des points d'interprétation de la directive. Le rapport indiquait en outre que la résolution de ces questions passait soit par les parties concernées, soit relevait du domaine judiciaire. La Commission n'avait donc pas estimé nécessaire de proposer une modification de la directive à ce stade.

2.9

Le Parlement européen s'est intéressé au réexamen de la directive en question. Dans sa Résolution sur le rapport de la Commission sur l'état d'application de la directive et la nécessité de la réviser, adoptée le 4 septembre 2001, le Parlement européen mettait l'accent sur le rôle des organes transnationaux de représentation des travailleurs et évaluait les limites de l'exercice des droits à l'information et à la consultation, ainsi que les opportunités qui en découlent (3). Le Parlement européen invitait donc la Commission à présenter rapidement une proposition de modification de la directive avec une série d'améliorations: outre la possibilité accordée aux travailleurs d'exercer une influence sur le processus de décision de la direction de l'entreprise et de prévoir l'instauration de sanctions adéquates, le PE estimait nécessaire de revoir la notion même «d'entreprise de dimension communautaire» en ce qui concerne les seuils chiffrés. Selon le PE, le seuil des effectifs des entreprises entrant dans le champ d'application de la directive aurait dû être abaissé de 1.000 à 500 employés pour le total de l'entreprise et de 150 à 100 employés par établissement dans au moins deux États membres (il est notoire que tout au long de la procédure d'adoption de la directive, le Parlement et la Commission avaient proposé un seuil inférieur à celui qui a finalement été retenu dans la directive 94/45/CE) (4).

2.10

En 2004, au terme d'une longue période d'application de la directive 94/45, la Commission avait estimé opportun de procéder à un nouvel examen du degré d'application de la directive, d'autant plus que cette question était inscrite à l'Agenda pour la politique sociale adopté à Nice en décembre 2000.

3.   Le processus de réexamen de la directive 94/45

3.1

Le 20 avril 2004, la Commission a engagé la première phase de consultation des partenaires sociaux sur le réexamen de la directive 94/45/CE et a sollicité leur point de vue sur:

la meilleure façon de garantir la pleine exploitation, au cours des années à venir, de la capacité des comités d'entreprise européens à promouvoir un dialogue social transnational constructif et fructueux au niveau de l'entreprise;

l'orientation possible d'une action communautaire dans ce sens, y compris le réexamen de la directive sur les comités d'entreprise européens;

le rôle qu'ils ont eux-mêmes l'intention de jouer dans le règlement des questions liées à la gestion du changement rapide et profond et de ses conséquences sociales.

3.2

Dans le document qui ouvre la procédure de consultation, la Commission a indiqué que le paysage institutionnel s'est sensiblement modifié depuis son rapport du 4 avril 2000. En effet, celui-ci ne prenait pas en compte de nouveaux éléments tels que l'Agenda de Lisbonne et l'élargissement de l'Union. S'agissant plus particulièrement de ce dernier, la Commission a souligné que «l'inclusion des activités exercées dans les nouveaux États membres va faire monter en flèche le nombre des entreprises entrant dans le champ d'application de la directive» et que «les entreprises ou les groupes possédant des filiales dans les nouveaux États membres vont devoir élargir les comités d'entreprise européens dont ils se seraient déjà dotés, afin de garantir la représentation de ces filiales nouvellement incluses dans le champ de la directive». L'application de la directive sur les comités d'entreprise européens après le 1er mai 2004 implique donc un plus grand nombre de représentants, et de nouveaux représentants issus des nouveaux États membres dont la situation économique, les traditions sociales, les langues et les cultures sont différentes, éléments auxquels s'ajoutent une complexité accrue et une augmentation des coûts.

3.3

Le 24 septembre 2003, le Comité économique et social a adopté un avis dans lequel il a attiré l'attention de la Commission sur certains aspects à prendre en considération lors d'une révision éventuelle de la directive (5).

3.4

L'UNICE a répondu à la Commission qu'elle était fermement opposée à la révision d'une directive sur les CEE (6). Le meilleur moyen de développer l'information et la consultation des travailleurs dans les entreprises communautaires est le dialogue au niveau des sociétés concernées par la directive. Une intervention du législateur communautaire serait contre-productive parce qu'elle est susceptible d'affaiblir la dynamique du développement progressif des CEE. Le CEEP s'est lui aussi déclaré défavorable à toute révision de la directive à ce stade. Le CEEP s'oppose à une révision de la directive 94/45, mais demande que l'on fasse une meilleure utilisation des outils existants, surtout de la procédure d'information et de consultation. Les partenaires sociaux européens peuvent jouer un rôle-clé dans ce processus, en particulier en ce qui concerne les nouveaux États membres. En outre, les études de cas qui ont jeté les bases pour orienter la gestion du changement et ses conséquences sociales, mettent en lumière l'importance d'une information et d'une consultation effective et inspirent les activités ultérieures des partenaires sociaux, en particulier dans les nouveaux États (7).

3.4.1

La CES en revanche, a répondu par l'affirmative, et confirmé un certain nombre d'observations formulées dans l'une de ses précédentes résolutions de 1999 (8). Se fondant sur les accords conclus et les pratiques suivies jusqu'ici, la CES considère en effet que les négociations ne peuvent à elles seules corriger les limites et les carences de la législation, qui plus est si elles sont volontaires, tout en continuant à surveiller les expériences positives des bonnes pratiques, mais qu'une révision de la directive même s'impose de manière urgente (9).

3.5

La Commission a procédé à la deuxième phase de consultation des partenaires sociaux européens sur le réexamen de la directive relative aux comités d'entreprise européens, mais simultanément à la consultation sur les restructurations. Si le CESE s'est félicité du lancement de la deuxième phase de consultation sur le réexamen de la directive 94/45, il a toutefois émis des réserves sur le fait que la procédure se soit déroulée simultanément à une autre consultation portant sur un thème différent: «Les comités d'entreprise européens jouent certes un rôle important lors des restructurations. Mais indépendamment de cela, l'amélioration de la directive relative aux comités d'entreprise accuse un retard depuis longtemps»  (10).

4.   L'expérience des comités d'entreprise européens. Une question de méthode: mise en valeur des aspects positifs, et réflexion sur les résultats négatifs

4.1

Les expériences enregistrées jusqu'ici présentent de nombreux aspects positifs. Il ressort des études qu'un nombre croissant de CEE fonctionnent efficacement, y compris dans le cadre des nouvelles conditions. Comme le souligne la déclaration conjointe des partenaires sociaux d'avril 2005 «Enseignements sur les comités d'entreprise européens», les CEE ont notamment contribué à améliorer la compréhension qu'ont les travailleurs et leurs représentants du marché intérieur et de la culture d'entreprise transnationale dans une économie de marché. Des études révèlent qu'un nombre croissant de CEE fonctionnent de manière efficace et contribuent notamment à améliorer le dialogue social sectoriel. Comme le montrent différentes études sur le sujet, comme l'ont indiqué les partenaires sociaux lors de séminaires conjoints et comme le rappelle plus particulièrement le CESE, des accords ont été conclus, sur une base volontaire, concernant l'organisation du travail, l'emploi, les conditions de travail et la formation, dans l'esprit d'un partenariat pour le changement (11).

4.1.1

Toutes ces propositions de révision portent sur les principaux problèmes mis en évidence lors des opérations de surveillance des activités des comités d'entreprise européens effectuées à différentes occasions. L'une des recherches les plus récentes (12) montre qu'à l'heure actuelle, quasiment 75 % des comités d'entreprise européens ne respectent pas les dispositions de la directive en matière de fourniture d'informations en temps utile en cas de restructurations. Un autre élément très important qui ressort de l'examen des réponses de 409 délégués appartenant à 196 comités d'entreprise européens est l'information donnée par 104 délégués selon laquelle des textes conjoints ont été négociés et conclus dans le cadre des comités d'entreprise européens. Étant donné qu'en 2001, selon une importante étude de la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail (13), les accords signés directement ou indirectement par les comités d'entreprise européens étaient au nombre de 22, il est clair, même si cette vision est partielle, que le rôle des comités d'entreprise européens est en évolution constante et qu'ils développent une véritable capacité de négociation.

4.2

L'expérience des comités d'entreprise européens met également en lumière quelques points critiques sur lesquels une réflexion attentive doit être menée si l'on veut améliorer cet outil démocratique de représentation et de participation des travailleurs, désormais devenu un élément à part entière du modèle social européen. Parmi les points critiques, le plus évident réside dans le pourcentage assez faible de comités d'entreprise européens par rapport au nombre d'entreprises tenues d'en créer un à la demande des travailleurs, conformément à la directive. En décembre 2004, environ 800 comités d'entreprise européens avaient été créés sur plus de 2000 entreprises concernées par la directive (14), ce qui représente environ 70 % du personnel des entreprises en question. L'une des raisons pour lesquelles la directive n'a pas été pleinement appliquée est le manque d'initiative de la part des travailleurs, qui, dans certains pays, peut être due à la faiblesse des organes de représentation sur le lieu de travail, la législation nationale n'offrant pas de protection suffisante. Cet aspect mériterait d'être approfondi afin de pouvoir identifier des solutions éventuelles.

4.3

Le nouveau domaine d'application de la directive 94/45, plus large, rend sans doute nécessaire un processus de réflexion et d'étude, qui permette à tous les intéressés, qu'il s'agisse de pays d'adhésion plus ancienne ou de pays ayant récemment rejoint l'UE, d'assimiler les éléments et les données appartenant à des cultures, des pratiques et des réalités diverses et de surmonter les obstacles liés aux différences sociales, économiques et culturelles, de manière à renforcer le système des relations industrielles européennes dans leur ensemble.

4.3.1

Les questions liées à l'élargissement de l'Union sont cependant seulement un aspect de l'évolution plus vaste, et plus générale, du marché du travail et du monde des entreprises de l'UE. L'accélération des restructurations transnationales, devenues désormais une constante dans la vie des entreprises, et la nature nouvelle que celles-ci ont adoptée, constituent de fait pour les comités d'entreprise européens des défis certainement plus forts que ceux qui avaient été envisagés par le législateur communautaire dans la directive 94/45, comme le montre la production législative qui va suivre en matière de participation des travailleurs.

4.4

En effet, le contexte juridique s'est considérablement modifié. De nouvelles réglementations communautaires ont été adoptées dans le secteur de l'information et de la consultation des travailleurs, qu'il s'agisse de celles relatives au cadre transfrontalier, comme la directive 2001/86/CE du 8 octobre 2001, sur l'implication des travailleurs dans la société européenne, la directive sur la société coopérative européenne (SCE) et la directive sur les fusions ou bien de celle relative au cadre national, comme la directive 2002/14/CE du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne.

4.5

Le rôle nouveau, et plus exigeant que devront développer les comités d'entreprise européens est également présenté dans la Communication de la Commission relative aux restructurations des entreprises transfrontalières (15).

4.6

Le CESE a exprimé dans de nombreux avis son appréciation positive et son soutien au développement et au renforcement des CEE (16), évoquant le rôle important qu'ils ont à jouer dans les restructurations transfrontalières. Dans le secteur de la métallurgie, le rôle des comités d'entreprise européens a été essentiel dans de nombreux différends liés à des restructurations, dans la mesure où ils ont contribué à la conclusion d'accords visant à maintenir les sites de production et les emplois.

5.   Le rôle de la directive 94/45 dans l'évolution des relations industrielles européennes

5.1

La directive 94/45 est peut-être l'une des réglementations les plus importantes adoptées dans le domaine des relations professionnelles à l'échelon européen. Cette directive, en dépit de certaines limites et carences signalées de toutes parts, a sans aucun doute contribué dans une large mesure à lancer le processus d'élaboration de «nouvelles pratiques transnationales en matière de relations industrielles», en combinant des modèles nouveaux de solidarité entre les travailleurs de différents pays, et de comparaison constructive entre les représentations transnationales des travailleurs et des entreprises, et en prévoyant pour la première fois des formes communes de représentation et protection «sans frontières» de certains droits fondamentaux des travailleurs.

5.2

Depuis quelques années toutefois, comme le montrent les données relatives à l'application de la directive, sa contribution dynamique à la construction d'un modèle intégré de relations de travail, et à la consolidation du modèle social européen semble être moins important. Différents éléments structurels concernant les transformations du marché du travail et du monde des entreprises contribuent à cet affaiblissement. Le CESE s'est déjà penché sur ces questions dans le cadre de deux avis, celui sur l'Agenda social de la Commission et celui sur les restructurations. D'autres éléments qui ont pour conséquence de réduire l'influence de l'action des comités d'entreprise européens peuvent être mis en évidence dans le fait que les droits à l'information et à la consultation dont disposent les comités d'entreprise européens ne leur permettent pas concrètement «d'agir de façon adéquate», ni sur la définition ni sur la mise en œuvre de la politique industrielle des entreprises. Dans d'autres cas, le rôle des CEE a été reconnu.

5.3

En revanche, comme l'a noté le CESE dans un avis récent, «à l'échelle des entreprises, des secteurs d'activité et au niveau interprofessionnel, la politique industrielle européenne doit être définie et mise en oeuvre avec la contribution des partenaires sociaux, dont les connaissances en tant que premiers acteurs concernés sont fondamentales. Cela requiert que les entreprises fassent clairement connaître leurs intentions suffisamment tôt pour permettre aux autres acteurs concernés d'agir de façon adéquate»  (17).

5.4

L'un des facteurs de l'affaiblissement de l'action des comités d'entreprise européens semble pouvoir résider dans le fait que les modalités d'information et de consultation — qui font l'objet d'un réexamen dans la directive 94/45 — ne semblent pas cohérentes avec le nouveau cadre économique et structurel, ni avec le nouveau cadre législatif communautaire, qui est constitué des directives déjà citées no2001/86 et 2003/72, ainsi que de la directive 2002/14. Dans ces directives, les procédures d'information et de consultation ne se réduisent pas à de purs actes formels: il ne s'agit pas d'obligations de routine auxquelles l'entreprise peut se conformer en se contentant de respecter formellement les dispositions juridiques et «en aval» du processus décisionnel, mais de procédures qui doivent se dérouler «en amont» de celui-ci.

5.5

Dans les directives qui complètent les règlements communautaires relatifs aux statuts de la SE et de la SCE, les procédures d'information et de consultation n'ont pas seulement pour objet d'informer les représentants des travailleurs des décisions définitives déjà prises par l'entreprise concernant des aspects importants tels que les transformations ou réorganisations sociétaires au niveau transnational, mais aussi et surtout de donner aux représentants des travailleurs le droit «d'influer» sur ces décisions.

6.   L'information et la consultation des travailleurs, composante essentielle du modèle social européen

6.1

Comme il ressort de leur énonciation dans les sources juridiques primaires de l'UE (18) et de leur évolution constante dans le droit communautaire dérivé, les droits d'information et de consultation des travailleurs (ainsi que les procédures de participation au sens strict, prévues par les directives 2001/86 et 2003/72) sont des éléments essentiels non seulement du système de relations industrielles de l'Union européenne, mais également du modèle social européen. Les droits en question sont reconnus et protégés dans de nombreuses directives (19), le point d'orgue étant la signature de la Charte des droits fondamentaux en décembre 2000 et son intégration successive dans le traité établissant une Constitution pour l'Europe (20).

6.1.1

Dans la Charte des droits fondamentaux, les droits en question doivent être exercés «en temps utile», ce qui revêt une importance particulière puisque cette disposition favorise une interprétation axée principalement sur le caractère anticipatif de ces droits, qui va dans le sens des législations récentes (cf. les directives susmentionnées) et de la jurisprudence (21).

6.1.2

Depuis le milieu des années soixante-dix, l'évolution progressive et continue de la législation sur les droits d'information et de consultation, tant en ce qui concerne le cadre juridique national que transnational, s'explique par la volonté du législateur communautaire de faire en sorte que les procédures en question ne se réduisent pas à de purs actes formels ou de routine. On le sait, la fermeture de l'entreprise Renault de Vilvoorde en février 1997, qui eut également d'importantes conséquences sur le plan judiciaire, a donné une impulsion déterminante au renforcement de ces droits.

6.2

Un rapport élaboré par un groupe d'experts, le groupe Gyllenhammer, à la demande du Conseil européen de Luxembourg de novembre 1997, a mis en lumière la nécessité d'un nouveau cadre juridique communautaire qui définisse des normes minimales fixant des principes, règles et modalités communes pour les États membres en matière d'information et de consultation qui soient cohérentes avec la stratégie communautaire de l'emploi. Cette stratégie, qui se fonde sur les notions «d'anticipation», de «prévention» et «d'employabilité», devenues par la suite des éléments de la stratégie européenne pour l'emploi, doit être intégrée dans les politiques publiques des États membres afin d'exercer une influence positive sur l'emploi en intensifiant le dialogue social, notamment au niveau des entreprises, et de faciliter des mutations compatibles avec le maintien de l'objectif prioritaire de l'emploi

6.3

C'est dans ce contexte que «l'association des travailleurs à la marche et à l'avenir de l'entreprise», notamment pour «renforcer la compétitivité de celle-ci» (22) prend tout son sens. Le législateur précise que cette association constitue «une condition préalable à la réussite des processus de restructuration et d'adaptation des entreprises aux nouvelles conditions induites par la mondialisation de l'économie» (23).

6.4

Cette dernière disposition, surtout la partie consacrée aux dispositions subsidiaires de référence applicables, qui dispose (24) que si la Société «décide de ne pas suivre l'avis exprimé par l'organe de représentation, ce dernier a le droit de rencontrer à nouveau l'organe compétent de la SE (ou de la SCE) pour tenter de parvenir à un accord», est particulièrement importante pour que les procédures d'information, de consultation et, partant, la participation des travailleurs, soient efficaces.

6.5

Les entreprises européennes, surtout celles qui sont organisées en grands groupes, sont engagées dans des processus de restructuration toujours plus radicaux et rapides. Dans un avis récent, le CESE a souligné que «Des restructurations réalisées seulement en réaction à ce processus ont la plupart du temps des répercussions douloureuses, en particulier sur l'emploi et les conditions de travail». Il a conclu que «L'implication et la participation des salariés ainsi que de leurs représentants au sein des entreprises et de leurs syndicats contribuent d'une manière essentielle à rendre les mutations socialement acceptables et à les aménager au niveau de l'entreprise» et affirmé que «Les comités d'entreprises européens jouent un rôle spécifique dans ce contexte. Il faut partir du principe que le dialogue social transnational va continuer à se développer de manière dynamique au niveau des entreprises» (25).

6.6

La nature et l'intensité de ces restructurations ont mis en évidence l'insuffisance des instruments législatifs et de négociation actuellement à la disposition des représentants des travailleurs et des partenaires sociaux aux différents niveaux et, partant, la nécessité d'une participation plus importante et approfondie des organisations syndicales aux différents niveaux. Par conséquent, il ne s'agit pas uniquement d'achever la phase d'application formelle de la directive sur les comités d'entreprise européens mais, tout d'abord, de garantir la pleine efficacité des accords et des normes de transposition nationales, et ensuite d'adapter les procédures d'information et de consultation et les droits des comités d'entreprise européens aux nouvelles conditions du marché et à des politiques de gestion plus sévères.

6.7

À cette fin, il ne semble pas suffisant de mener des négociations de manière plus attentive et diligente, même si elles sont de toutes façons encouragées. Il y a lieu de procéder à une modification adéquate des parties concernées de la directive sous peine de vider de sa substance le rôle des comités d'entreprise européens en général, en dépit des bonnes pratiques observées jusqu'ici. En outre, la diffusion de procédures essentiellement de routine au niveau supranational (qui est un niveau crucial pour beaucoup de décisions d'entreprises qui ne feraient sinon pas l'objet d'une discussion avec les organisations syndicales) ou le remplacement des différentes «bonnes pratiques» en matière d'information et de consultation enregistrées jusqu'ici par des «mauvaises pratiques» pourraient avoir une influence négative sur les droits d'information et de consultation au niveau national. De plus, faut-il le rappeler, cette situation est susceptible d'avoir un effet contre-productif, en termes de légitimité et d'autorité, sur les relations entre les travailleurs et les directions d'entreprise locales, ainsi qu'une influence négative sur la culture des droits d'information et de consultation contraignants, tels qu'ils ont été établis récemment dans la Charte de Nice et les directives 2001/86, 2003/72 et 2002/14 (pour résumer, on pourrait dire, en paraphrasant la loi de Gresham que la mauvaise information chasse la bonne).

6.8

La reconnaissance formelle des organisations syndicales est fondamentale. Les directives sur l'implication des travailleurs dans la SE et la SCE mentionnent pour la première fois les organisations de travailleurs comme des sujets pouvant participer au groupe spécial de négociation. Dans les directives précédentes sur les droits d'information et de consultation, les organisations syndicales en tant que telles ne s'étaient jamais vu reconnaître de rôle direct (ou de soutien) dans les négociations. Dans la perspective d'un réexamen éventuel de la directive, il convient de prendre en compte tous les éléments susmentionnés, les spécificités nationales, ainsi que les éléments figurant ci-après.

7.   Pourquoi est-il opportun de procéder à un réexamen de la directive avant de négocier sa révision?

7.1

Beaucoup considèrent que les principales raisons qui plaident pour un réexamen de la directive sont au nombre de trois:

7.1.1

La première concerne les évolutions figurant dans les directives sur ce thème, qui requièrent une mise en conformité de la directive de 1994. Il s'agit de procéder à une simplification et à une coordination afin d'éviter que les définitions de l'information et de la consultation varient d'une directive à l'autre.

7.1.2

La seconde est l'évolution liée à l'élargissement de l'Union, qui nécessite en toute logique une augmentation proportionnelle du nombre des représentants au sein du groupe spécial de négociation et des comités d'entreprise européens.

7.1.3

La troisième raison est la reconnaissance du droit des syndicats nationaux et européens de participer aux négociations et de faire partie des comités d'entreprise européens (par analogie à ce que prévoient les directives sur l'implication des travailleurs dans la SE et la SCE), avec la possibilité de recourir à des experts de confiance également en dehors des réunions.

7.1.4

Considérant en outre les pratiques en vigueur en matière de comités d'entreprise européens, un réexamen de la directive 94/45 semble approprié, notamment à la lumière des perspectives susceptibles de s'ouvrir en matière de responsabilité sociale des entreprises, et du rôle nouveau que les organisations de la société civile peuvent développer avec les entreprises de dimension européenne et mondiale, en plus de l'action à mener par ces mêmes entreprises pour le respect des droits sociaux et syndicaux fondamentaux dans leur propre périmètre.

7.2

Les «Enseignements sur les comités d'entreprise européens» des partenaires sociaux (26) mériteraient d'être approfondis et devraient permettre d'améliorer les pratiques des CEE dans le but de continuer à développer et améliorer les accords. Cette opération ne devrait toutefois pas empêcher l'engagement des travaux relatifs au fonctionnement des CEE, en vue de définir les bases d'une révision à l'issue d'un délai raisonnable permettant l'intégration des nouveaux États membres dans le système des CEE. Les futures discussions et négociations devront prendre en compte les éléments suivants:

a)

Clarifier le texte actuel en ce qui concerne les modalités et la qualité de l'information et de la consultation: le caractère préalable (ou anticipatif) des procédures d'information et de consultation devrait être affirmé explicitement, en particulier sur des thèmes figurant à l'ordre du jour ou demandés par les représentants des travailleurs. Ignorer le caractère anticipatif de ces procédures d'information et de consultation prévues par la législation communautaire sur les comité d'entreprise européens compromettrait gravement l'équilibre entre les procédures de la directive 94/45 d'une part et celles sur l'implication des travailleurs (visées dans les directives sur la société européenne et la société coopérative européenne), d'autre part, avec le risque d'affaiblir ces dernières. De plus, la diffusion de procédures d'information et de consultation peu efficaces dans les entreprises de dimension communautaire (obligatoires en vertu de la directive 94/45) peut produire des «effets de mimétisme» négatifs sur les procédures d'information et de consultation que doivent respecter les entreprises nationales, conformément à différentes directives communautaires (27);

b)

Prévoir, soit si les comités sont très nombreux, soit compte tenu des tâches qu'ils doivent effectuer, une structure de secrétariat permanent et un organe restreint pour préparer les rencontres et les documents relatifs aux questions figurant à l'ordre du jour, diffuser au préalable l'ordre du jour et les documents dans les différentes langues et, par la suite, les actes et documents relatifs aux décisions prises (28); Une exigence autrement importante concerne la nécessité de coordonner les différentes expériences, par exemple secteur industriel/secteur des services;

c)

Garantir une communication régulière et fluide entre les membres du groupe spécial de négociation avant la constitution du comité d'entreprise européen, puis entre les membres de celui-ci entre chacune de ses réunions;

d)

Garantir l'organisation de réunions d'une durée suffisante entre les membres du comité d'entreprise européen avant la réunion avec les représentants de la direction;

e)

Reconnaître le droit des syndicats nationaux et européens qui, conformément à ce qui a été prévu lors du réexamen de la directive, sont membres du groupe spécial de négociation et des CEE, de recourir à des experts de confiance également en dehors des réunions;

f)

Adapter les accords existants aux changements à l'échelle du groupe d'entreprises. Il faudrait en particulier prévoir explicitement une phase spécifique de négociation supplémentaire, dans le cas de concentrations ou de fusions transfrontalières, en rapport avec les directives existant en la matière;

g)

Offrir un soutien à la formation initiale et continue des membres du comité d'entreprise européen;

h)

Ajouter aux thèmes soumis à l'exigence d'information et de consultation également les sujets liés à la responsabilité sociale des entreprises (comme prévu par la directive sur la SCE) en impliquant également les organisations de niveau européen concernées par l'activité de l'entreprise;

i)

Accorder une attention à l'importance des retombées et de la diffusion des informations liées à la vie, aux actes et aux prises de position du comité d'entreprise européen auprès des représentations et des travailleurs des différents établissements d'un groupe d'entreprises dans chacun des pays dans lesquels l'entreprise a des filiales;

j)

Pourvoir à une représentation adéquate des personnes atteintes d'un handicap et à un juste équilibre entre hommes et femmes au sein des comités d'entreprise européens (cf. la directive 2003/72);

k)

Prévoir des mesures d'encouragement pour les entreprises qui mettent pleinement en œuvre la directive et des mesures de dissuasion pour celles qui y font obstacle;

l)

Promouvoir, en adaptant adéquatement les procédures applicables, la participation aux CEE de toutes les catégories de travailleurs, y compris les cadres.

8.   L'action des comités d'entreprise européens dans une Union élargie: leur contribution au renforcement de la cohésion sociale européenne

8.1

L'une des questions qui méritent une attention spécifique est sans aucun doute l'évolution du marché du travail et la situation sociale depuis l'élargissement.

8.2

Rien qu'en Pologne, 425 entreprises ont un comité d'entreprise européen et les comités d'entreprise européens comptent actuellement plus de 100 délégués sur la base d'accords volontaires (29). Ces chiffres laissent entrevoir que les comités d'entreprise européens peuvent devenir un puissant vecteur d'intégration et de développement d'un modèle social européen qui définit des normes minimales de référence. Dans l'Union à quinze, mais plus encore dans l'Union élargie, les CEE contribuent concrètement à créer une conscience européenne par la connaissance et la reconnaissance qui découlent de la diversité des systèmes nationaux.

8.3

La création de comités d'entreprise européens se heurte à de nombreux obstacles, que ce soit dans les quinze anciens États membres ou dans les dix nouveaux. Dans certains de ces pays, le dialogue social est peu développé. Les lois de transposition de la directive dans l'ordre juridique des nouveaux États sont appropriées sur le plan formel, mais inefficaces dans les faits. La Commission devrait évaluer les obstacles qui ont empêché la mise en œuvre effective de la directive.

8.4

Les comités d'entreprise européens sont actuellement un instrument important qui permet aux travailleurs d'avoir une vision de l'évolution de leur entreprise au niveau transnational. Le processus d'intégration européenne dans le secteur économique passe par la reconnaissance d'un nouveau rôle pour les comités d'entreprise européens, surtout à un moment où les fusions transfrontalières et la constitution de sociétés européennes sont en progression constante.

8.5

Répartition des comités d'entreprise européens dans les nouveaux pays

PAYS

MT

CY

LV

LT

BG

SI

EE

TR

RO

SK

CZ

HU

PL

Nombre potentiel de CEE (entreprises couvertes par la directive 94/45/CE

56

65

155

162

163

185

181

256

263

340

636

662

819

Nombre de CEE créés

29

33

84

87

89

108

101

136

140

199

333

334

425

Observateurs

 

 

 

 

 

3

 

3

2

2

8

2

5

Délégués

5

2

8

9

5

13

10

5

5

24

73

58

80

La première ligne reprend le nombre possible de comités d'entreprise européens, déterminé à partir du nombre actuel d'employés; la deuxième ligne indique le nombre de comités d'entreprise européens effectivement créés; la troisième ligne mentionne le nombre d'observateurs invités à participer aux CEE et la quatrième le nombre de délégués de plein droit nommés dans le cadre des CEE constitués.

Si tous les comités d'entreprise européens envisageables avaient été créés, le nombre de délégués serait de 3 943, et si la présence des délégués des nouveaux pays était garantie dans les CEE qui ont effectivement été créés, leur nombre serait de 2 098; or seuls 322 ont été élus, soit 8,17 % de l'ensemble des délégués potentiels et 15,35 % dans le cadre des comités d'entreprise européens déjà constitués (source: ETUI).

9.   La dimension sociale de l'entreprise dans l'Union européenne et le rôle nouveau des comités d'entreprise européens — la responsabilité sociale des entreprises dans l'économie mondiale

9.1

Le CESE a récemment abordé dans un avis important également le rôle des comités d'entreprise européens dans le cadre des stratégies sur la responsabilité sociale des entreprises (RSE) (30). De fait, cet avis présente l'importance, pour réaliser les objectifs des entreprises, du dialogue avec les principales parties concernées: les travailleurs, les clients, les fournisseurs, les représentants territoriaux, les organisations de consommateurs et de l'environnement: «L'engagement volontaire (dans la RSE) et un dialogue maîtrisé avec les parties prenantes sont indissociables»; «ce dialogue est particulièrement important pour les parties prenantes qui participent de la chaîne de valeur».

9.2

Et c'est dans ce contexte que le CESE affirme que: «À l'échelon européen, la démarche volontaire et/ou négociée sur les enjeux de la RSE dans toutes les multinationales qui ont un comité d'entreprise européen est une étape décisive. En outre, elle permet d'associer les nouveaux États membres à cette dynamique. Les comités d'entreprise européens devraient jouer un rôle dans l'intégration de la RSE dans la politique de l'entreprise. Ils sont le lieu privilégié des parties prenantes internes, sachant qu'une politique cohérente de RSE doit tenir compte aussi des parties prenantes externes, notamment de l'ensemble de la collectivité de travail (salariés intérimaires, salariés des sous-traitants présents sur le site, artisans ou autres indépendants travaillant pour l'entreprise) et le plus possible de l'ensemble de la chaîne de valeur (sous-traitants, fournisseurs)».

9.3

Dans sa communication sur la stratégie de développement durable (31), la Commission a invité les sociétés cotées en bourse à intégrer dans leurs rapports annuels une « triple approche » qui permet de mesurer leurs résultats par rapport à certains critères économiques, environnementaux et sociaux. La diffusion de ces informations devrait concerner également les CEE.

9.3.1

La récente directive sur la Société coopérative européenne a placé la responsabilité sociale parmi les thèmes qui font l'objet de consultation entre les entreprises et les travailleurs, dans les dispositions de référence, partie II, lettre b.

9.4

Le CESE se félicite du fait qu'avec cette approche, l'entreprise cesse d'être un simple agent économique et est considérée comme un acteur majeur sur le plan social, à même d'apporter une contribution essentielle à l'amélioration de la qualité de vie de toutes les parties directement concernées et des régions.

9.5

Le CESE prend note des affirmations contenues dans la récente communication de la Commission du 22 mars 2006 sur la responsabilité sociale, dans laquelle celle-ci souligne l'importance du rôle des travailleurs et de leurs syndicats dans la mise en œuvre de pratiques socialement responsables (32):

«La connaissance et la compréhension de la RSE ainsi que l'adoption de pratiques socialement responsables se sont améliorées ces dernières années, en partie grâce au forum RSE et à d'autres actions appuyées par la Commission. Parallèlement, les initiatives prises par les entreprises et d'autres acteurs ont fait avancer la RSE en Europe et dans le monde. Le dialogue social, en particulier au niveau sectoriel, a constitué un outil efficace d'encouragement des initiatives de RSE et des comités d'entreprise européens ont également joué un rôle constructif dans la définition de bonnes pratiques en la matière. Pourtant, l'adoption, la mise en œuvre et l'intégration stratégique de la RSE par les entreprises européennes pourraient encore être améliorées. Les salariés, leurs représentants et les syndicats devraient jouer un rôle plus actif dans l'élaboration et l'application de ces pratiques. Les acteurs externes, et notamment les ONG, les consommateurs et les investisseurs, devraient intervenir davantage pour encourager et récompenser le comportement responsable des entreprises. À tous les niveaux, les pouvoirs publics devraient renforcer la cohérence de leurs politiques en faveur du développement durable, de la croissance économique et de la création d'emploi. L'idéal de prospérité, de solidarité et de sécurité à long terme que poursuit l'Union s'étend également à la sphère internationale. La Commission européenne est consciente des liens existant entre l'adoption de la RSE dans l'Union et dans le monde et estime que les entreprises européennes devraient avoir un comportement responsable, où qu'elles exercent leurs activités, dans le respect des valeurs de l'Union et de normes reconnues à l'échelle internationale».

9.6

Dans la directive 2003/51 modifiant les directives sur les comptes annuels et les comptes consolidés, l'Union européenne demande explicitement que, lorsque c'est nécessaire à la compréhension de l'évolution des affaires, l'analyse puisse comporter des indicateurs de résultat de nature non financière, en particulier des aspects sociaux et environnementaux. Dans ces cas, les comités d'entreprise devraient recevoir les informations financières et non financières qui font partie intégrante de la responsabilité sociale de l'entreprise. La directive reconnaît la pertinence des questions environnementales et sociales dans le contexte de la gestion d'entreprise.

9.7

Dans son avis sur la «responsabilité sociale des entreprises» (33), le CESE préconisait le recours au système de corégulation au niveau européen: «une responsabilité sociale des entreprises propre au contexte spécifique de l'UE pourrait être élaborée dans le cadre de démarches communes et d'actions volontaires entre partenaires sociaux».

9.8

La société civile organisée peut ici apporter une contribution majeure, dans le cadre d'un processus dialectique et de coopération, en participant à l'élaboration des objectifs (droits de l'homme, normes sociales, priorités en matière de politique de la santé et de l'environnement, etc.) et en s'engageant en faveur d'une plus grande transparence et ouverture des activités de l'entreprise. L'objectif de cette proposition n'est certainement pas de créer une confusion des rôles entre entrepreneurs, syndicats et ONG, mais plutôt de contribuer à un enrichissement de tous les acteurs concernés grâce à une comparaison et à une réflexion sur des thèmes consensuels. Cette démarche ne peut que venir épauler leurs rôles traditionnels et ajouter des bénéfices à l'existant normatif sans en empêcher la progression.

9.9

Outre la protection qu'il offre aux plus vulnérables par le biais de la sécurité sociale, le modèle social européen se caractérise par le respect de la dignité humaine en tous lieux et en toutes circonstances. Dans l'Europe d'aujourd'hui, les droits de citoyenneté doivent pouvoir être exercés partout, y compris sur le lieu de travail. Les directives mentionnées en matière de droits et la directive sur les comités d'entreprise européens ont le grand mérite d'avoir harmonisé ces droits, en reconnaissant, au moins formellement, la dignité aux travailleurs de tous les États membres de l'Union. Le processus n'est pas encore achevé; il doit être renforcé et encouragé. La Commission est invitée à prendre en compte les nouveaux éléments apparus au cours des douze dernières années et à opérer des choix plus adéquats pour cimenter le sentiment d'appartenance à l'Union dans les États membres.

Bruxelles, le 13 septembre 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  COM(2006) 136 final.

(2)  Avis du CESE sur «L'application concrète de la directive sur les Comités d'entreprise européens (94/45/CE) ainsi que sur les aspects qui éventuellement nécessiteraient une révision» (Rapporteur: M. PIETTE), JO C no10 du 14 janvier 2004, p.11.

(3)  Doc. PE (A 5 028/2001).

(4)  Rapport final du Parlement européen A5-0282/2001 du 4 septembre 2001, sur la «Communication de la Commission sur l'application de la directive 94/45/CE du Conseil».

(5)  Voir note no 2.

(6)  Cf. doc. du 01.06.2004.

(7)  Cf. document du 18.06.2004 du CEEP: Answer to the first-stage consultation of the European social partners on the review of the European Work Councils Directive.

(8)  Cf. document du 01.06.2004.

(9)  Mémorandum syndical à l'attention de la Présidence luxembourgeoise de l'UE — CES, mars 2005.

(10)  Avis du CESE sur la «Communication de la Commission — L'Agenda social» (Rapporteuse: Mme Engelen-Kefer), JO C no 294 du 25 novembre 2005, p.14.

(11)  Ibidem.

(12)  Jeremy Waddington, University of Manchester: The views of EWC representatives for ETUI, Nov. 2005.

(13)  Mark Carley, Bargaining at European level, Joint texts negotiated by EWC, Dublin 2001.

(14)  Kerckhofs and Pas, EWC Database, ETUI-REHS (décembre 2004).

(15)  COM(2005) 120 final.

(16)  Avis du CESE sur «Le dialogue social et l'implication des travailleurs, clé pour anticiper et gérer les mutations industrielles», du 29 septembre 2005, rapporteur: M. ZÖHRER; JO C 24 du 31.1.2006, p. 90.

(17)  Avis du CESE sur «Portée et effets de la délocalisation d'entreprises» (Rapporteur: M. Rodriguez Garcia Caro), JO C no 294 du 25 novembre 2005, p. 9, paragraphe 4.5.10.

(18)  Voir l'art. 137 TCE; devenu l'art. III-210 du nouveau traité de Rome.

(19)  Celles sur la protection des travailleurs en cas de licenciements collectifs et de transfert d'entreprises (directives 98/59 et 2001/23), sur la protection de la santé des travailleurs au travail (directive 89/391 et directives particulières), sur l'implication des travailleurs en général (directive 2002/14) et dans certaines entreprises (directive 2001/86 sur l'implication des travailleurs dans la Société européenne, et directive 2003/72 sur l'implication des travailleurs dans la société coopérative européenne).

(20)  Art. II-87, «Droit à l'information et à la consultation des travailleurs au sein de l'entreprise», qui constitue la substance de l'article 21 de la Charte sociale européenne du Conseil de l'Europe, telle qu'amendée en 1996, ainsi que des points 17 et 18 de la Charte de la Communauté de 1989.

(21)  Cour de Justice, arrêt du 29.03.2001, affaire 62/99, Bofrost; et arrêt du 11.07.2002, affaire 440/2000, Kuehne.

(22)  Cf. le 7e considérant de la directive 2002/14.

(23)  Cf. le 9e considérant de la directive 2002/14.

(24)  Voir la directive no2001/86, mais aussi la directive no 2003/72, deuxième partie des dispositions de référence.

(25)  Avis du CESE «Le dialogue social et l'implication des travailleurs, clé pour anticiper et gérer les mutations industrielles», du 29 septembre 2005, rapporteur: M. ZOEHRER; JO C 24 du 31.1.2006, p. 90.

(26)  Enseignements sur les CEE du 7 avril 2005 de la CES, de l'UNICE, de l'Ueapme et du CEEP.

(27)  La protection des travailleurs en cas de licenciements collectifs ou de transfert d'entreprise, ainsi que la directive 2002/14.

(28)  Il ressort d'une étude sur les accords réalisée en avril 2004 par Infopoint, qu'un organe restreint de coordination n'a été prévu que dans 51 % des comités d'entreprise européens. Cette situation peut constituer un problème parce que la plupart des comités d'entreprise européens (71 % environ) ne tiennent qu'une seule réunion par an. L'absence d'organe restreint susceptible de garantir la continuité des relations entre les représentants des travailleurs des différents établissements et pays, la direction de l'entreprise et les fédérations européennes de syndicats peut être un handicap majeur pour le fonctionnement et l'efficacité du comité d'entreprise européen lui-même.

(29)  Recherche menée par NSZZ Solidarnosc, A. Matla, 2004.

(30)  Avis du CESE sur les «Instruments de mesure et d'information sur la Responsabilité sociale des entreprises dans une économie globalisée» (Rapporteuse: Mme PICHENOT), JO C no 286 du 17 novembre 2005, p. 12.

(31)  COM(2001) 264 final.

(32)  COM(2006) 136 final.

(33)  Avis CESE «La responsabilité sociale des entreprises» (Rapporteuse: Mme HORNUNG-DRAUS), JO C 125, du 27.05.2002.


23.12.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/147


Avis du Comité économique et social eurpéen sur «La participation de la société civile à la lutte contre le crime organisé et le terrorisme»

(2006/C 318/26)

Le 28 octobre 2005, la Commission a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur «La participation de la société civile à la lutte contre le crime organisé et le terrorisme».

La section spécialisée «Emploi, Affaires sociales et citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 13 juillet 2006 (rapporteurs: MM. RODRÍGUEZ GARCÍA-CARO, PARIZA CASTAÑOS et CABRA DE LUNA).

Lors de sa 429e session plénière des 13 et 14 septembre 2006 (séance du 13 septembre 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 182 voix pour, 6 voix contre et 11 abstentions.

1.   Introduction

1.1

Mme WALLSTRÖM, vice-présidente de la Commission européenne, a demandé au CESE d'élaborer un avis exploratoire sur «les conditions et priorités de la participation de la société civile et le rôle de la collaboration public-privé dans la lutte contre le crime organisé et le terrorisme», question qui revêt la plus grande importance politique et sociale en Europe, estimant que le CESE est un acteur-clé. Bien que le terrorisme et le crime organisé soient des problèmes de nature différente, l'avis porte sur les deux questions, comme l'a demandé la Commission.

1.2

Le Programme de La Haye est le cadre politique général qui définit les politiques de l'UE en matière de liberté, de sécurité et de justice. Le CESE a adopté un avis (1) dans lequel il affirme: «Le CESE souhaite que la politique de sécurité soit efficace et défende les citoyens dans une société libre et ouverte, placée sous l'autorité de la loi et de la justice, dans le cadre d'un état de droit». Dans cet avis, le CESE affirme que les politiques européennes de sécurité doivent être équilibrées et respecter la liberté et la défense des droits fondamentaux.

1.3

Dans les perspectives financières, il est prévu de développer de vastes programmes de lutte contre le terrorisme et la criminalité. Le CESE a adopté un avis (2) dans lequel il déclare «La protection des droits fondamentaux, des libertés et de la sécurité est de la responsabilité de tous».

1.4

La Commission a récemment publié une communication intitulée «Le recrutement des groupes terroristes: combattre les facteurs qui contribuent à la radicalisation violente»  (3), qui présente les objectifs à atteindre pour prévenir le recrutement par les groupes terroristes.

1.5

Le présent avis, comme l'a demandé Mme WALLSTRÖM, vice-présidente, traite de la sécurité du point de vue de la participation de la société civile et de la collaboration public-privé. Ce terme peut toutefois prêter à confusion car «société civile» se réfère à des organisations sociales autres que les entreprises privées. La collaboration entre les entreprises et acteurs privés et les pouvoirs publics est fondamentale du point de vue opérationnel et du point de vue de la sécurité. La société civile joue un rôle fondamental en promouvant les valeurs de l'État de droit et en contribuant activement à la vie démocratique.

2.   Conclusions

2.1

La société civile joue un rôle fondamental en promouvant les valeurs de l'État de droit et en contribuant activement à la vie démocratique. Les organisations de la société civile en Europe jouent un rôle très positif sur le plan social et promeuvent une citoyenneté européenne active et une démocratie participative. Elles ne peuvent ni ne doivent toutefois pas se substituer aux autorités nationales et européennes pour les politiques opérationnelles.

2.2

Le CESE ne peut accepter que les terroristes et les délinquants puissent échapper à la justice du fait que les frontières intérieures de l'UE bloquent l'action des autorités policières et judiciaires. Le CESE invite les institutions de l'Union et les États membres à élaborer et appliquer une stratégie commune en matière de lutte contre le terrorisme en lieu et place de la situation actuelle de prise de décisions «à chaud».

2.3

Le CESE estime que la situation actuelle de simple coopération intergouvernementale est largement insuffisante et souvent inefficiente. Il soutient donc la résolution du Parlement européen visant à appliquer aux questions de sécurité le principe de la majorité qualifiée au lieu de la règle de l'unanimité et à adopter la méthode communautaire dans la prise de décisions. En matière de sécurité, il faut «davantage d'Europe».

2.4

Le CESE propose qu'Europol devienne une agence européenne sous couvert d'une autorité politique ou judiciaire de niveau européen, dont le rôle dépasserait le simple rôle de coordinateur qu'elle joue actuellement, dotée le plus rapidement possible de sa propre capacité opérationnelle pour enquêter sur tout le territoire de l'UE en collaboration avec les autorités policières des États membres.

2.5

Le CESE soutient l'initiative du Parlement européen, qui recommande aux États membres de modifier leurs règles pénales afin que les délits de terrorisme cités dans la décision cadre soient considérés comme imprescriptibles. Le CESE souhaite que le Tribunal pénal international soit compétent pour les délits de terrorisme.

2.6

Le CESE propose de lancer des programmes scolaires au niveau européen et des activités formatrices chez les jeunes pour qu'ils aient une formation civique promouvant les valeurs démocratiques, l'égalité, la tolérance et la compréhension de la diversité culturelle, afin de disposer d'un bagage leur évitant de tomber dans les filets de ceux qui promeuvent des idées radicales et violentes.

2.7

Dans la lutte contre la radicalisation violente, l'UE et les États membres doivent consulter les organisations de la société civile qui oeuvrent activement à la promotion du dialogue entre religions et cultures et luttent contre le racisme, la xénophobie, l'intolérance et l'extrémisme violent afin de réduire les tensions qui favorisent la radicalisation et la violence. La création de plates-formes de collaboration public-privé à l'échelon local peut être un bon instrument pour traiter, entre autres, ces questions. L'UE et les États membres doivent favoriser et promouvoir la création de ces plates-formes.

2.8

Le CESE propose aux institutions européennes d'élaborer un cadre législatif de règles minimales garantissant la protection et la reconnaissance des victimes du terrorisme. De même, il propose de définir des standards, des recommandations, des bonnes pratiques et des lignes directrices pour la protection des victimes du terrorisme, afin d'orienter et de guider l'action des États en la matière.

2.9

Le CESE souligne une fois encore la nécessité pour l'UE de disposer d'une législation commune pour indemniser les victimes de la criminalité.

2.10

Le CESE exige que soient appliquées sans plus attendre les recommandations du Groupe d'action financière internationale sur le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Il invite donc les États membres à faire en sorte que ces recommandations soient suivies au travers des mesures juridiques adéquates.

2.11

Le Comité lance un appel aux médias, notamment aux médias publics, afin qu'ils définissent des codes de conduite adéquats et coopèrent avec les pouvoirs publics pour, tout en respectant la liberté de la presse, garantir la protection de la dignité et de l'intimité des victimes et éviter de traiter l'information sous un angle pouvant favoriser la propagande des groupes terroristes.

2.12

Le CESE soutien la création de la plate-forme européenne pour la collaboration public-privé proposée par la Commission et estime qu'il est indispensable de se donner les moyens de tirer tous les effets des collaborations public/public entre les États membres et entre l'Union et les États membres. Il considère en effet qu'il est indispensable de créer un vaste mouvement de collaboration pour favoriser les synergies dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, sans pour autant empiéter sur les prérogatives de conseil du CESE dont c'est la vocation. Au paragraphe 13.4.2 du présent avis, le Comité présente les principaux objectifs que doit, selon lui, remplir la collaboration public-privé.

3.   Les valeurs et principes de l'Union européenne

3.1

Le projet de Traité constitutionnel définit les valeurs, principes et objectifs de l'UE. La Charte des droits fondamentaux garantit l'équilibre entre la sécurité et la liberté ainsi que les droits universels, y compris le droit à la protection des données à caractère personnel.

3.2

Le principal risque pour les systèmes démocratiques, leur stabilité et leur développement, ne provient pas des attaques extérieures mais de la perte de la vitalité, du dynamisme et du soutien social des institutions elles-mêmes.

3.3

La grande réussite de l'Europe est d'être parvenue à instaurer un État de droit, qui est la meilleure façon d'organiser le pouvoir de manière démocratique.

3.4

«État de droit social» signifie que l'exercice du pouvoir est soumis au droit et à l'autorité de la loi, à une exigence croissante de légitimité démocratique. Cela signifie également l'accès de tous les citoyens aux biens et services dans le respect de l'égalité des chances et de traitement.

4.   Le terrorisme et le crime organisé sont des attaques contre l'État de droit

4.1

Le terrorisme est l'un des principaux problèmes au monde. À l'heure actuelle, c'est un problème crucial pour l'Europe. Nous, Européens, souffrons de ce fléau. Le terrorisme a plusieurs origines idéologiques. Le terrorisme international d'idéologie islamiste radicale, particulièrement dangereux, a sévi au cours des dernières années. Il est très difficile de trouver une définition du terrorisme qui soit valable sur le plan international. C'est pourquoi le présent avis se fonde sur la définition adoptée par le Conseil le 13 juin 2002 (4).

4.2

De nombreux réseaux criminels (5) très puissants agissent également sur le territoire de l'UE. Certains opèrent à l'échelle nationale mais les plus dangereux ont une dimension européenne et internationale. A ce sujet, l'ONU a adopté une Convention internationale, en 2002, à Palerme (6).

4.3

Le terrorisme et le crime organisé mettent en jeu et affaiblissent la nature même de l'État: le monopole légitime de l'utilisation de la force. Nous, citoyens européens, savons que le terrorisme est une menace réelle contre laquelle nous devons lutter, mais nous percevons moins bien les risques du crime organisé, qui s'infiltre dans nos institutions et dans notre société, est doté d'une grande capacité d'influence et de corruption et a des conséquences dévastatrices aussi bien sur le plan économique que social.

4.4

Les organisations terroristes et le crime organisé utilisent des procédés similaires pour blanchir l'argent via le système financier et le secteur de l'immobilier, notamment. Le crime organisé a une forte capacité de corruption qu'il essaie de mettre en œuvre auprès des autorités politiques et administratives et parfois également des organisations de la société civile.

4.5

Certains domaines d'activité sont communs, sur le plan international, au terrorisme et au crime organisé: le trafic d'armes et le trafic de drogue. Le phénomène de l'extorsion est un bon exemple de la convergence entre le terrorisme et le crime organisé. Souvent, les groupes terroristes agissent comme des organisations mafieuses qui financent leurs actes de barbarie par des activités criminelles: trafic de stupéfiants, d'armes et d'êtres humains, fraude à la carte de crédit, attaques à main armée, vol et extorsion à l'encontre de professionnels libéraux et de chefs d'entreprises, jeu clandestin et autres formes de délits.

4.6

Le terrorisme et le crime organisé sont des problèmes de nature différente. Le terrorisme a des objectifs politiques et les sociétés européennes en souffrent à certains moments de leur histoire, alors que le crime organisé est un problème d'ordre public qui affecte la société en permanence.

4.7

Bien qu'ils diffèrent dans leurs origines et leurs objectifs, le terrorisme et le crime organisé ont un intérêt commun: détruire ou affaiblir l'État de droit pour atteindre leurs objectifs respectifs.

4.7.1

Les organisations terroristes qui opèrent dans certains pays européens cherchent à atteindre leurs objectifs politiques au travers de la terreur, du crime, de la menace et de l'extorsion, mais elles savent que leur projet totalitaire ne se réalisera véritablement que lorsque l'État de droit et l'autorité de la loi seront détruits ou affaiblis.

4.7.2

Le crime organisé entend réduire et limiter l'espace de l'État de droit et élargir le territoire de l'impunité, du non droit. Il entend développer une société parallèle, en marge de la loi et de la justice, sous l'autorité des mafias et des réseaux criminels.

4.7.3

Les frontières entre l'État de droit et l'impunité sont parfois floues. Dans certains endroits en Europe, les terroristes et leurs réseaux sociaux ainsi que le crime organisé ont réussi à affaiblir l'État via la terreur et la corruption d'une partie du système politique.

4.7.4

L'État de droit est la réponse aux problèmes posés par le terrorisme et le crime organisé: l'équilibre entre liberté et sécurité, l'action conjointe de la police et des tribunaux, la coopération européenne et internationale, l'engagement actif des citoyens et de la société civile.

4.7.5

Il importe que la société et les pouvoirs publics ne cèdent pas et n'abandonnent pas dans la lutte contre les terroristes et le crime organisé. Les possibilités d'atteindre leurs objectifs favorisent la continuité des organisations terroristes et la société et les pouvoirs publics doivent donc partir du principe que les terroristes échoueront.

5.   La société civile face au terrorisme et au crime organisé

5.1

Le terrorisme est une très grave violation des droits de l'Homme car il porte directement atteinte à la vie et à la liberté.

5.2

C'est à l'État qu'il revient de mener la lutte opérationnelle contre le terrorisme et le crime organisé, car c'est à lui d'assurer la liberté et la sécurité des citoyens. Cette responsabilité revient tout particulièrement à la police et aux juges. Les interventions de l'État doivent respecter l'équilibre adéquat entre la liberté et la sécurité, respecter les valeurs fondamentales (droits de l'homme et libertés publiques) et les valeurs démocratiques (État de droit) car, comme le CESE l'a déjà signalé dans un autre avis (7), «l'histoire nous a démontré que les sociétés ouvertes et libres sont plus efficaces en matière de défense de la sécurité».

5.3

La société civile renforce en permanence la démocratie et les valeurs de l'État de droit et combat ainsi le terrorisme et le crime organisé au sein de la société afin d'empêcher et de prévenir son développement ainsi que de réduire ses effets. Les organisations de la société civile ne peuvent ni ne doivent se substituer aux autorités nationales et européennes pour les politiques opérationnelles.

5.4

Aucune idéologie ni aucune cause ne justifient le crime, la terreur et l'extorsion. Le recours à la terreur pour atteindre des objectifs politiques n'est pas légitime. Le terrorisme ne défend aucune cause et rien ne le justifie. Il convient de poursuivre une lutte incessante contre la légitimation politique et sociale du terrorisme, contre les considérations politiques radicalisées qui voient dans le terrorisme un instrument supplémentaire de l'action politique.

5.5

De nombreux citoyens européens ne perçoivent pas la gravité de la menace terroriste et certains secteurs sont même dubitatifs. Les citoyens ont le droit de recevoir l'information adéquate sur les risques en matière de sécurité et de faire pression sur les pouvoirs publics pour qu'ils soient plus efficaces en matière de lutte contre le terrorisme et le crime organisé.

5.6

Les organisations de la société civile en Europe jouent un rôle très positif sur le plan social et promeuvent une citoyenneté européenne active et une démocratie plus participative.

5.7

Les systèmes politiques dépendent de leur propre vitalité interne. La vitalité de l'Europe est la culture démocratique de la société. Les institutions et les systèmes politiques ont besoin que la société leur insuffle en permanence de la vitalité; les citoyens et la société civile soutiennent et appuient l'État de droit social, qui doit garantir et protéger leur liberté et leur bien-être social.

5.8

L'histoire européenne du XXème siècle nous enseigne toutefois que les valeurs politiques de la démocratie sont très vulnérables. Les citoyens et les organisations de la société civile doivent défendre les valeurs et les principes sur lesquels repose l'Europe démocratique.

5.9

La démocratie participative et l'État de droit ne peuvent ni durer ni se transformer sans l'impulsion des citoyens et de leurs organisations. La société civile, au travers des activités de ses organisations, donne en permanence un nouveau souffle à l'État social et démocratique de droit face au relativisme et à la radicalisation.

5.10

Une partie des citoyens n'est pas suffisamment engagée: il existe une certaine absence de conscience de la société face à la prostitution, au trafic de drogue, au blanchiment d'argent, à la contrefaçon de produits de consommation, etc.

5.11

Les citoyens et les organisations de la société civile peuvent être plus actifs dans la lutte contre le crime organisé, car celui-ci a une forte capacité de corrompre les systèmes politiques.

6.   L'Europe, un espace de liberté, de sécurité et de justice

6.1

Le Programme de La Haye définit les objectifs de l'UE afin qu'elle devienne un espace commun de liberté, de sécurité et de justice, mais nous sommes encore loin de cet objectif.

6.2

En attendant, les criminels et les terroristes profitent de cette faiblesse de l'Europe pour échapper à l'action de la justice. La liberté de circulation des personnes, des capitaux et des marchandises permet aux délinquants de profiter de la porosité des frontières alors que l'action policière et judiciaire, elle, est toujours limitée par les frontières.

6.3

Le CESE ne peut accepter que les terroristes et les délinquants puissent échapper à la justice du fait que les anciennes frontières intérieures existent toujours pour l'action des autorités policières et judiciaires.

6.4

L'UE doit élaborer une stratégie commune en matière de lutte contre le terrorisme. La Commission et le Conseil doivent en permanence maintenir une impulsion politique et dépasser la situation actuelle de prise de décisions «à chaud». La coopération policière et judiciaire en Europe est très limitée puisqu'il existe des instruments juridiques et opérationnels qui sont insuffisants dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé. La plupart des instruments sont entre les mains des États et font partie, dans le Traité, du «Troisième pilier de l'UE», à savoir du domaine intergouvernemental.

6.5

La stratégie européenne de sécurité doit opérer dans le cadre communautaire et prendre le dessus sur la situation actuelle de simple coopération intergouvernementale. Le fait que ces thèmes fassent toujours partie du Troisième pilier de l'UE réduit leur efficacité et leur portée globale. Le CESE demande au Conseil de créer un cadre juridique commun, global et cohérent pour les politiques de sécurité. Il est possible d'utiliser l'article 42 du Traité sur l'Union européenne, tel que l'a proposé le Parlement européen (8) et de remplacer la règle de l'unanimité par celle de la majorité qualifiée.

6.6

Les frontières extérieures sont utilisées en permanence par les organisations criminelles pour leurs activités. Le Code douanier de l'UE doit être utilisé plus efficacement par les services de contrôle et en premier lieu par les douanes elles-mêmes et leurs services d'Assistance Administrative Mutuelle Internationale. Il doit prévoir une harmonisation des incriminations et des sanctions sur l'ensemble du territoire douanier communautaire, ainsi que la généralisation du droit de poursuite (continuité extraterritoriale de la poursuite au sein de l'UE) et la reconnaissance mutuelle des jugements prononcés. Le CESE a proposé, dans d'autres avis, la création d'un corps de gardes-frontières européen (9).

6.7

Les États membres doivent renforcer l'échange d'informations entre les services de renseignement et de sécurité sur l'existence de menaces contre la sécurité intérieure et extérieure de l'UE. Ils doivent mettre en commun leurs analyses stratégiques de la menace terroriste et élaborer des programmes conjoints pour la protection des infrastructures de base.

6.8

Le principe de disponibilité de l'information est très important pour améliorer l'efficacité policière. Ce principe instaure une nouvelle approche pour l'amélioration de l'échange transfrontalier de l'information policière dans l'UE, fondée sur la faculté d'un fonctionnaire de police d'un état membre d'obtenir d'un autre état membre toute l'information dont il aurait besoin pour mener à bien ses investigations (10). Sa mise en oeuvre exigera un degré de confiance élevé entre les autorités policières des différents États membres. Or, le manque de confiance, dont il conviendrait d'analyser les causes et d'en rendre compte auprès de la société civile, a été l'un des facteurs décisifs qui ont freiné la coopération au niveau européen jusqu'à présent.

6.9

Il est nécessaire de renforcer le rôle de l'UE et de développer la stratégie européenne de sécurité dans le cadre communautaire afin d'améliorer son efficacité et sa transparence. En matière de sécurité, il faut «davantage d'Europe». Le CESE a proposé (11) que soit adoptée, en matière de sécurité, la méthode communautaire, qui confère à la Commission le droit d'initiative et au Parlement la capacité de codécision. Il faut également que le Conseil abandonne la règle de l'unanimité au profit de la majorité et que la Cour de justice dispose de compétences en la matière.

6.10

Europol doit dépasser son simple rôle de coordinateur et avoir une capacité opérationnelle. Le CESE propose qu'Europol devienne une agence disposant d'une capacité opérationnelle et étant en mesure d'enquêter sur l'ensemble du territoire de l'UE. Le Programme de La Haye préconise d'intensifier dans la pratique la coopération et la coordination entre les autorités policières, judiciaires et douanières au niveau national, mais également entre ces instances et Europol. Les États membres doivent promouvoir Europol en tant qu'agence européenne et lui donner les moyens pour qu'elle puisse, aux côtés d'Eurojust, jouer un rôle décisif dans la lutte contre le crime organisé et le terrorisme. Il est inacceptable que les protocoles modifiant la Convention Europol n'aient pas encore été ratifiés et mis en oeuvre par tous les États membres (12). C'est une question particulièrement urgente à régler si l'on veut réellement doter Europol des moyens nécessaires pour qu'elle puisse fonctionner effectivement comme pierre angulaire de la coopération policière européenne. À compter du 1er janvier 2006, Europol remplacera ses rapports annuels sur la situation en matière de criminalité dans l'Union européenne par des «évaluations annuelles de menace en matière de grande criminalité organisée».

6.11

Eurojust a pour objectif de coordonner les autorités judiciaires nationales dans la lutte contre le crime organisé et le terrorisme mais, en dépit des progrès réalisés depuis sa création, l'on est encore loin d'atteindre les objectifs fixés. Eurojust dispose de moyens juridiques et de ressources économiques limités. De plus, les engagements diffèrent d'un État membre à l'autre: dans certains pays, les lois ne promeuvent pas suffisamment la coopération judiciaire.

6.12

Le CESE propose, au travers d'Eurojust, d'améliorer l'efficacité des travaux d'enquête conjointe des juges et procureurs dans l'UE, dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé. Les informations fournies par les enquêtes nationales doivent être transmises à Eurojust, qui doit créer une solide base de données européenne.

6.13

La coopération judiciaire en matière pénale est indispensable mais, à l'heure actuelle, les relations entre les autorités judiciaires sont basées sur la méfiance. Il n'existe ni «culture judiciaire européenne» ni normes minimales communes en matière pénale. En tant que citoyens, nous devons être intransigeants avec les institutions de l'UE et les États membres lorsque nous réclamons une coopération judiciaire maximale entre tous les États et nous devons exiger qu'aucun terroriste ou délinquant ne puisse se soustraire à la justice du fait d'un manque de compréhension ou de l'absence de procédures de coopération.

6.14

Le CESE soutient l'initiative du Parlement européen, qui recommande aux États membres de modifier leurs règles pénales afin que les délits de terrorisme cités dans la décision cadre soient considérés comme imprescriptibles. En ce sens, le CESE (13) souhaite fermement que le Tribunal pénal international soit compétent pour les délits de terrorisme.

6.15

La situation actuelle est incompréhensible et inacceptable pour les citoyens. Il est en effet incompréhensible que les initiatives soient bloquées car les États membres font passer les prérogatives des États avant les priorités de la lutte conjointe contre le terrorisme et le crime organisé. Les citoyens européens ne comprennent pas cette dispersion des outils et instruments dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé dans l'UE. Le coordinateur de la lutte contre le terrorisme du Conseil, le commissaire chargé de la justice, de la liberté et de la sécurité, Europol, Eurojust, etc. sont autant d'éléments non coordonnés pour un même objectif.

6.16

La dispersion des ressources est le premier ennemi de l'efficacité. Eurojust et Europol doivent dépasser les problèmes qu'ils rencontrent actuellement au niveau de leur collaboration et renforcer leurs équipes conjointes de recherche. Les services de renseignement doivent améliorer les procédures de transmission de l'information au sein d'Europol. L'OLAF doit collaborer avec Europol et Eurojust dans les enquêtes criminelles. Il faut que les différents services et agences échangent leurs informations et leurs enquêtes afin d'améliorer l'efficacité de leurs activités de lutte contre le crime.

6.17

Le terrorisme étant une menace mondiale, la lutte contre ce fléau concerne également la politique extérieure et de sécurité de l'UE. La coopération internationale et le multilatéralisme efficace sont des questions essentielles. Pour le CESE, il est indispensable que les efforts de l'UE en matière de lutte contre le terrorisme et le crime organisé soient complémentaires des efforts similaires menés au sein des organisations régionales partageant les valeurs et intérêts de l'UE. Il est donc important de rappeler qu'il convient de chercher des synergies et des formules de renforcement de la coopération avec des organisations telles que l'ONU, l'OSCE et le Conseil de l'Europe, dans des domaines où chacune de ces entités apporte une valeur ajoutée aux objectifs définis dans les politiques de lutte contre le terrorisme et le crime organisé de l'UE.

6.18

Pour limiter tout risque de radicalisation, l'UE doit lancer une politique extérieure prônant les valeurs de la démocratie, de la paix, le dialogue entre les différentes cultures, la lutte contre la pauvreté et la corruption, l'extension des droits de l'homme dans le monde, ainsi que la coopération internationale dans le cadre des Nations Unies.

7.   Le rôle de la société civile dans la prévention de la radicalisation violente

7.1

Les organisations de la société civile sont l'expression du droit démocratique des citoyens à s'associer pour s'engager, par exemple sur le plan social, politique ou culturel. Dans le développement de leurs activités, les organisations de la société civile sont des acteurs clés dans la prévention du terrorisme, car elles promeuvent la cohésion sociale et agissent contre les facteurs qui contribuent à la radicalisation violente. Elles doivent obtenir les moyens de leurs actions pour diffuser l'enseignement des valeurs européennes.

7.2

Les terroristes n'appartiennent ni à une classe sociale ni à une classe d'âge prédéterminée. Certains secteurs de la société peuvent donc devenir des groupes vulnérables. La pauvreté, l'échec scolaire, le manque de débouchés professionnels, la discrimination, le manque de valeurs civiques, les conflits d'identité, l'exclusion sociale, etc. forment un terrain propice au développement des frustrations. Les sectes, l'extrémisme religieux, les groupes terroristes et les organisations criminelles jettent leurs filets dans ces eaux pour recruter leurs adeptes.

7.3

Le CESE est globalement d'accord avec la communication de la Commission (14) intitulée «Le recrutement des groupes terroristes: combattre les facteurs qui contribuent à la radicalisation violente». C'est également l'angle de travail qu'ont adopté les organisations de la société civile.

7.4   Le CESE souhaite souligner les aspects les plus importants

7.4.1

Les programmes destinés aux jeunes scolarisés sont les plus importants, afin d'éviter qu'ils tombent dans les réseaux prônant des idées radicales et violentes. Il faut lancer des programmes scolaires au niveau européen et des activités formatrices chez les jeunes pour qu'ils aient une formation civique promouvant les valeurs démocratiques, l'égalité, la tolérance et la compréhension de la diversité culturelle.

7.4.2

La stratégie européenne en faveur de l'emploi et les objectifs de Lisbonne doivent renforcer les politiques promouvant l'intégration professionnelle des personnes et des minorités les plus vulnérables.

7.4.3

La société civile et les pouvoirs publics doivent agir avec beaucoup de pédagogie afin que tous, quelle que soit leur origine, disposent de l'information et de la formation adéquates sur les valeurs de pluralisme, de liberté de conscience et de religion, d'égalité entre les sexes, de tolérance, de laïcité de l'État, etc. qui sont à la base de la démocratie et de l'État de droit en Europe.

7.4.4

Le CESE a élaboré de nombreuses propositions visant à faire de l'intégration un objectif prioritaire de la politique communautaire d'immigration (15).

7.4.5

Les leaders d'opinion et les médias peuvent apporter une contribution positive à l'intégration, en choisissant des perspectives équilibrées dans les informations qu'ils délivrent.

7.4.6

Les sociétés européennes d'aujourd'hui sont interculturelles et plurielles. Les minorités nationales, ethniques ou religieuses souffrent cependant de très nombreux problèmes de racisme, de xénophobie et de discrimination.

7.4.7

Il existe en Europe des organisations sociales très actives qui promeuvent le dialogue entre religions et cultures et luttent contre l'intolérance, le racisme, la xénophobie et l'extrémisme violent.

7.4.8

Les pouvoirs publics doivent consulter ces organisations et instaurer des systèmes de coopération pour réduire les tensions favorisant la radicalisation et la violence. Les entreprises, les syndicats et l'ensemble des organisations de la société civile jouent un rôle essentiel dans la formation, l'intégration et la lutte contre la discrimination.

7.5

Le CESE se félicite de l'élaboration de programmes de recherche et d'analyse relatifs aux processus sociaux de radicalisation violente, au terrorisme et au crime organisé, et propose à la Commission de mettre des fonds à disposition pour aider les groupes de réflexion, les universités et les centres de recherche.

8.   La considération envers les victimes

8.1

Les victimes du terrorisme subissent dans leur chair une violence destinée à la société dans son ensemble et aux valeurs qu'elle représente. Les victimes reflètent le véritable visage du terrorisme et sont la première voix et la première ligne de la société face à ce fléau. Les victimes sont les mieux placées pour promouvoir l'indispensable engagement de la société contre le terrorisme et pour élaborer une réponse civique. Elles représentent aussi le principal élément pouvant discréditer et isoler les terroristes sur les plans politique et moral.

8.2

Reconnaître davantage les victimes, et leur mémoire, c'est défendre la démocratie et l'État de droit, pour que l'Europe soit une société libre et ouverte.

8.3

Les victimes représentent, d'une manière ou d'une autre, ce que les terroristes et le crime organisé ne peuvent supporter: le pouvoir légitime et démocratique soumis à l'autorité de la loi. La société civile doit transmettre cette pédagogie sociale et politique afin que les citoyens accordent aux victimes la reconnaissance sociale et politique nécessaire: il faut revitaliser en permanence la démocratie et l'État de droit.

8.4

La protection des victimes est une mesure de prévention efficace. Les victimes du terrorisme méritent tout le respect, le soutien et l'aide des citoyens et des institutions. L'injustice de la situation qu'elles ont vécue et les séquelles qu'elle a laissées doivent être palliées par une action déterminée de la société civile, des pouvoirs publics nationaux et de l'UE qui satisfasse leurs besoins et veille à ce que leur souffrance soit aussi limitée que possible.

8.5

Le CESE propose à l'UE les mesures suivantes pour la protection et la reconnaissance des victimes du terrorisme et leurs familles:

8.5.1

Il convient d'élaborer un cadre législatif de règles minimales garantissant le droit à la dignité, le respect de la vie privée et familiale, le droit à la compensation économique, le droit à l'assistance médicale, psychologique et sociale, le droit à l'accès effectif à la justice et à la protection juridique, le droit à la réinsertion professionnelle et sociale ainsi qu'à la formation professionnelle et universitaire conduisant à l'égalité des compétences face à l'emploi.

8.5.2

Il faut définir des standards, des recommandations, des bonnes pratiques et des lignes directrices pour la protection des victimes du terrorisme, afin d'orienter et de guider l'action des États en la matière. La Commission devrait disposer de fonds pour aider les associations de victimes du terrorisme à créer des réseaux à l'échelle européenne.

8.6

Par ailleurs, nous ne devons pas oublier les autres victimes, qui restent anonymes car les médias font moins écho de leur situation. Il s'agit des victimes des organisations criminelles qui attentent aux droits de l'Homme dans la même mesure que les organisations terroristes. Ce sont les victimes d'extorsion, de vol, de la drogue, du trafic d'êtres humains, de la prostitution, de la traite des femmes, ainsi que les victimes de l'exploitation illégale au travail.

8.7

Toutes les victimes du crime doivent faire l'objet d'une attention particulière de la part des pouvoirs publics et de la société civile. Le CESE, dans ses avis (16), a soutenu le principe selon lequel l'UE devrait disposer d'une législation commune pour indemniser les victimes de la criminalité. Les compagnies d'assurance et les mutuelles doivent s'engager davantage et inclure dans leurs polices des formules adéquates pour une meilleure couverture des victimes.

9.   Le financement du terrorisme et du crime organisé

9.1

Le Comité a élaboré divers avis (17) dans lesquels il présente ses propositions afin d'améliorer la collaboration public-privé en matière de lutte contre le financement du terrorisme et des organisations criminelles. Ce sont les établissements financiers qui doivent prendre le plus d'engagements.

9.2

Le CESE a récemment élaboré deux avis (18) sur les obligations des établissements financiers visant à garantir une plus grande transparence dans les transactions financières pour compliquer les activités illégales. Le CESE demande aux États membres de faire en sorte, via les mesures juridiques adéquates, que les établissements privés et les organismes à but non lucratif susceptibles de faire partie du circuit par lequel transite l'argent servant au financement des actions terroristes respectent les recommandations du Groupe d'action financière internationale (GAFI) (19) sur le blanchiment de capitaux et sur le financement du terrorisme. Cela ne doit toutefois pas aboutir à faire peser des soupçons généralisés sur l'ensemble des citoyens appartenant à des organisations de la société civile.

9.3

Le secteur de l'immobilier est de plus en plus le refuge de nombreux fonds provenant du terrorisme et des réseaux de crime organisé. Parfois, les pouvoirs publics locaux sont également corrompus par ces groupes. Les entreprises de l'immobilier, les grands constructeurs et les acteurs du secteur doivent collaborer avec les pouvoirs publics nationaux afin d'empêcher que ce secteur serve de refuge à l'argent sale et afin de prévenir le blanchiment de capitaux par les terroristes et le crime organisé.

9.4

Le marché international des œuvres d'art, de la philatélie et des antiquités devient de plus en plus un refuge pour l'argent provenant des activités criminelles. Les entreprises qui travaillent dans ce domaine doivent coopérer plus activement avec les pouvoirs publics pour rendre ce marché plus transparent.

9.5

L'UE doit disposer d'instruments juridiques et administratifs communs afin de collaborer avec les États membres dans la lutte contre ces activités illégales. Le Conseil de l'UE doit veiller à ce que chaque État membre dispose d'une législation pénale adaptée, dans le cadre de règles communautaires minimales, l'autorisant à condamner le financement du terrorisme et du crime organisé.

9.6

Le plan d'action de l'UE pour la lutte contre le terrorisme (20) prévoit des mesures de coordination des cellules de renseignement fiscal et financier, qui doivent être renforcées. Tous les États membres doivent agir efficacement et parvenir à une bonne coordination au sein du Conseil.

10.   Internet et téléphonie mobile

10.1

Les opérateurs d'Internet et de téléphonie mobile doivent coopérer avec les pouvoirs publics dans le respect des lois obligeant à conserver les données des communications sur Internet (pas le contenu des messages).

10.2

Il en va de même en ce qui concerne l'obtention des données personnelles lors de l'achat de cartes pour les téléphones portables, car des groupes terroristes et des réseaux criminels se cachent derrière l'anonymat de certains services de courrier électronique ou de cartes prépayées pour les téléphones portables afin de communiquer discrètement, voire de déclencher des engins explosifs à distance. Le CESE a élaboré des avis (21) à ce sujet et le Parlement européen a adopté un rapport (22) soutenu par le CESE.

10.3

La société européenne est très vulnérable face à la cyber-criminalité: les organisations criminelles ont de plus en plus recours à Internet pour leurs activités délictueuses.

10.4

Internet devient de plus en plus indispensable au bon fonctionnement des sociétés européennes, aux entreprises et aux particuliers, aux prestataires de services essentiels et aux administrations publiques, de même qu'à la police et à la justice. L'Europe est donc confrontée à un nouveau risque: le cyber-terrorisme qui peut anéantir le fonctionnement de la société.

10.5

Les fournisseurs d'accès doivent renforcer leurs systèmes de sécurité et collaborer avec la police et la justice dans la lutte contre ces nouveaux délits.

11.   Les médias

11.1

Les médias ont le droit et le devoir d'informer objectivement et ils doivent éviter les optiques pouvant intéresser les organisations terroristes. Ils doivent aussi éviter de diffuser des images et informations contraires à l'intimité et à la dignité des victimes. Il doivent tout particulièrement protéger les jeunes. Les médias publics doivent montrer l'exemple.

11.2

Les médias peuvent définir des codes de conduite adéquats et coopérer avec les pouvoirs publics pour garantir la protection de la dignité et de l'intimité des victimes et pour éviter de traiter l'information sous un angle pouvant favoriser la propagande des groupes terroristes.

11.3

La Commission organise actuellement une conférence européenne regroupant les principaux médias. Le CESE estime qu'il s'agit d'une bonne occasion d'échanger les bonnes pratiques, d'instaurer des systèmes d'autorégulation, de contribuer à la sensibilisation de l'opinion publique européenne et de donner une image constructive de l'UE.

12.   Les infrastructures critiques

12.1

Les terroristes essaient également d'atteindre leurs objectifs criminels en s'attaquant aux infrastructures stratégiques et aux services publics indispensables. Ainsi, les moyens et réseaux de transport, les réseaux et opérateurs dans le domaine de l'énergie, l'approvisionnement en eau potable, les systèmes et les opérateurs de téléphonie et de télécommunications, les lieux très fréquentés, etc. sont des cibles des terroristes.

12.2

De nouvelles menaces terroristes pèsent sur les sociétés européennes: les risques radiologiques et nucléaires, chimiques, biologiques et bactériologiques, qui, de l'avis de la plupart des experts, sont des menaces actuelles. Les secteurs qui utilisent ces produits doivent renforcer leurs systèmes de sécurité et coopérer efficacement avec la police.

12.3

Le CESE félicite la Commission pour son excellente initiative concernant le programme de recherche sur la sécurité (SRC '06) et appelle à poursuivre le financement de projets de recherche conjoints impliquant le secteur public et le secteur privé pour améliorer la sécurité dans l'espace commun de l'UE.

12.4

Ce programme doit toutefois s'appliquer également à nos partenaires, dans le cadre de la politique européenne de voisinage avec les pays de l'Est et du Sud (Bassin méditerranéen).

12.5

Le secteur privé devrait être prêt à mettre ses moyens à la disposition des pouvoirs publics en cas de crise, pour aider à gérer les éventuelles conséquences catastrophiques des attentats terroristes. Dans cette perspective, il conviendrait d'identifier les domaines dans lesquels la société civile organisée pourrait apporter une valeur ajoutée complémentaire en cas de crise et de mettre en place des accords et conventions permettant d'activer un mécanisme efficace de gestion conjointe de crise.

12.6

La capacité de prévention et de réaction est fonction de la qualité de l'information et de la gestion des connaissances et de la capacité à anticiper les évènements futurs. L'ensemble des acteurs concernés doit être impliqué pour relever les défis du terrorisme et du crime organisé. Il est donc nécessaire que l'information leur soit correctement transmise.

12.7

Les responsables compétents des entreprises et des organisations de la société civile (notamment dans les domaines stratégiques) doivent recevoir les informations disponibles en matière de terrorisme et de crime organisé lorsque cela concerne leur domaine de compétences ou de responsabilités, afin de pouvoir se préparer et prévenir les menaces.

13.   La plate-forme européenne pour la collaboration public-privé

13.1

La Commission travaille à l'élaboration d'une communication sur la collaboration public-privé pour lutter contre le terrorisme et le crime organisé, qui comporte un plan d'action sur les partenariats public/privé. D'après la Commission, l'élément clé de la collaboration est la plate-forme de collaboration public-privé pour la lutte contre le crime organisé et le terrorisme. Cette plate-forme, qui devrait être créée à la fin de l'année, mérite d'être définie dans sa composition, ses modalités d'intervention et ses règles de fonctionnement. Elle se réunirait régulièrement pour débattre de questions d'intérêt général, identifier des lignes directrices politiques et législatives, orienter les stratégies de prévention, échanger les bonnes pratiques et les informations, etc.

13.2

Composée de représentants des États membres et, sur base volontaire, d'organisations représentatives des employeurs européens, de syndicats, d'ONG impliquées dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, etc., cette plate-forme entend renforcer les avantages et les synergies pouvant naître de ce type de collaboration. Le but ultime de cette initiative est de réduire les effets du crime organisé et du terrorisme en Europe, en faisant de l'UE un territoire de plus en plus sûr pour l'action publique, pour les citoyens et pour l'activité économique.

13.3   Conditions pour la participation de la société civile

13.3.1

La société civile souhaite que les institutions communautaires et nationales prennent note des préoccupations que leur transmettent les citoyens. Ces derniers veulent de l'efficacité dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé. Ils n'acceptent aucune excuse d'ordre national, politique ou juridique face à la non résolution des problèmes liés à la lutte contre le crime et le terrorisme. Ils veulent des solutions et, au sein de ce forum, nous devons apporter des réponses à leurs questions.

13.3.2

Le CESE juge positive mais insuffisante la proposition de la Commission de créer une plate-forme de collaboration public-privé.

13.3.3

Le CESE souhaite participer au lancement et à l'évaluation de cette plate-forme.

13.3.4

Conformément au Traité, c'est au CESE qu'il revient de représenter la société civile organisée dans l'UE. Bien entendu, il sera nécessaire que participent également d'autres acteurs représentant des intérêts spécifiques, mais le CESE, en tant que représentant de l'intérêt général, doit être représenté au sein de la plate-forme par trois des ses membres (un par groupe).

13.3.5

Le CESE invite les États membres à promouvoir la création de plates-formes public-privé à l'échelon local et municipal, qui poursuivraient les mêmes objectifs en termes de participation et de collaboration que celle qui serait créée à l'échelon communautaire.

13.4   La collaboration public-privé dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé

13.4.1

Le CESE estime qu'il convient d'élaborer un vaste scénario de collaboration entre le secteur public et le secteur privé pour favoriser et renforcer les synergies pouvant servir à lutter contre le crime et le terrorisme.

13.4.2

Principaux objectifs de la collaboration:

a)

Le principal objectif de la société civile est double: prévenir les actes délictueux de terrorisme et de crime organisé mais également prévenir et éviter que des personnes et secteurs vulnérables tombent dans les filets des organisations terroristes et criminelles.

b)

Identifier les secteurs les plus vulnérables à l'action des groupes criminels et y promouvoir des mesures d'autoprotection et des connexions avec les forces de répression du crime organisé et du terrorisme.

c)

Fournir des informations et échanger des expériences pour limiter les possibilités de délits.

d)

Transmettre aux institutions européennes et aux pouvoirs publics nationaux les préoccupations des différents secteurs de la société civile, afin qu'ils travaillent en priorité sur les questions les plus importantes pour les citoyens en matière de prévention et de lutte contre le terrorisme et le crime organisé.

e)

Transmettre aux institutions européennes et aux pouvoirs publics nationaux les principaux besoins des entreprises et organisations de l'UE en matière de protection contre le crime organisé. De plus, examiner avec ces institutions les meilleures méthodes de protection contre les agressions criminelles et de lutte contre le crime.

f)

Créer des domaines d'échange d'expériences dans certains secteurs et sur certains thèmes hautement sensibles et très concernés par le crime organisé. Les secteurs prioritaires sont les secteurs de la finance, du transport, des communications et de l'énergie.

g)

Lancer des plates-formes européennes de prévention.

h)

Servir de forum de débat pour analyser le degré de satisfaction et de prise en compte des besoins et revendications des victimes du terrorisme et du crime organisé.

i)

Orienter les stratégies et politiques communautaires en matière de terrorisme et de crime organisé, du point de vue de la société civile organisée.

j)

Renforcer les liens entre les experts les plus qualifiés des deux secteurs pour tirer profit au maximum de la connaissance et de l'expérience en matière de protection et de lutte contre le crime organisé et le terrorisme.

k)

Participer au lancement de la plate-forme et à son évaluation.

13.5   Systèmes de collaboration

13.5.1

Un système de collaboration entre le secteur public et le secteur privé, basé sur un instrument similaire à la proposition de la Commission, peut être le moyen idéal de commencer à mettre les deux secteurs en relation. Si la plate-forme est dotée d'un niveau élevé de représentation, la relation public-privé aura davantage de répercussions et les mesures générées pour lutter contre le terrorisme et le crime organisé seront plus efficaces.

13.5.2

Ce système de collaboration doit permettre de créer des groupes de travail sectoriels ou spécifiques adaptés au thème à traiter et rattachés à la structure créée pour la collaboration entre le secteur public et le secteur privé.

13.5.3

Cette plate-forme de collaboration pourra inviter à ses réunions des organisations, entreprises, experts, institutions européennes et pouvoirs publics nationaux, ainsi que tous les acteurs pouvant transmettre des informations, des expériences ou apporter de la valeur ajoutée à la lutte contre le terrorisme et le crime organisé.

Bruxelles, le 13 septembre 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Avis du CESE du 15.12.2005 sur la «Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen — Programme de La Haye: Dix priorités pour les cinq prochaines années — Un partenariat pour le renouveau européen dans le domaine de la liberté, de la sécurité et de la justice», rapporteur: M. PARIZA (JO C 65 du 17.3.2006).

(2)  Avis du CESE du 14.12.2005 sur la Proposition de décision du Conseil établissant le programme spécifique «Prévention, préparation et gestion des conséquences en matière de terrorisme» pour la période 2007-2013 — Programme général «Sécurité et protection des libertés», rapporteur: M. CABRA DE LUNA (JO C 65 du 17.3.2006).

(3)  COM(2005) 313 final du 21.9.2005.

(4)  Voir note 1 du COM(2005) 313 final, qui précise que «chaque État membre prend les mesures nécessaires pour que soient considérés comme infractions terroristes neuf actes intentionnels expressément énumérés, tels qu'ils sont définis comme infractions par le droit national, qui, par leur nature ou leur contexte, peuvent porter gravement atteinte à un pays ou à une organisation internationale lorsque l'auteur les commet dans le but de gravement intimider une population ou contraindre indûment des pouvoirs publics ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque ou gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d'un pays ou une organisation internationale».

(5)  Actifs dans le trafic de drogue et d'armes, le trafic et la traite d'êtres humains, le vol, la prostitution, le jeu clandestin, la contrefaçon, etc.

(6)  Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée. Voir le site

http://www.uncjin.org/Documents/Conventions/dcatoc/final_documents_2/convention_french.pdf.

(7)  Avis du CESE du 15.12.2005 sur la «Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen — Programme de La Haye: Dix priorités pour les cinq prochaines années — Un partenariat pour le renouveau européen dans le domaine de la liberté, de la sécurité et de la justice», rapporteur: M. Pariza (JO C 65 du 17.3.2006).

(8)  Résolution du PE sur les progrès réalisés en 2004 en matière de liberté, de sécurité et de justice, P6_TA(2005) 0227 du 8 juin 2005.

(9)  Voir notamment l'avis du CESE du 27.10.2004 sur la «Proposition de décision du conseil modifiant la décision 2002/463/CE portant adoption d'un programme d'action concernant la coopération administrative dans les domaines des frontières extérieures, des visas, de l'asile et de l'immigration (programme ARGO)», rapporteur: M. Pariza (JO C 120 du 20.5.2005).

(10)  La Commission européenne a présenté le 12 octobre 2005 une proposition de décision cadre relative à l'échange d'informations dans le cadre du principe de disponibilité, COM(2005) 490 final du 12.10.2005.

(11)  Avis du CESE du 14.12.2005 sur la Proposition de décision du Conseil établissant le programme spécifique «Prévention, préparation et gestion des conséquences en matière de terrorisme» pour la période 2007-2013 — Programme général «Sécurité et protection des libertés», rapporteur: M. CABRA DE LUNA (JO C 65 du 17.3.2006).

(12)  L'Irlande et les Pays-Bas sont les seuls États à ne pas avoir ratifié ces protocoles.

(13)  Avis du CESE du 15.12.2005 sur la «Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen — Programme de La Haye: Dix priorités pour les cinq prochaines années — Un partenariat pour le renouveau européen dans le domaine de la liberté, de la sécurité et de la justice», rapporteur: M. Pariza (JO C 65 du 17.03.2006).

(14)  COM(2005) 313 final.

(15)  Voir les avis du CESE du 21.3.2002 sur «L'immigration, l'intégration et le rôle de la société civile organisée», rapporteur: M. Pariza (JO C 125 du 27.5.2002); du 10.12.2003 sur la «Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur l'immigration, l'intégration et l'emploi», rapporteur: M. Pariza (JO C 80 du 30.3.2004) et sur «L'immigration au sein de l'UE et les politiques d'intégration: la collaboration entre les gouvernements régionaux et locaux et les organisations de la société civile», rapporteur: M. Pariza.

(16)  Avis du CESE du 20.3.2002 sur le «Livre vert — Indemnisation des victimes de la criminalité». Rapporteur: M. MELÍCIAS (JO C 125 du 27.5.2002).

Avis du CESE du 26.2.2003 sur la «Proposition de directive du Conseil relative à l'indemnisation des victimes de la criminalité». Rapporteur: M. KORYFÍDIS (JO C 95 du 23.4.2003).

(17)  Voir notamment l'avis du CESE du 11.5.2005 sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux, y compris le financement du terrorisme». Rapporteur: M. SIMPSON (JO C 267 du 27.10.2005).

(18)  Avis du CESE du 21.4.2006 sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux informations concernant le donneur d'ordre accompagnant les virements de fonds». Rapporteur: M. BURANI .

Avis du CESE du 11.5.2005 sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux, y compris le financement du terrorisme». Rapporteur: M. SIMPSON (JO C 267 du 27.10.2005).

(19)  Groupe créé par les pays membres du G-8.

(20)  Voir le plan adopté par le Conseil le 13 février 2006.

(21)  Voir notamment l'avis du CESE du 19.1.2006 sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la conservation de données traitées dans le cadre de la fourniture de services de communications électroniques accessibles au public, et modifiant la directive 2002/58/CE». Rapporteur: M. HERNÁNDEZ BATALLER (JO C 69 du 21.3.2006).

(22)  Voir rapport du Parlement européen no A6(2005) 365 du 28.11.2005.


23.12.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/157


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Qualité de la vie professionnelle, productivité et emploi face à la mondialisation et aux défis démographiques»

(2006/C 318/27)

Le 17 novembre 2005, la Présidence finlandaise a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur «Qualité de la vie professionnelle, productivité et emploi face à la mondialisation et aux défis démographiques».

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 13 juillet 2006 (rapporteuse: Mme ENGELEN-KEFER).

Lors de sa 429e session plénière des 13 et 14 septembre 2006 (séance du 13 septembre 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 116 voix pour, 3 voix contre et 8 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

L'Agenda de Lisbonne constitue la réponse européenne aux défis de la mondialisation. Une synergie constructive des politiques économique, sociale, environnementale et de l'emploi doit permettre d'améliorer la position concurrentielle de l'Europe au niveau international. Il s'agit donc, pour l'économie européenne, d'exploiter les chances offertes par la mondialisation, étant donné que de nouveaux domaines d'emploi vont s'ouvrir dans des domaines économiques porteurs d'avenir, et que les innovations permettront de créer une croissance plus importante. L'Europe devrait donc se souvenir que ses forces résident dans la qualité élevée de ses produits et services, dans une main-d'œuvre bien formée, et dans son modèle social, et elle devrait se lancer, avec ses concurrents du reste du monde, dans une compétition pour la qualité, au lieu d'une course aux plus bas salaires et aux normes sociales les plus faibles, dans laquelle elle ne peut qu'être perdante. Une telle compétition pour la qualité nécessite un investissement global dans la politique d'innovation, y compris à l'échelon micro-économique, c'est-à-dire celui des structures des entreprises et de la qualité de la vie professionnelle.

1.2

Certes, l'un des objectifs programmatiques de l'Agenda de Lisbonne est d'améliorer l'emploi d'un point de vue non seulement quantitatif, mais également qualitatif. Toutefois, cet aspect de qualité a été jusqu'à présent négligé dans le débat sur la mise en place des objectifs de Lisbonne. Outre l'augmentation des investissements de R&D, ainsi que des investissements en général et dans la formation initiale et continue, en vue de répondre aux besoins de la société de la connaissance et de l'information, l'amélioration de la qualité de la vie professionnelle est une clé de l'augmentation de la hausse de la productivité comme de la capacité d'innovation des entreprises. Ceci est attesté par des études scientifiques sur le lien existant entre qualité du travail et productivité, et sur la signification de la notion de «bon travail», du point de vue du travailleur concerné, en termes de motivation à fournir un travail et une performance.

1.3

La qualité du travail englobe différents aspects, tels que le fait d'éviter ou de diminuer les risques en matière de santé, l'organisation du travail à chaque poste, la sécurité sociale associée à une rémunération adéquate, la possibilité de continuer à développer ses compétences et ses qualifications, ainsi qu'une amélioration de la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale. Des améliorations dans tous ces domaines ont des effets positifs sur la productivité du travail, selon l'étude de la Fondation de Dublin pour l'amélioration des conditions de vie et de travail présentée au CESE. Les mesures visant à encourager la promotion volontaire de la santé dans les entreprises revêtent une importance particulière à cet égard. Des emplois plus sûrs et des conditions de travail plus respectueuses de la santé, ainsi que des formes coopératives d'organisation du travail qui laissent aux salariés une plus grande marge d'action dans leur travail, sont un facteur important d'augmentation de la productivité, et donc de la capacité d'innovation, qui est également influencée par les conditions sociales. Le CESE pense donc que les structures des entreprises et la culture d'entreprise devrait en tenir compte. La stratégie de Lisbonne doit donc également être mise en œuvre à l'échelle des entreprises, avec une combinaison des objectifs économiques et sociaux. Le dialogue social ayant à cet égard un rôle déterminant à jouer.

1.4

L'amélioration de la qualité du travail nécessite un projet global, qui tienne compte de la mutation du monde du travail et qui soit adapté aux besoins spécifiques des plus âgés. Dans l'esprit du projet de «bien-être au travail», poursuivi dans la stratégie communautaire pour la santé et la sécurité au travail de la Commission, la prévention des risques pour la santé et la réduction constante des accidents du travail et des maladies professionnelles doivent figurer au premier plan. Il convient à cet égard de se pencher en particulier sur les conditions d'emploi précaires bénéficiant d'une protection sociale réduite. De même, il s'agit cependant de favoriser, à travers de nouvelles formes d'organisation du travail, la satisfaction au travail et la performance des travailleurs. Les formes de travail coopératives, présentant une hiérarchie horizontale et une grande autonomie dans le travail, telles que le travail de groupe ou d'équipe permettent d'exploiter à fond les connaissances et les capacités des employés, et tiennent en même temps compte du fait que l'économie exige aujourd'hui davantage de flexibilité. De bonnes conditions de travail et des formes d'organisation du travail positives, le fait d'élargir les marges de manœuvre et les possibilités de participation constituent en même temps une condition essentielle à l'amélioration de la productivité du travail et au renforcement de la capacité d'innovation des entreprises. Aussi le CESE est-il favorable à la notion de «flexicurité», c'est-à-dire un équilibre entre flexibilité et sécurité sociale, telle qu'elle a été décidée par le Conseil «Emploi et politique sociale» les 1er et 2 juin 2006.

1.5

Le CESE invite à demander de nouvelles études sur le lien entre qualité du travail et productivité. La fondation de Dublin serait l'institution appropriée pour mener celles-ci à bien. En outre, le CESE propose de développer un index européen de la qualité du travail qui se composerait de différents critères définissant un «bon travail» à partir d'études pertinentes, qui seraient régulièrement rassemblés et publiés. Un index de ce type pourrait permettre de rendre visible les modifications et les progrès, et constituerait en même temps le point de départ de nouvelles initiatives visant à améliorer la qualité de la vie professionnelle. Les partenaires sociaux devraient être associés au travail d'évaluation, et pouvoir donner régulièrement leur position.

2.   Arguments et remarques

2.1   Contexte de l'avis

2.1.1

Le gouvernement finlandais, anticipant sur la présidence finlandaise du Conseil du deuxième semestre 2006, a demandé au CESE d'élaborer un avis exploratoire sur les relations entre la qualité de la vie professionnelle, la productivité et l'emploi, question qui figurera parmi les thèmes centraux du débat politique.

2.1.2

Cet avis exploratoire étudiera donc dans quelle mesure la qualité du travail est un facteur d'augmentation de la productivité et de la croissance économique, et quelle contribution l'amélioration de la qualité du travail peut apporter à la construction de la société de l'information et de la connaissance, et partant, à la réalisation des objectifs de Lisbonne. La mondialisation, comme la mutation démographique, seront pris en compte en tant que contexte.

2.2   Introduction

2.2.1

La mondialisation comporte des risques, mais ouvre aussi de nouvelles perspectives. L'exacerbation de la concurrence internationale et la réorganisation de la division internationale du travail risquent en effet, en raison des restructurations d'entreprises et des délocalisations, de faire perdre des emplois à l'économie européenne si elle ne parvient pas à développer de nouveaux domaines d'emploi. Parallèlement, la pression s'accroît sur les normes sociales en vigueur en Europe et sur le modèle social européen dans son ensemble, car dans un espace monétaire unique, les coûts salariaux et sociaux représentent un facteur déterminant de compétitivité. Une étude menée par Eurostat (mars 2006) montre toutefois que le coût du travail a augmenté plus lentement en 2005 dans l'UE des 25 qu'aux États-unis. La stratégie de Lisbonne constitue la réponse européenne aux défis de la mondialisation. Une synergie constructive des politiques économique, sociale, environnementale et de l'emploi doit permettre d'améliorer la position concurrentielle de l'Europe au niveau international.

2.2.2

Toutefois, l'on ne saurait atteindre cet objectif au moyen d'une stratégie d'adaptation orientée de manière unilatérale sur une plus grande flexibilité du marché du travail, le démantèlement des normes sociales et l'abaissement des prestations sociales. Il serait beaucoup plus opportun de mettre à profit les possibilités offertes par la mondialisation à l'économie européenne, d'autant plus que l'Europe est une région attrayante qui se distingue par les caractéristiques suivantes:

le pouvoir attractif de la zone euro,

des démocraties stables et la paix sociale,

un degré élevé de fiabilité,

des services publics efficaces,

des infrastructures développées.

Le CESE estime qu'il s'agit de parvenir à une relation équilibrée entre flexibilité et sécurité sociale, dans le sens d'une approche nommée désormais «flexicurité». À cet égard, quatre ingrédients sont indispensables pour établir un bon équilibre entre la flexibilité et la sécurité sociale sur le marché du travail: «des modalités contractuelles appropriées, des politiques actives du marché du travail, des systèmes crédibles d'éducation et de formation tout au long de la vie et des régimes modernes de sécurité sociale» (1). La résolution adoptée par le Conseil des ministres «Emploi et politique sociale» des 1er et 2 juin 2006 définit la notion de «flexicurité» de manière plus précise. Elle indique que les modalités contractuelles doivent créer «un ensemble équilibré alliant également sécurité et offres d'activation». L'accent est mis sur des «droits adéquats pour les travailleurs, indépendamment de la nature de leur contrat». Les systèmes de sécurité sociale devraient être modernisés «en prenant mieux en compte les nouvelles modalités d'emploi» et «permettre aux femmes de constituer leurs propres droits en matière de retraite». Les systèmes d'allocation de chômage devraient permettre «à tous ceux qui ne sont pas en mesure de travailler de bénéficier d'un revenu suffisant. Il importe également de stimuler les chômeurs et de les aider à trouver un emploi rémunéré». Le texte précise également que «Les politiques actives du marché du travail, l'apprentissage tout au long de la vie et la formation en entreprise jouent un rôle important dans l'aide à la transition entre la sécurité du poste de travail et la sécurité de l'emploi» (2). Le CESE se félicite à cet égard que la participation des partenaires sociaux et autres parties prenantes soit assurée lors de l'élaboration des politiques en matière de flexicurité.

2.2.3

La possibilité s'offre en effet à l'économie européenne, grâce à la mondialisation, de se concentrer sur des domaines économiques et des innovations porteurs d'avenir, de s'engager avec ses concurrents internationaux dans une concurrence axée sur la qualité et non pas sur le dumping social et de créer de nouveaux emplois de qualité. Des normes sociales élevées constituent certes un facteur de coûts au niveau de la concurrence internationale mais représentent également un avantage en termes de localisation, car elles sont un facteur essentiel de la cohésion sociale et favorisent la capacité d'innovation et la productivité des salariés. Ce rôle positif de la politique sociale est caractéristique du modèle social européen, lequel se fonde sur des valeurs communes «telles que la solidarité et la cohésion, l'égalité des chances et la lutte contre toutes les formes de discrimination, des règles adéquates de santé et sécurité sur le lieu de travail, un accès pour tous à l'éducation et aux soins, une qualité de vie, des emplois de qualité, le développement durable et la participation de la société civile. Il convient également d'évoquer le rôle des services publics en matière de cohésion sociale et de dialogue social. Ces valeurs démontrent que l'Europe a fait le choix d'une économie sociale de marché» (3). Si elle veut s'affirmer face à la concurrence internationale, l'Europe doit donc miser précisément sur la force que représente son modèle social (4).

2.2.4

L'Union ne pourra pas atteindre les objectifs définis dans le cadre de la stratégie de Lisbonne sans développer la cohésion sociale par le biais de politiques sociales actives, sans relancer la croissance de la productivité par une application plus intensive des technologies de l'information et des communications (TIC) et parallèlement améliorer la qualité du travail, la motivation et la satisfaction professionnelle des salariés, condition essentielle de l'innovation. L'innovation n'est pas seulement un processus technique qui se traduit par de nouveaux produits et procédés de production. L'innovation représente plutôt un processus social tributaire des ressources humaines, de leurs connaissances, de leurs qualifications et aptitudes. Aussi la réalisation de ces objectifs nécessite-t-elle de nouvelles formes d'organisation du travail permettant aux travailleurs d'apporter leur savoir et leur capacité et de participer aux décisions, par exemple l'introduction du travail de groupe et d'équipe et l'amélioration de la collaboration entre le personnel de direction et les travailleurs. L'évolution démographique représente à cet égard un défi particulier car elle va entraîner une modification de la pyramide des âges des salariés. Il s'agit d'une part de proposer aux travailleurs âgés des offres de qualifications ciblées leur permettant de s'adapter aux nouvelles conditions de travail liées aux mutations techniques et organisationnelles. Il convient d'autre part de tenir compte des nouvelles typologies de prestations des travailleurs âgés en aménageant les conditions de travail pour répondre à leurs besoins. Cela suppose dans les deux cas de repenser la politique du personnel des entreprises pour offrir davantage de possibilités d'emploi aux travailleurs âgés (5).

2.2.5

La promotion de l'innovation, facteur essentiel à la réalisation des objectifs de Lisbonne, rend nécessaire, outre le développement des investissements dans la recherche et le développement, l'adoption de mesures supplémentaires de la part des pouvoirs publics et des entreprises. Parmi celles-ci, on peut mentionner l'amélioration de la capacité à appliquer les nouvelles technologies, mais également la modification des structures de travail dans les entreprises, à travers de nouvelles formes d'organisation du travail laissant aux individus une marge de manœuvre plus importante et l'amélioration de la coopération avec le personnel de direction. L'augmentation du taux d'emploi des femmes aux postes de direction notamment ainsi que l'amélioration des possibilités de concilier la vie professionnelle et familiale y contribuent également. Enfin, il s'agit de l'amélioration générale des conditions de travail afin de prévenir le stress et les maladies professionnelles, de manière à préserver la capacité d'emploi, notamment chez les travailleurs âgés et de ménager des conditions de travail adaptées à l'âge des travailleurs. Le Comité souligne dans ce contexte l'importance de la promotion de la santé dans les entreprises, assurée par ces dernières sur une base volontaire à l'intention de leurs travailleurs. L'octroi d'aides supplémentaires par les pouvoirs publics pourrait permettre de développer l'utilisation de cet instrument, notamment dans les PME. De même, l'intégration de jeunes est d'une importance capitale étant donné que dans des équipes où les âges sont mélangés, les compétences des jeunes sont associées aux connaissances que les plus âgés ont tirées de leur expérience, et c'est ainsi que peuvent naître les idées les meilleures et les plus novatrices.

2.2.6

L'organisation des conditions de travail par les conventions collectives est l'un des principaux domaines de compétence des partenaires sociaux. Lorsqu'il est question d'amélioration de la qualité de la vie professionnelle, le dialogue social à tous les niveaux revêt donc une importance considérable. La création de conditions de travail préservant la santé des travailleurs et d'un climat d'entreprise propice à l'innovation, à travers des formes d'organisation du travail ménageant à chaque individu une marge de manœuvre et un pouvoir de décision plus importants nécessitent une coopération en partenariat entre les salariés et ceux qui représentent leurs intérêts au sein de l'entreprise. Ce n'est qu'en associant les personnes concernées et leurs représentants que l'on pourra atteindre l'objectif de Lisbonne d'amélioration qualitative des emplois. Un partenariat ainsi compris, en faveur de cette mutation et de l'amélioration de la qualité du travail doit commencer à l'échelon des entreprises et se poursuivre ensuite à travers le dialogue social sur le plan sectoriel, et intersectoriel. Le CESE se félicite du premier échange de vues entre partenaires sociaux qui a eu lieu la veille de la réunion informelle du Conseil «Emploi et politique sociale» du 6 juillet 2006, auquel a notamment pu participer un représentant de la société civile. Le CESE espère que les partenaires sociaux pourront s'accorder sur une contribution commune concernant le débat sur la qualité du travail, la productivité et l'emploi qui est étroitement lié à la notion de flexicurité.

2.3   Croissance, productivité et emploi

2.3.1

Il est notoire que les objectifs ambitieux de croissance et d'emploi définis par le Conseil européen de Lisbonne en mars 2000, alors que les conditions économiques étaient relativement favorables, sont loin d'être réalisés aujourd'hui. «L'économie de l'Union européenne est, à divers égards, plus éloignée de son objectif (devenir l'économie la plus compétitive du monde) qu'en mars 2000», peut-on lire dans les grandes orientations de politique économique du 12 juillet 2005 (6). Outre la persistance d'un taux de chômage élevé, qui se traduit par une amélioration minime du taux d'emploi, qui a atteint 63 % en 2003 — très loin donc de l'objectif de 70 % en 2010 — la cause de cet échec est attribuée à la faible croissance de la productivité. Le rapport sur la stratégie de Lisbonne rendu en novembre 2004 par le groupe d'experts présidé par Wim KOK avait déjà attiré l'attention sur ce phénomène. Le fléchissement du taux de croissance de la productivité (par heure travaillée) dans l'UE depuis le milieu des années 90 «peut être attribué dans des proportions plus ou moins égales à un investissement plus faible par salarié et à un ralentissement du rythme des avancées technologiques» (7). Toujours selon le rapport du groupe d'experts, ce phénomène est imputable «aux raisons déjà invoquées pour expliquer que l'Europe n'atteint pas les objectifs de Lisbonne, à savoir l'insuffisance des investissements dans la R & D et l'éducation, la capacité médiocre de concrétiser les résultats de la recherche en produits et processus commercialisables, ainsi qu'une productivité inférieure des industries européennes productrices de TIC … et des services européens utilisateurs de TIC … en raison d'une diffusion plus lente des TIC» (8). L'économie européenne souffre donc manifestement du manque d'investissement dans des produits et des technologies d'avenir et d'une capacité insuffisante à innover, ce qui suppose également que l'on investisse dans le potentiel de qualifications des ressources humaines. La faiblesse des dépenses de recherche et de développement par rapport à l'objectif de 3 % du produit intérieur brut (PIB) d'ici à 2010 n'est qu'un indicateur à cet égard. Par ailleurs, 55 % seulement des dépenses de recherche de l'Union sont financées par le secteur privé, ce qui est considéré comme une cause essentielle du fossé existant entre les États-Unis et l'UE dans le domaine de l'innovation (9).

2.3.2

Dans sa communication pour le Conseil européen de printemps de mars 2006, la Commission en vient à la conclusion qu'en dépit de tous ses efforts, l'UE «n'atteindra probablement pas l'objectif qu'elle s'était fixé dans ce domaine et qui consiste à porter le niveau minimal des dépenses de recherche à 3 % du produit intérieur brut d'ici à 2010» (10). Elle souligne dans ce contexte la nécessité de développer l'investissement privé, pour lequel la politique du marché intérieur doit simultanément créer un environnement plus approprié. Parallèlement à une politique macro-économique orientée vers la croissance et l'emploi, seule une stratégie axée sur la promotion de l'innovation permettra de développer l'emploi en créant des emplois de qualité. Ceci a été également souligné dans les conclusions du sommet de printemps du Conseil européen, qui recommande «une stratégie globale à l'égard de la politique de l'innovation», c'est-à-dire en particulier des investissements en matière de formation générale et professionnelle (11). Lors de sa réunion des 15 et 16 juin 2006, le Conseil européen a à nouveau mis l'accent sur l'investissement dans la connaissance et l'innovation et les mesures nationales et européennes y relatives (12).

2.4   Les investissements dans les ressources humaines, condition d'une économie innovante fondée sur la connaissance

2.4.1

Dans une économie et une société de la connaissance, les structures de production et de services sont continuellement modernisées grâce à l'utilisation des technologies de l'information et des communications ainsi que de produits et de procédés innovants. Ce phénomène s'accompagne d'une transformation de l'organisation du travail tant au niveau de la production qu'au niveau administratif. Cette évolution technique et organisationnelle des structures de production et d'administration modifie les conditions de travail, ce dont il y a lieu de tenir compte à la fois dans l'éducation et la formation professionnelle de base et dans la formation continue. Les connaissances dans le domaine des technologies de l'information et les compétences en matière d'utilisation des technologies de l'information et de la communication (compétences en matière de médias), mais aussi les compétences sociales telles que la capacité à communiquer et à travailler en équipe ou les connaissances en langues étrangères sont désormais des facteurs essentiels pour pouvoir s'adapter aux nouvelles conditions de travail. Toutes les branches du système éducatif doivent s'attacher à diffuser de telles compétences fondamentales, afin de développer également par ce moyen la capacité d'innovation des entreprises, en améliorant la qualification des travailleurs.

2.4.2

Le rapport de la Taskforce Emploi de novembre 2003 soulignait déjà que le relèvement du niveau éducatif et une adaptation constante des qualifications aux besoins d'une société de la connaissance sont d'une importance fondamentale pour le développement de l'emploi. Il s'agit à la fois de relever le niveau général d'éducation et de faciliter l'accès à la formation tout au long de la vie pour les différents profils professionnels, aussi bien du secteur public que du secteur privé. La priorité devrait être donnée dans ce contexte à ceux qui en ont le plus besoin, c'est-à-dire les personnes peu qualifiées, les travailleurs âgés et les salariés des petites et moyennes entreprises (PME). La Taskforce Emploi souligne notamment la responsabilité de l'économie et invite les employeurs à «prendre la responsabilité du développement des compétences de leurs salariés pendant toute leur carrière» (13). La combinaison de dispositions législatives et de réglementations volontaires devrait garantir des investissements suffisants des employeurs dans la formation continue et une répartition équitable des coûts (par exemple à travers des fonds sectoriels et régionaux pour la formation, des crédits d'impôts ou le paiement d'une contribution à la formation, comme en France) (14). Le CESE estime que tout travailleur devrait avoir la possibilité de continuer à se former.

2.4.3

Le groupe d'experts chargé d'étudier «L'avenir de la politique sociale dans l'Union européenne» (Rapport du groupe de haut niveau sur l'avenir de la politique sociale dans une Union européenne élargie, mai 2004) recommande que dans le cadre de la stratégie européenne pour l'emploi, l'Union s'efforce avant tout de créer dans l'ensemble du système éducatif des conditions propices à l'émergence d'une économie de la connaissance et d'améliorer le système éducatif. Le groupe d'experts présente diverses propositions concernant tous les niveaux de l'éducation scolaire et de la formation professionnelle, en accordant une attention particulière à la formation continue. Il propose qu'un droit général à la formation continue soit introduit dans le cadre des conventions collectives ou des contrats de travail. Les entreprises devraient également élaborer pour chaque travailleur un plan de développement des aptitudes personnelles et créer en leur sein un système de gestion de la formation continue et des compétences (15). Ce ne sont donc pas les bonnes intentions qui manquent, c'est la concrétisation qui fait défaut.

2.5   Amélioration de la qualité du travail pour le développement de la capacité d'innovation et amélioration de l'intégration des travailleurs âgés

2.5.1   Qualité de la vie professionnelle et productivité

2.5.1.1

Le passage à une économie de la connaissance capable d'innovations passe par de nouvelles initiatives en faveur de l'amélioration de la qualité du travail. Des conditions de travail non préjudiciables à la santé et une organisation du travail permettant une coopération accrue entre cadres, dirigeants et autres catégories de personnel, une collaboration et une participation aux décisions à égalité de tous les travailleurs, accroissent la satisfaction professionnelle et le bien-être au travail et contribuent ainsi au succès économique de l'entreprise. À l'inverse, des conditions de travail défavorables et préjudiciables à la santé entraînent une détérioration de la qualité de vie, un coût social et une perte de productivité qui se répercutent négativement sur la capacité d'innovation de l'économie. C'est ce que démontrent les études sur la question, qui sont toutefois encore trop peu nombreuses.

2.5.1.2

Une étude de l'Agence européenne (2004) portait en particulier sur le rapport entre qualité du travail et productivité (16). Le résultat essentiel de cette étude est que la réussite d'une entreprise dans les conditions actuelles de concurrence accrue n'est plus uniquement mesurable en termes de chiffre d'affaire. Au contraire, des facteurs tels que la satisfaction de la clientèle, l'optimisation des relations de travail en interne, la capacité d'innovation et des structures organisationnelles flexibles jouent un rôle de plus en plus important. Les résultats de la recherche, à partir d'une analyse de la littérature disponible, confirment qu'il existe un rapport étroit entre de bonnes conditions de travail et la réussite économique d'une entreprise. La qualité du travail a une influence importante sur la productivité comme sur la rentabilité. Plus précisément, l'étude identifie les facteurs suivants de réussite d'une entreprise:

le fait d'associer les objectifs de l'entreprise avec les notions de développement du personnel afin de mieux atteindre ces objectifs,

Une approche globale de la promotion de la santé, qui ne porte pas uniquement sur les conditions de travail directes mais qui concerne également la motivation au travail et les attitudes de l'encadrement,

Des notions de promotion de la santé, orientées vers l'éviction des risques dans ce domaine,

L'amélioration des processus et de l'organisation du travail, en rapport avec les innovations technologiques.

2.5.1.3

A partir d'étude de cas dans différents États membres et divers secteurs professionnels, cette étude met en valeur les facteurs suivants dans l'amélioration de la productivité:

une grande qualité de travail, y compris de bonnes conditions permettant de concilier vie de famille et vie professionnelle, joue un grand rôle,

Une attitude coopérative de la part du personnel d'encadrement contribue à l'augmentation de la productivité,

Les formes d'organisation du travail qui laissent aux salariés plus d'autonomie et de responsabilité dans leur travail ont une incidence positive,

L'amélioration des méthodes de travail et de l'organisation du poste de travail dans le cas des activités impliquant des efforts physiques contribuent à limiter la fatigue et à permettre une plus grande productivité. Ces investissements sont donc rentables.

Concernant certains efforts spécifiques, des solutions créatives sont nécessaires afin de limiter les accidents de travail. La limitation des arrêts pour maladie a des effets positifs directs sur la productivité.

2.5.1.4

Les contraintes auxquelles les travailleurs sont soumis dans les entreprises ont changé, notamment en raison de l'utilisation des technologies de l'information et des communications. Il subsiste il est vrai des secteurs, notamment dans la production industrielle, où prédominent les contraintes physiques. Mais dans l'ensemble, on enregistre surtout une augmentation des contraintes psychosociales en raison d'une plus forte intensité de travail, de contraintes de temps plus aiguës et de l'utilisation des TIC. Le stress au travail est le premier facteur de contrainte dans tous les domaines d'activités et secteurs économiques, et représente le principal défi en termes de prévention. L'étude de l'agence européenne arrive à la conclusion que la prévention du stress réduit non seulement les coûts, mais aboutit également à une amélioration de la productivité — en renforçant la motivation au travail — et de l'ambiance dans l'entreprise.

2.5.1.5

C'est surtout dans la «nouvelle économie» que s'est développée la proportion d'activités qualifiées, assorties d'une plus grande autonomie et d'une moindre hiérarchie. Mais dans le même temps, la charge de travail a augmenté. Les limites de la journée de travail sont de plus en plus floues, ce qui s'accompagne de nouvelles manifestations de l'altération de la santé telles que le «Burn Out Syndrome» et la dégradation de la qualité de vie dans son ensemble. Mais l'on observe parallèlement dans de nombreux secteurs une tendance inverse. En raison de la pression accrue qui s'exerce au niveau des coûts et de la concurrence, des formes humaines d'aménagement du travail, telles que le travail en équipe dans l'industrie automobile, sont abandonnées tandis que des structures de division stricte du travail refont leur apparition, lesquelles sont sources de contraintes unilatérales, avec les risques pour la santé que cela représente.

2.5.1.6

Les emplois précaires tendent à se développer sous forme de travail à temps partiel imposé, de contrats à durée déterminée et de travail intérimaire, ce qui équivaut généralement pour les catégories de travailleurs concernées à des conditions de travail particulièrement difficiles impliquant des tâches simples et monotones, des efforts physiques importants ou un environnement dangereux pour la santé. Les conditions de travail précaires sont souvent liées à une qualité du travail faible, ce qui rend particulièrement nécessaires des mesures en matière de protection du travail et de la santé, ainsi que d'organisation du travail.

2.5.1.7

Une enquête représentative de l'Institut international d'économie sociale empirique (Internationale Institut für Empirische Sozialökonomie -INIFES) (17) a montré ce que les travailleurs attendent eux-mêmes d'un «bon travail». L'évaluation concernant les salariés a montré qu'ils situent en premier lieu les aspects de la rémunération et de la sécurité de l'emploi, suivis des aspects qualitatifs tels que l'intérêt et la diversité du travail. En troisième position viennent les aspects sociaux tels que l'attitude coopérative de l'encadrement, et le soutien mutuel. Si l'on entre dans les détails, les aspects suivants ont également une importance, du point de vue des travailleurs concernés, pour leur satisfaction et leur performance au travail, par ordre de préférence:

1.

un revenu fixe et fiable

2.

la sécurité de l'emploi

3.

le travail doit être un plaisir

4.

être traité par les supérieurs hiérarchiques comme un être humain

5.

des conditions d'emploi non limitées dans le temps

6.

encourager la collégialité

7.

la protection de la santé sur le lieu de travail

8.

le travail doit avoir du sens

9.

un travail varié, diversifié

10.

avoir une influence sur ses méthodes de travail.

Tous ces aspects ont recueilli de 70 à 90 % des suffrages. D'autres critères également plébiscités (plus de 60 %) pour la définition d'un «bon travail» concernaient la possibilité de pouvoir continuer à développer ses propres compétences, ou la demande adressée aux dirigeants de promouvoir le développement technique et professionnel. L'enquête montrait également qu'une qualité de travail élevée, correspondant largement aux critères subjectifs du bon travail, était facteur de satisfaction accrue au travail, de plaisir à travailler et incitait davantage le travailleur à être performant. Il est donc possible d'en conclure que ceci a également un effet positif sur la productivité, même si le rapport entre les deux n'a pas été expressément étudiée.

2.5.2   Organisation du travail tenant compte de l'âge

2.5.2.1

Le taux d'emploi des travailleurs âgés (de 55 à 65 ans) dans l'Union reste insuffisant et l'objectif de Lisbonne d'un relèvement du taux d'activité à 50 % d'ici à 2010 ne sera pas atteint. La raison pour laquelle les travailleurs âgés quittent de manière prématurée la vie active tient pour l'essentiel à l'altération de leur santé imputable à de mauvaises conditions de travail et à une forte intensité de travail ainsi qu'à l'importance du taux de chômage. Dans les années passées, la politique du personnel des entreprises visait à inciter les travailleurs âgés à partir à la retraite de manière anticipée. Il en est résulté un processus d'éviction massive qui pèse lourdement sur les systèmes de sécurité sociale.

2.5.2.2

Le CESE considère que l'on ne saurait se contenter de formuler des objectifs ambitieux, sans dans le même temps mettre en place les conditions requises pour leur réalisation. Face à un manque d'emplois manifeste, la première chose à faire est d'atténuer la pression qui s'exerce sur les travailleurs dans les entreprises et les administrations et d'adapter les conditions de travail et les exigences de performances, de telle sorte qu'elles soient supportables pendant toute la durée d'une (longue) vie active. Cela implique pour beaucoup d'entreprises une augmentation des effectifs afin de réduire la pression et de prévenir une dégradation prématurée de la santé. L'amélioration de la qualité du travail par des mesures adéquates en matière d'aménagement et d'organisation du travail ainsi qu'une estimation suffisante des besoins en personnel sont des instruments essentiels pour atteindre cet objectif. Il faudrait donc veiller, non pas à relever l'âge légal de la retraite mais plutôt à rapprocher l'âge effectif de l'âge légal. Pour ce faire, il convient surtout de prévoir dans les entreprises des mesures d'aménagement du travail et une nouvelle politique du personnel qui soient adaptées aux travailleurs âgés.

2.5.2.3

Le groupe d'experts sur «L'avenir de la politique sociale dans l'Union européenne» préconise à cet égard des mesures à trois niveaux. À côté de la réforme des systèmes de sécurité sociale dont le but est de diminuer les incitations au départ anticipé, le groupe considère que c'est surtout au niveau de l'entreprise que des mesures doivent être prises. Il faut assurer une participation accrue des travailleurs âgés aux actions de formation continue, améliorer les conditions de travail et moderniser l'organisation du travail. Les nouvelles formes d'organisation du travail devraient mieux répondre aux capacités et aux compétences des travailleurs âgés, notamment à travers l'aménagement d'emplois adaptés à ces derniers et la possibilité de changer plus facilement d'activité au sein de l'entreprise (18). De plus, les mentalités doivent changer au sein de la société; il importe que l'on sache de nouveau apprécier la valeur de l'expérience et des compétences acquises durant la vie active.

Bruxelles, le 13 septembre 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Conclusions du Conseil des 1er et 2 juin 2006.

(2)  Flexicurité: Contribution conjointe du comité de l'emploi et du comité de la protection sociale, adoptée lors de la réunion du Conseil «Emploi et politique sociale» des 1er et 2 juin 2006.

(3)  Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions «Les valeurs européennes à l'ère de la mondialisation — Contribution de la Commission à la réunion d'octobre des chefs d'État et de gouvernement» (COM(2005) 525final/2 du 3.11.2005), p. 5.

(4)  Avis du CESE sur le thème «Cohésion sociale: donner du contenu à un modèle social européen», Rapporteur: M. Ehnmark (CESE 493/2006 — SOC/237). Adoption prévue pour la session plénière de juillet.

(5)  Avis du CESE sur la «Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions intitulée: Accroître l'emploi des travailleurs âgés et différer la sortie du marché du travail» (JO C 157 du 28.6.2005, S. 120-129; Rapporteur: M. DANTIN).

URL: http://eescopinions.esc.eu.int/viewdoc.aspx?doc=//esppub1/esp_public/ces/soc/soc178/fr/ces1649-2004_ac_fr.doc

et

Avis du CESE sur la «Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen Productivité: la clé de la compétitivité des économies et entreprises européennes», Rapporteurs: M. MORGAN/Mme SIRKEINEN; Corapporteur: M. EHNMARK (JO C 85 du 8.4.2003, p. 95-100;).

URL: http://europa.eu.int/eur-lex/pri/fr/oj/dat/2003/c_085/c_08520030408fr00950100.pdf.

(6)  «Recommandation du Conseil du 12 juillet 2005 concernant les grandes orientations des politiques économiques des États membres et de la Communauté (2005-2008)» (JO L 205 du 6.8.2005 — p. 28-37).

URL: http://europa.eu.int/eur-lex/lex/LexUriServ/site/fr/oj/2005/l_205/l_20520050806fr00280037.pdf.

(7)  «Relever le défi. La stratégie de Lisbonne pour la croissance et l'emploi»: Rapport du groupe de haut niveau présidé par M. Wim KOK, novembre 2004 (rapport Kok), p. 18.

URL: http://europa.eu.int/growthandjobs/pdf/kok_report_fr.pdf.

(8)  Idem.

(9)  Avis du CESE du 15 septembre 2004 intitulé «Vers le 7ème programme-cadre de la recherche: les besoins en recherche dans le domaine des changements démographiques — Qualité de vie des personnes âgées et besoins technologiques», Rapporteuse: Mme Heinisch (JO C 74 du 2 mars 2005, p.44-54).

URL: http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/site/fr/oj/2005/c_074/c_07420050323fr00440054.pdf.

(10)  Communication de la Commission au Conseil européen de printemps «Passons à la vitesse supérieure — Le nouveau partenariat pour la croissance et l'emploi» (COM(2006) 30 final — PARTIE 1 du 25.1.2006), p. 19.

(11)  Conseil européen (Bruxelles) les 23 et 24 mars 2006 — Conclusions de la Présidence, point 18 et suivants.

URL: http://consilium.europa.eu/ueDocs/cms_Data/docs/pressdata/en/ec/89013.pdf.

(12)  Conclusions de la Présidence, paragraphes 20 et 21.

URL: http://www.consilium.europa.eu/ueDocs/cms_Data/docs/pressData/en/ec/90111.pdf.

(13)  «L'emploi, l'emploi, l'emploi — Créer plus d'emplois en Europe», Rapport de la Task-force pour l'emploi présidée par M. Wim KOK, novembre 2003, p. 49.

URL: http://europa.eu./comm/employment_social/employment_strategy/pdf/etf_fr.pdf.

(14)  Idem, p. 51.

(15)  Rapport du groupe de haut niveau sur l'avenir de la politique sociale dans une Union européenne élargie, mai 2004.

URL: http://europa.eu./comm/employment_social/publications/2005/ke6104202_fr.pdf.

(16)  Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail: Quality of the Working Environment and Productivity — Working Paper (2004).

URL: http://osha.eu.int/publications/reports/211/quality_productivity_en.pdf (en anglais uniquement).

(17)  «Was ist gute Arbeit? Anforderungen aus Sicht von Erwerbstätigen» (disponible uniquement en allemand: «Qu'est-ce qu'un bon travail? Les critères du point de vue des travailleurs –résumé–») INIFES, novembre 2005.

URL: http://www.inqa.de/Inqa/Redaktion/Projekte/Was-ist-gute-Arbeit/gute-arbeit-endfassung,property=pdf,bereich=inqa,sprache=de,rwb=true.pdf (en allemand).

(18)  Rapport du groupe de haut niveau sur l'avenir de la politique sociale dans une Union européenne élargie, mai 2004, p. 34.

URL: http://europa.eu./comm/employment_social/publications/2005/ke6104202_fr.pdf.


23.12.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/163


Avis du Comité économique et social européen sur la «Citoyenneté européenne et les moyens de la rendre à la fois visible et effective»

(2006/C 318/28)

Le 19 janvier 2006, le Comité économique et social européen a décidé, en vertu de l'article 29, paragraphe 2 de son règlement intérieur, d'élaborer un avis sur la «Citoyenneté européenne et les moyens de la rendre à la fois visible et effective».

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 13 juillet 2006 (rapporteur: M. VEVER).

Lors de sa 429e session plénière des 13 et 14 septembre 2006 (séance du 14 septembre 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 111 voix pour, 22 voix contre et 13 abstentions.

1.   Résumé

1.1

L'inscription formelle des droits de citoyenneté européenne dans les traités récents n'a pas suffi à enrayer la montée de l'euroscepticisme dans l'opinion. L'Europe souffre d'une superposition de déficits dans sa perception par les Européens eux-mêmes: les déficits de visibilité, d'appropriation, d'information, de dialogue et d'efficacité sont les principaux d'une trop longue liste. Au total, un déficit de confiance s'est installé. Le processus de ratification du traité constitutionnel en a fait les frais, et ce blocage risque lui-même d'alimenter plus encore cet euroscepticisme.

1.2

Il est donc urgent de réagir: la priorité doit être aujourd'hui moins de préparer de nouvelles déclarations des droits que d'engager des actes concrets permettant à cette citoyenneté européenne de s'exercer pleinement. Ceci nécessitera un engagement militant et «retrempé» de la Commission, un code de conduite de meilleure gouvernance des institutions, un coup d'arrêt au décalage croissant entre les ambitions placées dans l'Europe et les faibles moyens accordés, des coopérations renforcées entre les États qui sont prêts à avancer ensemble, davantage de pression et d'initiatives des acteurs de la société civile.

1.3

Le CESE propose en premier lieu de remédier aux lacunes européennes particulièrement injustifiées c'est-à-dire:

remettre en chantier et adopter rapidement un statut européen des associations;

procéder de même pour un statut européen des mutualités;

créer un statut européen simplifié ouvert aux PME;

mettre en oeuvre le brevet communautaire entre les États membres qui l'ont ratifié;

supprimer toutes les doubles impositions, au moins à l'échelle de la zone euro;

assurer une portabilité non discriminatoire des prestations sociales.

1.4

Le CESE propose en second lieu de développer une gouvernance plus citoyenne de l'Union, c'est-à-dire:

remédier au déficit de sensibilisation européenne dans les médias en encourageant les meilleures pratiques, avec l'appui d'une Agence européenne de l'audiovisuel;

revaloriser la phase consultative de préparation des projets, en s'assurant mieux de la valeur ajoutée de ceux-ci pour les citoyens;

identifier et justifier publiquement les raisons des blocages au Conseil ou des retraits par la Commission de projets concernant les droits européens des citoyens;

promouvoir, dans tous les domaines intéressant directement la société civile, des approches socioprofessionnelles d'autorégulation et de corégulation;

préciser, en liaison avec les différentes Agences d'appui au marché unique, un concept de service public européen, incluant à terme des douanes extérieures communautarisées;

développer des modes plus interactifs d'information européenne;

associer les acteurs socioprofessionnels aux interventions des fonds structurels sur le terrain.

1.5

Le CESE propose enfin de promouvoir des initiatives communes à fort contenu identitaire, telles que:

donner une priorité accrue au financement par le budget communautaire de grands projets européens particulièrement significatifs (réseaux trans-européens, recherche, haute technologie);

investir dans des programmes européens ambitieux d'éducation et de formation, y compris linguistiques, incluant un service civil volontaire européen attractif pour les jeunes;

faire témoigner des célébrités sur leur identité revendiquée d'«Européens»;

investir dans des programmes européens également ambitieux sur les plans culturels et médiatiques, avec un statut commun des fondations et du mécénat;

engager des progrès particuliers d'intégration économique et sociale à l'échelle de la zone Euro;

adopter des décisions à haute signification politique, telles qu'élire le même jour le Parlement européen, faire du 9 mai le jour férié de l'Europe, anticiper un droit européen d'initiative populaire.

1.6

Au total, le CESE est convaincu que de telles initiatives permettraient aux Européens de ressentir plus profondément leur citoyenneté européenne, d'exercer plus efficacement les libertés qu'elle leur ouvre et de donner ainsi à l'Europe le regain d'identité, de dynamisme, de compétitivité et de cohésion que les États peinent aujourd'hui à lui assurer.

1.7

Pour contribuer à cet objectif, le CESE convient de créer un Groupe permanent «Citoyenneté européenne active» et d'organiser prochainement un symposium sur ce thème.

2.   Introduction

2.1

Par delà les pesanteurs d'un euroscepticisme ambiant, les Européens sont profondément attachés aux acquis essentiels de la construction européenne, qui leur apparaissent aussi naturels qu'irréversibles:

la paix et la coopération entre les États membres;

le plein exercice de leurs droits démocratiques;

les libertés de circulation et d'échanges;

la volonté de s'unir face aux défis mondiaux.

2.2

Les Européens sont tout aussi exigeants vis-à-vis de cette construction européenne. Ils en attendent une plus value effective, et notamment:

une valorisation de leurs droits politiques, civiques, participatifs, économiques et sociaux;

un meilleur appui à leur identité et leur qualité de vie à travers les grands changements;

davantage de croissance, d'emplois et de développement économique et social;

une promotion plus efficace de leurs intérêts communs dans le monde.

2.3

Pour beaucoup d'Européens, ces attentes sont aujourd'hui loin d'être satisfaites, par rapport à leurs préoccupations de la vie quotidienne et face à l'avenir. Le double non des électeurs français et néerlandais au projet de traité constitutionnel a été particulièrement révélateur de ce malaise et des interrogations de l'opinion, même si d'autres motifs qu'européens ont sans doute également joué.

2.4

Des progrès réels des droits de citoyenneté européenne, inaugurés par le traité de Maastricht, avaient pourtant été inscrits dans les traités récents (cf. Amsterdam, Nice), dans la Charte des droits fondamentaux et dans le traité constitutionnel soumis à leurs suffrages (qui donnait notamment force juridique à la Charte en l'intégrant). La Convention préparatoire du traité constitutionnel, qui constituait une vraie innovation en comprenant des parlementaires et en s'ouvrant à la société civile, s'était notamment attachée à conforter ces droits, sur les plans politiques, civiques, économiques et sociaux. Le Comité économique et social, outre sa participation à cette Convention, n'a lui-même cessé, tout au long des dernières années, de s'investir en faveur de la pleine reconnaissance des droits des citoyens européens et de la prise en compte de leurs préoccupations. Mais il faut bien admettre que l'inscription formelle de ces droits dans les traités n'a guère suffi à enrayer la montée de l'euroscepticisme dans l'opinion. La citation de Jean Monnet «nous ne coalisons pas des États, nous unissons des hommes» n'est guère ressentie aujourd'hui comme constituant la réalité dominante du mode de fonctionnement de l'Union.

2.5

Le risque existe à présent, pour une série de raisons, de voir ces préoccupations de l'opinion s'aviver encore:

2.5.1

la non ratification du traité constitutionnel va soumettre le fonctionnement de l'Union élargie à rude épreuve: les lourdeurs et les complexités du traité de Nice, auxquelles le nouveau traité était appelé à remédier, vont rapidement montrer leurs effets négatifs;

2.5.2

le décalage s'accroît entre les ambitions affichées pour l'Europe et la faiblesse de ses moyens de gestion, tant politiques (difficultés à décider à 27) que budgétaires (modicité des ressources programmées pour 2007-2013);

2.5.3

les nouveaux droits des citoyens européens inscrits dans le traité constitutionnel, qui intègre la Charte des droits fondamentaux, ne pourront pas être officialisés;

2.5.4

ce contexte peu favorable risque fort d'empêcher la situation de s'améliorer, et de conforter l'Europe dans le très mauvais rôle de bouc émissaire que trop de ses citoyens lui attribuent déjà.

2.6

Comme le CESE l'a bien souligné dans sa contribution au Conseil européen des 15 et 16 juin 2006 (1), la pause de réflexion convenue à la suite du blocage actuel du traité constitutionnel ne devrait donner prétexte à aucun attentisme concernant une meilleure association des citoyens à l'Europe. Il apparaît au contraire urgent de raffermir la perception de l'Europe auprès de l'opinion, sous peine d'entrer dans une spirale de défiances, de renoncements et de blocages, dont les répercussions seraient incalculables. Il serait d'ailleurs tout à fait illusoire de prétendre remédier, d'une façon ou d'une autre, à l'échec actuel de ratification du traité constitutionnel sans chercher d'abord à susciter un meilleur sentiment d'appropriation de l'Europe par les Européens. Ceci implique déjà d'analyser en quoi et pourquoi l'Europe manque aujourd'hui de visibilité et d'attractivité auprès de trop nombreux Européens.

3.   Une citoyenneté européenne trop mal perçue

3.1

Une «citoyenneté» se ressent, de façon intuitive et même émotionnelle, avant même de se décliner en termes de droits et de devoirs. Une citoyenneté «européenne» devrait elle-même être perçue comme une valeur ajoutée, enrichissant sans la supprimer la citoyenneté nationale, et comme une «nouvelle frontière», ouvrant plus de droits, de libertés et de responsabilités. Sur tous ces terrains, et malgré les progrès réels dans les échanges, la citoyenneté européenne est loin d'avoir fait ses preuves. On a même parfois l'impression que presque tout a été fait pour la décourager. Jugeons en à travers quelques constats simples. Pour tous les Européens, et d'abord pour «l'Européen de la rue», quatre déficits apparaissent clairement concernant l'Europe:

3.1.1

un déficit de visibilité et de perception: les objectifs et les contours de la construction européenne, y compris au sens géopolitique (quelles frontières?), sont aujourd'hui brouillés, en raison tant de divergences politiques sur l'objectif même d'intégration que d'un manque de critères clairs dans la poursuite, qui apparaît permanente, du processus d'élargissement;

3.1.2

un déficit d'appropriation et de proximité: malgré les libertés et les droits acquis, l'Europe apparaît comme une affaire relevant surtout les milieux politiques, diplomatiques et d'experts, avec une implication seulement secondaire et très limitée des citoyens; les administrations nationales et locales elles-mêmes ne sont pas exemptes de ce sentiment d'externalité de l'Europe, souvent encore perçue comme étrangère;

3.1.3

un déficit d'information et de dialogue: les Européens connaissent mal leurs droits, leurs libertés, et les conditions de fonctionnement de leur marché commun. Leurs questions sur l'Europe sont elles-mêmes souvent mal perçues, mal prises en charge, mal satisfaites. Pour leur part, les gouvernements tendent à leur présenter de l'Europe ce qui les arrange et à dénoncer ou masquer ce qui les contraint, au risque même de jouer dangereusement avec la crédibilité de cette Europe. Les grands médias (radio, TV), essentiellement nationaux, donnent nettement l'impression d'être fort peu familiers de ces questions, jugées complexes par les journalistes eux-mêmes en raison de leur formation insuffisante en ce domaine. Ils ne diffusent guère d'informations à leur sujet, sauf ponctuelles, souvent sommaires, et fréquemment inexactes — l'absence de toute opinion «européenne» autre qu'une addition malaisée d'opinions nationales ne facilite pas non plus le développement de médias européens, et vice-versa;

3.1.4

un déficit d'efficacité économique et sociale: face à la globalisation, l'Europe est ressentie par beaucoup comme n'étant ni un moteur performant, en raison de ses résultats insuffisants de croissance et d'emploi, y compris qualitatifs, ni un bouclier efficace, face à l'accentuation des concurrences externes, souvent ressenties comme excessives voire déloyales, et des délocalisations (avec des tensions également avivées par l'accroissement inédit du différentiel des coûts de production au sein même de l'Union élargie).

3.2

Les Européens plus familiarisés avec le fonctionnement de l'Europe, par leurs contacts, leurs professions, leurs déplacements, non seulement ressentent de la même façon les quatre déficits mentionnés précédemment, mais en expérimentent d'autres, tout aussi perceptibles:

3.2.1

un déficit de cohésion, qui s'est inévitablement creusé avec les élargissements: les disparités administratives, culturelles et sociales se sont beaucoup accrues, et les écarts de développement ont parfois triplé; s'y ajoutent les disparités d'intégration économique et monétaire avec une zone euro aujourd'hui limitée à 12;

3.2.2

un déficit d'achèvement pèse sur le fonctionnement du marché unique, où de forts cloisonnements persistent pour les services (2/3 du PIB), les marchés publics (16 % du PIB) et la fiscalité, de même que pour la libre circulation des ressortissants des nouveaux États membres encore soumise à des restrictions transitoires: le marché unique ne tourne, au mieux, qu'à mi-régime;

3.2.3

un déficit de simplification est évident pour tous les citoyens européens en leur qualité d'usagers des réglementations: les directives et autres dispositions communautaires censées leur simplifier la vie se superposent trop souvent à des règles nationales toujours plus foisonnantes;

3.2.4

un déficit de moyens, allant de pair avec un déficit d'intérêt général et de puissance publique européenne, apparaît aussi nettement à tous les observateurs: sur le plan financier, le budget communautaire, réduit à environ 1 % du PIB (contre 20 % aux États-Unis, dans un contexte effectivement très différent), objet lors de sa dernière programmation 2007-2013 de négociations aussi laborieuses que conflictuelles, n'apparaît guère à la hauteur de l'addition des tâches affectées à l'Europe; sur le plan institutionnel, les décisions sont généralement difficiles, en raison de la multiplicité des partenaires impliqués et, en de nombreux cas, de la persistance d'exigences ou de pratiques requérant l'unanimité des États membres;

3.2.5

un déficit d'infrastructures transnationales (transports, énergie, télécommunications) va de pair avec le déficit de moyens budgétaires: l'accord de décembre 2005 au Conseil européen a même réduit de moitié (à peine 2 % du budget au lieu de près de 4 %) l'enveloppe proposée par la Commission pour 2007-2013, même si les pourparlers ultérieurs avec le Parlement européen ont permis de tempérer un peu ces restrictions;

3.2.6

un déficit de discipline communautaire de trop d'États membres apparaît aussi clairement dans les rapports de Commission (transpositions des directives, procédures d'infractions au droit communautaire);

3.2.7

un déficit de communication et de mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne complète enfin la liste: loin d'être à l'origine d'un regain d'investissements européens dans la recherche, l'innovation, les réseaux communs d'infrastructures et la formation, cette stratégie est en effet restée dans la réalité très en deçà de la mobilisation requise et des objectifs visés (la programmation budgétaire 2007-2013, restrictive en tous ces domaines, ayant été symptomatique à cet égard).

3.3

Pour beaucoup de citoyens européens, un sentiment se dégage finalement assez logiquement de cette superposition, au total impressionnante, de déficits perçus dans le fonctionnement de l'Europe: un déficit de confiance. Pour y remédier, il faudra s'attaquer, avec détermination, à l'ensemble des dysfonctionnements constatés. Pour y contribuer, l'heure n'est plus à continuer d'amender une liste européenne des droits aussi remarquable dans son énoncé que mal connue et mal mise en œuvre. Il s'agit à présent de clarifier et de simplifier l'approche de l'Europe par les Européens, en leur donnant les clés d'une citoyenneté commune plus visible et plus effective.

3.4

On ne parviendra pas à engager de premiers progrès significatifs sans un meilleur appui de cette approche par les principaux acteurs de l'Europe. Ceci nécessitera:

3.4.1

un engagement militant et «retrempé», c'est-à-dire plus audacieux voire plus intransigeant, de la Commission européenne autour de ces exigences, notamment à travers son pouvoir de proposition et ses méthodes de consultation;

3.4.2

un meilleur fonctionnement des institutions européennes à travers un véritable engagement au service des citoyens, tel un code de conduite de meilleure gouvernance, et une disposition à reconnaître aux Européens eux-mêmes plus de responsabilités dans les affaires qui les concernent directement;

3.4.3

un langage plus valorisant pour l'Europe de la part des dirigeants politiques, cessant d'en donner une vision inutilement sacrificielle ou abusivement technocratique, tout en se réservant unilatéralement le meilleur rôle — ce qui supposerait également une attitude plus pédagogique de la part des médias-;

3.4.4

une attitude également responsable de ces dirigeants, consentant à donner à l'Europe qu'ils construisent ensemble les moyens minimaux (en terme de décisions, de budgets et de discipline) correspondant enfin aux ambitions officiellement placées en elle;

3.4.5

des «coopérations renforcées» entre États prêts à avancer entre eux pour ouvrir la voie — dans des conditions ne remettant pas en cause le primat de la méthode communautaire -, quand l'exigence d'unanimité fait un barrage excessif à des progrès considérés comme essentiels par les Européens;

3.4.6

davantage de pression et d'initiatives des partenaires sociaux et autres acteurs de la société civile: sans leur concours actif et constant, il serait vain d'envisager le développement d'une citoyenneté européenne visible et effective.

3.5

Comme le CESE l'a souligné dans son avis sur le «Programme d'actioncitoyenneté active»  (2), le programme «Citoyens pour l'Europe» (2007-2013) présenté par la Commission est handicapé par l'excessive modicité de son champ d'intervention et de son budget (235 millions d'euros, amputé depuis à 190, soit moins d'un demi euro par habitant pour cette période). Malgré ses intentions louables, il n'a aucun moyen d'atteindre son objectif d'assurer «une place centrale aux citoyens» dans la construction européenne. Il ne pourra jouer, au mieux, qu'un rôle d'accompagnement.

3.6

La priorité doit être aujourd'hui moins de préparer de nouvelles déclarations des droits ou d'accorder quelques subventions ponctuelles que d'engager des actes déterminés permettant à cette citoyenneté européenne de s'exercer pleinement. Pour progresser dans cette voie, le Comité économique et social propose de développer des initiatives nouvelles en trois domaines:

remédier aux lacunes européennes particulièrement injustifiées;

développer une gouvernance plus citoyenne de l'Union;

promouvoir des initiatives communes à fort contenu identitaire.

4.   Remédier aux lacunes européennes particulièrement injustifiées

4.1

Les citoyens européens peuvent à bon droit s'étonner de l'absence d'outils communs et de libertés européennes dans des domaines clés qui devraient au contraire illustrer leur appartenance à l'Union. C'est notamment le cas des lacunes particulièrement injustifiées concernant un statut européen pour les associations, de même que pour les mutualités et aussi pour les petites entreprises, un brevet communautaire unique, ou une protection fiscale européenne à l'égard de toutes les doubles impositions, y compris des prestations sociales et des régimes de pensions. Ces différentes lacunes sont développées ci-après.

4.2

Il est paradoxal que, un demi siècle après la création du marché commun, les milliers d'associations qui se sont constituées pour défendre les intérêts européens de leurs membres ne puissent relever d'un statut juridique de droit européen, et soient contraintes d'opter pour le droit national de leur site d'implantation, le plus souvent le droit belge.

4.2.1

Le projet proposant un tel statut européen a été retiré par la Commission en octobre 2005, avec une soixantaine d'autres également abandonnés pour des raisons invoquées de simplification de la réglementation ou d'absence de perspective d'adoption. En retirant ce projet de statut, sans consultation des milieux concernés, la Commission a malheureusement «jeté les couverts dans la poubelle».

4.2.2

Un premier geste pour conforter la citoyenneté européenne serait que la Commission fasse amende honorable et représente son projet. Bien évidemment, le Parlement et le Conseil devraient s'engager à l'adopter rapidement, après s'être expliqués, voire justifiés, sur les raisons du blocage intervenu.

4.3

La même approche devrait être également suivie concernant un statut européen des mutualités, dont le projet a été lui aussi abusivement retiré par la Commission européenne. Un tel statut contribuerait pourtant, lui aussi, à promouvoir de nouvelles initiatives européennes, tout en confortant la reconnaissance du pluralisme de l'entrepreneuriat en Europe.

4.4

Un autre paradoxe est l'absence d'un statut juridique européen unifié et simplifié facilitant la vie des petites et des moyennes entreprises, alors même que les programmes pluriannuels, les déclarations et même une Charte des PME se sont empilés sans changements très perceptibles pour les entrepreneurs.

4.4.1

Le Comité a présenté en 2002, à l'unanimité, des recommandations précises pour un tel statut (3). Elles n'ont été, à ce jour, suivies d'aucune proposition de la Commission. Alors que les communiqués officiels se succèdent, appelant à une Europe plus entreprenante et plus compétitive, cette situation devient chaque jour plus injustifiable.

4.4.2

Le Comité réitère donc sa demande à la Commission de présenter, dans les moindres délais, un projet de règlement pour un tel statut.

4.5

Un échec particulièrement emblématique est celui du brevet communautaire, faute de ratification par l'ensemble des États membres depuis sa signature en 1975.

4.5.1

Les appels répétés du Conseil européen aux États membres, donc à lui-même, pour dégager enfin une solution sont demeurés vains. Les inventeurs européens continuent d'être soumis à un système complexe et coûteux pour protéger leurs droits à une échelle efficace. Pour une Union européenne qui s'est fixé l'objectif de devenir, d'ici 2010, l'économie fondée sur la connaissance la plus dynamique et la plus compétitive du monde, ce blocage illustre une impuissance déplorable.

4.5.2

Si un accord unanime devait continuer de s'avérer hors de portée, le Comité suggère de mettre déjà en œuvre ce brevet communautaire, selon des modalités efficaces, simples et compétitives, entre les États membres qui l'ont ratifié.

4.6

La suppression des doubles impositions entre États membres continue d'être gérée par un enchevêtrement, aussi complexe qu'incomplet, de centaines de conventions bilatérales entre États, laissant les citoyens soumis à la discrétion des administrations fiscales, elles-mêmes souvent fort peu informées des dispositions applicables.

4.6.1

Le projet d'un règlement unique et simplifié présenté par la Commission pour régler ce problème n'a pas abouti, faute d'un accord unanime des États.

4.6.2

Un progrès utile serait que ces dispositions soient d'ores et déjà agréées et mises en œuvre par les États membres en mesure de le faire. Il serait en particulier logique que tous les États membres de la zone euro conviennent de l'adopter.

4.6.3

Le CESE souligne également la nécessité d'assurer une portabilité effective des prestations sociales, sans discrimination fiscale, dans le cadre de la mobilité intracommunautaire. Le CESE rappelle notamment son récent avis sur la «Portabilité des droits à pension complémentaire»  (4), demandant une harmonisation de la fiscalité des régimes complémentaires, absente du projet de directive: la disparité des traitements fiscaux appliqués dans les États membres représente en effet un sérieux obstacle à la mobilité dans la mesure où les travailleurs peuvent se voir soumis à une double imposition sur les contributions et sur les prestations.

5.   Développer une gouvernance plus citoyenne de l'Union

5.1

La construction européenne continue trop souvent d'être perçue comme une affaire d'États, où les citoyens sont cantonnés dans un rôle secondaire. Pour y remédier, il faudrait développer une gouvernance plus citoyenne de l'Union, c'est-à-dire un fonctionnement de l'Union plus clairement attaché au service des citoyens: promouvoir une approche plus européenne des médias, mieux analyser l'impact des projets pour les citoyens, faire meilleur usage des procédures de dialogue et de consultation, justifier les raisons des blocages ou des retraits, promouvoir davantage les approches d'autorégulation et de corégulation, encourager le développement de négociations collectives trans-frontalières des partenaires sociaux, mettre en œuvre un concept de service public appuyant le marché unique avec des douanes extérieures communautarisées, développer une information européenne plus interactive, associer les partenaires sociaux et autres acteurs représentatifs de la société civile sur le terrain dans la mise en œuvre des programmes bénéficiant d'aides communautaires. Ces différentes exigences sont développées ci-après.

5.2

Alors que les médias sont aujourd'hui assimilés à un «quatrième pouvoir» s'ajoutant au législatif, à l'exécutif et au judiciaire, il est frappant de constater que la dimension européenne ne l'a guère marqué de son empreinte, à la différence des trois autres, bien qu'il soit le plus visible et le plus familier pour tous. Il n'y a pas de grandes chaînes radio et TV de portée et à caractère européen, et le multilinguisme demeure lui-même un parent pauvre des médias. Il y a comparativement très peu de débats et d'émissions politiques européennes dans les médias. La vie des institutions européennes, à l'exception d'évènements épisodiques telles que les sommets, les crises et de nouvelles adhésions, n'est guère commentée et demeure confidentielle. À titre d'exemple, un récent Eurobaromètre rapporte qu'à peine 30 % des personnes se déclarant intéressées par les affaires européennes (et donc bien moins pour l'ensemble des citoyens) seraient capables de donner trois réponses correctes à trois questions basiques (nombre d'États membres, élection ou désignation des députés européens, représentation ou non de toutes les nationalités à la Commission). Il conviendrait donc d'engager des mesures pour remédier à cette désinformation chronique, telles que:

5.2.1

une émulation des médias nationaux sur les questions européennes avec des incitations à consacrer davantage de place à l'information sur la vie politique de l'Union;

5.2.2

une promotion et une coordination de ces initiatives dans les médias, qui pourrait être appuyée par une Agence européenne de l'audiovisuel, opérant avec les organes similaires pouvant exister dans les États membres.

5.3

Concernant le fonctionnement des institutions européennes, les derniers traités se sont davantage intéressés aux procédures de codécision, donnant à juste titre des pouvoirs accrus au Parlement européen, qu'aux modalités de consultation, où beaucoup d'améliorations mériteraient d'être faites.

5.3.1

Dans la pratique, et suite notamment au Livre blanc de la Commission présenté en 2002 sur une meilleure gouvernance européenne, de premiers progrès réels ont déjà été faits: plus large recours aux Livres Verts, consultations publiques sur internet (même si leur portée opérationnelle demeure inégale), demandes d'avis exploratoires adressées plus en amont au CESE.

5.3.2

Parmi les progrès qui restent à faire, on citera un recours plus systématique aux analyses préalables d'impact des projets de la Commission, qui devraient notamment s'interroger sur la valeur ajoutée et la simplification réelle apportée aux citoyens et usagers, comme sur la faisabilité d'approches alternatives à une réglementation classique, et qui devraient toujours accompagner le projet. En particulier, une simplification effective de la réglementation ne pourra pas être assurée sans une association en amont des représentants d'usagers, et sans des programmes parallèles de simplification aux niveaux nationaux.

5.3.3

Il conviendrait aussi de veiller à améliorer la qualité des consultations: la Commission devrait notamment justifier du suivi qui a été donné aux débats et des raisons pour lesquelles certaines options et argumentations ont été retenues de préférence à d'autres. La phase de consultation devrait en toute hypothèse demeurer bien distincte de la phase de décision ou de codécision, ce qui est souvent loin d'être le cas. Hormis le cas des avis exploratoires précédemment mentionné, le Comité économique et social est lui-même trop souvent handicapé dans l'efficacité de ses consultations par la saisine parallèle et concomitante des organes décisionnels.

5.3.4

Le Conseil européen de mars 2006 a, de façon pertinente, demandé que les partenaires sociaux et les autres acteurs de la société civile directement concernés par la stratégie de Lisbonne aient davantage le contrôle du processus. Le Comité économique et social se félicite également que le Conseil européen lui ait renouvelé son mandat de contribuer, avec le Comité des régions, à évaluer et promouvoir la mise en œuvre de cette stratégie. Les réseaux d'échanges que le CESE a développés à cette fin avec les Conseils économiques et sociaux ou avec des organes représentatifs analogues dans les États membres concourent utilement à cette gouvernance plus citoyenne de l'Union.

5.3.5

Sur le plan national, il serait conviendrait que les gouvernements et les parlements consultent systématiquement les partenaires sociaux avant les Conseils européens d'Automne et de Printemps, pour les associer aux grandes orientations de politique économique, aux lignes directrices pour l'emploi et à la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne. Les rapports nationaux des États membres devraient s'appuyer explicitement sur ces consultations.

5.4

Les institutions européennes ne devraient pas seulement se sentir responsables d'une consultation adéquate des citoyens et de leurs organisations représentatives avant d'adopter des projets ou des orientations les concernant. Elles devraient procéder de même en cas de blocage persistant ou en cas de retrait d'un projet, afin qu'il soit possible:

de connaître les raisons, argumentations et responsabilités précises d'un blocage au sein du Conseil ou d'un retrait par la Commission;

de recueillir l'avis des représentants de la société civile sur les perspectives d'approche alternative pour remédier aux conséquences les plus négatives de ce blocage ou de ce retrait.

5.5

Un grand pas dans le sens d'une citoyenneté européenne visible et effective serait également de promouvoir davantage les approches de corégulation et d'autorégulation, selon lesquelles les acteurs socioprofessionnels sont eux-mêmes impliqués, et non seulement consultés, dans la définition de règles économiques ou sociales qui les concernent directement.

5.5.1

Il aura fallu attendre le traité de Maastricht de 1992 pour que la capacité contractuelle des partenaires sociaux européens dans le cadre d'un dialogue autonome, tant sur le plan interprofessionnel que sectoriel, soit officiellement reconnue. Une autre décennie fut nécessaire pour qu'un accord interinstitutionnel européen, conclu en décembre 2003 entre le Parlement, le Conseil et la Commission, reconnaisse plein droit de cité aux approches d'autorégulation et de corégulation des acteurs de la société civile dans d'autres domaines, et en précise les définitions et les modalités.

5.5.2

Ces pratiques se sont déjà développées de façon significative, intéressant notamment, au-delà du dialogue social, les normes techniques, les règles professionnelles, les services, les consommateurs, les économies d'énergie, l'environnement (5). Elles demeurent toutefois encore loin d'avoir acquis tout le développement qu'elles mériteraient, même si tous les citoyens européens sont d'ores et déjà concernés par elles, à un titre ou à un autre.

5.5.3

Il serait notamment utile, pour appuyer le meilleur exercice d'une citoyenneté européenne dans les régions limitrophes, de promouvoir un développement de négociations collectives transfrontalières, comme la Commission l'envisage dans sa communication de 2005 sur l'agenda social.

5.5.4

Le développement de l'autorégulation et de la corégulation devrait permettre, en complémentarité de l'action du législateur et le cas échéant sous son contrôle, de faire avancer l'Europe et les droits de citoyenneté des Européens dans de très nombreux domaines, par exemple:

de multiples aspects des relations du travail pouvant concerner l'emploi, les conditions de travail, la formation professionnelle initiale et permanente, la participation, la protection sociale;

la réalisation d'un véritable marché européen des services;

le renforcement des droits des consommateurs dans le marché unique;

l'amélioration de l'environnement.

5.5.5

Pour sa part le CESE a engagé une approche systématique de recensement et d'encouragement des pratiques alternatives de régulation, comme de règlement des litiges, notamment à travers ses auditions et sa base de données PRISM 2 aujourd'hui modernisée, qui constitue la principale référence sur l'état de l'autorégulation en Europe.

5.6

Tant la réglementation européenne classique (directives, règlements) que la corégulation et l'autorégulation devraient concourir à approfondir le marché unique et améliorer son fonctionnement. Les citoyens européens devraient pouvoir s'approprier ce marché unique comme une dimension naturelle de leurs initiatives et de leurs activités.

5.6.1

Tout en constituant un cadre naturel d'émulation et de concurrence pour les agents économiques, le marché unique ne devrait pas être mis en opposition frontale et systématique avec les concepts de service public et d'intérêt général, qui méritent également d'être valorisés au niveau européen. Ainsi, les différentes Agences européennes qui ont été mises en place dans divers États membres pour contribuer à plusieurs aspects du fonctionnement du marché unique devraient se fixer de véritables «missions européennes de service public» dans l'exercice de leurs fonctions. De telles orientations pourraient jouer un rôle utile dans le débat sur l'ouverture européenne des services publics. Elles contribueraient en effet à dépasser l'opposition réductrice entre ceux qui ne conçoivent de service public que national et ceux qui assimilent forcément l'ouverture européenne au développement des privatisations.

5.6.2

Dans le même esprit, les frontières extérieures de l'Union mériteraient d'être gérées à terme par une administration communautaire des douanes, avec un symbole visuel identique, plutôt que par des administrations nationales. Un premier pas serait de créer, en liaison avec l'Agence européenne de protection des frontières, un corps d'inspecteurs et de garde-frontières européens, tout en assurant à l'ensemble des douaniers un tronc de formation commun, et en développant davantage les échanges mutuels, aujourd'hui trop épisodiques. L'harmonisation des incriminations et des sanctions serait également nécessaire, de pair avec la reconnaissance et l'exécution des décisions de juridictions de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif entre États membres.

5.6.3

L'Europe devrait également se doter d'un dispositif commun, mobile et performant de protection civile, apte à appuyer rapidement et efficacement les États membres et leurs populations en cas de catastrophes naturelles ou d'actes de terrorisme.

5.6.4

Concernant l'information des citoyens sur leurs droits et opportunités au sein du marché unique, il conviendrait de développer dans tous les États membres une communication à ce jour le plus souvent inexistante sur les centres Solvit et autres points de contact sur l'Europe, qui ont été mis en place dans tous les États membres pour aider les citoyens à régler les problèmes qu'ils peuvent encore rencontrer dans leurs échanges. Les Agences européennes, précédemment mentionnées, ne se sont elles-mêmes guère fait connaître du public depuis leur création. Des campagnes d'information devraient y remédier.

5.6.5

L'information sur le fonctionnement de l'Europe et du marché unique, comme sur les droits et les libertés des citoyens à cette échelle, devrait également bien s'adapter aux attentes et au langage des interlocuteurs. Il est souvent nécessaire de partir des questions et des aspirations de ceux-ci, tout particulièrement en ce qui concerne les jeunes, plutôt que leur dispenser des réponses toutes faites, «ex cathedra». Le développement des points de contact et d'information sur l'Europe devrait ainsi aller de pair avec une réelle capacité à intégrer pleinement le langage, l'approche et le point de vue des interlocuteurs à travers un dialogue interactif permettant une meilleure appropriation de l'information européenne en fonction des caractéristiques de chacun. L'utilisation d'internet correspond bien à ce cahier des charges et devrait être pleinement mise à profit, tant par les institutions européennes que par les associations de la société civile, pour rendre la citoyenneté européenne plus effective.

5.7

Beaucoup reste à faire par ailleurs pour associer les citoyens européens aux interventions des fonds structurels. Alors que les dispositions régissant l'aide communautaire aux pays ACP d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique prescrivent expressément une association étroite de la société civile (cf. accord de Cotonou), rien de tel n'existe, très paradoxalement, concernant la participation des partenaires sociaux et autres acteurs représentatifs de la société civile européenne organisée à la politique de cohésion menée par l'Union.

5.7.1

Les orientations stratégiques proposées par la Commission pour 2007-2013 ne font qu'une référence informelle à une telle consultation et association, sans prévoir de dispositions explicites dans les textes proposés, qu'il s'agisse des orientations ou des règlements des fonds structurels.

5.7.2

Il conviendrait d'y remédier, et d'obtenir que ces textes stipulent une telle association, avec des dispositions directement applicables par les institutions communautaires et par les États membres.

6.   Promouvoir des initiatives communes à fort contenu identitaire

6.1

Les citoyens européens, qui attendent de l'Europe une valeur ajoutée à leur identité nationale, régionale et locale, constatent trop souvent que cette valorisation s'avère modeste sinon superficielle. Certes, peu à peu, des avancées significatives et d'importance croissante ont été décidées par les gouvernants de l'Europe: hymne et drapeau européen, passeport européen, assistance mutuelle des ambassades et consulats et bien sûr monnaie unique avec l'euro réunissant déjà douze États membres.

6.1.1

Ces avancées n'ont toutefois été acquises que très progressivement et coexistent aujourd'hui avec de forts retards d'identité commune dans d'autres domaines souvent très voisins. Pour y remédier, il faudrait décliner le concept de subsidiarité non pas dans un sens systématiquement descendant, mais dans un sens adapté au cas d'espèce, qui peut souvent imposer l'intervention européenne.

6.1.2

Dans cet esprit, il faudrait promouvoir des initiatives à fort contenu identitaire, telles que: donner une priorité au financement des grands projets européens, investir dans des programmes européens ambitieux d'éducation et de formation, incluant un service civil volontaire européen pour les jeunes, faire témoigner des célébrités sur leur identité européenne, investir dans des programmes européens également ambitieux sur les plans culturels et médiatiques, avec un statut commun des fondations et du mécénat, engager des progrès particuliers d'intégration économique et sociale à l'échelle de la zone Euro. Il faudrait également adopter des décisions à haute signification politique, telles qu'élire le même jour le Parlement européen, officialiser avec éclat la journée de l'Europe, mettre en œuvre dès à présent le droit européen d'initiative populaire. Ces différentes recommandations sont développées ci-après.

6.2

La modestie des moyens du budget européen devrait être une raison supplémentaire d'en consacrer une part plus importante au financement de projets authentiquement européens.

6.2.1

De tels financements devraient bénéficier notamment aux régions frontalières qui constituent les «points de soudure de l'Europe» et qui, plus que les autres, sont affectées dans leur cohésion par les insuffisances d'harmonisation entre les États membres. Les acteurs socioprofessionnels de ces régions transfrontalières devraient se voir reconnus un rôle central dans la conception et l'animation de tels programmes transfrontaliers. Un pourcentage significatif du budget communautaire, en accroissement pluriannuel, devrait être programmé en leur faveur. En particulier, il conviendrait d'augmenter la dotation budgétaire du programme EURES et de relayer ses activités dans les publications, radios et télévisions régionales.

6.2.2

Ces financements communautaires, avec l'appui de partenariats publics/privés efficaces, devraient également promouvoir le développement des réseaux trans-européens (transports, énergie, télécommunications), au service d'une Europe plus performante et mieux interconnectée. Pourtant, la tendance est actuellement inverse, comme l'illustre la décision du Conseil européen de décembre 2005 de réduire de moitié l'enveloppe 2007-2013 initialement proposée par la Commission pour ces réseaux, réduction modestement tempérée par un arrangement ultérieur avec le Parlement européen.

6.2.3

Il conviendrait également de développer davantage de grands projets européens industriels et technologiques, à travers le budget communautaire ou avec des contributions spéciales des États membres souhaitant y participer. Les succès déjà obtenus dans les domaines de l'aéronautique et de l'espace montrent la voie à suivre. De telles réussites confortent beaucoup dans l'opinion l'image de l'Europe et un sentiment commun d'appartenance, tout en renforçant sa compétitivité. Un vaste champ de coopération et d'intégration industrielle et technologique reste notamment à défricher dans le secteur de la défense et de la sécurité.

6.3

Des initiatives ambitieuses devraient aussi être engagées pour conforter la citoyenneté européenne à travers l'éducation et la formation, y compris à l'Europe.

6.3.1

Un tronc commun sur l'Europe devrait être assuré à travers tous les niveaux d'enseignement: école primaire, secondaire, université. L'apprentissage des langues devrait être fortement encouragé, en s'appuyant sur un référentiel commun des niveaux d'acquisition (cf. généraliser l'initiative du Conseil de l'Europe créant un «portfolio» européen des langues). L'ouverture à l'Europe devrait être assurée non pas tant par des enseignements magistraux qu'à travers des échanges, des stages, des séjours d'expériences vécues. Les jumelages et les parcours scolaires et universitaires européens devraient être favorisés en priorité. Les écoles de presse devraient elles-mêmes intégrer un volet européen substantiel.

6.3.2

Les jeunes devraient pouvoir effectuer un service civil volontaire européen, attractif et formateur, à une échelle beaucoup plus vaste que les premières expériences mises en place, qui n'ont à ce jour concerné que quelques milliers d'entre eux. Une telle opportunité compléterait utilement les échanges d'étudiants Erasmus et Leonardo qui ont déjà rencontré un vrai succès avec plusieurs millions de bénéficiaires.

6.3.3

Pour promouvoir un sentiment d'identification européenne, des célébrités du monde culturel ou sportif pourraient, dans des campagnes de communication, se présenter comme d'authentiques «Européens», valorisant à travers leur personnalité ce ressenti et cette expression d'identité.

6.4

Dans le même esprit, on devrait également promouvoir des initiatives ambitieuses pour valoriser la culture européenne et promouvoir sa diffusion dans les médias.

6.4.1

Il conviendrait de mieux tirer parti de la richesse de la culture en Europe, tant pour mettre en valeur la vigueur de son tronc commun que la grande diversité de ses expressions. Il faudrait ainsi promouvoir le recours à des versions originales sous-titrées de films, d'œuvres et d'émissions d'autres États membres, ce qui faciliterait aussi la maîtrise et l'entretien par les Européens d'une connaissance d'autres langues que la leur propre.

6.4.2

L'Union européenne devrait encourager la création d'une école européenne du cinéma et promouvoir, à l'instar des oscars, ses propres «Étoiles» ou «Lumières» pour récompenser ses meilleurs créateurs et artistes.

6.4.3

La réussite d'un ambitieux programme culturel européen aux multiples effets économiques et sociaux serait elle-même grandement facilitée par une promotion commune des fondations et du mécénat. L'élaboration d'un statut européen attractif en ces domaines contribuerait directement à intensifier une telle coopération.

6.5

Une réflexion spécifique mériterait enfin d'être menée autour de l'euro. Tout se passe actuellement comme si les États qui ont adopté l'euro en faisaient plus un point d'arrivée qu'un point de départ. Les citoyens de la zone euro pourraient opportunément s'interroger sur cette attitude.

6.5.1

Sur le plan économique, qu'attendent en effet ces États pour approfondir leur intégration, intensifier les échanges financiers et engager une meilleure harmonisation fiscale? Pourquoi l'Eurogroupe, qui réunit les douze ministres des Finances, est-il aujourd'hui encore si loin de constituer l'embryon d'un gouvernement économique de la zone euro, face à une Banque centrale européenne d'ores et déjà fédérale? Pourquoi n'envisage t-on pas une représentation économique et financière unique des États de l'euro (FMI, G7, etc.) pour mieux peser notamment face au dollar? Pourquoi les États de l'euro n'ont-ils pas déjà engagé une coopération mutuelle étroite sur leurs budgets respectifs?

6.5.2

A l'heure où les exigences d'une mise en œuvre plus effective et plus convergente de la stratégie de Lisbonne se renforcent, pourquoi l'Eurogroupe est-il resté limité aux ministres de l'économie et des finances, et n'a-t-il pas créé son équivalent au sein des ministres sociaux? Dans sa double formation économie-finances et social, qui pourrait aussi s'adjoindre les ministres de l'industrie, l'Eurogroupe ne pourrait-il pas développer des approches plus efficaces sur les réformes économiques et sociales, donner l'exemple dans la promotion de la recherche et la mise en œuvre du brevet communautaire, présenter un rapport commun sur la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne en plus des rapports nationaux?

6.5.3

Les citoyens des États de la zone euro devraient être étroitement consultés et impliqués dans ces choix, notamment à travers leurs associations représentatives. Ils devraient aussi être incités à développer leurs propres initiatives à l'échelle de la zone euro. Ce faisant, la zone euro, laboratoire d'une intégration économique et sociale plus poussée, deviendrait aussi le laboratoire d'une citoyenneté européenne plus affirmée.

6.5.4

Bien évidemment, il conviendrait de veiller parallèlement à ne pas nuire pour autant à la cohésion de l'Union dans sa globalité': les États non membres de l'Euro devraient ainsi être dûment informés, consultés, et dans toute la mesure du possible associés à cette coopération accrue, qu'ils seront en toute hypothèse appelés à pratiquer pleinement dès qu'ils auront adopté l'euro.

6.6

Sur le plan purement politique, certaines mesures contribueraient enfin à faire nettement progresser une citoyenneté européenne plus visible et plus effective, telles que;

6.6.1

le choix d'un même jour pour l'élection du Parlement européen au suffrage universel: la soirée électorale authentiquement européenne qui s'ensuivrait permettrait de donner une toute autre dimension aux débats, aux interventions et aux commentaires qui seraient faits; elle situerait les enjeux politiques dans leur vraie dimension européenne, au lieu de les limiter, de façon tout à fait abusive et erronée, à leur seule dimension nationale, comme ceci est largement le cas actuellement;

6.6.2

l'officialisation avec éclat de la journée de l'Europe du 9 mai, qui mériterait d'avoir rang de jour férié de l'Europe — ce qui pourrait se faire en substitution, au choix des États membres, d'un autre jour jusqu'alors férié -, avec des manifestations et des programmes, notamment culturels, directement marqués par l'Europe;

6.6.3

la mise en œuvre d'un droit européen d'initiative populaire anticipant les dispositions prévues dans le traité constitutionnel (un million de signatures réunies dans plusieurs États membres). La Commission européenne pourrait ainsi s'engager dès à présent à examiner et le cas échéant relayer toute proposition d'initiative populaire ayant atteint un tel seuil. Elle s'engagerait également à exposer publiquement les raisons précises pour lesquelles elle pourrait également décider de ne pas donner suite à une telle initiative.

7.   Conclusions

7.1

Tout bien pesé, par-delà les déclarations et les chartes, une citoyenneté européenne plus visible et plus effective ne se décrète pas. Elle se mérite et elle s'exerce. Elle est évolutive et elle est motrice. Ce n'est qu'en s'affirmant qu'elle se consolidera. Et ce n'est qu'en développant une telle dimension participative «horizontale» de la construction européenne que cette citoyenneté européenne assurera la pleine acceptation et la pérennité de la dimension «verticale» de cette construction.

7.2

Cette citoyenneté européenne active a aujourd'hui besoin d'outils, non pas tant déclaratifs qu'opérationnels, qui lui ont trop fait défaut jusqu'ici. Il convient à présent de donner aux Européens ces outils qu'ils attendent et dont ils sauront faire bon usage. Nul doute qu'ils parviendront alors à donner à l'Europe ce regain d'identité, de dynamisme, de compétitivité et de cohésion que les États peinent aujourd'hui à lui assurer.

7.3

Pour veiller au suivi des présentes recommandations et pour contribuer à promouvoir des progrès effectifs pour les citoyens européens, le Comité économique et social convient de créer un Groupe permanent «Citoyenneté européenne active». Ce groupe aura notamment pour mission de:

suivre l'évolution des progrès et des retards en ce domaine;

promouvoir le dialogue public avec les acteurs de la société civile;

encourager et faire mieux connaître les initiatives et les meilleures pratiques.

7.4

Pour marquer et orienter le lancement d'un tel suivi, un symposium sur la citoyenneté européenne active sera organisée par le Comité économique et social, comme ceci avait été déjà été envisagé par le CESE dans son précédent avis sur le «Programme d'actioncitoyenneté active»  (6).

Bruxelles, le 14 septembre 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Avis du CESE «Contribution au Conseil européen des 15 et 16 juin 2006Période de réflexion».(rapporteur: M. MALOSSE).

(2)  Avis du CESE du 26.10.2005 sur la «Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant, pour la période 2007-2013, le programme “Citoyens pour l'Europe” visant à promouvoir la citoyenneté européenne active», rapporteur: M. LE SCORNET (JO C 28 du 03.02.2006).

(3)  Avis du CESE du 26.4.2002 sur «L'accès des PME à un statut de droit européen», rapporteur: M. MALOSSE (JO C 125 du 27.05.2002, p. 100).

(4)  Avis du CESE du 20.04.2006 sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'amélioration de la portabilité des droits à pension complémentaire», rapporteur: Mme ENGELEN-KEFER.

(5)  Cf. rapport d'information adopté par la section spécialisée «Marché unique, production et consommation» le 11.1.2005 sur «L'état actuel de la corégulation et de l'autorégulation dans le marché unique», rapporteur: M. VEVER.

(6)  Avis du CESE du 26.10.2005 sur la «Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant, pour la période 2007-2013, le programme “Citoyens pour l'Europe” visant à promouvoir la citoyenneté européenne active», rapporteur: M. LE SCORNET (JO C 28 du 03.02.2006).


23.12.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/173


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions Une feuille de route pour l'égalité entre les femmes et les hommes 2006-2010»

COM(2006) 92 final

(2006/C 318/29)

Le 1er mars 2006, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 13 juillet 2006 (rapporteuse: Mme Grace ATTARD).

Lors de sa 429è session plénière des 13 et 14 septembre 2006 (séance du 13 septembre 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 175 voix pour, 11 voix contre et 9 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE accueille favorablement la volonté politique de la Commission d'accorder une place prioritaire au programme sur l'égalité entre les femmes et les hommes pour la période 2006-2010. Le Comité apprécie l'engagement personnel pris par le Président BARROSO quant à l'adoption du programme en question et convient qu'il est essentiel d'associer tous les acteurs concernés à la mise en œuvre de ces priorités.

1.2   Le CESE:

reconnaît que pour augmenter le taux de participation des femmes au marché du travail, il est indispensable d'établir des priorités communes dans la coordination des politiques en matière d'emploi;

estime que les gouvernements nationaux, les institutions nationales en charge de l'égalité femme-homme ainsi que les partenaires sociaux de tous les États membres ont l'obligation claire de veiller à ce que les systèmes salariaux qu'ils mettent en place n'entraînent pas de discrimination de rémunération entre les femmes et les hommes;

concernant les femmes entrepreneurs, recommande d'élaborer des stratégies visant à améliorer l'accès des femmes aux crédits bancaires et aux services de banque;

recommande que les programmes nationaux comprennent une formation à l'esprit d'entreprise dans l'enseignement secondaire et supérieur, surtout pour les jeunes filles, et que des mesures soient prises pour augmenter le nombre de femmes diplômées dans des disciplines scientifiques ou techniques afin de réduire l'écart entre les taux d'emploi des femmes et des hommes dans les domaines techniques tels que l'ingénierie et les services liés aux technologies de l'information et de la communication;

propose de renforcer les stratégies relatives à l'égalité entre les sexes en matière de protection sociale et de lutte contre la pauvreté afin de s'assurer que les systèmes d'imposition et de sécurité sociale répondent aux besoins des femmes exposées au risque de pauvreté, notamment des mères célibataires; il faudrait également formuler des propositions politiques concrètes visant à encourager les parents isolés à développer des compétences exploitables et à faciliter leur intégration sur le marché du travail;

estime que les stratégies nationales pour la santé et les soins de longue durée devraient contenir des politiques intégrées traitant la question des normes de travail pour les femmes;

appelle à une prise en compte, une étude et une analyse plus approfondies des effets de la charge des soins aux personnes dépendantes qui pèse sur les femmes et de la dégradation de leur santé physique et mentale qui en résulte;

propose que la méthode ouverte de coordination soit appliquée dans le domaine des soins de santé et qu'elle incorpore les objectifs relatifs à l'égalité entre les femmes et les hommes;

reconnaît le phénomène de féminisation de la migration et recommande l'intégration complète de la dimension de genre dans les politiques et les actions communautaires à chaque étape du processus migratoire;

reconnaît qu'il est important d'élaborer des mesures et notamment, d'établir des objectifs et des indicateurs précis pour offrir des structures d'accueil pour les enfants ainsi que pour les personnes âgées dépendantes et les personnes handicapées;

recommande de fixer des objectifs et des délais pour accroître la participation des femmes à toutes les formes de prise de décisions;

recommande de mettre en place un plan d'action européen contre la violence envers les femmes;

appelle les États membres à veiller à la mise en oeuvre des mesures afin d'octroyer aux victimes de la traite à des fins d'exploitation sexuelle davantage de droits et de soutien;

recommande le développement d'actions paneuropéennes de sensibilisation sur la tolérance zéro à l'égard des insultes sexistes et des images dégradantes des femmes dans les médias;

estime que les États membres devraient veiller à ce que les communications commerciales audiovisuelles ne comportent pas de discrimination fondée sur la race, le sexe ou la nationalité, conformément aux recommandations formulées par la Commission dans sa proposition de directive visant à la coordination de certaines dispositions relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle (1);

recommande l'introduction de modules de formation à la dimension de genre dans les organismes de formation des professionnels des médias et de mécanismes forts visant à établir un équilibre entre les femmes et les hommes à tous les niveaux de la prise de décisions dans l'industrie des médias;

recommande que dans le cadre de la politique communautaire d'aide au développement, les femmes bénéficient d'un accès adéquat à l'aide financière de l'UE, notamment par le biais de projets nationaux montés par des organisations de femmes;

insiste pour que la politique d'aide humanitaire de la Commission européenne (ECHO) donne la priorité à l'aide et au soutien financier aux femmes qui sont victimes des actes de violence sexuelle perpétrés durant les conflits;

considère que si l'on veut que la feuille de route apporte des résultats, il est essentiel d'améliorer la gouvernance pour l'égalité entre les femmes et les hommes; le Comité recommande de consolider les mécanismes de consultation et de dialogue avec la société civile organisée, en particulier avec les organisations féminines au niveau national;

préconise de créer, au sein de la DG Budget de la Commission, un groupe de travail sur l'intégration de la dimension de genre dans le processus budgétaire et de procéder tous les ans à une évaluation distincte de l'impact sexospécifique du budget communautaire.

2.   Exposé des motifs

2.1   Contenu essentiel du document de la Commission

2.1.1

L'Union européenne a fait des progrès significatifs dans la réalisation de l'égalité entre les femmes et les hommes, grâce à la législation sur l'égalité de traitement, à l'intégration de la dimension de genre dans les politiques, aux mesures spécifiques pour l'avancement des femmes, aux programmes d'action, au dialogue social et au dialogue avec la société civile. Néanmoins, des inégalités subsistent et peuvent même s'amplifier, puisque l'accroissement de la concurrence économique mondiale exige une main-d'œuvre plus flexible et mobile. Cela peut avoir une plus grande incidence sur les femmes qui sont souvent obligées de choisir entre avoir des enfants ou faire carrière. Cette situation est due au manque de flexibilité des conditions de travail et des services de soins, à la persistance des stéréotypes fondés sur le genre, et à une répartition inégale des responsabilités familiales entre les femmes et les hommes.

2.1.2

La feuille de route de la Commission décrit six domaines prioritaires pour l'action de l'Union européenne relative à l'égalité entre les femmes et les hommes pour la période 2006-2010:

une indépendance économique égale pour les femmes et les hommes;

la conciliation de la vie privée et professionnelle;

une représentation égale dans la prise de décision;

l'éradication de toute forme de violence fondée sur le genre;

l'élimination des stéréotypes de genre;

la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes dans les politiques externes et de développement.

La feuille de route identifie des objectifs prioritaires et des actions pour chacun des domaines. La Commission ne peut réussir seule à réaliser ces objectifs puisque, dans de nombreux domaines, le centre de gravité de toute action se situe au niveau de l'État membre. La feuille de route représente donc l'engagement de la Commission à faire avancer le programme sur l'égalité entre les femmes et les hommes en renforçant les partenariats avec les États membres et d'autres acteurs.

2.1.3

Afin d'améliorer la gouvernance pour l'égalité entre les femmes et les hommes, la Commission définit également un nombre d'actions clés et s'engage à suivre de près les progrès réalisés.

2.2   Observations générales

2.2.1

Le CESE accueille favorablement la volonté politique de la Commission d'accorder une place prioritaire au programme sur l'égalité entre les femmes et les hommes pour la période 2006-2010. Le Comité apprécie l'engagement personnel pris par le Président BARROSO quant à l'adoption du programme en question et convient qu'il est essentiel d'associer tous les acteurs concernés à la mise en œuvre de ces priorités.

2.2.2

L'égalité entre les femmes et les hommes est un droit fondamental, une valeur commune à l'Union européenne et à ses États membres, et une condition nécessaire pour la réalisation des objectifs de croissance, d'emploi et de cohésion sociale de l'UE qui constituent également les principaux piliers de l'agenda de Lisbonne. Le CESE soutient la stratégie définie dans la feuille de route, fondée sur une double approche de l'égalité qui consiste en la prise en compte de la dimension de genre et en l'adoption de mesures spécifiques.

2.2.3

La situation actuelle des femmes sur le marché du travail ne reflète pas pleinement les avancées réalisées par celles-ci dans des domaines clés comme l'éducation et la recherche. L'UE ne peut tout simplement pas se permettre de ne pas tirer le meilleur parti de son capital humain. En même temps, les changements démographiques conduisant à des faibles taux de natalité et à une diminution de la main-d'œuvre représentent des enjeux qui menacent le rôle politique et économique de l'UE.

2.2.4

Le CESE se félicite également du fait que la Commission s'est fixé pour objectif de s'attaquer et de mettre fin à la violence liée au sexe et à la traite des êtres humains, qui constituent des obstacles à la réalisation de l'égalité entre les sexes et une violation des droits fondamentaux de la femme.

2.2.5

Par ailleurs, le CESE soutient l'engagement de la Commission à relever les défis mondiaux et à protéger et intégrer les droits de la femme dans toutes les politiques externes, ainsi que les actions et les programmes européens concernés.

2.3   Observations particulières sur la partie I: Domaines d'action prioritaires pour l'égalité entre les femmes et les hommes

2.3.1

Pour mener une action réussie dans les domaines prioritaires identifiés dans la feuille de route, il est nécessaire de développer des stratégies intégrées et de garantir que l'égalité entre les femmes et les hommes soit traitée et incluse de façon explicite dans l'ensemble des politiques, au niveau national ou communautaire approprié. Il convient de renforcer les mécanismes et les ressources de l'UE pour intégrer efficacement la dimension de genre à l'échelle nationale, conformément au pacte pour l'égalité entre les femmes et les hommes approuvé lors du conseil de printemps 2006.

2.3.2

Le suivi effectif de la feuille de route devrait être assuré en coopération avec les États membres. Bien qu'il existe déjà des indicateurs permettant de suivre les progrès réalisés, il est important de collecter des données comparables au niveau de l'UE.

2.3.3   Réaliser une indépendance économique égale pour les femmes et les hommes

2.3.3.1   Atteindre les objectifs de Lisbonne en matière d'emploi

2.3.3.1.1

Selon les objectifs de Lisbonne, le taux d'emploi des femmes doit atteindre 60 % d'ici 2010. Malgré les engagements pris par les États membres vis-à-vis de la stratégie de Lisbonne, le programme pour la croissance et l'emploi et l'existence d'un ensemble de règles communautaires contraignantes en matière d'égalité entre les sexes au travail, des écarts importants entre les femmes et les hommes persistent. Le taux d'emploi des femmes est inférieur à celui des hommes (55,7 % contre 70 %) et il est beaucoup plus faible (31,7 %) pour les femmes d'un certain âge (entre 55 et 64 ans). Les femmes connaissent également un taux de chômage plus élevé que les hommes (9,7 % contre 7,8 %). La dimension de genre de la stratégie de Lisbonne pour l'emploi et la croissance doit être renforcée.

2.3.3.1.2

La Commission se penche sur la conformité avec la législation en matière d'égalité de traitement, l'utilisation complète du potentiel des nouveaux fonds structurels et les moyens de rendre le travail rémunérateur, notamment grâce à l'individualisation des droits liés aux systèmes sociofiscaux. Le CESE se félicite de la mise en place de l'Institut européen pour l'égalité entre les femmes et les hommes, mais estime néanmoins que des ressources humaines et financières adéquates sont nécessaires pour que celui-ci puisse fonctionner d'une manière effective (2).

2.3.3.1.3

Le Comité reconnaît que pour augmenter le taux de participation des femmes au marché du travail, il est indispensable d'établir des priorités communes dans la coordination des politiques en matière d'emploi. Lors de son évaluation des programmes nationaux de réforme, la Commission doit veiller à ce que la priorité soit accordée à l'élimination des disparités entre les hommes et les femmes et que les actions nécessaires soient entreprises.

2.3.3.1.4

Le CESE estime que les gouvernements nationaux, les institutions nationales en charge de l'égalité femme-homme ainsi que les partenaires sociaux de tous les États membres ont l'obligation claire de veiller à ce que les systèmes salariaux qu'ils mettent en place n'entraînent pas de discrimination de rémunération entre les femmes et les hommes.

2.3.3.1.5

Le Comité est préoccupé par le fait que certaines formes nouvelles d'organisation du travail peuvent conduire à une exploitation des travailleurs et à des emplois précaires souvent occupés par des femmes et il est convaincu qu'il faut trouver un équilibre entre flexibilité et sécurité.

Le CESE considère qu'il est très important de disposer de données sexospécifiques fiables et comparables concernant les obstacles à l'emploi des femmes handicapées afin de favoriser leur intégration sur le marché du travail.

2.3.3.2   Éliminer l'écart de rémunération entre les femmes et les hommes

2.3.3.2.1

En dépit de la législation communautaire sur l'égalité de rémunération, les femmes gagnent en moyenne dans l'UE 15 % de moins que les hommes (3) et cet écart se résorbe à un rythme beaucoup plus lent que les disparités d'emploi entre les femmes et les hommes. Sa persistance résulte à la fois de la discrimination directe et indirecte à l'égard des femmes et d'un certain nombre d'inégalités structurelles, telles que la ségrégation dans les secteurs, les professions et les modes de travail, les interruptions de carrière pour élever un enfant ou s'occuper d'un autre membre de la famille, l'accès à l'éducation et à la formation, des systèmes subjectifs d'évaluation et de rémunération, et les stéréotypes. Les ressources techniques, humaines et financières nécessaires à cet égard ne sont pas toujours disponibles dans tous les États membres.

2.3.3.2.2

Dans sa future communication sur l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes et la participation des partenaires sociaux, la Commission devrait s'attacher à assurer une plus grande cohérence entre les dispositions légales nationales relatives aux droits en matière d'égalité, ainsi qu'un accès plus facile à des voies de recours.

2.3.3.3   Femmes entrepreneurs

2.3.3.3.1

Les femmes représentent, en moyenne, 30 % des entrepreneurs dans l'UE. Elles font face souvent à de plus grandes difficultés que les hommes dans la création d'entreprises et dans l'accès aux financements et à la formation. Le plan d'action de l'UE sur l'esprit d'entreprise devrait être mis en œuvre de façon plus concrète et mieux tenir compte de la dimension de genre. Il est nécessaire de promouvoir l'esprit d'entreprise, l'information et le soutien initial afin de favoriser la création et le développement de nouvelles entreprises en utilisant différentes techniques et notamment, en facilitant l'accès aux financements pour les entreprises en phase de démarrage. Les stratégies devraient améliorer l'accès des femmes aux crédits bancaires et aux services de banque. En outre, les femmes entrepreneurs devraient avoir la possibilité de se mettre en réseau avec des organismes financiers afin de mettre au point des programmes de soutien sur mesure, en particulier dans le domaine de la microfinance.

2.3.3.3.2

Les programmes nationaux devraient comprendre une formation à l'esprit d'entreprise dans l'enseignement secondaire et supérieur, surtout pour les jeunes filles et ce, afin de promouvoir une culture de participation des femmes à la génération des idées innovantes dans ce domaine. Toutefois, toutes les femmes ne veulent pas travailler à leur compte. Les programmes nationaux devraient donc fournir également aux étudiants des informations sur leurs droits en matière d'emploi et les encourager à chercher un travail dans des secteurs «non traditionnels».

2.3.3.3.3

Une politique spécifique mais intégrée pour l'entrepreneuriat féminin serait notamment utile pour réduire l'écart entre les taux d'emploi des femmes et des hommes dans les domaines techniques tels que l'ingénierie, les services liés aux technologies de l'information et de la communication et les emplois qualifiés.

2.3.3.4   Égalité entre les sexes dans la protection sociale et la lutte contre la pauvreté

2.3.3.4.1

Les systèmes de protection sociale devraient supprimer tout ce qui dissuade les femmes et les hommes d'entrer et de rester sur le marché du travail, et permettre d'accumuler des droits individuels à pension. Les femmes devraient pouvoir bénéficier de droits à pension et il faudrait trouver des modèles alternatifs pour leur garantir ces droits. Les femmes sont toujours plus susceptibles d'avoir des carrières plus courtes ou interrompues et, en conséquence, d'accumuler moins de droits que les hommes. Cela augmente le risque de pauvreté, en particulier pour les parents isolés, les femmes âgées ou les femmes travaillant dans des entreprises familiales, par exemple dans l'agriculture ou la pêche ainsi que dans le secteur manufacturier ou celui de la distribution. Les États membres devraient également protéger les femmes migrantes contre l'exploitation dans les secteurs susmentionnés.

2.3.3.4.2

Il convient de renforcer les stratégies afin de donner aux femmes exposées au risque de pauvreté, qu'elles soient sur le marché de travail ou non, la possibilité de développer des compétences exploitables qui leur garantiront une indépendance financière dans le futur (4).

2.3.3.4.3

Le CESE propose de renforcer les stratégies relatives à l'égalité entre les sexes en matière de protection sociale et de lutte contre la pauvreté afin de s'assurer que les systèmes d'imposition et de sécurité sociale répondent aux besoins des femmes exposées au risque de pauvreté, notamment des mères célibataires. Il faudrait également formuler des propositions politiques concrètes visant à encourager les parents isolés à développer des compétences exploitables et à faciliter leur intégration sur le marché du travail. Il est nécessaire, notamment, de faire évoluer la différence actuellement très faible entre les indemnités de chômage et les allocations supplémentaires pour personnes à charge d'une part, et le salaire minimum national d'autre part qui se fait plus fortement sentir dans certains États membres.

2.3.3.4.4

En pratique, pour rendre le travail plus attractif, il ne faut pas se limiter exclusivement aux rémunérations, mais proposer également d'autres incitations non fiscales telles que la flexibilité de l'emploi ou les possibilités de formation pour les travailleurs moins qualifiés. Il conviendrait d'offrir des structures de garde d'enfants, subventionnées de façon adéquate, aux familles à risque de pauvreté avec deux enfants ou plus, qu'elles soient monoparentales ou biparentales.

2.3.3.4.5

Le risque de pauvreté le plus élevé concerne les familles monoparentales (35 % pour la moyenne européenne), le parent seul étant une femme dans 85 % des cas. Les femmes âgées de plus de 65 ans sont aussi exposées à un risque de pauvreté élevé. Quant aux femmes les moins qualifiées, elles encourent le risque de perdre leur travail avant d'avoir atteint l'âge de la retraite.

2.3.3.5   Reconnaître la dimension de genre dans le domaine de la santé

2.3.3.5.1

Les femmes et les hommes sont exposés différemment aux risques pour la santé, aux maladies, aux problèmes et pratiques qui ont une incidence sur leur santé. Il s'agit notamment de questions environnementales telles que l'utilisation de substances chimiques (cf. la proposition REACH) et de pesticides, qui sont souvent transmis par l'allaitement. La recherche médicale actuelle et les normes en matière de sécurité et de santé concernent davantage les secteurs professionnels à dominante masculine. Les connaissances et les recherches dans ce domaine devraient être approfondies et il faudrait davantage de statistiques et d'indicateurs, d'un point de vue féminin également.

2.3.3.5.2

Dans le cadre de l'action visant à améliorer la santé et la sécurité des femmes sur le lieu de travail dans les domaines où les femmes sont les plus nombreuses, les plans d'action nationaux devraient contenir des politiques intégrées traitant les questions des normes de travail pour les femmes agricultrices et de la santé des femmes dans les familles d'agriculteurs en général, ainsi que le problème du travail répétitif dans l'industrie. Ces plans d'action devraient également donner lieu à une sensibilisation et une éducation à la prise de responsabilités.

2.3.3.5.3

Par ailleurs, le CESE appelle à une prise en compte, une étude et une analyse plus approfondies des effets de la charge des soins aux personnes dépendantes qui pèse sur les femmes et de la dégradation de leur santé physique et mentale qui en résulte.

2.3.3.5.4

Le CESE souscrit aux objectifs de l'UE relatifs à l'égalité entre les femmes et les hommes; il propose d'appliquer la méthode ouverte de coordination aux soins de santé, d'incorporer les objectifs relatifs à l'égalité entre les femmes et les hommes et de renforcer les programmes de prévention. De plus, il est indispensable d'augmenter le nombre d'initiatives tenant compte des différences entre femmes et hommes et traitant des questions de santé en rapport avec le sexe et la reproduction ainsi que des maladies sexuellement transmissibles, notamment du VIH/SIDA.

2.3.3.6   Combattre la discrimination multiple, notamment à l'égard des femmes immigrées et des minorités ethniques.

2.3.3.6.1

Les femmes appartenant à des groupes défavorisés sont souvent moins bien loties que les hommes. Elles sont souvent victimes d'une discrimination multiple. Il est indispensable de promouvoir l'égalité entre les sexes dans les politiques d'immigration et d'intégration afin de défendre les droits des femmes et leur participation civique, de valoriser pleinement leur potentiel d'emploi et d'améliorer leur accès à l'enseignement et à la formation.

2.3.3.6.2

Le CESE exprime le regret que les objectifs de La Haye, adoptés par le Conseil européen et applicables dans le domaine de la liberté, de la sécurité et de la justice pour la période 2005-2010, ne traitent pas des besoins spécifiques des femmes migrantes. Le Comité reconnaît le phénomène de féminisation de la migration et recommande l'intégration complète de la dimension de genre dans les politiques et les actions communautaires à chaque étape du processus migratoire, en particulier au stade de l'admission et de l'insertion dans les sociétés d'accueil.

2.3.3.6.3

La transposition et la mise en œuvre des instruments existant en matière d'asile, pour ce qui est notamment de la protection temporaire et des normes minimales d'accueil, sont conformes aux obligations prévues par les conventions internationales sur les droits de l'homme et par la convention de Genève de 1951. De plus, les politiques en matière d'asile devraient tenir compte de la nature sexiste de la persécution des femmes qui fuient leur pays pour cette raison.

2.3.3.7   Actions clés définies par la Commission dans ce domaine

2.3.3.7.1

Le CESE approuve les actions clés définies par la Commission, en particulier lorsqu'elle entend en priorité suivre et renforcer l'intégration de la dimension de genre. Le Comité approuve les initiatives visant à rationaliser la nouvelle méthode ouverte de coordination dans les domaines des pensions, de l'inclusion sociale, de la santé et des soins de longue durée, en se concentrant notamment sur la promotion de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes (5).

2.3.4   Améliorer la conciliation du travail, de la vie privée et familiale

2.3.4.1

Le CESE reconnaît qu'il est important d'élaborer des mesures et notamment, d'établir des objectifs et des indicateurs précis pour offrir des structures de garde d'enfants à partir de la naissance et jusqu'à l'âge de la scolarité obligatoire ainsi que des services de soins abordables et accessibles pour les autres personnes dépendantes, étant donné que ces facteurs ont une incidence directe sur la participation des femmes au travail rémunéré. Il faudrait également mettre en place des services post-scolaires pour les enfants tout au long de leur scolarité, qui correspondent aux horaires de travail des parents.

2.3.4.2

Le CESE reconnaît l'importance de trouver un équilibre entre la vie privée et professionnelle et admet que les avantages de conditions de travail souples ne sont pas encore aussi largement reconnus qu'ils devraient l'être. Le Comité est préoccupé par le fait que certaines formes nouvelles d'organisation du travail peuvent conduire à une exploitation des travailleurs et à des emplois précaires souvent occupés par des femmes et il est convaincu qu'il convient de trouver un équilibre entre flexibilité et sécurité.

2.3.4.3

L'UE a reconnu l'importance de parvenir à un équilibre entre les femmes et les hommes dans la vie familiale et professionnelle (6). Il est nécessaire de modifier le partage sexospécifique des tâches ménagères et de soins dans les familles pour parvenir à une répartition équitable entre les hommes et les femmes. Il convient de renforcer le rôle des hommes au sein de la famille. En outre, dans le cadre des discussions en cours concernant la révision de la directive sur le temps de travail, il faudrait définir des horaires de travail socialement compatibles avec les responsabilités familiales.

Le CESE reconnaît qu'il est important d'élaborer des mesures et, notamment, d'établir des objectifs et des indicateurs précis pour offrir des structures d'accueil pour les enfants ainsi que pour les personnes âgées dépendantes et les personnes handicapées.

2.3.5   Promouvoir la participation des femmes et des hommes sur un pied d'égalité à la prise de décision

2.3.5.1

La question de la sous-représentation des femmes dans la prise de décision politique et économique, ainsi que dans les sciences et la technologie n'est toujours pas traitée efficacement. Les actions clés proposées par la Commission sont destinées à lutter contre cette situation non démocratique. Néanmoins, l'engagement des États membres à entreprendre les mesures nécessaires reste très faible. La ségrégation est observée tant dans le secteur public que dans le secteur privé. Aussi bien dans le secteur public que privé, les femmes sont sous-représentées aux postes de haut niveau et à ceux impliquant la prise de décision.

2.3.5.2

Le Comité recommande donc de fixer des objectifs, ainsi que des délais pour la réalisation de l'égalité, afin d'accroître la participation des femmes à toutes les formes de prise de décisions, estimant que l'on pourrait ainsi renforcer de façon efficace la représentation des femmes au sein du pouvoir politique, dans le processus décisionnel économique, ainsi que dans les sciences et la technologie.

2.3.5.3

Par ailleurs, toutes les institutions européennes devraient effectivement mettre en place des mesures d'action positive à tous les niveaux où les femmes sont sous-représentées dans le processus décisionnel, conformément à l'article 1er quinquies, (77) (96) du statut des fonctionnaires des Communautés européennes en date du 1.05.2004 (7). Les résultats de ces mesures d'action positive devraient être suivis et publiés de manière régulière.

2.3.6   Éradication de la violence liée au sexe et de la traite d'êtres humains

2.3.6.1

La Commission s'est engagée à combattre toutes les formes de violence. Les femmes sont les principales victimes de la violence liée au sexe. Le CESE a récemment abordé ce sujet dans un avis d'initiative sur la violence domestique envers les femmes (8). La violence domestique envers les femmes constitue un obstacle à leur intégration sociale et particulièrement à leur intégration sur le marché du travail, ce qui conduit à la marginalisation, à la pauvreté, à la dépendance financière et matérielle. Il est nécessaire de mettre en place un plan d'action européen contre la violence envers les femmes.

2.3.6.2

La traite des êtres humains ne peut pas être combattue isolément. Il s'agit d'une composante à part entière de la criminalité organisée et la coopération de tous les États membres est nécessaire pour mettre en oeuvre une politique de sécurité plus cohérente et un cadre juridique commun permettant d'opérer efficacement dans ce domaine. Le programme de La Haye (9) et la convention des Nations unies sur la criminalité transnationale organisée (10) fixent les objectifs de l'UE en la matière. Le CESE a adopté un avis dans lequel il souligne l'importance de protéger efficacement la sécurité des citoyens dans une société libre et ouverte dans le cadre d'un système juridique appartenant à l'état de droit (11).

2.3.6.3

Les femmes qui sont victimes de la traite ne devraient pas être renvoyées contre leur gré dans leur pays étant donné que, si elles sont forcées d'y retourner, elles peuvent y être menacées par les trafiquants. Il faudrait plutôt leur octroyer un permis de résidence dans le pays où elles ont été amenées, avec toutes les précautions nécessaires contre des abus éventuels qui peuvent résulter de l'introduction d'un tel droit.

2.3.6.4

Le Comité appelle les États membres à faire appliquer des mesures afin d'octroyer aux femmes qui sont victimes de la traite à des fins d'exploitation sexuelle davantage de droits et de soutien. Il est nécessaire de mener plus de campagnes de sensibilisation spécifiques ciblées sur les clients afin de freiner l'augmentation de la demande de services sexuels. Cette démarche devrait s'inscrire dans une initiative éducative plus large destinée à faciliter l'accès à des emplois et à des financements alternatifs.

2.3.6.5

Les États membres devraient envisager de criminaliser l'achat de services sexuels ou, pour le moins, protéger davantage les personnes qui sont victimes de la traite des êtres humains ou qui participent contre leur volonté au commerce sexuel.

2.3.7   Éliminer les stéréotypes liés au genre dans la société.

2.3.7.1

Le CESE partage l'avis de la Commission selon lequel les médias jouent un rôle essentiel dans la formation des attitudes et des comportements. Les actions proposées pour éliminer les stéréotypes liés au genre dans l'enseignement, les médias et sur le marché du travail traitent ces problèmes et indiquent la voie à suivre par les États membres.

2.3.7.2

Tout en reconnaissant que l'accès des femmes aux médias et surtout au pouvoir décisionnel dans les médias reste insuffisant, le CESE admet qu'il est nécessaire de formuler des politiques en matière d'égalité entre les femmes et les hommes et de médias. Le CESE recommande donc:

(a)

Le développement d'actions paneuropéennes de sensibilisation sur la tolérance zéro à l'égard des insultes sexistes et des images dégradantes des femmes dans les médias.

(b)

Conformément aux recommandations formulées par la Commission dans sa proposition de directive visant à la coordination de certaines dispositions relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle, les États membres devraient veiller à ce que les communications commerciales audiovisuelles ne comportent pas de discrimination fondée sur la race, le sexe ou la nationalité (12).

(c)

La promotion de l'introduction de modules de formation à la dimension de genre dans les organismes de formation des professionnels des médias, ainsi que le développement de mécanismes forts visant à un équilibre entre les femmes et les hommes à tous les niveaux de la prise de décision dans l'industrie des médias.

(d)

Le développement de la radio- et de la télédiffusion publiques en tant qu'outils médiatiques indépendants avec une mission de service public qui consiste à protéger les droits de l'homme et l'égalité entre les sexes.

2.3.7.3

Le CESE soutient la proposition de mener des actions de sensibilisation dans le cadre du plan de la Commission pour «la démocratie, le dialogue et le débat (13)» (le Plan D), ainsi que les activités en la matière mises en place par ses bureaux de représentation respectifs dans les États membres.

2.3.8   Promotion de l'égalité entre les sexes en dehors de l'UE

2.3.8.1

Le CESE appuie le rôle de la Commission dans la promotion des droits de la femme sur le plan international.

2.3.8.2

Les politiques externes et de développement de l'UE devraient tenir compte du fait que les femmes jouent un rôle essentiel dans l'éradication de la pauvreté et que leur émancipation sur le plan sexuel, politique, économique et de l'éducation implique des changements non seulement pour elles-mêmes, mais aussi pour leurs familles et pour la communauté.

2.3.8.3

L'UE doit en outre garantir l'intégration et le suivi des besoins et des perspectives des femmes, aussi bien au niveau national que communautaire, et s'assurer que les femmes bénéficient d'un accès adéquat à l'aide financière de l'UE dans le cadre de la politique communautaire d'aide au développement.

2.3.8.4

Dans le contexte des interventions en cas de crise, il est indispensable d'intégrer une perspective de genre dans la politique européenne de sécurité et de défense (PESD) conformément à la résolution 1325 de l'ONU (14) et à la résolution européenne relative à la participation des femmes à la résolution pacifique des conflits de novembre 2000.

2.3.8.5

Dans le cadre de la politique d'aide humanitaire de la Commission européenne (ECHO), il conviendrait de donner la priorité à l'aide et au soutien financier aux femmes qui sont victimes des actes de violence sexuelle perpétrés durant les périodes de conflit et de demander réparation par le biais des mécanismes de droit international dans la période qui suit le conflit armé.

2.4   Partie II: Améliorer la gouvernance pour l'égalité entre les femmes et les hommes

2.4.1

L'égalité entre les sexes ne peut être réalisée qu'avec un engagement fort et clair au niveau politique le plus élevé. La Commission promeut l'égalité entre les femmes et les hommes au sein de sa propre administration (15) et soutient un certain nombre de structures intervenant dans les questions d'égalité entre les sexes, qui ont conduit à des progrès significatifs. Toutefois, des progrès considérables doivent encore être réalisés dans les secteurs clés identifiés dans la feuille de route et cela exige une meilleure gouvernance à tous les niveaux: institutions de l'UE, États membres, parlements, partenaires sociaux et société civile. Au niveau national, l'aide des ministres en charge de l'égalité entre les sexes est essentielle.

2.4.2

Le CESE recommande de renforcer les structures existantes au niveau de la Commission pour promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes grâce à une meilleure cohérence et aux systèmes de réseaux, ainsi que de consolider les mécanismes de consultation et de dialogue avec la société civile organisée. Il devrait y avoir un plus grand soutien et une meilleure légitimation des organisations féminines au niveau national, ainsi que davantage de synergies suivant le principe de la démocratie participative.

2.4.3

En outre, le CESE est partisan de la mise en place de la formation obligatoire à l'intégration de la dimension de genre et à la sensibilisation aux questions d'égalité entre les sexes dans le cadre de l'architecture institutionnelle de l'UE.

2.4.4

Le CESE préconise également de créer, au sein de la DG Budget de la Commission, un groupe de travail sur l'intégration de la dimension de genre dans le processus budgétaire et de procéder tous les ans à une évaluation distincte de l'impact sexospécifique du budget communautaire.

2.4.5

Le CESE considère qu'il est essentiel de suivre les progrès réalisés dans la mise en œuvre afin de s'assurer que les objectifs fixés dans la feuille de route sont atteints. La révision à mi-parcours, qu'il est prévu d'effectuer en 2008, devrait également contribuer à développer de nouvelles mesures appropriées, si nécessaire dans d'autres domaines politiques que ceux identifiés jusqu'à présent, en attendant l'échéance de 2010 et le suivi de la feuille de route.

Bruxelles, le 13 septembre 2006

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 89/552/CE du Conseil visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle (COM(2005) 646 final).

URL: http://ec.europa.eu/comm/avpolicy/docs/reg/modernisation/proposal_2005/com2005-646-final-fr.pdf.

(2)  Avis du CESE du 28/09/2005 sur la «Création d'un Institut européen pour l'égalité entre hommes et femmes», rapporteuse: Mme Štechová (JO C 24 du 31/01/2006, p. 29-33

URL: http://eur-lex.europa.eu/JOHtml.do?textfield2=24&year=2006&Submit=Search&serie=C.

(3)  Écart non ajusté.

(4)  Avis du CESE du 29/09/2005 sur la «Pauvreté des femmes en Europe», rapporteuse: Mme King (JO C 24 du 31/01/2006, p. 95-101)

URL: http://eur-lex.europa.eu/JOHtml.do?textfield2=24&year=2006&Submit=Search&serie=C.

(5)  Voir paragraphe 5.2.2 de l'avis du CESE du 20 avril 2006 sur la «Stratégie pour la coordination ouverte sur la protection sociale», rapporteur: M. OLSSON (JO C 185 du 8.08.2006, p. 87).

URL: http://eur-lex.europa.eu/JOIndex.do?year=2006&serie=C&textfield2=185&Submit=Search.

(6)  Résolution du Conseil et des ministres de l'emploi et de la politique sociale du 29 juin 2000 relative à la participation équilibrée des femmes et des hommes à la vie professionnelle et à la vie familiale (2000/C 218/02).

URL: http://europa.eu.int/eur-lex/pri/fr/oj/dat/2000/c_218/c_21820000731fr00050007.pdf.

(7)  Voir: http://www.europa.eu.int/comm/dgs/personnel_administration/statut/tocfr100.pdf.

(8)  Avis du CESE du 16/03/2006 sur «La violence domestique envers les femmes», rapporteuse: Mme Heinisch (JO C 110 du 9/05/2006, p. 89).

URL: http://eur-lex.europa.eu/JOIndex.do?year=2006&serie=C&textfield2=110&Submit=Search.

(9)  Voir: http://ec.europa.eu/justice_home/news/information_dossiers/the_hague_priorities/index_en.htm (uniquement en anglais).

(10)  Voir: http://www.unodc.org/unodc/crime_cicp_convention.html (uniquement en anglais).

(11)  Avis du CESE du 15/12/2005 sur la «Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen — Le programme de La Haye: Dix priorités pour les cinq prochaines années — Un partenariat pour le renouveau européen dans le domaine de la liberté, de la sécurité et de la justice», rapporteur: M. Pariza-Castaños (JO C 65 du 17/03/2006, p. 120-130).

URL: http://eur-lex.europa.eu/JOIndex.do?year=2006&serie=C&textfield2=65&Submit=Search.

(12)  COM(2005) 646 final. Voir note 2.

(13)  Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Contribution de la Commission à la période de réflexion et au-delà: Le Plan D comme Démocratie, Dialogue et Débat (COM(2005) 494 final).

URL: http://europa.eu.int/eur-lex/lex/LexUriServ/site/fr/com/2005/com2005_0494fr01.pdf.

(14)  Voir: http://www.peacewomen.org/un/sc/1325.html (adoptée le 31 octobre 2000).

(15)  Annexe III de la Communication.


23.12.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/180


Avis du Comité économique et social européen sur «Les corridors paneuropéens de transport 2004-2006»

(2006/C 318/30)

Le 16 décembre 2004, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2 de son règlement intérieur, d'élaborer un avis sur: «Les corridors paneuropéens de transport 2004-2006».

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 4 septembre 2006 (rapporteuse: Mme ALLEWELDT).

Lors de sa 429e session plénière des 13 et 14 septembre 2006 (séance du 13 septembre 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 192 voix pour, 4 voix contre et 10 abstentions.

1.   Objectifs du groupe d'étude permanent

1.1

Dès 1991 et les débuts de la politique paneuropéenne des transports qui a posé les jalons de la planification des grands corridors, le CESE a contribué activement et avec beaucoup deconviction à cette politique de cohésion dépassant les frontières de l'UE. En 2003, les travaux effectuées au cours des dix années précédentes ont été publiés en un seul volume (1). Depuis lors, un groupe d'étude permanent poursuit les travaux de manière continue. Le dernier avis (2) couvre la période 2002-2004. Le présent avis se penche sur les développements jusqu'à la mi-2006.

1.2

Le groupe d'étude permanent a pour but d'établir un lien entre, d'une part, la création d'une infrastructure commune paneuropéenne de transports dès la phase initiale et au-delà des frontières de l'UE, et d'autre part les objectifs de la politique des transports visant à créer un système de transports durable et efficace et les objectifs relatifs à la cohésion. Pour ce faire, il y a lieu de tenir compte des aspects sociaux, économiques, opérationnels, environnementaux et de sécurité, ainsi que de la dimension régionale; de même, il convient d'associer les groupes d'intérêts correspondants. Le groupe d'étude permanent souhaite en outre apporter une contribution propre par ses travaux pratiques sur le terrain. Le présent avis constitue un rapport sur les activités et les expériences correspondant à la période 2004-2006; il évalue également les changements politiques intervenus dans ce domaine.

2.   Conclusions

2.1

Le lien entre le développement des infrastructures de transport d'une part, la réalisation des objectifs principaux de la politique des transports et la réponse aux questions opérationnelles d'autre part, est au cœur des initiatives du CESE et n'a rien perdu de sa signification et de son urgence. Si, au niveau politique, les déclarations sur l'importance d'un tel lien sont nombreuses et fréquemment répétées, les progrès réalisés sont maigres car aucune procédure propre n'a été élaborée pour ce faire. L'espoir de voir les objectifs de la politique des transports associés de manière presque automatique au développement ultérieur de l'infrastructure ne s'est pas vérifié au cours de ces dernières années. Dans ce contexte, les régions pourraient être appelées à jouer un rôle clef; en effet, c'est au niveau régional que convergent concrètement toutes les questions, et c'est là que les impulsions et une compréhension du contexte paneuropéen global sont extrêmement importantes. Le groupe d'étude permanent a eu l'occasion de montrer par des exemples concrets, lors d'une conférence qui a eu lieu dans le nord-est de la Pologne, combien il est important de prendre en considération les retombées, au niveau régional, de la planification des principaux axes de transport. La politique européenne doit s'impliquer davantage dans ce domaine. Se contenter de considérer la réalisation des axes centraux de transports comme une tâche européenne ne suffit pas.

2.2

Au cours des deux dernières années, beaucoup a été fait pour adapter la planification des infrastructures européennes aux nouvelles données politiques. À l'intérieur de l'UE, de nouveaux projets prioritaires ont été adoptés, de nouveaux axes centraux avec les États voisins ont été identifiés, et l'initiative pour les Balkans occidentaux a été poursuivie. Le CESE considère ces approches comme des réussites et se félicite en particulier de l'importance accordée aux liaisons avec les États voisins. Dans le même temps, ces approches demeurent ancrées dans l'idée de départ: il s'agit presque exclusivement de planification de voies de communication, de questions liées à l'intermodalité et des effets sur l'environnement; les intérêts économiques et sociaux sur le terrain ne sont que rarement abordés lors des réflexions, voire pas du tout. Le CESE déplore cet état de faits.

2.3

L'une des raisons de la révision de la planification européenne des infrastructures était le caractère hésitant des progrès dans la mise en oeuvre de cette planification, hésitations que l'on pouvait souvent mettre sur le compte du manque de ressources. La concentration sur un nombre restreint de projets constituait dès lors l'objectif principal. De l'avis du CESE, il y a lieu d'accroître les aides communautaires. Le CESE a déjà eu l'occasion, dans d'autres documents, de formuler des propositions en ce qui concerne la possibilité d'augmenter les ressources. Il serait souhaitable de parvenir dans un premier temps à une meilleure utilisation de la possibilité de cofinancement à hauteur de 20 % par les fonds communautaires, une possibilité réservée aux seuls projets à l'intérieur de l'UE. Outre l'augmentation des aides, il est possible — et nécessaire — de rendre plus contraignantes les obligations relatives aux projets d'infrastructure, par exemple en ce qui concerne l'intermodalité, la protection de l'environnement ou la sécurité.

2.4

Le CESE plaide pour que les organes transfrontaliers créés par les ministères des transports des États membres (par exemple les comités directeurs des corridors) et ceux mis en place par la Commission partagent un champ d'action plus large. La coordination à elle seule ne suffit pas, elle peut même gâcher des chances importantes de progression dans le domaine pratique. Il devient de plus en plus difficile de comprendre qui est responsable de quoi en matière de politique des transports. Les trois premières conférences paneuropéennes sur les transports, qui se sont tenues respectivement en 1991, 1994 et 1997, ont permis de définir des orientations importantes. La déclaration d'Helsinki de 1997, par son caractère global, constitue toujours une excellente base de coopération. Des évaluations régulières ont été prévues. L'on se limitera ici à examiner presque exclusivement la réalisation de projets de construction.

2.5

La conférence-dialogue de Białystok a été un grand succès (3). Non seulement elle a amené l'Europe dans la région, mais elle a également permis de communiquer les attentes des citoyens quant à une politique paneuropéenne réussie en matière de transports. Le CESE placera au centre de ses travaux futurs dans ce domaine ses capacités à donner de telles impulsions. En outre, il y a lieu de coopérer étroitement avec les comités directeurs des corridors, les structures de travail d'Europe du sud-est (SEETO) et bien évidemment avec la Commission. De même, parallèlement aux approches régionales, il conviendra de prendre davantage en considération, à l'avenir, les questions liées au mode de transport sur les axes principaux ainsi que les projets prioritaires au sein des RTE-T.

3.   Nouveau cadre de la politique paneuropéenne des transports

3.1

L'Europe a connu ces deux dernières années des évolutions majeures. En mai 2004, dix nouveaux États membres ont adhéré à l'Union européenne. L'Europe a renouvelé et renforcé son engagement en faveur des pays des Balkans occidentaux et mis au point un nouvelle politique de voisinage. L'initiative de la Commission européenne visant à donner une nouvelle orientation aux réseaux transeuropéens (RTE) et à poursuivre le développement des corridors s'est opérée d'une part vers l'intérieur, par la prise en compte de l'élargissement en 2004 et l'intégration de l'expérience en matière de corridors dans la politique des réseaux transeuropéens de transports (RTE-T) au sein de l'UE (4). D'autre part, il convenait d'élargir les voies de communication centrales afin de prendre en compte la nouvelle politique européenne de voisinage, et plus encore.

3.2

En 2002, la Commission européenne a examiné l'état de mise en œuvre du réseau RTE-T et des corridors paneuropéens. Les conclusions soulignaient généralement que la modernisation des grands axes connaissait des retards considérables. Une approche plus ciblée a été adoptée, assortie de priorités plus clairement définies et d'un engagement plus déterminé au nom des pays concernés. L'on peut distinguer à cet égard trois zones géographiques différentes: l'Union européenne sous sa forme future de 27 États membres, les Balkans occidentaux (5) et les autres pays et régions limitrophes de l'UE des 27. Dans chacun des trois cas, ce changement d'approche (des corridors aux régions) a plus ou moins suivi le même modèle: la Commission européenne a créé des groupes de haut niveau chargés de recommander des projets ou des axes prioritaires, des mesures de mise en œuvre et des mécanismes de suivi.

3.3

Le premier exercice de ce genre a été mené pour l'UE des 27 par le groupe de haut niveau coordonné par Karel van MIERT (2002-2003). Le groupe a examiné de près trois quarts des corridors paneuropéens et a avancé trente projets d'infrastructure de transports, couvrant à la fois les «anciens» et les «nouveaux» États membres, qui constituent les priorités pour les réseaux transeuropéens de transports dans l'UE des 27. Par ailleurs, le groupe a notamment recommandé que l'on adopte de nouvelles dispositions financières et législatives afin de soutenir la mise en œuvre de nouveaux mécanismes de coordination axés sur les projets en ce qui concerne les RTE-T. Les recommandations du groupe de haut niveau ont conduit à la révision des orientations relatives aux RTE-T en avril 2004.

3.4

Les Balkans occidentaux présentent une base moins homogène pour la conception de politiques régionales que l'UE des 27. En effet, la diversité des statuts de ces pays par rapport à l'UE, les relations intrarégionales ainsi que la dynamique des relations avec l'UE entraînent constamment des ajustements de politiques. En raison du conflit passé, les Balkans ont grand besoin de stabilité, tant économique et sociale que politique, et ainsi un besoin plus grand encore d'aide extérieure. Dans cette mesure, l'approche régionale a dans les Balkans occidentaux une valeur ajoutée spécifique. L'UE est d'ailleurs un fervent adepte de cette approche non seulement dans le domaine des transports mais aussi pour ce qui est des efforts déployés afin d'instaurer une zone de libre-échange et un marché commun de l'énergie.

3.4.1

En 2001, la Commission européenne a établi une stratégie de système régional de transport en Europe du Sud-Est se traduisant par un réseau d'infrastructure de transport multimodal. La stratégie a été suivie de deux études: une étude régionale des infrastructures de transport (TIRS) et une étude sur les infrastructures de transport dans la région des Balkans (REBIS) (6). Celles-ci ont présenté une analyse du réseau existant, défini le réseau de base, émis des recommandations en matière d'investissement et de financement. Ce processus a préparé le terrain pour la mise en place d'un secrétariat basé à Belgrade et appelé l'Observatoire des transports de l'Europe du Sud-Est (SEETO). Cet Observatoire devra non seulement soutenir et coordonner le développement des infrastructures, mais aussi servir de point de contact pour les demandes des acteurs économiques et sociaux. Dans ce contexte, le nom du groupe d'étude permanent du CESE est mentionné expressément.

3.4.2

Le premier plan quinquennal pluriannuel pour la période 2006-2010, adopté en novembre 2005, identifie quelque 150 projets. En outre, le plan mentionne une vingtaine de projets dits «mous» à l'échelon régional, c'est-à-dire des mesures destinées à accompagner le processus de mise en œuvre des réseaux régionaux. Eu égard aux strictes limitations budgétaires, le nombre de projets d'infrastructure prioritaires a récemment été réduit de manière considérable et ramené à 22. Le processus coordonné par le SEETO peut être comparé à l'ancien processus TINA dans l'UE, où, outre les grands axes ou corridors, le réseau régional devait également être finalisé.

3.5

Le groupe de haut niveau dirigé par Mme Loyola de PALACIO a consacré ses travaux à la poursuite du développement des grands axes de communication avec les pays voisins de l'UE et bien au-delà. Quatre liaisons terrestres et un axe maritime ont été définis (7). Ils ont non seulement vocation à constituer les principales liaisons internationales mais aussi à renforcer la cohésion régionale. Le groupe de haut niveau émet également plusieurs propositions de mesures horizontales, notamment en ce qui concerne l'accélération des formalités aux frontières, l'accroissement de la sécurité dans les transports et l'amélioration de l'interopérabilité des réseaux ferroviaires. Il recommande par ailleurs une coordination accrue et une meilleure capacité d'application, grâce à des traités contraignants remplaçant les protocoles d'accord. Sur la base de ces recommandations, la Commission a l'intention de publier en juillet ou septembre une communication relative à ses projets. Du point de vue du groupe d'étude permanent, il est important que la Commission se saisisse des questions horizontales de manière appropriée.

3.6

Les travaux dans les corridors et les zones de dessertes (voir à ce sujet l'annexe 2) ont progressé à des rythmes variables. À l'exception de la région mer de Barents/euro-arctique, les zones de desserte ne se sont pas manifestées, cette constatation n'ayant pas vraiment évolué depuis leur instauration par la conférence d'Helsinki en 1997. On observe une tendance à un développement de la coopération dans les corridors, ainsi que de plus en plus dans les réseaux régionaux, ce qui constitue aux yeux du CESE une évolution tout à fait positive. Pour ce qui est du soutien en termes financiers et d'organisation technique, aucune amélioration n'est apparue ces deux dernières années. Le soutien accru de la Commission, souvent réclamé, fait toujours défaut. Il est toutefois décisif que le modèle de corridors ait été rendu dans les faits obsolète par les travaux des deux groupes de haut niveau et les conclusions de la Commission. À l'intérieur de l'UE, trente projets de RTE sont désormais prioritaires. À 'extérieur de l'UE, les corridors ont été «remplacés» par cinq nouveaux axes, parfois simplement sous un nouveau nom. Il y a toutefois, de toute évidence, suffisamment de raisons de poursuivre ce travail: les comités directeurs se sont établis en tant qu'espaces de contact et de coopération importants pour les ministères des transports concernés, et ont développé une identité propre (marque). Ils poursuivent les travaux aux endroits importants qui ne font pas l'objet d'une initiative transfrontalière, comme par exemple les projets de RTE prioritaires qui ne disposent pas d'un coordinateur spécial en fonction (voir paragraphe suivant).

3.7

La Commission a renforcé son offre de coordination. En outre, les réunions de coordination régulières (une à deux fois par an), regroupant tous les dirigeants des corridors et de nombreux autres acteurs de premier plan, constituent un important forum d'échange. Le CESE a toujours la possibilité d'y participer et de s'y associer, et il a eu l'occasion de constater que cela est aussi très apprécié. Il ne s'agit pas que d'un échange sur les derniers progrès réalisés dans le domaine des projets de construction; des questions fondamentales et conceptuelles de la politique paneuropéenne en matière d'infrastructures de transport y sont aussi de plus en plus abordées. Certaines nouveautés structurelles revêtent de l'importance dans ce domaine. En effet, afin d'encourager la réalisation de sections importantes de RTE, la Commission a désigné des coordinateurs spéciaux pour six projets (8). On prévoit par ailleurs la création d'une agence qui devrait améliorer le financement et la gestion de projets majeurs notamment eu égard au volume élevé de moyens engagés. Enfin, un débat est toujours en cours sur une forme juridiquement contraignante de coopération transfrontalière allant au-delà des protocoles d'accord existants.

4.   Orientation des travaux du groupe d'étude permanent — activités

4.1

Conformément à la réorientation de la politique paneuropéenne des transports, le groupe d'étude permanent ne se consacre plus uniquement aux corridors de transport, mais a élargi son champ de travail aux projets prioritaires du réseau transeuropéen de transport (9) et aux nouvelles planifications du groupe d'experts présidé par Mme Loyola de PALACIO, notamment l'idée d'une liaison spécifique entre l'Espagne et l'Afrique. Lors d'entretiens avec les services compétents de la DG TREN, il est apparu clairement qu'une contribution du CESE dans le cadre de l'évaluation socioéconomique de projets RTE déjà réalisés ou prévus serait la bienvenue.

4.2

Fin 2004/début 2005, la Commission a commencé les travaux préparatifs du deuxième rapport du groupe d'experts présidé par Mme Loyola de PALACIO. Le groupe d'étude permanent a eu la possibilité, à ce stade précoce, de prendre position sur des questions fondamentales (10). Il avait émis les observations suivantes: la protection de l'environnement doit jouer un rôle accru; il y a lieu de mieux mettre en pratique l'exigence d'intermodalité, qui pourrait devenir un critère d'évaluation à part entière; la liaison avec les réseaux de transport régionaux doit être davantage mise en avant. Enfin, le groupe d'étude permanent a souligné les aspects horizontaux tels que le rapprochement des législations, les questions de sécurité, etc., et a insisté sur l'importance de se consacrer davantage et de manière plus approfondie à ces questions pour faire progresser la réalisation des objectifs de la politique européenne des transports. Dans sa réponse (11), la Commission a indiqué qu'elle souhaitait accorder à l'avenir davantage d'attention à la liaison avec les réseaux de transport régionaux.

4.3

Parallèlement au deuxième rapport du groupe d'experts, la Commission a également dressé le bilan des travaux réalisés dans les corridors. Dans ce domaine également, le groupe d'étude permanent a apporté une brève contribution, dans laquelle il demandait notamment que l'on accorde davantage de place à la cohésion économique et sociale ainsi qu'à la consultation. Il a également jugé qu'il serait judicieux de renforcer les comités directeurs et d'améliorer leur mise en réseau, ainsi que de prévoir plus d'obligations et un suivi des résultats, ce dernier point relevant avant tout de la responsabilité des comités directeurs. Dans l'évaluation de son questionnaire, la Commission tire quatre conclusions essentielles (12): le concept de corridor a fait ses preuves et sera maintenu; il reste beaucoup à faire en ce qui concerne les questions opérationnelles et la prise en compte des facteurs socioéconomiques; il est judicieux d'assurer un meilleur suivi des progrès réalisés, tout en tenant compte des données spécifiques de chaque corridor; l'incidence positive des corridors ne peut être évaluée qu'à long terme, mais la réussite dépend fortement du caractère obligatoire de la coopération.

4.4

Ces deux dernières années, la coopération avec les comités directeurs des 10 corridors de transport est restée importante. Pour des raisons pratiques et personnelles, la participation active aux réunions des comités directeurs n'a pas pu être maintenue comme les années précédentes. Les contacts n'ont toutefois jamais été rompus, surtout parce que les réunions de coordination, qui se tiennent environ deux fois par an à Bruxelles, garantissent des rencontres régulières et l'échange d'informations. Le groupe d'étude permanent a introduit un système de partage des responsabilités pour les différents corridors, ce qui permettra de rétablir davantage d'engagement pratique et de continuité dans ses propres rangs.

4.5

Une place relativement importante a été occupée par l'élaboration de l'avis sur «Le rôle des gares dans les agglomérations et les villes de l'Union européenne élargie» (13), intégré dans les travaux du groupe d'étude permanent et adopté en février 2006. La politique européenne des transports devrait prêter davantage d'attention à la conservation, l'utilisation et l'aménagement des gares — notamment du point de vue de la sécurité — en tant que «vitrines» du transport ferroviaire de passagers et centres de services du réseau de transport.

4.6

Pendant la période couverte par le présent rapport, le groupe d'étude permanent a organisé deux manifestations externes: en novembre 2004, le CESE a participé à un voyage en train ayant fait l'objet d'une importante publicité, le long du corridor X, à l'initiative de la communauté de travail «ARGE Corridor X», de Villach, en Autriche à Sarajevo, en Bosnie-et-Herzégovine, en passant par Zagreb, en Croatie. Cette action était un plaidoyer pour des liaisons ferroviaires plus efficaces et une coopération transfrontalière des compagnies ferroviaires de la région. Chaque arrêt était marqué par des manifestations médiatiques. La deuxième manifestation organisée par le CESE pendant cette période s'est tenue à Biaystok, en Pologne, et a mis l'accent sur les conséquences régionales des planifications relatives au corridor I pour la protection de la nature, la sécurité et la qualité de la vie dans le nord-est de la Pologne. La conférence de Białystok a remporté un franc succès à plusieurs égards, et peut être considérée comme un temps fort des travaux du groupe d'étude permanent. Son évaluation fait dès lors l'objet du chapitre suivant consacré aux «Principaux résultats».

5.   Principaux résultats des travaux 2004-2006

5.1

Du 15 au 17 novembre 2005, le groupe d'étude permanent a organisé, à l'invitation du bureau du Maréchal de la voïvodie de Podlaskie, une conférence et une audition publique à Bialystok, ainsi que plusieurs entretiens et visites dans les environs proches du corridor transeuropéen de transport I, le «Via/Rail Baltica». Le but était d'examiner, avec des représentants du gouvernement local, des différents groupes d'intérêts socioéconomiques et des instances responsables de la politique des transports au niveau régional et national, la meilleure façon de concilier le développement du corridor I avec les intérêts régionaux et la protection de l'environnement. La délégation du CESE était accompagnée d'un représentant de la Commission européenne, chargé plus particulièrement de la promotion de Rail Baltica. Toutes les rencontres se sont déroulées dans une atmosphère d'hospitalité extraordinaire. Le voyage de la délégation était non seulement important du point de vue de la politique des transports, mais a également été un succès réciproque dans le domaine de la communication sur l'Europe.

5.1.1

Cette conférence a rassemblé les acteurs les plus divers (écologistes, élus locaux, entreprises dans le secteur du transport ferroviaire, riverains, conseils d'entreprise) et a permis de créer un lien tangible entre la région et l'UE/Bruxelles. Les différentes dimensions de l'impact d'un corridor de transport étaient concrètement visibles: les nuisances pour les personnes le long des axes de transit, l'espoir d'un essor économique grâce à l'amélioration de l'accessibilité, les faiblesses du transport public de passagers et des transports ferroviaires régionaux, la préservation de la richesse naturelle spécifique de la région, la crainte de perdre des emplois, les problèmes de financement et les obstacles bureaucratiques; seule une rencontre comme celle-ci peut reconnaître et traiter ces dimensions en tant que telles. Les conclusions de cette rencontre étaient multiples et très instructives pour tous les participants, et de nouvelles options ont finalement pu être dégagées pour la résolution des problèmes.

5.1.2

La Via Baltica dans le nord-est de la Pologne peut devenir un cas intéressant dans le cadre d'une politique paneuropéenne des transports. L'un des problèmes principaux est la congestion routière de cette région de transit d'une part et l'urgence du développement économique d'autre part, ce dernier découlant de l'accessibilité de la région, et non du trafic de transit. Un deuxième problème important, et en même temps le principal atout de la région, est son patrimoine naturel incomparable, qu'il convient de protéger. À cet égard, de nombreuses bonnes solutions, pas nécessairement coûteuses, ont vu le jour. Enfin, il est apparu clairement que Rail Baltica n'était pas pris en considération de manière appropriée dans la planification régionale, et la conférence a été l'occasion pour le coordinateur de l'UE de promouvoir précisément ce corridor. Manifestement, seul un concept global intégré de transport pour la région permettra de résoudre les problèmes et de surmonter les blocages dans la planification et la mise en œuvre de Via Baltica et Rail Baltica. Le CESE continuera à soutenir ces développements positifs.

5.2

La coopération transfrontalière entre les ministères des transports des États situés de part et d'autre des «corridors» sera à l'avenir remplacée, ou recouverte, par l'initiative de la Commission (voir chapitre 3). Cela devrait permettre de coopérer plus étroitement comme s'il s'agissait d'une seule entité, plutôt que de coordonner deux processus parallèles, comme c'était le cas jusqu'à présent. De même, la base de la réalisation des objectifs centraux de la politique des transports s'en trouverait confortée. Un problème n'ayant toujours pas été résolu est la manière de renforcer efficacement le caractère obligatoire de la coopération transfrontalière entre les États membres de l'UE et les pays tiers. Le CESE estime qu'outre l'amélioration des relations contractuelles, il convient surtout à cette fin de concentrer les moyens financiers disponibles de l'UE. Ainsi, les fonds doivent être concentrés sur les projets prioritaires, également au sein des axes prioritaires, et il convient d'exploiter effectivement la possibilité de cofinancement à hauteur de 20 % pour les projets destinés à l'intérieur de l'UE. Actuellement, l'aide financière ne dépasse guère les 2 à 5 %.

5.3

Enfin, il reste encore le thème de la combinaison de l'infrastructure et des questions opérationnelles, toujours important pour le CESE et selon lui trop peu développé jusqu'à présent. Bien que ce problème ait été reconnu régulièrement et à maintes reprises, les progrès sont maigres, car aucun processus propre de mise en œuvre n'est développé à cette fin. L'espoir que les objectifs de la politique des transports aillent naturellement de pair, dans la pratique, avec le développement de l'infrastructure, a été déçu ces dernières années. Les grandes conférences appartiennent malheureusement au passé. L'avenir devrait dès lors appartenir à la région, où convergent concrètement toutes les questions, et pour laquelle les impulsions et une compréhension du contexte paneuropéen global sont extrêmement importantes. Cela recouvre les conclusions de la conférence de Bialystok.

Bruxelles, le 13 septembre 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  CESE: Dix ans de politique paneuropéenne de transport, 2004.

(2)  Avis du Comité sur les «Corridors paneuropéens de transport»JO C 120 du 20.5.2005, p. 17.

(3)  Voir le rapport sur la conférence à l'annexe I.

(4)  Ce mouvement s'est basé sur le rapport publié en juin 2003 par le groupe d'experts dirigé par Karel van MIERT.

(5)  Pour des raisons liées à la cohérence des politiques, les Balkans occidentaux sont parfois traités comme une partie de l'Europe du Sud-Est, qui comprend en pratique, outre l'ex-Yougoslavie, la Roumanie, la Bulgarie et même plus rarement la Turquie et la Moldova.

(6)  Acronyme de «Regional Balkans Infrastructure Study», étude régionale sur les infrastructures de transports dans les Balkans.

(7)  Ces liaisons sont les suivantes:

Axe sud-ouest: liaisons sud-ouest vers le centre de l'UE, y compris la Suisse et l'axe «Transmaghreb» du Maroc à l'Égypte.

Axe sud-est: relie le centre de l'UE à l'Égypte en passant par les Balkans, la Turquie, le Caucase, la mer Caspienne et le Proche Orient.

Axe central: relie le centre de l'UE à l'Ukraine et à la mer Noire ainsi qu'à la Russie et la Sibérie.

Axe nord-est: relie l'UE à la Norvège ainsi qu'à la Russie et à la Transsibérie.

Autoroute de la mer: relie la Baltique, l'Atlantique, la Méditerranée et la mer Noire ainsi que les pays riverains. Une extension au canal de Suez est également prévue.

(8)  

I

Liaison ferroviaire Berlin-Palerme (M. van MIERT).

II

Liaison ferroviaire à grande vitesse Lisbonne-Madrid-Tours/Montpellier (M. DAVIGNON).

III

Liaison ferroviaire Lyon-Turin-Budapest-frontière ukrainienne (Mme de PALACIO).

IV

Liaison ferroviaire Paris-Bratislava (M. BALÁZS).

V

Liaison ferroviaire «Rail Baltica» Varsovie-Helsinki (M. TĚLIČKA).

VI

Corridors ferroviaires et ETRMS (M. VINCK).

(9)  Décision 884/2004/CE du 29 avril 2004, JO des 30.4.2004 et 7.7.2004.

(10)  Lettre du 15.12.2004 à M. THIELMANN, DG TREN.

(11)  Lettre de M. THIELMANN du 21.1.2005.

(12)  Évaluation présentée lors de la réunion de coordination du 21 avril 2005 à Bruxelles.

(13)  Avis du CESE sur «Le rôle des gares dans les agglomérations et les villes de l'UE élargie», JO no C 88 du 11.4 2006, p. 9.


23.12.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/185


Avis du Comité économique et social européen sur «L'approvisionnement énergétique de l'UE — Stratégie d'optimalisation»

(2006/C 318/31)

Par courrier daté du 29 août 2005, la Commission a demandé au Comité économique et social européen, conformément aux dispositions de l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, d'élaborer un avis sur «L'approvisionnement énergétique de l'UE — Stratégie d'optimalisation».

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 30 mai 2006 (rapporteuse: Mme SIRKEINEN).

Lors de sa 429e session plénière des 13 et 14 septembre 2006 (séance du 13 septembre 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 162 voix pour, 27 voix contre et 15 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE estime que l'Europe a besoin de se fixer l'objectif stratégique de diversification de sa combinaison énergétique en répondant à des objectifs d'optimisation économique, de sécurité de l'approvisionnement et de lutte contre les changements climatiques. Toutes les sources d'énergie et toutes les technologies présentent, vis-à-vis de ces objectifs, des avantages et des inconvénients qui doivent être pris en considération d'une manière ouverte et équilibrée.

1.2

Cette combinaison énergétique doit être diversifiée afin:

de garantir un coût énergétique raisonnable en permettant la concurrence entre les différents carburants et une efficacité globale optimale des systèmes énergétiques, notamment de l'électricité; de diversifier aussi les sources d'approvisionnement en garantissant la concurrence entre les fournisseurs;

d'améliorer la sécurité de l'approvisionnement en prévoyant des carburants de remplacement lorsque surgissent des problèmes d'approvisionnement et d'augmenter la puissance des utilisateurs sur le marché;

de créer une solidarité européenne, voire mondiale en matière d'utilisation des ressources et d'impacts sur l'environnement.

1.3

La dépendance énergétique de l'Union européenne vis-à-vis de tiers est inévitable à l'heure actuelle. Les problèmes politiques, économiques et techniques surgissent lorsque la dépendance augmente et devient très élevée vis-à-vis d'une seule source d'approvisionnement, notamment en provenance de régions qui ne respectent pas les mêmes règles du jeu ou qui connaissent une certaine instabilité politique, comme c'est le cas pour le pétrole et le gaz naturel.

1.4

Le charbon et l'uranium sont disponibles sur le marché mondial à partir de diverses sources d'approvisionnement, également à l'intérieur de l'UE, et ne constituent donc pas un sujet d'inquiétude.

1.5

Pour la production d'électricité, les sources d'énergie renouvelables recèlent un potentiel qu'il conviendrait d'exploiter en augmentant leur utilisation. Cependant, même dans le cas où l'objectif proposé par le Parlement européen pour l'utilisation des énergies renouvelables, à savoir 20 % en 2020, serait atteint, il est peu probable que les sources d'énergie renouvelables puissent remplacer totalement les sources d'énergie traditionnelles dans un avenir proche.

1.6

L'utilisation du gaz naturel a augmenté et continue d'augmenter pour des raisons liées au marché mais également à des choix politiques. Il est désormais évident que cette tendance deviendra problématique si elle se poursuit. Pour des raisons liées à la sécurité de l'approvisionnement et aux coûts, le gaz peut difficilement continuer à remplacer le charbon, de même qu'il ne peut remplacer le nucléaire en raison des émissions de gaz à effet de serre. Certaines voix se sont aussi élevées contre l'utilisation à des fins énergétiques des réserves de gaz, qui ne sont pas inépuisables, alors qu'il s'agit d'une matière première précieuse pour les utilisations industrielles à haute valeur ajoutée, tout comme le pétrole.

1.7

Dans le contexte du débat public et des critiques auxquelles il donne lieu dans de nombreux États membres de l'UE, il faut répondre aux inquiétudes concernant la sécurité nucléaire, le déclassement des unités nucléaires et le problème — jusque-là non résolu dans la plupart des États membres — du traitement du combustible consommé et notamment de son stockage définitif, afin de continuer à utiliser cette technologie, voire de l'étendre, étant donné ses avantages sur le plan de la lutte contre les changements climatiques, de la faible dépendance énergétique sur le plan économique et de la stabilité des coûts. Les divers scénarios envisagés montrent que dans un avenir proche, le remplacement éventuel de l'énergie nucléaire serait difficilement réalisable sans une utilisation accrue des combustibles fossiles.

1.8

Le CESE prêche la prudence dans les choix énergétiques qui devront être faits. Il serait malavisé de partir du principe que l'évolution future est tout à fait prévisible et que tout se passe en parfait accord avec les objectifs politiques ou les meilleurs pronostics. Les choix politiques doivent garantir un approvisionnement en énergie suffisant à des prix raisonnables, même si la situation n'évolue pas de manière aussi favorable. Toute autre approche serait irresponsable.

1.9

Toutes les options doivent être examinées. Les scénarios envisagés pour l'UE des 25 et présentés au chapitre 4 viennent étayer ce raisonnement. Même le scénario qui se base sur l'évolution la plus favorable de l'efficacité énergétique et sur l'accroissement des énergies renouvelables ne peut tabler sur l'obsolescence de telle ou telle technologie sans conséquence négative soit sur l'environnement soit sur l'économie.

1.10

Par le biais de stratégies politiques, la combinaison énergétique actuelle doit être davantage orientée vers une diminution de la dépendance vis-à-vis de fournisseurs externes ainsi que vers les sources d'énergie qui sont disponibles en Europe et ne participent pas aux émissions de gaz à effet de serre, tout en gardant présent à l'esprit que ce sont les acteurs du marché qui choisissent leurs investissements dans telle ou telle technologie.

1.11

Le CESE recommande d'élaborer une stratégie visant à l'optimisation de la combinaison énergétique. Dans ce contexte, il est important de clarifier les rôles de l'UE, des États membres, des autorités indépendantes et des acteurs du marché. En raison d'une forte interdépendance des États membres en matière d'énergie, une meilleure coordination des politiques énergétiques au niveau de l'UE contribuerait à améliorer notre capacité à réagir face aux problèmes internes et externes.

La stratégie pour l'optimisation de la combinaison énergétique devrait être basée sur les éléments suivants:

1.12

L'efficacité énergétique, y compris par la cogénération, est la première réponse à apporter aux défis politiques en matière énergétique. Améliorer l'efficacité ne contribue pas directement à rééquilibrer la combinaison énergétique mais va dans le sens de tous les objectifs politiques en matière énergétique, à savoir la compétitivité, la sécurité d'approvisionnement et la lutte contre les changements climatiques.

1.13

Les sources d'énergie renouvelables recèlent un immense potentiel à exploiter dans l'UE et il faut favoriser leur utilisation. Certaines technologies doivent simplement être perfectionnées pour pouvoir être commercialisées, d'autres requièrent des actions de R&D à plus long terme. Les politiques doivent être soigneusement étudiées de manière à ne pas favoriser la tendance à la hausse déjà prononcée des prix de l'énergie.

1.14

Il faut augmenter avec prudence, après des analyses d'impact approfondies, l'utilisation des biocarburants pour les transports. Il convient avant tout d'appliquer la directive visant à promouvoir les biocarburants (1) actuellement en vigueur.

1.15

Il faut améliorer l'efficacité énergétique dans les transports grâce à une série de mesures (cf. par. 6.3.1.5).

1.16

Il est urgent d'améliorer la sécurité nucléaire et de résoudre le problème du carburant utilisé, pour lequel il n'a pas été trouvé d'issue jusqu'à présent, dans la plupart des États membres. Les opérateurs en assumeront la responsabilité, les autorités compétentes en matière de sécurité et les organes internationaux compétents devront quant à eux atteindre les objectifs fixés dans ce cadre. En ce qui concerne le transport de combustibles usés, il convient de respecter à la fois la réglementation communautaire et les engagements internationaux.

1.17

Il convient de s'engager sérieusement en faveur des technologies propres du charbon, en améliorant l'efficacité des centrales électriques et les applications commerciales des technologies de captation et de stockage du carbone. C'est un aspect particulièrement important au vu de l'évolution mondiale.

1.18

Il convient de se préparer à accroître à nouveau l'exploitation des réserves de charbon au sein de l'UE, y compris sous forme liquide et gazeuse. Dans ce contexte, et pas uniquement celui-ci, il ne faut pas perdre de vue que les décisions politiques dans le domaine de l'énergie impliquent généralement des conséquences importantes sur le plan économique, social et environnemental et qu'il s'agit de changements à grande échelle et à long terme.

1.19

Si l'on veut trouver des solutions permettant de conserver voire d'augmenter la part du gaz dans la combinaison énergétique, il convient de favoriser les investissements dans les terminaux de gaz naturel liquide dans le but de diversifier les sources d'approvisionnement en gaz, ainsi que de développer des mesures et des infrastructures pour le stockage du gaz.

1.20

Il faut garantir des investissements suffisants dans la production et la transmission de l'énergie à la fois en réajustant le cadre juridique et en prenant les mesures financières appropriées. Les contrats à long terme pourraient notamment constituer un instrument appréciable, dans les limites fixées par la nécessité d'avoir une concurrence suffisante.

1.21

L'UE doit parler d'une seule voix et affirmer sa position sur la scène internationale, puisqu'elle en est l'un des intervenants les plus puissants, en négociant avec les fournisseurs d'énergie, notamment la Russie. Lors des interventions et des négociations dans le domaine de l'approvisionnement en énergie, il convient de tenir compte des différents aspects de la dépendance mutuelle. L'Union ne peut intervenir directement sur les marchés de l'énergie mais comme l'approvisionnement énergétique est largement entre les mains des gouvernements des pays fournisseurs, elle doit défendre activement les intérêts des acteurs européens.

1.22

Afin d'examiner le contexte des choix énergétiques, il convient d'analyser les coûts externes ainsi que l'incidence des subventions. De même, il faut soigneusement évaluer les conséquences des mesures politiques qui sont et seront prises dans le cadre de la protection de l'environnement et de la lutte contre les changements climatiques, sur les autres objectifs en matière de politique énergétique, à savoir la compétitivité et la sécurité de l'approvisionnement, ainsi que sur la diversification de l'approvisionnement énergétique.

1.23

Il est indispensable de trouver une solution globale pour les politiques de lutte contre les changements climatiques à mener dans «l'après Kyoto», et en tout état de cause que les principaux responsables des émissions y participent. Dans le cas contraire, il n'y aura aucune progression notable dans la lutte contre les changements climatiques, avec le risque de pénaliser l'évolution économique et sociale de l'UE.

1.24

Il faut accroître les efforts de recherche et développement et le soutien de l'UE à la recherche et au développement en matière d'énergie, compte tenu de la haute importance et de la taille des enjeux que représente l'énergie pour la société. À plus court terme, il convient de promouvoir directement l'efficacité énergétique, les technologies renouvelables qui sont encore loin de pouvoir être commercialisées, les technologies de combustion propre du charbon et la sécurité nucléaire. De nombreuses technologies efficaces et renouvelables ont surtout besoin d'être développées plus ingénieusement afin que leur coût soit réduit. Un travail plus important de recherche et de développement fondamental et à long terme est nécessaire pour concrétiser la vision d'un marché de l'énergie où coexisteraient les énergies renouvelables, la fusion nucléaire et la filière hydrogène. Dans l'intervalle, il convient de favoriser et d'encourager aussi les autres perspectives porteuses d'avenir.

2.   Introduction

2.1

Depuis 2002, le CESE a élaboré plusieurs avis d'initiative et avis exploratoires sur les diverses sources d'énergie et technologies en la matière, à savoir le nucléaire, les sources d'énergie renouvelables, les carburants fossiles et l'efficacité énergétique. Le présent avis s'inscrit dans ce contexte, même s'il ne se réfère pas spécifiquement aux informations plus détaillées ni aux discussions qui ont été exposées précédemment.

2.2

Il est impossible de prévoir avec exactitude l'évolution dans le secteur de l'énergie. Tous les pronostics et tous les scénarios envisagés ont des limites. Des événements imprévus ou des actions politiques engagées peuvent renverser les tendances. Les considérations politiques, sans parler des décisions, doivent toutefois se baser sur une analyse approfondie de la situation actuelle, sur les prévisions et scénarios les plus probables ainsi que sur une bonne compréhension des facteurs qui accélèrent ou freinent les changements. Le présent avis se réfère essentiellement aux prévisions des scénarios envisagés par l'Agence internationale de l'énergie (AIE) et la Commission européenne et couvre la période allant jusqu'en 2030. Après cette date, les perspectives sont plus imprécises.

2.3

Les choix des diverses sources et technologies dans le secteur énergétique sont faits par les investisseurs et peuvent être influencés par des décisions politiques. L'UE n'a pas de pouvoir direct sur la décision d'un État membre en faveur de telle ou telle source d'énergie, mais elle peut exercer une influence indirecte de par ses compétences en matière environnementale. Dans la mesure du possible, les États membres devraient faciliter l'utilisation de leurs ressources propres. Les États membres s'influencent les uns les autres dans leur choix. De même, les utilisateurs des États membres qui ne disposent pas, par exemple, d'électricité produite à partir de l'énergie nucléaire ou du charbon font partie du marché de l'électricité sur lequel ces ressources sont utilisées.

2.4

La question centrale à se poser est la suivante: pouvons-nous dès à présent exclure des systèmes qui existent ou pourraient exister à l'avenir ou d'éventuelles options? En d'autres termes, notre degré de connaissance et de confiance est-il suffisant pour nous autoriser à limiter nos choix sur la manière d'atteindre les objectifs fixés dans la politique énergétique, à savoir la suffisance et la sécurité de l'approvisionnement énergétique à des prix raisonnables et compétitifs, en limitant les conséquences sur l'environnement et le climat? Le présent avis vise à apporter une réponse à cette question ainsi qu'à formuler les conclusions et recommandations qui en découlent.

3.   Évolution du marché de l'énergie et des émissions de dioxyde de carbone au niveau mondial

3.1

L'évolution future de la question énergétique en Europe dépend de l'évolution future de la question énergétique dans le monde. La consommation d'énergie actuelle et son accroissement sont plus importants en dehors des pays européens. L'augmentation de la demande en combustibles fossiles au niveau mondial a des répercussions sur le prix et la disponibilité de ces combustibles en Europe. Les changements de prix conduisent également à des changements dans le choix de l'énergie, dans le comportement des consommateurs et des entreprises et dans l'orientation des efforts de recherche et de développement. Tout cela influe également sur la situation dans l'UE. C'est pourquoi il est essentiel de pouvoir se faire une vue d'ensemble sur la question afin de pouvoir examiner les options de l'Europe dans ce contexte plus global. Les prévisions de l'AIE sur l'avenir de la question énergétique mondiale sont présentées dans l'édition 2004 du «World Energy Outlook» selon deux scénarios qui vont de 2004 à 2030.

Le scénario de référence (WEO-R04) tient compte des mesures et actions politiques prises ou appliquées par les gouvernements vers le milieu de l'année 2004. Le scénario dit alternatif («World Alternative Policy Scenario» ou WEO-A04) analyse comment le marché mondial de l'énergie pourrait évoluer si tous les pays de la planète adoptaient un ensemble de politiques et mesures qu'ils envisagent à l'heure actuelle ou que l'on peut raisonnablement espérer les voir mettre en œuvre pendant la période de projection. Certaines données du scénario de référence et du scénario alternatif ont été revues par l'IEA dans son édition 2005 du World Energy Outlook (WEO-R05, WEO-A05).

3.2

Selon le scénario de référence WEO-R05, la consommation mondiale d'énergie primaire devrait augmenter de 52 % de 2002 à 2030. Cette augmentation devrait provenir pour plus des deux tiers des pays en développement. Le taux de croissance annuelle de la demande énergétique (1,6 %) diminuera pour passer en dessous des 2,1 % enregistrés ces trente dernières années. Les transports et le secteur de production de l'énergie absorberont une part croissance de l'énergie mondiale. La consommation mondiale d'électricité sera multipliée par deux pendant cette période.

3.3

Dans le scénario alternatif WEO-A05, la consommation énergétique mondiale est de 10 % inférieure à celle du scénario de référence WEO-R05.

3.4

L'utilisation énergétique dans les secteurs finaux augmentera de 1,6 % par an jusqu'en 2030 (WEO-R04). Le secteur des transports connaîtra la plus forte croissance de la demande, avec 2,1 % par an. La consommation dans le secteur résidentiel et le secteur tertiaire augmenteront en moyenne de 1,5 % par an, de même que la consommation dans l'industrie.

3.5

Selon le scénario de référence WEO-R04, la consommation mondiale d'électricité devrait doubler de 2002 à 2030. C'est la consommation d'électricité du secteur résidentiel qui connaîtra la croissance sectorielle la plus importante (119 %), suivi du secteur tertiaire (97 %) et industriel (86 %). Il faudra environ 4 800 GW de nouvelles capacités ou près de 10 000 nouvelles installations pour répondre à la croissance prévue de la consommation d'électricité ainsi que pour remplacer les infrastructures vieillissantes.

3.6

Toujours selon le scénario de référence WEO-R05, les combustibles fossiles seront toujours prédominants dans la consommation d'énergie mondiale. Ils représenteront près de 83 % de l'augmentation de l'énergie primaire dans le monde. La part de l'énergie nucléaire diminue et passe de 6,4 % à 4,7 % tandis que la part des énergies renouvelables devrait augmenter pour passer de 13 % à 14 %.

Selon le scénario alternatif WEO-R04, la consommation de combustibles fossiles diminuera de 14 % en 2030 par rapport au scénario de référence WEO-R04, tandis que l'énergie nucléaire connaîtra une augmentation de 14 % et de 27 % pour les sources d'énergie renouvelables non hydrauliques (biomasse exclue).

3.7

Le pétrole devrait rester le principal combustible. La consommation mondiale de pétrole augmentera de 1,4 % par an jusqu'en 2030 (WEO-R05). La part des pays de l'OPEP sur le marché mondial passera de 39 % en 2004 à 50 % en 2030. Les flux interrégionaux nets de pétrole devrait plus que doubler durant cette même période. Ce sont les exportations en provenance du Moyen-Orient qui augmenteront le plus.

La consommation primaire de pétrole dans le scénario alternatif WEO-A04 est inférieure de 11 % à celle prévue dans le scénario de référence WEO-R04.

3.8

La consommation de gaz naturel augmentera régulièrement de 2,1 % par an (WEO-R05). Elle augmentera de trois quarts entre 2003 et 2030. Les unités de conversion du gaz naturel en carburant liquide ouvriront une nouvelle filière pour le gaz naturel, permettant ainsi d'exploiter des réserves situés à distance des marchés traditionnels. La Russie et le Moyen-Orient devraient connaître la hausse de production la plus importante.

La consommation de gaz serait de 10 % inférieure dans le scénario alternatif WEO-A04.

3.9

Le charbon continuera à jouer un rôle essentiel dans la combinaison énergétique mondiale avec en moyenne un taux de croissance annuel de 1,4 % (WEO-R05). La consommation de charbon connaîtra la plus grande hausse dans les pays asiatiques en développement. Cette croissance sera due à plus de 95 % au secteur de production électrique. Plus de 40 % des réserves mondiales de charbon, ce qui équivaut à environ 200 ans de production au taux d'extraction actuel, sont situées dans les pays de l'OCDE.

En 2030, la demande en charbon dans le scénario alternatif serait inférieure de presque un quart à celle prévue dans le scénario de référence.

3.10

Selon le scénario de référence WEO-R05, les émissions mondiales de dioxyde de carbone devraient augmenter de 1,6 % par an de 2003 à 2030. Cette augmentation devrait être due à presque 70 % aux pays en développement. La production électrique devrait être responsable de près de la moitié de l'augmentation des émissions mondiales. Le secteur des transport reste la deuxième cause d'émissions de dioxyde de carbone dans le monde.

Dans le scénario alternatif WEO-A05, les émissions de dioxyde de carbone sont de 16 % inférieures à celles prévues pour 2030 dans le scénario de référence. Le taux de croissance annuelle baissera à 1,1 % pendant la période de projection.

4.   Évolution du marché de l'énergie et des émissions de dioxyde de carbone en Europe

4.1

La Commission européenne a élaboré un grand nombre de scénarios sur l'avenir énergétique de l'UE sur la base de diverses hypothèses. Ce chapitre en présentera deux différents. Le scénario de base 2005 (BL-05) décrit l'avenir en fonction des tendances actuelles ainsi que des politiques communautaires et nationales décidées avant la fin 2004. Le scénario prévoyant l'amélioration des niveaux d'efficacité énergétique et de la part des énergies renouvelables (HLEER-04) vise à multiplier les effets sur la question énergétique et sur l'environnement de politiques engagées menées en faveur de l'efficacité énergétique et des sources d'énergie renouvelables, pour autant que de telles mesures puissent être modélisées. Le scénario HLEER-04 n'a pas été actualisé de telle sorte que les comparaisons sont établies avec le scénario de base de 2004 (BL-04), c'est-à-dire que les deux scénarios ne sont pas directement comparables. La Commission n'a pas précisé le mode de calcul des différences de coûts entre les scénarios de base et les scénarios HLEER.

4.2

En 2000, la consommation d'énergie primaire dans l'UE des 25 d'aujourd'hui provenait à 18 % des combustibles solides (principalement le charbon), à 37 % des combustibles liquides (le pétrole), à 24 % du gaz naturel, à 14 % de l'énergie nucléaire et à 7 % de sources d'énergie renouvelables. La production d'électricité a été assurée à 29 % par le charbon et la lignite, à 20 % par le gaz, à 31 % par l'énergie nucléaire, à 15 % par les énergies renouvelables (y compris dans les grandes centrales hydrauliques) et à 5 % par les produits pétroliers.

4.3

Le scénario de base BL-05 prévoit que la consommation d'énergie primaire dans l'UE sera en 2030 de 15 % supérieure à celle de 2000 (+ 0,5 % par an) avec une croissance du PIB de 79 %. Ce scénario montre que la consommation d'énergie se démarquera de plus en plus du PIB. L'intensité énergétique (rapport de la consommation d'énergie au PIB) s'améliorera de 1,5 % par an.

Le scénario HLEER-04 estime que les besoins en énergie primaire pourraient diminuer de 14,1 % par rapport au niveau de l'année 2030 dans le scénario BL-04, ce qui reste tout de même légèrement supérieur au niveau de 2000.

4.4

Il est prévu une augmentation de 25 % par an de la consommation d'énergie dans les secteurs finaux jusqu'en 2030 (BL-05). La consommation d'énergie dans le secteur tertiaire devrait être en 2030 supérieure de 49 % à celle en 2000. Cette évolution est provoquée par l'accroissement de la consommation d'électricité. La consommation d'énergie des ménages devrait augmenter de 29 % entre 2000 et 2030. En 2030, la consommation d'énergie devrait être supérieure de 21 % dans le secteur des transports et de 19 % dans le secteur de l'industrie.

Dans le scénario HLEER-04, la consommation d'énergie est de 10,9 % inférieure aux niveaux prévus en 2030 par le scénario BL-04.

4.5

La consommation d'électricité dans l'UE augmentera de 43 % entre 2005 et 2030 (BL-05). La croissance de la demande sera particulièrement rapide chez les ménages (62 %), suivi par le secteur tertiaire (53 %) et l'industrie (26 %).

4.6

La production électrique de l'UE devrait augmenter de 51 % entre 2000 et 2030 (BL-05). Une part croissante de l'électricité serait produite par la cogénération (augmentation de presque 10 points pour atteindre 24 % dans les installations de cogénération en 2030). La structure de la production d'électricité se modifie de manière significative pour privilégier les sources d'énergie renouvelables et le gaz naturel, tandis que l'énergie nucléaire et les combustibles solides perdent des parts de marché.

Dans le scénario HLEER-04, on estime que la production totale d'électricité en 2030 devrait diminuer de 16 % par rapport au niveau du scénario BL-04. Pour une production électrique équivalente, la part des combustibles solides et de l'énergie nucléaire diminue en chiffres absolus (à savoir — 9,3 % en 2030 dans le scénario BL-04).

4.7

Le pétrole reste le principal combustible bien que sa consommation en 2030 ne devrait pas excéder le niveau actuel (selon le BL-05). La consommation de gaz naturel devrait augmenter considérablement (de 38 % jusqu'en 2030) après l'augmentation conséquente que l'on a déjà enregistrée dans les années 90. Les combustibles solides devraient diminuer quelque peu d'ici à 2020 pour retrouver pratiquement en 2030 leur niveau actuel, en raison des prix élevés du pétrole et du gaz naturel et de la sortie progressive du nucléaire de certains États membres.

Dans le scénario HLEER-04, la diminution des besoins énergétiques associée à des politiques de promotion des énergies renouvelables réduit de manière significative la future consommation de combustibles fossiles. Ce sont les combustibles solides qui connaissent la diminution la plus importante (- 37,5 % par rapport au niveau prévu dans le BL-04).

4.8

La part des sources d'énergie renouvelables augmente plus en chiffres relatifs dans le scénario BL-05 que celle des autres combustibles (elle double d'ici à 2030 par rapport aux niveaux actuels). Celles-ci contribuent presque autant que le gaz naturel à la croissance de la consommation d'énergie.

Dans le scénario HLEER-04, les politiques de promotion des énergies renouvelables permettent d'augmenter largement la distribution de ces sources d'énergie dans le système énergétique de l'UE des 25. Cette augmentation est de 43,3 % supérieure au niveau prévu en 2030 dans le scénario BL-04.

4.9

Le scénario BL-05 estime que l'énergie nucléaire sera légèrement inférieure en 2030 qu'elle ne l'est en 2000 (11 %) du fait du choix politique de sortie progressive du nucléaire fait par certains anciens États membres et des usines qui posent des problèmes de sécurité dans certains nouveaux États membres.

Dans le scénario HLEER-04, la part de l'énergie nucléaire est de 19,9 % inférieure à celle prévue dans le scénario BL-04.

4.10

La dépendance à l'importation ne cesse d'augmenter pour représenter 65 % en 2030, soit une augmentation de presque 15 points par rapport au niveau actuel (BL-05). En 2030, c'est toujours pour le pétrole que la dépendance à l'importation est la plus forte, avec 94 %. La dépendance vis-à-vis de pays tiers pour le gaz naturel devrait augmenter pour passer de légèrement plus que 50 % à l'heure actuelle à 84 % en 2030. De la même manière, l'approvisionnement en combustibles fossiles sera de plus en plus dépendant des importations pour atteindre 59 % en 2030.

Dans le scénario HLEER-04, la dépendance à l'importation est de 4 à 6 % inférieure à celle du scénario BL-04.

4.11

Les émissions de dioxyde de carbone ont chuté entre 1990 et 2000. Aujourd'hui, elles ont retrouvé leur niveau de 1990. Dans les prochaines années, les émissions de CO2 devraient augmenter et dépasser le niveau de 1990 de 3 % en 2010 et de 5 % en 2030. A long terme, l'augmentation des émissions se poursuivra de manière plus modérée, reflétant ainsi le ralentissement de la consommation d'énergie et le rôle plutôt important que joueront les sources d'énergie renouvelables et l'énergie nucléaire, qui n'émettent pas de dioxyde de carbone.

Dans le scénario HLEER-04, les émissions de dioxyde de carbone sont considérablement plus faibles que dans les prévisions du scénario de base BL-04 (- 11,9 % par rapport au niveau en 2010 et — 22,5 % en 2030). Cette diminution avoisinerait les 10 % par rapport à 2000.

5.   Défis politiques

5.1   L'évolution des prix

5.1.1

Les hausses de prix généralisées et liées à la demande, même si elles touchent les consommateurs, n'ont pas d'effet significatif sur les économies nationales lorsqu'elles créent la demande dans les pays producteurs. En revanche, les hausses de prix dans une seule zone économique, comme c'est en partie le cas de l'électricité actuellement, sont nuisibles à la fois pour les consommateurs et pour la compétitivité. À long terme, les prix plus élevés modifient la position des différentes technologies et sources d'énergie sur le plan de la concurrence, ainsi que la rentabilité des mesures d'efficacité énergétique et le comportement en général.

5.1.2

Les prix du pétrole et des produits pétroliers ont connu une croissance exponentielle ces dernières années. Pendant les années à venir, de multiples facteurs pourraient maintenir les prix du pétrole à des niveaux élevés voire provoquer de nouvelles augmentations, notamment:

une forte pression de la demande des pays asiatiques qui connaissent une croissance économique rapide,

le sous-investissement dans les infrastructures d'approvisionnement,

des facteurs géopolitiques et l'instabilité politique.

5.1.3

Les prix du gaz naturel ont fortement augmenté dans toutes les régions, suivant en cela les prix du pétrole. En Europe, le prix du gaz naturel est généralement indexé sur celui du pétrole. Comme l'approvisionnement européen se concentre sur la Russie et la Norvège et que le GPL ne devrait pas devenir compétitif avant un certain temps, cette indexation ne devrait pas disparaître. La concurrence entre les diverses filières du gaz pourrait tirer les prix à la baisse mais cette baisse devrait être largement contrebalancée par l'augmentation des coûts d'approvisionnement.

5.1.4

Les prix du charbon devraient rester modérés à long terme étant donné que de nombreux paramètres du marché ne devraient pas être modifiés. Les fournisseurs actuels et potentiels sont nombreux, le marché reste très compétitif et les prix du charbon devraient rester relativement bas par rapport au prix des autres sources d'énergie primaires.

5.1.5

Les coûts en capitaux de l'énergie renouvelable devraient continuer à diminuer. La baisse la plus rapide devrait intervenir pour les coûts de l'énergie photovoltaïque, qui est à l'heure actuelle le système qui requiert la plus forte densité de capital. On s'attend également à des baisses significatives des coûts en capitaux pour l'énergie générée par les éoliennes offshore, l'énergie thermique solaire, houlomotrice et marémotrice. De manière générale, les coûts de l'énergie hydraulique se maintiennent à un faible niveau et sont stables, le potentiel en nouvelles constructions est limité et excessivement coûteux.

5.1.6

Les causes de la hausse des prix de l'électricité dans l'UE sont multiples. La hausse des prix du gaz se répercute sur les prix de l'électricité dans la plupart des régions de l'UE, où le gaz est un combustible d'appoint dans la production d'électricité. Toutefois, on peut difficilement expliquer la hausse du prix de l'électricité produite dans les centrales au charbon par la hausse des prix des matières premières. Les tensions qui se dessinent entre l'offre et la demande commencent également à se répercuter sur les prix. Les entreprises d'approvisionnement énergétique justifient en partie la hausse des prix par le système d'échange de droits d'émission, qui les amènerait à répercuter les prétendus «coûts» des droits d'émission dans les prix facturés au final, alors même que de tels droits leur ont été attribués gratuitement. Les mesures en faveur des sources d'énergie renouvelable, de même que les taxes et certaines autres redevances, ont parfois abouti à augmenter les prix de l'électricité. De plus, la Commission étudie actuellement dans quelle mesure l'insuffisance de la concurrence sur le marché de l'électricité a eu un effet contraire sur les prix.

5.2   La sécurité de l'approvisionnement

5.2.1

Dans son livre vert sur la sécurité de l'approvisionnement, la Commission a fait part de sérieuses inquiétudes à ce sujet. On prévoit que la dépendance de l'UE vis-à-vis de fournisseurs externes passera en trente ans de 50 % à 70 %. Dans son avis sur le livre vert (2), le CESE a indiqué qu'il partageait largement les préoccupations de la Commission. Aujourd'hui, la question de la sécurité de l'approvisionnement se pose avec d'autant plus d'acuité.

5.2.2

La dépendance vis-à-vis des exportateurs de pétrole s'accroît et se manifeste de plus en plus à l'égard du Moyen-Orient. Avec l'augmentation de la consommation de gaz, la dépendance vis-à-vis des fournisseurs externes augmente également pour ce combustible, notamment à l'égard de la Russie. L'une des autres inquiétudes concerne le transport via de longs gazoducs ou oléoducs qui traversent souvent des régions politiquement instables.

5.2.3

Certaines défaillances du réseau ont souligné, outre les problèmes de gestion et certains problèmes liés à la réglementation, l'insuffisance des investissements au vu de l'accroissement de la demande et des distances de transport. L'interconnexion des réseaux électriques et gaziers en Europe a progressé mais il subsiste d'importants goulots d'étranglement structurels entre les États membres. Les réglementations concernant les réseaux doivent mettre l'accent sur la sécurité, la qualité et le niveau des investissements.

5.2.4

Les investissements dans les stations électriques et les raffineries de pétrole ont été très réduits ces vingt dernières années. Pour ce qui concerne l'électricité, la période de surcapacité touche à sa fin et des investissements seront nécessaires pour augmenter de 600 à 750 GW les capacités de production d'ici à 2030 afin de répondre à la croissance de la consommation d'électricité ainsi que remplacer les infrastructures vieillissantes. Le besoin d'investissement pour des capacités supplémentaires, notamment pour répondre aux pics de la demande, pourrait être partiellement comblé par l'interconnexion complète des réseaux.

5.2.5

Les politiques communautaires qui visent à augmenter l'utilisation des sources d'énergie renouvelable sont des éléments importants pour venir contrebalancer l'augmentation de la dépendance vis-à-vis de fournisseurs externes. Cela permettra dans le même temps de limiter les émissions de gaz à effet de serre et, dans certains cas, de diminuer la dépendance de certains réseaux. Dans le cas de la biomasse et des biocarburants, il conviendrait de prévoir une exploitation optimale des sols à plus long terme.

5.2.6

L'uranium est importé à 95 % dans l'UE de diverses sources. Selon l'AIEA et l'Agence de l'OCDE pour l'énergie nucléaire, les ressources en uranium connues à l'heure actuelle devraient suffire pour répondre pendant 50 ans à la demande mondiale à son niveau actuel. Les réserves potentielles estimées à partir de mesures géologiques devraient n'être épuisées que dans 280 ans. Plus tard, de nouvelles technologies pourront offrir d'autres options pour l'approvisionnement en combustibles.

5.3   Les changements climatiques

5.3.1

L'UE assume un rôle de leader mondial dans la lutte contre les changements climatiques. Les politiques communautaires sont uniques en leur genre, très avancées et ambitieuses, notamment avec le système d'échanges des droits d'émission et l'importance accordée aux sources d'énergie renouvelables. De nombreuses parties du monde, dont les principaux responsables des émissions de gaz à effet de serre, n'ont pas suivi le mouvement.

5.3.2

Étant donné la tendance au réchauffement climatique mondial que l'on constate, les objectifs fixés à Kyoto sont bien modestes et pourtant, ils paraissent bien difficiles à atteindre pour la plupart des États membres de l'UE.

5.3.3

La plupart des réductions ont jusqu'ici été obtenues avec le remplacement du charbon par le gaz dans la production de chaleur et d'électricité (au Royaume-Uni) et la fermeture et la modernisation des vieilles centrales de l'est de l'Allemagne. Il est désormais plus compliqué et plus coûteux de réduire la plupart des émissions.

5.3.4

Il est indispensable de trouver une solution globale pour les politiques de lutte contre les changements climatiques à mener dans «l'après Kyoto», et en tout état de cause que les principaux responsables des émissions y participent. Dans le cas contraire, il n'y aura aucune progression notable dans la lutte contre les changements climatiques, avec le risque de pénaliser l'évolution économique et sociale de l'UE.

6.   Options pour l'avenir

6.1   Vision à long terme

6.1.1

Jusqu'à présent, il semble que l'un des scénarios idéaux sur la future scène énergétique, qui parvienne à diminuer au maximum les effets environnementaux et les changements climatiques tout en garantissant la sécurité de l'approvisionnement mondial, consisterait à faire appel aux énergies renouvelables pour le chauffage et la demande d'électricité «de pointe», à la fusion nucléaire pour la demande d'électricité «de base» et à la filière hydrogène comme vecteur énergétique. Cette combinaison énergétique n'est pas envisageable avant 2050 et vraisemblablement plus tard. Un autre scénario mise sur une meilleure efficacité énergétique, sur les sources d'énergie renouvelables associées à une technologie permettant le stockage d'électricité (l'hydrogène, par exemple) et sur le charbon avec captation et stockage du CO2.

6.1.2

La technologie de la fusion est liée à des enjeux importants et pleine d'incertitudes. Il faudra des avancées technologiques fondamentales et surtout d'énormes progrès pour parvenir à la viabilité économique. Pour se répandre, l'économie dite de l'hydrogène nécessite de disposer d'électricité en abondance. Les énergies renouvelables ou le gaz naturel ne peuvent pas, tout au moins pas à eux seuls, permettre la pleine expansion de l'économie de l'hydrogène.

6.1.3

Il est difficile d'évaluer précisément le potentiel global des sources d'énergie renouvelables si l'on tient compte des limites naturelles et des impératifs économiques. Certaines études ont évoqué la possibilité d'approcher les 100 % de part du marché pour les énergies renouvelables en 2050 en Europe, mais cet avis est loin d'être partagé et les scénarios de la Commission ne vont pas dans ce sens puisque le scénario le plus favorable à ces énergies leur accorde 15 % de parts de marché en 2030. Jusqu'ici, l'utilisation des sources d'énergie renouvelables dans l'UE des 25 s'est répandue moins vite que ce que les objectifs fixés prévoyaient.

6.2   Efficacité énergétique

6.2.1

L'efficacité énergétique et les économies d'énergie sont des éléments clés de la politique énergétique. Dans son récent avis au sujet du Livre vert sur l'efficacité énergétique, le CESE a fortement soutenu les actions dans ce domaine politique et a formulé des observations sur un grand nombre de mesures et d'instruments potentiels.

6.2.2

Une meilleure efficacité a une influence sur la future combinaison énergétique. La diminution relative de la demande incitera les forces du marché à diminuer l'utilisation des sources d'approvisionnement les moins rentables, voire aboutira à des mesures politiques relatives aux sources d'énergie les moins souhaitables.

6.2.3

Dans son Livre vert sur l'efficacité énergétique, qui a été publié récemment, la Commission estime que l'efficacité économique pourrait encore s'améliorer de 20 %, au rythme de 1,5 % par an, ce qui permettrait à la demande de redescendre en dessous du niveau de l'année 1990 pour l'UE des 25. Les scénarios publiés par la Commission n'envisagent pas que cela puisse être possible d'ici à 2030, même le scénario prévoyant les mesures politiques les plus fermes.

6.2.4

Dans son avis, le CESE est largement favorable à l'idée que l'amélioration de l'efficacité énergétique est une condition préalable indispensable pour le développement durable, la compétitivité et l'indépendance économique. Améliorer l'efficacité énergétique tient du bon sens économique, si l'idée n'est pas portée à l'extrême. Augmenter le niveau d'efficacité énergétique relève de la pratique quotidienne des entreprises et fonctionne sur la base d'accords volontaires. Dans d'autres secteurs, il convient de prendre de nombreuses mesures visant par exemple à une meilleure sensibilisation et à la diffusion des connaissances, ainsi que les mesures économiques appropriées. Le CESE considère tout de même que les objectifs présentés dans le Livre vert sont un peu optimistes.

6.2.5

Même si les mesures prises se montrent efficaces, les scénarios envisagés ne laissent pas prévoir que la demande en énergie amorcerait une diminution avant 2030 dans l'UE des 25, elle pourrait même augmenter. Il serait extrêmement bénéfique de mettre davantage l'accent sur l'efficacité énergétique.

6.3   Options envisageables dans les domaines de consommation d'énergie

Pour analyser les options possibles pour la combinaison énergétique, et considérant les défis politiques mentionnés précédemment, il est utile d'envisager séparément les différents secteurs d'utilisation de l'énergie primaire, à savoir les transports, le chauffage et la production d'électricité. Ces secteurs ne sont que très faiblement interdépendants.

6.3.1   Transport

6.3.1.1

Le secteur des transports dépend presque exclusivement des combustibles liquides, ce qui veut dire en pratique des produits pétroliers. Le seul substitut qui existe à l'heure actuelle dans une certaine mesure, c'est le transport ferroviaire électrique. Si les transports publics ont encore relativement peu recours au gaz naturel, son utilisation est cependant croissante, ce qui va dans le sens d'une diversification des sources d'énergie mais se heurte aux interrogations liés à l'augmentation de la consommation de gaz.

6.3.1.2

L'UE s'est fixé comme objectif de remplacer les combustibles pétroliers par des biocarburants à hauteur de 5,75 % d'ici à 2010. Étant donné la hausse des prix du pétrole, nombreux sont ceux qui parlent de porter ce pourcentage à un niveau bien plus élevé. La Commission a présenté en février 2006 une communication visant à accroître l'utilisation des biocarburants (Plan d'action dans le domaine de la biomasse). Si l'on envisage d'orienter les politiques en ce sens, il faut tenir compte de nombreux facteurs tels que la balance énergétique nette, les échanges commerciaux, les politiques financière, environnementale et agricole ainsi que le coût aux usagers. La sécurisation et la continuité de l'approvisionnement ainsi que les effets sur les utilisations alternatives de la biomasse font partie des autres questions importantes à traiter.

6.3.1.3

Les véhicules à pile à combustible sont actuellement en phase d'expérimentation. L'une des questions essentielles concerne le combustible à utiliser. Dans l'avenir, l'hydrogène pourrait être produit à partir de sources d'énergie renouvelables ou de gaz naturel et à partir de l'eau par hydrolyse. Jusqu'ici, les piles à combustible s'avèrent bien plus coûteuses que les moteurs à combustion.

6.3.1.4

L'électricité peut constituer une alternative viable comme source d'énergie dans le secteur des transports, par exemple avec les véhicules électriques hybrides.

6.3.1.5

Il y a peu de signes indiquant que le secteur des transports pourrait rapidement se passer du pétrole. Il faut donc faire un maximum d'efforts pour augmenter l'efficacité énergétique dans les transports en:

améliorant les technologies pour les moteurs et les combustibles,

concevant des véhicules plus légers et des véhicules de transport routier de marchandises plus efficaces,

améliorant les transports publics, auxquels viendraient s'ajouter les péages routiers dans les centres villes;

misant vers un transfert maximum vers le rail et les voies navigables, pour autant que ces modes de transport se révèlent efficaces,

luttant contre la congestion des transports, par exemple en favorisant les horaires de travail flexibles.

La planification régionale et le télétravail permettent de limiter les besoins en transport.

Pour une analyse plus globale et plus approfondie des infrastructures européennes de transport et de ses futurs enjeux, veuillez consulter l'avis du CESE intitulé «Les infrastructures de transport de l'avenir: planification et pays limitrophes — mobilité durable — financement».

6.3.2   Les secteurs du chauffage et du refroidissement

6.3.2.1

En Europe, les combustibles fossiles, à savoir le mazout, le gaz et le charbon, sont les combustibles de prédilection pour le chauffage. La part de marché du gaz augmente rapidement. L'électricité intervient dans une certaine mesure tandis que la biomasse a fait son entrée dans le nord et l'énergie solaire dans le sud. Pour les systèmes de refroidissement, l'électricité reste la source d'énergie de prédilection mais d'autres options gagnent du terrain, notamment les réseaux locaux de refroidissement qui peuvent fonctionner à partir de centrales de cogénération.

6.3.2.2

En Europe, 40 % de l'énergie est utilisé dans la construction et pour les systèmes de chauffage et de refroidissement. D'après les spécialistes, le potentiel de progression de l'efficacité énergétique et des économies d'énergie est important et l'UE a déjà lancé des actions en ce sens.

6.3.2.3

Les énergies renouvelables recèlent un grand potentiel en la matière. La biomasse pourrait être plus largement utilisée dans les systèmes de chauffage ou de refroidissement urbain ou zonal, en combinaison avec la production d'électricité quand c'est possible. L'énergie géothermique recèle également un potentiel inexploité. On peut par ailleurs s'étonner que le chauffage à l'énergie solaire ne soit que très peu répandu dans certains pays du sud. De plus, l'extraction de la chaleur ambiante par des pompes à chaleur constitue une source d'énergie abondante et rentable d'énergie renouvelable.

6.3.2.4

Les systèmes de chauffage et de refroidissement représentent une utilisation très locale de l'énergie. C'est donc au niveau local qu'il faut prendre les mesures visant à améliorer l'efficacité énergétique dans les bâtiments. Au niveau communautaire, il conviendrait d'engager des actions visant à favoriser le développement technologique, à l'échange des connaissances et des meilleures pratiques ainsi qu'à garantir le fonctionnement d'un marché intérieur des produits et services qui y sont liés.

6.3.3   L'électricité

6.3.3.1

Il existe diverses sources de production d'électricité comme le charbon, le gaz, le pétrole, l'énergie hydraulique, nucléaire, éolienne ainsi que les combustible non fossiles comme la biomasse. Les technologies photovoltaïques et marémotrices sont en plein développement.

6.3.3.2

La majorité des centrales électriques en Europe devront être remplacées dans un avenir proche. C'est le cas de la plupart des centrales à combustibles fossiles ainsi que des centrales nucléaires. Ce serait l'occasion d'en profiter pour privilégier largement les sources d'énergie qui ne sont pas des hydrocarbures, tout en diminuant la dépendance vis-à-vis des fournisseurs externes et en améliorant l'efficacité de la production d'électricité.

6.3.3.3

Les mesures visant à accroître l'efficacité énergétique peuvent être mises en place tout au long de la chaîne de production électrique, du combustible à la conception écologiquement efficace d'appareils électriques, en passant par les technologies utilisées dans les centrales électriques.

6.3.3.4

De l'avis général cependant, la croissance de la consommation électrique se poursuivra pendant encore quelques décennies et il faudra prévoir des capacités supplémentaires de presque 400 GW, soit de 400 à 800 nouvelles centrales à construire dans l'UE des 25, si l'on veut répondre à l'accroissement de la demande. En outre, il faudra construire de nouvelles installations de centaines de GW pour remplacer les vieilles installations.

6.3.3.5

Une combinaison énergétique optimale comprend différents modes et capacités de production pour répondre aux divers besoins. Les centrales hydrauliques, nucléaires ou à combustion fonctionnant avec des combustibles à meilleur marché comme le charbon représentent la meilleure option pour la production en charge de base, lorsque la demande est stable et continue. La consommation en charges variables, et c'est la majorité des cas, requiert de pouvoir facilement réguler l'approvisionnement, comme dans les centrales hydrauliques ou thermiques. L'exploitation avec des pics de la demande correspond mieux aux centrales à faibles coûts en capital, généralement associés à des coûts d'exploitation élevés, comme pour les centrales à turbines à gaz. La production en charge de base peut être également utilisée pour augmenter la puissance des centrales hydrauliques lors des pics de consommation. Le recours à des sources d'énergie intermittentes requiert de disposer d'un approvisionnement complémentaire facilement régulé.

6.3.3.6

Pour pouvoir exploiter efficacement les centrales électriques et limiter le besoin de nouvelles installations, il faut pouvoir disposer en suffisance de grands réseaux de transmission qui fonctionnent correctement et soient interconnectés. D'autre part, il faut optimiser le système de manière à ne pas privilégier le transport sur une longue distance par rapport à la construction de nouvelles centrales lorsque la demande est importante. La production distribuée, de préférence par le biais des centrales de cogénération, est une option à développer. Une gestion bien conçue de la demande pourrait faire baisser le pic de consommation dans un marché qui fonctionne correctement.

Bruxelles, le 13 septembre 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Directive no 2003/30/CE, JO L 123 du 17.05.2003.

(2)  «Livre vert — Vers une stratégie européenne de sécurité d'approvisionnement énergétique», JO C 221 du 07.08.2001.


ANNEXE

à l'avis du Comité économique et social européen

L'amendement suivant, ayant recueilli un nombre de voix favorables représentant au moins le quart des suffrages exprimés, a été repoussé en session plénière:

Nouveau paragraphe 2.2.1

«Le CESE fait observer qu'au vu des évolutions actuelles sur les marchés de l'énergie, en particulier celles du prix du pétrole, les pronostics utilisés pourraient s'avérer faux ou dépassés. Les données de base utilisées ont en effet une influence décisive sur tous les pronostics et elles se sont considérablement transformées ces derniers mois. Ainsi, une étude  (1) réalisée en Allemagne à la demande du ministère de l'économie a montré qu'avec un futur prix du pétrole estimé désormais à 60 $ le baril, la consommation d'énergie va diminuer de 17 % d'ici à 2030 et que le charbon et les énergies renouvelables seront davantage utilisés. Sur la base d'un prix du baril de pétrole estimé à 37 $, on était parti jusqu'à présent du principe que la consommation augmenterait.»

Exposé des motifs

Nos déclarations doivent bien sûr s'appuyer sur des prévisions précises et la rapporteuse a bien fait de citer l'Agence internationale de l'énergie et la Commission européenne. Sans pour autant modifier les conclusions de son avis, le CESE devrait toutefois au moins inclure les dernières évolutions dans ses réflexions.

Résultats du vote

Voix pour: 69

Voix contre: 85

Abstentions: 19

Paragraphe 2.3

Modifier comme suit

«Les choix des diverses sources et technologies dans le secteur énergétique sont faits par les investisseurs et peuvent être influencés par des décisions politiques. L'UE n'a pas de pouvoir direct sur la décision d'un État membre en faveur de telle ou telle source d'énergie, mais elle peut exercer une influence indirecte de par ses compétences en matière environnementale. Dans la mesure du possible, les États membres devraient faciliter l'utilisation de leurs ressources propres. Les États membres s'influencent les uns les autres dans leur choix. De même, les utilisateurs des États membres qui ne disposent pas, par exemple, d'électricité produite à partir de l'énergie nucléaire ou du charbon dépendent généralement de l'électricité produite à partir de ces technologies dans les États membres voisins».

Exposé des motifs

L'énoncé n'est pas exact dans sa forme actuelle. D'une part, les États membres, qui par exemple renoncent, voire souhaitent renoncer, à l'énergie nucléaire disposent, avec leurs centrales électriques, de moyens de production alternatifs largement suffisants. Le fait que par exemple l'Allemagne importe de l'électricité produite dans les centrales nucléaires françaises ou tchèques est une conséquence du marché intérieur européen et de la dotation, à dessein, de certains pays de capacités de production trop importantes; il n'est pas imputable à l'impossibilité de pallier l'apparition d'un prétendu déficit en énergie autrement qu'en recourant par exemple à l'énergie produite dans une centrale nucléaire étrangère.

Résultats du vote

Voix pour: 60

Voix contre: 115

Abstentions: 13

Paragraphe 5.2.6

Modifier comme suit:

«L'uranium est importé à 95 % dans l'UE de diverses sources. Selon l'AIEA et l'Agence de l'OCDE pour l'énergie nucléaire, les ressources en uranium connues à l'heure actuelle devraient suffire pour répondre pendant 50 ans à la demande mondiale à son niveau actuel. Les réserves potentielles estimées à partir de mesures géologiques devraient n'être épuisées que dans 280 ans. Ce délai pourrait toutefois être radicalement réduit, si les programmes de développement nucléaire de certains États étaient réalisés. Ainsi, l'Inde compte par exemple agrandir son parc de centrales nucléaires et passer d'une production de 3.000 MW à 300.000 MW, ce qui aura évidemment pour conséquence d'aggraver les conditions de l'approvisionnement global en uranium. Plus tard, de nouvelles technologies pourront offrir d'autres options pour l'approvisionnement en combustibles, mais jusqu'à présent celles-ci n'ont pas encore été testées, ni ne sont véritablement disponibles».

Exposé des motifs

Clarification.

Résultats du vote

Voix pour: 62

Voix contre: 124

Abstentions: 6

Paragraphe 6.3.3.2

Modifier comme suit:

«La majorité des centrales électriques en Europe devront être remplacées dans un avenir proche. C'est le cas de la plupart des centrales à combustibles fossiles ainsi que des centrales nucléaires. Ce serait l'occasion d'en profiter pour privilégier largement les systèmes de production d'énergie qui ont moins de conséquences environnementales (centrales thermiques en montage bloc, technologies propres d'utilisation du charbon), sources d'énergie qui ne sont pas des hydrocarbures, tout en diminuant la dépendance vis-à-vis des fournisseurs externes et en améliorant l'efficacité de la production d'électricité».

Exposé des motifs

Ressort du texte. Voir également les paragraphes 1.17 et 1.18 qui abordent entre autres les technologies propres d'utilisation du charbon.

Résultats du vote

Voix pour: 62

Voix contre: 121

Abstentions: 12


(1)  Réalisée par l'institut de prévisions de Bâle (Basler Prognos Institut) et l'institut de politique économique relative à l'énergie de l'université de Cologne.


23.12.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/195


Avis du Comité économique et social européen sur les

«Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant le respect des obligations des États du pavillon»

COM(2005) 586 final — 2005/0236 (COD),

«Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant des règles et normes communes concernant les organismes habilités à effectuer l'inspection et la visite des navires et les activités pertinentes des administrations maritimes»

COM(2005) 587final — 2005/237 (COD),

«Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au contrôle par l'État du port»

COM(2005) 588 final — 2005/0238 (COD),

«Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2002/59/CE relative à la mise en place d'un système communautaire de suivi du trafic des navires et d'information»

COM(2005) 589 final — 2005/0239 (COD),

«Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant les principes fondamentaux régissant les enquêtes sur les accidents dans le secteur des transports maritimes et modifiant les directives 1999/35/CE et 2002/59/CE»

COM(2005) 590 final — 2005/240 (COD),

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la responsabilité des entreprises assurant le transport de personnes par mer ou par voie de navigation intérieure en cas d'accident»

COM(2005) 592 final — 2005/0241 (COD),

«Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la responsabilité civile et aux garanties financières des propriétaires de navires»

COM(2005) 593 final — 2005/0242 (COD).

(2006/C 318/32)

Le 25 janvier (TEN/236), le 8 février (TEN/235), le 14 février (TEN/234 et 239), le 28 février (TEN/237) et le 15 mars 2006 (TEN/233 et 238), le Conseil a décidé, conformément aux articles 71.1 et 80.2 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur les propositions susmentionnées.

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de la préparation des travaux en la matière, a adopté son avis le 18 juillet 2006 (rapporteur: M. RETUREAU; corapporteuse: Mme BREDIMA-SAVOPOULOU).

Lors de sa 429e session plénière des 13 et 14 septembre 2006 (séance du 13 septembre 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 198 voix pour, 2 voix contre et 5 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le Comité accueille dans l'ensemble favorablement le troisième «paquet» de mesures concernant la sécurité maritime qui constitue une nouvelle avancée constructive et proactive vers l'amélioration de la sécurité maritime, car il permet de limiter les accidents ainsi que la pollution maritime et de mieux en contrôler les conséquences. Le CESE est largement favorable aux propositions relatives à l'action de l'État du pavillon, au contrôle des navires par l'État du port, au suivi effectué par les sociétés de classification chargées de procéder à des audits, aux enquêtes sur les accidents ainsi qu'à la proposition de suivi du trafic des navires et d'information (VTM et navires en détresse et lieux de refuge). Les propositions reflètent les principales positions que le Comité a exprimées dans les avis consacrés aux «paquets» ERIKA I et II. Les propositions à l'examen améliorent divers aspects de la chaîne du transport et témoignent de l'engagement de l'Union européenne en faveur de la qualité des transports maritimes.

1.2

Le Comité exprime certaines préoccupations quant aux propositions relatives à la responsabilité concernant les navires à passagers, basée sur la convention de l'Organisation maritime internationale d'Athènes et sur la responsabilité civile. En particulier, la proposition sur la responsabilité civile mériterait un examen plus approfondi.

1.3

Le Comité économique et social européen estime que la reconnaissance dans le texte du rôle joué par l'OMI constitue un élément positif. Cela concorde pleinement avec l'esprit des avis que le Comité a publiés depuis 1993 sur la sécurité maritime et la prévention de la pollution où il a reconnu la nécessité de mettre en place un cadre international en matière de sécurité maritime et de prévention de la pollution.

1.4

Le CESE recommande à la Commission de prendre toutes les mesures nécessaires afin que les États membres ratifient rapidement les conventions existantes de l'OMI et notamment la Convention sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes (Convention LLMC de 1996). La ratification de ces instruments aura un impact direct sur la sécurité maritime, l'environnement global, la responsabilité et l'indemnisation pour les dommages dus à la pollution au niveau mondial.

1.5

Le CESE suggère à la Commission d'exclure la navigation intérieure da sa proposition concernant la responsabilité passagers pour les voies de navigation intérieure, et de publier une proposition spécifique dans le cadre du programme Naïades.

1.6

Le CESE réitère son souhait, exprimé déjà en réponse aux «paquets» ERIKA I et II, qu'un autre «paquet» Sécurité Maritime évoque plus spécifiquement la dimension humaine et déplore l'insuffisante attention accordée au niveau communautaire au facteur humain dans ce troisième «paquet» Sécurité Maritime. Il propose, comme base d'élaboration de dispositions appropriées, la convention sur le Code de travail maritime adopté par la Conférence maritime de l'OIT de 2006, que les États membres devraient ratifier en vue d'une harmonisation des règles de base européennes et internationales. La partie «recommandations» (soft law) du Code, devrait aussi être dûment prise en considération pour élaborer de meilleures normes européennes.

1.7

Le CESE observe que l'amélioration du processus législatif passe par une meilleure application des normes législatives. À cet égard, il attire l'attention sur la nécessité de mieux appliquer les dispositions législatives. Il invite également tous les acteurs concernés à veiller à la mise en œuvre des dispositions du nouveau «paquet» Sécurité Maritime.

1.8

Le CESE attire l'attention sur la nécessité d'accroître les ressources dévolues au contrôle de l'état du port par les États membres; en outre, il appelle à l'augmentation du nombre des inspecteurs dans les ports, afin d'assurer une mise en œuvre effective des divers aspects des paquets Sécurité Maritime. Le CESE invite la Commission, en collaboration avec les États membres, à déployer tous les moyens nécessaires afin d'attirer et de recruter de nouveaux entrants convenablement qualifiés aux postes d'inspecteurs.

2.   Introduction

2.1

Suite aux dégâts causés par les accidents de l'Erika (1999) et du Prestige (2002) sur les côtes françaises et espagnoles, qui sont révélateurs de la vulnérabilité des côtes européennes, l'Union européenne s'est empressée de prendre des mesures afin d'instaurer un mécanisme de défense visant à protéger les côtes européennes contre les risques d'accidents et de pollution maritimes et à améliorer les mesures de sécurité des navires faisant escale dans ses ports. Deux paquets législatifs ont été adoptés: «ERIKA I» (1) en 2001 et «ERIKA II» (2) en 2002. Ils comportent six instruments légaux (trois directives et trois règlements). Le 23 novembre 2005, la Commission a publié son troisième paquet de mesures concernant la sécurité maritime dans le but de renforcer les règles communautaires en matière de sécurité maritime et d'améliorer l'effectivité des mesures existantes.

3.   Propositions de la Commission

3.1

Depuis l'élargissement de l'UE, la flotte communautaire représente 25 % de la flotte mondiale. L'objectif de la Commission européenne est de créer une flotte modèle capable d'assurer un service maritime sûr, compétitif et respectueux de l'environnement.

3.2

Le troisième paquet Sécurité Maritime permettra de mieux garantir la sécurité du transport maritime communautaire. Il propose une approche plus proactive visant à recréer des conditions d'une concurrence saine et durable pour les opérateurs qui respectent les normes internationales. Le paquet comprend sept propositions qui tiennent compte de l'expérience acquise dans le domaine de la mise en œuvre de la législation communautaire en matière de sécurité maritime et de prévention de la pollution. Elles s'articulent autour de deux domaines d'action prioritaires:

amélioration de la prévention des accidents et de la pollution et

gestion des conséquences des accidents.

3.3   Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant le respect des obligations des États du pavillon

3.3.1

L'objectif de cette proposition consiste à faire en sorte que les États membres assurent un suivi efficace de la conformité des navires battant leur pavillon aux normes internationales préconisées par l'Organisation maritime internationale (OMI). Pour cela, ils doivent disposer d'une administration maritime fonctionnant selon des critères de qualité élevés. Cette proposition vise à assurer que les États membres s'acquittent de leurs obligations internationales de manière effective et coordonnée.

3.4   Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant des règles et normes communes concernant les organismes habilités à effectuer l'inspection et la visite des navires et les activités pertinentes des administrations maritimes

3.4.1

La proposition est destinée à améliorer la qualité du travail des sociétés de classification agréées (chargées de l'inspection et de la certification de navires), à réformer le système de sanctions prévues pour les entreprises manquant à leurs obligations en leur infligeant des pénalités financières plus graduelles et proportionnelles et à renforcer les pouvoirs de la Commission de manière à permettre aux inspecteurs d'accéder à tous les navires, quel que soit leur pavillon. La qualité du travail effectué par les sociétés de classification devrait être améliorée grâce à la mise en place d'un système de contrôle de la qualité.

3.5   Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au contrôle par l'État du port

3.5.1

Cette proposition introduit le principe d'une refonte en profondeur du système actuel (Mémorandum d'entente de Paris — MOU-), en vertu duquel chaque État membre doit inspecter au moins 25 % des navires faisant escale dans ses ports, en le remplaçant par un objectif communautaire qui est d'inspecter systématiquement tous les bateaux, tout en tenant compte de la nécessité d'alléger la charge que les inspections feraient peser sur les navires de qualité.

3.5.2

D'autres mesures seront adoptées dans le but d'améliorer l'efficacité et la qualité des contrôles effectués sur les navires présents dans les ports communautaires (y compris concernant les conditions de travail des équipages). Le nouveau régime d'inspection se concentrera sur les navires à risque. Des mesures plus sévères seront prises à l'égard de navires sous-normes, en renforçant les dispositions visant leur interdiction dans les eaux communautaires.

3.6   Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2002/59/CE relative à la mise en place d'un système communautaire de suivi du trafic des navires et d'information

3.6.1

Au rang des objectifs poursuivis figure l'amélioration du cadre juridique relatif à l'accueil de navires en détresse dans des lieux de refuge. L'identification de tous les endroits potentiels pouvant servir de refuge devrait s'accélérer, ce qui permettra d'améliorer l'efficacité des processus décisionnels en cas de survenue d'accidents maritimes. La Commission propose également d'équiper tous les navires de pêche de systèmes d'identification automatiques (AIS), ce qui permettrait de réduire les risques de collision avec des grands navires.

3.6.2

L'extension du système d'échange d'informations communautaire SafeSeaNet à l'ensemble du territoire de l'Union européenne facilitera le suivi des mouvements des navires et de leurs cargaisons. Les navires seront informés sur les risques de formation des glaces de mer dans certaines zones maritimes.

3.7   Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant les principes fondamentaux régissant les enquêtes sur les accidents dans le secteur des transports maritimes et modifiant les directives 1999/35/CE et 2002/59/CE

3.7.1

La qualité des normes en matière de sécurité maritime dépend de la capacité d'analyser les causes des accidents et d'en tirer tous les enseignements. Le but de cette proposition est de créer un cadre communautaire harmonisé permettant d'effectuer des enquêtes sur les accidents. Celles-ci seront réalisées par des organes spécialisés indépendants dûment autorisés. La proposition définit clairement les lignes directrices au niveau de la Communauté et favorise la coopération dans le domaine des enquêtes techniques sur les accidents maritimes.

3.8   Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la responsabilité des entreprises assurant le transport de personnes par mer ou par voie de navigation intérieure en cas d'accident

3.8.1

L'objectif de cette proposition est d'intégrer dans le corpus législatif communautaire les dispositions de la Convention d'Athènes de 2002 (applicables uniquement aux trajets internationaux, non encore entrées en vigueur) et d'étendre la protection garantie par la Convention précitée à l'ensemble des passagers qui empruntent des bateaux dans l'UE tant dans le cadre du trafic maritime national que de la navigation sur les voies maritimes et autres voies navigables intérieures.

3.9   Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la responsabilité civile et aux garanties financières des propriétaires de navires

3.9.1

Il s'agit d'inciter les propriétaires de navires à agir de manière plus responsable et de les contraindre à souscrire une police d'assurance ou tout autre garantie financière pour les dommages causés aux tiers ainsi que pour permettre de couvrir les frais de rapatriement des gens de mer en cas d'abandon.

3.9.2

Le premier pas dans cette direction consiste en la ratification par les États membres de toutes les conventions pertinentes de l'OMI, y compris la Convention sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes de 1996 (convention LLMC). Le texte de la Convention de 1996 sera incorporé dans le droit communautaire afin de garantir une application entière et uniforme de ses dispositions dans toute l'Union européenne. En deuxième lieu, la Commission demandera un mandat pour négocier au sein de l'OMI une révision du Protocole de 1996, afin de revoir le niveau auquel le propriétaire perd son droit à limiter sa responsabilité. Les navires battant pavillon d'un État n'ayant pas ratifié la Convention de 1996 seront soumis à un régime de responsabilité plus sévère en cas de négligence grave.

3.9.3

Les États membres doivent veiller à ce que les propriétaires de navires fréquentant les eaux communautaires, quel que soit leur pavillon, disposent d'une garantie financière en matière de responsabilité civile correspondant au double des plafonds fixés par la Convention de 1996 précitée. Les propriétaires doivent également disposer d'une garantie financière en cas d'abandon des gens de mer. La garantie financière doit être prouvée sous forme de certificats qui doivent être conservés à bord du navire.

4.   Observations générales

4.1   Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant le respect des obligations des États du pavillon

4.1.1

Le CESE est tout à fait favorable à cette proposition, car les États membres devront remplir leurs responsabilités de façon adéquate et devront se conformer aux instruments de l'OMI, notamment aux dispositions du Code pour l'application des instruments obligatoires de l'OMI relatives aux États du pavillon et à son schéma d'audit des États du pavillon.

4.1.2

Le CESE s'interroge sur la pertinence de l'article 9 «Enquête sur l'État du pavillon», étant donné qu'il concerne les enquêtes sur les accidents, ce thème étant largement couvert dans le cadre du cinquième instrument proposé dans le troisième paquet Sécurité Maritime. Néanmoins, cela renforce le besoin d'enquêtes et le fait que les États membres devront être requis et tenus de fournir des ressources adéquates à cet effet.

4.1.3

Le Comité reconnaît que l'Article 10 «Détermination des effectifs en fonction de la sécurité» vise à assurer que les navires battant pavillon d'États membres ont des effectifs adéquats à bord, en accord avec la Résolution A.890 (21) de l'Assemblée de l'OMI sur les principes relatifs aux effectifs pour la sécurité (Principles on Safe Manning). Cependant, le CESE est convaincu qu'un «level playing field», c'est-à-dire des conditions de concurrence équitables entre les États du pavillon, est une chose essentielle, et la proposition que la Commission produise un rapport comme souligné dans l'Article 15 «Accords de Coopération» devrait être réalisée dès que possible.

4.2   Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant des règles et normes communes concernant les organismes habilités à effectuer l'inspection et la visite des navires et les activités pertinentes des administrations maritimes

4.2.1

La responsabilité des sociétés de classification ne cesse de croître. Elles assument à ce titre une grande responsabilité devant les administrations des États du pavillon en matière de sécurité du transport maritime et d'environnement. Par conséquent, le CESE approuve les mesures proposées dont l'objectif consiste à améliorer la qualité du travail de ces organismes habilités à agir au nom des États membres et à renforcer les contrôles ainsi que les pénalités, avec la mise en place d'un système de sanctions graduées, plus efficace que le système actuel.

4.2.2

Mais, étant donné l'imbrication actuelle de ces fonctions, le CESE estime qu'il conviendrait de mieux distinguer les fonctions statutaires et de classification, par exemple en les confiant à des inspecteurs différents du même organisme agréé, ou à deux organismes différents. Une période intérimaire, durant laquelle une promotion continue des «meilleures pratiques», par le biais de négociations des États membres avec les sociétés concernées et entre sociétés de classification, s'avérera sans doute nécessaire pour élaborer un recueil de bonnes pratiques visant à éviter les conflits d'intérêt.

4.2.3

En vertu de l'article 19, paragraphe 3, les États membres doivent coopérer avec les sociétés de classification qu'ils habilitent au développement des règles et/ou des réglementations de ces organismes agréés. Nonobstant les dispositions des Articles 16 et 17, le CESE estime qu'une mesure similaire d'obligation réciproque devrait s'appliquer aux sociétés de classification.

4.2.4

Le CESE accueille favorablement les dispositions de l'Article 20 en ce qui concerne l'exigence pour les organisations reconnues de se consulter et de coopérer entre elles en vue d'assurer l'équivalence et la consistance dans l'application des conventions internationales.

4.3   Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relatif au contrôle par l'État du port

4.3.1

Le CESE approuve la refonte de la directive dans un souci de clarté, ce qui permettra de renforcer et d'améliorer l'efficacité du contrôle effectué par l'État du port. Il observe qu'au cours des six dernières années, le nombre de navires ayant subi une inspection obligatoire renforcée est passé de 700 à 4.000.

4.3.2

Le CESE apprécie la volonté de reconnaître les navires respectant les normes de qualité en les soumettant à moins d'inspections, de concentrer les efforts sur l'inspection des navires à haut risque et de décourager l'utilisation de navires qui ne satisfont pas aux normes en leur interdisant l'accès aux ports européens. Étant donné que les dispositions du nouveau système seront basées sur les principes incorporés dans l'annexe II, la refonte de la directive est une occasion unique d'imposer et d'appliquer le nouveau système sans retard.

4.3.3

Le CESE relève avec satisfaction que le rôle des pilotes dans la détection précoce de déficiences éventuelles sera intensifié, mais est préoccupe par le fait que la confusion des fonctions commerciales avec des fonctions d'inspection ne sera pas aisée pour les pilotes, comme les pilotes hauturiers dépendants de compagnie fournissant des services de pilotage non obligatoires.

4.3.4

Il se félicite également que la directive introduise l'inspection des conditions de travail à bord, car le facteur humain joue souvent un rôle important dans les accidents maritimes. L'inspection des conditions de vie et de travail des marins à bord et de leurs qualifications exige un renforcement des effectifs d'inspecteurs ayant des compétences particulières en la matière; il serait difficile pour un seul inspecteur de mener à bien dans des délais souvent très brefs une double inspection approfondie, du point de vue technique et du point de vue social.

4.3.5

Le Comité accueille aussi favorablement l'exigence de l'Article 20 qui prévoit que la Commission établisse chaque année une «liste noire» montrant les performances des armateurs et des compagnies.

4.4   Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2002/59/CE relative à la mise en place d'un système communautaire de suivi du trafic des navires et d'information

4.4.1

Il est gratifiant de voir que les appels renouvelés du CESE en vue de l'instauration d'un système pour les navires en détresse ont été entendus (Article 20). Le CESE soutient donc la proposition visant à renforcer la directive, en augmentant et en harmonisant les exigences en matière de «lieux de refuge» (3). Afin d'être admis dans un lieu de refuge, un certificat d'adhésion à un Club P&I (club «protection et indemnité») devrait constituer une garantie financière suffisante. Néanmoins, l'absence d'un tel document ne devrait pas servir de prétexte pour refuser l'accès d'un navire en détresse à un lieu refuge.

4.4.2

Le Comité estime que l'autorité indépendante compétente en cas de traitement des accidents et de l'orientation des navires en détresse vers les lieux de refuge doit concentrer les pouvoirs nécessaires, indépendamment des obligations de consultation des parties concernées, et être à même de prendre les décisions et d'exercer toutes les responsabilités indispensables, y compris en ce qui concerne les possibles conséquences financières des décisions prises dans l'urgence.

4.4.3

Le CESE constate que la pêche figure toujours parmi les secteurs d'activité les plus vulnérables et se félicite à cet égard de l'obligation pour les navires de pêche de disposer d'un AIS (système d'identification automatique). Les petites et moyennes entreprises, notamment celles de pêche côtière, devraient bénéficier d'aides ou de facilités pour s'équiper (4).

4.4.4

Il soutient également les dispositions permettant aux États côtiers de prendre des mesures appropriées afin de limiter les dangers que peuvent représenter pour la navigation la formation de glaces dans certaines zones maritimes du nord de l'Union européenne. Il s'agit d'une question d'autant plus importante que le risque est particulièrement élevé dans la mer Baltique où transite un volume considérable de produits pétroliers. Néanmoins, pour éviter des problèmes éventuels liés aux normes établies par certaines sociétés de classification concernant la navigation dans les zones sujettes à la formation de glaces, il serait judicieux que les États uniformisent leurs propres règles en la matière.

4.4.5

Le CESE partage l'avis selon lequel la mise en place du système d'échange de données maritimes SafeSeaNet contribuera de manière substantielle à améliorer la sécurité maritime dans les eaux communautaires.

4.5   Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant les principes fondamentaux régissant les enquêtes sur les accidents dans le secteur des transports maritimes et modifiant les directives 1999/35/CE et 2002/59/CE

4.5.1

Le CESE soutient cette proposition, car c'est uniquement grâce à des enquêtes techniques indépendantes sur les accidents que l'on peut prendre les mesures nécessaires permettant de réduire les risques que de tels accidents ne se reproduisent. Le Comité approuve également l'instauration d'organes spécialisés indépendants, chargés d'effectuer ces enquêtes et est favorable à ce qu'on les différencie clairement des enquêtes menées à des fins répressives.

4.5.2

Le CESE accueille favorablement la disposition de l'Article 7 pour réaliser des enquêtes conjointes de sécurité.

4.5.3

Le CESE estime que la disposition de l'Article 9 sur la non-divulgation des informations autres que celles ayant pour but l'enquête de sécurité est essentielle. La disposition permettant à une autorité judiciaire d'accorder la divulgation est préoccupante. En conséquence, le CESE estime qu'il serait judicieux que les personnes fournissant des preuves dans le cadre de ces enquêtes techniques sur les accidents puissent bénéficier de l'immunité voire de l'anonymat. Il serait pertinent qu'à l'instar de l'industrie du transport aérien, les représentants du secteur du transport maritime ainsi que les représentants de la société civile organisée puissent participer au processus de recherche dans les zones concernées, car cela représente une source d'enseignement précieuse pour, à l'avenir, améliorer la prévention et à des fins de transparence. La Commission prévoit d'ailleurs judicieusement l'organisation d'un retour d'information pour capitaliser les expériences.

4.6   Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la responsabilité des entreprises assurant le transport de personnes par mer ou par voie de navigation intérieure en cas d'accident

4.6.1

Le CESE soutient l'objectif fondamental de la proposition qui vise à permettre à l'ensemble des passagers à l'échelon de l'UE de bénéficier du même niveau de protection en cas d'accident, caractérisé par des dispositions modernisées concernant la responsabilité des transporteurs, un système d'assurance obligatoire et un plafond d'indemnisation approprié. Ces normes de protection s'appliquent également à tous les passagers ayant acheté leurs billets en Europe, même s'ils voyagent en dehors des eaux communautaires ou à bord de navires battant pavillon d'États tiers.

4.6.2

Le CESE rappelle que dans le cadre d'un projet de décision datant de 2003, les États membres ont été invités à ratifier le Protocole d'Athènes avant fin 2005. Malheureusement, le processus de ratification a été bloqué. La proposition actuelle permettra une application uniforme des dispositions du Protocole d'Athènes dans l'Union européenne. L'insertion du Protocole d'Athènes en droit communautaire ne soustrait pas les États membres à l'obligation de ratifier le Protocole afin de garantir son application au niveau international.

4.6.3

Le Comité relève l'existence de deux questions importantes qui restent à résoudre en rapport avec la proposition relative à la ratification par les États membres et à l'entrée en vigueur du Protocole d'Athènes de 2002. En premier lieu, il s'agit de la question de la guerre/du terrorisme. Le CESE attire l'attention sur la résolution de l'OMI offrant aux États la possibilité de formuler une réserve dans leur ratification afin de pouvoir émettre tous les certificats d'assurance demandés à l'exception de ceux concernant la guerre/le terrorisme. En deuxième lieu, en ce qui concerne les plafonds maxima, la Confédération internationale des clubs P&I a déclaré être en mesure de couvrir les plafonds maxima prévus par le Protocole à condition qu'une solution soit trouvée pour le problème du terrorisme. Des propositions alternatives ont été soumises pour examen et des solutions viables pourraient être trouvées au niveau international et/ou européen. La révision en cours du fonds communautaire de solidarité (Règlement 2012/2002) qui doit entrer en vigueur en 2007 peut apporter des aides d'urgence en cas de catastrophes, y compris résultant d'actes terroristes, mais cela ne pourra remplacer une solution négociée, que le Comité estime urgente, à la couverture assurancielle des dommages causés par une éventuelle attaque terroriste.

4.6.4

Le CESE reconnaît l'intérêt d'octroyer les mêmes indemnités aux passagers empruntant des navires sur des liaisons intra-communautaires et internationales. Toutefois, cette mesure risque d'être une source de difficultés non négligeables pour certaines petites compagnies ou à l'occasion de certains services.

4.6.5

En ce qui concerne les services domestiques de transport de passagers par mer, le CESE propose une période d'adaptation (transitoire) dans la mise en oeuvre de cette proposition, afin de minimiser toute répercussion négative dans ce domaine. Cela afin d'éviter que la viabilité économique des services locaux de ferries ne soit fortement réduite, ce qui porterait préjudice à la régularité des liaisons avec les îles.

4.6.6

S'agissant du paiement d'avances aux victimes d'accidents ou à leurs ayant droits, le Comité soutient la proposition en ce qui concerne les incidents de navigation pour lesquels le Protocole d'Athènes prévoit un régime de responsabilité strict.

4.6.7

Les dispositions relatives aux personnes handicapées et aux informations préalables au voyage devraient être considérées comme complémentaires et non comme un écart par rapport au Protocole d'Athènes. Des dispositions similaires ont été incorporées dans le règlement relatif aux droits des passagers du transport aérien, se rapportant à la Convention de Montréal.

4.6.8

En ce qui concerne la navigation intérieure, le CESE estime que le troisième paquet de mesures concernant la sécurité maritime ne tient pas compte des différences entre transport par voies de navigation intérieure (rivières, fleuves et deltas, canaux, lacs) et transport maritime (liaisons continent-île(s), service public assurant la continuité territoriale, et liaisons internationales). Tant la nature que l'exploitation de ces trajets sont différentes, ce qui justifie un régime juridique différent (règles de navigation/de sécurité/de fiabilité, de responsabilité et d'assurance obligatoire).

4.7   Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la responsabilité civile et aux garanties financières des propriétaires de navires

4.7.1

Le CESE se prononce en faveur de la ratification par les États membres du Protocole LLMC de 1996 qui doublerait les plafonds prévus pour la responsabilité civile des propriétaires de navires par rapport aux dispositions du Protocole de 1976. Le texte de 1976 est une Convention de portée horizontale couvrant l'ensemble des créances maritimes. Néanmoins, le CESE prend note de la proposition visant à imposer à tout navire (quel que soit son pavillon) entrant dans les eaux communautaires de se munir d'un certificat de responsabilité financière correspondant au double du montant prévu dans le Protocole LLMC de 1996.

4.7.2

En vertu de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM), les États côtiers peuvent appliquer des normes sortant du cadre de la Convention précitée uniquement aux navires battant pavillon d'États tiers qui font escale dans leurs ports. Les Clubs P&I ont déclaré qu'ils n'envisageaient d'émettre que des certificats conformes aux plafonds supérieurs définis dans le Protocole de 1996.

4.7.3

L'assurance est préférable à l'insolvabilité. L'assurance dépend d'une définition claire des critères de responsabilité. L'abandon de la limitation en cas de négligence grave risque de se traduire par une contraction du marché de l'assurance et par l'augmentation du nombre de compagnies du transport maritime à un seul navire faisant appel au régime juridique des sociétés à responsabilité limitée.

4.7.4

Le CESE constate néanmoins que la perception et l'estimation de l'étendue des dommages et de la responsabilité ont beaucoup évolué ces dernières années; les indemnités versées en cas de dommages sont désormais très souvent perçues comme bien inférieures aux montants des préjudices directs et surtout indirects constatés. Une amélioration serait sans nul doute bienvenue en ce domaine; le Comité propose que la Commission effectue une analyse économique de sa proposition. Cette analyse devra déterminer l'impact économique généré par l'abandon total de la limitation de la responsabilité et s'il convient d'augmenter les niveaux de limitation.

4.7.4.1

Le CESE rappelle ses avis antérieurs sur les paquets Erika I et II et réitère que le but visé doit être la compensation rapide et garantie des victimes pour les dommages subis, et non un encouragement à poursuivre les litiges et à faire traîner les procès indéfiniment. La ratification de toutes les conventions existantes de l'OMI devrait permettre de disposer d'une responsabilité civile plus appropriée, d'une assurance obligatoire et d'une action directe pour des revendications définies avec précision, comme l'envisage la proposition de directive.

4.7.4.2

De l'avis du CESE, la responsabilité civile doit être régie par des règles claires et transparentes. En droit maritime, la «négligence grave» (gross negligence) est un concept juridique couramment appliqué dans les litiges concernant les dommages causés à la cargaison. Au plan international, le concept utilisé pour écarter la responsabilité sans faute est celui «d'imprudence en sachant que des dommages pourraient en résulter» (recklesness with knowledge), solution que le Comité avait soutenue dans son avis sur Erika II, mais dans le domaine de la pollution pétrolière. A cette fin, le Comité propose l'introduction, dans le projet de directive, de la mention de quelques facteurs objectifs, afin d'aider les États membres et leurs juridictions à déterminer quand le test de la notion de «négligence grave» serait satisfait. Sinon, un risque de divergence entre États membres dans las mise en œuvre de la directive pourrait survenir.

4.7.4.3

Le CESE maintient sa position selon laquelle les certificats de garantie financière doivent être validés par un certificat d'entrée dans un club P&I plutôt que par un certificat délivré par un État membre. Un certificat d'entrée dans un club P&I correspond aux objectifs de l'instrument proposé et peut être obtenu auprès des clubs P&I.

4.7.5

Telle que présentée, le CESE estime que la proposition est en contradiction avec les dispositions de la directive 2004/35/CE du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en matière de prévention et de réparation des dommages environnementaux laquelle a reconnu l'application primaire des conventions de l'OMI, y compris de la LLMC. Il pourrait en résulter des problèmes en matière de droit international des traités pour les États membres parties aux LLMC 1976 et 1996.

4.7.5.1

Le CESE soutient la proposition visant à faire en sorte que les navires disposent de certificats de garanties financières en cas d'abandon des gens de mer et note que le groupe de travail OMI-OIT travaille sur ce sujet, qui relève de sa compétence au niveau international.

4.7.6

La responsabilité et l'indemnisation en cas de déversement de substances chimiques et de combustibles de soute sont régies par les conventions sur les substances nocives et dangereuses et sur le déversement d'hydrocarbures de soute. Elles sont le reflet d'un compromis auquel est parvenu la communauté internationale. Le CESE recommande vivement à la Commission de faire tous les efforts nécessaires pour que les États membres de l'UE ratifient rapidement la convention sur les substances toxiques et dangereuses ainsi que celle sur les hydrocarbures de soute, afin qu'elles puissent entrer en vigueur dans les meilleurs délais.

5.   Observations particulières

5.1

Le Comité prend acte avec intérêt de la récente 94ème Conférence internationale du travail (maritime) de l'OIT qui a adopté une Convention Maritime unifiée, comportant une partie impérative et une partie consacrée à des recommandations. L'ensemble des conventions maritimes adoptées au fil du temps depuis les années 20 du siècle passé, modifiées à diverses reprises, sont aujourd'hui regroupées, modernisées, dans un Code du travail maritime clair et universel. Le CESE prend également acte de l'intention de la Commission d'incorporer la convention de l'OIT (le Code maritime) au droit communautaire, et soutient les efforts en cours du groupe de travail du dialogue social, pour la mise en œuvre de la Convention et pour dégager les meilleurs moyens d'aborder la question de sa transposition en droit communautaire.

5.2

Tenant compte de sa préoccupation constante en faveur du facteur humain dans le transport maritime, le CESE invite avant tout la Commission à se fixer comme priorité d'inciter tous les États membres à ratifier dans les meilleurs délais cette Convention, afin de disposer d'une base législative harmonisée; il faut 30 ratifications représentant un tiers du tonnage brut mondial pour que la Convention entre en vigueur; l'UE lui apporterait un soutien essentiel, également en promouvant la ratification par les pays de l'Espace économique européen et les pays tiers avec lesquels existent des accords de coopération économique.

5.3

L'impact cumulé des mesures proposées sur les administrations des États du port et des États du pavillon (délivrance de certificats, inspection sociale, inspection renforcée, objectif d'inspection de 100 % des navires, etc.) devrait être mesuré rapidement par les autorités concernées, afin qu'elles prennent les mesures d'organisation, de financement et de recrutement nécessaire en temps utile.

5.4

Compte tenu des importantes obligations à charge de l'Agence européenne de sécurité maritime, il importe qu'elle dispose également des moyens suffisants pour les accomplir au mieux.

Bruxelles, le 13 septembre 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 95/21/CE du Conseil concernant l'application aux navires faisant escale dans les ports de la Communauté ou dans les eaux relevant de la juridiction des États membres des normes internationales relatives à la sécurité maritime, à la prévention des pollutions et aux conditions de vie à bord des navires (contrôle par l'État du port).

Directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la Directive du Conseil 94/57/CE relative aux règles et normes communes concernant les organismes habilités à effectuer l'inspection et la visite des navires et les activités pertinentes des administrations maritimes.

Règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'introduction accélérée des prescriptions en matière de double coque ou de normes de conception équivalentes pour les pétroliers à simple coque (Avis du CESE: JO C 14 du 16 janvier 2001).

(2)  Directive du Parlement européen et du Conseil relative à la mise en place d'un système communautaire de suivi, de contrôle et d'information sur le trafic maritime.

Règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la mise en place d'un fonds d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures dans les eaux européennes et d'autres mesures complémentaires.

Règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une Agence européenne pour la sécurité maritime (Avis du CESE: JO C 221 du 7 août 2001).

(3)  Les meilleures pratiques du système britannique SOSREP constituent une source d'inspiration majeure en ce domaine.

(4)  Le Fonds européen pour la pêche, adopté le 16 juin dernier par le Conseil, ouvre la possibilité d'un financement jusqu'à 40 % du coût pour les équipements de sécurité; des mesures complémentaires sont aussi envisageables au niveau des États membres.


23.12.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/202


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 89/552/CE du Conseil visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle»

COM(2005) 646 final — 2005/0260 (COD)

(2006/C 318/33)

Le 7 février 2006, le Conseil a décidé, conformément aux articles 47, paragraphe 2, et 55 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 18 juillet 2006 (rapporteur: M. HERNÁNDEZ BATALLER).

Lors de sa 429e session plénière des 13 et 14 septembre 2006 (séance du 14 septembre 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 53 voix pour, 7 voix contre et 10 abstentions.

1.   Introduction

1.1

Le 13 décembre 2005, la Commission européenne a présenté une proposition ayant pour objectif la mise à jour de la directive communautaire dite «directive télévision sans frontières», dont la première version date de 1989 (1) et qui avait été modifiée en 1997 (2). Les dispositions de cette directive prévaudront en cas de conflit avec la réglementation générale sur la prestation de services pour les aspects liés à l'accès à l'activité et à son exercice (3).

1.2

L'objectif déclaré de cette modification, prévue dans le cadre des procédures de suivi et de bilan de la mise en œuvre de la législation, est d'adapter la directive au nouveau contexte de convergence technologique, dans le cadre duquel les contenus et les services audiovisuels vont déjà bien au-delà de la vision traditionnelle de la radiodiffusion télévisée et génèrent de nouveaux besoins de régulation pour garantir tant le fonctionnement du marché unique et l'existence d'une industrie européenne de contenus forte et créative que les droits des citoyens. La modernisation du cadre réglementaire sur les contenus des médias audiovisuels fait également partie de la stratégie i2010, dont la finalité est «une société de l'information européenne visant à soutenir la croissance et l'emploi» (4).

1.2.1

La proposition de modification de la directive, dont le champ d'application couvrait initialement l'ensemble des services audiovisuels, concrétise maintenant, à la suite de la conférence de Liverpool (5), la portée de cette directive qui s'applique désormais aux dénommés «services de médias audiovisuels» en établissant toutefois des niveaux de réglementation différents en fonction de la nature linéaire ou non linéaire de ces derniers. La directive porterait donc désormais sur la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux prestations de services des médias audiovisuels, et aurait pour nouveau titre «directive services de médias audiovisuels» au lieu de «directive télévision sans frontières».

1.2.2

Les messages transmis dans un cadre privé, les versions électroniques des journaux ou des magazines, les sites Internet non destinés à titre principal à diffuser des contenus audiovisuels, ou la transmission de radiodiffusions sonores resteraient exclus du champ d'application de la directive.

1.3

La proposition de modification s'inscrit dans le cadre de l'accord institutionnel intitulé «mieux légiférer» adopté en 2003 dans un double objectif: d'une part, simplifier, assouplir et réduire le nombre d'obligations réglementaires des fournisseurs européens de services audiovisuels et promouvoir l'autorégulation et la corégulation dans le secteur. Le but est également de consolider un cadre réglementaire plus simple et se limitant à l'essentiel, en renforçant dans le même temps le principe du pays d'origine dès que la directive aura été incorporée à l'ordre juridique des différents pays membres.

2.   Proposition de la Commission

2.1

Comme cela déjà été dit, la Commission propose d'étendre le champ d'application de la directive à tous les services (6) de médias audiovisuels, étant considérés comme tels la présentation d'images animées, combinées ou non à du son, destinées à informer, éduquer et divertir le public à travers les dénommés réseaux électroniques (7).

2.2

Ces services de médias audiovisuels peuvent être à leur tour:

linéaires, lorsque l'usager doit s'adapter aux conditions temporaires de diffusion des services ou contenus établis par le fournisseur de médias, quel que soit le canal de diffusion (télévision terrestre, par satellite ou câble; Internet; téléphonie mobile; etc.);

non linéaires, lorsque l'utilisateur décide du moment auquel il souhaite accéder au service ou contenu spécifique disponible dans l'offre du fournisseur.

2.2.1

En accord avec cette distinction, la radiodiffusion télévisuelle est définie comme un service de médias audiovisuels linéaire dans le cadre duquel le fournisseur de services de médias audiovisuels décide du moment auquel un programme donné va être émis et organise la programmation. L'organisme ou l'opérateur de radiodiffusion télévisuelle se définit comme le prestataire qui offre les services de médias de manière linéaire.

2.3

Dans la logique de l'élargissement du champ d'application de la directive, la proposition de modification introduit un concept global de communication commerciale audiovisuelle, qui se réfère à tout type d'images animées, combinées ou non à du son, qui accompagnent les services de médias audiovisuels dans l'intention de promouvoir directement ou indirectement l'achat de biens ou de services. La publicité télévisée est ainsi considérée comme faisant partie de la communication commerciale audiovisuelle, lorsqu'il s'agit de messages émis par la télévision soit pour la promotion de cet achat de biens et de services moyennant paiement ou autre contrepartie soit à des fins d'autopromotion de l'organisme de radiodiffusion. Il en va de même du téléachat.

2.3.1

L'interdiction qui touche actuellement la publicité télévisée et le téléachat pour les cigarettes et les autres produits du tabac s'étend à toute forme de communication commerciale audiovisuelle. L'interdiction de la publicité et du téléachat pour les médicaments disponibles sur ordonnance est également maintenue de même que les limites imposées à l'argumentaire publicitaire dans le cas des boissons alcooliques, afin de ne pas encourager la consommation immodérée de celles-ci et de protéger les mineurs.

Elle ne pourra s'adresser de manière spécifique aux mineurs ni, en particulier, présenter des mineurs en train de consommer ces boissons;

elle ne doit pas associer la consommation d'alcool à une amélioration des performances physiques ou à la conduite d'un véhicule;

elle ne doit pas donner l'impression que la consommation d'alcool contribue à la réussite sociale ou sexuelle;

elle ne doit pas suggérer que les boissons alcooliques ont des propriétés thérapeutiques ou un effet stimulant ou sédatif ni qu'elles constituent un moyen de résoudre les conflits;

elle ne doit pas encourager la consommation immodérée de boissons alcooliques ou offrir une image négative de l'abstinence ou de la sobriété;

elle ne doit pas souligner comme étant une qualité positive des boissons alcooliques leur forte teneur en alcool.

2.3.2

La proposition de modification maintient l'interdiction de la publicité clandestine entendue comme la présentation verbale ou visuelle de marchandises, de services, du nom, de la marque ou des activités d'un offrant dans les programmes, lorsque cette présentation est faite de façon intentionnelle par l'organisme de radiodiffusion télévisuelle dans un but publicitaire et risque d'induire le public en erreur sur la nature d'une telle présentation, généralement parce que cette publicité n'a pas été identifiée ou annoncée en tant que telle. Il est à nouveau rappelé en ce sens que la publicité télévisée doit être aisément identifiable comme telle et nettement distinguée du reste du programme par des moyens visuels et/ou sonores.

2.3.3

Une nouvelle définition relative au placement du produit est toutefois introduite, pour le distinguer de la communication commerciale clandestine même s'ils sont définis de manière très similaire: l'insertion ou la référence à un produit, un service ou une marque déposée faisant partie des services de médias audiovisuels, généralement contre rémunération ou contrepartie similaire. Le placement du produit doit, pour être légitime, se faire dans le respect d'une série d'exigences parmi lesquelles les suivantes:

il ne doit pas inciter directement à l'achat ou à la location de biens ou de services, notamment en faisant des références promotionnelles spécifiques à ces produits ou services;

une information appropriée des utilisateurs sur l'existence d'un accord de placement du produit, le placement devant être clairement identifié;

la non-inclusion dans les services de médias audiovisuels de produits du tabac ou de cigarettes et le non-placement de produits d'entreprises dont l'activité principale serait la fabrication ou la vente de tels produits;

l'interdiction de placement de produits dans les émissions à contenu informatif et d'actualité, dans les documentaires et dans les services de médias audiovisuels destinés aux enfants.

2.3.4

Les références au parrainage et aux conditions qu'il doit remplir pour être légal sont maintenues dans la proposition de modification à l'examen, moyennant des modifications de fond qui adaptent cette activité à son champ d'application. L'interdiction d'utiliser des techniques subliminales dans les communications commerciales audiovisuelles est également maintenue.

2.4

Comme la directive en vigueur, la proposition de modification souligne, en ce qui concerne les droits et devoirs des États membres les suivants:

obligation d'assurer la liberté de réception de services de médias audiovisuels provenant d'autres États membres;

obligation de veiller, dans le cadre de leur législation et avec les moyens appropriés, au respect des dispositions de la directive par les fournisseurs de services de médias audiovisuels relevant de leur compétence;

faculté d'appliquer aux fournisseurs de services de médias audiovisuels relevant de leur compétence des règles plus strictes dans les domaines coordonnés par la présente directive;

faculté de garantir le libre accès du public aux événements d'importance majeure, en empêchant la retransmission en exclusivité par les organismes de radiodiffusion télévisée relevant de leur compétence;

obligation de veiller à ce que les organismes de radiodiffusion télévisée relevant de leur compétence n'émettent pas d'œuvres cinématographiques en dehors des périodes convenues avec les ayants droits;

obligation de faire en sorte (toutes les fois que cela est possible et dans certains cas de manière graduelle) que les organismes de radiodiffusion télévisée réservent une proportion majoritaire de leur temps de diffusion à des oeuvres européennes ou assimilées ainsi que 10 % de ce temps (ou alternativement, 10 % de leur budget de programmation) à des oeuvres européennes de producteurs indépendants des organismes de radiodiffusion télévisée, réservant dans ce dernier cas une proportion appropriée aux oeuvres récentes. Le calcul du temps de diffusion ne s'applique pas à certains contenus tels que l'information, les manifestations sportives, les jeux, la publicité, les services de télétexte et le téléachat.

2.4.1

L'on prévoit toujours également la possibilité pour un État membre d'adopter des mesures à l'encontre de fournisseurs de services de médias établis dans un autre État membre dans le but d'éviter une infraction manifeste sérieuse et grave à certaines dispositions de la directive, dès lors qu'ils exercent la totalité ou la majeure partie de leur activité sur le territoire de l'État membre concerné, que l'État membre dans lequel le fournisseur est établi n'adopte pas de mesures bien qu'il ait été invité à le faire, et que la Commission a donné son approbation.

2.4.2

L'on maintient également les quotas prévus dans la directive en vigueur relatifs aux productions audiovisuelles européennes et nationales et aux productions audiovisuelles indépendantes, qui ont été respectés de manière satisfaisante ces dernières années d'après les rapports d'évaluation d'impact.

2.4.3

Les nouveaux éléments apportés relativement aux états membres dans la proposition de modification sont:

obligation de garantir aux organismes de radiodiffusion télévisée établis dans d'autres États membres l'accès à des événements d'un grand intérêt pour le public, qui font l'objet d'une transmission par un organisme de radiodiffusion télévisuelle relevant de leur compétence aux fins de la réalisation de brefs reportages d'actualité moyennant indication de la source dans ces derniers;

obligation de veiller à ce que les fournisseurs de services de médias audiovisuels relevant de leur compétence offrent un accès facile, direct et permanent à une information relative au nom du fournisseur de services de médias audiovisuels, à son adresse postale et électronique ainsi qu'à l'autorité de régulation compétente;

obligation de garantir que les fournisseurs de services de médias audiovisuels relevant de leur juridiction assurent la promotion, toutes les fois que cela est réalisable et avec les moyens appropriés, de la production d'œuvres européennes et de l'accès à celles-ci;

obligation de garantir que les fournisseurs de tels services de médias audiovisuels relevant de leur juridiction ne transmettent pas d'œuvres cinématographiques en dehors des délais convenus avec les ayants droit;

appel exprès à encourager la corégulation dans les domaines coordonnés par la directive, en prévoyant son application effective et son acceptation par les principales parties intéressées.

2.5

En ce qui concerne les règles relatives aux valeurs diffusées par les services de médias audiovisuels, le contenu de la directive actuelle est reformulé.

2.5.1

Ainsi, il est précisé que ces services ne doivent pas:

porter sérieusement préjudice à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs;

contenir une incitation à la haine fondée sur le sexe, l'origine raciale ou ethnique, la religion ou les convictions, le handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle.

La proposition de modification reprend la référence expresse figurant dans la directive actuelle à l'interdiction d'émettre des programmes incluant des scènes pornographiques ou de violence gratuite. De même, en ce qui concerne les émissions pouvant porter préjudice à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs, elle rappelle la nécessité d'adopter des mesures techniques de codification, ou relatives à des créneaux horaires réservés ou à une classification des contenus, de nature à garantir que les mineurs se trouvant dans leur zone de diffusion ne verront ni n'écouteront de telles émissions.

2.5.2

Les communications commerciales audiovisuelles ne doivent pas quant à elles:

inclure des éléments de discrimination pour raison d'appartenance à une race, un sexe ou une nationalité;

porter atteinte aux convictions religieuses ou politiques;

encourager des comportements préjudiciables pour la santé ou pour la sécurité;

encourager des comportements préjudiciables à la protection de l'environnement;

porter moralement ou physiquement préjudice aux mineurs. Cela implique de ne pas inciter directement ces derniers à l'achat d'un produit ou d'un service, en exploitant leur inexpérience ou leur crédulité; de ne pas inciter les mineurs directement à persuader leurs parents ou des tiers d'acheter les produits ou les services faisant l'objet de la publicité et de ne pas exploiter la confiance particulière que les mineurs ont dans leurs parents, leurs enseignants ou d'autres personnes; ou présenter sans motif des mineurs en situation dangereuse.

2.6

Concernant les interruptions des programmes pour l'insertion de publicités, la proposition de modification réduit considérablement les règles pour simplifier et assouplir dans une large mesure les critères d'application.

2.6.1

Le caractère exceptionnel des annonces publicitaires et du téléachat isolés est régi dans pratiquement les mêmes termes, à l'exception désormais des programmes sportifs. La préférence est accordée à des spots publicitaires entre les programmes, leur insertion à l'intérieur des programmes étant admise, à condition qu'elle ne porte préjudice ni à l'intégrité de ces programmes ni aux droits des ayants droit.

2.6.2

Les différents paramètres de spots publicitaires autorisés, l'espace entre ces spots et les exceptions selon le type de programmes sont remplacés par une règle générale selon laquelle la transmission de films conçus pour la télévision, d'œuvres cinématographiques, d'émissions pour enfants et de journaux télévisés pourra être interrompue par des annonces publicitaires ou de téléachat une fois par tranche de 35 minutes. L'interdiction d'insérer ces annonces dans les services religieux est maintenue.

2.6.3

Concernant le temps de transmission consacré aux différentes formes de publicité, seul le critère général de limite horaire de 20 % de publicité par heure d'horloge pour les annonces publicitaires, le téléachat et les autres formats brefs promotionnels est maintenu, de même que l'exception relative au calcul de la durée pour les annonces diffusées par un organisme de radiodiffusion télévisée concernant ses propres programmes, pour les produits connexes directement dérivés de ces programmes et pour les parrainages, exception qui désormais s'étend également au placement de produits.

3.   Observations générales

3.1

Le Comité admet la nécessité de modifier la directive actuelle dite directive «Télévision sans frontières» pour l'adapter au nouveau contexte de convergence technologique et aux nouvelles pratiques publicitaires et promotionnelles. Il reconnaît qu'il est nécessaire d'établir une législation plus facilement applicable et plus efficace de nature à contribuer à un échange accru de services de médias audiovisuels dans le marché unique européen, en renforçant et en dynamisant son développement. Toutefois, il considère que la modification doit répondre tant aux exigences de développement technologique et économique qu'à la nécessite de protéger la dignité humaine et l'intégrité personnelle.

3.2

De même, il regrette que la Commission n'ait pas saisi l'occasion offerte par la modification proposée pour combler certaines lacunes et dissiper certaines ambiguïtés de la directive en vigueur, qui ont posé des problèmes d'interprétation et d'application et ont par conséquent été source d'insécurité juridique tant pour ce qui est de l'application de la directive que des lois qui la transposent dans l'ordre juridique des différents États membres.

3.2.1

Cela peut se produire par exemple en l'absence de définition des formats publicitaires réglementés par la directive, voire de certaines des supposées «pratiques illégales». L'on examinera de manière plus approfondie cette question dans les observations spécifiques mais l'on peut signaler déjà ici à titre d'exemple l'exception prévue au considérant 44 selon laquelle le calcul du temps de publicité ne s'applique pas aux télépromotions, sans que ne soient définies à aucun endroit du texte les caractéristiques et les limites de ce format publicitaire.

Le CESE estime qu'il n'y a aucune raison de prévoir une telle exception et que, en tout état de cause, les télépromotions devraient être incluses dans la sphère de la publicité. Autrement, l'on ne fera que pénaliser les annonceurs et transférer les communications commerciales vers d'autres formats, sans que cela ne change le niveau de saturation publicitaire, voire en accentuant le phénomène.

3.2.2

Il ne faut pas oublier non plus que la combinaison d'une législation de plus en plus ramenée à l'essentiel et du principe du pays d'origine, loin de promouvoir l'harmonisation législative entre les différents États membres peut être source de différences considérables dans les législations dans ce domaine, en particulier en matière de publicité et de protection des consommateurs, ce qui rendrait difficile le développement du marché unique ou aurait pour effet un abaissement des niveaux de protection des citoyens.

3.3

Concernant le champ d'application, il est prévisible que ce dernier sera de plus en plus difficile à délimiter en raison du développement des formats mixtes comportant de manière de plus en plus indifférenciée des contenus textuels, sonores et imagés, et ce même si une nette distinction est établie entre les services de médias audiovisuels, qui seraient régis par la directive modifiée, et le reste des services audiovisuels, qui demeureraient quoi qu'il en soit couverts par le cadre général de la réglementation sur les communications électroniques.

3.4

Le Comité estime que la proposition de modification de la directive doit tout du moins maintenir, et si possible élargir, les garanties de protection des utilisateurs de ces services de médias audiovisuels, en particulier des mineurs. Il ne faut pas oublier, comme cela a été dit, qu'outre les objectifs relatifs au marché unique de l'audiovisuel, la directive doit promouvoir une série de valeurs à caractère social et culturel, liées à la diversité, à l'identité, à l'épanouissement personnel des citoyens et à la dignité humaine, mentionnées dans les considérants même de la proposition de modification ainsi que le droit à l'information et le droit à la liberté d'expression, tous ces aspects étant consacrés dans la Charte des droits sociaux fondamentaux de l'Union européenne (8). De plus, la jurisprudence de la CJCE (9)considère le fonctionnement de la télévision comme un service d'intérêt général.

3.5

La proposition de modification de la directive devrait également, selon ce Comité, aller plus loin et envisager des mesures concrètes concernant des aspects tels que le pluralisme et la concentration des médias. En ce qui a trait à la promotion de la production européenne, nous aurions espéré une prise de position plus marquée vis-à-vis des États membres sans référence à la condition suivante: «chaque fois que cela est réalisable» ainsi que relativement à l'application progressive des critères des productions européenne et indépendante, dans la mesure du possible, aux services non linéaires.

3.6

En ce qui concerne le droit de réponse envisagé dans la proposition de modification, la Commission n'a pas pris en considération la position du CESE (10) quant à la nécessité de prévoir également, avec la même portée générale et dans les mêmes conditions, un «droit de rectification» pour pouvoir réagir à des contenus faux, incorrects ou inexacts qui portent atteinte aux droits des personnes.

3.7

Il faut selon le Comité stipuler dans la proposition de modification de la directive que l'existence d'autorités de régulation dans tous les États membres, caractérisées non seulement par l'impartialité et la transparence mais également par leur indépendance vis-à-vis des gouvernements dans leur création, leur composition et dans l'exercice de leurs fonctions, est nécessaire ou obligatoire. Nous estimons qu'il faudra à l'avenir réfléchir à l'opportunité d'instituer une agence européenne, un institut ou une instance similaire de nature supranationale.

4.   Observations particulières

4.1

Le Comité estime que la définition de «communication commerciale audiovisuelle» proposée par la Commission est trop restrictive et reproduit mécaniquement la définition de «services de médias audiovisuels». Il semble logique que ces derniers soient définis comme des «images animées, combinées ou non avec du son», pour que l'on puisse parler de services de médias audiovisuels, l'image en mouvement étant ainsi la condition sine qua non de l'existence de tels services, et la presse et Internet ou la radiodiffusion sonore demeurant exclus du champ d'application de la directive. Toutefois, une fois défini le champ d'application, les communications commerciales audiovisuelles associées aux services de médias audiovisuels peuvent utiliser des images statiques (par exemple un logo ou une affiche publicitaire) ou des sons isolés et non accompagnés d'images (par exemple une mention verbale de marque ou un indicatif sonore commercial). Il serait préférable en ce sens de définir la communication commerciale audiovisuelle comme des «images et/ou des sons qui accompagnent les services de médias audiovisuels visant à promouvoir, de manière directe ou indirecte, les services ou l'image d'une personne physique ou juridique se consacrant à une activité économique».

4.2

La proposition de modification de la directive maintient le critère actuel selon lequel la publicité télévisée est celle qui est émise contre rémunération. Nous estimons qu'il aurait lieu d'établir comme critère définissant la nature de ce type de publicité l'intention de faire la promotion de produits et de services et non le fait qu'il y ait ou non paiement, en accord avec d'autres définitions communautaires comme celle qui est reprise par exemple dans la directive sur la publicité trompeuse. Cela rendrait impossible l'émission de messages publicitaires relatifs à des produits dont la publicité est interdite à la télévision ou de messages publicitaires illicites, qui actuellement peuvent apparaître à l'écran alors que l'on ne peut apporter la preuve irréfutable de l'existence d'un paiement en contrepartie, et partant qu'on ne peut démontrer le caractère de publicité télévisée. Cela est également valable pour la référence à ce critère de paiement utilisé pour définir le téléachat.

4.2.1

Quoi qu'il en soit, si ce critère est maintenu, la directive devrait prévoir que les États membres attribuent aux tribunaux, lorsqu'il existe une procédure civile ou administrative, les compétences leur permettant d'exiger des organismes de radiodiffusion la présentation de preuves relatives à la non-rétribution de la communication audiovisuelle, comme prévu dans la directive 84/850/CEE. Dans le cas contraire, il y aura présomption du caractère commercial de cette communication.

4.3

La proposition de modification de la directive reprend pratiquement dans les mêmes termes la définition actuelle de publicité clandestine. Il nous apparaît toutefois que ce terme «clandestine» devrait s'appliquer à la communication commerciale audiovisuelle dans son ensemble et pas uniquement à la publicité télévisée, toutes les fois que dans le corps du texte l'interdiction de communication commerciale audiovisuelle clandestine est expressément mentionnée.

4.3.1

Nous estimons également que la notion de communication commerciale audiovisuelle clandestine devrait être plus large que celle qui est formulée dans la proposition de modification et inclure:

la présentation de biens ou de services ou une référence à ces derniers non seulement via un message verbal ou des images mais également des sons (un indicatif sonore commercial associé à une marque ou à un produit donnés, par exemple);

en ce qui concerne le contenu de cette présentation ou référence, non seulement le nom, la marque ou l'activité de l'offrant mais également d'autres signes distinctifs de l'offre lorsque ceux-ci lui sont associées de manière non équivoque (par exemple, un certain type d'emballage ou un slogan, même en l'absence de mention de la marque).

4.3.2

De même, il faudrait clairement établir dans le texte de la directive que le placement des produits ne sera pas considéré comme une communication commerciale audiovisuelle clandestine, s'il respecte les critères de légalité définis dans la réglementation.

4.4

Le Comité juge positive la référence expresse au placement du produit dans la proposition de modification de la directive. Bien qu'en théorie, actuellement, tout placement de produits pourrait être entendu dans le sens de publicité clandestine et par conséquent comme une activité interdite, dans la pratique la tendance est de ne même pas le considérer comme une publicité télévisée, raison pour laquelle il demeure en dehors de toute réglementation. Toutefois, nous estimons que dans la définition du placement du produit, il conviendrait de distinguer à titre d'éléments distinctifs de cette pratique, l'intentionnalité promotionnelle de la part de l'organisme de radiodiffusion et le manque d'avertissement des moyens visuels ou sonores au public sur ce caractère promotionnel durant (c'est-à-dire simultanément à) ce placement, par comparaison à ce qui se fait avec les autres formats publicitaires tels que les télépromotions.

4.4.1

En outre, il faudrait préciser que le placement du produit ne peut avoir sur la programmation une influence de nature à compromettre son indépendance et son intégrité, conformément à ce qui est prévu pour les autres formats promotionnels. De plus, il y a lieu de rendre plus sévères les restrictions qui le frappent en l'interdisant non seulement en cas de publicité interdite, dans les contenus destinés à des mineurs ou les programmes d'information mais également en cas de publicité relative à des médicaments et, comme nous le disons plus loin, à des boissons alcooliques.

4.5

La proposition de modification de la directive actuelle envisage, dans la droite ligne du texte en vigueur, l'interdiction de l'utilisation de techniques subliminales dans la communication commerciale audiovisuelle. Toutefois, le texte ne comporte aucune définition de ces techniques. Nous sommes d'avis qu'il conviendrait d'étoffer expressément ce concept, en faisant référence à l'emploi de stimuli visuels ou sonores diffusés à des intensités qui se situent à la limite des seuils de perception des sens et perçus sous le seuil de la conscience.

4.6

La proposition de modification de directive prévoit que la promotion de l'offre dans la communication commerciale audiovisuelle puisse être aussi bien directe qu'indirecte. De même, dans certains cas comme les cigarettes et d'autres produits du tabac, cette communication commerciale est interdite même quand elle est indirecte. Toutefois, le texte ne contient pas de définition de cette modalité de communication commerciale audiovisuelle. Nous estimons qu'il conviendrait d'étoffer expressément ce concept, en faisant référence au fait que même s'il n'y a pas de présentation directe des produits ou de référence directe à ceux-ci, l'on utilise des marques, des symboles ou d'autres caractéristiques de ses produits ou d'entreprises dont les activités principales ou connues incluent leur production ou leur commercialisation.

4.7

La proposition de modification de la directive actuelle présente à son article 3 octies c) la liste des exigences auxquelles doivent répondre les communications commerciales audiovisuelles. Cette liste reprend les critères relatifs à la publicité et au téléachat du texte en vigueur, mais la référence à la dignité humaine est supprimée. Nous estimons que cette référence devrait être maintenue, eu égard à son importance et à la lumière de la Convention européenne des droits de l'homme, et de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

4.8

La proposition de modification de la directive actuelle maintient l'obligation pour les États membres de garantir que les services de médias audiovisuels relevant de leur juridiction ne soit pas utilisés de manière à porter sérieusement atteinte à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs. Elle reprend également les mesures qui doivent continuer à s'appliquer aux contenus qui peuvent perturber (même non «sérieusement») cet épanouissement et réitère l'interdiction totale de la pornographie et de la violence gratuite. Il y a lieu de s'interroger sur le caractère effectif de cette interdiction à la lumière de l'évaluation de la mise en oeuvre de la directive depuis 1989 et se poser la question de savoir s'il ne vaudrait mieux pas l'éliminer et assurer la protection des mineurs contre les contenus pornographiques et violents au moyen de ces mesures de codification, de créneaux horaires réservés et d'avertissements, déjà prévus dans la réglementation.

4.8.1

Le Comité regrette que la Commission n'ait pas pris en considération dans sa proposition de modification de la directive actuelle des régimes de protection plus efficaces qui fonctionnent de manière satisfaisante dans certains États membres, comme ceux qui protègent davantage les jeunes face aux contenus publicitaires ou restreignent les abus de la publicité et du télé-achat mensongers.

4.9

La proposition de modification présente certaines différences peu justifiées s'agissant d'établir des restrictions pour les services de médias audiovisuels et pour les communications commerciales audiovisuelles y afférentes. Ainsi, il est question concernant les services de médias «d'incitation à la haine pour des raisons de race, de sexe, de religion ou de nationalité» et en ce qui a trait aux communications commerciales de «discrimination fondée sur la race, le sexe ou la nationalité». La référence à la dignité humaine disparaît. À propos des services de médias audiovisuels, il est dit qu'ils ne doivent pas «nuire gravement à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs», préjudice qui dans le cas des communications commerciales n'est plus que «moral ou physique». En ce qui concerne ces communications, le texte ne fait pas référence à une interdiction d'incitation ou d'encouragement à des conduites violentes ou antisociales ou de mauvais traitements aux animaux. Le Comité estime que ces restrictions devraient être étendues pour couvrir les services de médias audiovisuels comme les communications commerciales audiovisuelles.

4.10

En ce qui concerne les informations essentielles que les organismes de diffusion doivent fournir, nous sommes d'avis qu'il faut clairement établir l'obligation, lorsqu'il existe une autorité de régulation, de fournir au moins une adresse postale et électronique.

4.11

La communication commerciale audiovisuelle sur les boissons alcooliques demeure encadrée quant à sa cible (ne doit pas s'adresser aux jeunes) et à son argumentaire, dès lors qu'elle ne doit pas encourager la consommation immodérée de ces boissons. Nous estimons toutefois qu'au vu des problèmes graves associés à la consommation d'alcool, rencontrés en particulier chez les jeunes, une réglementation plus stricte de la part de la Commission serait souhaitable. Cette réglementation pourrait porter sur:

les programmes/contenus (non seulement dans le cas de ceux destinés particulièrement aux enfants mais également aux sportifs, par exemple);

les horaires de diffusion dans le cas de services linéaires (non-émission de communication commerciale audiovisuelle liée à ces produits avant dix heures du soir, par exemple);

la teneur en alcool des produits (interdiction de communication commerciale audiovisuelle relative à des boissons alcooliques à 18 degrés ou plus, par exemple);

la concentration des bandes annonces dans le cas de la publicité télévisée (pas plus d'une par spot publicitaire/annonceur/programme, par exemple);

le format publicitaire et promotionnel adopté (interdiction du placement du produit et du parrainage par les fabricants de boissons alcooliques ou tout du moins limitation horaire de celui-ci comme indiqué ci-dessus, par exemple).

4.12

Les utilisateurs des médias, tels que les consommateurs, devraient pouvoir trouver dans la directive les voies qu'ils peuvent utiliser pour introduire une réclamation, celles-ci existant déjà dans le droit communautaire, telles que la possibilité d'engager une action en cessation pour infraction à cette réglementation, en accord avec la directive 98/27/CE. Or, cette possibilité n'est même pas mentionnée dans les considérants de la proposition de modification tandis que d'autres réglementations complémentaires comme la directive 2005/29/CE sur les pratiques commerciales déloyales y figurent.

4.13

La proposition de modification de directive devrait prévoir un élargissement des fonctions du Comité de contact pour des aspects tels que les suivants:

l'établissement de règles communes pour l'identification de l'instance de régulation responsable du service de médias audiovisuels;

l'établissement de règles communes pour informer les utilisateurs de l'existence d'un parrainage et d'un placement de produit;

l'établissement de règles communes pour le développement des régimes d'autorégulation et de corégulation;

l'établissement de règles communes pour l'émission par d'autres organismes de radiodiffusion de manifestations d'intérêt général ou de résumés de ces dernières;

l'établissement de règles communes pour que les citoyens puissent exercer leur droit de réponse et de rectification.

De même, il conviendrait de reconnaître le rôle des organisations de consommateurs et d'utilisateurs, en tant que parties prenantes aussi bien à l'autorégulation qu'à la corégulation (11).

4.14

La proposition de modification devrait prévoir l'obligation de créer dans tous les États membres des autorités de régulation compétentes dans les matières couvertes par la directive à l'examen ainsi que l'indépendance, l'impartialité et la transparence de celles-ci dans leur composition comme dans l'exercice de leurs fonctions, en accord avec les critères établis dans la recommandation 23 du Conseil de l'Europe.

4.15

Enfin, il serait souhaitable que la proposition de modification de la directive actuelle envisage des mesures pour promouvoir l'accès des personnes handicapées à la télévision numérique, à ses contenus interactifs, en exploitant les possibilités que la convergence technologique offre.

Bruxelles, le 14 septembre 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Directive 89/552/CEE JO L 298 du 17.10.1989, page 23.

(2)  Directive 97/36/CE JO L 202, du 30.7.1997, page 60.

(3)  COM(2006) 160 final.

(4)  Voir IP/05/643.

(5)  Conférence audiovisuelle de Liverpool sur la directive «Télévision sans frontières» organisée par la Commission.

(6)  Voir la définition de ces services aux articles 49 et 50 du traité.

(7)  Voir la définition de ces réseaux à l'article de la directive-cadre 2002/21/CE, du 7 mars 2002, du Parlement européen et du Conseil, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et les services de communication électronique. JO L 108 du 24 avril 2002, p. 33.

(8)  JO C 364 de 2000.

(9)  Arrêt du 30 avril 1974, affaire C-15/73, rec. Pp 203 et suivantes. Arrêt du Tribunal de première instance du 10 juillet 1991, affaire T-69/89, Rec. Pp II 525. arrêt du TPI du 18 septembre 2001, affaire T-112/99, Rec. pp II-2549 et suivantes.

(10)  JO C 221 du 8.9.2005, p. 17 (rapporteur: M. PEGADO LIZ).

(11)  Rapport d'information sur la «Situation actuelle de la corégulation et de l'autorégulation dans le marché unique» (rapporteur: M. VEVER).


ANNEXE

à l'avis du Comité économique et social européen

Les amendements suivants, qui ont recueilli au moins un quart des suffrages exprimés, ont été rejetés lors de la discussion:

Paragraphe 4.1

Modifier comme suit:

«4.1 Le Comité estime que la définition de “communication commerciale audiovisuelle” proposée par la Commission manque de clarté est trop restrictive et reproduit mécaniquement la définition de “services de médias audiovisuels”. Il semble logique que ces derniers soient définis comme des services de même nature que les émissions télévisées dont les horaires sont programmés. des “images animées, combinées ou non avec du son”, pour que l'on puisse parler de services de médias audiovisuels, l'image en mouvement étant ainsi la condition sine qua non de l'existence de tels services, et la presse et Internet ou la radiodiffusion sonore demeurant exclus du champ d'application de la directive. Toutefois, uUne fois lLe champ d'application ainsi défini le champ d'application, les communications commerciales audiovisuelles associées aux services de médias audiovisuels peuvent utiliser des images statiques (par exemple un logo ou une affiche publicitaire) ou des sons isolés et non accompagnés d'images (par exemple une mention verbale de marque ou un indicatif sonore commercial). Il serait préférable en ce sens de définir la communication commerciale audiovisuelle comme des “images et/ou des sons qui accompagnent les services de médias audiovisuels visant à promouvoir, de manière directe ou indirecte, les services ou l'image d'une personne physique ou juridique se consacrant à une activité économique”.»

Exposé des motifs

Dans ce domaine, il est difficile d'établir des délimitations claires. Les définitions proposées au paragraphe 4.1 sont encore plus larges que celles de la proposition de directive et rendent donc encore plus difficile une mise en œuvre claire. Afin de ne pas entraver le développement des services en question, les définitions devraient être aussi claires que possible tout en respectant les objectifs de protection des mineurs et de la dignité humaine, en identifiant clairement les communications commerciales, en assurant un droit de réponse et en fournissant des exigences d'identification minimales.

Résultat du vote

Voix pour: 32

Voix contre: 40

Abstentions: 3

Paragraphe 4.2.1

Supprimer:

«4.2.1. Quoi qu'il en soit, si ce critère est maintenu, la directive devrait prévoir que les États membres attribuent aux tribunaux, lorsqu'il existe une procédure civile ou administrative, les compétences leur permettant d'exiger des organismes de radiodiffusion la présentation de preuves relatives à la non-rétribution de la communication audiovisuelle, comme prévu dans la directive 84/850/CEE. Dans le cas contraire, il y aura présomption du caractère commercial de cette communication».

Exposé des motifs

La proposition prévoyant que les tribunaux puissent exiger de l'organisme de radiodiffusion la présentation de preuves relatives à la non-rétribution de la communication audiovisuelle pourrait facilement conduire à des abus. De plus, il est pratiquement impossible à un organisme de radiodiffusion de prouver qu'il n'a pas reçu de paiements.

Résultat du vote

Voix pour: 35

Voix contre: 40

Abstentions: 1


23.12.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/210


Avis du Comité économique et social européen sur le «Programme GALILEO: réussir la mise en place de l'Autorité européenne de surveillance»

(2006/C 318/34)

Le 19 janvier 2006, le Comité économique et social a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis sur le «Programme GALILEO: réussir la mise en place de l'Autorité européenne de surveillance».

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 18 juillet 2006 (rapporteur: M. BUFFETAUT).

Lors de sa 429e session plénière des 13 et 14 septembre 2006 (séance du 13 septembre), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 200 voix pour, 4 voix contre et 2 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

Le Comité économique et social européen attache la plus grande importance à la réussite du programme Galileo. A cet égard, il souligne la nécessité d'opérer sans heurts la période de transition entre l'Entreprise commune GALILEO (GJU) et l'Autorité de surveillance GALILEO (GSA). Pour cela il préconise:

de mettre en place un plan de transfert des activités de l'Entreprise commune à l'Autorité de surveillance afin d'assurer la sécurité juridique de ce transfert;

de régler sur le plan juridique et pratique la question du transfert des activités menées par les entités des pays tiers (Chine et Israël) associées à l'Entreprise commune vers l'Autorité de surveillance;

d'assurer la transmission effective des reliquats de crédit de l'Entreprise commune à l'Autorité de surveillance;

de veiller à éviter les duplications de compétence entre l'Entreprise commune et l'Autorité de surveillance jusqu'à la date de clôture de l'Entreprise commune;

d'éviter toute rupture dans le déroulement de la négociation du contrat de concession;

de garantir le régime de responsabilité internationale des États de lancement pour les satellites de la constellation Galileo.

2.   Introduction

2.1

Le transfert d'activités entre l'Entreprise commune GALILEO (GJU) et l'Autorité de surveillance GALILEO (GSA) doit être achevé à la fin de l'année 2006. Pour le succès futur du programme GALILEO, il est indispensable que ce transfert d'activités se déroule dans les meilleures conditions possibles tant sur le plan juridique qu'humain, financier et budgétaire.

2.2

Dans le même esprit, il convient qu'il y ait une continuité dans la négociation du contrat de concession qui a été engagée par l'Entreprise commune et qui sera poursuivie par l'Autorité de surveillance.

2.3

Enfin, la question particulière de la responsabilité internationale des États, dans le cadre du programme GALILEO, mérite d'être abordée car celle-ci devra être réglée dans des délais compatibles avec la fin des discussions du contrat de concession et les prochains lancements des satellites de la constellation GALILEO.

3.   Observations générales

3.1   Caractéristiques du programme GALILEO

3.1.1

GALILEO est le grand projet scientifique et technique emblématique de l'Union européenne. Les systèmes de radionavigation par satellites représentent un enjeu stratégique que l'Europe ne pouvait négliger. Elle a donc décidé de financer et de déployer sa propre infrastructure globale de satellites de navigation (GNSS) à l'instar des États-Unis et de la Russie.

3.1.2

GALILEO fournira un service planétaire de positionnement hautement précis, robuste, garanti et comportant un message d'intégrité. Il fournira des services autonomes de navigation et de positionnement, sous contrôle civil, mais sera, en même temps, compatible et interopérable avec les deux systèmes militaires existants: le système américain GPS (Global Positioning System) et le système russe GLONASS. GALILEO disposera, en outre, d'un service gouvernemental sécurisé, accessible, en toutes circonstances, aux utilisateurs autorisés.

3.1.3

Le système européen comportera une constellation de trente satellites et des stations terrestres, qui sont nécessaires au fonctionnement optimal du système et qui devront être opérationnels fin 2010.

3.1.4

Ce programme est porté et soutenu par deux acteurs majeurs: l'Union européenne représentée par la Commission européenne et l'Agence spatiale européenne (ESA). La Commission européenne et l'ESA ont créé l'Entreprise commune GALILEO (GJU) chargée de superviser le programme et de gérer les financements de l'Union européenne consacrés à GALILEO.

3.1.5

A l'issue de la phase de validation en orbite (phase IOV- In Orbit Validation), le système complet sera transféré de la GJU à l'Autorité de surveillance GALILEO (GALILEO Supervisory Authority — GSA), agence communautaire de régulation, à qui il incombera de signer un contrat de concession avec un groupement d'entreprises privées.

3.1.6

Le coût total du programme GALILEO pour la phase de conception, de développement et de validation en orbite est estimé à 1.500 M€.

3.1.7

Le contrat de concession est actuellement en cours de négociation entre la GJU et un consortium d'entreprises européennes (AENA, ALCATEL, EADS, FINMECCANICA, HISPASAT, IMMARSAT, TELEOP, THALES).

3.1.8

Les modalités du transfert d'activités entre la GJU et la GSA sont en cours de définition, et il convient de veiller à ce qu'elles n'entraînent pas de retards, complications, duplications des coûts.

3.2   L'Entreprise commune GALILEO (GALILEO Joint Undertaking — GJU)

3.2.1

Cette entreprise commune a été constituée par décision du Conseil de l'Union européenne prise par le règlement no876/2002 du 21 mai 2002, sur la base de l'article 171 du traité de la Communauté européenne qui dispose que «la Communauté peut créer des entreprises communes ou toute autre structure nécessaire à la bonne exécution des programmes de recherche, de développement technologique et de démonstration communautaires». Le règlement comporte, en annexe, les statuts de la GJU.

3.2.2

Les membres de la GJU sont:

La Communauté européenne représentée par la Commission,

L'Agence spatiale européenne (ESA)

3.2.3

L'article 1 b) des statuts prévoit que des entreprises, y compris des entreprises de pays tiers, peuvent devenir membres de l'Entreprise commune. De fait, elle compte aujourd'hui un organisme chinois (National Remote Sensing Center of China — NRSCC) et une société commerciale israélienne (MATIMOP). Ces deux entités participent au Conseil d'administration avec un droit de vote au prorata de leurs contributions.

3.2.4

La GJU possède une nature juridique complexe du fait même de la composition de son Conseil d'administration. Le règlement indique que celle-ci doit être considérée comme un organisme international au regard de la législation fiscale européenne en matière de taxes sur les chiffres d'affaires et d'accises. Il précise aussi qu'elle est dépourvue d'objet économique. Selon la Commission, la nature juridique de la GJU se rapproche plus d'une association que d'une entreprise commerciale, la GJU ne recevant que des contributions de la part de ses membres et ne faisant pas de bénéfices. D'ailleurs, les autorités fiscales belges (la GJU est soumise au droit belge pour ce qui n'est pas réglé dans le Règlement précité) ont considéré qu'il ne s'agit pas d'une société commerciale mais d'une personne morale (assimilée en droit belge à la notion d'association).

3.2.5

Son capital est réparti comme suit:

Commission européenne

520 M€

ESA

50 M€

NRSCC

5 M€

MATIMOP

5 M€

3.2.6

En raison de la nature juridique particulière de la GJU et du fait qu'elle ne reçoit que des contributions, la Commission a proposé que le terme «capital» soit remplacé par celui de «contributions», ce qui nécessite une modification des statuts, approuvée par le Conseil d'administration de la GJU le 2 juin 2006. La Cour des comptes européenne avait d'ailleurs relevé que l'utilisation des termes «capital» n'était pas adaptée, la ligne budgétaire dont relève la GJU ne permettant pas d'apport en capital.

3.2.7

La GJU a pour principale tâche de mener à bien le programme GALILEO pendant sa phase de développement par l'association des fonds publics et privés, et d'assurer d'importants projets de démonstration. La GJU a également pour mission de lancer les actions de recherche et de développement nécessaires pour mener à bien la phase de développement et la coordination des activités nationales en ce domaine et de gérer en conséquence les contrats de recherche passés au titre du programme cadre de recherche et développement de la Commission européenne (6e PCRD).

3.2.8

La GJU est dirigée par:

un Conseil d'administration,

un Comité exécutif,

un Directeur.

3.2.9

En outre, le Conseil de l'Union européenne a créé un Conseil de surveillance et un Conseil de sécurité pour contrôler ses activités.

3.2.10

La GJU a été constituée pour une durée de 4 ans à compter du 28 mai 2002 (publication au JO) ce qui correspondait à la durée initiale de la phase de développement du programme GALILEO. Le règlement prévoit que la durée de la GJU peut être prolongée jusqu'à la fin de la phase de développement, sans toutefois définir les modalités de cette prolongation. Compte tenu de la mise en place de la GSA, la Commission a proposé de mettre fin à la GJU au 31 décembre 2006, ce qui nécessite une modification des statuts annexé au Règlement du Conseil no876/2002 du 21 mai 2002 et l'avis du Parlement européen et du CESE. A l'issue de la procédure de consultation du Conseil de surveillance de la GJU et du Comité directeur navigation de l'ESA engagée le 10 mars 2006, le Conseil d'Administration de la GJU a approuvé la modification des statuts le 2 juin 2006 ce qui a permis à la Commission d'adopter la proposition de Règlement modifiant les statuts de la GJU le 29 juin 2006. Ce Règlement est actuellement en cours d'approbation par le Conseil de l'UE.

3.2.11

Afin de promouvoir une large utilisation des systèmes de navigation par satellites et permettre à des entités de pays tiers de participer à la GJU, plusieurs accords internationaux ont été signés entre l'Union européenne et des pays tiers (Chine, Israël, Inde, Ukraine et autres), d'autres sont en cours de négociation (Maroc, Corée, Russie, Argentine). Ces accords excluent expressément toute coopération en ce qui concerne le service réservé aux applications gouvernementales. Deux accords techniques de coopération ont été conclus par la GJU avec les entités représentantes de deux pays (National Remote Sensing Center pour la Chine et Matimop pour Israël) ce qui, conformément aux statuts de la GJU, permet aux représentants de ces entités de participer au Conseil d'administration de la GJU.

3.2.12

Enfin, la dissolution de la GJU a été prévue à l'article 21 des statuts.

3.3   L'Autorité de Surveillance GALILEO (GSA)

3.3.1

Celle-ci a été instituée par décision du Conseil de l'Union européenne prise par le règlement no1321/2004 du 12 juillet 2004. Il s'agit d'une agence communautaire dotée de la personnalité juridique.

3.3.2

Elle a pour fonction d'assurer la gestion des intérêts publics relatifs aux programmes européens GNSS et d'en être l'autorité de régulation.

3.3.3

Ses missions, définies par l'article 2 du règlement, sont:

la gestion et le contrôle de l'utilisation des fonds européens qui lui sont spécifiquement affectés au titre des programmes GNSS (infrastructure globale de navigation par satellite),

la conclusion d'un contrat de concession avec le consortium sélectionné pour le déploiement et l'exploitation de GALILEO,

la reprise de la gestion du contrat avec l'opérateur économique chargé d'exploiter EGNOS (service européen de navigation par complément géostationnaire),

la gestion des fréquences (coordination, droit d'utilisation, relations avec le concessionnaire),

la modernisation du système et son évolution,

la certification des composantes du système,

la gestion des aspects relatifs à la sécurité du système.

3.3.4

Il faut souligner que la GSA sera propriétaire du système et en particulier des actifs développés par le concessionnaire et sera chargée de protéger et de valoriser les investissements réalisés par la Communauté.

3.3.5

La GSA est dirigée par un Conseil d'administration (un représentant de chaque État membre plus la Commission), un Comité de sûreté et de sécurité, un Comité scientifique et technique. Un Directeur exécutif représente l'Autorité et est chargé de sa gestion.

3.4   Questions juridiques, techniques et financières et risques relatifs au transfert GJU/GSA

3.4.1   Mise en œuvre de la transition GJU-GSA

Les modalités de transition et de transfert des activités de la GJU vers la GSA n'ont pas été clairement définies par la Commission. Un document informel de la Commission, DG Énergie et transport (1), a cependant indiqué qu'un échange de lettres ou un Memorandum of Understanding pourrait être éventuellement conclu entre les deux entités pour fixer les modalités de leur coopération, en assurant la complémentarité des activités et en évitant toute duplication.

3.4.2

Si à l'origine du démarrage du programme GALILEO, les tâches attribuées aux deux entités étaient différentes par leur nature et leur calendrier de mise en œuvre, il apparaît qu'aujourd'hui eu égard au retard de la phase de développement (environ 2 ans) et à la mise en place effective de la GSA (nomination du Directeur en mai 2005), il est nécessaire pour des raisons économiques, juridiques et techniques d'autoriser la GSA à intervenir dès à présent et de dissoudre la GJU dans la meilleurs délais (2), bien avant la fin de la phase de développement et de validation. A cette fin, il est important d'assurer une transition progressive des activités de la GJU vers la GSA, y compris des activités de gestion des contrats de recherche conclus par la GJU, et notamment d'impliquer très fortement, dès à présent, les équipes de la GSA dans le processus de négociation du contrat de concession qui doit être signé et géré par l'autorité de régulation.

3.4.3

La date de fin des activités de la GJU est désormais envisagée au 31 décembre 2006, sous réserve de l'acceptation par ses membres de la modification des statuts de la GJU. Un premier plan de transition et de transfert des activités et du savoir-faire de la GJU a été arrêté entre le Directeur de la GJU et celui de la GSA et a été soumis au Conseil de surveillance et au Conseil d'Administration de la GJU en février 2006. Ce plan de transition devra être détaillé et adapté afin d'assurer cette transition le plus rapidement possible et dans les meilleures conditions.

3.4.4

Dans cette période de transition les deux entités doivent travailler en étroite collaboration afin de permettre un transfert harmonieux et en douceur des activités et du savoir-faire. Cette période devra permettre également à la GSA de devenir pleinement opérationnelle afin d'éviter tout risque de manque d'effectifs à une période où les principales activités qui permettront d'assurer le succès du programme seront réalisées.

3.4.5

Les actions doivent être planifiées en vue d'un arrêt des activités à la fin décembre 2006, permettant d'ouvrir la phase de liquidation début 2007. Cette transition devrait être également réalisée au plus tôt pour permettre à l'autorité de régulation de définir et mettre en œuvre les règles de sécurité et de sûreté applicables à GALILEO, de définir les règles relatives aux droits de propriété intellectuelle, de coordonner les actions et les positions des États membres en matière de fréquences nécessaires pour utiliser le système GALILEO.

3.4.6

Le plan de transition devra prévoir des mesures permettant d'assurer la cohérence des actions menées par chacune des deux entités et les conditions de règlement d'un éventuel désaccord entre elles. A ce jour, il est convenu que le Directeur de la DG Énergie et Transport assure les fonctions de médiateur entre la GJU et la GSA en cas de difficultés de mise en œuvre de la transition.

3.5   Assurer la sécurité juridique du transfert des actifs de la GJU vers la GSA par la mise en place d'un plan concret de transfert des activités.

3.5.1

Dans sa rédaction actuelle, le règlement créant l'Autorité de surveillance ne prévoit pas que celle-ci intervienne pendant la phase de développement qui est prise en charge par l'ESA. Il conviendra donc de le modifier afin d'octroyer cette compétence à l'Autorité de surveillance, ce qui nécessitera un avis du Parlement (et pas nécessairement du CESE). L'accord entre la GJU et la GSA devrait permettre d'assurer la sécurité juridique des opérations de transfert des actifs de la GJU vers la GSA en déterminant un plan concret de transfert des activités comportant l'identification du rôle des différents organes et entités concernés, l'identification précise des actifs et du passif, les modalités concrètes du transfert, le planning de la phase de transition, les actes indispensables à accomplir, les conséquences financières et fiscales du transfert, etc. Les décisions à prendre en ce qui concerne les modalités de transfert des actifs de la GJU vers la GSA devraient nécessiter l'intervention de plusieurs entités telles que le Conseil de surveillance de la GJU, le Conseil d'administration de la GJU, le Conseil de l'ESA, le Conseil d'Administration de l'Autorité de surveillance GALILEO, la Commission européenne, le Conseil et le Parlement européen.

3.5.2

Il convient de signaler que, malgré l'article 6 des statuts de la GJU qui dispose que l'entreprise commune est propriétaire de tous les biens corporels et incorporels créés ou qui lui sont cédés pour la phase de développement de GALILEO, il semble que la grande partie des éléments développés dans le cadre du programme GALILEO, y compris les satellites, ne serait pas la propriété de la GJU mais de l'ESA au titre du programme GalileoSat. En effet, il ressort de l'article IV de l'Annexe III de la Convention de l'ESA que l'ESA, agissant au nom des États participants est propriétaire des satellites, systèmes spatiaux et autres biens produits dans le cadre du programme de l'ESA ainsi que des installations et équipements acquis pour son exécution. Toute cession de propriété doit donc être décidée par le Conseil de l'ESA. Ainsi, il semble que tant que le Conseil de l'ESA n'a pas décidé du transfert de propriété ou de la concession d'une licence d'utilisation au profit de la GJU, cette dernière ne disposerait d'aucun droit sur ces éléments. La Commission considère, quant à elle, que le droit communautaire est applicable et qu'après la modification des statuts de la GSA et de la GJU et la dissolution de celle-ci, l'ensemble des biens sera automatiquement transféré à l'Autorité de surveillance. Il pourrait donc y avoir divergence d'interprétation entre l'ESA et la Commission.

3.5.3

Il apparaît par conséquent que cette situation pourrait soulever des discussions sur l'interprétation de l'article 7 du contrat GJU/ESA qui dispose que la propriété des satellites et des autres biens matériels et immatériels produits dans le cadre du programme sera acquise par l'ESA pour le compte de la GJU.

3.5.4

En effet, la notion de «pour le compte de» est interprétée par l'ESA sur la base du texte de l'article IV de l'Annexe III de la Convention de l'ESA. Dans ce contexte, cette expression signifie que l'ESA acquiert les résultats des développements menés pour le compte des États participants au programme de l'ESA concerné et que ces derniers peuvent demander à l'Agence une licence d'utilisation des résultats plus ou moins restrictive en fonction des besoins qu'ils expriment (utilisation à des fins commerciales, scientifiques, etc.).

3.5.5

Cette position semble être confirmée dans le texte de la Déclaration de programme GalileoSat (art. 12) dans lequel il est stipulé que l'ESA est propriétaire de l'ensemble des éléments matériels et immatériels du programme GalileoSat.

3.5.6

En revanche, pour EGNOS, l'ESA est seulement propriétaire des éléments matériels au nom des États participants au programme, les droits de propriété intellectuelle restant la propriété des contractants de l'ESA conformément aux règles de l'Agence.

3.5.7

Ainsi, l'expression «acquis par l'ESA pour le compte de la GJU» est interprétée par l'ESA comme «acquis par l'ESA dans l'intérêt de la GJU».

3.5.8

Toutefois, il ne ressort pas des discussions avec l'ESA que celle-ci ne souhaite pas effectuer de transfert d'actifs vers la GJU ou la GSA. Mais l'ESA a fait savoir que ce transfert nécessite l'autorisation du Conseil de l'ESA (à la majorité simple) et que les modalités du transfert restent à définir. L'ESA privilégierait l'option d'un transfert direct de l'ESA vers la GSA pour des raisons fiscales et d'opportunité, considérant que, dans ce cas, les entités des pays tiers, participant au capital de la GJU, ne disposeraient pas de droits sur les éléments dont la propriété est transférée par l'ESA. Ces éléments n'entreraient pas dans le patrimoine de la GJU et ne seraient donc pas soumis aux modalités de dissolution de celle-ci.

3.5.9

En ce qui concerne le cas particulier des éléments et droits de propriété intellectuelle développés par les entités des pays tiers, la question est réglée dans les accords internationaux passés d'une part entre l'Union et les pays tiers non membres de l'UE et d'autre part entre les entités des pays tiers et la GJU (3).

3.5.10

Il apparaît toutefois que dans le règlement de la GSA il ne fait aucun doute que l'Autorité de surveillance est propriétaire de tous les biens corporels et incorporels qui lui sont cédés par la GJU à l'issue de la phase de développement ou qui sont créés ou développés par le concessionnaire pendant les phases de déploiement et d'exploitation. Le règlement de la GSA prévoit que les modalités de transfert de propriété seront établies en ce qui concerne la GJU lors de la procédure de dissolution prévue à l'article 21 des statuts de la GJU. En ce qui concerne EGNOS, l'Autorité est propriétaire de tous les biens corporels et incorporels appartenant à EGNOS sous réserve d'un accord avec les investisseurs d'EGNOS concernant les conditions et modalités du transfert de propriété par l'ESA de tout ou partie des installations et équipements d'EGNOS. Cette mention laisse entendre que, du point de vue de la Commission, une quelconque procédure de transfert entre la GSA et l'ESA ne serait pas nécessaire parce que l'ensemble des biens corporels et incorporels appartiennent à la GJU (contrairement à l'interprétation actuelle de l'ESA basée sur sa Convention et sur la Déclaration de programme).

3.5.11

Parmi les actes juridiques à accomplir, il convient de signaler principalement:

la modification des statuts de la GJU afin de fixer au 31 décembre 2006 la date de la fermeture de la GJU et l'achèvement des opérations de transfert des activités de la GJU vers la GSA et de prévoir une période de liquidation dont la durée sera à définir,

la modification du règlement de la GSA pour introduire les missions transférées de la GJU à la GSA telles que le pilotage de la phase de développement et de validation en vol, la gestion des activités issues des programmes-cadre européens de recherche et de développement ou encore le suivi et le management des évolutions techniques du système opérationnel (4).

3.6   Plan de transfert des activités des pays tiers de la GJU vers la GSA

La négociation du transfert des activités menées par les entités des pays tiers par la conclusion d'avenants de transfert entre la GSA, la GJU et les entités concernées doit être initiée rapidement. Des contacts doivent être établis avec ces entités afin d'anticiper leurs positions vis-à-vis de la fermeture de la GJU et de leur future place et rôle au sein de la GSA. Les dispositions du règlement instituant la GSA disposent que les États tiers, notamment ceux ayant participé aux phases précédentes du programme, devraient avoir la possibilité de participer à la GSA sous réserve de la conclusion d'un accord avec la Communauté, spécifiant notamment la nature, l'étendue et les modalités de la participation de ces pays aux travaux de l'Autorité, y compris les dispositions relatives à la participation aux initiatives menées par l'Autorité, aux contributions financières et au personnel. Il semble que la réaction des entités des pays tiers face à la décision d'arrêt de la GJU avant la fin de la phase de validation en orbite (phase IOV — In Orbit Validation) pourrait dépendre de la place qui leur sera faite au sein de la GSA. Le NRSCC et MATIMOP pourraient ainsi réclamer le remboursement d'une partie de leurs contributions versées du fait de l'arrêt de la GJU. La question de la participation des pays tiers au Conseil d'Administration ne manquera pas de se poser lors des négociations. Les premiers échanges sur ce sujet devant les instances communautaires laissent apparaître une divergence de vues entre les États membres, certains ne souhaitant pas attribuer de droits de vote aux pays tiers, d'autres soulevant le risque de compromettre la sécurité du système en cas d'ouverture trop large aux pays tiers. Tous semblent néanmoins convenir que l'intervention de pays tiers au sein du Conseil d'administration de la GSA ne doit en aucun cas remettre en cause la maîtrise de l'UE sur le système. Par ailleurs, une position privilégiée pourrait être accordée sous certaines conditions aux pays européens non membres de l'UE (Norvège et Suisse). Une solution pourrait consister à regrouper les pays tiers au sein d'une structure dédiée qui permettrait à ceux-ci de faire valoir leurs positions vis-à-vis des décisions prises par la GSA.

3.7   Limiter les duplications de compétences

3.7.1

Il convient de mettre en place un plan de décroissance des effectifs de la GJU, avec des jalons calendaires précis cohérents avec la planification du transfert des activités, de façon à éviter la présence d'un nombre important de personnels à la fin de décembre 2006, de faire le point sur les contrats de travail et de s'assurer de l'absence de risques de contentieux en fin de contrat, pouvant bloquer le transfert des actifs. A noter qu'il est prévu que 24 personnes environ devraient rester en activité jusqu'à la date de fin des négociations du contrat de concession au plus tard jusqu'au 31 décembre 2006. La phase de liquidation de la GJU, après le 31 décembre 2006, devrait être réalisée par 6 personnes environ.

3.7.2

Par ailleurs, il est nécessaire d'avoir une vision précise de la montée en puissance de la GSA et notamment du plan de recrutement du personnel de l'autorité de façon à vérifier la comptabilité avec le plan de transfert des activités de la GJU. Il convient de noter que la GSA doit respecter des procédures communautaires et faire face à des contraintes en ce qui concerne le recrutement du personnel (niveau des salaires, durée des contrats limitée à 3 ans, siège définitif de l'agence non encore désigné), qui freinent le processus de mise en place de l'organisation de la GSA.

3.8   Aspects financiers et budgétaires

3.8.1

A la fermeture de la GJU il est important que le reliquat de crédits (estimé à environ 46 M€) soit transféré à la GSA. La Commission souhaite que le transfert de fonds de la GJU vers la GSA soit opéré dès que l'Autorité de surveillance sera habilitée à gérer la fin de la phase de développement. Ainsi, lors de la fin de l'activité de l'Entreprise commune les seuls fonds restant à sa disposition seraient ceux nécessaires à la liquidation.

3.8.2

Le budget révisé de la GJU pour l'année 2006, qui entérine une augmentation de 7 M€ par rapport au budget voté en 2005 prévoyant la fermeture en mai 2006 (au lieu des 14 M€ que la GJU avait initialement réclamés sans tenir compte du transfert d'activités à la GSA), permet de couvrir avec la souplesse maximale le transfert des activités à la GSA avant fin 2006 au plus tard: Ce budget révisé a été adopté par le Conseil d'Administration et le Conseil de surveillance de la GJU fin février.

3.8.3

Le budget 2006 de la GSA doit de son côté prendre en compte le besoin de recrutements supplémentaires de personnels au cours de l'année 2006 et doit être augmenté en conséquence. Après l'adoption du nouveau projet de budget 2006 par le Conseil d'Administration de la GSA le 23 janvier 2006 pour un montant d'environ 8 M€ (au lieu du budget initial de 5 M€ initialement voté en 2005 pour l'année 2006), le projet de budget révisé doit être ensuite examiné par le Conseil Ecofin puis par le Parlement européen au second semestre 2006. L'augmentation du budget de la GSA au montant proposé constitue un pré-requis pour que la GSA puisse recruter le personnel nécessaire et conduire les activités transférées. Les économies générées in fine sur le budget de la GJU grâce au transfert progressif des activités à la GSA devraient dans l'absolu couvrir l'augmentation du budget de la GSA, ce qui devrait rassurer les parlementaires quant au bon usage des fonds européens dans le cadre de cette opération de transfert, même si, en pratique, l'origine des fonds et les budgets concernés sont de source différente.

3.8.4

L'évaluation des coûts de liquidation de la GJU (notamment le coût du maintien du personnel pour les opérations de liquidation) et des incidences financières en matière fiscale et TVA (droits de mutation par exemple) du transfert des actifs doit être réalisée au plus tôt. La GJU étant considérée par les autorités belges — qui lui ont adressé «une lettre de confort» -comme une personne morale au sens du droit belge (assimilée à une association) et non comme une société commerciale ne devrait pas être soumise à aucune taxe sur le boni de liquidation. Le prélèvement fiscal devrait donc être assez faible et cela d'autant plus si la majeure partie de ses fonds ont été transférés avant la liquidation. Il est clair que ce type de questions doit être anticipé afin d'éviter toute mauvaise surprise.

3.9   Négociation du contrat de concession et finalisation des activités techniques

3.9.1

Le budget révisé 2006 de la GJU lui permettra d'assurer la poursuite des négociations du contrat de concession avec l'objectif de les terminer au plus tard au 31 décembre 2006, tout en favorisant le transfert du know-how vers la GSA et l'implication de celle-ci dans les négociations au fur et à mesure de la montée en puissance de la GSA.

3.9.2

Il convient de souligner qu'il a été acté dans les comptes-rendus des différentes instances de contrôle de la GJU et de la GSA que le pilotage des négociations, si celles-ci ne sont pas terminées avant le 31 décembre 2006, passera sous la responsabilité de la GSA à compter du 1er janvier 2007.

3.9.3

La GJU devra en outre mettre en place une procédure ou un plan d'actions permettant de clôturer les dossiers techniques et de finaliser la documentation technique avant la date de fermeture de la GJU.

3.9.4

Le rôle et les responsabilités de l'ESA pendant la phase de recette et de validation du système, puis pour les évolutions techniques du système et le maintien en conditions opérationnelles du système après sa validation, devront être précisées dans le cadre d'un contrat cadre à conclure entre la GSA et l'ESA. En effet, la participation de l'ESA au Conseil d'administration de la GSA en qualité d'observateur, et non de membre comme cela est le cas au sein de la GJU, ne lui permet plus de jouer un rôle aussi actif dans la prise de décision. Le Règlement de la GSA prévoit que la coopération avec l'ESA devrait exploiter au maximum les possibilités de l'accord cadre conclu entre la Communauté européenne et l'ESA le 25 novembre 2003, lorsque cela présente un intérêt (5) et que l'ESA pourra être sollicitée pour apporter un soutien technique et scientifique à l'Autorité (6). En tout état de cause, un accord devra être conclu entre l'Autorité de surveillance et l'ESA avant la fin de l'année 2006 pour couvrir les activités relatives à la fin de la phase de développement et un autre accord devra être conclu à l'horizon de l'année 2008 pour organiser les relations entre l'Autorité de surveillance et l'ESA après la fin de la phase de développement, pendant la phase de recette et de validation du système et au-delà, le cas échéant, pour la phase d'exploitation.

4.   Autres éléments de réflexion complémentaires: Responsabilité internationale des États de lancement pour les satellites de la constellation Galileo

4.1

Les satellites lancés pendant la phase IOV sont actuellement la propriété de l'ESA (développement des satellites dans le cadre du programme ESA GalileoSat). Ces derniers devraient faire l'objet d'un transfert de propriété auprès de la GSA à l'issue de la phase de validation en orbite.

4.2

Conformément à l'Accord GJU/ESA, l'ESA a la responsabilité de lancer les premiers satellites de la phase IOV et de les immatriculer auprès du bureau des Nations-Unies (Office of Outer Space Affairs à Vienne). Le lancement du premier satellite de la constellation (GIOVE A) a été réalisé en décembre 2005 par l'opérateur Starsem depuis Baïkonour par un lanceur Soyouz-ST.

4.3

En pratique, l'ESA devrait procéder de la même manière que celle suivie pour le transfert de propriété des satellites qu'elle développe pour le compte de tiers comme dans le cas de Météosat ou Metop par exemple (transfert ESA-Eumetsat). Une notification du transfert de propriété des satellites en orbite devrait être ensuite adressée aux autorités compétentes.

4.4

Au regard des dispositions du Traité sur l'espace de 1967 et de la Convention sur la responsabilité internationale de 1972, il convient de s'interroger sur le schéma de responsabilité du fait du lancement et de l'utilisation des satellites GALILEO en orbite.

4.5

Au regard des différents critères retenus pour qualifier un État «d'État de lancement» pouvant engager sa responsabilité internationale en cas de dommages causés sur Terre ou en orbite par des objets spatiaux, l'ESA pourrait être considérée comme un «État de lancement» puisqu'elle est considérée comme l'État qui «fait procéder au lancement» des satellites de la phase IOV et qui conclut le contrat de lancement avec l'opérateur de lancement.

4.6

De même, la question pourrait se poser de savoir si la Belgique peut être considérée comme État de lancement, compte tenu du fait que la GJU, fortement impliquée dans le développement et le lancement des satellites pour la phase IOV, est placée sous sa juridiction (le siège de la GJU est à Bruxelles). Au regard du droit national belge, il semble que la responsabilité de l'État fédéral belge ne peut être retenue que pour les activités spatiales menées depuis son territoire ou à partir d'installations possédées par l'État belge ou placées sous sa juridiction ou son contrôle (7), ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Toutefois au regard du droit international la question reste entière.

4.7

Par ailleurs, à l'issue de la dissolution de la GJU et du transfert des activités de la GJU à la GSA, cette dernière deviendra l'entité pour le compte de laquelle les satellites seront lancés et à ce titre la personne juridique internationale à laquelle elle est rattachée pourrait également être considérée comme État de lancement. La qualification d'État de lancement de l'UE devrait par conséquent être analysée, eu égard non seulement au lancement des satellites de la phase IOV mais également au lancement des autres satellites de la constellation Galileo pendant la phase de déploiement et d'exploitation.

4.8

Pour la phase de déploiement et d'exploitation, la responsabilité de l'État du siège de l'opérateur en charge de la constellation (la société concessionnaire), qui fera procéder aux lancements, pourrait être retenue. Le siège du concessionnaire ayant été fixé en France (Toulouse) aux termes de l'accord du 5 décembre 2005 entre les principales Parties à la concession, la responsabilité de la France pourrait alors être engagée à ce titre.

4.9

Enfin, l'État sous la juridiction duquel se trouve l'opérateur de lancement sera également considéré comme État de lancement ainsi qu'éventuellement l'État dont le territoire ou les installations sont utilisés. Si l'opérateur retenu est la société française Arianespace, la France pourra être considérée comme État de lancement.

4.10

Eu égard à l'intervention de plusieurs États de lancement, il convient de clarifier les relations entre les différentes entités en termes de responsabilité et de partage des risques entre les différents États de lancements en cas de dommages pendant le lancement et la durée de vie des satellites.

4.11

A noter qu'un accord existe déjà entre l'ESA et la France (accords sur le Centre Spatial Guyanais). Cet accord comporte des clauses relatives à la responsabilité internationale, notamment dans le cas des lancements opérés par Arianespace, et semble être applicable au programme Galileo. La question reste ouverte en ce qui concerne la responsabilité internationale des États de lancements pour la phase de durée de vie des satellites en orbite et l'opportunité de mettre en place un accord ad hoc entre la France et les autres États de lancement (ESA, Belgique, UE) pourrait se poser.

Références documentaires

1)

Résolution du conseil du 19 juillet 1999 concernant la participation de l'Europe à une nouvelle génération de services de navigation par satellites —Galileo- phase de définition — (199/C 221/01)

2)

Décision Conseil no98/434/CE du 18/06/1998, JO L 194 10/07/1998, p15

3)

Council regulation (EC) no 876/2002 of 21 may 2002 setting up the Galileo joint Undertaking) with the GJU statutes annexed to it)

4)

Règlement de sécurité du Conseil — décision 2001/264/CE 19 mars 2001 — JO L 101 du 11/4/2001

5)

Accord entre l'entreprise commune Galileo (GJU) et l'ASE — ESA/C(2002)51, rév. 1 du 23 avril 2002

6)

Galileo Joint Undertaking Organisation and Decision Process — ESA/PB-NAV(2003)20 du 5 septembre 2003

7)

Règlement (CE) no 1321/2004 du conseil du 12 juillet 2004 sur les structures de gestion des programmes européens de radionavigation par satellites

8)

Communication de la Commission «l'encadrement des agences européennes de régulation», COM(2002) 718 final du 11/12/2002

9)

Accord entre l'UE et la Chine du 30 octobre 2003

10)

Accord entre l'UE et Israël du 13 juillet 2004

11)

Accord entre la GJU et NRSCC du 9 octobre 2004

12)

Accord entre la GJU et MATIMOP du 6 septembre 2005

13)

Accord entre la GJU et l'ESA pour le NRSCC du 9 octobre 2004

14)

Accord entre la GJU et l'ESA pour MATIMOP du 18 octobre 2005

15)

Droits et obligations des nouveaux membres de l'entreprise commune Galileo — ESA/PB-NAV(2004)18 rév.2 du 23 juin 2004

16)

Galileo IPR: Ownership and protection — ESA/PB-NAV (2004)26 du 23/09/2004

17)

Intellectual Property Rights for the Galileo Programme — GJU-EXC-2004-50 du 2/09/2004

18)

Agreement between the Partners of the prospective Galileo Concession, 5 décembre 2005

19)

Transition Plan of GJU Activities and know-how to the GSA (GJU-ADB-2005-13 rév., du 11 février 2006)

20)

Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil: «intégration du programme EGNOS dans le programme Galileo», COM(2003) 123 final du 19/03/2003

21)

Accord cadre entre l'ESA et la Communauté européenne signé le 25 novembre 2003 ESA/C-M(2004)4.

22)

Avis du CESE sur le «Programme européen de navigation par satellite (GALILEO)» — TEN/077 (12/09/2001)

23)

Avis du CESE sur la «Proposition de règlement du Conseil relatif à la constitution d'une entreprise commune GALILEO» (COM(2001)336 final — 2001/0136 CNS) — TEN/089 (28/11/2001)

24)

Avis du CESE sur la «Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — Etat d'avancement du programme de recherche GALILEO au début de l'année 2004» (COM(2004)112 final) — TEN/179 (20/06/2004)

25)

Avis du CESE sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la mise en œuvre des phases de déploiement et d'exploitation du programme européen de radionavigation par satellite» (COM(2004)477 final — 2004/0156 COD) — TEN/203 (09/02/2005).

Bruxelles, le 13 septembre 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Setting-up of the Galileo Supervisory Authority, Document for discussion at the executive Committee of 24 June 2004, TREN E/4/OO/bp D 11090 (2004) du 24 juin 2004, p1.

(2)  Il est rappelé que la date initiale de fin d'activités de la GJU était fixée au 28 mai 2006 (voir supra — durée de la GJU).

(3)  La participation des États tiers non membres de l'UE au programme Galileo fait l'objet d'accords internationaux négociés et passés par l'UE au nom des États membres, après négociation des dispositions de l'Accord par la Commission européenne agissant sur mandat du Conseil. Le premier accord a été signé avec la Chine en octobre 2003 et est actuellement en cours de ratification par les États membres. Ces accords invitent les États tiers à désigner une entité participant au capital de la GJU (voir supra — Coopération internationale).

(4)  Deux notes d'information ont été éditées par la Commission sur ce sujet à l'attention des membres du Conseil d'Administration de la GJU: «Changes to the GJU Statutes and GJU/GSA transfer» TREN B5 D(2006) du 18 janvier 2006. «Envisaged changes to the GSA Regulation and GJU/GSA transfer», TREN B5 D(2006) du 19 janvier 2006.

(5)  Considérant no12 du Règlement de la GSA.

(6)  Article 2.2 du règlement de la GSA.

(7)  Loi belge relative aux activités de lancement, d'opérations de vol ou de guidage d'objets spatiaux du 17 septembre 2005, publiée au Moniteur du 16 novembre 2005, no348. L'article 2 paragraphe 1 de cette loi dispose que «La présente loi vise les activités de lancement, d'opération de vol ou de guidage d'objets spatiaux qui sont exercées par des personnes physiques ou morales dans les zones placées sous la juridiction ou sous le contrôle de l'État belge ou au moyen d'installations, meubles ou immeubles, qui sont la propriété de l'État belge ou qui se trouvent sous sa juridiction ou son contrôle».


23.12.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/218


Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission sur la promotion du transport par voies navigables «NAIADES» — un programme d'action européen intégré pour le transport par voies navigables

COM(2006) 6 final

(2006/C 318/35)

Le 3 février 2006, la Commission a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 4 septembre 2006 (rapporteur: M. SIMONS).

Lors de sa 429e session plénière des 13 et 14 septembre 2006 (séance du 14 septembre 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 64 voix pour, 2 voix contre et 2 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Il est impératif d'accroître l'importance du transport par voies navigables en élaborant une politique européenne de la navigation intérieure dans le cadre du Livre blanc révisé. La création de conditions équitables, l'élimination des goulets d'étranglement infrastructurels et institutionnels existants ainsi que l'obtention du soutien politique nécessaire constituent les préalables pour le développement futur de ce mode de transport.

1.2

La proposition visant à instituer un «Programme d'action européen intégré pour le transport par voies navigables» peut être considérée comme une base solide pour le développement du transport par voies navigables. Les mesures envisagées, compte tenu également des observations formulées par le Comité économique et social européen (CESE) en la matière, doivent être mises en œuvre dans les meilleurs délais afin que le potentiel du secteur puisse être pleinement exploité.

1.3

Le CESE reproche à la Commission d'avoir négligé les recommandations qu'il a formulées dans son avis sur la politique sociale (1). Lors de l'application de ces recommandations, une coordination étroite entre les différentes directions générales concernées est nécessaire afin que tous les aspects puissent être soupesés et traités de manière équitable.

1.4

Le cadre juridique du transport par bateau de navigation intérieure en Europe a été élaboré, dans les grandes lignes, par la Commission centrale pour la navigation du Rhin (CCNR). Les commissions fluviales pour le Rhin et le Danube, et notamment la CCNR, se sont efforcées de parvenir à une harmonisation de la législation relative aux équipages, aux navires, aux brevets de capitaine et à la responsabilité. C'est la raison pour laquelle ces commissions fluviales doivent également figurer, dans les tableaux recensant les instruments publiés en annexe à la communication de la Commission, comme des acteurs responsables en la matière.

1.5

Le CESE invite la Commission, s'agissant de la navigation intérieure, à ne pas laisser la responsabilité du transporteur de passagers à un nouveau régime tel que celui qui figure dans la proposition de règlement de la Commission européenne au Parlement européen et au Conseil (COM(2005 592), relatif à la responsabilité des entreprises assurant le transport de personnes par mer ou par voie de navigation intérieure en cas d'accident. Tout en renvoyant à son avis d'initiative sur le thème «Vers un régime paneuropéen pour la navigation fluviale», le CESE préconise toutefois de promouvoir l'attitude adoptée par les commissions fluviales, consistant à renégocier les traités (2) déjà conclus dans ce domaine.

1.6

Le transfert modal en faveur du recours à la navigation intérieure conduit non seulement à une amélioration de la situation environnementale de la chaîne de transport, mais contribue également, de manière générale, à l'émergence d'un transport durable. Pour cette raison, il y a lieu de libérer les ressources financières et fiscales suffisantes afin d'investir dans ce secteur et d'en exploiter toutes les possibilités.

1.7

Un dialogue social constructif au niveau européen doit déboucher sur une stratégie permettant de trouver des gens désirant travailler dans le domaine de la navigation intérieure et de créer des conditions sociales et des conditions de travail comparables dans tous les États membres. Dans le même temps, il est nécessaire d'investir dans des formations et des stages dans la navigation intérieure afin d'offrir au futur personnel des possibilités et des perspectives de carrière.

1.8

Le transport par bateau de navigation intérieure est un mode de transport fiable, sûr, respectueux de l'environnement et peu coûteux. Pour faire évoluer les schémas traditionnels, il convient de promouvoir la sensibilisation et les connaissances de la population concernant le réel potentiel du secteur en termes de qualité et de fiabilité.

1.9

Il convient de garantir l'entretien approprié des infrastructures par les États membres, l'assistance financière nécessaire ainsi que la mise en œuvre immédiate des projets prioritaires relatifs aux voies navigables figurant sur la liste des priorités du réseau transeuropéen de transport (RTE-T) y compris le concours financier, et que ces projets puissent bénéficier d'un cofinancement maximum, tel que prévu dans les orientations révisées du RTE-T. La nomination d'un coordinateur européen pour les projets relatifs aux voies navigables tels qu'ils sont définis dans la liste des axes et projets prioritaires du RTE-T (projets prioritaires no 18: Rhin/Meuse-Main-Danube, et no30: Seine-Escaut) devra contribuer à la suppression des goulets d'étranglement.

1.10

Le CESE estime que la création d'un cadre institutionnel approprié pour la navigation intérieure, constitue un instrument adapté pour mettre en œuvre le programme d'action européen intégré pour le transport par voies navigables et accroître l'importance de ce mode de transport. Dans un récent avis d'initiative, le CESE préconisait, au final, la mise en place d'une organisation indépendante, établie par voie de convention, qui regrouperait au minimum les organisations internationales, telles que l'UE, les États membres de l'UE qui pratiquent la navigation intérieure, ainsi que des États tiers tels que la Suisse et les États du Danube non membres de l'UE.

2.   Introduction

2.1

L'Union européenne vise à développer une politique intégrée des transports dans le but de promouvoir une circulation rapide, efficace durable et bon marché des personnes et des biens. Il s'agit d'un élément central pour la réalisation de l'objectif que l'UE s'est fixé dans le cadre de la stratégie de Lisbonne, à savoir devenir une économie dynamique et compétitive, et de la stratégie élaborée antérieurement à Göteborg en 2001 afin de parvenir à un développement durable prenant en compte les aspects économiques, environnementaux et sociaux.

2.2

La navigation intérieure renferme — là où existent des voies de navigation — un grand potentiel en termes d'innovation, de croissance et de capacité, de respect de l'environnement, de sûreté et de sécurité. Par ailleurs, elle a la capacité nécessaire pour absorber les flux croissants de marchandises en Europe et pour libérer l'Europe d'un encombrement permanent des routes.

2.3

Dans ses avis du 16 janvier 2002 sur « L'avenir du réseau transeuropéen voies navigables» et du 24 septembre 2003 intitulé «Vers un régime paneuropéen de la navigation fluviale» , le Comité économique et social européen a analysé la situation du transport par voies navigables en Europe (3). Le dernier avis cité examine les goulets d'étranglement dans la navigation intérieure et aborde la question de la nécessité d'une harmonisation réglementaire, tant pour les aspects de droit public que de droit privé. Il traite aussi d'autres thèmes tels que l'environnement et la sécurité, le marché du travail et des questions de nature sociale. Ces dernières ont également fait l'objet d'un avis d'initiative distinct du mois de septembre 2005 intitulé «La politique sociale dans le cadre d'un régime paneuropéen de navigation intérieure»  (4).

Récemment, le Comité a adopté un avis d'initiative intitulé «Le cadre institutionnel pour la navigation intérieure en Europe»  (5) , qui traite précisément d'un aspect abordé dans la communication à l'examen et encore non résolu du débat, à savoir la structure publique de l'organisation.

2.4

Avec cette communication, la Commission propose un programme ambitieux visant à promouvoir la navigation intérieure. Se fondant sur des études approfondies, elle propose cinq mesures qui, prises ensemble, devraient conduire à l'amélioration de la situation de la navigation intérieure en tant que telle, et à l'intégrer dans la chaîne logistique.

2.5

Les cinq actions proposées portent sur les domaines suivants:

les marchés;

la flotte;

l'emploi et les compétences,

l'image et

l'infrastructure.

Dans un chapitre séparé, la proposition de la Commission aborde la question de la modernisation de la structure organisationnelle et propose quatre options, sans toutefois effectuer un choix.

Chacune des cinq actions proposées, ainsi que la structure organisationnelle, sera abordée tour à tour dans les chapitres suivants.

2.6

Le programme d'action couvre un large éventail de mesures. Il appartient à l'Union européenne elle-même, aux États membres et à l'industrie (6) de prendre les initiatives concrètes qui s'imposent et d'agir de concert, si nécessaire. Cette approche cohérente et ouverte vise à contribuer au développement du transport par voies navigables qui participe à son tour au développement durable de la politique européenne des transports.

3.   Observations générales

3.1

La création et le maintien de conditions équitables entre les différents modes de transport et entre les États membres constituent un pré requis indispensable au bon fonctionnement du marché, afin que le transport par voies navigables puisse opérer dans un marché complètement libéralisé et dans un environnement compétitif.

3.2

Le transport par bateau de navigation intérieure est considéré comme un moyen de rendre le marché du transport plus équilibré. Afin de pouvoir utiliser pleinement le potentiel de ce mode de transport, il convient de supprimer une série d'obstacles empêchant actuellement ce secteur de se développer complètement.Ces entraves se situent surtout au niveau de l'infrastructure et du développement des réseaux transeuropéens, et sont également liées au résultat du manque d'harmonisation et d'unification juridiques et institutionnelles de la navigation intérieure.

3.3

Dans la proposition à l'examen, la Commission européenne reconnaît qu'il est nécessaire de promouvoir le transport par voies navigables en élaborant un programme d'action intégré qui met l'accent sur les actions concrètes à mettre en œuvre pour exploiter pleinement le potentiel commercial de ce mode de transport et le rendre plus attractif aux yeux des usagers. Le CESE se félicite de cette proposition, qui constitue une contribution positive à la solution des problèmes de transport et au positionnement de la navigation intérieure.

3.4

Le CESE est déçu de constater qu'aucune action n'est proposée en ce qui concerne la politique sociale. Dans son avis d'initiative de 2005, il formulait des recommandations concrètes sur ce sujet. Le CESE insiste avec force sur la nécessité de combler cette lacune, conformément à la manière indiquée dans l'avis d'initiative précité.

4.   Observations spécifiques

4.1   Les marchés

4.1.1

Afin de promouvoir l'esprit d'entreprise dans le secteur du transport par voies navigables, il importe de créer l'environnement nécessaire et les conditions propices au bon fonctionnement de l'industrie et à la garantie de règles de jeu équitables sur le plan économique, environnemental et social par rapport aux autres modes de transport. Il s'impose dès lors de rationaliser les formalités nécessaires par le biais d'une meilleure coordination de tous les services publics et politiques concernés.

4.1.2

Dans le but de rendre le marché plus attrayant pour les nouveaux opérateurs et de permettre parallèlement le développement des entreprises existantes, des avantages fiscaux doivent stimuler le (ré)investissement, surtout les actions et instruments proposés, principalement dans le domaine des lignes directrices pour les aides d'état et les programmes de RDT dédiés spécifiquement à la navigation intérieure. C'est l'importance des coûts d'investissement qui est susceptible de freiner l'expansion et le renouvellement du secteur.

4.1.3

Le cadre juridique européen relatif au transport par bateau de navigation intérieure a été élaboré pour l'essentiel par la commission centrale pour la navigation sur le Rhin (CCNR). En vue d'améliorer le cadre administratif et réglementaire, les commissions fluviales pour le Rhin et le Danube, et particulièrement la CCNR, ont déjà pris des mesures aux fins de l'harmonisation de la législation relative à l'équipage, aux navires, aux brevets de capitaine et à la responsabilité. Il convient dès lors de faire figurer ces commissions fluviales sur les tableaux d'instruments de la communication comme acteurs responsables en la matière (7).

4.1.4

À cet égard, l'on renverra également à la proposition de règlement de la Commission européenne au Parlement européen et au Conseil (COM(2005) 592) relatif à la responsabilité des entreprises assurant le transport de personnes par mer ou par voie de navigation intérieure en cas d'accident. Avec cette proposition, la Commission entend instaurer une responsabilité unique pour les transporteurs par mer et par voie de navigation intérieure.

4.1.5

Il existe toutefois des différences telles entre ces deux modes de transport que des réglementations différentes, tenant compte des caractéristiques propres à chacun, sont nécessaires. Afin d'adapter la limitation de la responsabilité globale dans la navigation intérieure, actuellement régie par un traité international (8), à des limites plus élevées, des négociations sont actuellement en cours sous l'égide des commissions fluviales en vue de modifier ce traité. Ces modifications ont également pour objet l'application du traité non seulement dans les États riverains du Rhin, mais aussi dans les autres États européens concernés par la navigation intérieure.

4.1.6

Dès lors, le CESE renvoie à son avis intitulé «Vers un régime paneuropéen pour la navigation fluviale» et préconise la poursuite de ce processus de négociation.

4.2   La flotte

4.2.1

Les bateaux de navigation intérieure ont une longue durée de vie. Dès lors, la modernisation de la flotte et l'innovation doivent être favorisées par des programmes destinés à faciliter l'adaptation aux nouvelles normes techniques et fondés sur les lignes directrices pour les aides d'État. Il convient de mettre en œuvre des programmes RDT et de soutien conçus spécifiquement pour permettre au secteur du transport par voies navigables de faire face à ses principaux besoins en innovation et d'adapter la flotte existante aux nouvelles normes en matière d'environnement, de sûreté et de sécurité.

4.2.2

Le bateau de navigation intérieure est un mode de transport qui, dans un contexte de croissance du marché des transports, peut contribuer à soulager les autres réseaux et qui, par la sécurité qu'il offre, par sa nature respectueuse de l'environnement, peut contribuer à une solution durable du problème des transports. Les normes applicables aux émissions, la qualité des carburants, la protection contre le bruit et le traitement des déchets d'exploitation des navires ont toujours été au centre des préoccupations de l'industrie. À l'heure actuelle, les exploitants de navires, les constructeurs navals et les pouvoirs publics réfléchissent à de nouvelles méthodes permettant de réduire encore davantage les émissions au cours de la prochaine décennie. Le secteur de la navigation intérieure entend préserver les résultats positifs qu'il a engrangés par rapport aux autres modes de transport en termes de performances environnementales. Il s'est engagé dans la voie de la diminution des émissions et il convient de l'encourager dans cette démarche, afin de conforter son image d'acteur respectueux de l'environnement.

4.2.3

L'intérêt du transport par bateau de navigation intérieure est à apprécier par rapport à la notion d'ensemble de la navigation intérieure et aux avantages qu'elle présente en termes de congestion, d'entretien et d'utilisation de l'infrastructure, d'accidents et d'autres éléments pertinents. Le transfert modal vers le transport par voies navigables ne se traduit donc pas uniquement par l'amélioration des performances environnementales de la chaîne des transports, mais également par le développement d'un système de transport durable en général.

4.2.4

La navigation intérieure joue un rôle important dans la chaîne de transport intermodal. Il convient d'accorder un soutien sans réserve au développement de concepts intermodaux car ils représentent une alternative au transport routier. S'il est vrai que ce type de concept a déjà été développé, il y a quelques années dans le domaine des transports de conteneurs, il convient de prendre des mesures supplémentaires afin d'exploiter pleinement les possibilités qu'offrent les transports intermodaux, dont la navigation fluviale.

4.2.5

Concrètement, il s'agit d'établir les stations de chargement et de déchargement le long des fleuves. Tous les ports, existants et à venir, doivent être aménagés selon un schéma intermodal. L'efficacité de l'intermodalité est dans une large mesure déterminée par l'efficacité de l'infrastructure portuaire et par l'excellent état des chenaux (hauteur suffisante des ponts sur les fleuves et les canaux, par exemple).

4.3   Emploi et compétences

4.3.1

La navigation intérieure est un secteur hautement professionnel. Il requiert de plus en plus de compétences professionnelles dans les domaines nautique et technique, mais également en matière de sécurité, de technologies de l'information et de la communication (TIC) et de logistique. L'éducation doit être adaptée aux exigences croissantes afin de promouvoir cette profession tournée vers l'avenir et de permettre la réalisation de son potentiel. La normalisation des programmes éducatifs et formatifs, semblable à celle opérée dans les transports maritimes, peut contribuer à une plus grande professionnalisation, principalement dans le domaine du transport des matières dangereuses. Il convient de développer les programmes de recrutement, d'éducation et de formation de manière à attirer des jeunes dans le secteur et à préserver ainsi les compétences nécessaires.

4.3.2

Il faut engager un dialogue social constructif au niveau communautaire afin de mettre au point une stratégie visant à rendre plus attrayants les métiers de la navigation intérieure, à attirer de la main-d'œuvre dans le secteur et à créer des conditions sociales et de travail comparables dans tous les États membres.

4.3.3

Comme indiqué ci-dessus, la commission centrale pour la navigation du Rhin (CCNR) a élaboré en grande partie le cadre juridique relatif au transport par bateau de navigation intérieure en Europe. Avec la commission du Danube, elle assure l'harmonisation des exigences en matière d'équipage et de brevets de capitaine. Les commissions fluviales doivent poursuivre leurs efforts aux côtés de la Commission européenne en vue d'une unification plus poussée en la matière.

4.3.4

L'application de la législation sociale nationale doit être plus sévèrement contrôlée. La Commission doit promouvoir la coordination entre les autorités de contrôle des États membres. À cet égard, il convient d'accorder une attention particulière aux navires-hôtels.

4.3.5

De l'avis du CESE (voir à ce sujet son avis d'initiative sur le thème «La politique sociale dans le cadre d'un régime paneuropéen de navigation intérieure»), la Commission est particulièrement bien placée pour impulser une politique sociale au sens large en s'appuyant sur la longue tradition, l'expérience et l'expertise de la CCNR et de la Commission du Danube en la matière, laquelle a toujours donné une certaine place à la politique sociale.

4.4   Image

4.4.1

Le transport par bateau de navigation intérieure est fiable, sûr, respectueux de l'environnement et peu coûteux. Pour faire évoluer les schémas traditionnels allant dans le sens contraire, il convient de promouvoir la sensibilisation et les connaissances de la population concernant le réel potentiel du secteur en termes de qualité et de fiabilité.

4.4.2

En effectuant un suivi des tendances et de l'évolution que connaît la navigation intérieure et en diffusant les informations y relatives auprès des principaux acteurs du secteur, le système d'observation de marché déjà mis en place peut apporter une contribution précieuse. Assistée par les commissions fluviales par les entreprises, la Commission européenne doit fournir à l'industrie l'information nécessaire.

4.4.3

D'autre part, on peut considérer que le fait de créer et de soutenir des centres de promotion constitue un moyen de diffuser l'information pertinente sur le secteur à l'ensemble des entreprises qui, pour mener à bien leur mission, doivent traduire dans les faits les possibilités que recèle le secteur sous la responsabilité et sous la supervision des organisations professionnelles.

4.5   L'infrastructure

4.5.1

Les récentes inondations dans certains pays riverains du Danube ont relancé le débat sur la nécessité de prendre en compte la dimension écologique dans les aménagements d'infrastructures. Un rapport rédigé pour le compte des autorités allemandes lors des crues de l'Elbe en 2003 a montré que la navigation intérieure n'a en rien contribué à la situation et qu'elle n'a dès lors joué aucun rôle en la matière, que ce soit dans les inondations proprement dites ou dans les conséquences de ces dernières.

4.5.2

Le bon fonctionnement du transport de marchandises et de voyageurs dépend de la qualité de l'infrastructure. L'entretien approprié de l'infrastructure de voies navigables existante, la suppression des principaux goulets d'étranglement et l'établissement des connexions manquantes sont absolument indispensables. À cet égard, la revitalisation des infrastructures anciennes doit également être envisagée.

4.5.3

Le réseau transeuropéen de transport a été qualifié d'élément clé dans la nouvelle stratégie de Lisbonne en faveur de la compétitivité et de l'emploi en Europe. Sur les 30 projets prioritaires, seuls deux concernent les axes prioritaires de navigation intérieure. Il s'agit des projets no 18 (axe fluvial Rhin/Meuse-Main-Danube) et 30 (axe fluvial Seine-Escaut).

4.5.4

Avec l'adoption du budget 2007/2013, l'enveloppe proposée par la Commission en faveur des RTE-T a été fortement réduite. Le CESE appelle les États membres concernés à entamer sans délai les actions prévues dans le cadre des RTE-T afin de ne pas compromettre le cofinancement des projets mentionnés en matière de navigation intérieure.

4.5.5

De même, il invite la Commission, à nommer un coordonnateur — sur le modèle de ce qui a été fait pour les projets ferroviaires — capable de jouer un rôle de coordination et de stimuler la réalisation des projets.

4.5.6

Le Comité attend le processus annoncé par la Commission en ce qui concerne la tarification de l'utilisation de l'infrastructure.

4.6   Modernisation de la structure organisationnelle

4.6.1

L'un des principaux résultats des recherches menées récemment dans le secteur de la navigation intérieure, selon les conclusions du rapport établi par le groupe EFIN (Cadre européen pour la navigation intérieure) intitulé «Un nouveau cadre institutionnel pour la navigation intérieure en Europe» et du rapport PINE (Perspectives de la navigation intérieure dans une Europe élargie) pour le compte de la Commission européenne est que l'impact politique du transport par voies navigables est relativement faible et que la gestion de sa politique stratégique s'avère insuffisante. C'est la raison pour laquelle le CESE a récemment décidé d'élaborer un avis d'initiative sur le cadre institutionnel pour la navigation intérieure en Europe. Pour des raisons de concision du présent document, le lecteur est prié de se reporter à l'avis en question.

Bruxelles, le 14 septembre 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  JO C 24 du 31 janvier 2006.

(2)  Traité de Strasbourg concernant la limitation de la responsabilité en matière de navigation intérieure (CCNR).

(3)  JO C 80 du 3 avril 2002 et JO C 10 du 14 janvier 2004.

(4)  JO C 24 du 31 janvier 2006.

(5)  JO C 185 du 8 août 2006.

(6)  Dans le présent avis, le terme «l'industrie» englobe notamment les employeurs, les indépendants et les travailleurs du secteur.

(7)  L'on rappellera ici que le CESE, dans son avis d'initiative sur la politique sociale, plaidait en faveur de la consultation de ces commissions fluviales.

(8)  Convention de Strasbourg sur la limitation de la responsabilité en navigation intérieure (CLNI).


23.12.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/222


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: Combler le fossé existant en ce qui concerne la large bande»

COM(2006) 129 final

(2006/C 318/36)

Le 5 avril 2006, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la communication susmentionnée.

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 4 septembre 2006 (rapporteur: M. McDONOGH).

Lors de sa 429e session plénière des 13 et 14 septembre 2006 (séance du 13 septembre 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 193 voix pour, 1 voix contre et 4 abstentions.

1.   Introduction

1.1

Le Comité se félicite que le problème crucial posé par le creusement de la fracture numérique entre les zones développées et moins développées de l'Union européenne soit abordé de manière coordonnée par les commissaires en charge de la société de l'information et des médias, de la concurrence, de la politique régionale, et de l'agriculture et du développement rural.

1.2

Toutefois, la communication de la Commission «Combler le fossé existant en ce qui concerne la large bande» (COM(2006) 129) manque de l'ambition nécessaire et ne contient pas assez de recommandations concrètes témoignant d'un engagement sérieux en faveur d'une solution au problème posé par le fossé de la large bande.

1.3

Dans son rapport (1), le forum sur la fracture numérique a présenté une analyse de la fracture numérique territoriale en matière de large bande en Europe et a décrit de possibles initiatives communautaires qui permettraient de combler le fossé dans ce domaine. Eu égard à la gravité du problème relevé par le forum sur la fracture numérique et étant donné que le fossé de la large bande constitue un frein au développement économique et social, la Commission devrait prendre des mesures plus agressives afin de régler le problème posé par la fracture numérique grandissante.

1.4

Le Comité salue la déclaration ministérielle de Riga sur l'e-inclusion adoptée le 11 juin 2006 (2), par laquelle les États membres s'engagent à réduire de manière significative les disparités régionales en matière d'accès à l'Internet dans l'UE en augmentant la couverture à large bande dans les endroits faiblement desservis, ainsi qu'à réduire de moitié d'ici à 2010 le nombre de personnes n'utilisant pas l'Internet dans les groupes menacés par l'exclusion. Il appartient désormais à la Commission de donner force à cette déclaration grâce à des initiatives politiques et à des recommandations qui résorberont rapidement la fracture numérique.

Par le présent avis, le Comité entend souligner les domaines le préoccupant particulièrement et proposer des actions supplémentaires.

2.   Recommandations

2.1

Le Comité estime qu'en raison de l'importance croissante que revêtent les services à large bande pour le développement économique et social, l'accès à la large bande devrait, en tant que service d'intérêt général, être inclus dans le champ d'application de la définition du service universel (3).

2.2

La Commission devrait faire tout ce qui est en son pouvoir afin de veiller à ce que les États membres appliquent rigoureusement le cadre réglementaire en matière de communications électroniques (4).

2.3

La Commission devrait envisager des mesures spéciales et des sanctions afin d'accélérer le processus de dégroupage effectif de l'accès à la boucle locale dans les États membres. Les retards et les obstructions techniques à la mise en œuvre effective du dégroupage de l'accès à la boucle locale constituent un obstacle majeur à l'instauration d'une concurrence bien nécessaire en matière de prestation de services, et en particulier de connexions à la large bande.

2.4

La Commission devrait inciter les États membres à faire valoir leurs intérêts nationaux afin de conserver ou de regagner une influence sur les infrastructures fondamentales de communication, comme les réseaux grande distance de transmission et de commutation. L'État doit conserver une influence afin de garantir le développement et l'utilisation de ce bien stratégique dans le but d'atteindre des objectifs politiques nationaux, comme combler le fossé de la large bande.

2.5

Il convient que les États membres revoient leur stratégie nationale en matière de large bande afin d'y inclure des mesures spécifiques visant à combler, d'ici à 2010, le fossé existant dans ce domaine. Les stratégies devraient être comparées à l'aune des meilleures pratiques.

2.6

Il convient que la Commission mette en place un véritable processus de planification et de gestion en matière de large bande dans l'ensemble de l'UE afin de garantir que rien ne viendra entraver à l'avenir la mise en place de ces infrastructures essentielles à l'échelon local. Ce processus intégrerait toutes les stratégies nationales en matière de large bande et les projets locaux dans un plan opérationnel paneuropéen pour la fourniture d'un accès à large bande dans toute l'Union. Il veillerait en particulier à garantir un accès à large bande dans les zones rurales et défavorisées, afin de résorber la fracture numérique.

2.7

La Commission devrait réfléchir à la manière dont les États membres pourraient inciter financièrement les entreprises de télécommunications (5) à procéder à des investissements d'infrastructure dans les régions sous-développées; notamment en instaurant des incitations fiscales fortes en faveur des partenariats public-privé.

2.8

La Commission devrait étudier les mécanismes permettant aux pouvoirs municipaux et locaux de prendre davantage d'initiatives afin de fournir des services à large bande et de stimuler la demande de large bande dans leur région. Il convient que ce niveau de pouvoir soit complètement impliqué dans l'élaboration et la mise en œuvre des stratégies nationales en matière de large bande, comme indiqué ci-dessus (voir paragraphe 2.6). En outre, il y a lieu d'étudier d'autres mécanismes; ainsi ces autorités pourraient peut-être apporter une participation commerciale à des partenariats public-privé; ou bien les États membres pourraient éventuellement imposer le câblage à large bande ou des règles en matière de fourniture de services pour toutes les constructions de nouveaux logements.

2.9

Afin de favoriser l'échange de connaissances techniques et commerciales entre PME dans toute l'UE, la Commission devrait mettre en place un site Internet consacré aux développements des technologies et services de large bande dans le monde entier. On estime qu'un tel réseau de connaissances stimulerait davantage les activités d'entrepreneurs dans le secteur des connexions et des services à large bande.

2.10

Afin de clarifier la situation en matière de disponibilité de la large bande en Europe, la Commission devrait fixer un seuil de vitesse de téléchargement effective minimale à partir duquel une connexion Internet peut être appelée «large bande». Cela permettrait de procéder plus facilement à une véritable évaluation de la fracture territoriale en matière d'accès à large bande dans toute l'Union.

2.11

Les Fonds structurels et le Fonds de développement rural devraient être utilisés pour financer des campagnes publiques d'information ciblées visant à stimuler la demande du marché pour la large bande, en particulier dans les zones rurales et auprès de groupes spécifiques de consommateurs où l'utilisation de cette technologie pose problème. Cela aura un double impact: sensibiliser les consommateurs potentiels à la technologie en question, et accroître la pression exercée par le marché sur les fournisseurs afin qu'ils proposent les services à large bande nécessaires.

2.12

La Commission devrait davantage soutenir les efforts de recherche et de développement visant à mettre au point des technologies à large bande qui apporteront de véritables solutions au problème posé par la fourniture d'un accès à large bande et à haut débit dans les zones qui ne sont pas desservies par des infrastructures de télécommunications adéquates.

2.13

Les décideurs devraient fixer des lignes directrices en matière de protection des consommateurs au sujet des services à large bande, en simplifiant la terminologie et en expliquant les services proposés et les avantages dans un langage clair. Les consommateurs pourraient alors prendre plus facilement de bonnes décisions d'achat.

2.14

Chaque enfant fréquentant l'enseignement secondaire devrait disposer d'un accès à large bande dans son école, afin qu'il puisse être intégré dans l'âge de l'information.

2.15

Il convient que la Commission soutienne dans toute l'UE des initiatives visant à familiariser les écoliers, les personnes âgées et les personnes socialement défavorisées avec l'utilisation de la technologie à large bande (par exemple: apprentissage par Internet, vidéoconférences, services publics en ligne, etc.).

2.16

La Commission devrait veiller à ce qu'à l'avenir, toutes les statistiques liées à la fourniture de services à large bande et à la mesure de la fracture numérique et du fossé de la large bande soient compilées et élaborées conformément au récent règlement de la Commission relatif aux statistiques communautaires sur la société de l'information (6).

3.   Contexte

3.1

Le 20 mars 2006, la Commission adoptait sa communication intitulée «Combler le fossé existant en ce qui concerne la large bande». Celle-ci est axée sur la fracture territoriale en ce qui concerne l'accès à la large bande. Elle vise à sensibiliser les gouvernements et les institutions à tous les échelons à l'importance de cette fracture et aux problèmes que pose l'absence de services à large bande dans les régions moins avancées de l'Union européenne. La communication met en œuvre l'une des priorités de l'initiative i2010 — une Initiative européenne pour la croissance et pour l'emploi (7).

3.2

La large bande permet de nouvelles applications en matière de TIC et améliore la capacité des applications existantes. Elle stimule la croissance économique en créant de nouveaux services et ouvre de nouvelles possibilités en matière d'investissements et d'emploi. La large bande accroît également la productivité de nombreux processus existants, entraînant des salaires plus élevés et un meilleur rendement des investissements. Les pouvoirs publics à tous les échelons ont reconnu l'impact que la large bande peut avoir sur la vie quotidienne et sont résolus à faire en sorte que ses avantages soient mis à disposition de tous (8).

3.3

Pour assurer la viabilité à long terme des zones reculées et rurales, une approche stratégique du développement de la société de l'information est nécessaire. L'accès aux services à large bande est un élément-clé pour aider les collectivités à attirer des entreprises, à faciliter le télétravail, à assurer des soins de santé, à améliorer les services éducatifs et administratifs. Il assure un lien essentiel à l'information.

3.4

La demande de services résidentiels à large bande dans l'UE est en progression rapide. Le nombre de lignes d'accès à large bande a presque doublé au cours des deux dernières années. En octobre 2005, on dénombrait quelque 53 millions de connexions dans l'UE des 25, ce qui correspond à un taux de pénétration de 11,5 % de la population et de 20 % environ des ménages. Cette évolution résulte principalement des forces du marché et elle est accentuée par le jeu de la concurrence.

3.5

En dépit de l'augmentation générale de la connectivité à large bande, l'accès des régions reculées et rurales est limité en raison du coût élevé lié à la faible densité de population et à l'éloignement.

3.6

La communication souligne que l'Union européenne doit intensifier les efforts qu'elle déploie pour encourager l'adoption des services à large bande et favoriser la poursuite du déploiement, notamment dans les régions moins développées de l'Union. L'étendue de l'intervention des pouvoirs publics dans les régions moins bien desservies était soulignée dans le plan d'action eEurope 2005 (9), qui mettait l'accent sur le rôle que peuvent jouer les Fonds structurels pour rendre la large bande accessible dans les régions défavorisées.

3.7

La communication met en exergue le rôle de premier ordre joué par les collectivités territoriales dans le développement de la large bande sur leur territoire. Elles sont les mieux placées pour planifier un projet de large bande qui tienne compte des besoins locaux et des exigences technologiques. Les stratégies nationales en matière de large bande doivent être renforcées pour prendre en compte et refléter les besoins locaux.

3.8

La communication identifie plusieurs instruments de décision politique auxquels les pouvoirs publics peuvent recourir au niveau européen afin de combler le fossé existant en ce qui concerne la large bande:

(i)

mise en œuvre du cadre réglementaire des communications électroniques;

(ii)

financement public;

(iii)

financement communautaire: Fonds structurels et Fonds de développement rural;

(iv)

agrégation de la demande et passation de marchés;

(v)

encouragement de la création de services publics modernes.

3.9

En résumé, la communication à l'examen invite tous les échelons des pouvoirs publics de l'Union européenne à tirer parti plus activement des instruments et technologies disponibles afin de combler la fracture numérique grandissante. Les États membres sont invités à mettre à jour leurs stratégies nationales dans le domaine de la large bande afin de donner des orientations supplémentaires à toutes les parties prenantes. Leurs documents peuvent définir des objectifs de couverture et d'utilisation, sur la base d'un partenariat actif avec les autorités régionales et en exploitant les synergies entre différentes sources possibles de financement (nationales, Fonds structurels, Fonds de développement rural). Les stratégies nationales en matière de large bande devraient également fixer des objectifs clairs pour la connectivité des écoles, des administrations publiques et des centres de santé.

4.   Observations

4.1   Observations particulières

4.1.1

Il est essentiel pour le développement économique et social de chaque région de l'Union européenne, qu'elle soit urbaine ou rurale, que les connexions à large bande et à haut débit soient universellement disponibles. C'est particulièrement vrai dans l'économie mondialisée et basée sur la connaissance qui est aujourd'hui le moteur de tant de développement. Les entreprises basées sur la connaissance se développeront là où existeront les compétences et les infrastructures sur lesquelles elles puissent s'appuyer. Une économie du 21e siècle pleine de dynamisme passe nécessairement par une infrastructure à large bande à bas prix et au plus haut niveau de qualité. Par ailleurs, un nombre croissant de services avancés dans le domaine de la santé, de l'éducation et des affaires sociales dépendront de l'existence d'un accès à large bande. S'ils sont privés d'un tel accès, les citoyens de zones défavorisées seront victimes de discriminations supplémentaires.

4.1.2

Contrairement aux États-Unis et à certains pays asiatiques, la plupart des pays européens ont trop tardé à rendre la large bande accessible à leurs citoyens. Même le modeste taux de pénétration de l'accès à large bande cité par la communication, qui s'élève en octobre 2005 à 20 % des ménages dans l'UE des 25, masque le fait que la qualité des connexions (c'est-à-dire la vitesse d'accès) reste mauvaise dans bien des cas, les vitesses de téléchargement étant bien inférieures à 512 kbps tant dans les zones urbaines que rurales, et que la large bande est principalement concentrée dans les zones urbaines, seuls 8 % des ménages étant connectés dans les zones rurales.

4.1.3

Les zones rurales sont particulièrement vulnérables aux évolutions macroéconomiques; sans un accès égal à la large bande, ces zones seront confrontées à un déclin inévitable. Dans les pays caractérisés par une économie de la connaissance, les régions, les grandes et petites villes se livrent concurrence afin d'attirer et de développer des entreprises à forte densité d'information qui accroîtront leur prospérité, l'infrastructure à large bande étant un moteur de premier plan en la matière.

4.1.4

Il convient qu'un accès raisonnable aux connexions Internet à large bande et à haut débit, à la maison et au travail, soit un «droit» pour chaque citoyen de l'UE. Nous rejetons par ailleurs l'affirmation de la Commission selon laquelle «le haut débit n'est pas encore devenu nécessaire à une participation normale à la société, au point que le défaut d'accès implique l'exclusion sociale». La Commission devrait réexaminer la question de l'inclusion de la large bande dans le champ d'application de la définition du service universel dès que l'occasion se présentera.

4.1.5

En outre, la Commission devrait fixer la vitesse de téléchargement effective minimale à partir de laquelle une connexion Internet peut être appelée «large bande». C'est nécessaire afin de veiller à ce que les normes en matière d'infrastructures et de services soient assez élevées afin de permettre l'utilisation de services Internet émergents. De la sorte, la Commission clarifierait la situation réelle qui prévaut en Europe au sujet de la fourniture d'accès à large bande. En effet, les statistiques de connexion sont actuellement gonflées étant donné que la qualité des services à large bande fournis aux consommateurs finaux est trop basse pour être véritablement considérée à large bande. Cela inciterait par ailleurs comme il se doit les sociétés de services à fournir un véritable accès à large bande à leurs clients.

4.2   Obstacles technologiques à l'accès à large bande

4.2.1

Bien que la large bande puisse être fournie sur des plate-formes diverses, les limitations de certaines technologies existantes empêchent la fourniture d'accès dans bon nombre de zones rurales.

4.2.2

Grâce à leur capacité de transmission à haut débit, les systèmes de télévision câblée peuvent constituer un excellent vecteur pour les services à large bande. Malheureusement, bon nombre de zones rurales ne sont pas équipées de réseaux de télévision câblée, et lorsqu'elles le sont, les réseaux doivent souvent être modernisés à grands frais afin de permettre la fourniture de la large bande.

4.2.3

La technologie DSL (Digital Subscriber Line = ligne d'abonné numérique) prédomine dans le domaine de la fourniture de large bande aux abonnés dans une grande partie de l'Europe, et des variantes de DSL peuvent offrir un très haut débit à bas prix. Il existe toutefois plusieurs limitations:

La mise en œuvre de la technologie DSL nécessite une modernisation des centraux locaux auxquels sont reliés les consommateurs. Les opérateurs sont souvent peu enclins à faire les investissements nécessaires, car d'autres opportunités dans leur domaine d'activité présentent un meilleur retour sur investissement, si bien que les consommateurs n'ont pas accès à la large bande.

La plupart des applications de la technologie DSL peuvent uniquement desservir les consommateurs situés dans un rayon de 3 à 5 km du central équipé à cet effet. Les clients plus éloignés ne peuvent bénéficier de la large bande par DSL.

La technologie DSL utilise l'infrastructure câblée en cuivre présente dans le réseau local pour assurer le service à large bande; cette infrastructure est toutefois souvent vétuste et doit être modernisée afin de permettre le bon fonctionnement de la technologie DSL. Les opérateurs sont parfois réticents à investir dans cette modernisation. Ainsi, même lorsque le central local est équipé pour la large bande et que le consommateur est situé à moins de 5 km de celui-ci, il se peut que le câble de cuivre de la boucle locale vers les ménages et les entreprises ne permette pas de fournir de la technologie DSL à large bande.

4.2.4

Une infrastructure dorsale héritée du passé peut représenter un obstacle à la fourniture de services à large bande et à haut-débit, en particulier dans les zones où la densité de population est faible. Par exemple, dans les années 1980 et 1990, de nombreux pays utilisaient la technologie numérique à micro-ondes pour fournir leurs réseaux dorsaux de télécommunications. Cette technologie radio permettait de fournir une téléphonie numérique de haute qualité et des services de transfert de données à vitesse réduite dans de nombreuses zones rurales. Bon nombre d'applications de la technologie numérique à micro-ondes ont toutefois laissé en héritage une infrastructure dorsale inadaptée à la prestation de services Internet à haut débit désormais caractéristiques de l'accès à large bande (services vidéo par Internet). Dans le cas de l'Irlande, on estime qu'à l'échelon national, près de la moitié des centraux (ceux situés dans des zones rurales), desservant quelque 15 % des consommateurs de télécommunications, sont alimentés par cette dorsale radio numérique et ne pourront jamais être reliés à la large bande à haut débit à travers l'infrastructure de télécommunications existant à l'échelon national. Résoudre ce problème lié à l'héritage du passé en desservant les zones rurales par une dorsale en fibre optique est extrêmement onéreux et ne pourrait être justifié par des considérations purement commerciales; l'État serait obligé de subventionner la modernisation du réseau.

4.2.5

La Commission devrait tout particulièrement réfléchir à des moyens par lesquels l'UE et les gouvernements des États membres pourraient contribuer à résoudre la question très coûteuse de la modernisation des infrastructures existantes (dorsales grande distance, centraux et boucle locale), afin de fournir des services à large bande et à haut débit, éventuellement par le biais d'incitations fiscales ou de partenariats public-privé.

4.2.6

Les technologies satellitaires et les technologies sans-fil propriétaires ont été utilisées afin d'assurer des services de large bande dans des zones où l'infrastructure publique de télécommunications n'est pas adaptée à un tel accès. Toutefois, les coûts et les problèmes technologiques limitent l'utilité de ces technologies pour ce qui est de combler le fossé de la large bande. La recherche et développement progressent dans bon nombre de domaines vers la mise au point de technologies sans-fil à faible coût et à haut débit qui permettront un accès véritablement à large bande. Les décideurs devraient apporter un soutien proactif à ces évolutions et devraient traiter les problèmes de disponibilité du spectre radioélectrique afin de rendre ces solutions viables.

4.2.7

On pourrait stimuler davantage l'innovation en matière de fourniture de services à large bande à tout un chacun en créant, à l'échelle de l'UE, un réseau de connaissances entre PME sur l'état de l'art de la technologie en matière de large bande. La mise en place d'un réseau de connaissances serait facilitée par un site Internet reprenant et diffusant l'information.

4.3   Problèmes liés à la fourniture de l'accès à large bande

4.3.1

Avec l'émergence de réseaux à haut débit et de la technologie de mise en réseau par le protocole Internet (IP), les coûts des réseaux ont plongé et la flexibilité permettant d'offrir des services personnalisés est pratiquement illimitée. Dans des pays comme l'Italie, la France, l'Espagne et le Royaume-Uni, les entreprises de télécommunications ont mis en œuvre des réseaux exclusivement basés sur l'IP, générant une réduction massive des frais de fonctionnement des réseaux. La diminution du coût de construction de nouveaux réseaux IP ainsi que la déréglementation ont affaibli le pouvoir des fournisseurs de services dominants, et le nombre de sociétés de télécommunications proposant des services de détail a grimpé de manière considérable.

4.3.2

Ce «déplacement technologique» a modifié le modèle d'entreprise des sociétés de télécommunications. En effet, la propriété du réseau est désormais dissociée de la prestation de services à l'utilisateur final. Sur les marchés efficaces et développés, le nouveau modèle fait la distinction entre sociétés de télécommunications de gros et de détail, plusieurs fournisseurs de services de gros étant en concurrence pour vendre de la largeur de bande à une myriade de fournisseurs de services de détail. Une telle situation reflète les nouvelles technologies, une dynamique des coûts ainsi que des cadres réglementaires qui font passer le point de focalisation du secteur des télécommunications des réseaux vers les services. Cependant, sur les marchés moins développés et moins efficaces, la fourniture de services de télécommunications reste contrôlée par des fournisseurs de services en position dominante qui ne sont pas incités à dissocier leurs activités de gros et de détail et à permettre l'émergence d'une véritable concurrence. Cette séparation ne s'opérera que si les décideurs l'encouragent par le biais de mesures adéquates en matière de politique de la concurrence.

4.3.3

En Europe, il y a 25 ans, la plupart des infrastructures de télécommunications appartenaient aux États membres, qui les développaient dans l'intérêt public. Depuis lors, l'industrie des télécommunications dans l'UE a été progressivement privatisée, ce qui s'est avéré généralement positif pour le secteur, les consommateurs et la société. Cependant, les sociétés de télécommunications régies par des considérations commerciales ne poursuivent pas d'objectifs dans le domaine social, de la santé, de l'éducation ou même du développement économique; elles se concentrent sur la maximalisation des bénéfices, une gestion efficace de leurs actifs et la croissance de leurs propres activités. Actuellement, alors que les installations nécessaires à la prestation de services à large bande dans les régions sous-développées présentent des lacunes, les opérateurs de télécommunications aux préoccupations avant tout commerciales ne sont aucunement incités à investir dans cette infrastructure socialement indispensable. Dans la mesure du possible, il convient que les pouvoirs publics conservent une grande influence sur l'offre et l'entretien de l'infrastructure nationale de télécommunications, équilibrant les rendements élevés d'investissements dans l'infrastructure de zones à forte densité de population et les investissements financièrement bien moins attrayants nécessaires dans les régions sous-développées.

4.3.4

Le déploiement de la large bande dans toute l'Europe, en particulier dans les régions sous-développées, a été entravé par de fréquents dysfonctionnements des marchés. De nombreux marchés restent caractérisés par des conditions peu ouvertes à la concurrence de nouveaux fournisseurs de services potentiels. En effet, les fournisseurs d'infrastructures en position dominante retardent autant que possible le dégroupage de l'accès à la boucle locale, et des pratiques restrictives gênent l'accès aux dorsales nationales. En outre, dans les régions où la large bande est inexistante ou de mauvaise qualité, les fournisseurs d'infrastructures déjà présents sont bien souvent trop peu incités à investir.

4.4   Problèmes liés à la demande de large bande

4.4.1

Le problème de la demande latente des services à large bande, et en particulier l'écart entre l'utilisation de services disponibles dans les zones développées et le taux d'adoption bien plus faible dans les zones moins développées est dû à de nombreux facteurs: considérations socio-économiques; mauvaise qualité des connexions disponibles; faible concurrence; coûts élevés; et méconnaissance des avantages de la technologie et de son mode d'utilisation.

4.4.2

Les décideurs et les gouvernements peuvent exercer une influence de premier ordre sur la demande de large bande. Aussi le Comité se félicite-t-il que la Commission recommande que les États membres envisagent des incitations fiscales pour les abonnés afin de réduire le coût réel du passage à la large bande et fassent du développement des services publics en ligne une priorité. Il salue également le fait qu'il soit recommandé de connecter les administrations publiques, les écoles et les centres de santé afin de familiariser les utilisateurs aux avantages de la large bande et d'alimenter la demande.

4.4.3

La demande de consommation de large bande souffre du manque de clarté de la terminologie liée à la large bande, et de la confusion régnant au sujet des ensembles de services proposés par les fournisseurs. Il convient de veiller à simplifier la terminologie et à expliquer les services et leurs avantages dans un langage facilement compréhensible.

4.4.4

On pourrait recourir à des campagnes publiques d'information afin de stimuler la demande du marché en matière de large bande là où le lancement de cette technologie pose problème. Cela aura un double impact: sensibiliser les consommateurs potentiels à la technologie, et accroître la pression exercée par le marché sur les fournisseurs afin qu'ils proposent les services à large bande nécessaires.

4.5   Vision à large bande pour une Europe connectée

4.5.1

À l'âge de l'information qui est le nôtre, l'accès à large bande est un service public de base. Le besoin de services à large bande plus rapides, moins chers et omniprésents connaît une croissance exponentielle à mesure que l'économie de la connaissance se développe et que l'utilisation d'Internet se diversifie.

4.5.2

D'ici à 2010, nous aurons besoin en Europe d'un service à large bande universel doté d'un débit suffisant pour permettre une véritable utilisation multimédia par tous les utilisateurs; alors les entreprises et la société pourront faire des avancées spectaculaires dans la société de l'information.

4.5.3

La Commission peut donner vie à cette vision en la définissant en termes techniques et commerciaux pertinents, et en promouvant des politiques qui permettent de supprimer les obstacles en ce domaine.

4.6   Nécessité de planification et d'action de la part des pouvoirs publics

4.6.1

Les fournisseurs de large bande concurrentiels voudraient voir un marché où la demande soit structurée, où les consommateurs sachent quels services ils désirent et combien ils sont prêts à payer, et où la demande soit regroupée dans une proposition de services attractive pour un nouveau fournisseur. Une structuration de la demande contribuerait à l'essor d'une véritable concurrence. Elle amènerait en outre les fournisseurs de services à voir les avantages qu'ils peuvent retirer de la prestation de services dans les régions moins développées de l'Union. Le Comité salue l'initiative de la Commission de lancer un site Internet qui facilitera l'agrégation de la demande et facilitera la fourniture de services.

4.6.2

L'UE doit mettre en place pour chaque région un plan cohérent et intégré visant à développer les infrastructures et les services à large bande. Les stratégies nationales en matière de large bande doivent être complétées par des plans détaillés visant à assurer les services à large bande au niveau local dans toutes les régions. De plus, le Comité estime, comme la Commission, que les collectivités locales doivent être les dépositaires et les moteurs de ces plans détaillés. De tels plans comprendraient une carte détaillée de toutes les infrastructures à large bande dans une région ainsi qu'un projet détaillé (allant jusqu'au niveau des rues) sur les modalités d'évolution (quoi, quand et comment) des infrastructures envisagées. Le plan préciserait également la gamme minimum des services à large bande devant être proposés aux divers groupes d'utilisateurs dans les différents endroits.

4.6.3

En raison de l'accélération de l'innovation dans le domaine des technologies des télécommunications et de la nature sans cesse plus dynamique de ce secteur, la Commission et les gouvernements des États membres devront gérer un processus permanent visant à garantir que chaque région de l'UE soit desservie par des infrastructures à large bande qui soient les meilleures et les plus rentables possible.

4.6.4

Les autorités locales et les pouvoirs municipaux peuvent jouer un rôle majeur dans la promotion de la fourniture d'un accès à large bande dans leur région, en menant des initiatives de partenariat public-privé et en mettant en œuvre une réglementation imposant aux promoteurs immobiliers d'inclure l'infrastructure de télécommunications à large bande dans leurs projets.

4.6.5

On peut noter que certains États membres ont su, mieux que d'autres, réagir au problème de la fracture numérique et ont intégré des mesures précises dans leur stratégie nationale en matière de large bande afin de combler le fossé territorial existant dans ce domaine (10).

4.6.6

La politique relative aux stratégies nationales en matière de large bande permet à la Commission de coordonner et d'encourager des mesures cohérentes prises par les gouvernements nationaux dans toute l'Union afin de promouvoir la large bande. Il convient que cette politique soit développée plus avant afin de garantir que les États appliquent les meilleures pratiques en élaborant leur plan, de manière à ce qu'un plan global soit mis en place à l'échelle de l'UE et que la fracture numérique soit ainsi résorbée d'ici à 2010.

Bruxelles, le 13 septembre 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie Sigmund


(1)  Rapport du forum sur la fracture numérique: Broadband Access and Public Support in Under-served areas (Accès à la large bande et soutient public dans les zones faiblement desservies), Bruxelles, le 15 juillet 2005.

(2)  Déclaration ministérielle, Riga, le 11 juin 2006, IP/06/769.

(3)  COM(2005) 203, et directive 2002/22/CE du PE et du Conseil concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques.

(4)  Directive 2002/21/CE relative à un cadre réglementaire commun; directive 2002/19/CE relative à l'accès et à l'interconnexion; et directive 2002/77/CE relative à la concurrence dans les marchés des services de communications électroniques.

(5)  Les «entreprises de télécommunications» comprennent toute entreprise qui propose des services de télécommunications bidirectionnels, notamment les entreprises de téléphonie fixe et mobile, et les sociétés de télévision câblée proposant de tels services.

(6)  Règlement (CE) no 1031/2006 de la Commission du 4 juillet 2006 portant application du règlement (CE) no 808/2004 du Parlement européen et du Conseil concernant les statistiques communautaires sur la société de l'information.

(7)  COM(2005) 229, «i2010 — Une société de l'information pour la croissance et l'emploi».

(8)  COM(2004) 369, «Connecter l'Europe à haut débit: stratégies nationales».

(9)  COM(2002) 263, «eEurope 2005: une société de l'information pour tous».

(10)  En France, le nouveau plan en matière de large bande (septembre 2004) du Comité interministériel pour l'aménagement du territoire (CIADT) constitue un bon exemple de stratégie globale.


23.12.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/229


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 417/2002 relatif à l'introduction accélérée des prescriptions en matière de double coque ou de normes de conception équivalentes pour les pétroliers à simple coque, et abrogeant le règlement (CE) no 2978/94 du Conseil»

COM(2006) 111 final — 2006/0046 (COD)

(2006/C 318/37)

Le 25 avril 2006, le Conseil de l'Union européenne a décidé, conformément à l'article 80, paragraphe 2, du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la communication susmentionnée.

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 4 septembre 2006 (rapporteur: M. SIMONS).

Lors de sa 429e session plénière des 13 et 14 septembre 2006 (séance du 14 septembre 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 187 voix pour, 4 voix contre et 8 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE convient que les États membres doivent respecter leurs engagements politiques. Le fait de soutenir, par le biais de cette proposition de règlement, les États membres qui remplissent cette obligation et de prouver au monde entier que l'UE veille également à appliquer les engagements pris en connexion avec l'OMI est beaucoup plus important que toute conséquence négative, purement hypothétique et très limitée.

2.   Introduction

2.1

Le règlement (CE) no 417/2002 modifié par le règlement (CE) no 1726/2003 a introduit des dispositions interdisant le transport des produits pétroliers lourds dans des pétroliers à simple coque au départ et à destination des ports de l'Union européenne afin de réduire le risque de pollution accidentelle par les hydrocarbures dans les eaux européennes.

2.2

Une interdiction similaire, fondée sur les mesures adoptées par l'UE, a été imposée au niveau mondial par l'Organisation maritime internationale (OMI) par l'instauration des règles 13G et 13H à l'annexe I de la convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires 73/78 (MARPOL). Cependant, en vertu des paragraphes 7 de la règle 13G et 5, 6 et 7 de la règle 13H du règlement MARPOL, les administrations peuvent appliquer une exemption dans certaines conditions. Ce compromis était le prix à payer pour l'adoption d'un texte à portée mondiale. Peu après, la présidence italienne de l'Union, s'exprimant au nom de tous les États membres de l'UE et de la Commission européenne, a déclaré, suite à l'élaboration de l'accord préliminaire de coordination alors habituel et contraignant, qu'ils s'engageaient tous à ne pas invoquer les dispositions relatives à l'exemption. Après l'entrée en vigueur du règlement de l'OMI le 5 avril 2005, un État membre a annoncé à l'OMI, dès le 18 avril 2005, son intention de faire appliquer la clause d'exemption qui fait l'objet de la proposition de la Commission examinée ici. Au cours des mois qui ont suivi, de nombreux États membres ont fait savoir à l'OMI que, conformément à l'accord de coordination, ils n'invoqueraient pas la clause d'exemption. Quatre États membres doivent encore faire une déclaration officielle à cet effet mais ils ont fait savoir au COREPER, et donc à la Commission européenne et aux États membres, qu'ils suivraient rapidement l'exemple des 19 autres États membres.

2.3

La Commission européenne rappelle les accords politiques conclus avant et juste après l'adoption de l'interdiction de l'OMI et la déclaration de la présidence italienne de l'UE, à l'OMI, en décembre 2003, selon laquelle les 15, puis 25 États membres s'engagent à ne pas utiliser les exemptions de la convention MARPOL.

2.4

La Commission européenne propose de modifier le règlement (CE) no 417/2002 afin de traduire l'engagement politique dans un texte législatif qui étendrait la portée du règlement en interdisant le transport des produits pétroliers lourds à tous les pétroliers à simple coque battant un pavillon d'un État membre quelle que soit la juridiction dont relèvent les ports, les terminaux en mer ou la zone maritime où ils opèrent.

3.   Observations générales

3.1

Le CESE rappelle que dans son avis sur Erika II (1), il préconise l'interdiction des pétroliers à simple coque pour le transport des produits pétroliers lourds les plus polluants.

3.2

C'est une question de principe: les États membres doivent mettre en pratique leurs engagements politiques pris au niveau international et garantir la cohérence de la politique communautaire. Cependant, la proposition est précédée d'une brève note explicative consacrée uniquement aux objectifs politiques et en particulier à la déclaration de l'UE au moment de l'adoption de la nouvelle règle 13H du règlement MARPOL.

3.3

Dans son avis sur Erika II, le CESE recommande à l'UE de proposer à l'OMI le classement, dans le cadre de la convention Marpol, des secteurs particulièrement sensibles sur le plan écologique comme «zones à éviter» pour les pétroliers transportant du fioul lourd et l'établissement de systèmes de routage obligatoire conformément à la convention SOLAS (2). Par la suite, l'OMI a réagi aux propositions d'États intéressés et a établi une liste de zones maritimes particulièrement sensibles (eaux d'Europe occidentale, mer Baltique, îles Canaries, archipel des Galapagos) et a étendu la zone de la grande barrière de corail au passage de Torres (Australie Papouasie-Nouvelle-Guinée). Ces zones, de même que celles de l'archipel de Sabana-Camagüey (Cuba), de l'île de Malpelo (Colombie), des Florida Keys (États-Unis) et de la réserve nationale de Paracas (Pérou), qui ont été établies entre 1997 et 2003, sont protégées par des mesures associées telles que les zones à éviter par les pétroliers et autres navires, les mesures d'organisation du trafic, les systèmes de compte rendu et le pilotage. La création de ces zones doit être considérée comme le reflet des politiques des États côtiers visant à minimiser le risque de pollution des pétroliers à simple coque.

3.4

Selon les statistiques présentées en avril 2003 (3) à l'OMI par les États membres et la Commission européenne, quelque 660 pétroliers à simple coque de catégorie 2 (20.000 TPL et plus) étaient opérationnels en novembre 2002, et parmi ceux-ci 160 superpétroliers (VLCC et ULCC, des pétroliers de 200.000 TPL et plus) essentiellement utilisés pour le transport de pétrole brut de la région du Golfe persique vers les États-Unis et le Japon. Les pétroliers peuvent être retirés de la circulation pour de nombreuses raisons ou peuvent être désarmés à tout moment. D'ici la fin de l'année 2006, le nombre maximum de super pétroliers opérationnels sera inférieur à 50 et diminuera chaque année conformément au plan de retrait qui s'achève en 2010. Ces chiffres ne révèlent rien des préoccupations économiques et sociales qui jouent éventuellement un rôle dans le cas de l'exemption invoquée par un État membre. Il n'est toujours pas possible d'obtenir une indication précise des navires concernés en consultant le registre de navigation de l'État en question, en conséquence de quoi cette information reste pure spéculation, ce qui n'est pas digne du CESE. Même si, d'une manière générale, 23 navires et de 300 à 400 marins nationaux sont peut-être concernés, le risque de «transfert de pavillon» n'est pas la première option. Les entrepreneurs/propriétaires de navires perspicaces chercheront simplement à transporter d'autres produits pétroliers et le marché de ces produits est également dynamique.

3.5

Le champ d'application de la présente proposition est fondé sur la réglementation existante relative aux pétroliers de plus de 5.000 tonnes. Cependant, il convient de reconsidérer l'établissement d'une réglementation spéciale pour les pétroliers de moins de 5.000 tonnes.

4.   Observations spécifiques

4.1

Enfin, le CESE croit qu'il convient de clarifier ou de définir le sens de l'expression «produits pétroliers lourds» contenue dans le nouveau paragraphe 3bis proposé à l'article premier.

4.2

Les paragraphes 4 et 5 de l'article 4 du règlement (modifié) (CE) no 417/2002 se réfèrent au paragraphe 3 de l'article 4 de ce règlement. Conformément à la proposition de règlement examinée ici, la Commission propose d'insérer un paragraphe 3bis à l'article 4. Dès lors, les références susmentionnées deviendraient caduques, ce qui ne constitue nullement un objectif poursuivi par la proposition de règlement.

Bruxelles, le 14 septembre 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie Sigmund


(1)  JO C 221, 7.8.2001, p. 54.

(2)  SOLAS: convention pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (Safety of Life at Sea Convention).

(3)  Document OMI MEPC 49/16/1.